N° 1808

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 octobre 2023.

 AVIS 

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2024 (n° 1680)

 

TOME VIII

 

 

DÉFENSE

 

sÉcuritÉs

GENDARMERIE NATIONALE

PAR M. Jean-Pierre CUBERTAFON

Député

——

 

Voir le numéro : 1745 


 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

Première partie : les crédits relatifs à la gendarmerie nationale dans le projet de loi de finances pour 2024

I. Face à l’intensification de son activité opérationnelle, la gendarmerie nationale renforcera significativement sa présence sur l’ensemble du territoire en 2024

A. Le maillage territorial de la gendarmerie nationale sera considérablement renforcé dès 2024 avec l’arrivée progressive des 239 nouvelles brigades annoncées dans le cadre de la lopmi

1. Une action coordonnée dans tous les champs de la sécurité intérieure dans une logique de proximité avec la population

2. Un engagement consolidé de la GN dans les Outre-mer et à l’étranger

a. Dans certains Outre-mer, la GN est confrontée à une insécurité croissante

b. De nouveaux équipements pour veiller à la cohérence capacitaire de la gendarmerie dans les Outre-mer

c. La Gendarmerie nationale reste déployée à l’étranger en 2024

B. Un accroissement continu de l’intensité des engagements opérationnels de la gendarmerie qui pourrait atteindre son paroxysme en 2024 avec les Jeux Olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024

1. Un contexte de dégradation du climat sécuritaire

2. La Gendarmerie nationale pourrait être très fortement mobilisée par les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de l’été 2024

a. Hypothèse de mobilisation

b. Éventails des moyens mobilisés par la gendarmerie nationale

c. Les JOP entraîneront une réorganisation territoriale des effectifs cet été

3. Doter la gendarmerie nationale de moyens efficaces et adaptés pour faire face à la gestion de crise et aux événements d’ampleur

a. L’année 2024 verra aboutir le programme de densification des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG)

b. Un renforcement des effectifs et des capacités de maintien de l’ordre

c. La modernisation des systèmes d’information et de communication (SIC)

C. La gendarmerie nationale consolidera en 2024 sa présence dans l’ensemble des nouveaux champs de la délinquance

1. La lutte contre violences sur les élus

2. La lutte contre les violences intrafamiliales (VIF) et à caractère sexuel et sexiste

3. L’action de la gendarmerie en matière de protection de l’environnement et santé

4. Une montée en puissance continue dans le cyberespace :

II. Si les dépenses de personnel enregistreront une forte hausse en 2024, l’inflation et les mesures catégorielles interministérielles viendront obérer les dépenses de fonctionnement et d’investissement de la Gendarmerie nationale

A. Une hausse significative des dépenses du titre II

1. Une hausse des effectifs correspondant essentiellement aux nouvelles brigades et EGM prévus dans le cadre de la LOPMI

a. Un schéma d’emplois à +1045 ETPT en 2024

b. La poursuite de la montée en puissance de la réserve opérationnelle

c. La gendarmerie face au défi du recrutement

d. Une diminution des effectifs des gendarmes adjoints volontaires (GAV)

2. Une hausse des dépenses de masse salariale

3. Au total, les mesures catégorielles interministérielles ainsi que l’inflation génèrent un « trou d’air » de près de 400 millions d’euros dans le budget hors T2 de la gendarmerie nationale

B. La baisse du budget hors T2 de la gendarmerie limitera fortement l’investissement de la gendarmerie en 2024

1. Des dépenses de fonctionnement fortement contraintes

a. Les loyers des casernes représentent 40 % des dépenses hors titre 2 de la gendarmerie

b. Le carburant et l’énergie sont aussi des dépenses contraintes

c. La baisse du budget consacré aux dépenses d’équipement risque de pénaliser la fonction habillement

d. Une baisse des dépenses sur les systèmes d’information et de communication qui limiteront l’innovation en 2024

e. Les dépenses de maintien en condition opérationnelle seront globalement satisfaisantes en 2024

2. Les dépenses d’investissement de la gendarmerie nationale seront fortement contraintes par le surcoût budgétaire de 400 M€

a. Seulement 400 véhicules seront renouvelés l’an prochain dans les brigades faute de budget d’investissement

b. La baisse du budget d’investissement de la GN impactera également le budget d’entretien d’un parc domanial déjà fortement dégradé

Seconde partie : La gendarmerie en Guyane ; quels moyens pour lutter contre l’orpaillage illégal ?

I. La gendarmerie de Guyane porte haut et fort les valeurs et les missions de la gendarmerie nationale au cœur du continent sud-américain

A. La Guyane, un outre-mer stratégique français au cœur du continent sud-américain

1. Les missions de la gendarmerie à l’épreuve des spécificités du territoire guyanais

a. Des missions singulières et stratégiques propres au contexte guyanais

b. Un territoire immense aux frontières poreuses et au climat éprouvant

2. Une croissance démographique forte

3. Le contexte sud-américain : une criminalité très forte

B. Afin de relever les nombreux défis du théâtre guyanais, les effectifs de la gendarmerie en Guyane ont été revus à la hausse depuis 2017

1. Hausse des effectifs

2. Des résultats encourageants dans la lutte contre la délinquance et la criminalité, bien que le niveau de délinquance demeure à un niveau très élevé

3. Un engagement opérationnel très fort qui accroit le risque de dommages physiques et psychologiques des gendarmes

II. Mission de police judiciaire inédite renforçant la militarité des gendarmes, la mission HARPIE produit des résultats encourageants dans la lutte contre l’orpaillage illégal

A. La mission HARPIE est une mission de police judiciaire et administrative qui concentre des moyens militaires importants

1. Le plateau des Guyanes est depuis longtemps une zone très aurifère qui attire de nombreuses convoitises

a. Les premières expéditions de prospection d’or remontent au XVIIIème siècle

b. L’orpaillage illégal en Guyane : un écosystème rationnel au cœur de la forêt

2. Une opération de police APU et judiciaire qui mobilise une majeure partie des personnels et des moyens du COMGEND Guyane

a. De la mission Anaconda à la mission Harpie

b. La gouvernance de la mission Harpie

c. Une mission de police administrative et judiciaire

i. Une mission de police administrative

ii. Une mission de police judiciaire

3. Une collaboration étroite et permanente des FAG et du COMGEND Guyane dans le cadre du CCO Harpie, malgré des moyens nécessairement limités

B. L’occupation permanente du terrain par les militaires de l’opération HARPIE produit des résultats encourageants

III. Points de vigilance du rapporteur

A. La nécessité de sanctuariser les effectifs de la gendarmerie nationale face à un niveau de criminalité particulièrement élevé

B. L’adaptation des vecteurs terrestres, fluviaux et aériens au contexte guyanais

C. La création d’une ligne budgétaire consacrée à la LCOI permettrait de sanctuariser le budget de fonctionnement du COMGEND ainsi que les moyens de la mission HARPIE

Travaux de la commission

I. Audition du général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

II. Examen des crédits

Annexe :  Auditions et déplacements du rapporteur pour avis

 


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   Introduction

À compter de la fin de cette année, les premières des 239 nouvelles brigades de gendarmerie annoncées par le Président de la République seront installées. La création de 239 nouvelles brigades de gendarmerie, réparties entre 95 brigades fixes et 144 brigades mobiles, représente un effectif de 2 144 gendarmes supplémentaires en France d’ici à 2027.

Il fut un temps où en France, on fermait des brigades : entre 2007 et 2016, ce sont près de 500 brigades qui furent fermées. Ce temps n’est plus. Alors que la population en zone Gendarmerie nationale n’a cessé de croître depuis 2015, votre rapporteur salue ce mouvement de fond qui vient concrétiser les promesses de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. ([1])  En parallèle, sept nouveaux escadrons de gendarmerie mobile seront déployés sur la même période. La Gendarmerie nationale continuera en 2024 à densifier son maillage territorial en promouvant le passage d’une logique de « guichet » à une logique de « pas de porte », dans la perspective « d’aller vers » la population.

Le présent avis budgétaire relatif aux crédits de la Gendarmerie nationale pour le projet de loi de finances 2024 (PLF 2024) est l’occasion de revenir dans le détail sur l’ensemble de ces enjeux. La première partie du présent avis s’intéressera à l’appréciation des grands équilibres du projet de loi de finances pour 2024 s’agissant du programme 152 « Gendarmerie nationale » au sein de la mission « Sécurités ». Il documente notamment les effets de bord de l’inflation et des mesures interministérielles de revalorisation salariale sur le budget d’investissement de la gendarmerie nationale en 2024.

La seconde partie portera sur le thème de la Gendarmerie en Guyane, avec un approfondissement spécifique sur l’action du commandement de la gendarmerie en Guyane dans la lutte contre l’orpaillage illégal. Les gendarmes français sont en effet engagés aux côtés des forces armées en Guyane dans une lutte sans relâche contre le fléau environnemental de l’orpaillage illégal. Le rapporteur revient en détail sur l’ensemble des moyens humains et matériels que la gendarmerie mobilise dans ce dispositif, avec des résultats tangibles et encourageants qui permettent de limiter significativement l’exploitation aurifère illégale. L’engagement des gendarmes dans la mission Harpie souligne, si besoin en était, la pertinence du modèle de militarité du gendarme.

À cet égard, votre rapporteur tient à remercier l’ensemble des personnels du commandement de la Gendarmerie en Guyane rencontrés dans le cadre de son déplacement en Guyane, ainsi que l’ensemble des personnes auditionnées dans le cadre de cet avis budgétaire.


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   Première partie : les crédits relatifs à la gendarmerie nationale dans le projet de loi de finances pour 2024

I.   Face à l’intensification de son activité opérationnelle, la gendarmerie nationale renforcera significativement sa présence sur l’ensemble du territoire en 2024

La loi ° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, dite « LOPMI », acte une forte augmentation des moyens humains et budgétaires du ministère de l’Intérieur, à hauteur de 15 Md€ supplémentaires et de 8 500 postes créés sur la période 2023-2027. En 2024, les crédits de la mission « Sécurités » augmenteront de 485,9 M€ par rapport à la LFI 2023 et s’établiront à 16, 54 Md€. Le schéma d’emploi de la mission en 2024 prévoit la création de 2 267 emplois, contre 2 874 en 2023.

La mission « Sécurités » comprend 4 programmes :

– le programme 176 relatif aux crédits de la Police nationale (56% des moyens de la mission en 2024) ;

– le programme 152 relatif aux crédits de la Gendarmerie nationale (39% des moyens de la mission en 2024) ;

– le programme 161 relatif aux crédits de la sécurité civile (4% des moyens de la mission en 2024) ;

– le programme 207 relatif aux crédits de la sécurité et éducation routières (1 % des crédits de la mission en 2024).

En 2024, les crédits de la gendarmerie nationale s’élèveront à 10,87 Md€ en AE et 10,39 Md€ en CP. Ces crédits seront en hausse de 500 M€ en AE par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023.

Présente sur 95 % du territoire national, la gendarmerie nationale assure la protection de plus de la moitié de la population française, dont les attentes en matière de sécurité ne cessent de croître. Afin d’y répondre, la présence physique de la gendarmerie sera renforcée par la densification de son maillage territorial. Conformément aux récentes annonces présidentielles ayant dévoilé la répartition des 239 nouvelles brigades de gendarmerie dont la création avait été actée par la LOPMI, un nombre significatif de nouvelles brigades sera créé dès 2024.

A.   Le maillage territorial de la gendarmerie nationale sera considérablement renforcé dès 2024 avec l’arrivée progressive des 239 nouvelles brigades annoncées dans le cadre de la lopmi

La population en zone de responsabilité de la gendarmerie nationale (ZGN) a augmenté de plus de 1 100 000 habitants entre 2015 et 2023. Ce dynamisme démographique commande une nécessaire adaptation du dispositif territorial de la gendarmerie nationale afin de conserver toute son efficacité opérationnelle et de maintenir un contact de proximité avec les populations.

1.   Une action coordonnée dans tous les champs de la sécurité intérieure dans une logique de proximité avec la population

– un renforcement du maillage territorial :

Afin de répondre à la croissance démographique en ZGN ainsi qu’à la demande de sécurité de la population, la gendarmerie nationale mettra en œuvre dès 2024 une densification de son maillage territorial conformément à l’objectif de la LOPMI de doublement de la présence des forces de l’ordre sur la voie publique. Ainsi, la LOPMI prévoit la création de plus de 8 500 nouveaux postes au sein du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, dont 2 100 postes de gendarmes employés au sein de 200 nouvelles brigades ainsi que la création de 7 nouveaux escadrons de gendarmerie mobile (EGM). Afin d’ancrer la présence des gendarmes dans les territoires, la réserve de la gendarmerie nationale sera progressivement augmentée de 34 000 effectifs en 2024 à un objectif de 50 000 réservistes en 2027.

Le président de la République a dévoilé le 2 octobre dernier le plan de répartition des 239 nouvelles brigades de gendarmerie d'ici 2027. Parmi ces 239 brigades, 93 seront des brigades fixes et 145 des brigades mobiles et des unités spécialisées contre les violences intrafamiliales ou la protection de l'environnement. Le déploiement de ces postes est imminent puisque plus de 300 gendarmes supplémentaires sont attendus dans les unités d’ici la fin de l’année 2023, et plus de 370 gendarmes à partir de 2024.

– une logique d’« aller vers » qui continue sa montée en puissance dans tous les champs de la sécurité intérieure

Le renforcement des effectifs de la gendarmerie nationale (GN) s’inscrit dans le passage d’une logique « de guichet » à une logique de « pas de porte », afin d’« aller vers » la population. Entre 2022 et 2023, le volume d’heures de présence de la GN sur la voie publique a connu une hausse de près de 10 %, avec 15 000 patrouilles effectuées quotidiennement.

La mise en œuvre d’une logique de « pas de porte » est amplifiée par la stratégie de mobilité numérique de la GN.

À cet égard, l’agence numérique des forces de sécurité intérieure (ANFSI) a vu le jour en septembre 2023, et bénéficiera en 2024 d’un abondement d’effectifs significatif pour atteindre, à terme, 528 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Le « parcours victime » sera rénové afin de proposer un accueil adapté aux besoins de la victime et un suivi dans la durée. Le renforcement de la formation des gendarmes participera à l’amélioration de ce parcours. Les plateformes grand public (« Ma Sécurité », « Brigade numérique ») s’intégreront pleinement à ce dispositif tandis que la procédure pénale numérique permettra à terme à tout usager d’être pris en charge via une procédure dématérialisée. Les dispositifs de plainte en ligne (PEL) et de visioplainte, en cours d’expérimentation, devraient être intégrées à cette démarche.

Par ailleurs, la GN poursuit son effort de transformation et de modernisation des outils de travail du quotidien des gendarmes en continuant le déploiement des ordinateurs portables Ubiquity, des téléphones Néo2 ainsi que des appareils Néo de prise instantanée d’empreintes digitales.

Le déploiement de solutions d’accueil « en mobilité » sur les points de concentration des populations (« Gend Drive » ou point d’accueil dans les centres commerciaux, en mairie ; etc.) ou, a contrario, dans les territoires les plus reculés (brigades mobiles ou véhicules aménagés de type « GendTruck ») permet à la GN de renforcer significativement sa présence dans les territoires dans une logique de proximité.

2.   Un engagement consolidé de la GN dans les Outre-mer et à l’étranger

Cette année, le rapporteur a souhaité particulièrement mettre en lumière les enjeux de la GN dans les Outre-mer. Il détaillera donc l’évolution des moyens humains et capacitaires de la GN dans les territoires ultramarins ainsi que dans les théâtres étrangers.

a.   Dans certains Outre-mer, la GN est confrontée à une insécurité croissante

Les territoires ultramarins font l’objet d’une attention particulière de la part de la GN. La montée de l’insécurité, la criminalité soutenue et la rupture des équilibres illustrée par la récente crise hydrique à Mayotte renforcent le besoin de GN dans ces territoires.

Le plan sécurité Outre-mer, mais également les plans spécifiques à Mayotte et à la Guyane comportent des mesures visant à renforcer les effectifs et les moyens de la GN dans ces territoires. Dans ce cadre, la gendarmerie a vu ses effectifs ultramarins renforcés de 428 ETPT sur huit ans : par exemple, 54 ETP supplémentaires ont été affectés en Nouvelle-Calédonie, 144 ETP à Mayotte et 121 ETP en Guyane. En 2024, les effectifs de la GN dans les Outre-mer seront renforcés pour un montant de 0,31 M€ hors CAS Pensions. Le renfort global en gendarmes mobiles dans les Outre- mer est actuellement porté à 21 EGM. Le commandement de la gendarmerie de Mayotte a été renforcé par 4 EGM (soit près de 370 militaires) afin d’intensifier sa présence sur le terrain dans le cadre de l’opération Wuambushu de lutte contre l’immigration clandestine.

Parce que cette montée en puissance des effectifs doit s’accompagner d’un renforcement de la formation, quatre centres régionaux d’instruction (CRI) ont été créés en 2023 en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et en Martinique. Le renforcement des effectifs de la GN doit également s’accompagner d’une stratégie RH visant à renforcer l’attractivité de ces territoires, notamment pour Mayotte et la Guyane qui continuent de souffrir d’un déficit d’attractivité parmi les gendarmes.

b.   De nouveaux équipements pour veiller à la cohérence capacitaire de la gendarmerie dans les Outre-mer

Auparavant centralisé, le système de renouvellement du parc automobile (véhicules légers et motos) de la GN pour les Outre-mer a été récemment simplifié et déconcentré. En 2022, le plan de renouvellement automobile a permis une commande globale de 32 motos pour l’ensemble des Outre-mer. Les livraisons sont intervenues fin 2022 pour la Guyane Française et au cours du 1er semestre 2023 pour les autres COMGEND. Pour l’année 2023, l’enveloppe prévisionnelle déconcentrée pour les commandements de la gendarmerie dans les Outre-mer (COMGEND) a été portée à 6 millions d’euros.

De plus, une enveloppe supplémentaire de près de 2 M€ a été mise en place afin de permettre la commande de 31 véhicules polyvalents d’équipes (VPE) en Martinique et Guadeloupe. Une partie des véhicules a été livrée dès 2022 et une autre devrait être livrée d’ici à la fin 2023.

Le dispositif aéromobile de la GN dans les Outre-mer est actuellement composé de 9 hélicoptères : 2 en Guyane, 2 à la Réunion et 2 en Nouvelle Calédonie, 1 appareil à Mayotte, 1 en Martinique et 1 en Guadeloupe. En Polynésie, deux hélicoptères Dauphin à vocation interministérielle sont mis en œuvre depuis 2011 par la Marine nationale. S’agissant de la flotte vieillissante d’AS 350 « Écureuil », il est prévu qu’elle soit réformée et remplacée par des hélicoptères H145 D3 dans le cadre d’un marché avec Airbus. Au PLF 2024, 95,6 M€ AE sont notamment prévus pour l’acquisition des premiers hélicoptères H 145 dans le cadre d’un marché avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). Sous toutes réserves, 2 H145 devraient être affectés en Guyane, un troisième serait affecté à Mayotte ainsi qu’un quatrième à la Réunion. Polyvalents, ces hélicoptères apporteront une capacité renforcée de projection de personnels d'intervention et une efficacité renforcée par une technologie de pointe (biturbines, équipés de boules optiques de surveillance etc.).

c.   La Gendarmerie nationale reste déployée à l’étranger en 2024

Engagée à l’étranger, la gendarmerie déploie au 20 juillet 2023 64 personnels en opérations extérieures (OPEX). L’évolution du contexte international a cependant conduit la GN à repenser son action à l’étranger, en déplaçant les contingents OPEX de l’Afrique sahélienne vers l’Europe de l’Est. Le commandement de la gendarmerie pour les missions extérieures (CGMEx) gère ainsi le déploiement de gendarmes intégrés dans les missions européennes de police civile en Arménie, en Géorgie et en Ukraine. En Europe, les détachements prévôtaux d’Estonie et de Roumanie ont récemment connu une augmentation pérenne de leurs effectifs. Par ailleurs, un détachement prévôtal a été créé en Pologne en février 2023.

Malgré la fermeture des théâtres africains tels que le Mali, la Centrafrique et récemment le Niger, la gendarmerie reste fortement impliquée à l’étranger, en appui des forces françaises ou alliées : en Libye pour la protection de la sécurité civile dans le cadre des récentes inondations ou encore dans l’évacuation de ressortissants au Soudan et au Niger. Depuis 2015, les dépenses ont connu une tendance baissière du fait de la réduction des déploiements en OPEX. Seules les dépenses de T2 font désormais l’objet d’une budgétisation et d’un suivi en central, pour un montant de 7 M€ depuis 2018.

 

Le coût des OPEX de 2018 à 2023 (P152)

 

en M€

Masse salariale

(Titre 2)

Fonctionnement courant et transport

(Titre 3)

Alimentation

(Titre 3)

Investissement

(Titre 5)

Total

 

2018

3,95

/

/

/

3,95

 

2019

4,67

/

/

/

4,67

 

2020

4,79

/

/

/

4,79

 

2021

4,48

/

/

/

4,48

 

2022

4,95

/

/

/

4,95

 

2023 (prévisions)

7,00

/

/

/

7,00

 

 

B.   Un accroissement continu de l’intensité des engagements opérationnels de la gendarmerie qui pourrait atteindre son paroxysme en 2024 avec les Jeux Olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024

1.   Un contexte de dégradation du climat sécuritaire

Les gendarmes connaissent une intensité croissante des engagements opérationnels. À cet égard, l’année 2023 a été particulièrement riche : mouvements sociaux contre la réforme des retraites, manifestation de Sainte-Soline ou les récentes émeutes urbaines. Il en résulte à la fois une hausse significative du nombre d’agressions et du nombre de gendarmes blessés au cours de ces événements.

Par ailleurs, au 30 juin 2023, 7 gendarmes d’active et 1 gendarme réserviste sont décédés dans l’exercice de leurs fonctions.

2.   La Gendarmerie nationale pourrait être très fortement mobilisée par les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de l’été 2024

a.   Hypothèse de mobilisation

À l’approche des jeux olympiques et paralympiques (JOP), la GN se prépare à une réorganisation inédite de ses forces à l’été 2024. Sollicitée pour renforcer la plaque parisienne au moment des épreuves sportives, la gendarmerie agira de concert avec la Préfecture de police de Paris et la Police nationale. Elle devra contribuer à la sécurisation des sites et assurera la protection des équipes, la sécurisation des stades et la gestion des flux face à un large spectre de menaces.

b.   Éventails des moyens mobilisés par la gendarmerie nationale

À l’occasion des JOP de Paris, la GN pourrait déployer entre 12 000 et 14 000 gendarmes sur la seule plaque parisienne. En coopération avec la police nationale et sous l’autorité de la Préfecture de police de Paris, ce déploiement prendra la forme de « blocs missionnels » organisant une répartition des missions et des zones à sécuriser par unité. Cet effectif sera renforcé par le contingent de réserve qui sera fortement mobilisé pour les JOP. En termes d’équipement, la livraison des hélicoptères H160 initialement prévue pour l’été 2024 et destinée à supporter l’action de la gendarmerie dans le cadre des JO pourrait finalement être reportée à 2025. La Gendarmerie nationale devra compenser ce manque, en s’appuyant par exemple sur le GIH - groupement interarmées d’hélicoptères – afin de transporter le groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN).

Les épreuves de voiles ayant lieu à Marseille, et les épreuves de surf à Tahiti, un dispositif d’encadrement et de sécurisation sera mis en place par la Gendarmerie maritime sur ces zones à l’approche des JOP.

Pour rappel, il n’est pas prévu d’enveloppe au sein du budget de la gendarmerie dédiée aux JO. De même, la majorité des infrastructures construites pour ces deux mois ne pourront pas être réutilisées (bien que la rénovation ou la modernisation de certains sites s’avère bénéfique sur le long terme).

c.   Les JOP entraîneront une réorganisation territoriale des effectifs cet été

Puisque la gendarmerie est évidemment sollicitée pour renforcer la plaque parisienne au moment des épreuves sportives, il en résulte que les EGM ne seront plus disponibles pour renforcer les zones d’affluence saisonnières estivales. La surveillance des côtes françaises devra donc être effectuée par des gendarmes départementaux ou réservistes, l’ensemble des militaires de la GN se préparant à bénéficier d’un nombre réduit de permissions pendant l’été 2024.

3.   Doter la gendarmerie nationale de moyens efficaces et adaptés pour faire face à la gestion de crise et aux événements d’ampleur

Dans un contexte de relèvement du niveau d’intensité de son engagement opérationnel, la GN s’adapte afin de fournir une réponse aux situations de crise qui se multiplient et aux événements d’envergure internationale.

a.   L’année 2024 verra aboutir le programme de densification des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG)

Implantés dans les compagnies de gendarmerie départementale dans l’hexagone et dans les Outre-mer, les PSIG interviennent sur le spectre de « l'intervention élémentaire » en appui des unités territoriales. L’année 2024 correspondra à la dernière tranche du programme de densification des PSIG, initiée à compter de la LFI 2022 pour une durée de quatre ans. Cette manœuvre vise la transformation des près de 3 000 postes de gendarmes adjoints volontaires (GAV) servant dans les 395 PSIG en emplois de sous-officiers (SOG) afin d’accroître la puissance capacitaire de ces unités.

Les équipements des PSIG continueront d’être renforcés. Depuis 2019, afin de faire face aux troubles à l’ordre public, les PSIG ont été dotés en priorité des 30 lots complets de protection dont a bénéficié la gendarmerie départementale. En 2021, les flashball ont été remplacés par des LBD de 40 mm. Au cours de l’année 2024 seront livrés des gilets « 4 en 1 ».

Par ailleurs, la formation des PSIG a été renforcée : les commandants d’unités et leurs adjoints sont à présent formés au commandement opérationnel au maintien de l’ordre au Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) de Saint-Astier (24). Enfin, suite aux événements dramatiques de Saint-Just, les militaires de ces unités reçoivent une formation tactique renforcée, dispensée par l’armée de Terre.

b.   Un renforcement des effectifs et des capacités de maintien de l’ordre

Les évolutions les plus notables du budget d’équipement de la gendarmerie en 2024 concernent :

– Une dotation de 28,8 M€ en AE et en CP destinée à la création de 7 nouveaux escadrons de gendarmerie mobile (EGM) d’ici l’été 2024, sachant que le transfert des missions de gardes statiques à la préfecture de police et à la Garde républicaine permettra de libérer 3 EGM, redéployés pour des missions à plus forte valeur ajoutée ;

Au sein du Groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM) de Satory, la création de deux escadrons dits « Guépard » pouvant être engagés sans préavis sur tout point du territoire ou en OPEX répond au besoin d’une force de projection immédiate dans un contexte de gestion de crise. L’un d’entre eux a d’ailleurs participé à l’opération judiciaire « Tempête 74 » visant à lutter contre les trafics de stupéfiants en Haute-Savoie.

Ce renforcement des effectifs s’accompagne d’un durcissement de la formation au maintien de l’ordre, avec une scolarité allongée d’un socle théorique OPJ d’un mois pour les futurs gendarmes départementaux, et un module de renforcement tactique d’un mois pour les futurs gendarmes mobiles.

– Le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) sera nécessairement sollicité lors d’événements de grande ampleur tels que les JO 2024, seul ou dans le cadre de dispositifs conjoints avec les unités d’intervention spécialisée (RAID, BRI) élaborés pour la coupe du Monde de Rugby 2023 et les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024. Désormais appuyé par 14 antennes, le GIGN connaîtra un niveau d’engagement important en 2024 et verra à ce titre ses capacités renforcées (livraison des nouveaux Centaure). D’un point de vue capacitaire, le GIGN bénéficie de moyens aériens de projection rapide, tels que le groupe interarmées d’hélicoptères (GIH), qui remplit des missions de soutien, d’appui et de préparation opérationnelle via des hélicoptères de manœuvre (2) ou avion de l’alerte gouvernementale. Un protocole a été signé le 15 mars 2021 qui fixe l’emploi des moyens aériens du GIH par le GIGN pour une durée de quatre ans, couvrant impérativement la période d’exécution des Jeux Olympiques et paralympiques de Paris 2024.

– Les véhicules blindés et de maintien de l’ordre : la GN verra arriver en 2024 les dernières livraisons des véhicules blindés polyvalents « Centaure » : 58 véhicules seront effectivement livrés en 2024 sur les 90 véhicules prévus par le PLF 2022, soit 30 VB de plus par rapport au parc actuel des véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG). En parallèle, 89 VBRG restent en service (bien que ce nombre soit en réalité moins élevé en raison d’une indisponibilité élevée).

La livraison de VBMO est également prévue pour remplacer les Iribus de la Gendarmerie mobile (GM). Produits par Soframe, 550 de ces véhicules devraient être livrés d’ici les Jeux Olympiques. Afin d’atteindre l’objectif fixé d’un parc de 1 035 véhicules d’ici 2029 (Outre-mer compris), une centaine de livraisons annuelles seront nécessaires d’ici à 2029.

– Les hélicoptères : Dans le cadre d’un marché avec Airbus, la gendarmerie procédera d’ici fin 2023 au renouvellement de ses 2 flottes d’hélicoptères. Les réflexions sur la flotte d’hélicoptères du ministère sont conduites en lien avec la DGSCGC. La flotte d’EC 145 et d’EC 135 sera sanctuarisée. Encore récents, ils répondent pleinement aux besoins de sécurité publique générale et d’intervention en milieu spécialisé et hostile (zones de montagne et Outre-mer) tout en satisfaisant aux exigences de la réglementation civile relative au survol des agglomérations et de navigabilité. Plus anciens, les Écureuils seront partiellement et progressivement réformés. Les crédits du plan de relance 2021 ont permis l’acquisition de 10 H 160 qui seront livrés de façon échelonnée à compter de 2025. Au PLF 2024, 95,6 M€ d’AE sont notamment prévus pour l’acquisition des premiers H 145.

– Les moyens nautiques : au premier janvier 2023, la gendarmerie compte 231 embarcations réparties comme suit :

 

Type de moyens

Nombre

Moyenne d’âge

Embarcation lourde de gendarmerie

36

13 ans

Embarcation projetable gendarmerie

174

16 ans

Jet Ski

11

8 ans

Moyens nautiques saisis

10

5 ans

 

En 2023, 11 embarcations (5 Tideman RBC, 5 Sillinger 670 et 1 embarcation Sillinger 765 ont été commandées. En complément, 15 embarcations très peu onéreuses et faciles d’entretien ont également été acquises pour assurer la sécurité des plongeurs gendarmerie en intervention - une embarcation supplémentaire de ce type a été commandée pour l’opération WUAMBUSHU à Mayotte. Les livraisons sont à prévoir pour l’année 2024.

c.   La modernisation des systèmes d’information et de communication (SIC)

Dans le cadre du PLF 2024, 100,3 M€ en AE et 108,4 M€ en CP sont prévus sur le P152 pour les dépenses de fonctionnement liées aux moyens de télécommunication, aux systèmes informatiques et aux applications (concessions, brevets, licences) ainsi qu’à leur maintien en condition opérationnelle. Cette dotation intègre le transfert entrant en construction relatif à la rétrocession des crédits numériques en provenance du P216 pour 71,7 M€ en AE et 60,1 M€ en CP.

La création de l’Agence du numérique des forces de sécurité intérieure au 1er septembre 2023 (ANFSI) traduit une volonté de conjuguer performance et proximité dans la construction et le pilotage des infrastructures, terminaux et équipements numériques au profit des forces de sécurité intérieure. Rattachée aux directions générales de la police et de la gendarmerie, elle bénéficiera d’un abondement d’effectifs significatif (+ 157 ETPT en 2024) pour atteindre, à terme, 528 ETPT.

Par ailleurs, le projet STORM continuera sa montée en puissance en 2024. Initié dans le prolongement des attentats de 2015, le projet STORM (Services à Très haut débit Opérationnel Résilients et Mobiles) offre des communications de groupe multimédia (voix, données, vidéo, fils de discussion et géolocalisation des intervenants) sous la couverture nationale du réseau Orange. Fin août 2023, près de 86 000 lignes STORM sont actives, sur les quelque 125 000 en objectif pour les JOP de Paris 2024. Afin de tenir cet objectif, un calendrier de déploiement adapté au profit de 125 000 gendarmes et policiers sur 30 départements hexagonaux a été acté. Le projet STORM s’inscrit dans le programme du futur réseau radio haut-débit opéré d’État (RRF) qui permettra une interopérabilité renforcée pour les services voix et données. Les travaux techniques ont été intensifiés pour la poursuite de cet objectif à échéance de mi-2024.

Le rapporteur souligne la baisse de 27,6 millions d’euros des crédits alloués au numérique au PLF 2024 par rapport à la LFI 2023 (-100 millions d’euros hors transfert). Il s’inquiète de ce que les crédits 2024 ne seront pas suffisants pour poursuivre les projets innovants en cours, impliquant de fait un coup d’arrêt pour Ubiquity, PC Store etc.

C.   La gendarmerie nationale consolidera en 2024 sa présence dans l’ensemble des nouveaux champs de la délinquance

1.   La lutte contre violences sur les élus

Face à la recrudescence d’atteintes commises à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique, la gendarmerie nationale assure la mise en œuvre du plan « Présent pour les élus – PPE » et poursuit son action par le biais de dispositifs innovants : l’application mobile « GEND-Elus » (application de service), le dispositif « MAIRES » visant à guider l’analyse des situations et développer les bons réflexes pour éviter les agressions, via la présence d’au moins un référent « élus » par brigade. La GN a créé en mai 2023 le centre d’analyse et de lutte contre les atteintes faites aux élus (CALAE). Destiné à analyser le phénomène pour mieux l’appréhender, cet observatoire récolte les données, répertorie et analyse toutes les atteintes aux élus afin d’apporter une réponse efficace et adaptée à ces violences.

 

2.   La lutte contre les violences intrafamiliales (VIF) et à caractère sexuel et sexiste

La gendarmerie est pleinement investie dans la lutte contre les violences intrafamiliales, ainsi que les violences à caractère sexuel et sexiste. Cette prise en charge repose sur une chaîne fonctionnelle « prévention » composée de :

– 99 maisons de protection des familles (au 1er juillet 2023), dont la création répond au besoin de redynamiser et mieux coordonner les actions de prévention de la délinquance dans les territoires, notamment sur l’enjeu des violences intrafamiliales ;

Le déploiement des intervenants sociaux en gendarmerie (260 ISG au 30 juin 2023) favorisant la prise en charge des situations sous l’angle social et les partenariats avec les associations de prise en charge des victimes ;

– La création dans certains groupements, sous plafond des effectifs, de cellules d’enquêteurs dédiés à la prise en compte des victimes de violences et au traitement de ces dossiers sensibles

Cette chaine de prévention est renforcée par une dimension numérique de la prise en charge, par le biais de la brigade numérique, la plateforme numérique de signalement des atteintes aux personnes et d’accompagnement des victimes (PNAV) ou encore l’application « MaSécurité ».

3.   L’action de la gendarmerie en matière de protection de l’environnement et santé

Acteur majeur de la lutte contre les atteintes à l’environnement, la gendarmerie densifie sa réponse opérationnelle en la matière. Afin de répondre à ces nouveaux enjeux, l’Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) connaît une montée en puissance se traduisant par une hausse de ses effectifs de 74 ETP en 2019 à 145 ETP à l’été 2023 et par la création de la division nationale de lutte contre la maltraitance animale (DNLMA) et du détachement du Plessis-Robinson de l’OCLAESP en 2023. Le 1er juillet 2023, la création du Commandement pour l’environnement et la santé (CESAN) est venue concrétiser la volonté affichée par la GN de renforcer son organisation afin d’accroître l’efficacité de son action en matière de sécurité environnementale. Ainsi, au cours de l’année 2023, 3 500 enquêteurs environnement devraient être formés à la problématique des incendies, mais aussi sur la thématique des déchets, pollutions, maltraitance animale et trafics de produits phytosanitaires.

4.   Une montée en puissance continue dans le cyberespace :

Face à la montée importante de la dimension cyber dans les investigations, la gendarmerie a pour ambition de disposer d’une ressource qualifiée de 10 000 cybergendarmes à l’horizon 2024, dont 1 650 spécialistes formés au DT Cyber et destinés à exercer les métiers de cyber-enquêteurs, cyber-analystes et criminalisticiens. Cette montée en puissance s’inscrit pleinement dans les orientations de la LOPMI qui prévoit de former et de déployer 1 500 cyber- patrouilleurs. Ce dispositif sera par ailleurs complété par la mise en place du « 17 cyber », numéro d’urgence dédié aux cyber-attaques, tandis que la Brigade numérique expérimentera la visioconférence avec les usagers en 2024.

Le ComCyberGEND deviendra en 2024 le commandement cyber du ministère de l’Intérieur (ComCyberMI). Cette nouvelle structure sera en charge de la stratégie ministérielle en la matière, de l’analyse de la menace, des actions de formation et de sensibilisation et du soutien opérationnel par l’appui de personnels disposant d’une haute technicité et d’une compétence judiciaire. Le centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N), unité judiciaire du haut du spectre de la gendarmerie nationale, sera réorganisé pour devenir l’Unité nationale cyber de la gendarmerie.

II.   Si les dépenses de personnel enregistreront une forte hausse en 2024, l’inflation et les mesures catégorielles interministérielles viendront obérer les dépenses de fonctionnement et d’investissement de la Gendarmerie nationale

La hausse du budget de la GN en 2024 (+500 M€) s’explique par une hausse de 7 % des dépenses de personnel (titre 2). En revanche, le budget du P152 hors dépenses de personnel subit une baisse de 4,7 % de ses crédits en 2024.

A.   Une hausse significative des dépenses du titre II

1.   Une hausse des effectifs correspondant essentiellement aux nouvelles brigades et EGM prévus dans le cadre de la LOPMI

a.   Un schéma d’emplois à +1045 ETPT en 2024

En 2024, les effectifs de la gendarmerie nationale progresseront de 1 045 emplois à périmètre constant. Cette hausse des effectifs correspond aux créations d’emplois dans le cadre des 7 nouveaux EGM et des 239 nouvelles brigades. Les effectifs du CESAN et de l’ANFSI seront également étoffés.

Entre 2023 et 2024, le plafond d’emplois du P152 variera de +461 ETPT pour atteindre 102 622,75 ETPT.

Ces créations d’emploi s’accompagnent d’une mise en œuvre d’une politique de substitutions volontariste en transformant des postes de soutien encore tenus par des militaires et en favorisant l’appui de proximité au plus près du terrain. Pour les catégories des personnels civils administratifs et techniques et des sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN), les créations pour 2024 sont portées respectivement à 200 ETPT personnels civils et 200 ETPT corps militaires de soutien.

b.   La poursuite de la montée en puissance de la réserve opérationnelle

 

L’enveloppe budgétaire consacrée aux réservistes devrait s’élever à 113,63 M€ hors pensions en 2024 (contre 84,7 M€ en 2023). Si une augmentation des effectifs est prévue, il est clair que celle-ci doit s’accompagner d’une meilleure fidélisation. Il existe une corrélation nécessaire entre la cible et les crédits de la réserve : l’objectif est donc d’obtenir le budget nécessaire pour que chaque réserviste puisse a minima effectuer 20 jours de service par an. En dessous de ce plafond, les réservistes sont dits « dormants » et beaucoup finissent par décrocher faute d’activité.

c.   La gendarmerie face au défi du recrutement

 

La hausse du schéma d’emploi de la GN s’accompagne en toute logique d’un effort accru sur le recrutement. Il a donc été décidé en 2022 d’ouvrir un concours exceptionnel de sous-officier de gendarmerie en février 2023, en plus du concours annuel classique de septembre. Le nombre d’inscrits reste stable sur les deux sessions, avec 14 000 candidats inscrits sur chacun des concours. La seule catégorie dans laquelle les effectifs prévus n’ont pas été réalisés est le corps de soutien technique et administratif, au sein duquel entre 150 et 200 postes n’ont pas été pourvus.

Malgré cette attractivité lors du recrutement, la gendarmerie éprouve des difficultés croissantes à fidéliser ses personnels, à l’instar des Armées. Un nombre croissant de sous-officiers quitte l’institution au bout de 10 à 15 ans de service, et le phénomène semble s’accélérer depuis 2021.

d.   Une diminution des effectifs des gendarmes adjoints volontaires (GAV)

Une nette diminution des effectifs des GAV est constatée (12 000 en 2021, contre 9 000 en 2023) du fait de la transformation des postes de gendarmes adjoints volontaires en postes de sous-officiers. Des difficultés sont par ailleurs constatées en termes de recrutement et de fidélisation des GAV. Ceux-ci évoluent dans un environnement concurrentiel, et le montant de leur solde tout comme les contraintes des missions qui leur sont confiées entachent l’attractivité du poste.

2.   Une hausse des dépenses de masse salariale

 

Hors pensions, les dépenses de personnel de la GN devraient atteindre 8, 9Md€ en AE au titre du PLF 2024 contre 8,35 Md€ pour la LFI 2023. Cette augmentation de la masse salariale s’explique notamment par :

L’augmentation du schéma d’emplois précédemment décrite pour un montant de 81,62 millions d’euros ;

– une hausse des crédits consacrés aux mesures catégorielles statutaires et indemnitaires pour un montant total de 155,54 millions d’euros ;

– des mesures d’ordre général pour près de 35,93 M€ dont près 29,06 M€ au titre de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique de 3,5 % au 1er juillet 2023 ;

– une augmentation de 28,89 millions d’euros des crédits consacrés à la réserve opérationnelle ;

– le protocole social lié à la mise en œuvre de la LOPMI 2023-2027 (56,34 M€) : rénovation des parcours de carrière des sous-officiers (44,68 M€), revalorisation de la grille indiciaire des sous-officiers de gendarmerie (36,39 M€) et avancement de la formation OPJ (0,75 M€)

Au total, les mesures interministérielles générales dites « Guérini » représenteront un surcoût non-budgété dans la LOPMI de 120 millions d’euros en année pleine en 2024. Ces mesures comprennent la revalorisation du point d’indice de 1,5 % au 1er juillet 2023, l’attribution de 5 points d’indice supplémentaires à l’ensemble des agents au 1er janvier 2024 ainsi que les mesures spécifiques « bas de grille » consistant à attribuer de 1 à 9 points d’indice supplémentaires aux plus bas salaires.

Les mesures « Guérini » s’ajoutent aux 170 M€ de surcoût liés aux mesures transversales interministérielles de l’an dernier (revalorisation de 3,5 % du point d’indice de la fonction publique au 1er juillet 2022 pour 132 millions d’euros et mesures interministérielles dont déclinaison de la nouvelle politique de rémunération des militaires pour 38 millions d’euros)

Ainsi, en cumulé sur deux ans, le budget de la GN doit financer un surcoût de près de 290 M€ de mesures transversales interministérielles. Cette masse budgétaire représente autant de crédits en moins pour les dépenses hors titre 2. Ce « trou d’air » dans le budget de la GN pénalise principalement le budget d’investissement.

3.   Au total, les mesures catégorielles interministérielles ainsi que l’inflation génèrent un « trou d’air » de près de 400 millions d’euros dans le budget hors T2 de la gendarmerie nationale

Au surcoût des 290 M€ de mesures transversales interministérielles s’ajoute un surcoût d’environ 100 M€ causé par l’inflation, ce qui représente in fine un manque non budgété en LOPMI de près de 400 M€ dans le budget hors T2 de la gendarmerie nationale.

En conséquence, le budget hors T2 de la GN est en baisse de 69 millions par rapport au budget hors T2 de la LFI pour 2023. Ce budget s’élève à 1,486 Md€ en CP en 2024.

B.   La baisse du budget hors T2 de la gendarmerie limitera fortement l’investissement de la gendarmerie en 2024

Le trou d’air de 400 M€ au budget 2024 se traduira par une baisse significative des dépenses d’investissement et des dépenses d’équipement de la GN, dans la mesure où les dépenses de fonctionnement de la GN sont fortement contraintes.

1.   Des dépenses de fonctionnement fortement contraintes

Au sein du programme 152, les crédits de fonctionnement sont avant tout marqués par le poids des loyers que la gendarmerie paie aux collectivités et aux bailleurs pour les casernes locatives. En 2024, plus de 750 M€ annuels sont consacrés à des dépenses dites « non manœuvrables » ou obligatoires (loyers et dépenses d’énergie).

En 2024, les dépenses de fonctionnement correspondant au titre 3 s’élèveront à près de 1,3 Md€ en CP, soit une augmentation de 0,75 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Au vu du contexte inflationniste, cette stagnation équivaut à une baisse de ressources.

a.   Les loyers des casernes représentent 40 % des dépenses hors titre 2 de la gendarmerie

Les crédits des loyers de la gendarmerie ne sont pas considérés comme une variable d’ajustement. Ils sont sanctuarisés – ce qui signifie que leur fongibilité est interdite par le programme. En 2023, le coût en CP des loyers représentait 553,5 M€. En 2024, les dépenses relatives aux loyers s’élèveront à 603,7 M€ en CP.

L’augmentation des dépenses de loyers de 50,2 millions d’euros entre 2023 et 2024 s’explique par :

– la prise en compte de l’augmentation des loyers ;

– la prise en compte de la création de nouvelles unités (brigades et escadrons) ainsi que la densification des PSIG qui impliquent des dépenses supplémentaires de loyers sur des prises à bail.

L’entretien du casernement coûtera quant à lui 16,6 millions d’euros en crédits de paiement en 2024, en baisse de 20,7 millions d’euros par rapport au PLF 2023.

Par ailleurs, les crédits alloués au poste « Déménagements/formations (hors T2) » se voient réduits de moitié pour l’année 2024 : compte tenu de ce sous-investissement, la direction des ressources humaines de la gendarmerie nationale sera dans l’impossibilité de financer l’intégralité des déménagements ou actions de formation pour l’année à venir.

b.   Le carburant et l’énergie sont aussi des dépenses contraintes

Parmi les dépenses non-manœuvrables, il convient de noter l’importance du budget alloué à l’énergie. La dotation « Énergie et fluides » pour 2024 est de 108,2 M€ en AE et 152 M€ en CP. Cette dotation couvre les dépenses énergétiques et intègre les effets prix constatés en 2023 lors des renouvellements des marchés pluriannuels. Il s’avère que l’isolation des casernes domaniales est souvent défectueuse et que les systèmes de chauffage ont un rendement faible.

En 2024, le projet annuel de performance prévoit de consacrer 48,5 millions d’euros aux dépenses de carburant des véhicules, et 2,8 millions d’euros en AE et en CP pour le carburant des hélicoptères. Bien que ce budget soit en baisse par rapport à l’année précédente (55,7 millions d’euros 2023), le carburant demeure une dépense contrainte pour la gendarmerie.

c.   La baisse du budget consacré aux dépenses d’équipement risque de pénaliser la fonction habillement

Les dépenses d’équipement de la gendarmerie sont en baisse. Elles s’élèvent à 185,2 M€ en AE (contre 250 M€ en 2023) et 72,8 M€ en CP (contre 93,6M€) en 2024.

Ces dépenses concernent l’achat d’armes (5 M€ en AE et en CP), de munitions (9,5 M€ en AE et en CP) et de matériel (3,7 M€ en AE et 9,3 M€ en CP) mais aussi de police technique et scientifique. Le budget d’équipement est essentiellement consacré aux dépenses d’habillement, pour 163,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 47,1 millions en crédits de paiement. Il accompagne l’augmentation des effectifs de la réserve opérationnelle, la création de nouvelles brigades et de sept escadrons de gendarmerie mobile.

d.   Une baisse des dépenses sur les systèmes d’information et de communication qui limiteront l’innovation en 2024

Dans le cadre du PLF 2024, 100,3 M€ en AE et 108,4 M€ en CP sont prévus pour les dépenses de fonctionnement liées aux moyens de télécommunication, aux systèmes informatiques et aux applications (concessions, brevets, licences) ainsi qu’à leur maintien en condition opérationnelle. Eu égard au numérique, une baisse de 27,6 millions d’euros du PLF 2024 est constatée par rapport à la LFI 2023 (- 100 millions hors transfert). Concrètement, les crédits programmés permettront de pourvoir au maintien en condition opérationnelle des systèmes, mais limiteront l’innovation, ce qui implique un coup d’arrêt pour Ubiquity, PC Store et le déploiement des autres projets nouveaux.

e.   Les dépenses de maintien en condition opérationnelle seront globalement satisfaisantes en 2024

Pour 2024, le maintien en condition opérationnelle aéronautique est doté de 204,4 M€ en AE et 38,5 M€ en CP. Cette dotation permet notamment de financer le renouvellement du marché pluriannuel de MCO des EC14 ainsi que les marchés à venir de MCO pour les H145 D3 et les drones de moyenne endurance. Le maintien en condition opérationnelle des moyens blindés est doté d’1 M€ en AE et en CP. Cette dotation permet notamment de couvrir le MCO des véhicules blindés polyvalents CENTAURE.

2.   Les dépenses d’investissement de la gendarmerie nationale seront fortement contraintes par le surcoût budgétaire de 400 M€

Les dépenses d’investissement allouées au programme 152 pour 2024 s’élèvent à 192,7 millions d’euros en AE et 180,5 millions d’euros en CP, soit une baisse de 58,15 millions en AE (-23,18 %) et de 80,14 millions en CP (-30,7 %) par rapport au PLF 2023. Ainsi, l’investissement strictement nouveau de la GN passera sous la barre des 50 millions d’euros en 2024, soit une baisse de 80 % par rapport au volume d’investissement nouveau initialement prévu en LOPMI.

a.   Seulement 400 véhicules seront renouvelés l’an prochain dans les brigades faute de budget d’investissement

Au 1er août 2023, la gendarmerie nationale (GN) dispose d’un parc de près de 30 000 véhicules légers.

 

Type

Quantité

Âge moyen

Kilométrage moyen

Véhicules 2 & 3 roues (hors vélos)

3 878

6,64 ans

39 367 km

Véhicules légers

28 468

6,41 ans

106 448 km

Véhicules lourds & spécialisés

3 430

17,2 ans

206 524 km

 

Les crédits ouverts pour la gendarmerie au titre de l’investissement nouveau pour 2024 permettront d’acheter 99 véhicules de maintien de l’ordre et de renouveler 500 véhicules légers au profit des brigades, contre 3716 véhicules légers renouvelés en 2021 et 3736 véhicules légers renouvelés en 2022. La durée de vie d’un véhicule léger étant d’environ 8 ans, la gendarmerie doit renouveler environ 3 700 véhicules par an afin de maintenir en capacité son parc de 30 000 véhicules. En 2023, 800 véhicules ont été commandés. Ce sous-investissement dans le renouvellement du parc va entraîner un vieillissement accéléré du par cet occasionner des dépenses de MCO plus élevées, ce qui impliquera de renouveler plus rapidement que prévu la flotte de véhicules.

Votre rapporteur espère que la baisse du budget d’investissement de la GN n’impactera pas substantiellement le rythme de renouvellement des 30 moyens nautiques majeurs (6 patrouilleurs et 24 vedettes) dont le renouvellement est programmé dans les sept prochaines années. En effet, les plus anciens de ces moyens nautiques bénéficient déjà d’une prolongation dérogatoire de leur service actif.

b.   La baisse du budget d’investissement de la GN impactera également le budget d’entretien d’un parc domanial déjà fortement dégradé

L’immobilier, et notamment l’entretien des casernes, reste un sujet de forte préoccupation des militaires de la gendarmerie. Même si les crédits ouverts dans le cadre du plan de relance ont permis d’amorcer la remise à niveau du parc de logements, il demeure fortement dégradé en raison d’une sous-budgétisation persistante depuis plus d’une dizaine d’années, alors même que le logement des gendarmes en caserne par nécessité absolue de service est au cœur de son système d’arme. Les crédits alloués annuellement au budget hors T2 ne permettent pas de relancer une dynamique satisfaisante de maintenance et de rénovation de l’immobilier domanial.

Dans le PLF 2024, la dotation consacrée à l’immobilier est en baisse. Une dotation de 62 M€ en AE et 108,80 M€ en CP est allouée à l’immobilier en 2024 contre 142,6 millions d’euros en AE et 126,7 millions d’euros en CP en 2023. Au sein de la dotation immobilière, les crédits relatifs à la maintenance et à la réhabilitation s’élèvent à 12 M€ en AE et 88,20 M€ en CP. Cette dotation permet de financer les travaux imprévisibles et urgents. En 2024, cette dotation permettra de financer l’entretien urgent de certains sites mais sera trop faible pour lancer des chantiers de rénovation. Or, la gendarmerie nationale estime à 300 M€ annuels la juste dotation budgétaire nécessaire à un bon entretien du parc domanial.

Toutefois, la GN a reçu une autorisation de lancer quelques marchés de partenariat en 2024. La GN confiera à des opérateurs privés le soin de construire un bâtiment et lui versera ensuite des loyers. L’opérateur privé sera chargé de l’entretien des bâtiments construits pendant un certain nombre d’années, à l’issue desquelles le bâtiment reviendra en propre à la GN. Si les marchés de partenariat permettent un meilleur entretien des sites en comparaison de l’entretien des bâtiments domaniaux, le coût global de ces marchés est 20 % supérieur à une construction et un entretien en propre du domanial par la gendarmerie nationale.

 

Synthèse des crédits de la gendarmerie nationale en 2024

 

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit un schéma d’emplois positif de +1045 ETPT. Entre 2023 et 2024, le plafond d’emplois du P152 variera de +461 ETPT pour atteindre 102 622,75 ETPT. Compte tenu des prévisions de départs, estimées à 13 131 personnels, la gendarmerie nationale recrutera 14 176 personnels, dont 276 officiers, 6 852 sous-officiers, 5 580 volontaires. Le projet de loi de finances pour 2024 du programme 152 prévoit 4,92 Md€ de titre 2 hors CAS pensions, soit 292,4 millions d’euros de plus qu’en loi de finances initiale pour 2023.

Ces crédits permettront notamment de financer le schéma d’emplois de +1045 ETP, la montée en puissance de la réserve opérationnelle (8,59 M€), la revalorisation du point d’indice de la fonction publique (29,06 M€), le protocole social (14,97 millions d’euros) et des mesures interministérielles dont la nouvelle politique de rémunération des militaires (24,3 M€).

En 2024, la gendarmerie disposera d’1,478 milliard d’euros de crédits de paiement pour couvrir ses dépenses de fonctionnement (titre 3) et d’investissement (titre 5). Pour le PLF 2024, le titre 3 du programme 152 sera abondé de 1,297 milliard d’euros en crédits de paiement. Ces crédits permettront de couvrir l’évolution du fonctionnement courant des unités (inflation et schéma d’emplois), mais aussi de poursuivre les efforts d’entretien du parc immobilier. Le titre 5 du programme 152 diminuera quant à lui de 80,14 millions d’euros entre la loi de finances initiale pour 2023 et le projet de loi de finances pour 2024, alors que les dépenses d’intervention (titre 6) augmenteront d’1,5 million d’euros sur cette même période.

Ces crédits permettront notamment de financer la création de l’Agence du numérique des forces de sécurité intérieure (12,7 millions d’euros), la densification de la formation (13,2 millions d’euros), la montée en puissance de la réserve opérationnelle (113,63 millions d’euros).

Les investissements s’élèveront à 180,5 millions d’euros, répartis de la manière suivante : 49,1 millions d’euros de moyens mobiles, 0,7 million d’euros de matériel de police technique et scientifique, 108,8 millions d’euros d’immobilier (acquisitions et maintenance lourde), 8,2 millions d’euros de subventions aux collectivités territoriales pour les projets de constructions et 21,7 millions d’euros permettant l’acquisition des moyens lourds de projection et d’intervention.

 

 

 

 

    



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   Seconde partie : La gendarmerie en Guyane ; quels moyens pour lutter contre l’orpaillage illégal ?

I.   La gendarmerie de Guyane porte haut et fort les valeurs et les missions de la gendarmerie nationale au cœur du continent sud-américain

A.   La Guyane, un outre-mer stratégique français au cœur du continent sud-américain

1.   Les missions de la gendarmerie à l’épreuve des spécificités du territoire guyanais

a.   Des missions singulières et stratégiques propres au contexte guyanais

Le commandement de la gendarmerie pour la Guyane française (COMGENDGF) exerce les missions traditionnelles de l’institution mais aussi des missions singulières, propres aux spécificités du territoire guyanais.

Il s’agit notamment de la lutte contre l’orpaillage illégal, dans le cadre de l’opération HARPIE, de la protection du centre spatial guyanais (CSG), des transfèrements et présentations judiciaires (missions non transférées à l’administration pénitentiaire à la différence de l’hexagone) ainsi que d’autres missions locales spécifiques.

Le CSG est implanté sur le ressort de la compagnie de gendarmerie départementale de Kourou. Un protocole opérationnel conclu avec le CNES prévoie la mise à disposition de 90 gendarmes devant assurer la protection externe du CSG, surveiller les installations sensibles, protéger les transports, assurer la protection des tirs et intervenir sur tous types d’évènements. Un escadron de gendarmes mobiles est donc chargé de la sécurisation du site du CSG et fournit un détachement de 8 personnels présents en permanence sur le site (détachement Orchidée). La surveillance du site lors des lancements et des essais est effectuée en étroite collaboration avec les légionnaires du 3ème régiment étranger d’infanterie des forces armées en Guyane (FAG) dans le cadre de la mission stratégique « Titan ».

Ces missions sont particulièrement impactées par la position géographique de la Guyane au sein du continent sud-américain dont la violence se diffuse sur le territoire (délinquance marquée par de nombreuses et graves atteintes aux personnes par armes à feu, lutte contre la présence de factions armées, actions à mener contre les trafics d’armes et de stupéfiants, phénomène de mules, etc.). Seul territoire européen en Amérique du Sud, base spatiale de l’Europe, la Guyane constitue naturellement une terre de convoitises alors même qu’elle dispose de capacités financières et humaines réduites pour se protéger.

b.   Un territoire immense aux frontières poreuses et au climat éprouvant

La Guyane est le plus vaste des départements français, avec 86 000 km2, comportant 670 km de frontières avec le Brésil, 510 km avec le Surinam et 380 km de littoral entre les embouchures des fleuves Maroni et Oyapock. Le département compte 22 communes, dont 14 parmi les plus étendues de France. Certaines localités, comme Grand-Santi ou Papaïchton sont uniquement accessibles en pirogue, depuis Saint-Laurent du Maroni (à trois heures de route de Cayenne).

La carte ci-après, réalisée à l’échelle par la gendarmerie de Guyane, resitue la Guyane dans le territoire hexagonal, permettant de bien visualiser la taille de ce département français :

Le temps de voyage en pirogue évolue fortement en fonction de la saison : ainsi, en saison des pluies, il faut 10 heures de pirogue pour rejoindre Maripasoula depuis Saint-Laurent du Maroni, contre deux à trois jours en saison sèche. La présence de nombreux « sauts » dans la rivière rend le transport fluvial en pirogue particulièrement périlleux. Les gendarmes et les FAG emploient en conséquence des piroguiers sous le statut de militaires commissionnés dans le cadre d’une convention commune. Les piroguiers sont souvent issus des populations originaires de Guyane et ont une très bonne connaissance des différents « sauts » des voies naviguables.

Le territoire guyanais est recouvert à près de 96 % par une forêt équatoriale dense et difficilement pénétrable. Il n’existe que deux routes principales en Guyane, qui ne desservent pas le cœur de la forêt.

Le climat guyanais est particulièrement éprouvant en raison de son humidité et des températures très élevées. La rudesse du climat entraîne une usure accélérée des matériels : ainsi, les véhicules ont une durée de vie deux à trois fois inférieure à leur durée de vie hexagonale. Les véhicules sont en général réformés en 6 ans en Guyane, contre 8 ans dans l’hexagone. Les appareils optiques comme les jumelles à vision nocturne (JVN) y subissent un vieillissement anticipé (entre 5 et 6 ans en forêt contre 10 à 12 ans dans l’hexagone).

La gendarmerie doit par conséquent relever de nombreux défis liés aux difficultés inhérentes au territoire (dispersion géographique des populations, capacités de mobilité, de projection et de renforcements réduites, caractéristiques du climat, réseaux de communications limités, diversité linguistique, qualité des administrations locales) afin d’assurer dans de bonnes conditions la sécurité de la population et d’apporter une réponse efficace aux enjeux de sécurité spécifiques à la Guyane.

2.   Une croissance démographique forte

Avec 285 133 habitants au dernier recensement, dont 219 177 en zone gendarmerie, la Guyane est la région de France (hors Mayotte) où la croissance démographique est la plus forte : 2,1 % en moyenne par an entre 2014 et 2020, avec certaines communes qui dépassent les 6 % par an. Avec un taux de natalité à 27,8 %, l’explosion démographique en Guyane est une réalité à laquelle la gendarmerie doit faire face. À cela, il convient d’ajouter la population informelle, non comptabilisée dans les chiffres officiels (orpailleurs illégaux, habitants des fleuves Maroni et Oyapock, migrants, étrangers en situation irrégulière), qui diminue le ratio gendarme / habitant et masque la réalité du terrain. L’âge médian en Guyane est de 23 ans, mais il peut descendre à 17 ans (Saint-Laurent-du-Maroni) voire à 14 ans (Grand-Santi).

La population guyanaise se caractérise également par sa grande diversité : Amérindiens, créoles, surinamais, guyaniens, brésiliens, hmongs, chinois, haïtiens, saint-luciens, dominicains, hexagonales, etc.

3.   Le contexte sud-américain : une criminalité très forte

a. Une terre de convoitises

La Guyane française est le territoire d’Amérique du Sud le plus riche mais aussi une des régions les plus pauvres d’Europe. En 2021, le PIB de la Guyane est de 15 260 euros par habitant, celui du Suriname de 5 000 euros et celui du Brésil de 7 500 euros. Le taux de pauvreté en Guyane est de 53 % alors qu’il s’établit à près de 14,6 % en France hexagonale. La richesse relative de la Guyane attire de nombreuses convoitises (or, pêche, bois, fer, eau, faune sauvage etc).

La délinquance est favorisée par une évolution sociétale et économique défavorable et une population très jeune, dont le taux d’activité est faible. La délinquance en Guyane s’apparente à celle des pays voisins dont le niveau de violence est particulièrement élevé. Les règlements de compte sont privilégiés comme moyen de résolution de conflit. La circulation endémique des armes à feu, notamment d’armes de poing, voire d’armes de guerre (type AR15, calibre 5.56 d’origine américaine), la présence de bandes armées et d’organisations criminelles telles que les factions brésiliennes qui s’implantent pour maîtriser tout le spectre criminel, conduisent à une insécurité régulièrement dénoncée par la population et les élus. Comparé aux autres territoires ultramarins et à l’hexagone, la Guyane connaît le taux de criminalité le plus élevé s’agissant des homicides, et rapporté à la population : 0,17 pour 1000 habitants, soit 21 fois supérieur à celui de l’Hexagone. 22 % des homicides sont commis en forêt amazonienne en lien avec l’orpaillage illégal.

La section de recherche de Cayenne est notamment en charge de la criminalité organisée, de la gestion du renseignement criminel et des enquêtes internationales. Elle s’engage dans les affaires les plus graves, complexes, sensibles ou sérielles, ou pour toutes les infractions relevant de la criminalité organisée, de façon autonome ou en appui des unités territoriales, tant sur le littoral qu’en forêt. Les unités territoriales sont constituées des brigades de recherche (BR) des trois compagnies de Matoury (10 effectifs), Kourou (11 effectifs) et Saint-Laurent-du-Maroni (17 effectifs).

La SR de Cayenne a mis en évidence l’implantation des factions brésiliennes sur le territoire guyanais, et notamment en forêt équatoriale.

La section de recherche se compose de deux divisions : une en charge du littoral armée de 13 personnels (1 officier et 12 enquêteurs) et l’autre de la forêt armée de 9 personnels (1 officier et 8 enquêteurs), ainsi que d’un GAR (groupe d’appui renseignement) mis en place en septembre 2021 et composé de 4 effectifs.

En outre, la SR bénéficie de façon permanente du renfort de 12 officiers de police judiciaire en mission de courte durée, relevés tous les trois mois. En réaction à l’implantation de factions brésiliennes en Guyane, il a été décidé en octobre 2022 la mise en œuvre d’une « Task force » judiciaire rattachée à la section de recherche afin de permettre une meilleure identification et interpellation des membres des factions brésiliennes. Une structure criminelle franco-brésilienne de la FTA (Familia Terror do Amapà) a pu être mise hors état de nuire, notamment avec l’interpellation de son chef en Guyane. Depuis le 3 juillet 2023, 6 enquêteurs composent la troisième task force.

B.   Afin de relever les nombreux défis du théâtre guyanais, les effectifs de la gendarmerie en Guyane ont été revus à la hausse depuis 2017

1.   Hausse des effectifs

Les effectifs de la gendarmerie de Guyane s’élèvent à 680 gendarmes départementaux et personnes civils, dont 300 gendarmes ayant la qualité d’officiers de police judiciaire (OPJ) ainsi que 520 gendarmes mobiles (438 depuis le départ d’un septième escadron de GM à Mayotte) et 250 réservistes. 47 militaires du GIGN sont déployés au sein de l’antenne du GIGN de Guyane. L’antenne GIGN de Guyane constitue l’antenne territoriale du GIGN la plus importante en termes d’effectifs.

La Gendarmerie Nationale, compétente sur 21 des 22 communes guyanaises (à l’exception de Cayenne en zone Police nationale), assure la sécurité de 99 % du territoire guyanais.

Ses effectifs sont en hausse de 9,5 % par rapport à 2017.

2.   Des résultats encourageants dans la lutte contre la délinquance et la criminalité, bien que le niveau de délinquance demeure à un niveau très élevé

Le renforcement de la présence des gendarmes sur la voie publique, appuyé par la présence de six escadrons de gendarmes mobiles, permet de contenir la trajectoire d’augmentation de la délinquance.

Des très hauts niveaux de délinquance et de criminalité malgré une action décisive de la gendarmerie

Ainsi, entre les premier semestre 2022 et 2023 :

– 6 109 faits de délinquances ont été constatés, contre 6 148 au premier semestre 2022 (baisse de 4,8 % de la délinquance) ;

– 2 736 personnes ont été mises en cause, contre 2 610 en 2022 (+4,8 %) et 1 179 gardes à vue ont été effectuées contre 1 032 (+14,2%) ;

– le nombre d’homicides en ZGN est stable au premier semestre 2023 par rapport au premier semestre 2022 (18) ; le nombre de tentatives d’homicides est lui en hausse nette (91 contre 71) ;

– 121 armes à feu ont été saisies au 1er semestre 2023 dont 76 en forêt ;

le nombre de vols à main armée par armes à feu a augmenté de 31 % (de 142 à 187), tandis que les vols à main armée par armes blanches ont baissé de 34 % au cours de la même période ;

– les atteintes volontaires à l’intégrité physique ont baissé de 4 % ;

– les violences sexuelles ont baissé de 28,4 % ;

– les cambriolages sont en hausse de 6,3 % et le nombre de vols de véhicules en baisse de 18 % ;

24 mules ont été interpellées au premier semestre 2023 et 27,7 kg de cocaïne ont été saisies au premier semestre 2023. Le nombre de faits liés aux stupéfiants traités par les unités du COMGENDGF est en hausse de près de 58 %.

Dans le cadre de la politique de lutte contre les stupéfiants, les services de l’État en Guyane ont intensifié leur lutte contre les mules. Cette action est particulièrement visible à l’aéroport international de Cayenne (Félix Éboué), où l’ensemble des passagers font l’objet d’un contrôle anti-drogue. Avant cette mobilisation, il était estimé qu’entre 60 et 100 passagers d’un vol Cayenne-Paris étaient des mules.

 

Afin de poursuivre la neutralisation judiciaire des réseaux criminels armés de la région, la gendarmerie de Guyane doit continuer à améliorer sa connaissance des réseaux criminels en renforçant notamment le partage du renseignement entre les acteurs du COMGEND, en judiciarisant le renseignement via un renforcement des capacités d’investigation judiciaire et une densification de la présence de la gendarmerie sur tous les spectres (terrain, enquêtes et investigations).

À cet égard, votre rapporteur salue la décision du président de la République d’implanter quatre nouvelles brigades en Guyane :

– 2 brigades fixes à Roura et à Montsinéry-Tonnégrande ;

– 2 brigades fluviales mobiles à Saint-Laurent du Maroni et à Saint-Georges de l’Oyapock.

3.   Un engagement opérationnel très fort qui accroit le risque de dommages physiques et psychologiques des gendarmes

En Guyane, les niveaux particulièrement élevés d’engagement opérationnel des forces de gendarmerie expliquent une hausse des agressions physiques observées à l’égard des gendarmes : ces dernières ont évolué de +119 % entre 2022 et 2025. Ces agressions sont majoritairement des agressions avec armes. En moyenne, un gendarme guyanais est blessé tous les deux jours.

Le point culminant de cette violence à l’égard des gendarmes a été atteint avec le décès par balle le 25 mars 2023, à Maripasoula, du major Arnaud Blanc, lors d'une opération de lutte contre l'orpaillage illégal sur le camp de Dorlain.

Les données sur les huit dernières années et le début de l’année 2023 sont les suivantes :

 

Guyane

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Au 31/07/23

Agressions physiques

84

89

128

185

158

219

192

184

156

Blessés par agression

57

43

54

92

81

85

64

105

87

Agressions avec arme

48

53

84

132

102

169

135

125

103

Blessés par agressions avec arme

25

21

17

47

40

37

30

49

22

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Types d’agressions avec arme

 

Guyane

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Au 31/07/23

Total agressions avec arme

48

53

84

132

102

169

135

125*

103*

Engins incendiaires/ explosifs

1

1

3

2

4

5

1

0

0

Véhicule

7

14

11

6

4

12

16

11

12

Projectile

18

28

52

108

70

127

102

93

68

Armes à feu

8

3

8

6

12

7

5

11

9

Armes blanches

6

3

7

8

9

8

8

5

5

Autres

8

4

3

2

3

10

3

9

9

 

II.   Mission de police judiciaire inédite renforçant la militarité des gendarmes, la mission HARPIE produit des résultats encourageants dans la lutte contre l’orpaillage illégal

La lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane (LCOI) comprend quatre volets distincts :

– un volet social ;

– un volet économique (développement de l’extraction légale) ;

– un volet diplomatique (coopération avec les États frontaliers du Guyana, du Brésil et du Surinam) ;

– enfin, un volet répressif, qui correspond à la mission Harpie.

A.   La mission HARPIE est une mission de police judiciaire et administrative qui concentre des moyens militaires importants

1.   Le plateau des Guyanes est depuis longtemps une zone très aurifère qui attire de nombreuses convoitises

a.   Les premières expéditions de prospection d’or remontent au XVIIIème siècle

Le plateau des Guyanes est une région dont la réputation d’exceptionnelle richesse aurifère attire les convoitises depuis plusieurs siècles. La Guyane devient le lieu mythique de l’Eldorado dans l’imaginaire des conquistadors du XVIIème siècle. Dès le XVIIIème siècle, de premières expéditions de prospection d’or sont effectuées sur l’Approuague et l’Oyapock. En 1855, la présence d’or est confirmée sur l’Approuague, ce qui entraîne une « ruée vers l’or » dans l’ensemble du plateau des Guyanes, fortement minéralisé.

Au début du XXe siècle apparaissent les premiers mineurs clandestins d’origine antillaise. De premiers villages d’orpailleurs sont construits, bénéficiant de voies logistiques dédiées (Dorlin, Saül, Sophie, etc). Après un premier déclin du cycle de l’or, l’orpaillage connaît un nouveau regain dans les années 1980. Au début du XXIème siècle, les orpailleurs illégaux sont principalement issus du Brésil et du Surinam.

b.   L’orpaillage illégal en Guyane : un écosystème rationnel au cœur de la forêt

On estime à environ 200 000 la population de garimpeiros brésiliens actifs dans le nord de l’Amérique du Sud et entre 6500 et 7000 la population de garimpeiros actifs dans la forêt guyanaise. En 2021, cette population était estimée à 8200, soit une baisse de 21 % en deux ans. Les garimpeiros sont pour 95 % d’entre eux brésiliens.

Les garimpeiros ne sont que de « petites mains » insérées dans une logique économique supérieure. Leur travail clandestin leur rapporte l’équivalent de six ou sept fois le salaire brésilien moyen. Un site d’orpaillage illégal est la propriété d’un « patron » rarement présent sur le site, qui délègue sa gestion à un « gérant ». Des logisticiens facilitent l’installation du site d’orpaillage, en l’approvisionnant en matériels d’extraction, véhicules, mercure, nourriture, vêtements et en construisant une zone vie logistique qui constitue la base arrière des orpailleurs. L’approvisionnement des sites se fait par voie fluviale (pirogue de convois logistiques) ou terrestre (quads, camions, VL, katouris etc). L’approvisionnement logistique par voie fluviale est privilégié par les patrons en raison de son faible coût. L’installation récente de factions brésiliennes lourdement armées en forêt est un phénomène très préoccupant ; ces factions rançonnent les sites d’extraction illégaux.

Les orpailleurs choisissent de s’installer sur un site en fonction de sa richesse aurifère, du risque de perte financière en cas de destruction du site, mais aussi des risques physiques encourus. Or, la police brésilienne n’hésitant pas à abattre les orpailleurs clandestins pris en flagrant délit, la Guyane apparaît comme un terrain moins risqué pour les orpailleurs dans une logique rationnelle coût/bénéfice.

Un système économique parallèle existe dans la forêt parmi les orpailleurs clandestins, au sein duquel l’or est la monnaie d’échange. Le coût d’achat des biens en forêt est incomparablement plus élevé que dans le reste de la Guyane : ainsi une canette de coca-cola est dix fois plus chère en forêt qu’à Oiapoque. Si le kilo de mercure s’achète 350 euros au Suriname, il se négocie près de 450 euros en forêt.

Plusieurs méthodes d’extraction illégale de l’or existent :

l’extraction primaire produit les rendements économiques les plus élevés. Elle consiste à extraire l’or des collines après avoir creusé des puits souterrains permettant d’atteindre la veine aurifère. Certains puits sont creusés jusqu’à 100 mètres de profondeur. Cette méthode offre une possibilité d’extraction en continu par relève d’équipes. L’or extrait est évacué avec un treuil, puis travaillé à l’aide d’un concasseur et de mercure sur une table de levée ;

-l’extraction alluvionnaire qui consiste à détourner une crique afin de créer une barranque. L’eau alimentant les lances est pompée dans la crique avec création d’un barrage ;

-l’extraction éluvionnaire, à ciel ouvert, produit des rendements plus faibles. Cette méthode implique un décapage préalable du terrain et la mise à nue d’une veine aurifère. Elle nécessite moins de main-d’œuvre, moins de moteurs et de carburants, ce qui occasionne des frais limités et la rend néanmoins rentable. Actuellement, la Guyane compte une centaine de sites éluvionnaires, 70 sites primaires, et 300 sites alluvionnaires.

Les conséquences sanitaires et environnementales de l’orpaillage sont désastreuses dans la mesure où les orpailleurs illégaux utilisent du mercure pour séparer l’or du minerai. Dans le système alluvionnaire, 1,3 kg de mercure est nécessaire pour extraire 1g d’or, tandis que 5 kg de mercure sont nécessaires pour extraire 1g d’or dans le système primaire. L’amalgame de mercure-or est brûlé par les orpailleurs. Lors de son évaporation, le mercure se dépose dans l’environnement et pollue les sols et les cours d’eau guyanais. Les orpailleurs se fournissent majoritairement au Surinam en mercure ; face aux rives françaises du Maroni se sont installés de nombreux comptoirs commerciaux chinois offrant aux logisticiens toute la logistique nécessaire à l’exploitation aurifère illégale en Guyane. ([2])  

2.   Une opération de police APU et judiciaire qui mobilise une majeure partie des personnels et des moyens du COMGEND Guyane

a.   De la mission Anaconda à la mission Harpie

Le Commandement de la gendarmerie en Guyane française a été le premier acteur militaire impliqué dans la lutte contre l’orpaillage illégal, dans le cadre de la mission Anaconda entre 2002 et 2008. La mission Anaconda reposait sur une doctrine déclinée en trois niveaux opérationnels :

– les opérations en forêt mises en œuvre par des escadrons de gendarmerie mobile (EGM). Les missions des EGM étaient également mises en œuvre sur le littoral guyanais. L’action de lutte contre l’orpaillage illégal (LCOI) était coordonnée par la cellule orpaillage spécialisée (précurseure de l’actuel centre de conduite des opérations) ;

– l’engagement du groupe des pelotons mobiles (GPM) concernant les interventions les plus sensibles (précurseur de l’Antenne GIGN) ;

– un volet judiciaire impliquant les brigades territoriales et la brigade de recherche départementale (précurseur de l’actuelle section de recherche de Cayenne).

Ce dispositif en trois volets répondait à une activité d’orpaillage illégal de relative basse intensité. L’exploitation aurifère illégale est allée croissant en Amérique du Sud à compter du « réveil de l’or » entre 2006 et 2012. À mesure de l’intensification de l’exploitation illégale de l’or, la mission Anaconda a pris une ampleur significative. Le nombre moyen annuel de missions en forêts est ainsi passé passant de 4 interventions en 2002 à 107 interventions en 2006. Prenant acte de la montée en puissance progressive de la mission Anaconda, les orpailleurs ont été contraints d’adapter leur dispositif et se sont dispersés en forêt, complexifiant ainsi leur traque.

En février 2008, le Président de la République a annoncé le lancement de la mission HARPIE de lutte contre l'orpaillage illégal. En comparaison d’Anaconda, le dispositif sécuritaire est renforcé par la mise à disposition de deux EGM vers la lutte contre l’orpaillage illégal (LCOI) et surtout la participation des forces armées en Guyane (FAG). Les FAG concourent à la mission de police administrative et judiciaire HARPIE sur la base d’une réquisition préfectorale permanente. Le bilan des saisies augmente significativement dès 2008 avec plus de 60 millions d'euros de préjudice porté à « l'adversaire », alors que le préjudice annuel moyen dans le cadre de la mission Anaconda était évalué à 20 millions. En 2010, le Président de la République a annoncé la pérennisation de l’opération. Le dispositif fixe de contrôle des principales voies logistiques, initié dès 2008 fut dès lors sanctuarisé dans les zones les plus affectées par la LCOI.

b.   La gouvernance de la mission Harpie

La gouvernance de la mission Harpie obéit à une double tutelle du ministère des Armées et du ministère de l’Intérieur.

Au niveau stratégique, le pilotage de la mission ressortit à la fois du commandant supérieur des forces armées en Guyane et du Commandement de la gendarmerie de Guyane. Les FAG demeurent sous commandement militaire du COMSUP. Le texte de la réquisition énonce que les « forces armées participent à l’appui de la lutte contre l’orpaillage illégal, sous la responsabilité de l’autorité civile, mais sous commandement militaire ».

Au niveau opérationnel de coordination, le centre de conduite des opérations Harpie de la Gendarmerie Nationale est colocalisé avec l’État-major Harpie de l’État-major interarmées en Guyane. Au sein du CCO, les structures de planification des opérations sont organisées en miroir avec les structures au sein de l’État-major Harpie, pour une meilleure coordination entre les FSI et les FAG.

Au niveau tactique, le 3ème régiment étranger d’infanterie (3ème REI) et le 9ème Régiment d’infanterie de marine (9ème RIMa) sont pleinement impliqués dans la LCOI aux côtés des gendarmes. Le 3ème REI, basé à Kourou, concentre ses missions LCOI dans l’Est de la Guyane, tandis que le 9ème RIMa, basé à Saint-Laurent-du-Maroni et Maripasoula agit dans l’Ouest du territoire. Les FAG disposent théoriquement de 5 hélicoptères Puma en service depuis plus de 50 ans. La disponibilité moyenne des Puma pour les missions de LCOI est comprise entre 1 et 2,5 appareils.

Du côté de la gendarmerie, deux escadrons de gendarmerie mobile sont mobilisés en permanence sur les missions de LCOI, soit 140 gendarmes mobiles. L’escadron Delta basé à Kourou travaille en étroite coordination avec le 3ème REI dans l’Est Guyanais, tandis que l’escadron Echo basé à Maripasoula travaille en étroite symbiose avec le 9ème RIMa dans l’ouest guyanais. Par ailleurs, au niveau territorial, de nombreux détachements de brigades sont impliqués dans la LCOI. Ainsi, au sein de la compagnie de Matoury, les détachements de la brigade de Saint-Georges-de-l’Oyapock et de la brigade territoriale de Camopi sont mobilisés sur la LCOI. Votre rapporteur a également eu l’occasion de rencontrer la brigade territoriale de Cacao, fortement mobilisée sur la mission Harpie.

Par ailleurs, la section de recherche de Cayenne est pleinement mobilisée dans la LCOI, notamment grâce à sa division forêt, afin d’identifier les réseaux logistiques alimentant les sites illégaux et les voies de sortie de l’or en forêt. Le groupe d’appui au renseignement suit particulièrement les factions brésiliennes actives en forêt, dans une optique de judiciarisation du renseignement.

En outre, il importe de préciser que chaque année, l’antenne GIGN de Guyane réalise plus de cent missions annuelles en forêt. L’antenne demeure experte sur l’interception de pirogues fortement motorisées (moteurs supérieurs à 200 cv) et les raids aériens. En 2022, les raids aériens menés par l’AGIGN ont représenté 2 % des missions programmées et 1.5 % des effectifs globaux engagés pour la LCOI avec un préjudice porté à l’adversaire s’élevant à 20 % du bilan global annuel HARPIE. Parallèlement, l’unité conduit annuellement une cinquantaine d’actions de formation au profit des escadrons de gendarmerie mobile appelés à intervenir en forêt.

Au total, chaque jour, près de 300 militaires sont déployés en forêt ; environ 240 militaires des FAG et 60 militaires de la gendarmerie nationale.

Aujourd’hui, deux sites d’orpaillage illégal sont occupés en permanence par les FAG et les gendarmes. Des barrages fluviaux sont mis en place, comme à Tourépé, afin d’endiguer les flux d’approvisionnement logistique et d’accroître les coûts d’acheminement de la logistique. D’après les gendarmes, les sites d’orpaillage illégaux sont en général réoccupés par les orpailleurs dans les quelques jours suivant le départ des militaires.

c.   Une mission de police administrative et judiciaire

i.   Une mission de police administrative

Le préfet de la région Guyane prend des mesures administratives afin de prévenir la commission de désordre liés à la LCOI et démanteler les installations illégales.

Tous les six mois, le préfet signe un arrêté préfectoral actualisant la liste des postes de contrôle fluviaux. Il est responsable de la réglementation des eaux intérieures. Il délivre également une instruction permanente de remise en état du domaine privé de l’État. Il coordonne également la lutte contre les étrangers en situation irrégulière (ESI), la majorité des orpailleurs illégaux étant des ESI.

ii.   Une mission de police judiciaire

Un cadre juridique spécifique existe afin d’interpeller les orpailleurs et saisir et/ou détruire les matériels d’orpaillage illégal. Ce cadre est adapté aux contraintes logistiques inhérentes aux élongations territoriales guyanaises. Il ne s’agit en rien d’une législation d’exception.

Dans le cadre des articles 78-2 et 78-2-2 du code de procédure pénale, les officiers de police judiciaire sont autorisés, « sur réquisitions écrites du procureur de la République, dans les lieux et pour la période de temps que ce magistrat détermine et qui ne peut excéder vingt-quatre heures, renouvelables sur décision expresse et motivée selon la même procédure » à procéder à des contrôles d'identité » aux fins de recherche et de poursuite des infractions relatives à l’orpaillage illégal.

L’article L621-8-2 du code minier dispose : « En Guyane, dans le cadre exclusif du dispositif de lutte contre l'orpaillage illégal, outre les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire sont habilités, sous le contrôle desdits officiers de police judiciaire, à saisir dans le cadre de leurs opérations tout bien, matériel ou installation ayant servi, directement ou indirectement, à la commission des infractions mentionnées aux articles L. 512-1, L. 512-2 et L. 512-5 et au second alinéa de l'article L. 621-8-3, ainsi que tout produit provenant de celles-ci, et à procéder à la destruction de matériel dans les conditions prévues à l'article L. 512-9. »

L’article L621-8 du code minier énonce qu’« en Guyane, lorsqu'une infraction prévue aux articles L. 615-1 ou L. 621-8-3 du présent code ou à l'article 414-1 du code des douanes est commise et que le transfert des personnes interpellées dans le délai légal de la garde à vue soulève des difficultés matérielles insurmontables, le point de départ de la garde à vue ou la retenue douanière peut exceptionnellement être reporté à l'arrivée dans les locaux du siège où cette mesure doit se dérouler. Ce report ne peut excéder vingt heures. Il est autorisé par le procureur de la République ou la juridiction d'instruction. »

Ainsi, dès lors que les militaires de la mission Harpie s’emparent d’un site d’orpaillage illégal, la priorité consiste dans la judiciarisation de la procédure, puisque les forces de l’ordre disposent de vingt heures pour acheminer les personnes interpellées dans les locaux où la garde à vue doit se dérouler. Dès interpellation d’un individu, les gendarmes appellent le parquet dans un délai maximal d’une heure afin d’informer le procureur du placement en garde à vue des intéressés.

Ensuite, s’opère la manœuvre de saisie/destruction des matériels saisis sur le site par les OPJ. Quelle que soit la destination finale des objets et matériels trouvés sur un site, ils doivent être saisis. Tous les matériels saisis par l’enquêteur (OPJ ou APJ) sont ensuite :

soit placés sous scellés en vue d’une mise à disposition de la justice : pirogues, moteurs, téléphones, peuvent faire l’objet d’une demande d’affectation tandis que l’or, le mercure, les stupéfiants, armes et munitions sont remis au parquet ;

soit détruits dans les conditions édictées par l’article L.512-9 du code minier, lorsqu’il n’existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement la réitération de cette infraction et seulement si le procureur de la République a ordonné par réquisition la destruction des matériels ayant servi à commettre la ou les infractions. Une instruction permanente du préfet permet la destruction des zones de vie dans le cadre de la remise en état du domaine privé de l’État. 90 % de la forêt guyanaise appartient au domaine privé de l’État.

Le procureur de la République après la constatation des infractions décide de l’opportunité de la poursuite d’infractions pénales.

3.   Une collaboration étroite et permanente des FAG et du COMGEND Guyane dans le cadre du CCO Harpie, malgré des moyens nécessairement limités

Dans le cadre de la LCOI, la gendarmerie de Guyane travaille en étroite collaboration avec les FAG, grâce à l’action et la coordination du centre de conduite des opérations Harpie (CCO) du COMGENDGF.

La plupart des opérations conduites en forêt implique l’engagement de groupes mixtes FAG/GN. Ainsi, huit postes de contrôles fluviaux et terrestres sont tenus conjointement avec les FAG 24 heures sur 24. Votre rapporteur a pu se rendre au poste de contrôle fluvial de Tourépé, tenu par des militaires du 3ème REI ainsi que par des gendarmes mobiles. Les opérations visant un contrôle permanent des flux en forêt équatoriale sont complétées par des patrouilles de reconnaissance des bassins aurifères illégaux.

La gendarmerie engage en moyenne journalière plus d’une soixantaine de militaires en forêt pour près de 200 personnels des FAG. Pour parvenir à un tel niveau d’emploi journalier en forêt, 260 gendarmes sont mobilisés pratiquement à plein temps pour la LCOI (planification et conduite des opérations, renseignement et ciblage, police judiciaire, préparation opérationnelle, logistique, projection et engagement opérationnel). En 2022, 768 opérations conjointes entre la GN et les FAG ont été menées. Les gendarmes ont mené 200 opérations en autonomie.

Chaque semestre, à la suite des décisions stratégiques du préfet de région de la Guyane et du Procureur général, un plan simplifié est décliné par les deux forces. Ce plan, cosigné par le COMGEND et le COMSUP, détermine la temporalité et les zones d'effort dans le cadre des opérations renforcées de lutte contre l'orpaillage illégal. Il précise également les orientations et les besoins en renseignement dans le cadre de la mission Harpie.

Depuis la fin d'année 2022, sur directive conjointe du COMGEND et du COMSUP des FAG, un document de ciblage bimensuel est élaboré par les cellules de renseignement de la gendarmerie et des forces armées (J2 GEND/CCO et J2 EMIA/FAG) à destination des unités tactiques engagées en forêt équatoriale. Ce document décline les objectifs à traiter dans le cadre des opérations de reconnaissance des bassins aurifères. Des échanges quotidiens ont lieu sur le renseignement aux fins de l'action. Les renseignements d'ordre opérationnel sont partagés tant au niveau de la patrouille conjointe sur le terrain qu'au sein des structures de commandement. Afin d’approfondir le partage de renseignements entre GN et FAG, une expérimentation va être menée pour mettre en place un « J2 HARPIE » armé par des gendarmes et des militaires des FAG. Ce J2 fusionné serait placé sous le commandement d’un officier de gendarmerie.

Par ailleurs, l'antenne GIGN de Guyane élabore un protocole relatif à la conduite conjointe d'opérations spécialisées avec les FAG dans le cadre de la LCOI, afin de préciser les modalités de renforcement de la coordination interministérielle en matière d’entrave des menaces du haut du spectre, provenant principalement des bandes armées sévissant en forêt équatoriale.

La traque récente du meurtrier du major BLANC, militaire de l’AGIGN assassiné le 25 mars 2023 par une bande armée brésilienne, est un exemple parmi d’autres de l’excellente coopération opérationnelle entre les FAG et la GN. L’action des FAG, coordonnée à celle du COMGENDGF, a permis une montée en puissance rapide des moyens sur zone et de tenir le terrain pendant pratiquement un mois. Au plus fort de l’engagement, les FAG et la GN ont pu projeter 460 personnels sur le site de Dorlin (142 gendarmes et 318 FAG). La saturation du terrain en militaires était telle qu’elle a finalement permis de localiser et d’interpeller les auteurs des faits.

B.   L’occupation permanente du terrain par les militaires de l’opération HARPIE produit des résultats encourageants

La mission Harpie produit des résultats manifestes. Plusieurs indicateurs témoignent des effets préjudiciels croissants portés à l’orpaillage illégal par la mission Harpie :

– les saisies d’avoirs criminels sont en hausse entre 2023 et 2022 : 48,8 millions d’avoirs criminels ont été saisis en 2023 contre 35,7 millions en 2022 (812 motos-pompes, 119 pirogues, 213 000 litres de carburants, 99 tonnes de vivres, 3 433 carbets).

– le nombre de garimpeiros dans la forêt guyanaise semble en baisse. Celui-ci s’établissait à 8 200 en 2021 contre près de 6 450 en 2022 (-21 %) ;

– le volume d’or illégal extrait par les garimpeiros est également en baisse. Ce dernier s’établissait à 10,5 tonnes en 2021 contre 7,2 tonnes en 2022. La GN estime que sans la LCOI les volumes extraits auraient été de 23 tonnes en 2021 et 21 tonnes en 2022. Le préjudice réel porté à l’« adversaire » est évalué par la GN à 340 millions d’euros en 2021 contre 486 millions d’euros en 2022 ;

– une intensification de la judiciarisation de la LCOI : +63 % de garde à vue en 2023, +15 % de condamnations, + 34% de personnes écrouées. Ces résultats probants ont notamment été permis par le renfort d’OPJ en mission de courte durée depuis 2021.

Le COMGEND estime qu’aujourd’hui près des 2/3 des missions de LCOI en forêt sont préjudiciables à l’adversaire contre seulement 1/3 des missions il y a dix ans.

III.   Points de vigilance du rapporteur

A.   La nécessité de sanctuariser les effectifs de la gendarmerie nationale face à un niveau de criminalité particulièrement élevé

Votre rapporteur plaide pour une sanctuarisation des effectifs de la gendarmerie nationale impliqués dans le cadre de la LCOI.

À cet égard, votre rapporteur insiste sur la nécessité de garantir de manière permanente la relève des 12 OPJ en mission de courte durée venant renforcer la section de recherche de Cayenne.

De même, votre rapporteur plaide pour une pérennisation sur la longue durée des effectifs de la « task force » judiciaire rattachée à la section de recherche de Guyane en octobre 2022. Il a été mentionné précédemment le rôle majeur exercé par ces renforts judiciaires dans l’interpellation récente du chef d’une structure criminelle franco-brésilienne de la FTA en Guyane. Depuis le 3 juillet 2023, 6 enquêteurs composent la troisième « task force ». Votre rapporteur insiste sur la nécessité d’intégrer au tableau des effectifs autorisés de la section de recherche de Guyane ces renforts dont la présence est plus que jamais nécessaire pour faire face aux niveaux de criminalité observés en Guyane.

Par ailleurs, votre rapporteur regrette le départ récent de Guyane d’un septième escadron de gendarmerie mobile (EGM) pour le théâtre mahorais. S’il est possible que ce départ ne soit que temporaire, il prive le territoire guyanais de 72 GM, ce qui s’est ressenti en termes d’occupation du terrain par les forces de sécurité intérieure. Or, les criminalités s’interpénètrent souvent en Guyane. Une moindre présence des FSI sur le terrain est susceptible d’entraîner mécaniquement un accroissement de l’activité d’orpaillage illégal et inversement.

Enfin, votre rapporteur estime qu’il serait intéressant du point de vue opérationnel d’accroître la part de gendarmes d’origine guyanaise affectés en Guyane. Aujourd’hui, cette part s’élève à seulement 1 % et correspond principalement aux effectifs des gendarmes adjoints volontaires. L’atteinte d’un effectif de 10 % permettrait de donner aux gendarmes une meilleure connaissance opérationnelle du terrain.

B.   L’adaptation des vecteurs terrestres, fluviaux et aériens au contexte guyanais

Votre rapporteur souhaite souligner l’état inégal de dégradation du parc automobile en Guyane.

Le parc est composé de véhicules légers, de véhicules lourds (camions et véhicules blindés) ainsi que des moyens mobiles saisis (véhicules, moteurs hors-bord, pirogues et quads), soit 669 matériels à soutenir. Les véhicules sont très sollicités. En outre, les conditions climatiques de la Guyane se révèlent particulièrement difficiles et favorisent le vieillissement ainsi que l’usure du parc automobile. L’âge moyen du parc est de dix ans.

Le parc des 45 véhicules lourds est constitué à 95 % par des véhicules TRM 2000 datant des années 1990. Ces véhicules devront rester en service jusqu’en 2029, mais il n’existe pas à l’heure actuelle de véhicule capable de les remplacer. Les TRM génèrent des coûts de MCO très élevés, en raison de leur vétusté. Le taux d’indisponibilité des poids lourds s’élève à 59 %, ce qui est particulièrement bas. Le taux d’indisponibilité des véhicules légers du ComGend est de 10 %, celui des véhicules légers du groupement tactique de gendarmerie (GTG) de 19 %.

Les 4 blindés VRBG devraient être remplacés l’an prochain par les nouveaux blindés CENTAURE. Toutefois, le rapporteur a été alerté sur l’inadaptation partielle des CENTAURE aux conditions climatiques guyanaises ; en effet, les CENTAURE sont conçus pour un taux d’humidité moyen de 40 % alors que le taux d’humidité moyen en Guyane est de 80 %.

Le parc motocyclette a été renouvelé récemment.

Plus généralement, votre rapporteur alerte sur la nécessité de limiter le plus possible le risque de report ou de décalage d’opérations de LCOI en raison d’une indisponibilité ou d’inadaptation des vecteurs au terrain guyanais.

Ainsi, les opérations héliportées de l’AGIGN-GF sont contraintes par un taux élevé d’indisponibilité des hélicoptères Puma de l’AAE (bientôt remplacés par des Caracal) et des 2 hélicoptères EC145 de la GN. En outre, les hélicoptères de la GN actuellement en dotation en Guyane (2 EC145) ne permettent pas la projection en autonomie d’un groupe de dix personnels de l’antenne en jungle. Si une enveloppe budgétaire du ministère de la transition écologique permet la location d’un hélicoptère civil, son emploi est restreint et peu adapté au milieu guyanais puisque cet hélicoptère n’est pas équipé d’un treuil et contraint donc son conducteur à se poser en forêt.

Par ailleurs, l’AGIGN est la seule unité du département à procéder à l’interception d’embarcations en mouvement, chargées de matériel d’orpaillage, de drogues, d’armes, ou emportant des étrangers en situation irrégulière (ESI). Ce mode opératoire risqué nécessite un savoir-faire spécifique. Afin de réduire au maximum les risques pris par les militaires de l’AGIGN, une embarcation spécifique à fond rigide est en commande. Sa livraison est prévue entre décembre 2023 et mars 2024. Cette nouvelle embarcation permettra de surveiller les flux, de jour comme de nuit, d’intervenir dans les embouchures puis de poursuivre les pirogues s’échappant vers le large. Il s’agit aussi de transiter d’une embouchure à une autre dans le cadre de la continuité de l’action de contrôle. Votre rapporteur insiste sur le caractère primordial de son maintien en condition opérationnelle afin de garantir son engagement dans le temps.

Enfin, votre rapporteur souhaite partager un point de vigilance majeur concernant les capacités aéromobiles de la gendarmerie de Guyane, actuellement constituées d’un EC 145 et d’un « écureuil » AS350B2. Il a été indiqué à votre rapporteur qu’un second AS350B2 se substituerait début octobre à l’EC145 de la GN. En effet, la complexité de maintenance de l'EC145 et la durée de certaines opérations d'entretien ont incité le COMGEND à proposer un retrait ponctuel de l'EC145 afin de le remplacer par un second AS350B2. La rusticité et la relative simplicité d'entretien permettent d’envisager une moindre indisponibilité de ce second Écureuil.

Néanmoins, les hélicoptères Écureuils sont moins adaptés au milieu guyanais que les EC145. En effet, par rapport aux EC145 :

– leur capacité d’emport est réduite de 5 à 3 passagers ;

– leur capacité de treuillage est réduite de 2 à 1 personne, ce qui compliquera l’extraction des gardés à vue en forêt ;

– la longueur du treuil des écureuils est réduite à 40 mètres, alors que la canopée en Guyane monte jusqu’à 60 mètres ;

– les Écureuils pourront emporter un volume de fret réduit par rapport aux EC145.

Ainsi, face au risque d’une diminution significative des capacités opérationnelles des Écureuils dans la LCOI, votre rapporteur appelle de ses vœux un retour rapide de l’EC145 en Guyane.

Face à l’immensité de la forêt guyanaise, il lui semblerait par ailleurs pertinent de doter la gendarmerie de Guyane d’un troisième EC145, ce qui permettrait d’accroître la disponibilité des vecteurs aériens de la gendarmerie de Guyane.

C.   La création d’une ligne budgétaire consacrée à la LCOI permettrait de sanctuariser le budget de fonctionnement du COMGEND ainsi que les moyens de la mission HARPIE

Votre rapporteur regrette qu’il n’existe pas actuellement de ligne budgétaire dédiée permettant au COMGEND-GF d’acquérir du matériel nécessaire à la LCOI.

Actuellement, la grande majorité des matériels utilisés par les gendarmes de la mission Harpie provient de biens saisis aux orpailleurs dans le cadre des procédures de « saisies-attributions » en l’absence de propriétaires identifiés (pirogues, quads, tronçonneuses etc). Les matériels saisis par le centre de soutien Harpie du CCO peuvent être rétrocédés à l’ensemble des partenaires du COMGEND-GF impliqués dans la LCOI (FAG, Parc Amazonien de Guyane, PAF, ONF, etc).

En conséquence, il n’existe pas de budget pour l’entretien de ces moyens saisis. Quand un moteur arrive en fin de vie, il est nécessairement jeté. Ainsi, pour financer néanmoins des acquisitions de matériels indispensables à la LCOI, le COMGENG-GF avance les dépenses sur son budget de fonctionnement, via une « enveloppe complémentaire en besoins justifiés ». À la fin de l’année 2022, des achats d’une valeur de 22 000 euros ont ainsi pu être réalisés sur cette enveloppe. En 2023, 98 000 euros de besoins complémentaires justifiés ont permis d’acquérir des équipements nécessaires à la LCOI.

Ce mode de financement n’est pas sécurisant pour le COMGEND-GF et peut nécessairement fragiliser les dépenses de fonctionnement. Ainsi, votre rapporteur plaide pour la création d’une ligne budgétaire dédiée à la LCOI au sein du budget de la gendarmerie de Guyane. Cette ligne permettrait d’accroître la lisibilité de la programmation budgétaire.

 

 


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   Travaux de la commission

I.   Audition du général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

La Commission a entendu le général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680), au cours de sa réunion du 11 octobre 2023.

M. le président Thomas Gassilloud. Mes chers collègues, nous accueillons cet après-midi le général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. Mon général, nous vous auditionnons avec grand plaisir, afin que vous nous présentiez le budget de la gendarmerie en 2024, ainsi que les orientations de votre action et de vos missions. Si les gendarmes sont rattachés au ministère de l’intérieur, ils demeurent des militaires ; ils exercent leur mission dans 33 400 des 35 000 communes du territoire national, au profit de 52 % de la population, en Hexagone comme en dans les outre-mer.

Jean-Pierre Cubertafon est en charge, pour la commission, du rapport de votre budget. Particulièrement investi, il nous a notamment emmenés à Saint-Astier pour découvrir le rôle du centre national d’entraînement des forces de gendarmerie. La gendarmerie dispose de 100 000 personnels d’active et de 31 000 réservistes qui assurent notre sécurité quotidienne et dont je salue le dévouement. L’actualité de la gendarmerie porte sur la création des 238 brigades dont la répartition territoriale a été annoncée la semaine dernière par le Président de la République, qui viendront renforcer la présence des forces de sécurité intérieures dans les territoires, notamment dans les territoires ruraux. Peut-être pourrez-vous revenir sur les déterminants de la répartition territoriale choisie ?

Nous aimerions au demeurant savoir comment la gendarmerie nationale va relever le défi de ces recrutements massifs, dans un contexte de vives tensions sur le marché du travail et de difficultés liées à la fidélisation de ses ressources. Si l’année 2024 s’annonce comme positive pour la gendarmerie nationale sur le plan des ressources humaines, qu’en est-il du soutien et des finances ? Quelle part des besoins exprimés le budget infrastructures permettra-t-il d’honorer ?

Avant de vous céder la parole, j’en profite pour vous dire que la commission de la défense va beaucoup s’intéresser au premier semestre 2024 à la défense globale, à l’esprit de défense et à l’engagement des citoyens sur tous nos territoires. À ce titre, nous serons conduits à vous solliciter, car la gendarmerie constitue l’un de nos atouts centraux de notre dispositif de sécurité.

M. le général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. Entre le 26 juillet et le 8 septembre 2024, la France accueillera les Jeux olympiques et paralympiques. Notre pays deviendra l’épicentre médiatique du monde. Dès lors, l’impact de chaque événement, notamment sécuritaire, qui se produira à Paris, comme sur l’ensemble du territoire métropolitain ou ultramarin, conditionnera fortement le succès de cette manifestation et marquera durablement l’image de la France à travers le monde.

Dans la conduite des ambitions du Gouvernement, la gendarmerie verra donc son budget global porté à 6411 millions d’euros dans le projet de loi de finances (PLF) 2024, contre 6 187 millions d’euros en 2023. Ces crédits lui permettront de poursuivre son engagement pour répondre aux demandes de sécurité des Français. Elle assumera par ailleurs des mesures générales et catégorielles valorisant le traitement de ces militaires.

Au-delà de la sécurisation des Jeux olympiques, nous sommes aujourd’hui confrontés à l’émergence de différents enjeux susceptibles de générer, s’ils ne sont pas anticipés, des crises à la fois protéiformes et possiblement concomitantes. Les événements du week-end dernier viennent de nous le rappeler. Nous nous organisons donc d’ores et déjà en développant une stratégie autour de trois axes couvrant un large spectre de menaces.

Premièrement, en 2024, la prise en compte de la demande de sécurité demeure une priorité au regard des exigences croissantes de la population en la matière. Cette prise en compte se traduira par une présence accrue sur le terrain. Deuxièmement, la gendarmerie restera pleinement mobilisée dans la préservation des intérêts nationaux face aux atteintes à l’ordre public, aux flux migratoires irréguliers et aux actes terroristes. Enfin, en poursuivant son investissement face aux nouvelles frontières de la délinquance, la gendarmerie continuera de lutter contre les cybermenaces et la criminalité environnementale.

S’agissant de l’approche opérationnelle tournée vers la prise en compte de la demande de sécurité grâce à une présence accrue sur l’ensemble du territoire, je rappelle que la population n’attend pas que nous arrêtions les voleurs, mais qu’il n’y ait pas de voleurs. Dès lors, une condition qui, à défaut d’être suffisante, est au moins nécessaire, consiste à occuper le terrain. Si nous n’occupons pas le terrain, d’autres feront ce qu’ils voudront, entraînant des conséquences qu’il est loisible d’imaginer. Notre stratégie repose sur ces éléments de présence, qui font également partie de la demande du Président de la République, laquelle concerne le doublement de notre présence sur la voie publique d’ici 2027.

Cette action passe notamment par les 239 nouvelles brigades, dont la création a été annoncée il y a quelques semaines. Les équivalents temps plein (ETP) associés sont d’ailleurs prévus dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi). J’entends assez régulièrement dire qu’il s’agit de transfert de postes de gendarmes d’un endroit à un autre. Il est certain que les gradés de ces nouvelles brigades proviendront d’autres unités, car il ne serait ni raisonnable ni souhaitable, de solliciter uniquement les sorties d’école. Cependant, les gradés qui seront mutés dans ces nouvelles brigades seront remplacés par d’autres gradés dans le cadre du jeu normal de l’avancement. Il s’agit donc bien de 312 créations d’ETP, déjà sortis d’école. En outre, les tableaux d’avancement pour les gradés seront publiés au début du mois de décembre, ce qui nous permettra, dès les vacances d’hiver, d’affecter les gradés dans ces nouvelles unités. Une trentaine d’unités seront donc créées en 2023 et une quarantaine verront le jour en 2024, rythme qui sera ensuite poursuivi chaque année jusqu’en 2027.

Le schéma d’emplois est positif en 2024, avec 1 045 ETP supplémentaires pour les nouvelles brigades, mais aussi pour les centres de formation, le renforcement du commandement pour l’environnement et la santé. Simultanément, la réserve opérationnelle monte en puissance et contribuera aussi à augmenter la présence de voie publique. La cible à l’horizon 2027 s’établit à 50 000 réservistes, contre un peu plus de 30 000 aujourd’hui. En 2024, l’enveloppe dédiée à la réserve opérationnelle augmente de près de 29 millions d’euros, hors compte d’affectation spéciale (CAS) « Pensions ». J’ajoute que des réservistes sont engagés à la frontière avec la Grande-Bretagne, pour tenir la frontière et empêcher un maximum de migrants de prendre la mer pour rejoindre la Grande-Bretagne.

Le volume d’heures de présence de voie publique est en augmentation, soit deux millions d’heures supplémentaires entre 2023 et 2022. Celle-ci se traduit dans les faits par une hausse de 9 à 10 % de présence sur la voie publique, soit un volume XV 000 patrouilles chaque jour.

Simultanément, nous développons une démarche pour nous rapprocher de nos concitoyens, en passant d’une logique de guichet à une logique de pas-de-porte, avec des prises de rendez-vous. Elle présente un intérêt immédiat de rapprocher la gendarmerie de l’usager et ce faisant, de renforcer notre présence de voie publique. Les brigades mobiles seront quant à elles chargées de faire le tour de communes rarement couvertes par les gendarmes, ce qui permettra de renforcer le sentiment de sécurité des populations.

Pour y parvenir, nous nous sommes dotés d’outils spécifiques, dont le terminal mobile NÉO, le poste informatique mobile sécurisé Ubiquity ou l’outil de speech-to-text, permettant de retranscrire automatiquement la voix à l’écrit, notamment dans le cas d’un dépôt de plainte. Dans le domaine du numérique, l’Agence du numérique des forces de sécurité intérieure (ANFSI) a succédé depuis le 1er septembre au Service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure (ST(SI)²). Cette agence, dont les effectifs vont augmenter, nous permettra également de continuer à développer des outils pour être plus performants en mobilité et pour faire gagner du temps à nos agents, au profit d’une plus grande proximité sur le terrain avec la population.

Le « parcours victime » relève du même effort de présence. Concrètement, nous nous servons des outils numériques pour développer davantage de contacts et de présence. Nous voulons éviter de nous inscrire dans une logique de chat avec des correspondants situés à l’étranger. Le développement de la « visioplainte », qui permet de parler avec un gendarme, sera bientôt expérimenté dans la Sarthe. La plainte en ligne sera expérimentée dans le département de la Gironde, avant d’envisager un déploiement national dès 2024. Ces démarches sont accompagnées par des mesures de formation. La Lopmi a ainsi prévu de construire des centres de formation régionaux, qui nous aideront également à développer et à démultiplier l’information.

Je souhaite évoquer également la protection des élus dans les territoires, et particulièrement les maires, qui sont en plus en plus victimes d’agressions. Nous travaillons ainsi avec l’Association des maires de France (AMF) et nous disposons d’un référent élu par brigade. Notre action porte également sur l’anticipation, à travers la formation sur la gestion des incivilités. Créée initialement par le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), cette formation a depuis été développée, puisque près de 23 000 élus l’ont déjà reçue. Le ministre de l’intérieur a créé le centre d’analyse et de lutte contre les atteintes faites aux élus, observatoire menant des analyses sur des atteintes aux élus, également destiné à apporter un soutien pour limiter les atteintes et une aide lorsque celles-ci se produisent malgré tout. Cette structure, hébergée à mon cabinet, est dirigée par une sous-préfète particulièrement motivée.

Je souhaite également évoquer le sujet des violences sexistes et sexuelles (VSS). Nous avons continué à développer les maisons de protection des familles, qui sont au nombre de quatre-vingt-dix-neuf, auxquelles il faut ajouter 260 intervenants sociaux dans nos brigades. En outre, 2 000 gendarmes ont été formés, soit environ un gendarme par brigade. Bien qu’il soit difficile d’objectiver les données, les violences intrafamiliales sont en légère diminution dans certains départements. Quoi qu’il en soit, nous demeurons extrêmement vigilants.

Nous continuons à travailler en matière d’action judiciaire. La meilleure manière de « neutraliser » des délinquants consiste en effet à les remettre aux mains de la justice, grâce à la constitution de dossiers bien construits. Par définition, le taux d’élucidation n’est jamais complètement satisfaisant, mais sur les atteintes aux personnes, il s’élève à 78 %. Chaque enquêteur gère en moyenne trente-deux dossiers et nous avons mis en place des « bureaux d’ordre » qui régulent et priorisent les tâches. Nous avons également développé la gestion dite collaborative des procédures, afin d’éviter que ces dernières ne stagnent.

Dans le domaine de la police judiciaire, nous densifions également la formation. La formation initiale est rallongée à douze mois et nous y intégrons un module de 120 heures de cours de renforcement en police judiciaire. Cette action permet aux gendarmes de présenter l’examen d’officier de police judiciaire (OPJ) dès la sortie d’école, sans condition d’ancienneté, ce qui constitue une nouveauté. En outre, nos réservistes qui étaient OPJ, peuvent à nouveau l’être. En résumé, nous démultiplions les compétences judiciaires.

Par ailleurs, la procédure pénale numérique (PPN) progresse. Le sujet est particulièrement compliqué d’un point de vue technique, car il nous contraint de connecter un grand nombre de systèmes. Nous avons bon espoir qu’elle soit mise en place d’ici la fin de l’année 2025, afin de diminuer la « paperasse » et nous faire gagner du temps, mais aussi de permettre un suivi en temps réel des informations pour les victimes.

Je souhaite ensuite évoquer la deuxième partie de mon intervention, qui est relative à l’action de la gendarmerie, une action résolument tournée vers la préservation de l’ordre républicain et la protection des intérêts nationaux. Le contexte est désormais bien connu de tous : les tensions sont globalement de plus en plus fortes, la violence assez présente et les formes de désocialisation bien avérées. Elles se traduisent par des « pics » de tension sporadiques de plus en plus réguliers, de plus en plus réels, et un niveau de violence tel que, tous les ans, nous devons déplorer plus de blessés que l’année précédente.

Parmi les exemples, il est possible de citer le cas du forcené qui a l’habitude de boire, de frapper sa femme, et qui finit par tirer sur les gendarmes lorsque ceux-ci interviennent. Chaque nuit, nous devons faire face à des forcenés, dans toutes les régions, dans toutes les catégories socioprofessionnelles. Les personnes qui ouvrent le feu sur les gendarmes sont dans leur immense majorité des hommes, souvent alcoolisés. Dans le même ordre d’idées d’une violence croissante, nous ne pouvons que déplorer le durcissement de certaines manifestations. Face à ces phénomènes, nous renforçons notamment nos formations. À ce titre, j’ai remis à l’ordre du jour des formations au combat pour nos escadrons, qui concernent notamment les manœuvres sous le feu.

En outre, des gendarmes sont impliqués dans un grand nombre de théâtres aux frontières de l’Europe. Au moment où je vous parle, un peloton est engagé en Libye pour protéger un hôpital et les forces de sécurité civile. De même, nous avons engagé un peloton de gendarmes mobiles au Burkina Faso pour protéger les intérêts français et il nous est demandé d’envisager la mise en place d’un peloton de gendarmes pour protéger notre ambassade au Niger. Le GIGN est engagé partout où il est nécessaire qu’il intervienne, à la fois sur le territoire français, mais aussi en dehors de ce dernier. À ce titre, il est intervenu récemment à Khartoum, dans le cadre d’un engagement de haute intensité, qui a donné lieu à des échanges de coups de feu nourris.

Nous devons donc nous préparer à affronter différents scénarios et sommes aidés par les équipements nouveaux dont nous bénéficions. Je pense notamment au plan de relance sur les hélicoptères H160, qui nous permettront de projeter des capacités, mais également aux blindés Centaure, qui remplaceront nos vieux véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG). Les Centaure possèdent un spectre d’emploi plus large que les VBRG. Nous les avons employés durant les violences urbaines pour protéger nos gendarmes et pour diffuser du lacrymogène. Nous pouvons également les engager sur des théâtres de plus haute intensité, en changeant l’équipement à la demande, le moment venu.

En outre, nous remettons le sport au goût du jour dans les brigades territoriales, de même que la formation à l’intervention professionnelle, pour améliorer notre capacité à maîtriser un agresseur, armé ou désarmé, de la manière la plus « douce » possible. Enfin, nous nous dotons peu à peu de moyens de lutte anti-drones.

L’année 2024 sera également la dernière année du remplacement des gendarmes adjoints volontaires des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) en sous-officiers de gendarmerie. Cette opération permet également de durcir le niveau des gendarmes qui sont engagés dans les situations de crise, souvent en premier lieu. Je pense notamment aux deux escadrons « Guépard » qui sont susceptibles d’être engagés dans des situations très sérieuses, comme cela a pu être le cas hier au Liban, Kosovo ou en Afghanistan. Nous devrons vraisemblablement poursuivre cet effort pour être capables de réagir à n’importe quel événement. Au-delà de ces deux escadrons déjà créés, sept sont également en cours de formation.

Par ailleurs, les gendarmes opèrent également dans le contrôle de l’activité migratoire, à nos frontières, y compris à la frontière anglaise grâce aux crédits alloués au titre du traité de Sandhurst (540,3 millions d’euros, dont 300 millions d’euros pour la gendarmerie), qui nous permettent d’engager des réservistes, en temps réel. À la frontière anglaise, 241 réservistes sont engagés tous les jours, pour un total de 2 000 réservistes engagés quotidiennement. La lutte contre l’immigration irrégulière intervient également à Mayotte, à l’image de l’opération Wuambushu, qui a mobilisé de nombreux moyens de police et de gendarmerie. La Guyane fait également l’objet d’une attention particulière, à la fois dans le traitement de sujets migratoires, mais aussi d’atteintes à l’environnement, tel l’orpaillage illégal. J’ajoute que le centre de rétention administrative (CRA) de Lyon est actuellement gardé par deux escadrons de gendarmes mobiles.

Enfin, la dernière partie de mon intervention concerne les nouvelles frontières de la délinquance, c’est-à-dire le cyber et les atteintes à l’environnement. Le ministre a décidé la création d’un service à compétence nationale cyber, qui assurera une mission de veille stratégique, de partage, d’accompagnement des services d’enquête, de la police, de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), de la préfecture de police et de la gendarmerie. Il s’agit aussi de regrouper les compétences sur le haut du spectre, afin qu’elles puissent servir à tous, ainsi que limiter les coûts de recours à des hyper spécialistes.

Simultanément, nous menons des opérations de prévention et de sensibilisation. En 2023, nous avons ainsi pu sensibiliser plus de 320 000 personnes. Nous nous rapprochons des PME, des TPE et des collectivités. Ici aussi, nous travaillons avec l’AMF pour aider à développer des outils de sensibilisation aux risques qui peuvent se poser sur les réseaux. Le « permis internet », destiné aux classes de CM2, nous permet de sensibiliser les jeunes et d’investir pour la suite. Dans ce champ, nous collaborons naturellement avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). Ensuite, le projet « 17 cyber », porté par le ministère et la brigade numérique est associé à l’ensemble des réflexions numériques, comme la « visio-plainte ».

Par ailleurs, il convient d’évoquer notre nouvel office, le commandement pour l’environnement et la santé (Cesan), qui améliore le dispositif antérieur, l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et la santé publique (Oclaesp). Le Cesan est en quelque sorte l’équivalent de l’office anti-stupéfiants (Ofast) dans le domaine de l’environnement et la santé publique. Nous menons un certain nombre d’opérations contre la criminalité spécialisée dans le domaine de l’environnement et nous sommes très connectés avec nos homologues étrangers. Nous disposons en outre d’une division de lutte contre la maltraitance animale.

Nous travaillons également sur les feux de forêt, grâce à des dispositifs innovants pour anticiper les incendies, en lien avec les pompiers. L’objectif consiste ici à interpeller plus rapidement les incendiaires, à l’aide de chiens qui peuvent détecter des accélérant le plus rapidement possible, afin de nous permettre de trouver des indices et des éléments de preuve pour confondre les auteurs d’incendie.

En conclusion, le contexte actuel est assez anxiogène pour nos concitoyens. Nous sortons de crises successives (crises des Gilets jaunes, crise Covid) et sommes aujourd’hui confrontés à une situation de guerre en Ukraine. Le phénomène de l’inflation est également à l’œuvre et affecte un grand nombre de Français, qui vivent des situations compliquées, dans le cadre d’une « archipelisation » croissante de la société, pour reprendre le terme forgé par Jérôme Fourquet.

De fait, les territoires de cette « France périphérique » correspondent en grande partie à ceux qui sont inscrits dans notre zone de compétence. Il nous faut donc entretenir notre proximité et notre présence sur la voie publique, laquelle renforce le sentiment de sécurité de nos concitoyens, à l’heure où la « régulation sociale » est plus faible qu’auparavant. Nous sommes aussi payés pour être présents auprès de la population, écouter et rassurer nos concitoyens, afin d’apporter un service de meilleure qualité.

M. le président Thomas Gassilloud. Je vous remercie, mon général, pour ce propos très complet qui montre l’étendue des missions confiées aux gendarmes, mais qui témoigne également du contexte difficile dans lequel vous agissez. Je souligne en outre le domaine des nouvelles technologies et du numérique, dans lequel la gendarmerie est en pointe notamment grâce à une politique RH assez adaptée qui bénéficiera à l’ensemble du ministère de l'intérieur.

M. Philippe Sorez (RE). Permettez-moi, en introduction, de transmettre, au nom du groupe Renaissance, notre sincère reconnaissance et notre soutien inébranlable envers nos gendarmes. Leur engagement exceptionnel, parfois au risque de leur vie, tout au long de l’année 2023, notamment lors des événements de Sainte-Soline et des émeutes urbaines de l’été, mérite notre gratitude.

Je tiens également à souligner l’engagement historique pris par le Président de la République dans le cadre d’une Lopmi qui prévoit la création de 239 brigades, dont trois seront implantées dans mon département de l’Hérault. Nous inversons ainsi la tendance des dernières années où nous fermions des brigades, et ne pouvons que nous en féliciter.

À cet égard, pouvez-vous nous apporter des précisions quant au calendrier de l’installation de ces nouvelles brigades ? Pouvons-nous espérer la mise en place de certaines nouvelles unités d’ici la fin de l’année ? Vous avez aussi indiqué qu’un tiers de ces nouvelles brigades prendront la forme d’unités itinérantes qui se déplaceront dans les communes. Pouvez-vous expliquer comment ces brigades, sans implantation fixe, fonctionneront concrètement pour réaliser efficacement leur mission ? En outre, pouvez-vous revenir sur la question du logement pour ces gendarmes itinérants ?

Ensuite, je souhaite également vous interroger sur le défi sécuritaire que représentera l’année prochaine l’organisation des Jeux olympiques 2024. Avez-vous déjà pu tirer les premiers enseignements ou points de vigilance, en vous appuyant sur l’expérience de la Coupe du monde de rugby qui a lieu actuellement en France ? Pour terminer, nous sommes conscients de la mobilisation exceptionnelle des gendarmes lors de ces prochains Jeux olympiques. Pourriez-vous nous fournir davantage de détails sur la façon dont cette disponibilité renforcée sera mise en œuvre et compensée dans nos régions ?

M. le général d’armée Christian Rodriguez. Je vous remercie pour l’hommage que vous rendez aux gendarmes.

S’agissant des nouvelles brigades, trente à trente-cinq d’entre elles seront créées pour l’annuité 2023. En lien avec les élus, nous regardons au cas par cas les meilleurs lieux d’implantation.

Ensuite, nous logerons dans un premier temps les gendarmes dans le parc locatif aux alentours, en attendant d’entamer une procédure de construction. Le ministère de l’économie et des finances a en effet fait preuve de souplesse, ce qui nous permettra de construire plus rapidement que nous ne le faisions auparavant. En résumé, nous logerons les gendarmes là où la brigade est créée, y compris lorsqu’il s’agit d’une brigade itinérante. Nous adapterons et nous laisserons « le terrain commander », ainsi qu’une vieille expression militaire le conseille. Concrètement, d’ici la fin de l’année, nous disposerons de quelques brigades, avant de terminer l’annuité 2023 au début de l’année 2024.

Les brigades mobiles ne disposeront pas de lieux d’accueil de la population dans des locaux en dur siglés gendarmerie. Elles seront chargées d’aller au contact, mais pourront néanmoins recueillir des plaintes dans une mairie ou dans d’autres lieux. Le premier gain consiste ici à ne pas générer des coûts supplémentaires, tout en incitant les gendarmes à se déplacer. Par ailleurs, nous allons créer des brigades adaptées au terrain, grâce à notre expertise en matière d’ingénierie, qu’il s’agisse par exemple de brigades motorisées, de brigades de cavaliers ou des brigades nautiques.

S’agissant des Jeux olympiques, nous sommes surtout des fournisseurs de moyens. Il y aura certes une épreuve de surf en Polynésie, en zone gendarmerie, mais l’essentiel des événements se déroulera en Île-de-France, en zone police. Les préfets concernés par la tenue d’épreuves sur leur territoire privilégient des blocs missionnels, c’est-à-dire confier à un endroit des missions à une seule force, qui agit comme elle a l’habitude de le faire, sous l’autorité des préfets et du préfet de police à Paris.

Les élus des territoires souhaitent également que nous puissions faire face aux flux de touristes, dont une partie sera liée aux Jeux. Il est à ce jour envisagé qu’environ 12 000 à 14 000 gendarmes soient mobilisés sur la plaque parisienne. Une partie des effectifs proviendra des territoires, mais simultanément, nous allons drastiquement limiter les départs en vacances. Nous permettrons vraisemblablement aux gendarmes de prendre un peu plus de congés avant ou après les Jeux. Nous disposerons donc de suffisamment de ressources et nous ne laisserons pas les zones touristiques sans dispositif de gendarmerie. Je ne suis pas inquiet : nous trouverons un point de sortie satisfaisant. Mais une fois encore, nous sommes bien conscients des enjeux et nous ferons le nécessaire pour ne pas vider les territoires de leur substance.

M. Pierrick Berteloot (RN). En tant que force engagée dans nos territoires, la gendarmerie est pleinement mobilisée sur les côtes du littoral Nord face aux importantes tentatives de migration en direction de l’Angleterre. Après le démantèlement de la « jungle de Calais » en 2016, la pression ne s’est pas relâchée.

Les gendarmes sont hélas habitués aux drames humains. Les contrôles s’intensifiant sur les axes et sur les plateformes frontalières, des réseaux de passeurs équipés de small boats se sont développés et les tentatives de traversées maritimes se sont multipliées. Alors qu’une quinzaine étaient dénombrés, en 2017, nous sommes passés en 2022 à plus de 45 000 traversées de la Manche à bord d’embarcations de fortune. Les migrants mettent leur vie en péril pour passer, coûte que coûte, en Angleterre.

Face à ces traversées, nos gendarmes sauvent des vies, parfois au péril de la leur. Je tiens ici à leur rendre hommage et à saluer leur dévouement. Le sauvetage de naufragés constitue en effet une mission périlleuse. Or ces missions ne font que s’ajouter à leurs multiples tâches quotidiennes. Il s’agit également d’un travail ingrat, puisque les résultats sont très peu visibles. Les tentatives de passages s’enchaînent inlassablement et de façon exponentielle. Ces traversées se réalisent maintenant en plein jour, qu’importe le temps. Surtout, nous voyons apparaître des traversées de masse. Le 22 août 2021, près de 1 300 migrants ont ainsi traversé la Manche en une seule journée.

Mon général, j’entends presque chaque jour la résignation, voire l’épuisement de nombreux effectifs quant à leurs sollicitations face à la pression migratoire, chez les personnels d’active comme chez les réservistes qui, pour certains, sont presque exclusivement mobilisés pour faire face à ce drame humain et à cet enjeu politique majeur. Alors que le recrutement et la fidélisation sont des enjeux cruciaux dans le monde militaire, cette situation ne permet pas forcément de créer des vocations. Vous n’êtes pas responsable des choix politiques et des errements de la politique migratoire. Néanmoins, dans le cadre du PLF, pouvez-vous nous préciser quels moyens vous sont attribués pour répondre à cette sur-sollicitation ?

M. le général d’armée Christian Rodriguez. Ainsi que je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, nous sommes très engagés dans le contrôle de l’activité migratoire à nos frontières, y compris à la frontière anglaise. Il est par ailleurs exact que le niveau de violence augmente, mais je me demande ce qu’il en serait si nous n’étions pas là.

Dans les détails, les Britanniques financent à hauteur de 540 millions d’euros cette activité de contrôle, réalisée notamment par 241 réservistes, tous les jours. Ils financeront également deux hélicoptères, qui nous aideront pour la détection, voire l’intervention. À ce sujet, je précise que les interpellations sont plus nombreuses chaque année. En résumé, nous disposons des moyens nécessaires pour mener à bien notre mission et notre engagement est fort. Cette mission est compliquée, mais nos effectifs sont engagés, sur le terrain. Nous faisons appel des réservistes en provenance de toute la France, dans la mesure où les effectifs de réservistes locaux ne suffisent pas à assurer nos besoins.

Plus globalement, je ne suis pas soumis à des difficultés en matière de recrutement. Le nombre de candidats pour un poste de sous-officier a diminué par rapport à ce qui était observé il y a cinq ans, mais il demeure plus élevé que dans d’autres administrations. Par exemple, nous avons cinq à six candidats pour un poste de sous-officier. De la même manière, les jeunes qui entrent dans nos écoles font preuve d’une grande motivation.

En résumé, notre action est de plus en plus compliquée, notamment pour la surveillance de l’activité migratoire, mais nous changeons aussi nos modes d’action. Le préfet des Hauts-de-France s’y emploie et change de tactique assez régulièrement. De plus, nous avons militarisé un peu plus la manœuvre pour mieux occuper le terrain. Nous disposons par exemple de buggys qui nous permettent d’aller sur les dunes. À ce titre, nous avons procédé à des échanges de zones de surveillance avec la police : dans les dunes, il est préférable de privilégier une manœuvre plus militaire.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Comme à chaque fois que nous avons le plaisir de nous retrouver, je veux évidemment rendre hommage à nos gendarmes et à ceux notamment, des quatre brigades qui défendent mon territoire à Mormant, au Châtelet-en-Brie, à Chaumes-en-Brie et à Nangis. En outre, le commandant de compagnie de mon département illustre le modèle de l’escalier social de la gendarmerie : entré comme gendarme adjoint volontaire, il a aujourd’hui réussi à l’École de guerre.

Mon expérience m’incite à dire que l’engagement de nos brigades est total. La militarité est effectivement à l’œuvre et se traduit par une disponibilité, une proximité, et une efficacité, notamment aux côtés des élus. Cependant, dans de nombreuses brigades de Seine-et-Marne, des postes demeurent vacants et nous n’atteignons pas le remplissage des postes à l’effectif nominal. Quel plan comptez-vous mettre en œuvre pour remédier à cette situation ?

Ensuite, nous sommes confrontés à un durcissement du maintien de l’ordre, notamment du maintien de l’ordre « haut du spectre ». Nous l’avons constaté avec le quasi écoterrorisme de Sainte-Soline ou le nihilisme consumériste des émeutes de cet été. Quels sont les effets de ces annuités budgétaires pour le renforcement de nos capacités de maintien de l’ordre « haut du spectre » ?

Enfin, vous connaissez mon attachement aux blindés Centaure. Je suis heureux de constater que les premiers sont arrivés à Satory. Pourriez-vous nous donner le premier retour d’expérience des blindés Centaure, de manière plus précise ? Que pouvons-nous en attendre ?

M. le général d’armée Christian Rodriguez. Dans une brigade, il existe un tableau des effectifs autorisés – l’effectif théorique – et un tableau des effectifs réalisés, c’est-à-dire l’effectif réel. Il y a quelques années, afin de disposer d’une vision plus juste de la réalité dans les unités, il a été décidé d’intégrer un tableau des effectifs autorisés (TEA) dans les écoles. Le TEA des écoles s’établit à 1 400 personnes, alors que 4 000 sont présentes dans les écoles. En résumé, les recrutements sont affichés dans les unités, alors que les gendarmes ne sont pas encore en poste. Cependant, compte tenu des flux de recrutement, cette question sera régulée. Par ailleurs, il peut exister de réelles différences en fonction des départements. Les gestionnaires régionaux avaient tendance à sanctionner deux fois les départements peu attractifs et je leur ai demandé de niveler l’ensemble des départements. En outre, nous repensons la mobilité pour inciter ceux qui veulent acquérir des galons à être plus mobiles et à aller dans les endroits nous connaissons un déficit.

Vous avez également évoqué le durcissement de maintien de l’ordre, auquel les Centaure et les hélicoptères H-160 vont contribuer. Ces hélicoptères nous permettront de projeter, comme nous le faisions avant, des escadrons en hélicoptère ; afin de nous rendre plus rapidement sur un lieu d’engagement. En outre, nous renouvelons régulièrement les équipements. À l’heure actuelle, nous sommes par exemple en train de changer les grenades, afin de trouver le bon équilibre entre la mise à distance et la sécurité. Les véhicules des gendarmes mobiles feront également l’objet d’attentions. Ils ont été particulièrement sollicités depuis les manifestations des Gilets jaunes. Le renouvellement débutera dès l’année prochaine : nous aurons des véhicules plus adaptés pour le repos, pour le maintien de l’ordre et pour la vie de tous les jours.

Laissez-moi ensuite revenir sur le Centaure qui constitue un engin exceptionnel. Nous l’avons utilisé durant les émeutes urbaines des mois de juin et juillet, à la fois pour protéger les gendarmes qui se déplaçaient, mais également pour réduire quelques barricades. Cet engin est doté de capacités de diffusion de lacrymogène impressionnantes. Elles permettent ainsi d’éviter le contact et par conséquent les violences graves. Le Centaure dispose également de capteurs qui lui permettent d’orienter la tourelle en direction de l’endroit où un coup de feu a été tiré. Il peut également être doté d’une arme de guerre lorsqu’il sert dans d’autres circonstances que le maintien de l’ordre.

Il dispose également d’une très grande précision dans l’application des tirs, notamment les tirs de lacrymogènes, grâce à des mesures de distance effectuées par laser. En outre, il roule très rapidement et ne tombe pas en panne ; il est capable de percuter une barricade et de dégager un terrain très facilement, ce que le VBRG n’était pas en mesure de faire. Ses diffuseurs lacrymogènes protègent le véhicule : ceux qui voudront s’en approcher ne pourront pas y parvenir. En résumé, il sera en mesure d’effectuer un grand nombre de tâches, du bas du spectre jusqu’au très haut du spectre. Il est par exemple capable de projeter des enquêteurs dans un environnement pollué de type NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique). Si vous le souhaitez, nous pourrons vous présenter ces engins à Satory, où une trentaine d’entre eux sont déjà présents.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Au nom du groupe Démocrate, je tenais à mon tour à vous assurer notre profonde gratitude et notre plein soutien à nos gendarmes dans l’exercice de leurs fonctions. Je vous remercie également pour la précision de vos propos liminaires, clairs et pragmatiques, qui permettent de mieux connaître la feuille de route stratégique de la gendarmerie nationale.

Dans la ligne droite de la Lopmi adoptée en 2022, le Président de la République a récemment annoncé la création de 238 brigades de gendarmerie sur l’ensemble du territoire français métropolitain et d’outre-mer. Il s’agit là d’un réinvestissement historique opéré par le gouvernement, après que notre pays a perdu plus de 500 brigades entre 2007 et 2016. Dans le Puy-de-Dôme, notamment, grâce à la qualité du dossier présenté par la colonel Maddy Scheurer, de nouvelles brigades mobiles se déploieront : une brigade verte ou environnementale, et une brigade jeune. La brigade environnementale sera installée dans la Maison des volcans d’Auvergne, l’autre brigade sera implantée à Thiers.

Au nom du groupe Démocrate, je salue cet effort qui profitera notamment aux territoires ruraux, qui se sentent souvent oubliés par les pouvoirs publics, alors même que des problèmes de sécurité y sont également bien présents, à l’image de la tragédie de Saint-Just intervenue dans le Puy-de-Dôme en décembre 2020.

Ma question porte sur les modalités de déploiement. Vous avez déjà apporté quelques réponses, mais j’aimerais toutefois savoir comment vous allez accompagner la montée en charge effective en termes de recrutement, non seulement des militaires, mais également de la réserve opérationnelle, dont l’effectif passera de 30 000 à 50 000 personnes à l’horizon 2027. En outre, je souligne la nécessité d’accompagner la montée en compétences et de mise en œuvre d’une stratégie de formation initiale et continue sur les enjeux de demain (cyber) ou sur les spécificités propres aux brigades, à l’image de cette brigade verte notamment. Vous avez parlé de mise en place de centres de formation régionaux. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions ?

Enfin, j’aimerais également vous interroger sur des opérations « Tempête » menées récemment, à l’image de « Tempête 38 », qui a allié forces de l’ordre public et capacités judiciaires et qui a mobilisé 900 militaires sur cinq jours. Quels seraient selon vous les moyens financiers nécessaires pour déployer efficacement ce type d’opérations sur le plan national ?

M. le général d’armée Christian Rodriguez. Je vous remercie pour vos aimables propos. Bénéficiant plutôt d’une bonne image, nous ne sommes pas confrontés à de véritables problèmes de recrutement : les jeunes viennent à nous, avec les singularités de leur génération. Il y a une dizaine d’années, ces jeunes passaient de nombreux concours et choisissaient le premier qu’ils réussissaient. Aujourd’hui, ceux qui viennent chez nous le font en pleine conscience et avec une grande envie. Le véritable enjeu a consisté à recréer des compagnies pour les accueillir. Il y a quelques années nous avons acheté une base aérienne à Dijon, sur laquelle nous avons reconstruit six compagnies, pour être capables d’honorer les flux de recrutement. Ces derniers viennent aussi compenser les flux de départ à la retraite des générations du baby-boom.

De manière concomitante, l’un de nos enjeux consiste à être en mesure de bien former les personnels, compte tenu notamment de la multiplication des enjeux. La formation initiale repose sur l’adaptation permanente aux nouvelles thématiques, comme le cyber ou les atteintes à l’environnement. L’allongement de la formation de neuf à douze mois nous permet également d’avoir plus de temps pour traiter les programmes.

La formation continue sera facilitée par la création des centres de formation régionaux. Nous en créons treize en métropole et sept autres dans les outre-mer. Au-delà, j’aimerais que ne soyons capables de proposer des formations à la carte, ce qui nécessite une certaine ingénierie. Ces formations s’effectueraient à partir des demandes des personnels ou de leurs chefs, qui seraient ensuite regroupées pour former des classes. En opérant de cette manière, les dispositifs seraient moins coûteux que les formations de masse, tout le monde n’ayant pas les mêmes besoins.

Nous avons également fourni un grand effort sur l’enseignement à distance. Je souhaite d’ailleurs vous livrer une anecdote à ce sujet. OpenClassrooms et l’Institut Montaigne nous ont proposé un « Mooc » sur l’intelligence artificielle pour tester leurs serveurs. Parmi nos 100000 gendarmes, 93 000 l’ont suivi, alors qu’ils n’y « gagnaient » rien. Le rajeunissement de nos effectifs nous permet d’introduire des référentiels mieux connus des jeunes générations.

S’agissant des opérations Tempête, le ministre nous a demandé de réfléchir à un dispositif qui ressemblerait à la CRS 8 ou l’escadron Guépard. Concrètement une opération Tempête est constituée par la conjugaison d’un dispositif de rétablissement de l’ordre – les escadrons Guépard – et d’enquêteurs qui viennent en renfort depuis Paris, notamment dans les compétences un peu rares qui peuvent manquer aux enquêteurs locaux. Nous avons ainsi envoyé des spécialistes judiciaires en renfort des sections de recherche ou des groupements en charge d’un dossier particulier, tout en sécurisant simultanément la zone pendant les opérations de perquisition et d’interpellation. Les magistrats traitent le dossier judiciaire et les préfets agissent de manière transversale, afin de gérer les familles qui créent des difficultés. En résumé, pendant une semaine, nous concentrons nos efforts, qui nous permettent de neutraliser des équipes. Par la suite, il est également nécessaire de garantir une surveillance.

Désormais, nous souhaitons reproduire ce schéma d’action sur les villes moyennes, qui voient s’implanter une forme d’économie souterraine, avec l’installation de commerces qui servent en réalité à blanchir les fonds des équipes criminelles. L’objectif consiste donc bien à travailler en amont, notamment à l’aide d’enquêteurs spécialisés dans le blanchiment, notamment cyber. Ces démarches sont efficaces. Elles ont été expérimentées en Haute-Savoie, dans le Val-d’Oise et l’Isère et actuellement en Loire-Atlantique. L’ensemble des acteurs impliqués, préfets, magistrats et gendarmes tiennent leur rôle dans le cadre de cette action transversale.

Mme Mélanie Thomin (SOC). La gendarmerie représente pour nos concitoyens des territoires ruraux et périphériques la garantie de la tranquillité publique et de la sécurité de proximité, et singulièrement dans ma circonscription du Finistère, composée de soixante-dix communes rurales situées exclusivement en zone gendarmerie. Nous sommes fiers de nos gendarmes.

Les annonces concernant la mise en œuvre de 238 nouvelles brigades de gendarmerie nationale constituent une avancée pour le droit à une sécurité de proximité et nous ressentons évidemment très fortement cette attente des citoyens à l’égard du service public de la sécurité. Je souhaite, à travers mes questions, évoquer avec vous l’enjeu du logement. Premièrement, concernant le PLF 2024, quels moyens financiers sont-ils prévus pour assurer la construction, l’entretien et le bon état des casernes de nos gendarmes, lesquels ont des attentes fortes en matière d’habitat digne ? Ensuite, nous observons que les gendarmes ont tendance à quitter les casernes pour s’installer avec leur famille dans des logements plus conventionnels. Quel est votre sentiment face à cette tendance au décasernement ? De quelle manière la gendarmerie nationale travaille-t-elle avec les collectivités locales, en particulier pour coordonner les politiques de logement aux besoins de nos gendarmes sur le terrain ?

Enfin, je souhaite revenir sur les atteintes à l’environnement, qui sont évoquées de manière très régulière, au même titre que la gestion d’autres biens communs, comme la ressource en eau, par exemple, dans nos territoires. C’est notamment le cas de mon territoire, qui a été victime des incendies des monts d’Arrée l’année dernière. Ma question est la suivante : les moyens humains dont dispose la gendarmerie sont-ils suffisants ? La formation des gendarmes est-elle suffisante sur ces questions de gestion environnementale, en complémentarité avec les services de l’Office français de la biodiversité (OFB) ?

M. le général d’armée Christian Rodriguez. Je vous remercie pour vos mots aimables à l’endroit des gendarmes.

Le commandement pour l’environnement et la santé regroupe des gendarmes, des policiers, des agents de l’OFB et une magistrate dirige la division des enquêteurs. L’objectif consiste ici à disposer d’une structure rassemblant les agents de l’ensemble des administrations qui concourent à la gestion de l’environnement. Ce domaine est extrêmement compliqué, comme en témoignent les seize ou dix-sept codes différents qui traitent de ce sujet. Si la gouvernance doit être affinée, le dispositif du Cesan semble bien fonctionner, grâce à la coopération entre les différents agents. Les relations avec l’OFB sont bonnes, nous formons par exemple leurs OPJ. Le Cesan confie en outre des postes de responsabilité aux agents des autres administrations.

Vous m’avez également demandé si les moyens humains étaient suffisants. Nous avons formé au moins un enquêteur par brigade sur des compétences spécifiques et avons créé des antennes de ce commandement prenant à leur compte, par subsidiarité, des dossiers plus compliqués et plus techniques. Nous allons poursuivre nos efforts, d’autant plus que nos personnels témoignent d’un très grand intérêt pour ce sujet. Les brigades mobiles seront d’ailleurs également concernées. Par ailleurs, il convient d’aller au-delà des a priori : les atteintes à l’environnement n’ont pas uniquement lieu à la campagne, mais également en ville. Il importe donc de modifier le paradigme dans notre manière d’appréhender ces sujets. Mais une fois encore, tout le monde est demandeur, qu’il s’agisse de la population ou des gendarmes.

Ensuite, nos logements sont également répartis dans le parc domanial et dans le parc locatif. Les unités territoriales relèvent dans l’immense majorité des cas du parc locatif. Le ministère de l’économie et des finances nous a récemment aidés pour améliorer le dispositif et pour ne pas perdre d’argent lorsque nous construisons. Les préfets y contribuent également à travers le mécanisme de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Le dispositif est plutôt bien organisé, même si nous rencontrons parfois quelques difficultés avec les bailleurs, ce qui est le cas par exemple dans votre département du Finistère. Aujourd’hui, nous sommes bons payeurs, ce qui n’a pas toujours été le cas.

La situation est plus compliquée en ce qui concerne le parc domanial. Le ministre a ouvert la possibilité de procéder à des partenariats public-privé (PPP), notamment pour les plus grosses casernes comme à Melun ou à Satory. L’idée consiste à conserver le patrimoine et à louer, comme nous l’avons fait pour la direction générale à Issy-les-Moulineaux. Certaines de nos brigades relèvent du domanial et nous les traitons au cas par cas. En outre, il serait utile que nous puissions être concernés par les dispositifs de transition énergétique sur ce type de bâtiments.

Vous avez également souligné qu’un certain nombre de gendarmes décident de loger en dehors des casernes. Je précise que, locataires ou propriétaires, ils résident malgré tout à proximité des brigades. Ce phénomène s’observe notamment en Bretagne, région de forte attractivité où certains de nos gendarmes restent pendant l’intégralité de leur carrière. Il va tendre à se réduire néanmoins, compte tenu des incitations à la mobilité en échange de montée en grade, que j’évoquais précédemment. À la faveur des évolutions catégorielles intervenues ces dernières années, les grilles indiciaires incitent les gens à prendre du galon, ce qui implique une plus grande mobilité. Par ailleurs, lorsque de rares abus sont constatés, nous procédons à des mutations.

M. Loïc Kervran (HOR). Au nom du groupe Horizon, je souhaite rappeler notre attachement aux femmes et aux hommes de la gendarmerie qui, partout sur le territoire, servent notre pays et protègent nos concitoyens ; mais également à la militarité de la gendarmerie. Cette militarité se traduit naturellement par la disponibilité, mais elle est aussi nécessaire en raison du durcissement des menaces auxquelles font face nos gendarmes et enfin, de la qualité du commandement, de l’encadrement et de l’usage de la force. Je sillonne fréquemment le territoire rural de ma circonscription et j’y croise à chaque fois un véhicule de gendarmerie. Je me félicite par ailleurs de la création des nouvelles brigades, dont deux seront situées dans ma circonscription.

Ma question porte sur le renouvellement des brigades existantes. Vous avez abordé la question du parc locatif. Dans mon département, les bailleurs sociaux m’indiquent que plusieurs projets de construction sont interrompus en raison de difficultés de financement, puisque les coûts de construction ont très fortement augmenté. Je sais que des discussions sont menées en ce moment avec le ministère de l’économie et des finances sur les plafonds, mais également concernant la diminution d’un certain nombre de contraintes techniques demandées par la gendarmerie sur ces locaux. Pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur ces éléments ? En effet, la perspective de cette construction de nouvelles brigades joue un rôle important pour l’ensemble du parc locatif.

M. le général d’armée Christian Rodriguez. Je vous remercie pour vos mots bienveillants à l’intention des gendarmes. Je partage entièrement vos remarques sur la militarité, qui ne fait d’ailleurs pas débat en interne. Nos gendarmes ont envie de servir et sont pleinement engagés.

Ensuite, vous m’avez interrogé sur les constructions. À cet égard, je tiens à remercier le directeur des soutiens et des finances de la gendarmerie nationale, François Desmadryl, qui connaît bien Bercy pour avoir travaillé plusieurs années à la direction du Budget. Grâce à son action, combinée à celle du ministre, qui connaît parfaitement les leviers à actionner, nous parvenons à faire bouger les lignes. Nous attendons la parution d’un décret, qui devrait intervenir en fin d’année, mais nous avons pu d’ores et déjà faire augmenter de 15 % le niveau des plafonds, ce qui permettra d’améliorer l’intérêt d’une opération immobilière.

Nous avons également assoupli les normes. Par exemple, nous ne disposerons pas nécessairement de cellules de garde à vue dans nos 200 brigades, notamment dans les brigades mobiles. De fait, un trop grand nombre de cellules ne sont pas utilisées à l’heure actuelle et sont plutôt transformées en salles de stockage des archives. Nous préférons privilégier le principe de « juste suffisance ». Nous continuons donc de nous améliorer, même si j’ai toujours conscience des progrès qu’il nous reste à accomplir.

M. Jean-Pierre Cubertafon (Dem). Les attentes de la population sont de plus en plus élevées en matière de proximité et de protection, et vous l’avez rappelé dans vos propos préliminaires.

Je souhaite vous parler du cadencement de ces 238 nouvelles brigades de gendarmerie. Pourriez-vous nous fournir quelques informations complémentaires sur la façon dont vous envisagez leur implantation en 2024 ? En outre, je constate avec satisfaction que non seulement vous interrompez la suppression de gendarmeries, mais que vous en créez également de nouvelles. Élu en 2017 j’ai assisté à la suppression de cinq gendarmeries dans mon département. Soyez donc convaincu que l’annonce de la création de nouvelles brigades a été accueillie avec une grande satisfaction par les élus et les habitants.

Je souhaite enfin évoquer les sept nouveaux escadrons de gendarmerie mobile, dont je pense qu’ils seront opérationnels pour les Jeux olympiques. Au-delà de cet événement, cette ressource complémentaire est-elle déjà fléchée et répond-elle à des besoins particuliers ? Par ailleurs, rentrant de Guyane, je peux indiquer que vous feriez extrêmement plaisir au général Sintive si vous lui adressiez un escadron supplémentaire.

Mme Gisèle Lelouis (RN). Peu d’officiers de gendarmerie sont affectés en ambassade ou en opérations extérieures (Opex), notamment pour des missions de renseignement, en lien avec la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Voyez-vous un intérêt à plus les mobiliser sur ces missions ? Cela leur permettrait de mieux se familiariser avec des menaces auxquelles ils seront confrontés à leur retour sur le territoire national.

M. Yannick Favennec-Bécot (HOR). J’ai maintenant quelques années d’expérience en tant qu’élu de la nation et j’ai toujours voulu croire, sans naïveté aucune pour autant, en la parole de l’État et à plus forte raison lorsqu’elle émane du Président de la République. Lorsque le Président Macron est venu en octobre 2022 en Mayenne pour y annoncer la création de deux cents nouvelles brigades de gendarmerie dans tout le pays, dont deux dans le département, je l’ai cru, au même titre que l’ensemble des acteurs mayennais, dont les élus locaux. Malheureusement, lorsque le Président a dévoilé sa carte de 239 brigades, dont une seule en Mayenne, à Château-Gontier-sur-Mayenne, la déception a succédé à l’enthousiasme, en particulier chez les habitants du nord du département, qui se voient privés de cette seconde brigade, qui avait pourtant été annoncée un an auparavant

« Nous avons un problème de sécurité partout », déclarait récemment le Président de la République. Cette affirmation est exacte, notamment dans le nord Mayenne. Mon général, par le passé, vous m’aviez contenté en équipant les brigades rapides d’intervention d’Alpine A110. Allez-vous à nouveau me donner satisfaction en faisant en sorte que la promesse du Président de la République soit respectée, en créant une seconde brigade de gendarmerie dans notre département ?

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je confirme l’attachement de tous aux gendarmes, dont nous avons bien besoin dans nos campagnes et dans nos petites villes rurales. Je souhaite à mon tour parler du logement., notamment pour les brigades départementales et les brigades de gendarmerie mobile. Certains casernements sont malheureusement aujourd’hui dans un état lamentable. Cette situation a nécessairement un impact sur le moral des familles et, probablement, sur celui des gendarmes.

Vous avez indiqué que vous n’éprouviez pas de problèmes de recrutement ni de fidélisation. Cependant, j’estime que vos gendarmes peuvent d’autant mieux s’impliquer dans leur travail qu’ils bénéficient de bonnes conditions de vie. Quel est le montant du budget consacré aux infrastructures ? Augmente-t-il régulièrement ? Vous avez évoqué la possibilité de construire des bâtiments neufs, mais de nombreuses rénovations doivent être urgemment réalisées.

Mme Patricia Lemoine (RE). Après les graves incidents du printemps dernier à Sainte-Soline, une vague d’émeutes d’une ampleur considérable a frappé notre pays entre le 27 juin et le 4 juillet 2023 et s’est accompagnée d’actes de violence et de pillage intenses, y compris dans les territoires ruraux qui avaient jusqu’à présent été plutôt épargnés.

Durant cette crise, les agents de la gendarmerie ont été pleinement mobilisés pour faire face aux troubles à l’ordre public et je veux ici leur témoigner, comme l’a fait l’ensemble de mes collègues, toute notre reconnaissance face à l’exemplarité de leur engagement. Ils ont été directement pris pour cible par des émeutiers. Des embuscades leur ont été tendues, leurs casernes ont été attaquées, y compris leur logement, comme ce fut le cas à la Ferté-sous-Jouarre, dans une commune de ma circonscription.

Or, il s’avère que nos gendarmes ont été confrontés à un manque cruel de munitions, voire de matériels destinés à assurer leur protection, les mettant parfois dans une situation périlleuse. Ma question est donc simple, Général : au-delà des nouvelles brigades annoncées dans le cadre de la Lopmi, dont nous nous félicitons tous, pouvez-vous rassurer la représentation nationale en nous confirmant que le PLF 2024 permettra bien à nos gendarmes de disposer des munitions et des équipements de protection nécessaires pour faire face à ce type de menace, à l’heure où les actes de violence s’intensifient ?

M. José Gonzales (RN). Nous observons une croissance de la délinquance qui cible les outils numériques, en particulier les solutions d’entreprise ou les systèmes d’information permettant à nos citoyens de réaliser leurs démarches administratives ou financières. Le risque d’exposition des données personnelles et confidentielles d’une grande valeur marchande est particulièrement élevé.

Les cyberattaques ont augmenté de 400 % en France depuis 2020, soit une attaque toutes les trente-neuf secondes, avec un coût pour nos PME estimé entre 300 000 et 500 000 euros par attaque. Pendant l’étude de la LPM, vous avez souhaité qu’un plan d’action volontariste soit mis en œuvre afin de renforcer la posture de la gendarmerie sur les territoires numériques. Il comprend différents grands axes : la proximité, le développement des technologies, les compétences et la maîtrise de l’information sur les menaces et les résultats opérationnels en fonction des priorités.

Le PLF 2024 n’évoque pas concrètement quelles seront les sommes allouées au numérique au sein de la gendarmerie. Pouvez-vous me communiquer des informations complémentaires sur le développement des brigades de cyber gendarmerie, sur la formation de nouveaux cyber agents et sur les crédits qui seront alloués à l’innovation et à la recherche dans le domaine de la cybersécurité pour la gendarmerie nationale ?

Mme Valérie Bazin-Malgras (LR). J’aimerais également, moi aussi, rendre hommage aux gendarmes de l’Aube, notamment le colonel François Goetz, ainsi que tous les hommes et les femmes qui composent la gendarmerie du département, pour leur engagement, et notamment pour l’aide qu’ils ont apportée à la police nationale lors des émeutes de cet été.

Je souhaite revenir également sur les brigades, qui sont au nombre de trois dans mon département, dont une dans ma circonscription. Vous avez évoqué précédemment la montée en puissance de ces brigades jusqu’en 2026, de quarante à soixante par an. Quand serons-nous informés de leur arrivée dans nos départements ? Enfin, de combien de militaires une brigade est-elle composée ?

M. Julien Rancoule (RN). Je souhaite vous interroger tout particulièrement sur la réserve opérationnelle de gendarmerie. J’ai la chance d’être le député d’une circonscription très rurale dans l’Aude, qui s’étend sur 293 communes. J’y rencontre très régulièrement les gendarmes, qui effectuent un travail exemplaire, que je tiens à saluer.

J’ai pu constater, dans le cadre de mes déplacements, la place prépondérante occupée par les réservistes de gendarmerie, aussi bien le week-end qu’en semaine, y compris en saison estivale. J’en suis venu à me dire que sans les réservistes, la gendarmerie serait en difficulté pour remplir ses missions. Ainsi, j’aimerais savoir si la place majeure de la réserve ne cache pas de réelles difficultés de recrutement au niveau des gendarmes d’active. S’agit-il d’un choix budgétaire, puisque les coûts associés à un réserviste sont moins élevés que ceux d’un gendarme de carrière ? A contrario, cette mobilisation soutenue de la réserve constitue-t-elle un choix délibéré répondant à une logique opérationnelle ?

Mme Mélanie Thomin (SOC). Général, je me permets de vous poser une deuxième question au nom de ma collègue Mme Isabelle Santiago, députée du Val-de-Marne, qui est retenue pour une mission flash sur les crèches. Je me permets tout particulièrement de vous interpeller sur un sujet qu’elle aurait souhaité porter lors de votre audition. Celui-ci concerne les salles dédiées à l’écoute des enfants témoins ou victimes de violences. Quels moyens sont-ils alloués pour ces salles d’écoute ? Leur extension à l’ensemble du territoire national est-elle prévue ?

M. Xavier Batut (HOR). Je souhaite à mon tour remercier l’engagement des gendarmes sur l’ensemble du territoire, puisque 95 % du territoire français et 52 % de la population française sont situés dans des zones gendarmerie.

Ensuite, je voudrais revenir sur les moyens budgétaires et les engagements pris, en particulier dans le cadre de la Lopmi. Dans la continuité de ses engagements, les moyens qui vous sont alloués au titre de l’année 2024 vous permettent-ils de poursuivre le renouvellement du parc de véhicules automobiles engagé en 2018, qu’il s’agisse des véhicules des brigades départementales ou de ceux dévolus au maintien de l’ordre ? La livraison de deux hélicoptères H160 était en outre prévue pour les Jeux olympiques. Sera-t-elle effective ? Airbus Helicopters tiendra-t-il les délais ?

Ensuite, vous connaissez mon attachement particulier aux conditions de logement, pour nos gendarmes, mais surtout pour leurs familles. Les engagements pris en faveur de l’amélioration des logements sur le parc domanial ou sur le parc des différents bailleurs se poursuivent-ils ? Les moyens alloués sont-ils suffisants ?

M. Pierre Morel-À-L'Huissier (LIOT). Général, je salue la création d’une brigade mobile à Mende, dans mon département de la Lozère. Pouvez-vous nous fournir plus de détails concernant Florac, Chanac et Montrodat ? Je vous confirme par ailleurs que vous serez intégré dans la mission relative à la sécurité civile.

M. Michaël Taverne (RN). Général, je voudrais encore une nouvelle fois vous remercier pour l’engagement des militaires. J’ai en outre longuement discuté avec le général Rollin pour lui témoigner de toute mon affection pour ceux qui assurent la sécurité dans notre pays.

L’Avesnois et le Cambrésis sont fortement impactés par les violences intrafamiliales et le trafic de stupéfiants. À Carnières, une brigade est très fortement menacée de fermeture pour regrouper ses forces avec celle d’Avesnes-les-Aubert. Pourtant, le ministre de l’intérieur avait promis à la maire de Carnières de maintenir la brigade sur son territoire. Serait-il possible selon vous de le faire changer d’avis ? Je pense que d’un point de vue opérationnel, il serait pertinent de conserver cette brigade, en la spécialisant sur les violences intrafamiliales.

M. Christian Girard (RN). Je suis très satisfait de la future installation dans mon département de deux brigades. Depuis une trentaine d’années, les relations sont très chaleureuses avec la gendarmerie et les colonels qui se succèdent.

Mon général, je vous remercie encore pour votre intervention enrichissante. À l’aune du PLF que nous allons bientôt examiner, j’aimerais vous interroger sur l’engagement de la gendarmerie nationale dans l’exercice Orion. Nous savons en effet que la gendarmerie a été impliquée à différents niveaux sur le champ opérationnel de l’exercice à travers la gendarmerie de l’air et maritime, la mission originelle de prévôté, le cyber, l’appui à la force, le renseignement, la gendarmerie scientifique, l’enquête sur les crimes de guerre, la police judiciaire et le renseignement dédié au maintien de l’ordre.

Toutefois, nous n’avons pas encore eu de retour d’expérience (Retex) sur les forces et les éventuelles carences de l’institution dans le cadre de cet exercice. Aussi, pourriez-vous nous en dresser les grandes lignes en précisant les manques budgétaires à combler pour que la gendarmerie soit efficacement dimensionnée dans le cas de son éventuelle implication lors d’un conflit de haute intensité ?

M. le général d’armée Christian Rodriguez. Le calendrier relatif aux ouvertures de brigades n’est pas entièrement établi. Pour des raisons d’opportunité en termes d’infrastructures, il serait pertinent d’en construire huit ou neuf rapidement, pour nous permettre de nous installer à moindres frais. S’agissant de l’année 2024, j’aimerais pouvoir disposer des lieux d’implantation assez rapidement, afin de pouvoir traduire les mouvements dans les tableaux d’avancement et installer des gradés le plus rapidement possible.

Ensuite, nous disposons de six escadrons actuellement en Guyane, le septième est aujourd’hui à Mayotte mais il a vocation à y retourner. Je sais qu’un travail admirable est réalisé en Guyane, département où l’activité est chargée ; je m’y suis d’ailleurs rendu quatre fois lors des six derniers mois.

S’agissant des sept escadrons de gendarmerie mobile, nous avons recherché des implantations assez proches des lieux d’action des escadrons en temps normal, mais également dans des endroits où nous étions capables de disposer de l’infrastructure suffisante. J’ajoute que quatre escadrons de forces mobiles seront dégagés par l’attribution des missions parisiennes à la préfecture de police et à la garde républicaine. En outre, quatre compagnies républicaines de sécurité (CRS) seront par ailleurs créées.

S’agissant des affectations en Opex dans le domaine du renseignement, la DGSE compte déjà dans ses rangs plusieurs dizaines de gendarmes, dont des officiers. D’une manière générale, nous coopérons fréquemment avec la DGSE, mais intervenons également souvent en Opex. Ces actions permettent notamment de renforcer les parcours de carrière dans différents domaines dont le renseignement, mais aussi de conforter notre présence aux côtés des armées dans des situations compliquées. Ainsi, le durcissement de la formation de nos cadres, s’en trouve améliorée. De mon côté, je dispose également de personnels de DGSE à mes côtés.

Monsieur Favennec-Bécot, il m’est difficile de me substituer au Président de la République, que vous avez interpellé lors de votre intervention. Les choix ont été compliqués à effectuer et il s’avère impossible de réimplanter des brigades partout où elles avaient été supprimées. Malgré tout, la décision de création de nouvelles brigades constitue un signal clair de la reconstruction d’un maillage territorial des services publics, au même titre que les agences France Services. Je me pencherai concrètement sur le cas de la Mayenne, de la même manière que nous travaillons sur la situation de chaque département, afin d’améliorer nos performances et offrir la sécurité à laquelle tous nos concitoyens ont droit. J’aurai l’occasion de vous en reparler.

Madame Darrieussecq, je pense que vous avez fait allusion à la caserne vieillissante de Mont-de-Marsan. Les contrats de partenariat ont pour objectif de produire des logements neufs, mais également de rénover des casernes d’un certain âge, qui sont assez nombreuses. Je me suis d’ailleurs rendu récemment à Strasbourg à ce titre. Je vous remercie tous de vous préoccuper des conditions de vie des gendarmes. Je tiens d’ailleurs à rappeler mon admiration quant à la façon dont les gendarmes effectuent leur travail et l’engagement dont ils font preuve.

L’immobilier constitue effectivement notre principale vulnérabilité, notamment dans le parc domanial. Mais nous commençons à percevoir de réelles améliorations grâce aux contrats de partenariat, après des dizaines d’années de dégradation. Il faut néanmoins être conscients que le travail de reconstruction durera de longues années. Nous devons d’ailleurs chercher des compétences techniques dans le domaine immobilier, tant elles sont à la fois nécessaires et fortement demandées. Des recrutements sont en cours dans ce domaine.

Ensuite, je suis surpris de la question relative à un éventuel manque de munitions durant les émeutes urbaines. En effet, nous en avons plutôt fourni aux autres forces, dont les polices municipales. Par ailleurs, nous avons amélioré le dispositif relatif aux moyens de protection, pour redistribuer une partie de nos stocks.

À l’heure actuelle, 9 000 gendarmes sont spécialisés sur les cyberattaques, dans nos territoires et nous avons créé des antennes dédiées aux enquêtes dans notre centre cyber. Nous mettons l’accent sur la prévention et la formation aux autodiagnostics, notamment auprès TPE, des PME et des collectivités. Les élus locaux doivent en effet s’interroger sur la vulnérabilité de leurs systèmes et nous pouvons ensuite les aider à y remédier, soit directement, soit en les mettant en relation avec des spécialistes.

La jauge des effectifs est fixée à dix personnes pour une brigade fixe et à six pour une brigade mobile. Naturellement, rien n’empêche d’opérer des bascules pour compléter des effectifs localement. Ces questions relèvent essentiellement des relations entre les préfets et les élus.

La réserve opérationnelle nous est utile de manière ponctuelle, lorsque la nécessité se fait sentir. Ici aussi, nous n’observons pas de difficultés de recrutement particulières, même si nous conservons une forte vigilance. En outre, elle est importante pour la relation entre la gendarmerie et les populations. Au-delà, je ne peux que me féliciter du nombre de postes de gendarmes crées : au préalable un poste de gendarme était établi quand trois postes de policiers voyaient le jour. Désormais, le ratio est d’un pour un. La donne a changé au profit de la zone gendarmerie, et je ne peux que m’en féliciter.

Les salles d’écoute destinées à recueillir la parole des enfants victimes sont appelées les salles Mélanie. Aujourd’hui, nous traitons à peu près 60 000 auditions de mineurs, qui ont besoin d’être entendus d’une manière spécifique par nos services enquêteurs. Nous augmentons donc le nombre de salles Mélanie, à la faveur de la hausse de nos moyens de lutte contre les violences intrafamiliales.

Le nombre de véhicules sera légèrement en baisse en 2024 par rapport à 2023, mais nous allons augmenter le nombre de véhicules dédiés au maintien de l’ordre avec les cinquante-huit derniers Centaure et quatre-vingt-dix-neuf VMO, auxquels il faut rajouter 500 véhicules légers. Je ne suis pas inquiet dans ce domaine, dans la mesure où la flotte a été renouvelée récemment.

Je me permets de revenir à nouveau sur l’immobilier pour vous indiquer que nous ne sommes pas réellement confrontés à des problèmes budgétaires dans le domaine locatif grâce aux PPP. Dans le domaine domanial, la situation s’améliore après s’être fortement dégradée pendant de longues années. Je pense à ce titre que vous pourrez nous aider dans nos projets de rénovation et de construction.

Je vous remercie de nous convier à la mission sécurité civile, dont nous nous sommes parlé il y a peu de temps. Cette mission présente de nombreux enjeux, auxquels nous nous adapterons ; comme je l’ai indiqué plus tôt, le terrain commande et les règles ne peuvent être fixées de manière rigide depuis Paris.

Je ne peux malheureusement développer un compte-rendu précis sur les enseignements de l’exercice Orion. Cependant, nous avons joué notre rôle et plus globalement, nous échangeons beaucoup avec l’armée de terre. L’armée de terre nous aide pour l’aguerrissement de nos unités, pour améliorer les escadrons et les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie. Nous réfléchissons également à la résilience du territoire au côté des armées. Sur le territoire national, il faut repenser et moderniser la défense opérationnelle du territoire (DOT).

M. le président Thomas Gassilloud. Je rappelle à ce propos que notre commission consacrera un cycle à la défense globale au début de l’année 2024. Naturellement, nous vous inviterons à cette occasion, afin d’étudier les pistes de contribution de la gendarmerie à cette défense globale.

Je vous remercie pour cette audition très complète, qui a satisfait l’ensemble de mes collègues.


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II.   Examen des crédits

La commission a examiné, pour avis, sur le rapport de M. Jean-Pierre Cubertafon, les crédits relatifs à la « Sécurités - Gendarmerie nationale » de la mission « Défense », pour 2024, au cours de sa réunion du 25 octobre 2023.

M. Jean-Pierre Cubertafon, rapporteur pour avis. À compter de la fin de cette année, les premières des 238 nouvelles brigades de gendarmerie annoncées par le Président de la République seront installées. Parmi ces brigades, quatre-vingt-quinze sont des brigades fixes et 144 sont des brigades mobiles. Elles représentent un effectif de 2 144 gendarmes supplémentaires en France d’ici 2027. En outre, sept nouveaux escadrons de gendarmerie mobile seront déployés sur la même période. Ces créations comptent parmi les principales mesures de la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), qui consacre à la mission Sécurités un effort budgétaire sans précédent de 15 milliards d’euros sur cinq ans.

Il fut un temps où, en France, on fermait des brigades. De 2007 à 2016, près de 500 brigades ont été fermées. Ce temps n’est plus. La population vivant dans les zones de compétence de la gendarmerie nationale n’ayant cessé de croître depuis 2015, votre rapporteur salue ce mouvement de fond, qui concrétise les promesses de la Lopmi.

Globalement, le rapporteur des crédits du programme 152 Gendarmerie nationale de la mission Sécurités que je suis est un rapporteur plutôt heureux, compte tenu de leur montant. Je ne suis pas, toutefois, un rapporteur béat, et j’ai sur ce budget plusieurs points de vigilance.

La mission Sécurités, qui relève du ministère de l’intérieur, comporte quatre programmes. Dans le budget 2024, les crédits de la gendarmerie nationale représentent 39 % des moyens de la mission. Ils s’élèvent à 10,87 milliards en autorisations d’engagement et à 10,39 milliards en crédits de paiement. Ils sont en hausse de 500 millions en autorisations d’engagement par rapport à la loi de finances pour 2023.

Le programme 152 prévoit 4,92 milliards de crédits de titre II (T2) hors compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, soit 292,4 millions de plus que la loi de finances pour 2023. Ces crédits permettront notamment de financer le schéma d’emploi de 1 045 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, la montée en puissance de la réserve opérationnelle et citoyenne de la gendarmerie nationale (ROGN), la revalorisation du point d’indice de la fonction publique, le protocole social adossé à la Lopmi et diverses mesures interministérielles, dont la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM).

La modernisation et le renouvellement des moyens mobiles de la gendarmerie nationale se poursuivront. En 2024, elle accueillera les dernières livraisons de véhicules d’intervention polyvalents de la gendarmerie (VIPG) Centaure, ce colosse de quatorze tonnes et 300 chevaux. Cinquante-huit des quatre-vingt-dix véhicules prévus par la loi de finances pour 2022 seront livrés, ce qui augmentera de trente unités le parc de véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG). Par ailleurs, dans le cadre d’un marché conclu avec Airbus, la gendarmerie procédera, d’ici la fin de l’année, au renouvellement de ses flottes d’hélicoptères.

En 2024, la gendarmerie densifiera encore davantage son maillage territorial, dans le cadre du passage d’une logique de guichet à une logique de pas-de-porte, afin d’aller vers la population. À cet effet, l’Agence du numérique des forces de sécurité intérieure (ANFSI), qui a vu le jour en septembre 2023, bénéficiera en 2024 d’un abondement d’effectifs significatif pour atteindre, à terme, 528 ETP.

Le Parcours Victimes sera rénové afin de proposer un accueil adapté aux besoins de la victime et un suivi dans la durée. L’application grand public Ma Sécurité et la Plateforme numérique et d’accompagnement des victimes (PNAV) s’intégreront pleinement à ce dispositif. Par ailleurs, la procédure pénale numérique (PPN) permettra, à terme, la prise en charge de tout usager par le biais d’une procédure dématérialisée. La plainte en ligne et la visio-plainte, en cours d’expérimentation, devraient être intégrées à cette démarche.

La gendarmerie nationale poursuit l’effort de transformation et de modernisation des outils de travail du quotidien des gendarmes, en continuant à déployer des ordinateurs portables Ubiquity et des téléphones NEO 2, ainsi que des appareils NEO de prise instantanée d’empreintes digitales. Le déploiement de solutions d’accueil en mobilité sur les points de concentration des populations, tels que les « Gend Drive » et les points d’accueil dans les centres commerciaux et en mairie, ainsi que dans les territoires les plus reculés, tels que les « Gend Truck » des brigades mobiles, permettra à la gendarmerie de renforcer significativement sa présence dans les territoires, dans une logique de proximité.

En 2024, la gendarmerie nationale consolidera sa présence dans les nouveaux champs de la délinquance, notamment celui de la violence contre les élus. Elle assure la mise en œuvre du plan « Présent pour les élus » (PPE) et poursuit son action par le biais de dispositifs innovants, tels que l’application mobile « GEND’ÉLUS » et le dispositif « MAIRES » visant à guider l’analyse des situations et à développer les bons réflexes pour éviter les agressions.

Concernant la lutte contre les violences intrafamiliales et contre les violences à caractère sexuel et sexiste, la gendarmerie poursuivra la montée en charge du dispositif de prévention, grâce aux quatre-vingt-dix-neuf Maisons de protection des familles (MPF) et à la création, dans certains groupements de gendarmerie départementale (GGD), de cellules d’enquêteurs dédiées à la prise en charge des victimes de violences.

En matière de protection de l’environnement et de la santé, l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) connaît une montée en puissance caractérisée par l’augmentation de ses effectifs et par la création de la division nationale de lutte contre la maltraitance animale (DNLMA) en 2023.

Dans ce tableau en apparence réjouissant, les indicateurs ne sont pas tous au beau fixe. Plusieurs points de vigilance subsistent.

Les mesures d’augmentation générales dites « Guérini » induiront en 2024, pour la gendarmerie, un surcoût non budgété dans la LOPMI de 120 millions d’euros en année pleine. Il s’agit notamment de la revalorisation du point d’indice de 1,5 % au 1er juillet 2023, de l’attribution de cinq points d’indice supplémentaires à tous les agents au 1er janvier 2024 et de mesures spécifiques « bas de grille » consistant à attribuer d’un à neuf points d’indice supplémentaires aux rémunérations les plus basses.

Ce surcoût s’ajoute à celui des mesures d’augmentation générale prises l’an dernier, qui s’élève à 170 millions, soit un total de 290 millions sur deux ans. Sachant que l’inflation induit un surcoût d’environ 100 millions, le budget hors T2 de la gendarmerie nationale pour 2024 présente un surcoût non budgété en LOPMI de près de 400 millions. Il est donc en baisse de 69 millions.

Sachant que les dépenses de fonctionnement de la gendarmerie sont fortement contraintes, en raison notamment du poids des loyers et de l’énergie, l’investissement subira les frais de ce trou d’air. Le budget d’équipement sera également en baisse, ce qui risque de pénaliser la fonction habillement. Les dépenses en faveur des systèmes d’information et de communication de la gendarmerie (SICG) diminueront aussi, ce qui risque de pénaliser l’innovation numérique.

Surtout, la politique immobilière de la gendarmerie sera pénalisée. Aucun projet ne sera lancé, à l’exception de quelques marchés de partenariat. Or l’entretien des casernes domaniales n’est pas à la hauteur. L’investissement nécessaire est estimé à 300 millions par an. Quant au renouvellement de la flotte de véhicules légers, il sera limité à 500 véhicules, alors qu’il est nécessaire de renouveler environ 3 700 véhicules par an pour maintenir le parc en bon état.

Compte tenu de ces points de vigilance, j’ai déposé un amendement visant à renforcer significativement le budget d’investissement de la gendarmerie nationale.

J’en viens à la partie thématique de mon rapport, consacrée à la gendarmerie en Guyane, plus précisément aux moyens matériels et humains dédiés par la gendarmerie à la lutte contre l’orpaillage illégal.

Être gendarme en Guyane, c’est exercer son métier aux confins de la France, dans un département immense, grand comme la région Nouvelle-Aquitaine, couvert à 95 % de forêt équatoriale, au cœur du continent sud-américain. Certaines brigades isolées, les unités dites du fleuve, ne comptent que deux gendarmes. Leur ravitaillement arrive par pirogue, depuis Saint-Laurent-du-Maroni, d’où la durée du trajet se compte en jours.

Être gendarme en Guyane, c’est exercer des missions intenses et éprouvantes sur le plan opérationnel. Le taux de circulation des armes à feu y est très élevé. Le taux d’homicides rapportés à la population y est vingt-et-une fois supérieur à celui observé dans l’Hexagone.

Être gendarme en Guyane, c’est participer, de près ou de loin, à l’opération Harpie de lutte contre l’orpaillage illégal, lequel est un fléau aux conséquences désastreuses pour l’environnement et la santé des habitants du Plateau des Guyanes. Dans une région aux frontières poreuses avec le Brésil et le Surinam, les orpailleurs illégaux essaiment. D’après les estimations, près de 7 000 d’entre eux sont actifs dans la forêt guyanaise.

La traque des orpailleurs, appelés garimpeiros en brésilien, ainsi que le démantèlement et la saisie des sites illégaux, repose sur une coordination exemplaire entre les Forces armées en Guyane (FAG) et la gendarmerie nationale. Chaque jour, près de 300 militaires sont déployés en forêt, parmi lesquels 240 militaires des FAG et soixante militaires de la gendarmerie nationale.

J’ai beaucoup d’admiration pour les personnels de la gendarmerie et des FAG, que j’ai eu la chance de rencontrer lors de mon déplacement en septembre. J’ai notamment rencontré le général de brigade Jean-Christophe Sintive, commandant de la gendarmerie de Guyane, et le général de brigade aérienne Marc Le Bouil, commandant supérieur des forces armées en Guyane (FAG).

Dans la forêt guyanaise, les militaires français se heurtent à une violence croissante, car les bandes armées brésiliennes prennent peu à peu le contrôle des orpailleurs illégaux. Je rends hommage au major Arnaud Blanc, militaire du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), décédé le 25 mars dernier au camp de Dorlin, dans l’exercice de ses fonctions, sous le feu d’une bande armée brésilienne. J’ai une pensée pour sa famille.

La mission Harpie produit des résultats tangibles et permet de porter un réel préjudice à l’orpaillage illégal. L’anéantir totalement est une chimère ; l’endiguer est un vœu réaliste, que concrétise la mission Harpie. Dans mon rapport, je formule plusieurs propositions visant à renforcer les moyens matériels et humains consacrés à cette mission et plus largement à la gendarmerie de Guyane. J’appelle notamment de mes vœux le retour pérenne d’un septième escadron de gendarmerie mobile en Guyane et la sanctuarisation des effectifs de la « Task force » judiciaire rattachée à la section de recherche (SR) de Guyane.

Pour terminer mon propos, je remercie les personnels de la gendarmerie que j’ai rencontrés lors de mon déplacement en Guyane et les personnels de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) que j’ai auditionnés à mon retour. Cohésion, solidarité, courage, justice, engagement : telles sont les valeurs de nos gendarmes.

M. Xavier Batut (HOR). Je salue l’engagement de nos gendarmes, qui protègent 51 % de nos concitoyens sur 95 % du territoire français, en métropole et outre-mer.

Je me félicite de l’augmentation, à hauteur de 4,8 %, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement du programme Gendarmerie nationale. Elle permettra de tenir en partie les engagements que nous avons pris en adoptant la Lopmi, ainsi que ceux du Gouvernement et de la DGGN de faire franchir aux gendarmes le dernier kilomètre, d’aller vers nos concitoyens des territoires ruraux et de sortir de leurs casernes pour aller au contact de la population. L’augmentation des effectifs, à hauteur de 2 144 ETP, permettra de doubler la présence des gendarmes sur la voie publique.

J’aimerais savoir – vos propos lèvent le doute – si nous disposerons de moyens suffisants pour tenir les engagements que nous avons pris au cours des dernières années en matière de renouvellement du parc de véhicules, qui est très ancien. Vous avez eu raison de déposer un amendement à ce sujet. Depuis plusieurs années, nous avançons bien. Il faut maintenir le rythme de renouvellement du parc à hauteur de 3 000, voire 3 500 véhicules par an, pour rattraper le retard pris il y a une dizaine d’années. Je voterai donc votre amendement.

Bercy a décidé de faire preuve d’un peu de souplesse sur les constructions de casernes. Avez-vous des informations à ce sujet ? Par ailleurs, j’aimerais savoir si les hélicoptères H160 commandés à Airbus seront livrés à temps pour les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris.

En Guyane, le bon sens exige que les services de l’État collaborent pour faciliter la vie des gendarmes et de leurs familles, compte tenu notamment des problèmes de mobilité qui s’y posent. Lorsque j’étais rapporteur pour avis du programme Gendarmerie nationale, plusieurs pistes ont été envisagées, notamment la coordination de l’armée de l’air, de l’armée de terre et de la gendarmerie. Quelles sont les avancées en la matière ?

M. Jean-Pierre Cubertafon, rapporteur pour avis. Je salue le travail que vous avez mené lors de la précédente législature en tant que rapporteur pour avis du programme Gendarmerie nationale.

Le renouvellement du parc de véhicules légers était de 3 716 unités en 2021 et de 3736 unités en 2022. Il sera d’environ 500 unités en 2024.

S’agissant des hélicoptères H160, ils ne seront sans doute pas livrés à temps pour les JOP.

M. Yannick Favennec-Bécot (HOR). À l’heure où la décision a été prise, à juste titre, de relever le niveau d’alerte du plan Vigipirate au niveau « Urgence attentat » et où la tranquillité publique demeure une préoccupation légitime de nos concitoyens, pouvez-vous nous assurer que les moyens inscrits au budget 2024 permettront d’assurer une présence équitable de nos forces de l’ordre sur tout le territoire ?

Si vous êtes un rapporteur heureux, ce dont je me réjouis pour vous, permettez-moi d’être un député un peu dubitatif. Dans le nord du département de la Mayenne, quatre brigades de gendarmerie sont dépourvues de chef depuis plusieurs mois, sans perspective de recrutement à court terme. Par ailleurs, une seule nouvelle brigade sera implantée en Mayenne, dans le sud du département, et non deux, comme l’a promis le Président de la République lorsqu’il s’y est rendu en octobre 2022.

M. Jean-Marie Fiévet (RE). L’ambition affirmée du programme Gendarmerie nationale de la mission Sécurités du projet de loi de finances pour 2024 est d’assurer la montée en puissance des forces de gendarmerie pour renforcer la sécurité dans notre pays. Le Gouvernement, soutenu par la majorité présidentielle, a entamé, depuis plusieurs mois, la transformation et la montée en puissance de nos forces de sécurité dans le cadre de la Lopmi.

Dans ce renforcement de la gendarmerie, l’augmentation des effectifs est un point clé. Pour atteindre nos objectifs, notamment la création de 238 brigades, dont deux seront implantées dans les Deux-Sèvres, l’une d’entre elles étant dans ma circonscription, il faut aussi renforcer la formation de nos gendarmes et de nos réservistes au sein des écoles de la gendarmerie nationale, ce qui induit nécessairement un coût en matière d’équipement, du matériel de base aux infrastructures en passant par les véhicules.

Sur ce point, le projet de loi de finances pour 2024 est-il à la hauteur de nos ambitions ?

M. Vincent Bru (Dem). Quel est le plan de recrutement de la gendarmerie en vue de la préparation des JOP de Paris ? Quelle mobilisation de ses réservistes envisage-t-elle ? Plus généralement, la gendarmerie est-elle prête à faire face aux enjeux opérationnels de la gestion des JOP ?

M. Jean-Pierre Cubertafon, rapporteur pour avis. Monsieur Favennec-Bécot, vous m’avez posé la question que vous avez posée au DGGN lors de son audition. Sa réponse ne vous a pas satisfait ; je crains que la mienne ne vous donne pas davantage satisfaction.

L’implantation des 238 nouvelles brigades de gendarmerie est arrêtée. Vous devez vous adresser à un échelon plus élevé que le nôtre, qui n’est pas décisionnaire, pour signaler qu’il manque une brigade à votre département, dans le nord. La moyenne est de deux brigades par département. Dans les Landes, il y en aura trois.

Les écoles de gendarmerie, dont on ne parle jamais, sont adaptées pour former les recrues et faire face à l’augmentation des effectifs de gendarmes et de réservistes. Cette année, deux concours de sous-officiers sont ouverts. À chacun d’entre eux, 14 000 candidats se présentent, ce qui prouve que la gendarmerie attire toujours les jeunes.

Par ailleurs, l’effectif de la ROGN est de 34 000 personnes. Nous le porterons à 50 000 personnes. Les réservistes de la gendarmerie seront mis à contribution lors des JOP.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). La première mission de la gendarmerie nationale est de protéger les populations. À cet égard, je suis très inquiète, comme la plupart d’entre nous sans doute, de l’augmentation des violences en général et des violences à caractère sexuel et sexiste, notamment celles qui sont commises dans le cadre familial, en particulier.

La démarche d’« aller vers » adoptée dans le cadre du cap GEND 20.24 a-t-elle fait l’objet d’une évaluation ? Si oui, des pistes d’évolution et d’amélioration ont-elles été identifiées ? La part vulnérable de la population – les femmes, les enfants, les personnes âgées et/ou handicapées – doit être protégée.

Mon second sujet d’inquiétude est l’immobilier, qui est un sujet majeur. Le budget de la gendarmerie prévoit-il une programmation pluriannuelle des investissements immobiliers affichant une volonté politique, des budgets et un objectif sur plusieurs années ? L’investissement immobilier ne se fait pas au coup par coup, mais dans le cadre d’une ample stratégie. Nos gendarmes et leurs familles méritent des logements à la hauteur de leur mission.

M. Jean-Pierre Cubertafon, rapporteur pour avis. Ayant longtemps été maire d’une commune où les gendarmes sont logés dans une caserne domaniale, je suis conscient que les appartements des gendarmes sont dans un état dégradé. Un effort substantiel s’impose. Pour entretenir correctement le domanial, il faudrait environ 300 millions d’euros par an. Je serai honnête : tel ne sera pas le cas cette année.

Les 238 nouvelles brigades feront l’objet de partenariats. Les communes ou les intercommunalités prendront à leur charge la construction des casernes et en loueront les appartements aux gendarmes. Cette solution a peut-être de l’avenir.

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*      *

M. le président Thomas Gassilloud. Mes chers collègues, après la présentation ce matin des avis budgétaires de nos huit rapporteurs, l’ordre du jour appelle cet après-midi l’examen des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, ainsi que du programme 152 Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.

Mais avant de passer à l’examen des amendements et au vote sur chacune de ces missions, nous allons écouter les orateurs des groupes.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Pour la septième année consécutive, le budget de la défense est en augmentation.

En 2024, il s’élèvera à 47,2 milliards d’euros, conformément à la trajectoire adoptée dans le cadre de la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, dite LPM 2024-2030. Il est supérieur de 14,9 milliards au budget de 2017 et de 3,3 milliards à celui de l’an dernier. La volonté du Président de la République, chef des armées, ainsi que celles du Gouvernement et du Parlement ont permis cette remontée en puissance significative.

Concrètement, l’impulsion donnée en 2017 a permis d’engager une modernisation capacitaire appréciée sur le terrain. Elle a eu un impact positif sur le quotidien des militaires. Nous avons désormais un socle solide et cohérent.

Après le temps de la réparation de nos armées vient celui de la transformation. Objectivement, le budget 2024 suit le cap que nous nous sommes fixé.

Tout d’abord, il poursuit les efforts de modernisation. Il permet de renouveler et d’entretenir nos équipements, grâce à 13,6 milliards de commandes pour les programmes à effets majeurs (PEM) hors dissuasion et à 5,7 milliards pour le maintien en condition opérationnelle (MCO) et d’importantes livraisons. En plus de satisfaire un besoin essentiel de nos armées, cela permet de soutenir notre tissu économique et d’ancrer progressivement notre industrie de défense dans une logique d’économie de guerre.

Ce budget garantit d’autres investissements participant au renforcement de notre autonomie stratégique, dans notre dissuasion nucléaire, pour rester crédibles, et dans des domaines hautement stratégiques tels que le spatial, les fonds marins, le cyber, le renseignement, les sphères informationnelles et l’innovation, afin de donner à nos armées des capacités de renseignement, d’analyse et d’action dans les champs hybrides, matériels et immatériels.

Par ailleurs, le budget 2024 profitera directement au quotidien des militaires, grâce notamment aux moyens mis en œuvre pour parfaire l’équipement du combattant et sa préparation opérationnelle, pour renforcer le plan « famille » à hauteur de 70 millions d’euros et pour améliorer la politique salariale.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation, l’attention que nous portons au monde combattant ne faiblit pas. La nation sait ce qu’elle doit à ses combattants. Sans surprise, les droits acquis par nos anciens combattants seront maintenus en 2024.

Il en ira de même des moyens alloués à la politique de mémoire. Ce budget de 1,8 milliard est dû au fait que 2024 sera une année importante pour la transmission de notre mémoire nationale, par le biais notamment du cycle de commémoration des 80 ans des débarquements et de la Libération, pour la mise en œuvre du plan Blessés 2023-2027 d’accompagnement des blessés et de leurs familles, ainsi que pour le renforcement du lien nation-armée et armée-jeunesse.

La mission Gendarmerie nationale bénéficie de 6,3 milliards dans le projet de loi de finances pour 2024, afin de continuer à assurer au quotidien la sécurité de nos territoires. Nous nous réjouissons de la création de 238 brigades de gendarmerie, dont deux seront dans ma circonscription, à Guidel et Bubry. Si nos gendarmes sont rattachés depuis une quinzaine d’années au ministère de l’intérieur, ils conservent toute leurs militarité, qui est importante pour notre République.

Ce qui est certain et dont nous devons continuer à nous porter garants, c’est que la nation n’oublie jamais ceux qui se sont engagés pour sa défense. N’oublions jamais ces femmes et ces hommes que leur engagement amène parfois, sur ordre, à donner la mort ou à aller jusqu’au sacrifice suprême.

En responsabilité et avec confiance, le groupe Renaissance votera ces trois budgets.

Mme Caroline Colombier (RN). Les auditions menées dans le cadre de l’examen pour avis du projet de loi de finances pour 2024 ont fait émerger un constat unanime : le monde est de plus en plus dangereux et il est marqué par le retour de la logique de confrontation. Nous avons donc la responsabilité d’adapter la dimension de notre outil de défense aux conflictualités que notre pays connaîtra. Même si cela n’est pas une fatalité, la trajectoire mondiale amènera probablement notre pays à s’impliquer dans des conflits qui ne seront plus choisis, mais subis.

L’adaptation aux défis et le dimensionnement de nos armées exigent l’exécution fidèle de la LPM 2024-2030. Le projet de loi de finances pour 2024 traduit les efforts demandés sur sa première marche, ce que nous saluons. Nos soldats, marins et aviateurs attendent beaucoup de nos travaux, dont nous espérons qu’ils ne seront pas parasités, en séance publique, par un énième 49.3. Si tel était le cas, nous comptons sur la présidence de cette commission pour y intégrer les amendements des oppositions, qui révèlent les points morts du budget à venir.

Car des points morts et des points de friction, il en existe.

Nous reparlerons des crédits alloués à certains projets de coopération internationaux, tels que le système de combat aérien du futur (SCAF) et le système principal de combat terrestre (MGCS), dont nous sommes convaincus qu’ils sont voués à l’échec diplomatique et industriel. Il serait salutaire d’y mettre fin au plus vite. L’aveuglement idéologique dont procèdent ces projets peut coûter cher au modèle d’armée que nous devons ériger au profit de la France et des Français. Dans ces grands projets, la priorité est de faire confiance à nos industriels, qui sont capables de miracles et contribuent, eux, à la défense active de notre souveraineté.

Nos amendements tenteront de révéler et de remédier à des manques capacitaires cruciaux. Ils viseront notamment à relancer la filière de munitions de petit calibre, ce qui semble ne trouver aucun écho au sein de la représentation nationale alors même qu’il s’agit d’un sujet essentiel, à sortir de la logique de flux tendus par la reconstitution de stocks stratégiques, à renouer avec une logique de masse, à faire remonter en puissance le service de santé des armées (SSA), à intégrer le drone volant à moyenne altitude et de longue endurance (MALE) Aarok dans nos programmes, à augmenter la rémunération des militaires, à étoffer les services de MCO pour éviter de recourir à l’externalisation, à acquérir un A400M supplémentaire, à rénover les infrastructures de défense – bref à donner à nos armées les outils pour qu’elles soient prêtes dès ce soir, pour reprendre le mot du chef d’état-major de l’armée de terre (CEMAT).

En responsabilité, nous voterons les crédits de la mission Défense, en cohérence avec notre vote sur la LPM 2024-2030, même si nous déplorons certains points morts.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous espérons qu’elle donnera lieu à la revalorisation du point de la pension militaire d’invalidité (PMI), afin de réparer une injustice notoire des budgets successifs. Les hommes et les femmes qui ont tout sacrifié pour notre pays méritent la reconnaissance de la nation. Alors même qu’ils ont combattu pour la France, ils subissent de plein fouet la vague d’inflation.

À l’unisson des associations que nous avons reçues, nous dénonçons la très faible revalorisation de la PMI, à hauteur de 1,5 %, prévue par le Gouvernement dans le budget 2024, alors même que l’inflation était de 5,2 % en 2022. Un amendement de notre groupe prévoit une revalorisation à hauteur de 5,2 %. S’il n’est pas intégré au budget, nous nous abstiendrons.

Sur les crédits du programme Gendarmerie nationale, nous nous abstiendrons également. Nous jugeons, comme les Français, que l’augmentation du budget et les récentes annonces de création de brigades ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les émeutes de cet été nous inquiètent au plus haut point, d’autant qu’elles ont touché de plein fouet des petites communes habituellement calmes.

L’augmentation prévue ne suffit pas. Ces efforts sont insuffisants face à l’explosion de la délinquance, de l’immigration incontrôlée et de la prolifération de la drogue partout, même dans les campagnes. Toutefois, pour éviter de paralyser les moyens alloués à la gendarmerie nationale, nous nous abstiendrons.

La guerre n’est plus une hypothèse théorique. Elle constitue désormais un risque avéré. La France doit être indépendante, forte et souveraine dans ses équipements, dans sa doctrine d’emploi et dans sa vision stratégique.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). « La guerre est le domaine de l’incertitude », disait Clausewitz. L’enjeu est de réduire l’incertitude pour accroître ses chances de victoire.

Le budget de la défense que nous avons devant nous est un colosse par son montant et par son contenu. Il l’est plus encore par comparaison avec les précédents budgets qui, au nom de l’austérité et de la rationalité comptable, ont continuellement limé le glaive et émoussé le bouclier de la République.

En dépit de ce déversement de fonds et de mesures, nous devons nous demander si ce budget est à la hauteur des enjeux. Permet-il de dissiper la brume de l’incertitude qui règne sur le champ de bataille ? Au groupe de La France insoumise, nous pensons que non. Ce budget est un colosse aux pieds d’argile.

Le budget 2024 de la défense s’élève, hors pensions, à 47 milliards. Il respecte l’augmentation de 3,3 milliards prévus par la LPM 2024-2030. Les budgets de tous les programmes sont en augmentation. C’est un fait.

Toutefois, les prévisions d’inflation y sont minorées. Tous les responsables de programme que nous avons eu l’occasion d’auditionner témoignent de leur crainte que leur budget soit absorbé par l’inflation, dont certains redoutent qu’elle atteigne 10 %. Nous avons déposé des amendements visant à mieux tenir compte de l’inflation et à créer un nouvel indicateur pour recenser et mieux anticiper les reports de commandes qu’elle induit.

Ce budget souffre d’un manque de transparence. Les indicateurs de disponibilité des matériels et d’activité des forces armées font désormais l’objet d’une diffusion restreinte. Dès lors, la représentation nationale est en partie privée de ses outils pour contrôler l’action du Gouvernement, ce que nous déplorons. La contribution de la France à l’OTAN, quant à elle, n’est même pas présentée visiblement dans le projet annuel de performance (PAP), comme l’a relevé la Cour des comptes dans un récent avis.

Outre un manque de transparence, nous relevons un manque d’anticipation. La contribution au budget de l’OTAN pourrait s’élever à 830 millions d’euros en 2030, alors même que la France ne cesse de contribuer en nature au fonctionnement de l’Alliance, notamment par le biais de sa participation aux opérations de renforcement du flanc est de l’OTAN.

Comment cette contribution est-elle valorisée ? Quel financement de l’OTAN voulons-nous obtenir ? Avons-nous seulement une stratégie au sein de cette alliance qui n’a plus lieu d’être ou suivons-nous les États-Unis ? En l’absence de vision claire du Gouvernement sur ce point, nous avons déposé un amendement visant à obtenir un rapport sur la stratégie d’influence de la France au sein de l’OTAN.

Nous déplorons le manque de vision globale sur le long terme dont fait preuve le budget 2024, qui prévoit une stratégie « Climat et défense » mais n’explicite rien de concret, concernant notamment l’après-pétrole. Nous dressons malheureusement le même constat dans le domaine de l’espace, dont certains défis, tels que la météo spatiale et les débris spatiaux, sont oubliés.

En outre, ce budget persiste dans les errements de la coopération franco-allemande sur le SCAF et le MGCS, dont l’avenir reste plus qu’incertain. En misant tout sur le MGCS, la France s’expose à un risque sérieux de dépendance industrielle vis-à-vis de l’Allemagne et d’inadaptation de ses armées si elles étaient amenées à participer à un conflit majeur avant les années 2040-2045. Il est indispensable de développer une capacité souveraine telle que le char EMBT.

Faute de vision à long terme, ce budget ne permet pas de sécuriser l’appareil productif français dans des secteurs stratégiques tels que les supercalculateurs – l’entreprise Atos sera-t-elle sauvée ? – et la maîtrise des fonds marins, pour laquelle nous dépendons de l’entreprise Alcatel Submarine Networks (ASN). En refusant d’agir maintenant, la France risque de perdre pied et de rater la marche de la guerre de demain.

La mission Défense du projet de loi de finances pour 2024 soulève une question centrale, d’ordre à la fois démocratique et budgétaire, concernant la qualification juridique et le financement des missions opérationnelles, notamment les missions Aigle, en Roumanie, et Lynx, en Estonie. Ces missions remplissent tous les critères d’une opération extérieure (Opex). Les militaires qui y sont engagés bénéficient de presque toutes les dispositions applicables aux Opex, sauf de la bonification des pensions, ce qui n’est pas rien.

Pourtant, elles sont considérées non comme des Opex, mais comme des missions opérationnelles. Leurs dépenses de ressources humaines sont affectées au budget opérationnel de programme (BOP) Opex, ce qui apparaît comme un abus ; les autres dépenses sont financées directement par les armées. Elles pourraient – peuvent – bénéficier d’un financement interministériel inscrit au collectif budgétaire de fin d’année.

Outre le contournement démocratique évident du Parlement qu’elle constitue, cette situation provoque des tensions en gestion sur le programme 178 de la mission Défense. Nous avons déposé des amendements visant à assurer le financement des opérations Aigle et Lynx dans le cadre des Opex. Il s’agit d’assurer la sécurisation budgétaire des armées et de rendre sa place au Parlement, qui doit se prononcer sur leur opportunité.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous défendrons des amendements visant à améliorer la prise en charge des blessés psychiques et à étendre la reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins victimes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale et par les orphelins de parents incorporés de force et exécutés.

L’argent est le nerf de la guerre, nous en convenons, mais la stratégie en est le cœur. Sans stratégie cohérente ni vision globale, l’apport financier est vain. Ce budget, si imposant soit-il, ne permet pas à la France de dissiper le brouillard de l’incertitude. Nous voterons contre.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Le monde incertain dans lequel nous vivons et la nature même de la guerre nous plongent dans le fameux brouillard de la guerre de Clausewitz. Tout ce que peuvent faire un État ou une commission parlementaire, c’est essayer de trouver les solutions les plus adaptées pour faire face aux menaces qui peuvent se présenter.

Pour évaluer le budget et faire notre choix, nous suivons une règle que nous appliquons à la vie publique dans son ensemble : la cohérence. On ne peut pas voter une loi de programmation militaire et ne pas voter, quelques mois plus tard, le premier budget qui correspond à ce qu’elle prévoit à l’euro près. Ce n’est un scoop pour personne : notre groupe votera ce budget, d’autant que les choix stratégiques dont il procède nous semblent globalement cohérents.

Il assure la dissuasion, laquelle est le cœur du cœur. La sécurité de la France est à ce prix. La dissuasion, c’est la défense de nos intérêts vitaux. Tous les groupes, sauf ceux qui la refusent, auraient prévu des investissements similaires pour la financer.

Le reste procède d’une forme de pari. Il ne faut pas oublier que la défense est globale. Elle ne s’apprécie pas séparément de la situation économique du pays. Opter pour une défense forte et un pays surendetté, à la merci de ses créanciers, n’est pas une solution.

Dans la situation économique que nous connaissons, le pari est assez raisonnable. Il consiste à assurer la dissuasion à 100 % et à consentir des efforts pour la préparation de l’avenir dans la cohérence, notamment sur les segments maritimes – le rapporteur pour avis des crédits de la Marine nationale a rappelé ce matin à quel point les enjeux maritimes sont essentiels – et aéroterrestres.

Nous ne serons probablement pas engagés dans un conflit majeur dans les années à venir, du moins dans le cadre de l’OTAN, et nos alliés, notamment les Polonais et les Allemands, sont en premier rideau. Nous devons tenir notre rang de nation-cadre au niveau corps d’armée. Ce n’est pas le fantassin français qui tiendra le front de l’Est. Telle est la conséquence de ce budget, qui fait preuve de cohérence à l’aune des menaces probables, dont l’évaluation est la base de toute politique de défense.

Ce vote n’est pas un quitus. Nous nourrissons plusieurs inquiétudes, s’agissant notamment des coopérations internationales, dont notre groupe soutient la nécessité mais sans naïveté. Il faut être très vigilant et s’assurer qu’elles ne coûtent pas plus cher, qu’elles ne nous font pas perdre des actifs stratégiques, qu’elles correspondent aux besoins de nos armées et surtout que nous conservons notre liberté de manœuvre au grand export. Nous préparons une proposition de résolution visant à garantir par traité ces attendus, pour conjurer le risque que nos partenaires, notamment les Allemands par un vote du Bundestag, ne puissent défaire ce qui aurait été décidé dans les négociations entre les exécutifs.

Par ailleurs, nous serons vigilants pour que les marges budgétaires un peu augmentées que nous avons obtenues en commission mixte paritaire (CMP) à la demande de notre groupe et sur lesquelles nous sommes tombés d’accord se traduisent par de véritables effets sur la disponibilité opérationnelle des matériels et sur le taux d’entraînement de nos troupes. Nous ne sommes qu’au début de cette manœuvre : l’avenir nous permettra d’en juger.

Sans hésitation, notre groupe votera ce budget.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Au nom du groupe Démocrate, je salue l’effort budgétaire prévu par le projet de loi de finances pour 2024 en faveur de nos armées. Les crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, ainsi que ceux du programme Gendarmerie nationale, traduisent très concrètement notre volonté d’achever la réparation et de poursuivre la transformation de nos armées, de soutenir au mieux nos soldats ainsi que leurs familles, et d’honorer la mémoire de ceux qui se sont battus pour la France.

Je rappelle, car certains ont l’air de l’oublier, que le budget 2017 de la défense était de 32,7 milliards. En 2024, il sera de 47,2 milliards. La marche était haute. Tout le monde peut s’accorder à dire que notre nation a consenti un effort considérable, certes nécessaire.

Les lois de programmation militaire sont là pour donner une vision à long terme. Contrairement à M. Lachaud, je pense que nous en avons une. Les nécessaires transformations et surtout adaptations aux menaces de nos armées sont bien comprises par nos armées, par le chef d’état-major et par la stratégie qu’il met en œuvre.

Nous devons continuer de privilégier la cohérence à la masse. Le budget pour 2024 des armées met l’accent sur la préparation opérationnelle, sur le MCO, sur le renouvellement des équipements et sur l’amélioration des conditions d’entraînement. Nous n’ignorons pas la nécessité de s’adapter aux nouvelles technologies et aux nouveaux milieux de conflictualité. Ce budget prévoit aussi des investissements importants dans des domaines clés des conflits de demain, tels que le cyberespace, l’espace, les fonds marins et le renseignement. Nous avons une vision d’avenir et de l’évolution des conflits concrète et réaliste.

Nous saluons également les efforts consentis pour le soutien aux soldats et à leurs familles. Notre groupe est très attaché au plan « famille ». Nos armées ne sont opérationnelles qu’avec des hommes et des femmes. Ils doivent vivre leur engagement, avec leurs familles, dans de bonnes conditions. Nous sommes très attachés au plan « famille 2 », auquel le budget alloue 70 millions.

Nous voterons ces crédits, qui nous semblent indispensables à nos armées.

J’appelle l’attention sur la nécessité de poursuivre la construction de l’Europe de la défense avec nos voisins. Le conflit en Ukraine nous a rappelé notre fragilité potentielle. Si nous optons pour l’émiettement, si chaque pays vit dans ses frontières avec ses seuls moyens, il sera difficile de maîtriser un conflit. Seule l’Europe de la défense peut y parvenir. Elle est un objectif vers lequel nous devons tendre, même si le chemin est long et difficile, même si les intérêts des uns et des autres sont parfois contraires. Nous devons nourrir cette vision à long terme avec force.

Le budget de la mission Anciens combattants mémoire et Liens avec la nation est un bon budget. Il assure un équilibre entre reconnaissance et réparation. Il permet d’améliorer le plan Blessés 2023-2027, au bénéfice notamment des blessés psychiques, dont la prise en charge, qui a été un angle mort de notre politique pendant de très nombreuses années, est désormais tout à fait identifiée. Nous devons accompagner ces personnes avec beaucoup d’attention.

Par ailleurs, 2024 sera une année commémorative importante. Des crédits significatifs ont été prévus. Les crédits consacrés à la politique de mémoire sont essentiels. Nous voterons les crédits de la mission Anciens combattants mémoire et Liens avec la nation.

Les crédits du programme Gendarmerie nationale sont en hausse de 4,8 %. Ils permettent la création de 1 045 emplois et servent deux ambitions pour l’année 2024 : la participation des gendarmes à la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, où ils seront en première ligne, et la création annoncée de 200 brigades. Des points de fragilité subsistent, s’agissant notamment des infrastructures. Nous serons vigilants mais n’en voterons pas moins ce budget sans difficulté.

Mme Anna Pic (SOC). Trois mois après l’adoption de la LPM 2024-2030, nous sommes réunis pour examiner le premier budget visant à mettre en œuvre la trajectoire budgétaire et la vision stratégique entérinée à cette occasion. Si, comme lors de l’examen de la LPM 2024-2030, nous ne pouvons que saluer l’augmentation des crédits et le suivi de la trajectoire programmée, notre sentiment général est partagé.

Satisfaisants à certains égards, les budgets des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation n’en sont pas moins contestables. Le groupe Socialistes et apparentés fait part de divergences de vision s’agissant de la répartition des crédits et des choix effectués.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, plusieurs points saillants démontrent les limites de ce budget.

En premier lieu, la revalorisation du point d’indice de la PMI à hauteur de 1,5 est loin d’être suffisante compte tenu de l’inflation. D’une même voix, les représentants d’associations d’anciens combattants que nous avons auditionnés la semaine dernière ont exprimé, avec force et solennité, leur inquiétude à ce sujet. En effet, l’inflation attendue cette année devrait s’élever à 5,8 %, en augmentation par rapport à 2022, et risque de rester supérieure à 3,5 % pendant de longs mois. L’inquiétude teintée d’amertume de nos anciens combattants est parfaitement légitime. Le Gouvernement doit faire beaucoup mieux à cet égard. Nous défendrons une proposition visant à évaluer l’opportunité d’une concomitance entre la valeur du point PMI et celle du point d’indice de la fonction publique.

En deuxième lieu, malgré un budget en hausse, les crédits alloués à la vie commémorative semblent sous-évalués. En effet, 2024 sera l’année du quatre-vingtième anniversaire du débarquement en Normandie. Les commémorations afférentes, si importantes soient-elles, risquent d’absorber à elles seules, dès le mois de juin, l’enveloppe budgétaire. Il ne s’agit pas de remettre en cause ces crédits ni la nécessité de commémorer cet événement singulier de notre histoire, mais, bien au contraire, de souligner la faiblesse du budget global à l’aune du contexte. Le sous-dimensionnement des autres commémorations risque d’être inévitable, ce qui laissera aux collectivités locales, dont les finances sont bien souvent exsangues, le soin de les financer. Nous ne pouvons pas accepter cette situation.

En troisième lieu, nous déplorons la non-attribution du statut de blessés de guerre aux vétérans ayant participé aux essais nucléaires en Polynésie française et dans le Sahara, alors même qu’ils sont victimes de maladies radio-induites. Il s’agit d’un angle mort majeur. La réparation financière dont bénéficient ces vétérans doit être attribuée au titre de blessures subies dans le cadre de leurs fonctions militaires et non en tant que civils.

Nous défendrons d’autres amendements, visant notamment à la mise à jour de la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant et à la modification de l’âge à partir duquel certaines allocations sont octroyées. De façon globale, nul besoin d’être économiste pour comprendre qu’une stabilité des crédits alloués dans un contexte inflationniste signifie une baisse de budget.

En dépit du déploiement, salué et auquel nous sommes très attentifs, des maisons ATHOS et de plusieurs mesures que nous attendions, nous ne voterons pas le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation.

S’agissant de la mission Défense, plusieurs points méritent une attention particulière.

Le premier d’entre eux n’est pas sans incidence sur nos militaires en exercice et sur notre politique de recrutement : il s’agit de la politique de rémunération. En dépit de la prochaine finalisation de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) et de la récente revalorisation des grilles, le rééquilibrage du traitement indiciaire et indemnitaire des militaires est longtemps resté un impensé de la politique gouvernementale.

Les informations nous manquent pour être convaincu qu’une prise de conscience a eu lieu. Compte tenu de la réduction du nombre d’Opex et des salaires pratiqués dans le secteur privé, un tel rééquilibrage est pourtant la mesure la plus appropriée pour relever les défis de l’attractivité et de la fidélisation de nos troupes.

Le deuxième point sur lequel nous souhaitons appeler l’attention est le bâti, notamment la vétusté de nos bases de défense et la baisse considérable du budget relatif aux infrastructures de santé. Les difficultés récurrentes, dénoncées par la Cour des comptes dans un rapport publié en juin dernier, ne semblent pas près d’être résorbées. La remise à niveau complète des hôpitaux militaires est pourtant essentielle pour le SSA.

Le troisième point ayant appelé notre attention est l’augmentation du budget des écoles militaires de 3 % seulement, alors même que l’inflation est supérieure à 5 %, et même très supérieure sur leurs principaux postes de dépenses que sont l’énergie et l’alimentation

D’autres points nous ont interpelés, notamment le projet de fusion de l’école nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) Paris et de l’ENSTA Bretagne, dont les deux diplômes ne jouissent pas d’une reconnaissance au même niveau. Nous serons vigilants à l’évolution de ce projet.

Par ailleurs, en dépit d’une hausse importante des crédits, nous nourrissons des doutes sur la préparation opérationnelle. Comment satisfaire aux critères de l’OTAN si l’on manque d’hommes et de matériel pour réaliser la préparation ?

Sur ce budget, nous nous abstiendrons.

La mission Sécurités a été érigée par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) en étendard. Le groupe Socialistes et apparentés estime, comme l’an dernier, que la réforme territoriale de la police nationale risque d’affaiblir les capacités de la police judiciaire. Par ailleurs, le budget pour 2024, pas davantage que le précédent, ne prévoit aucun équivalent temps plein (ETP) supplémentaire pour la sous-action 06.01 Formation de la police nationale. Nous proposerons d’en augmenter les crédits de 100 millions.

Nous voterons contre les crédits de la mission Sécurités.

M. Loïc Kervran (HOR). Au nom du groupe Horizons et apparentés, je tiens à exprimer notre profonde satisfaction de l’augmentation substantielle du budget de nos forces armées. Pour l’année 2024, notre pays consacrera 47,2 milliards à sa défense, soit quasiment 50 % de plus que ce qu’il dépensait en 2017 et 3,3 milliards de plus que l’année dernière. Il s’agit d’une augmentation sans précédent.

Cet accroissement budgétaire est en parfait accord avec les objectifs de la LPM 2024-2030. Plus profondément, il est aussi en accord avec nos obligations morales.

Notre première obligation morale est envers les hommes et les femmes qui servent ou ont servi la France. Clemenceau a eu, au sujet des anciens combattants, ce mot célèbre et souvent cité : « Ils ont des droits sur nous ». Nos devoirs envers ceux qui défendent la France et ses valeurs de nos jours ne sont pas moindres. Nous devons leur fournir un équipement individuel et des véhicules qui les protègent efficacement, leur donner les armes et le renseignement leur assurant la supériorité et la victoire, et mieux les rémunérer. C’est ce que fait ce budget.

Notre deuxième obligation morale est envers les Français. Le monde dans lequel nous évoluons est dur et dangereux, chaque jour un peu plus. Les autres pays s’arment, mettent à l’eau des flottes, constituent des stocks de munitions. La guerre est là en Ukraine, en Arménie, au Mali, en Israël ; l’agressivité contre la France et ses intérêts, quotidienne. Nous n’avons pas le droit de ne pas nous donner les moyens d’assurer la sécurité des Français.

Ce budget renforce nos capacités dans tous les domaines prioritaires identifiés par la LPM 2024-2030. Nous allouons des ressources considérables à l’innovation, à l’espace, à la défense sol-air, aux drones, au cyber, aux forces spéciales, au renseignement et à la souveraineté outre-mer : autant d’investissements essentiels pour maintenir à niveau notre sécurité nationale et notre rôle sur la scène internationale.

En 2024, grâce à ce budget et à la mobilisation de nos industriels, il y aura plus d’avions, plus de canons, plus d’hélicoptères, plus de drones, plus de munitions. J’en donnerai deux exemples, offerts par deux entreprises présentes dans le département du Cher, qui contribue tant à la défense de notre nation. L’année prochaine, huit canons Caesar sortiront chaque mois des usines de Nexter, contre deux en 2022, et MBDA fabriquera bientôt quarante missiles Mistral par mois contre vingt jusqu’à présent.

Ce budget permet de renouveler l’engagement de la France dans une collaboration étroite avec ses partenaires européens et de l’Alliance Atlantique. Nous nous félicitons du maintien du soutien financier de l’État aux programmes de coopération bilatérale et européenne visant au développement de nouvelles technologies d’armement, tels que le SCAF et le MGCS.

L’encouragement aux initiatives diplomatiques dans le domaine de la défense doit se poursuivre. Nous saluons la coopération militaire lancée cette semaine avec l’Arménie. L’investissement continu dans notre dissuasion nucléaire est lui aussi fondamental, car il constitue le pilier de notre souveraineté nationale et une garantie supplémentaire de l’autonomie stratégique de l’Europe.

En examinant ce budget, nous ne devons pas oublier le caractère profondément humain de l’action du ministère des armées. Nous nous réjouissons de la mise en œuvre du plan « famille 2 », des moyens dédiés à la modernisation des infrastructures et des lieux de vie des militaires, ainsi que des efforts du ministère en matière de logement et d’environnement.

Convaincu que ces ressources sont essentielles pour garantir la sécurité de notre nation, renforcer notre position sur la scène internationale et soutenir nos militaires ainsi que leurs familles, le groupe Horizons et apparentés votera les crédits de la mission Défense.

Nous voterons également les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation. Je tiens à partager ma satisfaction de constater que les crédits de cette mission dédiée seront stables en 2024, en dépit de la baisse tendancielle du nombre de bénéficiaires de l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG). Le plan Blessés 2023-2027 permettra une prise en charge et un suivi toujours plus poussés des soldats, dès leur retour de mission ou d’Opex.

Par ailleurs, l’année 2024 sera riche en commémorations célébrant les 80 ans de la Libération. Les crédits supplémentaires alloués à la politique de mémoire devront permettre d’y associer autant que possible les associations, la jeunesse et tous les Français. Quant aux harkis et leurs familles, le groupe Horizons et apparentés soutient le renouvellement des engagements de l’État à leur égard.

S’agissant du programme Gendarmerie nationale, nous saluons la création de 238 brigades, qui marque la volonté d’assurer la présence de l’État sur tout le territoire et de porter une attention particulière à la sécurité des habitants des zones rurales.

 

Mission Sécurités  Gendarmerie nationale (M. Jean-Pierre Cubertafon, rapporteur pour avis)

 

Article 35 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN108 de Mme Michèle Martinez

Mme Michèle Martinez (RN). L’attentat terroriste qui a causé la mort d’un professeur, M. Dominique Bernard, dans un lycée d’Arras nous rappelle que le combat mené par la France contre l’islamisme n’est pas derrière nous. Le terrorisme islamiste doit être combattu de toutes nos forces et par tous les moyens existants. Par leur proximité avec le terrain et leur connaissance de celui-ci, les renseignements territoriaux jouent un rôle crucial dans la détection de la radicalisation et la lutte contre les actes terroristes. Je propose la création de vingt nouvelles antennes du renseignement territorial, dont chacune sera composée de cinquante gendarmes, afin que le terrorisme islamiste puisse être encore davantage combattu en France et que nous n’ayons plus jamais à pleurer les morts d’un de nos compatriotes.

Suivant la position du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Sécurités – Gendarmerie nationale non modifiés.


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   Annexe :

Auditions et déplacements du rapporteur pour avis

 

Auditions

 Direction générale de la gendarmerie nationale :

‒ M. le général d’armée Christian Rodriguez, Directeur général de la Gendarmerie nationale.

 M. le général de corps d’armée Olivier Kim, directeur des opérations et de l’emploi ;

 M. le général de corps d’armée Bruno Arviset, directeur des ressources humaines de la Gendarmerie nationale ;

 M. l’ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances ;

 M. le colonel Antoine Lagoutte, chef du bureau de la synthèse budgétaire ;

 M. le commandant Damien Michel, chef de la section « synthèse prospective » au sein du bureau de la synthèse budgétaire.

 

Déplacements

Le rapporteur Jean-Pierre Cubertafon s’est rendu en Guyane du 18 au 23 septembre 2023.

Il remercie tout particulièrement le général de brigade Jean-Christophe Sintive, Commandant de la Gendarmerie de Guyane ainsi que le général de brigade aérienne Marc Le Bouil, Commandant supérieur des forces armées en Guyane (FAG). Il souhaite également remercier M. Antoine Poussier, préfet de Guyane ainsi que M. Yves Le Clair, procureur de la République près du tribunal judiciaire de Cayenne. Il remercie l’ensemble des personnels de la Gendarmerie nationale en Guyane et des FAG rencontrés lors de son déplacement.


([1]) LOI n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047046768.

([2]) https://www.frstrategie.org/publications/recherches-et-documents/comptoirs-reseaux-transnationaux-chinois-moteurs-orpaillage-illegal-guyane-francaise-2023