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N° 1808

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 octobre 2023

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

 

 

TOME I

 

 

ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION

PAR Mme Valérie BAZIN-MALGRAS

Députée

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 Voir les numéros : 1680 et 1745.


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

PremiÈre partie : les crÉdits de la mission « anciens combattants, mÉmoire et liens avec la nation » proposÉs pour 2024

I. Le programme 169 « Reconnaissance et rÉparation en faveur du monde combattant, mÉmoire et liens avec la Nation »

A. Les grands Équilibres du programme 169 : un budget stable

1. Évolution des crédits du programme 169

2. La revalorisation anticipée du « point de PMI » dès le 1er janvier 2024 témoigne de l’engagement de la secrétaire d’État en faveur du monde combattant, mais demeure insuffisante au regard de la dynamique de l’inflation

B. PMI, droits et soutiens aux invalides

1. Les droits liés aux pensions militaires d’invalidité

a. Les droits dérivés liés à l’invalidité

b. Le remboursement des réductions sur les transports

c. Le régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre

2. Pensions militaires d’invalidité et allocations rattachées

3. Subvention de l’Institution nationale des Invalides

C. Reconnaissance envers le monde combattant : solidaritÉ et allocation de reconNaissance

1. Action sociale et solidarité en faveur du monde combattant

2. L’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG)

3. L’allocation de reconnaissance du combattant – anciennement retraite du combattant

D. Les actions en faveur des harkis et des rapatriÉs

1. Les crédits inscrits en PLF 2024

2. Le bilan de la deuxième année de mise en œuvre de la loi du 23 février 2022

E. Les liens entre la jeunesse et les ArmÉes

1. La journée défense et citoyenneté

2. La poursuite du déploiement du service militaire volontaire sur le territoire national

F. La politique de mÉmoire

1. La nécessité de promouvoir le « travail de mémoire »

a. Les commémorations

b. Les actions pédagogiques du ministère des Armées

2. L’entretien et la valorisation des lieux de mémoire

G. L’effort fiscal et social de l’État en faveur du monde combattant

II. Le programme 158 « Indemnisation des victimes des persÉcutions antisÉmites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale »

A. L’indemnisation des orphelins de la dÉportation et des victimes de spoliations

1. L’indemnisation des orphelins

2. L’indemnisation des victimes de spoliations

a. Le bilan d’activité du dispositif d’indemnisation des victimes de spoliations matérielles et bancaires depuis le début des travaux de la CIVS

b. Les biens culturels spoliés

B. L’indemnisation des victimes d’actes de barbarie

Seconde partie : les maisons ATHOS – un programme de rÉhabilitation psychosociale adaptÉ À la singularitÉ de la blessure psychique du militaire

I. Les maisons ATHOS, un dispositif innovant de rÉhabilitation psychosociale des militaires blessÉs pSYchiques en cours de dÉploiement

A. Les maisons ATHOS ont ÉTÉ expÉrimentÉes dÈs 2021 pour rÉpondre À UN besoin de prise en charge non mÉdicalisÉe des militaires bléssÉs psychiques

1. L’apparition d’un réel besoin des forces dans un contexte de montée en puissance de la problématique de la blessure psychique dans les armées

a. L’augmentation du nombre de blessés psychiques lié aux OPEX a contribué à la prise de conscience du ministère des armées

b. L’inspiration de modèles étrangers a abouti à la création d’un modèle original non médicalisé, adapté à la singularité des blessés militaires psychiques

2. Un dispositif initialement expérimenté par l’armée de Terre, puis pérennisé et placé sous le pilotage opérationnel partagé de l’ONaCVG et de l’IGESA en 2023

a. Les conditions d’entrée dans le dispositif : un dispositif qui s’adresse aux militaires et anciens militaires blessés psychiques volontaires et dont l’état est stabilisé

b. Un « sas » et un « hub »

c. Un parcours individualisé et cogéré par les membres qui permet à chacun d’aller à son rythme

B. Les rÉsultats encourageants de l’expÉrimentatIon ATHOS ont conduit À ouvrir la voie À une extension du dispoSitif

1. L’ouverture de quatre maisons semble avoir donné satisfaction malgré l’absence de bilan chiffré public à la fin de l’expérimentation

a. L’ouverture de quatre maisons aux enjeux différents

b. Des résultats difficiles à objectiver mais une satisfaction d’ensemble des membres

2. Un dispositif ayant vocation à monter en puissance sur l’ensemble du territoire

a. Une rénovation de la gouvernance comme un préalable à la montée en puissance

b. L’établissement d’un financement pérenne doit contribuer à la soutenabilité financière du dispositif

c. L’objectif à terme d’ouvrir six nouvelles maisons ATHOS dans le cadre du plan Blessés, dont une à deux maisons en Outre-mer

II. Un dispositif pour l’instant circonscrit qui n’a pas vocation À remplacer les autres possibilitÉs de prise en charge des blessÉs psychiques et dont la montÉe en puissance annoncÉe nÉcessite certains prÉalables

A. malgrÉ l’extension prÉvue du dispositif, ATHOS ne peut, ni ne doit apparaÎtre comme la rÉponse unique À la prise en compte de la blessure psychique

1. La permanence d’un delta important entre le nombre de blessés psychiques estimé et le nombre de membres des maisons ATHOS s’explique par plusieurs facteurs

2. Des difficultés rencontrées par certaines maisons, arrivées à « saturation » qui justifient la volonté d’extension du dispositif

B. Les recommandations de votre rapporteure

1. Mieux identifier les militaires sortis de l’institution potentiellement éligibles

2. Développer la communication autour du dispositif et poursuivre les dispositifs « d’aller vers » aujourd’hui expérimentés

3. Poursuivre et accélérer la simplification des démarches administratives et du parcours du blessé

4. Veiller à l’égalité territoriale du dispositif notamment en Outre-mer

5. Mener une véritable évaluation du dispositif, tout en consolidant sa gouvernance

6. Poursuivre le développement des partenariats extérieurs et du mécénat pour l’ouverture de nouvelles maisons, tout en veillant à préserver l’indépendance du dispositif

Travaux de la commission

I. Audition de Mme Patricia MirallÈs, secrÉtaire d’État chargÉe des anciens combattants et de la MÉmoire

II. Audition de reprÉsentants d’associations d’anciens combattants

III. Examen des crÉdits

Annexe :  Auditions et dÉplacement de la rapporteure pour avis

 


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Introduction

Alors que l’année 2023 a été marquée par la mort de Léon Gautier, dernier survivant du commando Kieffer et dernier Français ayant participé au Débarquement, décédé le 3 juillet 2023, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est plus que jamais nécessaire pour assurer la pérennité du travail de mémoire, élément essentiel au renforcement des forces morales de notre Nation. Il est de notre devoir, en effet, de veiller à ne jamais laisser s’éteindre le flambeau du Souvenir.

Aussi, l’année 2024 sera-t-elle rythmée par le cycle des commémorations des 80 ans de la Libération et des débarquements, tout en poursuivant la délocalisation des cérémonies nationales entamée en 2023, dans le but d’associer plus largement nos concitoyens aux cérémonies et, tout particulièrement, les plus jeunes d’entre eux.

L’année 2024 se caractérise également par la mise en œuvre du plan Blessés 2023-2027, dans un double objectif de simplification des démarches et de renforcement de l’accompagnement des blessés militaires et de leurs familles. En conséquence, votre rapporteure a souhaité consacrer la partie thématique de son avis budgétaire aux maisons ATHOS, dispositif de réhabilitation psychosociale des militaires blessés psychiques, nécessaire et pourtant encore méconnu du grand public.

Par ailleurs, il importe de revenir sur les nombreuses avancées enregistrées depuis le début de la législature, répondant à des demandes de longue date des associations combattants. Au premier rang desquelles, la revalorisation anticipée de de 3,5 % de la pension militaire d’invalidité (PMI), l’élargissement de la demi-part fiscale à tous les conjoints survivants des anciens combattants titulaires de la carte du combattant quelle que soit la date du décès ou encore pour les Harkis, l’augmentation de plus de 30 % de la dotation pour le financement du droit à réparation.

Votre rapporteure salue à ce titre l’implication et la réactivité de la secrétaire d’État chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, Mme Patricia Mirallès. Comme l’année dernière votre rapporteure, sera vigilante à ce que les avancées obtenues soient préservées et que la dynamique positive se poursuive.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La rapporteure pour avis avait demandé que les réponses à ses questionnaires budgétaires lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2023, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette date, 94 réponses sur 99 lui étaient parvenues, soit un taux de 95 %.


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   PremiÈre partie :
les crÉdits de la mission « anciens combattants, mÉmoire et liens avec la nation » proposÉs pour 2024

Depuis 2022, la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation comprend deux programmes : le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation » et le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale ».

En 2024, le projet de budget des deux programmes s’élève à 1,9 milliard d’euros en crédits de paiement (CP), stable par rapport à la loi de finances pour 2023. La très légère baisse constatée (-0,38 %) n’est néanmoins que le reflet de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires de la dette viagère – pensions militaires d’invalidité et retraite du combattant – alors que l’immense majorité d’entre eux a combattu durant la Guerre d’Algérie, il y a plus de soixante ans.

Votre rapporteure estime que le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », s’inscrit dans la continuité des efforts du Gouvernement en faveur des anciens combattants, de la mémoire et du lien armées-Nation. Comme l’année dernière, il s’agit d’un budget globalement respectueux du monde combattant, même s’il pourrait s’avérer plus ambitieux dans un contexte où l’inflation demeure élevée. Le projet de loi de finances pour 2024 contient également des mesures nouvelles, destinées à conforter le droit à la reconnaissance et à la réparation. Votre rapporteure s’inquiète néanmoins de voir que les prévisions indicatives de crédits pour les exercices 2025 (1,8 milliard d’euros) et 2026 (1,66 milliard d’euros) se caractérisent par une trajectoire descendante. Interrogée sur ce point par votre rapporteure lors de son audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées le 11 octobre dernier, la secrétaire d’État aux Anciens combattants et à la Mémoire a néanmoins assuré que ces évolutions n’étaient qu’indicatives et n’intégraient pas les éventuelles mesures nouvelles. Toutefois, votre rapporteure sera vigilante à ce que la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires de la mission ne s’accompagne pas systématiquement d’une simple réduction des crédits mais puisse également permettre de financer de nouveaux droits ou d’amplifier les dispositifs existants.

Deux points saillants de ce projet de budget peuvent notamment être mis en exergue.

D’une part, le projet de loi de finances s’inscrit dans le cadre d’une année riche en rendez-vous mémoriels, marquée par la tenue du cycle de commémoration des 80 ans des débarquements et de la Libération. En effet, le projet de budget accorde 42,40 M€ (CP) pour la politique de mémoire, soit une hausse de 87 % par rapport à la LFI 2023 (22,70 M€ (CP), dont 19,80 M€ seront affectés au financement des commémorations.

D’autre part, il s’agit de la mise en œuvre du nouveau plan d’accompagnement des blessés militaires et de leurs familles (près de 5 millions d’euros de mesures nouvelles), présenté par la secrétaire d’État aux Anciens combattants et à la Mémoire au printemps dernier, qui intègre notamment l’entrée en vigueur de dispositions importantes adoptées dans le cadre de la loi de programmation militaire 2024-2030, comme la réparation intégrale et l’assouplissement de la majoration pour tierce personne. À titre principal, le projet de budget intègre la pérennisation du dispositif ATHOS, dispositif non médicalisé de réhabilitation psychosociale pour les militaires et anciens militaires blessés psychiques. À compter du 1er juillet 2023, ce dispositif expérimenté initialement par l’armée de Terre depuis 2021, s’est doté d’une gouvernance pérenne, copilotée par l’ONaCVG et l’IGESA, sous l’autorité d’un comité directeur coprésidé par le Secrétaire général pour l’administration (SGA) et le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), occasionnant de nouveaux besoins pour la mission. Pour 2024, les crédits inscrits dans le cadre du projet de loi de finances doivent permettre de financer la montée en puissance de la quatrième maison ATHOS et les ouvertures des cinquième et sixième maisons.

Enfin, le PLF 2024 consacre 69,80 M€ (en augmentation de 9,80 M€ par rapport à la LFI 2023) au financement du droit à réparation (DAR) créé par la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie, anciennement de statut civil de droit local et de réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de séjour dans certaines structures sur le territoire français, dont 20 millions d’euros pour financer l’accélération et l’extension du droit à réparation en faveur des Harkis, à travers l’ajout de 45 nouveaux sites, conformément aux recommandations de la commission indépendante présidée par M. Jean-Marie Bockel. Ce DAR a pour objet d’assurer la réparation des préjudices résultant des « conditions indignes d’accueil » des personnes rapatriées d’Algérie, anciennement de statut civil de droit local et des membres de leurs familles sur le territoire français sous la forme d’une somme forfaitaire fixée en fonction d’un barème tenant compte de la durée du séjour des intéressés dans ces structures d’accueil.

Évolution quinquennale des crÉdits de la mission

(en millions d’euros)

(hors contribution de l’État au CAS Pensions)

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

LFI 2023

PLF 2024

Plafond des CP

2 159

2 089

2 085

1 931

1 923

Source : PAP 2024.

  1.   Le programme 169 « Reconnaissance et rÉparation en faveur du monde combattant, mÉmoire et liens avec la Nation »

A.   Les grands Équilibres du programme 169 : un budget stable

Le projet de budget du programme 169 s’élève à 1,835 milliard d’euros en crédits de paiement (CP), soit une diminution de 4 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, correspondant à une baisse de 0,22 %. Il convient de noter que la maquette budgétaire connaît plusieurs évolutions significatives au premier rang desquelles la scission en deux actions distinctes des crédits dévolus aux PMI, droits et soutiens aux invalides de ceux dévolus à l’allocation de reconnaissance du combattant, anciennement retraite du combattant, autrefois regroupées dans une action unique « Administration de la dette viagère ».


1.   Évolution des crédits du programme 169

Évolution des crÉdits du programme 169 (hors Fdc et AdP)

Mission « Anciens combattants »
Actions / sousactions

LFI 2023

PLF 2024

AE

CP

AE

CP

 

 

Action 2

PMI, droits et soutiens aux invalides

878 076 526

884 816 526

826 074 042

835 234 042

Sous‑action

21

Droits dérivés liés à l’invalidité

36 994 116

36 994 116

38 761 732

38 761 732

Sous‑action

22

Rembt transport SNCF

701 444

701 444

1 680 000

1 680 000

Sous‑action

23

Rembt prestations SÉCU

71 830 010

71 830 010

80 849 642

80 849 642

Sous‑action

24

PMI et allocations rattachées

754 845 956

754 845 956

690 347 441

690 347 441

Sous‑action

25

Institution nationale des invalides : subventions

13 705 000

20 445 000

14 435 227

23 595 227

 

Action 3

Reconnaissance envers le monde combattant

806 400 708

806 400 708

819 365 041

819 365 041

Sous‑action

31

Maj. Rentes mutualistes

211 414 058

211 414 058

194 955 926

194 955 926

Sous‑action

32

Subventions associations

310 000

310 000

360 000

360 000

Sous‑action

33

Indemnités, pécules et voyages

50 000

50 000

50 000

50 000

Sous‑action

34

Action sociale ONAC

25 000 000

25 000 000

25 000 000

25 000 000

Sous‑action 35

Subventions ONAC

60 209 293

60 209 293

62 560 485

62 560 485

Sous-action 38

Allocation de reconnaissance du combattant

509 417 357

509 417 357

536 438 630

536 438 630

 

Action 7

Actions en faveur des rapatriés

100 917 866

100 917 866

112 202 301

112 202 301

 

Action 8

Liens armées-jeunesse

24 557 099

24 524 242

26 085 874

26 085 874

 

Action 9

Politique de mémoire

22 661 055

22 661 055

42 429 366

42 429 366

Sous-action 1

Mémoire et patrimoine mémoriel

0

0

40 690 000

40 690 000

Sous-action 2

CNC-CL subventions

1 739 366

1 739 366

1 739 366

1 739 366

Total P 169

1 832 613 254

1 839 320 397

1 826 156 624

1 835 316 624

Source : PAP 2024 – données intégrant les ressources auparavant couvertes par le programme 167 (actions 8 et 9).

2.   La revalorisation anticipée du « point de PMI » dès le 1er janvier 2024 témoigne de l’engagement de la secrétaire d’État en faveur du monde combattant, mais demeure insuffisante au regard de la dynamique de l’inflation

L’augmentation de la valeur du point de point de PMI constitue une revendication de longue date des associations anciens combattants. Le point de PMI a une incidence sur trois dispositifs majeurs de la condition militaire ou du monde combattant : les pensions militaires d’invalidité en elles-mêmes, l’allocation de reconnaissance (anciennement retraite du combattant) et la rente mutualiste du combattant (RMC).

Pour mémoire, le 1er janvier 2023, le Gouvernement avait déjà consenti à une revalorisation anticipée par décret du point d’indice de PMI à hauteur de 3,5 %, pour un coût total de 41,6 millions d’euros (28,40 M€ pour les PMI et 19,50 M€ pour les allocations de reconnaissance du combattant), afin de tenir compte de la hausse du point d'indice de la fonction publique intervenue en juillet 2022 dans un contexte de forte inflation. L’arrêté du 24 mars 2023 pris en application du décret n° 2022-1649 du 23 décembre 2022 modifiant les dispositions transitoires de fixation de la valeur du point PMI a porté le point PMI à 15,63 € au 1er janvier 2023, soit une hausse du point PMI de 58 centimes.

Cette initiative avait été saluée par les associations d’anciens combattants, qui déploraient le décalage injustifié existant entre, d’une part, la hausse de l’inflation et la revalorisation du point d’indice de la fonction publique de 3,5 % intervenue le 1er juillet 2022 et, d’autre part, la revalorisation du point de PMI. Ce décalage d’un an résulte des nouvelles modalités d’indexation de la valeur du point de PMI, établies par le décret n° 2022-128 du 4 février 2022, modifiant les modalités de fixation de la valeur du point de pension militaire d'invalidité, conformément à ce que prévoyait l’article 42 de la loi de finances initiale pour 2022. Le décret indique, en effet, que « la valeur du point de pension au 1er janvier 2023 est fixée en fonction de l'évolution cumulée et constatée de l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l'État des deux premiers trimestres de l'année 2022 ». Compte tenu de ce nouveau mode de calcul, la prise en compte de la hausse de l’indice de la fonction publique, ne devait intervenir qu’au 1er janvier 2025.

Dès lors, l’engagement pris devant la commission de la Défense le 11 octobre 2023 par la secrétaire d’État chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, Mme Patricia Mirallès, d’avancer d’un an au 1er janvier 2024, la revalorisation du point de PMI répercutant ainsi la hausse de 1,5 % du point d’indice de la fonction publique, intervenue en juillet dernier, permet à nouveau de répondre en partie aux attentes des associations. Votre rapporteure salue cette décision nécessaire qu’elle appelait de ses vœux, décision entièrement justifiée par la nécessité de préserver le pouvoir d’achat des anciens combattants, dans un contexte de fortes tensions inflationnistes.

Néanmoins, alertée par les associations du monde combattant constituant le « G12 », votre rapporteure reste attentive à ce que le Gouvernement s’engage à préserver le pouvoir d’achat des anciens combattants au juste niveau et dans la durée. Ces derniers ont en effet témoigné de l’insuffisance de l’augmentation du point PMI face à l’inflation, dont le niveau actuel participe à une dégradation du niveau de vie des anciens combattants. En particulier, les invalides de guerre et leurs ayant-causes ainsi que les anciens combattants percevant une retraite modeste sont particulièrement préoccupés par cette évolution et subissent un accroissement des difficultés matérielles rencontrées. Des mesures exceptionnelles sont réclamées pour tenter de combler ce fossé qui s’accentue : le rattrapage nécessaire est estimé à environ 9,75 % au 1er janvier 2023 par les associations, au regard de l’écart constaté entre l’évolution des prix à la consommation depuis 2005 (+31,01 %) et l’évolution du point de PMI sur la même période (+21,26 %), contre 6,70 au 1er janvier 2022.

Votre rapporteure, si elle tient à saluer l’action volontariste de la ministre, appelle néanmoins de ces vœux une revalorisation plus significative du point de PMI. Contrainte par les règles de recevabilité attachées aux amendements de crédits, votre rapporteure se voit dans l’incapacité de proposer un amendement qui viendrait revaloriser le point de PMI, sauf à prélever les crédits nécessaires à la revalorisation du point de PMI au sein du programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale ». Elle ne peut se résoudre à « déshabiller Pierre, pour habiller Paul » et appelle en conséquence le Gouvernement à consentir à cette revalorisation supplémentaire a minima de 3,05 % (9,75 % - 6,70 %) par voie d’amendement.

Enfin, votre rapporteure sera attentive à ce que le réexamen de l’évolution du point d’indice de la pension militaire d’invalidité par un groupe de travail tripartite, associant le Parlement, intervienne effectivement tous les deux ans et que, le rapport produit, puisse nourrir utilement le travail de contrôle mené par les députés dans un calendrier compatible avec l’examen du projet de loi de finances.

 

Focus : Revalorisation de la valeur du point de pension militaire d’invalidité (PMI)

Depuis 2005, la revalorisation de la valeur du point de pension militaire d’invalidité (PMI) est réalisée en fonction de l'indice de traitement brut – grille indiciaire de la fonction publique de l'État (ITB-GI), conformément à l’article L. 125-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). Ce dernier est défini par le ministre chargé de la fonction publique et publié chaque trimestre de l’année (vers les 15 janvier, mars, juin et septembre) par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

La valeur du point de PMI a une incidence sur trois dispositifs majeurs de la condition militaire ou du monde combattant : les PMI, l’allocation de reconnaissance du combattant (anciennement « retraite du combattant ») et la rente mutualiste du combattant (RMC).

La dernière décennie ayant été marquée par une relative stabilité de la valeur de la grille indiciaire de la fonction publique (ITB-GI ([1])), les principales associations du monde combattant considèrent que ce dispositif n’a pas permis de maintenir le pouvoir d’achat des pensionnés au cours de cette période. À noter, néanmoins, que le point d’indice des fonctionnaires a fait l’objet d’une augmentation de 3,5 % au 1er juillet 2022 et de 1,5 % au 1er juillet 2023.

Aussi, un groupe de travail (GT) tripartite a été réuni à l’initiative de la demande de la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Ce GT présidé par un conseiller d’État et composé d’une parlementaire, des représentants des principales associations d’anciens combattants, de la direction du budget et du ministère des Armées, a examiné le dispositif des PMI ainsi que l’évolution du mécanisme d’indexation du point de PMI.

Le rapport de ce GT remis à la ministre en mars 2021 a fait le constat d’un décalage entre la valeur de l’indice du point de PMI et l’indice des prix à la consommation hors tabac depuis 2005, en défaveur des bénéficiaires d’une PMI. En conclusion de ces travaux, plusieurs propositions ont été formulées et validées par la ministre dont celle du GT de conserver la grille indiciaire de la fonction publique comme valeur de référence ainsi que celle des représentants des associations de l’accompagner d’une mesure correctrice applicable dès le 1er janvier 2022.

L’article 42 rattaché au projet de loi de finances pour 2022 a donc eu pour objet de porter la valeur du point de PMI à 15,05 €, valeur qui permet de couvrir l’écart cumulé entre l’indice de traitement brut de la grille indiciaire de la fonction publique (l’ITB-GI) et l’évolution des prix à la consommation (l’IPC-HT) sur la période 2018-2021. L’article prévoit également qu'un décret en Conseil d'État fixe les nouvelles modalités d’indexation de la valeur du point de pension sur l’évolution de l’ITB-GI.

Ce décret paru le 4 février 2022 définit le principe d’une date annuelle unique pour la prise d’effet de l’actualisation de la valeur du point et détermine les modalités de fixation de la valeur du point de pension militaire d'invalidité. La valeur du point est ainsi fixée annuellement, à compter du 1er janvier 2024, par arrêté interministériel. Elle est indexée sur l'évolution cumulée et constatée de l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l'État du troisième trimestre de la pénultième année au deuxième trimestre de l'année précédente inclus. Ce décret prévoit également les modalités de fixation de la valeur du point au 1er janvier 2023 et les modalités de suivi des effets du mécanisme d'indexation dans la durée. Le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre procède au suivi régulier des effets de l'application des modalités de revalorisation du point de pension, en engageant le cas échéant des consultations préalables. Avec le ministre chargé du budget, ils établissent tous les deux ans un rapport comparant l'évolution constatée de la valeur du point de pension et l'inflation, qui est adressé au Parlement. Cette clause de revoyure sera appliquée au 1er trimestre 2024.

L’arrêté du 24 mars 2023 (pris en application du décret n°2022-1649 du 23 décembre 2022 modifiant les dispositions transitoires de fixation de la valeur du point PMI) a porté le point PMI à 15,63 € au 1er janvier 2023, afin de prendre en compte la hausse de la valeur du point d’indice de la fonction publique de 3,5% intervenue au 1er juillet 2022. Le coût de cette hausse du point PMI de 58 centimes est estimé à 28,4 M€ pour les PMI et 19,5 M€ pour les allocations de reconnaissance du combattant.

Évolution des effectifs des pensionnés et de l’allocation de reconnaissance du combattant

 

PMI

Allocation de reconnaissance du combattant

2013

266 914

1 200 185

2014

254 668

1 159 167

2015

241 360

1 108 925

2016

230 285

1 058 921

2017

216 496

1 000 550

2018

206 676

940 071

2019

196 660

913 012

2020

186 288

857 205

2021

171 750

797 887

2022

162 263

730 403

2023 (prévisions)

152 190

674 220

2024 (prévisions)

142 743

622 358

Source : PAP 2024

B.   PMI, droits et soutiens aux invalides

Les crédits de l’action 2 proposés par le PLF 2024 s’élèvent à 826 millions d’euros en AE et 835 millions d’euros en CP, soit une baisse de 5,60 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2023 due à la diminution des effectifs bénéficiaires de pensions militaires d’invalidité et droits dérivés correspondant. Cette action recouvre les dépenses relatives au paiement des pensions militaires d’invalidité des victimes de guerre (PMIVG), les droits accessoires ouverts aux titulaires d’une pension militaire d’invalidité (PMI) et les subventions et dotations allouées à l’Institution nationale des invalides (INI).

Cette baisse ne doit cependant pas masquer l’adoption des mesures nouvelles suivantes dans le cadre du plan Blessés (3,38 M€) : assouplissement de l’attribution de la majoration tierce personne dans le cadre des pensions militaires d'invalidité (0,62 M€) ; réparation intégrale en application de l’article 21 de la loi de programmation militaire (2 M€) ; financement par la commission des secours et des prestations complémentaires (CSPC) des prothèses à but exclusivement sportif et autres équipements sportifs en faveur des titulaires de PMI (0,34 M€) et diverses mesures de revalorisation des tarifs et d’amélioration des expertises médicales du régime des pensions militaires d’invalidité (0,42 M€).

1.   Les droits liés aux pensions militaires d’invalidité

Les crédits de la sous-action 21, 22 et 23 financent les droits liés aux PMI, c’est-à-dire les soins médicaux gratuits et les appareillages, en application des dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, des réductions sur les transports, ainsi que le régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre, qui prend en charge les pensionnés invalides à 85 % et plus ne détenant pas déjà la qualité d’assuré social.

a.   Les droits dérivés liés à l’invalidité

Les crédits de la sous-action 21 proposés par le PLF 2024 s’élèvent à 38, 8 millions d’euros, soit une hausse de 1,77 million d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.

Concernant les crédits relatifs aux soins médicaux gratuits et l’appareillage des mutilés, conformément aux dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre :

– l’article L. 212-1 charge en effet l’État de la prise en charge, au profit des pensionnés de guerre, des « prestations médicales, paramédicales, chirurgicales et pharmaceutiques nécessitées par les infirmités qui donnent lieu à pension, en ce qui concerne exclusivement l’ensemble des séquelles résultant de la blessure ou de la maladie pensionnée » ;

– l’article L. 213-1 précise, quant à lui, que les invalides « ont droit aux appareils, produits et prestations nécessités par les infirmités qui ont motivé leur pension ». Ajoutant que « les appareils sont fournis, réparés et remplacés aux frais de l’État dans les conditions prévues par le présent code, tant que l’infirmité en cause nécessite l’appareillage ».

En outre, la sous-action finance également les frais de gestion de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) ainsi que, depuis dix ans, les expertises médicales prescrites aux demandeurs de PMI.

La sous-action se ventile de la manière suivante :

18,3 millions d’euros s’agissant des soins médicaux gratuits, en augmentation de 1,1 % par rapport à la LFI 2023 alors que le nombre de bénéficiaires continue de diminuer (-5,6 %) ;

5,3 millions d’euros s’agissant des frais d’appareillage des mutilés, en hausse de 0,5 million d’euros (+10,42 %) par rapport à la LFI 2023. Cette dotation permet de maintenir un niveau de financement de qualité dans un contexte d’amélioration des techniques. En ce sens, la sous-action prend en charge une enveloppe budgétaire allouée à la commission des secours et prestations complémentaires (CSPC) pour le financement de prothèses de nouvelle génération. L’enveloppe devrait permettre de financer en 2024 environ neuf prothèses.

Conformément aux avancées contenues dans le plan Blessés, la dotation 2024 permettra également la prise en charge de prothèses à but exclusivement sportif et autres équipements sportifs en faveur des titulaires de PMI, pour un montant prévisionnel de 336 000 euros.

1,4 million d’euros pour les frais d’expertise, en hausse de 0,4 million d’euros (+40 %) par rapport à 2023. Cette augmentation de 0,40 M€ intègre la prise en compte de mesures nouvelles prises dans le cadre du plan d’accompagnement des blessés du ministère des Armées pour recruter et fidéliser les experts médicaux (revalorisation des tarifs des expertises médicales, amélioration de la motivation des médecins experts et création à titre expérimental d’une cellule dédiée à l’instruction des cas complexes).

4,4 millions d’euros pour la dotation annuelle de la CNMSS en 2024, en hausse de 300 000 euros par rapport à la LFI 2023, correspondant au niveau de consommation réelle constaté en 2022. L’impact de la mutualisation des effectifs affectés aux deux missions déléguées, complémentaires, APIAS et SMG/appareillage en termes de diminution du coût global semble en effet avoir atteint son maximum, sans diminution supplémentaire à attendre.

7,3 millions d’euros au titre des affections présumées imputables au service (APIAS), en baisse de 1,7 million d’euros par rapport à 2023.

Par ailleurs, à compter de l’exercice 2024, cette sous-action inclut le nouveau dispositif de réparation intégrale, prévu par la loi de programmation militaire 2024-2030, pour une dotation de deux millions d’euros.

Le dispositif de réparation intégrale

L’article 21 de la loi de programmation militaire 2024-2030 fait évoluer le cadre juridique de la réparation des préjudices subis par les blessés pour consolider le dispositif de réparation complémentaire et mettre en place une réparation intégrale pour les blessures intervenues dans le cadre de missions présentant un niveau de dangerosité particulier.

Ainsi, en sus de la pension et sans avoir à démontrer une faute de l’État, les militaires concernés auront droit au versement d’une indemnité pour compenser l’éventuelle insuffisance de la pension à couvrir les prézjudices de perte de revenus et d’incidence professionnelle, de déficit fonctionnel et de frais d’assistance par une tierce personne. La mesure permet ainsi d’améliorer les garanties offertes aux militaires dans le cadre de leurs missions opérationnelles (en prévoyant, pour ces activités spécifiquement militaires, un régime en apparence plus favorable que celui applicable aux agents civils mais qui vient en réalité compenser les inconvénients que peut induire le calcul forfaitaire du déficit fonctionnel permanent et du recours à la tierce personne, propre aux militaires). Cette mesure a également pour effet de ne plus contraindre le militaire blessé à devoir rechercher une faute de sa hiérarchie dans la préparation ou le déroulement d'une opération de combat pour pouvoir espérer obtenir une réparation intégrale de ses préjudices subis.

Source : PAP 2024

b.   Le remboursement des réductions sur les transports

La sous-action 22 soutient la prise en charge par l’État des réductions de transport ferroviaire de 50 % à 75 % pour les pensionnés dont le taux d’invalidité est supérieur ou égal à 25 % et la gratuité pour l’accompagnateur des plus grands invalides.

La dotation inscrite en PLF s’élève à 1,68 million d’euros, contre 0,70 millions d’euros en 2023, soit une augmentation de près d’1 million d’euros. En effet, après une consommation en forte diminution en 2020 et maintenue à un faible niveau en 2021, la facture 2023 (voyages effectués en 2022) est en hausse par rapport aux prévisions initiales. Cette augmentation est liée à la normalisation du contexte sanitaire.

c.   Le régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre

La sous-action 23 retrace les financements du régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre, qui prend en charge les pensionnés invalides à 85 % et plus qui ne détiennent pas déjà la qualité d’assuré social. Les crédits pour 2024 s’élèvent à 80,85 millions d’euros en PLF, soit une augmentation de 9 millions d’euros (+12,6 %). Dans un contexte de décroissance constante des effectifs (3 784 au 31 décembre 2022), cette augmentation résulte de la facture établie en 2023 au titre des dépenses du régime en 2022 qui a connu une hausse inattendue et sert de base à la demande de crédits pour 2024. Selon les informations fournies à votre rapporteure, les dépenses du régime en 2022, ayant été supérieures à la prévision retenue au PLF 2023, il a été choisi de manière prudentielle de reconduire le montant des dépenses 2022 pour le PLF 2024, dans l’attente de données permettant d’améliorer la méthode de prévision pour les années ultérieures.

Les crédits pour 2024 comprennent par ailleurs une provision pour les victimes d’acte de terrorisme d’un montant de 0,50 M€ - conformément à la nouvelle disposition mise en place dans le projet de loi de finances pour 2023.

2.   Pensions militaires d’invalidité et allocations rattachées

La sous-action 24 recouvre les dépenses relatives au paiement des pensions militaires d’invalidité des victimes de guerre (PMIVG). Ils sont intégralement reversés au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, dont le programme 743 assure le règlement via les centres régionaux des pensions et le centre de la trésorerie générale pour l’étranger.

En PLF 2024, le budget proposé pour le versement des PMI s’établit à 690,35 millions d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 64,50 M€ par rapport à la loi de finances pour 2023 (-8,54 %), plus que proportionnelle à la diminution des effectifs pensionnés (en diminution de -6,2 % par an). Le projet de budget s’appuie sur l’hypothèse d’un point PMI à 15,65 € au 1er janvier 2024, ne prenant pas en compte la revalorisation annoncée par la secrétaire d’État. Le nombre estimé de pensionnés au 31 décembre 2023 s’élève à 152 190 pensionnés et la prévision est de 142 743 pensionnés pour 2024. La tendance à la diminution des effectifs observée les années précédentes se poursuit. En effet, il apparaît que les entrées dans le dispositif des anciens combattants des opérations extérieures ne compensent pas les sorties résultant de la disparition progressive des générations du feu précédentes, notamment des anciens combattants de la guerre d’Algérie.

Par ailleurs, Le PLF 2024 prévoit un assouplissement des règles d’ouverture de la majoration tierce personne dont bénéficient certains titulaires de PMI (estimation 0,62 million d’euros selon le PAP 2024). Selon les informations fournies à votre rapporteur, l’assouplissement devrait doubler le nombre de nouveaux bénéficiaires par an (100 au lieu de 50) en leur assurant 25 % ou 100 % de majoration de leur pension.

Enfin, votre rapporteure se réjouit du fait que dans le cadre du plan d’accompagnement des militaires blessés et de leur famille 2023-2027, des actions visant à alléger la charge administrative pesant sur le blessé soient entreprises, comme à travers l’instauration d’une demande unique PMI et d’indemnisation complémentaire dite Brugnot ([2]), ou encore l’engagement automatique de l’instruction du renouvellement des PMI temporaires.

Les pensions militaires d’invalidité (PMI)

Définies au titre II du livre Ier du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), les pensions militaires d’invalidité sont concédées aux ayants droit – à titre militaire ou de victime civile – pour indemniser la gêne fonctionnelle consécutive aux maladies ou aux blessures reconnues imputables au service ou à un fait de guerre. De manière plus précise, ouvrent droit à pension, au titre de l’article L. 121-1 du code :

– les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’événements de guerre ou d’accidents éprouvés par le fait ou à l’occasion du service ;

– les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l’occasion du service ;

– l’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités étrangères au service ;

– les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’accidents éprouvés entre le début et la fin d’une mission opérationnelle, y compris les opérations d’expertise ou d’essai, ou d’entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service.

Les pensions d’ayants cause sont concédées, sous certaines conditions, aux conjoints survivants, orphelins et ascendants d’un militaire décédé au combat ou d’un invalide pensionné. En outre, l’article 41 du projet de loi de finances 2023 ouvre droit à une pension militaire d’invalidité à l’ensemble des victimes d’actes de terrorisme, y compris de ceux perpétrés avant le 1er janvier 1982, corrigeant ainsi les limites du droit actuel qui n’ouvrait ce droit qu’aux victimes des attentats commis après cette date.

3.   Subvention de l’Institution nationale des Invalides

La sous-action 25 retrace les crédits de la subvention allouée à l’Institution nationale des Invalides (INI). En 2024, la subvention pour charges de service public (SCSP) de l’Institution nationale des invalides est portée à 14,36 millions d’euros contre 13,71 millions d’euros en LFI 2023. Cette hausse de 4,7 % s’explique essentiellement par les surcoûts constatés sur l’électricité et la restauration. La SCSP tient également compte d’un transfert de 3 773 € à la Direction générale de l’Administration et de la Fonction publique (DGAFP) pour financer l’action sociale interministérielle au bénéfice de l’établissement.

En parallèle, la subvention pour charges d’investissement de l’établissement s’établit en 2024 à 9,16 millions d’euros (+36,72 %) en crédits de paiement, au titre de la participation financière de l’État au programme de travaux d’infrastructure. En effet, l’institution nationale des invalides est engagée dans une opération de réhabilitation de son infrastructure hospitalière organisée en deux tranches, pour un montant total de 62,2 millions d’euros. Toutefois, selon les informations fournies à votre rapporteure, les opérations de curage des ailes Nord et Sud réalisées fin 2022 ont mis en exergue de nombreuses problématiques structurelles (affaissements de planchers, hétérogénéités au niveau des sols, instabilités au niveau des poutres, amiante et plomb découverts). En conséquence, le calendrier initial des travaux et de réception des bâtiments a été retardé. À l’issue des travaux de la tranche ferme, débutés en novembre 2020, seront engagés, fin 2024, les travaux de la tranche optionnelle, qui engageront la réhabilitation du bâtiment central qui abrite les pensionnaires. La poursuite des soins des pensionnaires, comme des patients hospitalisés, devra faire l’objet d’une attention toute particulière.

En outre, votre rapporteure se félicite que pour répondre aux objectifs ministériels de prise en charge globale de toutes les blessures physiques et psychiques, une nouvelle offre soit créée à l’INI par l’ouverture d’une unité de réhabilitation pour les militaires atteints de syndromes de stress post-traumatiques. Elle sera mise en œuvre progressivement à partir de 2023 pour un déploiement complet à la fin des travaux d’infrastructure, prévue en 2027. Cette montée en puissance progressive, prévoit dans un premier temps des consultations spécialisées, d’éducation thérapeutique et un accueil en hôpital de jour, complétées en 2024 par une prise en charge, limitée à 5 lits, en hospitalisation conventionnelle, avant de disposer de l’ensemble des moyens en 2027. Cette initiative s’inscrit dans le cadre plus large de la convention de coopération avec les HIA Bégin et Percy, signée le 25 novembre 2019 par la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, et la présidente du conseil d’administration de l’INI, qui pose le cadre de la mise en œuvre du projet médical de partenariat du pôle de réhabilitation post-traumatique de la défense. La création du Pôle de Réhabilitation Post-Traumatique de la Défense (PRPTD) est née de l’idée de venir compléter le dispositif de soins actuellement en place dans le service de santé des armées par une structure nouvelle orientée vers la réhabilitation des militaires blessés. Dans ce cadre, une nouvelle organisation a fait évoluer le centre médico-chirurgical (CMC) vers un centre de réhabilitation post-traumatique (CRPT) permettant d’inclure la réhabilitation psychique. La prise en charge des patients par ce centre, de nature médico-sociale, professionnalisée, a vocation à s’insérer entre la prise en charge des cas aigus par les hôpitaux d’instruction des armées et celle non médicalisée du dispositif ATHOS, tournée vers la réhabilitation psychosociale.

Il ressort néanmoins des travaux de votre rapporteure que l’activité du centre de réhabilitation post-traumatique comme celle du centre des pensionnaires, n’a pas retrouvé son niveau d’avant COVID. L’INI rencontre des difficultés préoccupantes liées au recrutement et à la fidélisation des personnels civils, en partie en raison du manque d’attractivité. Aussi, votre rapporteure a été alertée sur le fait qu’il manquait actuellement 31 soignants au centre de réhabilitation post-traumatique (sur 400 ETP). Cette situation a contraint l’INI à fermer des lits au sein du centre de réhabilitation post-traumatique qui constitue la seule « variable d’ajustement » possible car les pensionnés sont, quant à eux, hébergés en permanence dans l’institution. Cette situation, particulièrement préoccupante, partagée avec le secteur médical civil, doit conduire le Gouvernement à intensifier les mesures visant à renforcer l’attractivité de ces professions essentielles.

C.   Reconnaissance envers le monde combattant : solidaritÉ et allocation de reconNaissance

Les crédits de l’action 3 proposés pour l’année 2024 s’élèvent à 819 millions d’euros en AE et en CP, soit une augmentation de 12,9 millions d’euros par rapport à la LFI 2023 (+1,58 %). Il est à noter qu’un changement de périmètre important est intervenu en 2024. L’action 3 était auparavant intitulée « Solidarité » et ne comprenait pas les crédits dédiés à l’allocation de reconnaissance, anciennement retraite du combattant.

Les crédits de l’actuelle action 3 ont vocation à financer une série de mesures en faveur du monde combattant, y compris l’action sociale en faveur du monde combattant et le montant des subventions pour charge de service public versées à l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre. Cette action représente 44,9 % des ressources du programme 169.

1.   Action sociale et solidarité en faveur du monde combattant

La mise en œuvre de la politique de solidarité revêt plusieurs modalités.

Premièrement, il s’agit du financement des majorations légales et spécifiques des rentes mutualistes auxquelles les titulaires de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation peuvent souscrire, dont le financement est assuré par la sous-action 31. La retraite mutualiste du combattant a été créée par la loi du 4 août 1923, qui a posé pour la première fois le principe du versement d’une majoration financée par l’État en plus de la rente normalement constituée par les anciens combattants et leurs ayants cause du conflit 1914-1918. En pratique, les contribuables anciens combattants peuvent, chaque année, déduire de leur revenu imposable, dans la limite d’un plafond, les versements effectués en vue de la constitution d’une rente donnant lieu à majoration de l’État. Cette rente bénéficie, en plus de la majoration légale attachée à toute rente viagère, d’une majoration spécifique de l’État selon l’âge et le délai de souscription. Le total formé par la rente et la majoration spéciale de l’État est limité à un plafond, dit « plafond majorable ». Le plafond donnant lieu à majoration de la retraite mutualiste du combattant est fixé à 125 points d’indice des pensions militaires d’invalidité, soit 1 953,75 € à compter du 1er janvier 2023. En 2024, la dotation est fixée à 194,96 millions d’euros, en diminution de 16,46 M€ par rapport à la LFI 2023 (-7,78 %), reflétant la diminution tendancielle du nombre de bénéficiaires.

Deuxièmement, la sous-action 32 retrace le financement des subventions versées à des associations du monde combattant et victimes de guerre, ainsi qu’à des associations de victimes d’actes de terrorisme. Le montant de cette subvention, à hauteur de 360 000 euros, est en légère hausse de 50 000 euros par rapport à 2023, correspondant à la participation du programme au groupement d’intérêt public dédié à l’organisation des commémorations du 80ème anniversaire de débarquements de Normandie et de Provence et de la Libération ainsi qu’à celle pour la fondation pour la mémoire de l’esclavage.

Troisièmement, la sous-action 33 retrace la prise en charge des frais de voyages sur les tombes des « Morts pour la France ». Ces prestations sont financées par l’ONaCVG qui reçoit à cet effet une subvention du ministère des Armées. La dotation a été réduite à 50 000 euros en 2018, contre 110 000 euros en 2017 en raison du niveau de dépense effectivement réalisée par l’ONaCVG à ce titre en 2016. Depuis lors, elle est maintenue à ce niveau.

Quatrièmement, la sous-action 34 supporte la subvention d’action sociale versée par le ministère des Armées à l’ONaCVG pour remplir sa mission de solidarité envers les anciens combattants et victimes de guerre. Sanctuarisée comme l’année dernière à hauteur de 25 millions d’euros, la dotation permet la mise en œuvre de la mission de solidarité de l’Office auprès de ses ressortissants selon les modalités suivantes :

        D’accorder une attention particulière aux ressortissants les plus isolés et les plus démunis, plus de 36 % des crédits sont consacrés aux aides financières allouées aux conjoints survivants des anciens combattants, essentiellement des veuves, dont les ressources sont souvent limitées à l’allocation de solidarité pour les personnes âgées (minimum vieillesse) et 28 % des crédits sont consacrés aux anciens combattants les plus démunis, dont près de 7 % aux ressortissants des OPEX ;

        De renforcer la prise en charge des victimes du terrorisme et, en particulier, des nouveaux pupilles de la Nation, dont le nombre est en augmentation sensible depuis 2015 - près de 25 % des crédits sont consacrés aux pupilles majeures et mineures.

L’action de l’ONaCVG en faveur des pupilles de la Nation

Concernant le nombre des pupilles de la Nation, après plusieurs années de forte croissance, notamment en raison des adoptions des enfants liées aux actes de terrorisme de 2015 et 2016, le rythme des jugements d’adoptions par la Nation décroît depuis 4 ans.

En matière d'entretien et d'éducation, l'ONaCVG accorde, en complément des aides du droit commun (allocations familiales, bourses d'études) et chaque fois que la situation le requiert, des aides financières aux pupilles de la Nation, en donnant la priorité à leurs études supérieures et à la réalisation de projets personnels dans ce domaine (séjours à l’étranger, options particulières…). L’ONaCVG intervient également dans le domaine de l’emploi (aides à la reconversion, inscription aux emplois réservés, aides au premier emploi). Le suivi des pupilles de la Nation s’effectue jusqu’à leurs 21 ans et au-delà lorsque ceux-ci poursuivent leurs études. Dans ce cadre, le nombre des aides financières accordées en 2022 est de 7 790 pour un montant de plus de 4,80 M€, soit une augmentation de 21 % par rapport à 2021. Pour mémoire, en 2021, le nombre de ces interventions était de 6 057, pour un montant de 4 M€. En parallèle, l’ONaCVG accompagne dans la durée les pupilles majeurs.

La LPM 2024-2030 permet désormais que soient adoptés en qualité de pupille de la Nation les enfants d’un parent blessé nés au plus tard dans les 300 jours suivant le constat de l’incapacité dans laquelle se trouve le parent du fait de la blessure psychique imputable au service (et non plus dans les 300 jours suivant la cessation d’activité). Par ailleurs, la LPM prévoit la levée de la forclusion qui frappait les demandes de pensions de victimes civiles de guerre du fait de dommages physiques causés par attentat ou tout autre acte de violence en relation avec la guerre d’Algérie, sur le sol algérien entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962, pour une durée de six mois à compter de sa promulgation, intervenue le 1er août 2023, pour les seules personnes ayant le statut de pupille de la Nation ([3]).

Si l’ONaCVG consacrait jusqu’à présent un million d’euros à l’aide sociale en faveur des pupilles majeures, la secrétaire d’État chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, Mme Patricia Mirallès, a annoncé le 11 octobre 2023 devant la commission de la Défense nationale et des forces armées un quintuplement de ces crédits pour 2024. Dès lors, l’ONaCVG disposerait désormais de 5 millions d’euros pour aider les pupilles de la Nation majeure, et une reconnaissance mémorielle spécifique leur sera témoignée à l’occasion du cycle des 80 ans des débarquements et de la Libération. Si votre rapporteure salue cette annonce juste et nécessaire au bénéfice des pupilles et orphelins de guerre, elle regrette que la mesure ne soit pas intégrée dans le projet de loi de finances pour 2024 qui lui a été soumis pour examen.

 

En complément des aides financières, la mission de solidarité de l’Office permet également d’apporter à ses ressortissants le soutien moral et l’accompagnement social et administratif qui leur sont dus.

2.   L’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG)

Depuis le 1er janvier 2023, l’établissement est devenu l’Office national des combattants et des victimes de guerre. Au-delà du symbole, selon la directrice générale de l’Office, Mme Peaucelle-Delelis, auditionnée par votre rapporteure, « il s’agit bien de démontrer à la nouvelle génération de combattants des Opex, qu’elle a toute sa place au sein de cette Institution créée à l’issue de la Première Guerre mondiale, et qui a démontré sa faculté à s’adapter et se renouveler après la Seconde Guerre mondiale puis les conflits de la décolonisation. »

La sous-action 35 retrace les crédits de la subvention allouée à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), prévue à hauteur de 62,56 millions d’euros en 2024, soit une hausse de 2,35 M€ par rapport à la LFI 2023.

Votre rapporteure salue cette hausse plus que nécessaire à l’accomplissement des missions de l’ONaCVG qui connaît ces dernières années un élargissement de ses missions. En effet, la dotation est majorée pour tenir compte de la revalorisation de 3,5 % du point d’indice de la fonction publique intervenue en juillet 2022 et intègre la mesure nouvelle prévoyant l’extension du dispositif des maisons ATHOS (+2,06 millions d’euros), ainsi que le financement du recrutement de 4 ETP supplémentaires (+0,55 million d’euros), afin d’accélérer le traitement des dossiers de demande de droit à réparation en faveur des anciens supplétifs et de leur famille, réalisé en particulier par le département reconnaissance et réparation de Caen, très fortement mobilisé. À noter que cette hausse est néanmoins compensée par une baisse de 0,2 millions d’euros de la subvention pour charge de service public hors mesures nouvelles.

Pour mémoire, le nombre de ressortissants, actuellement estimé à 1,81 million et constitué majoritairement d’anciens appelés combattants de la guerre d’Algérie et leurs ayants droit, est évalué à 1,38 million en 2027, soit une diminution de près de 24 %.

La subvention pour charge de service public de l’ONaCVG doit permettre d’améliorer la qualité des services rendus, notamment avec l’achèvement de la dématérialisation de l’ensemble des démarches spécifiques au monde combattant. Il convient de noter qu’une cyberattaque d’ampleur subie en décembre 2022 a contraint l’établissement à accélérer le renouvellement des équipements et toutes les questions en lien avec la sécurité numérique. Votre rapporteure restera vigilante à ce que la dématérialisation des démarches ne conduise pas indirectement à compliquer l’accès de certains bénéficiaires aux prestations.

Par ailleurs, votre rapporteure salue la transformation au 1er janvier 2023 du Bleuet de France en fonds de dotation, pour répondre à un impératif de transparence accrue envers les donateurs et afin de permettre une meilleure valorisation du dispositif et une meilleure visibilité dans l’espace public. Ainsi, le transfert de la gestion du Bleuet de France à un fonds de dotation permet l’accroissement des ressources et de la notoriété de l’œuvre, attirant les grandes entreprises et les grands mécènes, tout en agissant comme structure redistributrice au profit de l’ONaCVG dans le but de poursuivre ses missions de solidarité et de transmission mémorielle. Pour autant, l’Office restant propriétaire de la marque, il poursuit la promotion du Bleuet de France en tant que symbole de la solidarité de la Nation envers les publics qu’elle lui a confiés (combattants, veuves, pupilles, victimes de guerre et d’acte de terrorisme, etc.). Chaque année, plusieurs centaines de milliers d’euros sont consacrées aux aides accordées aux pupilles de la Nation, à la solidarité avec les soldats blessés en OPEX, au maintien à domicile des ressortissants les plus âgés en situation de dépendance et à l’amélioration des conditions de séjour des anciens combattants dans les EHPAD labellisés. Le Bleuet de France soutient aussi des projets valorisant l’histoire et la mémoire des conflits contemporains afin de promouvoir les valeurs citoyennes françaises.

Malgré un point de vigilance soulevé par les associations d’anciens combattants, qui ne peuvent plus bénéficier d’une partie de la collecte depuis la suppression effective de la quote-part – qui pouvait aller jusqu’à 40 % – , votre rapporteure s’est assurée que ces nouvelles modalités n’obèrent pas les actions mémorielles et de solidarité portées par ces associations. L’Office s’est engagée auprès des associations à ce que les services départementaux les aident à présenter des projets qui pourront dorénavant être présentés au fonds de dotation du Bleuet de France. Le Conseil d’administration du fonds de dotation du Bleuet de France a en effet décidé de consacrer 10 % des recettes disponibles issues de la collecte à des projets, y compris d’intérêt local, portés par des associations. Par ailleurs, il a été précisé qu’aucune démobilisation dans la collecte n’a été constatée suite à la transformation du Bleuet de France en fonds de dotation.

3.   L’allocation de reconnaissance du combattant – anciennement retraite du combattant

La sous-action 38 recouvre les dépenses relatives au paiement de l’allocation de reconnaissance du combattant, nouvelle dénomination de la retraite du combattant en application du décret n° 2023-534 du 29 juin 2023. Votre rapporteure salue le changement de dénomination de ce dispositif et réitère son attachement à la préservation des droits des anciens combattants. En effet, le terme de « reconnaissance » apparaîtrait plus approprié, reflétant la véritable raison d’être de ce dispositif, qui ne doit en aucun cas être perçu comme une « deuxième retraite », tant son montant demeure en réalité symbolique.

La dotation inscrite au projet de budget pour 2024 s’élève à 536,4 millions d’euros contre 509,4 millions d’euros en LFI 2023 (soit une hausse de 5,30 %). Ces crédits sont reversés au CAS « Pensions » relevant du programme 743 qui assure le règlement des pensions par l’intermédiaire des centres régionaux des pensions et de la trésorerie générale pour l’étranger.

La hausse des crédits entre 2023 et 2024 alors que les effectifs sont en diminution est qualifiée d’« exceptionnelle » par le PAP 2024. De manière conjoncturelle, elle s’explique tout d’abord par le retour de l’allocation de reconnaissance du combattant à un versement en année pleine. En effet, la dotation inscrite en loi de finances initiale pour 2023 avait fait l’objet d’une mesure d’économie non reconductible résultant de la modification des modalités de versement de l’allocation. La modification de la date de virement des retraites du combattant, et par conséquent de leur date d’échéance sans modification de la période payée, fait suite à la refonte du système d’information du service des retraites de l’État, en conformité avec l’article D. 321-4 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). Cette évolution a entraîné un décalage des paiements estimé à 45,5 millions d’euros, limité à la seule année 2023. D’autre part, elle reflète la revalorisation du point de PMI intervenue au 1er janvier 2023, à hauteur de 15,63 € pour un coût de 15,3 millions d’euros en 2023.

La carte du combattant ouvre droit, à l’âge de 65 ans, voire dès 60 ans sous certaines conditions, à l’allocation de reconnaissance combattant. Cette dernière est d’un montant annuel de 812,76 € depuis la revalorisation du point de PMI intervenue au 1er janvier 2023. Pour un total de 9 199 083 cartes du combattant attribuées au 1er juillet 2023, 268 049 l’ont été au titre des OPEX (soit près de 3 %).

Concernant la prévision pluriannuelle de ce dispositif, il convient de rappeler que l’immense majorité des bénéficiaires de la retraite du combattant le sont au titre de la Guerre d’Algérie. Compte tenu de l’âge médian des bénéficiaires de l’allocation de reconnaissance du combattant, tous conflits confondus, qui est de 86 ans en 2023, la diminution de l’effectif global va inexorablement se poursuivre et s’accentuer. Si la part relative des bénéficiaires de la retraite du combattant au titre des opérations extérieures va continuer à augmenter, elle ne compensera pas dans l’absolu les décès des anciennes générations du feu (sachant que les anciens combattants d’Afrique du Nord représentent 82,4 % des bénéficiaires du dispositif). En effet, 730 403 bénéficiaires des allocations de reconnaissance du combattant étaient décomptés au 31 décembre 2022, contre 624 220 estimés au 31 décembre 2023 (soit une baisse de 14,5 % sur un an).

Seule l’année 2019 a été clairement impactée par l’ouverture des droits à la carte du combattant aux personnes présentes en Algérie pendant une durée de 4 mois ou 120 jours entre le 3 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 dans le cadre des missions menées en Algérie après le 2 juillet 1962 conformément aux accords d’Évian. Toutefois, cet effet tend à s’estomper : seules 4 315 cartes du combattant supplémentaires ont été délivrées au titre de cette mesure entre le 1er janvier 2020 et le 1er juillet 2023 alors que 35 108 cartes avaient été délivrées au seul titre de l’année 2019.

Nombre d’allocations de reconnaissance du combattant, par tranche d’Âge, en paiement au 31 dÉcembre 2022

Tranches d’âge

Total

100 ans et plus

1 361

de 95 à 99 ans

8 390

de 90 à 94 ans

54 373

de 85 à 89 ans

291 440

de 80 à 84 ans

332 666

de 75 à 79 ans

25 017

de 70 à 74 ans

7 455

de 65 à 69 ans

9 335

moins de 65 ans

366

TOTAL

730 403

Source : Direction générale des finances publiques.

rÉpartition par conflit des retraites du combattant versÉes

Conflits

Nombre de bénéficiaires au 31 décembre 2021

Nombre de bénéficiaires au 31 décembre 2022

Nombre attendu de bénéficiaires au 31 décembre 2023

Guerre 14-18 (1)

850

754

406

Guerre 39-45

27 166

20 952

12 177

Algérie, Tunisie et Maroc

656 429

602 090

555 898

Indochine

5 219

4 440

3 247

Opérations extérieures

61 808

62 792

66 975

Non déterminé (2)

46 415

39 375

35 517

TOTAL

797 887

730 403

674 220

(1) Les retraites du combattant de la catégorie « guerre 14-18 » comprennent toutes les opérations de guerre avant 1939.

(2) Correspond à des retraites payées dans les États ayant accédé à l’indépendance dont la nature du conflit n’est pas codifiée et des retraites du combattant versées en France pour lesquelles le conflit n’est pas renseigné.

Source : Direction générale des finances publiques.

Au-delà des crédits directement financés par la mission, votre rapporteure souhaite mettre en lumière la juste reconnaissance apportée aux anciens tirailleurs titulaires d’une carte du combattant. Bien que ce dispositif ne relève pas de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », votre rapporteure salue ce geste fort en faveur des tirailleurs et réitère son attachement à la préservation des droits des anciens combattants, en particulier au droit à vieillir dans son pays d’origine, après avoir passé sa vie au service de la France.

Focus : la question des « tirailleurs sénégalais »

Créé sous le Second Empire et dissous au début des années 1960, le corps des « tirailleurs sénégalais » s’étend à toutes les unités d’infanterie recrutées en Afrique sub-saharienne, quel que soit le lieu réel de recrutement : de fait sont « tirailleurs sénégalais » des militaires issus de toute l’Afrique occidentale française (Sénégal, Mali, Niger, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire) comme d’Afrique équatoriale française (Gabon, Congo, Centrafrique, Tchad). Ces unités sont mobilisées pour combattre sous les drapeaux français dès la guerre franco-prussienne de 1870-1871, lors des deux conflits mondiaux, ainsi que dans les opérations françaises de la guerre du Rif aux combats en Syrie dans l’entre-deux-guerres, puis au sein du corps expéditionnaire français à Sétif, en Indochine, à Madagascar et en Algérie.

Les droits des derniers tirailleurs ont lentement évolué après la cristallisation de leur pension intervenue lors de l’indépendance de leur pays d’origine. La décristallisation est intervenue en 2006 après un arrêt du Conseil d’État en 2001, et s’est poursuivie au travers des réformes de 2007 et 2011 : 28 tirailleurs sont naturalisés en 2017.

Suite à la sortie du film Tirailleurs, et sous l’impulsion de la secrétaire d’État chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, le ministre des Solidarités Jean-Christophe Combe a annoncé en janvier 2023 introduire une dérogation ([4]) pour permettre aux anciens tirailleurs sénégalais titulaires d’une carte du combattant, souhaitant rejoindre ou ayant rejoint leur pays d’origine à âge avancé et étant bénéficiaires du minimum vieillesse, ou s’étant vu supprimer la prestation du fait d’une condition de résidence non remplie, d’accéder au minimum vieillesse sans condition de résidence minimum en France. Selon les informations fournies par le ministère des Armées, cette mesure aurait concerné 14 tirailleurs en 2023.

D.   Les actions en faveur des harkis et des rapatriÉs

L’effort de solidarité en faveur des harkis et rapatriés se poursuit et s’intensifie, en particulier, à travers le financement du droit à réparation mis en place par la loi du 23 février 2022, portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie, anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leur famille.

1.   Les crédits inscrits en PLF 2024

Avec 112,20 millions d’euros en PLF 2024, les crédits de l’action 7 sont en augmentation afin de financer les mesures en faveur des harkis et rapatriés (+ 11,28 M€ en CP). La décision du Gouvernement d’étendre la liste des structures pouvant donner droit à réparation (DAR) en y intégrant les 45 sites proposés par le rapport de la commission nationale indépendante (CNIH) explique l’essentiel de l’augmentation de l’enveloppe DAR de 9,80 M€ par rapport à la LFI 2023, qui s’établit au total à 69,80 M€ au titre du PLF 2024 (contre 60 millions d’euros en 2023, soit une augmentation de près de 10 millions d’euros). Cet effort est entièrement justifié tant sont encore vives la souffrance endurée par les harkis et les rapatriés, et lourdes pour leurs descendants les conséquences des conditions rarement dignes de leur accueil en France.

Une partie des crédits de l’action 7 est fléchée vers le financement des deux dispositifs principaux en faveur des rapatriés et des harkis, à savoir :

– l’allocation de reconnaissance, instituée par la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution en faveur des Français rapatriés, au financement de laquelle 21,77 millions d’euros sont alloués. Cette allocation est versée aux harkis rapatriés âgés d’au moins 60 ans ayant déposé leur dossier avant le 19 décembre 2014. Le dispositif comptait 3 532 bénéficiaires à la fin août 2023. Une baisse des crédits de 1 M€ est cependant constatée à la suite de la diminution des effectifs bénéficiaires.

l’allocation viagère, créée par l’article 133 de la loi de finances initiale pour 2016, financée à hauteur de 19,92 millions d’euros en projet de loi de finances. Cette allocation est versée au profit des conjoints et ex-conjoints mariés survivants de harkis qui ont fixé leur domicile en France. Fin août 2023, 1 888 personnes en bénéficiaient. Les crédits sont en augmentation de 4,40 M€ par rapport à 2023, en lien avec la hausse des effectifs bénéficiaires, l’effet de la levée de forclusion et la revalorisation des montants.

Ces deux dernières allocations ont été revalorisées de 100 € par les lois de finances 2017 et 2018, de 400 € par la loi de finances 2019 et doublées par arrêtés du 21 décembre 2021. Par ailleurs, ces allocations ont été revalorisées chaque année en fonction de l’indice des prix à la consommation. Les revalorisations expliquent en grande partie les augmentations de crédits consacrés à ces deux allocations face à un nombre total de bénéficiaires en légère décrue. La loi n° 2022-229 du 23 février 2022 a, en outre, levé la forclusion des demandes d’allocations viagère et étendu le bénéfice de l’allocation aux conjoints survivants résidant dans l’UE. À compter du 1er octobre 2022, l’allocation de reconnaissance option 1 et l’allocation viagère ont été portées à 8 524 € par an, l’allocation de reconnaissance option 2 à 6 198 . En outre, la diminution continue des bénéficiaires de l’allocation de reconnaissance est compensée par l’accroissement des bénéficiaires de l’allocation viagère

L’action 7 soutient par ailleurs divers dispositifs en faveur des rapatriés, à hauteur de 0,7 million d’euros, tels que des aides à la formation professionnelle, des aides au désendettement, des aides spécifiques aux conjoints survivants, des remboursements de cotisations retraites complémentaires ou encore des mesures de sauvegarde du toit familial.

Depuis 2015, l’ONaCVG prend en charge le versement de l’ensemble des prestations en faveur des harkis et des rapatriés, et est également chargé, depuis le 1er janvier 2019, de la mise en œuvre du dispositif de solidarité envers les enfants de harkis susmentionnés.

2.   Le bilan de la deuxième année de mise en œuvre de la loi du 23 février 2022

Dans la continuité des préconisations du rapport Aux harkis, la France reconnaissante rendu par le préfet Dominique Ceaux, en juillet 2018, préconisant de nouvelles mesures visant à parachever le travail de mémoire, à compléter les dispositifs de réparation, et à renforcer la solidarité à l’égard des anciens supplétifs et de leurs enfants, la loi du 23 février 2022 vise à exprimer la reconnaissance de la Nation envers les harkis, les moghaznis et les personnels des diverses formations supplétives et assimilées de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie et qu’elle a « abandonnés » lors du processus d’indépendance de l'Algérie. La loi prévoit également la reconnaissance de l’État de sa responsabilité dans les conditions indignes de leur rapatriement et de leur accueil dans des « structures de toute nature » en France, après les accords d’Évian du 19 mars 1962. La loi ouvre un droit à réparation pour les harkis et leurs familles qui ont séjourné dans des camps de transit et des hameaux de forestage entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975, dans l'une des structures destinées à les accueillir et dont la liste est fixée par décret.

La réparation prend la forme d'une somme forfaitaire tenant compte de la durée du séjour dans ces structures, versée dans des conditions et selon un barème fixé par décret. Le décret n° 2022-394 du 18 mars 2022, annexé du décret n° 2023-890 du 21 septembre 2023, fixe les modalités d’indemnisation et la liste des 134 structures concernées, dont 6 camps de transit, qui donnent droit à indemnisation. Une somme minimale est fixée à 2 000 euros, lorsque le demandeur a séjourné dans les structures éligibles pendant une durée inférieure à trois mois, et à 3 000 euros pour une durée supérieure. Une somme proportionnelle à la durée effective du séjour, correspond à 1 000 euros pour chaque année passée par le demandeur au sein de ces structures, toute année commencée étant intégralement prise en compte.

Dès lors, certaines associations ont fait part de leur déception quant au montant de l’indemnisation, qui ne peut excéder 16 000 euros. Toutefois, la date du 31 décembre 1975 correspond à une réalité historique objective, soit la date officielle de fermeture administrative des camps et des hameaux de forestage.

Enfin, la loi prévoit la création de la Commission nationale d’indemnisation des harkis (CNIH), établie auprès de la Première ministre. Cette dernière a pour mission de recueillir la parole des Harkis, leur manifester la reconnaissance de la République et leur accorder les réparations prévues par la loi. Cette commission, dont l’ambition est de contribuer à la constitution d’une mémoire commune et apaisée, peut aussi proposer au gouvernement une évolution des dispositifs de soutien, de reconnaissance et de réparation en vigueur, en vue de les ajuster autant que nécessaire à la singularité de destin des Harkis. Elle a aussi pour objet de contribuer au travail de mémoire, afin de reconnaître à ces combattants et à leurs familles toute la place qu’ils méritent dans notre récit national.

Votre rapporteure salue la forte mobilisation de la commission, présidée par Jean-Marie Bockel. Au 22 septembre 2023, depuis l’ouverture du dispositif, sur 30 000 demandes déposées, 9 794 dossiers ont été traités, soit près du tiers des demandes, et 8 976 dossiers ont fait l’objet d’une réponse favorable pour un montant total de 73 millions d’euros et une indemnisation moyenne s’élevant à 7 999 euros. Grâce à la célérité des services instructeurs de l’ONaCVG installés à Caen, les premières indemnisations ont pu être versées dès le mois de juin 2022. Si consigne est donnée de traiter en priorité les dossiers des harkis appartenant à la première génération, l’ONaCVG veille à ce que les dossiers concernant plusieurs membres d’une même famille face l’objet d’un traitement conjoint. Aussi, environ deux tiers des indemnisations concernent la première génération. Au 22 septembre 2023, l’âge moyen des bénéficiaires de ce dispositif s’élevait à 68,2 ans. Elle salue également le travail réalisé par la CNIH, ainsi que l’extension de la liste des structures donnant droit à réparation à 45 nouveaux sites. Cette mesure d’extension pourrait bénéficier à 14 000 nouveaux bénéficiaires potentiels et devrait générer de l’ordre de 10 000 à 12 000 nouvelles demandes s’ajoutant à celles déjà attendues au titre de la liste initiale pour un montant supplémentaire estimé entre 80 et 100 millions d’euros. Ce travail devrait se poursuivre en 2024, puisque la liste des sites à expertiser comprend déjà 87 sites. Une partie des 87 sites qui seront expertisés en 2024 concerne également des types d’hébergements hors camps et hameaux de forestages. Il convient également de noter qu’une réflexion a été lancée autour de la création d’une Fondation pour les Harkis, annoncée par Mme Mirallès.

Votre rapporteure demeurera vigilante à ce que les moyens financiers et humains accordés à l’Office soient en bonne adéquation avec l’augmentation attendue du nombre de dossiers à traiter, en vertu de l’extension du dispositif.

Enfin, en cohérence avec les recommandations du rapport de la CNIH, votre rapporteure serait favorable à ce qu’une réflexion soit lancée autour de la reconnaissance et la mémoire des rapatriés d’Indochine. En effet, les anciens supplétifs et ou rapatriés d’Indochine ont vécu dans les mêmes conditions et ont connu la même indignité que les Harkis et ils sont, pour une partie d’entre eux, passés par les mêmes structures d’accueil et ou d’hébergement. Selon les chiffres transmis par le CEP-CAFI (Collectif des Eurasiens pour la Préservation du Centre d’Accueil des Français d’Indochine), à l’occasion d’un entretien avec le Secrétariat général de la CNIH en septembre 2023, l’extension de la loi concernerait 4 200 anciens rapatriés supplétifs d’Indochine et leurs familles.

E.   Les liens entre la jeunesse et les ArmÉes

L’action 8 du programme 169 retrace les crédits en faveur du lien armées-jeunesse. Le budget 2024 s’établit à 26,09 M€ en AE et en CP. Il marque, par rapport à 2023, une hausse en AE (+1,49 M€) et en CP (+1,59 M€).

Auparavant centrée sur le financement de la Journée de défense et de citoyenneté (JDC), cette action recouvre aujourd’hui l’ensemble des actions assurées par la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) du ministère des Armées. S’y ajoutent donc le service militaire volontaire (SMV) ainsi que des dispositifs complémentaires en direction de la jeunesse, conformément au plan Ambition armées-jeunesse 2022.

En termes de financement de l’organisation de la JDC, le budget 2024 prévoit une augmentation de 1,53 M€ en AE et 1,56 M€ en CP, afin de porter la dotation à 22,75 M€ en AE et en CP. Cette augmentation s’explique pour l’essentiel par la hausse de l’inflation en ce qui concerne les coûts de transport et d’alimentation pris en charge, qui représentent environ 83 % du budget de l’opération stratégique JDC.

Concernant le financement du SMV, les crédits sont stables à hauteur de 3,34 M€ en AE et CP. Ils sont largement complétés par des fonds de concours.

Votre rapporteure pour avis souligne que les ressources inscrites à l’action 8 ne couvrent pas l’intégralité des coûts de ces dispositifs, la mission « Défense » intégrant des crédits de soutien – masse salariale, dépenses d’infrastructures, de santé et de systèmes d’information.

Le plan Ambition armées-jeunesse 2022 (PAAJ 2022)

Présenté par la ministre déléguée le 25 mars 2021, le PAAJ 2022 entend moderniser et réorganiser les actions conduites par le ministère des Armées en direction de la jeunesse, essentiellement afin de les intégrer aux grandes phases du service national universel (SNU) et aux étapes obligatoires prévues par le code du service national, au premier rang desquelles la JDC.

En pratique, ce plan consiste en l’élaboration d’un parcours de défense innovant, comprenant plusieurs phases à compter de 13 ans et poursuivant trois grands objectifs : attractivité ; citoyenneté ; insertion socio-professionnelle.

L’infographie ci-dessous en présente les grandes étapes.

Source : dossier de presse du ministère des Armées.

1.   La journée défense et citoyenneté

La JDC est un dispositif universel, institué en 1997, poursuivant deux principaux objectifs :

– Contribuer à la mission régalienne de défense à travers l’information sur les enjeux de sécurité nationale ;

– Renforcer la cohésion nationale et l’insertion sociale des jeunes.

Au cours des années 2020, 2021 et 2022, les principales difficultés rencontrées tiennent compte des conséquences de la crise sanitaire sur la mise en œuvre de la JDC (suspension pendant les périodes de confinement, adaptation du format en période de restriction, diminution des dépenses d’alimentation et de transport) qui ont entraîné des variations importantes du coût moyen par participant.

Pour 2024, le coût moyen estimé est de 123,10 € par personne soit une légère hausse en raison de la dynamique inflationniste pesant sur les dépenses d’alimentation et de transport, à raison de d’une prévision de 800 271 jeunes participants en 2024.

Depuis 2019, la JDC a fait l’objet de plusieurs évolutions permettant d’adapter les messages adressés aux jeunes en y intégrant la notion de « modèle français », avec une présentation systématique du thème de la laïcité. Sur une durée de sept heures, la JDC consacre quatre heures aux enjeux de défense et à la sensibilisation au lien armées-nation. Les thèmes relevant d’autres ministères (dons, sécurité routière, etc.) sont obligatoirement présentés en JDC conformément aux dispositions du code du service national. À l’issue de la JDC, sur 762 785 jeunes reçus en JDC en 2022, 22,1 % des jeunes métropolitains et 35,8 % des jeunes ultramarins ont demandé à bénéficier d’un deuxième contact avec l’institution militaire, soit un taux d’intérêt pour les métiers de la défense de 22,8 % sur le plan national.

Si votre rapporteure salue le travail de modernisation de la JDC, fondé sur la mise en place de nouvelles méthodes pédagogiques, visant à stimuler davantage l’attention du jeune public par des outils innovants et une approche plus interactive, votre rapporteur regrette le peu de temps dédié à l’enseignement de défense lors de la JDC. En effet, sur une journée de 7-8 heures, seulement quatre heures sont consacrées aux enjeux de défense. Votre rapporteure appelle de ses vœux une réflexion sur le contenu de cette JDC, voire une éventuelle refonte du programme recentré sur les problématiques de défense et de mémoire dans un contexte où le renforcement des forces morales de notre Nation doit constituer une priorité. Ce recentrage apparaîtrait, en outre, plus cohérent avec la forte mobilisation du ministère des Armées, en particulier de la DSNJ, pour l’organisation de cette journée.

Par ailleurs, votre rapporteure souhaite également mettre en exergue la problématique soulevée par la montée en puissance du Service national universel (SNU). Bien que la participation à la JDM, dans le cadre du SNU, ait vocation à se substituer à la journée défense citoyenneté (JDC) pour les jeunes concernés, la permanence de deux dispositifs « JDC » et « Journée Défense et mémoire » (JDM) dans le cadre du séjour de cohésion du SNU, pose question en matière de soutenabilité budgétaire et de mobilisation des effectifs de la DSNJ. Pour mémoire, la JDM est conçue autour de trois modules : « mémoire », « défense » et « résilience » et est animée par des personnels civils de la DSNJ et des animateurs militaires. Depuis 2019, 88 000 jeunes ont déjà réalisé un séjour de cohésion et l’ambition est de doubler la cohorte avec 82 000 jeunes en 2024. Au premier semestre 2023, près de 40 000 jeunes volontaires ont été reçus lors des 332 JDM animées pendant les trois sessions des séjours de cohésion pendant les vacances scolaires. Bien que difficile à évaluer, la masse salariale correspondant à cet engagement sur la JDM est évaluée à 6,5 millions d’euros par le ministère des armées. Le ministère des Armées contribue également aux missions d’intérêt général (MIG), qui constituent la phase 2 du SNU, en offrant des places aux jeunes volontaires au sein de préparations militaires. Pour l’année 2023, les armées ont planifié l’accueil de 1 700 jeunes. Ce doublement constitue une charge importante pour la DSNJ, qui doit continuer d’assurer la JDC en parallèle. La coexistence des deux dispositifs pose également question au regard de la lisibilité des actions du ministère des Armées en faveur de la jeunesse, auprès des citoyens, comme l’avait déjà souligné votre rapporteure dans son avis budgétaire 2023. Enfin, un risque de confusion existe également entre le dispositif des « classes de Défense » porté par le ministère des Armées et les « classes engagées » qui doivent être créées dans le cadre du SNU. Votre rapporteure a été sensibilisée au fait qu’au regard de ses effectifs actuels, il serait inconcevable que la DSNJ participe à ce nouveau dispositif, autrement que par la mise à disposition de ressources pédagogiques destinées aux personnels éducatifs.

2.   La poursuite du déploiement du service militaire volontaire sur le territoire national

Le Service militaire volontaire (SMV) a été créé à titre expérimental en 2015 afin de proposer des solutions de réinsertion à une partie de la jeunesse la plus éloignée de l’emploi et de la citoyenneté. Service à compétence nationale depuis 2017 et directement rattaché à la directrice du service national et de la jeunesse (DSNJ), il est subordonné au secrétariat général à l’administration (SGA) et a été pérennisé au 1er janvier 2019 (LPM 2019-2025). Le SMV s’articule autour d’un état-major implanté à Arcueil et de cinq centres (RC SMV) répartis sur sept lieux (Montigny les Metz avec son antenne à Châlons-en-Champagne, Brétigny-sur-Orge, La Rochelle, Ambérieu-en-Bugey et son antenne de Marseille, et Brest). Le maillage territorial est un élément prépondérant pour l’atteinte des objectifs. Il n’est pas prévu d’ouverture de nouveau centre à ce stade.

Le SMV a permis, depuis sa création, à plus de 7 300 bénéficiaires, volontaires stagiaires (VS) et volontaires experts (VE), de rejoindre ses rangs. Le taux d’insertion professionnelle des volontaires stagiaires est de 86 % en 2022, avec un taux de réussite au permis de conduire de 63 % malgré un taux d’illettrisme de 19 %. Toutefois, comme l’avait relevé votre rapporteure dans son avis 2023, le SMV peine à tenir ses cibles de recrutements avec 997 volontaires recrutés en 2022.

Le projet de budget du SMV s’établit – hors contribution de la mission « Défense » – à 3,34 millions d’euros en PLF 2024. Les crédits contribuent à la fois aux actions de formation et de soutien à la formation (à hauteur de 2,22 millions d’euros) et au rayonnement et au recrutement (à hauteur d’1,12 millions d’euros).

Afin d’atteindre ses objectifs de recrutement en hausse depuis 2019, mais aussi d’étendre sa notoriété dans de nouvelles zones d’intérêt auprès des acteurs économiques, éducatifs, associatifs et institutionnels locaux, le SMV a mis en place une communication régionale et nationale ciblée et innovante. Sur le terrain, les actions de rayonnement du SMV se traduisent par une participation active à des salons ou forums et à divers évènements sportifs ou citoyens avec notamment, en 2024, une participation à des actions dans le cadre des Jeux olympiques de Paris.

Votre rapporteure réitère ses recommandations relatives au SMV, formulées dans son avis 2023.

F.   La politique de mÉmoire

Avec 42,43 millions d’euros en AE comme en CP, la politique de mémoire représente 2,3 % des ressources du programme 169. Par rapport à 2023, l’action 9 connaît une hausse conséquente de 21,51 M€ euros, soit une augmentation de 87 % des crédits. Ce doublement s’explique par le caractère exceptionnel de l’année 2024 sur le plan mémoriel, marquée par le 80e anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence, de la Libération et de la Victoire. L’année 2024 verra par ailleurs le déplacement de la cérémonie du 14 juillet à Vincennes, un changement logistique impliqué par la tenue des Jeux olympiques 2024.

À noter également qu’à compter de 2024, l’action connaît une évolution de périmètre. La subvention pour charges de service public du Conseil national des communes « Compagnon de la libération (CNCCL) » est déplacée de l’action 3 vers l’action 9 « Politique de mémoire ». Selon le PAP 2024, cette évolution de la maquette budgétaire doit permettre de « mieux refléter la diversité de ses missions »

Ainsi, 40,69 millions d’euros sont consacrés à la mémoire et au patrimoine mémoriel et 1,74 million d’euros sont alloués au Conseil national des communes « Compagnons de la Libération » (CNCCL).

L’élaboration et la mise en œuvre de la politique de mémoire relèvent de la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) et s’appuient notamment sur l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre pour l’entretien et la valorisation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale.

1.   La nécessité de promouvoir le « travail de mémoire »

a.   Les commémorations

Le budget proposé par le PLF 2024 pour l’organisation des commémorations s’établit à 19,8 millions d’euros, soit une hausse de 15,2 millions d’euros par rapport à 2023. La majorité de ce budget est allouée au financement des activités du groupement d’intérêt public (GIP) du 80e anniversaire des débarquements, de la Libération et de la Victoire (13,80 M€) qui sera créé afin de proposer, de coordonner et d’organiser les grands événements prévus à cette occasion : débarquements de Normandie et de Provence, libérations de Paris et de Strasbourg. Cette dotation permettra aussi de financer les coûts supplémentaires générés notamment par le déplacement de la cérémonie du 14 juillet (qui ne pourra pas se tenir sur les Champs-Élysées en raison de la préparation des Jeux olympiques 2024), correspond à une augmentation de 91 000 euros pour un coût total de 3,5 millions d’euros. Seront également bénéficiaires de ces crédits les journées nationales commémoratives fixées par des textes législatifs ou réglementaires (1,30 M€) et des célébrations liées aux thématiques mémorielles prévues en 2024 (1 M€). Par ailleurs, 0,20 M€ sont réservés pour des manifestations ponctuelles liées à l’actualité (hommages nationaux par exemple).

Au-delà des onze journées de commémorations nationales, l’année 2023 a été marquée par la volonté de la secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, de délocaliser certaines cérémonies liées aux journées nationales commémoratives :

– La journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc a donné lieu à une cérémonie organisée au sein de la nécropole de Notre-Dame de Lorette (Pas-de-Calais), présidée par la secrétaire d’État.

– L’ancien camp de Natzwiller-Struthof (Bas-Rhin) a été retenu comme site pour commémorer le souvenir des victimes et des héros de la déportation, le 30 avril dernier.

– La journée nationale d’hommage aux « morts pour la France » en Indochine, célébrée chaque 8 juin, a fait l’objet d’une cérémonie devant le Mémorial des guerres en Indochine, à Fréjus (Var).

– Le 40ème anniversaire de l’attentat du Drakkar perpétré contre des soldats français à Beyrouth a été l’occasion de rendre hommage à l’ensemble des morts pour la France au Liban – et plus généralement à tous les Français tombés pour la paix en opération extérieure (OPEX).

Votre rapporteure salue l’engagement de la ministre et sa volonté d’associer la jeunesse aux commémorations. Toutefois, elle souhaite insister sur la nécessité d’un travail préalable de concertation avec les associations concernées pour s’assurer que le modèle de cérémonie délocalisée soit approprié et bien reçu par tous, et permette d’en garantir l’accessibilité tout en conservant la spécificité de chaque commémoration.

Chaque année, onze journées dédiées à des commémorations nationales - organisées par la DMCA - sont prévues par des textes législatifs et réglementaires.

– Pour l’année 2024 s’ajoutent à cette programmation mémorielle :

 – Le 80ème anniversaire des débarquements et de la Libération de la France ;

– Le 80ème anniversaire de l’exécution du Groupe des 22 membres du FTP-MOI au Mont Valérien le 21 février, à l’occasion duquel entreront au Panthéon Missak et Mélinée Manouchian ;

– La célébration à la mémoire du corps expéditionnaire français ayant participé à la libération de l’Italie (action Monte Cassino au printemps 1944) ;

– Un hommage sera également rendu à l’héroïque résistance du maquis du Vercors en juillet 1944. Une cérémonie sera organisée sur ces lieux du souvenir.

– Le 70ème anniversaire de la chute de Dien Bien Phu.

b.   Les actions pédagogiques du ministère des Armées

Pour 2024, une dotation de 0,46 M€ sera réservée aux publications et actions pédagogiques (en hausse 0,16 M€ par rapport à 2023).

Les actions pédagogiques du ministère des Armées et les subventions et transferts versés à ses partenaires couvrent :

– pour un montant de 300 000 euros, une dotation visant à financer les publications et les actions pédagogiques du ministère, c’est-à-dire principalement la revue « Les chemins de la mémoire », produite à 23 000 exemplaires papiers et diffusée en version numérique, ainsi que diverses actions pédagogiques ;

– une subvention de 350 000 euros versée à l’ONaCVG pour le financement d’actions pédagogiques, qu’il s’agisse de l’organisation du concours national de la Résistance et de la Déportation dans chaque département ou d’actions de mémoire organisées sur les territoires afin de rendre hommage aux combattants et victimes ou de soutenir des projets mémoriels d’intérêt local ;

– une enveloppe de 2,05 millions de subventions au bénéfice d’acteurs publics ou privés (collectivités territoriales, établissements d’enseignement, fondations, associations, etc.) engagés dans des projets mémoriels d’intérêt national ou d’enseignement de défense.

– une contribution de 100 000 euros permettra de piloter une nouvelle commission de subventions dans le cadre du développement de l’enseignement de défense où seront présentés des projets pédagogiques exceptionnels durables et pérennes, mise en place en partenariat avec des associations d’anciens combattants (l’UBFT et la FNAM). Les projets de fin d’étude, dits « chef-d’œuvre », réalisés par les classes des lycées professionnels sont particulièrement visés.

Au cours des trois dernières années, les établissements scolaires ont également été invités à répondre à des appels à projets pédagogiques portant sur des thématiques liées à l’actualité, comme « La guerre d’Algérie : une histoire militaire, des mémoires combattantes », « Photographier et filmer les conflits à l’époque contemporaine » ou encore « Écrivains en guerre ».

En 2023, environ 390 projets pédagogiques devraient être financés par la DMCA, mobilisant près de 19 000 élèves et enseignants pour un coût total estimé à 340 M€. Par ailleurs, la DMCA soutient financièrement les actions des trinômes académiques, avec 190 projets devant être financés en 2023.

En parallèle, outre une convention signée avec l’Agence de l’enseignement français à l’étranger au profit des établissements d’enseignement français à l’étranger en 2020, puis avec le ministère de l’agriculture au profit des établissements d’enseignement agricoles en 2021, la DMCA élargira ses actions d’enseignement de défense au travers de la prochaine convention de partenariat avec la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture au profit des lycées professionnels maritimes et aquacoles.

Enfin, le ministère des Armées prend toujours plus en compte la nécessité d’adapter son offre aux publics jeunes. Aussi, l’appel à projet lancé par la DMCA nommé « Commémorer autrement » a pour but de rendre plus attrayantes les commémorations et de répondre aux attentes d’un public adepte de médias audiovisuels ou numériques. Pour cela, des projets ont été recensés pour moderniser les commémorations en renforçant leur dimension numérique, l’intégration de la jeunesse et l’ouverture au monde culturel, comme celui de la musique notamment. Compte tenu d’un premier bilan positif, l’appel à projet aura vocation à être reconduit sur un rythme bisannuel, selon un format renouvelé.

2.   L’entretien et la valorisation des lieux de mémoire

Le patrimoine de pierre regroupe à la fois les nécropoles et sépultures de guerre – qui réunit au total près de 770 000 corps, en tombes individuelles ou en ossuaires – et les hauts lieux de la mémoire nationale (HLMN), dont le nombre a été porté à dix avec l’inauguration en 2019 du Monument aux morts pour la France en opérations extérieures, situé aux abords du Parc André Citroën, dans le XVe arrondissement de Paris.

Le budget 2024 pour l’entretien des sépultures de guerre et les lieux de mémoire s’élève au total à 16,90 millions d’euros, soit une hausse de 3,28 M€, répartis de la manière suivante :

2,35 millions d’euros au titre de l’opération budgétaire dite « opérations Lieux de mémoire de l’État », en hausse de 0,20 M€, qui retrace les crédits alloués aux actions nationales de valorisation des sites mémoriels (à hauteur de 0,25 M€) – ce qui inclut, à titre d’exemple, la participation à des événements tels que le salon mondial du tourisme –, ainsi qu’à l’entretien des sépultures de guerre situées outre-mer et à l’étranger (1,9 million d’euros), au travers des missions de défense de notre réseau diplomatique.

14,55 millions d’euros au titre d’une opération budgétaire de « subventions et transferts », en hausse de 3,05 M€, qui retrace les crédits destinés à l’entretien et la valorisation des sépultures de guerre et HLMN en France métropolitaine, en Algérie et au Maroc, les aides à la rénovation des monuments aux morts communaux et départementaux ainsi que les ressources allouées à l’essor du tourisme de mémoire (amélioration de la signalisation routière des nécropoles, installation de panneaux historiques sur les lieux de mémoire, etc.). L’ONaCVG est destinataire de l’essentiel de cette dotation, soit 13,6 millions d’euros, principalement pour le financement des opérations de rénovation du patrimoine de pierre (13,1 millions d’euros). Votre rapporteure considère que cette hausse est nécessaire au regard du contexte inflationniste qui pèse sur le coût des facteurs, et in fine sur le coût des rénovations.

L’enveloppe dédiée au développement des partenariats avec les territoires dans le cadre du tourisme de mémoire est fixée à 0,95 M€, en hausse de 0,15 M€ par rapport à 2023. Les crédits permettront de finaliser les dossiers pour lesquels l’État s’est engagé les années précédentes et de débuter quelques nouveaux partenariats avec les collectivités territoriales pour la création et surtout la rénovation d’équipements mémoriels, en privilégiant les thématiques mémorielles de l’année 2024.

En parallèle, le ministère des Armées a fortement investi dans les hauts lieux de la mémoire nationale (HLMN), désormais accessibles gratuitement à tous les publics scolaires.

De manière plus générale, il convient de rappeler que le programme pluriannuel de rénovation du patrimoine mémoriel pour les années 2020 à 2025 concerne tout autant les sépultures de guerre et les HLMN. Il accorde une priorité aux sites les plus dégradés, où les bâtis architecturaux sont en péril, voire où la sécurité des visiteurs est menacée, ainsi qu’à ceux concernés par les cycles mémoriels intervenant sur cette période.

En 2023, les travaux de rénovation ont essentiellement concerné :

– s’agissant des nécropoles et des carrés militaires, la poursuite des travaux dans les nécropoles d’Amblény (Aisne), du mémorial de Chasseneuil-sur-Bonnieure (Charente), du monument-ossuaire de Navarin (Marne), de la tour lanterne de la nécropole de Notre-Dame de Lorette (Pas-de-Calais) ainsi que des chapelles des nécropoles de Vitry-le-François et de Sillery (Marne), de Riche et de Metz-Chambière (Moselle). À l’étranger, les restaurations des cimetières militaires de Saint-Eugène Bologhine (Algérie) et d’Alnif (Maroc) ont également été engagées en 2022 et se poursuivront en 2024. Hors Afrique du Nord, la programmation de travaux dans les cimetières en Belgique sera une priorité, ainsi que la poursuite de la restauration du cimetière militaire français de Venafro en Italie.

– pour les HLMN, outre la poursuite du chantier de rénovation de la chambre à gaz de l’ancien camp du Struthof (Bas-Rhin), des opérations ont été engagées, notamment la réfection des murs d’enceinte extérieurs et l’aménagement des ateliers à Montluc (Rhône) ou encore la création d’un local de stockage au Struthof. Par ailleurs, les travaux de sécurisation et de valorisation du mémorial de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (Paris) ont été achevés. Le réaménagement du mémorial a été inauguré lors de la Journée nationale du 19 mars, date du 60e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie.

En 2024, ils concerneront :

– pour les nécropoles et carrés militaires, des restaurations d’envergure devraient commencer, et concernent notamment la nécropole de Saint-Mandrier-sur-Mer (Var), la crypte-ossuaire de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) ainsi que le parking et les sanitaires de la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette. Le lancement de travaux pour les nécropoles (Altkirch, Buhl, Sarrebourg etc.) et les carrés militaires (Montauban) où des études ont été conduites en 2023.

– pour les HLMN, la rénovation complète du mémorial des guerres en Indochine à Fréjus (Var) ou encore la restauration de la baraque cuisine de l’ancien camp du Struthof. Enfin, 2024 sera l’année de clôture du chantier au Struthof et des ateliers à Montluc.

Par ailleurs, des travaux de déplacement sont en cours concernant le monument OPEX du camp militaire de Mailly (inauguré en 2013), afin qu’il soit installé dans la partie bâtie du camp, ouverte au public, et notamment aux familles pour permettre sa visibilité au plus grand nombre. Avec un coût qui s’élève à environ 10 000 €, cette opération de déménagement a été pilotée par l’amicale du régiment et financée par le Souvenir français et le Conseil départemental de l’Aube. Les travaux de déplacement sont désormais très avancés et l’inauguration est prévue le 1er février 2024. Votre rapporteure pour avis salue avec enthousiasme cette initiative nécessaire qui participe à la valorisation de la mémoire des anciens combattants de la quatrième génération du feu, en particulier l’engagement du 5ème régiment de Dragons.

S’ajoutent à ces opérations pluriannuelles des dépenses d’entretien courant. En outre, le nombre de sites à prendre en compte est en augmentation perpétuelle. Depuis 2020, 9 nouveaux pays sont pris en charge par la DMCA (Chypre, Croatie, Tunisie, Ukraine, Érythrée, Centrafrique, Cameroun, Niger et Pakistan).

G.   L’effort fiscal et social de l’État en faveur du monde combattant

À l’effort budgétaire de l’État s’ajoutent nombre de dispositifs fiscaux qui permettent également de témoigner de la reconnaissance de la Nation à l’égard des anciens combattants et de leurs familles.

Votre rapporteure se félicite que l’examen de la loi de finances initiale pour 2023 ait permis, à l’initiative de parlementaires du groupe Les Républicains et avec la bonne volonté de la ministre, d’attribuer la carte du combattant au conjoint survivant à partir de 74 ans quel que soit l’âge du décès du conjoint titulaire de la carte du combattant. Il s’agissait d’une demande récurrente de la part des associations du monde combattant qui permet de revenir sur une injustice fiscale qui venait s’ajouter à la douleur causée par la perte du conjoint. En 2022, le nombre de ménages bénéficiaires s’élevait à 839 316 pour une dépense fiscale réalisée de 514 M€. En 2024, cette dépense fiscale s’élève à 489 millions d’euros (et reste stable par rapport à 2023). Votre rapporteure note que le montant dévolu à ce dispositif fiscal est en diminution malgré son extension, elle recommande de veiller à ce que les personnes concernées soient effectivement informées de leurs droits pour éviter tout phénomène de non-recours. Certaines associations ont également attiré l’attention de votre rapporteure sur l’opportunité d’envisager d’étendre le dispositif aux conjoints survivants des titulaires du titre de reconnaissance de la Nation et non seulement de la carte du combattant.

Quatre autres dispositifs participent à cet effort fiscal, pour un coût total de 615 millions d’euros. Ces dispositifs ont été créés au profit des anciens combattants au titre du droit à réparation pour services rendus à la Nation. Il serait donc indécent d’y revenir, d’autant plus que les pensions versées par ailleurs ont des niveaux plutôt modestes. À noter que l’exonération des indemnités versées aux victimes des essais nucléaires français, anciennement rattachée au programme 169, est rattachée depuis 2022 au programme 129 de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».

DÉpenses fiscales sur impÔts d’État rattachÉes au programme 169

(en millions d’euros)

Libellé

Chiffrage pour 2022

Chiffrage pour 2023

Chiffrage pour 2024

Demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 74 ans titulaires de la carte du combattant et pour les conjoints survivants de plus de 74 ans des personnes ayant bénéficié de la retraite du combattant au moment de leur décès

514

489

489

Exonération de la retraite du combattant, des pensions militaires d’invalidité, des retraites mutuelles servies aux anciens combattants et aux victimes de guerre et de l’allocation de reconnaissance servie aux anciens membres des formations supplétives de l’armée française en Algérie (harkis) et à leurs veuves, ainsi que l’allocation viagère servie aux conjoints et ex-conjoints, survivants de harkis, moghaznis et personnels des autres formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie qui ont fixé leur domicile en France

105

105

99

Déduction des versements effectués en vue de la retraite mutualiste du combattant

25

27

27

Réduction de droits en raison de la qualité du donataire ou de l’héritier

Non significatif (<0,50 M€)

Non significatif (<0,50 M€)

Non significatif (<0,50 M€)

Exonération de droits de mutation pour les successions des victimes d’opérations militaires ou d’actes de terrorisme

Non chiffrable

Non chiffrable

Non chiffrable

Coût total des dépenses fiscales

644

621

615

Source : PAP 2024.

Votre rapporteure souhaite cependant soulever la question des reçus fiscaux, portée en audition par les membres des associations d’anciens combattants. Toutes les associations d’anciens combattants dites du « G12 » n’étant pas reconnues d’intérêt général par l’État, les dons ou cotisations ne sont donc pas systématiquement déductibles des impôts du contribuable. En effet, pour ouvrir droit à la réduction d'impôts, les versements effectués dans le cadre du mécénat doivent l'être au profit d'organismes d'intérêt général. Autrement dit, l'activité de ces organismes doit être non lucrative et ne pas profiter à un cercle restreint de personnes. L’article 19 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 impose ensuite aux organismes bénéficiaires de dons des particuliers ou des entreprises de déclarer les dons au titre desquels ils ont émis des reçus fiscaux indiquant aux contribuables qu’ils sont en droit de bénéficier des réductions d’impôt prévues par le régime de faveur du mécénat. Votre rapporteure plaide en faveur d’une attribution du statut d’association d’intérêt public à ces associations d’anciens combattants, afin de maintenir le niveau de mobilisation citoyenne nécessaire à leur pérennisation. Elle considère en effet que les actions de ces associations dépassent la seule défense des intérêts des anciens combattants mais contribuent également au travail de mémoire et au renforcement des forces morales de la Nation.


II.   Le programme 158 « Indemnisation des victimes des persÉcutions antisÉmites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale »

Placé sous la responsabilité du Premier ministre, le programme 158 assure le financement de dispositifs d’indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie commis durant la Seconde Guerre mondiale. Trois dispositifs ont été institués en ce sens par le pouvoir réglementaire :

– le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 a créé un dispositif d’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait de législations antisémites. Si l’activité de la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) connaît un net ralentissement, de nouvelles demandes continuent néanmoins à être enregistrées et s’ajoutent aux dossiers encore à l’instruction. Ce dispositif est répertorié à l’action 01 ;

– le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 a créé un dispositif d’indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. L’activité demeure stable, et l’on constate un net ralentissement du dépôt de nouveaux dossiers. Ce dispositif est répertorié à l’action 01 ;

– le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 a créé un dispositif d’indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie. L’activité demeure soutenue, et les services enregistrent encore de nouvelles demandes. Ce dispositif est répertorié à l’action 02.

Afin d’améliorer la lisibilité de l’utilisation des crédits du programme, les crédits de l’action 01 « Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation » ont été scindés en deux sous actions, correspondant aux deux dispositifs qui la composent (le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 ainsi que le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000).

L’instruction des dossiers est réalisée par la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) pour les spoliations, et pour l’aide aux orphelins par le département reconnaissance et réparation de l’ONaCVG, situé à Caen. Les décisions accordant ou refusant des mesures de réparation financière sont prises par le Premier ministre, tandis que la mise en paiement est confiée à l’ONaCVG par les trois décrets.

Évolution des crÉdits du programme 158 de 2023 à 2024

(en euros)

Mission
« Anciens combattants »

LFI 2023

PLF 2024

AE=CP

AE=CP

P 158

Action 1

Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation

42 659 381

40 092 802

Sous action 1

Indemnisation des victimes de spoliations

 

10 800 846

Sous action 2

Indemnisation des victimes d’actes antisémites

 

29 291 956

Action 2

Indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale

48 891 720

48 048 033

Total P158

91 551 101

88 140 835

Source : PAP 2024.

A.   L’indemnisation des orphelins de la dÉportation et des victimes de spoliations

1.   L’indemnisation des orphelins

Le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 a institué une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. Ce dispositif s’adresse à toute personne, mineure de moins de 21 ans au moment des faits, dont le père ou la mère, déporté de France en raison des persécutions antisémites, est décédé ou a disparu en déportation.

D’octobre 2000, début de la campagne d’indemnisation, au 30 juin 2023, le service instructeur de l’ONaCVG à Caen déclare avoir enregistré 17 904 demandes. Il en résulte que 14 363 décisions ont été transmises aux services du Premier ministre, 13 661 décisions d’indemnisation ont été prises et 703 rejets ont été notifiés.

Pour ces orphelins, cette mesure de réparation prend la forme, au choix du bénéficiaire, d’un capital au montant fixe de 27 440,82 euros ou d’une rente viagère dont le montant mensuel s’élève, en 2023, à 662,38 euros, revalorisée de 2,5 % chaque année. Sur les 13 661 indemnisations accordées, 6 658 l’ont été sous forme de capital (49 %) et 7 003 sous forme de rente viagère (51 %).


Évolution de l’indemnisation des orphelins de parents victimes de persÉcutions antisÉmites

 

Nombre de
demandes reçues

Nombre de bénéficiaires
indemnisés

Coût complet

en M€

2000

13 173

4 000

24,9

2001

2 592

7 800

163,4

2002

1 059

845

50,7

2003

274

256

44,8

2004

195

201

39,8

2005

122

125

37,8

2006

109

112

38,4

2007

45

55

36,9

2008

38

18

35,7

2009

39

35

36,1

2010

54

28

36,3

2011

23

49

37,2

2012

31

22

36,5

2013

22

25

36,7

2014

22

10

36,4

2015

35

25

36,6

2016

27

22

36,2

2017

11

8

35,5

2018

11

9

35,02

2019

6

3

34,34

2020

8

6

32,93

2021

7

4

31,42

2022

1

3

30,16

2023 (1er semestre)

0

0

14,55

total au 30/06/2023

17 904

13 661

978,46

Source : services du Premier ministre.

Le coût total des aides financières accordées aux orphelins de parents victimes de persécutions antisémites s’élève, au 30 juin 2023, à 978,46 millions d’euros.

La quasi-totalité des dossiers a d’ores et déjà été traitée et la direction des missions de l’ONaCVG, chargée d’instruire les demandes reçues au titre du décret du 13 juillet 2000, enregistre un nombre restreint de nouvelles demandes. Ces dernières se sont élevées au nombre de 8 en 2020, 7 en 2021 et 1 en 2022.

Pour cette raison, la prévision 2023 porte sur 29,73 M€, soit 29,59 M€ au titre de l’arrérage annuel destiné aux 3 723 crédirentiers attendus sur l’exercice, 0,01 M€ au titre des décisions nouvelles attendues sur l’exercice versées sous forme de rente et 0,13 M€ au titre des décisions nouvelles attendues versées sous forme de capital.

2.   L’indemnisation des victimes de spoliations

Pour rappel, dans la foulée de la remise du rapport Mattéoli au Premier ministre en 1998, le décret du 10 septembre 1999 a institué auprès de ce dernier une commission d’indemnisation des victimes de spoliations, chargée « de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d’indemnisation appropriées ». Cette commission propose au Premier ministre les mesures de réparation, de restitution ou d’indemnisation pour des préjudices consécutifs aux spoliations de biens.

Les indemnités accordées peuvent être mises à la charge de l’État français ou, en application des accords de Washington du 21 mars 2001, imputées sur les fonds du Fonds social juif unifié lorsqu’il s’agit d’indemniser des avoirs bancaires.

Entre le mois d’octobre 2000, qui marque le début de la campagne d’indemnisation, et le 30 juin 2023, 24 907 dossiers ont été transmis aux services du Premier ministre, 22 921 dossiers proposent une indemnisation mise à la charge de l’État français et 1 986 dossiers portent rejet ou désistement. Au 30 juin 2023, 22 790 recommandations ont été traitées par le Premier ministre et concernent, compte tenu des partages successoraux, 50 114 bénéficiaires qui perçoivent des indemnités uniquement sous la forme d’un capital.


Évolution de l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des lÉgislations antisÉmites en vigueur pendant l’Occupation

 

Nombre de recommandations
traitées

Nombre de
bénéficiaires
indemnisés

Coût complet

(en millions d’euros)

2000/2001

726

1 576

13,65

2002

1 883

4 353

35,73

2003

2 117

4 719

53,38

2004

1 970

4 465

46,21

2005

2 381

5 290

44,04

2006

2 560

5 345

66,23

2007

2 712

5 565

59,34

2008

1 872

4 119

51,26

2009

1 318

3 090

27,59

2010

939

2 104

14,65

2011

927

1 998

17,22

2012

974

2 119

11,7

2013

470

972

7,79

2014

333

728

7,61

2015

352

847

7,55

2016

231

512

4,79

2017

205

417

4,8

2018

184

443

8,21

2019

164

413

17,03

2020

131

309

4,32

2021

135

236

3,29

2022

171

413

2,64

2023 (1er semestre)

35

81

2,64

Total au 30/06/2023

22 790

50 114

511,67

Source : services du Premier ministre.

 

 

Le coût total des aides financières accordées aux victimes de spoliations s’élève au 30 juin 2023 à 511,67 millions d’euros.

En moyenne, 7 dossiers nouveaux ont été enregistrés chaque mois en 2020, 10 en 2021 et 4 en 2022. La prévision pour 2024 porte sur 9 millions d’euros pour les nouveaux dossiers attendus au coût moyen de 22 000 euros. Ce coût moyen prévisionnel est calculé sur les indemnités précédemment allouées, ainsi que sur les coûts prévisionnels des dossiers à forts enjeux financiers dont l’instruction est susceptible d’arriver à terme en 2024.

Toutefois, ce coût moyen traduit mal la grande diversité des patrimoines spoliés et donc, les disparités considérables entre les indemnités accordées. Il est par ailleurs difficile de déterminer la date à laquelle doit arriver à terme l’instruction de dossiers concernant des patrimoines importants, toujours pendante à la CIVS. De même, il est difficile d’évaluer la date à laquelle les parts réservées vont être levées par les bénéficiaires.

Le décret n° 2018-829 du 1er octobre 2018 modifiant le décret du 10 septembre 1999 a confié à la CIVS le soin de formuler, à l’attention du Premier ministre, des recommandations relatives à la restitution ou à l’indemnisation de biens culturels spoliés du fait du national-socialisme, après instruction des demandes par la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945, instituée au sein du ministère de la Culture (décret n° 2019-328 et arrêté du 16 avril 2019).

Par décret n° 2019-409 du 3 mai 2019 relatif à certaines commissions administratives à caractère consultatif relevant du Premier ministre, la CIVS a été renouvelée pour une durée de cinq ans.             

a.   Le bilan d’activité du dispositif d’indemnisation des victimes de spoliations matérielles et bancaires depuis le début des travaux de la CIVS

● Depuis le début de ses travaux jusqu’au 31 décembre 2022, la Commission a enregistré 29 961 dossiers : 19 812 concernent des spoliations matérielles, 10 038 des spoliations bancaires, et 111 des spoliations de biens culturels spoliés au sens du décret n° 2018-829 du 1er octobre 2018.

En 2022, 61 nouveaux dossiers ont été enregistrés : 35 dossiers matériels, 19 dossiers bancaires et 7 dossiers de biens culturels spoliés, ce qui correspond à une moyenne de 5 nouveaux dossiers reçus mensuellement.

Les recommandations sont émises par le collège délibérant, réuni en formation plénière ou restreinte, ou selon la procédure du président statuant seul. Au 31 décembre 2022, la CIVS a formulé 35 595 recommandations.

Durant l’année 2022, la CIVS a organisé 5 séances restreintes au cours desquelles 26 dossiers ont été examinés, et 15 séances en formation plénière (pour les dossiers les plus complexes et à fort enjeu financier et pour les demandes de réexamen) qui ont permis l’examen de 52 dossiers. Enfin, 71 dossiers ont été examinés selon la procédure dite du « président statuant seul ». En tout, 186 recommandations ont été émises en 2022, dont 131 ont concerné des spoliations matérielles, 34 des spoliations bancaires et 21 spécifiquement des spoliations de biens culturels.

Le montant total des indemnisations recommandées par la Commission depuis le début de ses travaux jusqu’au 31 décembre 2022, s’élève à 543,1 millions d’euros mis à la charge de l’État.

● Le montant des indemnisations allouées au titre des spoliations d’avoirs bancaires s’élève à 56,30 M€, dont 45,50 M€ à la charge des banques et 10,80 M€ mis à la charge de l’État.

L’instruction des dossiers révèle régulièrement l’existence d’autres ayants droit qui ne sont pas associés à la requête, soit parce qu’ils n’ont pas souhaité donner pouvoir de représentation aux requérants initiaux soit parce que leurs identités et adresses postales sont inconnues. Le collège délibérant est donc tenu de réserver les parts d’indemnité qui reviennent à ces héritiers, à charge pour les bénéficiaires de se manifester par écrit auprès de la Commission afin de demander la levée de la réserve émise sur leur part indemnitaire en justifiant de leur identité et de leur qualité d’ayants droit.

Les parts réservées dont la levée n’a pas été demandée sont conservées sans limitation de durée et dans l’attente que les ayants droit concernés se manifestent.

Depuis 2016, et dans un souci de bonne gestion publique, et rejoignant en cela les préconisations de la Cour des comptes qui relevait dès 2011 l’enjeu financier constitué par les parts réservées, la CIVS a décidé de développer la recherche des ayants droit afin de rendre effectif le versement des indemnités réservées. Ces mesures poursuivent deux finalités :

– limiter la création de nouvelles parts réservées en recherchant les ayants droit dès l’ouverture du dossier et jusqu’au terme de l’instruction ;

– lever les parts réservées en recherchant les ayants droit des dossiers ayant déjà fait l’objet de recommandations d’indemnisation.

Au 31 décembre 2022, le montant total des parts en attente de versement s’élève à 24,5 millions d’euros. Sur fonds bancaires, les parts réservées s’élèvent à 1,8 million de dollars (USD) au 31 décembre 2022.

b.   Les biens culturels spoliés

● En 2018, la France a décidé de modifier son organisation publique pour renforcer la mission de restitution des biens culturels spoliés du fait du national-socialisme. Dans cette nouvelle configuration, une procédure spécifique de recherche des propriétaires ou de leurs héritiers est mise en place en vue de restituer, ou à défaut d’indemniser les biens culturels ayant été spoliés pendant l’Occupation, notamment ceux conservés par les institutions publiques :

– le décret n° 2018-829 du 1er octobre 2018 modifiant le décret du 10 septembre 1999 confie à la CIVS le soin de formuler des recommandations au Premier ministre après instruction des demandes par la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (M2RS) ;

– l’arrêté du 16 avril 2019 portant création de cette mission au sein du ministère de la Culture lui confie l’instruction des cas de spoliations de biens culturels mentionnés à l’article 1-1 du décret instituant la CIVS, dans les conditions fixées à l’article 1-2 de ce décret.

Le dispositif issu de ces deux textes instaure par principe les étapes suivantes :

– ouverture d’un dossier par la CIVS sur autosaisine, ou sur saisine d’un requérant ou à la demande de toute personne concernée, soit directement auprès de la CIVS, soit indirectement, par l’intermédiaire de la Mission ;

– instruction du cas de spoliation par la Mission ;

– proposition de restitution ou d’indemnisation par les membres du collège délibérant de la CIVS, siégeant en commission élargie à plusieurs personnalités qualifiées, afin de renforcer son expertise en la matière (les personnalités qualifiées ont été nommées par décret du 6 mai 2019, et pour trois ans supplémentaires par décret du 8 avril 2022) ;

– décision de restitution ou d’indemnisation par le Premier ministre.

Lorsque les œuvres d’art ne sont pas localisées, celles-ci sont indemnisées sur la base de la valeur financière estimée, et réactualisée, de l’œuvre au moment de la spoliation. L’étude s’appuie sur des documents et témoignages produits par les demandeurs, des informations retrouvées dans les fonds d’archives et différents ouvrages qui recensent les ventes et fournissent les prix d’adjudication des œuvres d’un artiste sur la période 1935-1955. Cependant, l’évaluation des indemnités concernant les œuvres d’art est délicate et complexe. Si l’œuvre est localisée, des pourparlers sont entamés avec le détenteur actuel afin de tenter d’obtenir sa restitution. La situation la plus favorable se produit lorsque l’œuvre revendiquée est identifiée comme « MNR » (pour « Musées Nationaux Récupération » : œuvres retrouvées sur le territoire du Reich et ramenées en France à la fin de la guerre, confiées depuis lors à la garde des musées nationaux dans l’attente de leur restitution).

● Depuis le 16 avril 2019, la Commission s’est réunie à 34 reprises dans la nouvelle formation prévue par le décret du 1er octobre 2018. Ces séances ont permis l’examen de 50 demandes de réparation pour la spoliation de biens culturels mobiliers.

Depuis sa création et jusqu’en 2019, la CIVS avait recommandé 14 restitutions (pour sept dossiers). Le nouveau dispositif, certes freiné par l’installation tardive au sein du ministère de la culture, à l’été 2019, de la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 et par les effets de la crise sanitaire, porte déjà ses fruits, puisque la restitution de 26 œuvres, dans huit dossiers, a déjà été recommandée.

Toutefois, quand elles concernaient des œuvres d’art appartenant au domaine public, les mesures de restitution que la CIVS recommandait au Premier ministre se heurtaient au droit du patrimoine qui ne permettait pas de les en faire sortir, même si la spoliation était démontrée, en raison du caractère inaliénable des collections publiques. De manière ponctuelle, la loi n° 2022-218 du 21 février 2022 avait dérogé au principe d’inaliénabilité pour une liste nominative de quinze œuvres.

Néanmoins, une évolution législative est intervenue pour remédier à cette difficulté. Ainsi, la loi n° 2023-650 du 22 juillet 2023 relative à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 permettra à l’avenir de procéder à la restitution d’œuvres spoliées sans qu’il soit nécessaire d’adopter une nouvelle loi d’espèce.

Aussi, la loi n° 2023-650 du 22 juillet 2023 relative à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 élargit-elle, pour les œuvres se trouvant dans les collections publiques françaises (ou dans un « Musée de France » de droit privé), le champ de compétence géographique et temporel de la CIVS.

Cet élargissement du champ de compétence de la CIVS explique l’évolution de son schéma d’emplois (+1 ETP prévu pour 2024) et des crédits du titre 2. En effet, la CIVS, qui n’était compétente que pour les spoliations intervenues en France pendant l’Occupation, sera désormais conduite à examiner le cas de spoliations commises hors de France, ou commises avant la guerre. Les recherches entreprises pour documenter ces spoliations devront donc être étayées par des fonds d’archives étrangers. Il s’agit de constituer de nouveaux partenariats avec des acteurs français et étrangers de la recherche en archives, afin de pouvoir se prononcer sur l’existence de la spoliation et ses circonstances.

Votre rapporteure souhaite attirer l’attention sur une nécessaire revalorisation de l’investissement dans la recherche de provenance – qui permettrait d’optimiser la procédure d’instruction des dossiers (le délai moyen d’instruction est actuellement compris entre deux ans et demi et trois ans).

La loi prévoit un décret en Conseil d’État, qui devra notamment se substituer aux textes réglementaires régissant actuellement la CIVS en matière de compétence et de fonctionnement. Le décret d’application doit préciser les autres modalités de réparation possibles, s’il est décidé de ne pas restituer l’œuvre. Il pourra s’agir d’une compensation financière versée par le détenteur de l’œuvre aux ayants droit (hors programme 158).

Enfin, depuis le décret n° 2018-829 du 1er octobre 2018, la CIVS peut s’autosaisir en matière de biens culturels mobiliers. Au 31 décembre 2022, la CIVS a fait usage à quatre reprises de cette faculté : 2 fois en 2020 ; 2 fois en 2021.

B.   L’indemnisation des victimes d’actes de barbarie

L’action 2 du programme 158 couvre les dépenses relatives à l’indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale. Ce dispositif, institué par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004, prend la forme d’une aide financière versée en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins de déportés résistants et politiques morts en déportation, les orphelins de personnes arrêtées et exécutées dans les conditions définies aux articles L. 342-1 et L. 343-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, ainsi qu’aux personnes dont le père ou la mère a été déporté à partir du territoire national, durant l’Occupation et dans des conditions mentionnées aux articles L. 342-3 et L. 343-5 du même code.

Entre août 2004, qui marque le début de la campagne d’indemnisation et le 30 juin 2023, 34 791 demandes ont été enregistrées par le service instructeur de l’ONaCVG à Caen, ce chiffre incluant une reprise statistique, avec le département « Reconnaissance et réparation », de dossiers classés sans suite, désormais comptabilisés dans le total. Il en résulte que 27 179 décisions ont été transmises, 22 800 décisions d’indemnisation ont été prises et 4 379 rejets ont été notifiés.

Pour ces orphelins, la mesure prend la forme, au choix du bénéficiaire, d’un capital au montant fixe de 27 440,82 euros ou d’une rente viagère dont le montant mensuel s’élève à 662,38 euros en 2023. Sur les 22 800 indemnisations accordées, 13 936 l’ont été sous forme de capital (61 %) et 8 864 sous forme de rente viagère (39 %).

Évolution de l’indemnisation des orphelins dont les parents ont ÉtÉ victimes d’actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale

 

Nombre de demandes reçues

Nombre de bénéficiaires indemnisés

Coût complet (en millions d’euros)

2004

20 606

1 999

 

2005

4 184

12 000

207,481

2006

2 229

4 736

190,561

2007

2 055

1 231

61,686

2008

1 095

496

56,653

2009

1 226

926

65,168

2010

812

507

55,839

2011

636

277

55,4

2012

462

150

53,734

2013

292

93

50,992

2014

348

54

51,27

2015

192

104

52,131

2016

207

58

51,616

2017

166

52

51,48

2018

139

32

50,862

2019

59

39

51,234

2020

35

24

49,899

2021

22

12

48,468

2022

12

4

47,674

2023 (1er semestre)

14

6

23,478

Total au 30/06/23

34 791

22 800

1 275,626

Source : services du Premier ministre.

Le coût total des aides financières accordées aux orphelins de parents victimes d’actes de barbarie s’élève, au 30 juin 2023, à 1 275,63 millions d’euros.

Il convient par ailleurs de noter que l’ONaCVG, chargé d’instruire les requêtes en la matière, enregistre toujours un nombre en baisse de nouvelles demandes : 35 en 2020, 22 en 2021 et 12 en 2022.

Sur la base des dépenses prévues au titre de l’arrérage annuel destiné aux 6 023 crédirentiers vivants au 31 décembre 2022, ainsi qu’aux décisions nouvelles versées sous forme de rente et de capital attendues sur l’exercice, l’exécution 2023 devrait être de l’ordre de 47 millions d’euros.


—  1  —

   Seconde partie :
les maisons ATHOS – un programme de rÉhabilitation psychosociale adaptÉ À la singularitÉ de la blessure psychique du militaire

Alors que la secrétaire d’État aux Anciens combattants et à la Mémoire a présenté un nouveau plan Blessés 2023-2027 au printemps dernier, votre rapporteure a souhaité consacrer la partie thématique de son avis budgétaire à la prise en charge de la blessure psychique, et plus spécifiquement au dispositif ATHOS.

Expérimenté depuis 2021 et pérennisé dans le cadre de la LPM 2024-2030, ATHOS est un dispositif « militaro-social » de réhabilitation psychosociale des militaires et anciens militaires blessés psychiques en service, créé en réponse à l’augmentation du nombre de ces blessés résultant du durcissement des combats sur les théâtres OPEX notamment d’Afghanistan, de République centrafricaine et du Mali. Initié en février 2019 par l’armée de Terre, puis conduit en mode projet, en partenariat avec l’Institution de gestion sociale des armées (IGESA), avec l’ouverture de deux premières maisons ATHOS (à Bordeaux et à Toulon dès janvier 2021), le dispositif s’est ensuite étendu avec l’ouverture successive de deux nouvelles maisons ATHOS (à Aix-les-Bains en avril 2022 et enfin à Auray en avril 2023). Pour accompagner la montée en puissance du dispositif, le pilotage d’ATHOS a été confié à l’Institution de gestion sociale des armées (Igesa), dans la continuité de son rôle durant la phase pilote, et l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), dont la vocation est d’aider et d’accompagner au plus près les combattants dans la durée, à compter de juillet 2023.

Les résultats encourageants de l’expérimentation ATHOS ont conduit à ouvrir la voie à une extension du dispositif. En visite dans la maison de Bordeaux à la rencontre des membres d’ATHOS, votre rapporteure a pu constater la pertinence du dispositif qui répond à un réel besoin et s’avère complémentaires des autres modes de prise en charge.

Toutefois, votre rapporteure s’emploie dans son avis à dresser plusieurs axes d’amélioration, visant notamment à améliorer l’identification des militaires sortis de l’institution potentiellement éligibles, à développer la communication autour du dispositif à poursuivre les dispositifs « d’aller vers » aujourd’hui expérimentés, à accélérer la simplification des démarches administratives et du parcours du blessé, veiller à l’égalité territoriale du dispositif notamment en Outre-mer, à mener une véritable évaluation du dispositif, tout en consolidant sa gouvernance et à poursuivre le développement des partenariats extérieurs et du mécénat pour l’ouverture de nouvelles maisons.

I.   Les maisons ATHOS, un dispositif innovant de rÉhabilitation psychosociale des militaires blessÉs pSYchiques en cours de dÉploiement

A.   Les maisons ATHOS ont ÉTÉ expÉrimentÉes dÈs 2021 pour rÉpondre À UN besoin de prise en charge non mÉdicalisÉe des militaires bléssÉs psychiques

Faisant suite à la multiplication des plans en faveur des blessés psychiques, la création d’un dispositif dédié à la réhabilitation psychosociale, non médicalisée, qui prépare au retour à la vie sociale et professionnelle, est apparue comme un impératif. Complémentaire à la prise en charge assurée par le SSA, ATHOS est venu créer une sorte de pont entre les différents dispositifs, entre la fin de la crise aiguë du syndrome post traumatique et le moment où la réinsertion professionnelle et sociale est bien engagée.

L’organisation mondiale de la santé retient la définition suivante en 1974 : la réhabilitation psychosociale est « l’ensemble des activités assurant aux patients les conditions physiques, mentales et sociales optimales pour occuper par leurs moyens propres une place aussi normale que possible dans la société ». Ces principes et valeurs ont été adaptés à la population militaire pour prendre en compte, notamment, des éléments de conduites propres aux apprentissages acquis par les militaires tout au long de leur parcours.

1.   L’apparition d’un réel besoin des forces dans un contexte de montée en puissance de la problématique de la blessure psychique dans les armées

a.   L’augmentation du nombre de blessés psychiques lié aux OPEX a contribué à la prise de conscience du ministère des armées

• Dans un contexte d’intense engagement en opérations intérieures comme extérieures, le syndrome post-traumatique a fait l’objet d’une attention croissante du ministère des Armées.

La reconnaissance du syndrome post-traumatique, est relativement récente. Pour mémoire, il a fallu attendre 1992 pour que le syndrome de stress post-traumatique soit reconnu comme une blessure à part entière. Il semblerait que la prise de conscience ait été accélérée par la dureté du conflit en Afghanistan et notamment la tragique embuscade d’Uzbin en 2008, puis par les interventions au Mali et en Centrafrique. Ainsi, le premier sas de fin de mission a été ouvert à Chypre en 2009.

Les premiers plans de traitement de la blessure psychique ont ensuite vu le jour à compter de 2011 et se sont multipliés avant d’aboutir au plan Blessés 2023-2027. Les trois premiers plans (2011, 2013 et 2015) étaient très orientés vers la prise en charge médicale par le SSA et les modalités de réparation de la blessure. Le plan de 2011 a, par exemple, favorisé la reconnaissance des troubles psychiques post-traumatique avec, dès 2012, le doublement du nombre d’attribution de pensions par rapport à l’année 2011. Le plan de 2013 est, quant à lui, venu renforcer les possibilités de réparation en insistant, par exemple, sur l’inscription au registre des constatations pour rattacher l’événement traumatique au service. Puis, le plan de 2015 a permis des avancées importantes en matière de formation des praticiens du service de santé des Armées et de définition du contenu pédagogique des premiers secours psychologiques. Enfin, le plan de 2019 s’articulait autour de trois axes : le renforcement des actions de sensibilisation et de prévention des militaires et de leur famille, un effort en faveur d’une meilleure réhabilitation psychosociale des blessés psychiques et la consolidation des dispositifs d’accompagnement vers l’emploi.

• En parallèle, les efforts de définition des troubles psychiques en relation avec un événement traumatisant (TPRE) et de suivi via la surveillance épidémiologique des armées (SEA) ont permis de mieux connaître le profil des blessés psychiques.

Actuellement, tous les troubles psychiques (anxiété, dépression, trouble des conduites, reviviscence de l'évènement, etc.) déclarés dans les suites proches ou lointaines d'un évènement traumatique - qui peut être défini comme la confrontation soudaine ou répétée avec la mort, la sienne ou celle d'un autre, associée à un vécu d'impuissance ou d'horreur - sont pris en compte. Certains profils sont plus fréquemment affectés que d’autres. Ainsi, le ministère des Armées dénombre une proportion plus élevée d’hommes, de personnels les plus jeunes (de 18 à 34 ans), ainsi que de personnels appartenant à l’armée de Terre ou au service de santé des armées (SSA). Toujours selon les données fournies par le ministère des Armées, 95,6 % des troubles étaient reliés à un ou plusieurs évènements survenus en service (et 2,9 % hors service).

Certains conflits ont été particulièrement déclencheurs d’évènements traumatiques. Ainsi, selon le ministère des Armées, les territoires ayant généré le plus de TPRE depuis 2015, sont, en premier lieu, la bande sahélo-saharienne (35,5 %), puis, le territoire national (18,3 %), l’Afghanistan (17,6 %) et enfin la Centrafrique (14,1 %). Toutefois, il est à noter que l’une des particularités de la blessure psychique réside dans le fait qu’elle puisse se déclencher bien après l’évènement ou la conjonction d’évènements traumatiques, ce qui complique sa détection et sa prise en charge. Aussi, l’opération en Afghanistan, achevée en 2012 et marquée par l’embuscade d’Uzbin, qui a représenté par le passé une cause majeure de TPRE, continue-t-elle encore en 2023 à générer des déclarations de TPRE chaque année. De la même manière, s’agissant de l’opération Sangaris en Centrafrique pourtant achevée en 2016.

Enfin, la répartition géographique des militaires vivant avec une blessure psychique sur le territoire national laisse également entrevoir de fortes disparités, avec une prédominance de la région Occitanie, due notamment à la présence de nombreuses unités commandos.

b.   L’inspiration de modèles étrangers a abouti à la création d’un modèle original non médicalisé, adapté à la singularité des blessés militaires psychiques

• Dès 2019, à la naissance du projet ATHOS, qui faisait suite à une intuition du Chef d’État-major de l’armée de Terre en 2018, le ministère des Armées s’est inspiré d’expériences étrangères tant civiles que militaires, sans toutefois renoncer à bâtir un modèle unique et original adapté au besoin des militaires vivant avec une blessure psychique.

Une première source d’inspiration a pu consister en l’étude des modèles existants dans le monde civil, comme celui des Clubhouse. Apparus aux États-Unis en 1948, à l’initiative des personnes concernées, ces maisons visent à un rétablissement global - médical, social et professionnel - et durable de la personne vivant avec un trouble psychique. Actuellement, ces Clubhouse sont présents dans de nombreux pays, au rang desquels la France depuis 2011.

Par ailleurs, selon le ministère des Armées, le projet d’« entraide de l’armée de Terre », dans son rapport d’étape du 2 juillet 2019, avait mis en lumière un certain retard national par rapport à d’autres armées et avait souligné l’existence de besoins à combler au cœur du long parcours de reconstruction du blessé psychique. Consultés, les militaires vivant avec une blessure psychique avaient alors, eux-mêmes, exprimé le besoin de disposer, « dès qu’ils en ressentent le besoin, d’un lieu dédié, relativement proche de leurs repères, qui serait à la fois un lieu d’accueil, de rencontres, d’échanges, de travail, d’accès à des services et conseils, de dépaysement, de formation ». Ce même rapport indiquait alors que « certaines armées étrangères ont mis en place de tels lieux pour accueillir les militaires blessés et favoriser leur réhabilitation sociale en vue de permettre leur réinsertion au sein de l’Institution (l’objectif premier) ou leur reconversion professionnelle en cas d’inaptitude au service. Ces centres se caractérisent par leur forte empreinte militaire (intégration organique) et la mise en œuvre d’une approche globale pour répondre aux besoins du militaire blessé et élaborer avec lui un plan individuel ».

Ce diagnostic avait, en outre, été conforté par le 13ème rapport du HCECM « La mort, la blessure et la maladie » en juillet 2019 et les recommandations du rapport d’information de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale sur le suivi des blessés en septembre 2019, de Mmes Anissa Khedher et Laurence Trastour-Isnart.

Avant de lancer l’expérimentation du dispositif ATHOS, une étude avait été menée en 2020 sur les dispositifs d’accompagnement des blessés psychiques mis en œuvre par les armées étrangères. Suivant une approche de benchmarking, les modèles australien, canadien, américain (Régiment de combattants blessés des Marines) et israélien ont été analysés dès le début des travaux conceptuels du programme ATHOS. Ces modèles étrangers ont été une source d’inspiration pour élaborer le concept ATHOS, tout en les adaptant au besoin du ministère ainsi qu’aux particularités culturelles et organisationnelles nationales.

Le modèle retenu est néanmoins unique et original. À la différence des exemples étrangers, il est géré par le ministère des Armées, tout en étant hors des chaînes hiérarchiques militaires. Il place, en outre, le militaire ou ancien militaire blessé au centre de sa propre reconstruction et le considère comme un acteur responsable, à travers l’impératif du volontariat puis de la cogestion des maisons. Autre spécificité française, la maison ATHOS n’est pas un établissement de soins et le blessé n’y est considéré ni comme un patient ni comme un résident, mais comme un membre. Enfin, de manière moins structurante, la doctrine ATHOS accorde une place centrale à la préparation et à la prise des repas en commun.

Ainsi, il semblerait qu’après seulement trois années d’existence, le concept ATHOS inspire d’ores et déjà à son tour l’étranger. Plusieurs pays auraient déjà manifesté un fort intérêt pour ce modèle, comme la Corée du Sud ou le Danemark, selon les informations fournies à votre rapporteure.

2.   Un dispositif initialement expérimenté par l’armée de Terre, puis pérennisé et placé sous le pilotage opérationnel partagé de l’ONaCVG et de l’IGESA en 2023

Initié en février 2019 par un mandat du chef d’état-major de l’armée de Terre, le projet ATHOS a pour objectif de mettre en place des structures de proximité dédiées à l’accompagnement psychosocial pour des militaires des armées et des services atteints d’un syndrome psychotraumatique en lien avec le service. Cette ambition devenue interarmées, sa conduite a été confiée au chef d’état-major de l’armée de Terre.

a.   Les conditions d’entrée dans le dispositif : un dispositif qui s’adresse aux militaires et anciens militaires blessés psychiques volontaires et dont l’état est stabilisé

Le dispositif ATHOS s’adresse, aux militaires et anciens militaires qui souffrent d’un syndromes psycho-traumatique diagnostiqué, ayant pour origine un traumatisme lié au service. En outre, en raison du caractère non médicalisé du dispositif, les maisons ont vocation à accueillir des membres présentant un état de stress post-traumatique faible à modéré, suffisamment autonomes et avancés dans leur parcours de soins qui sont par ailleurs suivis médicalement par un psychiatre militaire. Les maisons sont ainsi ouvertes à tous les profils de blessé dont l’éligibilité a été validée par le SSA.

Pour ce faire, un parcours en trois temps doit être réalisé.

Dans un premier temps, le syndrome de stress post-traumatique doit être diagnostiqué par un psychiatre militaire et reconnu en lien avec le service. Le traumatisme peut ainsi intervenir en OPEX, en MISSOPS ou en MISSINT, ou dans toute autre situation reconnue comme liée au service, comme l’entraînement.

Le militaire concerné peut, ensuite, devenir éligible au dispositif, après qu’une commission pluridisciplinaire spécialisée la commission pluridisciplinaire de suivi de la réinsertion et de la reconversion des militaires blessés ou malades (CPS2R) ([5]) ait prononcé un avis consultatif favorable à ce qu’il suive un programme de réhabilitation militaro-sociale. Ces commissions siègent trimestriellement dans chacun des hôpitaux d’instruction des armées (HIA) du SSA. En l’absence du blessé mais sur la base de ses besoins et attentes, cette commission se prononce sur son aptitude à être orienté vers tel ou tel dispositif de réhabilitation, dont ATHOS. À l’issue des commissions pluridisciplinaires, les noms des blessés éligibles au programme ATHOS sont transmis aux directeurs des maisons ATHOS qui prennent contact avec eux pour leur présenter et proposer d’intégrer le programme ATHOS.

Enfin, sur la base du volontariat, il peut devenir membre d’une maison ATHOS, au terme d’un processus de consentement formel. Cet engagement prend forme par la signature de la feuille d’accueil et du consentement d’accompagnement, le plus souvent après la réalisation d’une « journée découverte » pour confirmer l’intérêt du militaire pour la maison. À noter que les membres sont membres à vie de la maison ATHOS.

b.   Un « sas » et un « hub »

Auditionné par votre rapporteure, le Commissaire général Frédéric Sternenberg, adjoint performance des soutiens à l’Etat-major de l’armée de Terre ayant participé à la préfiguration du dispositif, alors expérimenté par l’armée de Terre, a insisté sur la double dimension conférée à ATHOS. Le programme a été conçu, à la fois comme un « sas », allant du soin assuré par le SSA, vers la réinsertion, mais également un « hub », soit un lieu de soutien, de convergence d’activités, de services et de prestations.

L’objectif consiste, en effet, à créer un espace de référence et de convergence des acteurs et des compétences civils et militaires de la réhabilitation psychosociale au profit des membres, afin d’assurer une continuité dans leur parcours. Les maisons ATHOS permettent ainsi de faire converger dans un même lieu les acteurs de l’accompagnement social, à travers la réalisation de permanence par les assistantes sociales de l’action sociale des armées (ASA), de l’accompagnement administratif des blessés par les référents des cellules d’aide aux blessés des armées, les services de l’ONaCVG et les acteurs de la réinsertion professionnelle que sont les conseillers de Défense mobilité.

Source : Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire, 10 octobre 2023.

c.   Un parcours individualisé et cogéré par les membres qui permet à chacun d’aller à son rythme

Le dispositif ATHOS repose sur la volonté de placer le blessé au centre de son parcours et de sa reconstruction. Ce principe fondamental se décline selon quatre axes : le volontariat du blessé, la cogestion de la maison, la progressivité du programme et sa personnalisation. Le socle doctrinal, les méthodes et outils de cet accompagnement, formalisés dans le document d’aide et de référence (DAR), sont communs à toutes les maisons, mais la mise en œuvre peut néanmoins être personnalisée et différenciée. Aussi, le dispositif est-il en adaptation permanente, chaque maison étant différente et chaque jour étant singulier en fonction du membre et de son cheminement sur son parcours de reconstruction.

Le parcours des membres, bien que non nécessairement linéaire, s’articule autour de trois étapes principales, correspondant à trois objectifs, qui constituent les « 3R » : redonner confiance (inclusion, bien être), remobiliser (soutien, accompagnement psychosocial), se réinsérer (projet, retour à l’emploi, le cas échéant).

Une équipe d’encadrement dite « équipe socle » est présente dans chaque maison. Mixte, formée par d’anciens militaires et des civils, elle est composée d’un directeur, militaire ou ancien militaire, d’un directeur adjoint, cadre du domaine médico-social, et d’accompagnateurs en mesure de mettre en œuvre l’ensemble des activités et des procédures permettant la réalisation de parcours de réhabilitation individualisée. Les personnels reçoivent une formation, tant sur les aspects relatifs à la réhabilitation psychosociale, que sur les attendus du dispositif, ainsi que sur la connaissance du monde militaire. Concernant l’accompagnement, les maisons ATHOS étant non médicalisées, chaque membre reste nécessairement suivi par son psychiatre référent et le service de santé des armées (SSA) est partie prenante dans la gouvernance du dispositif (membre du comité directeur et du Collège d’expertise et de conseil scientifique).

Trois principaux types d’activités peuvent être organisés pour répondre aux besoins des membres : des activités collectives organisées par la maison, des activités collectives ou individuelles proposées par un prestataire extérieur et des activités liées au parcours individualisé, sous la forme d’entretiens ou de rencontres avec des acteurs extérieurs, par exemple. De plus, les maisons mettent en place un contrat d’accompagnement avec un protocole d’objectifs progressifs et individualisés. Les activités organisées par l’équipe socle et les blessés permettent de renforcer les liens sociaux, d’améliorer l’estime de soi et de renforcer les compétences voire de les valoriser. En matière d’activités de remise sur pied et de bien-être notamment, chaque maison développe son ancrage territorial et son propre « écosystème ». Les maisons proches de la mer pourront par exemple proposer des activités nautiques, alors que la maison située en Savoie offrira des activités de montagne. De même, en matière de réinsertion sociale et d’accompagnement vers l’emploi, chaque maison pourra mettre ses membres en relation avec des associations et entreprises locales susceptibles de faciliter la reprise d’activité.

Si l’autonomie du blessé est recherchée, des facilités d’hébergement peuvent être proposées aux membres en regard de leur besoin. Toutefois, les séjours sont en principe limités à quatre jours ouvrés consécutifs au sein de la maison. Les maisons sont également fermées le week-end. À la différence de l’Institution nationale des Invalides (INI), ATHOS n’admet aucun pensionnaire. L’objectif consiste à ne surtout pas rompre le lien avec l’environnement social d’origine du blessé, ni même le distendre. Il s’agit au contraire de le renforcer.

Si la maison n’a pas vocation à être un lieu de séjour prolongé pour le militaire blessé, pour autant elle toujours accessible à un membre en cas de besoin. En effet, le militaire blessé membre d’une maison ATHOS est considéré comme « membre à vie » de la maison. Cette notion de « membre à vie » renvoie à la volonté de garantir un accompagnement dans la durée des militaires blessés psychiques dont le parcours n’est pas forcément linéaire et qui peuvent traverser des périodes de rechute et des épisodes complexes.

B.   Les rÉsultats encourageants de l’expÉrimentatIon ATHOS ont conduit À ouvrir la voie À une extension du dispoSitif

1.   L’ouverture de quatre maisons semble avoir donné satisfaction malgré l’absence de bilan chiffré public à la fin de l’expérimentation

Dès début 2021, deux maisons ATHOS expérimentales ouvrirent ainsi leurs portes. L’armée de Terre eut d’emblée recours à l’IGESA, qui s’est vue confier la gestion opérationnelle ainsi que le soutien juridique, administratif et financier des maisons ATHOS.

a.   L’ouverture de quatre maisons aux enjeux différents

• Malgré une hésitation initiale entre deux modèles de maisons, l’expérimentation a montré que le modèle d’une location privée, dans un environnement rural, apparaissait comme le plus adapté pour répondre aux besoins des blessés.

En effet, la phase d’expérimentation a permis l’ouverture de deux maisons ATHOS implantées respectivement sur une emprise militaire, le site de la base vie Sainte Anne pour Toulon et, s’agissant de Bordeaux-Cambes, dans le cadre de la location d’un gîte. Ces deux orientations visaient à évaluer la pertinence et la bonne adéquation avec le programme de réhabilitation psychosociale de ces deux solutions. Les résultats de l’expérimentation ont conduit à privilégier le modèle d’une maison loué au secteur privé, et non dans un environnement militaire, dans un cadre rural et non urbain. Cette option a été retenue dans le cadre de l’ouverture des troisième et quatrième maisons ATHOS respectivement à Aix-les-Bains et à Auray. Conformément aux conclusions de l’expérimentation, il a, en outre, été décidé de relocaliser la maison de Toulon en septembre 2023 dans un gîte rural.

Au 1er septembre 2023, les quatre maisons ouvertes comptaient 337 membres, selon les informations fournies à votre rapporteure. Un net écart subsiste néanmoins entre les maisons puisque la maison de Bordeaux-Cambes accueille le plus grand nombre de membres (150), contre 95 à Toulon, 63 à Aix-les-Bains et 29 à Auray. Les profils des membres confirment dans l’ensemble les principales lignes de force des évaluations réalisées marquées par une dominante de blessés masculins ressortissants ou anciens ressortissants de l’armée de Terre et ce, malgré la dimension interarmées du dispositif. Environ 90 % des membres sont des militaires encore en service, en position de non-activité ([6]). 95% des membres sont des hommes, avec une moyenne d’âge située autour de 40 ans. Les membres appartiennent très majoritairement (plus de 90 %) à la catégorie des sous-officiers ou des militaires du rang et près de 70 % d’entre eux sont des ressortissants de l’armée de Terre ([7]).

b.   Des résultats difficiles à objectiver mais une satisfaction d’ensemble des membres 

Malgré les difficultés inhérentes à la mesure de l’efficacité du dispositif, autrement qu’à travers des enquêtes qualitatives, relatives au degré de satisfaction des membres, le programme de réhabilitation mis en œuvre, semble avoir été jugé conforme aux attentes des blessés et aux objectifs fixés. La satisfaction peut être illustrée par le fait que, selon les données fournies à votre rapporteur, 73 % des candidats ayant effectué une journée découverte deviennent membres. À ce stade de développement, il a été mis en place une évaluation de la performance qui permet notamment le suivi régulier du flux des blessés sur les maisons ATHOS et de leur évolution dans le cadre du programme de réhabilitation. Un bilan d’évaluation périodique permet de s’assurer de la bonne articulation avec la doctrine et évalue les points critiques. Enfin, un comité indépendant de suivi et de surveillance scientifique (C3S) apporte ses recommandations et conseils pour la bonne mise en œuvre du programme.

Lors de ses auditions et de son déplacement à la maison ATHOS de Bordeaux, votre rapporteure a cherché à établir une forme de bilan d’ATHOS et a recueilli les raisons qui ont conduit à pérenniser l’expérimentation.

Outre le fait que le nombre de candidatures reçues et d’entrées dans le dispositif augmente, les parcours semblent démontrer, avec bientôt trois ans de recul, que les maisons ATHOS constituent un vrai apport dans le parcours de réhabilitation psychosociale des blessés. On peut noter que 33 % des membres, soit environ 100 personnes, avaient intégré la phase 3 dites de réinsertion du parcours au 13 juillet 2023. 54 % des membres étaient quant à eux dans la phase dite d’inclusion et 13 % dans la phase dite de remobilisation. Toutefois, selon les services du ministère des Armées, il serait encore trop tôt pour dresser un bilan des résultats obtenus pour les bénéficiaires ayant quitté le dispositif. Cela ne devrait être possible que lorsqu’une décroissance du nombre des membres des premières maisons ouvertes sera observée.

2.   Un dispositif ayant vocation à monter en puissance sur l’ensemble du territoire

a.   Une rénovation de la gouvernance comme un préalable à la montée en puissance

La recherche d’une gouvernance adaptée à la pérennisation de l’expérimentation ATHOS a conduit l’armée de Terre à confier, depuis le 1er juillet 2023, le pilotage opérationnel du dispositif à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) et à l’Institution de gestion sociale des armées (IGESA), qui s’est vu confier dès l’origine la gestion opérationnelle ainsi que le soutien juridique, administratif et financier des maisons.

Interrogées sur les raisons de ce changement de gouvernance, les personnes auditionnées par votre rapporteure ont indiqué que ce transfert de compétence se faisait en cohérence avec les compétences historiques de chaque institution. Aussi, l’Institution de gestion sociale des armées est-elle l’opérateur social des armées et s’inscrit-elle dans la continuité de son rôle durant la phase d’expérimentation. L’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), a de son côté vocation à aider et à accompagner les combattants dans la durée. Pour mémoire, grâce à son maillage territorial, l’Office assurait déjà le suivi des blessés psychiques au terme de leur congé de longue durée maladie quel que soit leur lieu de résidence sur le territoire national, y compris dans les outremers. Des synergies supplémentaires avec les autres projets et dispositifs en faveur des blessés sont donc espérées, en cohérence avec le plan d’action ministériel Blessés 2023-2027, au sein duquel l’ONaCVG est pleinement acteur. L’Office devrait également apporter sa bonne connaissance du monde combattant et sa participation au continuum du suivi des blessés (transfert entre les cellules d’aide aux blessés d’armée et l’ONaCVG assuré via les passeports du blessé). Enfin, ce copilotage doit permettre de garantir le caractère interarmées et ministériel du projet. Il s’agissait de poser une gouvernance et une organisation soutenables et pérennes (modalités opérationnelles, fonctionnelles, administratives, juridiques, RH ou financières, interactions dans le parcours des militaires blessés psychiques).

• Aussi, depuis le 1er juillet 2023, le Comité directeur ATHOS est-il co-présidé par le chef d’état-major de l’armée de Terre (par délégation du chef d’état-major des Armées), et par le Secrétaire général pour l’administration (tutelle commune aux deux établissements publics : ONaCVG et Igesa). Ce CODIR fixe les orientations stratégiques, et apprécie les résultats obtenus.

D’autre part, le « pilotage partagé » du dispositif est assuré sur la base d’un mandat CEMA-SGA et en fonction de dispositions pratiques définies par une convention cadre ainsi que par une convention budgétaire liant les deux établissements. De manière plus précise, l’ONaCVG est chargé de la doctrine (incluant la prospective), de la cohérence nationale du dispositif (coordination des acteurs, dialogues et partenariats) et de sa soutenabilité budgétaire. L’Igesa gère les maisons, leur fonctionnement, assure leur soutien et la mise en œuvre de la réhabilitation psychosociale.

b.   L’établissement d’un financement pérenne doit contribuer à la soutenabilité financière du dispositif

Le changement de gouvernance s’est accompagné de la recherche d’un financement pérenne du dispositif, précédemment financé sur les crédits de l’armée de Terre.

Conformément au projet de loi de finances pour 2023, la transition entre les programmes 178 et 169 s’est effectuée dès le premier janvier 2023, via la création d’une mesure nouvelle, intégrée à la subvention pour charges de service public de l’ONaCVG et abondée pour l’année 2023 à hauteur de 2,9 millions d’euros, couvrant à la fois le fonctionnement en année pleine des trois maisons préexistantes et la montée en puissance d’une quatrième maison, inaugurée en avril 2023 (0,7 million d’euros). Ce budget a été entièrement consacré à la mise en œuvre opérationnelle du dispositif par l’Igesa (masse salariale, location et entretien des maisons, activités).

Toutefois, selon les personnes auditionnées, cette enveloppe initiale, calculée par l’état-major de l’armée de Terre sur la base de sa programmation en fin de phase projet, s’avérait dimensionnée au plus juste. Si elle garantissait la mise en œuvre du dispositif, elle ne couvrait pas l’augmentation de masse salariale imposée à l’ONaCVG du fait de ses nouvelles missions et ne permettait pas au comité directeur d’acter en conduite l’ensemble des décisions à prendre pour un développement rapide du dispositif, tel qu’imposé notamment par l’accroissement rapide du nombre de blessés devenant membres des maisons et par la nécessité de relocaliser la maison de Toulon sur un site plus approprié.

• Les crédits prévus dans le projet de loi de finances pour 2024 doivent permettre de financer la montée en puissance de la quatrième maison et les ouvertures des cinquième et sixième maisons, mais également de couvrir certains des coûts propres à l’ONaCVG pour l’exercice de ses responsabilités au sein de la gouvernance (masse salariale et fonctionnement). La subvention pour charges de service public de l’ONaCVG est ainsi abondée à hauteur de 2,06 millions d’euros supplémentaires, sur un total de 62,56 millions d’euros, et l’Office se voit attribuer des effectifs supplémentaires, qui ne seront néanmoins pas spécifiquement affectés à ATHOS mais devront faire face à la hausse d’activité attendue s’agissant de la montée en puissance du droit à réparation pour les Harkis (quatre équivalents temps plein à hauteur de 0,55 million d’euros). À titre d’illustration, au sein du nouveau département des blessés de l’ONaCVG, les moyens humains alloués au dispositif ATHOS représentent trois équivalents temps plein.

Les moyens alloués financent la mise en œuvre du dispositif et la gratuité de la prise en charge pour les membres. Les membres bénéficient de la prise en charge de l’ensemble des prestations proposées par la maison dont ils sont membres. Les modalités de prise en charge, s’agissant notamment des frais de déplacement, sont en revanche définies par l’armée d’appartenance du blessé et par l’ONaCVG pour les blessés réformés et ressortissants de l’Office.

En 2023, les quatre premières maisons ont eu un coût de fonctionnement de 0,44 M€ pour Auray (ouverture en cours d’année), 0,69 M€ pour Toulon, 0,82 M€ pour Aix-les-Bains et 0,89 M€ pour Bordeaux. À cela s’ajoutent des éléments transverses pour un montant 122 000 euros, soit un total prévisionnel de 2,9 millions d’euros ([8]), qui semble conforme aux prévisions. Selon les données fournies à votre rapporteure, le coût de la masse salariale représente de l’ordre de 50 % du budget global. L’autre poste principal de dépenses relève du paiement des baux des maisons, qui s’avèrent relativement élevés (de l’ordre de 15 000 euros par mois en moyenne), bien que différant d’une maison à l’autre.

Si les crédits consacrés à ATHOS font l’objet d’une augmentation dans le projet de loi de finances pour 2024, conformément à la décision prise d’ouvrir de nouvelles maisons, votre rapporteure sera néanmoins vigilante à ce que le surcroît d’activité généré pour l’ONaCVG soit compensé dans la durée et que des moyens humains soit accordés en cohérence avec l’accroissement des missions de l’Office.

c.   L’objectif à terme d’ouvrir six nouvelles maisons ATHOS dans le cadre du plan Blessés, dont une à deux maisons en Outre-mer

Le dispositif ATHOS s’inscrit dans le cadre du Plan Blessés 2023-2027 du ministère des Armées qui prévoit un maillage territorial de dix maisons ATHOS à l’horizon 2030, sur l’ensemble du territoire national, dont une à deux outre-mer.

En conséquence, l’ouverture de nouvelles maisons nécessitera donc une évolution globale du budget. Selon les informations fournies à votre rapporteure, le coût annuel total du dispositif en 2030 est estimé à près de dix millions d’euros, sur une base d’un coût moyen de 0,9 million d’euros pour le fonctionnement de chaque maison. Toutefois, l’attention de votre rapporteure a été attirée sur le fait que la mise en place de maisons en Outre-mer pourrait ajouter des coûts spécifiques, difficiles à anticiper à ce stade mais qui devront être pris en compte dans la trajectoire financement.

Enfin, selon les estimations fournies à votre rapporteure, en se fondant sur l’évolution constatée du nombre de membres depuis 2021, 480 nouveaux membres pourraient rejoindre le dispositif d’ici à 2030, soit un total de 800 membres en 2030, si le rythme actuel des admissions (40 membres par an en moyenne) se poursuivait. Toutefois, une accélération liée à une meilleure connaissance du dispositif est envisagée.

Votre rapporteure sera donc vigilante à ce que la soutenabilité financière du dispositif continue à être garantie dans les prochaines années.

II.   Un dispositif pour l’instant circonscrit qui n’a pas vocation À remplacer les autres possibilitÉs de prise en charge des blessÉs psychiques et dont la montÉe en puissance annoncÉe nÉcessite certains prÉalables

A.   malgrÉ l’extension prÉvue du dispositif, ATHOS ne peut, ni ne doit apparaÎtre comme la rÉponse unique À la prise en compte de la blessure psychique

1.   La permanence d’un delta important entre le nombre de blessés psychiques estimé et le nombre de membres des maisons ATHOS s’explique par plusieurs facteurs

La différence entre le nombre estimé de blessés psychiques et le nombre de membres des maisons ATHOS réside principalement dans le fait que le dispositif, fondé sur le volontariat, ne correspond pas à tous les militaires blessés.

Le delta entre le nombre de blessés recensé et le nombre de membre ATHOS est élevé, de l’ordre de plus de 3 000 personnes à 1 100 selon les estimations, et peut susciter des interrogations légitimes. En effet, le nombre de blessés psychiques identifié est de 1 500, le nombre estimé par le HCECM de 2 600 et la réalité se situe probablement autour de 3000 à 3500 selon l’ONaCVG.

Plusieurs raisons peuvent être avancées pour justifier cet écart.

Tout d’abord, tous les blessés psychiques identifiés ne sont pas au même stade de leur parcours de soins : certains sont dans la phase dite aiguë, en traitement au SSA, et ne sont pas éligibles à ATHOS, qui n’est pas un programme médicalisé. Par ailleurs, ceux qui sont en fin de phase aiguë peuvent également trouver une solution adaptée dans le pôle de réhabilitation psychique à l’Institution nationale des Invalides (INI). En outre, certains blessés qui, en fin de parcours de soins, après examen de leur dossier par une commission pluridisciplinaire (CPS2R), sont jugés éligibles à des dispositifs de réhabilitation ne sont pas nécessairement orientés vers ATHOS mais potentiellement vers d’autres dispositifs tels que les stages des centres ressources de l’armée de terre (proposés par la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre), les stages de réhabilitation par le sport (proposés par le centre national des sports de la défense ou par le cercle sportif de l’institution nationale des Invalides), ou des stages d’immersion professionnelle (proposés par toutes les cellules d’aide aux blessés de chaque armée). En conséquence, seule une fraction des blessés psychiques éligibles en sortie du parcours médicalisé s’avère éligible à l’admission dans une maison ATHOS.

Ensuite, certains blessés psychiques, ne souhaitent pas faire partie d’ATHOS pour diverses raisons. Bien que la prise de contact entre les blessés éligibles et la maison ATHOS dès que le résultat de CPS2R est connu soit encouragée et, qu’à cet effet, des « journées découvertes » sont régulièrement organisées dans les maisons, certains blessés ne souhaitent pas en devenir membre. Plusieurs motifs sont d’ores et déjà connus comme la difficulté à se déplacer, les situations familiales complexes, ou une forme d’appréhension par exemple. Aussi, certains blessés préfèrent-ils attendre l’ouverture d’une maison ATHOS plus proche de leur lieu de vie. Sachant que la doctrine ATHOS précise l’impératif du volontariat du blessé, ceux qui ne se sentent pas encore prêts ou non attirés par le programme proposé, ainsi que ceux qui déclarent préférer la recherche immédiate d’un emploi ou l’investissement associatif notamment, ne rejoignent pas immédiatement et, pour bon nombre d’entre eux, ne rejoindront peut-être jamais le dispositif.

Enfin, le nombre de blessés psychiques « identifiés » n’est qu’une estimation et la spécificité même de la blessure psychique, se déclarant parfois tardivement et évoluant de manière non-linéaire, lui confère un caractère durablement fluctuant.

ATHOS est un dispositif complémentaire parmi d’autres et les efforts pour la prise en charge des blessés psychiques doivent être poursuivis. De la même que la blessure psychique peut prendre plusieurs formes et se déclencher plus ou moins rapidement après un évènement traumatique le traitement de la blessure psychique ne peut être unique.

D’autres dispositifs de réhabilitation existent et doivent continuer à être développés parallèlement à ATHOS, à l’image du pôle de réhabilitation de l’Institution nationale des Invalides (INI), offrant une prise en charge sur la fin de la phase aiguë ou encore le village des blessés, à Fontainebleau, qui constituera une structure de reconstruction par le sport et qui devrait être opérationnel en 2025, ou encore le parcours de réinsertion professionnelle en milieu militaire ou de reconversion dans le civil à travers le dispositif d’emplois réservés ou encore les stages OMEGA de l’armée de Terre. D’autres synergies sont favorisées par les mesures du Plan blessé 2023-2027. C’est le cas notamment de la Maison numérique des militaires blessés et familles (MNBF) ou des initiatives de soutien aux familles de blessés qui s’inscrivent dans une logique de complémentarité avec le dispositif ATHOS.

2.   Des difficultés rencontrées par certaines maisons, arrivées à « saturation » qui justifient la volonté d’extension du dispositif

Selon le document d’aide et de référence ATHOS, afin d’accompagner au mieux et au plus près les blessés psychiques, les maisons ATHOS sont conçues et organisées pour accueillir jusqu’à dix ou quinze membres blessés psychiques simultanément. La capacité d’accueil et de travail au sein d’une maison ATHOS n’étant pas extensible, afin qu’elle puisse rester efficiente et « à taille humaine », il importe d’adapter le maillage territorial d’ATHOS en conséquence en ouvrant les nouvelles maisons là où le besoin se fait réellement sentir.

À ce jour, cette limite n’a été atteinte que par la maison ATHOS de Bordeaux-Cambes. Votre rapporteure a pu constater que la maison ouverte depuis janvier 2021 était aujourd’hui arrivée à « saturation », selon les termes employés par les personnes rencontrées. Une liste d’attente s’est formée. Des blessés éligibles et volontaires sont malheureusement en attente de réaliser leur journée découverte. C’est la raison pour laquelle il est prévu d’ouvrir prioritairement la cinquième maison en Occitanie, compte tenu de la part importante de blessés résidant dans le Sud-Ouest, puis, certainement une sixième maison dans la région Grand Est. Un besoin a également été identifié dans la région Ile-de-France. Votre rapporteure, souhaite insister sur la nécessité d’ouvrir la seconde maison d’Occitanie dès que cela sera possible, afin de ne pas faire subir une attente démesurée à des personnes dont la situation est déjà complexe et qui ont droit à la reconnaissance de la Nation.

Les deux autres maisons, de Toulon et d’Aix-les-Bains augmentent régulièrement leur nombre de membres sans être engorgées. Celle d’Auray connaît une croissance rapide qui indique un besoin en Bretagne et dans le Nord-Ouest en général qui est désormais satisfait.

Focus maison Bordeaux-Cambes :

Selon les informations fournies à votre rapporteure, le vivier estimé sur la région aquitaine est de 474 blessés. La maison compte actuellement 150 membres dont 100 membres, qui nécessitent un accompagnement soutenu. Sur les 100 blessés du fil active du vivier régional non-membres, 32 sont dans la région Occitanie. Par ailleurs, 38 membres de la maison ATHOS de Cambes sont de la région Occitanie.

Le choix de localisation des nouvelles maisons doit concilier le souci d’une relative égalité territoriale avec la nécessaire prise en compte du lieu de résidence des blessés psychiques, tout en remplissant un cahier des charges spécifique.

La gouvernance d’ATHOS s’attache à assurer à chaque blessé qui en fait choix la possibilité de devenir membre d’une maison ATHOS, en ouvrant prioritairement les nouvelles maisons, non seulement là où le nombre de blessés identifiés est important, mais aussi là où le volontariat issu des CPS2R en HIA peut entraîner une saturation de la maison ATHOS régionale. Pour ce faire, l’Office recueille les données chiffrées du « vivier » des blessés psychiques à partir des données recensées par ses services départementaux, auxquelles sont agrégées celles des cellules d’aide aux blessés (CABs) des Armées, de la gendarmerie et du SSA. Ces données permettent l’élaboration d’une cartographie des lieux de vie des potentiels futurs membres ATHOS. Il revient ensuite au comité directeur de valider l’ouverture des futures maisons.

S’agissant du choix des maisons, le lieu retenu doit regrouper un certain nombre de caractéristiques singulières qui en font un espace à part. En ce qui concerne la localisation géographique, quelques points importants sont pris en compte comme le fait que la maison doit se situer dans un écosystème favorable à la réinsertion, soit permettant le développement d’activités et de projets hors de la maison, proche d’un bassin d’emploi et d’une zone de vitalité économique pour permettre aux membres de concrétiser leurs projets professionnels s’ils le souhaitent. À ce titre l’accessibilité et la proximité avec la ville sont souhaitable.

Votre rapporteure a été avertie des difficultés rencontrées pour trouver des biens à louer répondant au cahier des charges ATHOS. La prospection a donc été élargie à des biens à la vente, dont l’acquisition pourrait être effectuée par un partenaire bienfaiteur (entreprise, assureur, mutuelle, etc.). Cette option serait actuellement étudiée.

B.   Les recommandations de votre rapporteure

1.   Mieux identifier les militaires sortis de l’institution potentiellement éligibles

Lors de ses travaux, votre rapporteure a constaté que les efforts en matière d’identification des blessés psychiques constituaient un axe d’amélioration important. Une meilleure identification est en effet essentielle pour que les militaires potentiellement éligibles aient connaissance du dispositif et de leurs droits. Pour être identifié, le blessé doit être suivi par une entité institutionnelle - son régiment ou base d’affectation, la cellule d’aide aux blessés de son armée ou l’ONaCVG – or, certains d’entre eux ont cessé d’entretenir toute relation avec l’institution militaire au sens large.

Selon les informations fournies à votre rapporteure, et bien que leur nombre soit difficile à estimer par nature, la proportion des personnels ne bénéficiant pas d’un suivi, c’est-à-dire non insérés dans un parcours de soin, qu’ils soient militaires ou civils, serait plutôt en diminution (38,6 % en 2015 contre 13,5 % en 2022), bien que très variable d’une année à l’autre.

Dès lors, les équipes doivent poursuivre leurs efforts pour faire rayonner la maison ATHOS dans son aire géographique afin de sensibiliser les blessés qui débutent leur parcours de soins. La maison ATHOS devient alors un objectif futur, voire une possibilité d’aide à proximité, pour des blessés non encore stabilisés. Par son action de communication, la maison peut aussi accueillir des militaires ayant quitté l’armée après un premier contrat et qui ont besoin d’être conseillés, réorientés vers un praticien militaire et vers l’ONaCVG, afin de constater leurs blessures, d’être soignés et pris en compte administrativement. Ils pourront revenir vers la maison une fois éligibles, s’ils le souhaitent.

Une piste d’amélioration pourrait notamment consister à davantage encourager l’établissement de liens avec les correspondants défense et les mairies, qui ont généralement une bonne connaissance de leurs habitants et pourraient aider les services à identifier les personnes que l’on pourrait qualifier de « perdues de vue », ou encore à se rapprocher de la psychiatrie civile.

Par ailleurs, votre rapporteure souhaiterait insister sur l’une des difficultés rencontrées, notamment par les militaires réformés, concernant le suivi médical par les psychiatres militaires. En effet, cette condition indispensable pour bénéficier de l’accompagnement proposé au sein du dispositif ATHOS se heurte, d’une part, au fait que certains blessés ne souhaitent plus entendre parler de l’institution militaire, et d’autre part, au caractère non-prioritaire de l’accueil des blessés réformés dans les structures du service de santé des Armées (HIA et CMA). Selon les informations fournies à votre rapporteure, l’ONaCVG serait en cours de révision de sa convention avec le SSA et s’attacherait à trouver des solutions de nature à améliorer globalement la prise en charge psychiatrique de ses ressortissants.

Enfin, votre rapporteure salue le développement en cours par le SSA d’un observatoire de la santé du militaire et du vétéran, dont l’ambition consiste à collecter des données permettant de mieux connaître la population et les besoins des militaires vivant avec une blessure psychique. De même, la systématisation de la visite médicale post OPEX dans un délai de 90 jours, inscrite dans le plan Blessés 2024-2027 doit permettre une meilleure détection de la blessure, qui doit nécessairement s’accompagner d’une sensibilisation accrue du commandement et des familles, afin d’être en mesure de reconnaître les premiers symptômes et de savoir vers qui s’orienter en cas de besoin.

Parcours de soins.

Aujourd’hui, la continuité du parcours de soins se traduit par un accompagnement des blessés en service de « bout en bout ». Au plus près de la zone d’engagement des forces, un psychiatre du service de santé des armées est déployé en permanence. Il a la responsabilité de la mise en œuvre des interventions psychothérapeutiques précoces, d’une « veille psychologique » collective et des actions de conseil au commandement.

Un militaire rapatrié à la suite d’une blessure en opération bénéficie d’une prise en charge coordonnée par le médecin des forces, à l’interface d’un réseau de soins de proximité et des hôpitaux d’instruction des armées (HIA). L’HIA de prise en charge du militaire est le point d’ancrage du projet thérapeutique et de l’accompagnement des démarches de réparation et de réhabilitation en étroite collaboration avec le centre médical des armées (CMA) de rattachement. Le SSA propose, en lien avec les acteurs institutionnels du champ psychosocial, un parcours coordonné et personnalisé de soins, de réhabilitation médico-psycho-sociale et de transition professionnelle.

Au retour des opérations extérieures (OPEX), tout militaire bénéficie d’un dispositif de repérage systématique des troubles psychiques en relation avec un évènement traumatique au sein de l’antenne médicale du CMA qui le suit, en étroite collaboration avec les services de psychiatrie des HIA. Les projets de soins sont co-construits, en fonction de chaque situation, avec les spécialistes de la santé mentale à proximité du lieu de vie du personnel souffrant d’un ESPT.

Source : DAR, janvier 2023

2.   Développer la communication autour du dispositif et poursuivre les dispositifs « d’aller vers » aujourd’hui expérimentés

Des expérimentations sont en cours et pourraient conduire à des améliorations dans l’accompagnement des blessés psychiques dont le lieu de vie est géographiquement éloigné des maisons (ATHOS nomade), ou encore pour répondre de manière adaptée aux attentes des proches aidants de certains membres des maisons (ATHOS famille), de manière complémentaire avec les mesures du plan famille et celles du plan Blessés.

Trois expérimentations sont actuellement menées. Dans la continuité de la recommandation précédente, votre rapporteure considère que ces expérimentations méritent d’être poursuivies et amplifiées, car elles permettent d’aller directement au contact d’autres populations, sans pour autant remettre en cause le principe initial d’ATHOS fondé sur l’existence d’une maison stable au sein de laquelle les membres peuvent revenir.

« ATHOS hors les murs. » Afin de marquer sa présence dans les territoires plus éloignés de son territoire d’implantation et ou pour participer à une action de rayonnement, la maison ATHOS peut se déplacer en organisant ou en participant à des activités extérieures. Ces moments permettent de faire connaître la maison à des acteurs et des blessés, et de souligner la proximité en tout temps et en tout lieu. Les activités proposées illustrent les capacités et les compétences de la maison.

« ATHOS nomade. » Cette configuration consiste à apporter l’accompagnement ATHOS sur le lieu de vie (ou au plus près du lieu de vie) du militaire blessé. Une délégation des équipes pluridisciplinaires et des référents de la maison ATHOS de rattachement peut, lorsque la mobilité du blessé n’est pas possible, se déplacer de façon ponctuelle chez un blessé ou à l’intérieur de locaux mis à leur disposition par une structure publique. Cette alternative présente l’avantage d’approcher des blessés ou des membres isolés, restés sans accompagnement et de leur proposer d’entreprendre ou de densifier un parcours de réhabilitation sociale. En guise d’illustration, la maison ATHOS de Toulon, a par exemple eu recours à un van pour rencontre les blessés dans l’incapacité de se déplacer.

« ATHOS Au Contact. » Une partie de l’équipe permanente, accompagnée ou non de membres, se déplace au contact de toute personne ou institution militaire ou civile pouvant contribuer à l’identification des blessés, faciliter les actions de la maison, contribuer au parcours des membres. Il s’agit entre autres des unités militaires, des CMA, des représentants des chambres consulaires, des édiles, des entrepreneurs locaux etc.

Par ailleurs, la prise en compte des familles, sans devenir un des points clés du programme, pourrait constituer une autre amélioration possible, en lien avec les autres dispositifs offerts par le plan Blessés. Confrontées au souhait légitime de certaines familles de mieux connaître le dispositif, les maisons organisent régulièrement des journées ouvertes aux familles qui permettent à ces dernières de découvrir la maison, ses acteurs, l’environnement d’accueil et de travail du blessé et, parfois, de mieux comprendre le parcours de réhabilitation de leur proche et ses enjeux. Ces initiatives, y compris lors de séjours hors des maisons, pourraient être développées en cogestion, en s’assurant au préalable que la présence des familles ne gêne pas un autre membre isolé ou en rupture avec ses proches.

3.   Poursuivre et accélérer la simplification des démarches administratives et du parcours du blessé

• Votre rapporteure tient à saluer les progrès réalisés dans le cadre du plan Blessés et de la loi de programmation militaire 2024-2030 (réparation intégrale et majoration tierce personne, délai de 300 jours après le diagnostic de la blessure).

De réelles avancées sont contenues dans le plan Blessés, comme la mutualisation de la demande PMI-Brugnot, l’automatisation du renouvellement des PMI arrivées à échéance, ou encore la possibilité de pratiquer l'expertise sur pièce ou par visioconférence pour éviter des déplacements supplémentaires. En particulier, l’inversion de charge de la preuve pour la blessure constitue une amélioration importante à saluer.

• Toutefois, ces efforts doivent être poursuivis.

En particulier, lors de ses travaux, l’attention de votre rapporteure a été attirée sur la problématique de la capacité à obtenir un diagnostic par un psychiatre militaire en temps utile, en raison du manque de spécialistes. Par ailleurs, la fréquence relativement peu élevée de la tenue des CPS2R peut conduire à ralentir les admissions.

Une piste pourrait consister dans le rapprochement des médecins civils et militaires mais présente certaines limites. Les personnes auditionnées ont notamment mis en avant l’insuffisante prise en compte constatée de la spécificité de la blessure psychique militaire, ou encore la mauvaise connaissance des dispositifs spécifiques qui ne permet pas de réorienter les militaires blessés vers les programmes adéquats. Or, un nombre significatif de militaires d’active et anciens combattants se font parfois soigner dans le civil. Dès lors, votre rapporteure est favorable à ce que soient développées les initiatives visant à mieux sensibiliser et à forme les spécialistes civils déjà en exercice et à se rapprocher également des universités pour sensibiliser les futurs médecins aux particularités du syndrome de stress post-traumatique militaire. En guise d’illustration, le SSA a initié la création de modules de formation à destination des psychiatres et des psychologues civils au sein de l’École du Val-de-Grâce, contribuant ainsi à diffuser les bonnes pratiques en matière de prise en charge des blessés psychiques. Le SSA a également engagé la rédaction d’une politique de soutien médico-psychologique, dont l’objectif est notamment d’améliorer l’organisation et les interfaces avec les forces armées. Enfin, l’ensemble des problématiques liées aux blessures psychiques sera pris en compte dans les travaux menés par l’observatoire de la santé des militaires et des vétérans (OSMV), afin d’en améliorer la détection précoce et la prévention.

Votre rapporteure a également constaté lors de son déplacement dans la maison ATHOS de Bordeaux que la reconduction des congés (tous les 6 mois pour les CLDM) peut constituer un moment difficile pour les blessés psychiques, car il s’accompagne de l’obligation de réaliser un point de situation avec le médecin référent sur son état et sur l’évolution des soins et de la réhabilitation psychosociale. Les personnes rencontrées ont fait état de difficultés et d’appréhension lorsque pour certaines d’entre elles, elles sont contraintes de se rendre dans leur unité d’origine, parfois située loin de leur domicile actuel, et doivent présenter à nouveau les circonstances de leur blessure, ce qui peut s’avérer très douloureux. L’attention de votre rapporteure a également été attirée sur la problématique de la couverture assurantielle qui peut être complexe et plus aléatoire selon les garanties souscrites par les militaires, parfois sans en connaître réellement les contours au moment de sa souscription.

Le parcours médico-statutaire :

- la rédaction par le commandement d’un rapport circonstancié décrivant les circonstances de la blessure et l’inscription au registre des constatations (bien que d’autres documents puissent être utilisés, ces deux éléments sont essentiels pour établir le lien de la blessure avec le service). Ces documents précisent le cadre temporel lié au fait générateur ;

- l’ouverture d’une Déclaration d’affection présumée imputable au service (DAPIAS), après l’évaluation clinique, par le médecin des forces de rattachement afin de permettre, le cas échéant, une prise en charge des soins dans le milieu civil ;

- le placement en congé lié à l’état de santé, soit dans l’un des quatre congés statutaires liés à l’état de santé du militaire (congé maladie (CM), congé du blessé (CB), congé de longue durée pour maladie (CLDM), congé de longue maladie (CLM)) et les démarches médico-administratives, dans l’optique d’une réparation, sont envisagés et étudiés au cas par cas, selon l’évolution de l’état de santé du militaire blessé.

Source : DAR, janvier 2023

 

Le parcours de réparation financière :

Trois grandes démarches balisent ce parcours, il s’agit de :

1. l’indemnisation des séquelles par l’attribution de la pension militaire d’invalidité (PMI). Elle est temporaire pour une durée de trois ans puis peut devenir définitive ;

2. l’indemnisation de préjudices complémentaires du droit commun relevant de la jurisprudence Brugnot : indemnisation des préjudices à caractère personnel, des souffrances endurées, préjudice d’agrément (réparation de l’impossibilité pour le blessé de continuer à pratiquer des activités sportives ou de loisir, préjudices d’établissement (impossibilité de fonder une famille), préjudices sexuels ;

3. des allocations du fonds de prévoyance : indemnisation des militaires dont l’infirmité entraîne la mise à la retraite ou la réforme définitive.

Ce déroulé est caractérisé par une étape pivot : le certificat de consolidation de la blessure psychique qui permet d’aborder le terme des démarches administratives. L’obtention de ce certificat médical signifie que l’état du blessé est stabilisé avec un certain taux d’incapacité permanente lié à la consolidation avec séquelles.

Le volet pécuniaire s’étend aux partenaires privés en fonction des choix assurantiels faits par le blessé.

Source : DAR, janvier 2023

4.   Veiller à l’égalité territoriale du dispositif notamment en Outre-mer

Attachée au développement du dispositif sur tout le territoire, votre rapporteure a néanmoins été sensibilisée aux prérequis nécessaires à l’ouverture de maisons ATHOS en Outre-mer.

Les personnes auditionnées ont indiqué que les spécificités des territoires d’Outre-mer risquaient de rendre complexe la transposition du concept et nécessiteront diverses adaptations dans sa mise en œuvre. C’est la raison avancée par le ministère des Armées pour expliquer le fait que l’ouverture d’une maison ATHOS en Outre-mer ne soit pas d’ores et déjà intervenue lors de la phase expérimentale. Des réflexions concrètes devront être menées, à commencer par une analyse approfondie du besoin, en vue d’une priorisation, en tenant compte des réalités et particularités locales (géographiques, juridiques, médicales, entrepreneuriales, associatives, etc.) et des possibilités d’y décliner de manière adaptée l’action des acteurs habituels de l’écosystème ATHOS.

À cet effet, l’Office élabore actuellement, en lien avec l’ensemble des acteurs ministériels concernés, une projection des ouvertures possibles durant la période 2025-2030. Un mandat d’étude récemment confié par la secrétaire d’État aux Anciens combattants et à la Mémoire au CEMA et au SGA permettra d’éclairer ces enjeux, en tenant compte : des spécificités de chaque territoire, des attentes des blessés ultramarins, d’un décompte plus précis de ceux qui résident de manière permanente dans chacun des DROM-COM, de la capacité des acteurs concourant à l’efficacité du dispositif à conduire leur action outre-mer (Igesa, SSA, ASA, DefMob) et de l’existence de relais associatifs. Une réflexion devra également être menée sur la question de la prise en charge des frais de déplacement.

5.   Mener une véritable évaluation du dispositif, tout en consolidant sa gouvernance

• Votre rapporteure s’étonne du fait qu’aucune évaluation de la phase expérimentale du projet ATHOS n’ait été rendue publique, avant de décider de pérenniser l’expérimentation. Afin de renforcer la transparence du dispositif et son évaluation, votre rapporteure préconise qu’une véritable évaluation du dispositif soit menée, puis qu’une forme de rapport annuel d’activité soit publiée. Il conviendra de réfléchir avec précaution aux indicateurs retenus, sans pour autant tomber dans l’écueil de rechercher à mesurer la performance quantitative du dispositif.

Les autres points de vigilance portent principalement sur la consolidation de la nouvelle gouvernance ATHOS, effective depuis le 1er juillet 2023 seulement. La consolidation de la gouvernance doit permettre de s’assurer que toutes les maisons ATHOS développent le même projet tout en laissant de l’autonomie à chaque équipe. À cet effet, des projets d’établissement sont en cours d’élaboration par chaque maison.

À ce titre, si les rôles respectifs des acteurs du co-pilotage opérationnel du dispositif (ONaCVG et Igesa) ont été agréés et le mécanisme de leur coordination déjà activé, les interactions complexes de diverses autres entités au sein de l’« écosystème ATHOS », qui ne sont pas encore totalement décrites ou optimisées, requièrent encore une attention particulière du CODIR. À titre d’exemple, les modalités d’évaluation externe du dispositif, le fonctionnement du nouveau Collège d’expertise et de conseil scientifique (CES ATHOS), la coordination de la communication ou encore l’opportunité de recourir à de possibles partenariats complémentaires, ont été signalés à votre rapporteure comme des points de vigilance.

Lors de ses travaux, la rapporteure a notamment été sensibilisée à l’enjeu de la disponibilité des personnels des principaux partenaires institutionnels que sont l’action sociales des armées (ASA) et Défense mobilité. En effet, les assistances sociales de l’ASA sont bénévoles, c’est-à-dire, qu’elles choisissent de consacrer du temps au programme ATHOS en plus de leurs activités, sur la base du volontariat. En conséquence, elles ne peuvent se libérer que quelques jours par semaine. Dans la perspective de la montée en puissance du dispositif, votre rapporteure serait favorable à ce que des moyens supplémentaires leur soient accordés ou bien de nouveaux personnels soient recrutés pour s’assurer de la soutenabilité de la charge de travail et de la qualité des services offerts aux membres.

6.   Poursuivre le développement des partenariats extérieurs et du mécénat pour l’ouverture de nouvelles maisons, tout en veillant à préserver l’indépendance du dispositif

Les directeurs des maisons ont en charge de développer un réseau qui peut être activé en tant que de besoin, pour répondre au besoin individuel de chaque membre. Pour autant, la spécificité des besoins du blessé oblige à conserver forte vigilance et sélectivité dans la mise en place des partenariats.

Les partenariats avec la plupart des acteurs extérieurs relèvent des acteurs institutionnels et les maisons ATHOS en bénéficient de manière indirecte. Défense mobilité, par exemple, dispose d’un vaste réseau d’entreprises partenaires pour l'accompagnement vers l'emploi du personnel militaire en situation de réorientation professionnelle. Ce type de partenariat est indirectement mis à la disposition d’ATHOS puisque le blessé membre est aidé par un référent Défense mobilité au sein même de ma maison. De même l’ASA met en place des actions collectives au profit des blessés et de l’équipe socle qui portent sur des domaines du social ou du médico-social. Elles sont faites en concertation avec l’équipe de la maison ATHOS et les divers partenariats (internes et externes) de l’ASA.

En outre, de nouveaux partenaires pourraient être envisagés. Si l’INI n’a pas été impliquée dans la phase projet du développement initial d’ATHOS, la pertinence de rechercher une coordination avec le dispositif s’est récemment accrue à l’aune du développement du Centre de réhabilitation post-traumatique de la défense (CRPTD) de l’INI. Un rapprochement est désormais à l’étude.

Par ailleurs, le mécénat constitue une piste intéressante pour la soutenabilité budgétaire du dispositif dans la durée, tout en veillant à préserver le dispositif des influences privées et à ne pas remettre en cause son indépendance.

La volonté première de l’armée de Terre était que le financement de ce dispositif demeure exclusivement régalien, en vertu du principe suivant : les armées n’abandonnent pas leurs anciens combattants et il incombe aux chefs militaires de s’occuper de leurs blessés.

Durant la phase projet d’ATHOS, une convention de partenariat avec l’UBFT/ Les Gueules cassées a néanmoins été signée pour l’hébergement à titre onéreux des membres de la maison ATHOS de Toulon, qui ne dispose d’aucune chambre, sur le domaine du Coudon, propriété de l’association. Ce partenariat Igesa-UBFT venait compléter un partenariat philanthropique de plus grande portée conclu par l’armée de Terre avec l’UBFT en mars 2022, pour la construction aux frais de l’association, d’une maison ATHOS sur son domaine du Coudon en vue d’une mise à disposition à des conditions de location avantageuses. Le but de ce partenariat étant de permettre, à terme, la relocalisation de la maison ATHOS de Toulon dans une architecture et un environnement nettement plus conforme au cahier des charges. En contrepartie de la construction de cette future maison, l’état-major de l’armée de Terre s’est engagé à promouvoir l’UBFT auprès des blessés de l’armée de terre et à inciter les membres ATHOS à adhérer à l’association.

Fin janvier 2022, un autre partenariat avait été conclu par l’état-major de l’armée de Terre avec un mécène privé qui s’est engagé, par le biais d’une fondation, à mettre à la disposition de la gouvernance ATHOS un bien immobilier localisé en Savoie, pour la relocalisation de la maison d’Aix-les-Bains, dans des conditions proches de celles d’UBFT (bail avec l’Igesa avec un loyer réduit), sans contrepartie.

Ce type de partenariat ne remet pas en cause le caractère régalien du programme ni la liberté d’action de la gouvernance (financement ministériel du cœur de métier et maîtrise de la doctrine et de la communication). Son apport a été jugé avantageux pour l’État, qui ne devient pas propriétaire des biens acquis par les partenaires mais dispose ainsi, sur des périodes prolongées, de maisons répondant parfaitement aux attendus d’ATHOS, dans des conditions financières de mise à disposition avantageuses.

La question des partenariats est à nouveau posée pour une éventuelle acquisition à venir. L’ONAVG a reçu des offres de partenariat formulées en juin 2023 par deux autres acteurs financiers (société d’assurance et mutuelle), acquéreurs potentiels de futures maisons ATHOS. Ces propositions sont actuellement à l’étude. Selon les informations fournies à votre rapporteure, le ministère des Armées est néanmoins attentif au fait que les partenaires adhèrent aux valeurs qui sous-tendent le programme et ne recherchent aucune contrepartie incompatible avec l’intérêt des blessés et la sérénité de leur reconstruction.

 


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   Travaux de la commission

I.   Audition de Mme Patricia MirallÈs, secrÉtaire d’État chargÉe des anciens combattants et de la MÉmoire

La Commission a entendu Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680), au cours de sa réunion du 11 octobre 2023.

M. le président Thomas Gassilloud. Nous auditionnons Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2024. Les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation s’élèvent à 1,9 milliard d’euros, ce qui est stable par rapport à l’année 2023.

Ce budget présente deux points saillants.

Le premier est la mise en œuvre du Plan Blessés 2023-2027. Madame la secrétaire d’État, vous nous avez présenté au printemps ce nouveau plan d’accompagnement des blessés militaires et de leurs familles, doté de 5 millions d’euros de mesures nouvelles. Il prévoit notamment la poursuite du déploiement des maisons ATHOS, qui accompagnent la réhabilitation psychosociale des militaires blessés psychiques. Vous aurez sans doute à cœur d’en présenter un premier bilan.

Le second est la tenue, l’année prochaine, du cycle de commémorations des quatre-vingts ans du Débarquement et de la Libération. Le budget accorde à la politique de mémoire 42,4 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 87 % par rapport à la loi de finances pour 2023. Par ailleurs, il prévoit 70 millions d’euros pour financer le droit à réparation pour les harkis et leurs familles, notamment par l’ajout de quarante-cinq nouveaux sites.

Enfin, je me félicite de votre engagement en faveur de la jeunesse et, plus généralement, des moyens consacrés à la Journée défense et citoyenneté (JDC), à hauteur de 22,7 millions d’euros, ainsi qu’au service militaire volontaire (SMV) pour un peu plus de 3 millions d’euros.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Avant tout, j’évoquerai les événements qui se déroulent en Israël depuis samedi. Je condamne fermement l’attaque du Hamas contre la population israélienne et exprime ma pleine solidarité avec les victimes, leurs familles et leurs proches. Dix de nos compatriotes ont été tués dans cette attaque. L’un d’entre eux vivait dans ma circonscription : j’ai une pensée pour sa famille.

L’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) compte de nombreux ressortissants israéliens, pupilles de la Nation pour la plupart, dont les parents ont été victimes de la Shoah et d’attentats. Je lui ai demandé de prendre contact avec eux afin de s’assurer qu’ils vont bien.

Viser et tuer des innocents chez eux, dans la rue ou à un concert : cela est le propre du terrorisme, dans tout pays. Comme l’a rappelé la Première ministre hier, nous condamnons ces actes avec la plus grande fermeté. Telle est, sans ambiguïté, la seule réponse possible.

Le budget que je vous présente est un budget de reconnaissance et de réparation. Il est l’héritier de la gravité de l’Histoire. Il s’inscrit également dans la continuité de celui de l’année dernière, avec des éléments nouveaux. Il traduit la politique que je mène, dans un dialogue fertile et fructueux, avec le monde combattant dans son ensemble : les militaires d’active, les anciens combattants, les blessés et leurs familles, les harkis, les associations, les acteurs de la mémoire et de la culture, et les élus – notamment les élus locaux –, qui sont à la croisée des enjeux mémoriels et combattants.

Depuis ma dernière audition par votre commission, beaucoup de choses ont été réalisées. J’ai tenu les engagements pris devant vous et devant le monde combattant : l’avancement d’un an, au 1er janvier 2023, de la revalorisation de 3,5 % de la pension militaire d’invalidité (PMI), sous l’effet de la revalorisation du traitement des fonctionnaires ; l’élargissement de la demi-part fiscale à tous les conjoints survivants des anciens combattants décédés, quel que soit l’âge du décès ; l’augmentation de plus de 30 % de la dotation pour le financement du droit à réparation pour les harkis, portée à 60 millions d’euros ; la mise en œuvre du fonds de dotation « Bleuet de France » décidé par ma prédécesseure, Geneviève Darrieussecq, afin de garantir l’indépendance de sa gouvernance et de faciliter l’appel aux dons ; la délocalisation des cérémonies nationales pour accélérer la politique de l’« aller vers » dans le domaine mémoriel – la première à Notre-Dame-de-Lorette le 19 mars, la dernière de l’année, le 5 décembre, à Port-Vendres ; l’annonce et la mise en œuvre du Plan d’accompagnement des blessés ; hors du périmètre du programme 169, la politique de transition écologique du ministère des armées, qui m’a été confiée par le ministre.

Avant de présenter le détail du budget, je souhaite faire une annonce dont j’ai tenu à vous réserver la primeur, sachant qu’en m’exprimant devant vous, j’atteindrai le monde combattant. Sensible à la question du pouvoir d’achat, le Gouvernement a décidé d’avancer exceptionnellement d’un an l’augmentation du point de PMI, répercutant la hausse de 1,5 % du point d’indice de la fonction publique entrée en vigueur le 1er juillet dernier. Elle aura lieu dès le 1er janvier prochain et non en 2025.

Les chiffres que je vous présente sont une marque de stabilité budgétaire. La dotation de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation s’élève, comme l’an passé, à 1,9 milliard d’euros. Ce n’est que la deuxième fois, depuis l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), que les crédits du monde combattant ne diminuent pas d’une année à l’autre. La précédente occurrence remonte à 2022, avec l’entrée en vigueur du droit à réparation pour les harkis et leurs familles.

Ce budget exprime plusieurs priorités.

La première est l’accompagnement des blessés. Les femmes et les hommes auxquels on demande de mettre leur vie et leur intégrité physique ou psychique en péril pour nous protéger doivent partir au combat avec la certitude que, quoi qu’il arrive, l’État sera à leurs côtés pour les aider à se relever, s’ils devaient être blessés, et que leur famille sera accompagnée, s’ils devaient perdre la vie. Telle est la logique dans laquelle s’inscrit le plan d’accompagnement des blessés et de leurs familles, dont le ministre m’a confié la charge.

Le budget 2024 en finance les mesures. Il consacre 2 millions d’euros à la réparation intégrale pour les militaires blessés en Opex ou lors des entraînements intensifs, sans qu’ils aient à prouver la faute de l’État. Le plan Blessés 2023 – 2027 prévoit aussi la montée en puissance du dispositif ATHOS, avec 2,35 millions d’euros de crédits nouveaux, pour un budget total de 5,2 millions. Cela permettra d’ouvrir deux maisons ATHOS – une en Occitanie et une dans le Grand Est – d’ici la fin 2024.

Il prévoit également le financement des prothèses et autres équipements à but sportif de loisir, à hauteur de 340 millions d’euros, la revalorisation des expertises médicales des médecins du Service des pensions et des risques professionnels (SPRP) par une majoration de près de 20 % grâce à 220 millions d’euros de crédits nouveaux, et l’assouplissement de la majoration pour tierce personne (MTP), avec 620 000 euros de dépenses nouvelles. Avec ces cinq nouvelles mesures, ce budget consacre plus de 8 millions d’euros – dont 5,5 millions d’euros supplémentaires – à l’amélioration de la prise en charge des blessés.

Ces financements sont la première étape d’une trajectoire pluriannuelle fortement ascendante, qui atteindra un total de 170 millions d’euros de dépenses supplémentaires cumulées en 2030. J’en donnerai deux exemples particulièrement significatifs.

Le budget consacré à l’assouplissement de la MTP augmentera fortement chaque année. En 2030, il atteindra 9 millions d’euros annuels, et 40 millions d’euros sur l’ensemble de la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2024 à 2030. Le plan d’accompagnement des blessés prévoit que les financements consacrés aux maisons ATHOS atteignent, à terme, 10 millions d’euros par an. Dix maisons ATHOS seront construites au cours de l’exercice, dont au moins deux dans les outre-mer, pour un coût total de 59,4 millions d’euros.

Le plan d’accompagnement des blessés est surtout un choc de simplification. À bien des égards, il s’agit d’un changement de paradigme. Parmi les mesures les plus emblématiques, la demande unique pour la PMI, issue de la jurisprudence Brugnot, a été annoncée par le Président de la République. Entrée en vigueur cet été, elle permet de remplir un unique dossier pour les deux demandes, même si leur temporalité d’examen demeure différente. Le renouvellement automatique des PMI arrivées à échéance participe également à ce choc de simplification. Même sans dépense nouvelle, cette mesure est concrète pour nos blessés.

J’en viens aux crédits du droit à réparation en faveur des harkis. Je me suis longuement exprimée à ce sujet le 25 septembre dernier, à l’occasion de la journée d’hommage qui leur est consacrée. Ce jour-là, je leur ai dit que nous devons continuer de prouver, toujours et partout, que la communauté de destin des harkis, de leurs ascendants et de la France, trop longtemps oubliée par la République, est désormais reconnue et solidement établie.

Dans le budget 2024, plus de 112 millions d’euros leur sont dédiés, dont 70 millions d’euros au titre du droit à réparation ouvert par la loi du 23 février 2022. Plus particulièrement, 20 millions d’euros sont entièrement consacrés à l’extension du droit à réparation à quarante-cinq nouveaux sites. Il s’agit d’une recommandation de la Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les Harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie (CNIH), que la Première ministre a décidé de suivre. Compte tenu de l’augmentation de la charge de travail qui en résulte pour l’ONaCVG, le budget en augmente les moyens humains de quatre équivalents temps plein (ETP), afin d’accélérer le traitement des dossiers.

S’agissant des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre (PNOG), le Gouvernement a remis le rapport prévu par l’article L. 175 de la loi de finances pour 2023. Depuis les années 1920, l’État a conduit envers les enfants de ceux qui sont morts pour la Patrie une politique de solidarité. Concrètement, c’est l’ONaCVG qui en est chargé. Jusqu’à présent, il consacrait 1 million d’euros par an à cette aide sociale.

J’ai obtenu le quintuplement de ces crédits. L’ONaCVG disposera désormais de 5 millions d’euros pour les pupilles de la Nation et pour les orphelins de guerre. Les PNOG – y compris ceux dont les parents étaient des « malgré-nous » – feront l’objet d’une reconnaissance mémorielle spécifique lors du cycle de commémoration des 80 ans de la Libération. Je me suis engagée à y travailler avec ceux d’entre vous qui m’ont interrogée à ce sujet.

Je suis chargée de la mémoire combattante de notre nation, de sa conservation et de sa transmission. J’ai donc la charge de la sauvegarde et de la rénovation du patrimoine mémoriel de pierre du ministère des armées. Les tombes et les monuments des soldats morts pour la France structurent nos paysages et nos imaginaires. Ils sont précieux : la continuité des hommes et de la nation y est symbolisée.

Je me réjouis donc de l’inscription, le 20 septembre dernier, de 139 sites funéraires et mémoriels français, allemands, belges, américains et du Commonwealth du front occidental de la Première guerre mondiale, répartis entre la France et la Belgique, sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette inscription poursuit le travail de transmission de la mémoire et de l’histoire de la Première guerre mondiale. Elle démontre les valeurs universelles que cette histoire partagée véhicule dans le monde.

La restauration et la valorisation des lieux de mémoire sont un axe important du projet de loi de finances pour 2024, qui y consacre un budget en augmentation de 3,13 millions d’euros, dont 2,93 millions dédiés aux travaux sur les hauts lieux de mémoire nationale et les nécropoles nationales mis en œuvre par l’ONaCVG.

Cet effort bénéficiera également aux communes françaises pour la rénovation de leurs monuments aux morts. Dans le cadre du plan France Ruralités, l’enveloppe annuelle fixée à 150 000 euros en 2023 sera portée à 200 000 euros en 2024, soit une hausse de 33 % pour les communes de moins de 2 000 habitants. Celles-ci pourront bénéficier d’un soutien du ministère des armées à hauteur de 50 % du budget nécessaire à la restauration de leurs monuments aux morts, dans la limite d’un plafond fixé à 5 000 euros. Les travaux du mémorial de Fréjus consacré aux guerres d’Indochine seront lancés et terminés en 2026 ; ceux du mémorial de la prison de Montluc seront poursuivis.

L’entretien de notre riche patrimoine de pierre ne suffit pas à faire vivre notre mémoire collective. Il est nécessaire de le renforcer par une politique éducative et culturelle volontariste et innovante. Les moyens de l’enseignement de défense et des actions pédagogiques qui lui sont liées augmenteront de plus de 100 000 euros cette année. L’objectif est de soutenir des actions pédagogiques en lien avec le calendrier commémoratif et le dispositif « Héritiers de mémoire » créé en 2016. Celui-ci finance la réalisation de films documentaires qui donnent à voir le travail d’élèves et de leurs enseignants dans le cadre de projets d’enseignement de défense primés chaque année sous le dôme du Panthéon.

Le Musée de l’armée a été le premier site visité en France lors des deux dernières éditions des Journées européennes du patrimoine, attirant près de 32 000 visiteurs en deux jours. Ce plébiscite de nos sites mémoriaux et culturels est un signe du succès de la politique de renforcement du lien armée-nation.

En 2024, les investissements dans les musées se poursuivront. Le site de Chaillot du musée national de la Marine rouvrira ses portes au public le 17 novembre prochain, après avoir bénéficié d’un investissement de 71,2 millions d’euros du ministère des armées. À Rochefort, 20 millions d’euros seront consacrés à la préservation de l’ancienne École de médecine navale et des hôtels de Cheusses et d’Amblimont. Le Musée de l’armée poursuivra sa modernisation et son extension à travers le projet MINERVE, avec l’inauguration d’un nouveau parcours de site sur l’histoire des Invalides. Le musée de l’Air et de l’Espace (MAE) ouvrira en 2024 de nouveaux espaces de visite dédiés à l’aviation civile, commerciale et sportive depuis 1945, avec la mise en visite de l’Airbus A380.

Par le biais de son riche patrimoine, le ministère des armées, deuxième opérateur culturel de l’État, rayonne dans les territoires au plus près des citoyens. L’ensemble des crédits dévolus à cette politique par la LPM 2024-2030 s’élève à plus de 600 millions d’euros.

En 2024 s’ouvrira un cycle mémoriel de grande ampleur. Nous célébrerons les 80 ans des débarquements, de la Libération de la France et de la victoire. À vrai dire, il a déjà commencé en Corse, le 28 septembre, avec la commémoration des 80 ans de la libération de l’île. Il prendra fin en 2025, où d’autres commémorations auront lieu, comme celle du retour des derniers déportés.

Le Président de la République a souhaité que le quatre-vingtième anniversaire des débarquements, de la Libération de la France et de la victoire soit un temps fort pour la nation, tant pour son rayonnement international que pour sa cohésion autour des valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité.

Pour soutenir et faciliter l’organisation de cet anniversaire qui rassemblera notre nation, un groupement d’intérêt public (GIP) a été constitué, sous le nom de « Mission de la Libération ». Le budget 2024 lui consacre 14 millions d’euros, dédiés aux dépenses d’intervention en vue de l’organisation des cérémonies commémoratives. Cette enveloppe sera complétée par la prise en charge du fonctionnement du GIP, qui s’élève à 5 millions d’euros et fait l’objet d’un financement interministériel.

L’année 2024 doit être l’occasion d’une grande célébration populaire continue, d’une communion mémorielle qui rassemblera nos concitoyens autour du souvenir reconnaissant de celles et de ceux qui ont rendu la liberté à notre pays. Ces crédits nous le permettront. Nous aurons tous un rôle à jouer.

Ce budget est le second d’un mandat qui place le monde combattant, la mémoire et le lien armée-nation-jeunesse au cœur de la conservation de nos forces morales. En votant ces crédits, vous apporterez votre pierre à l’édifice de la résilience de la nation et vous resserrerez les liens qui nous unissent.

M. le président Thomas Gassilloud. La parole est aux orateurs de groupe.

M. Jean-Marie Fiévet (RE). Madame la ministre, au nom du groupe Renaissance, je vous remercie de votre présentation instructive, enrichissante et très détaillée. Je salue, en tant que membre de la CNIH, votre engagement, ainsi que celui du ministre des armées, en faveur des anciens combattants.

Par ailleurs, je salue votre travail et votre engagement, ainsi que celui du ministre des armées, pour le projet de loi de finances pour 2024, qui est un texte ambitieux, à la hauteur des enjeux de nos armées, ainsi que des femmes et des hommes qui les composent.

J’ai eu le plaisir de vous retrouver il y a peu à l’occasion des diverses cérémonies qui se sont tenues dans le cadre de la journée nationale d’hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives. Je constate que la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation du premier budget de la LPM 2024 – 2030 alloue une enveloppe de 70 millions d’euros au droit à réparation pour les Harkis et leurs familles.

La CNIH a présenté cette année son premier rapport à la Première ministre. Il fait état d’un bilan très riche, s’agissant d’une organisation jeune. Depuis sa création par la loi du 22 février 2022, elle a examiné plus de 7 000 dossiers et accordé plus de 56 millions d’euros d’indemnisation. En moyenne, les demandeurs ont perçu chacun plus de 8 500 euros. Par ailleurs, la CNIH a mené un travail d’expertise historique tout au long de l’année 2022. Sur la base du recensement des sites signalés à la CNIH, l’expertise historique portera sur 103 lieux, dont quatre-vingt-sept ont déjà été étudiés.

Les historiens de la CNIH, que je salue, ont fourni un travail d’expertise historique approfondi pour chacun de ces lieux, à partir d’archives nationales, départementales et municipales, et de données recueillies en bibliothèque ou disponibles sur des sites associatifs, telles que des rapports, des articles de presse, des témoignages, des documentaires ou d’autres sources encore.

Compte tenu du bilan plus qu’encourageant de la CNIH et des budgets alloués au titre du projet de loi de finances pour 2024, pouvez-vous indiquer les perspectives des actions futures en faveur des harkis ?

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Monsieur Fiévet, j’étais, comme vous le savez, rapporteure de la loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français. J’ai travaillé main dans la main avec Mme Darrieussecq, à laquelle j’ai succédé, pour trouver le meilleur chemin possible. La loi s’applique telle qu’elle est. La CNIH permet d’avancer ; elle a identifié quarante-cinq sites supplémentaires. Vous formulerez sans doute, dans le prochain rapport annuel, des propositions.

Nous devons parvenir à solder tous les dossiers. Vous en examinez plusieurs chaque mois. Je vous en remercie, ainsi que la CNIH dans son ensemble, car il s’agit d’un travail de dentelle. Je tiens aussi à saluer le travail de l’ONaCVG. Que les harkis soient nés dans les camps ou dans les villes, il faut continuer à travailler sur l’histoire et la mémoire. Plus que jamais, quand les anciens s’éteignent, nous devons raviver la flamme de la mémoire.

Nous resterons à leurs côtés aussi longtemps que nécessaire, pour faire la lumière sur cette histoire encore mal connue par de nombreux jeunes. Nul ne peut pas réécrire l’histoire, mais il faut, par les temps difficiles que nous connaissons, la regarder en face et aller au bout des choses.

Mme Michèle Martinez (RN). « Regardons ces visages et n’oublions jamais ce que nous leur devons » : c’est par ces mots célèbres que je tiens à saluer, au nom de notre groupe et, je n’en doute pas, de tous les membres de la commission, nos anciens combattants. Je suis élue d’une terre pyrénéenne et méditerranéenne, d’où de nombreux appelés et engagés sont allés combattre en Algérie ou ailleurs, qui est aussi une terre d’accueil pour les harkis, honteusement traités en dépit de leur sacrifice sous les drapeaux.

C’est toujours avec beaucoup d’émotion que je vois ces anciens combattants se mobiliser pour animer les cérémonies de commémoration qui, sans eux, ne pourraient souvent pas se tenir. Je leur exprime une nouvelle fois toute ma gratitude et mes sincères remerciements.

Madame la ministre, selon la formule de Clemenceau, les anciens combattants ont des droits sur nous. Le budget voté l’an dernier a donné droit à une revendication forte du monde combattant, s’agissant de l’extension de la demi-part fiscale à toutes les veuves. Nous avons soutenu cette mesure et la saluons.

Toutefois, les enjeux demeurent. L’examen du projet de loi de finances pour 2024 doit, nous l’espérons, permettre d’en discuter sans que le Gouvernement n’ait recours au 49-3, qui serait indigne concernant cette mission. Je pense notamment aux besoins en matière de devoir de mémoire et de transmission aux nouvelles générations.

Le nombre d’anciens combattants était estimé à 1,5 million en 2011 ; ils ne sont plus qu’environ 1 million aujourd’hui. Il y a donc urgence à agir, dans un monde où la conflictualité s’accroît et où les pires exactions sont toujours commises. Les jeunes doivent savoir ce que leurs grands-parents et arrière-grands-parents ont vécu. Nos valeurs et notre modèle démocratique ne sont, hélas, jamais acquis. À plusieurs reprises au cours des derniers siècles, les défendre par les armes.

Quels financements spécifiques sont fléchés par le projet de loi de finances pour 2024 vers des actions concrètes relatives au devoir de mémoire ? Les anciens combattants entrent peu à peu dans l’ombre. N’oublions jamais.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. La transmission de la mémoire est très importante. On ne transmet pas la mémoire aux anciens, mais aux jeunes. Les anciens combattants le font très bien, souvent plus à leurs petits-enfants qu’à notre génération. La jeunesse, quant à elle, se montre intéressée. Lorsque nous allons dans les collèges et dans les lycées, nous avons en face de nous des jeunes qui font preuve de curiosité. Il faut aller vers eux. La transmission de la mémoire à la jeunesse est un sujet essentiel.

Le ministère des armées conduit, auprès de la jeunesse, une ambitieuse politique de soutien à la reconnaissance des conflits contemporains, par le biais de la convention du protocole interministériel sur l’enseignement de défense et, au sein des territoires, de l’animation des musées et des mémoriaux des conflits contemporains. L’engagement des professeurs, qui sont des hussards de la République, va bien au-delà des horaires scolaires. Le soutien aux actions de la jeunesse prend plusieurs formes, notamment le versement de subventions à des projets pédagogiques spécifiques et le développement sans précédent du dispositif des classes de défense, qui permettent aux collégiens et aux lycéens de découvrir l’actuel monde des armées, mais aussi et surtout la mémoire des conflits passés.

Le ministère des armées est aussi particulièrement engagé dans le soutien et la transmission de la mémoire de la Shoah. J’ai présidé en juillet dernier l’inauguration du mémorial de la gare de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, qui développe de fructueux partenariats avec les établissements scolaires environnants.

Simone Veil, qui fait l’objet d’un respect dont je ne doute pas, préférait au devoir de mémoire le devoir de transmettre et d’enseigner. C’est pourquoi le ministère des armées s’engage auprès des enseignants. En un an, 190 classes de défense ont été créées. Elles rassemblent 19 500 élèves, en particulier les élèves de troisième, qui se concentrent sur l’étude de la Seconde Guerre mondiale, de la Shoah et de la guerre d’Algérie. S’agissant du budget consacré à la mémoire, 42 millions d’euros financent les commémorations, les actions pédagogiques, les musées, les associations et les fondations.

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NUPES). S’agissant de la reconnaissance des incorporés de force d’Alsace et de Moselle et de l’indemnisation de leurs orphelins, plusieurs pistes ont été envisagées pour la mémoire des « malgré-nous » au fil de nos nombreux échanges à ce sujet. J’ai pris contact avec des collègues alsaciennes également sensibles à ce sujet pour tenter de vous présenter en commun des modalités de reconnaissance. J’ai constaté votre bonne volonté et ne doute pas que je pourrai compter dessus pour poursuivre ce travail, pour avancer sur ce sujet si important pour l’Alsace et la Moselle.

Poursuivre le travail, concrètement, c’est continuer à rechercher les modalités d’indemnisation et de réparation. Sur la base du décret du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et du décret du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale, considérez-vous que les montants que vous venez d’annoncer permettent un processus juste et équitable de réparation financière des orphelins dont les parents ont été incorporés de force ?

Le rapport de dénombrement fait état de 3 500 orphelins de « malgré-nous » encore en vie. Quel serait le dimensionnement budgétaire nécessaire pour leur appliquer les conditions définies par les décrets précités ?

S’agissant du service national universel (SNU), le projet de loi de finances pour 2024 prévoit que le ministère des armées prendra part, aux côtés du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, à sa montée en puissance. Nous aurions souhaité auditionner Prisca Thévenot – sa prédécesseure l’était habituellement – pour qu’elle réponde à nos questions sur ce point. Nous nous réjouissons que cela ne figure pas à l’action 08 Liens armée-jeunesse du programme 169, mais nous ne nous en interrogeons pas moins sur les contours du SNU. Faute de lisibilité des arbitrages du Gouvernement en la matière, chacun peut se demander où ira cet argent public et pour quel SNU.

S’agissant du rapport présenté par la CNIH, il établit un constat au sujet de la situation des supplétifs et rapatriés d’Indochine. Parmi les 66 000 supplétifs de la guerre d’Indochine, 12 000 ont été accueillis dans des centres d’accueil et de 4 000 à 5 000 d’entre eux y ont été installés. La CNIH propose d’étendre le périmètre de la loi du 23 février 2022 aux supplétifs et rapatriés d’Indochine. Comptez-vous donner suite à cette recommandation ?

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. S’agissant du SNU, je ne puis parler à la place de Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Je vous invite, à défaut d’audition, à vous mettre en rapport avec son cabinet.

S’agissant des orphelins des « malgré-nous », j’ai constaté l’an dernier l’émotion suscitée par ce sujet. J’ai proposé une première réunion aux personnes qui m’ont contactée. Nous en avons tenu une deuxième il y a trois semaines, lors de laquelle je me suis exprimée clairement.

Je suis consciente de la souffrance, dont font état les associations, résultant de l’exclusion des intéressés des PNOG dans les décrets précités. J’ai à cœur de me concentrer sur plusieurs pistes de travail. Toutefois, j’indique d’emblée que nous n’envisageons pas d’élargir le critère permettant de bénéficier de leurs dispositions, qui concernent les victimes de crimes.

Je suis membre d’un Gouvernement qui revendique une crédibilité sur les questions budgétaires. Nous ne pouvons pas tout nous permettre. L’impact sur les finances publiques d’une extension de ce droit aux PNOG de tous les conflits est estimé à plus de 1 milliard d’euros, sur la base de l’indemnité forfaitaire accordée aux bénéficiaires des décrets précités.

Les PNOG, dont ceux des « malgré-nous », ne seront pas oubliés par les commémorations des années 2024 et 2025. Le renouvellement de la composition du conseil d’administration de l’ONaCVG permettra de nous assurer de la présence en son sein d’un PNOG. Les dépenses d’action sociale en faveur des pupilles majeurs seront multipliées par cinq, grâce à 4 millions d’euros supplémentaires. Nous continuerons à travailler ensemble sur cette question lors d’une troisième réunion en novembre, qui rassemblera les parlementaires et un membre associatif de leur choix.

Quant aux supplétifs d’Indochine, il n’est pas prévu de donner suite à la recommandation de la CNIH. Les choses ne sont pas comparables.

M. le président Thomas Gassilloud. Le budget du SNU dépend du budget de l’éducation nationale, hormis quelques postes de la Direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) relevant du ministère des armées. C’est pourquoi nous n’avons jamais auditionné Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances. Nous aurons l’occasion de l’auditionner dans les mois à venir, notamment dans le cadre du cycle consacré à la défense globale, sur laquelle le SNU aura un impact important.

Mme Valérie Bazin-Malgras (LR). Madame la secrétaire d’État, au nom du groupe Les Républicains, je vous remercie de la clarté de vos propos liminaires, de votre engagement dans la défense des anciens combattants et des avancées obtenues, sous votre impulsion, en faveur du monde combattant.

Dans le cadre de la préparation de mon rapport pour avis sur les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, j’ai auditionné les représentants du Groupe des 12 (G12), qui regroupe les principales associations du monde combattant. Ils s’inquiètent, même si vos annonces les ont un peu rassurés, de l’effet de l’inflation sur l’augmentation du point de PMI. L’an dernier, vous leur avez annoncé une bonne nouvelle : la revalorisation anticipée de 3,5 % du point de PMI dès janvier 2023. Je me réjouis et vous remercie de l’annonce que vous venez de faire, selon laquelle l’augmentation du point de PMI de 1,5 % aura lieu en 2024 et non en 2025.

Par ailleurs, le dossier de presse du projet de loi de finances pour 2024 fait état d’une évolution prévisionnelle à la baisse des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation à partir de 2025, qui seraient de 1,8 milliard d’euros en 2026 et de 1,66 milliard d’euros l’année suivante. Sur quelles prévisions reposent ces projections ? Les crédits non employés en raison de la baisse naturelle du nombre de bénéficiaires du programme 169 ne pourraient-ils pas être mis à profit de façon pour l’ouverture de nouveaux droits ou pour le développement accéléré des maisons ATHOS ?

Les crédits dédiés à la politique de mémoire sont en forte hausse. Leur montant est presque double de celui inscrit dans la loi de finances pour 2023. Pouvez-vous préciser l’emploi qui en sera fait ? S’agissant des missions qui seront confiées au GIP « Mission de la Libération », vos propos liminaires ont répondu de façon très claire à mes interrogations.

Enfin, pouvez-vous préciser le projet de fondation pour les harkis que vous avez annoncé le 25 septembre aux Invalides ?

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. L’augmentation du point de PMI n’est pas facile à obtenir. Nous sommes contraints par le budget. La Première ministre, lorsque je l’ai interrogée à ce sujet, m’a répondu qu’il faut le faire à titre exceptionnel, compte tenu des souffrances causées par l’inflation. Je suis ravie d’avoir obtenu cette revalorisation pour la deuxième année consécutive.

S’agissant de l’évolution prévisionnelle du budget de la mission en 2025 et en 2026, elle n’exclut pas des réajustements en fonction des nouvelles mesures. Il s’agit simplement de prendre en considération le décès des anciens combattants.

Le projet de fondation s’appuie sur une réflexion menée par des associations de Harkis, notamment Ajir, que nous devons reprendre à notre compte pour déterminer si nous le faisons ou non, notamment dans la continuité des travaux de la CNIH. J’ai demandé au contrôle général des armées de recueillir les attentes des acteurs concernés s’agissant de la création d’une telle fondation, des missions qui lui incomberaient et de son articulation avec les fondations consacrées à des questions similaires.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Ce très bon budget, stable à 1,9 milliard, améliore la reconnaissance et la réparation des anciens combattants, dont les demandes – on le constate sur le terrain – sont toujours fournies. L’extension de la demi-part fiscale et la revalorisation du point PMI, qui étaient demandées de façon récurrente, donnent satisfaction au plus grand nombre. L’action sociale de l’ONaCVG pour les PNOG est maintenue, voire augmentée, au bon niveau. S’agissant des harkis, qui font l’objet de reconnaissance et de réparation, je salue le travail extraordinaire, d’autant que les choses ne sont pas simples, réalisé par Jean-Marie Bockel et les autres membres de la CNIH.

La politique mémorielle est un facteur de cohésion nationale et de citoyenneté pour la jeunesse. Elle est aussi un pan important de la diplomatie, déployé notamment lors des événements mémoriels. Nous ouvrirons en 2024 – il a déjà commencé en Corse – un cycle mémoriel particulièrement important. Quatre-vingts ans, ce n’est pas rien. Si le conflit s’éloigne, les événements terroristes que nous connaissons ravivent la mémoire de cette histoire tragique. Il faut continuer à faire ce travail de mémoire pour que la jeunesse s’en empare pleinement.

La structuration de l’organisation par le GIP « Mission de la Libération », qui disposera d’un budget important, est une bonne chose. Une participation de la population, notamment de la jeunesse, est-elle prévue ? Le 6 juin 2024 est un jeudi ; le 15 août est au cœur des vacances. Comment mobiliser la jeunesse et l’éducation nationale sur ces sujets importants pour transmettre cette mémoire avec plus d’efficience, au cours des deux années à venir, dans les écoles, les collèges et les lycées de France, voire dans les universités ?

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Nous avons déjà quelques dates.

Le mercredi 5 juin 2024, pour commémorer les opérations préalables au débarquement destinées à prévenir l’acheminement de renforts par les Allemands, un hommage sera rendu aux résistants et aux SAS français au maquis de Saint-Marcel, dans le Morbihan. Un hommage sera également rendu aux victimes civiles au haras de Saint-Lô, « capitale des ruines ». Un spectacle nocturne, largement animé par la jeunesse, rappellera le prix à payer pour la liberté.

Le jeudi 6 juin aura lieu la cérémonie internationale à Omaha Beach, en présence des autorités étrangères. Un parcours complémentaire sera organisé à Caen, en hommage aux résistants fusillés à la maison d’arrêt. Le vendredi 7 juin, une cérémonie aura lieu à Cherbourg, port le plus actif du monde et extrémité de la Voie de la liberté à l’automne 1944, et une autre à Bayeux, dans le Calvados, ville symbole, s’il en est, de la présence immédiate du général de Gaulle.

L’assemblée générale constitutive du GIP « Mission de la Libération » s’est tenue la semaine dernière, avec M. l’ambassadeur Philippe Étienne, qui la préside. Nous nous sommes penchés sur la question des vacances scolaires. Les associations citoyennes, sportives ou de jeunesse qui souhaitent participer seront les bienvenues. L’éducation nationale est d’ores et déjà mobilisée. Nous avons rencontré les recteurs en juin. Par ce biais et par celui du SNU, la jeunesse sera invitée à participer à la commémoration des débarquements.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Le programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation s’adresse au monde combattant, à la jeunesse et à la société française dans son ensemble, en vue de partager le nécessaire lien entre les armées et la Nation. Dans un monde en profonde mutation, où le tragique revient dans l’Histoire, ce lien est essentiel pour construire la force et la résilience d’une société où chacun concourt au concept de défense globale.

En 2024, nous célébrerons le quatre-vingtième anniversaire du Débarquement. Toutes les cérémonies – c’est l’élue locale qui parle – supposeront un lien de proximité avec les maires, ainsi qu’avec les enfants dans le cadre des écoles et des collèges. Il doit être possible de mobiliser les collectivités locales pour obtenir des cars et faire participer le plus grand nombre d’entre eux aux manifestations, même en semaine, comme lors d’un déplacement quand les enfants viennent visiter l’Assemblée nationale en semaine, pendant la vie scolaire. Ce lien avec les collectivités territoriales permettra d’acheminer la jeunesse, avec des moyens partagés, vers les lieux de mémoire et de festivités

S’agissant du point de PMI, je me réjouis de sa revalorisation. Son budget baisse en raison de la démographie. Il a baissé de 9 % de 2023 à 2024, pour une baisse d’effectif de 6 %. L’an prochain, le point de PMI passera de 15,63 à 15,65. Sachant que l’inflation est attendue à 5 %, avons-nous les marges budgétaires pour faire un effort supplémentaire ?

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Pour inciter les jeunes à participer aux commémorations et mobiliser les élus locaux – je le suis toujours –, nous avons prévu une circulaire aux préfets, une labellisation des événements et des courriers aux associations d’élus. N’hésitez pas à contacter la Mission de la Libération, qui est preneuse de votre expérience d’élus locaux et de ce que l’on vous dit dans vos territoires, pour l’adapter aux territoires concernés.

S’agissant du point de PMI, une clause de revoyure est prévue début 2024.

M. Yannick Favennec-Bécot (HOR). Le groupe Horizons et apparentés est satisfait de la relative stabilité, pour l’année 2024, du budget de la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation. Cela permettra, malgré la baisse tendancielle du nombre de bénéficiaires, de poursuivre la mise en œuvre du plan Blessés 2023 – 2027 et de prendre pleinement en compte les préjudices subis lors d’une opération. Nous saluons la prise en charge renforcée des blessés psychiques, grâce aux consultations systématiques lors des retours d’Opex et à l’ouverture de nouvelles maisons ATHOS.

Les crédits associés à la politique de mémoire sont doublés par rapport à 2023. Ils permettront notamment de financer les commémorations de 2024, ainsi que le développement de projets mémoriels. Il s’agit d’un signal très positif pour les associations d’anciens combattants. Ces actions favorisent la transmission de la mémoire, notamment auprès des jeunes générations. Dans les temps troublés que nous vivons, le devoir de mémoire est encore plus impérieux qu’auparavant.

Comment pérenniser les structures associatives, dont les adhérents – nous le constatons dans nos circonscriptions – prennent de l’âge et dont l’effectif diminue naturellement d’année en année ? Nous avons besoin d’elles, mais elles sont fragilisées au fil des ans.

En tant que représentants de la Nation, nous demeurons à l’écoute des associations d’anciens combattants, que nous avons régulièrement l’occasion de rencontrer dans nos circonscriptions. Notre groupe se réjouit de l’annonce dont vous nous avez réservé la primeur. La revalorisation du point de PMI est régulièrement évoquée dans leurs assemblées générales, auxquelles nous participons. L’anticipation de la date de la revalorisation de la PMI est une mesure significative dont je tiens, au nom de mon groupe, à vous remercier.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Lorsque je reçois les représentants du G12 – qui réunit désormais dix-sept associations –, nous nous demandons comment ces associations, qui sont indispensables dans les territoires, pourront continuer à apporter leur contribution et à nous aider, notamment lors des commémorations locales. Certaines perçoivent bien les cotisations de leurs adhérents, mais elles oublient de demander des subventions à leur collectivité locale. Or je n’imagine pas une commune, en France, qui refuserait de subventionner une association d’anciens combattants.

Par ailleurs, les départements les accompagnent aussi, en leur donnant des subventions pour renouveler les drapeaux, que les associations finançaient elles-mêmes auparavant. Je tiens à saluer les maires et les présidents de département qui agissent, dans leur territoire, pour que les anciens combattants puissent continuer à œuvrer et être avec nous lors des commémorations.

J’invite les associations à intégrer la quatrième génération du feu, qui adhère plutôt aux amicales. Il faut qu’elle adhère aux associations d’anciens combattants qui, année après année, font avancer certaines causes, telles que l’extension de la demi-part des veuves, qu’ils ont demandée pendant longtemps.

J’ai rencontré hier un jeune commando qui a fondé une association en ligne – la quatrième génération du feu est plus facile à attirer par internet. Je l’ai invité à rencontrer les associations du monde combattant, dans lequel cette génération a toute sa place et doit s’intégrer, et qui a besoin d’un peu de jeunesse. Il m’arrive de voir des jeunes, ainsi que des jeunes anciens combattants, participer aux commémorations.

Nous devons continuer dans cette progression pour que chacun y trouve sa place. Je tiens aussi à saluer les jeunes porte-drapeaux, notamment ceux d’une association qui n’est pas une association d’anciens combattants mais qui n’en est pas moins importante, le Souvenir français.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier (LIOT). Madame la secrétaire d’État, votre budget a la particularité d’être tourné à la fois vers le passé, s’agissant des commémorations et de la préservation de l’esprit de défense, et vers l’avenir, car il exprime la volonté de tracer le lien armée-nation et de bâtir une citoyenneté fondée sur l’engagement. Notre groupe salue ce budget stable de 1,9 milliard d’euros, ainsi que les annonces précises que vous avez faites.

S’agissant de la demi-part fiscale, le conjoint survivant pourra désormais en bénéficier, quel que soit l’âge de décès du combattant. Un an après la mise en œuvre de cette mesure d’équité fiscale, combien de foyers sont concernés et pour quels montants ? L’existence de cette disposition a-t-elle été signalée afin d’éviter tout non-recours ?

La montée en puissance du plan Blessés 2024 – 2027 bénéficiera de 5 millions d’euros en 2024. Toutefois, la question n’est pas limitée aux moyens. Sur le terrain, les familles de militaires et les associations d’anciens combattants nous alertent à propos des modalités de prise en charge.

Comme nous le rappelons chaque année dans notre commission, les démarches administratives ne doivent pas être un parcours solitaire. Concrètement, quelles mesures nouvelles sont prévues pour faciliter ce parcours pour les blessés dès cette année ? Comment sera mobilisée l’enveloppe budgétaire que nous nous apprêtons à adopter ?

Les maisons de réhabilitation ATHOS sont très bien accueillies. Je me fais ici le porte-parole de mes collègues ultramarins pour vous demander dans quels territoires d’outre-mer seront implantées les deux maisons supplémentaires que vous avez évoquées.

De gros efforts sont faits pour les harkis. Y a-t-il encore des situations individuelles qui ne sont pas prises en compte ? Que peut-on obtenir auprès de vous en matière de simplification ?

Enfin, je ne saurais oublier de saluer la mémoire de Bernard Bordes, qui a été président départemental de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie-Maroc-Tunisie (FNACA) de la Lozère pendant près de quarante ans, décédé il y a quelques jours.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Monsieur Morel-À-L’Huissier, je commencerai par répondre à une question que vous m’avez posée l’an dernier sur Verdun. Nous avons suivi votre suggestion et alloué une subvention de 150 000 euros à la rénovation du site.

La demi-part fiscale des veuves a été étendue par deux fois depuis 2020. Tout nouvel élargissement serait une mesure coûteuse suscitant de fortes réserves. Le Gouvernement n’y est pas favorable dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons. C’est pourquoi nous avons décidé de ne pas fixer d’âge de décès, pour que davantage de veuves puissent en bénéficier.

Les maisons ATHOS implantées outre-mer ne pourront pas être identiques à celles qui s’y trouvent déjà, car le territoire ultramarin est très grand. Nous avons commandé des études et demandé à l’état-major des armées (EMA) de construire des projets. Rien n’est encore décidé. Nous regardons les effectifs de blessés et les territoires où nous pouvons être aussi efficaces que possible, pour ne pas contraindre les anciens combattants ultramarins à rester en métropole et nous assurer qu’ils sont pris en charge correctement.

M. le président Thomas Gassilloud. Nous en venons aux interventions des autres orateurs.

Mme Corinne Vignon (RE). Le budget 2024 consacre 5,4 millions d’euros au plan Blessés 2023 - 2027. Cet effort financier démontre que l’accompagnement des blessés est un devoir pour la Nation et une priorité du Gouvernement. Cette prise en charge essentielle contribue à la force morale des troupes et à leur performance lors de leur engagement sur le champ de bataille.

2,1 millions d’euros sont prévus pour la construction de deux maisons ATHOS dans l’Hexagone, en vue d’en implanter à terme dix sur le territoire national. Ce dispositif est essentiel. Ces établissements visent à la réhabilitation psychosociale des militaires blessés, en leur offrant une prise en charge immédiate et durable, grâce à une attention renforcée et à l’accompagnement de leur blessure psychique. L’accompagnement personnalisé de proximité, dans un environnement non médicalisé, permet aux blessés de transformer leur parcours de soins en parcours de vie.

Quatre maisons ATHOS ont été ouvertes, à Bordeaux, à Toulon, à Aix-les-Bains et à Auray. La couverture territoriale de proximité est un enjeu très important de l’implantation des deux nouvelles maisons, En Haute-Garonne, Toulouse est, depuis plus de deux siècles, un grand centre de commandement, accueillant notamment la 11e brigade parachutiste, principale collaboratrice des opérations extérieures (Opex), le 1er régiment du train parachutiste (RTP) et le 1er régiment de chasseurs parachutistes (RCP).

L’association toulousaine Le cercle de Saint-Georges est en lien constant avec les blessés et les anciens combattants. Elle relaie leur impatience au sujet de l’implantation d’une maison ATHOS en Haute-Garonne. Est-elle envisagée ?

M. Frank Giletti (RN). L’allocation de reconnaissance du combattant – ex-retraite du combattant – s’élevait à 812,76 euros au 1er janvier 2023. Ce droit à la retraite est ouvert aux titulaires de la carte de combattant ; il est particulièrement important pour les anciens militaires âgés de 60 ans au moins, dont les revenus sont faibles ou dont l’invalidité résulte des services accomplis au cours d’opérations déclarées campagnes de guerre ou de maintien de l’ordre hors métropole. Une telle somme équivaut à 67,73 euros par mois. Il s’agit d’une bien faible reconnaissance pour un homme qui s’est consacré à son pays et aurait pu sacrifier sa vie pour la France.

Madame la secrétaire d’État, vous qui échangez quotidiennement, comme nous, avec les associations d’anciens combattants, vous savez à quel point il est compliqué pour certains d’entre eux de subvenir à leurs besoins journaliers. Cette somme est considérée par beaucoup d’entre eux – nous le comprenons aisément dans le contexte actuel de hausse de l’inflation – comme insuffisante.

Le projet de loi de finances pour 2024 a-t-il pour ambition de valoriser ce droit à la hausse ? Quels obstacles contraignent une augmentation de cette allocation ?

J’ajoute une question sur un sujet qui me tient à cœur. Les fouilles archéologiques menées dans le cadre de l’extension de l’aéroport de Dien Bien Phu sont susceptibles de mettre au jour des dépouilles de soldats français. Avez-vous des informations à ce sujet ?

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Madame la secrétaire d’État, votre mission est particulièrement importante pour celles et ceux qui ont fait don de corps et d’esprit à la Nation. Une augmentation de 1,5 %, c’est bien, mais c’est peu.

Au 1er août 2023, l’écart entre la valeur du point PMI et l’inflation depuis 2005 atteignait 14 %, soit l’équivalent de deux mois de ponction. Depuis le 1er janvier 2023, cette augmentation est de 4 %. En outre, les anciens combattants ne bénéficient pas, en dépit de leur modeste retraite, de la garantie individuelle de pouvoir d’achat (Gipa), dont l’objectif est de compenser la perte de pouvoir d’achat. Nous demandons un peu plus que l’avancement exceptionnel de la revalorisation du point PMI au 1er janvier 2024.

Par ailleurs, si le plan Blessés 2023 - 2027 exprime votre volonté de simplifier les démarches par la mise en place d’un dossier unique et par une instruction automatique de renouvellement de la PMI, de nombreuses incertitudes demeurent, même après publication des bleus budgétaires, sur sa mise en œuvre et son ambition. Nous demandons plus pour lutter contre la précarité et surtout contre la détresse psychologique de nos combattants et de leurs proches.

Mme Patricia Lemoine (RE). L’action 09 Politique de mémoire du programme 169 finance des mesures variées, allant de l’organisation de commémorations à la restauration de sépultures ou de sites mémoriels. Elle contribue surtout au financement de projets pédagogiques pour les jeunes, notamment de voyages scolaires vers des hauts lieux de la mémoire nationale.

Il est indispensable de soutenir financièrement les projets de ce type, principalement conduits par des établissements scolaires ou des collectivités. Leur existence même est menacée lorsque les budgets viennent à manquer. Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit le doublement des crédits de la sous-action 01 de l’action 09, qui passent de 20,92 millions à un peu plus de 40 millions d’euros.

Cette hausse notable, dont une partie sera fléchée vers la célébration du quatre-vingtième anniversaire du Débarquement, résultera-t-elle en un soutien accru aux projets éducatifs liés au devoir de mémoire ? J’ai défendu l’an dernier un amendement visant à augmenter les crédits. Je suis heureuse de constater que tel est le cas.

M. Julien Rancoule (RN). Nous avons tous la chance de rencontrer des anciens combattants dans nos circonscriptions lors des cérémonies patriotiques. Nous sommes toujours profondément touchés par leur présence. Nous savons qu’ils ont souvent sacrifié leur jeunesse, et parfois exposé leur vie, pour défendre nos valeurs et nos libertés. Nous devons beaucoup à nos anciens de la Seconde Guerre mondiale, de l’Indochine, de l’Algérie et des guerres qui ont suivi.

Toutefois, en dépit de leur inlassable dévouement, les associations d’anciens combattants sont souvent confrontées à des défis financiers considérables. Le renouvellement des hampes, des baudriers, des cravates de drapeau et des housses de transport, ainsi que la restauration des drapeaux historiques eux-mêmes coûtent beaucoup d’argent. Souvent, les associations peinent à rassembler les fonds nécessaires pour les maintenir en bon état.

Le Gouvernement est-il prêt à aider davantage, en sus de l’aide offerte par l’ONaCVG, celles qui ont besoin de renouveler leur matériel et de restaurer leurs drapeaux ?

Mme Delphine Lingemann (Dem). Je salue l’effort budgétaire en faveur des monuments aux morts, en lien avec le plan France ruralités. J’ai grandi dans un petit village martyr où il y avait un monument aux morts, sur lequel figuraient les noms de mes grands-parents. Il s’agit d’un lieu de commémoration essentiel.

Quel montant est consacré aux musées, qui sont essentiels au travail de mémoire ?

J’enseigne dans une école d’ingénieurs. J’aimerais savoir comment le ministère des armées envisage d’assurer la continuité du devoir de mémoire auprès des étudiants.

M. Michaël Taverne (RN). J’étais ce matin à l’inauguration du musée néo-zélandais de la Libération, au Quesnoy, dans ma circonscription. Madame la secrétaire d’État, Mme le maire et moi-même aurions grand plaisir à vous accueillir dans ce musée exceptionnel.

La semaine dernière, je me suis rendu à Notre-Dame-de-Lorette, qui abrite la plus grande nécropole de France, et à Vimy, qui est le plus grand de France. J’étais accompagné d’une cinquantaine de jeunes, tous volontaires, issu du conseil municipal des jeunes. Ils ont été très attentifs et surtout passionnés. J’ai eu l’occasion de rencontrer quelques-uns des 4 500 gardes d’honneur de Notre-Dame-de-Lorette, tous volontaires.

Ils m’ont signalé que, si une rampe pour personnes à mobilité réduite a été installée pour accéder à la basilique, il n’y en a pas à la tour lanterne. Par conséquent, beaucoup d’entre elles ne peuvent pas accéder à tout le site. Par ailleurs, il y a du schiste sur l’accès aux tombes et à divers monuments. Certains m’ont dit : « J’ai soixante-dix ans, porter un fauteuil roulant sur dix mètres m’épuise ».

Ils m’ont également indiqué que la plupart de leurs homologues canadiens, à Vimy, sont formés aux gestes de premiers secours et ont des trousses de secours. Rien de tel à Notre-Dame-de-Lorette, où les chutes sont pourtant fréquentes, et où il n’y a qu’un défibrillateur, dans la basilique. Ils aimeraient être formés aux gestes de premiers secours et avoir des trousses de secours. L’un d’entre eux m’a dit : « Vimy, c’est le XXIe siècle ; Notre-Dame-de-Lorette me fait plutôt penser au XIXe siècle ».

M. Pierrick Berteloot (RN). L’obtention de la carte d’ancien combattant suppose d’avoir appartenu à une unité ayant connu neuf actions de feu ou de combat pendant son temps de présence ou d’avoir participé personnellement à cinq actions de feu ou de combat. Ce format semble dépassé pour de nombreux combattants.

Si ces critères étaient pertinents dans le cadre de conflits à haute intensité que nous avons connus par le passé, ils ne le sont plus dans des guerres larvées ou face à des combattants de groupes terroristes. Les remplir est devenu plus difficile. De nombreux anciens combattants ayant participé à des Opex ont risqué leur vie sans forcément connaître le nombre d’actions de feu ou de combat précitées. Ils n’en ont pas moins servi courageusement leur pays. Ils vivent cette situation comme une injustice.

Ne serait-il pas pertinent de réviser les conditions d’obtention de la carte d’ancien combattant, pertinentes s’agissant des guerres de 1914 et de 1939 et désormais anachroniques ?

M. Frédéric Boccaletti (RN). « Une tête sans mémoire est une place sans garnison », disait Napoléon Bonaparte. En ces temps de perte de repères, il est plus que jamais temps de travailler sur la mémoire de notre Nation. Tel est aussi, j’imagine, l’objet de la création d’une fondation pour les harkis, annoncée le 25 septembre dernier.

La France n’a pas à avoir honte de son histoire. Elle doit la regarder en face, avec sa splendeur et ses zones d’ombre. En tout état de cause, elle ne saurait laisser le champ libre à d’autres pour développer un récit partiel, vindicatif et haineux – tout sauf de l’histoire.

Quels sont les contours de cette fondation ? Comment la représentation nationale sera-t-elle associée à la réflexion préalable à sa création ? Selon quelles modalités exercera-t-elle ses prérogatives s’agissant de ses objectifs, de ses actions et de son bilan ?

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Madame Vignon, si j’avais eu un droit de regard sur l’implantation de la cinquième maison ATHOS, j’aurais – sans surprise – choisi l’Hérault. Les services du ministère cherchent, pour chaque maison ATHOS, le lieu idéal. Ce sont des grands gîtes, au calme, où certains jouent de la musique, d’autres font les vendanges ou fabriquent du miel, d’autres encore de l’art – nos blessés sont très doués. Le bien qui deviendra la cinquième maison ATHOS a été trouvé, mais j’ignore où. Les négociations sont en cours. J’en saurai plus après la signature.

Monsieur Giletti, l’allocation de reconnaissance du combattant n’est pas une pension de retraite civile ou militaire. Elle est versée en plus de celle-ci. J’en ai fait modifier le nom, après avoir travaillé à ce sujet avec le G12, pour faire cesser la petite musique selon laquelle les anciens combattants percevraient deux retraites. Les anciens combattants tenaient à cette modification, qui a été faite par décret.

Concernant les travaux d’extension de l’aéroport de Dien Bien Phu, nous n’avons reçu aucune alerte à ce jour. Je me suis entretenue avec les archéologues il y a deux jours. Notre engagement de rapatrier les corps pour les inhumer à Fréjus ou les confier aux familles est inchangé.

Monsieur Bex me demande des sous : je l’invite à voter le budget !

S’agissant des blessés, mon cabinet et l’EMA font un travail de dentelle que je salue, et qui s’appuie sur ce qui a été fait auparavant. Le premier facteur d’inquiétude et de difficulté pour les blessés, c’est le parcours. C’est pourquoi nous avons décidé un choc de simplification. Leur première préoccupation est d’être soignés. Nous devions leur venir en aide pour faciliter leur parcours.

S’agissant les maisons ATHOS, la montée en charge est forte. Son rythme est adapté aux inscriptions. Ouvrir une maison ATHOS vide de blessés est inutile. Les deux qui seront ouvertes en 2024 sont nécessaires.

Par ailleurs, l’Institut des Invalides (INI) ouvrira prochainement un pôle de réhabilitation et la première pierre du Village des blessés sera posée à la fin de l’année.

Le plan Blessés 2024 – 2027 doit être vivant. Un comité de suivi se réunira tous les six mois. Le prochain se déroulera en décembre. J’y inviterai les veuves, les parents, les frères et les sœurs des soldats blessés ou décédés. Par ailleurs, 40 % des mesures prévues par le plan ont été prises ou le seront dans les semaines à venir. J’en suis satisfaite. Le travail avance vite, ce qui est normal compte tenu des fortes attentes des blessés et de leurs familles.

Madame Lemoine, nous participons et continuerons à participer activement au devoir de mémoire auprès des jeunes générations. Nous avons décidé, en accord avec les associations d’anciens combattants, de décentraliser certaines cérémonies, par exemple à Notre-Dame-de-Lorette sur la tombe du soldat inconnu d’Algérie, au Struthof pour la journée de la déportation, et à Fréjus pour la journée nationale d’hommage aux morts de la guerre d’Indochine.

Décentraliser une cérémonie, c’est permettre – c’est l’« aller vers » – aux élèves et aux enseignants d’y assister, y compris le mercredi. À Notre-Dame-de-Lorette, nous avions 200 jeunes – le 19 mars, un dimanche froid –, au Struthof 180 et pratiquement autant à Fréjus. À Notre-Dame-de-Lorette, c’était un dimanche – le 19 mars –, il faisait froid ; il y avait des écoliers, des collégiens et des lycéens.

Je serai prochainement à Sciences Po Aix pour aller vers l’actuelle génération d’étudiants, ce que je vous invite à faire aussi, pour expliquer ce que vous faites et ce que nous devons à nos anciens combattants, d’autant que les jeunes aiment nous accompagner.

Outre les 600 millions que nous consacrons aux musées, j’aimerais citer deux associations, l’Union des blessés de la face et de la tête (UBFT) – plus connue sous le nom de Gueules cassées – et la Fnam (Fédération nationale André Maginot), qui ont signé une convention permettant aux établissements d’obtenir des sommes significatives pour mener des projets pédagogiques.

Monsieur Taverne, il faut en effet faire de gros travaux à Notre-Dame-de-Lorette. J’ai confié au CGA une mission sur l’entretien des nécropoles et sur les travaux à mener pour résoudre le problème d’accessibilité qui s’y pose. Vous pouvez rassurer ceux qui vous ont fait part de leurs inquiétudes sur ce point.

Monsieur Berteloot, nous travaillons à la rédaction d’un décret d’application visant à assouplir le principe d’attribution de la carte du combattant dite à 120 jours, ce qui permettra de l’attribuer à environ 200 militaires d’active et jeunes anciens combattants auxquels manque une semaine de présence pour l’obtenir. Il nous semble injuste qu’ils en soient privés pour si peu.

S’agissant de la fondation pour la mémoire des harkis, le CGA me rendra un rapport qui permettra de savoir si elle est nécessaire ou non, si nous pouvons la créer et quelles seraient ses missions.

S’agissant des drapeaux, les départements versent des subventions pour leur renouvellement. Le Souvenir français recherche sur internet des anciens drapeaux pour les mettre à disposition des établissements scolaires, à condition qu’ils sortent deux fois par an, portés par un jeune porte-drapeau volontaire. Si l’on voit de vieux drapeaux, c’est parce que les anciens combattants ne veulent pas s’en séparer. Ce sont leurs drapeaux, et non des drapeaux neufs qui n’ont jamais été portés.

Par ailleurs, la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) consacre 300 000 euros au fonctionnement des associations. Il faut qu’elle lui adresse leurs demandes.

Mesdames, Messieurs les députés, je vous remercie de l’intérêt que vous portez à ma mission et, surtout, aux anciens combattants et aux militaires d’active qui, inlassablement, s’engagent pour leur pays. Je reste à vos côtés pour avancer sur ces sujets, si difficile que cela puisse être.

M. le président Thomas Gassilloud. Madame la secrétaire d’État, au nom de la commission, je vous remercie.


II.   Audition de reprÉsentants d’associations d’anciens combattants

La commission de la Défense nationale et des forces armées a entendu des représentants d’associations d’anciens combattants, sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680), au cours de sa réunion du 18 octobre 2023.

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/GgEb0z


 

III.   Examen des crÉdits

La commission de la Défense nationale et des forces armées a examiné, pour avis, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » pour 2024, au cours de ses réunions du 25 octobre 2023.

 

M. le président Thomas Gassilloud. L’ordre du jour appelle l’examen des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, de la mission Défense et du programme Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.

En ce qui concerne la mission Défense, je rappelle que celle-ci comporte quatre programmes, dont l’un, le programme 178, Préparation et emploi des forces, correspond à une nomenclature budgétaire interarmées mais fait en plus, en ce qui nous concerne, l’objet de trois avis – forces terrestres, marine et air – pour nous permettre d’en assurer un suivi précis.

Nous allons entendre ce matin nos rapporteurs pour avis et continuerons cet après-midi avec les interventions des orateurs de groupe, puis l’examen des amendements et le vote des missions.

Un débat suit l’exposé de la rapporteure pour avis.

 

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je tiens à remercier les personnes auditionnées, notamment les membres de la maison ATHOS de Cambes, près de Bordeaux, pour l’accueil chaleureux qu’ils m’ont réservé.

Si l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre est devenu Office national des combattants et victimes de guerre (ONaCVG) pour s’adapter à l’évolution de ses ressortissants, notre degré d’ambition et d’exigence envers ceux à qui nous devons tout doit rester inchangé.

Le budget soumis à notre examen s’inscrit dans la continuité des efforts fournis en faveur du monde combattant par la secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire. Il pourrait néanmoins être plus ambitieux, notamment dans un contexte d’inflation élevée. Il préserve et consolide l’existant, tout en introduisant des mesures nouvelles.

Avec près de 1,9 milliard d’euros en crédits de paiement (CP), les crédits alloués à la mission sont stables, même s’ils connaissent une légère diminution de 0,38 %. Cette stabilité doit être saluée : ce n’est que la deuxième fois, depuis 2001, que ce budget ne diminue pas d’une année sur l’autre, comme l’a rappelé devant cette commission Mme Patricia Mirallès.

La revalorisation anticipée du point d’indice de pension militaire d’invalidité (PMI) au 1er janvier 2024, à hauteur de 1,5 %, qui tient compte de la hausse du point d’indice de la fonction publique intervenue en juillet, constitue un progrès bienvenu sur ce sujet prioritaire pour le monde combattant. Elle est toutefois insuffisante compte tenu de l’écart observé entre l’évolution des prix à la consommation et celle du point de PMI depuis 2005. Les invalides de guerre et les anciens combattants, qui perçoivent une retraite modeste, sont particulièrement préoccupés par cette évolution, d’autant que leurs difficultés matérielles s’aggravent.

Contrainte par les règles de recevabilité financière encadrant le dépôt d’amendements au projet de loi de finances (PLF), je suis dans l’incapacité de proposer un amendement visant à revaloriser le point de PMI, sauf à prélever les crédits nécessaires au sein du programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale. Ne pouvant me résoudre à déshabiller Pierre pour habiller Paul, j’appelle le Gouvernement à consentir une revalorisation supplémentaire.

L’année 2024 sera riche en rendez-vous mémoriels, au premier rang desquels le cycle de commémorations des 80 ans des débarquements et de la Libération. Nous poursuivrons la délocalisation des cérémonies nationales entamée en 2023, dans le but d’y associer plus largement nos concitoyens, notamment les plus jeunes. Ainsi, les crédits dévolus à la politique de mémoire connaissent une hausse significative de 87 % par rapport à 2023, pour s’élever à 42,4 millions, dont 19,8 millions affectés au financement des commémorations et 16,9 millions à la restauration et à la mise en valeur du patrimoine mémoriel.

Par ailleurs, le nouveau plan d’accompagnement des blessés militaires et de leurs familles bénéficiera de près de 5,5 millions d’euros de mesures nouvelles, intégrant notamment l’entrée en vigueur d’importantes dispositions adoptées dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) 2024 – 2030, telles que la réparation intégrale, dont l’enveloppe est de 2 millions, et l’assouplissement de la majoration pour tierce personne, à hauteur de 620 000 euros de dépenses nouvelles.

À titre principal, le budget 2024 finance la montée en puissance du dispositif ATHOS, à hauteur de 2,06 millions supplémentaires, ce qui permettra d’ouvrir en 2024, comme prévu, une cinquième et une sixième maison.

J’en viens à l’effort de solidarité en faveur des harkis et des rapatriés, qui se poursuit et s’intensifie cette année. Près de 112 millions de crédits sont inscrits à l’action 7 de la mission, ce qui représente une hausse de 11 millions d’euros. La décision du Gouvernement d’étendre la liste des structures donnant droit à réparation, en y intégrant les quarante-cinq sites proposés par la Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis (CNIH), explique l’essentiel de l’augmentation de 9,8 millions de l’enveloppe dédiée, qui s’établit à 69,8 millions. Je demeurerai vigilante aux propositions de la CNIH, qui doit expertiser quatre-vingt-sept sites supplémentaires en 2024.

Pour tenir compte des évolutions relatives aux maisons ATHOS et à l’effort de solidarité en faveur des harkis, la subvention pour charge de service public de l’ONaCVG est portée à 62,56 millions d’euros, soit une hausse de 2,35 millions par rapport à 2023. En matière de solidarité, la subvention accordée à l’ONaCVG pour financer son action sociale a été maintenue à 25 millions. Je serai attentive à ce que les moyens financiers et humains qui sont accordés à l’Office soient en bonne adéquation avec l’accroissement de ses missions.

Le renforcement du lien armée-nation se matérialise à travers la politique du ministère des Armées en faveur de la jeunesse. Le budget 2024 est de 26,9 millions, ce qui représente une hausse de 1,59 million en CP par rapport à 2023. Sur cette somme, 22,75 millions seront consacrés à la journée défense et citoyenneté (JDC) et 3,3 millions au service militaire volontaire (SMV).

À l’heure où le renforcement des forces morales de notre nation doit constituer une priorité, il faut lancer une réflexion sur le contenu de la JDC, qui consacre trop peu de temps aux enjeux de défense et de mémoire. Son articulation avec la journée défense et mémoire (JDM) du service national universel (SNU), qui mobilise également la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ), doit faire l’objet d’une attention particulière.

Enfin, je terminerai cette première partie de mon propos consacrée au budget, en évoquant la question des reçus fiscaux, soulevée par les membres des associations d’anciens combattants. Toutes les associations du groupe des 12, dit G12, n’étant pas reconnues d’intérêt général par l’État, les dons et les cotisations ne sont pas systématiquement déductibles des impôts. Or ces associations mènent des actions qui vont au-delà de la seule défense des anciens combattants. Elles contribuent au travail de mémoire et au renforcement des forces morales de la nation. Il faut donc entamer une réflexion pour étudier les conditions dans lesquelles un tel statut pourrait être attribué aux associations qui en sont privées.

J’en viens maintenant à la partie thématique de mon rapport, qui porte sur les maisons ATHOS. Au printemps, la secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire a présenté le plan Blessés 2023 – 2027. Le dispositif ATHOS, désormais pérennisé, vise à la réhabilitation psychosociale des militaires et anciens militaires victimes de blessures psychiques en service. Il a été créé en réponse à l’augmentation du nombre de ces blessés résultant du durcissement des combats sur les théâtres des opérations extérieures (Opex).

Initié en février 2019 puis expérimenté par l’armée de terre, le dispositif compte quatre maisons. Celles de Bordeaux et de Toulon ont ouvert dès janvier 2021, celle d’Aix-les-Bains en avril 2022, celle d’Auray en avril 2023. Au 1er septembre 2023, elles comptaient 337 membres.

Pour accompagner la montée en puissance du dispositif, le pilotage a été confié à l’Institution de gestion sociale des armées (Igesa), en continuité avec le rôle que celle-ci a tenu durant la phase pilote, et à l’ONaCVG à partir de juillet 2023. Les résultats encourageants de l’expérimentation ont ouvert la voie à une extension du dispositif, sans toutefois qu’aucun bilan n’en ait été rendu public, ce que je regrette. En visite à la maison ATHOS de Bordeaux, j’ai constaté la pertinence de ces structures, qui répondent à un réel besoin et s’avèrent complémentaires des autres modes de prise en charge. La maison de Bordeaux a toutefois atteint son point de saturation, ce qui justifie d’étendre le dispositif.

Je me suis employée dans mon avis à dresser identifié plusieurs axes de progrès : améliorer l’identification de militaires potentiellement éligibles sortis de l’institution, qui sont parfois « perdus de vue » ; développer la communication en poursuivant notamment le déploiement des dispositifs d’« aller vers » tels qu’ATHOS-nomade et ATHOS-famille, qui sont en cours d’expérimentation ; accélérer la simplification des démarches administratives pour le blessé ; veiller à l’égalité territoriale du dispositif, notamment en outre-mer et poursuivre le développement des partenariats extérieurs et du mécénat, pour assurer l’ouverture de nouvelles maisons.

Pour toutes les raisons précitées, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission pour 2024.

Mme Anne Le Hénanff (HOR). Une mesure très attendue par la communauté des rapatriés figure dans le rapport annexé à la LPM : le versement d’une allocation unique de 4 195 euros aux anciens supplétifs de statut civil de droit commun de la guerre d’Algérie. Vingt-deux personnes ont déposé une demande ou effectué un renouvellement de demande d’allocation de reconnaissance entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013, et n’ont pas engagé de procédure contentieuse dans les délais prévus, après réponse négative ou silence de l’administration. La mesure adoptée par le Parlement pourrait clore de façon définitive ce dossier délicat.

Toutefois, la mesure, insérée dans le rapport annexé, est dépourvue de valeur normative. Elle ne garantit donc pas le versement de l’indemnité. L’amendement II-CF466, déposé par Lise Magnier et que j’ai cosigné, vise à la financer.

Le Gouvernement ne semble pas enclin à lui donner un avis favorable, préférant s’en remettre aux services départementaux de l’ONaCVG pour contacter les personnes qui lui ont été signalées ­ – l’une d’entre elles vit dans ma circonscription – et les intégrer dans ses dispositifs d’aide sociale. Quel est votre avis vous sur ce point précis ?

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Le dispositif consacré aux supplétifs de statut civil de droit commun est complexe et, pour l’instant, forclos. Comme vous, je souhaite que le Gouvernement rouvre ce dossier.

Mme Patricia Lemoine (RE). Deux nouvelles maisons ATHOS doivent ouvrir au cours de l’exercice 2024 et dix à l’horizon 2030. Je salue cette dynamique, qui renforce la prise en charge des blessés psychiques et permet de développer une offre au plus près de leur domicile. Vous regrettez qu’aucun bilan de l’expérimentation n’ait été rendu public. Par ailleurs, toutes les places disponibles ne semblent pas pourvues. Comment faire davantage connaître ces maisons ? Comment en faciliter l’accès et le fonctionnement ?

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Il reste des places disponibles dans certaines maisons mais d’autres, comme celle de Cambes, arrivent à saturation. Le dispositif fonctionne par bassins de population. Il est délicat d’envoyer un blessé vivant dans le nord de la France dans une maison du Sud, ni des gens de Bordeaux en Bretagne. Le déploiement supplémentaire a été pensé en fonction des bassins de blessés. Deux maisons seront ouvertes en Occitanie et dans le Grand Est pour répondre à la demande. Je dresse dans mon avis des pistes pour mieux faire connaitre le dispositif.

M. Christophe Blanchet (Dem). Permettez-moi de commencer par saluer la mémoire d’Ari Wong Kim, dernier survivant du bataillon du Pacifique, décédé la semaine dernière. Il habitait dans ma circonscription.

S’agissant de l’association de nos concitoyens, notamment les jeunes, aux cérémonies mémorielles de l’an prochain, la première d’entre elles aura lieu le 6 juin, qui sera un jeudi : comment associer efficacement nos concitoyens et nos jeunes un jour de semaine ?

Par ailleurs, les cérémonies patriotiques du 11 novembre et du 8 mai, qui sont des jours fériés, rassemblent de moins en moins de monde. Comment repenser ces commémorations pour y associer davantage de nos concitoyens, notamment parmi les jeunes ?

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Grâce à plusieurs programmes, tels que les classes de défense, le label « classes engagées » et l’appel à projets « commémorer autrement », davantage de jeunes sont sensibilisés au travail de mémoire. Il faut continuer. Plusieurs établissements ont été sensibilisés et contribuent à diffuser le message. Tous les citoyens doivent comprendre que nous fêterons les quatre-vingts ans du Débarquement, grâce auquel la France a été libérée. Il s’agit d’un sujet national, dont tout le monde doit s’emparer.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Chaque année, 600 000 jeunes passent par le dispositif de la JDC, qui constitue pour la plupart d’entre eux le seul lien qu’ils auront avec les armées au cours de leur vie. Le sujet devrait être au cœur de nos préoccupations.

Pourtant, le ministère semble davantage s’intéresser à la JDM au sein du SNU. Il y consacre proportionnellement plus de moyens. Ne devrions-nous pas travailler davantage sur la JDC ? Par ailleurs, avez-vous une idée du montant consacré par la DSNJ et par le ministère des armées en général à la JDM, alors même que le Gouvernement s’est engagé à ce qu’aucun crédit de la défense ne contribue au SNU ?

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Des crédits de masse salariale à hauteur de 6,5 millions d’euros seraient consacrés à la JDM. Je partage votre interrogation : à quoi sert la JDC ? Elle semble avoir perdu toute militarité, tant les sujets abordés dans ce cadre sont divers. Par ailleurs, ne fait-elle pas doublon avec la JDM ? Nous devons réfléchir à ce que nous voulons faire de ce projet et déterminer les ressources à y consacrer. Une clarification s’impose.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Nous partageons tous votre préoccupation s’agissant du rôle de la jeunesse dans le travail de mémoire. Nous constatons dans nos territoires, en Seine-et-Marne pour ma part, que certaines associations d’anciens combattants éprouvent de grandes difficultés à recruter de jeunes porte-drapeaux pour les cérémonies patriotiques. Certaines, telles que la 47e section des médaillés militaires de Fontainebleau, parviennent à recruter des jeunes de seize ou dix-sept ans.

Une réflexion est-elle menée à l’échelon national pour encourager les jeunes et faire connaître cette forme d’engagement civique dans les établissements d’enseignement ?

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Les porte-drapeaux se font rares et les associations peinent à motiver la jeunesse. Le Souvenir français donne des drapeaux à des écoles et ou des classes, dont les élèves les restaurent, les entretiennent et les sortent lors des cérémonies. Les « classes engagées » et les classes de défense jouent un rôle intéressant, en sensibilisant les jeunes à la nécessité de la transmission.

J’incite les associations d’anciens combattants à se rapprocher de la jeunesse, à intervenir dans les écoles et à nouer des liens pour transmettre. Quant à nous, nous ne devons pas hésiter à évoquer les associations d’anciens combattants lors de nos déplacements dans les établissements scolaires.

M. Frédéric Boccaletti (RN). Comme tous les Français, nos anciens combattants, sont durement affectés par l’inflation. Tel est notamment le cas des bénéficiaires de la PMI, qui est souvent leur seule ressource et dont dépend également leur conjoint. Face à la détresse d’anciens combattants qui souffrent, depuis des décennies, d’une blessure ou d’un handicap, la République doit agir. C’est un devoir moral.

Or la PMI n’a pas connu de revalorisation suffisante pour faire face à la hausse prix lors des précédents exercices budgétaires. La hausse de 1,5 % du point de PMI est considérée à juste titre comme une aumône par les associations d’anciens combattants. Compte tenu des sacrifices consentis et des préjudices subis, cette revalorisation doit être suffisante et ne pas relever de l’affichage politique.

Le groupe Rassemblement national propose une revalorisation sur la base du taux d’inflation constaté en 2022, soit 5,2 % selon l’Insee. La hausse de 1,5 % ne vous paraît-elle pas scandaleuse ?

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je considère comme vous que la revalorisation du point de PMI de 1,5 % n’est pas suffisante. Elle devrait être à la hauteur de l’inflation. Mais comment faire ? Piocher dans les crédits du programme 158 est impossible. Le Gouvernement doit entendre les associations et la représentation nationale, et augmenter davantage le point de PMI. Il doit prendre ses responsabilités.

M. Fabien Roussel (GDR-NUPES). Le budget de la mission est globalement stable, ce qui est un moindre mal, mais il a beaucoup diminué ces dernières années. Nous considérons que son maintien, en dépit de la baisse naturelle du nombre de bénéficiaires, aurait permis de rattraper les retards et de réparer les injustices, parmi lesquelles figure le montant du point de PMI, qui constitue une part non négligeable du revenu des anciens combattants.

Les associations unanimes demandent sa revalorisation. Il faut entendre la détresse de ceux qui ont beaucoup donné à notre pays et sont confrontés à des difficultés extrêmes en raison de l’inflation que subissent nos concitoyens – certains retraités ont manifesté hier pour demander le rattrapage des pensions. Les anciens combattants, qui sont en majorité des retraités, subissent une double peine.

L’augmentation de 3,5 % appliquée au 1er janvier dernier, en attendant celle de 1,5 % annoncée par la secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire, est bien en deçà de ce qui est demandé. Les associations considèrent que cette hausse est ridicule et s’apparente à une aumône. Cela n’est pas respectueux du monde combattant. Nous demandons une hausse compensant au moins l’évolution du traitement des fonctionnaires, l’inflation et les retards des dernières années.

Vous dites ne pas savoir où piocher. Que faites-vous, vous et les autres membres de la majorité, pour que le Gouvernement, dont les ministres sont issus de la majorité, place un budget en face des demandes des anciens combattants ?

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Au cas où cela vous aurait échappé, je ne fais pas partie de la majorité.

M. Fabien Roussel (GDR-NUPES). Vous êtes de cette majorité de pensée demandant de réduire le budget de l’État ainsi que les déficits publics et de faire des économies.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Nous faisons toujours des propositions réalistes et raisonnables au Gouvernement.

J’ai travaillé sur le budget de la mission et dit que l’augmentation de 1,5 % du point de PMI n’est pas suffisante. Je ne peux rien faire d’autre que demander au Gouvernement de faire un effort supplémentaire et regretter que cette augmentation ne soit pas à la hauteur des attentes des anciens combattants.

Mme Anna Pic (SOC). À l’aune de la diminution du nombre d’anciens combattants, le budget de la mission est stable. Si l’on tient compte de l’inflation, il est en baisse, ce qui n’a pas échappé aux associations d’anciens combattants. Quant à la mission sociale de l’ONaCVG, elle est maintenue mais aurait sans doute nécessité des revalorisations, compte tenu du fait que tout son budget pour 2023 a été consommé.

Par ailleurs, les 14 millions d’euros prévus pour les commémorations du quatre-vingtième anniversaire du Débarquement et de la Libération semblent insuffisants. Ils seront utilisés dès les premières grandes commémorations. Les collectivités locales, qui organiseront certaines cérémonies, risquent de supporter des charges importantes, en plus de ce qu’elles devront mobiliser pour contribuer à assurer la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Le million supplémentaire prévu est-il suffisant ?

En ce qui concerne la PMI, nous pourrions étudier l’idée d’une concomitance entre l’allocation versée à 65 ans et le versement de la pension de retraite.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Concernant l’ONaCVG, 25 millions d’euros sont sanctuarisés pour l’action sociale. La secrétaire d’État a annoncé le quintuplement des crédits de l’Office alloués aux pupilles de la nation et aux orphelins de guerre majeurs (PNOG). En ce qui concerne les grandes commémorations, des crédits supplémentaires sont prévus en plus des crédits habituels, qui sont maintenus.

Mme Anna Pic (SOC). En Normandie, on ne célèbre pas le quatre-vingtième anniversaire du Débarquement de la même façon que les précédents. Les collectivités locales organiseront des festivités de plus grande ampleur et devront accueillir beaucoup de monde.

M. Christophe Blanchet (Dem). La journée de JDC intégrée aux douze jours du SNU est-elle suffisante ? Son programme ne réserve que les deux dernières heures de la journée aux enjeux militaires, sous forme d’une rencontre avec des troupes, s’il y en a dans le département. Ne faut-il pas organiser une deuxième journée complémentaire au sein du SNU ?

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Le temps consacré aux enjeux de défense au sein de la JDC est très insuffisant. Comment la faire évoluer ? Il faut sans doute la refonder, en faisant en sorte que les jeunes passent véritablement une journée consacrée à ces enjeux, si nous voulons trouver des candidats pour la réserve et pour nos armées.

 

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La commission en vient maintenant aux interventions des groupes politiques.

M. le président Thomas Gassilloud. Mes chers collègues, après la présentation ce matin des avis budgétaires de nos huit rapporteurs, l’ordre du jour appelle cet après-midi l’examen des missions Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation et Défense ainsi que du programme 152 Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.

Mais avant de passer à l’examen des amendements et au vote sur chacune de ces missions, nous allons écouter les orateurs des groupes.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Pour la septième année consécutive, le budget de la défense est en augmentation.

En 2024, il s’élèvera à 47,2 milliards d’euros, conformément à la trajectoire adoptée dans le cadre de la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, dite LPM 2024-2030. Il est supérieur de 14,9 milliards au budget de 2017 et de 3,3 milliards à celui de l’an dernier. La volonté du Président de la République, chef des armées, ainsi que celles du Gouvernement et du Parlement ont permis cette remontée en puissance significative.

Concrètement, l’impulsion donnée en 2017 a permis d’engager une modernisation capacitaire appréciée sur le terrain. Elle a eu un impact positif sur le quotidien des militaires. Nous avons désormais un socle solide et cohérent.

Après le temps de la réparation de nos armées vient celui de la transformation. Objectivement, le budget 2024 suit le cap que nous nous sommes fixé.

Tout d’abord, il poursuit les efforts de modernisation. Il permet de renouveler et d’entretenir nos équipements, grâce à 13,6 milliards de commandes pour les programmes à effets majeurs (PEM) hors dissuasion et à 5,7 milliards pour le maintien en condition opérationnelle (MCO) et d’importantes livraisons. En plus de satisfaire un besoin essentiel de nos armées, cela permet de soutenir notre tissu économique et d’ancrer progressivement notre industrie de défense dans une logique d’économie de guerre.

Ce budget garantit d’autres investissements participant au renforcement de notre autonomie stratégique, dans notre dissuasion nucléaire, pour rester crédibles, et dans des domaines hautement stratégiques tels que le spatial, les fonds marins, le cyber, le renseignement, les sphères informationnelles et l’innovation, afin de donner à nos armées des capacités de renseignement, d’analyse et d’action dans les champs hybrides, matériels et immatériels.

Par ailleurs, le budget 2024 profitera directement au quotidien des militaires, grâce notamment aux moyens mis en œuvre pour parfaire l’équipement du combattant et sa préparation opérationnelle, pour renforcer le plan « famille » à hauteur de 70 millions d’euros et pour améliorer la politique salariale.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation, l’attention que nous portons au monde combattant ne faiblit pas. La nation sait ce qu’elle doit à ses combattants. Sans surprise, les droits acquis par nos anciens combattants seront maintenus en 2024.

Il en ira de même des moyens alloués à la politique de mémoire. Ce budget de 1,8 milliard est dû au fait que 2024 sera une année importante pour la transmission de notre mémoire nationale, par le biais notamment du cycle de commémoration des 80 ans des débarquements et de la Libération, pour la mise en œuvre du plan Blessés 2023-2027 d’accompagnement des blessés et de leurs familles, ainsi que pour le renforcement du lien nation-armée et armée-jeunesse.

La mission Gendarmerie nationale bénéficie de 6,3 milliards dans le projet de loi de finances pour 2024, afin de continuer à assurer au quotidien la sécurité de nos territoires. Nous nous réjouissons de la création de 238 brigades de gendarmerie, dont deux seront dans ma circonscription, à Guidel et Bubry. Si nos gendarmes sont rattachés depuis une quinzaine d’années au ministère de l’intérieur, ils conservent toute leurs militarité, qui est importante pour notre République.

Ce qui est certain et dont nous devons continuer à nous porter garants, c’est que la nation n’oublie jamais ceux qui se sont engagés pour sa défense. N’oublions jamais ces femmes et ces hommes que leur engagement amène parfois, sur ordre, à donner la mort ou à aller jusqu’au sacrifice suprême.

En responsabilité et avec confiance, le groupe Renaissance votera ces trois budgets.

Mme Caroline Colombier (RN). Les auditions menées dans le cadre de l’examen pour avis du projet de loi de finances pour 2024 ont fait émerger un constat unanime : le monde est de plus en plus dangereux et il est marqué par le retour de la logique de confrontation. Nous avons donc la responsabilité d’adapter la dimension de notre outil de défense aux conflictualités que notre pays connaîtra. Même si cela n’est pas une fatalité, la trajectoire mondiale amènera probablement notre pays à s’impliquer dans des conflits qui ne seront plus choisis, mais subis.

L’adaptation aux défis et le dimensionnement de nos armées exigent l’exécution fidèle de la LPM 2024-2030. Le projet de loi de finances pour 2024 traduit les efforts demandés sur sa première marche, ce que nous saluons. Nos soldats, marins et aviateurs attendent beaucoup de nos travaux, dont nous espérons qu’ils ne seront pas parasités, en séance publique, par un énième 49.3. Si tel était le cas, nous comptons sur la présidence de cette commission pour y intégrer les amendements des oppositions, qui révèlent les points morts du budget à venir.

Car des points morts et des points de friction, il en existe.

Nous reparlerons des crédits alloués à certains projets de coopération internationaux, tels que le système de combat aérien du futur (SCAF) et le système principal de combat terrestre (MGCS), dont nous sommes convaincus qu’ils sont voués à l’échec diplomatique et industriel. Il serait salutaire d’y mettre fin au plus vite. L’aveuglement idéologique dont procèdent ces projets peut coûter cher au modèle d’armée que nous devons ériger au profit de la France et des Français. Dans ces grands projets, la priorité est de faire confiance à nos industriels, qui sont capables de miracles et contribuent, eux, à la défense active de notre souveraineté.

Nos amendements tenteront de révéler et de remédier à des manques capacitaires cruciaux. Ils viseront notamment à relancer la filière de munitions de petit calibre, ce qui semble ne trouver aucun écho au sein de la représentation nationale alors même qu’il s’agit d’un sujet essentiel, à sortir de la logique de flux tendus par la reconstitution de stocks stratégiques, à renouer avec une logique de masse, à faire remonter en puissance le service de santé des armées (SSA), à intégrer le drone volant à moyenne altitude et de longue endurance (MALE) Aarok dans nos programmes, à augmenter la rémunération des militaires, à étoffer les services de MCO pour éviter de recourir à l’externalisation, à acquérir un A400M supplémentaire, à rénover les infrastructures de défense – bref à donner à nos armées les outils pour qu’elles soient prêtes dès ce soir, pour reprendre le mot du chef d’état-major de l’armée de terre (CEMAT).

En responsabilité, nous voterons les crédits de la mission Défense, en cohérence avec notre vote sur la LPM 2024-2030, même si nous déplorons certains points morts.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous espérons qu’elle donnera lieu à la revalorisation du point de la pension militaire d’invalidité (PMI), afin de réparer une injustice notoire des budgets successifs. Les hommes et les femmes qui ont tout sacrifié pour notre pays méritent la reconnaissance de la nation. Alors même qu’ils ont combattu pour la France, ils subissent de plein fouet la vague d’inflation.

À l’unisson des associations que nous avons reçues, nous dénonçons la très faible revalorisation de la PMI, à hauteur de 1,5 %, prévue par le Gouvernement dans le budget 2024, alors même que l’inflation était de 5,2 % en 2022. Un amendement de notre groupe prévoit une revalorisation à hauteur de 5,2 %. S’il n’est pas intégré au budget, nous nous abstiendrons.

Sur les crédits du programme Gendarmerie nationale, nous nous abstiendrons également. Nous jugeons, comme les Français, que l’augmentation du budget et les récentes annonces de création de brigades ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les émeutes de cet été nous inquiètent au plus haut point, d’autant qu’elles ont touché de plein fouet des petites communes habituellement calmes.

L’augmentation prévue ne suffit pas. Ces efforts sont insuffisants face à l’explosion de la délinquance, de l’immigration incontrôlée et de la prolifération de la drogue partout, même dans les campagnes. Toutefois, pour éviter de paralyser les moyens alloués à la gendarmerie nationale, nous nous abstiendrons.

La guerre n’est plus une hypothèse théorique. Elle constitue désormais un risque avéré. La France doit être indépendante, forte et souveraine dans ses équipements, dans sa doctrine d’emploi et dans sa vision stratégique.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). « La guerre est le domaine de l’incertitude », disait Clausewitz. L’enjeu est de réduire l’incertitude pour accroître ses chances de victoire.

Le budget de la défense que nous avons devant nous est un colosse par son montant et par son contenu. Il l’est plus encore par comparaison avec les précédents budgets qui, au nom de l’austérité et de la rationalité comptable, ont continuellement limé le glaive et émoussé le bouclier de la République.

En dépit de ce déversement de fonds et de mesures, nous devons nous demander si ce budget est à la hauteur des enjeux. Permet-il de dissiper la brume de l’incertitude qui règne sur le champ de bataille ? Au groupe de La France insoumise, nous pensons que non. Ce budget est un colosse aux pieds d’argile.

Le budget 2024 de la défense s’élève, hors pensions, à 47,2 milliards. Il respecte l’augmentation de 3,3 milliards prévus par la LPM 2024-2030. Les budgets de tous les programmes sont en augmentation. C’est un fait.

Toutefois, les prévisions d’inflation y sont minorées. Tous les responsables de programme que nous avons eu l’occasion d’auditionner témoignent de leur crainte que leur budget soit absorbé par l’inflation, dont certains redoutent qu’elle atteigne 10 %. Nous avons déposé des amendements visant à mieux tenir compte de l’inflation et à créer un nouvel indicateur pour recenser et mieux anticiper les reports de commandes qu’elle induit.

Ce budget souffre d’un manque de transparence. Les indicateurs de disponibilité des matériels et d’activité des forces armées font désormais l’objet d’une diffusion restreinte. Dès lors, la représentation nationale est en partie privée de ses outils pour contrôler l’action du Gouvernement, ce que nous déplorons. La contribution de la France à l’OTAN, quant à elle, n’est même pas présentée visiblement dans le projet annuel de performance (PAP), comme l’a relevé la Cour des comptes dans un récent avis.

Outre un manque de transparence, nous relevons un manque d’anticipation. La contribution au budget de l’OTAN pourrait s’élever à 830 millions d’euros en 2030, alors même que la France ne cesse de contribuer en nature au fonctionnement de l’Alliance, notamment par le biais de sa participation aux opérations de renforcement du flanc est de l’OTAN.

Comment cette contribution est-elle valorisée ? Quel financement de l’OTAN voulons-nous obtenir ? Avons-nous seulement une stratégie au sein de cette alliance qui n’a plus lieu d’être ou suivons-nous les États-Unis ? En l’absence de vision claire du Gouvernement sur ce point, nous avons déposé un amendement visant à obtenir un rapport sur la stratégie d’influence de la France au sein de l’OTAN.

Nous déplorons le manque de vision globale sur le long terme dont fait preuve le budget 2024, qui prévoit une stratégie « Climat et défense » mais n’explicite rien de concret, concernant notamment l’après-pétrole. Nous dressons malheureusement le même constat dans le domaine de l’espace, dont certains défis, tels que la météo spatiale et les débris spatiaux, sont oubliés.

En outre, ce budget persiste dans les errements de la coopération franco-allemande sur le SCAF et le MGCS, dont l’avenir reste plus qu’incertain. En misant tout sur le MGCS, la France s’expose à un risque sérieux de dépendance industrielle vis-à-vis de l’Allemagne et d’inadaptation de ses armées si elles étaient amenées à participer à un conflit majeur avant les années 2040-2045. Il est indispensable de développer une capacité souveraine telle que le char EMBT.

Faute de vision à long terme, ce budget ne permet pas de sécuriser l’appareil productif français dans des secteurs stratégiques tels que les supercalculateurs – l’entreprise Atos sera-t-elle sauvée ? – et la maîtrise des fonds marins, pour laquelle nous dépendons de l’entreprise Alcatel Submarine Networks (ASN). En refusant d’agir maintenant, la France risque de perdre pied et de rater la marche de la guerre de demain.

La mission Défense du projet de loi de finances pour 2024 soulève une question centrale, d’ordre à la fois démocratique et budgétaire, concernant la qualification juridique et le financement des missions opérationnelles, notamment les missions Aigle, en Roumanie, et Lynx, en Estonie. Ces missions remplissent tous les critères d’une opération extérieure (Opex). Les militaires qui y sont engagés bénéficient de presque toutes les dispositions applicables aux Opex, sauf de la bonification des pensions, ce qui n’est pas rien.

Pourtant, elles sont considérées non comme des Opex, mais comme des missions opérationnelles. Leurs dépenses de ressources humaines sont affectées au budget opérationnel de programme (BOP) Opex, ce qui apparaît comme un abus ; les autres dépenses sont financées directement par les armées. Elles pourraient – peuvent – bénéficier d’un financement interministériel inscrit au collectif budgétaire de fin d’année.

Outre le contournement démocratique évident du Parlement qu’elle constitue, cette situation provoque des tensions en gestion sur le programme 178 de la mission Défense. Nous avons déposé des amendements visant à assurer le financement des opérations Aigle et Lynx dans le cadre des Opex. Il s’agit d’assurer la sécurisation budgétaire des armées et de rendre sa place au Parlement, qui doit se prononcer sur leur opportunité.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous défendrons des amendements visant à améliorer la prise en charge des blessés psychiques et à étendre la reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins victimes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale et par les orphelins de parents incorporés de force et exécutés.

L’argent est le nerf de la guerre, nous en convenons, mais la stratégie en est le cœur. Sans stratégie cohérente ni vision globale, l’apport financier est vain. Ce budget, si imposant soit-il, ne permet pas à la France de dissiper le brouillard de l’incertitude. Nous voterons contre.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Le monde incertain dans lequel nous vivons et la nature même de la guerre nous plongent dans le fameux brouillard de la guerre de Clausewitz. Tout ce que peuvent faire un État ou une commission parlementaire, c’est essayer de trouver les solutions les plus adaptées pour faire face aux menaces qui peuvent se présenter.

Pour évaluer le budget et faire notre choix, nous suivons une règle que nous appliquons à la vie publique dans son ensemble : la cohérence. On ne peut pas voter une loi de programmation militaire et ne pas voter, quelques mois plus tard, le premier budget qui correspond à ce qu’elle prévoit à l’euro près. Ce n’est un scoop pour personne : notre groupe votera ce budget, d’autant que les choix stratégiques dont il procède nous semblent globalement cohérents.

Il assure la dissuasion, laquelle est le cœur du cœur. La sécurité de la France est à ce prix. La dissuasion, c’est la défense de nos intérêts vitaux. Tous les groupes, sauf ceux qui la refusent, auraient prévu des investissements similaires pour la financer.

Le reste procède d’une forme de pari. Il ne faut pas oublier que la défense est globale. Elle ne s’apprécie pas séparément de la situation économique du pays. Opter pour une défense forte et un pays surendetté, à la merci de ses créanciers, n’est pas une solution.

Dans la situation économique que nous connaissons, le pari est assez raisonnable. Il consiste à assurer la dissuasion à 100 % et à consentir des efforts pour la préparation de l’avenir dans la cohérence, notamment sur les segments maritimes – le rapporteur pour avis des crédits de la Marine nationale a rappelé ce matin à quel point les enjeux maritimes sont essentiels – et aéroterrestres.

Nous ne serons probablement pas engagés dans un conflit majeur dans les années à venir, du moins dans le cadre de l’OTAN, et nos alliés, notamment les Polonais et les Allemands, sont en premier rideau. Nous devons tenir notre rang de nation-cadre au niveau corps d’armée. Ce n’est pas le fantassin français qui tiendra le front de l’Est. Telle est la conséquence de ce budget, qui fait preuve de cohérence à l’aune des menaces probables, dont l’évaluation est la base de toute politique de défense.

Ce vote n’est pas un quitus. Nous nourrissons plusieurs inquiétudes, s’agissant notamment des coopérations internationales, dont notre groupe soutient la nécessité mais sans naïveté. Il faut être très vigilant et s’assurer qu’elles ne coûtent pas plus cher, qu’elles ne nous font pas perdre des actifs stratégiques, qu’elles correspondent aux besoins de nos armées et surtout que nous conservons notre liberté de manœuvre au grand export. Nous préparons une proposition de résolution visant à garantir par traité ces attendus, pour conjurer le risque que nos partenaires, notamment les Allemands par un vote du Bundestag, ne puissent défaire ce qui aurait été décidé dans les négociations entre les exécutifs.

Par ailleurs, nous serons vigilants pour que les marges budgétaires un peu augmentées que nous avons obtenues en commission mixte paritaire (CMP) à la demande de notre groupe et sur lesquelles nous sommes tombés d’accord se traduisent par de véritables effets sur la disponibilité opérationnelle des matériels et sur le taux d’entraînement de nos troupes. Nous ne sommes qu’au début de cette manœuvre : l’avenir nous permettra d’en juger.

Sans hésitation, notre groupe votera ce budget.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Au nom du groupe Démocrate, je salue l’effort budgétaire prévu par le projet de loi de finances pour 2024 en faveur de nos armées. Les crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, ainsi que ceux du programme Gendarmerie nationale, traduisent très concrètement notre volonté d’achever la réparation et de poursuivre la transformation de nos armées, de soutenir au mieux nos soldats ainsi que leurs familles, et d’honorer la mémoire de ceux qui se sont battus pour la France.

Je rappelle, car certains ont l’air de l’oublier, que le budget 2017 de la défense était de 32,7 milliards. En 2024, il sera de 47,2 milliards. La marche était haute. Tout le monde peut s’accorder à dire que notre nation a consenti un effort considérable, certes nécessaire.

Les lois de programmation militaire sont là pour donner une vision à long terme. Contrairement à M. Lachaud, je pense que nous en avons une. Les nécessaires transformations et surtout adaptations aux menaces de nos armées sont bien comprises par nos armées, par le chef d’état-major et par la stratégie qu’il met en œuvre.

Nous devons continuer de privilégier la cohérence à la masse. Le budget pour 2024 des armées met l’accent sur la préparation opérationnelle, sur le MCO, sur le renouvellement des équipements et sur l’amélioration des conditions d’entraînement. Nous n’ignorons pas la nécessité de s’adapter aux nouvelles technologies et aux nouveaux milieux de conflictualité. Ce budget prévoit aussi des investissements importants dans des domaines clés des conflits de demain, tels que le cyberespace, l’espace, les fonds marins et le renseignement. Nous avons une vision d’avenir et de l’évolution des conflits concrète et réaliste.

Nous saluons également les efforts consentis pour le soutien aux soldats et à leurs familles. Notre groupe est très attaché au plan « famille ». Nos armées ne sont opérationnelles qu’avec des hommes et des femmes. Ils doivent vivre leur engagement, avec leurs familles, dans de bonnes conditions. Nous sommes très attachés au plan « famille 2 », auquel le budget alloue 70 millions.

Nous voterons ces crédits, qui nous semblent indispensables à nos armées.

J’appelle l’attention sur la nécessité de poursuivre la construction de l’Europe de la défense avec nos voisins. Le conflit en Ukraine nous a rappelé notre fragilité potentielle. Si nous optons pour l’émiettement, si chaque pays vit dans ses frontières avec ses seuls moyens, il sera difficile de maîtriser un conflit. Seule l’Europe de la défense peut y parvenir. Elle est un objectif vers lequel nous devons tendre, même si le chemin est long et difficile, même si les intérêts des uns et des autres sont parfois contraires. Nous devons nourrir cette vision à long terme avec force.

Le budget de la mission Anciens combattants mémoire et Liens avec la nation est un bon budget. Il assure un équilibre entre reconnaissance et réparation. Il permet d’améliorer le plan Blessés 2023-2027, au bénéfice notamment des blessés psychiques, dont la prise en charge, qui a été un angle mort de notre politique pendant de très nombreuses années, est désormais tout à fait identifiée. Nous devons accompagner ces personnes avec beaucoup d’attention.

Par ailleurs, 2024 sera une année commémorative importante. Des crédits significatifs ont été prévus. Les crédits consacrés à la politique de mémoire sont essentiels. Nous voterons les crédits de la mission Anciens combattants mémoire et Liens avec la nation.

Les crédits du programme Gendarmerie nationale sont en hausse de 4,8 %. Ils permettent la création de 1 045 emplois et servent deux ambitions pour l’année 2024 : la participation des gendarmes à la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, où ils seront en première ligne, et la création annoncée de 200 brigades. Des points de fragilité subsistent, s’agissant notamment des infrastructures. Nous serons vigilants mais n’en voterons pas moins ce budget sans difficulté.

Mme Anna Pic (SOC). Trois mois après l’adoption de la LPM 2024-2030, nous sommes réunis pour examiner le premier budget visant à mettre en œuvre la trajectoire budgétaire et la vision stratégique entérinée à cette occasion. Si, comme lors de l’examen de la LPM 2024-2030, nous ne pouvons que saluer l’augmentation des crédits et le suivi de la trajectoire programmée, notre sentiment général est partagé.

Satisfaisants à certains égards, les budgets des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation n’en sont pas moins contestables. Le groupe Socialistes et apparentés fait part de divergences de vision s’agissant de la répartition des crédits et des choix effectués.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, plusieurs points saillants démontrent les limites de ce budget.

En premier lieu, la revalorisation du point d’indice de la PMI à hauteur de 1,5 est loin d’être suffisante compte tenu de l’inflation. D’une même voix, les représentants d’associations d’anciens combattants que nous avons auditionnés la semaine dernière ont exprimé, avec force et solennité, leur inquiétude à ce sujet. En effet, l’inflation attendue cette année devrait s’élever à 5,8 %, en augmentation par rapport à 2022, et risque de rester supérieure à 3,5 % pendant de longs mois. L’inquiétude teintée d’amertume de nos anciens combattants est parfaitement légitime. Le Gouvernement doit faire beaucoup mieux à cet égard. Nous défendrons une proposition visant à évaluer l’opportunité d’une concomitance entre la valeur du point PMI et celle du point d’indice de la fonction publique.

En deuxième lieu, malgré un budget en hausse, les crédits alloués à la vie commémorative semblent sous-évalués. En effet, 2024 sera l’année du quatre-vingtième anniversaire du débarquement en Normandie. Les commémorations afférentes, si importantes soient-elles, risquent d’absorber à elles seules, dès le mois de juin, l’enveloppe budgétaire. Il ne s’agit pas de remettre en cause ces crédits ni la nécessité de commémorer cet événement singulier de notre histoire, mais, bien au contraire, de souligner la faiblesse du budget global à l’aune du contexte. Le sous-dimensionnement des autres commémorations risque d’être inévitable, ce qui laissera aux collectivités locales, dont les finances sont bien souvent exsangues, le soin de les financer. Nous ne pouvons pas accepter cette situation.

En troisième lieu, nous déplorons la non-attribution du statut de blessés de guerre aux vétérans ayant participé aux essais nucléaires en Polynésie française et dans le Sahara, alors même qu’ils sont victimes de maladies radio-induites. Il s’agit d’un angle mort majeur. La réparation financière dont bénéficient ces vétérans doit être attribuée au titre de blessures subies dans le cadre de leurs fonctions militaires et non en tant que civils.

Nous défendrons d’autres amendements, visant notamment à la mise à jour de la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant et à la modification de l’âge à partir duquel certaines allocations sont octroyées. De façon globale, nul besoin d’être économiste pour comprendre qu’une stabilité des crédits alloués dans un contexte inflationniste signifie une baisse de budget.

En dépit du déploiement, salué et auquel nous sommes très attentifs, des maisons ATHOS et de plusieurs mesures que nous attendions, nous ne voterons pas le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation.

S’agissant de la mission Défense, plusieurs points méritent une attention particulière.

Le premier d’entre eux n’est pas sans incidence sur nos militaires en exercice et sur notre politique de recrutement : il s’agit de la politique de rémunération. En dépit de la prochaine finalisation de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) et de la récente revalorisation des grilles, le rééquilibrage du traitement indiciaire et indemnitaire des militaires est longtemps resté un impensé de la politique gouvernementale.

Les informations nous manquent pour être convaincu qu’une prise de conscience a eu lieu. Compte tenu de la réduction du nombre d’Opex et des salaires pratiqués dans le secteur privé, un tel rééquilibrage est pourtant la mesure la plus appropriée pour relever les défis de l’attractivité et de la fidélisation de nos troupes.

Le deuxième point sur lequel nous souhaitons appeler l’attention est le bâti, notamment la vétusté de nos bases de défense et la baisse considérable du budget relatif aux infrastructures de santé. Les difficultés récurrentes, dénoncées par la Cour des comptes dans un rapport publié en juin dernier, ne semblent pas près d’être résorbées. La remise à niveau complète des hôpitaux militaires est pourtant essentielle pour le SSA.

Le troisième point ayant appelé notre attention est l’augmentation du budget des écoles militaires de 3 % seulement, alors même que l’inflation est supérieure à 5 %, et même très supérieure sur leurs principaux postes de dépenses que sont l’énergie et l’alimentation.

D’autres points nous ont interpellés, notamment le projet de fusion de l’école nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) Paris et de l’ENSTA Bretagne, dont les deux diplômes ne jouissent pas d’une reconnaissance au même niveau. Nous serons vigilants à l’évolution de ce projet.

Par ailleurs, en dépit d’une hausse importante des crédits, nous nourrissons des doutes sur la préparation opérationnelle. Comment satisfaire aux critères de l’OTAN si l’on manque d’hommes et de matériel pour réaliser la préparation ?

Sur ce budget, nous nous abstiendrons.

La mission Sécurités a été érigée par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) en étendard. Le groupe Socialistes et apparentés estime, comme l’an dernier, que la réforme territoriale de la police nationale risque d’affaiblir les capacités de la police judiciaire. Par ailleurs, le budget pour 2024, pas davantage que le précédent, ne prévoit aucun équivalent temps plein (ETP) supplémentaire pour la sous-action 06.01 Formation de la police nationale. Nous proposerons d’en augmenter les crédits de 100 millions.

Nous voterons contre les crédits de la mission Sécurités.

M. Loïc Kervran (HOR). Au nom du groupe Horizons et apparentés, je tiens à exprimer notre profonde satisfaction de l’augmentation substantielle du budget de nos forces armées. Pour l’année 2024, notre pays consacrera 47,2 milliards à sa défense, soit quasiment 50 % de plus que ce qu’il dépensait en 2017 et 3,3 milliards de plus que l’année dernière. Il s’agit d’une augmentation sans précédent.

Cet accroissement budgétaire est en parfait accord avec les objectifs de la LPM 2024-2030. Plus profondément, il est aussi en accord avec nos obligations morales.

Notre première obligation morale est envers les hommes et les femmes qui servent ou ont servi la France. Clemenceau a eu, au sujet des anciens combattants, ce mot célèbre et souvent cité : « Ils ont des droits sur nous ». Nos devoirs envers ceux qui défendent la France et ses valeurs de nos jours ne sont pas moindres. Nous devons leur fournir un équipement individuel et des véhicules qui les protègent efficacement, leur donner les armes et le renseignement leur assurant la supériorité et la victoire, et mieux les rémunérer. C’est ce que fait ce budget.

Notre deuxième obligation morale est envers les Français. Le monde dans lequel nous évoluons est dur et dangereux, chaque jour un peu plus. Les autres pays s’arment, mettent à l’eau des flottes, constituent des stocks de munitions. La guerre est là en Ukraine, en Arménie, au Mali, en Israël ; l’agressivité contre la France et ses intérêts, quotidienne. Nous n’avons pas le droit de ne pas nous donner les moyens d’assurer la sécurité des Français.

Ce budget renforce nos capacités dans tous les domaines prioritaires identifiés par la LPM 2024-2030. Nous allouons des ressources considérables à l’innovation, à l’espace, à la défense sol-air, aux drones, au cyber, aux forces spéciales, au renseignement et à la souveraineté outre-mer : autant d’investissements essentiels pour maintenir à niveau notre sécurité nationale et notre rôle sur la scène internationale.

En 2024, grâce à ce budget et à la mobilisation de nos industriels, il y aura plus d’avions, plus de canons, plus d’hélicoptères, plus de drones, plus de munitions. J’en donnerai deux exemples, offerts par deux entreprises présentes dans le département du Cher, qui contribue tant à la défense de notre nation. L’année prochaine, huit canons Caesar sortiront chaque mois des usines de Nexter, contre deux en 2022, et MBDA fabriquera bientôt quarante missiles Mistral par mois contre vingt jusqu’à présent.

Ce budget permet de renouveler l’engagement de la France dans une collaboration étroite avec ses partenaires européens et de l’Alliance Atlantique. Nous nous félicitons du maintien du soutien financier de l’État aux programmes de coopération bilatérale et européenne visant au développement de nouvelles technologies d’armement, tels que le SCAF et le MGCS.

L’encouragement aux initiatives diplomatiques dans le domaine de la défense doit se poursuivre. Nous saluons la coopération militaire lancée cette semaine avec l’Arménie. L’investissement continu dans notre dissuasion nucléaire est lui aussi fondamental, car il constitue le pilier de notre souveraineté nationale et une garantie supplémentaire de l’autonomie stratégique de l’Europe.

En examinant ce budget, nous ne devons pas oublier le caractère profondément humain de l’action du ministère des armées. Nous nous réjouissons de la mise en œuvre du plan « famille 2 », des moyens dédiés à la modernisation des infrastructures et des lieux de vie des militaires, ainsi que des efforts du ministère en matière de logement et d’environnement.

Convaincu que ces ressources sont essentielles pour garantir la sécurité de notre nation, renforcer notre position sur la scène internationale et soutenir nos militaires ainsi que leurs familles, le groupe Horizons et apparentés votera les crédits de la mission Défense.

Nous voterons également les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation. Je tiens à partager ma satisfaction de constater que les crédits de cette mission dédiée seront stables en 2024, en dépit de la baisse tendancielle du nombre de bénéficiaires de l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG). Le plan Blessés 2023-2027 permettra une prise en charge et un suivi toujours plus poussés des soldats, dès leur retour de mission ou d’Opex.

Par ailleurs, l’année 2024 sera riche en commémorations célébrant les 80 ans de la Libération. Les crédits supplémentaires alloués à la politique de mémoire devront permettre d’y associer autant que possible les associations, la jeunesse et tous les Français. Quant aux harkis et leurs familles, le groupe Horizons et apparentés soutient le renouvellement des engagements de l’État à leur égard.

S’agissant du programme Gendarmerie nationale, nous saluons la création de 238 brigades, qui marque la volonté d’assurer la présence de l’État sur tout le territoire et de porter une attention particulière à la sécurité des habitants des zones rurales.

 

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La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation »

 

Article 35 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN11 de Mme Isabelle Santiago

Mme Isabelle Santiago (SOC). Déjà défendu l’an dernier, il exprime une revendication bien connue des veuves d’anciens combattants.

Depuis le 1er janvier 2021, les veuves d’anciens combattants, quel que soit l’âge de décès de leur conjoint, peuvent bénéficier d’une demi-part fiscale supplémentaire. Cependant, il convient d’étendre ce bénéfice aux veuves âgées de moins de 74 ans, pour tenir compte du contexte de forte inflation et de baisse spectaculaire du pouvoir d’achat.

Pour ce faire, nous déplaçons une dépense budgétaire. Nous avons eu ce débat l’an dernier. Ce budget étant identique au précédent sur ce point, nous continuer à exprimer avec force cette demande.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je partage votre préoccupation concernant la situation des conjoints survivants d’anciens combattants. Toutefois, dans le projet de loi de finances pour 2024, la subvention versée par le ministère des armées à l’ONaCVG au titre de l’action sociale est maintenue à hauteur de 25 millions.

L’action sociale de l’ONaCVG porte une attention particulière aux ressortissants les plus isolés et les plus démunis. Plus de 36 % des crédits, soit 9 millions, sont consacrés aux aides allouées au conjoint survivant des anciens combattants. La plupart sont des veuves, dont les ressources sont souvent limitées à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).

L’amendement prévoit l’extension de la demi-part fiscale accordée au conjoint survivant. Celle-ci, par nature, ne constitue pas une dépense supplémentaire mais une moindre recette pour l’État. Comme telle, elle a vocation à être examinée dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances. Il ne semble pas opportun de diminuer les crédits dévolus au financement du programme 158 pour financer cette mesure d’ordre fiscal.

Avis défavorable.

M. Laurent Jacobelli (RN). Compte tenu du contexte économique, cet amendement nous semble de bon sens. Le groupe Rassemblement national le votera.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). On comprend mal en vertu de quelle logique la demi-part fiscale n’est pas attribuée avant l’âge de 74 ans. Le groupe La France insoumise votera l’amendement.

 

La réunion est suspendue de quinze heures quarante-cinq à quinze heures cinquante.

 

La commission adopte l’amendement II-DN11.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Certains collègues m’ont signalé qu’ils n’avaient pas souhaité voter pour cet amendement en raison du gage. Ce problème peut être résolu d’ici à la séance, l’essentiel étant comme nous le souhaitons tous d’accompagner ces veuves d’anciens combattants, qui sont peu nombreuses.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Il faut tout de même bien mesurer que votre amendement est gagé sur le programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale.

 

Amendement II-DN14 de Mme Mélanie Thomin

Mme Anna Pic (SOC). Cet amendement a pour objet d’augmenter de 1 million les crédits de l’ONaCVG, afin d’honorer les engagements qui ont été pris dans le cadre de la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français.

Le PLF pour 2024 prend en compte quarante-cinq sites supplémentaires. Il convient donc d’augmenter de manière beaucoup plus substantielle les crédits prévus. Il en va de la solidarité nationale ainsi que de la reconnaissance des services rendus à la France.

Pour des raisons de recevabilité financière, cette mesure est compensée par une diminution des crédits du programme 158. Nous souhaitons évidemment que ce gage soit levé par le Gouvernement.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Le PLF tient en effet compte de la décision prise lors du Conseil des ministres du 16 mai 2023 d’étendre le droit à l’indemnisation à quarante-cinq nouveaux sites.

L’action 07 Actions en faveur des rapatriés du programme 169 augmente de 11 millions, et l’enveloppe consacrée en son sein au droit à la réparation progresse de 9,8 millions par rapport à la LFI pour 2023, pour s’établir à 69,8 millions.

Je comprends votre préoccupation liée à l’augmentation du nombre des bénéficiaires potentiels. Néanmoins, tous les nouveaux dossiers ne pourront pas être traités et donner droit à une indemnisation dès 2024, ce qui explique l’enveloppe de crédits retenue. En outre, comme il s’agit d’une dépense de guichet les crédits pourront être augmentés en cours d’année en cas de besoin.

Au 22 septembre 2023, 30 000 demandes avaient été déposées et 9 794 dossiers traités, soit près du tiers des demandes. Une réponse favorable a été apportée à 8 976 dossiers, pour un montant total de 73 millions et une indemnisation moyenne s’élevant à 8 538 euros.

Lors des auditions, il ne m’a pas été signalé que les crédits prévus pour 2024 seraient insuffisants Il faudra cependant veiller à ce qu’ils évoluent de manière cohérente avec l’augmentation du nombre de dossiers déposés lors des prochains exercices.

Avis défavorable.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. C’est le deuxième amendement dont le gage n’est pas acceptable. La mesure que vous proposez peut paraître digne, mais pour la financer vous retirez 1 million d’euros à l’indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale. Ce n’est pas possible ! On ne peut pas être complètement déconnecté de ce qui est en train de se passer en ce moment.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN15 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Je ne vais pas polémiquer, mais je note que certains essayent de déformer mes propos. J’ai bien précisé que nous souhaitions que le gage soit levé. Comme cette mission ne comprend que deux programmes, nous sommes obligés de procéder de cette manière si nous voulons déposer des amendements.

Cet amendement a pour objet de traiter la situation des rapatriés membres des forces supplétives de statut civil de droit commun. Leur droit de réparation a été explicitement reconnu dans le rapport annexé à la LPM 2024-2030 et il faut le confirmer en inscrivant le modeste financement correspondant de 92 290 euros dans le PLF pour 2024.

Le législateur a pris en compte la situation très particulière et les difficultés d’intégration rencontrées lors de leur rapatriement par les anciens membres des formations supplétives de l’armée française qui étaient soumis au statut civil de droit commun. C’est la raison pour laquelle il a mis en place un régime particulier d’indemnisation.

Le silence gardé par l’administration face aux demandes d’indemnisation déposées entre 2011 et 2013 a entraîné des refus implicites. L’amendement propose de traiter ces cas, qui sont en nombre réduit.

Encore une fois, nous sommes contraints de gager cette mesure sur le programme 158, mais nous espérons que le Gouvernement sera en mesure de lever le gage s’agissant d’une somme aussi faible.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. La question des supplétifs de statut civil de droit commun est complexe.

En effet, le dispositif d’indemnisation que vous avez évoqué est forclos. Tant que le Gouvernement ne le rouvre pas, il ne sert à rien de prévoir des crédits pour des indemnisations qui ne pourront pas être versées. L’amendement serait inopérant.

La seule manière de traiter cette question consiste à recourir à l’aide sociale de l’ONaCVG – ce qui a été fait. Conscient de la situation délicate dans laquelle peuvent se trouver ces anciens supplétifs, le ministère des armées a en effet demandé aux services départementaux de l’ONaCVG de contacter toutes les personnes qui lui ont été signalées, afin de pouvoir les faire bénéficier des dispositifs d’aide sociale de l’Office. Le ministère a indiqué que tous les intéressés ont été contactés et conseillés au sujet des aides auxquelles ils peuvent prétendre en tant qu’anciens combattants ou que rapatriés.

Je considère néanmoins que le Gouvernement doit apporter une réponse à cette question. Même s’il n’a pas de valeur normative, le rapport annexé à la LPM 2024-2030 prévoit en effet qu’une allocation unique de 4 195 euros sera attribuée aux anciens supplétifs de statut civil de droit commun qui avaient déposé une demande ou renouvelé leur demande d’allocation de reconnaissance entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013 et qui n’ont pas engagé de procédure contentieuse dans les délais prévus après une réponse négative explicite ou implicite de l’administration.

Demande de retrait.

M. Laurent Jacobelli (RN). J’aimerais que l’on puisse débattre du fond des amendements. Je ne suis pratiquement jamais d’accord avec mes collègues socialistes, mais le procès qui vient de leur être fait me paraît abracadabrantesque.

Cette mission ne comprend que deux programmes. Si l’on veut accroître les crédits du premier, il faut mécaniquement compenser en baissant ceux du second. Nos collègues ont d’ailleurs explicitement souhaité que ce gage soit levé.

On nous a dit qu’il fallait modifier l’ordre du jour de notre commission pour tenir compte des agendas de certains députés de la majorité, puis qu’il fallait suspendre nos travaux parce que des commissaires de la majorité étaient partis cueillir des fraises et qu’il fallait le temps de les rameuter pour examiner le budget de la défense. Et maintenant on nous empêche de débattre du fond des amendements en invoquant l’effet des contraintes de recevabilité financière qui s’imposent à tous !

Mettons de côté la mauvaise foi. Ne soyez pas inquiets, puisque tout cela se terminera par un 49.3. Laissez-nous au moins le temps de débattre des questions relatives aux veuves d’anciens combattants et aux harkis – lesquelles ne sont pas secondaires. Il ne peut pas y avoir une majorité de droit divin et une opposition qui en serait réduite à se taire. Cela ne correspondrait ni à l’esprit de cette commission, ni à celui de la démocratie parlementaire.

Le groupe Rassemblement national votera pour cet amendement.

Mme Anna Pic (SOC). Madame la rapporteure pour avis, il ne s’agit pas d’une question d’aide sociale mais bien de reconnaissance. C’est la raison pour laquelle nous insistons pour que les vingt-deux familles concernées soient indemnisées.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je suis entièrement d’accord avec vous, mais il convient au préalable de rouvrir le dispositif d’indemnisation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN47 de M. Michaël Taverne

Mme Caroline Colombier (RN). Cet amendement vise à préserver le patrimoine immatériel inestimable que constitue la mémoire du monde combattant, qui s’incarne notamment dans les associations d’anciens combattants et la transmission intergénérationnelle.

Cet amendement d’appel a pour objet d’évoquer la nécessité d’intégrer cette transmission mémorielle aux missions de l’école publique. Pour cela, des partenariats pédagogiques pourraient être envisagés entre des associations et des écoles.

Les moyens ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. L’amendement propose donc d’affecter 5 millions supplémentaires à l’action 08 Liens armées-jeunesse. Nous souhaitons bien sûr que le gage sur le programme 158 soit levé.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je partage votre souhait de parfaire l’enseignement de défense et la transmission de la mémoire au sein des écoles.

Néanmoins, cela relève non pas de la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation mais des prérogatives du ministère de l’éducation nationale.

Je salue toutefois les nombreuses initiatives du ministère des armées pour mieux diffuser l’esprit de défense, comme les classes défense – qui constituent une vraie réussite – ou encore les projets pédagogiques financés par la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA).

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN48 de M. Michaël Taverne

Mme Caroline Colombier (RN). La baisse naturelle du nombre des anciens combattants conduira à la disparition progressive de beaucoup d’associations dans les années à venir. La préservation de leur patrimoine non seulement immatériel mais aussi matériel est un problème auquel les pouvoirs publics doivent apporter des réponses concrètes.

Cet amendement d’appel pose la question de la préservation des drapeaux détenus par les associations d’anciens combattants, auxquels ils sont très attachés. Il convient de répertorier ces étendards, afin d’éviter que certains ne disparaissent, soient subtilisés ou dégradés.

Pour cela, l’amendement propose d’abonder de 10 millions l’action 09 Politique de mémoire du programme 169. En cas d’adoption de l’amendement, nous demandons que le Gouvernement lève le gage.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. La secrétaire d’État a déjà en partie répondu à cette question posée par votre groupe lors de son audition, en indiquant que les associations qui souhaiteraient bénéficier d’aides pour préserver leur drapeau pouvaient en faire la demande, notamment auprès de leur département.

Je salue les initiatives de certaines associations, comme le Souvenir français, qui confient leur drapeau à des classes pour que les élèves en prennent soin et participent aux cérémonies en tant que porte-drapeau. Il s’agit d’un bel exemple de transmission entre les générations, qui mérite d’être encouragé.

Demande de retrait.

Mme Patricia Lemoine (RE). Notre groupe ne soutiendra pas cet amendement. Comme l’a indiqué la rapporteure, la secrétaire d’État a déjà répondu à cette question et le montant de 10 millions, qui ne s’appuie sur aucun élément, est un peu fantaisiste.

Mme Caroline Colombier (RN). Ce chiffre peut être corrigé et je suis disposée à inscrire celui que vous voudrez bien m’indiquer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN65 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Cet amendement est très proche de celui qui a été déposé par nos collègues socialistes. Il s’agit d’accorder les mêmes droits à l’indemnisation aux anciens supplétifs de statut civil de droit commun. Cela ne concerne que vingt-deux familles. Encore une fois, le montant financier est symbolique mais il faut envoyer un signal réconfortant à ces familles, qui souffrent parfois de ne pas être reconnues.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Comme je l’ai déjà indiqué précédemment, le dispositif est forclos et il ne peut malheureusement pas être donné suite à cette demande.

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN66 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). À la suite de l’adoption par l’Assemblée nationale de deux amendements lors de l’examen du PLF pour 2023, le Gouvernement a remis un rapport qui évalue les modalités de mise en place d’une indemnisation des pupilles de la nation et des orphelins de guerre. C’est déjà bien.

Mais ce rapport n’a effectué aucun recensement du nombre de personnes concernées. À travers cet amendement, nous souhaitons appeler l’attention sur les descendants des « malgré-nous ».

L’amendement propose donc d’affecter à l’ONaCVG le budget nécessaire pour procéder à ce recensement.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. L’ONaCVG n’est pas en mesure de fournir le nombre des pupilles de la nation et des orphelins de guerre qui sont encore en vie.

Si ses services départementaux ont dans le passé tenu des registres des pupilles dont ils avaient la charge, ces documents ont ensuite été versés aux archives départementales lorsqu’ils ont cessé d’être utilisés. L’Office ne dispose donc désormais d’aucune source pour déterminer le nombre des personnes qui seraient susceptibles de demander une indemnisation ou une aide sociale. Dès lors, je ne suis pas certaine que l’augmentation des crédits changerait quelque chose à cette situation.

Avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN74 de M. Julien Rancoule

M. Julien Rancoule (RN). Cet amendement vise à augmenter le budget de l’ONaCVG pour lui permettre de financer le renouvellement des hampes, baudriers, cravates de drapeau et housses de transport, voire la restauration des drapeaux historiques des associations d’anciens combattants. En effet, celles-ci ne parviennent parfois pas à trouver les fonds nécessaires pour une telle restauration. Les régions et les départements ne les aident pas de la même manière, et certaines ne reçoivent aucun soutien.

Il est donc pertinent de renforcer les moyens de l’ONaCVG, qui est bien connu par les associations, afin qu’il puisse aider davantage ces dernières à procéder à ces dépenses essentielles.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Comme je l’ai déjà mentionné, lors de son audition la secrétaire d’État a indiqué que les associations pouvaient s’adresser aux départements.

Par ailleurs, dans le PLF pour 2024 la subvention pour charges de service public versée à l’ONaCVG s’établit à 62,56 millions, soit une augmentation de 2,35 millions par rapport à 2023. Cela permet de poursuivre l’effort. En outre, la subvention d’action sociale est sanctuarisée à 25 millions. L’amendement est satisfait.

Demande de retrait.

M. Julien Rancoule (RN). Les départements peuvent certes subventionner les associations, mais tous ne le font pas. L’amendement a précisément pour objet d’uniformiser la manière dont sont traitées les demandes des associations.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN77 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti (RN). Cet amendement propose d’augmenter l’allocation de reconnaissance du combattant, précédemment appelée « retraite du combattant ». Si cette allocation a été revalorisée de plus de 5 % cette année, elle ne représente pourtant que 67,73 euros par mois pour les titulaires de la carte du combattant – ce qui est assez peu dans le contexte actuel de forte inflation.

C’est la raison pour laquelle nous demandons au Gouvernement de faire un effort à destination de nos anciens soldats.

Je le répète, nous souhaitons que le gage soit levé par le Gouvernement en cas d’adoption de l’amendement.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je partage votre constat.

Du fait des règles de recevabilité financière, j’ai pour ma part déposé un amendement qui demande au Gouvernement de remettre un rapport sur la revalorisation du point de pension militaire d’invalidité (PMI).

Demande de retrait.

M. Frank Giletti (RN). Déposons un amendement en commun.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN85 de Mme Michèle Martinez

Mme Michèle Martinez (RN). Cet amendement ne vous est pas inconnu, puisque nous avons déjà débattu de l’indemnisation des supplétifs de statut civil de droit commun.

La mesure que nous proposons concernerait vingt-deux personnes, mais il faut avoir à l’esprit qu’elles étaient encore vingt-cinq l’an dernier. Ces hommes ne sont pas immortels et la France ne dispose que d’un temps limité pour réparer son erreur.

En outre, le droit à l’indemnisation figure dans le rapport annexé à la LPM. Il est temps de régler cette question.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je ne peux que répéter que le dispositif est forclos. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN89 de M. Pierrick Berteloot

M. Pierrick Berteloot (RN). Cet amendement propose de transférer 5 millions à la sous-action 03-34 Action sociale en faveur du monde combattant : Office national des anciens combattants (ONAC) du programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation.

Ces crédits seraient prélevés à l’action 02 Indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale du programme 158. Il s’agit là d’un mouvement de pure forme pour se conformer aux obligations de l’article 40. Naturellement, nous demandons au Gouvernement de lever le gage.

L’ONaCVG est essentiel pour les anciens combattants car il assure des missions de solidarité, de soutien moral et d’accompagnement social et administratif. Or, ces missions sont menacées par l’inflation. L’État doit compenser les effets de cette dernière, car les anciens combattants et leurs conjoints survivants le méritent.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. L’inflation affecte en réalité toutes les politiques publiques. Néanmoins, les crédits dévolus à l’action sociale de l’ONaCVG sont sanctuarisés à hauteur de 25 millions dans le PLF pour 2024, ce qui permet de poursuivre les efforts compte tenu de la baisse naturelle du nombre de bénéficiaires.

Demande de retrait.

M. François Cormier-Bouligeon. Je voudrais dénoncer la double duplicité des députés du Front national – oui, je continue à dire Front national.

J’entends dire qu’il serait de pure forme de ponctionner des crédits consacrés à l’indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale. Ce n’est ni de pure forme ni symbolique – et encore moins dans le contexte actuel, où 1 400 de nos amis israéliens viennent d’être massacrés par les terroristes islamistes du Hamas !

Vous pouvez faire des grands mouvements de manche dans l’hémicycle pour soutenir Israël, mais nous avons honte pour vous lorsque nous voyons ce que vous votez dans cette commission.

Mme Caroline Colombier (RN). C’est n’importe quoi !

M. François Cormier-Bouligeon. Vos amendements sont censés aider le monde combattant, mais nous examinerons plus loin un amendement des députés du Front national qui propose de ponctionner 100 millions sur le budget qui leur est destiné.

C’est une double duplicité insupportable et les Français doivent le savoir.

M. Pierrick Berteloot (RN). Je souhaite obtenir des excuses pour les propos qui viennent d’être tenus.

M. François Cormier-Bouligeon. Il y a des choses sur lesquelles on ne transige pas, Monsieur !

M. Pierrick Berteloot (RN). Je vais rester très calme parce que nous débattons d’un sujet très important. Mais certains propos atteignent vraiment les limites.

Je vous rappellerai, Monsieur, que depuis que j’ai 4 ans je dépose chaque année une gerbe sur le pont qui porte le nom mon arrière-grand-père, tué par les nazis pendant la seconde guerre mondiale. Vous pourriez avoir un minimum de respect. C’est toute ma famille que vous insultez. Je refuse que l’on me qualifie comme vous l’avez fait.

J’exige des excuses car je ne peux pas laisser passer une chose pareille. Nous ne sommes pas dans cette commission pour nous faire marcher dessus et nous sommes aussi légitimes que vous. Baissez d’un ton et respectez-nous.

M. Laurent Jacobelli (RN). Les propos tenus par M. Cormier-Bouligeon révèlent soit de la mauvaise foi, soit de l’incompétence, soit un signe de nervosité dû à une fin de règne.

L’article 40 nous oblige à compenser les dépenses supplémentaires que nous proposons pour un programme en réduisant celles d’un autre programme au sein de la même mission. Or il n’y a que deux programmes dans la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation. Malheureusement, nous ne pouvons gager nos propositions que sur celui consacré aux victimes des crimes antisémites.

Tous les groupes politiques ont été obligés d’en passer par là, en expliquant à chaque fois que la condition sine qua non était que le gage soit levé par le Gouvernement.

Soit M. Cormier-Bouligeon n’a rien compris au travail législatif et il doit laisser la place à son suppléant. Soit il est d’une mauvaise foi crasse et il vaut mieux aussi qu’il cède sa place au sein de la commission de la défense, où nous essayons d’avancer. Soit c’est un signe de nervosité, comme on en voit beaucoup aujourd’hui du côté de la majorité, et c’est une insulte pour des millions de Français et d’électeurs – y compris dans vos rangs, puisque des amendements émanant de votre groupe ont déjà été déposés alors qu’ils comprenaient le même gage.

Je pense pour ma part que vous êtes à la fois un ignare et un grossier personnage.

M. François Cormier-Bouligeon. Il se trouve que j’ai des convictions bien ancrées et que je les défends.

M. Laurent Jacobelli (RN). Ça se saurait…

M. François Cormier-Bouligeon. Vous me connaissez mal, Monsieur.

Par contre vous êtes habitué à perdre les pédales et à insulter les gens. Je crois d’ailleurs qu’une plainte a été déposée contre vous par notre collègue Belkhir Belhaddad, que vous avez invectivé lors d’un incident qui a été filmé et diffusé.

Jamais je ne déposerai un amendement qui prévoit de réduire les crédits destinés à l’indemnisation des victimes des persécutions antisémites.

J’ai bien entendu ce qu’a dit notre jeune collègue à propos de son histoire familiale, mais il devrait justement y réfléchir à deux fois avant de déposer un tel amendement s’il veut se respecter lui-même.

Je ne présenterai pas d’excuses parce qu’il faut avoir des convictions profondes sur ce genre de sujets.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN92 de M. Pierrick Berteloot

M. Pierrick Berteloot (RN). Nous proposons d’augmenter de 5 millions les crédits affectés à la sous-action 03-35 Office national des anciens combattants (ONAC) : subventions du programme 169. Le gage est identique à celui de l’amendement précédent et nous en demandons la levée par le Gouvernement.

Il s’agit de renforcer le dispositif Athos, dédié à l’accompagnement des militaires qui ont subi une blessure psychique, et d’accélérer l’ouverture de nouvelles maisons afin d’améliorer le maillage territorial. Treize maisons sont prévues, soit une par région métropolitaine. Ce n’est pas assez et les 5 millions supplémentaires permettront d’en ouvrir davantage.

L’amendement correspond à une demande des associations professionnelles nationales de militaires, qui doit être entendue. Consacrer davantage de crédits au bien-être psychique des militaires est une mesure de bon sens et de justice.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Le dispositif Athos est en effet essentiel pour la réhabilitation psychosociale des blessés psychiques militaires. J’y ai d’ailleurs consacré la partie thématique de mon avis budgétaire cette année.

À ce stade, il est prévu d’ouvrir dix maisons de manière progressive d’ici à 2030 – et non pas treize. En 2024, deux maisons ouvriront, l’une en Occitanie et l’autre dans la région Grand-Est. Le rythme de ces ouvertures tient compte des besoins des blessés et de leur lieu de vie, mais également du taux de remplissage des différentes maisons existantes. Seule celle de Bordeaux est arrivée à saturation. C’est ce qui justifie l’ouverture d’une nouvelle maison en Occitanie, où réside une part importante des militaires blessés psychiques.

Les autres maisons – dont celle d’Auray qui a ouvert récemment – continuent leur montée en puissance. Le choix de localisation des nouvelles maisons doit concilier le souci d’une relative égalité territoriale avec la nécessaire prise en compte du lieu de résidence des blessés psychiques, tout en remplissant un cahier des charges spécifique.

Enfin, je souhaite rappeler qu’ATHOS complète d’autres dispositifs visant à prendre en charge les blessés psychiques. Ces derniers n’ont pas tous vocation à le rejoindre, car il n’est pas médicalisé et ne correspond pas toujours aux besoins.

Demande de retrait.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN123 de M. Emmanuel Fernandes

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Cet amendement vise à rendre justice aux orphelins de guerre pupilles de la nation dont le parent résidant en Alsace-Moselle annexée par le IIIe Reich a été incorporé de force dans l’armée allemande à la suite du décret du 25 août 1942.

Plus de quatre-vingts ans après, comment accepter que la France ne reconnaisse toujours pas la double souffrance de ces orphelins ? Comment peut-on considérer que les 145 000 femmes et hommes envoyés de force sur le front de l’Est ou intégrés dans les structures nazies, laissant derrière eux des milliers d’orphelins, ne furent pas eux-mêmes victimes de la barbarie nazie ? Pourquoi les exclure du travail de mémoire qui permettrait de se libérer d’une chape de plomb en Alsace et dans son département voisin, la Moselle ?

Les décrets du 13 juillet 2000 et du 27 juillet 2004 prévoient une réparation pour les orphelins de guerre dont le parent fut victime de persécutions antisémites ou d’actes de barbarie. Nous proposons une mesure de réparation similaire pour les orphelins de parents incorporés de force d’Alsace-Moselle, grâce à une rente mensuelle estimée à 678,93 euros pour 2024. Cela permettrait d’indemniser les 3 500 orphelins qui ont été recensés à l’occasion d’un rapport au Parlement demandé lors du vote du PLF pour 2023.

Allons au bout d’un long et salutaire processus mémoriel destiné à refermer une plaie qui est restée ouverte depuis la seconde guerre mondiale en Alsace-Moselle, mais qui concerne l’ensemble de la nation.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Lors de son audition, Mme Mirallès a annoncé que les crédits de l’action sociale de l’ONaCVG en faveur des pupilles et des orphelins de guerre majeurs allaient être multipliés par cinq, passant ainsi à 5 millions. Un geste mémoriel sera effectué envers ces victimes – et en particulier envers les descendants des « malgré-nous ». De plus, je crois savoir qu’un groupe de travail associant des parlementaires concernés doit formuler des propositions à ce sujet.

Néanmoins, les décrets du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale ont un champ très spécifique. Je suis très attachée à ce qu’il soit préservé.

Le coût de votre amendement est également incertain. Il prévoit 28 millions tandis qu’un amendement similaire déposé par un autre groupe mentionne 10 millions. La secrétaire d’État a quant à elle évoqué un coût pouvant aller jusqu’à plus de 1 milliard si la mesure était étendue aux pupilles et orphelins de guerre de tous les conflits.

Demande de retrait.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Notre estimation repose sur un calcul très simple qui consiste à multiplier le montant des indemnités versées par le nombre des bénéficiaires.

Il n’est absolument pas question de réduire les crédits affectés à l’indemnisation des victimes d’actes antisémites et d’actes de barbarie.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN135 de M. José Gonzalez

M. José Gonzalez (RN). Je précise d’emblée que nous demandons la levée du gage, car nous ne tenons pas à amoindrir les crédits alloués à ceux qui ont été victimes de persécutions antisémites.

Depuis l’arrêt du service militaire obligatoire en 1996, les citoyens français se sont considérablement éloignés de la chose militaire, ce qui affaiblit petit à petit le lien armées-nation. Le service militaire volontaire (SMV), créé en 2015, pallie progressivement ce manque d’engagement et la méconnaissance de nos armées chez les jeunes.

La volonté est là, mais pas l’effort, puisque le budget pour 2024 prévoit seulement 2,2 millions pour le SMV. Ces crédits doivent être complétés par la suite par des financements européens et des collectivités territoriales, pour un total de 21 millions. C’est une belle somme, mais elle reste toute de même insuffisante par rapport aux ambitions affichées.

Le Gouvernement prévoit en effet 1 500 volontaires et nous savons par retour d’expérience que le coût de revient est de 42 000 euros par an et par jeune. C’est la raison pour laquelle l’amendement prévoit d’augmenter les crédits de 41 millions.

 

 

Amendement II-DN135 de M. José Gonzalez

M. José Gonzalez (RN). Madame la rapporteure pour avis, est-ce utile que je défende mon amendement car je connais déjà votre réponse – vous partagez le constat que je dresse, mais vous souhaitez que je retire l’amendement ? Nous demandons des levées de gage car nous ne souhaitons pas réduire les crédits alloués aux victimes de persécutions antisémites.

Depuis l’arrêt du service militaire obligatoire en 1996, les citoyens français se sont considérablement éloignés de la chose militaire, ce qui a progressivement affaibli le lien entre l’armée et la nation. Le service militaire volontaire (SMV), créé en 2015, pallie progressivement le manque d’engagement et la méconnaissance de nos armées chez les jeunes.

Cependant, l’effort reste insuffisant, puisque le PLF pour 2024 prévoit simplement 2,2 millions d’euros pour le SMV, crédits complétés ensuite par des fonds européens et territoriaux pour un total de 21 millions d’euros : ce montant n’est pas négligeable, mais il est insuffisant compte tenu des ambitions affichées. Le Gouvernement cible en effet 1 500 jeunes, mais nous savons que le coût annuel est de 42 000 euros par jeune ; il faudrait donc 41 millions d’euros pour couvrir ce niveau d’engagement.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. J'ai consacré la partie thématique de mon avis budgétaire l'année dernière au très beau dispositif d'insertion sociale et professionnelle qu’est le SMV.

En 2024, ce sont 3,3 millions d'euros, et non 2,2 millions comme vous l'indiquez dans l’exposé sommaire de votre amendement, qui sont consacrés au SMV, au titre du programme 169 ; or les crédits dédiés au SMV ne sont pas tous inscrits dans ce programme. Le coût de fonctionnement et de soutien ainsi que la masse salariale figurent dans les programmes 178 et 212 de la mission Défense. Par ailleurs, le SMV perçoit des financements des régions et des fonds européens. Aussi, l'année dernière, le SMV bénéficiait de ressources budgétaires et extrabudgétaires d’un total de 45 millions d’euros.

Au-delà des financements, que j'estime suffisants, la problématique tient plutôt à l'atteinte des cibles de recrutement fixées, car les volontaires manquent malgré les efforts de communication déployés.

Je vous demande donc de retirer votre amendement, car celui-ci est satisfait.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). De nombreux dispositifs existent pour renforcer le lien entre l’armée et la jeunesse : le SMV, le service militaire adapté (SMA), le service national universel (SNU), mais il y a aussi la journée défense et citoyenneté (JDC), qui concerne tous les jeunes du pays. Nous devrions porter l’effort sur la JDC, que suivent 600 000 jeunes chaque année : il est là le vrai service national universel. Avec une véritable conscription citoyenne, la JDC remplirait sa fonction initiale.

Le SMV est quelque peu de la poudre aux yeux car il ne touche que très peu de personnes. Notre objectif est la conscription citoyenne, d’où notre opposition à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN140 de M. José Gonzalez

M. José Gonzalez (RN). Le PLF consacre 14,5 millions à l’entretien et à la valorisation des sépultures militaires et des hauts lieux de la mémoire nationale, dont 12,9 millions pour les sépultures. Ce bel effort laisse toutefois de côté le fait que 139 nécropoles militaires de la première guerre mondiale ont été inscrites au patrimoine de l'Unesco, ce qui augmentera leur charge financière à cause de la nécessaire adaptation des services liée à cette inscription – aménagement de parkings et de commodités, notamment –, qui induit 30 % de visites supplémentaires.

L’amendement vise à adapter les crédits à cette nouvelle contrainte, laquelle reste bénéfique pour les sépultures, la mémoire et le lien entre l’armée et la nation.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Les crédits destinés à l’entretien et à la valorisation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale connaissent une augmentation de 3,05 millions d’euros en 2024, pour s'établir à près de 14,55 millions d’euros dans le projet de loi de finances. Il est encore trop tôt pour anticiper précisément l'effet que le classement au patrimoine mondial de l'Unesco aura sur la fréquentation de ces nécropoles. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN141 de M. José Gonzalez

M. José Gonzalez (RN). Il vise à augmenter les crédits de l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG). En effet, deux tendances se dégagent : la baisse des charges liée au déclin du rôle historique de maison d’accueil des anciens combattants de l’ONaCVG du fait de la démographie et le renforcement considérable de l’Office, vecteur de mémoire, proche des armées et acteur essentiel du lien entre celles-ci et la nation. La trajectoire du financement de l’Office décroît, alors que l’ONaCVG, dont le maillage territorial est dense, possède une expertise unique sur la mémoire combattante de la France. Le développement d’une partie de son action et la baisse d’un pan entier de sa mission historique exigent un transfert de crédits, auquel procède cet amendement.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Si j'ai bien saisi le sens de votre amendement, celui-ci vise à augmenter les crédits d'action sociale de l'ONACVG pour refléter une interrogation sur l'évolution de ses missions à l'avenir.

Force est de constater que les nouvelles missions de l'ONaCVG sont bien prises en compte dans le projet de budget qui nous est soumis, puisque sa subvention pour charge de service public progresse de 2,35 millions d'euros en 2024 : l’objectif est de prendre en compte ses nouvelles missions au titre de l'extension du dispositif Athos et de l'instruction des dossiers du droit à la reconnaissance en faveur des harkis, à travers le recrutement de 4 ETP supplémentaires.

Votre amendement étant satisfait, je vous en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Avant l’article 50

 

Amendement II-DN12 de Mme Mélanie Thomin

Mme Anna Pic (SOC). Il vise à demander un rapport portant sur les différentes modalités d’extension de la demi-part fiscale additionnelle pour toutes les veuves d’anciens combattants à partir non plus de 74 ans, mais de 70 ans. Plusieurs associations demandent cet abaissement du seuil de l’âge.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je tiens à préciser que l'extension de la demi-part fiscale aux conjoints survivants d'anciens combattants, quel que soit l'âge du décès de ces derniers, n'a été mise en œuvre que depuis l'année dernière, grâce à un amendement au PLF pour 2023, déposé par Les Républicains et soutenu par la secrétaire d’État.

L’article 8 de la loi de finances pour 2023 étend en effet le bénéfice de la demi-part supplémentaire à tous les conjoints âgés de plus de 74 ans, survivants des personnes titulaires de la carte du combattant au moment de leur décès. Ce dispositif est entré en vigueur le 1er janvier 2023 au titre de l’imposition des revenus de 2022. Nous ne disposons pas du recul suffisant pour dresser le bilan du dispositif.

Toutefois, je peux vous communiquer quelques chiffres intéressants : les documents annexés au projet de loi de finances font état d'une dépense fiscale réalisée de 514 millions d’euros pour 2022 et prévue de 489 millions pour 2023 et 2024. Le projet annuel de performances annexé au PLF pour 2024 indique que 839 316 ménages bénéficiaient de cette mesure en 2022.

Par ailleurs, pourquoi retenez-vous le seuil de 70 ans dans votre demande de rapport ?

Je vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous voterons en faveur de cet amendement de nos collègues du groupe Socialistes et apparentés car nous privilégions toujours l’intérêt général.

Nous avons déposé le même amendement que nos collègues socialistes sur les anciens supplétifs de statut civil de droit commun : nous avons voté en faveur de l’adoption de l’amendement socialiste, mais la majorité est parvenue à la repousser ; en revanche, les députés de la majorité étaient moins présents lorsque le nôtre a été examiné, mais les socialistes ne l’ont pas soutenu. Le groupe Socialistes et apparentés a préféré renoncer à l’adoption de cet amendement : il a fait passer l’intérêt politique avant l’intérêt général – les familles des vingt-deux personnes concernées apprécieront. Pour notre part, nous ne sommes mus que par l’intérêt général et nous voterons en faveur de l’amendement que vient de présenter Mme Pic, même s’il vient des rangs socialistes.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN13 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Il vise à évaluer le caractère suffisant de la revalorisation du point d'indice et de la hausse des pensions militaires dans le contexte de l’inflation. La valeur du point d’indice a été bloquée pendant plus de dix ans, en conséquence de quoi les grilles indiciaires des jeunes officiers en début de carrière étaient inférieures au SMIC. Pour y remédier, une indemnité compensatoire est versée, mais cette situation est fortement préjudiciable car cette indemnité n’est pas prise en compte dans le calcul de la retraite. Les jeunes officiers subissent donc une injustice, que l’amendement cherche à corriger ; il vise à demander un rapport portant sur les revalorisations de la rémunération indiciaire pour les autres catégories de militaires et évaluant l’ampleur du décrochage par rapport au niveau de l’inflation.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. La revalorisation du point de la pension militaire d’invalidité (PMI) constitue une préoccupation importante du monde combattant. J'ai déposé un amendement allant dans le même sens que le vôtre : il vise à mesurer l'écart entre la revalorisation du point de la PMI et l'évolution de l’indice des prix à la consommation.

Aussi, je vous propose de retirer votre amendement au profit du mien, car ce dernier précise que le champ est bien celui des PMI et non celui des pensions militaires dans leur ensemble, qui ne sont pas couvertes par la mission. Je vous demande de retirer l’amendement.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Le groupe LFI-NUPES a fait adopter ce matin en commission des finances un amendement visant à augmenter significativement la PMI. Nous voterons en faveur de cet amendement, en espérant que le 49.3 en épargne au moins un des deux.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN23 de Mme Mélanie Thomin

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il a pour objet de demander un rapport sur le soutien financier aux vétérans ayant participé aux essais nucléaires en Polynésie Française et dans le Sahara, victimes de maladies radio induites. Le rapport traitera également de l’aide apportée au titre de la jurisprudence aux descendants de ces vétérans qui souffrent de ces mêmes maladies et qui démontrent le caractère transgénérationnel du lien entre la maladie dont ils souffrent et l'exposition de leur aïeul aux essais nucléaires.

Nous déposons chaque année un amendement sur le sujet depuis que je suis députée. Les vétérans ont quitté les sites des essais nucléaires et habitent ailleurs dans le monde, par exemple en Bretagne. Il importe d’échanger, sans polémique, sur cette question.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je comprends bien l'intérêt de votre demande de rapport, néanmoins les crédits relatifs à l'indemnisation des personnes ayant participé aux essais nucléaires en Polynésie française et au Sahara ne figurent plus dans la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation. L’exonération des indemnités versées aux victimes des essais nucléaires français, anciennement rattachée au programme 169 est inscrite depuis 2022 dans le programme 129 de la mission Direction de l’action du Gouvernement. Votre amendement étant mal placé, je vous en demande le retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN134 de M. José Gonzalez

M. José Gonzalez (RN). Nous observons depuis 2005 une érosion du pouvoir d’achat des invalides de guerre, sur laquelle le Gouvernement a été plusieurs fois alerté. Le niveau de la PMI ne permet plus de faire face à l’inflation : en août 2023, l’écart entre l’évolution de l’inflation et celle de la PMI s’établissait à près de 14 %. Un pensionnaire remplissait son caddie avec 100 euros en 2005 : le même caddie lui coûte 131 euros en 2023 et la revalorisation de la PMI ne couvre que 121 euros.

Nous proposons d’augmenter la PMI à hauteur de 36 millions d’euros ; il convient également de modifier le point de PMI, ce qui représente un montant bien supérieur à celui provisionné. Dans un souci de cohérence et de volonté de privilégier l’amélioration du lien entre l’armée et la nation, nous vous demandons de faire preuve d’ambition.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. La revalorisation du point de PMI est en effet une préoccupation importante du monde combattant. J’ai déposé un amendement allant dans le même sens que le vôtre, afin de mesurer l’écart entre la revalorisation du point de PMI et l’évolution de l’indice des prix à la consommation.

Je vous invite à retirer votre amendement au profit du mien.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN136 de M. José Gonzalez

M. José Gonzalez (RN). L’arrêté du 12 janvier 1994 dresse la liste des opérations extérieures (Opex) ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant, à l’octroi du titre de la reconnaissance de la nation et aux avantages financiers qui en découlent. Cependant, le caractère restrictif de la liste exclut certains théâtres d’opérations extérieures. Dans une étude de janvier 2021, l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem) a recensé 249 Opex entre 1963 et 2017, cette liste comprenant certains accords de coopération et de défense oubliés par l’arrêté de 1994.

L’amendement vise à demander un rapport sur la question, lequel pourra mettre en lumière les théâtres d’Opex des années 1960 et 1970, dont la prise en compte ouvrirait des droits immédiats.

Les oublis pénalisent d’anciens appelés du contingent ou engagés volontaires ; ceux qui ont pris le risque du sacrifice suprême ressentent douloureusement l’absence de reconnaissance. En outre, l’attention portée aux anciens combattants n’est pas sans incidence sur le moral et l’engagement des jeunes militaires.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je vous félicite de votre intérêt pour les théâtres d’opérations extérieures de la France oubliés par l’arrêté du 12 janvier 1994. Il s’agit d’une demande récurrente des associations d’anciens combattants. Je donne un avis favorable à l’adoption de votre amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

 

 

Amendement II-DN137 de M. José Gonzalez

M. José Gonzalez (RN). Sous l’égide de Mme Darrieussecq, la commission tripartite a revalorisé le point de la PMI et a indexé son évolution sur celle du point d’indice brut de l’État. Cette décision se comprenait dans un contexte de faible inflation et de blocage annoncé du point de la fonction publique, mais la situation a changé : la hausse de 1,5 % de la valeur du point est, au mieux, une erreur, au pire, un manque de considération total de nos militaires. Toutefois, la commission tripartite a fait état d’un rapport remis au Parlement pour comparer l’évolution de la PMI par rapport au coût de la vie. Le prochain rapport devant être publié en 2024, nous aimerions qu’il le soit au plus tard le 1er septembre, afin de pouvoir construire un budget cohérent et pertinent pour 2025.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. La revalorisation du point de PMI est en effet une préoccupation importante du monde combattant. J'ai déposé un amendement allant dans le même sens que le vôtre, mais le mien précise que le champ concerné est celui des PMI et non celui de l’ensemble des pensions militaires, qui n’entrent pas dans le périmètre de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN139 de M. José Gonzalez

M. José Gonzalez (RN). À la suite du mouvement de crédits initié par notre collègue Frank Giletti pour revaloriser la retraite du combattant, cet amendement demande que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la revalorisation de l’allocation de reconnaissance du combattant.

Cette revalorisation est très importante pour les anciens militaires, âgés d’au moins 60 ans, dont les revenus sont faibles ou dont la participation à des Opex leur a causé une invalidité. La retraite du combattant équivaut, en l’état, à 67,73 euros par mois : vous en conviendrez, c’est un montant bien faible par rapport au sacrifice des militaires. L’augmentation que nous appelons de nos vœux restera largement inférieure aux économies réalisées du fait de la réduction de la population bénéficiaire pendant la même période – les crédits dédiés aux rentes viagères ont, par exemple, diminué de 148 millions d’euros malgré une revalorisation de 4 % du point de PMI.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Cher collègue, je vous invite à ne pas multiplier les demandes de rapport. La revalorisation du point de PMI me semble plus centrale car elle concerne à la fois les pensions militaires d’invalidité et l’allocation de reconnaissance du combattant. Je vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN144 de M. José Gonzalez

M. José Gonzalez (RN). Le coût du SMV est élevé, puisqu’on l’estime à 42 000 euros par an et par volontaire depuis 2020 ; il est même largement supérieur à celui des formations de droit commun : ainsi, les formations les plus onéreuses, celles des classes préparatoires aux grandes écoles, s’élevaient, en 2017, à 15 760 euros par an.

Il faut néanmoins rapporter ce coût aux résultats du SMV : le taux d’insertion professionnelle des volontaires s’élevait ainsi à 82 % en 2021, même s’il recouvrait des situations très diverses. La même année, seuls vingt-cinq volontaires avaient rejoint les armées, soit 2,6 % de la promotion insérée.

Il convient de réaliser une étude sur l’année 2023, afin de connaître les bénéfices réels de cet onéreux SMV.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Cette demande de rapport est contradictoire avec vote amendement qui visait à augmenter les crédits dévolus au SMV. Je me permets de vous renvoyer à la partie thématique de mon avis budgétaire de l’année dernière, lequel a couvert cette question. Je vous demande de retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN149 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Il vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant l’opportunité d’une concomitance entre l’évolution du point d’indice de la PMI et celle du point d’indice de la fonction publique.

La valeur du point de la PMI est un sujet complexe, permanent, mal connu et trop souvent soumis à des aléas de politique budgétaire ; une évolution simultanée de cette valeur avec celle du point d’indice de la fonction publique apparaît comme une mesure de justice et de lisibilité pour l’ensemble des anciens combattants bénéficiaires de la PMI.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Votre amendement vise à évaluer l’opportunité d’une évolution du mode de calcul du point d’indice de la PMI : actuellement, son évolution est indexée sur celle de l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique d'État du troisième trimestre de la pénultième année au deuxième trimestre de l'année précédente, conformément à un décret du 4 février 2022. On pourrait en effet envisager une concomitance, bien que le rapport de la commission tripartite comparant l'évolution constatée de la valeur du point de pension et celle de l'inflation abordera ces questions – le Parlement doit le recevoir au cours du premier trimestre 2024. J’émets malgré tout un avis favorable à l’adoption de l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN151 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Il vise à évaluer l’opportunité d’une évolution du calendrier de versement de l’allocation de reconnaissance du combattant. Les arrérages de la retraite du combattant sont désormais versés semestriellement à terme échu et à des dates fixées par référence au mois de naissance. À cause de cette règle, un allocataire né au mois de janvier ne percevra en 2023 que la moitié de l’allocation de reconnaissance du combattant, puis le reste au début de l’année 2024. Cette situation est préjudiciable pour certains bénéficiaires à la situation financière fragile. L’objet de l’amendement est de demander un rapport étudiant une solution à ce problème.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je vous renvoie aux travaux de la commission tripartite, qui rendra son rapport au cours du premier trimestre 2024. Je vous demande de retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN152 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Il demande au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement évaluant l’opportunité de faire évoluer la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant.

La dernière version de l’arrêté du 12 janvier 1994, qui date de 2019, fixe la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre. Néanmoins, certains théâtres d’opérations ne sont considérés comme des Opex et n’ouvrent pas droit au titre de la reconnaissance de la nation ou à la carte du combattant : cela pénalise certains appelés du contingent ou engagés volontaires s’ils n’ont effectué que ces missions. L’objet de l’amendement est d’inviter le Gouvernement à examiner chacune des opérations concernées et à déterminer notamment lesquelles sont liées à des accords de coopération et de défense, en portant une attention particulière à celles réalisées dans les années 1960 et 1970, qui pourraient ouvrir droit dès aujourd’hui aux allocations de reconnaissance du combattant.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. J’ai donné un avis favorable à un amendement similaire car il s’agit d’une demande récurrente des associations : je suis donc favorable à l’adoption de l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN154 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Il a pour objet de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport étudiant l’opportunité de faire évoluer l’âge à partir duquel le versement de l’allocation de reconnaissance du combattant et de la demi-part fiscale des veufs ou veuves d’anciens combattants est effectué. L’idée est d’interroger la pertinence des âges retenus pour l’octroi des aides : pourquoi faut-il attendre d’avoir 65 et 74 ans pour bénéficier de l’allocation de reconnaissance du combattant et de la demi-part fiscale ?

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN155 de Mme Valérie Bazin-Malgras

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Priorité exprimée par le monde combattant, la revalorisation anticipée au 1er janvier 2024 du point de PMI à hauteur de 1,5 %, afin de tenir compte de la hausse du point d’indice de la fonction publique intervenue en juillet, constitue une avancée bienvenue mais demeure insuffisante, compte tenu de l’écart constaté entre l’évolution des prix à la consommation depuis 2005 et celle du point de PMI pendant la même période. Les invalides de guerre et les anciens combattants percevant une retraite modeste, sont particulièrement préoccupés par cette évolution, car leurs difficultés matérielles s’accroissent.

Contrainte par les règles de recevabilité financière encadrant le dépôt d’amendement dans le cadre de l’examen du PLF, je ne peux pas proposer d’amendement revalorisant le point de PMI, à moins de prélever les crédits nécessaires au sein du programme 158, ce que je me refuse à faire. Je demande donc un rapport afin d’appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité de revaloriser le point de PMI à la hauteur de l’évolution de l’inflation.

M. Laurent Jacobelli (RN). L’intérêt général commande que nous votions en faveur de cet amendement et nous le ferons, même si nous en avons déposé d’autres sur le même sujet.

La commission adopte l’amendement.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation modifiés.


—  1  —

   Annexe :

Auditions et dÉplacement de la rapporteure pour avis

(Par ordre chronologique)

 

Auditions

 État-major de l’Armée de terre M. le commissaire général Frédéric Sternenberg, adjoint performance des soutiens ;

 Table-ronde réunissant le service de l’action sociale des armées – M. Serge Pinson, directeur, Mme Valérie Meunier, conseillère technique, et Défense Mobilité – M. le colonel Thibault Dubern, chef du bureau reconversion ;

 Institution de gestion sociale des armées (IGESA) – M. Renaud Ferrand, directeur général ;

 Cabinet de la Secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire – M. Erwann Calvez, directeur adjoint du cabinet ;

 Table ronde réunissant les représentants des associations d’anciens combattants :

Union française des associations de combattants et victimes de guerre (UFAC) – M. Dominique Lépine, président national ;

Fédération nationale André Maginot (FNAM) – M. le général (2S) Paul Dodane, administrateur ;

Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA) – M. Jean-Pierre Louvel, président du comité local ;

Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants, victimes de guerre et des jeunesses de l’union fédérale (UF) – M. Gérard Ruffier-Monet, président ;

Fédération nationale des combattants prisonniers de guerre et combattants d’Algérie, Tunisie, Maroc (FNCPG-CATM) M. Serge Auffredou, secrétaire général ;

Comité d’entente des Grands invalides de guerre (CE-GIG) - M. le général (2S) Paul Dodane, président ;

Union des blessés de la face et de la tête (UBFT) « Les gueules cassées » – M. le général (2S) Paul Dodane, vice-président ;

Association nationale des participants aux opérations extérieures (ANOPEX) – M. le général de division (2 S) Jean-Paul Martial, président ;

Association de soutien à l’armée française (ASAF) – M. Pascal Tran-Huu, vice-président ;

Fédération nationale des anciens des missions des opérations extérieures (FNAME-OPEX) M. Laurent Attar-Bayrou, président ;

Association des Français rapatriés d’origine nord-africaine en Allemagne et en Alsace (Afronaa) – M. Ahmed Goudjil, membre du bureau ;

Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, des combattants pour l'amitié, la solidarité, la mémoire, l'anti-fascisme et la paix (ARAC) – Mme Liliane Rehby, secrétaire nationale ;

Union nationale des combattants (UNC)M. Raphaël Basset, membre du bureau ;

 Institut national des Invalides (INI) M. le médecin général inspecteur Rémi Macarez, directeur et M. le commissaire en chef Vincent Honoré, directeur adjoint ;

 Direction centrale du service de santé des armées (DCSSA) M. le médecin général Jean-Baptiste Meynard, chef de la division stratégie santé de défense ;

 Ministère des Armées, direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) – M. le contrôleur général des armées Sylvain Mattiucci, directeur ;

 Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les Harkis – M. Jean-Marie Bockel, président ;

 Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONaCVG) – Mme Véronique Peaucelle-Delelis, directrice générale et M. le général Charles Orlianges, chef du département de l’accompagnement des blessés ;

 Direction du service national et de la jeunesse – Mme Claire Le Gleut, directrice par intérim ;

 Grand Rabbin de France – M. Haïm Korsia ;

 Commission d’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’occupation (CIVS) M. Gilles Bon-Maury, directeur et Mme Sylviane Rochotte, adjointe au directeur.

Déplacement

 Visite de la maison ATHOS de Cambes (Gironde) : rencontres avec le directeur, l’équipe et les membres (le 14 septembre 2023).


([1]) Selon la définition donnée par l’INSEE, l'indice de traitement brut - grille indiciaire (ITB-GI) vise à mesurer les évolutions du traitement brut des agents de la Fonction publique de l'État, pour chaque catégorie (A, B et C). Le traitement brut d'un agent est le produit de son indice par la valeur du point Fonction publique.

([2])  Ce régime d’indemnisation découle de la décision du Conseil d’État du 1er juillet 2005, Brugnot (n° 258208). Il vise à réparer, même en l’absence de faute de l’État, les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux certains, nés de l'accident ou de la maladie reconnue imputable au service et non réparés par la PMI : souffrances physiques et morales endurées avant consolidation, préjudice esthétique, préjudice d'agrément, préjudice d’établissement, préjudice sexuel notamment. Cette indemnisation peut bénéficier au militaire, qu’il perçoive ou non une PMI. Les ayants droit d’un militaire décédé peuvent également demander l’indemnisation de leur préjudice moral.

([3]) LPM, article 15 modifiant le dernier alinéa de l’article L. 113-6 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG).

([4]) Dérogation à l'application de la condition de résidence prévue à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale pour le service du minimum vieillesse.

([5]) Les CPS2R sont prévues par l’article R. 4138-54-1 du code de la défense.

([6]) Militaire en position de non-activité, en congé de longue durée maladie ou en congé longue maladie avec un diagnostic de blessure psychique.

([7])  Chiffres à jour du 13 juillet 2023.

([8]) Chiffres à jour au 13 juin 2023.