N° 1808

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 octobre 2023.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2024 (n° 1680)

 

 

TOME VII

 

 

DÉFENSE

ÉQUIPEMENT des FORCES - DISSUASION

PAR M. Mounir BELHAMITI

Député

——

 

 

Voir le numéro : 1745 


 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Première partie : un budget qui met en œuvre l’ambition capacitaire de la LPM 2024-2030

I. Un budget qui traduit les priorités de la LPM

A. Un budget conforme à la trajectoire financière de la LPM

1. Une LPM à la trajectoire financière ambitieuse pour le capacitaire

2. Les crédits du P146 pour 2024 sont conformes à la LPM

B. Un budget conforme aux priorités capacitaires de la LPM

1. Des orientations capacitaires cohérentes avec la LPM

2. La poursuite de la modernisation des capacités en 2024

a. Les principales commandes prévues en 2024

b. Les principales livraisons prévues en 2024

II. L’examen détaillé des crédits révèle la cohérence entre les systèmes de force

A. Un programme structuré autour de grands systèmes de force

B. Des crédits qui assurent le renouvellement de l’ensemble des systèmes de force

1. Les crédits de la dissuasion

2. Les crédits d’équipements de commandement et de maîtrise de l’information

3. Les crédits d’équipements de projection, de mobilité et de soutien

4. Les crédits d’équipements d’engagement et d’équipement de combat

5. Les crédits d’équipements de protection et de sauvegarde

6. Les crédits de préparation et de conduite des opérations d’armement

III. Les points de vigilance de votre rapporteur

A. La nécessité de bien gérer la fin de l’exercice 2023

B. L’économie de guerre : l’impératif de transformer l’essai

C. Les coopérations européennes : la balle est dans le camp des industriels

Seconde partie : les financements européens de la Défense

I. Le financement de la R&D : le fonds européen de la Défense

A. Une mise en place progressive

1. Financer la défense : une rupture pour l’UE

2. L’APRD et le PEDID : deux instruments préparatoires au Fedef

3. Le fonctionnement du Fedef

B. Un bilan globalement positif pour les industriels français

1. La France, première bénéficiaire du Fedef

2. … malgré certaines déceptions

3. L’accompagnement de la DGA pourrait être optimisé

C. Le Fedef doit évoluer pour être un outil au service de l’autonomie stratégique européenne

1. L’absence d’une véritable vision stratégique nuit à l’efficacité du Fedef

2. Le Fedef doit renforcer sa plus-value capacitaire

II. Le nouveau défi de l’UE : Financer une « économie de guerre » européenne

A. La guerre en Ukraine a révélé les fragilités de la BITDE

1. La BITDE a souffert des dividendes de la paix

2. La BITDE n’a pas bénéficié du « choc de demande » entraîné par la guerre en Ukraine

B. La création en urgence de financements de l’UE pour renforcer la BITDE

1. Un tournant pour l’UE

2. Financer l’acquisition conjointe d’équipements : le dispositif EDIRPA

3. Financer l’augmentation de la production de munitions : le mécanisme ASAP

C. Une dynamique à amplifier

1. L’impératif de créer un outil de financement pérenne au service de la BITDE

2. Le soutien à la BITDE requiert d’autres actions structurelles au niveau européen

a. Lever l’hypothèque du contrôle de l’export

b. Lever l’hypothèque de la taxonomie européenne

c. Permettre à la BEI de financer l’industrie de défense

Travaux de la commission

I. Audition de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement

II. Examen des crédits

Annexe :  Auditions et déplacement du rapporteur pour avis

 


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   Introduction

  ● Du 19 avril au 5 mai 2023, 12 000 militaires (dont 1 700 alliés) de la coalition multinationale, dont la France est nation-cadre, ont été engagés dans une opération terrestre. Des milliers de véhicules dont 400 véhicules de combat, une quarantaine d’hélicoptères et des drones ont été mobilisés par l’armée de terre. Pour soutenir cette opération, une cinquantaine d’avions de chasse de l’armée de l’air et de l’espace et de la marine, appuyés par des ravitailleurs et des avions de surveillance aérienne Awacs, ont été préalablement déployés pour acquérir la supériorité aérienne, avec plus de 750 sorties. En mer, une frégate multi-missions (FREMM) a été pré-positionnée pour être en capacité de réaliser un tir de croisière naval (MdCN). Des capacités liées au cyber, à l’espace, aux champs informationnel et électromagnétique sont également intégrées à cette opération.

Cet engagement, d’envergure inédite depuis près de trois décennies, a été réalisé dans le cadre de la phase 4 de l’exercice interarmées Orion 23. Cet exercice a rappelé que l’ambition de la France d’être nation-cadre d’une coalition internationale à l’occasion d’un engagement majeur requiert la capacité de mobiliser des moyens d’ampleur, dans une logique multi-milieux multi-champs.

MOYENS ENGAGéS dans le cadre de l’exercice orion 23

 

Source : ministère des Armées.

C’est notamment pour permettre à nos armées d’assurer de façon crédible un tel rôle de nation-cadre d’une coalition lors d’un engagement majeur que la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 a défini un programme d’équipement ambitieux. Plus de 100 milliards d’euros de crédits de paiement ont été ainsi prévus pour financer les grands programmes capacitaires de nos armées, dénommés « programmes à effet majeur » (contre 59 milliards d’euros prévus par la LPM 2019-2025).

contrat opÉrationnel de la LPM 2024-2030 : moyens susceptibles d’Être mobilisÉS au titre d’UN engagement majeur

Source : LPM 2024-2030, rapport annexé.

Le programme capacitaire de la LPM 2024-2030 a ainsi quatre objectifs principaux :

  renouveler notre outil de dissuasion nucléaire pour préserver sa crédibilité face à l’évolution des défenses adverses ;

  poursuivre la réparation et la modernisation des capacités conventionnelles de nos armées, avec la poursuite des grands programmes structurants (avions Rafale, véhicules Scorpion, sous-marins nucléaire d’attaque de type Barracuda…) ;

  accentuer les efforts sur les segments indispensables dans le cadre d’un conflit de haute intensité, à la lumière du retour d’expérience de la guerre en Ukraine (défense sol-air, drones, munitions, frappes dans la profondeur…) ;

  enfin, assurer la montée en puissance de nos capacités pour être en mesure de se défendre et d’agir dans les nouveaux espaces de conflictualité (milieu spatial, cyber, fonds marins…).

  ● Cette ambition capacitaire est naturellement portée par le projet de loi de finances (PLF) 2024 pour le programme 146 de la mission Défense, au titre de cette première année de mise en œuvre de la LPM 2024-2030.

Le PLF 2024 confirme tout d’abord la croissance des moyens budgétaires alloués à l’équipement des forces. Le programme 146 bénéficiera ainsi en 2024 de près de 24,4 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et de 16,6 milliards d’euros de crédits de paiement, soit respectivement près de 900 millions et 1,2 milliard d’euros de plus qu’en loi de finances initiale 2023.

Grâce à ces crédits, l’armée de terre poursuivra la modernisation de la force opérationnelle terrestre (FOT), avec en particulier la livraison de 21 chars Leclerc rénovés, de douze canons CAESAR et de plusieurs centaines de véhicules du programme Scorpion. La marine s’apprête à recevoir sa première frégate de défense et d’intervention (FDI), son troisième sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Barracuda ainsi que des munitions d’importance majeure (missiles et torpilles). L’armée de l’air et de l’espace recevra notamment treize Rafale et dix Mirage 2000D rénovés, ainsi que les deux premiers systèmes de défense sol-air courte portée MICA VL.

Le PLF 2024 met également en œuvre les grandes orientations capacitaires de la LPM 2024-2030, ainsi qu’il sera détaillé dans la première partie du présent rapport. De nouveaux programmes à effet majeur sont ainsi créés pour refléter certaines nouvelles priorités capacitaires issues de la LPM (munitions télé-opérées, défense sol-air basse couche, frappe longue portée terrestre…). En outre, des commandes majeures sont prévues en 2024 au titre des munitions et missiles, de la défense sol-air ou encore de nos capacités d’action dans le milieu spatial, qui constituent tous des axes importants du programme d’équipements de la LPM.

  ● Si votre rapporteur ne peut que saluer la mise en œuvre d’une telle ambition pour les capacités de nos armées, il considère qu’il existe toutefois deux points de vigilance pour 2024.

D’une part, votre rapporteur considère que le chantier de l’« économie de guerre », auquel il a consacré la partie thématique de son précédent rapport pour avis, doit être consolidé, dans le prolongement des dispositifs créés par la LPM 2024-2030. Si la cadence de production de certains systèmes d’armement a augmenté, il convient d’accroître encore nos efforts pour être en mesure (i) de soutenir durablement les Ukrainiens dans la défense de l’intégrité territoriale de leur pays, (ii) de renforcer la capacité de nos propres armées à tenir dans le cadre d’un engagement majeur, et enfin (iii) de maintenir notre compétitivité à l’export, tant l’enjeu des délais de livraison est désormais devenu un critère déterminant dans ce domaine.

D’autre part, votre rapporteur sera naturellement attentif à l’évolution en 2024 de certaines coopérations européennes. L’année 2024 sera par exemple une année décisive pour le système principal de combat terrestre (MGCS), dans le prolongement de l’adoption récente de la feuille de route capacitaire par les états-majors français et allemand. S’il est de notre intérêt et de notre responsabilité de favoriser le développement d’un tel programme dès lors qu’il répond aux besoins opérationnels de nos armées, il est également de notre devoir d’anticiper toutes les issues et de préparer les alternatives, afin d’être prêts pour le jalon décisionnel 2025.

 La seconde partie du présent rapport est consacrée aux financements européens de la défense. Votre rapporteur s’est concentré sur les financements issus du budget de l’Union européenne (UE), de sorte que ne sera pas abordée par exemple la facilité européenne pour la paix (FEP), qui est un mécanisme hors budget européen.

Votre rapporteur a choisi de traiter ce thème – peu abordé jusqu’à présent par la Représentation nationale –, car il représente de plus en plus un enjeu majeur pour notre BITD, dans un contexte de foisonnement d’initiatives de l’UE.

La guerre en Ukraine a en effet entraîné une révolution copernicienne de la part de l’UE, dont l’action en matière de financement de la défense était jusqu’alors cantonnée aux domaines de la recherche et du développement (R&D), à travers le fonds européen de la défense (Fedef).

Désormais, l’UE souhaite jouer un rôle pour renforcer les capacités de production de l’industrie européenne de défense et favoriser les acquisitions en commun. La création d’un dispositif pour accroître la production de munitions (ASAP) ([1]), ainsi que d’un mécanisme pour faciliter les acquisitions conjointes (EDIRPA) ([2]), de même que l’annonce récente par la présidente de la Commission européenne d’une nouvelle stratégie pour l’industrie européenne de la défense illustrent cette nouvelle approche de l’UE.

La montée en puissance de ces financements européens revêt une importance cruciale dans un contexte d’augmentation des dépenses d’équipements militaires des pays européens. Il s’agit en effet de lutter contre la tendance de certains États membres à accroître leur dépendance en se fournissant auprès de pays tiers, au premier rang desquels les États-Unis.

La mobilisation de ces financements au service de la construction de l’autonomie stratégique européenne requiert toutefois une forte volonté politique. Les futures élections européennes seront à cet égard déterminantes dans l’orientation à venir des financements européens de la défense.

 


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   Première partie : un budget qui met en œuvre l’ambition capacitaire de la LPM 2024-2030

I.   Un budget qui traduit les priorités de la LPM

A.   Un budget conforme à la trajectoire financière de la LPM

1.   Une LPM à la trajectoire financière ambitieuse pour le capacitaire

L’ambition capacitaire de la LPM 2024-2030 est tout d’abord financière. La loi de programmation prévoit en effet un besoin programmé pour l’agrégat « équipement » ([3]) de 268 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 55 % par rapport à la LPM 2019-2025 (172 milliards d’euros de besoins programmés).

Au sein de l’agrégat « équipement », les besoins au titre des programmes à effet majeur (PEM) s’élèvent à 100 milliards d’euros pour la période 2024-2030, soit une augmentation inédite de près de 70 % par rapport à la LPM précédente.

BESOINS PROGRAMMéS des principaux ensembles de l’agrégat « équipement »

(Crédits de paiement, en milliards d’euros)

Source : LPM 2024-2030, rapport annexé.

Ces moyens budgétaires historiques ont vocation à financer au titre du programme 146 les « efforts prioritaires pour les armées du futur » ([4]) mis en exergue par la loi de programmation, à travers notamment le renforcement de nos capacités sur les segments suivants : l’espace (6 milliards d’euros), les drones et les robots (5 milliards d’euros), la défense surface-air (5 milliards d’euros), les munitions (16 milliards d’euros), ou encore l’outre-mer (13 milliards d’euros).

2.   Les crédits du P146 pour 2024 sont conformes à la LPM

  ● Les crédits de la « mission Défense » inscrits au PLF 2024 sont conformes à la trajectoire de ressources définie à l’article 4 de la loi de programmation militaire. Les ressources totales du budget 2024 de la mission « Défense » s’élèvent ainsi à 47,2 milliards d’euros de crédits de paiements, hors pensions civiles et militaires de retraite, ce qui correspond à la « marche » de 3,3 milliards d’euros prévue à l’article susmentionné de la LPM.

Si le respect de la programmation militaire est une constante sous la présidence d’Emmanuel Macron, cette exécution scrupuleuse de la LPM doit cependant être saluée comme un geste politique fort en faveur de notre défense, à l’aune des pratiques passées, a fortiori lorsque la programmation prévoit des augmentations annuelles aussi conséquentes. Depuis 2017, le budget de la mission « Défense » a ainsi augmenté de 46 %, ce qui correspond à 52,5 milliards d’euros de ressources supplémentaires cumulées sur la période.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION « DÉFENSE » DEPUIS 2017

Source : ministère des Armées.

  ● Au titre du PLF 2024, l’agrégat « équipement » mobilisera 38,7 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (+13,5 % par rapport à la loi de finances initiales « LFI » 2023) et 28,3 milliards d’euros de crédits de paiement (+10,5 %).

Quant au programme 146, il bénéficiera en 2024 de 24,4 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (+3,73 % par rapport à la LFI 2023) et de 16,6 milliards d’euros de crédits de paiement (+7,9 %). Depuis 2017, les crédits de paiement du programme 146 auront ainsi augmenté de 66 %, soit 20 points de plus que l’augmentation moyenne de la mission Défense sur la même période.

  ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 146 DEPUIS 2017

 

Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données budgétaires.

Le programme 146 représente ainsi près de 50 % des crédits totaux de la mission Défense (hors dépenses du personnel du titre 2), proportion qui est stable depuis 2020.

crédits du programme 146 et de la mission défense (hors titre 2)

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

B.   Un budget conforme aux priorités capacitaires de la LPM

1.   Des orientations capacitaires cohérentes avec la LPM

  ● La traduction des orientations capacitaires de la LPM se manifeste tout d’abord par l’allocation des crédits aux différents programmes. Votre rapporteur a estimé utile d’identifier les dix programmes à effet majeur (PEM) bénéficiant des principaux efforts financiers au titre du programme 146 dans le cadre du PLF 2024.

Or, ce « top 10 », notamment pour les autorisations d’engagement qui correspondent aux commandes, est de fait parfaitement cohérent avec les grandes priorités capacitaires de la LPM 2024-2030, entre (i) la poursuite des grands programmes structurants engagées sous la dernière LPM (véhicules Scorpion, Rafale, SNA Barracuda, FDI, A400M), (ii) l’accent mis sur les nouveaux espaces de conflictualité (maîtrise de l’espace, drones navals et sous-marins, cyber) et (iii) le renouvellement des capacités indispensables dans un conflit de haute intensité (défense sol-air, missiles antinavires et de croisières).

Classement des dix PRogrammes à effet majeur (PEM) du P146 les mieux dotÉes (PLF 2024) – hors dissuasion nuclÉaire

Rang

Autorisations d’engagement

 

Crédits de paiement

1

 

Scorpion

3,2 milliards d’euros

 

Rafale

1,5 milliard d’euros
 

2

 

VLTP (véhicule léger tactique polyvalent)
2,1 milliards d’euros

 

 

Scorpion
967 millions d’euros

3

 

Maîtrise de l’espace
1,2 milliard d’euros

 

Frégates de taille intermédiaire (FDI)
364 millions d’euros

 

 

4

 

Système de Lutte Anti-Mines du Futur (SLAMF)

1 milliard d’euros

 

Sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) Barracuda

339 millions d’euros

5

 

Futur missile antinavire (FMAN)
967 millions d’euros

 

 

Système de combat aérien du futur (SCAF)

307 millions d’euros

 

6


Rafale

812 millions d’euros

 


A400M

259 millions d’euros

7

 

Défense surface air basse couche

702 millions d’euros

 

 

Syracuse IV (satellite)

257 millions d’euros

 

 

8

 

Système sol-air moyenne portée/terrestre de nouvelle génération (SAMP- T NG)

674 millions d’euros

 

 

Contact (radios)

243 millions d’euros

9

 

Flotte logistique (bâtiments ravitailleurs de forces)

650 millions d’euros

 

Hélicoptère NH90

233 millions d’euros

 

10

 

Cyber
500 millions d’euros

 

 

Hélicoptère Tigre

203 millions d’euros

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire de votre rapporteur.

● Au-delà du volume des crédits, l’autre illustration de la prise en compte par le programme 146 des orientations capacitaires de la LPM 2024-2030 réside dans la création de neuf programmes à effet majeur (PEM) dans le PLF 2024, qui correspondent aux grandes inflexions du programme d’équipements décidé par la loi de programmation, ainsi que le confirme le tableau ci-après.

Nouveaux programmes à effet majeurs créÉs dans le PLF 2024

Programme à effet majeur créé

Objet

Systèmes de franchissement léger lourd

 

Offrir aux forces terrestres des moyens modernes de franchissement.

 

Frappe longue portée-terrestre

 

Acquisition ou développement d’une capacité de frappe longue portée terrestre qui succèdera au lance-roquette unitaire (LRU).

 

Simulation massive

Fournir un outil de simulation permettant d’entraîner de manière simultanée les pions tactiques des trois armées et d’assurer des services d’interopérabilité technique des simulations.

Drones de contact

Acquérir des capacités de petits, mini et micro-drones, y compris des munitions télé-opérées dont l’importance a été démontrée par la guerre en Ukraine.

Robots terrestres

Poursuivre et intensifier la dynamique de développement des capacités robotisées terrestres initiée par le programme Scorpion.

Hébergement Cloud ou cloud projetable

Fournir les capacités matérielles et logicielles nécessaires aux systèmes d’information mis en œuvre sur les théâtres d’opérations, dont en particulier les capacités nécessaires aux extensions locales du système d’information des armées (SIA).

UCAV

Développer le futur drone accompagnateur du Rafale au standard 5, issu des travaux du démonstrateur Neuron.

Hélicoptère de combat du futur

Renouveler les capacités d’hélicoptères d’attaque, successeur du Tigre à l’horizon 2040.

ACCP (anti-char courte portée)

Capacité de missile anti-char courte portée, avec une cible de munitions à 2033 et des simulateurs de tirs au combat et d’entraînement au tir.

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

2.   La poursuite de la modernisation des capacités en 2024

a.   Les principales commandes prévues en 2024

  ● Pour l’armée de terre, les principales commandes prévues en 2024 portent sur la poursuite du programme Scorpion (45 Jaguar, 253 Griffon et 97 Serval) et la rénovation du char Leclerc (commande de 100 chars rénovés en 2024). S’agissant des petits équipements, plus de 8 000 fusils d’assaut HK416 seront commandés.

Une commande majeure pour la marine nationale en 2024 concerne le système de lutte anti-mines du futur SLAM-F, avec la commande de quatre bâtiments de guerre des mines et de huit robots sous-marins autonomes.

Quant à l’armée de l’air et de l’espace, la commande emblématique de 2024 est celle de huit lanceurs de systèmes de défense sol-air moyenne portée de nouvelle génération (SAMP-T).

  ● L’effort en faveur des missiles et munitions, entamé sous la précédente LPM se poursuivra en 2024, conformément aux orientations de la LPM 2024-2030.

  Il peut être ainsi souligné l’inscription dans le PLF 2024 de 967 millions d’euros d’autorisations d’engagement pour le lancement de la phase de réalisation du futur missile antinavire (FMAN) et de 473 millions d’euros d’engagement pour le futur missile de croisière (FMC) « au titre des travaux préparatoires et de la réalisation de prestations d’essais » ([5]). Ces deux types de missiles sont développés dans le cadre du programme franco-britannique FMAN/FMC, récemment élargi à l’Italie. C’est donc au total plus de 1,4 milliard d’euros de crédits qui seront engagés en 2024 pour ces missiles qui ont vocation à succéder respectivement à l’Exocet et au Scalp.

En outre, 246 millions d’euros d’autorisations d’engagement seront programmés pour la commande d’un lot de missiles air-air Mica de nouvelle génération (MICA NG) et 234 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont prévus dans le cadre du programme « munitions de gros calibres » (MGC), en vue de recompléter les stocks de munitions de 155mm pour CAESAR.

  ● Au niveau interarmées, trois lancements majeurs sont en outre programmés en 2024 :

  une importante commande de véhicules légers tactique polyvalent (VLTP) sera lancée en 2024, pour des autorisations d’engagement à hauteur de 2,1 milliards d’euros. Ces véhicules ont vocation à équiper les unités d’appui et de soutien de l’armée de terre, les commandos de l’air et les fusiliers commandos de la marine. Les véhicules commandés en 2024 correspondront « au segment protégé haut (…) pour équiper les unités de combat et d’appui au contact de l’environnement de SCORPION » ([6]) ;

  dans le domaine spatial, le lancement en réalisation du deuxième incrément du programme Ares, qui comprend le successeur du radar de surveillance Graves, la capacité d’action dans l’espace Egide et le centre de commandement et de contrôle spatial Astreos. Plus de 1,2 milliard d’euros d’autorisations d’engagement seront consacrés à ce programme en 2024 ;

enfin, un effort particulier (plus de 700 millions d’euros d’autorisations d’engagement) sera réalisé en matière de défense sol-air basse couche, avec le lancement en réalisation du premier incrément de l’opération « Défense surface-air basse couche », qui vise « au renouvellement de la composante de courte portée CROTALE, pour l’armée de l’air et de l’espace, la création d’une composante de DSA d’accompagnement de la manœuvre terrestre mobile et protégée pour l’armée de terre et l’autoprotection des bâtiments de second rang de la Marine Nationale »  ([7]).

            b. Les principales livraisons prévues en 2024

Les livraisons prévues en 2024 concernent un très large spectre de nos capacités. Il sera notamment relevé :

  pour l’armée de l’air et de l’espace, la réception prévue de treize Rafale, dix Mirage 2000D rénovés, de deux A400M, des deux premiers VL Mica destinés à remplacer les Crotale et le lancement tant attendu du troisième satellite de la composante spatiale optique (CSO-3) ;

  pour l’armée de terre, la poursuite du programme Scorpion et la livraison de douze canons CAESAR ;

  pour la marine, la réception d’un troisième sous-marin nucléaire d’attaque de type Barracuda, le « Tourville », et de la première frégate de défense et d’intervention (FDI).

principales livraisons prévues en 2024

 

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

 

II.   L’examen détaillé des crédits révèle la cohérence entre les systèmes de force

A.   Un programme structuré autour de grands systèmes de force

Le programme 146 est articulé autour de six actions budgétaires (n° 6 à 11) : cinq (n° 6 à 10) correspondent à des « systèmes de force » pour reprendre les termes du projet annuel de performances et la sixième est liée aux opérations d’armement (n° 11).

  ● L’action 6 « dissuasion » regroupe l’ensemble les moyens dédiés à « assurer la crédibilité technique de la dissuasion ». Les crédits liés aux missiles (M51 pour la force océanique stratégique ; ASMPA et futur missile ASN4G pour la force aérienne stratégique), aux programmes de simulation, aux systèmes de transmissions, au développement du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G) figurent notamment dans cette action. Il convient cependant de relever que cette action budgétaire ne reflète qu’imparfaitement l’effort de la Nation en faveur de sa politique de dissuasion, dès lors qu’elle n’intègre pas le financement des équipements conventionnels participant à la mission de dissuasion nucléaire, tels que les programmes Rafale, l’avion-ravitailleur A330 MRTT ou encore le porte-avions. Au titre du PLF 2024, l’action « dissuasion » du programme 146 représente 3,7 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 5,3 milliards de crédits de paiement.

  ● L’action 7 « commandement et maîtrise de l’information » inclut les crédits liés aux moyens de recueil, de transmission et d’exploitation d’informations et de renseignement aux fins d’assurer notre autonomie de décision. Cette action couvre par exemple les crédits liés aux moyens de communication et renseignement satellitaire (Syracuse IV, CERES, CSO-3), au système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), aux aéronefs exerçant des missions de renseignement (avions légers de surveillance et de reconnaissance, drones, programme Archange) ou encore au programme de radiocommunication Contact. Au titre du PLF 2024, il est prévu d’allouer à cette action près de 4,6 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 2,8 milliards de crédits de paiement.

  ● L’action 8 « projection-mobilité-soutien » réunit les moyens permettant aux forces de se projeter sur des théâtres d’opérations et d’assurer la mobilité intra-théâtre ainsi que le soutien des troupes. Les crédits liés aux programmes d’avions de transport (A400M), d’avions ravitailleurs (A330 MRTT Phénix) et d’hélicoptères (NH 90, Cougar, HIL Guépard) sont notamment inscrits dans cette action. En vertu du PLF 2024, près de 4 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 1,3 milliard d’euros de crédits de paiement sont proposés pour cette action.

  ● L’action 9 « engagement et combat » regroupe l’ensemble des équipements dédiés aux opérations en milieu hostile. Cette action inclut à titre d’exemple les crédits relatifs aux Rafale, au programme Scorpion, aux sous-marins nucléaires d’attaque, au porte-avions de nouvelle génération, au système de lutte anti-mines marines futur (SLAMF), ainsi qu’à certains missiles (Exocet, missile moyenne portée MMP, missiles de croisière naval…). Le PLF 2024 prévoit d’affecter à cette action 9,2 milliards d’euros à titre d’autorisations d’engagement et 6 milliards d’euros au titre des crédits de paiement.

 

 

  ● L’action 10 « protection et sauvegarde » recouvre les équipements dédiés à la protection du territoire national face à des menaces conventionnelles, terroristes ou NRBC. Les crédits liés au patrouilleur du futur, au programme Avismar d’avions de surveillance et d’interception maritime, aux systèmes sol-air du futur ou encore à la lutte anti-drones sont réunis dans cette action. 2,6 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 1 milliard d’euros de crédits de paiement sont prévus respectivement par le PLF 2024 pour cette action.

  ● Enfin, l’action 11 du programme 146 « préparation et conduite des opérations d’armement » ne correspond pas à un « système de forces » comme les actions précitées, mais réunit les crédits liés aux activités de la direction générale de l’armement (DGA). Pour l’année 2024, cette action représente 247 millions d’euros au titre des autorisations d’engagement et 225 millions d’euros au titre des crédits de paiement.

  Les actions « engagement et combat » et « dissuasion » représentent ainsi à elles seules près de 68 % des crédits de paiement du programme 146 prévus en 2024, avec respectivement 36 % et 32 % desdits crédits alloués à ces deux actions.

RÉpartition des crÉdits de paiement entre les actions du p146 (PLF 2024)

(en milliards d’euros)

 

Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données du projet de loi de finances 2024.

B.   Des crédits qui assurent le renouvellement de l’ensemble des systèmes de force

1.   Les crédits de la dissuasion

  Les autorisations d’engagement inscrits au titre de l’action 6 « Dissuasion » connaissent une baisse de 11 % des autorisations d’engagement, qui s’explique par le fait que d’importants engagements ont été pris en 2022. L’augmentation des crédits de paiement, qui atteindront en 2024 5,3 milliards d’euros (+13,6 %), illustre la montée en puissance continue des programmes majeurs de renouvellement des composantes. Depuis 2019, l’augmentation des crédits de paiement de cette action atteint 47,6 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 6 « DISSUASION » depuis 2019

 

Source : élaboré par le rapporteur à partir des données budgétaires.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de L’ACTION 6 « DISSUASION » (PLF 2024)

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2023

PLF 2024

Évolutions

LFI 2023

PLF 2024

Évolutions

6

Dissuasion

4 161,40

3 679,05

- 11,59 %

4 645,20

5 279,28

+13,65 %

06.14

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ M51

543,66

254,06

- 53,27 %

809,84

857,69

+5,91 %

06.17

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA)

64,06

60,28

- 5,90 %

144,61

140,25

- 3,01 %

06.18

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ Simulation

531,18

660,92

+24,43 %

543,71

619,31

+13,90 %

06.19

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ Autres opérations

1 705,50

1 705,41

- 0,01 %

1 408,27

1 684,03

+19,58 %

06.22

Assurer la crédibilité opérationnelle de la dissuasion - soutien et mise en œuvre des forces ‒ toutes opérations

1 069,21

514,50

- 51,88 %

922,38

919,94

- 0,26 %

06.23

Assurer la crédibilité technique de la posture ‒ toutes opérations

247,77

483,87

+95,29 %

388,94

423,98

+9,01 %

06.24

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ SNLE 3G

-

-

 

427,43

634,08

+48,35 %

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

  Les crédits prévus au titre de l’action 6 du programme 146 ont pour finalité de préserver la crédibilité de notre dissuasion nucléaire dans un contexte d’évolution des défenses adverses, par le renouvellement de nos deux composantes aéroportées et océaniques, conformément aux axes définis par la LPM 2024-2030. La modernisation concerne donc l’ensemble des capacités de notre outil de dissuasion, et plus particulièrement ;

  ● les missiles, avec :

  les travaux de développement et de production du missile M51.3, missile nucléaire stratégique à têtes multiples, à capacité intercontinentale, emporté sur les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) (sous-action 06.14). Le 19 avril 2023, au large du Finistère, le SNLE « Le Terrible » a procédé au lancement d’un missile balistique stratégique M51. Le succès de ce tir d’essai - le 11ème du M51 - a démontré la crédibilité et la robustesse de notre dissuasion nucléaire. Les engagements prévus en 2024 permettront également de financer les travaux de préparation de la future version M51.4, illustration de la logique incrémentale du développement de ce missile.

  la rénovation à mi-vie du missile nucléaire air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA), emporté par les Rafale participant à la composante nucléaire aéroportée (sous-action 06.17). La mise en service opérationnelle des missiles ASMPA rénovés est prévue dans les prochains mois.

  la poursuite des travaux de préparation missile air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN4G), qui succédera à l’ASMPA à horizon 2035 (sous-action 06.19).

  ● les vecteurs, avec la réalisation du programme SNLE 3G, qui vise à remplacer les quatre SNLE de type « Le Triomphant ». Le lancement du programme en phase de réalisation a été acté en février 2021 et la livraison du premier SNLE est attendue à horizon 2035. La forte augmentation des crédits de paiement en 2024 (+48 %) témoigne de la montée en puissance de ce programme (sous-action 06.24).

Lors de sa visite sur la base de l’Ile Longue, votre rapporteur a pu mesurer la mobilisation des marins de la force océanique stratégique et des industriels au service de la crédibilité de la composante océanique de notre dissuasion nucléaire. Plus de 2 500 personnes (1 000 militaires et 1500 industriels) travaillent quotidiennement sur cette base, afin d’assurer la mise à disposition d’un SNLE toutes les sept semaines et ainsi pouvoir garantir une présence permanente en mer de « l’objet le plus complexe au monde » qu’est le SNLE, pour reprendre les termes du commandant des forces océaniques stratégiques (FOST), l’amiral Jacques Fayard. La composante océanique stratégique tire ainsi vers le haut l’ensemble des capacités de la marine.

Il convient également de noter que les SNLE actuels font l’objet de modernisations pour garantir leur invulnérabilité jusqu’à l’horizon 2050, date de retrait du dernier SNLE de deuxième génération : ces modernisations sont d’ores et déjà déployées lors des phases de « grand carénage », comme celle du « Terrible » qui vient de s’achever, comme a pu le constater votre rapporteur lors de sa visite.

2.   Les crédits d’équipements de commandement et de maîtrise de l’information

● La dotation de l’action 7 « Commandement et maîtrise de l’information » s’élève à 4,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 2,8 milliards d’euros en crédits de paiement. Les autorisations d’engagement augmentent ainsi de plus 55 % par rapport à la LFI 2023, en raison notamment de l’inscription pour plus d’1,2 milliards d’euros d’AE au titre du programme de maîtrise de l’espace (+202 %) et de la montée en puissance des engagements en matière de cyber (541 millions d’euros d’AE, soit une augmentation de 3 000 %). L’accroissement des crédits de paiement est plus limité (+5,8 %). Depuis 2019, la hausse des crédits de paiement au titre de cette action atteint 45,7 %.

● Pour ce système de forces, les principales commandes en 2024 concernent le développement de la première capacité opérationnelle d’action dans l’espace EGIDE (engin géo-dérivant d’intervention et de découragement), la réalisation du successeur du radar Graves (grand réseau adapté à la veille spatiale), le cyber avec la poursuite de développement de moyens de lutte informatique défensive et de chiffrement, les développements des capacités de traitement de l’information adaptées à l’ère du Big Data et de l’intelligence artificielle d’Artemis IA (architecture de traitement et d’exploitation massive de l’information multi-sources et d’intelligence artificielle), la poursuite des acquisitions de stations de communication satellitaires Syracuse IV et l’intégration des postes radio Contact dans les véhicules terrestres.

Les livraisons attendues concernent le troisième satellite d’observation CSO (composante spatiale optique), des stations de communication satellitaires Syracuse IV, la poursuite de la mise à niveau du système Rifan sur les bâtiments de la Marine, des postes Contact et leur intégration dans les véhicules terrestres, les premiers récepteurs de positionnement par satellites P3TS (plug and play positioning and timing system), des vecteurs aériens du SDT, des moyens de chiffrement et de lutte informatique défensive et la modernisation continue du SCCOA (système de commandement et de conduite des opérations aériennes).

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 7 « commandement et maîtrise de l’information » depuis 2019

 

Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données budgétaires.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 7
« COMMANDEMENT ET MAÎTRISE DE L’INFORMATION » (PLF 2024)

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

7

Commandement et maîtrise de l’information

2 964,81

4 604,75

+55,31 %

2 613,28

2 765,46

+5,82 %

07.22

Commander et conduire – Hébergement Cloud

-

10,00

-

-

0,70

-

07.23

Commander et conduire – ARTEMIS IA

36,93

10,00

- 72,92 %

26,70

35,66

+33,57 %

07.24

Commander et conduire – Système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA)

12,90

15,00

+16,28 %

273,48

278,78

+1,94 %

07.25

Commander et conduire – Système d’information « terre »

35,07

33,27

- 5,15 %

75,35

50,18

- 33,41 %

07.27

Commander et conduire ‒ Géographie numérique

341,00

4,09

- 98,80 %

82,86

73,33

- 11,51 %

07.28

Commander et conduire ‒ Autres opérations

25,07

147,82

+489,50 %

49,88

47,26

- 5,26 %

07.29

Commander et conduire – Système d’information des armées (SIA)

167,05

68,50

- 59,00 %

106,54

99,55

- 6,56 %

07.30

Communiquer ‒ Cyber

17,13

541,10

+3057,13 %

170,64

196,24

+15,00 %

07.35

Communiquer ‒ Autres opérations

439,70

717,10

+63,09 %

194,90

176,66

- 9,36 %

07.36

Communiquer ‒ CONTACT

-

-

-

245,62

262,99

+7,07 %

07.37

Communiquer ‒ Descartes

221,50

230,00

+3,84 %

81,82

84,35

+3,09 %

07.42

Espace ‒ Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ROEM (1)

24,70

87,79

+255,42%

20,75

38,75

+86,77%

07.43

Espace ‒ Communiquer – Moyens de communication satellitaire

457,20

100,06

- 78,12 %

456,06

355,51

- 22,05 %

07.44

Espace ‒ Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ROIM (2)

145,45

0,00

- 99,99 %

84,60

78,20

- 7,57 %

07.45

Espace ‒ Maîtrise de l’Espace

400,00

1 210,00

+202,50 %

34,95

48,58

+39,00 %

07.46

Espace ‒ Commander et conduire ‒ OMEGA (3)

41,00

150,00

+265,85%

52,00

71,01

+36,55%

07.50

Communiquer ‒ Transmission

-

487,00

-

32,61

61,09

+87,33 %

07.60

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ALSR (4)

2,80

-

- 100,00 %

18,55

8,73

- 52,93 %

07.61

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ CUGE (5)

-

96,40

-

105,08

119,52

+13,74 %

07.62

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ Drones aériens

384,20

564,28

+46,87 %

224,17

326,24

+45,53 %

07.63

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ Hawkeye

1,00

9,90

+890,00 %

82,75

142,76

+72,52 %

07.64

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ROEM

137,89

42,80

- 68,96 %

119,05

103,63

- 12,95 %

07.67

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ SDCA (6)

-

13,30

-

17,09

33,97

+98,78 %

07.68

Renseigner, surveiller, acquérir-Autres opérations

74,19

66,33

-10,58 %

57,74

71,77

+24,30 %

 

  1.       Renseignement d’origine électromagnétique. (2) Renseignement d’origine « image ». (3) opération de modernisation des équipements de Global Navigation Satellite System (système de navigation satellitaire global) des armées. (4) Avion léger de surveillance et de reconnaissance. (5) Capacité universelle de guerre électronique. (6) Système de détection et de commandement aéroporté, plus connu sous le signe anglais d’AWACS (Airborne Warning and Control System).

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

  ● Au titre de cette action, votre rapporteur souhaite mettre en exergue les éléments suivants :

  il sera tout d’abord relevé la création de la sous-action « Hébergement-Cloud » (07-22), qui couvre le programme à effet majeur « Cloud projetable ». Selon le projet annuel de performances, ce programme a pour objet de « fournir les capacités matérielles et logicielles nécessaires aux systèmes d’information mis en œuvre sur les théâtres d’opérations, dont en particulier les capacités nécessaires aux extensions locales du système d’information des armées (SIA). (…). Afin de bénéficier des feuilles de route industrielles civiles, il est visé l’acquisition de matériels et de logiciels au maximum sur étagère, idéalement déjà utilisés par les autres membres de l’OTAN afin de faciliter l’interopérabilité » ([8]). Les ressources allouées à cette nouvelle sous-action sont de 10 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 700 000 euros de crédits de paiement.

  la sous-action 07.28 « commander et conduire » accueille également deux nouveaux programmes à effet majeur (PEM) créés dans le prolongement de la LPM 2024-2030 :

  d’une part, le PEM « simulation massive », qui « vise à mettre en place un système de simulation et de connecteurs permettant la simulation massive en réseau pour l’entraînement » ([9]) ;

  d’autre part et surtout, le PEM « drones de contact », qui couvre les munitions télé-opérées (MTO). Le développement de MTO constitue en effet une des priorités capacitaires de la LPM 2024-2030 à l’aune du retour d’expérience de la guerre en Ukraine. L’ambition de la LPM est « de développer rapidement une filière française de MTO à bas coût et, à l'horizon 2030, d'atteindre la capacité de vol en essaims », soit 1 800 MTO d’ici 2030 ([10]). Dans le PLF 2024, 120 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont ainsi prévus au titre du lancement en réalisation du PEM « drones de contact », ce qui explique l’augmentation de 490 % des autorisations d’engagement de la sous-action 07.28 par rapport à 2023.

  le programme à effet majeur « Cyber » (sous-action 07.30) connait également une augmentation très significative de ses autorisations d’engagement (+3 057 %). Selon le projet annuel de performance, ces engagements permettront de financer la poursuite des travaux liés, d’une part, à la téléphonie sécurisée, et, d’autre part, à lutte informatique défensive (LID).

   

  Ce renforcement de la LID s’inscrit pleinement dans le contrat opérationnel fixé dans la LPM 2024-2030 puisque cette dernière prévoit, en cas d’engagement majeur, le déploiement d’ « une composante cyberdéfense reposant sur un commandement centralisé et des capacités métropolitaines couvrant les trois domaines de lutte cyber : LIO (lutte informatique offensive), L2I (lutte informatique d’influence) et une capacité LID déclinée au niveau du théâtre, reposant sur des centres opérationnels de cyberdéfense déployés (SOC de théâtre) et des groupes d'intervention cyber mis en alerte pour des missions préventives et réactives » ([11]).

  sur le segment spatial, l’année 2024 marquera la montée en puissance du programme de maîtrise de l’espace Ares (sous-action 07.45), conformément aux orientations de la LPM 2024-2030 : « Nos capacités de surveillance de l'espace exo-atmosphérique (Space Domain Awareness) seront accrues afin de détecter et d'attribuer un acte suspect ou agressif dans l'espace. Un centre de commandement, de contrôle, de communication et de calcul des opérations spatiales (C4OS) disposera des moyens pour piloter les actions vers, dans et depuis l'espace. Les technologies différenciantes, renforcées de manière souveraine ou en partenariat, privilégieront la défense active pour protéger nos moyens en orbite, le renforcement de la connectivité, le renseignement et le lancement réactif » ([12]).

  Cette ambition dans le domaine spatial est illustrée par l’inscription dans le PLF 2024 de plus d’1,2 milliards d’euros d’autorisation d’engagement (+202 % par rapport à la LFI 2023). Ces financements permettront de lancer l’incrément 2 du programme, qui vise à réaliser, d’ici à 2030, « la première capacité EGIDE d’action dans l’espace, la capacité de surveillance spatiale, souveraine depuis le sol qui succédera à celle du radar GRAVES et le centre de commandement et de contrôle des opérations spatiales prévoyant notamment de tirer profit des innovations à venir dans le domaine de l’intelligence artificielle » ([13]).

  la sous-action consacrée aux drones aériens (sous-action 07.62), autre priorité de la LPM 2024-2030, voit ses crédits fortement augmenter (+45 % d’AE et de CP). Plusieurs types de drones sont concernés par cette sous-action :

  ≥ l’Eurodrone, qui fait actuellement l’objet de travaux de conception en vue de la revue de définition préliminaire prévue pour fin 2023. En complément du développement mené en coopération, il est en outre prévu dans le PLF 2024 la commande au niveau national de travaux spécifiques relatifs à la charge utile de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM).

   

  ≥ le Male Reaper, dont les principaux enjeux pour 2024 sont la qualification de la « capacité armement complète » au standard Block 5 (missile Hellfire et bombes guidées laser/GPS GBU-49), la livraison de la charge ROEM ainsi que le début des livraisons du rétrofit au Block 5 des deux premiers systèmes acquis au standard Block 1.

  ≥ le système de drone aérien marine (SDAM), avec un lancement en réalisation de l’opération prévue en 2024, en cohérence avec le dossier de choix qui sera décidé fin 2023. À ce stade, la cible envisagée est de quinze systèmes de drones.

  ≥ enfin, le système de drone tactique (SDT), qui a connu de nouveaux retards industriels, dans le cadre de manquements relatifs à la navigabilité. La livraison du premier système est attendu pour fin 2023 et celui du second en 2024.

3.   Les crédits d’équipements de projection, de mobilité et de soutien

● L’action 8 « Projection – mobilité – soutien » sera marquée en 2024 par le doublement de ses autorisations d’engagement, qui s’établiront à 4 milliards d’euros (+104 %). Cette hausse résulte principalement du programme interarmées de véhicules légers tactiques polyvalents (VLTP), dont les autorisations d’engagement atteignent 2,1 milliards d’euros (contre zéro en 2023). Les crédits de paiement sont en revanche en baisse (-26 %), pour atteindre 1,3 milliard d’euros, soit un niveau équivalent à 2019.

Pour ce système de forces, les principales commandes en 2024 portent sur les infrastructures aéroportuaires des hélicoptères et les premiers véhicules blindés Serval appui Scorpion susmentionnés. Les livraisons attendues concernent deux A400M et deux hélicoptères Caïman TTH.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 8 « projection-mobilitÉ-soutien » depuis 2019

 

Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données budgétaires.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 8 « PROJECTION – MOBILITÉ – SOUTIEN » (PLF 2024)

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

8

Projection - mobilité - soutien

1 994,08

4 073,75

+104,29 %

1 788,68

1 325,10

- 25,92 %

08.42

Projeter les forces - Avion de transport futur (A400M)

48,68

77,69

+59,57 %

247,68

295,31

+19,23 %

08.43

Projeter les forces – Autres opérations

197,00

11,20

- 94,31 %

98,64

95,52

- 3,16 %

08.44

Assurer la mobilité - VLTP (1)

-

2 104,85

 

21,97

35,60

+62,00 %

08.45

Assurer la mobilité - HIL (2)

43,37

39,10

- 9,85 %

139,98

135,63

- 3,11 %

08.46

Assurer la mobilité – Rénovation Cougar

-

-

-

0,26

-

- 100,00 %

08.47

Assurer la mobilité - Hélicoptère NH 90

525,20

435,00

- 17,17 %

263,31

238,21

- 9,54 %

08.48

Assurer la mobilité – Autres opérations

188,10

272,76

+45,00 %

107,07

96,60

- 9,78 %

08.49

Assurer la mobilité – Hélicoptères de manœuvre de nouvelle génération (HM NG)

-

-

-

53,28

62,22

+16,77 %

08.51

Maintenir le potentiel ami et autre - porteur polyvalent terrestre (PPT)

192,80

125,00

- 35,17 %

3,51

8,80

+150,14 %

08.53

Maintenir le potentiel ami et autre - Autres opérations

341,42

358,16

+4,90 %

59,19

59,55

+0,60 %

08.55

Maintenir le potentiel ami et autre - MRTT (3)

457,50

-

- 100,00 %

554,37

171,01

- 69,15 %

08.56

Maintenir le potentiel ami et autre - Flotte logistique

-

650,00

 

239,36

126,64

- 47,09 %

()Véhicule léger tactique polyvalent. (2) Hélicoptère interarmées léger. (3) Multi-rôle tanker transport.

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

  ● Au titre de cette action, votre rapporteur souhaite mettre en exergue les éléments suivants :

  le programme A400M (sous-action 08.42) constitue toujours le premier poste en termes de crédits de paiement de l’action 8 (295 millions d’euros, en augmentation de 19 %) du fait de la livraison des 23ème et 24ème aéronefs de l’armée de l’air et de l’espace prévue en 2024. La LPM 2024-2030 prévoit une cible d’au moins 35 A400M en 2030. La cible définitive dépendra, d’une part, de l’issue des travaux engagés au niveau européen au titre du futur cargo médian tactique (FMTC) et, d’autre part, des perspectives export pour l’A400M, dès lors que les commandes nationales des pays impliqués dans le développement de l’aéronef ne sont pas suffisantes pour assurer en l’état la pérennité de la chaine de production d’A400M.

  le programme véhicules légers tactiques polyvalents (VLTP) se distingue, comme indiqué précédemment, par son niveau d’autorisations d’engagement élevé, qui s’établit à plus de 2,1 milliards d’euros. Ce fort niveau d’engagement correspond au lancement en réalisation de la troisième étape du programme, à savoir la commande de Serval d’appui Scorpion, soit le segment haut du VLTP. Ces véhicules sont destinés à équiper les unités de combat et d’appui au contact de l’environnement Scorpion. L’année 2024 marquera également les premières livraisons des véhicules tactiques polyvalents non protégés sanitaires au titre de la seconde étape de ce programme.

  une autre nouveauté en 2024 pour l’action 8 est la création du programme à effet majeur relatif au système de franchissement lourd-léger dit Syfrall (sous action 08-48). Ce programme vise à remplacer les systèmes de franchissement actuellement en service dans l’armée de terre. Selon les indications données par le ministère des Armées, « il doit permettre de disposer d’une capacité renouvelée de franchissement de coupures humides par des véhicules légers et lourds pour répondre aux besoins de mobilité des forces sur le théâtre d’opérations » ([14]). La création de ce PEM est cohérente avec le programme d’équipements de la LPM 2024-2030, qui prévoit la livraison d’ici 2030 de huit portières Syfrall, soit une capacité de 300 mètres linéaires de franchissement de cours d’eau (capacité portée à 2500 mètres d’ici 2035).

  pour le programme MRTT (sous-action 08.55), les enjeux principaux sont la commande de la conversion en format MRTT des deux A330 issus du plan de soutien à l’aéronautique, et la commande en 2024 du premier incrément du standard 2 du MRTT, qui a pour objet d’assurer une meilleure connectivité et de renforcer l’autoprotection de l’aéronef.

  il sera enfin relevé que le programme de flotte logistique (sous-action 08-56) mobilisera plus de 650 millions d’euros d’autorisations d’engagement en 2024. À la suite de la réception en juillet 2023 du bâtiment ravitailleur de forces (BRF) Jacques Chevallier, le second BRF, le Jacques Stosskopf, est en cours de construction. L’objectif fixé par la LPM 2024-2030 est une cible de trois BRF à horizon 2030, le quatrième et dernier étant livré post-LPM. Ces BRF constituent une capacité indispensable pour la projection de nos forces.

4.   Les crédits d’équipements d’engagement et d’équipement de combat

  ● Les autorisations d’engagement de l’action 9 « engagement et combat », sont en légère baisse (-16 %) pour s’établir à 9,2 milliards d’euros. Cette baisse doit toutefois être relativisée, après l’augmentation des AE de 95 % en 2022, liée notamment à la commande de 42 Rafale prévue en 2023. Les crédits de paiements, qui s’établissent à près de 6 milliards d’euros, poursuivent quant à eux leur accroissement (+15,5 %). Depuis 2019, la hausse des crédits de paiement au titre de cette action atteint 73 %.

  Pour ce système de forces, les principales commandes concernent 100 rénovations de chars Leclerc, 395 véhicules blindés Scorpion, 120 régénérations de véhicules blindés légers, 56 véhicules légers des forces spéciales, 8 000 fusils d’assaut HK416, un lot de missiles Exocet, des bâtiments de guerre des mines et des robots sous-marins autonomes SLAMF (système de lutte anti-mines futur).

  Les principales livraisons attendues concernent treize Rafale, dix Mirage 2000D rénovés, douze canons CAESAR (camion équipé d’un système d’artillerie), 21 chars Leclerc rénovés, 282 véhicules blindés SCORPION dont les premiers mortiers embarqués pour l’appui au contact, 22 poids lourds et 4 véhicules légers pour les forces spéciales, 102 régénérations de véhicules blindés légers, un lot de missiles moyenne portée, 8000 fusils d’assaut HK416, la première frégate de défense et d’intervention, le troisième SNA Barracuda, deux premiers modules SLAMF de lutte contre les mines, un lot de missiles et de kits missiles Exocet MM40 Block 3c, deux lots de torpilles lourdes et un lot d’obus de 155 mm.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 9 « engagement et combat » depuis 2019

 

Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données budgétaires.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 9 « ENGAGEMENT ET COMBAT » (PLF 2024)

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

9

Engagement et combat

11 085,63

9 180,83

- 16,63 %

5 197,79

5 977,27

+15,51 %

09.56

Frapper à distance ‒ Missile de croisière naval (MDCN)

-

-

-

20,14

7,55

- 62,54 %

09.59

Frapper à distance ‒ Rafale

6 068,77

912,44

- 84,92 %

1 204,48

1 678,23

+39,91 %

09.61

Frapper à distance – Autres opérations

129,93

1 016,35

+682,21 %

213,50

398,57

+86,68 %

09.62

Frapper à distance ‒ SCAF

-

-

-

327,95

306,68

- 6,48 %

09.63

Frapper à distance ‒ Porte-avions

1 574,68

507,20

- 67,79 %

214,63

227,66

+6,07 %

09.66

Opérer en milieu hostile – Véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI)

-

-

-

5,27

2,38

- 54,93 %

09.68

Opérer en milieu hostile ‒ Hélicoptère HAP/HAD Tigre

0,30

32,06

+10586,67 %

272,61

208,79

- 23,41 %

09.69

Opérer en milieu hostile – Future torpille lourde (FTL)

-

-

-

31,12

33,34

+7,10 %

09.71

Opérer en milieu hostile – Évolution Exocet

118,10

1 181,00

+900,00 %

47,87

74,58

+55,79 %

09.73

Opérer en milieu hostile – Frégates multi-missions (FREMM)

-

22,00

-

338,15

16,47

- 95,13 %

09.74

Opérer en milieu hostile – sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda

44,11

-

- 100,00 %

665,22

640,58

- 3,71 %

09.75

Opérer en milieu hostile – Autres opérations et conduire des opérations spéciales

317,21

413,83

+30,46 %

373,44

380,67

+1,94 %

09.77

Opérer en milieu hostile ‒ SCORPION

898,00

3 388,00

+277,28 %

796,94

1 106,56

+38,85 %

09.78

Frapper à distance ‒ Mirage 2000

73,95

62,00

- 16,17 %

73,61

79,25

+7,66 %

09.79

Opérer en milieu hostile ‒ Plateformes

227,28

305,81

+34,55 %

147,85

185,75

+25,63 %

09.80

Opérer en milieu hostile - MGCS Système de combat terrestre principal

-

33,12

-

-

0,10

-

09.84

Opérer en milieu hostile ‒ MAST-F

-

-

-

63,29

107,92

+70,49 %

09.85

Opérer en milieu hostile ‒ SLAMF

1 201,28

1 033,50

- 13,97 %

80,30

38,44

- 52,14 %

09.86

Opérer en milieu hostile – ATL 2

25,00

33,53

+34,11 %

37,41

47,66

+27,36 %

09.88

Opérer en milieu hostile ‒ missile moyenne portée (MMP)

353,00

-

- 100,00 %

30,27

72,21

+138,53 %

09.89

Opérer en milieu hostile ‒ Frégates de défense et d’intervention

-

240,00

-

235,98

363,89

+54,20 %

  ● Au titre de cette action, votre rapporteur souhaite mettre en exergue les éléments suivants :

  la sous-action liée aux Rafale (sous-action 09.59) constitue la mieux dotée en crédits de paiement du P146 dans le PLF 2024 avec plus de 1,7 milliard d’euros (+40 %). Ces crédits permettront la poursuite des livraisons prévues en 2024, avec la réception prévue de treize aéronefs par l’armée de l’air et de l’espace (1,1 milliard de CP en 2024). L’année 2024 sera également marquée par le déploiement du standard F4.1 et le développement des incréments 2 et 3 (812 000 euros d’autorisation d’engagement), et surtout par le lancement de la phase de préparation du standard F-5, conformément aux orientations de la LPM 2024-2030.

  Au titre du développement de ce standard, il est ainsi créé un nouveau PEM « Ucav » dédié au drone d’accompagnement prévu par la LPM : « Le standard F5 du Rafale sera développé pendant la présente loi de programmation militaire. Il comprendra notamment le développement d'un drone accompagnateur du Rafale, issu des travaux du démonstrateur Neuron » ([15]). Aucune autorisation d’engagement n’est toutefois inscrite dans le PLF 2024 pour ce PEM. Il sera enfin rappelé que la commande de la cinquième tranche de 42 Rafale est prévue à la fin de l’année 2023, pour des livraisons qui s’échelonneront jusqu’en 2032.

  la sous-action « frapper à distance » (09.61) inclut plusieurs programmes majeurs pour nos missiles et munitions :

  le futur missile de croisière (FMC), qui a vocation à pérenniser notre capacité de frappe dans la profondeur aéroportée postérieurement à 2030. Ce missile est développé dans le cadre du programme franco-britannique (auquel l’Italie s’est associé en 2023) FMAN/FMC. 473 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont prévus en 2024 pour le lancement en réalisation du programme, dans un contexte où la cession de missiles Scalp à l’Ukraine accroît la nécessité de sécuriser le calendrier de remplacement de ces derniers. Selon les indications transmises par le ministère des Armées, « le choix pour la France reste ouvert pour trouver le meilleur compromis survivabilité/ performances/coût entre les concepts RJ ([16]), TP ([17]) et SCALP NG ([18]) pour la mission de frappe dans la profondeur aéroportée »  ([19]).

   

  la frappe longue portée terrestre, qui constitue une des priorités capacitaires de la LPM 2024-2030, dont le programme d’équipements prévoit un parc de treize systèmes d’ici 2030 (26 en 2035) : « En particulier, s'agissant des capacités de frappe à longue portée, la recherche d'une solution souveraine sera privilégiée pour remplacer le lance-roquettes unitaire dans les meilleurs délais. Une solution permettant d'éviter des duplications dans les développements et d'envisager un accroissement de la portée sera recherchée, notamment en permettant l'intégration sur cette même plateforme » ([20]). Le successeur du LRU mobilisera ainsi plus de 180 millions d’euros d’autorisations d’engagement en 2024.

  le nouveau programme « munitions gros calibre » (MGC), créé dans un contexte de soutien à l’Ukraine et d’exigence de recomplètement de nos stocks. Ce programme, au titre duquel 234 millions d’euros d’AE sont prévus en 2024, couvrira « l’acquisition de munitions d’artillerie de 155 mm au travers d’incréments successifs, ainsi que la mise en place d’un accord cadre de fourniture de munition ayant pour vocation de couvrir les besoins France et les besoins de client étrangers » ([21]). Votre rapporteur salue la création de ce programme et appelle à ce que les commandes de munitions soient suffisamment dimensionnées pour assurer la pérennité de la chaîne de production.

  le programme de système de combat aérien futur SCAF (sous-action 09.62), qui ne fait l’objet d’aucune autorisation d’engagement en 2024, est doté de 307 millions d’euros de crédits de paiement. Les principaux enjeux pour 2024 dans le cadre de la phase 1B, lancée en avril 2023, sont les suivantes selon les indications du ministère des Armées transmises à votre rapporteur : (i) le choix de quatre architectures de système de système (NGWS) et le lancement des travaux d’évaluation des performances associées ; (ii) la revue des architectures moteurs et des exigences haut niveau des systèmes de remote carrier (drones accompagnateurs) pour l’orientation des travaux de recherche et technologie (R&T) détaillés ; (iii) la sélection d’une forme d’avion préférentielle pour les travaux de R&T associés au NGF ; (iv) l’évaluation des performances des quatre architectures NGWS et la définition détaillée des architectures retenues.

  s’agissant du programme de porte-avions de nouvelle génération (PANG), la poursuite des travaux préparatoires a été engagée par la DGA et le CEA, avec le lancement de l’avant-projet détaillé (APD) en avril 2023. Ce dernier vise notamment à définir l’architecture détaillée et disposer du niveau de maturité suffisant des systèmes critiques, notamment liés à la propulsion nucléaire, à la mise en œuvre de l’aviation (dont le nombre de catapultes), aux flux de munitions et aux principales interfaces, en particulier le groupe aérien de nouvelle génération. Par ailleurs, le ministère des Armées souligne qu’« en anticipation de la phase de réalisation, le principal enjeu en 2024 consiste à lancer des approvisionnements à longs délais ainsi que le début d’usinage de certaines pièces de la propulsion nucléaire afin d’être au rendez-vous de l’intégration à bord en phase de construction du navire » ([22]).

  le PLF 2024 est également caractérisé par des engagements importants au profit des missiles mer-mer (sous-action 09.71), avec plus d’1,1 milliards d’euros d’AE (+900 % par rapport à la LFI 2023). Cette forte augmentation résulte du lancement de la phase de réalisation du futur missile antinavire (FMAN), qui mobilisera en 2024 plus de 967 000 euros d’AE. Pour cette capacité antinavire, une différence d’orientation manifeste entre les approches française et britannique est apparue : « toutes les options françaises reposent sur le concept RJ (concept supersonique manœuvrant) », tandis que « le Royaume-Uni souhaite monter en maturité le concept TP (concept supersonique furtif), pour sa future capacité antinavire » ([23]).

  s’agissant des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) du programme Barracuda (sous-action 09.74), les crédits de paiement prévus en 2024 couvrent principalement « des compléments nécessaires en vue de la mise en service du Tourville » ([24]), troisième SNA de classe Suffren. Pour rappel, le programme d’équipement de la LPM prévoit une cible de six SNA issus du programme Barracuda en 2030. Ces sous-marins, capables de délivrer des torpilles lourdes, des missiles de croisière et de mettre en œuvre des missions de forces spéciales constituent un outil stratégique exceptionnel pour nos forces armées.

  En outre, un nouveau programme à effet majeur « SNA : évolutions » (sous-action 09.79) » est créé en 2024 pour financer les évolutions incrémentales des capacités SNA. Selon le projet annuel de performances, ce nouveau PEM « couvre des évolutions nécessaires aux sous-marins nucléaires d’attaque de classe Suffren et Rubis pour leur permettre de tenir compte du retour d’expérience opérationnel et de faire face aux menaces les plus récentes. Le PEM prévoit l’acquisition et l’intégration d’équipements dans des domaines variés : communications, détection acoustique, plateforme de formation et d’entraînement, etc. Plusieurs incréments sont prévus pour couvrir l’acquisition de ces capacités et leur intégration progressive sur les sous-marins » ([25]). Plus de 240 millions d’euros sont engagés à cette fin dans le PLF 2024.

   

  le programme Scorpion (sous-action 09.77) poursuit sa montée en puissance, avec le plus fort volume d’engagement du programme 146 pour l’année 2024 : près de 3,4 milliards d’euros d’autorisations d’engagement sont ainsi inscrits au PLF 2024 pour financer une commande de 253 Griffon, 45 Jaguar et 97 Serval, ainsi que de 100 chars Leclerc rénovés. Outre cette commande, les principaux enjeux de ce programme pour les mois à venir sont : (i) de permettre à l’armée de terre de conduire un exercice de volume d’une brigade interarmes (BIA) SCORPION fin 2023 ; (ii) le déploiement de systèmes d’information de combat Scorpion (SICS) sur tous les théâtres d’opérations et en outre-mer ; (iii) les travaux de développement du MEPAC (mortiers embarqués pour l’appui au contact).

  Le principal défi actuel du programme Scorpion concerne les difficultés de développement du Jaguar, qui ont nécessité d’instaurer une qualification en trois jalons mise en place en 2021 dans le cadre d’une logique incrémentale. Selon les indications du ministère des Armées, « si la première étape a été franchie avec le prononcé de la qualification préliminaire en novembre 2021, conformément au calendrier, le GME (groupement momentané d’entreprises) a fait état en 2022 de nouvelles difficultés conduisant à réduire l’ambition du jalon 2022 » ([26]).

Ces difficultés de développement du Jaguar, associées aux problématiques de déploiements des SICS, peuvent être de nature à obérer l’objectif de l’armée de terre de disposer d’une brigade interarmes (BIA) équipée Scorpion opérationnelle d’ici la fin 2023.

  il sera relevé que le programme de système principal de combat terrestre (MGCS) (sous-action 09.80) est doté de 33 millions d’euros d’autorisations d’engagement pour « couvrir le lancement en 2024 d’un premier sous-ensemble d’études de démonstration technologiques (Main technology demonstration, MTD) » ([27]). Ce financement intervient dans le contexte de l’accord entre les armées de terre française et allemande sur le document d’expression commune des besoins opérationnels (High Level Common Operational Requirements Document).

  l’année 2024 sera également marquée par la montée en puissance du programme dit SLAMF (système de lutte anti-mines du futur) (sous-action 09-85), avec l’inscription de plus d’un milliard d’euros en autorisations d’engagement. Il s’agit de financer le lancement en 2024 de l’étape 2 du programme, avec la commande de bâtiments de guerre des mines, de bâtiments base plongeurs démineurs, de drones sous-marins ainsi qu'un complément de systèmes de drones MLCM (modules de lutte contre les mines), conformément aux orientations prises par la LPM.

Pour rappel, le programme d’équipement prévu par la LPM 2024-2030 prévoit à l’horizon 2035 : huit systèmes de drones, six bâtiments de guerre des mines et cinq bâtiments base pour plongeurs démineurs. Enfin, il est prévu que le premier des quatre systèmes de drones commandés dans le cadre de l’étape 1 du programme soit livré en 2024 (au lieu de 2022, comme prévu initialement).

  s’agissant du programme de frégates de défense et d’intervention (FDI) (sous-action 09.89), dont la cible a été fixée par la LPM 2024 à 3 FDI d’ici 2030 et 5 en 2035, le principal enjeu pour la période à venir est la poursuite de l’intégration des équipements à bord de la frégate « l’Amiral Ronarc’h » en vue de sa livraison fin 2024. Le PLF 2024 prévoit près de 364 millions d’euros de crédits de paiement (+54 %) à ce titre. Par ailleurs, une incertitude demeure sur la date des commandes des FDI 4 et 5, initialement prévues en 2024 et 2025.

Sur le segment des frégates, et notamment des FREMM, un des défis sera de faire évoluer leurs capacités pour tenir compte de l’évolution des menaces. Votre rapporteur recommande à ce titre l’inscription dans la programmation d’un programme à effet majeur « Évol Frégates », sur le modèle du PEM « Évol SNA ».

5.   Les crédits d’équipements de protection et de sauvegarde

  ● Les ressources de l’action 10 « Protection et sauvegarde » sont en croissance significative pour l’année 2024, avec des autorisations d’engagement qui s’établissent à 2,6 milliards d’euros, en légère baisse par rapport à 2023, tandis que les crédits de paiement atteignent un milliard d’euros, soit une augmentation de 13 %. L’augmentation des crédits de paiement depuis 2019 atteint 156 %, soit un niveau bien supérieur aux autres actions du programme 146.

Pour ce système de forces, les principales commandes en 2024 concernent huit systèmes SAMP-T NG rénovés, des systèmes MICA VL, un lot de missiles METEOR et un lot de missiles MICA NG, ainsi qu’un lot de masques de protection NRBC, l’acquisition de moyens supplémentaires de lutte anti drone et six camions de transport de munitions chimiques SECOIA.

Les livraisons attendues concernent les deux premiers systèmes MICA VL, un lot de missiles MISTRAL, un lot de missiles MICA remotorisés, une première capacité exploratoire de maîtrise des fonds marins, deux patrouilleurs outre-mer, le premier prototype opérationnel de système laser LAD, ainsi qu’un lot de masques de protection NRBC.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 10 « protection et sauvegarde » depuis 2019

 

Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données budgétaires.

 

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 10 « PROTECTION ET SAUVEGARDE » (PLF 2024)

(en millions d’euros)

 

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

10

Protection et sauvegarde

3 082,42

2 607,12

- 15,42 %

901,39

1 018,50

+12,99 %

10.74

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – SECOIA

130,15

54,10

- 58,43 %

51,79

50,00

- 3,48 %

10.75

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – Patrouilleur futur

1 435,20

-

- 100,00 %

114,08

140,74

+23,36 %

10.76

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – Missiles

41,20

496,00

+1103,88 %

178,98

164,43

- 8,13 %

10.77

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – AVSIMAR

74,39

1,90

- 97,45 %

114,03

162,89

+42,84 %

10.79

Assurer la sûreté des approches – Autres opérations et assurer la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens

111,24

64,91

- 41,65 %

71,96

80,31

+11,59 %

10.82

Assurer la protection des forces et des sites – Famille de systèmes sol-air futurs (FSAF)

930,40

674,30

- 27,53 %

174,23

133,47

- 23,39 %

10.86

Assurer la protection des forces et des sites – Autres opérations et assurer la protection de l’homme

354,34

1 091,82

+208,12 %

166,87

255,51

+53,12 %

10.87

Assurer la protection de l’homme – e-SAN

0,50

17,00

+3300,00 %

2,59

6,88

+165,13 %

10.88

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens - BALLASTIERES

5,00

2,00

- 60,00 %

1,75

1,64

- 6,75 %

10.89

Assurer la protection des forces et des sites - LAD

-

205,10

 

25,06

22,63

- 9,72 %

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

  ● Au titre de cette action, votre rapporteur souhaite mettre en exergue les éléments suivants :

  le principal enjeu du programme de « patrouilleur futur » (sous action 10.75) est la concrétisation de la commande des sept patrouilleurs hauturiers d’ici la fin de l’année 2023. Pour rappel, le programme d’équipement de la LPM 2024-2030 prévoit la livraison de sept patrouilleurs hauturiers d’ici 2030 et de trois supplémentaires entre 2030 et 2033. Sur le segment des patrouilleurs outre-mer (POM), le premier a été admis au service actif le 25 juillet 2023 et le second est en cours d’armement. La cible fixée par la LPM 2024-2030 est de six POM à l’horizon 2030.

  la sous-action 10.76, qui rassemble des missiles air-air, illustre l’effort en faveur du renouvellement des stocks, avec plus de 496 millions d’euros d’autorisations d’engagement (+1104 %) pour la commande de lots de Meteor et de Mica NG.

  Le programme relatif à la « famille de systèmes sol-air futurs » (sous-action 10.82) atteint un haut niveau d’autorisations d’engagement (674 millions d’euros, soit une augmentation de 208 %), en raison de la commande prévue en 2024 de huit systèmes SAMPT- NG, équipés de missiles Aster 30 block 1 NT. La LPM 2024-2030 prévoit la dotation dans le parc des armées de huit de ces systèmes en 2030 et douze en 2035.

  le programme à effet majeur « défense surface-air basse couche » bénéficiera en 2024 de 702 millions d’euros d’autorisations d’engagement pour lancer l’incrément 1 de l’opération (sous-action 10.86). Selon le projet annuel de performance, « les priorités définies avec les armées portent sur le renouvellement de la composante de courte portée CROTALE pour l’armée de l’air et de l’espace, la création d’une composante de DSA d’accompagnement de la manœuvre terrestre mobile et protégée pour l’armée de terre et l’autoprotection des bâtiments de second rang de la Marine Nationale » ([28]). Il convient de rappeler à ce titre que le programme d’équipement de la LPM 2024-2030 prévoit notamment à l’horizon 2035 au moins 45 Serval TCP (très courte portée) au titre de la défense sol-air d’accompagnement terrestre, quinze tourelles TCP pour la marine et douze VL Mica pour la courte portée terrestre.

  le programme de rénovation à mi-vie des deux frégates de défense aérienne (sous-action 10.86) a été lancé en juillet 2023 sous la conduite de l’Occar, soit deux ans plus tôt que prévu initialement, afin de maintenir un calendrier cohérent avec nos partenaires italiens.

  l’opération Cinabre (sous-action 10.86), qui a été lancée en 2021 afin de renforcer la réactivité des armées face à une attaque NRBC dans le contexte des grands évènements à venir (coupe du monde de rugby et jeux olympiques), bénéficie pour 2024 d’engagements à hauteur de 310 millions d’euros en vue de « la poursuite des études pour le développement des contremesures médicales » ([29]).

  le programme de lutte anti-drone (sous-action 10.89) bénéficiera quant à lui de 205 millions d’euros d’autorisations d’engagement en 2024. Les enjeux principaux de ce programme pour les mois à venir sont la qualification fin 2023 des six systèmes PARADE, la préparation et le déploiement des différents systèmes aux jeux olympiques, la commande et la livraison en 2024 de trois moyens de lutte anti-drone pour la Marine, et enfin la préparation des incréments ultérieurs.

6.   Les crédits de préparation et de conduite des opérations d’armement

  ● L’action 11 « Préparation et conduite des opérations d’armement » voit également ses ressources diminuer en 2024 : les autorisations d’engagement s’établissent à hauteur de 247 millions d’euros (-18 %), tandis que les crédits de paiement sont fixés à 226 millions d’euros (-12 %).

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 11 « prÉparation et conduite des programmes d’armement » depuis 2019

 

Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données budgétaires.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 11 « PRÉPARATION ET CONDUITE DES OPÉRATIONS D’ARMEMENT » (PLF 2024)

(en millions d’euros)

 

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

11

Préparation et conduite des opérations d’armement

300,47

247,41

- 17,66 %

257,77

225,75

- 12,42 %

11.89

Fonctionnement et soutien DGA

94,56

86,35

- 8,71 %

77,55

73,90

- 4,71 %

11.90

Investissements pour les opérations d’armement

205,91

161,08

- 21,77 %

180,21

151,85

- 15,74 %

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

 

  ● L’action 11, constituée de ressources budgétaires et extrabudgétaires, regroupe deux sous-actions auxquelles sont inscrits :

  les crédits de fonctionnement et de soutien de la DGA et des services qui lui sont rattachés (hors titre 2), inscrits à la sous-action 11.89 ;

  les crédits de fonctionnement et d’investissement des infrastructures d’expertise technique, d’évaluation et d’essais de la DGA, retracés à la sous-action 11.90.

  Selon les indications du ministère des Armées, « la hausse des crédits de paiement sur la sous-action 11.89 (fonctionnement et soutien) résulte de la hausse du coût des facteurs (énergie, transports). La baisse des crédits de paiement et des autorisations d’engagements sur la sous-action 11.90 (investissements) est liée à la hausse de la part de financement des moyens techniques de la DGA par les opérations d’armement y ayant recours pour leurs besoins d’expertise et d’essai »  ([30]).

 

 

 

 

 

III.   Les points de vigilance de votre rapporteur

A.   La nécessité de bien gérer la fin de l’exercice 2023

● De nombreuses personnes auditionnées ont mis en exergue certaines difficultés liées à la gestion de la fin de l’exercice 2023. Dans le cadre de ses travaux, votre rapporteur a ainsi relevé avec une certaine surprise que de très nombreuses commandes restaient à passer d’ici la fin de l’année ([31]) :

  42 avions de chasse Rafale correspondant à la cinquième tranche ;

  420 véhicules blindés légers Serval ;

  109 CAESAR NG ;

  la conversion des deux A330 en standard MRTT ;

  sept patrouilleurs hauturiers ;

  huit hélicoptères de combat NH90 ;

  Un lot de missiles moyenne portée (MMP) ;

Si les commandes passées en fin d’année sont une pratique connue et qu’il est logique que des négociations âpres soient menées par la DGA, compte tenu des montants en jeu au titre par exemple des commandes des Serval et de Rafale, votre rapporteur tient toutefois à souligner que le passage à l’« économie de guerre » exige de réduire au maximum les délais de commande – et naturellement de livraison –. Votre rapporteur en appelle donc à un changement de pratique et d’état d’esprit : les contrats les plus structurants pour nos armées doivent être commandés en priorité par la DGA et non repoussés à la fin de l’exercice, comme c’est le cas actuellement.

Dans la même perspective, de nombreuses livraisons prévues en 2023 n’ont pas encore été livrées aux forces ([32]), dont notamment : dix avions de chasse Rafale (sur les 13 prévus en 2023) et sept Mirage 2000D rénovés ; six systèmes de lutte anti-drone Parade ; cinq drones tactiques SDT ; 140 véhicules Scorpion ; un A400M et un MRTT Phénix ; trois hélicoptères légers H160 et quatre hélicoptères de combat NH90 ; enfin, des lots de missiles Meteor, Mica, Exocet et un lot de torpille lourde Artemis.

  ● Plusieurs causes semblent expliquer une telle situation. Tout d’abord, le programme 146 est concerné par le « surgel » décidé par le Gouvernement en mai 2023 : 235 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 154 millions d’euros de crédit de paiement au titre du programme 146 sont ainsi rendus indisponibles jusqu’au vote de la loi de finances de fin de gestion selon les données transmises par le ministère des Armées à votre rapporteur. Au total, la réserve de précaution atteint ainsi le niveau élevé de 6 % des crédits.

Par ailleurs, l’inflation a naturellement un impact conséquent sur le coût des programmes, à hauteur de près de 400 millions d’euros de surcoût pour le programme 146 en 2023. La conséquence est que le report de charges suit logiquement une trajectoire ascendante : en 2022, les reports de charge représentaient 14 % des crédits de la loi de finances initiale (LFI) hors masse salariale, soit 2 % de plus que la cible de 12 % fixée par la LPM 2019-2025 ; pour la fin de l’exercice 2023, ce taux devrait atteindre 15 % des crédits de la LFI et il est même prévu un taux de 20 % fin 2024.

Votre rapporteur a également relevé l’augmentation importante du niveau des restes à payer, soit la somme des engagements souscrits mais n’ayant pas été soldés à la fin de l’exercice, même si cet accroissement est logique compte tenu de l’effort en faveur du renouvellement capacitaire. Du reste, la part du programme 146 au sein du total des restes à payer de la mission Défense tend à diminuer pour s’établir à 58 %.

évolution des restes à payer

(en milliards d’euros)

 

 

 

2021

 

2022

2023 (prévisions)

2024 (prévisions)

Programme 146

 

52,2

53,9 (+3,26 %)

61 (+13,17 %)

63,9 (+4,75 %)

Mission Défense

 

83

91 (+9,64 %)

103,8 (+14 %)

109,8 (+5,8 %)

Part du P146/ mission Défense

 

62,9 %

59,2 %

58,8 %

58,2 %

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

 

Enfin, si les dépenses occasionnées par le soutien à l’Ukraine concernent principalement le programme 178 « Préparation et emploi des forces », l’impact sur le programme 146 de ce soutien depuis 2022 n’est pas neutre, à travers (i) les commandes de matériels neufs en vue d’une cession directe à l’Ukraine, (ii) la réalisation de prestations de soutien au profit des forces ukrainiennes et (iii) le remboursement, via le fonds spécial créé par la loi de finances rectificatives de 2022, des acquisitions réalisées par l’Ukraine auprès de la BITD ([33]).

   

BILAN DU FONDS DE SOUTIEN À L’UKRAINE

Les contrats signés et déclarés éligibles au remboursement au titre du fonds portent sur :

- des canons CAESAR ;

- des munitions pour canons CAESAR ;

- des pièces de rechanges et outillages spécifiques pour canons CAESAR ;

- un système de radar « Control Master 200 » ;

- des ponts flottants motorisés.

Les acquisitions réalisées par la France portent sur la mise en configuration ou la remise en état de matériels avant cession gratuite, l’acheminement vers l’Ukraine d’équipements cédés, des formations, la traduction de documentation technique, voire exceptionnellement l’acquisition d’équipement en vue de cession.

Sur les 200 millions d’euros de dotation du fonds, 196,7 millions d’euros ont été engagés et 107,1 payés.

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire de votre rapporteur.

  Les cessions liées à l’Ukraine en 2023 peuvent ainsi également peser sur la fin de gestion du programme 146. Si votre rapporteur ne dispose pas de chiffres prévisionnels pour l’année 2023, il sera rappelé que dans sa note d’exécution budgétaire pour l’année 2022, la Cour des comptes a relevé à ce titre que « le programme 146 a contribué à hauteur de 182 M€ d’AE et 57 M€ de CP liés au remplacement des canons CAESAR cédés à l’Ukraine et à des commandes en vue de cessions directes aux forces armées ukrainiennes. S’ajoute sur ce programme l’ouverture dans le cadre du schéma de fin de gestion d’un « fonds Ukraine » de 200 M€, non consommé et reporté en 2023, destiné au remboursement d’équipements acquis par les forces ukrainiennes, ainsi que des crédits pour la mise en cohérence des moyens des forces avec le nouveau contexte » ([34]).

  ● Dans ce contexte, la « rallonge » budgétaire de 950 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 571 millions d’euros de crédits de paiement pour le programme 146 au titre du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023, qui octroie au total 2,1 milliards d’euros de crédits supplémentaires à la mission « Défense », est particulièrement opportune. Ce collectif budgétaire permettra notamment de financer l’anticipation d’un certain nombre de besoins nouveaux issus de la LPM 2024-2030.

B.   L’économie de guerre : l’impératif de transformer l’essai

  ● L’adaptation de la BITD à l’économie de guerre est plus que jamais une exigence pour, d’une part, faire gagner en épaisseur et en résilience nos forces armées, et, d’autre part, être en mesure de continuer à soutenir l’Ukraine dans la durée.

  Certains industriels ont d’ores et déjà réalisé de nombreux efforts pour accroître leur capacité de production. Il peut être cité à titre d’exemple, ainsi que l’a rappelé le délégué général pour l’armement ([35]) :

  le canon CAESAR de Nexter, dont la production est passée de deux à six (huit en 2024) unités par mois, avec un raccourcissement des délais de 30 à 15 mois ;

  la production annuelle de 60 000 obus par Nexter, qui doit augmenter de 50 % en 2024 et doubler en 2025, ce qui permettra à la France « de tripler le rythme de livraison de munitions à l'Ukraine, passant de 1 000 obus de 155 mm par mois au début de l'année à 3.000 début 2024 », comme l’a annoncé le ministre des Armées lors de sa visite dans les usines de Roanne le 16 octobre 2023.

  le radar Ground Master de Thales, dont la production est passée de douze à vingt-quatre unités par an ;

  les missiles Mistral de MBDA, dont la cadence de production a été doublée (de 20 à 40 unités par mois), avec un raccourcissement des délais de 30 à 15 mois.

Le plan de transformation de la DGA vise également à adapter cette dernière au passage à l’économie de guerre. Ainsi, la création de la force d’acquisition réactive au sein de la DGA permettra de traiter avec souplesse et agilité les opérations d’armement les plus urgentes, en réduisant les délais habituels. Les procédures dites d’« innovation ouvertes » suivies dans le cadre des projet de munitions téléopérées Larinae et Colibri constituent également un modèle en termes de simplification des procédures qui pourrait être dupliqué à de nombreux systèmes d’armements.

La LPM 2024-2030 contribuera également à favoriser la réactivité des industriels en cas de crise, grâce à plusieurs dispositifs : la création de la réserve industrielle ; l’exigence de constituer des stocks de matières et composants stratégiques ; l’institution d’un pouvoir de priorisation des commandes militaires sur les commandes civiles pour les sociétés duales ; ou encore la modernisation du régime des réquisitions. Naturellement, la mise en œuvre concrète de ces mesures, notamment celles relatives aux stocks, devra être réalisée en concertation avec les industriels, pour tenir compte de la spécificité des entreprises qui seront concernées.

De même, l’ambitieux programme capacitaire de la LPM 2024-2030 donne également la visibilité dont ont besoin les industriels, même s’il convient de fluidifier encore davantage la traduction de ce programme d’équipements en commandes en bonne et due forme.

   

Votre rapporteur salue également les projets de relocalisation de filières industrielles stratégiques, tels que le rapatriement par Eurenco de la filière de fabrication de poudre. La remontée en puissance d’Auber & Duval, récemment acquise par Airbus et Safran, doit également être encouragée aux fins de constituer une filière souveraine de production et de recyclage de titane. Votre rapporteur se félicite également de l’activisme de la DGA en la matière : lors de son audition devant la commission de la défense nationale et des forces armées du 17 octobre, le délégué général pour l’armement a en effet indiqué qu’une quinzaine de projets de relocation étaient actuellement en cours d’étude, en vue de réduire nos dépendances.

  ● Cependant, les difficultés de recrutement, l’inflation des coûts de production, de même que les difficultés de financement pour les PME de défense constituent autant des facteurs de nature à limiter la capacité de montée en puissance de notre BITD.

  Les tensions liées à l’existence de goulets d’étranglement au sein de la chaîne d’approvisionnements sont également susceptibles d’obérer la montée en cadence des chaînes de production. Il est ainsi symptomatique que le rapport annuel de performances cite « une pénurie de composants » comme cause de retard de livraisons de plusieurs programmes majeurs pour nos armées, tels que le système d’information des armées ([36]), les postes terrestres du programme Contact ([37]), ou encore le programme de modernisation de la navigation par satellite Oméga ([38]).

La sécurisation des approvisionnements de notre BITD doit constituer ainsi une priorité pour les autorités.

  Il convient également d’opérer un véritable travail d’analyse de la valeur pour tout programme d’armement. Votre rapporteur milite dans cette perspective pour que l’impératif de trouver « un meilleur équilibre entre rusticité et hyper-technologie » - pour reprendre les termes du rapport annexé de la LPM - soit encore davantage pris en compte dans le cadre de la programmation à venir. Il pourrait notamment être développé des trames différenciées au sein d’un même système d’armement, entre, d’une part, un segment sophistiqué ayant toutes les spécifications requises, et, d’autre part, un segment davantage low cost mais moins long à produire.

  Le segment anti-char, qui constitue un des axes d’efforts pour 2024, peut par exemple servir d’expérimentation pour un tel mixage entre sophistication et rusticité, ainsi que l’a rappelé un officier auditionné lors des auditions consacrées à la LPM : « un exemple concret est la décision de ne pas commander 10 000 missiles antichar haute technologie, longs et coûteux à produire. À la place, les armées ont opté pour l’achat de plusieurs milliers de missiles haute technologie MMP développés par MBDA, tout en travaillant simultanément sur un missile différencié à bas coût répondant à certains besoins spécifiques, tels que les tirs de char en milieu urbain. Ainsi, en utilisant les leçons tirées de l’expérience ukrainienne, nous travaillons à la conception d’un missile abordable et pouvant être acquis en grande quantité, et qui répondent à des besoins opérationnels précis » ([39]).

La simplification des spécifications de nos systèmes d’armement, qui permet de produire plus rapidement, serait également un atout pour consolider nos exportations. Même si les résultats de notre BITD ont été particulièrement satisfaisants en 2022 et s’annoncent prometteurs en 2023, il est regrettable que de nombreux pays européens aient préféré se fournir auprès de pays tiers, au motif que notre BITD n’était pas susceptible de livrer assez rapidement les équipements concernés.

BILAN DES EXPORTATIONS D’ARMEMENT EN 2022

En 2022, les prises de commandes des entreprises françaises à l’exportation ont atteint le montant historique de 27 milliards d’euros. Le contrat historique de 80 avions Rafale pour les Émirats Arabes Unis contribue largement à ce chiffre mais il n’est pas le seul. Des contrats pour des avions Rafale en Grèce et en Indonésie et des frégates FDI en Grèce ainsi que des satellites d’observation en Pologne sont également entrés en vigueur, tout comme les contrats pour les missiles associés aux aéronefs et navires.

Ce bilan permet à la France d’asseoir encore davantage sa position parmi les trois premiers exportateurs mondiaux (la France étant même en 2022 le 2ème exportateur d’armement au monde).

Le début de l’année 2023, soutien à l’Ukraine mis à part, a été marqué par la signature avec la Grèce de plusieurs contrats portant, entre autres, sur l’acquisition de drones tactiques ou la rénovation à mi-vie de ses missiles SCALP, par l’entrée en vigueur d’un contrat pour 18 canons CAESAR avec la Lituanie, par l’entrée en vigueur en juin du contrat avec l’Indonésie pour des radars GM400 et l’entrée en vigueur en août du contrat de 18 Rafale (deuxième « lot » après le premier contrat pour 6 Rafale entré en vigueur en 2022). En marge de la visite du Premier ministre indien, Narendra Modi, en France le 14 juillet, l’Inde a également annoncé l’entrée en négociation exclusive pour l’acquisition via un accord inter-gouvernemental de 26 Rafale pour la Marine indienne et la commande de trois sous-marins Scorpène supplémentaires. L’Inde affiche l’objectif ambitieux de signer ces contrats avant début 2024.

Les principales perspectives export pour 2023 et 2024 portent sur la vente : de Rafale Marine en Inde ; de sous-marins de type Scorpène réalisés en Inde, ainsi que dans d’autres pays d’Asie, de corvettes à la Grèce, de sous-marins en Roumanie, de systèmes d’artillerie de type CAESAR supplémentaires en Belgique, de missiles de défense anti-aérienne à la Belgique, la Hongrie, l’Estonie et à Chypre, de radars de surveillance aérienne GM200 à l’Irak, ainsi que de systèmes d’artillerie de type CAESAR et d’hélicoptères Caracal.

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

C.   Les coopérations européennes : la balle est dans le camp des industriels

  Les programmes développés en coopération européenne doivent être par principe soutenus, dès lors qu’ils répondent aux besoins opérationnels de nos armées : ils permettent en effet de partager les coûts de développement, favorisent l’interopérabilité entre nos armées et surtout participent au renforcement de l’autonomie stratégique européenne, à l’heure où de trop nombreux pays européens accroissent leur dépendance aux États-Unis.

  Sur de nombreux segments, le développement de programmes en coopération est en effet souvent la seule chance pour l’Europe de faire contrepoids à l’influence du complexe militaro-industriel américain. C’est à ce titre que votre rapporteur souhaite souligner l’importance de deux programmes européens, aujourd’hui développés dans le cadre du fonds européen de la défense (Fedef), qui ne rencontrent pas un fort écho médiatique, mais sont néanmoins stratégiques :

  le projet de futur cargo tactique médian (FMTC), qui vise à doter l’Europe d’une capacité souveraine sur ce segment aujourd’hui placé sous quasi-monopole des Américains. Pour l’armée de l’air et de l’espace, la réussite de ce projet permettrait de remplacer les avions Casa et C-130 à l’horizon 2035, notamment pour assurer la mobilité intra-théâtre en outre-mer. Le développement de ce que certains appellent déjà un « A200M » permettrait en outre de créer de fortes synergies avec l’A400M ;

  – le projet d’hélicoptère du futur « EU Next Generation Rotorcraft Technologies Project » (ENGRT) constitue également un projet stratégique pour éviter que ce segment connaisse le même sort que l’aviation de chasse européenne, aujourd’hui très largement dominée par le F-35. Le bon déroulement de ce projet permettrait en effet d’européaniser davantage les spécifications du projet OTAN d’hélicoptère du futur Next Generation Rotorcraft Capability ou NGRC », aujourd’hui largement sous influence américaine ([40]). Votre rapporteur appelle en ce sens à ce que le programme à effet majeur « hélicoptère de manœuvre nouvelle génération » (sous-action 08.49) monte en puissance pour accompagner ces travaux.

  ● S’agissant des programmes phares, votre rapporteur salue naturellement l’entrée du projet SCAF dans sa phase 1B, opérationnelle depuis le 20 mars 2023, qui doit aboutir à la conception d’un démonstrateur. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, les travaux des industriels ont déjà permis d’affiner la première ébauche du système, avec la définition de quatre architectures, autour de deux concepts de l’avion de chasse du futur (new generation fighter ou NGF) et deux concepts pour les drones accompagnateurs (Wingman). L’objectif de la phase 1B est de sélectionner une seule architecture du système, en choisissant notamment le meilleur compromis possible entre poids et manœuvrabilité du NGF.

  Si les besoins opérationnels doivent naturellement primer, il conviendra également de s’assurer que le développement soit soutenable financièrement pour les États qui ont vocation à l’acquérir : il ne faut pas sacrifier la masse sur l’autel de la technologie, mais trouver le meilleur équilibre possible entre les deux. Il s’agit non seulement d’un impératif opérationnel pour nos armées, mais également d’une condition pour être en capacité d’exporter le SCAF.

  Pour le MGCS, votre rapporteur estime que sont satisfaites deux des trois conditions nécessaires au succès d’un programme en coopération : d’une part, la volonté politique, qui a été manifestée par les ministres allemand et français de la défense lors de leur rencontre sur la base d’Évreux le 21 septembre, et, d’autre part, l’existence d’un besoin opérationnel commun entre les forces armées, matérialisée en l’espèce par la signature du High Level Common Operational Requirements Document. Ce document relatif à l’expression des besoins communs des deux armées démontre une haute ambition capacitaire pour ce programme.

BESOINS EXPRIMÉS POUR LE MGCS

Bien plus qu’un engin blindé lourd traditionnel, le MGCS est pensé comme un système multiplateformes : un char proprement dit, équipé d’un canon gros calibre, accompagné d'autres modules complémentaires interconnectés (un blindé lourd équipé de missiles antichars puissants, un véhicule d’appui nativement robotisé doté d’armes laser, des drones et autres armements innovants).

Outre l’intégration d’intelligence artificielle et le renforcement de connectivité, les principales capacités au combat de ce système seront les suivantes :

Le combat rapproché. Capable de tirer jusqu’à 8 000 mètres, la force de frappe du MGCS sera décuplée. C’est deux fois plus que le standard actuel du char Leclerc. Les différents modules qui accompagnent le MGCS démultiplieront, par leur nombre, leur mobilité et leur simultanéité, leur capacité d’agression sur l’ennemi. « Ils constitueront par ailleurs autant de dilemmes et d’effets de surprise pour les adversaires. Ce qui complexifiera leur prise de décision », estime Delphine.

L’observation. L’écosystème du MGCS permettra une observation jusqu’à 10 000 mètres de distance, améliorant ainsi les capacités de repérage d’une cible et d’anticipation.

La protection des équipages. Camouflage actif, blindage renforcé, contre-mesures et neutralisations seront au cœur de la bulle de protection du MGCS pour agir contre des menaces aériennes et terrestres. Conjuguée à la mobilité permise par la répartition des armements et équipements sur plusieurs plateformes distinctes (permettant ainsi de contenir leur masse), cette bulle contribuera de manière significative à la protection des combattants.

Source : ministère des Armées, « 3 choses à savoir sur le MGCS, le ‘char’ du futur » franco-allemand », 9 octobre 2023.

Il reste désormais à déterminer si la troisième condition à la réussite d’un tel programme existe, à savoir la volonté des industriels de travailler ensemble. Tel sera l’enjeu de l’année 2024 pour ce programme. À ce titre, il est évident que le déphasage des calendriers de remplacement du char Leclerc, d’une part, et du Leopard, d’autre part, crée un certain déséquilibre en termes d’incitation à coopérer.

  Quoi qu’il en soit, une décision sur la poursuite ou non de ce programme devra nécessairement être prise en 2025. D’ici là, votre rapporteur sort confiant des auditions qu’il a pu mener sur le fait que nos autorités et industriels prennent les mesures nécessaires pour préparer au mieux ce jalon décisionnel, en travaillant sur toutes les options possibles et en gardant pour seule boussole l’intérêt de nos armées.

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Seconde partie : les financements européens de la Défense

I.   Le financement de la R&D : le fonds européen de la Défense

A.   Une mise en place progressive

1.   Financer la défense : une rupture pour l’UE

Longtemps, les termes « financement européen » et « défense » ont été un oxymore, comme l’a relevé à juste titre une personne auditionnée.

La réticence traditionnelle de l’UE à financer des projets de défense s’explique, d’une part, du fait de l’absence de compétence directe de la Commission européenne en matière de défense, et, d’autre part, par le contexte stratégique européen, qui incitait davantage à profiter des « dividendes de la paix » qu’à construire une Europe de la défense.

La Commission européenne a ainsi longtemps appréhendé l’industrie de la défense comme un secteur industriel classique, qu’il convenait de libéraliser. Dans le prolongement du « livre vert sur les marchés publics de défense » publié en 2004, deux directives de 2009 illustrent cette approche centrée sur le marché unique :

  – la directive 2009/43/CE sur les transferts de produits liés à la défense dans l’Union, qui vise à simplifier et à harmoniser les conditions et procédures relatives aux transferts de ces produits dans l’ensemble de l’Union européenne ;

  la directive 2009/81/CE qui a pour objet de permettre aux industries européennes d’accéder plus facilement aux marchés de la défense des autres États membres.

Ce prisme du marché unique est également reflété dans le « plan d’action visant à renforcer l’efficacité et la compétitivité de l’industrie de la défense européenne » publié par la Commission en juillet 2013.

La rupture n’est intervenue qu’en novembre 2016 avec la publication par la Commission, sous l’impulsion du président Jean-Claude Juncker, du plan d’action européen de la défense. La mesure phare de ce plan est la création du fonds européen de défense (Fedef), dont la finalité est de subventionner par le budget de l’UE des actions de recherche et développement (R&D) de l’industrie de défense européenne. Ce projet a reçu un avis favorable du Conseil européen en décembre 2016.

 

 

 

2.   L’APRD et le PEDID : deux instruments préparatoires au Fedef

La mise en place du fonds européen de défense (Fedef) a été précédée d’une phase pilote qui a permis de tester la valeur ajoutée des mécanismes de financements envisagés. Deux instruments, qui reflètent les deux dimensions du Fedef, avec un dispositif axé sur la recherche et l’autre sur le développement, ont ainsi été créés successivement :

  L’action préparatoire à la recherche de défense (APRD), dotée d’un budget de 90 millions d’euros sur la période 2017-2019. Les projets étaient financés à hauteur de 100 % par la Commission, mais leur gestion était déléguée à l’agence européenne de défense (AED).

L’APRD a notamment permis de lancer des travaux sur un démonstrateur de drone de surveillance maritime (projet Océan 2020, coordonné par l’entreprise italienne Leonardo, doté d’un budget de 35 millions d’euros).

Certains projets initiés par l’APRD sont actuellement poursuivis dans le cadre du Fedef, tels que celui relatif à la recherche sur les composants d’un futur canon d’artillerie électromagnétique au titre du projet Thema (technology for electromagnetic artillery) coordonné par Nexter Systems.

  Le programme européen de développement industriel de défense (PEDID), doté de 500 millions d'euros sur deux ans (2019-2020). Le PEDID avait pour vocation de financer des développements capacitaires dans des proportions variables selon le stade d'avancement du projet (de 20 % des coûts pour le développement d’un prototype jusqu’à 100 % des coûts pour la phase de qualification ou d’essais).

Les deux programmes emblématiques financés par le PEDID sont le drone Male européen (100 millions d’euros) et le projet européen de radio logicielle de nouvelle génération Essor (37 millions d’euros). Au regard du caractère stratégique de ces deux projets, ils ont été subventionnés non pas dans le cadre d’un appel à projets mais par attribution directe, tandis que leur gestion a été déléguée à la Commission à l’organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr).

3.   Le fonctionnement du Fedef

  Les résultats de l’APRD et du PEDID ont été jugés suffisamment concluants pour qu’un mécanisme pérenne de financement de la R&D de l’industrie de défense soit institutionnalisé. Le règlement européen du 29 avril 2021 a ainsi établi le Fedef pour la période correspondant au cadre financier pluriannuel du budget de l’UE 2021-2027. La base juridique du Fedef est notamment l’article 173 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui est relatif au soutien à la compétitivité de l’industrie européenne ; en encourageant la recherche et le développement en coopération, le Fedef a ainsi pour vocation première de stimuler la compétitivité de la BITDE.

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU FEDEF

-          Objet : soutenir la recherche et le développement de la BITDE.

-          Les projets de R&D soutenus doivent être menés par un consortium composé d’au moins trois entités de trois États membres différents.

-          Budget : 7,9 milliards d’euros courants (du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2027), à hauteur d’un tiers (2,6 milliards d’euros) pour les projets de recherche et de deux tiers (5,3 milliards d’euros) pour les projets de développement.

-          Contribution UE : l’UE contribue jusqu’à 100 % des coûts éligibles pour la recherche, 80 % des coûts liés aux essais, à la qualification et à la certification d’un produit ou technologie de défense, et jusqu’à 20 % des coûts pour le prototypage d’un système. Un bonus de 10 % est accordé aux projets mis en œuvre dans le cadre d’une coopération structurée permanente (CSP), et lorsqu’au moins 10 % de l’activité est allloué aux PME.

-          Entités éligibles : les destinataires du financement et les sous-traitants du marché doivent être établis et avoir leurs structures exécutives de gestion, dans l’Union ou un pays associé (Islande, Liechtenstein ou Norvège). Les infrastructures, biens et ressources employés au titre du projet de R&D sont situés dans l’Union ou un pays associé, sauf s’il n’y a pas de solutions de substitution facilement disponibles. Ceux-ci ne doivent pas être contrôlés par un pays tiers non associé, sauf dérogation accordée par les États membres.

-          Le financement est octroyé à la suite d’appels à propositions concurrentiels. Une possibilité d’attribution directe est autorisée dans certaines circonstances exceptionnelles.

  Le Fedef est piloté par un comité de programme. Celui-ci est animé par la direction générale de l’industrie de la défense et de l’espace (DG DEFIS) de la Commission européenne et composé de représentants des États membres (la DGA pour la France), qui votent en théorie à la majorité qualifiée mais en pratique par consensus ([41]). Le comité de programme élabore un programme de travail annuel sur la base duquel sont définis les appels à projets. L’évaluation des propositions des industriels est réalisée par des experts indépendants, qui ont une expertise scientifique et technologique forte dans le domaine afférent au projet. Le comité de programme statue pour valider les projets retenus par la Commission.

  En pratique, le processus pour répondre aux appels à propositions du Fedef est relativement lourd pour un industriel de la défense. Dans la période de constitution des dossiers de candidature, ce sont de deux à trois personnes qui sont mobilisées à temps plein au sein des industriels, ce qui est particulièrement contraignant pour une PME. De nombreuses personnes auditionnées ont ainsi rappelé l’importante barrière à l’entrée engendrée par la complexité réglementaire. Comme le résume la société Aresia, une entreprise de taille intermédiaire (ETI) spécialisée dans l’aéronautique de défense, dans sa contribution écrite à votre rapporteur, « l’accès aux financements européens (…) demeure un exercice complexe, coûteux et chronophage pour les PME et ETI qui ne disposent pas en interne des ressources pour y consacrer le temps et les compétences nécessaires ».

LES ÉTAPES POUR UNE ENTREPRISE SOUHAITANT COORDONNER UN PROJET FEDEF

-          Transmission par l’industriel à la DGA de propositions de sujets de recherche ou de développement, souvent concertés préalablement avec des partenaires européens identifiés ;

-          Si le sujet est retenu par la DGA, cette dernière le défend dans le cadre du comité devant fixer le programme de travail du Fedef ;

-          Publication par la Commission du programme de travail annuel du Fedef et des appels à projets (N) ;

-          Préparation et soumission des candidatures : consolidation du consortium (au moins trois entités établies dans trois États membres différents) et répartition des tâches ; rédaction des parties techniques et financières de l’offre ; négociation avec les autorités étatiques des éventuels contrats de cofinancement, des lettres de soutien et des exigences capacitaires harmonisées pour les projets de développement ;

-          Remise des propositions à la Commission (N+5 mois)

-          Évaluation des projets par les experts indépendants.

-          Décision du comité et annonce des projets sélectionnés par la Commission (N+12 mois).

-          Négociation et conclusion des conventions de subventions (grant agreement) entre le coordinateur et la Commission (N+18 mois) : confirmation de l’éligibilité des partenaires, négociation des clauses (propriété intellectuelle, des règles de sécurité, licences d’exportations). Paiement par la Commission européenne de 20 à 50 % du montant total des subventions.

-          Parallèlement, conclusion d’un accord de consortium entre les membres du consoritum et d’un accord-cadre avec les États membres des participants pour fixer les grandes orientations du projet et le montant du cofinancement. Les États cofinançant un projet de R&D du FED peuvent prétendre à des droits d’exploitation des résultats.

-          Les paiements intermédiaires interviennent après vérification par la Commission de la conformité des travaux réalisés. Les paiements finaux sont conditionnés à la validation des dépenses par des commissaires aux comptes.

C’est pour lutter contre de telles barrières à l’entrée que la DGA a mis en place le dispositif « diag defense Europe ». Opéré par Bpifrance et financé par la DGA, ce mécanisme aide les PME qui ont recours à des cabinets de conseils spécialisés pour constituer leur dossier auprès du Fedef, en subventionnant 50 % du coût de ces prestations, dans la limite d’un plafond de 50 000 euros.

B.   Un bilan globalement positif pour les industriels français

1.   La France, première bénéficiaire du Fedef

  Les industriels français ont tout d’abord été particulièrement bien représentés dans le cadre des dispositifs temporaires de l’APRD et du PEDID. Sur les 18 projets financés par l’APRD, six sont coordonnées par une entité française. Une trentaine d’entreprises ou d’entités françaises font partie des consortiums sélectionnés. Quant au PEDID, l’industrie française est représentée dans 32 des 42 projets sélectionnés ([42]).

Ces résultats prometteurs pour l’industrie française ont été confirmés dans le cadre du Fedef.

À ce stade, 102 projets (61 en 2021 et 41 en 2022) ont été sélectionnés par le comité de programme du Fedef, pour un montant total de deux milliards d’euros (1,12 milliard d’euros en 2021 et 832 millions d’euros en 2022).

  L’industrie française est présente dans 80 de ces 102 projets (47 projets en 2021 et 33 projets en 2022) ([43]). La France occupe la première place en termes de participation, avec 178 participations aux projets sélectionnés en 2021 et 163 participations en 2022.

La France est également le pays qui coordonne le plus grand nombre de projets. Les industriels français en coordonnent en effet 31 (18 projets en 2021 et treize projets en 2022), soit plus de 30 % des projets attribués par le Fedef.

À titre de comparaison, les industriels espagnols, seconds du classement, n’en coordonnent que 20 et les industriels allemands, troisièmes du classement, pilotent neuf projets.

  Au total, les projets coordonnés par les entreprises françaises représentent près de 39 % des fonds alloués par le fonds ([44]).

PRINCIPAUX PROJETS FEDEF 2021 ET 2022 COORDONNÉS PAR LA FRANCE

  - L’accord cadre (FPA) sur les contre-mesures médicales, coordonnée par le CEA qui prévoit 100 M€ de subvention sur 4 ans à partir de 2023 ;

  - Les technologies de cockpit du futur pour le pilote, coordonnée par Thales (75 M€) ;

  - Le combat collaboratif Air, coordonnée par Dassault (75 M€) ;

  - La veille collaborative navale, coordonné par Naval Group (65 M€) ;

  - Les contre-mesures médicales, coordonné par le CEA (50 M€) ;

  - Le combat collaboratif terrestre piloté par Thales (50 M€) ;

  - Les plateformes stratosphérique HAPS, coordonné par Thales (43 M€) ;

  - Les technologies pour l’hélicoptère de nouvelle génération, coordonné par Airbus Helicopters (40 M€) ;

  - Les technologies pour le soldat, piloté par Safran (40 M€) ;

  - L’étude d’une constellation ISR pilotée par Airbus (40 M€).

Ce bilan très positif est le reflet naturellement de la puissance et de la diversité des capacités de notre BITD, notamment des grands maîtres d’œuvres. Il témoigne également de la capacité de la DGA à orienter le programme de travail du Fedef sur des sujets où nos industriels ont une réelle plus-value.

2.   … malgré certaines déceptions

Si le bilan français dans le cadre du Fedef est globalement positif, il doit être cependant nuancé à plusieurs titres.

  Tout d’abord, ce succès est principalement dû aux grands maîtres d’œuvres de la BITD, qui sont surreprésentés par rapport aux PME/ETI de la BITD, dont la participation reste relativement faible. Le taux de participation des PME françaises par rapport à la participation totale des entreprises françaises dans les projets Fedef est ainsi l’une des plus faibles d’Europe (20 %) ([45]). Les PME françaises ne sont qu’au quatrième rang européen en termes de taux de participation aux projets, derrière la Grèce, l’Italie et l’Espagne.

  Cette situation est tout d’abord le reflet de la structuration de notre BITD, qui repose principalement sur les grands maîtres d’œuvre. Elle est également le résultat des règles mêmes du Fedef : les grandes entreprises françaises qui coordonnent des consortiums privilégient des partenariats avec des PME étrangères, pour répondre aux critères d’éligibilité et bénéficier du « bonus PME » prévu par le règlement du Fedef. Inversement, les PME françaises sont parfois réticentes à travailler avec une grande entreprise étrangère qui coordonne un projet du Fedef, dès lors que celle-ci est généralement une entreprise concurrente de leur principal maître d’œuvre français.

  En second lieu, certaines décisions ont pu jeter un doute sur la fiabilité du processus de sélection du Fedef et la finalité même du programme.

  L’évènement le plus marquant au titre du programme de travail 2021 a été ainsi la non-sélection du consortium mené par MBDA dans le cadre du projet Hydef d’intercepteur des missiles hypervéloces, bénéficiant d’un financement de 100 millions d’euros. Alors que MBDA est l’unique entreprise européenne à maîtriser les capacités liées à l’hypervélocité, et coordonnait un projet de coopération structurée permanente (CSP) dit Twister axé sur cette thématique, la Commission a sélectionné un consortium mené par l’entreprise espagnole Sener, spécialiste dans le domaine de la construction, dont le chiffre d’affaires dans l’aérospatial est de 99 millions d’euros ([46]).

Cette décision met en exergue que la logique du « juste retour », qui vise à ce que les entreprises bénéficient de financements à hauteur de la contribution de leur État membre au budget européen, n’est peut-être pas totalement absente des arbitrages de la Commission.

  À la suite de contestations de cette décision, le projet porté par MBDA a finalement été « repêché » par la Commission dans le cadre de la procédure dite d’attribution directe, prévue à l’article 11 du règlement européen établissant le Fedef ([47]). La conséquence de cette affaire est que deux projets concurrents sont financés actuellement par le Fedef sur le même sujet, ce qui est aberrant.

3.   L’accompagnement de la DGA pourrait être optimisé

L’action de la DGA, notamment pour accompagner les PME, a été globalement saluée par les personnes auditionnées par votre rapporteur. Cet accompagnement mobilise de nombreuses ressources en interne au sein de la DGA, notamment durant la phase de préparation de la candidature au Fedef.

L’APPUI DE LA DGA AUX PME DANS LE CADRE DU FEDEF

« Lorsqu’une T/PME souhaite déposer une proposition pour répondre aux appels à projets annuels réservés aux petites et moyennes entreprises, la sous-direction PME de la DGA/S2IE mobilise une ressource à temps plein durant les 6 mois précédents la date limite de dépôt fixée par la Commission européenne pour animer un processus visant à collecter, sélectionner, soumettre les propositions intéressant la France.

- En termes de collecte, les partenaires régionaux de la DGA (pôles de compétitivité au premier chef) sont invités à mobiliser l’écosystème industriel afin de favoriser l’émergence de préprojets et à communiquer ces derniers à la SDPME avant une certaine échéance ;

- Dans un second temps, les experts techniques du ministère (DGA, AID) et capacitaires (DGA/SASD) établissent au travers d’un comité de sélection la liste des projets PME que le ministère s’engage à soutenir au travers d’une lettre de manifestation d’intérêt (outre celle de la France, au moins une autre lettre d’appui est exigée par l’Europe pour pouvoir déposer un dossier) ;

- Enfin, les PME retenues sont invitées à formaliser leur dossier au format attendu par la Commission Européenne (pour cela, elles peuvent être aidées financièrement par le dispositif Action PME « Diag Europe » afin de bénéficier de l’appui d’un consultant spécialiste des démarches de ce type ; parallèlement, la SDPME et la direction du développement International de la DGA procèdent à un exercice de négociation avec d’autres États membres afin de recueillir d’autres lettres de soutien au projet ».

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

Toutefois, de nombreux axes d’amélioration existent pour accroître l’efficacité du soutien auprès des industriels de défense dans le cadre du Fedef.

  Tout d’abord, la constitution à destination des industriels d’un guichet unique au sein de la DGA en charge des dossiers liés au Fedef serait particulièrement opportun.

Aujourd’hui, de nombreux services de la DGA sont en effet susceptibles d’être impliqués, en fonction de l’état d’avancement du projet, sans qu’il y ait nécessairement une coordination véritable entre ces derniers : le service d’architecture du système de défense, compétent pour les questions de besoins capacitaires ; le service des affaires industrielles et de l’intelligence économique, compétent en matière de soutien à l’industrie ; la direction du développement international, compétente en matière de coopération multilatérale européenne ; enfin, la direction des opérations, compétente pour les questions d’acquisition ou de programme.

  Il faudrait en outre assurer au bénéfice des industriels une meilleure anticipation sur les capacités prévues au niveau national qui peuvent être développées en coopérations ou non. La mise en place d’une véritable « stratégie nationale Fedef » associant DGA industriels et état-major des armées serait à cet égard opportune. L’articulation du Fedef avec la feuille de route capacitaire au niveau national pourrait ainsi être optimisée, en inscrivant « très en amont dans le processus de conduite des programmes (voire dans l’instruction ministérielle sur les opérations d’armement 1618) la possibilité de faire financer une capacité/brique technologique via le Fedef », comme l’a proposé une personne auditionnée. La bonne articulation entre le programme 144 de la mission Défense et les projets du Fedef constitue également un enjeu central. L’état-major des armées devrait ainsi être davantage impliqué dans la définition des priorités à promouvoir auprès de la Commission européenne dans le cadre de l’établissement du programme de travail du Fedef.

  Cela nécessite également de développer davantage une culture communautaire au sein de la DGA et des états-majors des armées, en promouvant par exemple des détachements d’experts plus nombreux au sein des institutions européennes. Comme l’a relevé une personne auditionnée, « les personnes ayant eu des parcours internationaux à la DGA sont peu nombreuses ».

  Enfin, une clarification sur les modalités des co-financements par la DGA des projets Fedef doit être effectuée en amont des candidatures au Fedef. Selon des personnes auditionnées, les modalités de soutien (marchés négociés, subvention ou contrat multiétatique) et les montants associés sont en effet souvent remis en question, alors même que les projets européens ont déjà démarré, ce qui contraint les industriels à revoir leurs ambitions. Une telle imprévisibilité nuit à l’ambition capacitaire des projets développés par le Fedef. Il est donc important que ces co-financements de la DGA soient stabilisés sur toute la période du projet.

C.   Le Fedef doit évoluer pour être un outil au service de l’autonomie stratégique européenne

1.   L’absence d’une véritable vision stratégique nuit à l’efficacité du Fedef

  Le Fedef est certes une réussite par de nombreux aspects. Tout d’abord, en sa qualité de premier programme de financement européen de la défense, il a certainement contribué à ce que les sujets de défense ne soient plus un tabou au sein des institutions de l’UE. En ce sens, il a certainement facilité l’adoption de dispositifs qui ont été créés dans le prolongement de la guerre en Ukraine (voir section II).

L’objectif du Fedef de susciter davantage de coopérations entre industriels européens de la défense est également satisfait. Les appels à propositions du Fedef suscitent un large retour des industriels et un renforcement de la coopération. Des entreprises ont ainsi indiqué à votre rapporteur que grâce au Fedef, elles ont pu identifier de nouveaux partenaires européens, avec lesquels elles n’auraient pas spontanément travaillé. Le Fedef participe également de la montée en compétence et en savoir-faire des pays qui ne disposent pas d’une BITD aussi importante que la France.

  Enfin, certains projets stratégiques pour l’Europe de la défense sont financés par le Fedef, qu’il s’agisse du projet de corvette hauturière (European Patrol Corvette), de l’intercepteur de missiles hypersoniques ou encore du développement de la future génération de systèmes aériens.

  Cependant, il résulte des travaux menés par votre rapporteur que l’efficacité du Fedef est menacée par la tentation du saupoudrage, en privilégiant à tout prix une logique d’inclusivité au détriment du besoin capacitaire opérationnel. Concrètement, ce risque est illustré par deux aspects :

  le Fedef finance trop de projets, dont l’intérêt capacitaire est trop peu démontré. La conséquence de cette multiplication des projets est que les financements moyens alloués à chaque projet sont souvent trop faibles pour jouer un rôle véritablement incitatif auprès des acteurs industriels.

  trop d’entités participent aux projets. Dans le cadre de la sélection 2022, chaque projet compte ainsi en moyenne 22 participants de neuf pays. Ce nombre excessif de participants obère la possibilité de transformer ces travaux de R&D en futurs programmes capacitaires. À titre d’exemple, le projet de cargo médian tactique regroupe 36 industriels de treize pays différents. Or, il est évident que le développement capacitaire d’un tel aéronef ne se fera pas à treize pays !

  Le corrélat de cette situation est que l’articulation entre les projets financés par le fonds, d’une part, et la perspective de futurs programmes d’acquisitions, d’autre part, est faible, et en tout état de cause incertaine.

  Tout d’abord, de nombreux participants aux projets sélectionnés ne sont bien souvent guère intéressés par un tel développement capacitaire. Comme l’a résumé une personne auditionnée, « à rebours de l’ambition française, de nombreux États européens considèrent le FED comme un simple guichet de financement pour leurs industriels, ce qui conduit à un saupoudrage sur de trop nombreux projets, dont certains présentent un intérêt capacitaire limité, sans réelle perspective de programme ni d’acquisition ».

En outre, les participants intéressés par la concrétisation des projets dans le cadre d’un programme capacitaire menée en coopération ont peu de visibilité sur la période postérieure au Fedef, comme l’a souligné une personne auditionnée : « L’investissement industriel dans le FED n’a de sens que dans la perspective de futurs programmes d’acquisition en commun au niveau européen. Or, en dehors de quelques sujets, l’industrie n’a aujourd’hui aucune visibilité ou garantie sur ‘‘l’après FED’’ ».

  Cette absence de vision stratégique a pour cause un relatif retrait des États dans le cadre de la programmation du fonds. Des personnes auditionnées ont ainsi mis en exergue « un certain affaiblissement de la coordination entre États, qui nuit à l’efficacité du Fedef et renforce de facto le poids de la Commission européenne dans la sélection des sujets à subventionner ».

  Comme le souligne une personne auditionnée, « il est fondamental que les États membres retrouvent le niveau de coordination qu’ils avaient au démarrage du FED pour redonner à cet instrument sa finalité de bras financier au service de capacités européennes. À l’image des bonus FED incitant les États Membres à inscrire les projets dans une perspective d’acquisition ou de détention commune de capacités, d’autres mécanismes incitatifs pourraient être imaginés pour que le FED alimente résolument une feuille de route capacitaire européenne ».

2.   Le Fedef doit renforcer sa plus-value capacitaire

  L’évaluation à mi-parcours du Fedef prévue en 2024 doit être l’occasion de se poser la question de la véritable finalité du fonds. Pour votre rapporteur, l’UE doit impérativement sortir d’une approche qui a pour objet de favoriser l’émergence de nouveaux concurrents sur le marché intra-européen et n’a pour effet que de renforcer la fragmentation de la BITD européenne. Comme l’ont relevé les représentants de l’association EuroDéfense France, « le FED est un outil trop important pour ne pas contribuer au renforcement des points forts de la BITD européen et de l’autonomie stratégique européenne » ([48]).

Or, pour que le Fedef devienne un véritable outil au service de l’autonomie stratégique européenne, plusieurs évolutions sont souhaitables, aux yeux de votre rapporteur

  Tout d’abord, il parait nécessaire de recentrer le Fedef sur un nombre plus réduit de projets, mais d’importance stratégique, et financés par des budgets plus importants. Le Fedef gagnerait ainsi à se concentrer sur les priorités capacitaires, telles qu’elles seront identifiées par l’agence européenne de défense dans le cadre du CDP (Capability Development Priorities), qui doit être approuvé par les États membres mi-novembre.

Pour votre rapporteur, les projets qui devraient être prioritairement financés par le Fedef sont :

  les capacités susceptibles de déboucher sur un développement rapide, avec des réalisations concrètes d’ici 2027 ;

  les projets qui contribuent aux grands programmes structurants européens, tels que le Scaf ou l’Eurodrone ;

  les projets structurants pour le renforcement du pilier européen de l’OTAN, tels que l’intercepteur de missiles hypersoniques ou l’hélicoptère du futur ;

  enfin, les projets susceptibles de renforcer la souveraineté technologique de l’Union européenne, par exemple dans le domaine des composants.

  Les critères de sélection des projets pourraient ainsi être recentrés autour d’une alternative :

  soit il s’agit d’initier des coopérations futures relatives à des priorités capacitaires, auquel cas les États membres des industriels participants devraient s’engager à acquérir les produits développés dans le cadre du Fedef.

  Dans sa contribution à la défense européenne publiée en février 2022, la Commission européenne avait ainsi indiqué que dans le cadre de l’évaluation intermédiaire du Fedef, elle « envisagera une modification éventuelle de l'article 13 du règlement (UE) 2021/697 établissant le Fonds européen de la défense, afin de renforcer le système de primes FED lorsque les États membres s'engagent à acquérir et/ou à posséder conjointement les capacités développées » ([49]). Une telle mesure doit être mise en œuvre.

  soit il s’agit de soutenir le développement des programmes de coopération existants (tel l’Eurodrone), en y apportant des briques technologiques qui seront développées dans le cadre du Fedef.

   La constitution de consortiums efficaces requiert également une réduction du nombre de participants en leur sein. En contrepartie, il pourrait être prévu un mécanisme garantissant une certaine inclusivité, non plus au sein du consortium, mais au niveau des chaînes de valeurs, en prévoyant par exemple un nombre minimal de pays représentés au sein des sous-traitants. Cela permettrait de garantir que les projets financés par le Fedef bénéficient économiquement à tous les États membres, tout en assurant l’efficacité d’un consortium restreint à un nombre réduit de participants.

  L’efficacité du Fedef requiert également de renforcer la dimension pluriannuelle des projets. Comme l’a indiqué une personne auditionnée à votre rapporteur, « le temps qui s’écoule entre deux calls (appels à propositions) n’est pas adapté à des projets longs qui nécessitent l’enchainement de projets répartis sur plusieurs calls, car cela entraine un arrêt des travaux. La remise en compétition systématique empêche les industriels de s’inscrire dans le temps long, ce qui représente un frein pour la proposition de projets s’étalant sur plusieurs calls (enjeu de la permanence des équipes et des compétences mais également question autour de la pérennité des consortiums) ».

  En outre, si le développement de l’attribution directe par la Commission est un sujet sensible, compte tenu de l’attachement de nombreux États membres à la procédure de mise en concurrence, celle-ci pourrait être davantage utilisée pour les projets stratégiques, afin d’assurer la continuité des travaux.

  Le budget du Fedef doit également être revu à la hausse, dans le cadre de la révision du cadre pluriannuel financier, ainsi que le proposait la Commission : « Lors du réexamen global des priorités dans le cadre du réexamen à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP), la Commission envisagera de renforcer les budgets du Fonds européen de la défense ainsi que la mobilité militaire grâce au mécanisme pour l’interconnexion en Europe » ([50]). La Commission européenne a ainsi récemment proposé d’augmenter le budget du Fedef d’1,5 milliards d’euros  ([51]).

  Enfin, la gestion des projets doit être assurée par des organismes ayant une expérience dans ce domaine. La Commission pourrait ainsi s’appuyer sur l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (« OCCAr »), l’agence européenne de défense voire sur une direction type DGA d’un État membre  ([52]). Il est également nécessaire que les contrats définissent des règles claires encadrant l’octroi de droits de propriété intellectuelle aux États contributeurs au projet, pour éviter le risque de dissémination de la propriété intellectuelle. Ces droits devraient être en toute hypothèse proportionnels au niveau de contribution apporté par l’État au projet.

II.   Le nouveau défi de l’UE : Financer une « économie de guerre » européenne

A.   La guerre en Ukraine a révélé les fragilités de la BITDE

1.   La BITDE a souffert des dividendes de la paix

  L’Union européenne a tout d’abord été marquée par des décennies de sous-investissement par rapport aux autres grandes puissances, comme l’a relevé la communication conjointe de la Commission et du SEAE : « De 1999 à 2021, les dépenses combinées de l’UE dans le domaine de la défense ont augmenté de 19,7 %, contre 65,7 % pour les États-Unis, 292 % pour la Russie et 592 % pour la Chine (…) A titre indicatif, si tous les États membres avaient consacré 2 % de leur PIB à la défense, dont 20 % à des investissements, de 2006 à 2020, cela aurait donné lieu à environ 1 100 milliards d’EUR supplémentaires pour la défense, dont quelque 270 milliards d’EUR d’investissements » ([53]).

  La conséquence de ces sous-investissements est la création de failles capacitaires importantes : il est estimé qu’entre 1992 et 2021, les États européens ont réduit de 80 % leur parc de chars, de 64 % leurs stocks de munitions de 152 et 155 mm et de 58 % leur flotte d’aviation de chasse ([54]).

  La seconde caractéristique de l’Europe de la défense est sa dépendance à l’égard des pays tiers. Entre 2007 et 2016, plus de 60 millions d’euros du budget en équipements militaires des États membres de l’Union européenne ont été destinés à des importations provenant de pays tiers ([55]).

  Cette dépendance est naturellement également présente en matière d’approvisionnement des matières premières et des composants stratégiques. On estime ainsi que 78 % des matières et composants nécessaires à la production d’un drone militaire viennent de Chine ([56]).

  Enfin, la BITD européenne se caractérise par sa fragmentation. L’Europe manque de champions européens de la défense, susceptibles de peser dans la compétition mondiale. Ainsi, seules 17 des 100 plus grosses entreprises de défense ont leur siège en Europe. Les cinq plus grosses entreprises américaines de défense réalisent à elles seules plus du double du chiffre d’affaires de toutes les entreprises européennes de la BITD ([57]).

  Cette fragmentation a pour conséquence l’absence de standardisation des équipements militaires en Europe : selon certaines estimations, l’Europe compte 178 types d’équipements militaires majeurs contre 30 pour les États-Unis, dont 17 modèles de chars contre un seul pour les États-Unis, 29 frégates contre quatre, 20 types d’avions de chasse contre six ([58]). La multiplication des versions d’un même équipement ne favorise pas non plus la standardisation : il existe ainsi plus de 20 versions différentes de l’hélicoptère NH90.

  Cette fragmentation a également pour cause l’absence de coopération suffisante entre États membres. Selon le rapport annuel de l’agence européenne de défense dit CARD (coordinated annual review on defense), la cible de 35 % de dépenses d’équipements réalisées dans le cadre de coopérations européennes est loin d’être atteinte ([59]) : en 2021, ce taux de coopération était seulement de 11 % ([60]).

2.   La BITDE n’a pas bénéficié du « choc de demande » entraîné par la guerre en Ukraine

  Le choc de l’agression russe en Ukraine s’est traduit par une prise de conscience salutaire de la part des États européens : l’évolution du contexte stratégique, marqué par le retour d’une guerre de haute intensité sur le sol européen, exigeait une remontée en puissance des investissements en équipements militaires.

  Cette remontée en puissance est d’autant plus nécessaire que la guerre en Ukraine a mis en exergue les lacunes capacitaires des États européens de deux façons. D’une part, le soutien à l’Ukraine a réduit certains stocks des armées européennes : il est ainsi estimé que les cessions à l’Ukraine ont entrainé une diminution de munitions de 152/155 mm de 20 % pour les Pays-Bas et de 12 % pour la Pologne, cette dernière ayant également cédé près de 20 % de son parc de chars  ([61]). D’autre part, la guerre en Ukraine a mis en lumière de nouveaux besoins capacitaires, dans des domaines tels que la défense sol-air, la frappe dans la profondeur, les drones et munitions télé-opérées.

  Le conflit en Ukraine a par conséquent créé un véritable « choc de demande » en faveur des équipements militaires de la part des États Européens. Depuis février 2022, vingt États membres ont ainsi annoncé des augmentations de leur budget de défense. Selon certaines estimations, l’exécution de ces promesses d’augmentation aboutiraient à une hausse totale de 61 % des investissements de défense en Europe, soit 400 milliards d’euros. Les dépenses de défense passeraient ainsi de 1,3 % du PIB à 1,8 % en 2028 ([62]).

  Ces annonces relatives à l’augmentation des budgets ont d’ores et déjà commencé à se matérialiser : entre 2022 et juin 2023, les États membres de l’UE ont ainsi dépensé près de 100 milliards d’euros pour acquérir des équipements militaires, ce qui représente une augmentation de 33 % par rapport à l’année précédente (+21,5 milliards d’euros) ([63]).

  Or, l’augmentation des dépenses d’équipements militaires n’a bénéficié que marginalement à la BITDE. La volonté des États européens de recompléter leurs stocks et d’acquérir des capacités dans les plus brefs délais, a abouti à ce que ces investissements soient principalement affectés aux achats sur étagère auprès de pays tiers, dans un contexte où l’industrie européenne, dont les chaînes de production sont dimensionnées pour des commandes de « temps de paix », pouvait difficilement répondre à la demande.

  Selon une étude récente de l’IRIS, 78 % des 100 milliards de commandes d’équipements en armements passés par des États membres de l’Union européenne depuis février 2022 ont été conclues auprès de pays tiers à l’UE ([64]), 63 % des commandes européennes ayant été passées au bénéfice des seuls États-Unis. Le commerce intra-européen ne représente donc que 22 % des investissements réalisés par les États membres pour renouveler leur capacité de défense. Au sein de ce marché intra-européen particulièrement étroit, la part de marché de la France ne représente que 12 %.

Les commandes de l’Allemagne et de la Pologne passées depuis février 2022 sont symptomatiques de cette absence de préférence européenne dans le choix des équipements :

  l’Allemagne a acquis auprès des Américains des avions de chasse F-35 (7,9 milliards d’euros), des hélicoptères Chinook (8 milliards d’euros) et des systèmes de défense anti-aérien Arrow-3 auprès des Israéliens ;

  la Pologne a quant à elle acquis auprès la Corée du Sud 1 000 chars K2 Black Panther, 48 avions de chasse FA-50 et 300 lances-roquettes K239, ainsi que des chars M1 Abrams et des lance-roquettes Himars auprès des États-Unis. Sur les 28 milliards d’euros dédiés par la Pologne aux acquisitions de capacités militaires de juillet 2022 à juin 2023, 25 milliards ont été alloués à l’achat de matériels non européens, 1,9 milliard d’euros à des acquisitions auprès du Royaume-Uni et seulement 500 millions d’euros à des achats auprès des États membres de l’UE ([65]).

  La conséquence de cette situation est que l’augmentation des dépenses ne se traduit pas par un accroissement des équipements made in UE, mais au contraire par une augmentation de la dépendance des États européens aux fournisseurs des pays tiers.

  Cela est d’autant plus regrettable que chaque décision d’achat crée un effet cliquet : ces capacités acquises serviront dans les forces armées européennes pour des décennies et réduisent les incitations à développer des programmes autonomes au niveau européen. Ces choix sacrifient donc le renforcement de notre autonomie stratégique à long terme sur l’autel des besoins de court terme liés au conflit en Ukraine.

B.   La création en urgence de financements de l’UE pour renforcer la BITDE

1.   Un tournant pour l’UE

La guerre en Ukraine a marqué une rupture dans l’approche par l’Union européenne des financements de la défense. Le seul financement de la R&D, pour nécessaire qu’il soit sur le long terme, n’était en effet plus adapté aux besoins urgents et critiques d’acquisitions d’équipements militaires des États membres. Il fallait donc créer de nouveaux mécanismes de nature à répondre à l’évolution des besoins issue du nouveau contexte stratégique.

Deux grandes étapes ont structuré ce tournant stratégique :

  la déclaration du sommet européen de Versailles en mars 2022, qui a appelé à « investir davantage et mieux dans les capacités de défense » et à « élaborer de nouvelles mesures d’incitation afin d’encourager les investissements collaboratifs ». Cette ambition de promouvoir l’acquisition en commun d’équipements militaires s’est matérialisée par l’élaboration du dispositif de facilitation des acquisitions conjointes dit EDIRPA ([66]).

  le plan « munitions » de mars 2023, qui a pour origine l’exigence de répondre en urgence aux besoins de munitions des forces ukrainiennes. Ce plan a abouti à la création du d’un dispositif visant à accroître la production de munitions dit ASAP ([67]).

   

   

   

CHRONOLOGIE DES INITIATIVES DE L’UE EN MATIÈRE DE FINANCEMENT DE L’INDUSTRIE DE DÉFENSE DEPUIS FÉVRIER 2022

-          Février 2022, contribution de la Commission à la défense européenne : « D'ici à la mi-2023, la Commission s'appuiera sur les travaux du groupe d'experts sur la boîte à outils financiers afin de proposer de nouvelles solutions de financement pour faciliter l'acquisition conjointe, par les États membres, de capacités stratégiques de défense de l'UE s'appuyant sur une expertise déjà disponible ».

-          Mars 2022, Boussole stratégique : « Nous devons investir davantage et mieux dans les capacités et les technologies innovantes, combler les insuffisances stratégiques et réduire les dépendances technologiques et industrielles ».

-          Mars 2022, déclaration du sommet de Versailles : « Nous sommes donc convenus : a d'augmenter considérablement les dépenses en matière de défense, en consacrant une part importante aux investissements, à axer sur les insuffisances stratégiques relevées, et en développant les capacités de défense de manière collaborative au sein de l'Union européenne ; b) d'élaborer de nouvelles mesures d'incitation afin d'encourager les investissements collaboratifs des États membres dans des projets conjoints et dans l'acquisition conjointe de capacités de défense ».

-          18 mai 2022, communication conjointe sur l’analyse des déficits d’investissement dans le domaine de la défense et sur la voie à suivre : « La Commission et le haut représentant/chef de l’Agence mettront immédiatement en place une task force pour les acquisitions conjointes dans le domaine de la défense, afin de coordonner une réponse de l’UE aux besoins urgents à très court terme, notamment la reconstitution des stocks (…) La Commission proposera, d’ici au troisième trimestre de 2022, un règlement européen relatif aux investissements dans le domaine de la défense, définissant les conditions et les critères nécessaires à la constitution d’un consortium pour les capacités européennes de défense, qui servira de base pour l’exonération de la TVA lors des acquisitions conjointes et de vecteur (comprenant un cofinancement éventuel) pour les projets européens de défense présentant un intérêt commun élevé ».

-          Juillet 2022, proposition par la Commission d’un projet de règlement relatif à la mise en place de l'instrument visant à renforcer l'industrie européenne de la défense au moyen d'acquisitions conjointe (EDIRPA).

-          Octobre 2022, premières conclusions de la task force sur les acquisitions conjointes.

-          Mars 2023, Annonce d’un plan munitions en trois phases.

-          Mai 2023, proposition par la Commission d’un projet de règlement relatif au soutien à la production de munitions (ASAP).

-          20 juillet 2023, publication au JO UE du règlement ASAP.

-          9 octobre 2023, adoption du projet de règlement EDIRPA par le Conseil de l’UE.

 

   

   

   

   

   

   

   

2.   Financer l’acquisition conjointe d’équipements : le dispositif EDIRPA

La révolution incarnée par le mécanisme d’acquisition conjointe doit être saluée : pour la première fois, des fonds de l’UE seront mobilisés aux fins d’inciter à l’acquisition en commun d’équipements militaires.

Ce mécanisme a pour principale finalité d’aider les États membres à reconstituer en urgence les stocks des capacités cédées à l’Ukraine : munitions, missiles anti-chars, artillerie….

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU MÉCANISME EDIRPA

-          Objet : inciter les États-membres à procéder à des acquisitions conjointes, pour répondre à leurs besoins d’équipements urgents et critiques. Les acquisitions conjointes doivent faire intervenir des consortiums d’au moins trois États membres.

-          Budget : 300 millions d’euros (jusqu’au 31 décembre 2025).

-          Contribution UE : l’UE contribuera à hauteur de 15 % au maximum de la valeur estimée du marché d’acquisitions conjointes, dans la limite d’un plafond global de 15 % du budget total du programme (soit 45 millions d’euros maximum par projet). Un bonus de 5 % sera ajouté si des PME ou des entreprises de taille intermédiaire sont associées au processus de fabrication des équipements achetés (à hauteur d’au moins 15 % de la valeur du marché) ou si l’Ukraine ou la Moldavie bénéficient d’une action d’achat. Le taux du soutien financier dépend de la complexité de l’acte d’acquisition, des caractéristiques de la coopération (conséquences sur l’interopérabilité et impacts sur l’industrie) et du nombre de participants aux acquisitions.

-          Rétroactivité : financement des actions à compter du 24 février 2022 si lesdites actions ne sont pas terminées à la date du contrat de signature du contrat de subvention.

-          Entités éligibles : les contractants et sous-traitants du marché doivent être établis et avoir leurs structures exécutives de gestion, dans l’Union ou un pays associé (Islande, Liechtenstein ou Norvège). Ceux-ci ne doivent pas être contrôlés par un pays tiers non associé n’ayant pas fait l’objet d’un filtrage au titre des investissements étrangers, sauf dérogation accordée par les États membres.

-          Produits éligibles : les coûts des composants provenant de pays tiers non associés ne doivent pas dépasser 35 % de la valeur estimée du produit final. En outre, les produits de défense achetés ne doivent faire l’objet d’aucune restriction d’utilisation de la part de pays tiers non associés. Cette dernière règle ne s’applique toutefois pas aux produits de défense acquis qui étaient utilisés avant le 24 février 2022 par la majorité du consortium, et si les membres du consortium s'engagent à étudier la faisabilité du remplacement de ces composants restreints par des composants sans restriction et d'origine européenne.

-          Calendrier prévisionnel : l’objectif de la Commission est de finaliser le programme de travail au premier quadrimestre 2024.

Il est naturellement prématuré d’établir un quelconque bilan de ce mécanisme puisqu’il vient à peine d’être adopté par le législateur européen et que le règlement n’est pas publié au journal officiel de l’UE à la date de rédaction du présent rapport. Cependant, votre rapporteur souhaite mettre en exergue les points suivants.

 

  Tout d’abord, ce dispositif a été mis en place trop tardivement. Alors qu’il a été annoncé dès février 2022 et que la proposition de règlement de la Commission a été publiée en juillet 2022, ce n’est que début octobre 2023 que le Conseil de l’UE a adopté le texte, dans le prolongement du Parlement européen. C’est bien trop long pour un mécanisme qui a été annoncé comme un « dispositif d’urgence ».

Le processus d’adoption a en effet été retardé par un conflit de compétences entre différentes commissions sein du Parlement européen. Il est regrettable que ce qui était présenté comme un dispositif d’urgence ait dû subir un retard de plusieurs mois en raison de conflits sur l’attribution du dossier au Parlement européen.

Cette impasse milite pour que le Parlement européen se dote enfin d’une commission spécifiquement en charge de la défense. Cela constituerait un symbole fort, qui témoignerait de l’engagement des institutions européennes en faveur d’une Europe de la défense.

  Le retard pris par ce projet s’explique également par les négociations délicates entre États membres sur les critères d’éligibilité au dispositif, notamment sur la possibilité d’acquérir conjointement des capacités produites par des pays tiers. Le compromis trouvé sur le pourcentage de composants provenant de pays tiers (35 %) parmi les capacités objets de financements reflète ces intenses discussions. Ces débats ont révélé une ligne de fracture entre les pays, tels la France, souhaitant promouvoir prioritairement l’autonomie stratégique européenne, et d’autres, notamment les pays d’Europe de l’Est, soucieux de reconstituer leurs stocks le plus vite possible, quitte à acquérir sur étagères des produits auprès de pays tiers.

La question de l’éligibilité des produits faisant l’objet de restrictions de type ITAR (réglementation américaine de contrôle des exportations d’armements) a également été au cœur des débats entre États membres. Le compromis trouvé, sous la forme d’une dérogation pour les pays ayant acquis des équipements soumis à de telles restrictions avant le 24 février 2022, indique combien la position française, qui souhaite faire de ces instruments de financement un outil pour réduire la dépendance des États membres aux pays tiers, est loin d’être partagée par tous.

  Le débat sur le degré d’ouverture aux pays tiers n’est pas seulement politique, il est également juridique. Le fondement juridique des mécanismes de financement mis en place repose en effet sur l’article 173 du traité sur les fonctionnement européen (TFUE) ([68]) relatif à la compétitivité de l’industrie. Cette base juridique implique que les financements européens doivent avoir pour vocation de renforcer la compétitivité de l’industrie européenne ; or, par définition, les acquisitions auprès de pays tiers ne participent pas à développer la BITDE.

  Au final, ces débats illustrent le fait que chaque État membre tend à défendre son propre modèle de défense : plus les États sont dépendants stratégiquement et opérationnellement des États-Unis, moins ils sont enclins à favoriser une quelconque « préférence européenne », qu’ils considèrent comme favorisant essentiellement des pays disposant d’une BITD structurée tels que le France.

  Un véritable travail de pédagogie doit donc être mené auprès de nos partenaires, notamment d’Europe de l’Est, pour les sensibiliser à l’absence d’opposition entre, d’une part, la montée en puissance de l’Europe de la défense et, d’autre part, la préservation du « parapluie américain » incarné par l’OTAN.

  Malgré le caractère tardif de son adoption, la rétroactivité prévue par le mécanisme EDIRPA a permis aux États membres de ne pas attendre la fin des négociations pour mettre en place des acquisitions conjointes ayant vocation à être financées par l’UE, ainsi que l’illustre la commande de missiles Mistral en juin 2023 initiée par la France.

L’ACQUISITION COMMUNE DE MISSILES MISTRAL

Pour renforcer leurs capacités de défense aériennes respectives, la Belgique, Chypre, l’Estonie et la Hongrie ont répondu positivement à la proposition de la France de coopérer dans le cadre d’une acquisition commune de missiles Mistral.

Cette acquisition sera réalisée auprès de MBDA par la Direction générale de l’armement (DGA) pour les besoins français mais également belges, chypriotes, estoniens et hongrois. Le volume global de cette acquisition pourrait dépasser 1 000 missiles.

Il s’agit d’une première concrétisation de la volonté d’une acquisition conjointe de capacités de défense éligible aux financements de l’Union européenne prévus à la suite du sommet de Versailles de mars 2022.

À l’occasion de la conférence sur le thème de la défense aérienne et anti-missile de l’Europe du 19 juin, la signature d’une lettre d’intention par le ministre français des armées Sébastien Lecornu et ses homologues ou représentants des pays partenaires, traduit la volonté de ces pays partenaires à coopérer face aux défis grandissant de sécurité de l’espace aérien.

Source : ministère des Armées.

  L’autre point faible du mécanisme EDIRPA est la faiblesse de son financement : 300 millions d’euros, en lieu et place de 500 millions d’euros, comme le proposait la Commission européenne, et du milliard d’euros souhaité par le parlement européen. C’est bien peu, au regard des 100 milliards d’euros d’investissement en acquisition d’équipements militaires par les États européens depuis février 2022. La dimension incitative du mécanisme est donc nécessairement limitée, d’autant plus que la proportion maximale du projet d’acquisition susceptible d’être financée par l’UE (15 %, ou 20 % en cas de bonus) est faible.

  Il existe également un point de vigilance sur la complexité de mise en œuvre du dispositif EDIRPA, dont le processus reposera principalement sur les États, comme l’a indiqué à votre rapporteur une personne auditionnée : « la mise en œuvre d’EDIRPA telle que présentée par la Commission apparaît comme très complexe avec un premier niveau d’appels à propositions adressés par la Commission européenne aux États Membres puis, après sélection des propositions étatiques par la Commission, un second niveau d’appels d’offres adressés par les États Membres à l’industrie. Au niveau de la gestion, il y aura donc un niveau de reporting des États vers la Commission qui s’ajoutera au niveau de gestion classique, déjà complexe, des programmes de coopération en matière d’armement. Une part importante du processus devra donc être réalisée par les États membres. Or, il n’est pas sûr que tous les États membres aient les moyens ou la volonté d’assurer un tel rôle de gestion. Au mieux, ces États Membres se tourneront vers un tiers (OCCAr, EDA, autre État) au pire, ils renonceront. Dans ce contexte, le financement par la Commission de 20 % de la valeur d’un contrat risque d’être faible, notamment pour les « petits » contrats dont les charges de gestion sont en pourcentage plus élevées ».

3.   Financer l’augmentation de la production de munitions : le mécanisme ASAP

  Le mécanisme de soutien à la production de munitions s’inscrit dans le cadre du « plan munitions » annoncé par la Commission européenne en mars 2023, dans un contexte où la livraison de munitions à l’Ukraine constituait un défi pour les forces européennes, compte tenu du caractère limité de leurs stocks et des cadences de production de la BITDE.

Ce plan est articulé autour de trois phases :

– la première phase a consisté à inciter les États membres à livrer des munitions à l’Ukraine, en mobilisant à cette fin une enveloppe à hauteur d’un milliard d’euros prélevée sur la facilité européenne pour la paix (FEP) aux fins de rembourser de telles cessions ;

– la seconde phase a consisté à inciter à l’acquisition commune de munitions entre États membres sous l’égide de l’agence européenne de la défense (AED), en vue de reconstituer les stocks. Plus de 25 États membres ont souscrit à cet accord et à nouveau un milliard d’euros de la FEP ont été mobilisés à cette fin ;

– la troisième phase réside dans l’acte législatif ASAP, destiné à augmenter les capacités de production des industriels et à lutter contre les goulets d’étranglement. Le caractère durable de notre soutien à l’Ukraine nécessite en effet le rehaussement de nos cadences de production, le prélèvement sur les stocks de nos armées ne pouvant être une solution pérenne.

  Votre rapporteur salue une telle initiative. Dans un contexte de pic de demande sur le marché européen des munitions d’artillerie, les capacités de production sont en effet saturées et l’existence de différents goulets d’étranglement limite la capacité des industriels à augmenter la production. L’instrument ASAP constitue ainsi l’opportunité d’investir dans les moyens industriels afin d’augmenter les capacités de production et d’accroître la résilience de l’outil industriel, notamment pour résorber des goulets d’étranglement critiques.

  Les industriels français entendent se saisir de ce mécanisme. KNDS France (Nexter) a par exemple indiqué à votre rapporteur que le groupe « se prépare depuis plusieurs mois à proposer des projets à la Commission Européenne, avec l’ambition stratégique de consolider ses capacités de production internes de munitions, de traiter les goulets d’étranglement critiques et de nouer des partenariats stratégiques permettant de renforcer l’empreinte industrielle et commerciale du groupe en Europe, en particulier de l’Est ».

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU MÉCANISME ASAP

-          Objet : développer les capacités de production de munitions des États-membres et réduire les goulets d’étranglement de la châine de production, pour être en mesure de produire un million de munitions par an Europe.

-          Budget : 500 millions d’euros (pour la période du 25 juillet 2023 au 30 juin 2025).

-          Contribution UE : l’UE contribuera à 35 % des coûts éligibles d’une action liée aux capacités de production des munitions, et jusqu’à 40 % des coûts éligibles d’une action éligible liée aux capacités de production des composants et des matières premières. Un bonus de 10 % sera ajouté si le bénéficiaire est une PME ou une entreprises de taille intermédiaire, ou s’il s’agit de répondre prioritairement à des commandes de munitions à destination de l’Ukraine ou dans le cadre de l’acquisition conjointe d’au moins trois États membres ou associés.

-          Entités éligibles : les bénéficiaires doivent être établis et avoir leurs structures exécutives de gestion, dans l’Union ou un pays associé (Islande, Liechtenstein ou Norvège). Ceux-ci ne doivent pas être contrôlés par un pays tiers non associé n’ayant pas fait l’objet d’un filtrage au titre des investissements étrangers, sauf dérogation accordée par les États membres. Les bénéficiaires doivent utiliser des installations et des ressources situées en Union européenne.

-          Produits éligibles : munitions sol-sol et munitions d’artillerie ainsi que les missiles. Les actions financées doivent viser à réduire les goulet d’étranglement, à augmenter ou créer des capacités de production, des capacités de fabrication de matières premières et de composants entrant dans la production, à former le personnel, à mettre en place des partenariats industriels transfrontières. Les produits issus des capacités de production financées ne doivent faire l’objet d’aucune restriction de la part de pays tiers non associés.

-          Calendrier prévisionnel : le premier comité de programme s’est réuni fin août 2023. Selon le ministère des Armées, « le calendrier ambitieux de la Commission serait de valider le programme de travail d’ici fin septembre, de lancer les appels à projets en octobre afin de signer les contrats de subvention lors du premier semestre 2024 ».

  Contrairement à EDIRPA, l’adoption du mécanisme ASAP a été rapide, notamment grâce à la procédure d’urgence mise en œuvre au Parlement européen. La proposition de règlement de la Commission a été publié début mai 2023 et le règlement a été publié au journal officiel de l’UE le 24 juillet.

  Cependant, si les négociations ont été particulièrement rapides, cela tient principalement au fait que les dispositions les plus sensibles proposées par la Commission européenne ont été retirées du projet de texte. Ainsi, le projet initial prévoyait un pouvoir de priorisation de la Commission européenne en faveur de certaines commandes, compte tenu des vulnérabilités en matière d’approvisionnements, ainsi que l’obligation d’établir d’une cartographie des capacités industrielles et des goulets d’étranglement des entreprises de la BITDE.

  Or, si ces dispositions ont été écartées à ce stade par les États membres, la question des pouvoirs de la Commission européenne dans le cadre des financements européens de la défense restera prégnante à l’avenir, a fortiori si ces financements sont amenés à se développer.

  Si le budget de 500 millions d’euros est celui prévu initialement par la Commission, il convient de relever que son financement a été mobilisé par le redéploiement des crédits initialement affectés à deux autres dispositifs de financement de la défense : le Fedef à hauteur de 260 millions d’euros et l’EDIRPA à hauteur de 240 millions d’euros.

Ces prélèvements sur d’autres programmes témoignent du manque de marge de manœuvre financière de la Commission européenne pour mettre en place des outils que le conflit en Ukraine rend pourtant critiques. La proposition de la Commission d’utiliser les fonds issus de programmes civils, tels que ceux de la politique de cohésion, n’a ainsi pas été soutenue par les États membres. Il en résulte que seule la révision du cadre financier pluriannuel 2021-2027 permettra une véritable ambition en matière de financements européens de la défense.

  Enfin, le financement européen mis en en place par ASAP pour augmenter les capacités de production de munitions n’a de sens que si les États passent les commandes nécessaires à la pérennité des chaines de production ainsi renouvelées. Comme l’a indiqué une personne auditionnée à votre rapporteur, « il conviendra d’être vigilant à ce que les capacités industrielles nouvellement créées répondent à un besoin de long terme, y compris après la guerre en Ukraine ».

C.   Une dynamique à amplifier

1.   L’impératif de créer un outil de financement pérenne au service de la BITDE

  Dans leur communication conjointe sur l’analyse des déficits d’investissement dans le domaine de la défense et sur la voie à suivre du 18 mai 2022, la Commission et le SEAE annonçait l’élaboration à venir d’un règlement sur les investissements de défense : « la Commission proposera, d’ici au troisième trimestre de 2022, un règlement européen relatif aux investissements dans le domaine de la défense, définissant les conditions et les critères nécessaires à la constitution d’un consortium pour les capacités européennes de défense, qui servira de base pour l’exonération de la TVA lors des acquisitions conjointes et de vecteur (comprenant un cofinancement éventuel) pour les projets européens de défense présentant un intérêt commun élevé » ([69]).

  Malgré le contexte d’urgence, le programme européen d’investissement dans le domaine de la défense dit EDIP ([70]) n’a jamais vu le jour. La création d’EDIP se heurte en effet à deux difficultés. Tout d’abord, EDIP était initialement conçu comme un dispositif qui pourrait s’appuyer sur leçons tirées de la mise en œuvre d’EDIRPA. Or, en raison du retard pris par ce programme, tout retour d’expérience sur celui-ci est en l’état impossible. La seconde difficulté est budgétaire : un programme de financement ambitieux nécessite des moyens financiers conséquents, qui ne pourront être levés en pratique que dans le cadre de la révision du cadre financier pluriannuel (CFP).

  Toutefois, lors de son discours sur l’état de l’Union du 13 septembre 2023, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a semblé vouloir relancer EDIP, en annonçant l’élaboration d’une nouvelle « stratégie de l’industrie européenne de défense ». Selon les informations de votre rapporteur, cette stratégie sera publiée en novembre.

Pour votre rapporteur, il est nécessaire de passer des dispositifs d’urgence, à la durée temporaire et aux champs d’application étroits tels qu’EDIRPA et ASAP à des mécanismes de financement pérennes et plus larges dans leur objet.

Le futur mécanisme EDIP pourrait ainsi promouvoir, d’une part, un élargissement du mécanisme d’acquisition conjointe, qui serait ouvert à tous les équipements, et, d’autre part, un soutien à l’augmentation des capacités de l’industrie de défense, qui ne serait plus restreint à la seule production de munitions et missiles.

  Alors que l’UE finance aujourd’hui la R&D à travers le Fedef et des acquisitions sur étagère à travers EDIRPA, il est également indispensable qu’EDIP permette le financement du maillon manquant de la chaîne, à savoir la production en commun des capacités de défense. Comme l’a indiqué une personne auditionnée, « l’idée est d’obtenir sur le volet acquisition le même effet de levier que celui généré par le Fedef pour des matériels produits en Europe afin de soutenir la BITDE ».

  L’EDIP pourrait ainsi être conçu comme prenant le relais de financement des projets Fedef, dans la perspective de l’acquisition en commun par les États membres des capacités développées dans le cadre du Fedef. Il pourrait être envisagé à ce titre que les acquisitions concernées par EDIP soient limitées dans un premier temps aux produits développés dans le cadre du Fedef, sous réserve de la cohérence des calendriers entre les deux dispositifs.

  En tout état de cause, il est impératif qu’EDIP promeuve la création de capacités non existantes sur le sol européen et non la constitution de capacités redondantes. Cela permettra de rassembler les industriels européens, au lieu de favoriser leur concurrence.

  Dans le cadre de l’EDIP, il conviendra selon votre rapporteur d’être particulièrement attentif aux critères d’éligibilité, qu’il s’agisse des produits financés (absence de restrictions d’usage ou d’export par un pays tiers), ou des entités bénéficiaires (structure de gouvernance dans l’UE et absence de contrôle par un pays tiers). Si des dérogations au principe de préférence européenne pouvaient le cas échéant être accordées dans le cadre d’instruments d’urgence visant à recompléter rapidement des stocks, elles ne sauraient en revanche être réitérées dans le cadre d’un mécanisme de long terme ayant vocation à construire des capacités communes.

  Comme le souligne à juste titre une personne auditionnée, « toute nouvelle initiative de la Commission européenne et de ses États Membres doit contribuer à renverser le rapport entre les approvisionnements intra UE /hors UE, pour passer de 20 % intra UE à 80 % intra UE par exemple à fin 2034 (fin de la prochaine perspective financière). On ne peut en effet d’une part développer les financements communs, et, d’autre part, en sacrifier les résultats par des achats hors UE ».

  Enfin, il est probable que l’EDIP soulève de nouveau la question des compétences de la Commission européenne, dans le prolongement de ce que cette dernière avait proposé dans le cadre du dispositif ASAP (pouvoir de priorisation et cartographie des capacités de la BITDE). Dès lors que les financements sont de nature communautaire, il est logique que la Commission européenne souhaite jouer un rôle structurant dans ces dispositifs. Néanmoins, votre rapporteur estime que décider du degré de priorisation des commandes d’équipements militaires relève du cœur de la souveraineté d’un État. La Commission européenne n’a donc pas la légitimité démocratique pour disposer d’un tel pouvoir décisionnaire en la matière.

2.   Le soutien à la BITDE requiert d’autres actions structurelles au niveau européen

a.   Lever l’hypothèque du contrôle de l’export

La question du contrôle export des équipements financés avec des fonds de l’Union européenne constitue un point de vigilance majeur pour les industriels et les autorités françaises.

  Les industriels hésiteront en effet à s’engager dans des programmes d’acquisition financés par l’UE si cela se traduit par une limitation de leur liberté d’exporter les matériels issus de ces coopérations. Le récent veto allemand à la vente des Typhoon par les Anglais à l’Arabie saoudite a rappelé combien cette problématique n’était pas que théorique.

  Dans sa contribution à la défense européenne de février 2022, la Commission européenne avait ainsi appelé les États-membres à clarifier les règles en matière d’exportations qui s’imposeront aux équipements financés par le Fedef : « Bien que les États membres soient chargés de délivrer les licences d'exportation pour les équipements militaires, la Commission les invite à faire progresser les travaux en cours destinés à rationaliser et à faire converger progressivement les pratiques de contrôle des exportations d'armes, notamment pour les capacités de défense développées conjointement, en particulier dans un cadre de l'UE. La Commission invite les États membres à adopter une approche prévoyant qu'en principe, ils ne s'empêcheraient pas mutuellement d'exporter vers les pays tiers des équipements et technologies militaires développés en coopération. Ces travaux devraient garantir que les produits financés par le FED bénéficieront d'un accès adéquat et concurrentiel aux marchés internationaux, sans préjudice des décisions souveraines des États membres » ([71]).

  Une solution pourrait consister en l’extension de l’accord franco-germano-espagnol, ainsi que l’envisage le rapport 2023 sur les exportations d’armement : « La France considère ainsi qu’en matière de contrôle des exportations d’armements, l’accord trilatéral est un instrument intergouvernemental très précieux pour fluidifier et encourager la coopération dans le strict respect des prérogatives de chacun des États parties. À l’heure où la coopération entre États européens doit se renforcer, disposer d’une BITD à même de satisfaire les besoins de notre défense et développer des systèmes de plus en plus complexes technologiquement s’accorder sur les exportations des matériels que nous aurons produits en commun, dans le plein respect des prérogatives souveraines de chacun, devient plus que jamais une nécessité. Cet accord est potentiellement ouvert à d’autres pays, notamment ceux dont l’industrie d’armement est significative, sous réserve qu’ils en acceptent les principes et pratiquent par ailleurs des standards élevés de contrôle des exportations. S’agissant des éventuelles décisions d’adhésion - qui seront prises à l’unanimité - la France se tient naturellement prête à étudier toute candidature en concertation avec ses partenaires allemands et espagnols » ([72]).

ACCORD FRANCO-GERMANO-ESPAGNOL RELATIF AU CONTRÔLE DES EXPORTATIONS EN MATIÈRE DE DÉFENSE

Cet accord a été initialement conclu entre la France et l’Allemagne en 2019, puis a été étendu à l’Espagne en 2021.

Sauf s’il estime que cette autorisation porte atteinte à ses intérêts directs ou à sa sécurité nationale, un État partie à l’accord s’engage à délivrer dans les meilleurs délais l’autorisation d’exportation ou de transfert nécessaire à l’exportation, depuis le territoire d’un autre État partie, d’un équipement conçu ou fabriqué conjointement.

Ce principe peut être mis en œuvre dans les cas suivants :

- pour les programmes développés conjointement dans le cadre d’une coopération intergouvernementale ;

- dans le cadre de coopérations industrielles ;

- lorsque leur participation au produit final est inférieure en valeur à 20 %, règle également appelée de minimis.

Source : rapport au Parlement 2023 sur les exportations d’armement de la France.

            b. Lever l’hypothèque de la taxonomie européenne

  Dans sa communication du 15 février 2022, la Commission européenne a appelé à « veiller à ce que d’autres politiques horizontales, telles que des initiatives en matière de finance durable, restent compatibles avec les efforts de l’Union européenne visant à faciliter l’accès de l’industrie européenne de la défense à un financement et à des investissements suffisants » ([73]).

Or, si les projets de taxonomie et d’écolabel sont pour le moment suspendus, il convient de rester vigilant dans la mesure où les travaux techniques préliminaires réalisés pour la Commission préconisaient une exclusion des activités de défense de ces labels.

Une clarification est donc nécessaire pour expliquer à l’ensemble des parties prenantes que les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) n’entrent pas en contradiction avec les investissements dans l’industrie de défense.

  Votre rapporteur se félicite par ailleurs de l’activisme des autorités françaises sur le sujet, telle que cela ressort des réponses à son questionnaire budgétaire : « Conscient de l’importance croissante donnée par les investisseurs à des critères extra-financiers, la DGA participe à la réflexion collective menée à l’échelle européenne pour répondre aux difficultés d’accès aux financements des entreprises de la défense.

  C’est pourquoi, la DGA a échangé avec la Caisse des Dépôts quant à la possible création d’un « label souveraineté » européen, favorable aux entreprises de la BITD. Cette discussion s’est inscrite dans le cadre d’un groupe de travail associant la Caisse des Dépôts, la BEI et les quatre autres plus grandes institutions publiques de développement européennes (Italie, Pologne, Allemagne, Espagne). L’objet est de produire un rapport sur les modalités éventuelles de renforcement de l’implication des investisseurs publics de long terme dans le domaine de la défense.

  Afin d’alerter nos partenaires européens, la DGA a également demandé à l’agence européenne de défense (AED) la création d’un groupe d’expert étatique sur les questions ESG afin d’échanger ensemble sur les éventuelles difficultés rencontrées par nos industriels respectifs et identifier si des solutions communes pouvaient se dégager. Ce groupe a été créé en 2022 et l’AED est actuellement en cours de rédaction d’une feuille de route de constats et d’actions à mettre en place ou de points de vigilance à conserver sur ces volets de difficultés d’accès aux financement qui pourraient rapidement revenir à la fin du conflit » ([74]).

            c. Permettre à la BEI de financer l’industrie de défense

  Dans leur communication conjointe sur l’analyse des déficits d’investissement dans le domaine de la défense et sur la voie à suivre du 18 mai 2022, la Commission et le SEAE promouvaient un assouplissement de la politique de prêt de la banque européenne d’investissement (BEI) : « La BEI devrait intensifier son soutien à l’industrie européenne de la défense et à l’acquisition conjointe, au-delà du soutien qu’elle apporte actuellement au double usage » ([75]).

Or, si, la BEI pourra mobiliser jusqu’à 6 milliards d’euros d’ici 2027 en faveur des systèmes européens de sécurité et de défense à double usage, dans le cadre de l’Initiative stratégique pour la sécurité européenne (ISSE), elle n’a en revanche aucunement modifié sa politique de non financement des activités de défense non duales.

  Le refus de la BEI de modifier ses statuts s’inscrit en totale contradiction avec la volonté de l’Union européenne de soutenir la production des capacités militaires et de stimuler l’innovation de l’industrie de défense.

Cette impasse est d’autant plus regrettable que la BEI, par le symbole qu’elle représente, a un pouvoir d’entraînement significatif auprès des autres acteurs bancaires : si la BEI ne prête pas au secteur de la défense, pourquoi les banques classiques le feraient-elles ? A contrario, une modification de la politique de prêts de la BEI serait un signal stratégique fort pour les établissements bancaires des États membres.

Votre rapporteur en appelle donc à ce que la BEI prenne enfin conscience du tournant stratégique que représente la guerre en Ukraine et modifie par conséquent son règlement en vue de permettre le financement des entreprises de défense non duales.


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   Travaux de la commission

 

I.   Audition de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement

La commission a entendu M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680), au cours de sa réunion du mardi 17 octobre 2023.

 

Le compte rendu de cette audition est disponible sur le site internet de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/1G6I3l

   

   


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II.   Examen des crédits

  La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Mounir Belhamiti, les crédits inscrits au programme 146 « Équipement des forces » de la mission « Défense » pour 2024, au cours de sa réunion du 25 octobre 2023.

M. le président Thomas Gassilloud. L’ordre du jour appelle l’examen des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, de la mission Défense et du programme Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.

En ce qui concerne la mission Défense, je rappelle que celle-ci comporte quatre programmes, dont l’un, le programme 178, Préparation et emploi des forces, correspond à une nomenclature budgétaire interarmées mais fait en plus, en ce qui nous concerne, l’objet de trois avis – forces terrestres, marine et air – pour nous permettre d’en assurer un suivi précis.

Nous allons entendre ce matin nos rapporteurs pour avis et continuerons cet après-midi avec les interventions des orateurs de groupe, puis l’examen des amendements et le vote des missions.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Fournir à nos forces armées les matériels et les équipements dont elles ont besoin pour accomplir leur mission et garantir leur supériorité opérationnelle sur le terrain : tel est l’objet du programme 146.

Ce programme couvre un large périmètre. Celui-ci inclut le développement du sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) de nouvelle génération, qualifié par l’amiral Fayard, commandant de la Force océanique stratégique (FOST), lors de notre déplacement à la base de l’Île Longue, d’objet le plus complexe au monde. Il inclut aussi les munitions d’artillerie de 155 mm, si essentielles à nos partenaires ukrainiens. Il finance nos capacités dans les nouveaux champs de conflictualité que sont l’espace et le cyber.

Ses enjeux budgétaires sont massifs. La LPM 2024–2030 prévoit plus de 100 milliards d’euros pour les seuls programmes à effet majeur (PEM), soit une hausse de 70 % par rapport à la précédente LPM ! L’ambition capacitaire, que l’on ne saurait nier sous prétexte que la réalisation de certains programmes est décalée pour financer les priorités, est majeure. L’objectif est bien de transformer notre outil de défense pour relever le double défi de la haute intensité et d’une conflictualité devenu multi-milieux et multi-champs.

Même s’il ne s’agit pas d’une surprise à l’aune des dernières années, la mise en œuvre pleine et entière de l’ambition capacitaire de la LPM dans le projet de loi de finances pour 2024, dès l’année I, est une bonne nouvelle. Ce qui est mis en œuvre est exactement ce que nous avons voté il y a quelques mois à une très large majorité. Avec plus de 16,6 milliards d’euros de crédits de paiement prévus en 2024, nous sommes en ligne avec la trajectoire financière de la LPM.

Dans sa structure, le programme 146 met en œuvre les grandes inflexions capacitaires de la LPM. Les programmes de défense les mieux dotés en autorisations d’engagement pour financer les commandes prévues en 2024 en reprennent les priorités.

J’en donnerai trois exemples concrets : 1,2 milliard d’euros sera consacré à la création de nos capacités d’action dans l’espace, notamment par le biais de satellites patrouilleur-guetteur ; 1,4 milliard sera consacré au renouvellement de nos capacités de missiles dans le cadre du programme du futur missile antinavires / futur missile de croisière (FMAN/FMC) ; 700 millions seront consacrés au renouvellement de notre défense sol-air basse couche et un montant quasi-équivalent financera la commande de huit systèmes sol-air moyenne portée/terrestre (SAMP/T) – Mamba.

La mise en œuvre des grandes priorités et des nouveautés capacitaires de la LPM est concrétisée par la création, au sein du programme 146, de neuf PEM, tels que le programme relatif à la frappe terrestre dans la profondeur visant à donner un successeur au lance-roquettes unitaire (LRU), le programme visant à développer des drones de contact et des munitions télé-opérées et le programme dit UCAV, destiné à financer le futur drone d’accompagnement du Rafale au standard F5.

Si le projet de budget 2024 met parfaitement en œuvre la LPM 2024-2030, j’ai toutefois trois points de vigilance.

Premièrement, il est nécessaire de bien finir l’année 2023 pour commencer l’année 2024 sur de bonnes bases. De nombreuses commandes prévues en 2023 restent à passer, y compris pour des programmes structurants tels que la cinquième tranche de quarante-deux Rafale et la commande de 420 engins blindés multi-rôles légers (EBMR-L) Serval du programme Scorpion. Pour faire face à l’inflation, dont le surcoût est estimé à près de 400 millions pour le programme 146 en 2023, et compenser le niveau élevé de la réserve de précaution, qui est de l’ordre de 6 % des crédits, la rallonge budgétaire de 1,5 milliard dans le cadre d’une loi de finances rectificative à venir et dont une grande partie devrait être consacrée au programme 146, annoncée par le ministre, sera particulièrement bienvenue.

Mon deuxième point de vigilance est l’économie de guerre. S’il est indéniable que des efforts ont été réalisés en 2023, s’agissant notamment de l’augmentation du cadencement de certaines productions, du début de la transformation de la direction générale de l’armement (DGA) et de l’étude de projets de relocalisation de filières critiques, il faut développer nos efforts selon trois axes.

Il faut résorber les goulets d’étranglement des chaînes d’approvisionnement, qui sont à l’origine de la plupart des retards industriels dans la livraison des équipements, notamment en semi-conducteurs et en produits rares sur les marchés. Il faut simplifier davantage encore nos normes et nos processus de production. C’est impératif pour augmenter notre vélocité. Il faut veiller à améliorer l’équilibre entre rusticité et hyper-technologie dans nos équipements.

Par ailleurs, en 2024, les mesures de la LPM axées sur l’économie de guerre, telles que la constitution de stocks et la création d’une réserve industrielle, seront mises en œuvre.

Mon troisième point d’attention porte sur les programmes en coopération. Le ministre et le délégué général pour l’armement les ont largement évoqués lors de leurs auditions respectives.

En 2024, l’enjeu principal sera le MGCS. La réussite d’une coopération industrielle suppose que trois conditions soient remplies : la volonté politique – elle existe de part et d’autre ; la convergence des besoins des armées – cette condition est remplie depuis la signature, le 21 septembre dernier, du document sur l’expression des besoins signé par les deux armées de terre ; la volonté des industriels de travailler ensemble – nous saurons en 2024 si cette condition est remplie.

À l’aune des auditions que j’ai menées à ce sujet, je suis confiant sur deux points : toutes les options sont sur la table ; nos armées et nos industriels travaillent à des solutions permettant d’être prêt, quel que soit l’avenir du MGCS, pour le jalon décisionnel de 2025.

Quoi qu’il en soit, les coopérations européennes sont le seul moyen de résister à l’influence de l’industrie américaine. Sur le segment des hélicoptères, par exemple, le projet européen d’hélicoptère du futur (ENGRT) développé dans le cadre du Fonds européen de la défense (FED) est le seul moyen d’éviter que le projet d’hélicoptère développé dans le cadre de l’OTAN ne produise un raz-de-marée américain sur le marché européen. Après la déferlante F-35 dans le secteur de l’aviation de chasse, il nous appartient d’éviter une déferlante H-35 dans celui des hélicoptères.

J’en viens à la partie thématique de mon rapport, consacrée aux financements européens de défense. Sous cette appellation, je rassemble les financements issus du budget de l’UE, qui n’incluent pas la Facilité européenne pour la paix (FEP), qu’évoqueront nos collègues Lionel Royer-Perreaut et Christophe Naegelen lors de la présentation de leur rapport d’information sur le bilan du soutien militaire à l’Ukraine. Le FED appelle trois observations.

D’abord, le FED est un outil que les industriels et les entreprises de notre base industrielle et technologique de défense (BITD) se sont approprié. Il finance des projets de recherche et développement (R&D) développés par au moins trois entreprises établies dans au moins trois États membres, à hauteur de 8 milliards sur la période 2021 – 2027. Au sein du FED, les industriels français sont les plus actifs et la France est le pays qui coordonne le plus grand nombre de projets – trente-et-un, soit plus de 30 % des projets.

Ce bon bilan appelle toutefois deux nuances : les PME françaises sont sous-représentées, notamment en raison de la complexité du processus d’appel d’offres ; le soutien de la DGA pourrait être optimisé, notamment en créant un guichet unique pour les entreprises. Nous en avons discuté avec le directeur général de l’armement.

Ensuite, le FED doit évoluer pour devenir un outil véritablement stratégique. Il faut se prémunir du risque de saupoudrage des moyens sur trop de projets, à l’intérêt capacitaire limité et aux participants trop nombreux. Cela suppose de se concerter sur les grandes priorités capacitaires et de s’assurer que les États dont relèvent les industriels participant aux projets s’engagent à acquérir les équipements issus des travaux de R&D financés par le FED, dont il faut, en somme, développer la plus-value capacitaire.

Enfin, la guerre en Ukraine a indéniablement fait bouger les lignes en matière de financement européen. Deux mécanismes d’urgence ont été créés : l’instrument visant à renforcer l’industrie européenne de la défense au moyen d’acquisitions conjointes (EDIRPA), qui vise notamment à recompléter les stocks de matériel cédés à l’Ukraine ; l’action de soutien à la production de munitions (ASAP).

De trop nombreux pays européens se fournissent auprès de pays tiers. Il faut aller plus vite et surtout plus fort. D’après une étude récente de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), 78 % des 100 milliards d’euros de commandes d’équipements militaires des pays de l’UE depuis février 2022 ont bénéficié à des pays tiers, au premier rang desquels les États-Unis.

Il est urgent de changer d’échelle en créant, à l’échelon européen, un véritable mécanisme de financement visant à subventionner la production en commun d’équipements militaires. D’autres actions structurelles telles que la modification de la politique de prêt de la Banque européenne d’investissement (BEI), la clarification de la taxonomie européenne et la préservation de la liberté d’exportation sont également proposées dans mon rapport.

Je vous invite à émettre un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 146.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Parmi les conclusions du rapport d’information sur la défense sol-air en France et en Europe remis par Jean-Louis Thiériot et moi-même figure la nécessité de réinvestir et de consolider celle-ci. La LPM, qui prévoit d’y investir 5 milliards de 2024 à 2030, a fait sienne cette priorité.

Je note avec satisfaction que le programme 146 prévoit le lancement, dès 2024, de deux systèmes VL MICA, successeur du Crotale. Il prévoit également de recompléter nos stocks de Mistral. Par ailleurs, le système sol-air moyenne portée nouvelle génération (SAMP NG) intégrera le missile Aster 30 Block 1 NT ainsi que le successeur du radar multifonctions Arabel et le mécanisme de conduite de tir associé.

Si la quantité de missiles commandée est confidentielle, pouvez-vous néanmoins nous donner quelques indications et quelques tendances à ce sujet, sachant qu’il s’agit de restaurer nos stocks de munitions et de compléter nos stocks de missiles ?

M. Jean-Charles Larsonneur (HOR). Sur la dissuasion, je commencerai par citer l’amiral américain Rickover, père de la propulsion navale nucléaire : « Si vous allez pécher, péchez contre Dieu, pas contre la bureaucratie. Dieu vous pardonnera, pas la bureaucratie ».

Le budget 2024 permet-il de lancer dès 2024 les approvisionnements à long délai des chaufferies K22 du porte-avions de nouvelle génération (PANG) ou nos industriels devront-ils engager des sommes importantes pour ce faire ? Quel regard portez-vous sur la découpe de la première tôle du SNLE de troisième génération (SNLE 3G) prévue pour la fin de l’année ? Le programme respecte-t-il le calendrier prévu pour être au rendez-vous à l’horizon 2035 ? Serons-nous au rendez-vous s’agissant du missile M-51.3 en 2025 qui équipera nos SNLE ?

M. Laurent Jacobelli (RN). Dans la tradition de cette commission, je poserai ma question de façon sereine, sans évoquer la façon dont le rapporteur Giletti a été traité par un membre de la majorité, qui lui a donné des leçons de finances. 3 000 milliards de dettes, 285 milliards d’endettement supplémentaire, la charge de la dette premier poste du budget en 2025 : quand on veut donner des leçons, on s’en donne les moyens.

S’agissant du MGCS, je vois bien que vous êtes attaché au couple franco-allemand, Monsieur le rapporteur, mais, honnêtement, avez-vous pris connaissance des récentes déclarations du ministre allemand de l’économie ? Il a dit qu’il défendra coûte que coûte le tissu industriel allemand, dut-il revoir les règles de concurrence budgétaire de l’Europe, dont il considère qu’elles sont « d’une autre époque ».

Comment peut-on continuer à faire avancer un programme dont nous sommes les seuls à vouloir ? L’Allemagne conclut de nouveaux partenariats, par exemple avec la Suède. Tous les responsables politiques et militaires français admettent en privé que le MGCS n’a pas d’avenir. Pourquoi s’entêter ?

M. Jean-Louis Thiériot (LR). L’une des conditions à réunir pour que les coopérations telles que le MGCS et le SCAF n’amènent pas la paralysie de notre souveraineté ni de notre modèle dual d’économie de défense est de conserver une absolue liberté de manœuvre à l’exportation. À défaut, tout le système s’effondre.

Notre principal partenaire, l’Allemagne en l’espèce, a des positions assez différentes des nôtres. Les négociations sont censées régler le problème. Or le système politique allemand prévoit que les exportations sont régies par le vote du Bundestag et qu’il est impossible, dans le cadre de coopérations, d’imaginer des produits german free.

Quel outil juridique permettrait de sécuriser absolument notre liberté de manœuvre à l’export ? Pour ne dépendre ni d’un vote du Bundestag ni de la hiérarchie des normes allemandes, ne faut-il pas recourir à un traité ?

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Chers collègues Pouzyreff et Thiériot, vos travaux sur la défense sol-air ont été pris en compte dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. La LPM 2024-2030 sacralise un patch de 5 milliards pour la défense sol-air. Cet effort se concrétise dès 2024. Des dix programmes de défense du programme 146 dont les autorisations d’engagement sont les plus substantielles, deux relèvent de la défense sol-air. Il s’agit de deux programmes phares, bénéficiant chacun d’environ 700 millions d’euros.

Dans la défense basse couche, seront livrés d’ici 2035 quarante-cinq EBMR-L Serval en version « sol-air très courte portée » au titre de la défense d’accompagnement terrestre, douze VL MICA en remplacement des Crotale et quinze tourelles d’autoprotection des bâtiments de la marine. Dans la défense moyenne portée, la LPM prévoit la livraison de huit systèmes SAMP/T Mamba équipés de missiles Aster 30 Block 1 NT d’ici 2030 et de quatre autres d’ici 2035.

Ainsi, le projet de loi de finances pour 2024 consacre plus de 1,4 milliard au renouvellement de notre défense sol-air basse couche et moyenne portée. Par ailleurs, le contrat de rénovation de deux frégates multi-missions de défense aérienne (FREMM-DA), en partenariat avec l’Italie, a été conclu dès juillet 2023, avec deux ans d’avance sur le calendrier prévu.

Aux trois questions de Jean-Charles Larsonneur relatives à la dissuasion, je réponds oui. S’agissant de l’approvisionnement en chaufferies KN22 du PANG, les choses vont dans le bon sens et le nécessaire sera fait, en 2024, pour engager les études à ce sujet. Les choses vont également dans le bon sens s’agissant du SNLE 3G ; en parallèle, il faudra assurer la modernisation des SNLE de deuxième génération (2G), qui seront en service jusqu’en 2050. Quant au missile M51.3, sa mise en œuvre est engagée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024 ; de surcroît, le M51.4 sera mis à l’étude.

Monsieur Jacobelli, j’ai rappelé les trois conditions de la réussite du MGCS. La condition politique est acquise – l’exécutif allemand, par la voix du ministre de la défense, a largement communiqué en ce sens. La condition opérationnelle l’est, sans ambiguïté, depuis la signature du document sur l’expression des besoins.

S’agissant de l’alignement des intérêts industriels, le DGA a rappelé que deux jalons sont prévus, en novembre 2023 et en janvier 2024, pour préciser les choses en la matière. 2024 sera donc une année de vérité. En tout état de cause, on ne peut pas, s’agissant d’un programme qui sert notre intérêt, torpiller l’idée d’une coopération pour la seule raison que notre partenaire est l’Allemagne, sans mener l’exercice à son terme, perdant ainsi toute chance d’obtenir un alignement industriel, dernière condition à remplir pour assurer la réussite de cette coopération.

Quels que soient les soubresauts des articles de presse et des prises de position sur ce programme, le budget 2024 lui consacre 33 millions en autorisations d’engagement. L’année 2024 ne sera pas une année blanche, contrairement à l’année 2023. 2025 sera le jalon décisionnel final. Quelle que soit la décision qui sera prise, le ministère, les armées et les industriels ont tout prévu pour s’y adapter. Sans avoir la naïveté de prôner la coopération à tout prix, j’ai confiance dans nos capacités à aller vers aller vers une solution viable s’agissant du MGCS.

Monsieur Thiériot, vous avez rappelé que les coopérations ne doivent induire aucune perte de souveraineté ni brider notre liberté d’exportation. Telle est exactement la recommandation que je formule dans la partie thématique de mon rapport. Telle est aussi la position du ministre. J’en veux pour preuve le récent rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France, d’après lequel celle-ci est « prête à étudier toute candidature » à l’accord franco-germano-espagnol relatif au contrôle des exportations en matière de défense. Cette piste mérite d’être explorée.

Par ailleurs, la Commission européenne a incité les États membres bénéficiant du FED à ne pas entraver l’exportation de matériels conçus dans ce cadre. La limitation des exportations n’a rien de théorique, comme le montre le veto allemand opposé à la vente d’avions Eurofighter Typhoon à l’Arabie Saoudite. Il s’agit d’un sujet sérieux, auquel les institutions européennes sont attentives s’agissant des projets bénéficiant de fonds européens. S’agissant des coopérations bilatérales ou trilatérales, il faut avoir pour boussole la conclusion de traités visant à garantir notre liberté d’exportation. La coopération, oui ; la perte de souveraineté, non.

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*     *

La commission en vient maintenant aux interventions des représentants des groupes politiques

M. le président Thomas Gassilloud. Mes chers collègues, après la présentation ce matin des avis budgétaires de nos huit rapporteurs, l’ordre du jour appelle cet après-midi l’examen des missions Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation et Défense ainsi que du programme 152 Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.

Mais avant de passer à l’examen des amendements et au vote sur chacune de ces missions, nous allons écouter les orateurs des groupes.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Pour la septième année consécutive, le budget de la défense est en augmentation.

En 2024, il s’élèvera à 47,2 milliards d’euros, conformément à la trajectoire adoptée dans le cadre de la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, dite LPM 2024-2030. Il est supérieur de 14,9 milliards au budget de 2017 et de 3,3 milliards à celui de l’an dernier. La volonté du Président de la République, chef des armées, ainsi que celles du Gouvernement et du Parlement ont permis cette remontée en puissance significative.

Concrètement, l’impulsion donnée en 2017 a permis d’engager une modernisation capacitaire appréciée sur le terrain. Elle a eu un impact positif sur le quotidien des militaires. Nous avons désormais un socle solide et cohérent.

Après le temps de la réparation de nos armées vient celui de la transformation. Objectivement, le budget 2024 suit le cap que nous nous sommes fixé.

 

Tout d’abord, il poursuit les efforts de modernisation. Il permet de renouveler et d’entretenir nos équipements, grâce à 13,6 milliards de commandes pour les programmes à effets majeurs (PEM) hors dissuasion et à 5,7 milliards pour le maintien en condition opérationnelle (MCO) et d’importantes livraisons. En plus de satisfaire un besoin essentiel de nos armées, cela permet de soutenir notre tissu économique et d’ancrer progressivement notre industrie de défense dans une logique d’économie de guerre.

Ce budget garantit d’autres investissements participant au renforcement de notre autonomie stratégique, dans notre dissuasion nucléaire, pour rester crédibles, et dans des domaines hautement stratégiques tels que le spatial, les fonds marins, le cyber, le renseignement, les sphères informationnelles et l’innovation, afin de donner à nos armées des capacités de renseignement, d’analyse et d’action dans les champs hybrides, matériels et immatériels.

Par ailleurs, le budget 2024 profitera directement au quotidien des militaires, grâce notamment aux moyens mis en œuvre pour parfaire l’équipement du combattant et sa préparation opérationnelle, pour renforcer le plan « famille » à hauteur de 70 millions d’euros et pour améliorer la politique salariale.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation, l’attention que nous portons au monde combattant ne faiblit pas. La nation sait ce qu’elle doit à ses combattants. Sans surprise, les droits acquis par nos anciens combattants seront maintenus en 2024.

Il en ira de même des moyens alloués à la politique de mémoire. Ce budget de 1,8 milliard est dû au fait que 2024 sera une année importante pour la transmission de notre mémoire nationale, par le biais notamment du cycle de commémoration des 80 ans des débarquements et de la Libération, pour la mise en œuvre du plan Blessés 2023-2027 d’accompagnement des blessés et de leurs familles, ainsi que pour le renforcement du lien nation-armée et armée-jeunesse.

La mission Gendarmerie nationale bénéficie de 6,3 milliards dans le projet de loi de finances pour 2024, afin de continuer à assurer au quotidien la sécurité de nos territoires. Nous nous réjouissons de la création de 238 brigades de gendarmerie, dont deux seront dans ma circonscription, à Guidel et Bubry. Si nos gendarmes sont rattachés depuis une quinzaine d’années au ministère de l’intérieur, ils conservent toute leurs militarité, qui est importante pour notre République.

Ce qui est certain et dont nous devons continuer à nous porter garants, c’est que la nation n’oublie jamais ceux qui se sont engagés pour sa défense. N’oublions jamais ces femmes et ces hommes que leur engagement amène parfois, sur ordre, à donner la mort ou à aller jusqu’au sacrifice suprême.

En responsabilité et avec confiance, le groupe Renaissance votera ces trois budgets.

Mme Caroline Colombier (RN). Les auditions menées dans le cadre de l’examen pour avis du projet de loi de finances pour 2024 ont fait émerger un constat unanime : le monde est de plus en plus dangereux et il est marqué par le retour de la logique de confrontation. Nous avons donc la responsabilité d’adapter la dimension de notre outil de défense aux conflictualités que notre pays connaîtra. Même si cela n’est pas une fatalité, la trajectoire mondiale amènera probablement notre pays à s’impliquer dans des conflits qui ne seront plus choisis, mais subis.

L’adaptation aux défis et le dimensionnement de nos armées exigent l’exécution fidèle de la LPM 2024-2030. Le projet de loi de finances pour 2024 traduit les efforts demandés sur sa première marche, ce que nous saluons. Nos soldats, marins et aviateurs attendent beaucoup de nos travaux, dont nous espérons qu’ils ne seront pas parasités, en séance publique, par un énième 49.3. Si tel était le cas, nous comptons sur la présidence de cette commission pour y intégrer les amendements des oppositions, qui révèlent les points morts du budget à venir.

Car des points morts et des points de friction, il en existe.

Nous reparlerons des crédits alloués à certains projets de coopération internationaux, tels que le système de combat aérien du futur (SCAF) et le système principal de combat terrestre (MGCS), dont nous sommes convaincus qu’ils sont voués à l’échec diplomatique et industriel. Il serait salutaire d’y mettre fin au plus vite. L’aveuglement idéologique dont procèdent ces projets peut coûter cher au modèle d’armée que nous devons ériger au profit de la France et des Français. Dans ces grands projets, la priorité est de faire confiance à nos industriels, qui sont capables de miracles et contribuent, eux, à la défense active de notre souveraineté.

Nos amendements tenteront de révéler et de remédier à des manques capacitaires cruciaux. Ils viseront notamment à relancer la filière de munitions de petit calibre, ce qui semble ne trouver aucun écho au sein de la représentation nationale alors même qu’il s’agit d’un sujet essentiel, à sortir de la logique de flux tendus par la reconstitution de stocks stratégiques, à renouer avec une logique de masse, à faire remonter en puissance le service de santé des armées (SSA), à intégrer le drone volant à moyenne altitude et de longue endurance (MALE) Aarok dans nos programmes, à augmenter la rémunération des militaires, à étoffer les services de MCO pour éviter de recourir à l’externalisation, à acquérir un A400M supplémentaire, à rénover les infrastructures de défense – bref à donner à nos armées les outils pour qu’elles soient prêtes dès ce soir, pour reprendre le mot du chef d’état-major de l’armée de terre (CEMAT).

En responsabilité, nous voterons les crédits de la mission Défense, en cohérence avec notre vote sur la LPM 2024-2030, même si nous déplorons certains points morts.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous espérons qu’elle donnera lieu à la revalorisation du point de la pension militaire d’invalidité (PMI), afin de réparer une injustice notoire des budgets successifs. Les hommes et les femmes qui ont tout sacrifié pour notre pays méritent la reconnaissance de la nation. Alors même qu’ils ont combattu pour la France, ils subissent de plein fouet la vague d’inflation.

À l’unisson des associations que nous avons reçues, nous dénonçons la très faible revalorisation de la PMI, à hauteur de 1,5 %, prévue par le Gouvernement dans le budget 2024, alors même que l’inflation était de 5,2 % en 2022. Un amendement de notre groupe prévoit une revalorisation à hauteur de 5,2 %. S’il n’est pas intégré au budget, nous nous abstiendrons.

Sur les crédits du programme Gendarmerie nationale, nous nous abstiendrons également. Nous jugeons, comme les Français, que l’augmentation du budget et les récentes annonces de création de brigades ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les émeutes de cet été nous inquiètent au plus haut point, d’autant qu’elles ont touché de plein fouet des petites communes habituellement calmes.

L’augmentation prévue ne suffit pas. Ces efforts sont insuffisants face à l’explosion de la délinquance, de l’immigration incontrôlée et de la prolifération de la drogue partout, même dans les campagnes. Toutefois, pour éviter de paralyser les moyens alloués à la gendarmerie nationale, nous nous abstiendrons.

La guerre n’est plus une hypothèse théorique. Elle constitue désormais un risque avéré. La France doit être indépendante, forte et souveraine dans ses équipements, dans sa doctrine d’emploi et dans sa vision stratégique.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). « La guerre est le domaine de l’incertitude », disait Clausewitz. L’enjeu est de réduire l’incertitude pour accroître ses chances de victoire.

Le budget de la défense que nous avons devant nous est un colosse par son montant et par son contenu. Il l’est plus encore par comparaison avec les précédents budgets qui, au nom de l’austérité et de la rationalité comptable, ont continuellement limé le glaive et émoussé le bouclier de la République.

En dépit de ce déversement de fonds et de mesures, nous devons nous demander si ce budget est à la hauteur des enjeux. Permet-il de dissiper la brume de l’incertitude qui règne sur le champ de bataille ? Au groupe de La France insoumise, nous pensons que non. Ce budget est un colosse aux pieds d’argile.

Le budget 2024 de la défense s’élève, hors pensions, à 47,2 milliards. Il respecte l’augmentation de 3,3 milliards prévus par la LPM 2024-2030. Les budgets de tous les programmes sont en augmentation. C’est un fait.

Toutefois, les prévisions d’inflation y sont minorées. Tous les responsables de programme que nous avons eu l’occasion d’auditionner témoignent de leur crainte que leur budget soit absorbé par l’inflation, dont certains redoutent qu’elle atteigne 10 %. Nous avons déposé des amendements visant à mieux tenir compte de l’inflation et à créer un nouvel indicateur pour recenser et mieux anticiper les reports de commandes qu’elle induit.

Ce budget souffre d’un manque de transparence. Les indicateurs de disponibilité des matériels et d’activité des forces armées font désormais l’objet d’une diffusion restreinte. Dès lors, la représentation nationale est en partie privée de ses outils pour contrôler l’action du Gouvernement, ce que nous déplorons. La contribution de la France à l’OTAN, quant à elle, n’est même pas présentée visiblement dans le projet annuel de performance (PAP), comme l’a relevé la Cour des comptes dans un récent avis.

Outre un manque de transparence, nous relevons un manque d’anticipation. La contribution au budget de l’OTAN pourrait s’élever à 830 millions d’euros en 2030, alors même que la France ne cesse de contribuer en nature au fonctionnement de l’Alliance, notamment par le biais de sa participation aux opérations de renforcement du flanc est de l’OTAN.

Comment cette contribution est-elle valorisée ? Quel financement de l’OTAN voulons-nous obtenir ? Avons-nous seulement une stratégie au sein de cette alliance qui n’a plus lieu d’être ou suivons-nous les États-Unis ? En l’absence de vision claire du Gouvernement sur ce point, nous avons déposé un amendement visant à obtenir un rapport sur la stratégie d’influence de la France au sein de l’OTAN.

Nous déplorons le manque de vision globale sur le long terme dont fait preuve le budget 2024, qui prévoit une stratégie « Climat et défense » mais n’explicite rien de concret, concernant notamment l’après-pétrole. Nous dressons malheureusement le même constat dans le domaine de l’espace, dont certains défis, tels que la météo spatiale et les débris spatiaux, sont oubliés.

En outre, ce budget persiste dans les errements de la coopération franco-allemande sur le SCAF et le MGCS, dont l’avenir reste plus qu’incertain. En misant tout sur le MGCS, la France s’expose à un risque sérieux de dépendance industrielle vis-à-vis de l’Allemagne et d’inadaptation de ses armées si elles étaient amenées à participer à un conflit majeur avant les années 2040-2045. Il est indispensable de développer une capacité souveraine telle que le char EMBT.

Faute de vision à long terme, ce budget ne permet pas de sécuriser l’appareil productif français dans des secteurs stratégiques tels que les supercalculateurs – l’entreprise Atos sera-t-elle sauvée ? – et la maîtrise des fonds marins, pour laquelle nous dépendons de l’entreprise Alcatel Submarine Networks (ASN). En refusant d’agir maintenant, la France risque de perdre pied et de rater la marche de la guerre de demain.

La mission Défense du projet de loi de finances pour 2024 soulève une question centrale, d’ordre à la fois démocratique et budgétaire, concernant la qualification juridique et le financement des missions opérationnelles, notamment les missions Aigle, en Roumanie, et Lynx, en Estonie. Ces missions remplissent tous les critères d’une opération extérieure (Opex). Les militaires qui y sont engagés bénéficient de presque toutes les dispositions applicables aux Opex, sauf de la bonification des pensions, ce qui n’est pas rien.

Pourtant, elles sont considérées non comme des Opex, mais comme des missions opérationnelles. Leurs dépenses de ressources humaines sont affectées au budget opérationnel de programme (BOP) Opex, ce qui apparaît comme un abus ; les autres dépenses sont financées directement par les armées. Elles pourraient – peuvent – bénéficier d’un financement interministériel inscrit au collectif budgétaire de fin d’année.

Outre le contournement démocratique évident du Parlement qu’elle constitue, cette situation provoque des tensions en gestion sur le programme 178 de la mission Défense. Nous avons déposé des amendements visant à assurer le financement des opérations Aigle et Lynx dans le cadre des Opex. Il s’agit d’assurer la sécurisation budgétaire des armées et de rendre sa place au Parlement, qui doit se prononcer sur leur opportunité.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous défendrons des amendements visant à améliorer la prise en charge des blessés psychiques et à étendre la reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins victimes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale et par les orphelins de parents incorporés de force et exécutés.

L’argent est le nerf de la guerre, nous en convenons, mais la stratégie en est le cœur. Sans stratégie cohérente ni vision globale, l’apport financier est vain. Ce budget, si imposant soit-il, ne permet pas à la France de dissiper le brouillard de l’incertitude. Nous voterons contre.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Le monde incertain dans lequel nous vivons et la nature même de la guerre nous plongent dans le fameux brouillard de la guerre de Clausewitz. Tout ce que peuvent faire un État ou une commission parlementaire, c’est essayer de trouver les solutions les plus adaptées pour faire face aux menaces qui peuvent se présenter.

Pour évaluer le budget et faire notre choix, nous suivons une règle que nous appliquons à la vie publique dans son ensemble : la cohérence. On ne peut pas voter une loi de programmation militaire et ne pas voter, quelques mois plus tard, le premier budget qui correspond à ce qu’elle prévoit à l’euro près. Ce n’est un scoop pour personne : notre groupe votera ce budget, d’autant que les choix stratégiques dont il procède nous semblent globalement cohérents.

Il assure la dissuasion, laquelle est le cœur du cœur. La sécurité de la France est à ce prix. La dissuasion, c’est la défense de nos intérêts vitaux. Tous les groupes, sauf ceux qui la refusent, auraient prévu des investissements similaires pour la financer.

Le reste procède d’une forme de pari. Il ne faut pas oublier que la défense est globale. Elle ne s’apprécie pas séparément de la situation économique du pays. Opter pour une défense forte et un pays surendetté, à la merci de ses créanciers, n’est pas une solution.

Dans la situation économique que nous connaissons, le pari est assez raisonnable. Il consiste à assurer la dissuasion à 100 % et à consentir des efforts pour la préparation de l’avenir dans la cohérence, notamment sur les segments maritimes – le rapporteur pour avis des crédits de la Marine nationale a rappelé ce matin à quel point les enjeux maritimes sont essentiels – et aéroterrestres.

Nous ne serons probablement pas engagés dans un conflit majeur dans les années à venir, du moins dans le cadre de l’OTAN, et nos alliés, notamment les Polonais et les Allemands, sont en premier rideau. Nous devons tenir notre rang de nation-cadre au niveau corps d’armée. Ce n’est pas le fantassin français qui tiendra le front de l’Est. Telle est la conséquence de ce budget, qui fait preuve de cohérence à l’aune des menaces probables, dont l’évaluation est la base de toute politique de défense.

Ce vote n’est pas un quitus. Nous nourrissons plusieurs inquiétudes, s’agissant notamment des coopérations internationales, dont notre groupe soutient la nécessité mais sans naïveté. Il faut être très vigilant et s’assurer qu’elles ne coûtent pas plus cher, qu’elles ne nous font pas perdre des actifs stratégiques, qu’elles correspondent aux besoins de nos armées et surtout que nous conservons notre liberté de manœuvre au grand export. Nous préparons une proposition de résolution visant à garantir par traité ces attendus, pour conjurer le risque que nos partenaires, notamment les Allemands par un vote du Bundestag, ne puissent défaire ce qui aurait été décidé dans les négociations entre les exécutifs.

Par ailleurs, nous serons vigilants pour que les marges budgétaires un peu augmentées que nous avons obtenues en commission mixte paritaire (CMP) à la demande de notre groupe et sur lesquelles nous sommes tombés d’accord se traduisent par de véritables effets sur la disponibilité opérationnelle des matériels et sur le taux d’entraînement de nos troupes. Nous ne sommes qu’au début de cette manœuvre : l’avenir nous permettra d’en juger.

Sans hésitation, notre groupe votera ce budget.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Au nom du groupe Démocrate, je salue l’effort budgétaire prévu par le projet de loi de finances pour 2024 en faveur de nos armées. Les crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, ainsi que ceux du programme Gendarmerie nationale, traduisent très concrètement notre volonté d’achever la réparation et de poursuivre la transformation de nos armées, de soutenir au mieux nos soldats ainsi que leurs familles, et d’honorer la mémoire de ceux qui se sont battus pour la France.

Je rappelle, car certains ont l’air de l’oublier, que le budget 2017 de la défense était de 32,7 milliards. En 2024, il sera de 47,2 milliards. La marche était haute. Tout le monde peut s’accorder à dire que notre nation a consenti un effort considérable, certes nécessaire.

Les lois de programmation militaire sont là pour donner une vision à long terme. Contrairement à M. Lachaud, je pense que nous en avons une. Les nécessaires transformations et surtout adaptations aux menaces de nos armées sont bien comprises par nos armées, par le chef d’état-major et par la stratégie qu’il met en œuvre.

Nous devons continuer de privilégier la cohérence à la masse. Le budget pour 2024 des armées met l’accent sur la préparation opérationnelle, sur le MCO, sur le renouvellement des équipements et sur l’amélioration des conditions d’entraînement. Nous n’ignorons pas la nécessité de s’adapter aux nouvelles technologies et aux nouveaux milieux de conflictualité. Ce budget prévoit aussi des investissements importants dans des domaines clés des conflits de demain, tels que le cyberespace, l’espace, les fonds marins et le renseignement. Nous avons une vision d’avenir et de l’évolution des conflits concrète et réaliste.

Nous saluons également les efforts consentis pour le soutien aux soldats et à leurs familles. Notre groupe est très attaché au plan « famille ». Nos armées ne sont opérationnelles qu’avec des hommes et des femmes. Ils doivent vivre leur engagement, avec leurs familles, dans de bonnes conditions. Nous sommes très attachés au plan « famille 2 », auquel le budget alloue 70 millions.

Nous voterons ces crédits, qui nous semblent indispensables à nos armées.

J’appelle l’attention sur la nécessité de poursuivre la construction de l’Europe de la défense avec nos voisins. Le conflit en Ukraine nous a rappelé notre fragilité potentielle. Si nous optons pour l’émiettement, si chaque pays vit dans ses frontières avec ses seuls moyens, il sera difficile de maîtriser un conflit. Seule l’Europe de la défense peut y parvenir. Elle est un objectif vers lequel nous devons tendre, même si le chemin est long et difficile, même si les intérêts des uns et des autres sont parfois contraires. Nous devons nourrir cette vision à long terme avec force.

Le budget de la mission Anciens combattants mémoire et Liens avec la nation est un bon budget. Il assure un équilibre entre reconnaissance et réparation. Il permet d’améliorer le plan Blessés 2023-2027, au bénéfice notamment des blessés psychiques, dont la prise en charge, qui a été un angle mort de notre politique pendant de très nombreuses années, est désormais tout à fait identifiée. Nous devons accompagner ces personnes avec beaucoup d’attention.

Par ailleurs, 2024 sera une année commémorative importante. Des crédits significatifs ont été prévus. Les crédits consacrés à la politique de mémoire sont essentiels. Nous voterons les crédits de la mission Anciens combattants mémoire et Liens avec la nation.

Les crédits du programme Gendarmerie nationale sont en hausse de 4,8 %. Ils permettent la création de 1 045 emplois et servent deux ambitions pour l’année 2024 : la participation des gendarmes à la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, où ils seront en première ligne, et la création annoncée de 200 brigades. Des points de fragilité subsistent, s’agissant notamment des infrastructures. Nous serons vigilants mais n’en voterons pas moins ce budget sans difficulté.

Mme Anna Pic (SOC). Trois mois après l’adoption de la LPM 2024-2030, nous sommes réunis pour examiner le premier budget visant à mettre en œuvre la trajectoire budgétaire et la vision stratégique entérinée à cette occasion. Si, comme lors de l’examen de la LPM 2024-2030, nous ne pouvons que saluer l’augmentation des crédits et le suivi de la trajectoire programmée, notre sentiment général est partagé.

Satisfaisants à certains égards, les budgets des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation n’en sont pas moins contestables. Le groupe Socialistes et apparentés fait part de divergences de vision s’agissant de la répartition des crédits et des choix effectués.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, plusieurs points saillants démontrent les limites de ce budget.

En premier lieu, la revalorisation du point d’indice de la PMI à hauteur de 1,5 est loin d’être suffisante compte tenu de l’inflation. D’une même voix, les représentants d’associations d’anciens combattants que nous avons auditionnés la semaine dernière ont exprimé, avec force et solennité, leur inquiétude à ce sujet. En effet, l’inflation attendue cette année devrait s’élever à 5,8 %, en augmentation par rapport à 2022, et risque de rester supérieure à 3,5 % pendant de longs mois. L’inquiétude teintée d’amertume de nos anciens combattants est parfaitement légitime. Le Gouvernement doit faire beaucoup mieux à cet égard. Nous défendrons une proposition visant à évaluer l’opportunité d’une concomitance entre la valeur du point PMI et celle du point d’indice de la fonction publique.

En deuxième lieu, malgré un budget en hausse, les crédits alloués à la vie commémorative semblent sous-évalués. En effet, 2024 sera l’année du quatre-vingtième anniversaire du débarquement en Normandie. Les commémorations afférentes, si importantes soient-elles, risquent d’absorber à elles seules, dès le mois de juin, l’enveloppe budgétaire. Il ne s’agit pas de remettre en cause ces crédits ni la nécessité de commémorer cet événement singulier de notre histoire, mais, bien au contraire, de souligner la faiblesse du budget global à l’aune du contexte. Le sous-dimensionnement des autres commémorations risque d’être inévitable, ce qui laissera aux collectivités locales, dont les finances sont bien souvent exsangues, le soin de les financer. Nous ne pouvons pas accepter cette situation.

En troisième lieu, nous déplorons la non-attribution du statut de blessés de guerre aux vétérans ayant participé aux essais nucléaires en Polynésie française et dans le Sahara, alors même qu’ils sont victimes de maladies radio-induites. Il s’agit d’un angle mort majeur. La réparation financière dont bénéficient ces vétérans doit être attribuée au titre de blessures subies dans le cadre de leurs fonctions militaires et non en tant que civils.

Nous défendrons d’autres amendements, visant notamment à la mise à jour de la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant et à la modification de l’âge à partir duquel certaines allocations sont octroyées. De façon globale, nul besoin d’être économiste pour comprendre qu’une stabilité des crédits alloués dans un contexte inflationniste signifie une baisse de budget.

En dépit du déploiement, salué et auquel nous sommes très attentifs, des maisons ATHOS et de plusieurs mesures que nous attendions, nous ne voterons pas le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation.

S’agissant de la mission Défense, plusieurs points méritent une attention particulière.

Le premier d’entre eux n’est pas sans incidence sur nos militaires en exercice et sur notre politique de recrutement : il s’agit de la politique de rémunération. En dépit de la prochaine finalisation de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) et de la récente revalorisation des grilles, le rééquilibrage du traitement indiciaire et indemnitaire des militaires est longtemps resté un impensé de la politique gouvernementale.

Les informations nous manquent pour être convaincu qu’une prise de conscience a eu lieu. Compte tenu de la réduction du nombre d’Opex et des salaires pratiqués dans le secteur privé, un tel rééquilibrage est pourtant la mesure la plus appropriée pour relever les défis de l’attractivité et de la fidélisation de nos troupes.

Le deuxième point sur lequel nous souhaitons appeler l’attention est le bâti, notamment la vétusté de nos bases de défense et la baisse considérable du budget relatif aux infrastructures de santé. Les difficultés récurrentes, dénoncées par la Cour des comptes dans un rapport publié en juin dernier, ne semblent pas près d’être résorbées. La remise à niveau complète des hôpitaux militaires est pourtant essentielle pour le SSA.

Le troisième point ayant appelé notre attention est l’augmentation du budget des écoles militaires de 3 % seulement, alors même que l’inflation est supérieure à 5 %, et même très supérieure sur leurs principaux postes de dépenses que sont l’énergie et l’alimentation.

D’autres points nous ont interpellés, notamment le projet de fusion de l’école nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) Paris et de l’ENSTA Bretagne, dont les deux diplômes ne jouissent pas d’une reconnaissance au même niveau. Nous serons vigilants à l’évolution de ce projet.

Par ailleurs, en dépit d’une hausse importante des crédits, nous nourrissons des doutes sur la préparation opérationnelle. Comment satisfaire aux critères de l’OTAN si l’on manque d’hommes et de matériel pour réaliser la préparation ?

Sur ce budget, nous nous abstiendrons.

La mission Sécurités a été érigée par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) en étendard. Le groupe Socialistes et apparentés estime, comme l’an dernier, que la réforme territoriale de la police nationale risque d’affaiblir les capacités de la police judiciaire. Par ailleurs, le budget pour 2024, pas davantage que le précédent, ne prévoit aucun équivalent temps plein (ETP) supplémentaire pour la sous-action 06.01 Formation de la police nationale. Nous proposerons d’en augmenter les crédits de 100 millions.

Nous voterons contre les crédits de la mission Sécurités.

M. Loïc Kervran (HOR). Au nom du groupe Horizons et apparentés, je tiens à exprimer notre profonde satisfaction de l’augmentation substantielle du budget de nos forces armées. Pour l’année 2024, notre pays consacrera 47,2 milliards à sa défense, soit quasiment 50 % de plus que ce qu’il dépensait en 2017 et 3,3 milliards de plus que l’année dernière. Il s’agit d’une augmentation sans précédent.

Cet accroissement budgétaire est en parfait accord avec les objectifs de la LPM 2024-2030. Plus profondément, il est aussi en accord avec nos obligations morales.

Notre première obligation morale est envers les hommes et les femmes qui servent ou ont servi la France. Clemenceau a eu, au sujet des anciens combattants, ce mot célèbre et souvent cité : « Ils ont des droits sur nous ». Nos devoirs envers ceux qui défendent la France et ses valeurs de nos jours ne sont pas moindres. Nous devons leur fournir un équipement individuel et des véhicules qui les protègent efficacement, leur donner les armes et le renseignement leur assurant la supériorité et la victoire, et mieux les rémunérer. C’est ce que fait ce budget.

Notre deuxième obligation morale est envers les Français. Le monde dans lequel nous évoluons est dur et dangereux, chaque jour un peu plus. Les autres pays s’arment, mettent à l’eau des flottes, constituent des stocks de munitions. La guerre est là en Ukraine, en Arménie, au Mali, en Israël ; l’agressivité contre la France et ses intérêts, quotidienne. Nous n’avons pas le droit de ne pas nous donner les moyens d’assurer la sécurité des Français.

Ce budget renforce nos capacités dans tous les domaines prioritaires identifiés par la LPM 2024-2030. Nous allouons des ressources considérables à l’innovation, à l’espace, à la défense sol-air, aux drones, au cyber, aux forces spéciales, au renseignement et à la souveraineté outre-mer : autant d’investissements essentiels pour maintenir à niveau notre sécurité nationale et notre rôle sur la scène internationale.

En 2024, grâce à ce budget et à la mobilisation de nos industriels, il y aura plus d’avions, plus de canons, plus d’hélicoptères, plus de drones, plus de munitions. J’en donnerai deux exemples, offerts par deux entreprises présentes dans le département du Cher, qui contribue tant à la défense de notre nation. L’année prochaine, huit canons Caesar sortiront chaque mois des usines de Nexter, contre deux en 2022, et MBDA fabriquera bientôt quarante missiles Mistral par mois contre vingt jusqu’à présent.

Ce budget permet de renouveler l’engagement de la France dans une collaboration étroite avec ses partenaires européens et de l’Alliance Atlantique. Nous nous félicitons du maintien du soutien financier de l’État aux programmes de coopération bilatérale et européenne visant au développement de nouvelles technologies d’armement, tels que le SCAF et le MGCS.

L’encouragement aux initiatives diplomatiques dans le domaine de la défense doit se poursuivre. Nous saluons la coopération militaire lancée cette semaine avec l’Arménie. L’investissement continu dans notre dissuasion nucléaire est lui aussi fondamental, car il constitue le pilier de notre souveraineté nationale et une garantie supplémentaire de l’autonomie stratégique de l’Europe.

En examinant ce budget, nous ne devons pas oublier le caractère profondément humain de l’action du ministère des armées. Nous nous réjouissons de la mise en œuvre du plan « famille 2 », des moyens dédiés à la modernisation des infrastructures et des lieux de vie des militaires, ainsi que des efforts du ministère en matière de logement et d’environnement.

Convaincu que ces ressources sont essentielles pour garantir la sécurité de notre nation, renforcer notre position sur la scène internationale et soutenir nos militaires ainsi que leurs familles, le groupe Horizons et apparentés votera les crédits de la mission Défense.

Nous voterons également les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation. Je tiens à partager ma satisfaction de constater que les crédits de cette mission dédiée seront stables en 2024, en dépit de la baisse tendancielle du nombre de bénéficiaires de l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG). Le plan Blessés 2023-2027 permettra une prise en charge et un suivi toujours plus poussés des soldats, dès leur retour de mission ou d’Opex.

Par ailleurs, l’année 2024 sera riche en commémorations célébrant les 80 ans de la Libération. Les crédits supplémentaires alloués à la politique de mémoire devront permettre d’y associer autant que possible les associations, la jeunesse et tous les Français. Quant aux harkis et leurs familles, le groupe Horizons et apparentés soutient le renouvellement des engagements de l’État à leur égard.

 

S’agissant du programme Gendarmerie nationale, nous saluons la création de 238 brigades, qui marque la volonté d’assurer la présence de l’État sur tout le territoire et de porter une attention particulière à la sécurité des habitants des zones rurales.

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La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense »

 

Article 35 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN6 de Mme Valérie Rabault

Mme Isabelle Santiago (SOC). Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à augmenter de 5 % la dotation dite du gasoil, allouée à nos forces armées, afin de tenir compte des incertitudes et des risques internationaux qui pourraient affecter le prix du pétrole. Notre demande intègre la hausse des tarifs de cession qui pourrait se poursuivre, ainsi que du volume de carburant nécessaire à l'activité de nos forces armées en 2023. Nous déposons régulièrement cet amendement.

L’amendement procède à une écriture administrative pour gager la dépense, mais nous souhaitons que le Gouvernement lève le gage en cas d’adoption de l’amendement.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis (Soutien et logistique interarmées). La hausse du coût des carburants est un sujet important. En 2022, le budget prévisionnel a été dépensé dès la fin du premier semestre. La gestion du compte courant de commerce du service de l’énergie opérationnelle (SEO) et celle du programme 178 Préparation et emploi des forces se retrouvent sous tension.

Je vous demande de retirer votre amendement car j’en ai déposé un sur le même sujet, mais le mien prévoit une augmentation des crédits de 100 millions d’euros quand le vôtre se contente d’une hausse de 1 680 040 euros. Si vous souhaitiez le maintenir, je voterais tout de même en sa faveur.

La commission rejette l’amendement.

 

 

 

Amendement II-DN7 de Mme Mélanie Thomin

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à abonder les crédits dédiés à la préparation des forces navales car, à 89 %, la fonction de protection est la plus faible de toutes les forces armées ; le constat est particulièrement préoccupant pour la sécurité de notre zone économique exclusive (ZEE). Comme l'indiquait le projet annuel de performances (PAP) de la mission Défense du PLF pour 2023, le niveau de couverture des zones de surveillance maritime devrait se maintenir à 68 % jusqu’en 2025 et le parc des moyens aériens et maritimes resterait quantitativement équivalent. Ce taux de couverture restant très faible, nous proposons d’augmenter les crédits de paiement alloués à la préparation des forces navales.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Marine). La dernière LPM a consacré une montée en puissance de la préparation des forces navales. Le PLF pour 2024 affiche une augmentation des autorisations d'engagement de 20 % et des crédits de paiement de 9 % ; cet effort sera poursuivi toutes les années couvertes par la LPM. J’émets un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN10 de Mme Mélanie Thomin

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à augmenter les crédits du plan « famille 2 », afin de faire porter l’effort financier en début de période de programmation et de s’assurer que les crédits de paiement disponibles sont en phase avec les autorisations d'engagement du PLF pour 2024.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Plus tôt nous pouvons agir pour les familles, mieux c’est : le chantier est tel que ces 7 millions d’euros supplémentaires dès l’année prochaine seront utiles. L’avis est favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN16 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à restaurer un niveau de crédits équivalent à celui de 2023 pour la rénovation et la création des infrastructures des bases de défense.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Pour les mêmes raisons que pour l’amendement précédent, l’avis est favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN17 de Mme Mélanie Thomin

Mme Isabelle Santiago (SOC). C’est le même amendement, mais il concerne le logement des familles de militaires.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN18 de Mme Isabelle Santiago

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à doubler les crédits alloués à la transition écologique dans le ministère des armées. Celui-ci a élaboré un plan Climat, mais il importe d’augmenter les crédits dans ce domaine pour que la transition s’opère le plus rapidement possible.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le ministère des armées possède de très nombreux bâtiments fort vétustes, qui n’offrent pas le confort nécessaire aux militaires et à leurs familles. Il est indispensable d’agir rapidement, car les passoires thermiques ne contribuent pas à la fidélisation des militaires. L’avis est favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN19 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vient compenser par un montant de 1,2 million l’une des conséquences financières de l’externalisation des services de restauration et d’alimentation des armées : le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée pour 2024. Beaucoup de restaurants sont passés en gestion déléguée ; nous préférerions que ce service reste assuré en interne.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Demande de retrait. Il ne faut pas confondre les concessions au profit de l’économat des armées, très bel instrument, établissement public historiquement uni aux armées par des liens étroits, et l’externalisation de la restauration. Les concessions à l’économat permettent une véritable rénovation du bâti et rendent ainsi un service sans externalisation, contrairement à certains mécanismes antérieurs qui étaient réellement problématiques.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Je ne retire pas l’amendement, car il a pour première signataire ma collègue Anna Pic, qui s’est appuyée pour l’écrire sur des situations qu’elle connaît dans sa circonscription.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN20 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago (SOC). Lors de son audition par la commission de la défense le 3 octobre dernier, le ministre Lecornu évoquait une augmentation de l’ordre de 70 millions des crédits alloués au service de santé des armées dans le PLF pour 2024. Or, s’il est vrai que le budget des sous-actions Fonction santé des programmes 178 et 212 augmente, au total, les crédits alloués à la santé dans nos armées connaissent une baisse de 23 millions.

En outre, dans un rapport de juin dernier, la Cour des comptes soulignait : « Les difficultés récurrentes du ministère des armées à inscrire dans sa programmation budgétaire la remise à niveau complète des hôpitaux militaires, nécessaire tous les soixante ans, concernent actuellement l’hôpital Laveran de Marseille, élément essentiel du dispositif du service de santé des armées, dont la reconstruction devient urgente. En juin 2023, la reconstruction du futur hôpital sur le site de la caserne Sainte-Marthe d’ici à 2030 a été annoncé par le Président de la République, mais le financement de cette opération n’a pas été prévu dans le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire 2024-2030. »

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Vous avez raison en ce qui concerne Laveran. C’est un vrai problème : nous votons une LPM et, dans la foulée, avant même la commission mixte paritaire, le Président annonce la création d’un nouvel hôpital qui n’est pas du tout financé dans la LPM. Il faut donc abonder le budget du SSA pour cela. Avis favorable.

Il est également nécessaire, vu notre contribution à l’Otan, de nous interroger sur les contreparties que l’Alliance peut nous apporter : selon certains, le financement de cet hôpital pourrait bénéficier de fonds de l’Otan. Le Gouvernement doit être plus explicite sur ce point.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN21 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à lisser les crédits liés à la cyberdéfense sur les prochaines années de la LPM.

Conformément aux engagements pris dans le cadre de cette dernière, les enjeux de cyberdéfense bénéficient dans ce PLF d’une attention particulière, comme en témoigne l’augmentation considérable des crédits qui leur sont alloués. Si le développement de nos capacités cyber est une absolue nécessité, d’autres postes subissent en parallèle une baisse de crédits. Voilà pourquoi nous proposons ce lissage et une hausse de 100 millions au profit de la sous-action Infrastructures de santé du programme 178. La construction de l’amendement est due aux contraintes de l’article 40.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Tout ce qui permet d’avancer les dépenses qui ont été rejetées à la fin de la LPM est une bonne chose. Favorable.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis (Équipement des forces Dissuasion). Les 500 millions consacrés au cyber représentent une accélération souhaitée par tous les groupes et qui a fait l’objet de nombreux échanges avec les militaires et civils entendus par notre commission. Je ne comprends pas que l’on veuille ainsi déshabiller Pierre pour habiller Paul. Le PLF pour 2024 en ferait trop pour la cybersécurité ? On ne peut pas se plaindre d’insuffisances ou de retards dans certains domaines, puis défendre de tels amendements. Croyez-nous, la copie reste équilibrée et l’effort en matière de cyber est nécessaire. Je suis très défavorable à cet amendement.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Moi aussi. Le propre d’une LPM est la cohérence. Ce jeu de ping-pong n’est pas très sérieux. Il y a beaucoup d’orgueil à croire que l’on peut jongler ainsi avec 100 millions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN22 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à abonder les crédits en faveur des écoles militaires.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Ces crédits sont augmentés de 3 % pour 2024. Il s’en ajoute d’autres que l’on ne voit pas car ils viennent de l’extérieur. Je pense notamment au PEM (Pôle écoles Méditerranée), qui a des coopérations avec la région et envoie des marins en formation à la Coudoulière, à Six-Fours.

En outre, les infrastructures de la Marine, bénéficient d’une augmentation de 8 % en crédits de paiement en 2024, pour un total de 157 millions d’euros (hors dissuasion).

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN29 de M. Frédéric Boccaletti

M. Frédéric Boccaletti (RN). Il tend à abonder de 100 millions le programme Environnement et prospective de la politique de défense, afin de réunir les fonds nécessaires à la bonne réalisation du projet de création du bataillon de réservistes du renseignement en 2024.

Les récents événements internationaux ont mis sur le devant de la scène l’importance du renseignement humain combiné au renseignement technique. Il est indispensable de prévoir un budget destiné à ce poste stratégique pour nos armées et nos intérêts.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis (Environnement et prospective de la politique de défense). Demande de retrait ou avis défavorable.

La brigade de renseignement a été dissoute en 2016 au profit du commandement du renseignement. Votre amendement me permet toutefois de souligner le rôle que les réservistes jouent dans le domaine du renseignement – je pense en particulier à la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure) et à la DRSD (direction du renseignement et de la sécurité de la défense), qui relèvent toutes les deux du programme 144 dont je suis rapporteur pour avis. Mais si vous créez une brigade au sein de l’armée de terre, elle doit relever de l’armée de terre, c’est-à-dire du programme 178 et non du programme 144 comme vous l’indiquez dans le dispositif de votre amendement.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Forces terrestres). Même avis.

Je salue l’importance des réservistes de l’armée de terre. Celle-ci est en train d’adapter en profondeur son modèle et sa doctrine d’emploi des réservistes pour préparer le doublement de leur nombre, prévu dans le cadre de la LPM. Cette refonte se fera dans la durée. Le besoin est élevé s’agissant de la création d’une réserve de compétences, mais il est encore trop tôt pour évaluer précisément les crédits spécifiquement nécessaires au bataillon de réservistes du renseignement et il ne m’apparaît pas opportun de flécher des crédits, en particulier vers ce poste, alors que d’autres fonctions critiques, comme le cyber ou la maintenance, ont également besoin d’être renforcées par des réservistes.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN34 de M. Julien Rancoule

M. Julien Rancoule (RN). Avoir une dissuasion nucléaire consolidée, de grands programmes d’armement renouvelés et de grandes ambitions dans le domaine du spatial ne doit pas nous faire oublier qu’à la fin des fins, sur le terrain, quand le militaire se retrouve face à l’ennemi, il a besoin d’une cartouche pour se défendre contre celui qui veut le tuer.

La France est le seul membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies à ne pas avoir de filière nationale de production de munitions de petit calibre. Nous ne pouvons pas l’accepter. Nous devons apprendre des dernières années – je pense aux pénuries de masques et de médicaments que nous ne produisions même plus en France. N’ayons pas la même naïveté s’agissant des munitions de petit calibre : en la matière aussi, nous pouvons connaître des situations exceptionnelles qui fragiliseraient les acheminements. L’amendement vise à relancer cette filière sur notre territoire.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. La relocalisation de filières critiques pour l’approvisionnement de nos armées, dont celle dont vous parlez, est un sujet important et une exigence de la loi de programmation militaire. Notre commission avait amendé le rapport annexé de la LPM en ce sens. Soyez donc rassuré sur ce point.

Néanmoins, il serait prématuré d’inscrire à cette fin des crédits dans la loi de finances pour 2024, notamment au profit du programme 146 : le sujet nécessite des travaux structurels, en lien avec les industriels, qui ne se relancent pas d’un trait de plume sur un programme aussi important.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Julien Rancoule (RN). Nous préconisions cette relocalisation dans le rapport de la mission flash sur les stocks de munitions dont j’étais rapporteur avec Vincent Bru. Dans ce cadre, nous avions rencontré des industriels et des personnes de différents ministères, dont l’intérieur ; ils nous avaient dit qu’un projet était déjà dans les tuyaux et que les munitions devaient commencer à être produites fin 2024. Il serait donc parfaitement pertinent de voter dans ce PLF un budget destiné à appuyer ce projet.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. La LPM 2024-2030 prévoit une enveloppe de 16 milliards d’euros en faveur des munitions, notamment de petit calibre. Vous avez donc été entendu.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN38 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Il vise à alerter le Gouvernement sur la nécessité, dans un objectif d’attractivité, de fidélisation et de disponibilité des réservistes opérationnels des trois armées, de leur accorder une carte de circulation militaire, au même titre qu’à leurs camarades d’active.

Cela permettrait de faciliter leurs déplacements sans surcharger la cellule de transport régimentaire par la demande de bons unitaires de transport, de les fidéliser par une réduction de 75 % sur leurs voyages sur le réseau ferroviaire national et de rendre attractive la réserve opérationnelle.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. C’est un amendement d’appel au Gouvernement, qui n’est pas représenté ici. Je vous invite donc à le retirer pour le redéposer en vue de la séance, en espérant qu’il n’y aura pas eu de 49.3 d’ici là et que vous aurez une réponse du ministre.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN40 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Avant le projet Fomedec (formation modernisée et entraînement différencié pour les équipages de chasse), la formation des pilotes comprenait des étapes sur le TB-30 Epsilon et l’Alphajet. Fomedec a fusionné les phases d’Epsilon et Alphajet, conservant seulement la transition opérationnelle à Cazaux. Avec le projet Mentor présenté en 2019, cette phase se déroule à Cognac, grâce à des PC-21 de nouvelle génération, plus économiques. Mais leur nombre ne permet pas à l’ensemble des élèves de s’entraîner pour honorer leur contrat opérationnel ; on a besoin de cinq nouveaux PC-21 NG, dont le coût est estimé à 12 millions l’unité.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Vous avez raison de souligner l’apport de ces avions à la formation des pilotes, qui permettent notamment de se familiariser avec l’avionique du Rafale, et leur avantage économique. La base de Cognac recevra bientôt des drones Male (volant à moyenne altitude et de longue endurance) et des ALSR (avions légers de surveillance et de reconnaissance). Le chef d’état-major ne nous a fait part d’aucune alerte au sujet des PC-21. Avant les neuf commandés en 2021, l’armée de l’air et de l’espace en avait déjà dix-sept.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN41 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Si la LPM prévoit une augmentation de 460 ETP d’ici à 2030, le niveau des années 2015-2016 est loin d’être atteint alors que le SSA a subi une dizaine d’années d’arbitrages budgétaires défavorables. Un rapport d’information sénatorial a alerté sur la pénurie, qui pourrait coûter cher dans l’hypothèse d’un conflit de haute intensité. Il convient donc de renflouer l’enveloppe consacrée aux ressources humaines du SSA en l’abondant de 20 millions en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je comprends l’objectif, mais je doute que 20 millions suffisent. Les postes sont ouverts, mais non pourvus ; ce n’est donc pas en en ouvrant davantage que l’on rehaussera les effectifs. Et avec 20 millions, on ne peut pas à la fois ouvrir les postes et revaloriser significativement les rémunérations. Une réflexion plus globale est nécessaire.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN42 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Le rapport d’information sénatorial que j’ai cité signale l’urgence d’accélérer l’acquisition de groupements médico-chirurgicaux (GMC) dans la perspective d’un conflit de haute intensité. Pour préparer le SSA à un engagement majeur, la priorité est de reconstituer sa capacité à déployer des hôpitaux de campagne. Il apparaît donc essentiel d’acquérir dès 2024 trois GMC de plus, pour un coût total de 18 millions.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Même avis que sur le précédent amendement. Nous n’avons malheureusement pas les effectifs qui permettraient d’armer ces trois GMC supplémentaires. Il faut d’abord recruter et, pour cela, rendre le SSA plus attractif.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN43 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Selon la LPM, l’armée de l’air et de l’espace prévoit l’acquisition de six systèmes de drones Male Eurodrone d’ici à 2035, pour un montant initial de 2 milliards. Toutefois, lors du vote final de la LPM, il n’était pas encore question du drone Male Aarok, développé par Turgis & Gaillard. Véritable vedette du Salon du Bourget, ce drone français moins coûteux et plus léger que l’Eurodrone a suscité l’intérêt des armées, à commencer par le chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, qui s’est déclaré « prêt à payer pour voir » lors d’une audition ici même.

Le PLF pour 2024 offre précisément l’occasion de payer pour voir, en vue de doter les armées, si les premiers achats sont concluants, d’un outil souverain de surveillance et de renseignement. Le coût unitaire est estimé entre 5 et 10 millions. Il conviendrait de doter nos armées de quatre appareils, ce qui représente un investissement relativement peu important au regard des gains capacitaires et des retombées économiques attendus.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Nous avons tous été bluffés par ce drone. Le ministre lui-même, au Sénat, l’a jugé très intéressant. Son premier vol devrait avoir lieu dans quelques mois. Malgré l’intérêt qu’il suscite et le retard que nous accusons dans ce domaine, il est donc encore trop tôt pour engager en 2024 des crédits de paiement sur ces capacités précises.

La LPM prévoit de consacrer 5 milliards aux drones. Nous sommes d’accord concernant l’objectif et la solution. Patience !

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). En effet, nous avons tous été frappés par ce produit de Turgis & Gaillard, et je suis d’accord avec le chef d’état-major de l’armée de l’air : cela vaut la peine de payer pour voir. Mais je ne voterai pas l’amendement, car le drone ne vole pas encore. Il faudra envisager de lui consacrer des crédits, à l’intérieur de l’enveloppe de 5 milliards, dès que nous aurons la certitude que le vecteur et les différents effecteurs fonctionnent. Je ne suis pas du tout contre l’amendement ; simplement, c’est trop tôt.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Air). Je soutiens l’amendement. Il faut envoyer des signaux positifs à notre BITD, surtout quand elle est « rafraîchissante » : ici, une entreprisequi a développé sur fonds propres un projet que les grands consortiums mettent plusieurs années à faire aboutir – je ne reviens pas sur les délais de développement  de l’Eurodrone. Ce produit a la confiance de la DGA (direction générale de l’armement) et du ministre ; il a été vendu en Ukraine pour un essai : si les Ukrainiens ont mis de l’argent pour le développer, je ne vois pas pourquoi nous n’en ferions pas autant.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Le signal que vous souhaitez est envoyé par la LPM : ce sont les 5 milliards, que nous investirons dans des solutions réellement éprouvées. Ne vous inquiétez pas : dans quelques mois, le sujet sera traité.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Il y a effectivement un projet avec la BITD ukrainienne, mais il ne s’agit pas du même modèle que celui qui pourrait intéresser les armées françaises : celui-là est plus simple, avec une motorisation plus légère et des objectifs qui ne sont pas exactement les mêmes. Si l’idée est un produit sinon alternatif à l’Eurodrone, du moins complémentaire, ce n’est pas cela qui est vendu à l’Ukraine.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN46 de M. Michaël Taverne

Mme Caroline Colombier (RN). La BITD française constitue un pilier solide de notre économie et les grandes entreprises de ce secteur en sont autant de fleurons. En effet, les exportations d’armement constituent pour tout un pan de notre industrie une véritable force d’entraînement d’autant moins négligeable que notre pays ne cesse de battre des records de déficit commercial et de baisse de la part de l’industrie dans la production nationale de richesses.

Dans ce contexte, la baisse de 8,1 % du budget alloué à la politique de soutien aux exportations conduite par la DGA apparaît parfaitement contre-productive, alors même que l’État se doit, tout autant pour la BITD que pour le reste de nos entreprises, notamment industrielles, de soutenir l’export et de promouvoir nos productions nationales.

Nous proposons donc d’abonder de 5 millions le budget de la sous-action DGA/Soutien aux exportations de l’action 52 du programme 212.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous souhaitons que la BITD puisse se développer sans être dépendante de l’export. Un soutien appuyé à l’export ne garantirait pas la souveraineté du pays : si notre BITD dépend des achats d’autres puissances, nous serons dans leur main.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN49 de M. Emeric Salmon

M. Laurent Jacobelli (RN). Les conditions de logement sont importantes pour attirer et fidéliser les militaires. En préparant notre rapport d’information, mon collègue Chenevard et moi-même avons constaté combien la question était récurrente. Or 25 % seulement du patrimoine immobilier de la défense est en état. Nous proposons donc des crédits supplémentaires pour que nos soldats vivent dans des conditions décentes.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La somme proposée, de 15 millions, n’est pas suffisante face aux enjeux. Nous ne pouvons pas laisser entendre qu’elle le serait. Je vous demande donc de retirer l’amendement pour réévaluer ce montant à la hausse en séance.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN52 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Le programme MGCS (système principal de combat terrestre), conduit avec les Allemands, est en déshérence totale. L’objectif en était politique avant d’être opérationnel. Le ministre allemand de l’économie s’est dit prêt à se libérer des règles et des engagements européens pour défendre avant tout l’industrie allemande. D’ailleurs, il a commencé, signant avec d’autres partenaires – la Suède, l’Italie, l’Espagne – un autre programme qui, contrairement à ce qui a été dit ici même, pourrait concurrencer le MGCS.

La France ne doit pas être le dindon de la farce. Il nous faut prévoir ce qui va arriver. Six ans ont été nécessaires pour se mettre d’accord sur les objectifs du MGCS : dans de telles conditions, il y a une probabilité non nulle qu’un projet aille dans le mur…

Parce que nous avons besoin de cet équipement, parce que nous ne pouvons pas laisser aux seuls Allemands le sort de la souveraineté de notre défense, nous proposons que l’on prépare un plan B pour le MGCS.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. C’est un amendement d’appel, mais si je m’en tiens à l’objectif que vous venez d’expliciter, il est satisfait. En effet, tout est fait pour que, à partir de 2025, l’ensemble des options qui sont sur la table puissent être activées. Quant à l’autre projet auquel vous vous référez – un projet de composants, non de système de combat –, connaissez-vous le montant total qui lui est alloué ? 30 millions. Et celui que notre pays inscrit, dès 2024, dans le projet de loi de finances pour engager les études sur le MGCS, en AE ? 33 millions. En réalité, il n’y a pas de concurrence entre les deux projets.  Le MGCS est conforté par la volonté politique et la convergence des besoins militaires, qui sont les deux premiers prérequis. Pour le troisième, la convergence des industriels, 2024 sera l’année de vérité.

Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je me contente de lire les interviews des dirigeants allemands. Ils expliquent qu’ils préparent leur avenir ; pendant ce temps, ils stérilisent les projets français. Dans quelques années, ils auront le char du futur, avec d’autres partenaires, et nous n’aurons rien. Si vous ne l’avez pas compris, nous allons le répéter à nouveau. Les Allemands avancent pratiquement à visage découvert ! Il n’y a qu’en France que l’on a quelques dirigeants qui ne veulent pas voir la vérité. Nous ne pouvons pas rester le bec dans l’eau, sans plan B. C’est la moindre des sagesses.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous avons déposé un amendement analogue.

Notre collègue Belhamiti nous explique qu’il n’y a pas de concurrence entre les deux programmes en faisant valoir qu’ils sont financés à hauteur l’un de 30, l’autre de 33 millions : ce n’est vraiment pas convaincant.

Quoi qu’il en soit, on observe une inflexion dans les discours de la majorité et du Gouvernement : on nous dit désormais que nous aurons un moment pour reprendre nos billes. Le travail d’alerte que nous menons depuis des mois commence donc à porter ses fruits. Je peux comprendre que vous ayez besoin de sauver la face, mais notre argumentation est désormais bien étayée. Les cycles industriels français et allemand ne se synchroniseront pas. Les Allemands ont bien l’intention d’empêcher la France de mobiliser sa capacité à investir dans un projet alternatif. Au bout du compte, il y aura un projet allemand tandis que, côté français, nous n’aurons que nos yeux pour pleurer.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Heureusement, nos armées et la DGA ne nous ont pas attendus pour commencer à travailler sur toutes les hypothèses du système futur de combat terrestre ! Nos discussions franches avec eux nous montrent que toutes les options sont sur la table. Je parlais d’un plan B dès mon rapport de l’année dernière. Il y a 33 millions d’AE dans le budget cette année : c’est que l’on commence à accélérer les études. Les Allemands sont dans une logique incrémentale et il est anachronique de considérer que l’incrément nourri par les 30 millions de partenariat européen est un concurrent du MGCS, lequel viendra bien plus tard. Nous avons eu ces débats dans le cadre de la LPM. Tout est possible, mais gardons-nous de tuer le projet dans l’œuf. Il est dans l’intérêt de la France de développer cette capacité en coopération, en maintenant ses exigences de souveraineté et de liberté d’exportation.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN53 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Après le MGCS, le Scaf (système de combat aérien du futur), qui en est une sorte de pendant, en moins caricatural, dans la collaboration à marche forcée avec nos amis allemands. La France, avec Dassault, serait capable de s’en sortir toute seule. Ce que l’on appelle le couple franco-allemand n’en a plus que le nom : nous sommes les seuls à le vouloir, et le projet s’enlise. Ne restons pas dénudés, ne livrons pas les clés de la défense française à un pays qui ne veut pas de nous et reste tourné vers les États-Unis.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN55 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Un tiers des militaires ne renouvellent pas leur contrat ; un tiers ne vont pas au bout de leur engagement. À cela s’ajoutent les difficultés de recrutement. Nous proposons donc que l’on augmente la rémunération des militaires de la marine nationale. Lorsque les montants offerts ne peuvent rivaliser avec ceux du privé et que les conditions de vie ne sont pas toujours à la hauteur de ce qui est attendu, les effectifs sont à l’avenant. Il est chaque année plus difficile de recruter et de conserver les troupes.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. L’ancien marin que je suis pourrait se réjouir de cet amendement, mais nos forces armées sont un tout. Le retex (retour d’expérience) de la précédente LPM a montré que plusieurs mesures avaient commencé à produire des effets, comme la NPRM (nouvelle politique de rémunération des militaires), qui représente cette année, pour sa troisième phase, 351 millions d’euros. J’avais fait adopter dans le cadre de la LPM un amendement prévoyant une modification, avec augmentation, de la grille indiciaire de l’ensemble des militaires. Elle concernera les hommes du rang dès 2024, les sous-officiers en 2025 et les officiers en 2026.

Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Vous avez déposé trois amendements : un pour l’armée de terre, un pour la marine et un pour l’armée de l’air, mais vous avez oublié le soutien interarmées. Je vous demande un retrait au profit de mon amendement, qui se veut global. Il permettra, en effet, de répondre à l’ensemble des situations, sans s’y prendre au doigt mouillé – mais ce n’est pas un reproche, car je sais la difficulté de trouver un chiffre satisfaisant parmi les informations qui nous sont données. J’ai pris pour référence l’ensemble des mesures indiciaires dans la fonction publique – l’augmentation du point d’indice et ce qu’on appelle les mesures « Guérini ».

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN56 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Je me demande si Mme Magnier, du groupe Horizons, sera elle aussi vouée aux gémonies par M. Cormier-Bouligeon. Elle a, en effet, déposé un amendement faisant appel au même mécanisme que ceux de La France insoumise, du parti socialiste, c’est-à-dire de tout le monde en fait.

L’amendement II-DN56 concerne, cette fois, les forces de l’armée de l’air et de l’espace.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je soutiens cet amendement. Toutes les mesures qui permettront de recruter et surtout de garder les sous-officiers, officiers et techniciens, à qui on fait des ponts d’or au sein de la BITD et ailleurs, sont évidemment bienvenues.

La commission rejette l’amendement.

 

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Le minimum, dans une commission telle que la nôtre, serait de faire preuve de respect. J’aimerais que ceux de nos collègues qui en traitent d’autres de tocards soient rappelés à l’ordre. Qu’est-ce qui leur permet de nous insulter ?

M. le président Thomas Gassilloud. Je n’avais pas entendu.

M. Frédéric Boccaletti (RN). Nous nous sommes fait insulter et diffamer au début de la réunion – vous n’étiez pas là. Je me suis donc permis de dire à un de nos collègues qu’il avait un comportement de tocard, ce que je confirme, en précisant que ce n’est ni injurieux ni diffamatoire, contrairement aux propos qui nous visaient.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Se faire insulter par les députés du Front national est une forme de légion d’honneur.

 

Amendement II-DN57 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Merci à notre collègue qui est resté vingt-trois ans au parti socialiste, aux côtés de François Mitterrand, lequel avait reçu la francisque. Qu’il assume son héritage !

Nous souffrons, s’agissant des avions à très forte capacité d’emport, d’un vrai manque. Nous avons des appareils pouvant embarquer 17 tonnes, 25 tonnes ou 37 tonnes, mais pas 150 tonnes. En cas de besoin, par exemple pour transporter des chars, nous avons recours à des avions appartenant à des armées d’autres pays, comme les États-Unis d’Amérique. Puisqu’il est beaucoup question de souveraineté – nous sommes très heureux que ce terme soit à nouveau au centre des débats –, il faudrait développer notre propre avion à forte capacité d’emport. Tel est l’objet du présent amendement.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. C’est une capacité qui nous manque, en effet, mais votre amendement prévoit d’y consacrer 100 millions d’euros, alors qu’il faudrait plutôt des milliards pour mener un tel projet. Par ailleurs, le général Mille, que nous avons auditionné, n’a pas fait état d’un besoin prioritaire dans ce domaine, contrairement à ce qu’il nous a dit à propos du renouvellement des Casa ou des Hercule C-130. Il s’agit d’une capacité que nous aimerions bien avoir, naturellement, mais que nous ne pouvons pas nous offrir dans le contexte actuel. Il existe un projet européen en la matière, mais je ne sais pas si cela peut vous plaire. Il me semble pourtant que c’est le bon échelon : ce ne sont pas des capacités de transport auxquelles on a recours quotidiennement. Pour ces raisons, demande de retrait, sinon avis défavorable.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Vous dites que nous n’avons pas besoin de cette capacité au quotidien, mais que se passe-t-il au Niger ? Les A400M ne suffisent pas pour transporter tout le matériel entreposé depuis des années dans ce pays. Nous avons une carence en ce qui concerne les gros-porteurs, ce qui nous contraint à nous tourner vers des solutions qui ne sont pas souveraines, comme la location d’Antonov.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Je partage la préoccupation à l’origine de cet amendement. Le général Mille a dit que nous pouvions être confrontés à des problèmes en matière de transport stratégique. Nous le savons, les Antonov arrivent en fin de vie. Par ailleurs, si nos amis américains peuvent nous aider avec leurs C-5 Galaxy, cela ne va pas très loin. Le problème est qu’il s’agit d’un programme qui coûterait de 5 à 15 milliards d’euros et pour lequel il n’existe pas de marché. Les seuls pays qui peuvent s’offrir ces capacités sont les États-Unis, la Chine, peut-être – mais je doute qu’on vende des avions aux Chinois – et l’Europe, collectivement. Ce n’est pas en mettant sur la table 100 millions d’euros, au petit bonheur la chance, qu’on aboutira une solution. Néanmoins, cette question mérite de faire l’objet d’un véritable travail. Une mission parlementaire avait été créée à ce sujet il y a quelques années, mais je pense que nous devrions retravailler sur le dossier pour voir ce qui peut marcher.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN60 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). On a mis six ans à se mettre d’accord sur l’objectif du MGCS, et il est clair que ce char ne verra pas le jour avant 2040 – et encore c’est une hypothèse optimiste. Entre-temps que fera-t-on ? Nous avons des chars qui commencent à vieillir et nous vivrons une période tampon assez délicate à gérer. Par ailleurs, les signaux qui nous parviennent quant à l’état du monde ne sont pas très encourageants. Il ne faudrait donc pas se trouver dépourvu quand la bise sera venue. Nous proposons – tenez-vous bien – une solution franco-allemande, codéveloppée par Nexter, dont le capital est mixte, et potentiellement disponible à moyen terme, à savoir l’E-MBT. Ne restons pas sans armement à force de courir après des chimères.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Jacobelli croît tantôt au couple franco-allemand et tantôt il n’y croit pas, ce qui n’est pas très cohérent. Vous avez déjà enterré le MGCS, un peu comme le croque-mort qui, dans les albums de Lucky Luke, prend les mesures des gens de leur vivant. Nous essayons, pour notre part, de voir le verre d’eau à moitié plein, parce que nous sommes aux responsabilités et que nous voulons préparer l’avenir. Force est de constater que des avancées substantielles ont été réalisées ces derniers temps : un accord a été trouvé entre les états-majors français et allemands au sujet des besoins militaires et un High Level Common Operational Requirements Document a été signé en septembre 2023 par les ministres Sébastien Lecornu et Boris Pistorius.

Comme l’a indiqué devant nous le chef d’état-major de l’armée de terre (Cemat), la question primordiale est celle des besoins militaires. Or les forces terrestres, que vous le vouliez ou non, ne souhaitent pas un char Leclerc amélioré, le Cemat a été très clair lors son audition. L’enjeu est de ne pas rater le changement de génération en allouant des ressources à un modèle intermédiaire. De plus, indépendamment du développement industriel qui suivra, le programme MGCS permet de travailler sur les caractéristiques du système de char du futur et sur les briques technologiques nécessaires, comme l’a rappelé notre excellent collègue Belhamiti.

En attendant, notre responsabilité est de prévoir les moyens de pérenniser et de moderniser le char Leclerc pour le faire durer jusqu’en 2040 ou 2045 – c’est ce qui est prévu par la loi que nous venons d’adopter. En 2024, 21 chars Leclerc rénovés seront ainsi livrés à l’armée de terre et la LPM prévoit 200 chars rénovés en 2035.

Je me permets aussi de vous faire remarquer que vous voulez ponctionner 100 millions sur les crédits des journées défense et citoyenneté, alors que nous devons favoriser l’engagement de nos jeunes dans les armées, et sur le programme Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, que vous prétendez défendre – c’est vraiment faire preuve de duplicité.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je pense qu’il y a un problème à l’éducation nationale puisqu’on peut apparemment être député sans savoir lire. Voici ce que nous avons écrit : « Cette minoration est proposée pour les besoins de la recevabilité financière. En cas d’adoption de l’amendement, il est demandé au Gouvernement de lever cette compensation ». Il faudrait en finir avec les clowneries.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’organisation de nos travaux ne suit absolument aucune logique. Nous passons des chars aux avions puis au logement, avant de revenir en arrière. Aucune réflexion n’est possible dans ces conditions. De plus, la majorité n’est quasiment pas représentée, parce qu’elle sait très bien que le Gouvernement aura recours au 49.3. C’est donc un véritable cirque : nous ne faisons que ridiculiser l’institution parlementaire, que le Gouvernement piétine continuellement. C’est uniquement parce qu’il s’agit de nos armées que nous resterons jusqu’à la fin de ce débat.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Je partage les préoccupations de notre collègue Jacobelli au sujet de l’avenir du MGCS, mais j’ai écouté très attentivement le chef d’état-major de l’armée de terre. Il nous a dit qu’il ne souhaitait pas un char intérimaire, mais que, comme l’ont également expliqué le délégué général à l’armement et le ministre, il faudrait faire un choix fondamental en 2025 et que, de toute façon, ce qui serait fait dans le cadre du programme E-MBT pourrait servir à un plan B si le MGCS ne devait pas voir le jour. Notre collègue pose donc une bonne question, mais il est peut-être trop tôt pour y répondre. Attendons 2025.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je note que nos collègues de La France insoumise ne sont pas contents d’avoir à défendre des amendements identiques à ceux du Rassemblement national. Au-delà de la question de l’ordre d’examen des amendements, qui peut effectivement se poser, François Cormier-Bouligeon a apporté une réponse de fond : ne tuons pas l’initiative MGCS avant de lui avoir donné une chance d’aboutir. L’année 2024 sera déterminante.

L’amendement rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN61 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). L’Agence européenne de défense est un organe de ce qu’on appelle « l’Europe de la défense », qui est une chimère, on le voit bien. Il y a peu d’export d’armement français vers nos partenaires européens privilégiés. Les nations d’Europe centrale et de l’Est regardent vers les États-Unis d’Amérique, et les principales coopérations européennes dans le domaine de l’armement enchaînent les difficultés. Confier toujours plus de pouvoir à l’Union européenne pour notre défense revient, de facto, à céder des bouts de notre souveraineté, au détriment d’accords bi, tri ou quadrilatéraux portant sur de vrais projets, à l’image de ce qui a été fait hier pour Ariane ou Airbus. Nous proposons donc de réduire les financements de l’Agence européenne de défense.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Il existe un certain nombre de programmes européens dans lesquels la France est particulièrement engagée. Puisque l’exposé sommaire de l’amendement évoque le SHOM (service hydrographique et océanographique de la Marine), je précise que la relève des bâtiments participant à son fonctionnement est programmée et qu’un travail assez important est réalisé en lien avec l’Occar (Organisation conjointe de coopération en matière d’armement), par exemple pour l’EPC, la future corvette de patrouille européenne dont nous avons parlé ce matin, et les Fremm (frégates multimissions). Par conséquent, avis défavorable.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je rejoins ce qui a été dit quant à la manière dont l’examen des amendements est organisé. Nous avons eu des débats de très grande qualité sur la loi de programmation militaire, dont ce budget est une déclinaison. Le regroupement des amendements selon les noms des premiers signataires nous empêche aujourd’hui d’avoir de véritables échanges sur le fond.

S’agissant de l’Europe de la défense, nous avons une vision absolument contraire à celle de M. Jacobelli. L’Europe est une garantie de paix, grâce à la coopération entre les pays. Il faut approfondir cette coopération, qui a d’abord été économique : nous avons besoin que l’Europe ait aussi une voix politique et géopolitique forte – c’est elle qui peut peser – et une défense. Je suis donc totalement hostile à cet amendement.

Les buts de l’Agence européenne de défense sont les suivants : « l’harmonisation des exigences pour la mise à disposition de capacités opérationnelles ; la recherche et l’innovation pour le développement de démonstrateurs technologiques ; les formations et exercices de maintenance visant à soutenir des opérations relevant de la politique de sécurité et de défense commune » – nous avons besoin de tout cela. Je souligne aussi que l’agence travaille notamment avec l’Ukraine, la Norvège et la Suisse.

Nous avons besoin de cette agence, de plus de coopérations, d’armées qui fonctionnent ensemble et, plus globalement, d’un socle politique et militaire européen.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN62 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Je suis d’accord avec les autres groupes de l’opposition : il est très compliqué de débattre dans ces conditions, et très inintéressant. Cela m’intéresserait, revanche, de parler du MGCS et de l’Europe de la défense de manière détaillée, au lieu de passer sans cesse du coq à l’âne en bâclant les débats.

Le retex d’Orion nous a montré que la navigation satellitaire posait certains problèmes. Dès qu’il pleut, les tablettes cessent de fonctionner et les signaux satellitaires ont leurs limites : il a donc fallu reprendre les bonnes vieilles cartes, la bonne nouvelle étant que nos officiers, sous-officiers et soldats ont été suffisamment astucieux et ingénieux pour utiliser des systèmes alternatifs. Au lieu de tout miser sur le satellitaire, il faudrait investir dans d’autres solutions, comme les technologies inertielles, qui permettent d’éviter non seulement les piratages mais aussi les ruptures de signal.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Cet amendement, outre qu’il est seulement d’appel, apporterait une mauvaise réponse à une vraie question. Il y a eu, effectivement, un problème d’accès aux données et de traitement, l’audition du général Métayer l’a confirmé, mais ce n’est pas un problème de génération de données. Or ce que vous proposez, au sujet du programme Omega, est d’arrêter de générer des données de géolocalisation par le biais de satellites, au profit de solutions faisant appel à des centrales inertielles. Ce n’est pas parce qu’on a eu un problème d’accès aux données, avec les terminaux fournis à nos soldats, que les données dont nos forces en opération ont besoin sont générées par un mauvais système. C’est sur le SIC, le système d’information et de communication, c’est-à-dire les réseaux opérationnels d’accès à l’information, qu’il faut faire porter un effort. Je vous demande donc de retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Je partage, une fois de plus, l’inquiétude exprimée par notre collègue. Par ailleurs, je n’ai pas la même lecture que le rapporteur pour avis : il s’agit, pour moi, d’un amendement d’appel visant à lancer une alerte sur le risque du tout-satellitaire et non à supprimer des budgets. Nous ne devons surtout pas retirer des crédits au programme Omega, mais le tout-technologique est un problème : on sait la nécessité de pouvoir fonctionner en mode dégradé. Je voterai, à titre personnel, pour cet amendement que je trouve judicieux.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN63 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Il s’agit, par cet amendement, de renforcer le maintien en condition opérationnelle. En effet, nous avons besoin d’une grande disponibilité des matériels. La LPM va dans le bon sens, mais il faut reconnaître que nous avons des équipements sous-dimensionnés auxquels on demande beaucoup. Nous sommes encore dans une logique de flux qui montre ses limites. Il faudrait passer, au moins partiellement, à une logique de stocks, comme l’ont souligné différents rapports, issus de députés de divers groupes, mais cela ne sera pas fait dans les mois qui viennent, il suffit de s’entretenir avec des officiers généraux pour le savoir.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Quand on donne des leçons de compétence, d’une manière assez péremptoire, encore faudrait-il être soi-même à la hauteur. Or notre collègue Jacobelli a mal lu le projet de loi de finances pour 2024 : celui-ci prévoit une hausse de 230 millions d’euros pour l’entretien programmé des matériels, ce qui représente les trois quarts de la hausse des crédits du BOP (budget opérationnel de programme) de l’armée de terre. Au total, le budget de l’entretien programmé des matériels des forces terrestres s’élèvera en 2024 à 1,46 milliard d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 19 % – excusez du peu – par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. S’agissant de la programmation pour 2024-2030, par ailleurs, le budget alloué au MCO doit augmenter de 40 % par rapport à la précédente LPM : il s’élèvera à 49 milliards d’euros, dont 13,2 milliards pour l’armée de terre.

Au-delà de la question des crédits, il faut prendre en compte l’accroissement de la performance du MCO. J’ai entendu, moi aussi, des officiers généraux, notamment le DC Simmt (directeur central de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres). La Simmt finalise actuellement sa nouvelle ambition pour 2030, qui vise à adapter son mode de fonctionnement aux enjeux de la haute intensité. La constitution de stocks de pièces de rechange est un enjeu bien pris en compte par la Simmt, qui a lancé une démarche tendant à augmenter l’efficience du MCO terrestre, notamment par la renégociation des contrats de soutien en service. Il s’agit de disposer de davantage de pièces de rechange en passant d’une logique de contrats forfaitaires orientés vers la performance à une logique de constitution de stocks. C’est la direction que nous sommes en train de prendre, et je dois dire que le DC Simmt fait preuve d’une certaine fermeté en la matière.

Je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN64 de M. Laurent Jacobelli

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. L’entretien programmé du matériel doit déjà bénéficier de 49 milliards d’euros sur la période 2024-2030 . L’effort prévu par le PLF est à la hauteur de la promesse faite par la LPM en matière de MCO, auquel iront plus de 5,7 milliards, soit une progression de 745 millions d’euros. Par conséquent, avis défavorable si l’amendement n’est pas retiré.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN67 et II-DN68 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Comme nous l’avons dit lors des débats sur la loi de programmation militaire, le réchauffement climatique et ses effets, en matière de disparition de la biodiversité et d’amplification des catastrophes climatiques, sont un phénomène global et extrêmement déstabilisant d’un point de vue environnemental, social, économique et géostratégique qu’il faut prendre en compte dans l’organisation de nos armées.

L’amendement II-DN67 demande ainsi une augmentation des crédits alloués à la prospective de défense. Nous avons besoin de moyens pour penser la politique de défense dans un monde qui se réchauffe, où on a moins de pétrole et d’eau et où les conditions opérationnelles deviennent plus difficiles.

L’amendement suivant vise à augmenter les moyens de la coopération internationale et de la diplomatie. Une politique de défense est solide, nous l’avons également souligné pendant tout l’examen de la LPM, s’il existe à ses côtés une politique diplomatique forte.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Nous sommes tous conscients des enjeux du réchauffement climatique, notamment sur le plan environnemental, et sommes tous impliqués sur cette question. Néanmoins, le montant très élevé – 100 millions d’euros – qui est proposé dans votre premier amendement est assez surprenant : il est sans rapport avec les montants consacrés aux dispositifs de soutien pluriannuels à la recherche mis en place par la DGRIS (direction générale des relations internationales et de la stratégie). Cette dernière a mis en place, en 2016, un observatoire « Défense et climat » dont vous avez peut-être connaissance et qui a fait l’objet d’un marché de 1,44 million d’euros passé avec l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques). Ce marché a d’ailleurs été renouvelé en mai 2022, pour une durée de quatre ans. Tous les travaux de cet observatoire sont diffusés sur son site internet et sont donc accessibles.

En ce qui concerne l’amendement suivant, j’ai un petit doute sur l’abondement de l’action 08 du programme 144, qui finance des actions de natures très diverses, comme le programme mondial de lutte contre les mines antipersonnel et l’Agence européenne de défense : une fois encore, le montant que vous proposez – 50 millions d’euros – me paraît peu en rapport avec ce que fait la DGRIS de manière générale.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-DN69 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Cet amendement revient sur la question de l’Europe de la défense. Nous proposons une augmentation des crédits prévus pour la planification des moyens et la conduite des opérations afin d’accroître les coopérations opérationnelles avec les forces armées d’autres pays européens grâce à des échanges de savoir-faire et à une standardisation de procédures.

Suivant la position du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN70 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). L’armée – nous en avons aussi parlé lors de l’examen de la loi de programmation militaire – est propriétaire de très nombreux bâtiments. Comme il faut faire des efforts en matière de rénovation thermique dans le cadre de l’ensemble des politiques de l’État, cet amendement a pour objectif d’augmenter fortement les moyens prévus pour la politique immobilière du ministère des armées. On ne dispose que de fort peu de temps pour rénover de très nombreux bâtiments et atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. C’est un amendement tout à fait intéressant qui, si nous l’avions examiné et adopté dans l’ordre prévu par le règlement de l’Assemblée, aurait fait tomber l’amendement de M. Jacobelli, qui proposait 15 millions d’euros supplémentaires. Le présent amendement de Mme Chatelain aurait dû être examiné en premier, puisqu’il propose une augmentation des crédits plus importante, de 150 millions – ce qui permettrait de faire des choses.

Nos collègues du Rassemblement national ne pourront pas, compte tenu de l’amendement qu’ils ont eux-mêmes déposé, se prononcer contre celui-ci, mais nous allons voir si c’est l’intérêt général qui guide leurs votes ou bien un intérêt purement politique.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-DN71 de Mme Cyrielle Chatelain

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je propose à notre collègue de retirer son amendement, car il me semble déjà satisfait par le « plan familles II », qui repose sur une coordination renforcée avec les acteurs locaux. Nous pourrions peut-être discuter de l’intégration des associations d’habitants en séance avec le ministre.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-DN72 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Cet amendement concerne l’inclusion des personnes en situation de handicap dans nos forces armées. Le taux d’emploi de ces personnes y reste en deçà de la moyenne nationale, ce qui est préjudiciable non seulement pour elles, mais aussi pour nos armées, qui sont privées de compétences et de talents précieux. C’est pourquoi nous souhaitons augmenter les moyens en faveur de la politique menée dans ce domaine.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je sais que la députée Chatelain connaît les restrictions d’accès aux armées, compte tenu de ce qu’il est convenu d’appeler le profil Sigycop. Néanmoins, je comprends que cet amendement tend à favoriser l’emploi des personnes en situation de handicap dans l’ensemble du ministère. Comme il n’y a pas de restrictions pour les civils du ministère des Armées, j’émets un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN73 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Cette proposition risque d’être moins consensuelle que les précédentes. En cohérence avec ce que nous avons défendu lors de l’examen de la loi de programmation militaire, nous considérons que, même si nous ne pouvons pas sortir de la dissuasion nucléaire d’une manière unilatérale, il faudrait commencer à penser un système de défense bâti sur une autre dissuasion, non nucléaire. Nous souhaitons donc réduire progressivement les moyens alloués à la dissuasion nucléaire.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. En effet, nous avons déjà eu ce débat. La France est exemplaire en matière de réduction des arsenaux nucléaires. Nous avons abandonné la composante terrestre de notre dissuasion et démantelé nos sites pour les essais nucléaires, ainsi que nos installations d’enrichissement de matières nucléaires, tout cela d’une façon irréversible. Ce sont des efforts considérables que d’autres grandes puissances n’ont pas faits. Doit-on aller plus loin ? Il est vrai que vos propositions ont une cohérence, même si on pourrait reparler de la contribution du nucléaire civil à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Seulement, le contexte ne nous permet pas d’engager une nouvelle réduction de notre arsenal nucléaire. Si nous devions le faire, ce serait un signal très négatif pour nos alliés et nos compétiteurs. Avis défavorable.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Au risque d’énoncer un truisme, une dissuasion n’est dissuasive que si elle est au meilleur niveau. Si elle est en dessous du niveau de ses compétiteurs, elle ne dissuade plus personne et ne sert donc à rien – dès lors, autant prévoir 0 euro pour ce volet. Il faut soit moderniser soit abandonner notre dissuasion.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN76 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à donner plus de moyens à l’armée de l’air et de l’espace pour faire face à l’augmentation du coût du carburant et accroître son activité. Je rappelle que la norme au sein de l’Otan est d’au moins 180 heures de vol par an et par pilote de chasse. Or nous en étions à 164 heures en 2022 et que nous avons une cible à 147 heures en 2023 – je ne dirai rien de l’objectif pour 2024, car il est confidentiel.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN78 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’A400M, dont nous avons parlé ce matin, est un peu un game changer – pardon d’employer ce terme, que je n’aime pas beaucoup. C’est un atout qu’on emploie tout le temps, pour les opérations Sagittaire au Soudan et Apagan en Afghanistan et maintenant au Niger. La LPM a sanctuarisé au moins trente-cinq A400M. Je propose que nous en ayons trois de plus. C’est une nécessité, notamment pour donner une réassurance aux populations qui vivent dans nos outre-mer et envoyer un signal stratégique à nos compétiteurs. Nous pourrons également utiliser ces vecteurs pour apporter notre appui lorsque des cataclysmes climatiques se produiront dans la zone indo-pacifique. L’amendement tend à augmenter les crédits pour permettre la livraison d’un A400M supplémentaire dès 2024.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. L’objectif fixé par la LPM, que nous avons adoptée il y a quelques semaines, est effectivement d’avoir au moins trente-cinq A400M – cela dépendra notamment de la vitalité d’Airbus à l’export. Il n’y a pas lieu, à ce stade, de remettre en cause ce que nous venons de voter. Par ailleurs, nos capacités dans ce domaine ne nous ont jamais mis en défaut par rapport à nos ambitions opérationnelles, qu’il s’agisse de Sagittaire ou d’autres opérations. Je comprends votre ambition – nous sommes plusieurs à la partager ici – qui est de prépositionner des A400M à des endroits stratégiques, par exemple dans l’Indo-Pacifique, mais ne le faisons pas comme cela, maintenant. Il faut donner sa chance à la loi de programmation militaire, que vous avez votée, comme nous. Par conséquent, même si nous pouvons nous rejoindre sur l’objectif d’un accroissement de nos capacités en ce qui concerne l’A400M, avis défavorable.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. J’avais déjà déposé un amendement lors de l’examen de la LPM afin d’augmenter le nombre d’A400M. Il faut prévoir les choses : un A400M, c’est aussi un équipage et des mécaniciens, des infrastructures, des supports. Nos armées ont besoin de visibilité. Or on ne sait pas quand l’objectif de trente-cinq A400M sera atteint. Je reviens un instant sur nos échanges au sujet du Pang (porte-avions de nouvelle génération) : ce n’est pas seulement un vecteur, mais aussi un équipage, et le premier officier qui commandera ce porte-avions entre aujourd’hui à l’École navale. Il faut aussi prévoir les pilotes pour les A400M. Par ailleurs, nous limitons notre ambition opérationnelle alors que nous pourrions faire beaucoup plus, afin d’être plus présents, d’exercer davantage d’influence et de force, notamment outre-mer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN80 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Orion a notamment mis en exergue les failles du SSA (service de santé des armées) : on ne pourrait soigner que huit blessés en situation d’urgence vitale par jour. Or on sait que le chiffre serait malheureusement bien supérieur en cas de conflit de haute intensité. Cet amendement demande donc l’achat de structures médicales mobiles robustes pour assurer des soins médicaux d’urgence et un soutien sanitaire continu dans des zones éloignées des structures hospitalières traditionnelles. Ce n’est que la traduction des besoins exprimés par nos généraux.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement d’appel. Attendons l’avis du ministre en séance : sagesse.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). L’organisation des débats est particulièrement problématique : nous revenons une fois encore sur la question du SSA.

Le ministre avait été interpellé à ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances de l’an dernier, puis de la LPM. On nous a expliqué que la restructuration du SSA faisait l’objet d’un moratoire, et la nouvelle feuille de route n’a pas été présentée à notre commission ni, a fortiori, devant la représentation nationale. Nous savons que le ver est dans le fruit depuis un long moment, mais n’avons aucune vision d’ensemble.

Cet amendement d’appel, même si je comprends bien son intention, ne permettra pas d’établir une stratégie crédible et durable pour le SSA. Nous avons affaire à un problème global qui ne se réglera pas en mobilisant 100 millions d’euros.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Ce n’est peut-être pas suffisant, mais il s’agit au moins d’un premier pas. Je sais que vous avez à cœur, comme nous, le service de santé des armées et son personnel.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN86 de Mme Michèle Martinez

Mme Michèle Martinez (RN). L’Institution de gestion sociale des armées (Igesa) joue un grand rôle dans la vie de nos militaires et de leurs familles : elle leur apporte un soutien important, qu’il s’agisse des activités de loisir, de l’accueil des enfants ou des prêts financiers – la liste n’est pas exhaustive. Malheureusement, il est difficile de pourvoir aux besoins de toutes les familles. Je pense en particulier aux places dans les crèches et les autres espaces d’accueil de la petite enfance. Il est nécessaire d’aider l’Igesa à se développer, afin que le plus grand nombre puisse bénéficier de ses services.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je vous demande de retirer cet amendement au profit du mien, le II-DN169, qui prévoit un montant supérieur. Compte tenu des besoins de cet organisme essentiel, 10 millions d’euros ne suffiront pas.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-DN87 de Mme Michèle Martinez

Mme Michèle Martinez (RN). Les infrastructures sont un peu le parent pauvre du budget de nos armées : les montants prévus s’apparentent plus à l’utilisation d’un fond de tiroir qu’à un réel investissement. Pourtant, les parties communes des logements militaires, casernes et autres emprises n’échappent pas aux dégradations liées au temps – problèmes de plomberie, d’isolation, de salubrité, voire de sécurité, qui ne sont pas en soi des fatalités et méritent d’être traités. Plus le règlement de ces problèmes traînera, plus les budgets de rénovation seront élevés. Il serait donc bénéfique pour tous que les réparations aient lieu au plus tôt. De plus, avec la diminution des Opex, nos militaires seront amenés à passer plus de temps dans ces locaux – raison de plus pour que les rénovations soient faites.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Compte tenu des besoins réels, cet amendement ressemble trop à une posture.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN91 de M. Bastien Lachaud

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel porte sur un sujet que nous avons déjà abordé, le MGCS, auquel nous ne croyons pas. Notre proposition repose sur une note de l’Ifri qui a établi la nécessité de l’E-MBT en tant que gap-filler (bouche-trou) – j’emploie ce mot pour faire plaisir à notre collègue Thiériot, qui affectionne les anglicismes. L’E-MBT nous permettra d’avoir, comme les Allemands, un matériel sur l’étagère ou en tout cas de faire en sorte que le savoir-faire ne se soit pas complètement perdu chez Nexter le jour où il faudra retirer nos billes du MGCS. Je souligne au passage que Nexter n’est plus indépendant : KNDS prend les décisions. C’est la conséquence de choix politiques qui nous avaient pourtant été présentés comme un moyen de garantir la pérennité et la souveraineté de l’industrie de défense dans le domaine terrestre, ce qui n’a pas été tout à fait vrai, à l’évidence.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Nous en avons déjà débattu et nous en reparlerons, comme notre collègue Belhamiti l’a dit, courant 2024, quand la situation commencera à s’éclaircir. Sur le plan capitalistique, M. Saintoul a probablement raison, mais la R&D et la production de Nexter, ou anciennement Nexter, sont encore en France.

M. le président Thomas Gassilloud. Sachant qu’on en est, de mémoire, à 50-50 sur le plan capitalistique, en ce qui concerne KNDS.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN93 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel, d’un montant de 1 euro, demande de réinternaliser la fonction Red Air, qui sert à la préparation des pilotes. Son externalisation est la conséquence de la fin de vie de l’Alpha Jet, avion utilisé pour ce type d’exercice, et de difficultés en matière de ressources humaines. Le fait que des entreprises privées fassent des profits sur la préparation des armées nous pose un problème de principe.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Lors de la présentation de mon rapport, j’ai évoqué la fonction Red Air et fait part de mon étonnement d’un contrat de sept ans avec un potentiel prestataire pour simuler la force adverse lors des exercices de l’AAE. J’y vois l’illustration de la faiblesse de l’actuel format de notre aviation de chasse.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN94 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Si l’Alpha Jet arrive en fin de vie, qu’adviendra-t-il de la Patrouille de France, qui est la vitrine de l’AAE ? La Patrouille de France volera-t-elle sur un avion qui n’est pas français ? Sinon, il faut prévoir qu’elle vole sur Rafale.

Il ne s’agit pas de dépouiller les forces opérationnelles de l’AAE, mais d’anticiper la fin de vie de l’Alpha Jet et de réfléchir à l’avenir de la Patrouille de France. Sommes-nous prêts à mettre les moyens pour la doter de Rafale ou devrons-nous accepter l’idée qu’elle vole sur des avions étrangers ?

M. le président Thomas Gassilloud. Si j’étais un peu taquin, je dirais que vos alliés écologistes refusent le survol des communes qu’ils dirigent par la Patrouille de France. J’ai eu ce débat avec le maire de Lyon.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je me sens surveillé et cela m’inquiète. Il y a une dizaine de jours, j’ai adressé au Gouvernement une question écrite sur l’avenir de la Patrouille de France compte tenu de la fin de vie des Alpha Jet. Il suffit de me suivre sur les réseaux sociaux pour le savoir. Cet amendement me surprend donc.

J’ai posé au ministre des armées la question du devenir de la Patrouille de France, qui fait la fierté de la France. Je vois mal les Rafale remplir cette mission de prestige, pour de nombreuses raisons, au premier rang desquelles le format de l’aviation de chasse l’AAE. Nous avons peu de Rafale. Gardons-les pour les missions opérationnelles, pour la posture permanente de sûreté aérienne et pour la dissuasion.

Avis défavorable.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je ne doute pas que les maires écologistes ayant refusé le survol de leur commune par la Patrouille de France ont des arguments tout à fait solides liés aux enjeux de leurs communes respectives, qu’ils défendent ardemment.

Nous voyons l’intérêt de l’amendement de nos collègues du groupe La France insoumise. Nous le voterons.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN95 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il porte sur un sujet à la fois budgétaire et démocratique.

Le financement des missions opérationnelles ne relève pas officiellement du budget des Opex. Il ne fait pas l’objet d’un vote du Parlement, conformément à l’article 35 de la Constitution. Elles remplissent pourtant tous les critères des Opex. Les militaires qui servent dans ce cadre bénéficient d’un statut quasi-identique à celui des militaires qui servent en Opex, pensions mises à part, ce qui n’est pas rien.

Comment en assurons-nous le financement ? Par le truchement du budget opérationnel de programme (BOP) Opex du programme 212 et par le truchement du BOP du programme 178, en espérant un collectif budgétaire de fin d’année permettant de bénéficier d’un financement interministériel. Il en résulte une fragilité budgétaire, pour les armées, et démocratique, s’agissant d’une forme de contournement du vote du Parlement.

Le présent amendement vise à basculer le financement des missions opérationnelles sur le BOP Opex, afin que le Gouvernement assume qu’elles sont des Opex, que leur budget fasse l’objet d’un débat et d’un vote au Parlement, et que le budget des armées soit sécurisé.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. À mon tour, je me sens espionné, ayant soulevé la question dans mon rapport pour avis sur le précédent projet de loi de finances ! Je ne peux donc qu’abonder dans votre sens, Monsieur Lachaud.

Toutefois, une telle décision ne peut être prise au détour d’un amendement. Elle ferait en revanche un excellent sujet de réflexion pour notre commission pour l’année à venir, en vue de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.

M. le président Thomas Gassilloud. Le ministre a indiqué qu’il attendait des propositions à ce sujet de la part de ses services et de l’état-major des armées (EMA).

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN96 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Cet amendement est une variante du précédent. Faut-il financer les missions opérationnelles sur le budget des Opex ou par un programme propre ? En réalité, on nous demande de ne pas choisir et d’attendre que le ministre lui-même prenne la décision. C’est l’une de nos traditions, en Macronie, de décider de nous dessaisir de notre pouvoir !

Plus sérieusement, il y a bel et bien un problème. Si, d’après le ministre, nous sommes dans une zone grise depuis plus d’un an, et si les missions opérationnelles relèvent bien du droit des Opex, alors le vote du Parlement a été allègrement contourné et les missions Lynx et Aigle se déroulent dans un cadre qui n’est pas démocratique, ni même constitutionnel.

Nous devrions nous élever contre cet état de fait, mais, manifestement, le souci du respect des institutions n’est pas universellement partagé.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN97 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous avons appris que le standard F4.2 du Rafale sera livré avec un an de retard. Tous les programmes, au demeurant, connaissent des retards récurrents. Pour que le Standard F5 ne soit pas livré en retard, nous proposons d’en lancer les travaux par anticipation.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. L’amendement est satisfait. La ligne budgétaire Rafale F5 dont vous demandez la création existe. Elle a été introduite dans le projet de loi de finances pour 2024 à la sous-action 09.59 du programme 146, qui prévoit des crédits de plus de 65 millions pour le passage du Rafale au standard F5 et pour l’acquisition de drones d’accompagnement.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous retirerons l’amendement pour le retravailler d’ici à l’examen du texte en séance publique, où nous sommes certains d’avoir des débats fructueux avant le 49-3.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-CF98 de M. Aurélien Saintoul

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Il vise à permettre la désinsectisation des logements des militaires et de leurs familles en cas d’infestation par les punaises de lit. La crise des punaises de lit continue dans notre pays. Il y en a partout. Les logements des militaires, lesquels effectuent de nombreux déplacements, n’en sont pas exempts.

En 2018, on comptait au moins 400 000 sites infestés, dont 100 000 En Île-de-France. Si les punaises de lit ne transmettent pas de maladies à proprement parler, elles provoquent d’importants dégâts psychologiques, déstabilisent le rythme du sommeil et provoquent des insomnies ainsi que des troubles psychologiques et psychiatriques, voire un syndrome de stress post-traumatique (SSPT).

S’en débarrasser, nul ne l’ignore, est très difficile. Les frais moyens induits par une désinfestation s’élèvent à 1 200 euros en moyenne, ce qui est considérable. Il s’agit donc d’un problème de santé publique et d’une ruine financière pour celles et ceux dont le logement est infecté.

Le présent amendement vise à prendre en charge la désinsectisation des logements des militaires au même titre que celle des casernes pour qu’elle soit réellement efficace. C’est du simple bon sens.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable. Comme l’a montré l’actualité récente, le taux de prévalence des punaises de lit dans le pays explose. Les logements de militaires n’en sont pas exempts.

Il est de notre devoir, pour la fidélisation des militaires et pour le bien-être de leurs familles, d’agir et de créer la ligne budgétaire proposée. Imaginez un marin parti en mer pour plusieurs mois apprenant que son logement est infesté de punaises de lit et que son épouse ou son époux est obligé de gérer seul la situation ! Il s’agit d’un problème de santé publique.

Les nombreux sourires que je vois suggèrent que tout le monde n’a pas pris conscience de l’importance du sujet. C’est dommage. De nombreux militaires trouveraient un intérêt à la création de la ligne budgétaire proposée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN100 de M. Bastien Lachaud

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel vise à ouvrir le débat sur l’organisation des services de renseignement, où le tout-électronique prévaut de plus en plus. Le technologique et le numérique prennent de plus en plus de place dans la doctrine de renseignement. Nos services et nos agents se posent, légitimement, de plus en plus de questions sur l’avenir du renseignement d’origine humaine (ROHUM) et sur la place qu’il occupera.

Par le biais de la présente demande de rapport, nous espérons obtenir des réponses sur la place de l’humain dans les services de renseignement des armées. Les récents événements en Israël et au Niger prouvent que le ROHUM est essentiel et qu’il n’est pas remplaçable. À nos yeux, le tout-numérique n’est pas une solution. Il est nécessaire de s’assurer du recrutement et de la fidélisation de personnels formés et d’apporter des réponses claires sur la doctrine de renseignement envisagée pour les années à venir.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel n’est pas sans rappeler celui de M. Boccaletti que nous avons discuté auparavant. Il eut été de bonne méthode de procéder à des rassemblements thématiques.

L’équilibre entre le renseignement d’origine humaine et les autres sources de renseignement est une question pertinente, que j’évoque chaque année avec la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) et dont je fais part dans mes avis sur le programme 144.

Je serai toutefois moins catégorique que vous s’agissant du Niger ou d’Israël, qui sont des cas différents. En ce qui concerne Israël, le problème a moins été le manque de renseignements humains que l’absence de prise en compte de ceux transmis par d’autres États alertant sur l’imminence d’une attaque. Votre exposé sommaire mériterait d’être plus nuancé.

J’ai abordé longuement le déménagement de la DGSE au Fort Neuf de Vincennes ce matin, et je le fais également dans mon avis à paraître prochainement. Je suis ce projet de très près et je ne doute pas que la délégation parlementaire au renseignement (DPR) en fait autant. Le Parlement est donc associé au suivi de ce dossier, alors que votre exposé sommaire indique que ce n’est pas du tout le cas.

Par ailleurs, l’amendement est notamment cosigné par M. Lachaud, rapporteur pour avis du programme 178 – dont dépend la direction du renseignement militaire (DRM). Le Parlement est donc associé par son intermédiaire aux réflexions sur la place du renseignement humain, et je ne doute pas que son avis contribuera à nous éclairer utilement sur cette question.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN104 de M. Emmanuel Fernandes

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Les retours d’expérience du conflit en Ukraine montrent l’importance des blindés. Ils sont essentiels en raison de leur puissance de feu, de la protection qu’ils apportent à l’infanterie et de leurs capacités de franchissement.

Mais en même temps on a pu constater l’utilisation de drones de combat, qui complètent les matériels antichars plus traditionnels. D’où l’importance de protéger les chars Leclerc de manière passive, mais aussi active, afin de réduire leur vulnérabilité. Tel est l’objet des crédits supplémentaires proposés par cet amendement.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. L’importance des systèmes de protection active constitue en effet l’un des retours d’expérience du conflit en Ukraine.

La direction générale de l’armement (DGA) conduit deux programmes – dénommés Prometeus (protection multi effets terrestre unifiée) et Pronoia (protection novatrice orientable intégrée d’autoprotection) – afin d’étudier la pertinence de tels dispositifs et de déterminer quels sont les véhicules qu’il conviendrait d’équiper en priorité. Cette réflexion doit se faire en conduite, pour pouvoir s'adapter de manière réactive aux évolutions technologiques, sous réserve de la maturité de la technologie.

Nous avions déjà eu ce débat lors de la discussion du projet de LPM. Le ministre des armées avait indiqué que la priorité pourrait être accordée aux véhicules blindés plutôt qu’aux chars de combat.

Enfin, l’ajout de systèmes de protection active fait partie des réflexions menées dans le cadre du programme de système principal de combat terrestre (MGCS).

Je vous propose de travailler ensemble sur cette question en vue du PLF pour 2025.

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN106 de Mme Murielle Lepvraud

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel a pour objet d’ouvrir l’accès à la délivrance de la carte du combattant et au titre de reconnaissance de la nation aux sous-mariniers embarqués à bord de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE).

Cette carte du combattant permet de bénéficier, entre autres, de l’allocation de reconnaissance du combattant, de la rente majorée par l’État de la retraite mutualiste du combattant ou encore d’une demi-part supplémentaire de quotient familial pour le calcul de l’impôt sur le revenu au soixante-quatorzième anniversaire du combattant – un peu tard, mais c’est un autre sujet.

Pour obtenir cette carte, il faut avoir pris part pendant quatre mois à des opérations extérieures (Opex). Ce critère pose un problème aux sous-mariniers embarqués à bord d’un SNLE, dont les missions ne sont pas considérées comme des Opex.

La dissuasion nucléaire ayant pour objectif d’empêcher tout conflit, ils ne pourraient obtenir la carte du combattant qu’en cas d’échec de leur mission, c’est-à-dire d’engagement du feu nucléaire. Cette situation est pour le moins paradoxale.

Si vous considérez que la dissuasion nucléaire constitue le cœur du cœur de la défense de notre pays, selon l’expression de notre collègue Thiériot, ne pensez-vous pas qu’il conviendrait de modifier la réglementation relative à la carte du combattant pour les sous-mariniers qui servent dans les SNLE ?

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Mon collègue Jean-Charles Larsonneur et moi-même avons posé plusieurs questions écrites à ce sujet, lesquelles ont manifestement été lues par d’autres collègues.

Nous sommes tous d’accord au sein de cette commission : il faut corriger cette anomalie. Mais il s’agit d’une affaire réglementaire et non pas budgétaire.

J’émets un avis défavorable pour des raisons techniques. Mais il va falloir traiter cette question, qui concerne l’ensemble des sous-mariniers.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques II-DN130 de M. Jean-Charles Larsonneur, II-DN133 de Mme Isabelle Santiago et II-DN138 de Mme Anne Genetet, amendements II-DN129 de M. Julien Bayou et II-DN116 de Mme Josy Poueyto (discussion commune)

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. L’an dernier, nous avions voté le doublement des crédits du fonds spécial de soutien à l’Ukraine en les portant à 200 millions.

Or, le PLF pour 2024 ne prévoit pas de prolonger ce fonds. Cette mesure peut paraître brutale dans le contexte d’une longue guerre d’attrition, même si le ministre des Armées Sébastien Lecornu a expliqué qu’un processus était engagé pour faire évoluer l’aide à l’Ukraine. Il s’agit d’associer plus directement les industriels français avec la partie ukrainienne et de moins recourir à des acquisitions financées par ce fonds.

Son arrêt brutal apparaît comme un mauvais signal à nombre de collègues et sur la plupart des bancs. C’est la raison pour laquelle les amendements identiques et ceux qui leur sont très similaires proposent de maintenir le fonds spécial. Ils ne diffèrent que par les gages retenus, qu’il est d’ailleurs demandé au Gouvernement de lever car l’article 4 de la LPM prévoit que les dépenses exceptionnelles liées à l’Ukraine ne seront pas financées par la mission Défense.

Mme Anna Pic (SOC). Dans un contexte où l’attention est quelque peu détournée de l’Ukraine et où le Kremlin compte sur la lassitude des opinions publiques occidentales, il est essentiel de ne pas envoyer de mauvais signal. La disparition du fonds de soutien sans qu’il y ait encore véritablement un dispositif de remplacement pourrait être symboliquement perçue comme un abandon soudain de l’Ukraine par la France. L’amendement II-DN133 vise à accompagner le développement de stratégie destinée à se substituer aux cessions d’armement dont le ministre nous a parlé.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). L’amendement II-DN138 est identique. Comme l’a indiqué le ministre, les 200 millions du fonds de soutien sont déjà en partie consommés et d’autres sommes sont engagées au titre des commandes faites par les Ukrainiens. Nous souhaitons donc que ce fonds soit maintenu et nous demandons que l’article 4 de la LPM soit appliqué afin que les crédits de la mission Défense ne soient pas affectés par cette aide.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Cet amendement propose de pérenniser le fonds spécial de soutien à l’Ukraine.

Le groupe d’amitié France-Ukraine a récemment organisé un déplacement dans ce pays, et Murielle Lepvraud et moi-même y avons participé. Le soutien de la France est attendu par les Ukrainiens.

Ce n’est pas seulement l’avenir du peuple ukrainien qui se joue là-bas. Il s’agit d’un conflit entre la dictature et la démocratie. On compte seulement des régimes autoritaires dans le camp des Russes et des démocraties dans le camp ukrainien. Abandonner l’Ukraine signalerait à Poutine qu’il peut continuer à s’en prendre à la Moldavie et à déstabiliser l’Europe.

Ce conflit est bien sûr observé aussi par la Chine. Un succès russe serait nécessairement interprété comme la possibilité de l’emporter contre un adversaire soutenu par l’Ouest en ne respectant pas le droit de la guerre.

Il y a beaucoup à faire pour aider l’Ukraine : geler les avoirs russes, les affecter à la reconstruction et soutenir l’armement de ce pays. Mais cela commence dans l’immédiat par la pérennisation du fonds spécial de soutien.

M. Christophe Blanchet (Dem). Avec l’amendement II-DN116, le groupe Démocrate propose lui aussi de maintenir les 200 millions prévus dans le cadre du fonds spécial de soutien à l’Ukraine. Il s’agit bien d’un affrontement aux portes de l’Europe entre une démocratie et des dictatures. C’est l’avenir européen qui est en jeu.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Étant moi-même cosignataire de l’amendement II-DN138, je suis favorable à l’adoption des trois amendements identiques.

Demande de retrait pour les amendements II-DN129 et II-DN116, mais seulement pour des raisons de technique budgétaire.

Sur le fond, il faut bien mesurer que le Gouvernement propose d’aider au développement d’une base industrielle et technologique de défense (BITD) ukrainienne, en association étroite avec les industriels français. Le fonds spécial de soutien a pour objet de rendre possibles des commandes directes de l’Ukraine auprès de nos industries de défense et, si possible, que l’industrie de défense ukrainienne puisse répondre au mieux aux besoins du front – y compris dans le domaine du maintien en condition opérationnelle (MCO), crucial dans un conflit qui va encore durer longtemps.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Du fait d’un petit loupé technique, le groupe Les Républicains n’a pas déposé un amendement identique.

Mais nous soutenons totalement ces amendements, qui constituent un signal. Après l’attaque terroriste du Hamas contre Israël, on a tendance à regarder le Proche-Orient et à perdre de vue l’Ukraine. Il est très important que notre commission adopte ces amendements le plus largement possible, afin de montrer que nous n’oublions pas cette dernière.

Ensuite, le fonds spécial de soutien correspond à un besoin des armées ukrainiennes. Nous avons entendu ce qu’a dit le ministre des armées et nous sommes favorables au fait de passer d’une logique de cessions à une logique d’amorçage. Mais cela suppose aussi des crédits, et le fonds spécial peut et doit y participer. Des PME en ont besoin et certaines attendent la réouverture de ce fonds, comme par exemple Cybergun.

Enfin, comme cela a été dit par tous, la demande de pérennisation du fonds spécial ne se conçoit que dans le cadre de l’article 4 de la LPM, voté à l’unanimité, lequel dispose que l’aide à l’Ukraine ne doit pas se faire au détriment de nos armées. Nous appelons solennellement le ministre à respecter cet article.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, les amendements II-DN129 et II-DN116 tombent.

 

Amendement II-DN146 de M. Jean-Louis Thiériot

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Il s’agit d’un amendement d’appel, qui vise à insister sur l’importance de réfléchir, dans le cadre de la fonction d’influence, au déploiement d’une stratégie avec les think tanks non étatiques. Je suis prêt à retirer l’amendement, dont le montant de 10 000 euros est symbolique, mais nous devons élaborer une véritable stratégie avec ces organisations pour que les think tanks français de la défense parviennent à faire entendre une voix indépendante de la France, même s’ils n’atteindront jamais la puissance de la Rand Corporation.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Je vous rejoins complètement sur voter objectif. J’en parlais ce matin dans ma présentation. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec plusieurs think tanks dans le cadre de mes travaux ainsi qu’avec la DGRIS. Je pense que nous devons réfléchir aux moyens de soutenir davantage et mieux nos centres de recherche. La réforme du dispositif de soutien aux think tanks de la DGRIS mis en place en 2015 a porté ses fruits mais nous devons aller plus loin. Je vous propose de retirer votre amendement et de poursuivre la réflexion sur les modalités du renforcement de ce soutien.

L’amendement est retiré.

 

L’amendement II-DN148 de M. Jean-Louis Thiériot est retiré.

 

Amendement II-DN156 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti-, rapporteur pour avis. Il vise à mettre en lumière la nécessité de la montée en puissance de nos capacités spatiales. Qui dominera l’espace aura un avantage sur le champ de bataille : nous n’avons pas suffisamment pris la mesure des besoins dans ce domaine ; l’amendement vise à combler notre retard pour ne pas revivre l’expérience des drones.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable. Le PLF traduit les engagements de la LPM et comporte ainsi la première étape du patch de 6 milliards d’euros programmés pour le spatial. Les autorisations d'engagement s’élèvent à 1,2 milliard en  2024 pour le programme de « maîtrise de l’espace », soit une augmentation supérieure à 200 % par rapport à 2023. La programmation satisfait l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN157 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’un de mes précédents amendements évoquait l’activité des aéronefs ; celui-ci cible leur disponibilité. Les restrictions de diffusion d’informations en matière de disponibilité des flottes nous empêchent d’analyser l’efficience du maintien en condition opérationnelle (MCO). Ayant pu consulter les chiffres, je propose d’abonder le MCO de 280 millions d’euros, afin que la flotte –  notamment le triptyque MRTT, A400M, Rafale – puisse voler plus fréquemment.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN158 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Il vise à donner plus de moyens au programme Scorpion, afin de renforcer les capacités d’évacuation médicale du service de santé des armées (SSA). Nous avons en effet des interrogations sur les livraisons des véhicules Griffon sanitaire (SAN) et Serval SAN.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. L’évacuation des blessés figure en effet parmi les nombreux enseignements du retour d’expérience de l’exercice Orion.

Il s’agit d’un amendement d’appel, mais, sur le fond, la version sanitaire du Griffon et du Serval n’en est qu’une parmi d’autres du programme Scorpion, toutes également importantes et que la DGA doit qualifier successivement. Huit autres sous-versions sont ainsi prévues pour le Serval – infanterie, génie, mortier de 81 millimètres, mortier de 120 millimètres, poste de commandement, missiles de moyenne portée (MMP), sol-air de très courte portée et ravitaillement.

Il appartient aux forces de prioriser les livraisons des différentes versions en fonction de besoins militaires associés. De récentes avancées sont à saluer car la DGA a pu qualifier, le 25 septembre dernier, la version du véhicule de patrouille blindé sanitaire du Serval : les livraisons vont pouvoir débuter pour ce véhicule, qui sera destiné aux équipes médicales mobiles du SSA. Celui-ci en attend 135 exemplaires, afin de remplacer d’ici à 2029 la version « évolution contre les engins explosifs improvisés (Évol Cied) » du véhicule de l’avant blindé (VAB). Par ailleurs, le SSA sera doté de 196 Griffon SAN, la DGA ayant déjà qualifié cette version en 2022.

Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN161 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous débutons l’examen d’une série d’amendements liés à lla partie thématique de mon rapport budgétaire.

Le premier concerne les militaires affectés outre-mer, lesquels bénéficient tous d’un logement du ministère : le financement du loyer s’effectue par une retenue sur salaire, qui représente 10 % pour un militaire mais 15 % pour un agent civil du ministère des armées. Cet amendement vise à supprimer cette inégalité de traitement en ramenant la retenue des personnels civils à 10 % de leur salaire.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN162 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous avons déjà évoqué le sujet du coût du carburant pour les armées. Il s’agit de l’amendement que je proposais à nos camarades socialistes à la place du leur.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je partage votre inquiétude sur la hausse de ce coût. J’ai moi-même déposé un amendement en ce sens, qui me paraissait équilibré et proportionné aux besoins, alors que le vôtre, qui propose une augmentation des crédits de 100 millions d’euros, me semble quelque peu disproportionné ; j’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN163 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement porte sur le même sujet.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. L’avis est défavorable, car la loi de finances initiale pour 2024 prend déjà en compte pour partie votre demande. Nous rappelons chaque année l’existence de l’article 5 de la LPM, qui a joué dans les années précédentes.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant la position du rapporteur pour avis M. François Cormier-Bouligeon, la commission rejette l’amendement II-DN164 de M. Bastien Lachaud.

 

Amendement II-DN165 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à limiter les irritants du quotidien qui ennuient les militaires et contribuent à affaiblir leur fidélisation, en augmentant les stocks d’habillement du service du commissariat des armées (SCA). Actuellement, 2 % du catalogue se trouve en rupture de stock : les produits les plus demandés, notamment les chaussures noires plates de taille 44, manquent régulièrement. L’amendement abonde les crédits du SCA pour que celui-ci reconstitue ses stocks d’habillement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN166 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il porte sur le statut des personnes occupant le poste de baleinier en Polynésie française ; celles-ci sont indispensables pour l’accostage dans les atolls ; chacun de ces derniers est unique, si bien que le temps de formation est très long. Ils ont longtemps bénéficié du statut de personnels civils de recrutement local (PCRL) et pouvaient travailler jusqu’à l’âge de la retraite. Ils ont actuellement le statut de militaires commissionnés et ne peuvent donc pas dépasser dix-sept ans de service. L’essentiel de cette période est consacré à la formation, donc ils souhaiteraient pouvoir exercer plus longtemps.

Cet amendement d’appel vise à ouvrir une réflexion sur le statut des baleiniers, indispensables à notre présence en Polynésie.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Une fois n’est pas coutume, je suis en phase avec M. Lachaud. Les baleiniers n’appartenaient pas à la marine nationale, ils étaient rattachés aux gens de mer ; maintenant qu’ils ont rejoint la marine, ils ne peuvent pas servir plus de dix-sept ans car ils ne peuvent pas accéder au brevet supérieur. Il faut trouver une solution, qui pourrait emprunter la voie de la validation des acquis de l’expérience (VAE), pour que ces personnes, très peu nombreuses, puissent obtenir le brevet supérieur. L’avis est favorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Ils sont entre cinq et dix, pas plus.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN167 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Dans le cadre de la reconnaissance de la dette de l’État français à la suite des essais nucléaires dans le Pacifique, le ministère des armées a créé un statut de PCRL. Malheureusement, ces agents ne sont recrutés qu’à des postes équivalents aux catégories B et C de la fonction publique ; leur avancement est donc bloqué alors qu’ils remplissent souvent des tâches de catégorie A.

Ces agents apprécient ce statut protecteur et utile, mais ils aimeraient être reconnus à la hauteur de leurs qualifications – ils sont souvent surdiplômés –, de leur engagement et de la nature réelle des postes qu’ils occupent.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN168 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les forces de souveraineté sont très souvent sollicitées pour effectuer les évacuations sanitaires (Évasan), qui ne relèvent pourtant pas de leurs compétences. L’amendement vise à augmenter les moyens civils dédiés aux Évasan afin que les forces ne soient pas détournées de leurs missions opérationnelles.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN169 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je propose une augmentation de 50 millions du budget de l’Igesa (institution de gestion sociale des armées), dont le rôle est fondamental tant pour les loisirs que pour la gestion des établissements sociaux et médico-sociaux.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN170 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je propose de doter de 220 millions supplémentaires la rémunération indiciaire des personnels militaires de la marine nationale, de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de l’espace, mais aussi des personnels exerçant des fonctions de soutien et logistique interarmées relevant du programme 178. Ce montant correspond à l’ensemble des mesures générales concernant la fonction publique qui se sont appliquées aux armées et garantit que le financement des mesures interministérielles n’est pas ponctionné sur la LPM.

La commission adopte l’amendement.

 

Avant l’article 50

 

Contre la position du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, elle rejette l’amendement II-DN2 de Mme Isabelle Santiago.

 

Amendement II-DN5 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). C’est une demande de rapport relatif à l’adaptation de la politique de rémunération des militaires, en vue d’améliorer l’équilibre entre rémunération indiciaire et indemnitaire.

Ces dernières années, le ministère des armées a repensé la solde de nos soldats en mettant en œuvre la NPRM. Le rapport annexé de la LPM 2024-2030 indique que « la revalorisation des grilles permettra […] aux militaires du rang de progresser dès les premières années de leur engagement […]. Une attention particulière sera portée à la reconnaissance des sous-officiers supérieurs […]. Les parcours d’officiers seront également valorisés en accompagnant mieux les potentiels et les performances constatées. La part indemnitaire de la politique salariale, quant à elle, ciblera les métiers et les expertises en forte tension et qui participent à nos pivots capacitaires ». Le PLF pour 2024 doit marquer l’achèvement du déploiement de la NPRM.

Ces efforts, salués par les principaux concernés, ne nous semblent cependant pas suffisants pour relever les défis de l’attractivité et de la fidélisation et face au sentiment de déclassement éprouvé par nos troupes. La baisse des cibles d’effectifs pour 2024 et la non-atteinte des objectifs de recrutement inscrits dans la LPM, pourtant votée il y a quelques mois, le prouve. La revalorisation du point d’indice est, elle aussi, bien insuffisante après plus de dix ans de gel.

Contre la position du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN3 de Mme Isabelle Santiago

Mme Anna Pic (SOC). Il demande un rapport relatant les actions entreprises par le Gouvernement pour atteindre ses objectifs en matière de politique environnementale et de transition écologique dans le domaine des armées, et examinant la possibilité de créer une ligne budgétaire dédiée à la transition écologique dans le cadre de la mission Défense.

Contre la position du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN1 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Il demande un rapport sur l’évaluation de la mise en œuvre du dispositif d’économie de guerre concernant l’industrie de défense : politique d’accroissement et de gestion des stocks, notamment de munitions, maintien en condition des équipements, simplification des besoins, assouplissement des règles, etc.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Avis défavorable : l’amendement est satisfait par le rapport annuel prévu à l’article 9 de la LPM.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN8 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Il demande un rapport formulant, conformément à la recommandation de la Cour des comptes dans son rapport sur l’exécution du budget 2022, une trajectoire d’autorisations d’engagement et de restes à payer, notamment pour le programme 146, sur une base pluriannuelle. Nous nous inquiétons toujours de l’augmentation des restes à payer.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’article 10 de la LPM prévoit déjà un rapport annuel sur l’évaluation de la programmation budgétaire. L’augmentation des restes à payer est liée à celle des capacités, conforme à l’ambition commune qu’exprime la LPM.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN9 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Il demande un rapport sur l’évaluation et l’état d’avancement des programmes d’armement en coopération dans le secteur de la défense, qu’il s’agisse des coopérations avec les États partenaires établies sur une base plurinationale ou des programmes lancés dans le cadre de l’Union européenne et financés par des crédits communautaires. Ce rapport évalue également dans quelle mesure le PLF inscrit dans les faits la coopération européenne et en quoi ces partenariats renforcent l’autonomie stratégique nationale sur la scène européenne dans deux domaines en particulier : les équipements et l’industrie ; la recherche et le développement.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’article 9 de la LPM prévoit déjà un rapport annuel qui traite de cette question.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN24 de Mme Isabelle Santiago

Mme Anna Pic (SOC). Il demande un rapport sur le coût du retrait anticipé des forces armées françaises au Sahel et la redirection des budgets qui leur sont dédiés. Il est souhaitable que ce rapport comprenne un volet détaillant le coût de retour des matériels et équipements et un autre précisant les coûts de transport de personnels et la juste rémunération des militaires déployés et rapatriés dans de brefs délais. Enfin, le rapport ferait état de la répartition des fonds utilisés pour assurer la présence française dans la région ainsi que la pérennité des missions de défense alors que l’on se tourne davantage vers la coopération de sécurité et de défense.

Contre la position du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN25 de Mme Isabelle Santiago

Mme Anna Pic (SOC). Nous demandons un rapport sur le coût de développement des matériels et technologies innovants adaptés aux nouveaux espaces de conflictualité, qui différenciera bien le spatial, le cyber et les fonds marins.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Avis défavorable. La politique d’innovation de défense fait déjà l’objet d’un rapport annuel précis : le DrOID (document de référence de l’orientation de l’innovation de défense), édité par l’AID (Agence de l’innovation de défense). Il est vrai que l’édition 2023 du document n’a pas encore été publiée, pour tenir compte des nouvelles priorités fixées dans la LPM, mais l’AID m’a fait savoir qu’il sera publié très prochainement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN109 de M. Aurélien Saintoul

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il demande un rapport destiné à faire la transparence sur le recours éventuel de l’État à des ESSD (entreprises de services de sécurité et de défense) pour l’exercice budgétaire 2024.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN113 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il demande un rapport relatif à l’impact des reports de commande sur le coût des programmes et la capacité des armées à honorer les contrats opérationnels.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Défavorable. Nous en avons longuement parlé dans le cadre de la LPM. Il est normal de revoir les cibles d’année en année en fonction des priorités et contraintes géostratégiques et géopolitiques.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN114 de M. Aurélien Saintoul

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Selon la Cour des comptes, la contribution de la France à l’Otan devrait coûter 830 millions d’euros en 2030. En parallèle, nous dépensons chaque année 700 millions en nature sur le flanc est de l’Europe, en mettant à disposition certains moyens de nos armées. Nous souhaitons savoir très précisément comment cette contribution en nature est prise en compte au sein de l’Otan dans le financement de l’Alliance par la France. Nous voulons également connaître les objectifs du Gouvernement s’agissant de l’obtention de financements de l’Otan. Bref, y a-t-il une vision, une stratégie française au sein de l’Otan, qui justifie que nous soyons revenus au sein du commandement intégré et qui prenne en compte ce que nous faisons pour l’Organisation de sorte que nos armées bénéficient de retours sur investissement ?

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis.  La question de l’OTAN et celle de notre stratégie vis-à-vis de cette organisation ont été longuement débattues pendant la LPM. Un rapport du gouvernement sur ces sujets est d’ailleurs prévu dans son rapport annexé.

Par ailleurs, rien n’empêche notre commission de faire une mission d’information sur ce sujet.

M. le président Thomas Gassilloud. Nous auditionnerons mardi prochain les membres de la Cour des comptes qui ont consacré un rapport à cette question.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous avons déjà eu ce débat à propos de la LPM. Chaque fois, on nous dit que la commission va faire une mission d’information. Chiche !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN118 et II-DN120 de M. François Piquemal

Mme Martine Étienne. Le premier de ces deux amendements vise à obtenir un rapport relatif aux moyens mis en œuvre pour lutter contre les débris spatiaux. Il s’agit d’établir les priorités, en énumérant les risques et les moyens d’action, pour consacrer à ce problème un véritable budget en loi de finances et en programmation.

Les débris spatiaux, raison principale de la dégradation de nos matériaux, peuvent même détruire nos équipements. Le problème s’aggrave d’année en année, à mesure que le trafic spatial augmente et que les méga-entreprises aux dirigeants milliardaires, comme Elon Musk, se livrent à une course spatiale sans fin. L’ESA (Agence spatiale européenne) donne l’alerte et souligne l’importance de technologies permettant de prévenir le phénomène. Elle ajoute qu’« en parallèle, les régulateurs doivent surveiller de plus près les engins spatiaux placés sous leur juridiction ainsi que l’adhésion aux mesures d’atténuation des débris ».

Le second amendement demande un rapport sur les moyens mis en œuvre dans le domaine de la météo spatiale. Seule une parfaite connaissance, maîtrise et anticipation des événements comme les éruptions solaires permet d’appréhender convenablement le domaine spatial et de protéger nos matériaux. Or la météo spatiale ne fait pas l’objet d’une délégation de service public : ce sont des start-up, françaises ou non, qui travaillent sur cette question. Le Gouvernement prévoit-il de continuer à faire appel à des services privés ou souhaite-t-il investir dans un opérateur d’État spécifique ? L’étude de l’espace repousse les limites de nos connaissances et développe notre humanité.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Chacun comprendra la préoccupation de La France insoumise concernant les vieux débris – spatiaux, évidemment – compte tenu de l’impact qu’ils peuvent avoir sur les activités de l’armée de l’air et de l’espace. Plus sérieusement, c’est un sujet qui se traite au niveau européen, notamment dans le cadre de l’Agence spatiale européenne (ESA). Je ne vois pas en quoi un rapport national aiderait cette agence à bien documenter et appréhender la question. Et ce n’est pas davantage par un rapport que nous traiterons le sujet de la météo spatiale. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une question importante de souveraineté à laquelle vous ne pouvez pas répondre « l’Europe fera ». La France n’est plus la première contributrice nette au budget de l’Agence spatiale européenne (ESA) : c’est désormais l’Allemagne, qui détermine donc un peu plus que nous les orientations de l’agence. Or nous n’avons pas les mêmes objectifs, la même vision de l’utilité de l’espace que les Allemands. Nous avons, pour notre part, un commandement de l’espace, qui a besoin de gérer la question des débris, et toutes nos armées dépendent de la météo spatiale. Ne balayons donc pas la question d’un revers de main.

Nous sommes les seuls à avoir insisté sur l’enjeu de l’espace lors des trois dernières campagnes présidentielles. Nous sommes ravis de constater que la majorité s’est enfin résolue, dans le cadre de la dernière LPM, à considérer l’espace, le cyber et les fonds marins comme des enjeux centraux, ainsi que nous le faisons depuis plus de dix ans. Néanmoins, vous n’allez pas assez loin. La manière dont vous réagissez à ces amendements démontre bien que vous n’avez pas encore pleinement compris l’importance de l’espace pour les conflits de demain et, au-delà, pour la survie de l’humanité.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Nos collègues de LFI sont les seuls à ne pas avoir voté la loi de programmation militaire et le renforcement de 6 milliards des moyens pour le spatial. Nous n’avons pas de leçons à recevoir dans ce domaine, Monsieur Lachaud. Par ailleurs, je n’ai pas dit « l’Europe fera », mais que ce n’est pas avec des demandes de rapport qu’on traitera ces questions.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je chercherai la date de l’anniversaire de notre collègue Bastien Lachaud pour lui offrir l’ensemble des discours d’Emmanuel Macron. Il pourra ainsi constater que son groupe n’est pas le seul à parler de ces sujets.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-DN143 de M. José Gonzalez.

M. José Gonzalez (RN). Si le bloc NPRM, c’est-à-dire la nouvelle politique de rémunération des militaires, va globalement dans le bon sens, les associations professionnelles nationales nous ont alertés sur un point qui semble essentiel : certains profils sont pénalisés par l’indemnité de garnison et sa fiscalisation dès lors que le taux marginal d’imposition dépasse 15 %. Nous soulignons, par cet amendement qui demande au Gouvernement de nous remettre un rapport, la nécessité de modifier le décret du 24 mai 2023 pour aller vers une défiscalisation de l’indemnité et éviter à nos militaires une perte de pouvoir d’achat.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je suis favorable à la défiscalisation de l’indemnité de garnison, mais une demande de rapport n’est pas le bon moyen d’atteindre cet objectif. Il faudrait soit revenir maintenant sur le décret soit attendre 2025 pour voir réellement les effets de l’indemnité. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense modifiés.

 


—  1  —

   Annexe :

Auditions et déplacement du rapporteur pour avis

(par ordre chronologique)

 

  1. Auditions

     Thales M. Philippe Duhamel, directeur général adjoint, M. le général de corps aérien (2S) Thierry Angel, conseiller défense, M. Pierre Schanne, directeur des études amont défense, et Mme Isabelle Caputo, vice-présidente des relations institutionnelles ;

     Nexter M. Nicolas Chamussy, président-directeur général, M.  Alexandre Dupuy, directeur des relations institutionnelles, de la communication et des ventes France et M. Alexandre Ferrer, chargé des relations avec le Parlement ;

 

     MBDA M. Jean-René Gourion, directeur général délégué, M. l’amiral (2S) Hervé de Bonnaventure, conseiller défense, et Mme Anne-Sophie Thierry Bozetto, responsable des relations politiques et parlementaires ;

 

     État-major des armées M. le général de corps d’armée Vincent Pons, sous-chef d’état-major chargé des plans et des programmes ;

 

     Table ronde réunissant des représentants du Comité Richelieu, du GICAN, du GICAT et du GIFAS :

-          Comité RichelieuM. Thierry Gaiffe, président de la commission défense ;

-          GICAN M. Jean-Marie Dumon, délégué général adjoint ;

-          GICAT Mme Martine Poirmeur, déléguée générale adjointe, et Mme Isabelle Desjeux, chargée des affaires européennes ;

-          GIFASM. le général de corps aérien (2S) Frédéric Parisot, délégué général ;

     État-major de l’armée de terre M. le général de division Alain Lardet, sous-chef d’état-major chargé des plans et des programmes ;

 

     EuroDéfense M. Olivier Gras, secrétaire général.

 

     État-major de l’armée de l’air et de l’espace M. le général de brigade aérienne Vincent Chusseau, sous-chef d’état-major chargé des plans et des programmes ;

 

     Fondation pour la recherche stratégiqueMme Hélène Masson, maître de conférence au pôle « défense et industries » ;

 

     État-major de la marine M. le vice-amiral David Desfougères, sous-chef d’état-major chargé des plans et des programmes ;

 

     Airbus M. Philippe Coq, directeur des affaires publiques, M. Cyrille Fevre, Responsable « grands comptes » pour Airbus Helicopters, M. le général de corps aérien (2S) Guy Girier, conseiller défense, et M. Olivier Masseret, directeur des affaires institutionnelles ;

 

     Service européen pour l'action extérieure (SEAE)M. Stijn Mols, chef de la division pour la sécurité et la défense ;

 

     Direction générale de l’industrie de la défense et de l’espace (DG DEFIS) de la Commission européenne Mme Anne Fort, cheffe de l'unité chargée de la politique industrielle de défense ;

 

     Représentation permanente de la France auprès du Comité Politique et Sécurité (COPS) de l’Union européenne Mme Mathilde Félix - Paganon, ambassadrice ;

 

     Direction générale de l’armementM. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, M. l’ingénieur général de l’armement Nicolas Fournier, directeur de la direction des plans et du budget, M. l’ingénieur en chef de l’armement Damien Louise, chargé de mission Europe au sein de la direction du développement international, et Mme Mathilde Herman, conseillère communication et relations élus auprès du délégué général.

 

 

2. Contributions écrites transmises à votre rapporteur

     Contribution écrite de Safran ;

 

     Contribution écrite d’Aresia.

 

 

 

3. Déplacement

      Visite de la base de l’Ile-Longue, rencontre avec M. le vice-amiral d’escadre Jacques Fayard, commandant des forces sous-marines et de la force océanique stratégique (ALFOST), et les officiers de la base.


([1]) ASAP pour Act in Support of Ammunition Production.

([2]) EDIRPA pour European Defence Industry Reinforcement through common Procurement Act.

 

([3])  L’agrégat « Équipement » des lois de programmation militaire (LPM) 2019-2025 et 2024-2030 regroupe 10 opérations stratégiques : la dissuasion, les programmes à effet majeur, les autres opérations d’armement, les équipements d’accompagnement et de cohérence, l’entretien programmé du matériel, l’entretien programmé du personnel, les infrastructures de défense, la prospective et la préparation de l’avenir, l’environnement des programmes d’armement et enfin le renseignement.

([4])  LPM 2024-2030, rapport annexé, section 2.2.3.

([5]) Projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

([6]) Projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

([7]) Projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

([8]) Projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

([9]) Ibid.

([10]) LPM 2024-2030, rapport annexé.

([11]) LPM 2024-2030, rapport annexé.

([12]) LPM 2024-2030, rapport annexé.

([13]) Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire adressée par votre rapporteur.

([14]) Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

([15]) LPM 2024-2030, rapport annexé.

([16]) RJ pour « ramjet » : concept supersonique manœuvrant.

([17]) TP pour turbopropulseur : concept subsonique furtif.

([18]) Le Scalp NG serait une solution de repli à titre national basée sur des évolutions du Scalp si « la montée en maturité des concepts RJ et TP, (développés dans le cadre du programme en coopération FMAN/FMC) n’était pas suffisamment démontrée fin 2024 », selon le ministère des Armées (réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur).

([19]) Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

([20]) LPM 2024-2030, rapport annexé.

([21]) Projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

([22]) Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

([23]) Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

([24]) Projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

([25]) Projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

([26]) Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

([27]) Projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

([28]) Projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

([29]) Projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

([30]) Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

([31]) Ces données sont à jour du 31 août 2023.

([32]) Ibid.

([33]) Il sera rappelé que pour l’année 2024, les dépenses liées à l’effort national de soutien à l’Ukraine, notamment le recomplètement de cessions de matériels et d’équipements et les évolutions éventuelles du fonds de soutien à l’Ukraine et de dispositifs équivalents, devront faire l’objet d’un financement interministériel en vertu de l’article 4 de la LPM 2024-2030.

([34])  Cour des comptes, note d’exécution budgétaire, « analyse de l’exécution budgétaire, mission Défense », avril 2023.

([35]) Audition de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement devant la commission de la défense nationale et des forces armées, Assemblée nationale, 17 octobre 2023.

([36]) Rapport annuel de performances 2022 du programme 146 : « la livraison de 9 modules projetables a été décalée à 2023 en raison de retards induits par la pénurie de composants ».

([37]) Rapport annuel de performances 2022 du programme 146 : « Le décalage des livraisons CONTACT équipement portatif résulte de la crise mondiale des composants qui a altéré la cadence nominale de production des postes terrestres portatifs ERS-p ».

([38]) Rapport annuel de performances 2022 du programme 146 : « Le décalage du premier prototype de récepteur bi-constellation (2025 au lieu de 2023) résulte du retard de fourniture d’un composant spécifique ».

([39]) Audition de M. le général de brigade aérienne Cédric Gaudillière, chef de la division "cohérence capacitaire" de l’état-major sur le projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, commission de la défense nationale et des forces armées, Assemblée nationale, 13 avril 2023.

 

([40]) « De fait, les premières ébauches communiquées par l’équipe NGRC comprennent des performances proches de celles exprimées outre-Atlantique. À savoir, une machine très rapide (au moins 330 km/h) et offrant une grande endurance (1650 km), deux capacités nécessaires pour répondre aux élongations rencontrées, par exemple, dans la région Indo-Pacifique. Côté français, la furtivité l’emporterait sur la vitesse pour privilégier un hélicoptère de conception plus « classique » à même d’effectuer des vols tactiques à basse altitude », Forces opérations blog, « NGRT, réponse européenne au programme NGRC », 24 mai 2023.

 

 

([41]) L’agence européenne de défense (AED) et le service européen pour l'action extérieure (SEAE) sont également représentés au sein de comité de programme, mais sont dépourvus de droit de vote.

 

 

([42]) Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

([43]) Hélène Masson, « European Defence Fund – EDF 2022 calls results ans comparison with EDF 2021 », fondation pour la recherche stratégique, 17 juillet 2023.

([44]) Ibid.

 

([45]) Hélène Masson, « European Defence Fund – EDF 2022 calls results ans comparison with EDF 2021 », fondation pour la recherche stratégique, 17 juillet 2023.

([46]) Vincent Lamigeon, «. Missiles hypersoniques : les dessous de la gifle de l’Europe à MBDA », Challenge, 28 juillet 2022.

([47]) Règlement UE 2021/697, article 11 : « Un financement de l’Union est octroyé à la suite d’appels à propositions concurrentiels lancés conformément au règlement financier. Dans certaines circonstances dûment justifiées et exceptionnelles, un financement de l’Union peut également être octroyé sans appel à propositions conformément à l’article 195, premier alinéa, point e), du règlement financier ».

([48])  Jean Fournet, Olivier Gras, Patrick Bellouard, Jean-Charles Boulat, Jean-Paul Perruche, Philippe Roger et Denis Verret, « Fonds européen de défense : ne surtout pas perdre la Boussole ! », La Tribune, 2 février 2023.

([49]) Contribution de la commission à la défense européenne, 15 février 2022.

([50]) Communication conjointe sur l’analyse des déficits d’investissement dans le domaine de la défense et sur la voie à suivre du 18 mai 2022.

([51])  Commission européenne, Proposal for a regulation establishing the Strategic Technologies for European Platform (STEP), 20 juin 2023.

([52])  Selon les indications du ministère des Armées, la DGA peut ainsi conduire des projets Fedef en gestion indirecte depuis le mois d’août 2023

([53]) Communication conjointe sur l’analyse des déficits d’investissement dans le domaine de la défense et sur la voie à suivre du 18 mai 2022.

([54]) Munich security report, « Defense sitters – Tranforming European Militaries in times of war », juin 2023.

([55]) Communication conjointe sur l’analyse des déficits d’investissement dans le domaine de la défense et sur la voie à suivre du 18 mai 2022.

([56]) Munich security report, « Defense sitters – Tranforming European Militaries in times of war », juin 2023.

([57]) European parliamentary research service, « Reinforcing the European defence industry », juin 2023.

([58]) Munich security report, « Defense sitters – Tranforming European Militaries in times of war », juin 2023.

([59]) Cible convenue par les États membres dans le cadre de l’agence européenne de la défense en 2007 et fixé dans le cadre de la coopérations structurée permanente.

([60]) Communication conjointe sur l’analyse des déficits d’investissement dans le domaine de la défense et sur la voie à suivre du 18 mai 2022.

([61]) Munich security report, « Defense sitters – Tranforming European Militaries in times of war », juin 2023.

([62]) Ibid.

([63]) Jean-Pierre Maulny, «The impact of the war in Ukraine on the European defence market », IRIS, septembre 2023.

([64]) Ibid.

([65]) Jean-Pierre Maulny, «The impact of the war in Ukraine on the European defence market », IRIS, septembre 2023.

([66]) EDIRPA pour European Defence Industry Reinforcement through common Procurement Act.

([67]) ASAP pour Act in Support of Ammunition Production.

([68]) Article 173 TFUE : « 1. L'Union et les États membres veillent à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l'industrie de l'Union soient assurées. À cette fin, conformément à un système de marchés ouverts et concurrentiels, leur action vise à : / accélérer l'adaptation de l'industrie aux changements structurels ; encourager un environnement favorable à l'initiative et au développement des entreprises de l'ensemble de l'Union, et notamment des petites et moyennes entreprises ; encourager un environnement favorable à la coopération entre entreprises ; favoriser une meilleure exploitation du potentiel industriel des politiques d'innovation, de recherche et de développement technologique ».

 

([69]) Communication conjointe sur l’analyse des déficits d’investissement dans le domaine de la défense et sur la voie à suivre du 18 mai 2022.

([70]) EDIP pour European Defence Investment Programme.

([71]) Contribution de la commission à la défense européenne, 15 février 2022.

([72])  Rapport au Parlement 2023 sur les exportations d’armement de la France.

([73]) Contribution de la commission à la défense européenne, 15 février 2022.

([74]) Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

([75]) Communication conjointe sur l’analyse des déficits d’investissement dans le domaine de la défense et sur la voie à suivre du 18 mai 2022.