N° 2728

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2024.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES,
DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
SUR LE PROJET DE LOI
d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2023 (n° 2714),

 

par M. Michel LAUZZANA,

député

 

 

 

 


SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

I. L’article liminaire

II. L’Équilibre gÉnÉral et les recettes

A. Le solde des rÉgimes obligatoires de base pour 2023

B. La gestion de la dette sociale

1. L’endettement du régime général

2. L’apurement des passifs transférés

C. Le bilan des rÉgimes et de leurs satellites

D. Les recettes

1. Un financement encore majoritairement assuré par les cotisations

2. La compensation des allègements par l’État

3. Les transferts

III. Les dÉpenses

A. Les dÉpenses de la branche maladie et de l’ONDAM

1. Les dépenses de la branche maladie

2. Les dépenses relevant de l’ONDAM

B. Les dÉpenses de la branche AT-MP

C. Les dÉpenses de la branche vieillesse

D. Les dÉpenses de la branche famille

E. Les dÉpenses de la branche autonomie

Examen en commission

 


   Introduction

Le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (PLACSS) pour 2023 est le deuxième texte de cette nature soumis au Parlement.

● Alors que l’approbation du budget de l’État pour l’année précédente fait depuis plus de deux siècles l’objet d’un véhicule distinct de la loi de finances de l’année suivante ([1]) – la XVème législature ayant vu une revalorisation des modalités d’examen du projet de loi de règlement (PLR), avec l’instauration, à l’Assemblée nationale, d’un « printemps de l’évaluation » ([2]) –, l’analyse, au premier semestre, des résultats affichés par les organismes dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ne s’appuyait initialement sur aucun véhicule.

En effet, dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005, le I de l’ancien article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale disposait que la LFSS de l’année était divisée en quatre parties, la première « comprenant les dispositions relatives au dernier exercice clos ».

L’examen de cette première partie était fort expédient, sans que les membres du Parlement aient le temps de prendre connaissance des « programmes de qualité et d’efficience » (PQE) présentant « l’exposé des résultats atteints lors des deux derniers exercices clos », d’ailleurs qualifiés de « rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale » (REPSS) depuis le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021.

Pour fournir aux travaux de contrôle de l’application des LFSS un « point d’aboutissement plus solennel », la loi organique n° 2022‑354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a donc prévu dans le 3° de la nouvelle rédaction de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale que non seulement « ont le caractère de LFSS […] la LFSS de l’année [et] la loi de financement rectificative de la sécurité sociale » (LFRSS), mais aussi, désormais, la « loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale » (LACSS).

Aux termes du nouvel article L.O. 111-3-13 du même code, la LACSS :

– « comprend un article liminaire » centré sur les recettes, les dépenses et le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO), ce qui la rapproche de la LFSS de l’année mais la distingue des lois de finances de l’année ou des lois de finances rectificatives (LFR), ainsi que des lois de financement rectificatives de la sécurité sociale (LFRSS), dont l’article liminaire concerne l’ensemble des administrations publiques (APU), conformément à l’article 1er H de la LOLF, issu d’une réforme du 17 décembre 2012 ;

– « approuve » une série de tableaux sur l’équilibre de chaque branche des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS), des organismes concourant à leur financement et des dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), ainsi que les montants affectés aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des ROBSS ou de l’amortissement de leur dette ;

– « approuve », via un renvoi au 2° de l’article L.O. 111-4-4 dudit code, le « rapport décrivant les mesures que le Gouvernement a prises ou compte prendre pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l’occasion » de la clôture de l’exercice et « retraçant la situation patrimoniale » des ROBSS et de leurs satellites.

Outre ce dernier rapport, sept catégories d’annexes sont jointes au PLACSS, dont les REPSS, l’énumération des « mesures de réduction ou d’exonération […] et de réduction ou d’abattement de l’assiette de ces cotisations et contributions » sociales, accompagnée des modalités de leur compensation, les « objectifs pluriannuels de gestion » des caisses gestionnaires des ROBSS et, de manière originale compte tenu du champ des dispositions que la LFSS est susceptible d’accueillir, « l’état des recettes, des dépenses et du solde du régime d’assurance chômage et des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires ».

Quoique constituant en elle-même une novation, la LACSS a donc un domaine assez restreint.

● Depuis l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire s’est saisie pour avis de tous les projets de LFSS ou de LFRSS. Il était donc naturel qu’elle examine le PLACSS pour 2022 – l’adoptant, au contraire de l’Assemblée nationale – puis, cette année, le PLACSS pour 2023.

Seront successivement abordés l’article liminaire (I) du PLACSS, puis le solde et les ressources (II) et enfin les dépenses (III) constatés pour cet exercice.

*

*     *

Nota bene : dans les tableaux et graphiques du présent rapport pour avis, des effets d’arrondis ou de transferts peuvent expliquer que les totaux soient légèrement inférieurs ou supérieurs à l’addition des agrégats qu’ils retracent (il en va singulièrement ainsi du déficit des ROBSS et du FSV pour 10,8 milliards d’euros avec un écart facial de 10,7 milliards d’euros entre les recettes et les dépenses).


I.   L’article liminaire

Les données du présent I sont exprimées suivant la comptabilité nationale, c’est-à-dire en retenant les conventions statistiques européennes, non les logiques de caisse ou en droits constatés que prévoient la LOLF et la LOLFSS.

● Pour rappel, le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes (PLR) de l’année 2023 fait état d’un déficit public de 5,5 % du PIB, soit 254 milliards d’euros : 

– d’un côté, les APU centrales (APUC) contribuent fortement à ce résultat négatif (– 5,6 %, soit 156,9 milliards d’euros), en particulier à raison de celui de l’État (– 5,5 %, soit 155,3 milliards d’euros), tandis que les organismes divers d’administration centrale (ODAC) sont proches de l’équilibre (– 0,1 %, soit 1,6 milliard d’euros) et que les APU locales (APUL) ont un déficit modéré (– 0,4 %, soit 9,9 milliards d’euros) ;

– de l’autre, les ASSO connaissent un excédent de 0,5 % du produit intérieur brut (PIB), soit 13,2 milliards d’euros.

PrÉvisions initiales et actualisÉes pour 2023

(en points de produit intérieur brut)

 

LF et LFSS
pour 2023

LPFP
(sur 2023)

LF et LFSS
pour 2024

PLR et PLACSS
pour 2023

Solde structurel

– 4,0

– 4,1

– 4,1

– 4,6

Solde conjoncturel

– 0,8

– 0,7

– 0,7

– 0,8

Solde des mesures ponctuelles et temporaires

– 0,2

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Solde effectif

 5,0

 4,9

 4,9

 5,5

Dette au sens de Maastricht

111,2

109,7

109,7

110,6

Taux de prélèvements obligatoires (nets)

44,9

44,0

44,0

43,5

Dépense publique (hors crédits d’impôts)

56,9

55,9

55,8

56,7

Solde des administrations publiques centrales

– 5,8

– 5,4

– 5,3

– 5,6

Solde des administrations publiques locales

0,0

– 0,3

– 0,3

– 0,4

Solde des administrations de sécurité sociale

0,8

0,7

0,7

0,5

Recettes des administrations de sécurité sociale

n. c.

26,7

Dépenses des administrations de sécurité sociale

26,2

Source : LPFP pour 2023 à 2027 ; article liminaire des lois de finances pour 2023 et 2024 et des PLR et PLACSS pour 2023.

● Il convient de faire le départ entre l’agrégat européen des ASSO, plus large que la sécurité sociale au sens du dix-septième alinéa de l’article 34 de la Constitution ou celui de la LOLFSS –, et les régimes obligatoires de base (ROBSS) et leurs satellites, objet principal du présent rapport pour avis.

Les ASSO sont l’un des sous-secteurs du système européen des comptes nationaux (SEC) établi par la direction générale des statistiques de la Commission européenne (EUROSTAT).

Elles regroupent deux catégories :

– les régimes de sécurité sociale, qui « couvrent l’ensemble de la collectivité ou d’importantes parties de celle-ci et qui sont imposés, contrôlés et financés par les administrations publiques » et ne constituent donc que le volet public de l’assurance sociale – soit les « régimes dans lesquels les participants sont obligés de souscrire une assurance, ou incités à le faire, par un tiers en vue de se prémunir contre certains risques sociaux ou certaines situations qui peuvent affecter négativement leur bien-être ou celui des personnes à leur charge » –, au sein desquels la nomenclature française distingue vingt-neuf ROBSS, ainsi que les régimes de retraite complémentaire obligatoires (comme l’Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres, l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (AGIRC-ARRCO) pour les salariés du secteur privé et l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC) pour une large partie des agents publics non titulaires) et également l’assurance chômage ;

– les organismes dépendant des assurances sociales (ODASS), comprenant les hôpitaux publics et des satellites très variés d’un pays à l’autre, avec en France, par exemple, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), les fonds de solidarité pour la vieillesse (FSV), de réserve pour les retraites (FRR), d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) ou de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA).

● En 2023, les ASSO sont en excédent à hauteur de de 0,5 % du PIB, soit 13,2 milliards d’euros, avec des recettes et des dépenses qui atteignent respectivement 26,7 % et 26,2 % du PIB, soit 748,5 et 735,3 milliards d’euros. Ce résultat est en retrait par rapport à l’estimation des LFSS pour 2023 puis 2024 et de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027, mais il marque une amélioration relativement à l’excédent de 0,3 % du PIB qu’affichaient les ASSO en 2022.

Recettes, dÉpenses et SOlde des ASSO pour 2023

(en milliards d’euros)

 

Recettes

Dépenses

Solde

Régime général (RG) + FSV

505,8

515,9

– 10,1

ROBSS + FSV

600,0

610,7

 10,8

UNÉDIC

44,1

42,3

1,7

Régimes complémentaires de retraite

105,8

100,7

5,1

CADES

21,1

3,2

18,0

FRR

0,8

2,3

– 1,5

ODASS

126,3

126,6

0,1

ASSO – total d’après le PSTAB

747,8

734,9

12,9

ASSO – total révisé d’après l’INSEE

748,5

735,3

13,2

Source : programme de stabilité pour les années 2024 à 2027 ; comptes nationaux de l’INSEE (31 mai 2024).

La position plus favorable des ASSO que des APU dans leur ensemble se maintiendrait jusqu’en 2027 d’après le dernier programme de stabilité (PSTAB) présenté par le Gouvernement en avril 2024 : leur excédent se maintiendrait et passerait ainsi à 1 % du PIB d’ici à 2027, à mesure que se poursuivrait le remboursement de la dette (cf. infra) et que les réformes comme celle du système de retraites engagée avec la LFRSS du 14 avril 2023 produiraient leurs effets. Au même horizon, le solde public se serait redressé mais resterait négatif (2,9 %).

DÉcomposition du solde effectif et projetÉ par sous-secteur de 2019 À 2027

(en points de PIB)

Source : programme de stabilité pour les années 2024 à 2027.

● Un tel scénario quant aux composantes du solde public est cohérent avec les hypothèses macroéconomiques adressées par le Gouvernement à la Commission européenne. Arrêtée à 0,9 % en 2023, la croissance devrait remonter à 1 % en 2024 avant de retrouver un rythme supérieur à son niveau potentiel.

hypothÈses macroÉconomiques du Gouvernement pour 2023 À 2027

(en pourcentage)

 

2023

2024

2025

2026

2027

Évolution du PIB

0,9

1,0

1,4

1,7

1,8

Évolution du PIB potentiel

1,35

1,35

1,35

1,35

1,35

Consommation des ménages

0,6

1,6

1,6

2,0

2,2

Consommation des APU

0,5

0,1

0,7

1,2

0,9

Investissement des entreprises

1,1

– 0,4

0,8

1,3

1,2

Importations

– 0,1

0,9

3,1

3,1

3,1

Exportations

1,5

2,1

3,9

3,5

3,5

Indice des prix à la consommation (IPC)

4,9

2,5

1,7

1,75

1,75

IPC hors tabac

4,8

2,4

1,6

n. c.

IPC harmonisé (IPCH)

n. c.

2,5

1,7

Déflateur du PIB

5,5

2,6

1,7

1,6

1,6

Masse salariale ([3])

5,5

2,9

3,1

3,5

3,7

Salaire moyen nominal par tête

4,2

2,7

2,3

2,1

2,0

Source : programme de stabilité pour les années 2024 à 2027.

D’après le Gouvernement :

– « l’activité en 2024 serait majoritairement portée par l’accélération de la consommation des ménages, grâce au reflux de l’inflation qui soutiendrait les salaires réels et favoriserait une décrue du taux d’épargne ; […] l’investissement, en particulier celui des ménages, baisserait en raison de l’effet des taux d’intérêts élevés et pèserait sur l’activité » ;

– la diminution de l’inflation serait surtout le fait des produits alimentaires et manufacturés, car « les prix de l’énergie augmenteraient en 2023 à un rythme proche de 2023 et [ceux] des services resteraient dynamiques, sans accélérer ».

Saisi en application du VIII de l’article 61 de la LOLF, le HCFP a relevé que « le Gouvernement a révisé [à la] baisse sa prévision de croissance du PIB en volume de 0,4 point en 2024 par rapport à la loi de finances » et estimé que la cible « demeure optimiste même si elle n’est pas hors d’atteinte », avec une progression de l’investissement privé semblant haute « compte tenu notamment du durcissement passé des conditions de financement, en lien avec la hausse de 450 points de base des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) de juillet 2022 à septembre 2023, qui devrait continuer à produire ses effets ».

Le HCFP a en outre qualifié de « cohérent » le recul attendu de l’inflation en moyenne annuelle et voit l’estimation de masse salariale comme « affectée d’incertitudes importantes liées à la difficulté de comprendre les évolutions de l’emploi depuis la crise sanitaire, mais […] un peu élevée ».

Pour les années suivantes, le HCFP est d’avis que « les hypothèses de croissance potentielle et d’écart de production sont avantageuses [et] supposent des gains de productivité sensiblement plus élevés que ce que laissent attendre les tendances observées avant la pandémie de covid-19 et une augmentation de l’emploi total, liée notamment aux réformes des retraites et de l’assurance chômage, qui paraît surestimée ».

Il considère aussi que « la prévision de croissance effective de 1,6 % en moyenne par an sur les années de 2025 à 2027 est élevée ; elle repose […] en partie à la baisse du taux d’épargne [des ménages], possible mais non acquise ».

● Il est utile de comparer les prévisions de l’exécutif avec celles de plusieurs instituts de référence.

hypothÈses macroÉconomiques de la Banque de France pour 2024 À 2026
et de l’OFCE et de l’OCDE pour 2024 et 2025

(en pourcentage)

 

Banque de France

OFCE

OCDE

 

2024

2025

2026

2024

2025

2024

2025

Solde public (en points de PIB)

n. c.

– 5,0

– 4,4

– 5,2

– 5,4

Dette publique (en points de PIB)

111,9

112,8

113,6

115,6

Évolution du PIB

0,8

1,5

1,7

0,5

1,2

0,7

1,3

Consommation des ménages

1,1

1,5

1,6

0,9

1,4

1,3

1,9

Consommation des APU

1,8

0,8

0,8

0,7

0,0

0,1

0,4

Investissement des entreprises

– 0,6

1,5

2,6

– 1,7

0,6

– 0,6

0,6

Importations

0,7

3,3

3,4

0,7

3,8

– 0,6

1,7

Exportations

2,2

3,7

3,9

2,5

3,7

0,7

=

IPC

2,5

1,7

1,7

2,4

2,2

2,3

2,0

IPCH hors énergie et alimentation

2,4

2,2

1,9

n. c.

2,0

2,0

Déflateur du PIB

3,0

1,6

1,4

2,4

1,9

Salaire moyen nominal par tête

3,2

3,3

3,3

3,3

3,2

n. c.

Taux de chômage

7,7

7,8

7,7

8,2

8,1

7,7

7,8

Source : projections macroéconomiques de la Banque de France (12 mars 2024), de l’Observatoire français des conjonctures économiques (10 avril 2024) et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (2 mai 2024).

II.   L’Équilibre gÉnÉral et les recettes

Pour l’exercice clos, l’article 1er du PLACSS approuve le résultat des cinq branches des ROBSS et de leur principal satellite (A).

L’article 2 du PLACSS approuve, en son 1°, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (cf. III) puis, en ses 2° et 3°, les recettes affectées au fonds de réserve pour les retraites (FRR) ou mises en réserve par le fonds de solidarité pour la vieillesse (FSV), lesquelles sont nulles, et enfin, en son 4°, les passifs que la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) apure (B).

L’article 3 du PLACSS approuve le rapport sur la situation patrimoniale de la sécurité sociale, laquelle a été certifiée par la Cour des comptes (C).

L’annexe 2 du PLACSS  jointe au PLFSS de l’année jusqu’en 2022 –, analyse les recettes des régimes et la compensation de certains allègements (D).

A.   Le solde des rÉgimes obligatoires de base pour 2023

Les branches des ROBSS ont en 2023 un résultat négatif à hauteur de 11,9 milliards d’euros, réduit à 10,8 milliards d’euros en y agrégeant l’excédent du FSV, qui finance des avantages non-contributifs, dont l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et la validation des périodes non travaillées – chômage, arrêts de travail, apprentissage, stages et activité partielle.

En comparaison avec la prévision de la LFSS pour 2023 puis la dernière rectification de la LFSS pour 2024, ce déficit traduit une dégradation de respectivement 3,7 milliards d’euros et 2,1 milliards d’euros.

SOlde des branches du ROBSS et du FSV pour 2023

(en milliards d’euros)

 

LFSS pour 2023

Prévision 2023

LFSS pour 2024

Rectification 2023

PLACSS pour 2023

Approbation 2023

Maladie

– 7,1

– 9,4

– 11,1

Accidents du travail et maladies pro.

2,2

1,9

1,4

Vieillesse

– 3,6

– 1,9

– 2,6

Famille

1,3

1,0

1,0

Autonomie

– 1,2

– 1,1

– 0,6

Régimes obligatoires de base

 8,4

 9,5

 11,9

Fonds de solidarité vieillesse

1,3

0,8

1,1

ROBSS + FSV

 7,1

 8,7

 10,8

Source : annexes B des LFSS pour 2023 et 2024 ; article 1er du PLACSS pour 2023.

Dans son rapport sur l’application des lois de financement (RALFSS), prévu par le 3° de l’article L.O. 111-4-6 du code de la sécurité sociale, la Cour des comptes estime que le déficit aurait atteint 12,3 milliards d’euros si les branches maladie et vieillesse n’avaient pas calculé leurs provisions d’une manière qui améliore le résultat de 1 milliard d’euros pour la première – « une sous-évaluation contraire au principe de prudence » – et de 0,5 milliard d’euros pour la seconde.

Rectifications successives du solde des ROBSS et du FSV pour 2023

(en milliards d’euros)

Source : annexes B des LFSS pour 2020 à 2024 et du PLACSS pour 2022 ; article 1er du PLACSS pour 2023.

Avec 1,4 et 1 milliard d’euros, les branches accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) et famille conservent leur résultat positif. Les branches maladie, vieillesse et autonomie sont en déficit : par rapport à la programmation, il est dégradé de 4 milliards d’euros pour la première, mais amélioré de respectivement 1 et 0,6 milliard d’euros pour les deux autres.

Recettes et dÉpenses des branches du ROBSS et du FSV pour 2023

(en milliards d’euros)

 

Prévision LFSS pour 2023

Approb. PLACSS pour 2023

 

Recettes

Dépenses

Recettes

Dépenses

Maladie

231,2

238,3

232,8

243,9

Accidents du travail et maladies pro.

17,0

14,8

16,8

15,4

Vieillesse

269,7

273,3

272,5

275,1

Famille

56,7

55,3

56,8

55,7

Autonomie

36,2

37,4

37,0

37,6

Régimes obligatoires de base

593,2

601,6

598,5

610,4

Fonds de solidarité vieillesse

20,6

19,3

20,4

19,3

ROBSS + FSV

594,8

601,9

600,0

610,7

Source : annexes B de la LFSS pour 2023 ; article 1er du PLACSS pour 2023.

L’annexe A du PLACSS fournit des précisions sur le solde d’autres régimes de base que le régime général. Le régime des non-salariés et celui des salariés relevant de la Mutualité sociale agricole (MSA) sont chacun excédentaire pour 0,1 milliard d’euros. La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière (CNRACL) a un déficit de 2,5 milliards d’euros ; pour leurs prestations de base, la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaire (CRPCEN), la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et celle des barreaux français (CNBF) affichent des excédents respectifs de 0,3 milliard d’euros, 0,4 milliard d’euros et 0,1 milliard d’euros. D’autres régimes ont un solde nul, car ils sont équilibrés par la loi de finances : services des retraites de l’État (SRE), Société nationale des chemins de fer (SNCF), Régie autonome des transports parisiens (RATP), Établissement national des invalides de la marine (ENIM), Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), etc.

Solde effectif et projetÉ des ROBSS et du FSV de 2008 À 2027 (P)

(en milliards d’euros)

Source : annexes B des LFSS pour 2008 à 2024 ; PLACSS pour 2023.

Le RALFSS de la Cour des comptes voit dans le résultat des régimes sociaux pour 2023 une « perte de maîtrise », avec « l’installation d’un déficit structurel » – lié à un « ralentissement non anticipé du rythme de progression des recettes » et aux revalorisations dont ont bénéficié tant les personnels des établissements de santé que les retraités et les allocataires de la branche famille – et rappelle que la LFSS pour 2024, « a dégradé encore cette perspective en prévoyant une augmentation continue du déficit jusqu’en 2027 (17,2 milliards d’euros) sans plus de perspective […] de retour à l’équilibre », le respect des jalons annuels impliquant un « freinage » pour la branche maladie et étant rendu plus difficile car « la réforme des retraites […] n’aura d’effets financiers favorables […] que très progressivement ».

B.   La gestion de la dette sociale

Il convient de rappeler que la récurrence des soldes négatifs au cours des différents exercices a entraîné la constitution d’une dette, répartie entre :

– les déficits portés en trésorerie par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui couvre ses besoins par des emprunts auprès de banques ou de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et par des émissions de court terme sur les marchés, dans la limite de 45 milliards d’euros en 2023 (avec un point bas de 18,4 milliards d’euros et un taux oscillant de 2,2 % à 3,9 % au long de l’année, contre un taux moyen de – 0,34 % pour l’exercice précédent) ;

– la dette reprise en vue de son apurement par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), établissement public administratif (EPA) géré par l’Agence France Trésor et créé par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, cette dernière ayant fixé les trois principes suivant lesquels la caisse bénéficie de ressources dédiées, la durée de remboursement est limitée dans le temps et chaque nouveau transfert de dette doit être accompagné de recettes suffisantes.

Ces deux compartiments de dette à court (1) et moyen-long terme (2) seront abordés successivement.

Endettement financier de la sÉcuritÉ sociale de 2010 À 2023

(en milliards d’euros courants)

Source : annexe 1 du PLACSS pour 2023 – REPSS sur le financement.

1.   L’endettement du régime général

L’ACOSS affiche à la fin de l’exercice 2023 un endettement financier de 2,1 milliards d’euros, en baisse de 24 milliards d’euros en un an.

Son résultat financier net, défini par la CSS comme la « différence entre les charges d’intérêt supportées sur les emprunts et les produits financiers retirés de certaines disponibilités ponctuelles » est de – 75,7 millions d’euros (ce qui traduit une nouvelle fois la hausse des taux puisqu’il était de 271,3 millions d’euros en 2021 puis encore de 70,4 millions d’euros en 2022), selon cette répartition :

– 617,4 millions d’euros de charges, soit dix fois plus qu’en 2022 ;

– 541,7 millions d’euros de produits, dont 387,9 millions d’euros à raison de la rémunération de ses comptes à la CDC et à la Banque de France, 5 millions d’euros du fait de marges sur des Euro commercial papers (ECP) et 148,8 millions d’intérêts sur les relations avec d’autres partenaires financiers.

Après un solde négatif de 31,9 milliards d’euros en 2021 puis de 12,5 milliards d’euros en 2022, l’ACOSS connaît au terme de l’exercice 2023 une trésorerie excédentaire de 2,9 milliards d’euros, avec un point bas de – 18,4 milliards d’euros en janvier.

2.   L’apurement des passifs transférés

En 2023, la CADES a amorti 18,31 milliards d’euros, au-dessus de l’objectif initialement fixé par la LFSS pour 2023, à savoir 17,7 milliards d’euros, et égal à celui rectifié par la LFSS pour 2024.

● La reprise de 136 milliards d’euros de passifs, réalisée sur le fondement du II septies de l’article 4 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 précitée, tel que rétabli par l’article 1er de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie, s’est poursuivie. Pour rappel, trois ensembles de passifs doivent être distingués au sein de ces nouveaux flux :

– au plus tard le 30 juin 2021 et dans la limite de 31 milliards d’euros, la CADES devait avoir couvert les besoins de l’ACOSS au 31 décembre 2019, soit 31,2 milliards d’euros, dont la moitié environ au titre de la branche maladie ;

– à compter de 2021 et dans la limite de 92 milliards d’euros, la CADES doit couvrir les déficits cumulés entre 2020 et 2023 par le régime général, le FSV et la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles ;

– à compter de 2021, la CADES verse à la CNAM les sommes nécessaires pour couvrir un maximum d’un tiers de la charge des emprunts contractés par les établissements publics de santé jusqu’à 2019, soit 13 milliards d’euros.

Répartition par exercice et catÉgories d’opÉrations de la reprise
de passifs par la CADES pour l’application de la loi du 7 aoÛt 2020

(en milliards d’euros)

 

2020

2021

2022

2023

Total

2024 (p)

Déficits jusqu’au 31 décembre 2019

20,0

11,2

s. o.

31,2

s. o.

Déficits pour 2020 (maladie et FSV)

s. o.

23,8

9,1

0,0

32,9

Déficits pour 2021 (maladie)

0,0

25,9

0,2

26,1

Déficits pour 2022 (maladie et vieillesse)

0,0

0,0

24,0

24,0

8,8

Dette hospitalière (dotations de la CNAM)

5,0

5,0

3,0

13,0

s. o.

Total

20,0

40,0

40,0

27,2

127,2

136,0

Source : RALFSS de la Cour des comptes.

Pour rappel, 37,34 des 40 milliards d’euros attribués aux ROBSS en 2022 concernaient la CNAM, dont 86,6 % pour la branche maladie et 13,4 % au titre du soutien a paiement de la charge de leur dette par les hôpitaux.

Concernant l’exercice clos, le décret n° 2023-12 du 11 janvier 2023 a prévu sept versements d’un total de 27,23 milliards d’euros, dont :

– 22,5 milliards d’euros pour les déficits de la branche maladie ;

– 1,7 milliard d’euros pour ceux de la branche vieillesse ;

– 3 milliards d’euros pour les emprunts des hôpitaux.

Le décret n° 2024-176 du 6 mars 2024 a opéré une régularisation minorant de 0,95 milliard d’euros les abondements de la CNAM pour majorer d’autant ceux de la CNAV (ce que masque le tableau supra, lequel additionne les deux branches).

Ainsi, avec 20 milliards d’euros repris en 2020, puis 40 milliards d’euros repris en 2021 comme en 2022 et enfin 27,2 millions d’euros repris en 2023, la reprise des déficits du RG est proche du point de saturation : le décret du 6 mars 2024 précité a prévu un transfert de 8,77 milliards d’euros au profit de la branche maladie, répartis en trois échéances de 2,19 puis 4,98 et 1,59 milliards d’euros.

La Cour des comptes soulignait déjà il y a un an qu’une solution devra être trouvée pour les déficits enregistrés depuis 2020 par la CNRACL et pour les futurs passifs qui, sinon, pèseront sur la trésorerie de l’ACOSS.

● Pour la seule année 2023, l’annexe 7 du PLACSS et le rapport d’activité de la CADES indiquent que cette dernière a payé des intérêts de 2,75 milliards d’euros (contre 1,25 milliard d’euros en 2022), avec le programme suivant :

– six émissions à moyen et long termes, toutes sous format social ([4]), pour un taux moyen de 3,1 %, ayant permis de lever 22,2 milliards d’euros (contre 38,1 milliards d’euros en 2022), empruntés à 54,1 % sur le marché de l’euro et pour le surplus sur celui du dollar (contre une campagne de 2022 qui comprenait également des opérations libellées en couronne suédoise et en renminbi pour 0,62 milliard d’euros) ;

– 125 émissions à court terme, pour un taux moyen de 3,52 % (flux), ayant permis de lever 24 milliards d’euros, avec un encours de 8,4 milliards d’euros au 31 décembre (contre 1,65 milliard d’euros un an auparavant), au taux moyen de 3,93 % (stock), contre 1,24 % à la fin de 2022.

Emprunts de rÉfÉrence clÔturÉs par la CADES en 2023

 

Montant

Marché

Livre d’ordres *

Maturité

Taux

Social bonds

10 janvier

5,0 Md€

Euro

31 Md€ (300)

2028

3,053 %

65 %

18 janvier

3,7 Md€

Dollar

4 Md€ (150)

2026

4,700 %

49 %

21 février

4,0 Md€

Euro

25 Md€ (240)

2030

3,173 %

58 %

16 mai

2,8 Md€

Dollar

4,5 Md€ (88)

2028

3,750 %

37 %

21 juin

3,0 Md€

Euro

11 Md€ (160)

2031

3,106 %

53 %

12 septembre

3,7 Md€

Dollar

11 Md€ (140)

2026

4,875 %

61 %

(*) : figure entre parenthèses le nombre d’investisseurs.

Source : commission des finances d’après le rapport d’activité de la CADES pour 2023.

Ainsi, depuis sa création, les déficits repris par la CADES atteindraient 387,7 milliards d’euros, parmi lesquels 242,6 milliards d’euros ont été apurés, tandis que 145,2 milliards d’euros restent au passif de son bilan.

Évolution du cumul de la dette reprise par la CADES de 1996 À 2023

(en milliards d’euros courants)

Source : annexe 1 du PLACSS pour 2023 – REPSS sur le financement (lire 145,2 en bleu et 246,2 en bleu pour 2023).

Compte tenu des projections de ressources qu’elle établit – pour 2023 : 8,85 milliards d’euros de CRDS et 10,11 milliards d’euros de CSG d’une part et un versement de 2,1 milliards d’euros par le FRR ([5]) – et des perspectives sur les marchés, la caisse estime, sauf dans l’hypothèse, naturellement, où de nouveaux passifs lui seraient transférés – impliquant une révision organique – qu’elle serait en mesure d’éteindre sa dette en 2032 (scénario médian d’une probabilité de 90 %), ou en 2031 ou 2033 (probabilité respective de 5 %).

Le rapporteur sera attentif aux conclusions de la mission d’évaluation et de contrôle (MECSS) de la commission des affaires sociales sur la dette sociale, attendues d’ici à l’été 2024.

Les deux premiers graphiques ci-après concernent le flux des opérations réalisées en 2023 ; les trois suivants concernent le stock.

Distribution des titres de la CADES sur le marchÉ primaire
par type d’investisseurs (haut) et par zone gÉographique (bas) en 2023

(en pourcentage)

Source : rapport d’activité de la CADES pour 2023.

Encours des Émissions À court terme de la CADES de 1996 À 2023

(en millions d’euros)

Source : rapport d’activité de la CADES pour 2023.

RÉpartition (haut) et ÉchÉancier (bas) de l’encours de dette
À moyen et long termes de la CADES Au 31 dÉcembre 2023

(en millions d’euros)

Source : rapport d’activité de la CADES pour 2023.

C.   Le bilan des rÉgimes et de leurs satellites

Les comptes nationaux notifiés le 26 mars 2024 à EUROSTAT par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) font état d’une dette des ASSO, au sens du traité de Maastricht, de 263,7 milliards d’euros à la fin de 2023, contre 270,8 milliards d’euros pour l’exercice précédent.

● Sur le champ plus restreint de la LFSS, c’est-à-dire celui des ROBSS et des organismes concourant à leur financement, affectataires de recettes de leur part ou chargés de constituer des réserves à leur profit, l’annexe A du PLACSS fait état d’un actif et d’un passif de 177,2 milliards d’euros au 31 décembre 2023, contre 171,3 milliards d’euros il y a un an et 179,2 milliards d’euros il y a deux ans.

Situation patrimoniale simplifiÉe de la sÉcuritÉ sociale en 2023

(en milliards d’euros)

Actif

Passif

Immobilisations

7,30

Fonds propres

 99,18

s. o.

dont réserves des ROBSS

8,89

dont investissements du FRR

13,64

dont report à nouveau

 149,38

Provisions pour risques et charges

17,23

Actif financier

60,60

Passif financier

174,02

dont val. mobilières et placements

38,17

dont titres de l’ACOSS

13,79

dont encours bancaire

20,26

dont titres de la CADES

150,90

dont créances financières

2,16

dont dettes bancaires

5,57

Actif circulant

109,31

Passif circulant

78,14

dont créances de prestations

9,24

dont dettes en prestations

42,38

dont créances de cotisations et ITN

9,62

dont charges à payer en cotisations

4,95

dont produits à recevoir

64,63

dont dettes envers des pers. pub.

19,88

dont créances sur des pers. pub.

17,75

dont autres passifs

10,94

Total de l’actif

177,22

Total du passif

177,22

Note : les items précédés du pronom « dont » correspondent aux exemples les plus significatifs d’une catégorie, non à tous les sous-totaux d’un agrégat intermédiaire entrant dans le bilan.

Source : annexe A du PLACSS pour 2023 ; rapport de la CCSS

La notion de dette appelle des précisions dès lors qu’elle est lue sous l’angle de sa place dans la situation patrimoniale des organismes sociaux.

Entendu, ainsi que l’est celui de l’État, comme le cumul des déficits non remboursés (passifs nets), l’endettement budgétaire de la sécurité sociale est de 92,2 milliards d’euros à la fin de 2023, soit une amélioration de 7 milliards d’euros en un an, grâce au recul des déficits et à la performance de la CADES et du FRR.

Une fois pris en compte non seulement ces fonds propres négatifs mais aussi les obligations auprès des marchés et des établissements de crédits (174 milliards d’euros), minorées des placements et de la trésorerie (60,6 milliards d’euros), l’endettement financier net de la sécurité sociale passe de 122,7 milliards d’euros en 2022 à 113,4 milliards d’euros en 2023 (174 milliards d’euros dûs mais 60,6 milliards d’euros d’actifs). La différence entre les actifs et les passifs de marché s’est creusée de 7,3 milliards d’euros pour la CADES et s’est améliorée de 14,7 milliards d’euros pour le régime général.

● Introduit par le II de l’article 22 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, l’article 47-2 de la Constitution dispose que « la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement ; elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle […] de l’application des lois de financement de la sécurité sociale […] ; les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères ; ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».

Conformément au 4° de l’article L.O. 111-4-6 du code de la sécurité sociale et à l’article L.O. 132-2-1 du code des juridictions financières, la Cour des comptes a établi un rapport sur les vérifications qu’elle a effectuées concernant les dix jeux de comptes composant les états financiers afférents au PLACSS, à savoir ceux de l’activité de recouvrement, celui de chacune des branches et celui des organismes qui les gèrent : l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) – ou depuis janvier 2021, la caisse nationale des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) – et les caisses nationales d’assurance maladie (CNAM), d’assurance vieillesse (CNAV), de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et des allocations familiales (CNAF).

Une telle combinaison, qui d’une part ne retraite pas les nombreux transferts entre les branches ou les organismes et d’autre part retrace des opérations dépassant le cadre de la LFSS – par exemple à raison de l’encaissement de produits ou de la prestation de services pour le compte de l’État, des collectivités territoriales ou de régimes tiers aux ROBSS –, explique que la Cour se prononce sur des sommes à la fois plus élevées que celles présentées supra et déséquilibrées, avec des recettes de 695,5 milliards d’euros et des dépenses de 567,5 milliards d’euros, au sein desquelles le régime général pèse 72,6 % et 90,8 % (contre 664,8 milliards d’euros et 556,2 milliards d’euros au titre de la certification pour 2022).

RÉpartition des produits faisant l’objet de la certification en 2023

(en milliards d’euros et en pourcentage)

Note : AA correspond à l’AGIRC-ARRCO ; AOM correspond aux autorités organisatrices de la mobilité ; FC correspond à France compétences.

Source : Cour des comptes.

En revanche, après avoir prononcé à l’encontre de cette branche un « refus » pour 2022, la Cour « constate qu’il ne lui est pas possible d’exprimer une position sur les comptes de la branche famille [et] de la CNAF » pour 2023 car :

– « du fait de son déploiement [uniquement] à compter du second semestre de 2023, le plan d’action partagé par l’ordonnateur et le directeur comptable et financier, destiné à garantir le paiement à bon droit des prestations n’apporte pas encore d’assurance raisonnable sur la maîtrise des risques affectant les opérations que les caisses réalisent » ;

– « en dépit […] de la progression de la performance des contrôles, la capacité de détection des erreurs par le réseau demeure très inférieure au risque induit par l’insuffisante fiabilité des données déclarées par les allocataires » ;

–  dans les vingt-quatre mois suivant le versement des prestations, il y aurait « 5,5 milliards d’euros d’indus et de rappels qui ne seront jamais détectés » et, dans le délai de neuf mois, plus d’un quart des montants versés au titre de la prime d’activité demeurerait affecté d’erreurs non corrigées, le ratio étant respectivement d’un cinquième pour le revenu de solidarité active (RSA) et d’un huitième pour les aides personnalisées au logement (APL) ;

– « un contrôle sur place approfondi d’un échantillon représentatif de l’ordre de 6 000 dossiers d’allocataires, dont les résultats sont extrapolés sur le plan statistique » permet d’estimer que « la fraude représente en valeur centrale 4,9 % des prestations légales versées, soit 3,9 milliards d’euros », ce qui, par rapport à 2021, constitue une hausse de l’ordre de 39 % (elle était alors estimée à 2,8 milliards d’euros) ;

– « la gouvernance en matière de sécurité du système d’information présente des fragilités ; les exigences réglementaires applicables en la matière ne sont que partiellement mises en œuvre ».

Charges lÉgales et extralÉgales de la branche famille en 2023

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances d’après le RALFSS de la Cour des comptes.

En revanche, la Cour des comptes a certifié les comptes de quatre des cinq branches de prestations, ceux de l’activité de recouvrement et ceux de cinq des organismes nationaux, formulant quarante-neuf observations : six « anomalies comptables significatives » et quarante-trois « insuffisances d’éléments probants » (contre cinquante-quatre observations pour les deux exercices précédents).

● Les états du FRR ont été certifiés sans réserve et ceux de la CADES avec une réserve (sur la CSG et la CRDS) par leur commissaire au compte respectif.

● L’examen concomitant, par la commission des finances, du PLACSS de l’année 2023 (pour avis) et du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (au fond), donne l’occasion de s’intéresser à la créance de l’État vis-à-vis des régimes dans le champ de la LFSS.

Après avoir atteint un point haut de 2,88 milliards en 2021, les versements du budget général au profit des ROBSS dépassent le montant des compensations, passant de 13 millions d’euros à 155 millions d’euros entre 2022 et 2023, soit :

– un transfert de 52,8 milliards d’euros de crédits et un coût réel de seulement 52,7 milliards d’euros ;

– le solde entre une créance de l’État d’environ 429 millions d’euros au titre des exonérations de cotisations et contributions (pour leur part n’étant pas neutralisée par l’affectation de recettes fiscales) et une dette d’environ 584 millions d’euros à raison des prestations que les ROBSS servent pour le compte de l’État.

Demeurent créditrices les missions Plan d’urgence face à la crise sanitaire (340 millions d’euros), Cohésion des territoires (245 millions d’euros), Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (152 millions d’euros), Outre-mer (107 millions d’euros) et Solidarité, insertion et égalité des chances (105 millions d’euros) ; la mission Travail et emploi est débitrice (44 millions d’euros).

Évolution du solde de l’État vis-à-vis de la sécurité sociale de 2004 À 2022

(en millions d’euros)

Note : les chiffres négatifs et en rouge correspondent à une créance de l’État vis-à-vis des ROBSS.

Source : commission des finances d’après l’exposé général des motifs du PLR pour 2023.

D.   Les recettes

Quatre documents éclairent le Parlement dans l’évaluation des recettes des ROBSS : le REPSS sur le financement, l’annexe 2 du PLACSS, le RALFSS et le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS).

La Cour des comptes note que la hausse de ces recettes de 27,5 milliards d’euros (4,8 %) en 2023 par rapport à 2022 et de 5,1 milliards d’euros (0,9 %) par rapport à la prévision a surtout reposé sur la croissance de la masse salariale pendant les trois premiers trimestres, mais que leur recul de 2,3 milliards d’euros (– 0,4 %) par rapport à la rectification de la LFSS pour 2024 a tenu au ralentissement de l’activité et de l’inflation à la fin de l’année.

1.   Un financement encore majoritairement assuré par les cotisations

Ainsi que le notait le rapporteur pour avis lors de l’examen du PLFSS pour 2024, « depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la sécurité sociale était majoritairement (à hauteur de plus de 90 % jusqu’en 1990) financée par des cotisations assises sur le facteur travail, suivant une logique d’inspiration mutualiste parfois qualifiée de bismarckienne ; les trente dernières années ont vu l’affectation croissante d’impositions de toutes natures (ITN) aux ASSO, avec la création de la contribution sociale généralisée (CSG) en 1991 et le transfert successif de prélèvements fiscaux comme la taxe sur les salaires (TS), divers droits d’accises, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), etc. ; cet état de fait traduit l’évolution tendancielle vers un système de protection sociale dit beveridgien, même si la nature des recettes des branches varie en fonction du caractère professionnel ou solidaire des risques qu’elles couvrent » ([6]).

En 2023, le montant respectif des cotisations et des impositions est de 344,2 et de 228,8 milliards d’euros, soit 57,4 % et 38,1 % des recettes (le reliquat correspondant à des transferts nets ou d’autres produits). Les cotisations ont crû de 4,3 % en un an ; contre 4,2 % pour les impositions. La progression est contrastée selon les impositions : 4,5 % pour la CSG assise sur les revenus d’activité, 4,8 % pour celle assise sur les revenus du patrimoine et 4,8 % pour celle assise sur les revenus de remplacement ; 3,8 % pour la taxe sur les salaires ; 4,3 % pour le forfait social ; 4,3 % pour la TVA. En revanche, malgré la réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2023 ([7]), le produit des droits sur les tabacs a reculé de 200 millions d’euros (– 1,4 %). Le produit des droits sur les boissons alcooliques et sucrées ou sucrées a baissé de 100 millions d’euros (– 2 %).

La CCSS rappelle que 65 % des recettes des ROBSS et du FSV reposent sur le facteur travail et estime que leur progression de 4,8 % de 2022 à 2023 se répartit entre 0,5 point pour l’effet des mesures nouvelles (2,7 milliards d’euros), 2,1 point pour le rendement de la masse salariale privée (11,3 milliards d’euros) et 2,3 point pour les autres assiettes – masse salariale publique, revenus du capital, TVA, etc. – (12,4 milliards d’euros).

Produits nets des ROBSS et du FSV par nature en 2022 et 2023

(en milliards d’euros ; en pourcentage)

 

2023

LFSS pour 2023

LACSS pour 2022

 

Prév.

Écart

Réal.

Écart

 

Val.

Vol.

Val.

Vol.

Cotisations sociales

291,09

290,2

0,89

0,3 %

278,97

12,12

4,3 %

Cotisations de l’État

6,86

5,9

0,96

16,3 %

6,90

0,37

 0,5 %

Cotis. d’équilibre de l’employeur

46,34

46,5

– 0,16

 0,3 %

44,56

1,78

4,0 %

Impositions de toutes natures

227,98

230,1

– 2,12

– 0,9 %

218,83

9,15

4,2 %

dont contrib. sociale généralisée

120,75

118,4

2,35

2,0 %

115,51

5,24

4,5 %

dont autres impôts affectés

107,24

111,7

 4,46

 4,0 %

103,32

3,92

3,8 %

Charges de non-recouvrement

 1,07

– 2,1

1,03

 49,0 %

– 1,24

– 0,18

– 14,1 %

Transferts nets

12,75

11,2

1,55

13,8 %

11,44

1,31

11,5 %

Autres produits nets

16,00

13,1

2,90

21,1 %

12,99

3,00

23,1 %

Total

599,96

594,9

5,1

0,9 %

572,45

27,5

4,8 %

Source : RALFSS de la Cour des comptes pour la prévision ; rapport de la CCSS pour l’exécution.

Le profil de financement varie selon les risques : la branche AT-MP est encore profondément marquée par une logique d’assurance, quand la cinquième branche, relative à l’autonomie, relève surtout de la solidarité nationale.

Structure des recettes brutes par branche des ROBSS en 2023

(en pourcentage)

Source : annexe 1 du PLACSS pour 2023 – REPSS sur le financement.

2.   La compensation des allègements par l’État

Il convient d’exposer brièvement les grands principes de la neutralité des relations entre l’État et la sécurité sociale avant d’aborder son schéma en 2023.

● L’article L. 131‑7 du code de la sécurité sociale prévoit que l’État attribue des recettes fiscales ou des crédits à la sécurité sociale afin de compenser :

– toute mesure de réduction ou d’exonération instituée à compter de l’entrée en vigueur de la loi dite Veil ([8]) ;

– toute mesure soit de réduction ou d’exonération de contributions, soit de réduction ou d’abattement d’assiette de cotisations ou contributions instituée à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004 ([9]) ;

– toute mesure de transferts de charges.

Conformément à l’article L.O. 111-3-16 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la réforme de 2022, seules les LFSS peuvent créer ou modifier des réductions ou exonérations de cotisations ou de contributions de sécurité sociale non-compensées aux ROBSS ou établies pour une durée égale ou supérieure à trois ans ([10]).

L’on distingue une compensation dite intégrale, prenant la forme de crédits du budget de l’État, et des affectations de recettes pour solde de tout compte.

 En ne retenant que les exonérations et réductions, c’est-à-dire les minorations de l’assiette ou du taux des prélèvements sociaux, les allègements généraux et ciblés hors covid-19 représentent 74,6 milliards d’euros en 2023 (contre 67,3 milliards d’euros en 2022 et 76,2 milliards d’euros prévus en 2024).

Ces mesures ciblées ont été compensées à hauteur de 96,6 %.

Elles ont porté :

– sur la branche maladie pour 39,3 milliards d’euros ;

– sur la branche vieillesse pour 19 milliards d’euros ;

– sur la branche famille pour 15,5 milliards d’euros ;

– sur la branche autonomie pour 0,4 milliard d’euros ;

– sur la branche AT-MP pour 0,2 milliard d’euros.

Si l’on ajoute les exemptions d’assiette ([11]), le total des « niches sociales » entrant dans le champ de la LFSS est de 88,7 milliards d’euros en 2023.

CoÛt DES ALLÈGEMENTS (ROBSS – hors FSV) en 2023

(en millions d’euros)

Allègements généraux et mesures de modulation des taux (1)

65 451

Part patronale des cotisations sur les bas salaires

26 878

Cotisations d’allocations familiales (salariés)

9 424

Cotisations d’allocations familiales (régimes spéciaux)

39

Cotisations d’assurance maladie (régimes des indépendants)

1 365

Cotisations d’allocations familiales (régimes des indépendants)

747

Cotisations d’assurance maladie (régimes spéciaux)

286

Part patronale des cotisations d’assurance maladie (salariés)

26 712

Exonérations compensées par des missions du budget de l’État ; hors covid-19 (2)

6 541

Travail et emploi

4 462

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

392

Outre-mer

1 261

Culture

30

Écologie, développement et mobilité durables

89

Médias, livre et industries culturelles

10

Recherche et enseignement supérieur

270

Santé

26

Sport, jeunesse et vie associative

1

Exonérations compensées par des missions du budget de l’État ; covid-19 (3)

146

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

106

Plan de relance

40

Total des compensations fiscales et budgétaires ; hors covid-19 = (1) + (2)

71 992

Total des compensations fiscales et budgétaires ; y. c. covid-19 ; (5) = (1) + (2) + (3)

72 138

Exonérations non compensées

2 563

Part salariale des heures supplémentaires

2 277

Stages en milieu professionnel

122

Contrats uniques d’insertion ou d’accompagnement dans l’emploi (secteur public)

108

Contrats de sécurisation professionnelle

56

Source : annexe 2 du PLACSS pour 2023 ; rapport de la CCSS.

● L’exercice clos a vu la minoration de la compensation versée à l’UNÉDIC par l’ACOSS au titre de la réduction dégressive la part de cotisations d’assurance chômage à la charge des employeurs sur les rémunérations inférieures à 1,6 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), via un moindre transfert de TVA de la part de l’État aux ROBSS puis de ces derniers à l’UNÉDIC à hauteur de 2 milliards d’euros ([12]).

La compensation pour l’AGIRC-ARRCO et la caisse de retraite du personnel de l’aéronautique civile (CRPNPAC) n’est pas concernée.

3.   Les transferts

Ainsi que le rappelle la CCSS, « les régimes de sécurité sociale échangent d’importantes masses financières entre eux et avec d’autres organismes ; ces transferts poursuivent différents objectifs : il peut s’agir de transférer le financement d’une prestation d’un organisme à un autre, de prendre en charge des cotisations de catégories particulières d’affiliés, d’assurer l’équilibre comptable de régimes intégrés ou d’apporter des ressources à des fonds de financements ».

En 2023, ces flux ont apporté 62,6 milliards d’euros de recettes aux ROBSS – provenant à raison de 62 % du FSV, de 33 % de l’État (prise en charge de cotisations, subventions d’équilibre versées aux régimes spéciaux de retraite déséquilibrés, etc.) et de 5 % de régimes complémentaires.

Dans le sens inverse, leurs versements ont représenté 51,2 milliards d’euros – répartis à raison de 47 % au profit de fonds pour des maladies spécifiques ou celui en faveur des victimes de l’amiante, 39 % à celui des départements ou d’autres partenaires des branches maladie et autonomie et 14 % à celui des régimes complémentaires.

III.   Les dÉpenses

En 2023, les cinq branches des ROBSS ont dépensé 610,7 milliards d’euros ([13]), soit 3,1 % de plus qu’en 2022 ou 1,5 % de plus que la prévision de la LFSS pour 2023 mais 0,03 % de moins que sa révision par la LFSS pour 2024.

Charges nettes des ROBSS et du FSV par branche en 2022 et 2023

(en milliards d’euros ; en pourcentage)

 

2023

LFSS pour 2023

LACSS pour 2022

 

Prév.

Écart

Réal.

Écart

 

Val.

Vol.

Val.

Vol.

Maladie

243,90

238,3

5,6

2,3 %

242,18

1,72

0,7 %

Accid. du travail et maladies pro.

15,41

14,8

0,6

4,1 %

14,46

0,95

6,6 %

Vieillesse

275,07

273,3

1,8

0,7 %

263,28

11,79

4,5 %

Famille

55,73

55,3

0,4

0,7 %

51,37

4,37

8,5 %

Autonomie

37,58

37,4

0,2

0,5 %

35,17

2,41

6,9 %

Régimes obligatoires de base

610,40

601,6

8,8

1,5 %

591,80

18,60

3,1 %

Fonds de solidarité vieillesse

19,28

19,3

=

=

18,06

1,35

7,0 %

ROBSS + FSV

610,73

601,9

8,8

1,5 %

592,11

18,62

3,1 %

Source : rapport de la Cour des comptes sur l’application des LFSS ; rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale pour la deuxième décimale concernant les recettes effectives pour 2023.

Les prestations légales atteignent 574,4 milliards d’euros en 2023, contre 556,4 milliards d’euros en 2022 et une 606,9 milliards d’euros prévus en 2024.

Leur progression de 3,6 % se répartit entre :

– 2,6 points d’évolution spontanée ;

– 1,6 point du fait des revalorisations ;

– 0,7 point pour les mesures nouvelles ;

– 1,2 point à la baisse avec le recul des soins liées au covid-19.

Charges nettes des ROBSS et du FSV par nature de 2022 À 2024 (p)

(en milliards d’euros ; en pourcentage)

Source : rapport de la CCSS.

Les dépenses des branches maladie (A) et vieillesse (C) représentent 85 % du total, voire 88,1 % avec celles du FSV. Les dépenses des branches AT-MP (B), famille (D) et autonomie (E) appellent un commentaire bref, mais croissent dans une proportion relativement plus importante (2,7 % pour l’agrégat des deux premières sans le FSV et 7,6 % pour celui des trois autres).

A.   Les dÉpenses de la branche maladie et de l’ONDAM

Dans son RALFSS, la Cour des comptes estime que « la branche maladie est seule responsable de l’aggravation de 4 milliards d’euros par rapport à la prévision initiale » de solde pour 2023 et y voit une « absence de maîtrise ».

Il convient d’aborder ces charges de manière globale (1) puis en insistant sur celles comprises dans l’ONDAM (2), étant rappelé que ce dernier agrégat inclut aussi des prestations, rémunérations ou investissements d’autres branches.

1.   Les dépenses de la branche maladie

Les dépenses de la branche maladie ont atteint 243,9 milliards d’euros en 2023, soit 1,5 % de plus que la prévision de la LFSS initiale et 3,1 % de plus qu’au titre du PLACSS pour 2022.

Pour la Cour des comptes :

– « la réduction du déficit de la branche maladie par rapport à 2022 [de 21 à 11,1 milliards d’euros] est totalement imputable à l’extinction des dépenses liées à la crise sanitaire, passées de près de 12 milliards d’euros en 2022 à un peu plus de 1 milliard d’euros en 2023 ; une amélioration plus structurelle des soldes de la branche était aussi attendue mais elle ne s’est pas concrétisée, en raison de revalorisations salariales en cours d’année en faveur des personnels hospitaliers et médico-sociaux et de mesures de régulation trop limitées » ;

– « à ces médiocres résultats, s’ajouterait un déficit très important des hôpitaux publics, [lequel] atteindrait entre 1,7 et 1,9 milliard d’euros en 2023 », malgré la « rallonge exceptionnelle accordée en mars 2024 au titre de 2023 (0,5 milliard d’euros), dont 70 % pour les établissements de santé, 15 % pour les établissements privés non lucratifs et 15 % pour les cliniques ».

En-dehors de l’ONDAM, il est possible de noter que les dépenses d’indemnités journalières (IJ) pour la maternité et la paternité sont stables à hauteur de 4 milliards d’euros, ce qui tient :

– d’une part, au fait que la hausse observée en 2021 et 2022 après que le congé de paternité a été allongé de 14 à 28 jours ([14]) a été compensée par la chute de 6,6 % des naissances entre l’année close et la précédente ([15]) ;

– d’autre part, au transfert à la branche famille du coût des IJ servies aux mères après l’accouchement et aux parents après l’adoption ([16]), soit une baisse de 2,1 milliards d’euros, revenant à « laisser à la branche maladie la charge des IJ pour la période pré-natale du congé, centrée sur les risques de santé spécifiques à la grossesse, et d’attribuer à la CAF – qui assume depuis l’origine les IJ du congé paternité – celle afférente à la période post-natale du congé » ([17]).

2.   Les dépenses relevant de l’ONDAM

L’ONDAM retrace des prestations légales, dont l’essentiel des IJ, et les dotations aux établissements de santé et médico-sociaux (ESMS), couvrant ainsi des dépenses retracées dans les comptes des branches maladie, AT-MP et autonomie (cf. annexe 3 du PLACSS pour une décomposition exhaustive).

● Il comprend six sous-objectifs :

– celui des soins de ville, correspondant aux honoraires des professionnels libéraux, aux remboursements des produits de santé et aux IJ ;

– celui des établissements de santé ;

 ceux du financement des ESMS pour les personnes âgées et handicapées ;

– celui du fonds d’intervention régional (FIR) et de divers soutiens pour l’investissement, qui correspond d’une part aux enveloppes déléguées par les agences régionales de santé (ARS) en vue d’actions et d’expérimentations dans le domaine sanitaire et d’autre part au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS) et au plan d’aide à l’investissement (PAI) de la CNSA ;

– celui des autres prises en charge (dotations aux établissements accueillant des personnes faisant face à des difficultés spécifiques, dont l’addiction, soins des Français à l’étranger, etc.).

● L’ONDAM a été fixé à 244,1 milliards d’euros dans la LFSS pour 2023 ; il a été rectifié à 244,8 milliards d’euros dans la LFRSS pour 2023 ; il a connu une nouvelle révision à 247,6 milliards d’euros dans la LFSS pour 2024 ; il atteint finalement 247,8 milliards d’euros aux termes de l’article 2 du PLACSS.

Quoique versée en 2024, la « rallonge » de 0,5 milliard d’euros servie aux établissements hospitaliers est rattachée à l’ONDAM exécuté en 2023.

Les deux sous-objectifs des prestations servies en ville et dans les hôpitaux comptent pour 84,1 % de l’ONDAM arrêté en 2023.

RÉpartition de l’ONDAM hors covid-19 par sous-objectifs en 2023

(en milliards d’euros)

Source : RALFSS de la Cour des comptes pour 2023.

La hausse de 0,7 milliard d’euros relativement à 2022 (+ 0,3 %) résulte de deux mouvements inverses : un recul de 10,6 milliards d’euros (de 11,7 milliards d’euros à 1,1 milliard d’euros) des charges liées à l’épidémie de covid-19 ; une hausse de 11,4 milliards d’euros des dépenses pérennes (+ 4,8 %, soit exactement l’inflation, quand la LFSS pour 2023 n’envisageait que + 3,5 %).

Comparativement à la prévision de la LFSS pour 2023 et en excluant les dépenses afférentes au covid-19, le dépassement de 2,7 milliards d’euros (+ 1,5 %) s’explique pour plus de la moitié par la hausse de la rémunération des personnels effectuant des heures de garde la nuit et le week-end ([18]) et la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique ([19]).

Seuls 0,2 des 0,7 milliard d’euros mis en réserve ont été annulés ([20]).

Dans son RALFSS, la Cour des comptes souligne que « d’ici à 2027, l’ONDAM reviendrait à un rythme de progression de l’ordre de 3 % par an – qui suppose de vigoureuses mesures d’économies à court terme, accompagnées de réformes structurelles du système de santé –, supérieur à celui antérieur à la crise sanitaire », ce qui « ne permettrait pas de réduire le déficit de l’assurance maladie, qui serait l’ordre de 9 milliards d’euros par an jusqu’en 2027 ».

DÉcomposition de l’Évolution de l’ONDAM pour 2023
entre la prÉvision et l’exÉcution (haut) et Taux d’Évolution prÉvisionnel
et constatÉ de l’ONDAM de 2015 À 2027 (bas)

(en milliards d’euros et en pourcentage)

Source : RALFSS de la Cour des comptes pour 2023.

Le graphique ci-après permet de comparer le taux de croissance annuel moyen (TCAM) selon que sont intégrés ou non les effets de la crise sanitaire, du « Ségur de la santé », du choc inflationniste et de la hausse du point d’indice.

Taux d’Évolution prÉvisionnel et constatÉ de l’ONDAM de 2017 À 2023

(en milliards d’euros et en pourcentage)

Source : rapport de la CCSS.

B.   Les dÉpenses de la branche AT-MP

5,8 des 15,4 milliards d’euros dépensés en 2023 au tire des AT-MP tient aux prestations pour incapacité, soit une hausse de 4,3 %, répartie entre :

– 3,6 points de hausse à raison des revalorisations ;

– 0,9 point de baisse du fait de la celle de l’effectif des assurés concernés ;

– 1,5 point de hausse pour une mesure concernant les exploitants agricoles.

C.   Les dÉpenses de la branche vieillesse

En 2023, les pensions brutes des ROBSS se sont élevées à 269,7 milliards d’euros (+ 4,7 %), à hauteur de respectivement 244,4 et 25,1 milliards d’euros pour les droits propres et les droits dérivés.

S’agissant de ces premiers, leur hausse tient : 

– pour 29,2 % à la démographie (le ratio entre le nombre des cotisants et celui des retraités a atteint 1,4 pour le seul régime général) ;

– pour 12,5 % à l’effet de noria car, ainsi que le souligne la CCSS, d’une part, « les nouveaux retraités ont des pensions en moyenne plus élevées avec des carrières plus favorables sous l’effet notamment d’une participation plus élevée des femmes au marché du travail » et, d’autre part, « la réforme de 2023 aura pour effet d’augmenter la pension moyenne pour les retraités actuels (hausse des minima) et pour les retraités futurs en raison de l’allongement des carrières » ([21]) ;

– pour 58,3 % aux revalorisations.

Pensions lÉgales de retraite brutes des ROBSS de 2022 À 2024 (p)

(en millions d’euros et en pourcentage)