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N° 1808

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 octobre 2023

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2024 (n° 1680)

 

 

TOME II

 

 

 

 

DÉFENSE

 

 

 

Environnement et prospective de la politique de défense

PAR M. Jean-Charles LARSONNEUR

Député

 

 

 

Voir les numéros : 1680, 1715 et 1745.——


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

PREMIÈRE PARTIE :  Un budget ambitieux qui s’inscrit pleinement dans la trajectoire fixée dans la loi de programmation militaire 2024-2030

I. Un budget de la DGSE en hausse pour faire face aux défis de demain et lancer le projet immobilier du Fort Neuf de Vincennes

1. Un budget en hausse dans le programme 144

2. Le budget de la DGSE ne se limite toutefois pas au programme 144

3. L’année 2024 marquera le lancement du projet immobilier du Fort Neuf de Vincennes

a. Le calendrier prévisionnel du projet a été décalé de 4 ans par rapport aux prévisions initiales

b. Un marché de type « conception-construction-aménagement-entretien-maintenance »

c. Un coût supérieur au coût initial en raison du contexte économique défavorable consécutif à la guerre en Ukraine

II. 2024 sera une année cruciale pour la DRSD

1. Le budget de la DRSD lui permettra de poursuivre la conduite de ses missions de contre-ingérence

2. Une nouvelle doctrine de contre-ingérence : la contre-ingérence informationnelle

3. La nouvelle direction centrale, dont le coût a augmenté en conséquence de l’inflation dans le secteur du bâtiment, sera livrée en 2024

4. La DRSD sera au cœur du dispositif prévu à l’article 42 de la loi de programmation militaire 2024-2030

5. La DRSD poursuivra en 2024 sa mission de surveillance des mouvements extrémistes violents

III. Le budget alloué à l’innovation de défense en 2024 s’inscrit pleinement dans les objectifs fixés en la matière dans la loi de programmation militaire 2024-2030

1. Un budget conforté à 1 milliard d’euros en crédits de paiement et de nouvelles priorités pour l’Agence de l’innovation de défense

2. Au-delà des projets technologiques de défense, les dispositifs de soutien aux projets d’accélération de l’innovation doivent demeurer une priorité

IV. La DGRIS poursuivra sa mission de soutien à la recherche stratégique au bénéfice du rayonnement international de la France

1. Un budget en hausse, réparti entre deux actions

a. L’analyse stratégique est portée par la sous-action 7.1 « analyse stratégique »

b. L’action 8 regroupe les crédits dédiés aux relations internationales de défense

2. Des dispositifs de soutien à la recherche stratégique dont il faudrait faire un bilan approfondi

V. Le programme 144 regroupe enfin les crédits dédiés aux quatre écoles et aux deux opérateurs sous tutelle de la DGA

1. Quatre écoles d’excellence : Polytechnique, ENSTA Paris, ENSTA Bretagne et ISAE-Supaéro

2. Deux opérateurs moteurs d’innovation : l’ONERA et l’ISL

deuxième partie :  La présence militaire française à Djibouti

I. Djibouti, un îlot de stabilité dans un environnement régional complexe et volatil

II. La présence militaire française à Djibouti est encadrée par un traité de coopération militaire et de défense dont le cœur est la clause de sécurité

1. Le traité de coopération bilatéral de défense de 2011

2. Les Forces françaises stationnées à Djibouti

3. Un excellent niveau de coopération entre les FFDj et les FAD

4. La conduite de l’opération Sagittaire illustre parfaitement l’importance de la présence militaire française à Djibouti, rendue possible par l’excellente coopération avec le partenaire djiboutien

III. Djibouti a conduit une politique de diversification de ses partenariats militaires étrangers depuis plusieurs années

1. Les États-Unis

2. La Chine

3. Le Japon

4. L’Italie

IV. QUel avenir pour la présence militaire française à Djibouti et, plus largement, pour la coopération bilatérale ?

CONCLUSION

Travaux de la commission

I. Audition de Mme Alice Rufo, directrice générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des Armées

II. EXAMEN DES CRÉDITS

ANNEXE 1 :  AUDITIONS ET DéPLACEMENTS DU RAPPORTEUR POUR AVIS

ANNEXE 2 :  GLOSSAIRE DES PRINCIPAUX ACRONYMES

 


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   Introduction

 

L’année 2024 sera une année cruciale à plusieurs égards. Il s’agira tout d’abord de la première année d’exécution de la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, adoptée à une très large majorité par le Parlement. Grâce à cette nouvelle loi de programmation ambitieuse, le ministère des Armées sera en mesure de relever les nombreux défis qui l’attendent, et singulièrement dans les domaines du renseignement et de l’innovation de défense, qui sont à la fois deux priorités fortes de la loi de programmation militaire ainsi que les deux principaux postes de dépense inscrits dans le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense » dont traite cet avis.

Mais les engagements pris dans le cadre d’une loi de programmation militaire doivent se traduire, chaque année, dans les projets de loi de finances qui, seuls, ont une portée contraignante. En effet, les lois de programmation n’ont pas de portée normative ([1]) [2] ; de sorte que le respect des engagements pris dans les articles de loi ainsi que dans le rapport annexé doivent faire l’objet d’une vérification, scrupuleuse par le Parlement, dans les projets de loi de finances successifs.

Ainsi, dans le cadre de ses travaux, le rapporteur pour avis a vérifié que les engagements pris dans le cadre de la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 ont bien été tenus. Après examen, il constate que les budgets alloués aux armées, directions et services relevant du programme 144 sont à la hauteur des enjeux : les budgets alloués à la DGSE et à la DRSD sont en augmentation, tout comme celui alloué à l’AID, qui voit ses crédits de paiement confortés à un niveau supérieur au milliard d’euros ; engagement pris dans le cadre de la précédente loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et tenu, sans discontinuité, depuis 2022. Ces budgets en hausse permettront à l’ensemble de ces services de faire face aux défis qui les attendent et de lancer leurs feuilles de route pour satisfaire les priorités arrêtées dans la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030. L’année 2024 sera d’ailleurs une année charnière pour chacune de ces entités, que ce soit la DGSE avec le lancement du projet immobilier du Fort Neuf de Vincennes, la DRSD avec la livraison de sa nouvelle direction centrale ou encore l’AID avec le lancement de sa nouvelle feuille de route.

L’année 2024 sera également une année cruciale pour le partenariat bilatéral entre la France et la République de Djibouti. En effet, l’accord de défense bilatéral entre nos deux pays, signé en 2011 et ratifié en 2014, arrive à expiration le 30 avril 2024. Des négociations sont en cours pour le renouveler. Compte tenu de cette temporalité, le rapporteur pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de son avis à la présence militaire française à Djibouti. À ce titre, il s’est rendu à Djibouti du 19 au 22 septembre et a conduit plusieurs auditions à l’Assemblée nationale et en dehors.

Grâce à ces échanges fructueux, le rapporteur pour avis a pu dresser un état des lieux des enjeux de la présence militaire française dans le pays et, plus largement, de la vitalité de la coopération bilatérale en matière de défense avec les forces armées djiboutiennes. Il a pu apprécier, à cette occasion, l’importance de ce pays ainsi que l’affection sincère qu’ont les Djiboutiens pour la France.

Le rapporteur pour avis remercie chaleureusement les Djiboutiens pour leur accueil et leur hospitalité. Il souhaite tout particulièrement remercier M. Dileita Mohamed Dileita, président de l’Assemblée nationale de Djibouti, Mme Nouria Waberi Ouffaneh, présidente de la Commission de la Défense Nationale de l’Assemblée nationale, le général de corps d’armée Zakaria Cheikh Ibrahim, chef d’état-major général des armées ainsi que M. Mohamed Ali Hassan, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale, pour la grande qualité des entretiens qu’il a eus avec chacun d’entre eux. Il souhaite également remercier Son Excellence Ayeid Mousseid Yahya, ambassadeur de la République de Djibouti en France, pour son concours dans l’organisation de ce déplacement.

Enfin, le rapporteur pour avis souhaite remercier tout particulièrement Son Excellence Mme Dana Purcarescu, ambassadrice de France à Djibouti, Mme Christelle Chatrian-Gomez, première conseillère, le général de brigade aérienne Laurent Boïté, commandant des Forces françaises installées à Djibouti, le colonel Stéphane Caille, attaché de défense, ainsi que l’ensemble des militaires déployés à Djibouti et, plus largement, tous les membres de l’équipe France qui, chaque jour, œuvrent au rapprochement de nos deux pays.

 

 


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   PREMIÈRE PARTIE :

Un budget ambitieux qui s’inscrit pleinement dans la trajectoire fixée dans la loi de programmation militaire 2024-2030

 

Le budget inscrit dans le programme 144 poursuit sa hausse, en conformité avec les ambitions arrêtées dans la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, avec 2,198 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 1,968 milliard d’euros en crédits de paiement.

Le tableau ci-dessous présente la répartition des crédits entre les actions et sous-actions du programme (en millions d’euros) :

Toutefois, cette présentation technique des budgets ne rend pas compte de la répartition entre les principaux programmes, entités ou catégories de dépenses qui relèvent du programme. Par souci de lisibilité, le tableau ci-après présente la répartition des budgets en question, en millions d’euros, hors dépenses de personnel.

 

Répartition et évolution des budgets entre les principaux programmes, entités ou catégories de dépenses relevant du programme 144, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, entre la loi de finances pour 2023 et le projet de loi de finances pour 2024

I.   Un budget de la DGSE en hausse pour faire face aux défis de demain et lancer le projet immobilier du Fort Neuf de Vincennes

1.   Un budget en hausse dans le programme 144

Le budget de la DGSE, dont les crédits sont rattachés à la sous-action 3-1 « renseignement extérieur », voit sa ressource augmenter de 16 % en autorisations d’engagement et de 2 % en crédits de paiement. Interrogée, la DGSE a estimé que ces crédits sont « très satisfaisants ». En effet, « ce budget permet à la fois de consolider la marche prévue au titre de la précédente loi de programmation militaire 2019-2025 et de poursuivre les efforts prévus au titre de la loi de programmation militaire 2024-2030 ».

Pour 2024, les ressources permettront au service de maintenir son niveau de capacité technique, en particulier sur les grands programmes mutualisés au profit des armées et de la communauté nationale du renseignement. Ces ressources lui permettront également de respecter les objectifs fixés en matière de cyberdéfense. De ce point de vue, comme indiqué par la DGSE, « l’essentiel des efforts sera consacré aux capacités techniques dans le domaine de la cyberdéfense ; au profit, donc, de la direction technique et de l’innovation du Service ».

2.   Le budget de la DGSE ne se limite toutefois pas au programme 144

Toutefois, afin de rendre compte de manière précise de l’effort financier au profit de la DGSE, il convient de considérer l’ensemble de ses ressources. En effet, le BOP de la DGSE se répartit principalement entre deux programmes de la mission « Défense » dans le PLF pour 2024 :

– le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », à hauteur de 509 millions d’euros en AE et de 425,3 millions d’euros en CP ;

– et le programme 212 « Soutien de la politique de la défense », à hauteur de 563 millions d’euros en AE et en CP, au titre des dépenses de personnel.

Par ailleurs, la DGSE bénéficie d’autres crédits en provenance d’autres programmes :

– le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », à hauteur de 84 millions d’euros, au titre des fonds normaux dédiés aux grands programmes mutualisés au profit de l’ensemble de la communauté du renseignement ;

– le programme 178 « Préparation et emploi des forces », à hauteur de 10 millions d’euros ;

– et, plus récemment, le programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice », à hauteur de 2 millions d’euros.

3.   L’année 2024 marquera le lancement du projet immobilier du Fort Neuf de Vincennes

Le ministère des Armées a souhaité doter la DGSE d’un nouveau siège afin de maintenir le Service parmi les meilleurs mondiaux. Actuellement, l’accroissement des effectifs et le déploiement de nouvelles capacités techniques se heurtent aux limites physiques de son site actuel du boulevard Mortier.

Le projet de nouveau siège du Service vise à la construction d’un ensemble immobilier de 130 000 mètres carrés de surface de plancher, constitués essentiellement d’espaces tertiaires. Il permettra d’accueillir 6 000 postes de travail ainsi que les équipements nécessaires aux missions du service et à la vie des agents. Au-delà des besoins du Service, le nouveau siège permettra une amélioration globale de la fonction « renseignement », tant au profit des armées que de toute la communauté du renseignement.

a.   Le calendrier prévisionnel du projet a été décalé de 4 ans par rapport aux prévisions initiales

La notification du marché est envisagée pour la fin de l’année 2023, au terme d’une consultation lancée à l’été 2021. Le démarrage des travaux est prévu fin 2025. Les opérations liées à la libération du Fort Neuf de Vincennes, actuellement occupé par des unités du ministère des Armées (notamment la force Sentinelle), sont pilotées par le SGA.

La libération du Fort Neuf de Vincennes par les armées s’effectuera en deux temps :

– à partir de 2024, les armées libèrent les trois quarts du site pour le début des travaux du nouveau siège et conservent le quart nord-ouest pour accueillir des unités de l’opération Sentinelle ;

– et après 2031, les armées libèrent le quart nord-ouest, qui sera intégré au projet de nouveau siège.

Le calendrier prévisionnel ci-dessous présente les dates, au 1er septembre 2023, de chaque étape du projet :

– mai 2021 : lancement de la consultation ;

– été 2021-printemps 2022 : première phase de la consultation ;

– été 2022-automne 2023 : seconde phase de la consultation (choix du projet) ;

– début 2023 : mise en compatibilité effective des documents d’urbanisme ;

– fin 2023 : notification du marché principal ;

– 2024-fin 2025 : études de conception par le groupe lauréat ;

– 2026-2030 : chantier ;

– 2030-2032 : exploitation-maintenance ;

– après 2031 : libération par les armées du quart nord-ouest et intégration de cette parcelle au nouveau siège.

S’inscrivant dans un contexte économique défavorable, caractérisé en particulier par une forte hausse de l’inflation dans le secteur du bâtiment en 2022 à la suite de la guerre en Ukraine, la procédure de consultation du projet de nouveau siège a été allongée dans un objectif de maîtrise des coûts. La notification du marché a été ainsi décalée à la fin de l’année 2023. Le démarrage des travaux interviendra à l’issue des études de conception dont la fin est prévue en 2025. La prolongation de la durée de la consultation et l’ajustement de la durée prévisionnelle des travaux portent ainsi la livraison de l’opération à l’année 2030.

b.   Un marché de type « conception-construction-aménagement-entretien-maintenance »

Le mode de dévolution retenu pour la réalisation du projet est un marché de type « conception construction aménagement entretien maintenance ». Deux groupements se sont portés candidats.

Le choix du projet de nouveau siège est organisé sous la forme d’une consultation avec les deux groupements qui se déroule en deux phases. Les groupements candidats ont présenté chacun deux propositions qui ont été analysées lors d’une première phase de dialogue de janvier à mars 2022. Le 5 avril 2022, le Service a sélectionné un projet par groupement pour la seconde phase. Celle-ci a débuté avec la transmission du document de consultation final au mois de juillet 2022 et les deux offres finales ont été remises en novembre 2022. Le choix du projet lauréat est prévu au terme de nouveaux échanges sur les offres finales, afin de permettre la notification du marché principal au quatrième trimestre 2023.

L’analyse des projets se déroule, entre autres, sous la forme de commissions consultatives thématiques composées de représentants de la DGSE et des autres services du ministère des Armées, de l’administration déconcentrée, des villes de Paris et de Vincennes ainsi que de personnalités qualifiées issues des secteurs de l’architecture et de la maîtrise d’ouvrage publique.

c.   Un coût supérieur au coût initial en raison du contexte économique défavorable consécutif à la guerre en Ukraine

Lors du comité financier du 30 août 2023, la direction du budget du ministère chargé de l’Économie et des Finances a demandé au Service de préciser l’ensemble des coûts directs et indirects induits par le projet, en intégrant notamment les provisions pour hausse des prix et pour aléas financiers. À ce jour, le surcoût du projet immobilier est estimé à 184,8 millions d’euros.

Interrogée au sujet de ce surcoût, la DGSE a indiqué qu’il s’agit d’un montant « à la fois élevé et pas totalement invraisemblable. Ce surcoût est surtout lié au contexte économique défavorable car nos consultations ont été percutées par la crise en Ukraine et ses conséquences sur le niveau de l’inflation. Par ailleurs, ce surcoût prend en compte des aléas que nous avons intégrés par précaution mais qui ne seront pas forcément consommés in fine, ce qui n’est pas, du reste, notre objectif. Ainsi, nous avons sincérisé les coûts du projet, de sorte que celui-ci est aujourd’hui totalement financé. Quand nous avions lancé le projet en 2021, son financement s’étalait sur deux lois de programmation militaire, de sorte que des incertitudes pouvaient peser sur le financement au-delà de 2025. Aujourd’hui, compte tenu de la période de la loi de programmation militaire, qui s’étend de 2024 à 2030, l’ensemble des coûts du projet est intégré dans les chroniques budgétaires annuelles ». Ce surcoût entraîne une hausse d’environ 17 % par rapport au coût initial du projet.

 

Le rapporteur pour avis continuera de suivre les évolutions de ce projet. Il constate que les craintes qu’il a exprimées par le passé sur les conséquences de l’inflation dans le secteur du bâtiment sur le coût du projet se sont concrétisées. Compte tenu de l’importance du projet, très attendu par les personnels du Service qui devront attendre plus longtemps que prévu pour y emménager, et du caractère déjà très élevé du surcoût, il veillera à la bonne gestion du projet à l’avenir.

 

II.   2024 sera une année cruciale pour la DRSD

1.   Le budget de la DRSD lui permettra de poursuivre la conduite de ses missions de contre-ingérence

Le budget de la DRSD s’élève à 31,67 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 50,95 millions d’euros en crédits de paiement. Elle correspond aux besoins prioritaires exprimés par la DRSD. Par rapport à la LFI pour 2023, la dotation 2024 est en hausse de 18 % en autorisations d’engagement et en baisse de 14 % en crédits de paiement. Cette évolution en crédits de paiement est liée aux travaux de construction du nouveau bâtiment de la direction centrale de la DRSD et ne remet pas en cause les moyens dont dispose le Service.

Hors construction du bâtiment « bis » de la nouvelle direction centrale, le budget du Service est de 24,60 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 23,95 millions d’euros en crédits de paiement. Le Service poursuivra ainsi sa montée en puissance capacitaire et opérationnelle, à travers le renouvellement de ses équipements, le développement de ses systèmes d’information et de sa fonction cyberdéfense.

À ce titre, les principaux investissements sur 2024 concernent :

– la nouvelle base de souveraineté du service SIRCID, qui permettra de stocker et d’exploiter le renseignement à partir d’une solution logicielle purement nationale. L’outil entrera en service en 2024 ;

– l’outil ENF, pour optimiser l’émission des avis d’habilitations en automatisant les processus de recueil et d’analyse de données provenant de sources ouvertes sur le web ;

– et le déploiement du CERT [ED], qui offre une capacité de veille, de suivi et de traitement des incidents au profit des entreprises de défense qui ne dépendent pas du périmètre de l’ANSSI.

2.   Une nouvelle doctrine de contre-ingérence : la contre-ingérence informationnelle

La DRSD a mis en place une nouvelle doctrine de « contre-ingérence informationnelle » (C2I), en plus des trois catégories de contre-ingérence actuelles (contre-ingérence économique, contre-ingérence des forces et contre-ingérence cyber). L'objectif est de faire de la veille informationnelle et réputationnelle sur les entreprises de la BITD, en particulier celles qui participent à des programmes de grande ampleur, afin de les accompagner au mieux, car, comme l’a indiqué la DRSD lors de son audition, « si certaines entreprises font d'ores et déjà ce travail de veille, en particulier les grands groupes, il peut y avoir des manquements s'agissant des entreprises de la chaîne d'approvisionnement ».

3.   La nouvelle direction centrale, dont le coût a augmenté en conséquence de l’inflation dans le secteur du bâtiment, sera livrée en 2024

La construction du bâtiment dit « 2bis » avance conformément aux prévisions. Il devrait être livré au deuxième semestre 2024. L’enveloppe financière prévue pour cette opération pilotée par l’ESID d’Île-de-France s’élève à 91 millions d’euros. L’impact de l’inflation sur le coût global du projet a été anticipé en prévoyant une forte hausse de l’indice sur lequel sont indexés les prix prévus dans le marché de conception-réalisation. L’impact financier sur la durée totale des travaux s’élève à 10,52 millions d’euros.

Les dépenses mobilières incluent l’ameublement et le déménagement de divers équipements. Elles sont évaluées à ce stade à 2 millions d’euros.

 

 

Le rapporteur pour avis continuera de suivre les évolutions de ce projet. S’agissant de ce projet immobilier, le rapporteur pour avis constate également les conséquences de l’inflation sur le coût total, toutefois plus limitées que celles sur le projet immobilier de la DGSE compte tenu du différentiel de coût initial.

 

4.   La DRSD sera au cœur du dispositif prévu à l’article 42 de la loi de programmation militaire 2024-2030

Le principe de l’article 42 de la loi de programmation militaire 2024-2030 est une déclaration individuelle préalable à une prise de fonction rémunérée, au sein d’une entité étrangère, dans le domaine de la sécurité et de la défense. Ce dispositif repose sur deux volets distincts et complémentaires : dissuasion et sanction.

Dès lors qu’il sera confirmé qu’un déclarant relève bien de ce dispositif, la DRSD sera saisie. Elle sera chargée de formuler un avis sur l'individu qui a eu connaissance de savoir-faire militaires opérationnels et qui souhaite travailler dans une entreprise étrangère ainsi que sur l'entreprise dans laquelle il souhaite travailler dès lors qu’elle se situe en France et qu’elle est connue du Service, tandis que la DGSE s'occupera des entreprises situées en dehors du territoire national. L’action du Service s’apparentera à une enquête administrative d’habilitation : il évaluera l’environnement de l’individu et ses vulnérabilités éventuelles. Il ne devrait donc pas être nécessaire pour le Service de travailler directement avec la DGA dans ce cadre. Celle-ci, comme d’autres organismes concernés du ministère ainsi que le CEA-DAM, évaluera la compatibilité entre la sensibilité des savoir-faire du déclarant et l’emploi envisagé.

Les éléments résultant des investigations de la DRSD, qui devront être rendues en deux mois, constitueront l’un des éléments d’appréciation dont disposera in fine le ministre. À ce jour, il est difficile d’estimer la charge de travail induite par la mise en place de ce nouveau mécanisme. En effet, comme l’a indiqué la DRSD lors de son audition, « aujourd'hui, nous avons de grosses interrogations sur le nombre de dossiers qui nous seront soumis. Nous devons d'abord identifier la liste des métiers qui relèvent du périmètre de l'article 42 de la loi. Si des individus refusent ou omettent de se soumettre à ce mécanisme alors qu'ils y sont tenus, des sanctions seront prises, notamment au niveau des pensions. Ce mécanisme permettra de dissuader des individus tentés par le fait de travailler pour des compétiteurs stratégiques qui les recrutent pour leurs savoir-faire, que nous devons protéger ».

 

Le rapporteur pour avis suivra avec attention la mise en place de ce mécanisme et l’impact que celui-ci aura sur la charge de travail induite pour la DRSD.

5.   La DRSD poursuivra en 2024 sa mission de surveillance des mouvements extrémistes violents

Dans le cadre de sa mission de contre-ingérence, la DRSD est historiquement pleinement impliquée dans la lutte contre les extrémismes violents. Elle conduit cette action en relation permanente avec les services du ministère de l’Intérieur, sous la coordination de la CNRLT.

Dans ce contexte, l’implication de militaires ou d’agents civils du ministère continuera en 2024 à faire l’objet d’une attention particulière, la promotion de discours haineux ou la commission d’actes violents motivés par le rejet d’une communauté en raison de son origine, sa religion ou son orientation sexuelle étant, outre leur caractère illégal, totalement incompatibles avec les valeurs promues par les armées. Les cas individuels identifiés par la DRSD font ainsi l’objet d’investigations afin de caractériser leur niveau d’implication et de dangerosité. Le résultat de ces recherches permet aux armées de prendre des mesures disciplinaires adaptées.

Comme dans le domaine de l’islam radical, le Service observe que les processus de radicalisation sont parfois très rapides et que les réseaux sociaux jouent un rôle croissant, rendant indispensable la surveillance de ceux-ci. Le cas des deux militaires issus du 35e régiment d’infanterie récemment identifiés par le média StreetPress est à cet égard illustratif : les deux intéressés sont de jeunes engagés qui ne montraient aucun signe de radicalisation au moment de leur recrutement. Les investigations menées par le Service semblent mettre en évidence une adhésion très récente à l’ultra-droite sous l’influence de contenus en ligne, ce qui aurait poussé au moins l’un d’entre eux à se rapprocher d’un groupuscule local. En effet, comme l’a indiqué la DRSD lors de son audition, « il s'agit d'individus radicalisés récemment, selon toute vraisemblance à travers les réseaux sociaux, dont les algorithmes enferment les individus et nourrissent, de ce fait, la radicalisation. L'un d'entre eux a déserté et l'autre a démissionné. Les individus qui ont des tatouages néo-nazis sont assez faciles à identifier. Mais lorsque les individus sont dans une zone grise, s'abstiennent de tout appel à la haine et ne versent pas dans l'illégalité, le suivi est plus difficile. Nous essayons d'assurer un suivi beaucoup plus pointu de ces profils pour déceler au plus tôt les signaux faibles qui nous permettront de les entraver ».

En matière de surveillance de l’ultragauche, le Service est particulièrement attentif au recours à la violence de plus en plus désinhibée d’une partie de la mouvance. Cette évolution est inquiétante, notamment dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et compte tenu de la contribution importante des armées à la sécurisation de l’évènement. Une grande vigilance est également apportée à la sécurisation des entreprises relevant de la BITD, susceptibles de faire l’objet de sabotages de la part de groupuscules écologistes radicaux ou de militants d’ultragauche opposés au commerce de l’armement.

En matière de suivi de la radicalité d’origine islamiste, la feuille de route de la DRSD pour 2024 s’inscrit dans la continuité de la posture nationale adoptée à partir de 2015. La DRSD s’y intègre parfaitement en coordination avec les services de renseignement partenaires sur cette thématique.

Enfin, la doctrine sur la lutte contre le séparatisme de novembre 2021 est l’expression d’un élargissement de l’orientation nationale dans laquelle s’inscrit aussi le Service : elle vise des acteurs aux stratégies de nuisance plus insidieuses qui militent aussi pour une vigilance spécifique au sein du ministère.

III.   Le budget alloué à l’innovation de défense en 2024 s’inscrit pleinement dans les objectifs fixés en la matière dans la loi de programmation militaire 2024-2030

1.   Un budget conforté à 1 milliard d’euros en crédits de paiement et de nouvelles priorités pour l’Agence de l’innovation de défense

Le budget de la sous-action 7.3 « études amont » voit ses montants confortés dans le projet de loi de finances pour 2024. Celui-ci s’élève à 1,183 milliard d’euros en autorisations d’engagement et à 1,017 milliard d’euros en crédits de paiement.

Répartition du budget de la sous-action 7.3 (en millions d’euros)

L’ambition arrêtée dans la loi de programmation militaire 2019-2025 de porter les crédits de paiement dédiés à l’innovation de défense à 1 milliard d’euros en 2022 est ainsi confortée, en cohérence avec l’engagement pris en ce sens dans la loi de programmation militaire 2024-2030.

La feuille de route de l’AID s’articulera en 4 modes d’action :

– s’appuyer sur des démonstrateurs d’envergure pour accélérer le développement en boucle courte ;

– explorer les technologies de rupture très amont ;

– soutenir les filières critiques et renforcer la souveraineté ;

– et s’ouvrir à de nouveaux modes de captation afin d’accélérer les passages à l’échelle opérationnels.

Cette démarche s’incarnera prioritairement au travers du développement des dix technologies de ruptures clés pour la défense identifiées dans la loi de programmation militaire 2024-2030 et la réalisation de 15 grands démonstrateurs les mettant en œuvre.

Budgets alloués aux domaines technologiques prioritaires en 2024

2.   Au-delà des projets technologiques de défense, les dispositifs de soutien aux projets d’accélération de l’innovation doivent demeurer une priorité

Au-delà des grands projets technologiques, l’innovation de défense issue des entreprises, et singulièrement des PME, est soutenue, de manière concrète, par plusieurs programmes et dispositifs :

– le programme ASTRID, d’un montant de 8 millions d’euros, dont l’objectif est le soutien des projets duaux de recherche exploratoire et d’innovation de haut niveau, à un niveau de maturité technologique allant de 1 à 4, de type mixte entre les organismes de recherche et les entreprises, qui traitent des problématiques de recherche d’intérêt pour le secteur de la défense ;

– le programme ASTRID Maturation, d’un montant de 4 millions d’euros, qui vise à valoriser les travaux scientifiques duaux financés par la défense et qui permet notamment de mettre en avant les projets développés avec succès dans le cadre du programme ASTRID, dans le cadre d’un partenariat entre un organisme de recherche et une entreprise, jusqu’à un niveau de maturité supérieur ou égal à 5 ;

– le dispositif RAPID, d’un montant de 44 millions d’euros, mis en place en 2009, qui subventionne des projets d’innovation d’intérêt dual portés par des PME ou des ETI de moins de 2 000 salariés, seules ou en consortium avec un ou deux partenaires. Ces partenaires peuvent être des laboratoires, des organismes de recherche publics, des associations ou d’autres entreprises ;

– le fonds Definvest, d’un montant de 10 millions d’euros, qui correspond à un fonds d’investissement pour le soutien du développement des PME stratégiques pour le secteur de la défense par des prises de participations au capital des entreprises technologiques du secteur de la défense, aux côtés d’investisseurs financiers et industriels. L’objectif est de permettre à ces entreprises de se développer en toute autonomie grâce à l’augmentation de leurs fonds propres ;

– et le Fonds Innovation Défense, d’un montant de 20 millions d’euros, qui permet la prise de participations dans des entreprises innovantes en phase de croissance (PME, ETI, start-ups) et qui développent des technologies duales et transverses intéressant le monde de la défense. Il permet de compléter l’action publique et l’investissement privé de soutien aux entreprises innovantes présentant un intérêt pour la défense. Il est ainsi complémentaire du fonds Definvest, plus centré sur le soutien des entreprises de la BITD.

Si le budget dédié à l’innovation de défense est maintenu à un milliard d’euros en crédits de paiement, les budgets dédiés aux dispositifs de soutien aux projets d’accélération de l’innovation (RAPID, ASTRID, Definvest) ainsi que celui dédié au Fonds Innovation Défense diminuent, parfois fortement. En effet, les budgets dédiés aux dispositifs RAPID et ASTRID diminuent en crédits de paiement, respectivement de 12 % et 11 %. Les fonds Definvest et Fonds Innovation Défense, quant à eux, voient leurs crédits de paiement diminuer de 50 % et de 43 %. Il en va de même s’agissant des autorisations d’engagement – à l’exception du dispositif ASTRID –, qui diminuent, par exemple, de 50 % pour le fonds Definvest, et même de 100 % pour le Fonds Innovation Défense.

Si les augmentations et les baisses de crédits peuvent fluctuer ponctuellement d’une année sur l’autre au profit d’autres catégories de projets sans remettre en cause les ambitions initiales, l’ampleur de ces baisses interpelle et peut susciter des inquiétudes.

 

Si les augmentations et les baisses de crédits peuvent fluctuer ponctuellement d’une année sur l’autre au profit d’autres catégories de projets sans remettre en cause les ambitions initiales, le rapporteur pour avis exprime une inquiétude quant à cette baisse, parfois drastique, des budgets alloués aux projets d’accélération de l’innovation, et ce d’autant plus que les éléments de justification transmis par le ministère des Armées n’ont pas permis d’en comprendre précisément les raisons. Il surveillera ces budgets avec attention à l’avenir.

 

IV.   La DGRIS poursuivra sa mission de soutien à la recherche stratégique au bénéfice du rayonnement international de la France

1.   Un budget en hausse, réparti entre deux actions

a.   L’analyse stratégique est portée par la sous-action 7.1 « analyse stratégique »

Le budget dédié à l’analyse stratégique s’élève à 9,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 9,6 millions d’euros en crédits de paiement. Ce budget a pour objectif d’éclairer le ministère des Armées sur l’évolution du contexte stratégique en général et, plus particulièrement, dans sa dimension internationale. La sous-action 7.1 « analyse stratégique » porte sur l’analyse prospective de l’évolution de l’environnement international, en particulier des risques et des menaces qui peuvent affecter la sécurité de la France et de l’Union européenne. L’objectif est d’anticiper les tendances à moyen et long terme, afin d’identifier les ruptures et les surprises stratégiques qui pourraient potentiellement affecter l’environnement international ainsi que ses conséquences prévisibles sur la politique de défense française. Ce budget est géré par la DGRIS.

Pour atteindre ces objectifs, le ministère des Armées, par l’intermédiaire de la DGRIS, commande des études et recherches à des prestataires privés et des instituts ou centres de recherche publics. Les résultats de ces recherches sont publiés sur le site internet de la DGRIS, sauf exceptions.

Le tableau ci-dessous décrit les outils dont dispose la DGRIS pour mener à bien ses missions de soutien à la recherche stratégique :

 

Entité ou programme

Description et objectifs poursuivis

Études prospectives et stratégiques

Ensemble de dispositifs de soutien de la recherche stratégique nationale pour la sécurité et la défense

Observatoires

Études pluriannuelles commandées auprès d’organismes de recherche

Consultances

Études commandées auprès d’organismes de recherche d’un montant inférieur à 800 000 euros

Personnalités d’avenir - Défense

Sensibiliser les futures élites étrangères, civiles et militaires, aux positions françaises en matière de sécurité et de défense

Pacte Enseignement Supérieur

Dispositif de soutien financier à la recherche stratégique pour régénérer le vivier des chercheurs et faire émerger une filière universitaire sur les questions de défense

Club Phoenix

Club réunissant des chercheurs et des acteurs du monde de la défense

IRSEM

Institut de recherche sur les questions de défense sous la tutelle de la DGRIS

 

b.   L’action 8 regroupe les crédits dédiés aux relations internationales de défense

Par ailleurs, la DGRIS gère les crédits inscrits à l’action 8 « Relations internationales et diplomatie de défense ». Ceux-ci regroupent les postes de dépense suivants :

– la contribution française au budget de fonctionnement de l’AED ;

– le partenariat mondial du G7 pour la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive (PMG7) ;

– le Forum international de Dakar ;

– le Forum de la paix de Paris ;

– les dépenses de fonctionnement des missions de défense et des représentations militaires auprès des organisations internationales ;

– et la contribution annuelle forfaitaire dont la France est redevable vis-à-vis du gouvernement de la République de Djibouti.

2.   Des dispositifs de soutien à la recherche stratégique dont il faudrait faire un bilan approfondi

En 2015, sur la base du constat d’une paupérisation croissante, en qualité et en quantité, du vivier des chercheurs français et d’une fragilité accrue des think tanks en matière de défense, la DGRIS a réformé son dispositif de soutien à la recherche stratégique relevant du domaine des sciences humaines et sociales. Cette réforme visait à garantir à moyen terme la satisfaction des besoins spécifiques du ministère et posait comme objectif de long terme le développement du vivier des chercheurs français. Elle se fonde sur une politique volontariste en faveur de l’offre, qu’elle soit privée (think tanks, instituts de recherche) ou publique (universités), ainsi que par la mise en œuvre d’un partenariat spécifique avec les acteurs académiques, via le Pacte Enseignement Supérieur.

Depuis lors, cette réforme s’est notamment traduite par :

– la réorganisation de l’IRSEM (révision des statuts et des orientations stratégiques, renouvellement de l’équipe de direction, des équipes de recherche et du conseil scientifique) ;

– la création d’un nouveau vecteur contractuel (contrat-cadre) ;

– la mise en place d’allocations doctorales et postdoctorales ;

– la création du label « centres d’excellence » au profit d’équipes de recherche universitaires ;

– et la création du Club Phoenix, visant à fédérer les partenaires privés au profit de l’insertion professionnelle des doctorants soutenus par le ministère.

Ces dispositifs ont porté leurs fruits. À titre d’exemple, s’agissant des allocations doctorales et postdoctorales, la DGRIS propose deux catégories de programmes à l’attention des chercheurs :

– un programme doctoral « relations internationales et stratégie », qui permet de financer 10 allocations doctorales par an pour une durée de 3 ans. 79 allocations ont été octroyées depuis 2015 ;

– et un programme postdoctoral, qui permet de financer un séjour de 12 mois à l’étranger à hauteur de deux allocations postdoctorales par an. 11 allocations ont été octroyées depuis 2016.

Au total, il y a donc plus de 90 doctorants et post-doctorants qui ont bénéficié du soutien de la DGRIS depuis 2015. Ce chiffre est important, même si, comme l’a indiqué la DGRIS lors de son audition, « il reste encore faible par rapport à nos compétiteurs ». Deux personnes ayant bénéficié de ces programmes sont d’ailleurs aujourd’hui en poste à la DGRIS, tandis que d’autres sont en poste au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

La DGRIS entretient par ailleurs des contacts avec les universités dans le cadre du PES et du Club Phoenix. L’objectif est de trouver les profils adéquats pour leur apporter un soutien financier dès lors qu’ils s’engagent dans des domaines de recherche qui présentent un intérêt pour le ministère.

 

Le rapporteur pour avis, qui a eu l’occasion de s’entretenir avec des représentants de think tanks, prend acte des actions de la DGRIS mais il estime qu’il sera nécessaire de dresser un bilan de la réforme de 2015 et, sur cette base, identifier les moyens de soutenir plus fortement les centres de recherche privés, au sujet desquels il exprime une inquiétude compte tenu de leurs capacités de financement réduites.

 

V.   Le programme 144 regroupe enfin les crédits dédiés aux quatre écoles et aux deux opérateurs sous tutelle de la DGA

1.   Quatre écoles d’excellence : Polytechnique, ENSTA Paris, ENSTA Bretagne et ISAE-Supaéro

La DGA exerce la tutelle de 4 écoles : l’École polytechnique, ENSTA Paris, ENSTA Bretagne et ISAE-Supaéro. Elle exerce également une tutelle sur l’Institut polytechnique, créé en 2019. Le tableau ci-dessous présente les budgets alloués à ces 4 écoles et à l’Institut polytechnique (en millions d’euros) :

 

Entité

Crédits de paiement en 2024

Évolution par rapport à 2023

Polytechnique

127,4

10 %

Institut polytechnique de Paris

4,4

26 %

ENSTA Paris

21,2

5 %

ENSTA Bretagne

21

10 %

ISAE-Supaéro

49

13 %

Chacune de ces écoles va poursuivre leurs feuilles de route, arrêtées dans des contrats d’objectifs et de performance couvrant la période 2022-2026.

L’an dernier, le rapporteur pour avis s’était exprimé en faveur du projet de fusion de l’ENSTA Paris et de l’ENSTA Bretagne. Interrogé par le rapporteur pour avis à ce sujet en audition à la commission de la Défense nationale et des forces armées le 3 octobre 2023, le ministre des Armées a indiqué que « tout ce [qu’il voit] arriver du rapprochement de ces deux écoles [lui] semble aller dans le bon sens. [Il a] demandé à leurs autorités de tutelle d’accompagner ce rapprochement, étant entendu que cela ne met pas en danger les deux sites ; bien au contraire, cela leur permettra de se projeter sur le long terme ».

 

Le rapporteur pour avis se félicite que le projet de fusion de l’ENSTA Paris et de l’ENSTA Bretagne soit en bonne voie. Il réitère son attachement à sa concrétisation car il estime que ce projet revêt un caractère essentiel pour la souveraineté et la réindustrialisation du pays. Il prête également une attention particulière aux cursus des élèves militaires sous statut d’IETA pour que leurs diplômes soient valorisés au meilleur niveau.

 

2.   Deux opérateurs moteurs d’innovation : l’ONERA et l’ISL

Le programme 144 regroupe enfin les crédits de deux opérateurs : l’Office national d’études et de recherche aérospatiales d’une part, et l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis d’autre part. Le tableau ci-dessous présente les budgets alloués à ces deux opérateurs (en millions d’euros) :

 

Entité

Crédits de paiement en 2024

Évolution par rapport à 2023

ONERA

146,8

25 %

ISL

23,2

5 %

L’an dernier, le rapporteur pour avis regrettait que le ministère chargé de la Santé ne donnait pas suite à la demande de l’ISL de bénéficier de la dérogation au règlement 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale lui permettant de rattacher ses salariés résidant en Allemagne et travaillant en France au système social allemand. Un contact avait été établi en ce sens en juillet 2020 avec la division « affaires communautaires et internationales » de la direction de la Sécurité sociale du ministère chargé de la Santé, qui est le service compétent pour traiter ce type de dérogation. Malgré plusieurs relances et la fourniture d’informations complémentaires, le ministère chargé de la Santé n’avait pas donné de suite à la demande.

Cette même division a indiqué à l’ISL avoir obtenu en juin dernier de la part de son ministère un arbitrage positif pour engager les négociations avec les partenaires allemands en vue d’élaborer un accord dérogatoire. La division travaille donc actuellement sur un projet d’accord, notamment sur la définition des éléments déterminant le champ d’application personnel de la dérogation.

 

Le rapporteur pour avis se félicite de l’avancée de cette procédure, qu’il appelait de ses vœux l’an dernier déjà. Il en suivra les évolutions avec attention.


—  1  —

   deuxième partie :

La présence militaire française à Djibouti

 

I.   Djibouti, un îlot de stabilité dans un environnement régional complexe et volatil

Djibouti est un pays tout à fait singulier, à la croisée de quatre zones géographiques (plaque africaine, plaque arabique, plaque indienne et plaque somalienne) et à la jonction de trois espaces stratégiques (océan indien, mer Rouge et Afrique). De ce point de vue, en dépit de sa localisation géographique en Afrique, Djibouti est à la fois un pays africain, un pays arabe et un pays indien. De plus, Djibouti est au cœur de toutes les crises régionales : climatiques, géopolitiques, économiques ou encore religieuses.

La position géographique de Djibouti en fait ainsi un acteur important sur le plan stratégique et économique. En effet, Djibouti est un carrefour maritime mondial grâce à son ouverture sur le détroit de Bab-el-Mandeb (l’un des points névralgiques du commerce mondial) et un carrefour numérique (atterrage des câbles sous-marins). Djibouti est également un débouché portuaire majeur pour les pays d’Afrique de l’Est, principalement pour l’Éthiopie enclavée (plus de 90 % des biens exportés par l’Éthiopie transitent par Djibouti).

Sur le plan militaire, Djibouti est impliqué dans les efforts de stabilisation régionale, par le biais de son engagement en Somalie depuis 2012. Plus de 1500 militaires sont déployés sur le théâtre somalien au sein de l’ATMIS, une OMP de l’Union africaine. Cet engagement représente un investissement conséquent pour les FAD, composées d’environ 12 000 hommes, soit environ 20 % de l’effectif total des FAD.

Dans la région, Djibouti est donc considérée comme un ilôt de stabilité dans un environnement immédiat très volatil et en constante évolution. Le pays est pleinement intégré et actif au sein des organisations régionales, notamment l’IGAD, dont le siège est à Djibouti. Sur le plan international, Djibouti est un allié traditionnel des pays occidentaux, notamment de la France et des États-Unis. Le pays a développé une stratégie de diversification de ses partenariats internationaux à partir des années 2000 et a considérablement renforcé ses relations avec certaines puissances asiatiques, au premier rang desquelles la Chine. Membre de la Ligue arabe depuis 1977, Djibouti renforce également ses relations avec certains pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, notamment avec l’Arabie Saoudite, la Turquie ou encore le Maroc.

II.   La présence militaire française à Djibouti est encadrée par un traité de coopération militaire et de défense dont le cœur est la clause de sécurité

1.   Le traité de coopération bilatéral de défense de 2011

La coopération franco-djiboutienne dans le domaine de la défense est régie par le traité de coopération en matière de défense (TCMD) entre la République française et la République de Djibouti, signé à Paris le 21 décembre 2011. Entré en vigueur le 1er mai 2014 pour une période de dix ans, il arrive à échéance le 30 avril 2024.

Définissant le statut des forces, cet accord est essentiellement centré sur la coopération militaire, tant dans le domaine technique (coopération structurelle) que dans celui des opérations (coopération opérationnelle).

Ce traité se démarque des accords contemporains conclus avec les autres États africains en ce qu’il comprend une clause de sécurité précisant les formes de la participation française à la défense de l’intégrité territoriale de la République de Djibouti. Il prévoit ainsi que la France participe à la police de l’espace aérien et à la surveillance des eaux territoriales selon des modalités prévues par voie d’accords particuliers.

Le traité fixe également les facilités opérationnelles accordées aux FFDj, au nombre desquelles figure la mise à disposition d’installations nécessaires à la mise en œuvre de la coopération en matière de défense. D’autres emprises peuvent également être utilisées par les FFDj, à titre temporaire et exclusif, après information des autorités djiboutiennes.

2.   Les Forces françaises stationnées à Djibouti

Les FFDj sont présentes sur le territoire djiboutien depuis l’indépendance du pays en 1977, en vertu de l’accord bilatéral formalisé par le TCMD précité. Fortes de plus de 1 450 hommes et femmes, les FFDj constituent la plus importante base militaire française permanente à l’étranger. Elles sont à la fois une base opérationnelle avancée disposant de capacités de projection propres et un pôle opérationnel de coopération. Leur zone de responsabilité permanente (ZRP) englobe neuf pays (Djibouti, Éthiopie, Érythrée, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, Ouganda, Kenya et Yémen).

Les missions des FFDj sont les suivantes :

– contribuer, en application de la clause de sécurité du TCMD, au maintien de l’intégrité territoriale de Djibouti, en assurant la police du ciel et la surveillance des eaux territoriales ;

– assurer, en tant que base opérationnelle avancée, leur contrat opérationnel, en étant en mesure d’appuyer toute unité projetée dans la région et de conduire des opérations dans la ZRP ;

– planifier et conduire, en tant que POC, des actions de partenariat militaire opérationnel dans leur ZRP ;

– contribuer à l’appréciation autonome de situation et assurer la protection des intérêts français dans la zone ;

– et garantir la liberté de navigation dans la région et soutenir les bâtiments en escale.

Par ailleurs, les FFDj offrent aux unités de métropole des possibilités uniques d’entraînement dans un environnement régional (aguerrissement et préparation opérationnelle d’écoles d’application de l’armée de Terre, l’armée de l’Air et de l’Espace, et de détachements de forces spéciales). Le rapporteur pour avis a eu l’occasion de s’en rendre compte lors de la visite du CECAD.

Les FFDj constituent une force interarmées, qui dispose d’un large spectre de capacités :

– un état-major interarmées (EMIA), qui a pour mission de planifier et de conduire les activités des FFDj dans tous les champs ;

– le 5e régiment interarmes d’outre-mer (RIAOM), composé d’une compagnie d’infanterie, d’un escadron blindé, d’une compagnie d’appui mixte génie combat / artillerie sol-sol, du CECAD, d’un détachement de l’ALAT ainsi que d’une compagnie de commandement, de logistique et de maintenance ;

– la base aérienne 188, qui comprend l’escadron de chasse 3/11 « Corse (4 Mirage 2000-5), l’escadron de transport 88 « Larzac » (1 Casa CN 235 et 3 Puma), une escale aérienne militaire, un centre de commandement des actions aériennes, un centre de contrôle aérien et des moyens de protection et de soutien aéronautique ;

– la base navale, qui comprend deux chalands de transbordement maritimes, deux pousseurs, deux vedettes rapides, un détachement de marins pompiers et un détachement de la FORFUSCO ;

– un détachement avancé des transmissions ;

– une direction interarmées du service de santé des armées, qui garantit le soutien médical et chirurgical du personnel militaire et civil des FFDj et de leurs familles ;

– une direction du commissariat et le groupement de soutien de la base des FFDj ;

– une antenne de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information, qui assure l’appui des FFDj dans le domaine des systèmes d’information ;

– une direction de l’infrastructure de la défense, en charge du patrimoine immobilier des FFDj ;

– un détachement du service interarmées des munitions ;

– et une direction du service de l’énergie opérationnelle, chargée de l’approvisionnement et du stockage des carburants.

Les FFDj devraient bénéficier du renouvellement de certains équipements d’ici 2028, conformément aux engagements pris dans la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030. Il s’agira de l’arrivée de Griffon, de Caracal, d’EDAS, de Caïman, de Jaguar et de Rafale, notamment. Ces arrivées nécessiteront de conduire des opérations d’infrastructure afin de les accueillir.

Le positionnement des FFDj est stratégique, en ce qu’il offre aux armées un avantage opérationnel conséquent avec une capacité de projection vers différentes zones (détroit de Bab-el-Mandeb, mer Rouge, océan Indien). La France est ainsi le seul pays de l’Union européenne à posséder de telles capacités militaires dans cette zone dont toute l’Europe dépend pour son approvisionnement (flux économiques, énergétiques, numériques, métaux rares).

Djibouti constitue également une plateforme logistique essentielle pour le déploiement vers l’océan Indien et un point d’appui dans le cadre de la stratégie française en indopacifique. Ce déploiement militaire offre une crédibilité opérationnelle fondant la légitimité stratégique de la France dans cette région et revêt un enjeu majeur de souveraineté dans un contexte sécuritaire volatile à proximité immédiate de nos ZEE et territoires ultramarins.

Par ailleurs, les FFDj constituent un point d’appui essentiel pour l’opération Atalante, procurant un soutien logistique important aux bâtiments en escale (accès aux infrastructures françaises, appui ravitaillement). La mission se repose également sur la base française pour l’hébergement de certaines capacités.

3.   Un excellent niveau de coopération entre les FFDj et les FAD

Accueillant sur son territoire la plus importance base militaire française permanente à l’étranger, Djibouti est le partenaire principal et privilégié de la France en Afrique de l’Est. Le dispositif de coopération encadré par le TCMD revêt un caractère singulier, optimisé et unique sur l’ensemble du spectre, intégré et très cohérent, qui repose sur une synergie très forte entre les dispositifs de coopération structurelle et opérationnelle pour appuyer les ambitions des FAD.

La puissance du partenariat bilatéral repose sur un dispositif très complet qui permet un continuum entre, d’une part, les projets de la DCSD financés par la France et mis en œuvre grâce à ses coopérants militaires techniques insérés dans les FAD (appui à la formation des cadres, conseil de haut niveau et appui à l’emploi des forces et la préparation opérationnelle, action de l’État en mer, enseignement du français), d’autre part les formations en France et en ENVR financées par la DCSD et les armées, auxquels se rajoutent les efforts d’équipements ou d’infrastructure (projets de la DCSD, cessions). Enfin, et surtout, le partenariat militaire opérationnel conduit par les FFDj qui viennent le nourrir et le compléter dans toutes ses dimensions (formation d’unités, formation des formateurs, entraînement, patrouilles voire engagements communs).

Le partenariat militaire opérationnel est très dynamique. Près de 70 % des actions menées par les FFDj sont dédiées à la formation des FAD. Leurs actions s’illustrent par des formations spécifiques et à haute valeur ajoutée au profit des FAD et des FSI. En outre, elles forment et équipent également les contingents des FAD (surnommés BATHILL) avant leur déploiement au sein de l’ATMIS.

La coopération structurelle repose sur un dispositif dense (8 coopérants « sécurité », 7 coopérants « défense » et une ENVR). À l’issue de la rencontre entre nos deux présidents en février 2021, un fonds de soutien à la modernisation des FAD a également été créé.

 

Le rapporteur pour avis a pu constater par lui-même la vitalité du partenariat avec les FAD lors de son déplacement à Djibouti, et tout particulièrement lors de son entretien avec le général de corps d’armée Zakaria Cheikh Ibrahim, chef d’état-major général des armées. Au-delà des FAD, le rapporteur pour avis a pu mesurer l’excellence des relations entre les FFDj et les personnels civils de recrutement local djiboutiens, qui apportent un concours indispensable aux forces armées françaises.

 

4.   La conduite de l’opération Sagittaire illustre parfaitement l’importance de la présence militaire française à Djibouti, rendue possible par l’excellente coopération avec le partenaire djiboutien

Le Soudan étant situé dans la ZRP des FFDj, les événements s’y déroulant dès le 15 avril 2023, au moment des premiers combats entre factions rivales à Khartoum, ont entraîné la mise en alerte de la force. La situation locale ne cessant de se dégrader et le niveau de menace pour nos ressortissants étant élevé, les FFDj reçoivent d’abord le 18 avril la mission de mener une RESEVAC entre Wadi Sayydna (située à 30 km au nord de Khartoum) et Djibouti, en activant un centre de regroupement et d’évacuation des ressortissants sur la base aérienne des FFDj.

Le statut de BOA de Djibouti à proximité (4 heures de vol) du lieu des opérations et disposant de capacités de projection propres s’est avéré être un atout majeur, pour planifier puis conduire cette mission se déroulant dans un contexte volatil, semi-permissif et incertain. Dans la même logique, le point d’appui naval permanent a permis d’exploiter l’opportunité du passage en mer Rouge de la FREMM Lorraine.

Les infrastructures de la base navale française, s’appuyant sur les installations portuaires djiboutiennes, ont constitué un outil déterminant pour faciliter le ravitaillement de la frégate dans des délais minimes (quelques heures), avant son détournement vers Port Soudan en vue de l’intégrer pleinement au dispositif d’évacuation des ressortissants.

En outre, la raison d’être du 5e RIAOM en qualité de force terrestre prépositionnée stationnée en permanence à Djibouti a également rappelé toute sa légitimité au cours de cette crise. Outil tactique léger, souple, habitué à manœuvrer dans le cadre de nombreux exercices annuels, acclimaté au milieu et connaissant l’environnement, le régiment a démontré sa capacité à engager sur très court préavis le juste volume de forces crédibles et nécessaires à la sécurisation des opérations d’évacuation, tout en déployant des moyens de commandement avancés efficaces et rapides.

Pareillement, le détachement des forces spéciales permanent des FFDj a été projeté en premier fin de sécuriser l’aéroport et d’extraire les ressortissants à Khartoum puis de faire de même sur un site de l’ONU au sud-ouest du pays dans un second temps.

Enfin, le soutien et la logistique de l’opération ont été grandement facilités par la possibilité de s’appuyer très largement sur des cellules et des structures rodées et déjà en place, notamment au sein de la direction du commissariat des FFDj. La possibilité de prendre en charge au plus vite les personnes évacuées dès leur sortie de l’avion, en profitant de capacités de suivi médical, d’hébergement et d’alimentation, a permis de fluidifier le processus.

Le positionnement stratégique des FFDj à Djibouti a ainsi démontré toute sa pertinence lors de l’opération Sagittaire, qui a fait l’objet d’un bilan circonstancié lors d’une audition en commission de la Défense nationale et des forces armées le mercredi 21 juin 2023. Au bilan, plus de 1 000 personnes de 84 nationalités ont été évacuées. L’ancrage profond et complet des FFDj dans leur environnement les a imposés comme l’élément central des opérations, pivot naturel autour duquel s’est mécaniquement articulé toute la coordination avec les autres acteurs de cette crise. Surtout, cette opération a été rendue possible grâce aux facilités accordées par les autorités djiboutiennes, notamment en matière d’octroi d’autorisations de survol.

 

 

 

Le rapporteur pour avis ne peut que se féliciter de la conduite de l’opération Sagittaire, qui démontre à la fois la très grande compétence de nos armées, mais également la pertinence du partenariat bilatéral de défense avec Djibouti. Il tient à remercier les autorités djiboutiennes pour leur excellente coopération dans ce cadre ainsi que les services de l’ambassade et du consulat de France à Djibouti, qui ont œuvré discrètement mais avec efficacité pour faciliter les évacuations.

 

III.   Djibouti a conduit une politique de diversification de ses partenariats militaires étrangers depuis plusieurs années

Djibouti accueille sur son sol 5 bases militaires étrangères permanentes : la France, les États-Unis, la Chine, le Japon et l’Italie. Avec les détachements de l’opération Atalante ([3]) [4], cela représente plus de 8 000 militaires étrangers sur son sol, pour une population locale d’environ 1 million d’habitants.

1.   Les États-Unis

Les États-Unis sont militairement implantés à Djibouti depuis 2003 et y disposent de leur plus importante base militaire en Afrique, qui regroupe l’essentiel du dispositif d’AFRICOM (plus de 4 000 hommes). Cette base est majoritairement dédiée à la lutte contre le terrorisme dans la région (Somalie et Yémen). La présence américaine à Djibouti est essentiellement d’ordre militaire, les États-Unis n’ayant que très peu investi les autres champs de la coopération. Le partenariat de défense est dynamique, notamment dans le domaine de l’armement et de la formation.

2.   La Chine

La Chine est militairement implantée à Djibouti depuis août 2017, date d’inauguration de la base de Doraleh, première base militaire outre-mer de Beijing. Cette base dispose d’une envergure importante et d’une capacité d’accueil d’au moins 5 000 personnes. Le partenariat entre la Chine et Djibouti est étroit, Pékin ayant investi tous les champs de la coopération, et en particulier sur le plan économique.

3.   Le Japon

La base nippone, ouverte en 2011, est la première et unique base militaire du Japon outre-mer. Ses capacités restent modestes et son effectif réduit (180 militaires). Si le Japon s’est initialement installé à Djibouti pour lutter contre la piraterie qui sévissait dans le Golfe d’Aden, le pays cherche désormais à renforcer sa présence à Djibouti pour contrer l’influence chinoise.

Le partenariat avec Djibouti est particulièrement riche dans le domaine de la formation et de l’équipement des garde-côtes djiboutiens, corps civil dépendant du ministre des Transports.

4.   L’Italie

L’Italie est présente de manière permanente sur le sol djiboutien depuis 2012. Avec un effectif fluctuant de quelques centaines de militaires et des capacités limitées, leur base reste modeste. La base est principalement tournée vers la Somalie (formation de la police somalienne), ancienne colonie italienne. Elle permet également de soutenir l’engagement de Rome au sein de l’opération Atalante.

IV.   QUel avenir pour la présence militaire française à Djibouti et, plus largement, pour la coopération bilatérale ?

La révision du TCMD, qui expire le 30 avril 2024, a été actée dans le cadre de la visite du président de Djibouti, Ismaïl Omar Guelleh, en France en février 2021. Une déclaration d’intention présidentielle franco-djiboutienne a été signée le 12 février 2021, qui pose les bases des négociations.

La quadrilatérale entre les ministres chargés des Affaires étrangères et de Défense des deux pays qui s’est tenue à Paris le 30 mai 2023 a marqué le début des négociations pour le renouvellement du TCMD. Ce nouveau traité devrait entrer en vigueur en 2024.

 

Compte tenu de la séparation des pouvoirs et des termes de l’article 52 de la Constitution, qui dispose que le président de la République « négocie […] les traités », le rapporteur pour avis n’a pas à connaitre ni à commenter le contenu des négociations en cours. À la suite du déplacement qu’il a effectué et des auditions qu’il a conduites, il exprime la plus grande confiance quant à l’issue des négociations.

Le rapporteur pour avis a pu mesurer, de manière très concrète, la grande convergence de vues entre la France et Djibouti à l’occasion des entretiens avec M. Dileita Mohamed Dileita, président de l’Assemblée nationale de Djibouti, le général de corps d’armée Zakaria Cheikh Ibrahim, chef d’état-major général des armées, et M. Mohamed Ali Hassan, secrétaire général du ministère chargé des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. Il a également pu l’apprécier à l’occasion des échanges qu’il a eus avec les Djiboutiens qu’il a rencontrés lors de la visite des FFDj, employés sous le statut de personnel civil de recrutement local, qui apportent, chaque jour, un concours indispensable aux militaires français.

En outre, le rapporteur pour avis exprime un souhait, par ailleurs partagé par M. Dileita Mohamed Dileita, qui lui en a fait part lors de son entretien : l’approfondissement des actions civilo-militaires. Les militaires français partagent le quotidien des Djiboutiens et sont pleinement insérés dans la vie locale. Ils doivent s’investir davantage dans ce domaine, car la France est attendue à Djibouti.

Enfin, de son point de vue, le rapporteur pour avis estime que la relation partenariale entre la France et Djibouti doit s’inscrire dans un cadre plus vaste, qui ne se limite pas à la coopération de défense. La France est présente de multiples manières à Djibouti, que ce soit à travers l’Agence française de développement ou l’Institut français. Il estime que seule une approche globale de la relation bilatérale permettra d’apprécier à sa juste valeur la teneur et la profondeur des liens qui nous unissent.

 


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   CONCLUSION

L’année 2024 sera une année charnière pour l’ensemble des entités relevant du programme 144. La loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 a fixé des ambitions fortes, qui devront se traduire, chaque année, dans les projets de loi de finances successifs. Cette année, les objectifs sont tenus.

Au-delà du contenu de cet avis, le rapporteur pour avis relève, cette année encore, plusieurs difficultés rencontrées dans la rédaction. Le projet annuel de performances de la mission « Défense » a été publié le mardi 3 octobre 2023 à 21h15, c’est-à-dire le dernier jour prévu par l’article 39 de la loi organique relative aux lois de finances et après l’audition en commission de la Défense nationale et des forces armées de M. Sébastien Lecornu, ministre des Armées. Si le délai légal a bien été respecté, la publication à une heure tardive rend, dans la pratique, impossible de prendre connaissance du document immédiatement.

Surtout, en vertu de l’article 49 de la loi organique relative aux lois de finances, les réponses au questionnaire budgétaire adressé chaque année doivent parvenir au plus tard le 10 octobre. Or, cette année, au 10 octobre, seulement 84 % des réponses avaient été transmises, contre 98 % les années précédentes. Jamais le taux de transmission des réponses au questionnaire budgétaire n’a été aussi bas. Cette situation ne saurait perdurer.

Le rapporteur pour avis rappelle que la non-transmission des réponses au questionnaire budgétaire dans le délai légal est, en toute rigueur, une violation de la loi. Il ne s’interdit pas à l’avenir, en cas de non-remise des réponses, d’aller les chercher lui-même au ministère des Armées en application de son pouvoir de contrôle sur pièces et sur place que l’article 11 de la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 lui confère.


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  Travaux de la commission

I.   Audition de Mme Alice Rufo, directrice générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des Armées

La commission a entendu Mme Alice Rufo, directrice générale des relations internationales et de la stratégie, sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680), au cours de sa réunion du mercredi 11 octobre 2023 à 11 heures.

M. le président Thomas Gassilloud. Madame la directrice générale, nous sommes ravis de vous accueillir une nouvelle fois dans le cadre de notre cycle d’auditions sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Nous vous auditionnons aujourd’hui en votre double qualité de directrice générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des armées et de responsable du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense », dont notre rapporteur pour avis est M. Jean-Charles Larsonneur.

Je rappellerai pour mémoire que le programme 144 regroupe principalement les crédits de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), de l’Agence de l’innovation de défense et, bien sûr, de la DGRIS.

Au regard des responsabilités qui sont les vôtres, l’année 2024 sera cruciale à plus d’un titre, non seulement parce qu’il s’agit de la première année d’exécution de la loi de programmation militaire (LPM), mais aussi compte tenu des projets qui se concrétiseront cette année-là : je pense notamment aux projets immobiliers de la DGSE et de la DRSD, qui, tous deux, franchiront une étape décisive.

Par ailleurs, le budget de l’innovation de défense, de plus d’un milliard d’euros en crédits de paiement, devra être mis au service des priorités arrêtées dans la LPM : je pense, par exemple, aux armes à énergie dirigée, ou encore au calcul quantique. Enfin, 2024 sera également une année importante pour la DGRIS, en charge de la politique d’influence du ministère, laquelle a été érigée au rang de fonction stratégique dans la Revue nationale stratégique. Sur ce sujet, nous attendons beaucoup de vos explications pour mieux comprendre les efforts financiers auxquels vous allez procéder, mais aussi pour mieux saisir la façon dont vous allez pouvoir soutenir une recherche active, des débats intenses et des think tanks performants, autant de critères indispensables à une politique d’influence stratégique.

Nous attendons de vous un panorama des crédits du programme 144 et que vous nous disiez dans quelle mesure ceux-ci vous paraissent être à la hauteur des ambitions fixées dans la LPM. Bien sûr, au-delà du programme 144 et des considérations budgétaires, nous serions vivement intéressés à disposer de votre regard sur la situation internationale. Les crises ne manquent malheureusement pas. Je pense notamment aux coups d’État au Niger et au Gabon cet été, à la situation au Haut-Karabakh ou, plus récemment, à la terrible attaque terroriste du Hamas contre Israël.

Mme Alice Rufo. C’est un grand honneur de m’exprimer devant vous en tant que responsable du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». Avant de vous en présenter les orientations dans le cadre du projet de loi de finances 2024, je souhaite revenir rapidement sur le double contexte dans lequel nos travaux s’inscrivent.

Le premier concerne bien évidemment celui du durcissement du contexte stratégique, y compris depuis la revue nationale stratégique présentée l’an dernier, et comme celle-ci l’a d’ailleurs anticipé. L’actualité ne cesse de le démontrer : l’évolution de la conflictualité autour du triptyque compétition-contestation-affrontement, sous des formes militaires ou hybrides, dans les champs matériels et immatériels, est marquée par un phénomène d’intensification et d’accélération.

Ce durcissement se traduit notamment par l’inscription dans la durée sur le continent européen d’une guerre conventionnelle de haute intensité, menée par une puissance dotée, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, contre un État souverain. J’avais eu l’occasion d’échanger avec votre commission sur le retour d’expérience (Retex) de la guerre en Ukraine et je crois que les conclusions que nous avions alors pu dégager, mais également les conséquences que nous en avons tirées, démontrent toute leur pertinence et leur actualité.

Le durcissement se manifeste ensuite par la multiplication des foyers de crises régionales qui perdurent et se multiplient, les unes ne chassant pas les autres. Il est également marqué par l’aggravation et l’extension des menaces qui s’additionnent, mais ne s’annulent pas. Ainsi, la menace terroriste ne faiblit pas et se nourrit au contraire de toutes les déstabilisations du contexte international. Les conséquences des dérèglements climatiques et les tensions liées aux enjeux énergétiques structurent de plus en plus l’espace de la conflictualité qui, dans le même temps, s’élargit chaque jour davantage à de nouveaux domaines dans les espaces communs (l’espace, la haute mer, les fonds marins, le numérique, le cyberespace), dans le champ informationnel et jusqu’à l’utilisation de l’arme alimentaire ou migratoire.

Enfin, le durcissement s’illustre par la fragmentation de l’ordre international qui affaiblit les cadres de règlement des conflits, rendant plus difficiles encore des réponses collectives et coopératives, pourtant incontournables pour des enjeux par essence globaux, à l’image du changement climatique.

Le deuxième élément cadre de nos travaux est bien sûr l’adoption de la LPM qui nous donne les moyens de faire face à ce durcissement du contexte stratégique et de nous préparer aussi à la conflictualité de demain. Les deux LPM successives, reposant chacune sur des exercices stratégiques solides, nous permettent d’avoir un outil militaire encore plus crédible grâce au doublement du budget de nos armées, en consolidant notre modèle d’armée complet et en faisant face aux risques et aux conflictualités nouvelles.

Le contexte international tel que nous le connaissons et tel que nous pouvons l’anticiper implique de renforcer nos capacités de renseignement et d’innovation, qui sont au cœur du programme 144, de même que nos capacités de lecture du contexte stratégique comme de construction de nos partenariats et de nos alliances, au cœur des missions de la DGRIS.

Face au durcissement du contexte stratégique et en application de la LPM, la ressource du programme 144 dans le cadre du projet de loi de finances 2024 s’élève à 2 198,4 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 1 967,6 millions d’euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 3,2 % en CP (61,4 millions d’euros) par rapport à la loi de finances initiale (LFI) 2023. Depuis 2019, première année de la précédente LPM, le programme 144 bénéficie ainsi d’une augmentation continue de sa ressource, portée par le renseignement et l’innovation, en pleine cohérence avec les conclusions de nos travaux et documents stratégiques, qui trouvent leur traduction dans la nouvelle LPM. Sous la conduite de l’état-major des armées (EMA), de la DGSE, de la DRSD, de la direction générale de l’armement (DGA) et de la DGRIS, les crédits inscrits au PLF 2024 permettront de poursuivre la remontée en puissance capacitaire des services de renseignement ; d’atteindre un niveau d’ambition élevé en matière d’innovation ; de disposer d’une expertise de haut niveau sur l’évolution de l’environnement stratégique ; de conduire la diplomatie de défense et de contribuer à notre influence, érigée l’an dernier en nouvelle fonction stratégique.

S’agissant de l’action 3, qui couvre les besoins de la DGSE et de la DRSD, les crédits s’élèvent à 540,7 millions d’euros en AE et 476,2 millions d’euros en CP, soit une augmentation de 15,7 % en AE pour un niveau quasi équivalent en CP. La DGSE poursuivra en 2024 la déclinaison de son plan stratégique, avec l’objectif de renforcer son modèle intégré, de garantir la résilience de ses infrastructures, de répondre aux exigences de sécurité liées à sa mission et d’accroître ses capacités d’action. Intégrant les axes définis par la LPM, l’année 2024 sera en particulier marquée par le développement de capacités techniques dans le domaine de la cyberdéfense, la poursuite des investissements indispensables aux standards d’un service de renseignement moderne et au profit de l’ensemble de la communauté du renseignement et le début des travaux sur le site du Fort-Neuf de Vincennes, en vue de la construction du nouveau siège.

La DRSD, dont les ressources s’élèveront à 31,7 millions d’euros en AE et 51 millions d’euros en CP, poursuivra sa montée en puissance capacitaire en effectifs et en moyens au travers d’investissements significatifs : l’acquisition d’outils de contre ingérence efficaces et innovants ; le développement de sa base de souveraineté afin de stocker et d’exploiter le renseignement à partir d’une solution nationale ; le développement de capacités pour permettre de protéger notre base industrielle et technologique de défense (BITD) face aux risques d’ingérence, et l’augmentation de la conflictualité, dont nos entreprises peuvent également être victimes.

S’agissant de l’action 7, qui couvre les besoins de la prospective de défense portés par la DGRIS, l’EMA et la DGA, ses crédits connaissent une augmentation de 4,2 % et s’élèvent à 1 447,2 millions d’euros en CP. L’action 7 se décline en quatre sous-actions. La première concerne les études prospectives et stratégiques pilotées par la DGRIS, qui représentent 9,8 millions d’euros en AE et 9,6 millions d’euros CP, et constituent, avec le Pacte enseignement supérieur, les études de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem) et les subventions pour publication, le quatrième pilier du dispositif de soutien à la recherche stratégique mis en œuvre par la DGRIS. Sur ce point, je veux souligner le fort renfort en AE de cette ligne, pour augmenter par exemple le nombre et le montant des contrats pluriannuels que nous confions aux think tanks ; une augmentation du budget dédié aux « centres d’excellence » dans les universités ; et l’ouverture d’une antenne de l’Irsem à Bruxelles. Cela concerne également le programme personnalités d’avenir défense (PAD), qui contribue à renforcer notre réseau et à sensibiliser de futures élites étrangères, civiles et militaires, aux positions françaises en matière de sécurité et de défense.

La deuxième sous-action concerne les études opérationnelles et technico-opérationnelles pilotées par l’EMA au titre de la prospective des systèmes de forces, dont les crédits sont portés à 27,5 millions d’euros en AE et en CP.

La troisième sous-action a trait aux études amont pilotées par la DGA, qui représentent le volume le plus important de l’action 7, et dont la ressource s’élève à 1 183,2 millions d’euros en AE et 1 017 millions d’euros en CP, conformément aux orientations de la LPM et à l’effort sans précédent voulu sur l’innovation. Cet effort portera sur trois axes : les nouveaux domaines de conflictualité (les fonds marins, l’espace, le champ informationnel) ; les technologies de rupture (les armes à énergie dirigée, l’hypervélocité, l’intelligence artificielle, le spectre électromagnétique, la guerre électronique) et les modes d’action. Sur ce dernier point, l’idée consiste à nous appuyer sur des démonstrateurs d’envergure et à soutenir les filières critiques pour renforcer nos capacités.

Le fonds d’investissement en capital-risque Fonds innovation défense poursuivra ses investissements dans les entreprises développant des technologies d’intérêt défense, duales et transversales aux différents systèmes de défense. Le fonds d’investissement Definvest poursuivra quant à lui son action consistant à sauvegarder des PME d’intérêt stratégique pour notre défense par des dotations en capital.

La dernière sous-action, qui comprend la gestion des moyens et subventions, est dotée de 393 millions d’euros en AE et en CP. Pilotée par la DGA, elle recouvre les subventions octroyées aux opérateurs participant à des études et recherches en matière de défense à l’instar de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera) et les écoles de la DGA, dont l’École polytechnique.

L’action 8 du programme 144 consacrée aux relations internationales et à la diplomatie de défense, dont la gestion relève de la DGRIS, est dotée de 44,2 millions d’euros en AE et en CP, soit une augmentation de 7,6 %. Ces crédits permettront d’abord de financer la contribution versée au gouvernement de la République de Djibouti au titre de l’implantation des forces françaises. Dans le cadre de l’actuel traité de coopération militaire avec Djibouti, la France s’est engagée à verser une redevance. Le programme 144 participe également au fonds de soutien à la modernisation des forces armées djiboutiennes, acté par la signature en 2021 d’une déclaration d’intention entre les présidents français et djiboutien.

Le deuxième pilier de ce budget concerne la contribution française au budget de fonctionnement de l’Agence européenne de défense (AED), dont la France est le deuxième contributeur (17 %) derrière l’Allemagne. L’année 2023 sera marquée par le renforcement du rôle de l’AED en matière de soutien à l’innovation de défense à la suite de la création en mai 2022 d’un hub dédié qui constituait l’un des livrables de la boussole stratégique et de la présidence française de l’Union européenne.

L’action 8 couvre en outre les actions de coopération bilatérale et multilatérale entreprises dans le cadre du partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive (PMG7). Elle porte enfin sur les dépenses liées au soutien de notre réseau diplomatique de défense, qui est constitué de quatre-vingt-onze missions de défense et de trois représentations militaires auprès de l’Otan, de l’Union européenne (UE) et de l’ONU. Ce réseau, le troisième au monde, est une ressource essentielle dans le contexte stratégique que nous connaissons. Il est appelé à évoluer et à se renforcer. Notre réseau de postes permanents à l’étranger (PPE) concerne 1 480 postes d’officiers, de sous-officiers et de civils présents dans les organisations internationales. Des PPE sont également présents dans des think tanks étrangers, comme l’Atlantic Council à Washington, mais aussi au Sénégal, dans l’Indo-Pacifique ou en Europe de l’Est.

Les évolutions de ce réseau sont le fruit d’un travail d’étroite concertation avec l’état-major des armées et la DGA. Le pilotage de ce réseau est essentiel dans les missions de la DGRIS, dont je rappelle ici les deux grands axes : d’une part, la stratégie, en nous focalisant sur la production de documents stratégiques, qui doivent être actualisés en permanence en nous détachant de l’urgence, pour adopter un regard adapté au temps long ; et d’autre part, le pilotage au quotidien du réseau et des relations internationales de défense, dans le cadre des dialogues stratégiques que nous menons.

Une dernière mission porte sur l’influence. Nous travaillons ici sous l’égide du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui a la responsabilité principale de la définition de notre stratégie d’influence.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Au nom du groupe Renaissance, je vous souhaite la bienvenue, Madame la directrice générale. La barbarie inédite des attentats perpétrés par le Hamas illustre une fois encore l’accélération de la dégradation de l’environnement international. La guerre en Ukraine a également rappelé le besoin d’une clarification stratégique, comme l’a souligné le Président de la République le 31 mai dernier, lors de son discours de clôture du sommet Globesec à Bratislava.

De fait, plus que jamais, ensemble avec nos alliés, nous devons faire preuve d’unité face à la contestation des démocraties libérales. La France, puissance dotée, dispose d’une doctrine claire et de moyens robustes à travers sa force de dissuasion et son modèle d’armée. Même si nous ne disposons pas encore sur le plan européen d’une doctrine stratégique commune, nous devons œuvrer au rapprochement de nos cultures stratégiques.

À cet effet, nos coopérations industrielles et opérationnelles nous permettront également de mesurer de manière concrète les progrès accomplis. Dans le contexte actuel, nous devons être capables de faire face à toute situation d’urgence. Toutefois, nous ne devons pas pour autant oblitérer la préparation de nos capacités futures, à l’instar des programmes ambitieux sur le système de combat aérien du futur (Scaf) et le char MGCS, qui vont au-delà des plateformes et annoncent aussi l’avènement du combat collaboratif.

Malheureusement, la coopération en Europe se heurte à de nombreuses difficultés. Je pense notamment à certains pays privilégiant des achats d’armements d’origine non européenne, « sur étagère », ou à la concurrence entre nos bases industrielles et technologiques de défense (BITD) nationales. Pourriez-vous, Madame la directrice générale, évoquer la situation des programmes en cours avec nos partenaires stratégiques au regard des engagements pris dans la nouvelle LPM ?

Par ailleurs, nous partageons l’idée d’une diversification de nos partenariats et notamment leur ouverture aux pays d’Europe centrale et orientale. Présente au Forum de sécurité de Varsovie la semaine dernière, j’ai pu relever quelques signaux encourageants de la part de partenaires potentiels. Ainsi, la Pologne a acquis un satellite et des équipements auprès de Thales. Madame la directrice générale, partagez-vous ce constat ?

Enfin, la LPM insiste sur la nécessité de combiner les champs physiques et immatériels, mais aussi d’accroître notre capacité d’influence, avec notamment une posture et une permanence élargies à la lutte informationnelle. Dans quelle mesure la DGRIS y contribue-t-elle ?

Mme Alice Rufo. Les attaques terroristes effroyables perpétrées contre Israël nous préoccupent évidemment au plus haut point.

Ensuite, vous avez évoqué le renforcement des programmes de coopération européenne. Vous avez indiqué que nous n’avions pas de doctrine européenne, mais nous disposons cependant d’une boussole stratégique au sein de l’UE. De même, dans le cadre de l’Otan, un nouveau concept stratégique a été adopté. En outre, les dernières années ont malgré tout été marquées par des exercices stratégiques communs. Des progrès sont donc intervenus en la matière.

Vous avez également évoqué les programmes communs Scaf et MGCS. Un séminaire gouvernemental a permis à nos autorités de s’exprimer sur la coopération franco-allemande. Le Scaf progresse puisque la phase 1B a été accomplie. J’ai par ailleurs eu l’occasion de m’entretenir avec mes homologues allemands sur le MGCS, même si la DGA est évidemment pilote sur le sujet. Je peux néanmoins confirmer la volonté du ministère allemand de la défense d’avancer sur ce dossier. La confirmation politique est donc très claire, la discussion de la feuille de route se poursuit dans de bonnes conditions. Ces programmes sont évidemment essentiels à l’heure où nous devons développer l’autonomie stratégique européenne, pour nos industries, mais aussi compte tenu de la multiplication des menaces dans notre environnement immédiat.

Il s’agit donc, là aussi, d’un sujet d’endurance : le développement de la souveraineté et de l’autonomie stratégique européennes doit intervenir dans le cadre de programmes de coopération. Dès lors, dans le contexte actuel, ces programmes revêtent une importance stratégique encore plus marquée.

Ensuite, je confirme le ressenti que vous avez pu exprimer s’agissant de la Pologne et des pays de l’Est. À la faveur de la guerre en Ukraine, nous nous sommes réinvestis sur le flanc est de l’Alliance atlantique, et donc auprès de nos partenaires d’Europe de l’Est. Nous étions déjà très impliqués, mais il est exact que nous avons été conduits à accroître notre présence, à la fois pour soutenir l’Ukraine, mais aussi pour renforcer la réassurance de nos alliés d’Europe centrale et d’Europe de l’Est, à travers notamment notre présence en Roumanie et dans les pays baltes.

Nous devons nous féliciter de la volonté de nos partenaires, lorsqu’ils augmentent leurs budgets de défense, d’investir dans des projets européens, avec la France. Notre pays prône depuis longtemps le renforcement du « pilier européen » au sein de l’Alliance atlantique, qui devient une réalité. Je confirme également notre volonté de développer une coopération de défense avec nos partenaires d’Europe de l’Est.

Vous avez évoqué à juste titre l’influence : le champ informationnel est devenu partie intégrante de nos stratégies. Ce changement implique des modifications importantes dans divers domaines, et notamment la méthode de construction de nos partenariats. Pour chaque action, nous devons anticiper la manière dont elle sera perçue et peut-être contestée par nos compétiteurs. En résumé, la DGRIS s’attache à travailler de manière plus intégrée avec les différents acteurs et à anticiper les conséquences de ses actions dans le champ informationnel.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je souhaite commencer mon propos en adressant un message de soutien inconditionnel au peuple israélien qui a subi ces derniers jours les attaques horribles et barbares menées par les terroristes du Hamas. Ces attaques aux relents de pogroms ont provoqué 1 200 morts, parmi lesquelles des personnes âgées, des femmes, des enfants. Certains ont même été décapités.

De nombreuses personnes ont été kidnappées et sont aujourd’hui menacées d’exécution publique depuis Gaza par les islamistes. Face à un tel déferlement de cruauté et de lâcheté, nous ne pouvons qu’être indignés. Le Hamas n’est pas un simple groupe armé, comme certains veulent le faire croire. Aucun parallélisme ne peut être établi entre la politique de défense de l’État démocratique d’Israël et les attaques terroristes, comme le font croire certains membres de notre assemblée, dans un même élan d’abjection et d’aveuglement.

Le Hamas a pour objectif l’instauration d’un État islamique, le djihad, et la destruction pure et simple d’Israël. Il s’agit d’une organisation terroriste islamiste. La France ne connaît que trop bien la brutalité de ces terroristes, pour avoir été, elle aussi, frappée dans sa chair par les mêmes barbares. Il est temps de réagir. En Israël, nous devons soutenir les initiatives visant à éradiquer le Hamas de la Palestine. Nous devons protéger la population otage de ces terroristes à travers, par exemple, l’ouverture d’un asile en Égypte pour les civils qui fuiraient Gaza.

Ces attaques horribles doivent également constituer une source d’enseignements pour les relations internationales et stratégiques de notre propre pays. Dans le jeu complexe du Proche et du Moyen-Orient, nos alliés sont parfois des soutiens plus ou moins avoués du Hamas. Comment percevez-vous leur positionnement par rapport à ce conflit, nos relations et nos engagements futurs avec ces mêmes protagonistes ? Par ailleurs, peut-on dire, Madame la directrice générale, comme certains le prétendent, que l’Iran est le véritable chef d’orchestre ou un complice actif de cette attaque ignoble contre le peuple israélien ?

Mme Alice Rufo. Il n’y a pas d’ambiguïté sur la condamnation absolue par la France des actes terroristes du Hamas, qui est en effet un groupe terroriste, et sur l’atrocité dont nous sommes tous témoins. Notre soutien à Israël ne fait pas plus de doute quant à son droit à se défendre contre ces attaques terroristes. Comme le Président de la République, nous sommes tous en contact avec nos homologues respectifs. Notre message est constant et vise à éviter que d’autres tirent avantage de la situation actuelle. Ce dialogue a récemment été illustré par une rencontre du format « Quint », au plus haut niveau.

Rien ne permet d’invoquer à ce stade une implication directe de l’Iran dans les actions terroristes qu’Israël a subies. Cependant, là aussi, nous pouvons condamner sans ambiguïté le soutien apporté par l’Iran à ces attaques terroristes atroces.

M. le président Thomas Gassilloud. Peut-être pouvez-vous nous rappeler les pays participant au format « Quint » ?

Mme Alice Rufo. Le format « Quint » rassemble les chefs d’État et de gouvernement des pays suivants : l’Allemagne, les États-Unis, la France, l’Italie et le Royaume-Uni.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). Le contexte international militaire, économique et écologique renforce les incertitudes autour de ce PLF 2024. Tour à tour, les états-majors nous ont fait part de leur crainte de voir l’inflation atteindre des sommets. Les catastrophes d’ampleur s’enchaînent. Les changements climatiques bouleversent résolument nos pratiques et celles des armées. Les conflits majeurs s’intensifient : le conflit russo-ukrainien, le conflit au Haut-Karabakh et ses conséquences sur la situation critique des Arméniens dans la région et, plus récemment, l’attaque criminelle et odieuse du Hamas contre Israël.

Les sabotages des infrastructures Nord Stream l’année dernière ou du Balticconnector plus récemment en témoignent : l’accroissement de nos vulnérabilités accélère les bouleversements de l’ordre international et bouscule sensiblement les projections à court et moyen terme. Dès lors, diplomatie et renseignement s’inscrivent résolument dans la stratégie de défense de la France : ils sont au cœur de nos capacités de prospective et de mise en œuvre de notre doctrine de défense, à juste titre. Le programme 144 témoigne de la volonté de poursuivre la remontée en puissance capacitaire, en effectifs et en moyens des services de renseignement. Le PLF 2024 prévoit des hausses en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour le programme « Environnement et prospective de défense ». Nous saluons ces augmentations.

Comment, selon vous, ce budget permet-il d’anticiper au mieux les différentes ruptures auxquelles nous faisons face ? Plus précisément, le budget de la DGSE devrait être doté de 541 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 476 millions d’euros en crédits de paiement. Dans quelle mesure ce budget alloué aux renseignements extérieurs permet-il de combiner les grands enjeux que constituent la construction du Fort-Neuf de Vincennes, le recrutement, la fidélisation et la modernisation de nos services de renseignement, pour les adapter aux grands bouleversements contemporains et anticiper au mieux les ruptures tactiques et stratégiques ?

Sur la question sous-jacente des ressources humaines, pouvez-vous détailler, parmi les 6 607 équivalents temps plein (ETP) programmés pour le programme 144, la part des emplois fléchés vers les services de renseignement, ainsi que leur qualification exacte ?

Mme Alice Rufo. Vous aurez certainement l’occasion d’échanger avec la DGSE, mais le projet stratégique développé par la DGSE et confirmé par la LPM vise à développer une approche de plus en plus intégrée des grands programmes mutualisés pour l’ensemble des services de renseignement. Ces derniers nous permettent de disposer d’infrastructures adaptées aux standards des services de renseignement modernes, dont nous avons besoin pour mieux anticiper les bouleversements auxquels nous sommes confrontés. Je rappelle que la DGSE a déjà obtenu un doublement de ses crédits, entre 2024 et 2030, intégrant le projet de nouveau siège. Nous prendrons contact avec vous pour fournir des éléments au sujet des ETP.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Dans le monde particulièrement sombre et inquiétant dans lequel nous vivons, le rôle de la DGRIS est évidemment essentiel, et je tiens à rendre hommage à l’activité de votre direction.

Notre stratégie d’influence et notre diplomatie militaire s’appuient sur nos attachés de défense qui, partout, réalisent globalement un excellent travail. Quelle est votre stratégie pour développer notre réseau d’attachés de défense ? Ensuite, la stratégie d’influence est construite en lien avec l’expertise académique et le travail des think tanks. De quelle manière envisagez-vous l’articulation entre la DGRIS et l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem), mais aussi des think tanks comme l’Institut français des relations internationales (Ifri) ou la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) ?

Par ailleurs, je partage les propos de ma collègue Natalia Pouzyreff et souligne l’importance absolue pour notre diplomatie, qu’elle soit civile ou militaire, de développer les liens avec Europe orientale.

Quelle est votre lecture du discours du président tchèque au collège d’Europe à Bruges ? Petr Pavel y a en effet prononcé un magnifique discours sur le rôle que l’Europe devait assumer en matière de défense et d’acquisitions d’armement pour garder une autonomie stratégique face aux Américains, tout en faisant évidemment partie de l’Alliance atlantique. Je souhaiterais connaître votre analyse sur ce sujet.

Mme Alice Rufo. Le dispositif des attachés de défense est souple et s’adapte en permanence. Nous avons par exemple ouvert cet été une mission défense en Arménie. Nous avions en effet anticipé les conséquences de la guerre en Ukraine dans notre environnement immédiat. Aujourd’hui, cet attaché de défense nous permet d’être aux côtés de l’Arménie pour défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale. Nous avons également ouvert des postes au Suriname pour couvrir le plateau des Guyanes, en Guinée-Bissau et en Moldavie.

Nous nous adaptons de la manière la plus agile possible aux transformations de notre contexte stratégique. Nous nous renforçons par endroit et menons un travail de suivi précis avec l’état-major des armées pour améliorer les moyens des attachés de défense, d’un point de vue quantitatif et qualitatif. Je vous remercie de saluer leur travail.

L’Irsem a connu quelques turbulences, mais son rayonnement s’est affirmé en quelques années et il dispose de projets ambitieux, dont notamment l’ouverture d’une antenne à Bruxelles, que j’ai évoquée précédemment. Celle-ci doit nous permettre de renforcer notre influence et notre compréhension de la scène bruxelloise.

Dans nos relations avec les think tanks et avec le monde académique, différents paramètres doivent être pris en compte. Nous devons d’abord poursuivre la consolidation du vivier universitaire et de recherche stratégique, grâce à une nouvelle génération de chercheurs. Cette action, qui a été lancée par mes prédécesseurs, commence à porter ses fruits et nous devons persister dans cette voie : nous avons besoin d’encore plus de spécialistes et d’experts pour déchiffrer le contexte stratégique auquel nous sommes confrontés.

Ensuite, il existe différents dispositifs concernant les think tanks ou les universités, qu’il s’agisse des appels d’offres ou des subventions. Nous essayons par ailleurs de développer des processus plus souples, par exemple des consultances. Nous avons agi de la sorte avec Camille Grand de l’ECFR, à l’occasion de la conférence sur la défense aérienne que nous avions organisée il y a quelques mois. Ces consultances permettent de répondre à une mission ponctuelle et d’obtenir un éclairage stratégique ad hoc. Je souhaite développer ce dispositif assez léger. Nous disposons par ailleurs de contrats-cadres pluriannuels qui permettent d’offrir aux chercheurs une visibilité sur leurs travaux, tout en veillant au respect permanent de la liberté académique. Nous y sommes très attachés : l’influence ne doit pas s’opérer au détriment de la liberté académique.

Le discours de Petr Pavel revêt une grande importance. Il y a quelques années, lorsque la France parlait d’autonomie stratégique européenne, nos partenaires nous interrogeaient en nous demandant si cette autonomie stratégique n’allait pas contribuer à diviser l’Europe et l’éloigner de l’Otan. Depuis le sommet de Versailles qui a réuni l’ensemble de nos partenaires européens autour d’un agenda de réduction de nos dépendances et de souveraineté européenne, nous voyons émerger des voix en faveur d’une plus grande souveraineté et d’une plus grande autonomie stratégique européennes. Ces positions émanent de l’ensemble de nos partenaires européens, y compris des pays d’Europe orientale, que l’on pouvait imaginer plus « otaniens ».

Il s’agit là d’une puissante réponse à un supposé isolement français il y a quelques années, quand nous souhaitions renforcer l’autonomie stratégique européenne. Désormais, nous constatons bien qu’il y a là une nécessité partagée par nos partenaires. C’est à la fois une bonne nouvelle, mais également une nécessité absolue, dans le contexte que nous connaissons.

M. Jean-Pierre Cubertafon (Dem). Madame la directrice, je vous remercie pour votre présence et celle de votre équipe. La dernière audition de Mme Alice Guitton, qui vous a précédé à la tête de cette direction, avait été en grande partie consacrée à la question ukrainienne. Nous sommes désormais confrontés à de multiples conflits en Ukraine, en Israël, en Arménie. Les récentes attaques du Hamas traduisent aussi l’échec des services de renseignements israéliens. Le renseignement est un domaine réservé, mais je me risquerai à une question sur le sujet. Pourriez-vous ainsi revenir, dans le cadre notamment du programme 144, sur l’allocation des crédits dédiés à la poursuite de la montée en puissance des services de renseignement ?

Mme Guitton soulignait l’an dernier le dynamisme de la trajectoire budgétaire de ce même programme 144 pour le renseignement, mais également la nécessité de protéger notre base industrielle et technologique de défense (BITD) et de disposer d’une expertise de haut niveau, grâce à la mobilisation de capacités de recherche stratégique. Votre direction pilote et finance de nombreux observatoires de recherche. Pourriez-vous nous détailler l’arbitrage opéré pour leur financement ? D’un point de vue personnel, au regard de la situation géopolitique, considérez-vous que le financement actuel nous permette de disposer d’une expertise de haut niveau sur l’évolution de l’environnement stratégique ?

Mme Alice Rufo. Vous avez raison de mentionner l’ancienne directrice générale de la DGRIS, à qui je souhaite rendre hommage. Elle avait en effet, à raison, concentré une grande attention sur la guerre en Ukraine. Cette guerre dure et nous demande de nous adapter à cette nouvelle réalité. En réalité, les crises s’accumulent et ne s’annulent pas les unes les autres. Le président Zelensky s’est d’ailleurs exprimé à ce sujet hier soir. Nous avons besoin d’endurance et de continuer à soutenir l’Ukraine. Je ne commenterai pas les déclarations des autorités israéliennes sur l’appréciation de la situation. J’ai le plus grand respect pour nos collègues israéliens qui font actuellement face à ces attaques brutales et terribles.

Au sein des crédits affectés à la DGSE, une grande partie est dédiée aux infrastructures. Cette actualisation est absolument nécessaire pour mettre notre service de renseignement aux standards modernes et développer son programme intégré d’approche en plateaux, afin de lui permettre de lire les phénomènes actuels et les anticiper.

Je me permets également de mentionner à nouveau la DRSD, qui veille à la protection de nos forces. Elle lutte également contre les vulnérabilités, qui peuvent s’accroître si nous n’y répondons pas, à la fois pour les armées, mais aussi pour la BITD. Dans le contexte stratégique actuel, l’espionnage, le chantage et l’ingérence se multiplient pour essayer de nous déstabiliser. L’investissement consenti par les deux LPM sur le renforcement de nos services de renseignement, notamment en contre-ingérence, est absolument essentiel et traduit un effort dans le temps.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Madame la directrice générale, je vous remercie pour vos propos et le travail que vous menez aux côtés de vos équipes. L’évolution des conflits internationaux ces dernières années a rendu primordiale la maîtrise de l’information et de l’influence dans la stratégie des États. Le document de présentation de la mission défense évoque d’ailleurs la nécessité de se préparer aux menaces futures. Le plan d’action mis en place pour atteindre cet objectif se traduit par un investissement conséquent de nos ressources dans le renseignement. Le groupe socialiste s’en félicite. Nous saluons également l’augmentation de vos moyens budgétaires dans ce contexte où, vous l’avez rappelé, les crises s’additionnent. De fait, les attaques terroristes en Israël confirment ce durcissement du contexte géopolitique.

Compte tenu de votre fonction, Madame la directrice, vous êtes la responsable financière des budgets de la DGSE et de la DRSD. L’actualité de cet été a souligné certaines faiblesses dans notre renseignement et notre influence au Sahel. Quel est votre sentiment à ce sujet ? Le PLF 2024, qui augmente les budgets de ces deux sous-actions, offre-t-il les moyens suffisants à la France pour anticiper et entraver d’autres échecs similaires à ceux que nous avons pu connaître au Mali, au Burkina Faso et au Niger ? Je pense naturellement aux moyens humains et matériels. Dans le même ordre d’idée, la DRSD est-elle suffisamment dotée pour permettre à la France de bénéficier d’un dispositif de contre-espionnage capable de détecter et de contrer les stratégies d’influence étrangères, en particulier russes et chinoises ?

Mme Alice Rufo. Je me permets respectueusement de contester le terme d’échec au Sahel : l’opération Barkhane a permis de lutter contre le terrorisme dans la région et nous voyons bien que celui-ci augmente depuis que les coups d’État se succèdent. Les juntes désormais au pouvoir ne luttent plus contre le terrorisme et, malheureusement, les populations civiles des pays de la région en sont les premières victimes. Je relève par ailleurs que les États-Unis ont qualifié la prise de pouvoir au Niger de coup d’État. Il s’agit là d’une condamnation honnête des événements qui se sont déroulés au Niger, que nous avons effectuée depuis leur survenue. Notre retrait du pays se réalise dans le bon ordre.

Ensuite, je pense que les moyens suffisants sont accordés à nos services de renseignement, mais là aussi, il importe de raisonner dans le temps long. Les deux LPM successives permettent de faire face aux besoins en matière de renseignement. Vous avez raison d’avoir mis en lumière la DRSD, qui mène des actions de contre-ingérence. Mais, au-delà, l’intégration des narratifs adverses, russes ou chinois en particulier, concerne l’ensemble des entités du ministère des armées. Nous sommes face à un changement culturel, qui nous oblige à envisager l’instrumentalisation de toute situation dans le champ informationnel.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour le programme 144. Le groupe Horizons et apparentés est satisfait des grands agrégats du programme 144. J’aurai d’ailleurs l’occasion d’y revenir largement dans mon rapport pour avis. Tout comme mon collègue Jean-Louis Thiériot, j’attache une grande importance à la recherche stratégique ainsi qu’à nos missions de défense.

Je souhaite vous faire part d’une question presque philosophique : dans votre position, que signifie « faire de l’influence » ? L’influence recouvre certes un grand nombre de champs, mais elle doit malgré tout être ciblée sur un certain nombre d’objets. Quelles sont vos trois priorités en matière d’influence ?

Mme Alice Rufo. Vous avez raison : il faut, dans ce domaine, se poser des questions philosophiques. L’exercice de l’influence dans une puissance démocratique n’est pas semblable à celle pratiquée par un État totalitaire. Encore une fois, nous devons anticiper les contestations de nos actions diplomatiques et de défense par nos compétiteurs.

Ensuite, il nous faut mobiliser les leviers à notre disposition. Ma prédécesseure envisageait le réseau des attachés de défense comme des « capteurs » et des « effecteurs ». Je fais mienne cette expression, particulièrement dans le domaine de l’influence et du champ informationnel. Je rappelle que nous ne sommes pas démunis : nous disposons du troisième réseau de missions de défense du monde, que nous continuons à développer. Nous menons également des programmes et des partenariats importants avec de nombreuses universités et nos observatoires nous permettent d’employer des ressources externes pour comprendre les menaces et expliquer nos positions.

Notre mission consiste également à déchiffrer les stratégies adverses dans le champ informationnel, à comprendre les évolutions, mais aussi à nous défendre. En lien avec les différentes entités du ministère des armées, la DGRIS s’attache à décrypter les fausses informations et à répondre aux campagnes de désinformation, qui peuvent être extrêmement déstabilisantes. Je rappelle en conclusion que notre travail sur l’influence s’effectue sous l’égide du Quai d’Orsay, qui est à la manœuvre dans ce domaine.

Mme Anne Genetet (RE). Je souhaite revenir sur les « capteurs » et les « effecteurs » de notre influence. Tout d’abord, je me réjouis de l’augmentation de 7,6 % enregistrée par l’action 8, qui concerne la diplomatie de défense. Pour ma part, j’aurais également souhaité que le budget consacré par l’Assemblée nationale à l’assemblée parlementaire de l’Otan augmente dans les mêmes proportions. En effet, nous y menons également une diplomatie d’influence. Le week-end dernier, j’ai ainsi pu évoquer avec la délégation polonaise la question de la facilité européenne pour la paix (FEP). J’ai également discuté avec la délégation américaine ; avec la délégation turque sur sa position sur l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Suède ; avec la délégation allemande pour évoquer nos coopérations.

S’agissant de nos attachés de défense, j’ai l’impression qu’il existe parfois un décalage entre les ambitions très claires que vous portez et la mise en action. Nous sommes peut-être la troisième mission de défense au monde mais, en Australie, nous sommes loin derrière les Américains et les Britanniques, ce qui explique également les difficultés que nous éprouvons dans ce pays. Je souhaite enfin évoquer le rapport de la Cour des comptes sur l’Otan qui a particulièrement retenu mon attention. Quelle est notre stratégie d’influence au sein de l’Otan ? Il me semble que, parmi les trente premiers postes de l’institution, peu sont dévolus à des Français.

M. José Gonzalez (RN). « Notre civilisation brûle et l’Europe regarde ailleurs ». Tels sont les mots prononcés par le président du Rassemblement national en 2022. Depuis, 100 000 Arméniens ont été chassés de leur terre natale. Des centaines ont été massacrés. Des milliers restent prisonniers depuis la guerre de 2020 malgré la convention de Genève et les accords de paix.

La ministre des affaires étrangères vient d’évoquer l’hypothèse de livraisons d’armes à l’Arménie. Nous saluons cette annonce, bien évidemment, tout en relevant une incohérence majeure. La France, qui se refuse à importer des hydrocarbures de Russie, confirme en revanche la livraison de gaz en provenance d’Azerbaïdjan. Or nous savons bien que ce gaz provient non seulement de Russie, mais qu’il finance grandement ce qui s’apparente à une sorte de génocide arménien. Je sais ce que signifie le drame de quitter sa terre natale. Les cœurs et les âmes de tout un peuple d’Arménie, opprimés depuis plus d’un siècle, le savent également et comptent sur nous.

Madame, pouvez-vous nous éclairer sur la position de la France dans ce conflit terrible mené par l’Azerbaïdjan avec le soutien de la Turquie ? Pouvez-vous nous expliquer la position de la Russie, qui semble lâcher l’Arménie, ce qui représente un avertissement terrible à tous ceux qui croient en la fiabilité de son soutien ?

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). S’agissant de l’Afrique et des coups d’État, je suis obligé de préciser que les groupes armés terroristes ont vu leur zone d’influence s’accroître au Sahel durant le mandat Barkhane. Si l’opération n’a pas constitué à proprement parler un échec militaire, nous avons malgré tout été confrontés à un échec politique collectif, dont nous devons impérativement dresser le bilan.

Je voudrais par ailleurs vous interroger sur le rôle de la DGRIS dans le conseil pour l’achat et la vente de matériel d’espionnage. En effet, les Predator Files révèlent que nous avons laissé exporter des logiciels espions qui, par ailleurs, ont été utilisés pour nous espionner nous-mêmes. La DGRIS est-elle consultée lorsque la commission des biens à double usage se réunit ?

S’agissant du renseignement technologique le contre-amiral Ami Ayalon, qui a dirigé le Shin Beth explique que, vraisemblablement, le choix d’Israël de se concentrer sur le renseignement « tout électronique » a été pris à revers par ces attaques terribles du Hamas. Sommes-nous aujourd’hui prémunis contre ce genre d’erreur ? Enfin, des recherches sont-elles menées dans le domaine de la biologie de synthèse ? La DGRIS réfléchit-elle sur ces sujets avec l’Institut de recherche biomédicale des armées (Irba) et le service de santé des armées (SSA) ?

Mme Isabelle Santiago (SOC). Je confirme les propos de ma collègue Genetet. Nous étions quelques-uns à nous rendre à l’assemblée parlementaire de l’Otan le week-end dernier où nous avons pu exercer notre rôle en matière de diplomatie parlementaire. Si cette dernière devient un axe central, elle demeure insuffisamment structurée ; nous devons être mieux organisés et coordonnés. Le week-end dernier, je suis intervenue sur de nombreux sujets et en particulier sur une résolution concernant les contrats de gaz avec l’Azerbaïdjan et les problématiques liées à l’Arménie. Dans ce domaine, vos services peuvent travailler de concert avec nous.

Enfin, je souhaite que vous puissiez évoquer la question de l’influence en Afrique et notamment la place de Djibouti dans notre dispositif, compte tenu notamment de sa situation unique sur les routes maritimes.

Mme Valérie Bazin-Malgras (LR). De quelle manière les crédits attendus dans le cadre du PLF 2024 vont-ils favoriser la contribution du ministère des armées à la diplomatie internationale et la promotion de la paix, en plus de ses responsabilités militaires ? Vous avez parlé tout à l’heure des personnels de défense à l’étranger. Ont-ils un rôle diplomatique ?

M. Lionel Royer-Perreaut (RE). L’aide de la France en faveur de la facilité européenne pour la paix est élevée. Elle est essentiellement axée sur des cessions gratuites de matériel. Cependant, les relations semblent s’orienter désormais vers des relations commerciales entre notre BITD et l’Ukraine. Par conséquent, comment voyez-vous l’évolution de la facilité européenne pour la paix au regard de cette nouvelle politique ? Pensez-vous que nos alliés européens partageront le même point de vue ?

Ensuite, selon un récent rapport de la Cour des comptes, la contribution financière de la France au fonctionnement de l’Otan quadruplera lors des prochaines années. Nous passerons donc de 203 millions d’euros en 2022 à 883 millions d’euros en 2030, dont 770 millions d’euros sur le budget des armées. La France peut-elle limiter la hausse de ses dépenses grâce à des contributions en nature, comme la mise à disposition d’Awacs ou de Reaper ?

M. Frédéric Boccaletti (RN). Avec le retrait de nos troupes de trois pays du Sahel et la réduction de notre contingent sur la base permanente au Gabon, notre politique sur le continent africain doit totalement être repensée. J’ai eu l’occasion de rappeler ici qu’au-delà des dynamiques complexes au Sahel, le Président de la République portait une responsabilité personnelle dans ce désastre. Voilà où mène le fait de gouverner seul, en méprisant l’avis des diplomates chevronnés dont il supprime le corps. Je souhaiterais donc vous entendre sur l’avenir à court terme du Sahel. Le Tchad est un allié traditionnel et nous y avons encore des troupes. Pourrait-il être, selon vous, le prochain pays à basculer dans une politique hostile à la France ?

Concernant Djibouti, les moyens mobilisés par le PLF vous semblent-ils suffisants pour notre dispositif sur place ? Enfin, en dehors de notre zone traditionnelle d’influence francophone, des pays comme le Nigeria et le Kenya se rapprochent de la France. Dans quels domaines la coopération avec ces pays peut-elle se développer ? Pouvez-vous nous indiquer quels moyens sont mobilisés en ce sens par le PLF ?

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). La hausse de la contribution financière à l’Otan vient d’être évoquée. Nos soutiens sont en train de travailler sur des hypothèses de transferts d’unités de l’Ouest vers l’Est, qui nous coûte de l’argent. De quelle manière les travaux de nos soutiens sont-ils valorisés dans le cadre des contributions de l’Otan ? De la même manière, les missions que nous menons aujourd’hui en Roumanie ou en Estonie contribuent au renforcement de l’Otan à hauteur de 730 millions d’euros par an. De quelle manière cette participation est-elle intégrée dans l’Otan ? Quelle est, en contrepartie, notre stratégie pour rechercher des financements auprès de l’Otan ? Quelles sont les conséquences d’un financement otanien de nos armées ?

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Lors des débats sur la loi de programmation militaire, le ministre s’était engagé à renforcer les missions de défense dans un certain nombre de pays clés, notamment par la densification et l’envoi d’attachés d’armement de la DGA. De quelle manière ce renforcement va-t-il s’articuler et prendre forme ? Par ailleurs, l’envoi de ces attachés d’armement est-il prévu dès 2024 ?

Ensuite ma deuxième question porte sur l’adaptation de nos armées au changement climatique. En effet, lors de l’examen de la LPM, nous avions rédigé plusieurs amendements pour demander que des mesures soient prises pour assurer la bifurcation écologique de nos armées. Le ministre nous a répondu qu’il fournirait à la représentation nationale un rapport sur les chantiers à établir, les évolutions envisagées et les études à mener. La semaine dernière, il nous a certifié que ce rapport serait rendu au cours de l’année 2024 et que vous en seriez les auteurs. Que pouvez-vous nous dire concernant ce rapport ? Avez-vous entamé sa rédaction et quels chantiers comptez-vous étudier en priorité ?

Mme Alice Rufo. Madame Genetet, vous avez entièrement raison d’évoquer la diplomatie parlementaire. Vous représentez notre pays dans diverses assemblées. J’ai pu constater que la présence de nos parlementaires dans les délégations à l’étranger et dans des événements ad hoc qui y sont organisés, est très appréciée. La conférence sur la défense aérienne organisée par la DGRIS répondait largement à des préoccupations que vous aviez soulevées aussi dans vos contacts avec vos partenaires d’Europe de l’Est.

Je pense effectivement qu’il faut développer nos liens et nos échanges, dans le respect de la séparation des pouvoirs. Je suis ainsi à la disposition des parlementaires. Nous sommes résolus à nourrir des échanges très étroits et la DGRIS dispose d’un bureau dédié aux relations avec le parlement. Je suis preneuse de vos suggestions.

Vous avez également évoqué le réseau des missions de défense (MDD) et notamment le cas particulier de l’Australie. Il est indéniable que la présence américaine et britannique y est plus importante que la nôtre, mais l’existence du pacte Aukus doit également être prise en compte. La MDD en Australie sera par ailleurs renforcée en 2025. À ce sujet, je peux vous indiquer que la coopération bilatérale avec l’Australie a repris dans de bonnes conditions, notamment dans le cadre de notre stratégie dans l’Indo-Pacifique, en particulier dans le Pacifique sud. À la fin de l’année, aura lieu la réunion des ministres de la défense du Pacifique sud, un événement largement porté par la DGRIS. Il s’agit de renforcer notre présence dans le cadre d’enceintes régionales de coopération et en lien avec le développement de nos moyens sur place. Nous avons par ailleurs besoin de renforcer le maillage de notre réseau et nous y travaillons, en lien avec le Quai d’Orsay.

Nous avons pris en compte le rapport de la Cour des comptes, dans le cadre des travaux que nous menons avec l’état-major des armées pour renforcer notre influence au sein de l’Otan. La France dispose de 736 postes au sein de l’Otan, où nous avons besoin de renforcer notre présence dans les postes à forte visibilité. Dans le domaine de la diplomatie publique, nous devons nous féliciter qu’une Française occupe un poste de secrétaire général adjoint. Nous nous renforçons donc, même si nous ne pouvons pas nous limiter à une réflexion sur le nombre de postes : nous devons également disposer d’une approche qualitative.

Ensuite, la contribution de la France au sein de l’Alliance ne peut absolument pas se résumer à notre contribution financière, même si elle est très importante. Nous contribuons effectivement à la mission de police du ciel, à la réassurance auprès de nos alliés d’Europe de l’Est et nous nous sommes très rapidement déployés en Roumanie. En résumé, nous agissons grandement en faveur de la sécurité de la zone euro-atlantique, y compris par notre dissuasion nucléaire, même si nous ne siégeons pas au Groupe des plans nucléaires. Par ailleurs, une décision prise lors du sommet de Madrid a acté une augmentation des financements en commun au sein de l’Otan. La France y participe, tout en mettant en avant la poursuite de l’objectif de soutenabilité et de maîtrise des dépenses. Nous sommes attentifs à ce que l’Otan se concentre bien sur la zone euro-atlantique, afin d’éviter les doublons, notamment avec l’UE. Des points de rendez-vous sont fixés en 2024 et 2025 afin que la contribution militaire des uns et des autres soit bien considérée.

Ensuite, comme je vous l’indiquais au préalable, nous avons ouvert une MDD en Arménie, signal fort de notre implication en faveur de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de ce pays. En outre, nous soutenons également l’Arménie à travers les efforts politiques et diplomatiques que nous menons, y compris dans le cadre de l’Union européenne.

Par ailleurs, nous aurons peut-être l’occasion de revenir sur la situation africaine dans le cadre du cycle d’auditions que vous avez l’intention de mener. Si des attaques terroristes ont pu avoir lieu lors de l’opération Barkhane, il est indéniable qu’elles se multiplient depuis la survenue des différents coups d’État successifs, qui ne contribuent qu’à accroître l’instabilité de la région. Encore une fois, les populations civiles sont celles qui ont payé le plus lourd tribut.

Nous sommes engagés dans le contrôle des exportations d’armement, notamment dans le cadre de la commission interministérielle pour l’étude des exportations des matériels de guerre (CIEEMG). Nous avons également été les premiers à évoquer les logiciels électroniques. Nous exerçons évidemment nos responsabilités dans un cadre de souveraineté.

Je ne dispose pas d’information sur la biologie de synthèse, mais je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions sur ce sujet.

Par ailleurs, nous effectuons des contributions budgétaires au Forum de Paris sur la paix dans le cadre du programme 144, et particulièrement à travers le budget opérationnel de programme (BOP) de la DGRIS. La France est une puissance qui défend la paix par le dialogue et nous participons activement aux forums permettant de mener des échanges au plus haut niveau. À titre illustratif, le Forum de Dakar organisé par nos partenaires a pour objectif de faire émerger les problématiques stratégiques africaines. Nous leur apportons donc notre soutien. De son côté, le Forum de Paris sur la paix rassemble l’ensemble des acteurs, au-delà des diplomates et des militaires.

Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères est chargé de la diplomatie et coordonne naturellement l’action internationale de la France. Cependant, lorsque nous créons des postes permanents à l’étranger dans un think tank au Sénégal ou à Singapour, nous œuvrons pour l’action internationale de la France et son rayonnement.

S’agissant de la FEP, vous avez en outre mentionné l’évolution engagée par le ministre lorsqu’il s’est rendu en Ukraine il y a quelques jours. Tout d’abord, si la FEP n’a pas été créée pour assurer un soutien à l’Ukraine, elle a néanmoins constitué un instrument formidable de réponse et d’affirmation de la solidité européenne face à la guerre dans ce pays. Je rappelle que la France représente un contributeur très important de la FEP – en grande partie sur le budget du ministère des armées –, qui permet à nos partenaires de réaliser des cessions et d’obtenir des remboursements. Elle constitue un instrument essentiel d’affirmation de l’Europe sur la scène internationale. L’autonomie stratégique européenne a d’ailleurs évolué puisque le Conseil européen a décidé d’utiliser la FEP pour soutenir les acquisitions de munitions conjointes.

Le ministre a mentionné le partenariat de coopération industrielle lors de son audition devant votre commission. Ce partenariat ne se substitue pas aux cessions, mais face à un conflit qui dure et à la guerre d’attrition menée par la Russie, il est nécessaire de passer à une autre logique si nous voulons faire preuve d’endurance. Cette logique nous permet de créer des partenariats industriels, y compris pour la sous-traitance en Ukraine. Le groupe de contact sur la défense de l’Ukraine (format Ramstein) permet en outre de coordonner l’aide occidentale à l’Ukraine.

Cependant, les instruments doivent évoluer en fonction de l’évolution de la situation, et non uniquement en fonction des priorités des organisations. Encore une fois, face à la guerre en Ukraine, nous avons essentiellement besoin d’endurance pour maintenir le niveau de soutien que nous avons apporté jusqu’à présent.

Par ailleurs, je pense que nous aurons l’occasion de revenir ensemble sur la politique africaine, notamment l’Afrique de l’Est et Djibouti. Djibouti est un partenaire historique avec lequel nous avons noué une relation profonde. Nous menons actuellement une négociation que nos autorités veulent ambitieuse sur le traité de coopération en matière de défense entre la République de Djibouti et la France. Ensuite, nous renforçons effectivement nos partenariats avec les pays d’Afrique de l’Est.

Nous travaillons avec la DGA pour renforcer le réseau des attachés d’armement dans les pays où le besoin se fait sentir, pour accompagner les prospects d’armement. Nous l’avons réalisé notamment aux Philippines. Mais nous allons également au-delà de cet accompagnement. Ensuite, la nouvelle stratégie africaine s’appuiera sur différents piliers, dont le renseignement, l’équipement, la formation et l’appui aux opérations. À ce titre, dans le volet équipement, nous renforcerons en Afrique, et en particulier au Sénégal, le réseau d’attachés d’armement. En résumé, nous travaillons avec la DGA, non seulement pour l’accompagnement des prospects, mais aussi pour redéfinir nos stratégies dans certaines régions du monde.

Par ailleurs, j’ai bien noté la commande du ministre concernant le rapport sur le changement climatique, que je vous présenterai en 2024. Depuis quelques années, nous avons entamé un travail pour notamment mieux comprendre les impacts sécuritaires des phénomènes climatiques. Un observatoire de la DGRIS y est consacré et nous-mêmes travaillons avec nos partenaires pour intégrer ce sujet dans les dialogues stratégiques. La nécessité de répondre aux catastrophes humanitaires et aux catastrophes climatiques qui se multiplient nous oblige à conduire des réflexions sur nos capacités, mais aussi sur nos façons d’opérer et les actions prioritaires que nous devons mener, notamment pour la préparation opérationnelle de nos forces.

La stratégie « climat et défense » a été adoptée en 2022 par le ministère des armées. Le mandat a été confié au major général des armées, pour mettre en œuvre les éléments qui concernent la préparation des forces. J’ajoute que nous faisons porter l’effort sur deux points en particulier : les questions de sûreté maritime et la diplomatie de défense.

Comme je l’ai indiqué, la DGRIS organise le sommet des ministres de la défense du Pacifique sud qui se tiendra en décembre à Nouméa. Nos partenaires nous incitent à travailler sur les conséquences des changements climatiques en termes sécuritaires.

M. le président Thomas Gassilloud. Nous vous remercions, Madame la directrice générale.

 

L’audition se poursuit à huis clos

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Je souhaiterais obtenir un état des lieux du projet sur les planeurs hypersoniques.

Mme Alice Rufo. Je pense que le délégué général pour l’armement vous fournira de plus amples informations à ce sujet lors de son audition.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Je souhaite préciser les éléments que j’ai évoqués lors de l’audition publique, quand je mentionnais les « achats sur étagère » qui se multiplient en Europe pour répondre à la situation d’urgence en Ukraine. Face à la menace russe, la France présente la particularité d’être située à l’extrémité ouest du continent européen et d’être un pays doté. Les autres pays ne partagent pas nécessairement la même culture stratégique.

Mme Alice Rufo. Je partage votre point de vue. C’est la raison pour laquelle nous avons organisé la conférence sur les enjeux stratégiques de la défense aérienne anti-missiles de l’Europe. Entre partenaires, nous avons besoin de parler de stratégie, au-delà des coopérations industrielles, des relations bilatérales et des instruments européens. Nous avons besoin de ces espaces de dialogue stratégique européen au sein de l’Otan. Cette conférence nous a permis d’évoquer le sujet de la défense en Europe, sur tous les flancs. Elle fait partie des outils permettant de développer une culture stratégique commune. Le Royaume-Uni a organisé un suivi de cette conférence, l’Italie y travaille et l’Allemagne mène des réflexions. Ce travail prend du temps, mais nous progressons.

M. le président Thomas Gassilloud. Je vous remercie.

 

 


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II.   EXAMEN DES CRÉDITS

La commission a examiné, pour avis, sur le rapport de M. Jean-Charles Larsonneur, les crédits relatifs au programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense », pour 2024, au cours de sa réunion du 25 octobre 2023.

M. le président Thomas Gassilloud. L’ordre du jour appelle l’examen des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, de la mission Défense et du programme Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.

En ce qui concerne la mission Défense, je rappelle que celle-ci comporte quatre programmes, dont l’un, le programme 178, Préparation et emploi des forces, correspond à une nomenclature budgétaire interarmées mais fait en plus, en ce qui nous concerne, l’objet de trois avis – forces terrestres, marine et air – pour nous permettre d’en assurer un suivi précis.

Nous allons entendre ce matin nos rapporteurs pour avis et continuerons cet après-midi avec les interventions des orateurs de groupe, puis l’examen des amendements et le vote des missions.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Cette année, les ressources du programme 144 s’élèvent à 2,198 milliards en AE et à 1,968 milliard en CP, soit une hausse de 10 % des AE et de 3 % des CP. Ce budget est à la hauteur des engagements de la LPM 2024 – 2030, que notre Assemblée a votée à une très large majorité en juillet dernier. Pour la partie budgétaire de mon rapport, j’ai quatre points d’attention.

S’agissant des projets immobiliers de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), leur coût a sensiblement augmenté sous l’effet de l’inflation qui frappe le secteur du bâtiment, comme je le redoutais l’an dernier.

Le coût de la nouvelle direction centrale de la DRSD, qui sera livrée cette année, a augmenté d’environ 10 millions par rapport à son coût initial, pour s’élever à environ 90 millions d’euros. Dans le cas de la DGSE, le surcoût est estimé à 184,8 millions, soit une hausse significative de 17 %. Le calendrier de réalisation de ce projet a pris du retard, de sorte que l’emménagement, initialement prévu pour 2028, n’aura lieu qu’en 2032. J’ai auditionné des représentants de ces deux directions et resterai attentif à l’évolution de ces projets, en particulier à celui de la DGSE.

En ce qui concerne le budget dédié aux études amont, je me réjouis que l’objectif fixé dans la précédente LPM de porter l’enveloppe dédiée à l’innovation de défense à 1 milliard en CP soit maintenu. Ce budget ambitieux permettra à l’Agence de l’innovation de défense (AID) de poursuivre ses efforts dans les dix domaines d’innovation prioritaires identifiés par la LPM.

Toutefois, une analyse fine met en évidence une baisse des crédits dédiés aux projets d’accélération de l’innovation portés par les entreprises les plus innovantes et surtout par les PME. À titre d’exemple, les crédits du dispositif « régime d’appui à l’innovation duale » (RAPID) diminuent de 30 % en AE et de 12 % en CP, tandis que ceux du fonds Definvest baissent de 50 % en AE et en CP. Si les augmentations et les baisses de crédits peuvent fluctuer d’une année sur l’autre sans remettre en cause l’ambition initiale, et ce d’autant que le montant global est préservé, je serai vigilant sur ce point dans les mois à venir.

J’en viens au soutien apporté aux think tanks. En 2015, la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) a réformé son dispositif de soutien à la recherche stratégique pour soutenir davantage le vivier des chercheurs français. Plusieurs programmes ont été mis en place. Ils ont porté leurs fruits. Toutefois, les représentants de trois think tanks français que j’ai auditionnés m’ont fait part de difficultés persistantes. Il sera nécessaire de dresser un bilan de la réforme afin d’identifier les moyens de soutenir mieux encore nos centres de recherche.

S’agissant du projet de fusion de l'École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) de Paris et de celle de Bretagne, j’ai fait part l’an dernier de mon souhait qu’il prenne corps. Lors de sa dernière audition, le ministre des Armées a indiqué avoir demandé aux autorités de tutelle d’accompagner le rapprochement des deux écoles. Je me réjouis que ce projet soit en bonne voie. Je resterai vigilant aux cursus des étudiants pour que les élèves ingénieurs des études et techniques de l’armement (IETA), de statut militaire, soient traités au même niveau que les élèves civils.

J’en viens à la partie thématique de mon rapport, consacrée à la présence militaire française à Djibouti. J’ai choisi ce thème pour deux raisons : d’abord parce que ce partenariat unique mérite d’être mieux connu ; mais également parce que la coopération de défense entre la France et la République de Djibouti est encadrée par un traité de coopération militaire et de défense signé en 2011, ratifié en 2014 et qui expirera le 30 avril 2024. Il m’a donc semblé pertinent de dresser un état des lieux de notre coopération bilatérale de défense.

Je me suis rendu à Djibouti du 19 au 22 septembre. Je m’y suis notamment entretenu avec M. Dileita Mohamed Dileita, président de l’Assemblée nationale, avec le général de corps d’armée Zakaria Cheikh Ibrahim, chef d’état-major général des armées, et avec M. Mohamed Ali Hassan, secrétaire général du ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale.

Je tire de mes travaux trois conclusions.

D’abord, la présence militaire de la France à Djibouti revêt une importance capitale pour nos armées. Grâce à ce positionnement stratégique, notre pays dispose d’une capacité de projection unique dans des espaces clés tels que la mer Rouge, le détroit de Bab-el-Mandeb et l’océan Indien. Cette capacité est indispensable à notre stratégie dans la zone indopacifique.

Forte de plus de 1 450 hommes, les Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj) constituent une force interarmées disposant d’un spectre complet de capacités. La France est le seul pays de l’Union européenne (UE) à posséder de telles capacités militaires dans cette zone, dont toute l’Europe dépend pour son approvisionnement. Ces forces constituent également un point d’appui essentiel pour l’opération européenne Atalante de lutte contre la piraterie dans la mer Rouge.

Ensuite, les FFDj bénéficient d’un excellent niveau de coopération avec les forces armées djiboutiennes (FAD). Contrairement aux autres États qui y sont présents – les États-Unis, la Chine, le Japon et l’Italie –, la France a pour mission de contribuer au maintien de l’intégrité territoriale de Djibouti, en application de la clause de sécurité inscrite à l’article 4 du traité de coopération militaire et de défense, qui fait la singularité de notre partenariat bilatéral.

Au surplus, nos relations avec les FAD sont excellentes. De très nombreux projets de coopération et de formation resserrent chaque jour les liens entre nos deux armées. Près de 70 % des actions menées par les FFDj sont dédiées à la formation des FAD, notamment avant leur déploiement au sein de la mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS).

Enfin, j’estime que nous devons approfondir ce partenariat. Par-delà les chiffres, j’ai constaté qu’il y a une envie de France à Djibouti, sous l’angle de notre contribution à la souveraineté du pays, mais aussi de la perspective de développer un partenariat global incluant une dimension civile. Lorsque les FFDj se déplacent, elles sont acclamées et la population vient à leur rencontre. Au demeurant, les militaires français participent à la vie civile du pays en vivant au sein de la population djiboutienne.

Le futur traité de coopération militaire et de défense est en cours de négociation. Compte tenu de la séparation des pouvoirs et des dispositions de l’article 52 de la Constitution, je n’ai pas vocation à en connaître les contours ni à en commenter les termes. Je n’en suis pas moins persuadé, sur la base de mes observations et des échanges que j’ai eus, non seulement que cette négociation aboutira, mais qu’elle ne sera fructueuse qu’à la condition qu’elle s’inscrive dans un cadre plus vaste excédant les enjeux militaires.

La France est présente à Djibouti de multiples manières. Seule une approche globale de la relation bilatérale permet d’apprécier à leur juste valeur la teneur et la profondeur des liens qui nous unissent. Les actions civileo-militaires, l’aide au développement, la francophonie et le développement économique sont autant de domaines dans lesquels la France doit faire davantage pour resserrer ses liens avec ce pays ami.

Je tiens à remercier les Djiboutiens, qui nous ont réservé un excellent accueil, ainsi que les FFDj et les équipes de l’ambassade de France à Djibouti, qui œuvrent chaque jour avec brio, dans un environnement difficile, au rapprochement de nos deux pays.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Vous avez évoqué la baisse des financements consacrés à l’innovation, s’agissant notamment du fonds Definvest et du programme RAPID. Avez-vous constaté une baisse des crédits alloués au Fonds Innovation Défense ? Comment ces baisses sont-elles justifiées ? S’agit-il d’une stratégie d’économie adoptée pour des raisons conjoncturelles ou d’autre chose ?

Les think tanks sont essentiels. Nous devons les inscrire dans une stratégie d’influence développée par des centres de recherche qui ne soient pas tous intégrés au ministère des Armées. L’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem) fait un très bon travail mais ne doit pas être seul à le faire. La définition d’une telle stratégie est-elle en cours ?

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Les crédits du Fonds Innovation Défense diminuent également. D’après les services concernés, ces dispositifs ont été moins sollicités par les PME que par le passé. Je creuserai la question.

La recherche menée par les think tanks est essentielle à deux égards, par les connaissances qu’elle produit et par sa fonction d’influence, qui constitue l’une des caractéristiques du modèle français, très lié au financement public. Le modèle anglo-saxon, qui repose sur le mécénat privé, permet d’obtenir des financements sans commune mesure avec les nôtres.

Il faut trouver le bon niveau de financement de la recherche stratégique, pour garantir son indépendance, donc sa pertinence, et sa fonction d’influence. Ce niveau est un peu supérieur à l’actuel. Pour pérenniser les programmes de recherche et éviter les effets de focale, nous aurions intérêt à développer, outre les appels d’offres ciblés et les contrats courts, un socle plus élevé de financements inscrits dans la durée.

M. Lionel Royer-Perreaut (RE). S’agissant de l’augmentation des budgets consacrés à la DGSE, comment l’effort budgétaire est-il réparti entre le projet immobilier et les moyens opérationnels ? Ces derniers sont-ils concernés par la hausse des crédits ? Nos récentes auditions ont clairement démontré la nécessité de renforcer notre renseignement dans toute sa diversité, compte tenu des enjeux stratégiques actuels.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Le budget consacré au renseignement me semble placé au bon niveau, conformément à l’ambition renforcée fixée dans la LPM votée par la plupart d’entre nous.

Une part significative est allouée aux projets immobiliers, notamment au déménagement de la DGSE au Fort Neuf de Vincennes. Le programme a connu des aléas et des retards, dont on ne peut tout à fait exclure qu’ils sont aussi dus au choix de ce lieu historique, qui présente des contraintes. Quoi qu’il en soit, de nouveaux locaux s’imposent pour la DGSE du XXIe siècle. Par ailleurs, des efforts sont fournis pour favoriser le travail en plateau et le désilotage des modes de fonctionnement.

La hausse de l’enveloppe est due en partie au projet immobilier : 25 millions des 425 millions de CP seront alloués au Fort de Vincennes. Une part du surcoût est due à la hausse des coûts due à la guerre en Ukraine et à la crise de la Covid-19. Cela laisse 400 millions à l’opérationnel et au fonctionnement, soit la somme adoptée dans le cadre de la LPM, qui est à la hauteur des enjeux.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Quelle sera la place de Djibouti dans le processus de redéfinition du positionnement des forces françaises sur le continent africain annoncé par le Président de la République ? Compte tenu du potentiel désengagement d’Afrique, quelle complémentarité peut-on envisager entre les FFDj et les forces françaises aux Émirats arabes unis (FFEAU) ?

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Le Président de la République a explicitement exclu Djibouti de sa réflexion sur nos emprises en Afrique, décorrélant Djibouti de l’Afrique de l’Ouest. Néanmoins, il n’est pas interdit de s’interroger sur le dispositif français dans la zone et sur les possibles interactions entre les emprises et les bases.

Djibouti, qui a signé avec la France un accord de coopération dès son indépendance, est un îlot de stabilité dans une région compliquée. Ce pays singulier est stratégique dans un environnement parfois contesté, comportant de grands voisins parfois remuants, tels que l’Érythrée. Cet îlot de stabilité présente un intérêt pour nous comme pour d’autres puissances.

Notre relation est singulière car nous sommes pour Djibouti des pourvoyeurs de souveraineté. Au titre de notre traité de coopération, nous avons une posture de surveillance et de protection dans les domaines aérien et maritime. Les FFDj contribuent à la sécurité de Djibouti en cas d’agression potentielle. L’intérêt que présente la position stratégique de Djibouti réside aussi dans le fait que des câbles de télécommunication y sont atterrés.

Pour la Marine nationale, Djibouti est, avec Oman, un point d’appui majeur dans la région. Pour l’armée de Terre, le pays offre des lieux d’entraînement dans des conditions climatiques difficiles qu’elle ne trouve nulle part ailleurs. En matière de renseignement, le pays est une base pour l’Est de l’Afrique mais aussi pour les détroits et les pays du Golfe.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Djibouti constitue une zone stratégique pour nos forces armées et pour notre présence en Afrique de l’Est. Tel est aussi le cas pour d’autres pays. Certains déploient des stratégies commerciales, notamment la Chine, de façon particulièrement intense, dans toute l’Afrique et particulièrement dans cette zone. Où en est la construction du port chinois dont la visée annoncée est commerciale ? Comment évolue la présence chinoise dans le pays ?

Par ailleurs, Djibouti est un facteur essentiel de stabilité pour ses voisins, notamment l’Éthiopie, qui a besoin de cette entrée maritime. Ce pays est un verrou pour de nombreuses puissances. Quelles sont les forces qui ont un œil sur Djibouti, sachant que toutes n’ont pas le regard positif qui est le nôtre ?

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Djibouti ne se comprend que dans son environnement régional. En dépit des déclarations parfois tonitruantes et martiales du président éthiopien sur l’accès à la mer, l’interdépendance de Djibouti et de ses voisins est très forte. Je n’imagine pas l’avenir de la relation entre Djibouti et l’Éthiopie hors d’une coopération mutuellement bénéfique.

En ce qui concerne la Chine, sa présence est impressionnante en matière d’investissements dans le domaine civil, qu’il s’agisse de ports, de routes ou de chemins de fer. Des infrastructures critiques de grande ampleur, essentielles au développement de Djibouti, ont été construites par la Chine, auprès duquel Djibouti est endetté de façon majoritaire.

Djibouti fait face à des défis en matière de développement, de jeunesse, d’emploi et de pression migratoire – de 40 000 à 50 000 personnes y transitent chaque année et s’y arrêtent de plus en plus, sur le chemin des États du Golfe ou au retour. Il en résulte une forte pression sur les infrastructures civiles, notamment les hôpitaux. Le pays a une tradition historique d’accueil des nomades, mais cette pression devient progressivement un sujet de préoccupation.

L’investissement dans les infrastructures civiles est donc élevé. La France doit y prendre toute sa place. Nous n’avons certes pas la force de frappe financière de la Chine, mais nous sommes attendus sur ce point. Le président Ismaïl Omar Guelleh a déclaré, lors d’un entretien accordé au printemps à Jeune Afrique, qu’il attend de la France qu’elle investisse davantage, notamment dans le domaine aéroportuaire – Djibouti veut se doter de nouvelles capacités en phase avec son développement. Il s’agit d’une voie d’approfondissement de notre partenariat, qui doit prendre une dimension globale dans les années à venir.

Les domaines de la santé, de l’éducation et de la coopération économique sont aussi des enjeux. Tout recul de notre part est un espace laissé à d’autres. Par exemple, les investisseurs français et franco-djiboutiens se plaignent du manque de liaisons aériennes assurées par Air France entre Paris et Djibouti. La baisse du nombre de rotations a permis à la Turquie de jouer un rôle plus important dans le commerce de Djibouti avec l’Europe au sens large.

Nous ne luttons pas avec les mêmes armes ni avec les mêmes valeurs. Notre présence historique et notre rôle de pourvoyeurs de souveraineté sont des atouts. Nous devons faire davantage en matière de coopération civile dans toutes ses composantes.

 

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La commission en vient maintenant aux interventions des groupes politiques.

 

M. le président Thomas Gassilloud. Mes chers collègues, après la présentation ce matin des avis budgétaires de nos huit rapporteurs, l’ordre du jour appelle cet après-midi l’examen des missions Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation et Défense ainsi que du programme 152 Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.

Mais avant de passer à l’examen des amendements et au vote sur chacune de ces missions, nous allons écouter les orateurs des groupes.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Pour la septième année consécutive, le budget de la défense est en augmentation.

En 2024, il s’élèvera à 47,2 milliards d’euros, conformément à la trajectoire adoptée dans le cadre de la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, dite LPM 2024-2030. Il est supérieur de 14,9 milliards au budget de 2017 et de 3,3 milliards à celui de l’an dernier. La volonté du Président de la République, chef des armées, ainsi que celles du Gouvernement et du Parlement ont permis cette remontée en puissance significative.

Concrètement, l’impulsion donnée en 2017 a permis d’engager une modernisation capacitaire appréciée sur le terrain. Elle a eu un impact positif sur le quotidien des militaires. Nous avons désormais un socle solide et cohérent.

Après le temps de la réparation de nos armées vient celui de la transformation. Objectivement, le budget 2024 suit le cap que nous nous sommes fixé.

Tout d’abord, il poursuit les efforts de modernisation. Il permet de renouveler et d’entretenir nos équipements, grâce à 13,6 milliards de commandes pour les programmes à effets majeurs (PEM) hors dissuasion et à 5,7 milliards pour le maintien en condition opérationnelle (MCO) et d’importantes livraisons. En plus de satisfaire un besoin essentiel de nos armées, cela permet de soutenir notre tissu économique et d’ancrer progressivement notre industrie de défense dans une logique d’économie de guerre.

Ce budget garantit d’autres investissements participant au renforcement de notre autonomie stratégique, dans notre dissuasion nucléaire, pour rester crédibles, et dans des domaines hautement stratégiques tels que le spatial, les fonds marins, le cyber, le renseignement, les sphères informationnelles et l’innovation, afin de donner à nos armées des capacités de renseignement, d’analyse et d’action dans les champs hybrides, matériels et immatériels.

Par ailleurs, le budget 2024 profitera directement au quotidien des militaires, grâce notamment aux moyens mis en œuvre pour parfaire l’équipement du combattant et sa préparation opérationnelle, pour renforcer le plan « famille » à hauteur de 70 millions d’euros et pour améliorer la politique salariale.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation, l’attention que nous portons au monde combattant ne faiblit pas. La nation sait ce qu’elle doit à ses combattants. Sans surprise, les droits acquis par nos anciens combattants seront maintenus en 2024.

Il en ira de même des moyens alloués à la politique de mémoire. Ce budget de 1,8 milliard est dû au fait que 2024 sera une année importante pour la transmission de notre mémoire nationale, par le biais notamment du cycle de commémoration des 80 ans des débarquements et de la Libération, pour la mise en œuvre du plan Blessés 2023-2027 d’accompagnement des blessés et de leurs familles, ainsi que pour le renforcement du lien nation-armée et armée-jeunesse.

La mission Gendarmerie nationale bénéficie de 6,3 milliards dans le projet de loi de finances pour 2024, afin de continuer à assurer au quotidien la sécurité de nos territoires. Nous nous réjouissons de la création de 238 brigades de gendarmerie, dont deux seront dans ma circonscription, à Guidel et Bubry. Si nos gendarmes sont rattachés depuis une quinzaine d’années au ministère de l’intérieur, ils conservent toute leurs militarité, qui est importante pour notre République.

Ce qui est certain et dont nous devons continuer à nous porter garants, c’est que la nation n’oublie jamais ceux qui se sont engagés pour sa défense. N’oublions jamais ces femmes et ces hommes que leur engagement amène parfois, sur ordre, à donner la mort ou à aller jusqu’au sacrifice suprême.

En responsabilité et avec confiance, le groupe Renaissance votera ces trois budgets.

Mme Caroline Colombier (RN). Les auditions menées dans le cadre de l’examen pour avis du projet de loi de finances pour 2024 ont fait émerger un constat unanime : le monde est de plus en plus dangereux et il est marqué par le retour de la logique de confrontation. Nous avons donc la responsabilité d’adapter la dimension de notre outil de défense aux conflictualités que notre pays connaîtra. Même si cela n’est pas une fatalité, la trajectoire mondiale amènera probablement notre pays à s’impliquer dans des conflits qui ne seront plus choisis, mais subis.

L’adaptation aux défis et le dimensionnement de nos armées exigent l’exécution fidèle de la LPM 2024-2030. Le projet de loi de finances pour 2024 traduit les efforts demandés sur sa première marche, ce que nous saluons. Nos soldats, marins et aviateurs attendent beaucoup de nos travaux, dont nous espérons qu’ils ne seront pas parasités, en séance publique, par un énième 49.3. Si tel était le cas, nous comptons sur la présidence de cette commission pour y intégrer les amendements des oppositions, qui révèlent les points morts du budget à venir.

Car des points morts et des points de friction, il en existe.

Nous reparlerons des crédits alloués à certains projets de coopération internationaux, tels que le système de combat aérien du futur (SCAF) et le système principal de combat terrestre (MGCS), dont nous sommes convaincus qu’ils sont voués à l’échec diplomatique et industriel. Il serait salutaire d’y mettre fin au plus vite. L’aveuglement idéologique dont procèdent ces projets peut coûter cher au modèle d’armée que nous devons ériger au profit de la France et des Français. Dans ces grands projets, la priorité est de faire confiance à nos industriels, qui sont capables de miracles et contribuent, eux, à la défense active de notre souveraineté.

Nos amendements tenteront de révéler et de remédier à des manques capacitaires cruciaux. Ils viseront notamment à relancer la filière de munitions de petit calibre, ce qui semble ne trouver aucun écho au sein de la représentation nationale alors même qu’il s’agit d’un sujet essentiel, à sortir de la logique de flux tendus par la reconstitution de stocks stratégiques, à renouer avec une logique de masse, à faire remonter en puissance le service de santé des armées (SSA), à intégrer le drone volant à moyenne altitude et de longue endurance (MALE) Aarok dans nos programmes, à augmenter la rémunération des militaires, à étoffer les services de MCO pour éviter de recourir à l’externalisation, à acquérir un A400M supplémentaire, à rénover les infrastructures de défense – bref à donner à nos armées les outils pour qu’elles soient prêtes dès ce soir, pour reprendre le mot du chef d’état-major de l’armée de terre (CEMAT).

En responsabilité, nous voterons les crédits de la mission Défense, en cohérence avec notre vote sur la LPM 2024-2030, même si nous déplorons certains points morts.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous espérons qu’elle donnera lieu à la revalorisation du point de la pension militaire d’invalidité (PMI), afin de réparer une injustice notoire des budgets successifs. Les hommes et les femmes qui ont tout sacrifié pour notre pays méritent la reconnaissance de la nation. Alors même qu’ils ont combattu pour la France, ils subissent de plein fouet la vague d’inflation.

À l’unisson des associations que nous avons reçues, nous dénonçons la très faible revalorisation de la PMI, à hauteur de 1,5 %, prévue par le Gouvernement dans le budget 2024, alors même que l’inflation était de 5,2 % en 2022. Un amendement de notre groupe prévoit une revalorisation à hauteur de 5,2 %. S’il n’est pas intégré au budget, nous nous abstiendrons.

Sur les crédits du programme Gendarmerie nationale, nous nous abstiendrons également. Nous jugeons, comme les Français, que l’augmentation du budget et les récentes annonces de création de brigades ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les émeutes de cet été nous inquiètent au plus haut point, d’autant qu’elles ont touché de plein fouet des petites communes habituellement calmes.

L’augmentation prévue ne suffit pas. Ces efforts sont insuffisants face à l’explosion de la délinquance, de l’immigration incontrôlée et de la prolifération de la drogue partout, même dans les campagnes. Toutefois, pour éviter de paralyser les moyens alloués à la gendarmerie nationale, nous nous abstiendrons.

La guerre n’est plus une hypothèse théorique. Elle constitue désormais un risque avéré. La France doit être indépendante, forte et souveraine dans ses équipements, dans sa doctrine d’emploi et dans sa vision stratégique.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). « La guerre est le domaine de l’incertitude », disait Clausewitz. L’enjeu est de réduire l’incertitude pour accroître ses chances de victoire.

Le budget de la défense que nous avons devant nous est un colosse par son montant et par son contenu. Il l’est plus encore par comparaison avec les précédents budgets qui, au nom de l’austérité et de la rationalité comptable, ont continuellement limé le glaive et émoussé le bouclier de la République.

En dépit de ce déversement de fonds et de mesures, nous devons nous demander si ce budget est à la hauteur des enjeux. Permet-il de dissiper la brume de l’incertitude qui règne sur le champ de bataille ? Au groupe de La France insoumise, nous pensons que non. Ce budget est un colosse aux pieds d’argile.

Le budget 2024 de la défense s’élève, hors pensions, à 47,2 milliards. Il respecte l’augmentation de 3,3 milliards prévus par la LPM 2024-2030. Les budgets de tous les programmes sont en augmentation. C’est un fait.

Toutefois, les prévisions d’inflation y sont minorées. Tous les responsables de programme que nous avons eu l’occasion d’auditionner témoignent de leur crainte que leur budget soit absorbé par l’inflation, dont certains redoutent qu’elle atteigne 10 %. Nous avons déposé des amendements visant à mieux tenir compte de l’inflation et à créer un nouvel indicateur pour recenser et mieux anticiper les reports de commandes qu’elle induit.

Ce budget souffre d’un manque de transparence. Les indicateurs de disponibilité des matériels et d’activité des forces armées font désormais l’objet d’une diffusion restreinte. Dès lors, la représentation nationale est en partie privée de ses outils pour contrôler l’action du Gouvernement, ce que nous déplorons. La contribution de la France à l’OTAN, quant à elle, n’est même pas présentée visiblement dans le projet annuel de performance (PAP), comme l’a relevé la Cour des comptes dans un récent avis.

Outre un manque de transparence, nous relevons un manque d’anticipation. La contribution au budget de l’OTAN pourrait s’élever à 830 millions d’euros en 2030, alors même que la France ne cesse de contribuer en nature au fonctionnement de l’Alliance, notamment par le biais de sa participation aux opérations de renforcement du flanc est de l’OTAN.

Comment cette contribution est-elle valorisée ? Quel financement de l’OTAN voulons-nous obtenir ? Avons-nous seulement une stratégie au sein de cette alliance qui n’a plus lieu d’être ou suivons-nous les États-Unis ? En l’absence de vision claire du Gouvernement sur ce point, nous avons déposé un amendement visant à obtenir un rapport sur la stratégie d’influence de la France au sein de l’OTAN.

Nous déplorons le manque de vision globale sur le long terme dont fait preuve le budget 2024, qui prévoit une stratégie « Climat et défense » mais n’explicite rien de concret, concernant notamment l’après-pétrole. Nous dressons malheureusement le même constat dans le domaine de l’espace, dont certains défis, tels que la météo spatiale et les débris spatiaux, sont oubliés.

En outre, ce budget persiste dans les errements de la coopération franco-allemande sur le SCAF et le MGCS, dont l’avenir reste plus qu’incertain. En misant tout sur le MGCS, la France s’expose à un risque sérieux de dépendance industrielle vis-à-vis de l’Allemagne et d’inadaptation de ses armées si elles étaient amenées à participer à un conflit majeur avant les années 2040-2045. Il est indispensable de développer une capacité souveraine telle que le char EMBT.

Faute de vision à long terme, ce budget ne permet pas de sécuriser l’appareil productif français dans des secteurs stratégiques tels que les supercalculateurs – l’entreprise Atos sera-t-elle sauvée ? – et la maîtrise des fonds marins, pour laquelle nous dépendons de l’entreprise Alcatel Submarine Networks (ASN). En refusant d’agir maintenant, la France risque de perdre pied et de rater la marche de la guerre de demain.

La mission Défense du projet de loi de finances pour 2024 soulève une question centrale, d’ordre à la fois démocratique et budgétaire, concernant la qualification juridique et le financement des missions opérationnelles, notamment les missions Aigle, en Roumanie, et Lynx, en Estonie. Ces missions remplissent tous les critères d’une opération extérieure (Opex). Les militaires qui y sont engagés bénéficient de presque toutes les dispositions applicables aux Opex, sauf de la bonification des pensions, ce qui n’est pas rien.

Pourtant, elles sont considérées non comme des Opex, mais comme des missions opérationnelles. Leurs dépenses de ressources humaines sont affectées au budget opérationnel de programme (BOP) Opex, ce qui apparaît comme un abus ; les autres dépenses sont financées directement par les armées. Elles pourraient – peuvent – bénéficier d’un financement interministériel inscrit au collectif budgétaire de fin d’année.

Outre le contournement démocratique évident du Parlement qu’elle constitue, cette situation provoque des tensions en gestion sur le programme 178 de la mission Défense. Nous avons déposé des amendements visant à assurer le financement des opérations Aigle et Lynx dans le cadre des Opex. Il s’agit d’assurer la sécurisation budgétaire des armées et de rendre sa place au Parlement, qui doit se prononcer sur leur opportunité.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous défendrons des amendements visant à améliorer la prise en charge des blessés psychiques et à étendre la reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins victimes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale et par les orphelins de parents incorporés de force et exécutés.

L’argent est le nerf de la guerre, nous en convenons, mais la stratégie en est le cœur. Sans stratégie cohérente ni vision globale, l’apport financier est vain. Ce budget, si imposant soit-il, ne permet pas à la France de dissiper le brouillard de l’incertitude. Nous voterons contre.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Le monde incertain dans lequel nous vivons et la nature même de la guerre nous plongent dans le fameux brouillard de la guerre de Clausewitz. Tout ce que peuvent faire un État ou une commission parlementaire, c’est essayer de trouver les solutions les plus adaptées pour faire face aux menaces qui peuvent se présenter.

Pour évaluer le budget et faire notre choix, nous suivons une règle que nous appliquons à la vie publique dans son ensemble : la cohérence. On ne peut pas voter une loi de programmation militaire et ne pas voter, quelques mois plus tard, le premier budget qui correspond à ce qu’elle prévoit à l’euro près. Ce n’est un scoop pour personne : notre groupe votera ce budget, d’autant que les choix stratégiques dont il procède nous semblent globalement cohérents.

Il assure la dissuasion, laquelle est le cœur du cœur. La sécurité de la France est à ce prix. La dissuasion, c’est la défense de nos intérêts vitaux. Tous les groupes, sauf ceux qui la refusent, auraient prévu des investissements similaires pour la financer.

Le reste procède d’une forme de pari. Il ne faut pas oublier que la défense est globale. Elle ne s’apprécie pas séparément de la situation économique du pays. Opter pour une défense forte et un pays surendetté, à la merci de ses créanciers, n’est pas une solution.

Dans la situation économique que nous connaissons, le pari est assez raisonnable. Il consiste à assurer la dissuasion à 100 % et à consentir des efforts pour la préparation de l’avenir dans la cohérence, notamment sur les segments maritimes – le rapporteur pour avis des crédits de la Marine nationale a rappelé ce matin à quel point les enjeux maritimes sont essentiels – et aéroterrestres.

Nous ne serons probablement pas engagés dans un conflit majeur dans les années à venir, du moins dans le cadre de l’OTAN, et nos alliés, notamment les Polonais et les Allemands, sont en premier rideau. Nous devons tenir notre rang de nation-cadre au niveau corps d’armée. Ce n’est pas le fantassin français qui tiendra le front de l’Est. Telle est la conséquence de ce budget, qui fait preuve de cohérence à l’aune des menaces probables, dont l’évaluation est la base de toute politique de défense.

Ce vote n’est pas un quitus. Nous nourrissons plusieurs inquiétudes, s’agissant notamment des coopérations internationales, dont notre groupe soutient la nécessité mais sans naïveté. Il faut être très vigilant et s’assurer qu’elles ne coûtent pas plus cher, qu’elles ne nous font pas perdre des actifs stratégiques, qu’elles correspondent aux besoins de nos armées et surtout que nous conservons notre liberté de manœuvre au grand export. Nous préparons une proposition de résolution visant à garantir par traité ces attendus, pour conjurer le risque que nos partenaires, notamment les Allemands par un vote du Bundestag, ne puissent défaire ce qui aurait été décidé dans les négociations entre les exécutifs.

Par ailleurs, nous serons vigilants pour que les marges budgétaires un peu augmentées que nous avons obtenues en commission mixte paritaire (CMP) à la demande de notre groupe et sur lesquelles nous sommes tombés d’accord se traduisent par de véritables effets sur la disponibilité opérationnelle des matériels et sur le taux d’entraînement de nos troupes. Nous ne sommes qu’au début de cette manœuvre : l’avenir nous permettra d’en juger.

Sans hésitation, notre groupe votera ce budget.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Au nom du groupe Démocrate, je salue l’effort budgétaire prévu par le projet de loi de finances pour 2024 en faveur de nos armées. Les crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, ainsi que ceux du programme Gendarmerie nationale, traduisent très concrètement notre volonté d’achever la réparation et de poursuivre la transformation de nos armées, de soutenir au mieux nos soldats ainsi que leurs familles, et d’honorer la mémoire de ceux qui se sont battus pour la France.

Je rappelle, car certains ont l’air de l’oublier, que le budget 2017 de la défense était de 32,7 milliards. En 2024, il sera de 47,2 milliards. La marche était haute. Tout le monde peut s’accorder à dire que notre nation a consenti un effort considérable, certes nécessaire.

Les lois de programmation militaire sont là pour donner une vision à long terme. Contrairement à M. Lachaud, je pense que nous en avons une. Les nécessaires transformations et surtout adaptations aux menaces de nos armées sont bien comprises par nos armées, par le chef d’état-major et par la stratégie qu’il met en œuvre.

Nous devons continuer de privilégier la cohérence à la masse. Le budget pour 2024 des armées met l’accent sur la préparation opérationnelle, sur le MCO, sur le renouvellement des équipements et sur l’amélioration des conditions d’entraînement. Nous n’ignorons pas la nécessité de s’adapter aux nouvelles technologies et aux nouveaux milieux de conflictualité. Ce budget prévoit aussi des investissements importants dans des domaines clés des conflits de demain, tels que le cyberespace, l’espace, les fonds marins et le renseignement. Nous avons une vision d’avenir et de l’évolution des conflits concrète et réaliste.

Nous saluons également les efforts consentis pour le soutien aux soldats et à leurs familles. Notre groupe est très attaché au plan « famille ». Nos armées ne sont opérationnelles qu’avec des hommes et des femmes. Ils doivent vivre leur engagement, avec leurs familles, dans de bonnes conditions. Nous sommes très attachés au plan « famille 2 », auquel le budget alloue 70 millions.

Nous voterons ces crédits, qui nous semblent indispensables à nos armées.

J’appelle l’attention sur la nécessité de poursuivre la construction de l’Europe de la défense avec nos voisins. Le conflit en Ukraine nous a rappelé notre fragilité potentielle. Si nous optons pour l’émiettement, si chaque pays vit dans ses frontières avec ses seuls moyens, il sera difficile de maîtriser un conflit. Seule l’Europe de la défense peut y parvenir. Elle est un objectif vers lequel nous devons tendre, même si le chemin est long et difficile, même si les intérêts des uns et des autres sont parfois contraires. Nous devons nourrir cette vision à long terme avec force.

Le budget de la mission Anciens combattants mémoire et Liens avec la nation est un bon budget. Il assure un équilibre entre reconnaissance et réparation. Il permet d’améliorer le plan Blessés 2023-2027, au bénéfice notamment des blessés psychiques, dont la prise en charge, qui a été un angle mort de notre politique pendant de très nombreuses années, est désormais tout à fait identifiée. Nous devons accompagner ces personnes avec beaucoup d’attention.

Par ailleurs, 2024 sera une année commémorative importante. Des crédits significatifs ont été prévus. Les crédits consacrés à la politique de mémoire sont essentiels. Nous voterons les crédits de la mission Anciens combattants mémoire et Liens avec la nation.

Les crédits du programme Gendarmerie nationale sont en hausse de 4,8 %. Ils permettent la création de 1 045 emplois et servent deux ambitions pour l’année 2024 : la participation des gendarmes à la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, où ils seront en première ligne, et la création annoncée de 200 brigades. Des points de fragilité subsistent, s’agissant notamment des infrastructures. Nous serons vigilants mais n’en voterons pas moins ce budget sans difficulté.

Mme Anna Pic (SOC). Trois mois après l’adoption de la LPM 2024-2030, nous sommes réunis pour examiner le premier budget visant à mettre en œuvre la trajectoire budgétaire et la vision stratégique entérinée à cette occasion. Si, comme lors de l’examen de la LPM 2024-2030, nous ne pouvons que saluer l’augmentation des crédits et le suivi de la trajectoire programmée, notre sentiment général est partagé.

Satisfaisants à certains égards, les budgets des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation n’en sont pas moins contestables. Le groupe Socialistes et apparentés fait part de divergences de vision s’agissant de la répartition des crédits et des choix effectués.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, plusieurs points saillants démontrent les limites de ce budget.

En premier lieu, la revalorisation du point d’indice de la PMI à hauteur de 1,5 est loin d’être suffisante compte tenu de l’inflation. D’une même voix, les représentants d’associations d’anciens combattants que nous avons auditionnés la semaine dernière ont exprimé, avec force et solennité, leur inquiétude à ce sujet. En effet, l’inflation attendue cette année devrait s’élever à 5,8 %, en augmentation par rapport à 2022, et risque de rester supérieure à 3,5 % pendant de longs mois. L’inquiétude teintée d’amertume de nos anciens combattants est parfaitement légitime. Le Gouvernement doit faire beaucoup mieux à cet égard. Nous défendrons une proposition visant à évaluer l’opportunité d’une concomitance entre la valeur du point PMI et celle du point d’indice de la fonction publique.

En deuxième lieu, malgré un budget en hausse, les crédits alloués à la vie commémorative semblent sous-évalués. En effet, 2024 sera l’année du quatre-vingtième anniversaire du débarquement en Normandie. Les commémorations afférentes, si importantes soient-elles, risquent d’absorber à elles seules, dès le mois de juin, l’enveloppe budgétaire. Il ne s’agit pas de remettre en cause ces crédits ni la nécessité de commémorer cet événement singulier de notre histoire, mais, bien au contraire, de souligner la faiblesse du budget global à l’aune du contexte. Le sous-dimensionnement des autres commémorations risque d’être inévitable, ce qui laissera aux collectivités locales, dont les finances sont bien souvent exsangues, le soin de les financer. Nous ne pouvons pas accepter cette situation.

En troisième lieu, nous déplorons la non-attribution du statut de blessés de guerre aux vétérans ayant participé aux essais nucléaires en Polynésie française et dans le Sahara, alors même qu’ils sont victimes de maladies radio-induites. Il s’agit d’un angle mort majeur. La réparation financière dont bénéficient ces vétérans doit être attribuée au titre de blessures subies dans le cadre de leurs fonctions militaires et non en tant que civils.

Nous défendrons d’autres amendements, visant notamment à la mise à jour de la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant et à la modification de l’âge à partir duquel certaines allocations sont octroyées. De façon globale, nul besoin d’être économiste pour comprendre qu’une stabilité des crédits alloués dans un contexte inflationniste signifie une baisse de budget.

En dépit du déploiement, salué et auquel nous sommes très attentifs, des maisons ATHOS et de plusieurs mesures que nous attendions, nous ne voterons pas le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation.

S’agissant de la mission Défense, plusieurs points méritent une attention particulière.

Le premier d’entre eux n’est pas sans incidence sur nos militaires en exercice et sur notre politique de recrutement : il s’agit de la politique de rémunération. En dépit de la prochaine finalisation de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) et de la récente revalorisation des grilles, le rééquilibrage du traitement indiciaire et indemnitaire des militaires est longtemps resté un impensé de la politique gouvernementale.

Les informations nous manquent pour être convaincu qu’une prise de conscience a eu lieu. Compte tenu de la réduction du nombre d’Opex et des salaires pratiqués dans le secteur privé, un tel rééquilibrage est pourtant la mesure la plus appropriée pour relever les défis de l’attractivité et de la fidélisation de nos troupes.

Le deuxième point sur lequel nous souhaitons appeler l’attention est le bâti, notamment la vétusté de nos bases de défense et la baisse considérable du budget relatif aux infrastructures de santé. Les difficultés récurrentes, dénoncées par la Cour des comptes dans un rapport publié en juin dernier, ne semblent pas près d’être résorbées. La remise à niveau complète des hôpitaux militaires est pourtant essentielle pour le SSA.

Le troisième point ayant appelé notre attention est l’augmentation du budget des écoles militaires de 3 % seulement, alors même que l’inflation est supérieure à 5 %, et même très supérieure sur leurs principaux postes de dépenses que sont l’énergie et l’alimentation.

D’autres points nous ont interpellés, notamment le projet de fusion de l’école nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) Paris et de l’ENSTA Bretagne, dont les deux diplômes ne jouissent pas d’une reconnaissance au même niveau. Nous serons vigilants à l’évolution de ce projet.

Par ailleurs, en dépit d’une hausse importante des crédits, nous nourrissons des doutes sur la préparation opérationnelle. Comment satisfaire aux critères de l’OTAN si l’on manque d’hommes et de matériel pour réaliser la préparation ?

Sur ce budget, nous nous abstiendrons.

La mission Sécurités a été érigée par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) en étendard. Le groupe Socialistes et apparentés estime, comme l’an dernier, que la réforme territoriale de la police nationale risque d’affaiblir les capacités de la police judiciaire. Par ailleurs, le budget pour 2024, pas davantage que le précédent, ne prévoit aucun équivalent temps plein (ETP) supplémentaire pour la sous-action 06.01 Formation de la police nationale. Nous proposerons d’en augmenter les crédits de 100 millions.

Nous voterons contre les crédits de la mission Sécurités.

M. Loïc Kervran (HOR). Au nom du groupe Horizons et apparentés, je tiens à exprimer notre profonde satisfaction de l’augmentation substantielle du budget de nos forces armées. Pour l’année 2024, notre pays consacrera 47,2 milliards à sa défense, soit quasiment 50 % de plus que ce qu’il dépensait en 2017 et 3,3 milliards de plus que l’année dernière. Il s’agit d’une augmentation sans précédent.

Cet accroissement budgétaire est en parfait accord avec les objectifs de la LPM 2024-2030. Plus profondément, il est aussi en accord avec nos obligations morales.

Notre première obligation morale est envers les hommes et les femmes qui servent ou ont servi la France. Clemenceau a eu, au sujet des anciens combattants, ce mot célèbre et souvent cité : « Ils ont des droits sur nous ». Nos devoirs envers ceux qui défendent la France et ses valeurs de nos jours ne sont pas moindres. Nous devons leur fournir un équipement individuel et des véhicules qui les protègent efficacement, leur donner les armes et le renseignement leur assurant la supériorité et la victoire, et mieux les rémunérer. C’est ce que fait ce budget.

Notre deuxième obligation morale est envers les Français. Le monde dans lequel nous évoluons est dur et dangereux, chaque jour un peu plus. Les autres pays s’arment, mettent à l’eau des flottes, constituent des stocks de munitions. La guerre est là en Ukraine, en Arménie, au Mali, en Israël ; l’agressivité contre la France et ses intérêts, quotidienne. Nous n’avons pas le droit de ne pas nous donner les moyens d’assurer la sécurité des Français.

Ce budget renforce nos capacités dans tous les domaines prioritaires identifiés par la LPM 2024-2030. Nous allouons des ressources considérables à l’innovation, à l’espace, à la défense sol-air, aux drones, au cyber, aux forces spéciales, au renseignement et à la souveraineté outre-mer : autant d’investissements essentiels pour maintenir à niveau notre sécurité nationale et notre rôle sur la scène internationale.

En 2024, grâce à ce budget et à la mobilisation de nos industriels, il y aura plus d’avions, plus de canons, plus d’hélicoptères, plus de drones, plus de munitions. J’en donnerai deux exemples, offerts par deux entreprises présentes dans le département du Cher, qui contribue tant à la défense de notre nation. L’année prochaine, huit canons Caesar sortiront chaque mois des usines de Nexter, contre deux en 2022, et MBDA fabriquera bientôt quarante missiles Mistral par mois contre vingt jusqu’à présent.

Ce budget permet de renouveler l’engagement de la France dans une collaboration étroite avec ses partenaires européens et de l’Alliance Atlantique. Nous nous félicitons du maintien du soutien financier de l’État aux programmes de coopération bilatérale et européenne visant au développement de nouvelles technologies d’armement, tels que le SCAF et le MGCS.

L’encouragement aux initiatives diplomatiques dans le domaine de la défense doit se poursuivre. Nous saluons la coopération militaire lancée cette semaine avec l’Arménie. L’investissement continu dans notre dissuasion nucléaire est lui aussi fondamental, car il constitue le pilier de notre souveraineté nationale et une garantie supplémentaire de l’autonomie stratégique de l’Europe.

En examinant ce budget, nous ne devons pas oublier le caractère profondément humain de l’action du ministère des armées. Nous nous réjouissons de la mise en œuvre du plan « famille 2 », des moyens dédiés à la modernisation des infrastructures et des lieux de vie des militaires, ainsi que des efforts du ministère en matière de logement et d’environnement.

Convaincu que ces ressources sont essentielles pour garantir la sécurité de notre nation, renforcer notre position sur la scène internationale et soutenir nos militaires ainsi que leurs familles, le groupe Horizons et apparentés votera les crédits de la mission Défense.

Nous voterons également les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation. Je tiens à partager ma satisfaction de constater que les crédits de cette mission dédiée seront stables en 2024, en dépit de la baisse tendancielle du nombre de bénéficiaires de l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG). Le plan Blessés 2023-2027 permettra une prise en charge et un suivi toujours plus poussés des soldats, dès leur retour de mission ou d’Opex.

Par ailleurs, l’année 2024 sera riche en commémorations célébrant les 80 ans de la Libération. Les crédits supplémentaires alloués à la politique de mémoire devront permettre d’y associer autant que possible les associations, la jeunesse et tous les Français. Quant aux harkis et leurs familles, le groupe Horizons et apparentés soutient le renouvellement des engagements de l’État à leur égard.

S’agissant du programme Gendarmerie nationale, nous saluons la création de 238 brigades, qui marque la volonté d’assurer la présence de l’État sur tout le territoire et de porter une attention particulière à la sécurité des habitants des zones rurales.

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*     *

 

La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense »

 

Article 35 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN6 de Mme Valérie Rabault

Mme Isabelle Santiago (SOC). Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à augmenter de 5 % la dotation dite du gasoil, allouée à nos forces armées, afin de tenir compte des incertitudes et des risques internationaux qui pourraient affecter le prix du pétrole. Notre demande intègre la hausse des tarifs de cession qui pourrait se poursuivre, ainsi que du volume de carburant nécessaire à l'activité de nos forces armées en 2023. Nous déposons régulièrement cet amendement.

L’amendement procède à une écriture administrative pour gager la dépense, mais nous souhaitons que le Gouvernement lève le gage en cas d’adoption de l’amendement.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis (Soutien et logistique interarmées). La hausse du coût des carburants est un sujet important. En 2022, le budget prévisionnel a été dépensé dès la fin du premier semestre. La gestion du compte courant de commerce du service de l’énergie opérationnelle (SEO) et celle du programme 178 Préparation et emploi des forces se retrouvent sous tension.

Je vous demande de retirer votre amendement car j’en ai déposé un sur le même sujet, mais le mien prévoit une augmentation des crédits de 100 millions d’euros quand le vôtre se contente d’une hausse de 1 680 040 euros. Si vous souhaitiez le maintenir, je voterais tout de même en sa faveur.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN7 de Mme Mélanie Thomin

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à abonder les crédits dédiés à la préparation des forces navales car, à 89 %, la fonction de protection est la plus faible de toutes les forces armées ; le constat est particulièrement préoccupant pour la sécurité de notre zone économique exclusive (ZEE). Comme l'indiquait le projet annuel de performances (PAP) de la mission Défense du PLF pour 2023, le niveau de couverture des zones de surveillance maritime devrait se maintenir à 68 % jusqu’en 2025 et le parc des moyens aériens et maritimes resterait quantitativement équivalent. Ce taux de couverture restant très faible, nous proposons d’augmenter les crédits de paiement alloués à la préparation des forces navales.

 

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Marine). La dernière LPM a consacré une montée en puissance de la préparation des forces navales. Le PLF pour 2024 affiche une augmentation des autorisations d'engagement de 20 % et des crédits de paiement de 9 % ; cet effort sera poursuivi toutes les années couvertes par la LPM. J’émets un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN10 de Mme Mélanie Thomin

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à augmenter les crédits du plan « famille 2 », afin de faire porter l’effort financier en début de période de programmation et de s’assurer que les crédits de paiement disponibles sont en phase avec les autorisations d'engagement du PLF pour 2024.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Plus tôt nous pouvons agir pour les familles, mieux c’est : le chantier est tel que ces 7 millions d’euros supplémentaires dès l’année prochaine seront utiles. L’avis est favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN16 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à restaurer un niveau de crédits équivalent à celui de 2023 pour la rénovation et la création des infrastructures des bases de défense.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Pour les mêmes raisons que pour l’amendement précédent, l’avis est favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN17 de Mme Mélanie Thomin

Mme Isabelle Santiago (SOC). C’est le même amendement, mais il concerne le logement des familles de militaires.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN18 de Mme Isabelle Santiago

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à doubler les crédits alloués à la transition écologique dans le ministère des armées. Celui-ci a élaboré un plan Climat, mais il importe d’augmenter les crédits dans ce domaine pour que la transition s’opère le plus rapidement possible.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le ministère des armées possède de très nombreux bâtiments fort vétustes, qui n’offrent pas le confort nécessaire aux militaires et à leurs familles. Il est indispensable d’agir rapidement, car les passoires thermiques ne contribuent pas à la fidélisation des militaires. L’avis est favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN19 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vient compenser par un montant de 1,2 million l’une des conséquences financières de l’externalisation des services de restauration et d’alimentation des armées : le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée pour 2024. Beaucoup de restaurants sont passés en gestion déléguée ; nous préférerions que ce service reste assuré en interne.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Demande de retrait. Il ne faut pas confondre les concessions au profit de l’économat des armées, très bel instrument, établissement public historiquement uni aux armées par des liens étroits, et l’externalisation de la restauration. Les concessions à l’économat permettent une véritable rénovation du bâti et rendent ainsi un service sans externalisation, contrairement à certains mécanismes antérieurs qui étaient réellement problématiques.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Je ne retire pas l’amendement, car il a pour première signataire ma collègue Anna Pic, qui s’est appuyée pour l’écrire sur des situations qu’elle connaît dans sa circonscription.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN20 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago (SOC). Lors de son audition par la commission de la défense le 3 octobre dernier, le ministre Lecornu évoquait une augmentation de l’ordre de 70 millions des crédits alloués au service de santé des armées dans le PLF pour 2024. Or, s’il est vrai que le budget des sous-actions Fonction santé des programmes 178 et 212 augmente, au total, les crédits alloués à la santé dans nos armées connaissent une baisse de 23 millions.

En outre, dans un rapport de juin dernier, la Cour des comptes soulignait : « Les difficultés récurrentes du ministère des armées à inscrire dans sa programmation budgétaire la remise à niveau complète des hôpitaux militaires, nécessaire tous les soixante ans, concernent actuellement l’hôpital Laveran de Marseille, élément essentiel du dispositif du service de santé des armées, dont la reconstruction devient urgente. En juin 2023, la reconstruction du futur hôpital sur le site de la caserne Sainte-Marthe d’ici à 2030 a été annoncé par le Président de la République, mais le financement de cette opération n’a pas été prévu dans le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire 2024-2030. »

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Vous avez raison en ce qui concerne Laveran. C’est un vrai problème : nous votons une LPM et, dans la foulée, avant même la commission mixte paritaire, le Président annonce la création d’un nouvel hôpital qui n’est pas du tout financé dans la LPM. Il faut donc abonder le budget du SSA pour cela. Avis favorable.

Il est également nécessaire, vu notre contribution à l’Otan, de nous interroger sur les contreparties que l’Alliance peut nous apporter : selon certains, le financement de cet hôpital pourrait bénéficier de fonds de l’Otan. Le Gouvernement doit être plus explicite sur ce point.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN21 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à lisser les crédits liés à la cyberdéfense sur les prochaines années de la LPM.

Conformément aux engagements pris dans le cadre de cette dernière, les enjeux de cyberdéfense bénéficient dans ce PLF d’une attention particulière, comme en témoigne l’augmentation considérable des crédits qui leur sont alloués. Si le développement de nos capacités cyber est une absolue nécessité, d’autres postes subissent en parallèle une baisse de crédits. Voilà pourquoi nous proposons ce lissage et une hausse de 100 millions au profit de la sous-action Infrastructures de santé du programme 178. La construction de l’amendement est due aux contraintes de l’article 40.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Tout ce qui permet d’avancer les dépenses qui ont été rejetées à la fin de la LPM est une bonne chose. Favorable.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis (Équipement des forces Dissuasion). Les 500 millions consacrés au cyber représentent une accélération souhaitée par tous les groupes et qui a fait l’objet de nombreux échanges avec les militaires et civils entendus par notre commission. Je ne comprends pas que l’on veuille ainsi déshabiller Pierre pour habiller Paul. Le PLF pour 2024 en ferait trop pour la cybersécurité ? On ne peut pas se plaindre d’insuffisances ou de retards dans certains domaines, puis défendre de tels amendements. Croyez-nous, la copie reste équilibrée et l’effort en matière de cyber est nécessaire. Je suis très défavorable à cet amendement.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Moi aussi. Le propre d’une LPM est la cohérence. Ce jeu de ping-pong n’est pas très sérieux. Il y a beaucoup d’orgueil à croire que l’on peut jongler ainsi avec 100 millions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN22 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à abonder les crédits en faveur des écoles militaires.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Ces crédits sont augmentés de 3 % pour 2024. Il s’en ajoute d’autres que l’on ne voit pas car ils viennent de l’extérieur. Je pense notamment au PEM (Pôle écoles Méditerranée), qui a des coopérations avec la région et envoie des marins en formation à la Coudoulière, à Six-Fours.

En outre, les infrastructures de la Marine, bénéficient d’une augmentation de 8 % en crédits de paiement en 2024, pour un total de 157 millions d’euros (hors dissuasion).

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN29 de M. Frédéric Boccaletti

M. Frédéric Boccaletti (RN). Il tend à abonder de 100 millions le programme Environnement et prospective de la politique de défense, afin de réunir les fonds nécessaires à la bonne réalisation du projet de création du bataillon de réservistes du renseignement en 2024.

Les récents événements internationaux ont mis sur le devant de la scène l’importance du renseignement humain combiné au renseignement technique. Il est indispensable de prévoir un budget destiné à ce poste stratégique pour nos armées et nos intérêts.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis (Environnement et prospective de la politique de défense). Demande de retrait ou avis défavorable.

La brigade de renseignement a été dissoute en 2016 au profit du commandement du renseignement. Votre amendement me permet toutefois de souligner le rôle que les réservistes jouent dans le domaine du renseignement – je pense en particulier à la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure) et à la DRSD (direction du renseignement et de la sécurité de la défense), qui relèvent toutes les deux du programme 144 dont je suis rapporteur pour avis. Mais si vous créez une brigade au sein de l’armée de terre, elle doit relever de l’armée de terre, c’est-à-dire du programme 178 et non du programme 144 comme vous l’indiquez dans le dispositif de votre amendement.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Forces terrestres). Même avis.

Je salue l’importance des réservistes de l’armée de terre. Celle-ci est en train d’adapter en profondeur son modèle et sa doctrine d’emploi des réservistes pour préparer le doublement de leur nombre, prévu dans le cadre de la LPM. Cette refonte se fera dans la durée. Le besoin est élevé s’agissant de la création d’une réserve de compétences, mais il est encore trop tôt pour évaluer précisément les crédits spécifiquement nécessaires au bataillon de réservistes du renseignement et il ne m’apparaît pas opportun de flécher des crédits, en particulier vers ce poste, alors que d’autres fonctions critiques, comme le cyber ou la maintenance, ont également besoin d’être renforcées par des réservistes.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN34 de M. Julien Rancoule

M. Julien Rancoule (RN). Avoir une dissuasion nucléaire consolidée, de grands programmes d’armement renouvelés et de grandes ambitions dans le domaine du spatial ne doit pas nous faire oublier qu’à la fin des fins, sur le terrain, quand le militaire se retrouve face à l’ennemi, il a besoin d’une cartouche pour se défendre contre celui qui veut le tuer.

La France est le seul membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies à ne pas avoir de filière nationale de production de munitions de petit calibre. Nous ne pouvons pas l’accepter. Nous devons apprendre des dernières années – je pense aux pénuries de masques et de médicaments que nous ne produisions même plus en France. N’ayons pas la même naïveté s’agissant des munitions de petit calibre : en la matière aussi, nous pouvons connaître des situations exceptionnelles qui fragiliseraient les acheminements. L’amendement vise à relancer cette filière sur notre territoire.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. La relocalisation de filières critiques pour l’approvisionnement de nos armées, dont celle dont vous parlez, est un sujet important et une exigence de la loi de programmation militaire. Notre commission avait amendé le rapport annexé de la LPM en ce sens. Soyez donc rassuré sur ce point.

Néanmoins, il serait prématuré d’inscrire à cette fin des crédits dans la loi de finances pour 2024, notamment au profit du programme 146 : le sujet nécessite des travaux structurels, en lien avec les industriels, qui ne se relancent pas d’un trait de plume sur un programme aussi important.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Julien Rancoule (RN). Nous préconisions cette relocalisation dans le rapport de la mission flash sur les stocks de munitions dont j’étais rapporteur avec Vincent Bru. Dans ce cadre, nous avions rencontré des industriels et des personnes de différents ministères, dont l’intérieur ; ils nous avaient dit qu’un projet était déjà dans les tuyaux et que les munitions devaient commencer à être produites fin 2024. Il serait donc parfaitement pertinent de voter dans ce PLF un budget destiné à appuyer ce projet.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. La LPM 2024-2030 prévoit une enveloppe de 16 milliards d’euros en faveur des munitions, notamment de petit calibre. Vous avez donc été entendu.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN38 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Il vise à alerter le Gouvernement sur la nécessité, dans un objectif d’attractivité, de fidélisation et de disponibilité des réservistes opérationnels des trois armées, de leur accorder une carte de circulation militaire, au même titre qu’à leurs camarades d’active.

Cela permettrait de faciliter leurs déplacements sans surcharger la cellule de transport régimentaire par la demande de bons unitaires de transport, de les fidéliser par une réduction de 75 % sur leurs voyages sur le réseau ferroviaire national et de rendre attractive la réserve opérationnelle.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. C’est un amendement d’appel au Gouvernement, qui n’est pas représenté ici. Je vous invite donc à le retirer pour le redéposer en vue de la séance, en espérant qu’il n’y aura pas eu de 49.3 d’ici là et que vous aurez une réponse du ministre.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN40 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Avant le projet Fomedec (formation modernisée et entraînement différencié pour les équipages de chasse), la formation des pilotes comprenait des étapes sur le TB-30 Epsilon et l’Alphajet. Fomedec a fusionné les phases d’Epsilon et Alphajet, conservant seulement la transition opérationnelle à Cazaux. Avec le projet Mentor présenté en 2019, cette phase se déroule à Cognac, grâce à des PC-21 de nouvelle génération, plus économiques. Mais leur nombre ne permet pas à l’ensemble des élèves de s’entraîner pour honorer leur contrat opérationnel ; on a besoin de cinq nouveaux PC-21 NG, dont le coût est estimé à 12 millions l’unité.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Vous avez raison de souligner l’apport de ces avions à la formation des pilotes, qui permettent notamment de se familiariser avec l’avionique du Rafale, et leur avantage économique. La base de Cognac recevra bientôt des drones Male (volant à moyenne altitude et de longue endurance) et des ALSR (avions légers de surveillance et de reconnaissance). Le chef d’état-major ne nous a fait part d’aucune alerte au sujet des PC-21. Avant les neuf commandés en 2021, l’armée de l’air et de l’espace en avait déjà dix-sept.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN41 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Si la LPM prévoit une augmentation de 460 ETP d’ici à 2030, le niveau des années 2015-2016 est loin d’être atteint alors que le SSA a subi une dizaine d’années d’arbitrages budgétaires défavorables. Un rapport d’information sénatorial a alerté sur la pénurie, qui pourrait coûter cher dans l’hypothèse d’un conflit de haute intensité. Il convient donc de renflouer l’enveloppe consacrée aux ressources humaines du SSA en l’abondant de 20 millions en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je comprends l’objectif, mais je doute que 20 millions suffisent. Les postes sont ouverts, mais non pourvus ; ce n’est donc pas en en ouvrant davantage que l’on rehaussera les effectifs. Et avec 20 millions, on ne peut pas à la fois ouvrir les postes et revaloriser significativement les rémunérations. Une réflexion plus globale est nécessaire.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN42 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Le rapport d’information sénatorial que j’ai cité signale l’urgence d’accélérer l’acquisition de groupements médico-chirurgicaux (GMC) dans la perspective d’un conflit de haute intensité. Pour préparer le SSA à un engagement majeur, la priorité est de reconstituer sa capacité à déployer des hôpitaux de campagne. Il apparaît donc essentiel d’acquérir dès 2024 trois GMC de plus, pour un coût total de 18 millions.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Même avis que sur le précédent amendement. Nous n’avons malheureusement pas les effectifs qui permettraient d’armer ces trois GMC supplémentaires. Il faut d’abord recruter et, pour cela, rendre le SSA plus attractif.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN43 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Selon la LPM, l’armée de l’air et de l’espace prévoit l’acquisition de six systèmes de drones Male Eurodrone d’ici à 2035, pour un montant initial de 2 milliards. Toutefois, lors du vote final de la LPM, il n’était pas encore question du drone Male Aarok, développé par Turgis & Gaillard. Véritable vedette du Salon du Bourget, ce drone français moins coûteux et plus léger que l’Eurodrone a suscité l’intérêt des armées, à commencer par le chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, qui s’est déclaré « prêt à payer pour voir » lors d’une audition ici même.

Le PLF pour 2024 offre précisément l’occasion de payer pour voir, en vue de doter les armées, si les premiers achats sont concluants, d’un outil souverain de surveillance et de renseignement. Le coût unitaire est estimé entre 5 et 10 millions. Il conviendrait de doter nos armées de quatre appareils, ce qui représente un investissement relativement peu important au regard des gains capacitaires et des retombées économiques attendus.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Nous avons tous été bluffés par ce drone. Le ministre lui-même, au Sénat, l’a jugé très intéressant. Son premier vol devrait avoir lieu dans quelques mois. Malgré l’intérêt qu’il suscite et le retard que nous accusons dans ce domaine, il est donc encore trop tôt pour engager en 2024 des crédits de paiement sur ces capacités précises.

La LPM prévoit de consacrer 5 milliards aux drones. Nous sommes d’accord concernant l’objectif et la solution. Patience !

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). En effet, nous avons tous été frappés par ce produit de Turgis & Gaillard, et je suis d’accord avec le chef d’état-major de l’armée de l’air : cela vaut la peine de payer pour voir. Mais je ne voterai pas l’amendement, car le drone ne vole pas encore. Il faudra envisager de lui consacrer des crédits, à l’intérieur de l’enveloppe de 5 milliards, dès que nous aurons la certitude que le vecteur et les différents effecteurs fonctionnent. Je ne suis pas du tout contre l’amendement ; simplement, c’est trop tôt.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Air). Je soutiens l’amendement. Il faut envoyer des signaux positifs à notre BITD, surtout quand elle est « rafraîchissante » : ici, une entreprise qui a développé sur fonds propres un projet que les grands consortiums mettent plusieurs années à faire aboutir – je ne reviens pas sur les délais de développement de l’Eurodrone. Ce produit a la confiance de la DGA (direction générale de l’armement) et du ministre ; il a été vendu en Ukraine pour un essai : si les Ukrainiens ont mis de l’argent pour le développer, je ne vois pas pourquoi nous n’en ferions pas autant.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Le signal que vous souhaitez est envoyé par la LPM : ce sont les 5 milliards, que nous investirons dans des solutions réellement éprouvées. Ne vous inquiétez pas : dans quelques mois, le sujet sera traité.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Il y a effectivement un projet avec la BITD ukrainienne, mais il ne s’agit pas du même modèle que celui qui pourrait intéresser les armées françaises : celui-là est plus simple, avec une motorisation plus légère et des objectifs qui ne sont pas exactement les mêmes. Si l’idée est un produit sinon alternatif à l’Eurodrone, du moins complémentaire, ce n’est pas cela qui est vendu à l’Ukraine.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN46 de M. Michaël Taverne

Mme Caroline Colombier (RN). La BITD française constitue un pilier solide de notre économie et les grandes entreprises de ce secteur en sont autant de fleurons. En effet, les exportations d’armement constituent pour tout un pan de notre industrie une véritable force d’entraînement d’autant moins négligeable que notre pays ne cesse de battre des records de déficit commercial et de baisse de la part de l’industrie dans la production nationale de richesses.

Dans ce contexte, la baisse de 8,1 % du budget alloué à la politique de soutien aux exportations conduite par la DGA apparaît parfaitement contre-productive, alors même que l’État se doit, tout autant pour la BITD que pour le reste de nos entreprises, notamment industrielles, de soutenir l’export et de promouvoir nos productions nationales.

Nous proposons donc d’abonder de 5 millions le budget de la sous-action DGA/Soutien aux exportations de l’action 52 du programme 212.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous souhaitons que la BITD puisse se développer sans être dépendante de l’export. Un soutien appuyé à l’export ne garantirait pas la souveraineté du pays : si notre BITD dépend des achats d’autres puissances, nous serons dans leur main.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN49 de M. Emeric Salmon

M. Laurent Jacobelli (RN). Les conditions de logement sont importantes pour attirer et fidéliser les militaires. En préparant notre rapport d’information, mon collègue Chenevard et moi-même avons constaté combien la question était récurrente. Or 25 % seulement du patrimoine immobilier de la défense est en état. Nous proposons donc des crédits supplémentaires pour que nos soldats vivent dans des conditions décentes.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La somme proposée, de 15 millions, n’est pas suffisante face aux enjeux. Nous ne pouvons pas laisser entendre qu’elle le serait. Je vous demande donc de retirer l’amendement pour réévaluer ce montant à la hausse en séance.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN52 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Le programme MGCS (système principal de combat terrestre), conduit avec les Allemands, est en déshérence totale. L’objectif en était politique avant d’être opérationnel. Le ministre allemand de l’économie s’est dit prêt à se libérer des règles et des engagements européens pour défendre avant tout l’industrie allemande. D’ailleurs, il a commencé, signant avec d’autres partenaires – la Suède, l’Italie, l’Espagne – un autre programme qui, contrairement à ce qui a été dit ici même, pourrait concurrencer le MGCS.

La France ne doit pas être le dindon de la farce. Il nous faut prévoir ce qui va arriver. Six ans ont été nécessaires pour se mettre d’accord sur les objectifs du MGCS : dans de telles conditions, il y a une probabilité non nulle qu’un projet aille dans le mur…

Parce que nous avons besoin de cet équipement, parce que nous ne pouvons pas laisser aux seuls Allemands le sort de la souveraineté de notre défense, nous proposons que l’on prépare un plan B pour le MGCS.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. C’est un amendement d’appel, mais si je m’en tiens à l’objectif que vous venez d’expliciter, il est satisfait. En effet, tout est fait pour que, à partir de 2025, l’ensemble des options qui sont sur la table puissent être activées. Quant à l’autre projet auquel vous vous référez – un projet de composants, non de système de combat –, connaissez-vous le montant total qui lui est alloué ? 30 millions. Et celui que notre pays inscrit, dès 2024, dans le projet de loi de finances pour engager les études sur le MGCS, en AE ? 33 millions. En réalité, il n’y a pas de concurrence entre les deux projets.  Le MGCS est conforté par la volonté politique et la convergence des besoins militaires, qui sont les deux premiers prérequis. Pour le troisième, la convergence des industriels, 2024 sera l’année de vérité.

Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je me contente de lire les interviews des dirigeants allemands. Ils expliquent qu’ils préparent leur avenir ; pendant ce temps, ils stérilisent les projets français. Dans quelques années, ils auront le char du futur, avec d’autres partenaires, et nous n’aurons rien. Si vous ne l’avez pas compris, nous allons le répéter à nouveau. Les Allemands avancent pratiquement à visage découvert ! Il n’y a qu’en France que l’on a quelques dirigeants qui ne veulent pas voir la vérité. Nous ne pouvons pas rester le bec dans l’eau, sans plan B. C’est la moindre des sagesses.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous avons déposé un amendement analogue.

Notre collègue Belhamiti nous explique qu’il n’y a pas de concurrence entre les deux programmes en faisant valoir qu’ils sont financés à hauteur l’un de 30, l’autre de 33 millions : ce n’est vraiment pas convaincant.

Quoi qu’il en soit, on observe une inflexion dans les discours de la majorité et du Gouvernement : on nous dit désormais que nous aurons un moment pour reprendre nos billes. Le travail d’alerte que nous menons depuis des mois commence donc à porter ses fruits. Je peux comprendre que vous ayez besoin de sauver la face, mais notre argumentation est désormais bien étayée. Les cycles industriels français et allemand ne se synchroniseront pas. Les Allemands ont bien l’intention d’empêcher la France de mobiliser sa capacité à investir dans un projet alternatif. Au bout du compte, il y aura un projet allemand tandis que, côté français, nous n’aurons que nos yeux pour pleurer.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Heureusement, nos armées et la DGA ne nous ont pas attendus pour commencer à travailler sur toutes les hypothèses du système futur de combat terrestre ! Nos discussions franches avec eux nous montrent que toutes les options sont sur la table. Je parlais d’un plan B dès mon rapport de l’année dernière. Il y a 33 millions d’AE dans le budget cette année : c’est que l’on commence à accélérer les études. Les Allemands sont dans une logique incrémentale et il est anachronique de considérer que l’incrément nourri par les 30 millions de partenariat européen est un concurrent du MGCS, lequel viendra bien plus tard. Nous avons eu ces débats dans le cadre de la LPM. Tout est possible, mais gardons-nous de tuer le projet dans l’œuf. Il est dans l’intérêt de la France de développer cette capacité en coopération, en maintenant ses exigences de souveraineté et de liberté d’exportation.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN53 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Après le MGCS, le Scaf (système de combat aérien du futur), qui en est une sorte de pendant, en moins caricatural, dans la collaboration à marche forcée avec nos amis allemands. La France, avec Dassault, serait capable de s’en sortir toute seule. Ce que l’on appelle le couple franco-allemand n’en a plus que le nom : nous sommes les seuls à le vouloir, et le projet s’enlise. Ne restons pas dénudés, ne livrons pas les clés de la défense française à un pays qui ne veut pas de nous et reste tourné vers les États-Unis.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN55 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Un tiers des militaires ne renouvellent pas leur contrat ; un tiers ne vont pas au bout de leur engagement. À cela s’ajoutent les difficultés de recrutement. Nous proposons donc que l’on augmente la rémunération des militaires de la marine nationale. Lorsque les montants offerts ne peuvent rivaliser avec ceux du privé et que les conditions de vie ne sont pas toujours à la hauteur de ce qui est attendu, les effectifs sont à l’avenant. Il est chaque année plus difficile de recruter et de conserver les troupes.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. L’ancien marin que je suis pourrait se réjouir de cet amendement, mais nos forces armées sont un tout. Le retex (retour d’expérience) de la précédente LPM a montré que plusieurs mesures avaient commencé à produire des effets, comme la NPRM (nouvelle politique de rémunération des militaires), qui représente cette année, pour sa troisième phase, 351 millions d’euros. J’avais fait adopter dans le cadre de la LPM un amendement prévoyant une modification, avec augmentation, de la grille indiciaire de l’ensemble des militaires. Elle concernera les hommes du rang dès 2024, les sous-officiers en 2025 et les officiers en 2026.

Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Vous avez déposé trois amendements : un pour l’armée de terre, un pour la marine et un pour l’armée de l’air, mais vous avez oublié le soutien interarmées. Je vous demande un retrait au profit de mon amendement, qui se veut global. Il permettra, en effet, de répondre à l’ensemble des situations, sans s’y prendre au doigt mouillé – mais ce n’est pas un reproche, car je sais la difficulté de trouver un chiffre satisfaisant parmi les informations qui nous sont données. J’ai pris pour référence l’ensemble des mesures indiciaires dans la fonction publique – l’augmentation du point d’indice et ce qu’on appelle les mesures « Guérini ».

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN56 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Je me demande si Mme Magnier, du groupe Horizons, sera elle aussi vouée aux gémonies par M. Cormier-Bouligeon. Elle a, en effet, déposé un amendement faisant appel au même mécanisme que ceux de La France insoumise, du parti socialiste, c’est-à-dire de tout le monde en fait.

L’amendement II-DN56 concerne, cette fois, les forces de l’armée de l’air et de l’espace.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je soutiens cet amendement. Toutes les mesures qui permettront de recruter et surtout de garder les sous-officiers, officiers et techniciens, à qui on fait des ponts d’or au sein de la BITD et ailleurs, sont évidemment bienvenues.

La commission rejette l’amendement.

 

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Le minimum, dans une commission telle que la nôtre, serait de faire preuve de respect. J’aimerais que ceux de nos collègues qui en traitent d’autres de tocards soient rappelés à l’ordre. Qu’est-ce qui leur permet de nous insulter ?

M. le président Thomas Gassilloud. Je n’avais pas entendu.

M. Frédéric Boccaletti (RN). Nous nous sommes fait insulter et diffamer au début de la réunion – vous n’étiez pas là. Je me suis donc permis de dire à un de nos collègues qu’il avait un comportement de tocard, ce que je confirme, en précisant que ce n’est ni injurieux ni diffamatoire, contrairement aux propos qui nous visaient.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Se faire insulter par les députés du Front national est une forme de légion d’honneur.

 

Amendement II-DN57 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Merci à notre collègue qui est resté vingt-trois ans au parti socialiste, aux côtés de François Mitterrand, lequel avait reçu la francisque. Qu’il assume son héritage !

Nous souffrons, s’agissant des avions à très forte capacité d’emport, d’un vrai manque. Nous avons des appareils pouvant embarquer 17 tonnes, 25 tonnes ou 37 tonnes, mais pas 150 tonnes. En cas de besoin, par exemple pour transporter des chars, nous avons recours à des avions appartenant à des armées d’autres pays, comme les États-Unis d’Amérique. Puisqu’il est beaucoup question de souveraineté – nous sommes très heureux que ce terme soit à nouveau au centre des débats –, il faudrait développer notre propre avion à forte capacité d’emport. Tel est l’objet du présent amendement.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. C’est une capacité qui nous manque, en effet, mais votre amendement prévoit d’y consacrer 100 millions d’euros, alors qu’il faudrait plutôt des milliards pour mener un tel projet. Par ailleurs, le général Mille, que nous avons auditionné, n’a pas fait état d’un besoin prioritaire dans ce domaine, contrairement à ce qu’il nous a dit à propos du renouvellement des Casa ou des Hercule C-130. Il s’agit d’une capacité que nous aimerions bien avoir, naturellement, mais que nous ne pouvons pas nous offrir dans le contexte actuel. Il existe un projet européen en la matière, mais je ne sais pas si cela peut vous plaire. Il me semble pourtant que c’est le bon échelon : ce ne sont pas des capacités de transport auxquelles on a recours quotidiennement. Pour ces raisons, demande de retrait, sinon avis défavorable.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Vous dites que nous n’avons pas besoin de cette capacité au quotidien, mais que se passe-t-il au Niger ? Les A400M ne suffisent pas pour transporter tout le matériel entreposé depuis des années dans ce pays. Nous avons une carence en ce qui concerne les gros-porteurs, ce qui nous contraint à nous tourner vers des solutions qui ne sont pas souveraines, comme la location d’Antonov.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Je partage la préoccupation à l’origine de cet amendement. Le général Mille a dit que nous pouvions être confrontés à des problèmes en matière de transport stratégique. Nous le savons, les Antonov arrivent en fin de vie. Par ailleurs, si nos amis américains peuvent nous aider avec leurs C-5 Galaxy, cela ne va pas très loin. Le problème est qu’il s’agit d’un programme qui coûterait de 5 à 15 milliards d’euros et pour lequel il n’existe pas de marché. Les seuls pays qui peuvent s’offrir ces capacités sont les États-Unis, la Chine, peut-être – mais je doute qu’on vende des avions aux Chinois – et l’Europe, collectivement. Ce n’est pas en mettant sur la table 100 millions d’euros, au petit bonheur la chance, qu’on aboutira une solution. Néanmoins, cette question mérite de faire l’objet d’un véritable travail. Une mission parlementaire avait été créée à ce sujet il y a quelques années, mais je pense que nous devrions retravailler sur le dossier pour voir ce qui peut marcher.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN60 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). On a mis six ans à se mettre d’accord sur l’objectif du MGCS, et il est clair que ce char ne verra pas le jour avant 2040 – et encore c’est une hypothèse optimiste. Entre-temps que fera-t-on ? Nous avons des chars qui commencent à vieillir et nous vivrons une période tampon assez délicate à gérer. Par ailleurs, les signaux qui nous parviennent quant à l’état du monde ne sont pas très encourageants. Il ne faudrait donc pas se trouver dépourvu quand la bise sera venue. Nous proposons – tenez-vous bien – une solution franco-allemande, codéveloppée par Nexter, dont le capital est mixte, et potentiellement disponible à moyen terme, à savoir l’E-MBT. Ne restons pas sans armement à force de courir après des chimères.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Jacobelli croît tantôt au couple franco-allemand et tantôt il n’y croit pas, ce qui n’est pas très cohérent. Vous avez déjà enterré le MGCS, un peu comme le croque-mort qui, dans les albums de Lucky Luke, prend les mesures des gens de leur vivant. Nous essayons, pour notre part, de voir le verre d’eau à moitié plein, parce que nous sommes aux responsabilités et que nous voulons préparer l’avenir. Force est de constater que des avancées substantielles ont été réalisées ces derniers temps : un accord a été trouvé entre les états-majors français et allemands au sujet des besoins militaires et un High Level Common Operational Requirements Document a été signé en septembre 2023 par les ministres Sébastien Lecornu et Boris Pistorius.

Comme l’a indiqué devant nous le chef d’état-major de l’armée de terre (Cemat), la question primordiale est celle des besoins militaires. Or les forces terrestres, que vous le vouliez ou non, ne souhaitent pas un char Leclerc amélioré, le Cemat a été très clair lors son audition. L’enjeu est de ne pas rater le changement de génération en allouant des ressources à un modèle intermédiaire. De plus, indépendamment du développement industriel qui suivra, le programme MGCS permet de travailler sur les caractéristiques du système de char du futur et sur les briques technologiques nécessaires, comme l’a rappelé notre excellent collègue Belhamiti.

En attendant, notre responsabilité est de prévoir les moyens de pérenniser et de moderniser le char Leclerc pour le faire durer jusqu’en 2040 ou 2045 – c’est ce qui est prévu par la loi que nous venons d’adopter. En 2024, 21 chars Leclerc rénovés seront ainsi livrés à l’armée de terre et la LPM prévoit 200 chars rénovés en 2035.

Je me permets aussi de vous faire remarquer que vous voulez ponctionner 100 millions sur les crédits des journées défense et citoyenneté, alors que nous devons favoriser l’engagement de nos jeunes dans les armées, et sur le programme Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, que vous prétendez défendre – c’est vraiment faire preuve de duplicité.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je pense qu’il y a un problème à l’éducation nationale puisqu’on peut apparemment être député sans savoir lire. Voici ce que nous avons écrit : « Cette minoration est proposée pour les besoins de la recevabilité financière. En cas d’adoption de l’amendement, il est demandé au Gouvernement de lever cette compensation ». Il faudrait en finir avec les clowneries.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’organisation de nos travaux ne suit absolument aucune logique. Nous passons des chars aux avions puis au logement, avant de revenir en arrière. Aucune réflexion n’est possible dans ces conditions. De plus, la majorité n’est quasiment pas représentée, parce qu’elle sait très bien que le Gouvernement aura recours au 49.3. C’est donc un véritable cirque : nous ne faisons que ridiculiser l’institution parlementaire, que le Gouvernement piétine continuellement. C’est uniquement parce qu’il s’agit de nos armées que nous resterons jusqu’à la fin de ce débat.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Je partage les préoccupations de notre collègue Jacobelli au sujet de l’avenir du MGCS, mais j’ai écouté très attentivement le chef d’état-major de l’armée de terre. Il nous a dit qu’il ne souhaitait pas un char intérimaire, mais que, comme l’ont également expliqué le délégué général à l’armement et le ministre, il faudrait faire un choix fondamental en 2025 et que, de toute façon, ce qui serait fait dans le cadre du programme E-MBT pourrait servir à un plan B si le MGCS ne devait pas voir le jour. Notre collègue pose donc une bonne question, mais il est peut-être trop tôt pour y répondre. Attendons 2025.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je note que nos collègues de La France insoumise ne sont pas contents d’avoir à défendre des amendements identiques à ceux du Rassemblement national. Au-delà de la question de l’ordre d’examen des amendements, qui peut effectivement se poser, François Cormier-Bouligeon a apporté une réponse de fond : ne tuons pas l’initiative MGCS avant de lui avoir donné une chance d’aboutir. L’année 2024 sera déterminante.

L’amendement rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN61 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). L’Agence européenne de défense est un organe de ce qu’on appelle « l’Europe de la défense », qui est une chimère, on le voit bien. Il y a peu d’export d’armement français vers nos partenaires européens privilégiés. Les nations d’Europe centrale et de l’Est regardent vers les États-Unis d’Amérique, et les principales coopérations européennes dans le domaine de l’armement enchaînent les difficultés. Confier toujours plus de pouvoir à l’Union européenne pour notre défense revient, de facto, à céder des bouts de notre souveraineté, au détriment d’accords bi, tri ou quadrilatéraux portant sur de vrais projets, à l’image de ce qui a été fait hier pour Ariane ou Airbus. Nous proposons donc de réduire les financements de l’Agence européenne de défense.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Il existe un certain nombre de programmes européens dans lesquels la France est particulièrement engagée. Puisque l’exposé sommaire de l’amendement évoque le SHOM (service hydrographique et océanographique de la Marine), je précise que la relève des bâtiments participant à son fonctionnement est programmée et qu’un travail assez important est réalisé en lien avec l’Occar (Organisation conjointe de coopération en matière d’armement), par exemple pour l’EPC, la future corvette de patrouille européenne dont nous avons parlé ce matin, et les Fremm (frégates multimissions). Par conséquent, avis défavorable.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je rejoins ce qui a été dit quant à la manière dont l’examen des amendements est organisé. Nous avons eu des débats de très grande qualité sur la loi de programmation militaire, dont ce budget est une déclinaison. Le regroupement des amendements selon les noms des premiers signataires nous empêche aujourd’hui d’avoir de véritables échanges sur le fond.

S’agissant de l’Europe de la défense, nous avons une vision absolument contraire à celle de M. Jacobelli. L’Europe est une garantie de paix, grâce à la coopération entre les pays. Il faut approfondir cette coopération, qui a d’abord été économique : nous avons besoin que l’Europe ait aussi une voix politique et géopolitique forte – c’est elle qui peut peser – et une défense. Je suis donc totalement hostile à cet amendement.

Les buts de l’Agence européenne de défense sont les suivants : « l’harmonisation des exigences pour la mise à disposition de capacités opérationnelles ; la recherche et l’innovation pour le développement de démonstrateurs technologiques ; les formations et exercices de maintenance visant à soutenir des opérations relevant de la politique de sécurité et de défense commune » – nous avons besoin de tout cela. Je souligne aussi que l’agence travaille notamment avec l’Ukraine, la Norvège et la Suisse.

Nous avons besoin de cette agence, de plus de coopérations, d’armées qui fonctionnent ensemble et, plus globalement, d’un socle politique et militaire européen.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN62 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Je suis d’accord avec les autres groupes de l’opposition : il est très compliqué de débattre dans ces conditions, et très inintéressant. Cela m’intéresserait, revanche, de parler du MGCS et de l’Europe de la défense de manière détaillée, au lieu de passer sans cesse du coq à l’âne en bâclant les débats.

Le retex d’Orion nous a montré que la navigation satellitaire posait certains problèmes. Dès qu’il pleut, les tablettes cessent de fonctionner et les signaux satellitaires ont leurs limites : il a donc fallu reprendre les bonnes vieilles cartes, la bonne nouvelle étant que nos officiers, sous-officiers et soldats ont été suffisamment astucieux et ingénieux pour utiliser des systèmes alternatifs. Au lieu de tout miser sur le satellitaire, il faudrait investir dans d’autres solutions, comme les technologies inertielles, qui permettent d’éviter non seulement les piratages mais aussi les ruptures de signal.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Cet amendement, outre qu’il est seulement d’appel, apporterait une mauvaise réponse à une vraie question. Il y a eu, effectivement, un problème d’accès aux données et de traitement, l’audition du général Métayer l’a confirmé, mais ce n’est pas un problème de génération de données. Or ce que vous proposez, au sujet du programme Omega, est d’arrêter de générer des données de géolocalisation par le biais de satellites, au profit de solutions faisant appel à des centrales inertielles. Ce n’est pas parce qu’on a eu un problème d’accès aux données, avec les terminaux fournis à nos soldats, que les données dont nos forces en opération ont besoin sont générées par un mauvais système. C’est sur le SIC, le système d’information et de communication, c’est-à-dire les réseaux opérationnels d’accès à l’information, qu’il faut faire porter un effort. Je vous demande donc de retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Je partage, une fois de plus, l’inquiétude exprimée par notre collègue. Par ailleurs, je n’ai pas la même lecture que le rapporteur pour avis : il s’agit, pour moi, d’un amendement d’appel visant à lancer une alerte sur le risque du tout-satellitaire et non à supprimer des budgets. Nous ne devons surtout pas retirer des crédits au programme Omega, mais le tout-technologique est un problème : on sait la nécessité de pouvoir fonctionner en mode dégradé. Je voterai, à titre personnel, pour cet amendement que je trouve judicieux.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN63 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Il s’agit, par cet amendement, de renforcer le maintien en condition opérationnelle. En effet, nous avons besoin d’une grande disponibilité des matériels. La LPM va dans le bon sens, mais il faut reconnaître que nous avons des équipements sous-dimensionnés auxquels on demande beaucoup. Nous sommes encore dans une logique de flux qui montre ses limites. Il faudrait passer, au moins partiellement, à une logique de stocks, comme l’ont souligné différents rapports, issus de députés de divers groupes, mais cela ne sera pas fait dans les mois qui viennent, il suffit de s’entretenir avec des officiers généraux pour le savoir.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Quand on donne des leçons de compétence, d’une manière assez péremptoire, encore faudrait-il être soi-même à la hauteur. Or notre collègue Jacobelli a mal lu le projet de loi de finances pour 2024 : celui-ci prévoit une hausse de 230 millions d’euros pour l’entretien programmé des matériels, ce qui représente les trois quarts de la hausse des crédits du BOP (budget opérationnel de programme) de l’armée de terre. Au total, le budget de l’entretien programmé des matériels des forces terrestres s’élèvera en 2024 à 1,46 milliard d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 19 % – excusez du peu – par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. S’agissant de la programmation pour 2024-2030, par ailleurs, le budget alloué au MCO doit augmenter de 40 % par rapport à la précédente LPM : il s’élèvera à 49 milliards d’euros, dont 13,2 milliards pour l’armée de terre.

Au-delà de la question des crédits, il faut prendre en compte l’accroissement de la performance du MCO. J’ai entendu, moi aussi, des officiers généraux, notamment le DC Simmt (directeur central de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres). La Simmt finalise actuellement sa nouvelle ambition pour 2030, qui vise à adapter son mode de fonctionnement aux enjeux de la haute intensité. La constitution de stocks de pièces de rechange est un enjeu bien pris en compte par la Simmt, qui a lancé une démarche tendant à augmenter l’efficience du MCO terrestre, notamment par la renégociation des contrats de soutien en service. Il s’agit de disposer de davantage de pièces de rechange en passant d’une logique de contrats forfaitaires orientés vers la performance à une logique de constitution de stocks. C’est la direction que nous sommes en train de prendre, et je dois dire que le DC Simmt fait preuve d’une certaine fermeté en la matière.

Je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN64 de M. Laurent Jacobelli

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. L’entretien programmé du matériel doit déjà bénéficier de 49 milliards d’euros sur la période 2024-2030 . L’effort prévu par le PLF est à la hauteur de la promesse faite par la LPM en matière de MCO, auquel iront plus de 5,7 milliards, soit une progression de 745 millions d’euros. Par conséquent, avis défavorable si l’amendement n’est pas retiré.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN67 et II-DN68 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Comme nous l’avons dit lors des débats sur la loi de programmation militaire, le réchauffement climatique et ses effets, en matière de disparition de la biodiversité et d’amplification des catastrophes climatiques, sont un phénomène global et extrêmement déstabilisant d’un point de vue environnemental, social, économique et géostratégique qu’il faut prendre en compte dans l’organisation de nos armées.

L’amendement II-DN67 demande ainsi une augmentation des crédits alloués à la prospective de défense. Nous avons besoin de moyens pour penser la politique de défense dans un monde qui se réchauffe, où on a moins de pétrole et d’eau et où les conditions opérationnelles deviennent plus difficiles.

L’amendement suivant vise à augmenter les moyens de la coopération internationale et de la diplomatie. Une politique de défense est solide, nous l’avons également souligné pendant tout l’examen de la LPM, s’il existe à ses côtés une politique diplomatique forte.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Nous sommes tous conscients des enjeux du réchauffement climatique, notamment sur le plan environnemental, et sommes tous impliqués sur cette question. Néanmoins, le montant très élevé – 100 millions d’euros – qui est proposé dans votre premier amendement est assez surprenant : il est sans rapport avec les montants consacrés aux dispositifs de soutien pluriannuels à la recherche mis en place par la DGRIS (direction générale des relations internationales et de la stratégie). Cette dernière a mis en place, en 2016, un observatoire « Défense et climat » dont vous avez peut-être connaissance et qui a fait l’objet d’un marché de 1,44 million d’euros passé avec l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques). Ce marché a d’ailleurs été renouvelé en mai 2022, pour une durée de quatre ans. Tous les travaux de cet observatoire sont diffusés sur son site internet et sont donc accessibles.

En ce qui concerne l’amendement suivant, j’ai un petit doute sur l’abondement de l’action 08 du programme 144, qui finance des actions de natures très diverses, comme le programme mondial de lutte contre les mines antipersonnel et l’Agence européenne de défense : une fois encore, le montant que vous proposez – 50 millions d’euros – me paraît peu en rapport avec ce que fait la DGRIS de manière générale.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-DN69 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Cet amendement revient sur la question de l’Europe de la défense. Nous proposons une augmentation des crédits prévus pour la planification des moyens et la conduite des opérations afin d’accroître les coopérations opérationnelles avec les forces armées d’autres pays européens grâce à des échanges de savoir-faire et à une standardisation de procédures.

Suivant la position du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN70 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). L’armée – nous en avons aussi parlé lors de l’examen de la loi de programmation militaire – est propriétaire de très nombreux bâtiments. Comme il faut faire des efforts en matière de rénovation thermique dans le cadre de l’ensemble des politiques de l’État, cet amendement a pour objectif d’augmenter fortement les moyens prévus pour la politique immobilière du ministère des armées. On ne dispose que de fort peu de temps pour rénover de très nombreux bâtiments et atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. C’est un amendement tout à fait intéressant qui, si nous l’avions examiné et adopté dans l’ordre prévu par le règlement de l’Assemblée, aurait fait tomber l’amendement de M. Jacobelli, qui proposait 15 millions d’euros supplémentaires. Le présent amendement de Mme Chatelain aurait dû être examiné en premier, puisqu’il propose une augmentation des crédits plus importante, de 150 millions – ce qui permettrait de faire des choses.

Nos collègues du Rassemblement national ne pourront pas, compte tenu de l’amendement qu’ils ont eux-mêmes déposé, se prononcer contre celui-ci, mais nous allons voir si c’est l’intérêt général qui guide leurs votes ou bien un intérêt purement politique.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-DN71 de Mme Cyrielle Chatelain

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je propose à notre collègue de retirer son amendement, car il me semble déjà satisfait par le « plan familles II », qui repose sur une coordination renforcée avec les acteurs locaux. Nous pourrions peut-être discuter de l’intégration des associations d’habitants en séance avec le ministre.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-DN72 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Cet amendement concerne l’inclusion des personnes en situation de handicap dans nos forces armées. Le taux d’emploi de ces personnes y reste en deçà de la moyenne nationale, ce qui est préjudiciable non seulement pour elles, mais aussi pour nos armées, qui sont privées de compétences et de talents précieux. C’est pourquoi nous souhaitons augmenter les moyens en faveur de la politique menée dans ce domaine.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je sais que la députée Chatelain connaît les restrictions d’accès aux armées, compte tenu de ce qu’il est convenu d’appeler le profil Sigycop. Néanmoins, je comprends que cet amendement tend à favoriser l’emploi des personnes en situation de handicap dans l’ensemble du ministère. Comme il n’y a pas de restrictions pour les civils du ministère des Armées, j’émets un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN73 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Cette proposition risque d’être moins consensuelle que les précédentes. En cohérence avec ce que nous avons défendu lors de l’examen de la loi de programmation militaire, nous considérons que, même si nous ne pouvons pas sortir de la dissuasion nucléaire d’une manière unilatérale, il faudrait commencer à penser un système de défense bâti sur une autre dissuasion, non nucléaire. Nous souhaitons donc réduire progressivement les moyens alloués à la dissuasion nucléaire.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. En effet, nous avons déjà eu ce débat. La France est exemplaire en matière de réduction des arsenaux nucléaires. Nous avons abandonné la composante terrestre de notre dissuasion et démantelé nos sites pour les essais nucléaires, ainsi que nos installations d’enrichissement de matières nucléaires, tout cela d’une façon irréversible. Ce sont des efforts considérables que d’autres grandes puissances n’ont pas faits. Doit-on aller plus loin ? Il est vrai que vos propositions ont une cohérence, même si on pourrait reparler de la contribution du nucléaire civil à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Seulement, le contexte ne nous permet pas d’engager une nouvelle réduction de notre arsenal nucléaire. Si nous devions le faire, ce serait un signal très négatif pour nos alliés et nos compétiteurs. Avis défavorable.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Au risque d’énoncer un truisme, une dissuasion n’est dissuasive que si elle est au meilleur niveau. Si elle est en dessous du niveau de ses compétiteurs, elle ne dissuade plus personne et ne sert donc à rien – dès lors, autant prévoir 0 euro pour ce volet. Il faut soit moderniser soit abandonner notre dissuasion.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN76 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à donner plus de moyens à l’armée de l’air et de l’espace pour faire face à l’augmentation du coût du carburant et accroître son activité. Je rappelle que la norme au sein de l’Otan est d’au moins 180 heures de vol par an et par pilote de chasse. Or nous en étions à 164 heures en 2022 et que nous avons une cible à 147 heures en 2023 – je ne dirai rien de l’objectif pour 2024, car il est confidentiel.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN78 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’A400M, dont nous avons parlé ce matin, est un peu un game changer – pardon d’employer ce terme, que je n’aime pas beaucoup. C’est un atout qu’on emploie tout le temps, pour les opérations Sagittaire au Soudan et Apagan en Afghanistan et maintenant au Niger. La LPM a sanctuarisé au moins trente-cinq A400M. Je propose que nous en ayons trois de plus. C’est une nécessité, notamment pour donner une réassurance aux populations qui vivent dans nos outre-mer et envoyer un signal stratégique à nos compétiteurs. Nous pourrons également utiliser ces vecteurs pour apporter notre appui lorsque des cataclysmes climatiques se produiront dans la zone indo-pacifique. L’amendement tend à augmenter les crédits pour permettre la livraison d’un A400M supplémentaire dès 2024.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. L’objectif fixé par la LPM, que nous avons adoptée il y a quelques semaines, est effectivement d’avoir au moins trente-cinq A400M – cela dépendra notamment de la vitalité d’Airbus à l’export. Il n’y a pas lieu, à ce stade, de remettre en cause ce que nous venons de voter. Par ailleurs, nos capacités dans ce domaine ne nous ont jamais mis en défaut par rapport à nos ambitions opérationnelles, qu’il s’agisse de Sagittaire ou d’autres opérations. Je comprends votre ambition – nous sommes plusieurs à la partager ici – qui est de prépositionner des A400M à des endroits stratégiques, par exemple dans l’Indo-Pacifique, mais ne le faisons pas comme cela, maintenant. Il faut donner sa chance à la loi de programmation militaire, que vous avez votée, comme nous. Par conséquent, même si nous pouvons nous rejoindre sur l’objectif d’un accroissement de nos capacités en ce qui concerne l’A400M, avis défavorable.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. J’avais déjà déposé un amendement lors de l’examen de la LPM afin d’augmenter le nombre d’A400M. Il faut prévoir les choses : un A400M, c’est aussi un équipage et des mécaniciens, des infrastructures, des supports. Nos armées ont besoin de visibilité. Or on ne sait pas quand l’objectif de trente-cinq A400M sera atteint. Je reviens un instant sur nos échanges au sujet du Pang (porte-avions de nouvelle génération) : ce n’est pas seulement un vecteur, mais aussi un équipage, et le premier officier qui commandera ce porte-avions entre aujourd’hui à l’École navale. Il faut aussi prévoir les pilotes pour les A400M. Par ailleurs, nous limitons notre ambition opérationnelle alors que nous pourrions faire beaucoup plus, afin d’être plus présents, d’exercer davantage d’influence et de force, notamment outre-mer.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN80 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Orion a notamment mis en exergue les failles du SSA (service de santé des armées) : on ne pourrait soigner que huit blessés en situation d’urgence vitale par jour. Or on sait que le chiffre serait malheureusement bien supérieur en cas de conflit de haute intensité. Cet amendement demande donc l’achat de structures médicales mobiles robustes pour assurer des soins médicaux d’urgence et un soutien sanitaire continu dans des zones éloignées des structures hospitalières traditionnelles. Ce n’est que la traduction des besoins exprimés par nos généraux.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement d’appel. Attendons l’avis du ministre en séance : sagesse.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). L’organisation des débats est particulièrement problématique : nous revenons une fois encore sur la question du SSA.

Le ministre avait été interpellé à ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances de l’an dernier, puis de la LPM. On nous a expliqué que la restructuration du SSA faisait l’objet d’un moratoire, et la nouvelle feuille de route n’a pas été présentée à notre commission ni, a fortiori, devant la représentation nationale. Nous savons que le ver est dans le fruit depuis un long moment, mais n’avons aucune vision d’ensemble.

Cet amendement d’appel, même si je comprends bien son intention, ne permettra pas d’établir une stratégie crédible et durable pour le SSA. Nous avons affaire à un problème global qui ne se réglera pas en mobilisant 100 millions d’euros.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Ce n’est peut-être pas suffisant, mais il s’agit au moins d’un premier pas. Je sais que vous avez à cœur, comme nous, le service de santé des armées et son personnel.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN86 de Mme Michèle Martinez

Mme Michèle Martinez (RN). L’Institution de gestion sociale des armées (Igesa) joue un grand rôle dans la vie de nos militaires et de leurs familles : elle leur apporte un soutien important, qu’il s’agisse des activités de loisir, de l’accueil des enfants ou des prêts financiers – la liste n’est pas exhaustive. Malheureusement, il est difficile de pourvoir aux besoins de toutes les familles. Je pense en particulier aux places dans les crèches et les autres espaces d’accueil de la petite enfance. Il est nécessaire d’aider l’Igesa à se développer, afin que le plus grand nombre puisse bénéficier de ses services.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je vous demande de retirer cet amendement au profit du mien, le II-DN169, qui prévoit un montant supérieur. Compte tenu des besoins de cet organisme essentiel, 10 millions d’euros ne suffiront pas.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-DN87 de Mme Michèle Martinez

Mme Michèle Martinez (RN). Les infrastructures sont un peu le parent pauvre du budget de nos armées : les montants prévus s’apparentent plus à l’utilisation d’un fond de tiroir qu’à un réel investissement. Pourtant, les parties communes des logements militaires, casernes et autres emprises n’échappent pas aux dégradations liées au temps – problèmes de plomberie, d’isolation, de salubrité, voire de sécurité, qui ne sont pas en soi des fatalités et méritent d’être traités. Plus le règlement de ces problèmes traînera, plus les budgets de rénovation seront élevés. Il serait donc bénéfique pour tous que les réparations aient lieu au plus tôt. De plus, avec la diminution des Opex, nos militaires seront amenés à passer plus de temps dans ces locaux – raison de plus pour que les rénovations soient faites.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Compte tenu des besoins réels, cet amendement ressemble trop à une posture.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN91 de M. Bastien Lachaud

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel porte sur un sujet que nous avons déjà abordé, le MGCS, auquel nous ne croyons pas. Notre proposition repose sur une note de l’Ifri qui a établi la nécessité de l’E-MBT en tant que gap-filler (bouche-trou) – j’emploie ce mot pour faire plaisir à notre collègue Thiériot, qui affectionne les anglicismes. L’E-MBT nous permettra d’avoir, comme les Allemands, un matériel sur l’étagère ou en tout cas de faire en sorte que le savoir-faire ne se soit pas complètement perdu chez Nexter le jour où il faudra retirer nos billes du MGCS. Je souligne au passage que Nexter n’est plus indépendant : KNDS prend les décisions. C’est la conséquence de choix politiques qui nous avaient pourtant été présentés comme un moyen de garantir la pérennité et la souveraineté de l’industrie de défense dans le domaine terrestre, ce qui n’a pas été tout à fait vrai, à l’évidence.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Nous en avons déjà débattu et nous en reparlerons, comme notre collègue Belhamiti l’a dit, courant 2024, quand la situation commencera à s’éclaircir. Sur le plan capitalistique, M. Saintoul a probablement raison, mais la R&D et la production de Nexter, ou anciennement Nexter, sont encore en France.

M. le président Thomas Gassilloud. Sachant qu’on en est, de mémoire, à 50-50 sur le plan capitalistique, en ce qui concerne KNDS.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN93 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel, d’un montant de 1 euro, demande de réinternaliser la fonction Red Air, qui sert à la préparation des pilotes. Son externalisation est la conséquence de la fin de vie de l’Alpha Jet, avion utilisé pour ce type d’exercice, et de difficultés en matière de ressources humaines. Le fait que des entreprises privées fassent des profits sur la préparation des armées nous pose un problème de principe.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Lors de la présentation de mon rapport, j’ai évoqué la fonction Red Air et fait part de mon étonnement d’un contrat de sept ans avec un potentiel prestataire pour simuler la force adverse lors des exercices de l’AAE. J’y vois l’illustration de la faiblesse de l’actuel format de notre aviation de chasse.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN94 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Si l’Alpha Jet arrive en fin de vie, qu’adviendra-t-il de la Patrouille de France, qui est la vitrine de l’AAE ? La Patrouille de France volera-t-elle sur un avion qui n’est pas français ? Sinon, il faut prévoir qu’elle vole sur Rafale.

Il ne s’agit pas de dépouiller les forces opérationnelles de l’AAE, mais d’anticiper la fin de vie de l’Alpha Jet et de réfléchir à l’avenir de la Patrouille de France. Sommes-nous prêts à mettre les moyens pour la doter de Rafale ou devrons-nous accepter l’idée qu’elle vole sur des avions étrangers ?

M. le président Thomas Gassilloud. Si j’étais un peu taquin, je dirais que vos alliés écologistes refusent le survol des communes qu’ils dirigent par la Patrouille de France. J’ai eu ce débat avec le maire de Lyon.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je me sens surveillé et cela m’inquiète. Il y a une dizaine de jours, j’ai adressé au Gouvernement une question écrite sur l’avenir de la Patrouille de France compte tenu de la fin de vie des Alpha Jet. Il suffit de me suivre sur les réseaux sociaux pour le savoir. Cet amendement me surprend donc.

J’ai posé au ministre des armées la question du devenir de la Patrouille de France, qui fait la fierté de la France. Je vois mal les Rafale remplir cette mission de prestige, pour de nombreuses raisons, au premier rang desquelles le format de l’aviation de chasse l’AAE. Nous avons peu de Rafale. Gardons-les pour les missions opérationnelles, pour la posture permanente de sûreté aérienne et pour la dissuasion.

Avis défavorable.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je ne doute pas que les maires écologistes ayant refusé le survol de leur commune par la Patrouille de France ont des arguments tout à fait solides liés aux enjeux de leurs communes respectives, qu’ils défendent ardemment.

Nous voyons l’intérêt de l’amendement de nos collègues du groupe La France insoumise. Nous le voterons.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN95 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il porte sur un sujet à la fois budgétaire et démocratique.

Le financement des missions opérationnelles ne relève pas officiellement du budget des Opex. Il ne fait pas l’objet d’un vote du Parlement, conformément à l’article 35 de la Constitution. Elles remplissent pourtant tous les critères des Opex. Les militaires qui servent dans ce cadre bénéficient d’un statut quasi-identique à celui des militaires qui servent en Opex, pensions mises à part, ce qui n’est pas rien.

Comment en assurons-nous le financement ? Par le truchement du budget opérationnel de programme (BOP) Opex du programme 212 et par le truchement du BOP du programme 178, en espérant un collectif budgétaire de fin d’année permettant de bénéficier d’un financement interministériel. Il en résulte une fragilité budgétaire, pour les armées, et démocratique, s’agissant d’une forme de contournement du vote du Parlement.

Le présent amendement vise à basculer le financement des missions opérationnelles sur le BOP Opex, afin que le Gouvernement assume qu’elles sont des Opex, que leur budget fasse l’objet d’un débat et d’un vote au Parlement, et que le budget des armées soit sécurisé.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. À mon tour, je me sens espionné, ayant soulevé la question dans mon rapport pour avis sur le précédent projet de loi de finances ! Je ne peux donc qu’abonder dans votre sens, Monsieur Lachaud.

Toutefois, une telle décision ne peut être prise au détour d’un amendement. Elle ferait en revanche un excellent sujet de réflexion pour notre commission pour l’année à venir, en vue de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.

M. le président Thomas Gassilloud. Le ministre a indiqué qu’il attendait des propositions à ce sujet de la part de ses services et de l’état-major des armées (EMA).

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN96 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Cet amendement est une variante du précédent. Faut-il financer les missions opérationnelles sur le budget des Opex ou par un programme propre ? En réalité, on nous demande de ne pas choisir et d’attendre que le ministre lui-même prenne la décision. C’est l’une de nos traditions, en Macronie, de décider de nous dessaisir de notre pouvoir !

Plus sérieusement, il y a bel et bien un problème. Si, d’après le ministre, nous sommes dans une zone grise depuis plus d’un an, et si les missions opérationnelles relèvent bien du droit des Opex, alors le vote du Parlement a été allègrement contourné et les missions Lynx et Aigle se déroulent dans un cadre qui n’est pas démocratique, ni même constitutionnel.

Nous devrions nous élever contre cet état de fait, mais, manifestement, le souci du respect des institutions n’est pas universellement partagé.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN97 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous avons appris que le standard F4.2 du Rafale sera livré avec un an de retard. Tous les programmes, au demeurant, connaissent des retards récurrents. Pour que le Standard F5 ne soit pas livré en retard, nous proposons d’en lancer les travaux par anticipation.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. L’amendement est satisfait. La ligne budgétaire Rafale F5 dont vous demandez la création existe. Elle a été introduite dans le projet de loi de finances pour 2024 à la sous-action 09.59 du programme 146, qui prévoit des crédits de plus de 65 millions pour le passage du Rafale au standard F5 et pour l’acquisition de drones d’accompagnement.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous retirerons l’amendement pour le retravailler d’ici à l’examen du texte en séance publique, où nous sommes certains d’avoir des débats fructueux avant le 49-3.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-CF98 de M. Aurélien Saintoul

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Il vise à permettre la désinsectisation des logements des militaires et de leurs familles en cas d’infestation par les punaises de lit. La crise des punaises de lit continue dans notre pays. Il y en a partout. Les logements des militaires, lesquels effectuent de nombreux déplacements, n’en sont pas exempts.

En 2018, on comptait au moins 400 000 sites infestés, dont 100 000 En Île-de-France. Si les punaises de lit ne transmettent pas de maladies à proprement parler, elles provoquent d’importants dégâts psychologiques, déstabilisent le rythme du sommeil et provoquent des insomnies ainsi que des troubles psychologiques et psychiatriques, voire un syndrome de stress post-traumatique (SSPT).

S’en débarrasser, nul ne l’ignore, est très difficile. Les frais moyens induits par une désinfestation s’élèvent à 1 200 euros en moyenne, ce qui est considérable. Il s’agit donc d’un problème de santé publique et d’une ruine financière pour celles et ceux dont le logement est infecté.

Le présent amendement vise à prendre en charge la désinsectisation des logements des militaires au même titre que celle des casernes pour qu’elle soit réellement efficace. C’est du simple bon sens.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable. Comme l’a montré l’actualité récente, le taux de prévalence des punaises de lit dans le pays explose. Les logements de militaires n’en sont pas exempts.

Il est de notre devoir, pour la fidélisation des militaires et pour le bien-être de leurs familles, d’agir et de créer la ligne budgétaire proposée. Imaginez un marin parti en mer pour plusieurs mois apprenant que son logement est infesté de punaises de lit et que son épouse ou son époux est obligé de gérer seul la situation ! Il s’agit d’un problème de santé publique.

Les nombreux sourires que je vois suggèrent que tout le monde n’a pas pris conscience de l’importance du sujet. C’est dommage. De nombreux militaires trouveraient un intérêt à la création de la ligne budgétaire proposée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN100 de M. Bastien Lachaud

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel vise à ouvrir le débat sur l’organisation des services de renseignement, où le tout-électronique prévaut de plus en plus. Le technologique et le numérique prennent de plus en plus de place dans la doctrine de renseignement. Nos services et nos agents se posent, légitimement, de plus en plus de questions sur l’avenir du renseignement d’origine humaine (ROHUM) et sur la place qu’il occupera.

Par le biais de la présente demande de rapport, nous espérons obtenir des réponses sur la place de l’humain dans les services de renseignement des armées. Les récents événements en Israël et au Niger prouvent que le ROHUM est essentiel et qu’il n’est pas remplaçable. À nos yeux, le tout-numérique n’est pas une solution. Il est nécessaire de s’assurer du recrutement et de la fidélisation de personnels formés et d’apporter des réponses claires sur la doctrine de renseignement envisagée pour les années à venir.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel n’est pas sans rappeler celui de M. Boccaletti que nous avons discuté auparavant. Il eut été de bonne méthode de procéder à des rassemblements thématiques.

L’équilibre entre le renseignement d’origine humaine et les autres sources de renseignement est une question pertinente, que j’évoque chaque année avec la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) et dont je fais part dans mes avis sur le programme 144.

Je serai toutefois moins catégorique que vous s’agissant du Niger ou d’Israël, qui sont des cas différents. En ce qui concerne Israël, le problème a moins été le manque de renseignements humains que l’absence de prise en compte de ceux transmis par d’autres États alertant sur l’imminence d’une attaque. Votre exposé sommaire mériterait d’être plus nuancé.

J’ai abordé longuement le déménagement de la DGSE au Fort Neuf de Vincennes ce matin, et je le fais également dans mon avis à paraître prochainement. Je suis ce projet de très près et je ne doute pas que la délégation parlementaire au renseignement (DPR) en fait autant. Le Parlement est donc associé au suivi de ce dossier, alors que votre exposé sommaire indique que ce n’est pas du tout le cas.

Par ailleurs, l’amendement est notamment cosigné par M. Lachaud, rapporteur pour avis du programme 178 – dont dépend la direction du renseignement militaire (DRM). Le Parlement est donc associé par son intermédiaire aux réflexions sur la place du renseignement humain, et je ne doute pas que son avis contribuera à nous éclairer utilement sur cette question.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN104 de M. Emmanuel Fernandes

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Les retours d’expérience du conflit en Ukraine montrent l’importance des blindés. Ils sont essentiels en raison de leur puissance de feu, de la protection qu’ils apportent à l’infanterie et de leurs capacités de franchissement.

Mais en même temps on a pu constater l’utilisation de drones de combat, qui complètent les matériels antichars plus traditionnels. D’où l’importance de protéger les chars Leclerc de manière passive, mais aussi active, afin de réduire leur vulnérabilité. Tel est l’objet des crédits supplémentaires proposés par cet amendement.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. L’importance des systèmes de protection active constitue en effet l’un des retours d’expérience du conflit en Ukraine.

La direction générale de l’armement (DGA) conduit deux programmes – dénommés Prometeus (protection multi effets terrestre unifiée) et Pronoia (protection novatrice orientable intégrée d’autoprotection) – afin d’étudier la pertinence de tels dispositifs et de déterminer quels sont les véhicules qu’il conviendrait d’équiper en priorité. Cette réflexion doit se faire en conduite, pour pouvoir s'adapter de manière réactive aux évolutions technologiques, sous réserve de la maturité de la technologie.

Nous avions déjà eu ce débat lors de la discussion du projet de LPM. Le ministre des armées avait indiqué que la priorité pourrait être accordée aux véhicules blindés plutôt qu’aux chars de combat.

Enfin, l’ajout de systèmes de protection active fait partie des réflexions menées dans le cadre du programme de système principal de combat terrestre (MGCS).

Je vous propose de travailler ensemble sur cette question en vue du PLF pour 2025.

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN106 de Mme Murielle Lepvraud

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel a pour objet d’ouvrir l’accès à la délivrance de la carte du combattant et au titre de reconnaissance de la nation aux sous-mariniers embarqués à bord de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE).

Cette carte du combattant permet de bénéficier, entre autres, de l’allocation de reconnaissance du combattant, de la rente majorée par l’État de la retraite mutualiste du combattant ou encore d’une demi-part supplémentaire de quotient familial pour le calcul de l’impôt sur le revenu au soixante-quatorzième anniversaire du combattant – un peu tard, mais c’est un autre sujet.

Pour obtenir cette carte, il faut avoir pris part pendant quatre mois à des opérations extérieures (Opex). Ce critère pose un problème aux sous-mariniers embarqués à bord d’un SNLE, dont les missions ne sont pas considérées comme des Opex.

La dissuasion nucléaire ayant pour objectif d’empêcher tout conflit, ils ne pourraient obtenir la carte du combattant qu’en cas d’échec de leur mission, c’est-à-dire d’engagement du feu nucléaire. Cette situation est pour le moins paradoxale.

Si vous considérez que la dissuasion nucléaire constitue le cœur du cœur de la défense de notre pays, selon l’expression de notre collègue Thiériot, ne pensez-vous pas qu’il conviendrait de modifier la réglementation relative à la carte du combattant pour les sous-mariniers qui servent dans les SNLE ?

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Mon collègue Jean-Charles Larsonneur et moi-même avons posé plusieurs questions écrites à ce sujet, lesquelles ont manifestement été lues par d’autres collègues.

Nous sommes tous d’accord au sein de cette commission : il faut corriger cette anomalie. Mais il s’agit d’une affaire réglementaire et non pas budgétaire.

J’émets un avis défavorable pour des raisons techniques. Mais il va falloir traiter cette question, qui concerne l’ensemble des sous-mariniers.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques II-DN130 de M. Jean-Charles Larsonneur, II-DN133 de Mme Isabelle Santiago et II-DN138 de Mme Anne Genetet, amendements II-DN129 de M. Julien Bayou et II-DN116 de Mme Josy Poueyto (discussion commune)

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. L’an dernier, nous avions voté le doublement des crédits du fonds spécial de soutien à l’Ukraine en les portant à 200 millions.

Or, le PLF pour 2024 ne prévoit pas de prolonger ce fonds. Cette mesure peut paraître brutale dans le contexte d’une longue guerre d’attrition, même si le ministre des Armées Sébastien Lecornu a expliqué qu’un processus était engagé pour faire évoluer l’aide à l’Ukraine. Il s’agit d’associer plus directement les industriels français avec la partie ukrainienne et de moins recourir à des acquisitions financées par ce fonds.

Son arrêt brutal apparaît comme un mauvais signal à nombre de collègues et sur la plupart des bancs. C’est la raison pour laquelle les amendements identiques et ceux qui leur sont très similaires proposent de maintenir le fonds spécial. Ils ne diffèrent que par les gages retenus, qu’il est d’ailleurs demandé au Gouvernement de lever car l’article 4 de la LPM prévoit que les dépenses exceptionnelles liées à l’Ukraine ne seront pas financées par la mission Défense.

Mme Anna Pic (SOC). Dans un contexte où l’attention est quelque peu détournée de l’Ukraine et où le Kremlin compte sur la lassitude des opinions publiques occidentales, il est essentiel de ne pas envoyer de mauvais signal. La disparition du fonds de soutien sans qu’il y ait encore véritablement un dispositif de remplacement pourrait être symboliquement perçue comme un abandon soudain de l’Ukraine par la France. L’amendement II-DN133 vise à accompagner le développement de stratégie destinée à se substituer aux cessions d’armement dont le ministre nous a parlé.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). L’amendement II-DN138 est identique. Comme l’a indiqué le ministre, les 200 millions du fonds de soutien sont déjà en partie consommés et d’autres sommes sont engagées au titre des commandes faites par les Ukrainiens. Nous souhaitons donc que ce fonds soit maintenu et nous demandons que l’article 4 de la LPM soit appliqué afin que les crédits de la mission Défense ne soient pas affectés par cette aide.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Cet amendement propose de pérenniser le fonds spécial de soutien à l’Ukraine.

Le groupe d’amitié France-Ukraine a récemment organisé un déplacement dans ce pays, et Murielle Lepvraud et moi-même y avons participé. Le soutien de la France est attendu par les Ukrainiens.

Ce n’est pas seulement l’avenir du peuple ukrainien qui se joue là-bas. Il s’agit d’un conflit entre la dictature et la démocratie. On compte seulement des régimes autoritaires dans le camp des Russes et des démocraties dans le camp ukrainien. Abandonner l’Ukraine signalerait à Poutine qu’il peut continuer à s’en prendre à la Moldavie et à déstabiliser l’Europe.

Ce conflit est bien sûr observé aussi par la Chine. Un succès russe serait nécessairement interprété comme la possibilité de l’emporter contre un adversaire soutenu par l’Ouest en ne respectant pas le droit de la guerre.

Il y a beaucoup à faire pour aider l’Ukraine : geler les avoirs russes, les affecter à la reconstruction et soutenir l’armement de ce pays. Mais cela commence dans l’immédiat par la pérennisation du fonds spécial de soutien.

M. Christophe Blanchet (Dem). Avec l’amendement II-DN116, le groupe Démocrate propose lui aussi de maintenir les 200 millions prévus dans le cadre du fonds spécial de soutien à l’Ukraine. Il s’agit bien d’un affrontement aux portes de l’Europe entre une démocratie et des dictatures. C’est l’avenir européen qui est en jeu.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Étant moi-même cosignataire de l’amendement II-DN138, je suis favorable à l’adoption des trois amendements identiques.

Demande de retrait pour les amendements II-DN129 et II-DN116, mais seulement pour des raisons de technique budgétaire.

Sur le fond, il faut bien mesurer que le Gouvernement propose d’aider au développement d’une base industrielle et technologique de défense (BITD) ukrainienne, en association étroite avec les industriels français. Le fonds spécial de soutien a pour objet de rendre possibles des commandes directes de l’Ukraine auprès de nos industries de défense et, si possible, que l’industrie de défense ukrainienne puisse répondre au mieux aux besoins du front – y compris dans le domaine du maintien en condition opérationnelle (MCO), crucial dans un conflit qui va encore durer longtemps.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Du fait d’un petit loupé technique, le groupe Les Républicains n’a pas déposé un amendement identique.

Mais nous soutenons totalement ces amendements, qui constituent un signal. Après l’attaque terroriste du Hamas contre Israël, on a tendance à regarder le Proche-Orient et à perdre de vue l’Ukraine. Il est très important que notre commission adopte ces amendements le plus largement possible, afin de montrer que nous n’oublions pas cette dernière.

Ensuite, le fonds spécial de soutien correspond à un besoin des armées ukrainiennes. Nous avons entendu ce qu’a dit le ministre des armées et nous sommes favorables au fait de passer d’une logique de cessions à une logique d’amorçage. Mais cela suppose aussi des crédits, et le fonds spécial peut et doit y participer. Des PME en ont besoin et certaines attendent la réouverture de ce fonds, comme par exemple Cybergun.

Enfin, comme cela a été dit par tous, la demande de pérennisation du fonds spécial ne se conçoit que dans le cadre de l’article 4 de la LPM, voté à l’unanimité, lequel dispose que l’aide à l’Ukraine ne doit pas se faire au détriment de nos armées. Nous appelons solennellement le ministre à respecter cet article.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, les amendements II-DN129 et II-DN116 tombent.

 

Amendement II-DN146 de M. Jean-Louis Thiériot

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Il s’agit d’un amendement d’appel, qui vise à insister sur l’importance de réfléchir, dans le cadre de la fonction d’influence, au déploiement d’une stratégie avec les think tanks non étatiques. Je suis prêt à retirer l’amendement, dont le montant de 10 000 euros est symbolique, mais nous devons élaborer une véritable stratégie avec ces organisations pour que les think tanks français de la défense parviennent à faire entendre une voix indépendante de la France, même s’ils n’atteindront jamais la puissance de la Rand Corporation.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Je vous rejoins complètement sur voter objectif. J’en parlais ce matin dans ma présentation. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec plusieurs think tanks dans le cadre de mes travaux ainsi qu’avec la DGRIS. Je pense que nous devons réfléchir aux moyens de soutenir davantage et mieux nos centres de recherche. La réforme du dispositif de soutien aux think tanks de la DGRIS mis en place en 2015 a porté ses fruits mais nous devons aller plus loin. Je vous propose de retirer votre amendement et de poursuivre la réflexion sur les modalités du renforcement de ce soutien.

L’amendement est retiré.

 

L’amendement II-DN148 de M. Jean-Louis Thiériot est retiré.

 

Amendement II-DN156 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti-, rapporteur pour avis. Il vise à mettre en lumière la nécessité de la montée en puissance de nos capacités spatiales. Qui dominera l’espace aura un avantage sur le champ de bataille : nous n’avons pas suffisamment pris la mesure des besoins dans ce domaine ; l’amendement vise à combler notre retard pour ne pas revivre l’expérience des drones.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable. Le PLF traduit les engagements de la LPM et comporte ainsi la première étape du patch de 6 milliards d’euros programmés pour le spatial. Les autorisations d'engagement s’élèvent à 1,2 milliard en  2024 pour le programme de « maîtrise de l’espace », soit une augmentation supérieure à 200 % par rapport à 2023. La programmation satisfait l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN157 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’un de mes précédents amendements évoquait l’activité des aéronefs ; celui-ci cible leur disponibilité. Les restrictions de diffusion d’informations en matière de disponibilité des flottes nous empêchent d’analyser l’efficience du maintien en condition opérationnelle (MCO). Ayant pu consulter les chiffres, je propose d’abonder le MCO de 280 millions d’euros, afin que la flotte –  notamment le triptyque MRTT, A400M, Rafale – puisse voler plus fréquemment.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN158 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Il vise à donner plus de moyens au programme Scorpion, afin de renforcer les capacités d’évacuation médicale du service de santé des armées (SSA). Nous avons en effet des interrogations sur les livraisons des véhicules Griffon sanitaire (SAN) et Serval SAN.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. L’évacuation des blessés figure en effet parmi les nombreux enseignements du retour d’expérience de l’exercice Orion.

Il s’agit d’un amendement d’appel, mais, sur le fond, la version sanitaire du Griffon et du Serval n’en est qu’une parmi d’autres du programme Scorpion, toutes également importantes et que la DGA doit qualifier successivement. Huit autres sous-versions sont ainsi prévues pour le Serval – infanterie, génie, mortier de 81 millimètres, mortier de 120 millimètres, poste de commandement, missiles de moyenne portée (MMP), sol-air de très courte portée et ravitaillement.

Il appartient aux forces de prioriser les livraisons des différentes versions en fonction de besoins militaires associés. De récentes avancées sont à saluer car la DGA a pu qualifier, le 25 septembre dernier, la version du véhicule de patrouille blindé sanitaire du Serval : les livraisons vont pouvoir débuter pour ce véhicule, qui sera destiné aux équipes médicales mobiles du SSA. Celui-ci en attend 135 exemplaires, afin de remplacer d’ici à 2029 la version « évolution contre les engins explosifs improvisés (Évol Cied) » du véhicule de l’avant blindé (VAB). Par ailleurs, le SSA sera doté de 196 Griffon SAN, la DGA ayant déjà qualifié cette version en 2022.

Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN161 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous débutons l’examen d’une série d’amendements liés à lla partie thématique de mon rapport budgétaire.

Le premier concerne les militaires affectés outre-mer, lesquels bénéficient tous d’un logement du ministère : le financement du loyer s’effectue par une retenue sur salaire, qui représente 10 % pour un militaire mais 15 % pour un agent civil du ministère des armées. Cet amendement vise à supprimer cette inégalité de traitement en ramenant la retenue des personnels civils à 10 % de leur salaire.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN162 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous avons déjà évoqué le sujet du coût du carburant pour les armées. Il s’agit de l’amendement que je proposais à nos camarades socialistes à la place du leur.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je partage votre inquiétude sur la hausse de ce coût. J’ai moi-même déposé un amendement en ce sens, qui me paraissait équilibré et proportionné aux besoins, alors que le vôtre, qui propose une augmentation des crédits de 100 millions d’euros, me semble quelque peu disproportionné ; j’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN163 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement porte sur le même sujet.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. L’avis est défavorable, car la loi de finances initiale pour 2024 prend déjà en compte pour partie votre demande. Nous rappelons chaque année l’existence de l’article 5 de la LPM, qui a joué dans les années précédentes.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant la position du rapporteur pour avis M. François Cormier-Bouligeon, la commission rejette l’amendement II-DN164 de M. Bastien Lachaud.

 

Amendement II-DN165 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à limiter les irritants du quotidien qui ennuient les militaires et contribuent à affaiblir leur fidélisation, en augmentant les stocks d’habillement du service du commissariat des armées (SCA). Actuellement, 2 % du catalogue se trouve en rupture de stock : les produits les plus demandés, notamment les chaussures noires plates de taille 44, manquent régulièrement. L’amendement abonde les crédits du SCA pour que celui-ci reconstitue ses stocks d’habillement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN166 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il porte sur le statut des personnes occupant le poste de baleinier en Polynésie française ; celles-ci sont indispensables pour l’accostage dans les atolls ; chacun de ces derniers est unique, si bien que le temps de formation est très long. Ils ont longtemps bénéficié du statut de personnels civils de recrutement local (PCRL) et pouvaient travailler jusqu’à l’âge de la retraite. Ils ont actuellement le statut de militaires commissionnés et ne peuvent donc pas dépasser dix-sept ans de service. L’essentiel de cette période est consacré à la formation, donc ils souhaiteraient pouvoir exercer plus longtemps.

Cet amendement d’appel vise à ouvrir une réflexion sur le statut des baleiniers, indispensables à notre présence en Polynésie.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Une fois n’est pas coutume, je suis en phase avec M. Lachaud. Les baleiniers n’appartenaient pas à la marine nationale, ils étaient rattachés aux gens de mer ; maintenant qu’ils ont rejoint la marine, ils ne peuvent pas servir plus de dix-sept ans car ils ne peuvent pas accéder au brevet supérieur. Il faut trouver une solution, qui pourrait emprunter la voie de la validation des acquis de l’expérience (VAE), pour que ces personnes, très peu nombreuses, puissent obtenir le brevet supérieur. L’avis est favorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Ils sont entre cinq et dix, pas plus.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN167 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Dans le cadre de la reconnaissance de la dette de l’État français à la suite des essais nucléaires dans le Pacifique, le ministère des armées a créé un statut de PCRL. Malheureusement, ces agents ne sont recrutés qu’à des postes équivalents aux catégories B et C de la fonction publique ; leur avancement est donc bloqué alors qu’ils remplissent souvent des tâches de catégorie A.

Ces agents apprécient ce statut protecteur et utile, mais ils aimeraient être reconnus à la hauteur de leurs qualifications – ils sont souvent surdiplômés –, de leur engagement et de la nature réelle des postes qu’ils occupent.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN168 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les forces de souveraineté sont très souvent sollicitées pour effectuer les évacuations sanitaires (Évasan), qui ne relèvent pourtant pas de leurs compétences. L’amendement vise à augmenter les moyens civils dédiés aux Évasan afin que les forces ne soient pas détournées de leurs missions opérationnelles.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN169 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je propose une augmentation de 50 millions du budget de l’Igesa (institution de gestion sociale des armées), dont le rôle est fondamental tant pour les loisirs que pour la gestion des établissements sociaux et médico-sociaux.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN170 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je propose de doter de 220 millions supplémentaires la rémunération indiciaire des personnels militaires de la marine nationale, de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de l’espace, mais aussi des personnels exerçant des fonctions de soutien et logistique interarmées relevant du programme 178. Ce montant correspond à l’ensemble des mesures générales concernant la fonction publique qui se sont appliquées aux armées et garantit que le financement des mesures interministérielles n’est pas ponctionné sur la LPM.

La commission adopte l’amendement.

 

Avant l’article 50

 

Contre la position du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, elle rejette l’amendement II-DN2 de Mme Isabelle Santiago.

 

Amendement II-DN5 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). C’est une demande de rapport relatif à l’adaptation de la politique de rémunération des militaires, en vue d’améliorer l’équilibre entre rémunération indiciaire et indemnitaire.

Ces dernières années, le ministère des armées a repensé la solde de nos soldats en mettant en œuvre la NPRM. Le rapport annexé de la LPM 2024-2030 indique que « la revalorisation des grilles permettra […] aux militaires du rang de progresser dès les premières années de leur engagement […]. Une attention particulière sera portée à la reconnaissance des sous-officiers supérieurs […]. Les parcours d’officiers seront également valorisés en accompagnant mieux les potentiels et les performances constatées. La part indemnitaire de la politique salariale, quant à elle, ciblera les métiers et les expertises en forte tension et qui participent à nos pivots capacitaires ». Le PLF pour 2024 doit marquer l’achèvement du déploiement de la NPRM.

Ces efforts, salués par les principaux concernés, ne nous semblent cependant pas suffisants pour relever les défis de l’attractivité et de la fidélisation et face au sentiment de déclassement éprouvé par nos troupes. La baisse des cibles d’effectifs pour 2024 et la non-atteinte des objectifs de recrutement inscrits dans la LPM, pourtant votée il y a quelques mois, le prouve. La revalorisation du point d’indice est, elle aussi, bien insuffisante après plus de dix ans de gel.

Contre la position du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN3 de Mme Isabelle Santiago

Mme Anna Pic (SOC). Il demande un rapport relatant les actions entreprises par le Gouvernement pour atteindre ses objectifs en matière de politique environnementale et de transition écologique dans le domaine des armées, et examinant la possibilité de créer une ligne budgétaire dédiée à la transition écologique dans le cadre de la mission Défense.

Contre la position du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN1 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Il demande un rapport sur l’évaluation de la mise en œuvre du dispositif d’économie de guerre concernant l’industrie de défense : politique d’accroissement et de gestion des stocks, notamment de munitions, maintien en condition des équipements, simplification des besoins, assouplissement des règles, etc.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Avis défavorable : l’amendement est satisfait par le rapport annuel prévu à l’article 9 de la LPM.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN8 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Il demande un rapport formulant, conformément à la recommandation de la Cour des comptes dans son rapport sur l’exécution du budget 2022, une trajectoire d’autorisations d’engagement et de restes à payer, notamment pour le programme 146, sur une base pluriannuelle. Nous nous inquiétons toujours de l’augmentation des restes à payer.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’article 10 de la LPM prévoit déjà un rapport annuel sur l’évaluation de la programmation budgétaire. L’augmentation des restes à payer est liée à celle des capacités, conforme à l’ambition commune qu’exprime la LPM.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN9 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Il demande un rapport sur l’évaluation et l’état d’avancement des programmes d’armement en coopération dans le secteur de la défense, qu’il s’agisse des coopérations avec les États partenaires établies sur une base plurinationale ou des programmes lancés dans le cadre de l’Union européenne et financés par des crédits communautaires. Ce rapport évalue également dans quelle mesure le PLF inscrit dans les faits la coopération européenne et en quoi ces partenariats renforcent l’autonomie stratégique nationale sur la scène européenne dans deux domaines en particulier : les équipements et l’industrie ; la recherche et le développement.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’article 9 de la LPM prévoit déjà un rapport annuel qui traite de cette question.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN24 de Mme Isabelle Santiago

Mme Anna Pic (SOC). Il demande un rapport sur le coût du retrait anticipé des forces armées françaises au Sahel et la redirection des budgets qui leur sont dédiés. Il est souhaitable que ce rapport comprenne un volet détaillant le coût de retour des matériels et équipements et un autre précisant les coûts de transport de personnels et la juste rémunération des militaires déployés et rapatriés dans de brefs délais. Enfin, le rapport ferait état de la répartition des fonds utilisés pour assurer la présence française dans la région ainsi que la pérennité des missions de défense alors que l’on se tourne davantage vers la coopération de sécurité et de défense.

Contre la position du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN25 de Mme Isabelle Santiago

Mme Anna Pic (SOC). Nous demandons un rapport sur le coût de développement des matériels et technologies innovants adaptés aux nouveaux espaces de conflictualité, qui différenciera bien le spatial, le cyber et les fonds marins.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Avis défavorable. La politique d’innovation de défense fait déjà l’objet d’un rapport annuel précis : le DrOID (document de référence de l’orientation de l’innovation de défense), édité par l’AID (Agence de l’innovation de défense). Il est vrai que l’édition 2023 du document n’a pas encore été publiée, pour tenir compte des nouvelles priorités fixées dans la LPM, mais l’AID m’a fait savoir qu’il sera publié très prochainement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN109 de M. Aurélien Saintoul

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il demande un rapport destiné à faire la transparence sur le recours éventuel de l’État à des ESSD (entreprises de services de sécurité et de défense) pour l’exercice budgétaire 2024.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN113 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il demande un rapport relatif à l’impact des reports de commande sur le coût des programmes et la capacité des armées à honorer les contrats opérationnels.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Défavorable. Nous en avons longuement parlé dans le cadre de la LPM. Il est normal de revoir les cibles d’année en année en fonction des priorités et contraintes géostratégiques et géopolitiques.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Amendement II-DN114 de M. Aurélien Saintoul

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Selon la Cour des comptes, la contribution de la France à l’Otan devrait coûter 830 millions d’euros en 2030. En parallèle, nous dépensons chaque année 700 millions en nature sur le flanc est de l’Europe, en mettant à disposition certains moyens de nos armées. Nous souhaitons savoir très précisément comment cette contribution en nature est prise en compte au sein de l’Otan dans le financement de l’Alliance par la France. Nous voulons également connaître les objectifs du Gouvernement s’agissant de l’obtention de financements de l’Otan. Bref, y a-t-il une vision, une stratégie française au sein de l’Otan, qui justifie que nous soyons revenus au sein du commandement intégré et qui prenne en compte ce que nous faisons pour l’Organisation de sorte que nos armées bénéficient de retours sur investissement ?

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis.  La question de l’OTAN et celle de notre stratégie vis-à-vis de cette organisation ont été longuement débattues pendant la LPM. Un rapport du gouvernement sur ces sujets est d’ailleurs prévu dans son rapport annexé.

Par ailleurs, rien n’empêche notre commission de faire une mission d’information sur ce sujet.

M. le président Thomas Gassilloud. Nous auditionnerons mardi prochain les membres de la Cour des comptes qui ont consacré un rapport à cette question.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous avons déjà eu ce débat à propos de la LPM. Chaque fois, on nous dit que la commission va faire une mission d’information. Chiche !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN118 et II-DN120 de M. François Piquemal

Mme Martine Étienne. Le premier de ces deux amendements vise à obtenir un rapport relatif aux moyens mis en œuvre pour lutter contre les débris spatiaux. Il s’agit d’établir les priorités, en énumérant les risques et les moyens d’action, pour consacrer à ce problème un véritable budget en loi de finances et en programmation.

Les débris spatiaux, raison principale de la dégradation de nos matériaux, peuvent même détruire nos équipements. Le problème s’aggrave d’année en année, à mesure que le trafic spatial augmente et que les méga-entreprises aux dirigeants milliardaires, comme Elon Musk, se livrent à une course spatiale sans fin. L’ESA (Agence spatiale européenne) donne l’alerte et souligne l’importance de technologies permettant de prévenir le phénomène. Elle ajoute qu’« en parallèle, les régulateurs doivent surveiller de plus près les engins spatiaux placés sous leur juridiction ainsi que l’adhésion aux mesures d’atténuation des débris ».

Le second amendement demande un rapport sur les moyens mis en œuvre dans le domaine de la météo spatiale. Seule une parfaite connaissance, maîtrise et anticipation des événements comme les éruptions solaires permet d’appréhender convenablement le domaine spatial et de protéger nos matériaux. Or la météo spatiale ne fait pas l’objet d’une délégation de service public : ce sont des start-up, françaises ou non, qui travaillent sur cette question. Le Gouvernement prévoit-il de continuer à faire appel à des services privés ou souhaite-t-il investir dans un opérateur d’État spécifique ? L’étude de l’espace repousse les limites de nos connaissances et développe notre humanité.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Chacun comprendra la préoccupation de La France insoumise concernant les vieux débris – spatiaux, évidemment – compte tenu de l’impact qu’ils peuvent avoir sur les activités de l’armée de l’air et de l’espace. Plus sérieusement, c’est un sujet qui se traite au niveau européen, notamment dans le cadre de l’Agence spatiale européenne (ESA). Je ne vois pas en quoi un rapport national aiderait cette agence à bien documenter et appréhender la question. Et ce n’est pas davantage par un rapport que nous traiterons le sujet de la météo spatiale. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une question importante de souveraineté à laquelle vous ne pouvez pas répondre « l’Europe fera ». La France n’est plus la première contributrice nette au budget de l’Agence spatiale européenne (ESA) : c’est désormais l’Allemagne, qui détermine donc un peu plus que nous les orientations de l’agence. Or nous n’avons pas les mêmes objectifs, la même vision de l’utilité de l’espace que les Allemands. Nous avons, pour notre part, un commandement de l’espace, qui a besoin de gérer la question des débris, et toutes nos armées dépendent de la météo spatiale. Ne balayons donc pas la question d’un revers de main.

Nous sommes les seuls à avoir insisté sur l’enjeu de l’espace lors des trois dernières campagnes présidentielles. Nous sommes ravis de constater que la majorité s’est enfin résolue, dans le cadre de la dernière LPM, à considérer l’espace, le cyber et les fonds marins comme des enjeux centraux, ainsi que nous le faisons depuis plus de dix ans. Néanmoins, vous n’allez pas assez loin. La manière dont vous réagissez à ces amendements démontre bien que vous n’avez pas encore pleinement compris l’importance de l’espace pour les conflits de demain et, au-delà, pour la survie de l’humanité.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Nos collègues de LFI sont les seuls à ne pas avoir voté la loi de programmation militaire et le renforcement de 6 milliards des moyens pour le spatial. Nous n’avons pas de leçons à recevoir dans ce domaine, Monsieur Lachaud. Par ailleurs, je n’ai pas dit « l’Europe fera », mais que ce n’est pas avec des demandes de rapport qu’on traitera ces questions.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je chercherai la date de l’anniversaire de notre collègue Bastien Lachaud pour lui offrir l’ensemble des discours d’Emmanuel Macron. Il pourra ainsi constater que son groupe n’est pas le seul à parler de ces sujets.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-DN143 de M. José Gonzalez.

M. José Gonzalez (RN). Si le bloc NPRM, c’est-à-dire la nouvelle politique de rémunération des militaires, va globalement dans le bon sens, les associations professionnelles nationales nous ont alertés sur un point qui semble essentiel : certains profils sont pénalisés par l’indemnité de garnison et sa fiscalisation dès lors que le taux marginal d’imposition dépasse 15 %. Nous soulignons, par cet amendement qui demande au Gouvernement de nous remettre un rapport, la nécessité de modifier le décret du 24 mai 2023 pour aller vers une défiscalisation de l’indemnité et éviter à nos militaires une perte de pouvoir d’achat.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je suis favorable à la défiscalisation de l’indemnité de garnison, mais une demande de rapport n’est pas le bon moyen d’atteindre cet objectif. Il faudrait soit revenir maintenant sur le décret soit attendre 2025 pour voir réellement les effets de l’indemnité. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense modifiés.

 


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   ANNEXE 1 :

AUDITIONS ET DéPLACEMENTS DU RAPPORTEUR POUR AVIS

(par ordre chronologique)

  1.   Auditions :

État-major de la Marine nationale – M. le vice-amiral Xavier Petit, sous-chef d’état-major « opérations » ;

État-major de l’armée de Terre – M. le général Stéphane Richou, officier général en charge des relations internationales ;

État-major de l’armée de l’Air et de l’Espace – M. le général de division aérienne Dominique Tardif, sous-chef d’état-major « activité » ;

Agence de l’innovation de défense – M. Patrick Aufort, directeur ;

Direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des Armées – Mme Alice Rufo, directrice générale ;

Fondation pour la recherche stratégique – M. Xavier Pasco, directeur, et M. Alexandre Houdayer, secrétaire général ;

Institut français des relations internationales – M. Élie Tenenbaum, chercheur, directeur du centre des études de sécurité ;

Institut de relations internationales et stratégiques – M. Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint, et M. Boris Contesse, secrétaire général ;

Direction du renseignement et de la sécurité de la défense – M. le général de corps d’armée Philippe Susnjara, directeur ;

Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres – Mme Martine Poirmeur, déléguée générale adjointe en charge de la défense ;

Groupement des industries de construction et activités navales – M. Philippe Missoffe, délégué général ;

Comité Richelieu – M. Thierry Gaiffe, président de la commission défense ;

Direction générale de la sécurité extérieureReprésentants.

  1.   Déplacements :

Djibouti – 19 au 22 septembre 2023

Délégation de l’Union européenne à Djibouti Mme Sylvie Tabesse, cheffe ;

Organisation internationale pour les migrations Mme Tanja Pacifico, cheffe de mission ;

État-major général des Armées – M. le général de corps d’armée Zakaria Cheikh Ibrahim, chef d’état-major général des armées ;

Banque pour le commerce et l’industrie – Mer Rouge – M. Régis Barriac, directeur général ;

Marill Automotive – M. Christophe Durand, directeur commercial ;

Assemblée nationale – M. Dileita Mohamed Dileita, président, et Mme Nouria Waberi Ouffaneh, présidente de la Commission de la Défense Nationale ;

Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale – M. Mohamed Ali Hassan, secrétaire général ;

Camp Lemonnier – Mme la générale Jami Shawley, commandante générale de la Force opérationnelle interarmées conjointe de la Corne de l’Afrique ;

État-major interarmées – M. le général de brigade aérienne Laurent Boïté, commandant des forces françaises stationnées à Djibouti ;

5ème régiment interarmes d’outre-mer – M. le colonel Paul Duplay, chef de corps ;

Base aérienne 188 « Colonel Émile Massart » – M. le colonel Fabien Coulibaly, commandant ;

Base navale – M. le capitaine de frégate Frédéric Méar, commandant.


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   ANNEXE 2 :

GLOSSAIRE DES PRINCIPAUX ACRONYMES

 

AE : autorisation d’engagement

AED : agence européenne de défense

AFRICOM : commandement des États-Unis pour l’Afrique

AID : agence de l’innovation de défense

ALAT : aviation légère de l’armée de Terre

ANSSI : agence nationale de la sécurité des systèmes d’information

ASTRID : accompagnement spécifique des travaux de recherches et d’innovation défense

ATMIS : African Union Transition Mission in Somalia

BOA : base opérationnelle avancée

BATHILL : bataillon djiboutien projeté en Somalie sous mandat de l’AMISOM

BITD : base industrielle et technologique de défense

BOP : budget opérationnel de programme

C2I : contre-ingérence informationnelle

CEA-DAM : direction des applications militaires du commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives

CECAD : centre d’entrainement au combat et d’aguerrissement au désert

CERT [ED] : Computer Emergency Response Team [Entreprises de défense]

CNRLT : coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme

CP : crédit de paiement

DCSD : direction de la coopération de sécurité et de défense

DGA : direction générale de l’armement

DGRIS : direction générale des relations internationales et de la stratégie

DGSE : direction générale de la sécurité extérieure

DRSD : direction du renseignement et de la sécurité de la défense

EDAS : engin de débarquement amphibie standard

EMIA : état-major interarmées

ENF : empreinte numérique finalisée

ENSTA : école nationale supérieure de techniques avancées

ENVR : école nationale à vocation régionale

EOTO : étude opérationnelle et technico-opérationnelle

EPS : études prospectives et stratégiques

ESID : établissement du service d’infrastructure de la Défense

ETI : entreprises de taille intermédiaire

FAD : forces armées djiboutiennes

FFDj : forces françaises stationnées à Djibouti

FREMM : frégate multi-missions

FSI : forces de sécurité intérieure

FORFUSCO : force maritime des fusiliers marins et commandos

IETA : ingénieur des études et techniques de l’armement

IGAD : Intergovernmental Authority on Development

IRSEM : institut de recherche stratégique de l’École militaire

ISAE-Supaéro : institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace

ISL : institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis

OMP : opération de maintien de la paix

ONERA : office national d’études et de recherches aérospatiales

ONU : Organisation des Nations Unies

PAD : Personnalités d’avenir – Défense

PES : Pacte Enseignement Supérieur

PLF : projet de loi de finances

PME : petites et moyennes entreprises

PMG7 : partenariat mondial du G7 pour la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive

RAPID : régime d’appui à l’innovation duale

RESEVAC : évacuation des ressortissants

RIAOM : régiment interarmes d’outre-mer

SGA : secrétariat général pour l’administration

SIRCID : système d’information de renseignement de conte-ingérence de défense

TCMD : traité de coopération militaire et de défense

ZEE : zone économique exclusive

ZRP : zone de responsabilité permanente


([1])  En effet, les parties purement programmatiques des lois de programmation ainsi que leurs rapports annexés sont dépourvus de force normative, de sorte que les engagements qui y sont inscrits ne s’imposent pas au pouvoir exécutif. En revanche, les articles de loi inscrits dans le second titre de la loi de programmation militaire, eux, ont une portée normative, et s’imposent donc, de ce fait, aux services de l’État. C’est pour cette raison que le titre complet de la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 est le suivant : « Loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense ».

 

 

([3])  En plus de la France et de l’Italie, d’autres pays européens déploient un contingent à Djibouti dans le cadre de l’opération Atalante, comme l’Espagne. Un détachement allemand était également positionné sur le territoire djiboutien jusqu’en mai 2021, date à laquelle Berlin a décidé de le retirer.