N° 459

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),

 

TOME II

 

ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

 

Diplomatie culturelle et d’influence – francophonie

PAR M. Frédéric PETIT

Député

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 324


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SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

I. Une contribution mesurÉe au redressement des finances publiques qui n’entrave pas l’efficacitÉ des rÉseaux de coopÉration culturelle

1. Un ajustement budgétaire contenu sur le programme 185

a. Les subventions à l’enseignement français à l’étranger

b. Les dotations de coopération culturelle, universitaire et scientifique

c. La consolidation des emplois du ministère

2. D’importants financements indissociables sur le programme 209

3. La capacité du réseau culturel à exercer un effet de levier budgétaire et à se moderniser sur la durée

II. La diplomatie culturelle dans des pays en guerre : surmonter les Épreuves et rÉinventer notre prÉsence pour prÉparer l’avenir

A. En Ukraine, une action culturelle de rÉsistance, fondatrice d’une nouvelle relation pÉrenne

1. Le renouveau de la coopération culturelle franco-ukrainienne

a. Le maintien des activités de l’Institut français en Ukraine : une exception remarquée

b. La sauvegarde du patrimoine muséal ukrainien

c. L’appui de la France à la réforme du système culturel ukrainien

2. Une relance sous fortes contraintes de la coopération éducative et linguistique

a. La résilience exemplaire du lycée français Anne de Kyiv

b. Des leviers de promotion du français en Ukraine

3. Une coopération universitaire initiée en réponse à la guerre

4. L’urgence de définir un cadre adapté pour les mobilités des experts et volontaires français

B. En Israël et dans les territoires palestiniens, opposer aux fauteurs de guerre une ingÉnierie de la rÉsolution des conflits

1. La coopération et l’action culturelles du consulat général de France à Jérusalem

a. Un dispositif dense illustrant le soutien de la France à la solution à deux États

i. Une action au cœur des enjeux de la guerre et de la paix

ii. Une relance de la coopération artistique en appui à la jeunesse palestinienne

iii. Une coopération économique et institutionnelle pour viabiliser le futur État palestinien

b. Une coopération éducative et universitaire à fort potentiel

i. Des écoles françaises identifiées comme des atouts pour la Palestine

ii. Des leviers importants pour consolider la francophonie en Palestine

iii. Une coopération universitaire d’excellence, malgré les obstacles

c. Faire vivre le patrimoine palestinien dans la guerre

2. La coopération et l’action culturelles de l’ambassade de France en Israël

a. Un institut français d’Israël aux côtés de la société civile pour conjurer les risques d’isolement

i. Des milieux culturels cibles du « boycott, désinvestissement, sanction »

ii. Une programmation à l’appui du camp de la paix

b. Des échanges universitaires et économiques qui peuvent être dynamisés

c. Une coopération éducative qui cherche à tirer meilleur parti du potentiel francophone en Israël

i. Les écoles françaises de Tel-Aviv : des liens à la France et une filière d’excellence en construction

ii. Les écoles chrétiennes : des relais de francophonie et de mixité sociale et religieuse

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Annexe : Liste des personnes auditionnÉes ou rencontrÉes par le rapporteur pour avis

 


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Introduction

En décembre 2021, en présentant la feuille de route de l’influence du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian paraphrasait Clausewitz pour affirmer avec une grande justesse que « l’influence est la continuation de la diplomatie par d’autres moyens ». Complémentaire de l’action des chancelleries, la diplomatie d’influence vise en effet à une présence active de la France dans le monde : elle mobilise à la fois de nombreux services et opérateurs de l’État, et plus largement de toute la sphère publique, mais aussi l’ensemble des sociétés civiles.

Coopérations partenariales dans les domaines de la culture, appui au développement de l’enseignement français à l’étranger, coopération éducative et promotion de la francophonie, attractivité de notre pays envers les mobilités étudiantes et les échanges scientifiques, soutien des organisations de défense des droits de l’Homme et des libertés, échanges d’expertise pour fonder de nouveaux partenariats mutuellement bénéfiques en matière économique, compatriotes installés à l’étranger souvent de longue date…tous ces enjeux sont désormais au cœur de l’action des ambassades et de leurs partenaires, avec l’appui de têtes de réseaux de plus en plus professionnalisées.

Loin de toute approche arrogante ou d’atavisme colonial, nos ambassades ont pour mission de repérer, susciter, appuyer tout ce qui, de par le monde, établit des liens avec notre pays, dans une authentique démarche de coopération diplomatique.

Après une décennie de délaissement, ces services et personnels diplomatiques ont bénéficié, de manière inédite, depuis plus de cinq ans, de dotations budgétaires en forte croissante. La contribution mesurée au redressement de nos comptes publics prévue par le projet de loi de finances pour 2025 va d’autant moins fragiliser cette dynamique que les services de notre diplomatie d’influence sont de mieux en mieux pilotés et de plus en plus agiles. La qualité de leur organisation et de leurs orientations stratégiques procure d’importants effets de leviers budgétaires.

L’action de nos services de coopération et d’action culturelle dans les pays en guerre, que le rapporteur pour avis examine cette année à partir des exemples de l’Ukraine, des Territoires palestiniens et d’Israël, atteste que cette diplomatie d’influence est plus que jamais un enjeu, moins que jamais la portion congrue de nos relations bilatérales, et surtout pas un simple « supplément d’âme » ornemental.

C’est précisément pendant les périodes qui fragilisent nos dispositifs et ceux de nos partenaires qu’il faut s’efforcer de conduire, ensemble, plus de projets communs pour mieux préparer l’avenir.

L’action de notre ambassade à Kyiv depuis février 2022 en fournit une illustration emblématique, de même que celle de nombreux opérateurs français culturels, éducatifs, universitaires et audiovisuels mobilisés en appui à l’Ukraine.

En Israël et Palestine, si la diplomatie gouvernementale est aujourd’hui entravée – en raison du durcissement de la relation au gouvernement israélien ou de la grande fragilité de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie – de nombreux canaux non strictement gouvernementaux peuvent être activés, qui sont une autre manière de traduire l’engagement de la France en faveur de la solution des deux États permettant aux deux peuples de vivre en paix et en sécurité.

À Jérusalem et en Palestine, les centres culturels français sont des points d’appui remarquables pour les artistes et entrepreneurs palestiniens, ainsi que pour les initiatives, nombreuses, d’organisations non gouvernementales qui associent des Palestiniens et des Israéliens à des projets d’intérêt commun dans une démarche de co-construction de la paix.

En Israël, nos instituts français sont des lieux de référence pour les pans de la société civile favorables à la paix et pour les créateurs et universitaires injustement frappés par les mouvements internationaux qui les ostracisent.

À l’ingénierie de conflit, notre diplomatie d’influence oppose une ingénierie de la résolution du conflit qui ne se réduit pas à des bons sentiments.

Les établissements de l’enseignement français à l’étranger en fournissent de remarquables exemples : le lycée français de Jérusalem, où les enseignants sont des franco israéliens alors que le comité de gestion est composé de parents palestiniens, ou encore le collège des Frères de Jaffa qui, pour obtenir l’homologation de l’éducation nationale française, a dû créer un comité de gestion des parents d’élèves qui rassemble des Arabes israéliens musulmans et chrétiens ainsi que des Israéliens juifs.

Dans les deux pays, la francophonie, ancienne et vivace, soutenue depuis quatre ans par le fonds des écoles d’Orient, offre des leviers majeurs de développement des coopérations éducatives et universitaires et doit permettre de multiplier les voies de dialogue.

Des canaux fragilisés par la guerre doivent être réactivés, comme les jumelages ou les mobilités des volontaires, enseignants, experts techniques territoriaux, qui souhaitent venir en appui des peuples malgré la guerre. Il en va de notre capacité à mener les coopérations économiques et institutionnelles qui viabiliseront le futur État palestinien. En Ukraine, la sécurisation juridique et financière de la présence de volontaires et d’experts français est indispensable pour que la place de la France dans les secteurs d’avenir ukrainiens soit à la hauteur de sa contribution à la reconstruction du pays.

 


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I.   Une contribution mesurÉe au redressement des finances publiques qui n’entrave pas l’efficacitÉ des rÉseaux de coopÉration culturelle

1.   Un ajustement budgétaire contenu sur le programme 185

La politique de coopération culturelle, scientifique et éducative du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) repose, en premier lieu, sur les crédits du programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence, de la mission Action extérieure de l’État, que le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 dote de 675,9 millions d’euros, contre 805,9 millions d’euros dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2024.

La comparaison doit tenir compte d’une mesure de périmètre : 84,8 millions d’euros de dépenses de rémunération des emplois ministériels, inscrits en 2024 sur l’action 6 du programme 185, sont transférés vers une action 3, nouvelle, du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde devenu le support de l’ensemble des crédits de titre 2 de la mission.

Il en résulte que les crédits du programme 185 présentent au PLF pour 2025 une baisse de 45,2 millions d’euros, soit - 6 % par rapport aux 721,1 millions d’euros de la LFI pour 2024 considérée à périmètre constant.

Évolution des CrÉdits du programme 185, rÉpartis par actions (en AE = CP)

Montants en millions d’euros

 

Exécution 2021

Exécution 2022

Exécution 2023

LFI 2024

PLF 2025

Évolutions
2024-2025

Évolutions
2021-2025

01 Appui au réseau

40,9

43

41,3

44,1

44,9

+ 0,8

+ 1,8 %

+ 4

+ 8,9 %

02 Coopération culturelle et promotion du français

68,5

69,4

70,8

86,3

75,6

- 10,7

- 12,4 %

+ 7,1

+ 9,4 %

03 Objectifs de développement durable

1,4

1,9

1,6

2,4

1,7

- 0,7

- 29,2 %

+ 0,3

+ 17, %

04 Enseignement supérieur et recherche

71,5

95,7

98,8

123

107,9

- 15,1

- 12,3 %

+ 36,4

33,7 %

05 Agence pour l’enseignement français à l’étranger

423,9

420,3

439,3

454,9

440,8

- 14,1

- 3,1 %

+ 16,9

+ 3,8 %

06 Dépenses de personnel

66,8

70,3

78,3

84,8

 

 

 

 

 

07 Diplomatie économique et développement du tourisme

33,6

48,9

10,3

10,4

5

- 5,4

- 51,9 %

- 28,6

- 572 %

TOTAL

(hors  action 06)

639,8

679,2

662,1

721,1

675,9

- 45,2

- 6,3 %

+ 36,1

+ 5,3 %

Source : Commission des affaires étrangères d’après les documents budgétaires.

Comme le montre le tableau précédent le total des crédits inscrits pour 2025 est, à périmètre constant, supérieur de 13,8 millions aux 662,1 millions d’euros consommés en 2023, soit une hausse de 2,1 % en deux ans.

Ces montants sont en outre supérieurs de 36,1 millions d’euros (+ 5,3 %) aux montants consommés en 2021 et, en neutralisant les effets de périmètre liés au transfert sortant des crédits du tourisme ([1]) qui ne figurent plus sur ce programme depuis 2023, la hausse de crédits entre 2021 et 2025 atteint même 66 millions d’euros, soit + 9,7 %.

En outre, l’étendue de l’effort budgétaire résultant du projet de budget pour 2025 exige d’examiner les montants de crédits effectivement consommés en 2024. Or, sous l’effet de mesures générales d’économies sur le budget de l’État décidées en cours d’année, la consommation effective des crédits, sera, cette année, très inférieure aux montants inscrits dans la loi de finances initiale. Lors de leur audition par le rapporteur pour avis, les représentants du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) ont indiqué que, hors crédits de titre 2 transférés sur le programme 105, la prévision d’exécution des crédits du programme 185, pourrait s’établir autour de 685 millions d’euros et donc être inférieure de 36 millions d’euros (- 5 %) aux montants inscrits par la LFI. Cela résulte d’une part d’une annulation de 27,2 millions d’euros opérée en début d’année ([2]) et, d’autre part, de mesures concomitantes de gels de crédits, pour 8 millions d’euros, dont il est peu probable que le MEAE obtienne le « dégel » d’ici la fin de l’année.

Le PLF pour 2025 a donc pour effet de réduire de 10 millions d’euros (- 1,45 %), les crédits effectivement disponibles en 2024 pour la diplomatie culturelle, cette baisse faisant suite à une hausse de 23 millions d’euros (+ 3,5 %) entre 2023 et 2024.

Ces dépenses recouvrent :

–  le fonctionnement et les crédits d’intervention des services de coopération et d’action culturelle (SCAC) des ambassades et de leurs instituts français constitués en établissements à autonomie financière (EAF), ainsi que des instituts français de recherche à l’étranger (IFRE) ou encore des subventions aux Alliances françaises ;

–  les subventions pour charges de service public des opérateurs culturels et éducatifs : l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), l’Institut français de Paris (IF) et Campus France ;

–  les financements des mobilités étudiantes et scientifiques aux moyens des bourses du gouvernement français et d’aides aux échanges d’expertise et scientifiques.

a.   Les subventions à l’enseignement français à l’étranger

65,2 % des crédits du programme 185 figurant sur l’action 5 sont alloués à l’AEFE, au titre de ses missions auprès d’un réseau scolarisant cette rentrée 399 000 élèves et composé de 600 établissements. Ce réseau comprend 68 établissements en gestion directe par l’agence (EGD), 159 établissements liés à elle par une convention et 373 établissements partenaires, totalement indépendants de l’agence au plan financier et en matière de gouvernance, qui comprennent aujourd’hui la majorité des effectifs d’élèves et qui en portent l’essentiel de la croissance en répondant, contrairement aux idées reçues, aux mêmes critères de qualité, sanctionnés par une homologation du ministère français de l’Éducation nationale.

La subvention de 440,8 millions d’euros inscrite au PLF pour 2025 est en baisse de 14,1 millions d’euros (- 3,1 %) par rapport à la LFI pour 2024. Les responsables de l’AEFE ont cependant indiqué au rapporteur pour avis que l’impact de cette baisse sur le budget interne de l’agence s’établit seulement à 11 millions d’euros (- 2,5 %) compte tenu de l’annulation, dès février 2024, de 3 millions d’euros de crédits de la dotation initiale.

Le rapporteur pour avis rappelle qu’en 2017 l’AEFE avait perçu une subvention de 355,8 millions d’euros : la subvention pour 2025 est supérieure de 88 millions d’euros soit + 25 %. Comme le montre le tableau suivant, la somme des dotations publiques pour l’enseignement français à l’étranger, au titre de la subvention à l’AEFE du programme 185 et de l’aide à la scolarité des élèves français sur le programme 151 Français à l’étranger et affaires consulaires s’élève à 554 millions d’euros au PLF 2025. Ces dotations avaient diminué continûment durant la décennie 2010 et ce mouvement s’est inversé depuis 2018.

Subventions publiques pour l’enseignement français à l’étranger

Montants en millions d’euros

Source : Commission des affaires étrangères, d’après les documents budgétaires.

La contribution attendue de la part de l’AEFE au redressement des finances publiques paraît donc raisonnable et susceptible d’être absorbée en gestion.

Dans une démarche de performance, l’AEFE peut gagner en agilité et réduire certaines de ses charges, en particulier au titre des EGD, qui accueillent moins de 20 % des élèves de l’ensemble du réseau mais qui concentrent une grande partie de l’attention de l’agence. Des postes d’enseignants détachés dans ces établissements ou dans les établissements conventionnés peuvent par exemple être transformés en emplois de droit local, en particulier en Europe où, selon les pays, les conditions de rémunération sont comparables voire meilleures qu’en France.

L’AEFE devra en tout état de cause procéder à de tels ajustements en raison d’un schéma d’emplois en baisse de 15 emplois temps plein, les plafonds d’emplois fixés par le PLF passant de 5 594 à 5 579 emplois. Rappelons qu’il y plus de 45 000 enseignants dans le réseau et que 90 % d’entre eux sont financés exclusivement par des ressources locales. Les enseignants détachés par l’AEFE, précieux par le lien d’excellence qu’ils permettent de maintenir avec le système français, ne représentent en effet qu’un peu plus de 10 % des effectifs. Les transformations d’emplois par l’agence permettront au demeurant d’atténuer l’effet, sur les charges, de la hausse du taux de pensions civiles à la charge de l’employeur, qui pourrait augmenter la masse salariale de 8,5 millions d’euros.

b.   Les dotations de coopération culturelle, universitaire et scientifique

Dans les domaines de la coopération culturelle, universitaire et scientifique, les différentes enveloppes, figurant sur les actions 1 à 4 du programme, sont en baisse de 25,7 millions d’euros soit - 10 % par rapport à la dernière loi de finances.

Crédits du programme 185 dans les domaines de la coopÉration et des mobilitÉs culturelles, universitaires et scientifiques

Montants en millions d’euros

 

Exécution 2023

LFI 2024

PLF 2025

Évolutions
2024-2025

Évolutions
2023-2025

01 Appui au réseau

41,3

44,1

44,9

+ 0,8

+ 1,8 %

+ 3,6

+ 8,7 %

02 Coopération culturelle et promotion du français

70,8

86,3

75,6

- 10,7

- 12,4 %

+ 4,8

+ 6,8 %

03 Objectifs de développement durable

1,6

2,4

1,7

- 0,7

- 29,2 %

+ 0,1

+ 6,2 %

04 Enseignement supérieur et recherche

98,8

123

107,9

- 15,1

- 12,3 %

+ 9,1

+ 9,2 %

TOTAL

212,5

255,8

230,1

- 25,7

- 10 %

+ 17,6

+ 8,3 %

Source : commission des affaires étrangères, d’après les documents budgétaires.

Cependant, compte tenu des niveaux de consommation des crédits en cours d’année 2024, la baisse effective sera très inférieure.

En outre les 230 millions d’euros inscrits pour 2025 sont supérieurs de 17,6 millions d’euros aux montants consommés en 2023, soit une hausse de + 8,3 % sur deux ans.

On observe en particulier :

– le maintien inchangé du total des dotations de fonctionnement des établissements à autonomie financière (EAF) à hauteur de 45,7 millions d’euros ([3]), afin de poursuivre le processus de convergence des cadres salariaux pour réduire les différences de traitement entre les agents de droit local (ADL) des instituts français et ceux des ambassades, et pour mettre en œuvre, au bénéfice de l’ensemble des ADL dans les pays où les régimes de protection sociale sont insuffisants, des dispositifs de couverture complémentaire santé et retraite. Le rapporteur pour avis rappelle que ces mesures contribuent à la qualité de la fonction d’employeur de droit local qui constitue, pour la France, un levier d’influence par l’exemplarité ;

– la sanctuarisation des montants pour bourses d’études dans l’enseignement supérieur, pour 70 millions d’euros ([4]) montant inchangé par rapport à la LFI pour 2024 et qui était en hausse de 6 millions d’euros par rapport à 2023. Sur ce total, 42 millions d’euros devraient être délégués aux postes diplomatiques, 28 millions d’euros finançant des programmes centraux de bourses. Ceci permet de fixer, dans les indicateurs de performance du programme, un objectif de programmation par le MEAE, en 2025, de 10 700 bourses comprenant une allocation, niveau qui devrait être stable par rapport à 2024 mais très supérieur aux années antérieures. Faute de nouvelle hausse des dotations, les coûts dits de « récurrence » résultant des bourses pluriannuelles attribuées les années précédentes limiteront les marges de manœuvre pour accroître les nouvelles attributions de bourses. En tout état de cause, au regard du caractère stratégique des bourses de mobilités universitaires et d’échanges scientifiques, le rapporteur pour avis recommande que les crédits inscrits au PLF 2025 soient préservés de tous redéploiements, gels ou annulations éventuels en cours d’exercice budgétaire ;

–  le maintien quasi inchangé de la subvention pour charges de service public de l’opérateur Campus France à 3,38 millions d’euros, contre 3,47 millions d’euros en baisse de 90 000 euros, assorti d’une hausse de 5 emplois, le plafond étant porté de 228 à 233 emplois ce qui doit permettre de faciliter le transfert progressif à l’opérateur de la gestion de plateforme Études en France ;

–   la baisse des crédits de programmation des services centraux, ramenés à un total de 42,5 millions d’euros ([5]), en forte baisse de 16 millions d’euros (- 27 %), notamment en raison de la non-reconduction des crédits non récurrents d’amorçage de projets d’universités Franco-pays, comme avec l’Inde en 2024 ;

–  la baisse des dotations pour opérations dans le réseau de coopération culturelle, ramenées à 16,8 millions d’euros ([6]), la réduction de 3 millions d’euros étant principalement portée par les IFRE dont les dotations avaient le plus augmenté en 2024 et qui retrouvent leurs niveaux de 2023. Ces centres de recherche relèvent également du CNRS et certains d’entre eux disposent de capacités importantes pour obtenir des cofinancements, notamment privés ;

–  la baisse de 1,7 million d’euros (- 6 %), à 26,5 millions d’euros, de la subvention pour charges de service public de l’Institut français, établissement public à caractère industriel et commercial, opérateur du programme chargé de la promotion de la culture française hors de nos frontières et qui appuie l’action des services culturels des ambassades ;

–  enfin l’ajustement des différentes dotations aux Alliances françaises figurant sur l’action 2, pour un total de 6,7 millions, en baisse de 0,8 million d’euros (- 10 %), complétés par une subvention inchangée de 0,6 million d’euros à la fondation des Alliances françaises ([7]) et 0,6 million d’euros de crédits pour coordonner et moderniser ce réseau.

c.   La consolidation des emplois du ministère

Comme déjà mentionné, les dépenses de rémunération des emplois ministériels liés au programme 185 sont transférées sur une action nouvelle du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde. Cette mesure de transfert permettra de simplifier les opérations de fin de gestion qui contraignaient jusqu’alors à des virements entre programmes selon la répartition effective, constatée en fin d’année, des quotités d’emplois sur les différentes catégories de postes et d’emplois. Cette mesure de regroupement qui concerne également les dépenses de personnels concourant au programme 151, Français à l’étranger et affaires consulaires et au programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement, de la mission Aide publique au développement, permettra de simplifier le suivi budgétaire et de gérer de façon plus dynamique les effectifs du ministère.

Le rapporteur pour avis a pu s’assurer que ce transfert ne masque aucune réduction des moyens humains du MEAE. Après une hausse de 12,2 millions d’euros, soit 16,8 % entre 2023 et 2024, les dépenses de masse salariale liées aux emplois ministériels de la diplomatie culturelle et d’influence vont continuer de croître, passant de 84,8 à 90,6 millions d’euros (+ 5,8 %).

Le plafond des emplois ministériels concourant au programme 185 passe de 800 à 818 emplois, ce qui recouvre les emplois de la direction générale de la mondialisation (DGM) en administration centrale et, concernant le réseau, les emplois du ministère dans les pays non éligibles à l’aide publique au développement. S’y ajoutent les emplois budgétaires des réseaux culturels et de coopération des pays éligibles à l’aide publique au développement, pour lesquels le PLF pour 2025 prévoit une hausse globale de 13 emplois.

Le « réarmement du réseau diplomatique » annoncé par le président de la République lors de la clôture des états généraux de la diplomatie en mars 2023 est donc bel et bien poursuivi, bien qu’à un rythme de progression deux fois moindre que celui présenté devant le Parlement l’an passé.

Enfin, concernant les personnels des EAF, qui ne relèvent pas des plafonds d’emplois ministériels, la loi de finances fixe, depuis 2009 ([8]), un plafond global des emplois de droit local assimilables à des contrats à durée indéterminée : l’article 49 du PLF pour 2025 établit ce plafond à 3 411 emplois, inchangé depuis 2020.

2.   D’importants financements indissociables sur le programme 209

Dans les pays éligibles à l’aide publique au développement, l’action des services de coopération et d’action culturelle des ambassades repose concomitamment sur les dotations et dispositifs financés par le programme 185 et sur des crédits d’intervention importants du programme 209, Solidarité envers les pays en voie de développement de la mission Aide publique au développement.

Ces instruments de coopération ont été profondément modifiés depuis deux ans. Pour les rendre plus lisibles par les partenaires de nos postes, les différents fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) ont été regroupés sous l’appellation de Fonds Équipe France (FEF), qui devient le principal outil pour les projets de coopération financés par le programme 209.

Un plan d’action ministériel 2024-2027 distingue les FEF classiques, finançant des projets jusqu’à un plafond d’un million d’euros sur deux ans, déclinés en FEF-Rapide (FEF-R) ou en FEF+ jusqu’à 2 millions d’euros, les FEF-Organisation de la société civile (FEF-OSC) ([9]) et les FEF-Création (FEF-C) ([10]) finançant des projets de douze mois jusqu’à un million d’euros, dont l’objectif est d’appuyer l’entrepreneuriat culturel.

La LFI 2024 avait élargi la liste des pays éligibles passée de 89 en 2021, à 94 en 2023 et 117 en 2024. Conformément aux décisions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 5 mai 2023, la priorité est cependant accordée aux 46 pays les moins avancés (PMA), liste au demeurant élargie par rapport aux 19 pays prioritaires définis par le CICID de 2018.

En 2024, les FEF financent 533 projets dont près de 300 validés en cours d’année, dont 229 FEF classiques, 239 FEF-R, 48 FEF-Création et 17 FEF+, couvrant toutes les thématiques sectorielles de la coopération culturelle et d’influence. Le PLF pour 2025 inscrit 135 millions d’euros pour tous les FEF.

Les ajustements budgétaires opérés, cette année, sur le programme 185, concernant les crédits centraux de programmation du ministère et les crédits pour opération des SCAC et des EAF appellent donc plus que jamais à bien examiner les complémentarités entre ces différents outils, pour éviter les doublons éventuels. C’est cette approche qui permettra de limiter la répercussion de la baisse de la subvention pour charges de service public de l’Institut français sur la disponibilité de ses financements attribués à de nouveaux projets. Il faudra réexaminer l’articulation entre les programmes financés par l’IF et les FEF-Création dont certains sont susceptibles de viser des objectifs proches. Il s’agira alors de concentrer les crédits sur les programmes à plus forte valeur ajoutée.

Enfin le rapporteur pour avis souligne que Campus France bénéficie sur le programme 209 de crédits pour des programmes de bourses spécifiques, reconduits depuis plusieurs années, à destination des étudiants et chercheurs des pays en guerre, sujet auquel il consacre la partie thématique de ce rapport :

–  le programme de bourses Français langue étrangère (FLE) Urgence FLE Ukraine, offrant des cours de français à des réfugiés ukrainiens se trouvant en France, en vue de la poursuite de leurs études dans un établissement d’enseignement supérieur français. 1,2 million d’euros y ont été consacrés en 2023 ;

–  le programme Élysée-Syrie destiné à des étudiants syriens résidant dans les pays limitrophes de la Syrie, bénéficiant de bourses linguistiques, puis de bourses d’études, pour poursuivre leur formation dans un établissement d’enseignement supérieur français. Les dotations de ce programme ont été consommées à hauteur de 500 000 euros en 2023, pour 84 boursiers ;

–  le programme « Pause » dispositif national d’accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil qui cofinance des établissements d’enseignement supérieur ou de recherche français permettant aux intéressés de poursuivre leurs travaux. Le programme est porté par le Collège de France qui a bénéficié, à ce titre, de 200 000 euros en 2023. Son maintien est d’autant plus intéressant qu’il peut mobiliser des financements européens du programme Safe ([11]) doté, entre 2024 et 2027, de 12 millions d’euros destinés à financer jusqu’à 60 bourses de recherche d’une durée de deux ans ainsi que les frais des institutions hôtes ;

–  le programme « Univ’R » résultant des engagements pris à Genève par la France en décembre 2021 dans le cadre de l’initiative « couloirs universitaires » issue du Pacte mondial pour les réfugiés ([12]) ; porté par l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) en collaboration avec l’Agence universitaire pour la francophonie (AUF). Ce programme permet à de jeunes étudiants, réfugiés dans un premier pays d’asile hors Union européenne (UE), de poursuivre des études supérieures en France au niveau Master, à l’image de programmes similaires de couloirs universitaires vers l’Italie, l’Allemagne, le Portugal et le Canada. Les bourses sont financées pour moitié par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, la dotation de 100 000 euros du MEAE couvrant les frais de visas et de voyage des lauréats. Entre 2022 et 2024, 40 étudiants de 14 nationalités différentes, provenant de 9 pays de premier asile ont pu effectuer un Master dans 18 établissements français dans l’ensemble de la France. Le troisième appel à participation est en cours jusqu’en décembre 2024.

Enfin, en 2024, le MEAE a créé une dotation supplémentaire de 500 000 euros pour des couloirs universitaires, directement mobilisable comme moyen de réponse rapide à des situations de crises touchant les étudiants et les chercheurs internationaux. Le PLF pour 2025 reconduit cette dotation.

3.   La capacité du réseau culturel à exercer un effet de levier budgétaire et à se moderniser sur la durée

Le dispositif de performance du programme 185 comporte un objectif 4 visant à Dynamiser les ressources externes qui permet de mesurer l’importance de l’autofinancement et des partenariats parmi les ressources des réseaux et des opérateurs de la diplomatie d’influence. En effet, leurs activités ne seraient tout simplement pas viables si elles reposaient exclusivement sur les montants de dotations budgétaires inscrits dans les lois de finances. De façon plus décisive encore selon l’appréciation du rapporteur pour avis, ces partenariats traduisent un effort réel de coopération diplomatique : la voix singulière de la France ne signifie plus « voix isolée », et encore moins « voix arrogante ». Cet effort est de plus en plus sensible sur le terrain.

En 2023, le réseau culturel et de coopération a ainsi mobilisé 141,8 millions d’euros de participations externes, c’est-à-dire de contributions financières à ses opérations (projets culturels ou de recherche, programmes de bourses). Ces montants sont plus de huit fois supérieurs aux 16,8 millions d’euros inscrits par le PLF pour 2025 sur le programme 185 au titre des dotations pour opérations des postes.

Dans les domaines de la diplomatie culturelle – comme dans de nombreux pans de l’action publique – la pertinence d’un projet se manifeste à sa capacité à obtenir des cofinancements.

L’importance des cofinancements indique que, loin des coûteuses postures unilatérales, la diplomatie du réseau culturel et scientifique consiste en une ingénierie des partenariats visant à mettre en relation les porteurs de projets et des co-financeurs, en particulier des pays d’intervention, susceptibles de devenir des partenaires, prescripteurs ou financeurs de projets ultérieurs.

La recherche de l’effet de levier budget aiguillonne la performance car elle valorise les modes d’organisation les plus cohérents à l’appui d’une stratégie claire. Par exemple, si l’Institut français se trouve aujourd’hui en mesure de copiloter, aux côtés de Business France, un programme ICC Immersion de 10,5 millions d’euros de soutien à l’export des entreprises françaises des industries culturelles et créatives (ICC), c’est parce que l’établissement avait préalablement engagé une réforme de ses structures et de ses modes de travail, permettant d’identifier un pôle dédié aux mobilités professionnelles, et d’avoir une approche transversale des enjeux des ICC.

Dans le domaine de la diplomatie patrimoniale, une recherche avisée de l’effet de levier a conduit au succès de l’initiative prise par la France, en 2017 de créer l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflits (ALIPH), sous la forme d’une fondation multilatérale de droit suisse. Ce partenariat public-privé réunit aujourd’hui, dans son conseil de fondation, huit États aux côtés de la France, dont des États du Golfe, la Chine et le Maroc, et trois grands donateurs privés. Les contributions de la France (deux versements consécutifs de 30 millions de dollars en 2017 et 2022) procurent un effet de levier de 2,5 avec près de 150 millions de dollars collectés, dont 115 engagés dans 450 projets de sauvegarde patrimoniale dans des pays en guerre et des zones stratégiques où il nous serait difficile de nous positionner seuls.

D’autres exemples du lien entre efficacité budgétaire et qualité de l’orientation stratégique sont fournis par les indicateurs relatifs aux ressources propres du dispositif de performance du programme 185.

Parmi les établissements d’enseignement français à l’étranger, outre les établissements partenaires, entièrement indépendants de l’AEFE au plan financier et en matière de gouvernance (voir supra), les établissements en gestion directe ou conventionnés avec l’AEFE présentent des taux de ressources propres élevés, issus des tarifs d’écolage acquittés par les parents des élèves. Ce taux de ressources propre est de 64,3 % en 2023 et le projet annuel de performance fixe des objectifs de hausse raisonnables, avec une cible de 65,63 % d’ici 2027.

On mesure ainsi que le bon fonctionnement des établissements d’enseignement français à l’étranger ne repose pas d’abord sur la hausse marginale des subventions ou déductions que l’AEFE serait en mesure de leur procurer, mais sur leur capacité à répondre aux attentes des familles dans l’environnement très concurrentiel des écoles internationales : lisibilité de l’offre éducative, formation des enseignants, continuité pédagogique, plurilinguisme, aides à l’orientation…

Comme le rapporteur pour avis l’a rappelé à plusieurs reprises et présenté de manière approfondie lors de l’examen par la commission des affaires étrangères du projet de contrat d’objectifs et de moyens de l’AEFE pour 2021-2023 ([13]) , ces enjeux exigent de l’agence qu’elle parachève la transformation de ses modes d’intervention en appui à l’ensemble du réseau des établissements homologués (EGD, conventionnés et partenaires) en plaçant au cœur de sa stratégie et de son organisation les missions d’animation, de contrôle de la qualité, de maintien de l’excellence et de mise à disposition d’outils de développement sur mesure.

De même, le fonctionnement du réseau de coopération culturelle, reposant sur les EAF des SCAC, est largement tributaire de leurs ressources propres d’activité, dont le tableau suivant présente les principales, pour un total prévisionnel de 158,2 millions d’euros en 2024, en hausse de 12,5 millions d’euros en un an (+ 8,5 %) ([14]).

Principales ressources propres d’activitÉs
des Établissements À autonomie financiÈre (EAF)

Montants en millions d’euros

 

Exécution 2023

Recettes prévisionnelles 2024

Prestations de services dont cours

57,7

66,1

Billets de manifestations vendus

1,7

2

Autres ventes

1,8

2,2

Locations, parrainage, sponsors

10,2

11,7

Dons et legs

1,4

1,7

Certifications et tests de langue

72,9

74,5

Total

145,7

158,2

Source : Commission des affaires étrangères, d’après les documents budgétaires

Loin d’être une simple variable exogène ou tributaire de la conjoncture, la typologie et les niveaux recettes sont fonction des stratégies engagées par les SCAC en fonction des enjeux et opportunités des pays d’intervention.

Ils relèvent également d’enjeux transversaux. Par exemple, les recettes de certification et de tests de connaissance du français sont étroitement liées aux activités de cours de langue des instituts français et aux missions de promotion et d’orientation vers les études en France de leurs espaces campus France. Mais elles sont aussi au cœur des activités et contribuent au large niveau d’autofinancement de France éducation international, établissement public relevant du ministère de l’éducation nationale et opérateur du programme 214 Soutien de la politique de l’éducation nationale de la mission Enseignement scolaire. Il en va de même pour les activités de reconnaissance des diplômes, elles aussi largement autofinancées, qui croisent les activités de FEI et celles de Campus France, opérateur du programme 185, avec des enjeux de cohérence dans l’allocation des moyens humains entre acteurs, de synergies et de lisibilité d’ensemble.

La démarche de certification PACA de l’Institut français : une perspective d’effet de levier accru confortant le processus de transformation de l’établissement

L’Institut français (IF) a identifié l’opportunité d’engager un processus de certification PACA (Pillar Assessed Contribution Agreements), une modalité croissante de mise en œuvre de projets de la Commission européenne. Cette gestion dite indirecte des fonds européens permet aux organisations certifiées de ne pas passer par les procédures concurrentielles habituelles. Des conventions de délégation de fonds leur permettent de gérer les crédits au nom de la Commission européenne mais selon leurs propres procédures et règles internes, orientant ainsi l’exécution de ces crédits et la mise en œuvre des actions financées. L’organisme délégataire n’a pas systématiquement à apporter de cofinancement, contrairement aux appels à proposition européens auxquels l’IF répond par ailleurs, et l’exécution des contrats PACA permet de percevoir des frais de gestion allant de 7 à 14 % qui s’ajoutent à la possibilité de financer des ressources humaines dédiées. Ces fonds permettent donc de générer des ressources propres et de couvrir une partie des frais de structure

Dans le champ culturel, le Goethe-Institut occupe aujourd’hui une position de quasi-monopole pour l’accès aux fonds européens, en raison de la certification qui lui a été accordée en octobre 2021 et qu’il est la seule véritable institution culturelle européenne à avoir. Cette situation prive, en l’état, l’IF d’un accès direct à des programmes pouvant représenter plusieurs millions d’euros, qu’ils soient destinés à être déployés sur le continent européen ou sur le continent africain. Il en va donc de la place de l’IF, et par-delà, de la France, dans l’écosystème européen de coopération culturelle.

Encouragé par son conseil d’administration du 15 mars 2024 à étudier les enjeux et modalités d’obtention de la certification PACA, l’IF a confié au cabinet Ernst&Young un audit qui a permis d’analyser l’état de préparation et d’avancement de l’opérateur par rapport à l’ensemble des attendus du référentiel PACA et a conduit à la rédaction d’une feuille de route listant les actions à mettre en œuvre pour obtenir cette certification.

Il en ressort que l’obtention de l’accréditation à échéance de 24 à 36 mois nécessiterait que l’IF renforce son pôle de contrôle interne, engage une refonte de l’architecture numérique et déploie une comptabilité analytique. Ces évolutions pourraient être opérées à moyens constants et permettre une accréditation pour le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union (2027-2034).

Il s’agit donc d’une dynamique vertueuse dans la droite ligne du processus de transformation de l’établissement, déjà engagé, notamment avec la formalisation des procédures internes, l’amélioration des modalités de fonctionnement des commissions d’attribution des subventions et la sécurisation des données. Le processus de certification peut donc servir de catalyseur et d’accélérateur pour poursuivre ces objectifs.

Le pilotage de qualité de l’IF par ses tutelles du MEAE et du ministère de la culture garantit en outre que, lorsque cette accréditation aura été obtenue, l’IF se positionnera sur des projets correspondant véritablement à ses missions et aux priorités politiques, sans entraîner de coûts qu’il ne saurait assumer.

Le caractère indissociable des enjeux budgétaires et des enjeux de la stratégie et du pilotage est au demeurant consacré par la loi ([15]) qui prévoit, concernant les opérateurs du MEAE qu’« une convention pluriannuelle conclue entre l’État, représenté par les ministres concernés, et chaque établissement public contribuant à l’action extérieure de la France, représenté par le président de son conseil d’administration, définit, au regard des stratégies fixées, les objectifs et les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ses missions ».

Cette contractualisation doit donc conduire le ministère à définir sur un horizon de plusieurs années les principaux moyens alloués aux volets de la politique de coopération et d’influence culturelles, dont la mise en œuvre revient à l’opérateur concerné, sous la forme de contrats d’objectifs et de moyens (COM) ou de contrats d’objectifs et de performances (COP).

Cependant, ces différents contrats sont conclus « au fil de l’eau », en fonction des échéances des contrats antérieurs, quand elles sont respectées, et ne font pas nécessairement référence à des enjeux communs ou des stratégies partagées, alors même que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a défini, depuis décembre 2021, une feuille de route de l’influence.

De nouveaux progrès en matière de pilotage et de transversalité pourraient résulter d’une mise en cohérence des différents contrats qui pourraient être négociés et conclus de façon synchrone et pour des durées harmonisées, par exemple de quatre ou cinq ans. La tutelle, ainsi que le Parlement, disposeraient d’une vision pluriannuelle de l’ensemble des objectifs stratégique que l’État assigne à ces opérateurs, et des moyens qui y sont associés. Les contrats pourraient être évalués durant la dernière année de leur application, sous le contrôle du Parlement, le cas échéant à l’occasion de l’examen d’un projet de loi de programmation de l’action extérieure de l’État qui définirait les objectifs et les moyens relatifs à la génération suivante de ces contrats.

Le rapporteur pour avis renouvelle donc la recommandation, déjà formulée l’an passé, d’adopter une approche transversale de l’élaboration et du suivi des COM et des COP, d’autant que plusieurs d’entre eux sont arrivés à échéance ou le seront prochainement.


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  1.   La diplomatie culturelle dans des pays en guerre : surmonter les Épreuves et rÉinventer notre prÉsence pour prÉparer l’avenir

A.   En Ukraine, une action culturelle de rÉsistance, fondatrice d’une nouvelle relation pÉrenne

Face à l’invasion russe, l’action de la France en Ukraine est d’abord politique, pour apporter, aux côtés de nos partenaires européens et alliés de l’OTAN, un soutien militaire et diplomatique dans la guerre, afin d’infliger une défaite à l’agresseur, de libérer les territoires occupés, d’obtenir des garanties pérennes de sécurité, puis d’avancer vers l’adhésion à l’Union européenne.

La stratégie française en matière d’aide économique et de reconstruction de l’Ukraine relève à la fois d’initiatives multilatérales en coordination avec les autres membres du G7, réunis au sein de la plateforme de coordination des donateurs créée le 12 décembre 2022, et de mesures bilatérales de soutien civil qui s’inscrivent dans la droite ligne de la mobilisation spontanée, dès le 24 février 2022, des collectivités territoriales, des entreprises et des organisations non gouvernementales (ONG) françaises pour apporter une réponse immédiate à la crise.

Alors que l’envoyé spécial du président de la République française Pierre Heilbronn et ses équipes ont pour mission d’accompagner la définition de cette stratégie, à court, moyen et long terme, le rapporteur pour avis a souhaité examiner dans quelle mesure le réseau de coopération et d’action culturelle du Quai d’Orsay y contribue et la façon dont son action depuis le début de la guerre prépare l’avenir de la présence française en Ukraine.

1.   Le renouveau de la coopération culturelle franco-ukrainienne

a.   Le maintien des activités de l’Institut français en Ukraine : une exception remarquée

D’emblée, un fait remarquable doit être souligné : la France a maintenu la présence de sa coopération culturelle en Ukraine, ce qui nous distingue de façon absolue de nos homologues qui, à la seule exception de la Pologne, ont tous fermé leurs instituts culturels. Les équipes allemandes de l’Institut Goethe Ukraine ont ainsi été délocalisées à Munich où leurs activités se bornent à offrir des cours d’allemand en ligne. Le British Council n’a jamais rouvert depuis sa fermeture début 2022 et l’Institut culturel italien, replié quelques mois à Lviv, a finalement fermé ses portes. Après la suspension de ses activités au début de l’invasion russe menaçant Kyiv, l’Institut français d’Ukraine (IFU) a rouvert dès le 1er septembre 2022.

Avant l’invasion de février 2022, le service de coopération et d’action culturelle (SCAC) de l’ambassade de France et l’IFU comptaient onze supports budgétaires d’expatriés et vingt-deux personnels ukrainiens de droit local.

Pendant près de deux ans, le conseiller de coopération et d’action culturelle (COCAC), directeur de l’IFU, y a exercé seul ses fonctions avec une équipe ukrainienne, ce que le rapporteur pour avis souhaite saluer tout particulièrement. Le SCAC compte désormais deux postes d’expatriés et treize agents de droit local et dispose d’un budget de près de 2,1 millions d’euros en 2024, dont 655 000 euros de dotation à l’IFU.

Le bâtiment qui abrite l’IFU ne dispose pas d’abri antiaérien dédié, donc aucune manifestation culturelle ni aucun débat d’idées ne peuvent s’y tenir. Cependant l’IFU a obtenu des autorités ukrainiennes de pouvoir y donner des cours de français en présentiel pour les étudiants majeurs.

Le maintien de l’activité de cours à l’Institut et dans des lieux partenaires est une réussite. Comme le détaille le tableau suivant, à la fin de l’année 2024, l’IFU aura dépassé de plusieurs centaines d’inscrits sa fréquentation d’avant la guerre.

ActivitÉs de certification et de cours de langue de l’Institut français d’Ukraine

 

2021

2023

Actés au 10/10/2024

Prévisions au 31 décembre 2024

Nombre d’inscrits aux cours

2 303

2 174

2 135

2 600

Certifications DELF-DALF

1 068

492

518

685

Source : Services de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France en Ukraine.

Cependant, cette dynamique ne se traduit pas encore pleinement dans les certifications et diplômes de langue française, nombre de centres linguistiques pourvoyeurs ayant dû fermer, à Zaporijjia et Rivne notamment, et le nombre d’élèves de cours de langue ayant baissé dans l’ensemble du système éducatif ukrainien, posant la question de la relance de la coopération éducative (voir infra).

L’IFU est en outre parvenu, au bénéfice de cofinancements notamment des banques françaises présentes en Ukraine, à proposer une offre culturelle dans deux secteurs d’excellence de notre pays et répondant à des demandes ukrainiennes récurrentes :

–  le cinéma français, qui occupait avant-guerre une place importante dans le paysage audiovisuel local. À titre d’exemple, le 21 septembre 2024, l’IFU a pu organiser la projection du film Le Comte de Monte-Cristo, diffusé en français et sous-titré en ukrainien, à destination de l’ensemble des partenaires de coopération du poste, de leurs familles, dont les communautés éducatives et universitaires, avec au total 650 participants, nécessitant une projection simultanée dans plusieurs salles de cinéma ;

– la musique baroque, domaine qui suscite un intérêt croissant des Ukrainiens car ils y voient les premières œuvres musicales proprement ukrainiennes. Les musiciens ukrainiens des XVIIe et XVIIIe siècles ayant fait leurs études musicales à Lviv, Cracovie, Varsovie, Dresde, Görlitz, Breslau ou Vilnius sont en effet considérés comme les fondateurs d’un esprit musical national, se distinguant à la fois des écoles occidentales dont ils se sont pourtant inspirés et surtout de la musique jouée à la cour de Saint-Pétersbourg ou dans les cours princières russes. Le poste a pu s’appuyer sur la formation de jeunes musiciens ukrainiens au centre de musique baroque de Versailles et à l’académie supérieure de musique de Strasbourg pour organiser, le 13 décembre 2023, un concert très remarqué à la cathédrale Sainte-Sophie de Kyiv, mêlant des œuvres ukrainiennes de Mykola Dyletskiy et Dmytro Touptalo et françaises de Jean-Baptiste Senaillé et Jean-Philippe Rameau. La coopération avec la France présente donc des perspectives de fort développement dans un domaine artistique important pour le sentiment national ukrainien.

Les activités de l’IFU, rendues plus visibles encore très récemment dans le métro et les rues de la capitale par les panneaux publicitaires de la campagne Kyiv ensemble les promouvant, sont donc désormais un marqueur de normalité pour les Ukrainiens et une des formes de la résistance de la société à la guerre et aux bombardements.

b.   La sauvegarde du patrimoine muséal ukrainien

Loin d’être exercée à bas bruits et « malgré la guerre », notre diplomatie culturelle en Ukraine est pensée en réponse à la guerre et dans le but de démultiplier les domaines de coopération.

L’action engagée dans le domaine du patrimoine est emblématique car elle répond à une priorité reconnue par tous et s’inscrit dans la durée. La France est le seul pays à avoir établi en la matière un partenariat bilatéral avec l’Ukraine, tout en obtenant un cofinancement multilatéral à plus de 94 %.

L’ambassade de France est en effet devenue le principal opérateur d’un plan de sauvegarde en Ukraine des collections des musées ukrainiens. À l’exception de quelques icônes dans les dépôts du Louvre à Lens et de quelques œuvres picturales en Pologne, les Ukrainiens ont souhaité que leurs principales collections soient protégées sur place, les déplacements d’œuvres étant considérés comme trop dangereux et n’apportant pas de solutions durables.

Le poste a pu obtenir près de 600 000 dollars de financements de la fondation ALIPH (voir supra), qu’il a complétés par des contributions ponctuelles et surtout par la rémunération d’un agent de droit local (ADL) à temps plein.

L’ambassade recueille les priorités des donneurs d’ordre ukrainiens (municipalités, administrations régionales ou ministère de la culture) et établit une sélection en fonction de l’état des musées, de la nature des collections, mais aussi de l’engagement des équipes de conservateurs, après avis d’experts locaux.

Elle établit les dossiers et les devis puis soumet ses demandes de financements à l’ALIPH qui exige l’établissement d’une convention spécifique pour chaque projet et prévoit de nombreux contrôles.

La France finance ainsi l’installation de systèmes anti incendie dans les réserves qui en étaient dépourvues, les travaux de déshumidification des sous-sols de musées qui ne constituaient pas des réserves et qui le sont devenues par nécessité, des achats de matériels pour mettre en sécurité des œuvres (armoires ignifuges, coffres d’acier, armoires protectrices de livres, tissus…) ou encore des équipements techniques pour la numérisation de collections…

Ces actions de l’IFU ont un écho important en Ukraine, chaque coopération faisant l’objet de l’attention des autorités politiques, qui inaugurent les projets.

À la demande des Ukrainiens, l’IFU organise enfin des programmes de formation en France des professionnels ukrainiens de la conservation et de la restauration d’œuvres d’art permettant, depuis juin 2023, d’organiser des séminaires de formation notamment dans les ateliers de l’Institut national du Patrimoine à Aubervilliers ou du Musée Fabre à Montpellier.

Les actions en Ukraine de la fondation ALIPH

Le 7 mars 2022, la fondation ALIPH a adopté son Plan d’action pour l’Ukraine, doté, à ce jour, d’une enveloppe de 5 millions de dollars de fonds propres, à laquelle se sont ajoutées les contributions de l’Union européenne (4 millions d’euros provenant de l’instrument de politique étrangère), de la fondation Gerry (1 million de dollars), du fonds des ambassadeurs des États-Unis pour la préservation culturelle (645 000 dollars pour la conservation des archives ukrainiennes) et de la principauté de Monaco (40 000 euros).

Entre mars 2022 et l’été 2024, ALIPH a engagé plus de 6,8 millions de dollars au soutien de plus de 445 organisations ukrainiennes, réparties dans plus de 130 localités, pour 225 projets dont 179 projets achevés à ce jour, avec comme axes d’intervention :

- le soutien aux institutions culturelles pour acquérir du matériel de stockage et d’emballage, des équipements de sécurité incendie, ainsi que des systèmes d’alimentation électriques, de contrôle du climat et des matériaux pour sécuriser les bâtiments, axe dans lequel s’est inscrite l’action de l’ambassade de France. S’y est ajoutée la création de quatorze refuges d’œuvres ;

– la création de quatre « ambulances du patrimoine » avec le centre national de recherche et de restauration d’Ukraine. Ces véhicules transportant du matériel de conservation d’urgence, permettent aux conservateurs et restaurateurs ukrainiens d’intervenir rapidement dans le pays pour évaluer, protéger et restaurer les œuvres d’art endommagées par la guerre ;

– la stabilisation de bâtiments historiques endommagés par la guerre à Kharkiv et Odessa ;

– la documentation 3D et la photogrammétrie de plus de 120 monuments à risque à travers le pays. Ces données permettront leur conservation future, si nécessaire ;

– le soutien direct à près de 500 professionnels de patrimoine.

Les initiatives de l’Institut français d’Ukraine consolident un partenariat initié avant-guerre entre le musée Khanenko de Kyiv et la France : tout comme l’IFU avait soutenu, en 2021, l’édition de son catalogue Art français de la collection Khanenko, le grand musée de Kyiv a pu organiser au Louvre, à l’été 2023, une exposition d’icônes parmi les plus emblématiques des collections nationales ukrainiennes, avec un succès considérable.

c.   L’appui de la France à la réforme du système culturel ukrainien

La présence et l’action de notre service de coopération et d’action culturelle à Kyiv sont d’autant plus précieuses qu’elles s’inscrivent dans un contexte de fort investissement des Ukrainiens dans la diplomatie culturelle comme levier de visibilité de l’Ukraine dans le monde.

Sur le modèle de l’Institut français de Paris (IF), le ministère des affaires étrangères d’Ukraine a ainsi créé, en 2018, l’Institut Ukrainien (IU), institution publique en charge de la diplomatie culturelle.

Au bénéfice d’une première dotation de 500 000 euros de la fondation américaine Open society foundation, l’IU a pu ouvrir, en 2023, ses premières antennes à l’étranger, une à Berlin et une à Paris. L’Institut ukrainien en France (IUF), de statut associatif, dirigé par le traducteur et éditeur Ivan Riabchi, a ainsi été inauguré en novembre 2023 au sein de la Gaîté Lyrique, établissement culturel de la Ville de Paris.

En mai 2024, à Kyiv, la présidente de l’IF et son homologue ukrainien Volodymyr Sheiko ont signé un accord de partenariat, dont des extraits figurent dans l’encadré ci-après.

La première attente des Ukrainiens est de faciliter les mobilités de leurs professionnels auprès des institutions culturelles françaises, afin de moderniser leurs modalités de travail et d’engager des réformes de fond de leurs organisations. Ces mobilités professionnelles sont même conçues comme un levier de « décolonisation culturelle ».

À cette fin, l’IF peut mobiliser, à l’appui des Ukrainiens, des crédits fléchés du ministère de la culture au titre des séjours « courants du monde » permettant l’accueil des curateurs et gestionnaires d’institutions culturelles (40 000 euros en 2022 et 30 000 euros en 2023). La Bibliothèque nationale de France contribue également à la formation de conservateurs ukrainiens du livre. En partenariat avec l’IU, la Ville de Paris contribue à des accueils en résidence à la Cité internationale des Arts à Paris et finance une partie des déplacements.

Par ailleurs, le partenariat franco-ukrainien prévoit que l’IF va appuyer les activités de l’IUF afin de promouvoir la culture ukrainienne en France. Si l’IF peut participer à des projets de l’IUF, il ne lui apporte pas directement de soutien financier en fonctionnement. Or il a été indiqué au rapporteur pour avis que, moins d’un an après l’inauguration de l’IUF, la pérennité de ses activités n’était pas assurée au-delà de mai 2025, faute de garantie de renouvellement de son mécénat initial. Le rapporteur pour avis appelle donc à une mobilisation des amis de l’Ukraine, en France et en Europe, pour que nouveaux mécénats permettent de pérenniser l’IUF.

Le rapporteur pour avis invite en outre l’Institut français et les grandes institutions culturelles françaises à examiner, dès aujourd’hui, les conditions dans lesquelles une Saison France Ukraine pourrait être organisée d’ici quelques années. Outre qu’une telle initiative constituerait une marque de confiance envers les Ukrainiens, fixer cet objectif ouvrirait sans nul doute dès maintenant à l’IUF des perspectives de nouveaux partenariats.

Extraits de la convention de partenariat entre l’Institut français et l’Institut ukrainien du 23 mai 2024

Ce partenariat vise à renforcer le lien entre l’Institut français (IF) et l’Institut ukrainien (IU) autour d’un socle de valeurs communes : l’engagement pour la diversité culturelle et le débat public, le soutien à la liberté d’expression, la solidarité entre acteurs de la coopération culturelle en Europe. Dans la continuité de l’ouverture du bureau de la représentation de l’IU en France, à Paris, à l’automne 2023, les signataires affirment leur volonté d’œuvrer communément à un rapprochement des scènes culturelles et intellectuelles des deux pays, dans le périmètre d’action qui leur est propre et sous l’autorité de leurs ministères de tutelle. Ils soulignent également leur souhait d’inscrire leur action dans une dynamique européenne, conformément à l’objectif poursuivi par les autorités des deux pays de favoriser à terme l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne.

Ils participeront, ce faisant, à l’effort de consolidation du secteur des industries culturelles et créatives en Ukraine et au redressement du pays suite aux conséquences de la guerre d’agression menée par la Russie.

Dans le contexte d’insécurité actuel sur le territoire ukrainien du fait des actions hostiles menées par la Russie, la collaboration entre les signataires porte essentiellement sur des projets susceptibles d’être menés en France ou en pays tiers. Ce point pourra être modifié par avenant en fonction de l’évolution de la situation.

Parmi l’ensemble des disciplines et thématiques culturelles, les signataires s’entendent pour accorder une priorité aux domaines suivants : les arts visuels notamment l’art contemporain et la photographie ; le livre et l’édition ; la musique ; les débats d’idées.

Les signataires s’entendent pour définir les modalités d’action suivantes :

– soutien aux activités de l’Institut ukrainien en France, notamment en établissant des contacts de travail avec des institutions françaises et des partenaires potentiels, en organisant conjointement des projets culturels en France, en soutenant la communication et en apportant d’autres formes d’assistance ;

– mise en place de courts séjours d’immersion et de formation pour des professionnels ukrainiens de la culture, par filière/secteur, en lien avec les opérateurs français. Ces séjours permettront aux participants d’établir des contacts directs avec des partenaires français, de visiter des lieux prescripteurs, d’initier des projets communs et de consolider les coopérations ;

– mise en place de séjours similaires de courte durée en Ukraine pour les professionnels français de la culture et les secteurs concernés en coopération avec les partenaires ukrainiens, si les conditions sécuritaires fixées par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères français le permettent.

L’IF pourra ponctuellement soutenir la réalisation de projets de l’IU à l’international à travers notamment des mises en relation avec ses partenaires professionnels en France et à l’étranger. En tant que de besoin, l’accord du ministère de l’Europe et des affaires étrangères pourra également être recherché pour la mobilisation de son réseau de coopération culturelle aux fins de soutenir ces projets de l’IU.

2.   Une relance sous fortes contraintes de la coopération éducative et linguistique

a.   La résilience exemplaire du lycée français Anne de Kyiv

Créé en 1994, le lycée français Anne de Kyiv, homologué par l’éducation nationale de la petite section à la terminale, est un établissement conventionné avec l’AEFE, qui comptait plus de 500 élèves avant la guerre, à 55 % ukrainiens, 25 % français et 20 % étrangers tiers.

Il fut, durant l’année scolaire 2022-2023, le seul établissement scolaire étranger à rester ouvert, les cours étant donnés en distanciel de mars à début juillet 2022, comme dans l’ensemble des établissements en Ukraine. En revanche, les écoles américaines et britanniques avaient fermé et l’école allemande avait fait le choix de rester ouverte mais sans plus aucuns enseignants allemands, ce qui a conduit les familles à la quitter.

À l’été 2022, les deux sites sur lesquels est réparti l’établissement ont été dotés chacun d’un abri antiaérien accessible à l’ensemble des élèves. Malgré la forte baisse des effectifs due au départ de familles expatriées et aux difficultés économiques en Ukraine, l’école a pu entièrement rouvrir à la rentrée de septembre 2022, la majeure partie des élèves suivant alors une scolarité en présentiel. À la rentrée 2024, l’établissement compte 164 élèves, soit 41 de plus que l’année précédente et 100 de plus qu’en septembre 2022.

Ce succès tient à des frais contenus, aux équipements en abris antiaériens suffisants pour permettre une scolarité entièrement présentielle alors que beaucoup d’établissements ukrainiens ne la garantissent que deux jours par semaine, et aux choix de l’équipe pédagogique de ne modifier qu’à la marge les rythmes scolaires, de conserver les projets pédagogiques et de poursuivre les manifestations emblématiques ponctuant l’année scolaire : spectacles, journées sportives, fête de fin d’année, remise des diplômes par l’ambassadeur…

Le rapporteur pour avis souligne que la réouverture de l’établissement en septembre 2022 s’est faite malgré les fortes réticences de l’AEFE et à la demande du COCAC qui relayait les demandes des familles ukrainiennes, demandes qu’il fallait d’autant plus entendre que le lycée français Anne de Kyiv était bel et bien géré par les familles et non par l’AEFE. En outre, le COCAC mesurait bien l’enjeu d’image de la France et d’influence en Ukraine.

L’AEFE a cependant pleinement joué son rôle d’appui à l’établissement en lui apportant des subventions d’équilibre requises par la forte baisse des recettes d’écolage (500 000 euros en 2022 et 700 000 euros en 2023). La bonne gestion de l’établissement par les parents gestionnaires a conduit à ne pas accorder de subvention d’équilibre en 2024 mais le SCAC de l’ambassade de France a demandé, en septembre, un soutien exceptionnel pour rembourser des travaux de sécurité et d’extension de locaux réalisés au cours de l’été : le rapporteur pour avis se félicite que l’AEFE vienne d’accorder ce soutien pour 155 000 euros.

Le lycée compte désormais vingt-et-un enseignants, dont huit Français, sept Ukrainiens et six de nationalités tierces. Hormis le proviseur et un enseignant résident en histoire-géographie dont le poste a été créé en septembre 2024, tous les personnels sont de recrutement local, et, pour les Français, en situation de célibat géographique quels que soient leurs statuts ou fonctions. Le rapporteur pour avis salue leur engagement et souligne que l’établissement comptait quinze détachés de l’AEFE avant la guerre.

L’établissement prévoit une nouvelle hausse significative des effectifs à la rentrée 2025 qui nécessite des travaux pour ouvrir des classes supplémentaires dotées d’abris afin d’accueillir plus d’élèves de primaire. Cependant, sans un nouveau soutien budgétaire ponctuel de l’AEFE, ces travaux ne pourront pas être entrepris. Le rapporteur pour avis appelle à accorder cette aide, et souligne que l’accueil d’élèves supplémentaires devra permettre à l’établissement de retrouver plus rapidement une autonomie financière lui permettant de financer les travaux ultérieurs en constituant un fonds de roulement à cet effet.

Les autres établissements ukrainiens d’enseignement français

– L’école française internationale de Kyiv située à Irpin, près de Boutcha, compte 121 élèves contre 400 élèves en 2021. Établissement privé de droit ukrainien, il est un simple partenaire de l’AEFE et non un établissement conventionné : l’AEFE n’y détache donc aucun fonctionnaire. Il est cependant dirigé une Française établie en Ukraine et titulaire de l’éducation nationale, à qui l’ambassadeur a remis la Légion d’honneur en reconnaissance de ses efforts pour maintenir l’établissement ouvert depuis la guerre. L’école a le Label FranceEducation et son cycle primaire, comptant 51 élèves, est également homologuée.

– L’école française privée d’Odessa a disposé d’une homologation du cycle primaire jusqu’à début 2022 mais elle n’a pas été renouvelée. C’est aujourd’hui une école maternelle et primaire avec un enseignement de français renforcé mais sans aucun lien avec l’AEFE. Elle comptait 102 élèves en 2021 et seulement 12 à ce jour, en maternelle et primaire exclusivement. Le poste envisage de prendre en charge certains coûts d’enseignement par le CNED mais conditionne cette aide à l’obtention par la structure d’une licence d’enseignement par les autorités ukrainiennes, dont l’établissement ne dispose toujours pas.

b.   Des leviers de promotion du français en Ukraine

Après deux ans et demi de conflit, entre un quart et la moitié des enseignants de langues étrangères, selon les régions, qui exerçaient avant-guerre dans les établissements d’enseignement secondaires ou supérieurs ont quitté le pays ou été mobilisés. Les enseignants de français demeurés sur place exercent leur métier dans des conditions difficiles le plus souvent avec des volumes d’heures supplémentaires considérables pour remplacer les collègues absents.

Dans ce contexte, le SCAC de l’ambassade de France a pris l’initiative, en accord avec la partie ukrainienne, de consacrer des efforts importants pour donner aux enseignants de français une formation continue de qualité.

Compte tenu des obstacles à la mobilité vers un territoire en guerre d’experts et de formateurs français – interdictions dont le rapporteur pour avis examine plus loin les enjeux – le poste a engagé trois types d’actions permettant de dispenser des formations en dehors du territoire ukrainien ([16]) :

– pour la seconde année consécutive, l’ambassade a attribué à cent vingt enseignantes du secondaire et du supérieur des bourses de formation pour des séjours de trois semaines, l’été, au Cavilam (l’Alliance française de Vichy) ou à Nancy. Le poste a pris soin d’attribuer ces bourses à des enseignants issus de l’ensemble des régions d’Ukraine sans omettre les régions de l’Est ;

– le poste organise, au moins une fois par trimestre, des stages de formation linguistique en Pologne orientale, où les formateurs français peuvent se rendre sans difficulté. Le poste a ainsi loué un hôtel entier à Lublin où la formation est dispensée durant quatre jours par plusieurs formateurs du Cavilam. Le poste prend intégralement en charge les frais de séjour ainsi que les voyages en train de nuit entre Kyiv et Chelm puis entre Chelm et Lublin pour cent enseignantes par formation. À ce jour, 510 enseignantes ukrainiennes ont bénéficié du dispositif, dont chaque session d’une semaine représente, pour le poste, un coût moyen de 38 000 euros.

– enfin, en appui aux départements d’études françaises des universités ukrainiennes, notamment de l’Est du pays, le poste accorde quarante-cinq bourses par an pour permettre à des étudiantes de troisième ou quatrième année d’effectuer un stage linguistique d’un mois à Vichy.

Le rapporteur pour avis souligne que le poste a assumé seul l’ensemble des coûts de ces formations, le ministère ukrainien de l’éducation nationale n’ayant pas été en mesure d’apporter le cofinancement envisagé initialement. Au regard des difficultés logistiques considérables que présente l’organisation de ces formations, il tient à saluer de manière appuyée l’investissement des équipes de l’ambassade.

En outre, ces efforts notables ont permis au COCAC d’engager une dynamique favorable avec ses interlocuteurs du ministère ukrainien de l’éducation. Un arrangement administratif sur la promotion du français est en cours de finalisation, afin de constituer un réseau linguistique d’excellence, autour d’une quarantaine d’établissements scolaires ukrainiens auxquels le poste apportera un soutien financier. Le poste a ciblé des établissements disposant encore d’une masse critique d’élèves francophones et d’enseignants et qui s’engagent dans des démarches pédagogiques innovantes.

À cette fin, le poste bénéficie de l’appui de France éducation international (FEI) pour proposer l’extension, voire la généralisation du diplôme d’études en langue française (DELF) scolaire au sein du système éducatif ukrainien.

Le rapporteur pour avis souligne l’importance que revêtira une telle réforme tant la certification par le DELF, pour les élèves comme pour les enseignants, constitue une garantie de qualité et de modernité pédagogiques.

Ses constats lors d’un déplacement à Lviv le conduisent à recommander en outre d’obtenir de la partie ukrainienne qu’elle assouplisse les contraintes réglementaires qui y exigent un minimum de vingt-cinq élèves inscrits pour ouvrir une section d’enseignement de français langue étrangère.

3.   Une coopération universitaire initiée en réponse à la guerre

Si la coopération en matière culturelle, patrimoniale et linguistique a pu être conduite, depuis 2022, en réponse à des attentes des Ukrainiens et en s’appuyant sur des acquis préexistants, la mise en œuvre par le SCAC d’une politique de coopération universitaire a résulté tout entière des conséquences de la guerre.

En effet, jusqu’en 2022 il n’existait tout simplement aucune coopération universitaire structurante entre nos deux pays, c’est-à-dire des coopérations débouchant sur des diplômes conjoints, ou des doubles diplômes, sur des mobilités encadrées, des thèses en cotutelle, des écoles doctorales communes ou partagées ou s’appuyant sur des accords pluriannuels entre universités. En effet, les coopérations des grands établissements universitaires et des organismes de recherche français étaient toutes avec des établissements russes, notamment dans les collèges universitaires de Moscou ou de Saint Pétersbourg, ou dans les filières d’ingénieurs dans l’Oural et en Sibérie, et les mobilités franco-russes étaient largement subventionnées par des crédits centraux du MEAE ou du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est la mise à l’arrêt de ces relations franco-russes qui a rendu visible le potentiel universitaire ukrainien, alors même que l’Académie Mohyla de Kyiv, fondée en 1632, est une des plus anciennes universités d’Europe orientale.

Ce constat a conduit l’ambassade de France en Ukraine à consacrer le deuxième poste d’expatrié qui lui a été accordé, en février 2024, à une attachée de coopération universitaire et scientifique. Il lui revenait de créer de toutes pièces des coopérations universitaires en partant de presque rien.

Dans un contexte où les mobilités étudiantes et enseignantes de la France vers l’Ukraine sont particulièrement difficiles à mettre en œuvre, le poste diplomatique ne disposant pas de l’autorisation de procéder à l’accueil d’invités français – universitaires, experts, conférenciers –, le principal outil consiste à financer des mobilités vers la France, qui sont très souvent un préalable à la mise en place progressive de partenariats entre établissements.

Le poste a établi une feuille de route de la coopération universitaire et scientifique qui identifie des champs disciplinaires structurants et influents pour la France comme pour l’Ukraine dans une perspective de relations à moyen et long termes : l’agronomie, les sciences de l’ingénieur, l’architecture, les sciences humaines et sociales et notamment les sciences politiques.

Malgré les contraintes de la loi martiale qui interdit, sauf dérogation exceptionnelle, les sorties du territoire pour les hommes âgés de plus de 18 ans, et le contexte de guerre qui oriente les talents ukrainiens vers les efforts d’innovation et de production du secteur industrialo militaire, le poste a pu annoncer, dès la première année, des réalisations nombreuses.

Quarante-sept bourses de séjour scientifique de haut niveau (SSHN) ont été définies majoritairement dans les domaines des sciences de l’ingénieur, dont onze dans le programme Nadiya bénéficiant de cofinancements de la conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI), et vingt dans un programme Femmes en sciences qui permettra l’immersion de chercheuses ukrainiennes dans des programmes de recherche fondamentale et appliquée des universités de Bordeaux.

Le centre français de recherches en sciences sociales de Prague (CEFRES), Unité mixte de recherche - Institut français de recherche à l’étranger (UMIFRE) relevant du MEAE et du CNRS, a accueilli six chercheurs ukrainiens dans le cadre de séminaires qui se sont tenus dans des institutions en France. On compte en outre un SSHN à l’École nationale supérieure d’architecture de Saint Étienne dans les domaines de l’ingénierie et de la reconstruction et trois mobilités dans des écoles de journalisme.

Enfin le poste a pu attribuer, en 2024, treize nouvelles bourses d’études de niveaux licences ou Master et renouveler les deux bourses attribuées l’année précédente. Y figurent une bourse annuelle cofinancée par le comité Ukraine des conseillers du commerce extérieur (CCE), une bourse d’études d’un semestre issue d’une coopération entre l’Académie Mohyla et l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, ou encore des bourses dans les domaines des arts et du numérique à la Fémis, école nationale supérieure des métiers de l’image et du son, et à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris.

Cette dynamique a conduit à attribuer au poste, en 2024, sur le programme 185, une enveloppe pour bourses de 452 000 euros portée à 652 000 euros en cours d’année, ce qui atteste que, malgré les annulations et gels opérés durant l’exercice budgétaire, le ministère a pleinement pris en compte le caractère prioritaire de ces mobilités. On ne saurait en effet surestimer leur importance pour permettre une meilleure connaissance mutuelle de nos universités et, partant, de nos sociétés civiles.

Enfin, le rapporteur pour avis invite le MEAE et le CNRS à marquer l’importance de la relation franco-ukrainienne dans les domaines de la recherche en engageant sans tarder les travaux préparatoires à la création, à Kyiv, d’une UMIFRE.

Cette structure pourrait sans difficulté être accueillie par l’Institut français en Ukraine, dont les locaux ne sont pas entièrement occupés, et reposer sur un nombre réduit de postes permanents impulsant des programmes de recherche en accueillant en résidence des postdoctorants et chercheurs et en s’appuyant de façon plus large sur le réseau des UMIFRE compétents en Europe centrale, orientale et nordique et dans le Caucase.

Le rapporteur pour avis souligne que ce futur UMIFRE de Kiev ne devra pas être conçu uniquement comme une réponse à la question, toujours non réglée, de la reconfiguration du Centre d’études franco-russe (CEFR), qui a cessé toute activité à Moscou depuis la guerre et dont le contexte diplomatique rend improbable la réouverture à moyen ou long terme.

Il s’agirait au contraire de doter le réseau d’un UMIFRE supplémentaire, le vingt-sixième, apte à jouer pleinement, en Ukraine, un rôle de vecteur de la diplomatie scientifique française et de levier de mise en relation des établissements français et ukrainiens, fédérant les capacités de recherche en réponse aux bouleversements occasionnés par la guerre.

Pour les services du poste diplomatique avec lesquels, dans l’entier respect des libertés académiques, les chercheurs des UMIFRE peuvent être amenés à travailler, il s’agirait en outre d’un levier supplémentaire pour cerner les enjeux politiques et sociaux de l’Ukraine en reconstruction.

4.   L’urgence de définir un cadre adapté pour les mobilités des experts et volontaires français

Les services de l’ambassade de France en Ukraine ne comprennent aucuns volontaires internationaux en administration (VIA), leur cadre réglementaire d’emploi interdisant leur présence dans un territoire en zone de guerre.

Selon la cartographie matérialisant les zones à risque, établie par le Centre de crise et de soutien (CDCS) du MEAE pour nourrir le site des Conseils aux voyageurs, l’ensemble du territoire ukrainien figure en effet dans la zone rouge « formellement déconseillée ».

Ce zonage emporte, sauf exception, l’interdiction pour le MEAE d’organiser la venue d’agents de l’État non indispensables à la stricte continuité des activités. Les contraintes sont atténuées en zone orange « déconseillée sauf raison impérative », appliquée aujourd’hui à la plus grande partie des territoires d’Israël et de Cisjordanie (voir infra), Gaza et une bande frontalière d’Israël et du Liban étant en zone rouge.

En Ukraine comme en Israël et Palestine, l’interdiction d’envoyer des VIA tant en zone rouge qu’en zone orange pèse disproportionnellement sur les services de coopération et d’action culturelle qui y ont fortement recours, ce qui entrave la diplomatie culturelle dans des situations où elle paraît plus nécessaire que jamais.

Tant en Ukraine qu’en Israël et Palestine, les échanges du rapporteur pour avis avec les responsables de structures relevant du MEAE et avec des acteurs de la société civile ont révélé tout à la fois les contraintes du cadre réglementaire et la difficile lisibilité des décisions aux cas par cas permettant d’y déroger.

Par exemple, dans des centres de recherche français à Jérusalem, les mobilités de chercheurs sont tributaires de décisions, contingentes, des responsables des universités dont ils relèvent, le poste diplomatique étant par ailleurs sollicité pour des demandes d’intervention nombreuses, sans que des lignes de conduite claires soient toujours définies ([17]) .

Il en résulte que des agents publics les plus déterminés à coopérer dans ces pays en guerre ne peuvent le faire que sur leurs temps de congé ou en position de disponibilité pour convenance personnelle, ce qui est très insatisfaisant.

Pour l’Ukraine, l’enjeu est décuplé par les besoins de la reconstruction des infrastructures civiles, alors qu’un accord intergouvernemental franco-ukrainien signé le 7 juin 2024 a ouvert un mandat à l’AFD à cette fin et que la France vient de doter un fonds Ukraine de 200 millions d’euros, susceptible de créer un effet de levier par la contribution d’entreprises et de collectivités territoriales françaises.

Pour que ces financements soient bien utilisés et que la France occupe la plus large place possible dans les secteurs d’avenir ukrainiens, la présence en Ukraine d’experts et de volontaires qualifiés est évidemment indispensable.

En particulier, les autorités locales ukrainiennes qui sont le principal point d’entrée des bailleurs internationaux ne disposent pas aujourd’hui de ressources humaines d’encadrement et d’expertise suffisantes, exposant par exemple au risque que des projets soient financés moins en fonction des besoins du terrain que des tropismes des bailleurs. Il est donc nécessaire de mobiliser l’expertise de fonctionnaires territoriaux pour mener à bien des projets locaux, en matière de gouvernance publique et de développement urbain, par exemple en les positionnant comme experts techniques au sein des municipalités et régions ukrainiennes.

Or la France dispose d’un vivier considérable d’administrateurs et cadres territoriaux qui seraient volontaires pour se rendre en Ukraine ([18]) mais qui ne peuvent le faire en position d’activité de la fonction publique territoriale. Des dizaines d’experts territoriaux français sont donc contraints, pour pouvoir intervenir sur place, de créer une autoentreprise puis de devenir prestataires des bailleurs internationaux, au premier rang desquels figure la GIZ, l’agence fédérale allemande d’aide au développement…

Il importe donc de définir sans tarder un cadre commun à l’ensemble des agents publics et personnes relevant de missions de service public qui permettrait d’identifier les compétences justifiant le départ, en position d’activité, en zones rouge ou orange.

Le rapporteur pour avis souligne qu’il n’entend pas remettre en cause le principe de la cartographie des risques établie par le CDCS, mais qu’il appelle l’État à mieux organiser les mobilités d’intérêt public qui sont les plus utiles pour mener, en temps de guerre, des partenariats décisifs pour préparer « l’après ».

Les contraintes réglementaires actuelles paraissent motivées par les risques d’engager la responsabilité de l’État en cas de dommages pour ses agents en zone de risque. Dès lors, le rapporteur pour avis invite le Gouvernement à conduire une expertise afin de déterminer un mécanisme susceptible d’apporter des garanties de non objection aux mobilités en zones de guerre ou de crise, sur la base d’une analyse fine des risques et selon les conditions d’emploi.

À cet effet, l’expertise du CDCS pourrait sans doute être mobilisée puisqu’il entretient aujourd’hui déjà des échanges réguliers avec des organismes de la société civile - entreprises, médias, organismes professionnels, ONG- pour adapter ses recommandations aux spécificités de leurs missions et personnels. Le cas échéant, pourrait y être adossé un mécanisme assurantiel spécifique, se substituant à la responsabilité de l’État, à l’exemple de pratiques d’entreprises ou d’ONG.

Le rapporteur pour avis invite donc le Gouvernement à engager sans tarder ce chantier qui porte sur un enjeu central de la diplomatie des sociétés civiles.

B.   En Israël et dans les territoires palestiniens, opposer aux fauteurs de guerre une ingÉnierie de la rÉsolution des conflits

1.   La coopération et l’action culturelles du consulat général de France à Jérusalem

Les missions du consulat général de France à Jérusalem sont étroitement liées aux enjeux du conflit israélo-palestinien, qui préexistaient aux massacres du 7 octobre 2023 perpétré par le Hamas et à la guerre qui en a résulté. Ce conflit marque en effet de son empreinte à la fois la géographie, les prérogatives et le quotidien de notre poste, compétent à Jérusalem de part et d’autre de la « ligne verte » ainsi que dans l’ensemble de la Cisjordanie et à Gaza.

Le consul général de France est ainsi l’interlocuteur politique de l’Autorité palestinienne siégeant à Ramallah, légataire des accords d’Oslo du 4 mai 1994. Á Jérusalem, il est l’interlocuteur des autorités israéliennes mais, dans l’attente d’un règlement négocié du conflit, la France n’y reconnaît aucune souveraineté, considérant que Jérusalem doit devenir la capitale des deux États, Israël et le futur État de Palestine.

Les trois zones de souveraineté de l’Autorité palestinienne

À Jérusalem-Est et en Cisjordanie, les activités du consulat général de France épousent étroitement les enjeux liés aux trois zones de souveraineté définies, à titre transitoire, par les accords intérimaires dit Oslo II du 28 septembre 1995 :

– la zone A (18 % du territoire et 55 % de sa population) qui comprend les principales villes de Cisjordanie, où l’Autorité palestinienne est censée exercer des compétences pleines, incluant la sécurité des biens et des personnes ;

– la zone B (22 % du territoire et 40 % de sa population), où la responsabilité civile – éducation, culture, santé notamment – incombe aux Palestiniens, mais où Israël dispose des principales compétences en matière de sécurité ;

– la zone C (60 % du territoire et 15 % de sa population), contrôlée exclusivement par les Israéliens et qui comprend la plus grande partie des colonies israéliennes même si certaines s’étendent en zone B.

En Cisjordanie et à Jérusalem-Est, la guerre menée à Gaza depuis octobre 2023, a été un accélérateur et un démultiplicateur de tendances préexistantes qui s’étaient déjà aggravées tout au long de l’année 2023 et qu’il est nécessaire de rappeler pour mesurer le contexte dans lequel intervient notre diplomatie culturelle et d’influence :

– l’augmentation des incursions de l’armée israélienne en zone A, avec plus de 7 000 raids armés durant la première moitié de 2024 et où l’on compte, depuis un an, plus de 575 Palestiniens tués, dont 140 enfants et plus de 5 500 blessés ;

– l’accélération de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est résultant d’un effort combiné des autorités israéliennes au plus haut niveau et des colons eux-mêmes sur le terrain, avec depuis le début de 2023, la construction de 41 nouveaux avant-postes, dont 15 au cours de la première moitié de l’année 2024, et la légalisation de 16 avant-postes. On relève des plans à une échelle sans précédent pour construire de nouveaux logements dans des colonies et approprier des terres alors même que des groupes de colons multiplient les attaques violentes contre des Palestiniens ;

– l’accentuation des restrictions à la liberté de mouvement des Palestiniens, avec 790 barrages présentant en moyenne une entrave à la circulation par kilomètre. Il en résulte le morcellement d’une société palestinienne qui vit de plus en plus recluse, aggravant les difficultés d’accès aux services médicaux et scolaires ;

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– la coupure avec Jérusalem-Est, par la révocation de 200 000 permis de travail nécessaires aux Palestiniens de Cisjordanie pour s’y rendre, ce qui isole les Palestiniens de Jérusalem, sous statut de « résidents permanents », et a provoqué une grave crise économique en Cisjordanie ;

– enfin l’affaiblissement politique de l’Autorité palestinienne, qui subit en outre un effondrement budgétaire consécutif, depuis octobre 2023, au doublement des retenues israéliennes sur ses recettes fiscales et douanières.

Le rapporteur pour avis souligne que l’enracinement de l’occupation israélienne a provoqué un changement de paradigme profond sur le plan juridique, dont la Cour internationale de justice (CIJ) a pris acte dans son avis consultatif du 19 juillet 2024 sur les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, présenté dans l’encadré ci-après.


Cour internationale de Justice (CIJ), avis consultatif du 19 juillet 2024 sur les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.

Saisie par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies par la résolution 77/247 du 30 décembre 2022 ([19]), la CIJ s’est prononcée sur les conséquences juridiques des pratiques et politiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé (TPO) – considéré dans son intégralité : la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza.

La Cour considère que l’occupation israélienne ne peut plus être qualifiée de temporaire mais équivaut à une mesure d’annexion.

Elle rappelle qu’Israël n’a aucun droit à une quelconque souveraineté sur le territoire palestinien occupé, incluant Jérusalem-Est, et que les préoccupations sécuritaires d’Israël ne peuvent contrevenir au principe de prohibition de l’acquisition de territoire par la force.

Elle affirme :

– que l’ensemble du Territoire palestinien, Gaza comprise, demeure sous occupation et constitue une seule entité politique ;

– que les politiques et pratiques israéliennes, dont le développement des colonies, la construction des infrastructures associées, l’exploitation des ressources naturelles, la déclaration de Jérusalem comme capitale d’Israël, et l’application de l’ensemble de cette politique en Cisjordanie sont illégales et doivent cesser sans délai ;

– que le droit du peuple palestinien à l’autodétermination ne peut être conditionnel, s’agissant d’un droit inaliénable. Israël doit donc mettre fin à sa présence dans les Territoires occupés aussi rapidement que possible.

Dès lors, la Cour déclare :

– qu’Israël est dans l’obligation d’évacuer toutes les colonies, de démanteler le mur d’annexion, et de permettre à tous les Palestiniens déplacés durant l’occupation de revenir à leur lieu de résidence avec réparations ;

– que tous les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître comme licite la situation découlant de la présence illicite de l’État d’Israël dans le TPO, de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par la présence continue de l’État d’Israël dans le TPO et de faire une distinction, dans leurs échanges avec Israël, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967.

Enfin la Cour demande à l’ONU, et en particulier à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité, d’examiner quelles modalités précises et mesures supplémentaires sont requises pour mettre fin dans les plus brefs délais à la présence illicite de l’État d’Israël dans le TPO.


a.   Un dispositif dense illustrant le soutien de la France à la solution à deux États

Le SCAC du consulat général de France à Jérusalem peut s’appuyer sur un dispositif relativement ample et surtout sans équivalent parmi nos homologues européens, puisque l’institut français de Jérusalem (IFJ) comprend quatre antennes :

– deux antennes à Jérusalem de part et d’autre de la ligne verte, l’IF Romain Gary à Jérusalem-Ouest et l’IF Chateaubriand à Jérusalem-Est ;

– une antenne de l’IF à Ramallah, au sein d’un centre culturel franco-allemand créé en 2004 et devenu, depuis 2022 un centre partagé avec le Goethe-Institut sous l’appellation Kultur ensemble ;

– une antenne de l’IF à Gaza, dont les locaux ont été en partie détruits au début de la guerre.

Le poste s’appuie en outre, à Bethléem, sur une Alliance française, à Hébron, sur l’association d’échanges culturels Hébron-France, et à Naplouse, sur le Multipurpose Community Resource Center (MCRC) qui a pris la suite d’une antenne de l’IFJ dans la ville en 2018.

Le SCAC dispose de 23 emplois temps plein (ETP) sous plafond ministériel et de cinq agents de droit local, auxquels s’ajoutaient sept volontaires internationaux en administration, tous rentrés en France au déclenchement de la guerre.

L’enveloppe de coopération s’élève à 2,34 millions d’euros en 2024, dont 2,19 millions d’euros sur le programme 185 et 147 000 euros sur le programme 209, Solidarité envers les pays en voie de développement de la mission Aide publique au développement. 680 000 euros sont consacrés aux bourses d’études en France et aux mobilités scientifiques.

Pour faire face aux effets de la guerre, le MEAE a autorisé le SCAC à reporter en 2024 des crédits non consommés en 2023 et lui a accordé des dotations complémentaires pour recruter à titre temporaire deux ADL afin de compenser partiellement le départ des volontaires internationaux.

En 2024 la dotation de fonctionnement de l’IFJ est passée de 676 000 à 746 000 euros, l’augmentation de 70 000 euros devant notamment permettre de financer les augmentations de salaires des ADL et une partie du loyer des nouveaux locaux de l’antenne Romain Gary à Jérusalem-Ouest.

L’IFJ, en tant qu’établissement à autonomie financière dispose de 19 ETP sous plafond et en 2024, d’un budget total de 1,8 million d’euros avec un taux d’autofinancement de 21 % en recul de sept points par rapport à 2023 : la plus grande partie des recettes de cours de langue provenait en effet de l’IF de Gaza. Le résultat d’exploitation devrait présenter un déficit de plus de 240 000 euros cette année, après un solde excédentaire de 213 000 euros l’an passé.

L’« Équipe France » de la coopération peut s’appuyer sur la direction Palestine de l’Agence Française de développement, qui intervient désormais à hauteur de 25 millions d’euros de dons chaque année et qui doit rechercher le plus de complémentarités possibles avec les orientations et les actions du SCAC.

Le déclenchement de la guerre à Gaza a, dans un premier temps, mis les activités des antennes de l’IFJ à l’arrêt et en pause les projets de coopération. Le poste s’est ensuite efforcé de reprendre progressivement les activités dans trois des antennes de l’IFJ dans des contextes tous dégradés mais différenciés.

i.   Une action au cœur des enjeux de la guerre et de la paix

● Le maintien éminemment symbolique de l’IF de Gaza

Le consul général de France a indiqué au rapporteur pour avis que, s’il ne paraissait pas réaliste d’envisager un retour à Gaza avant 2025, il avait fait le choix de maintenir le budget de l’antenne de l’IFJ, ainsi que le poste de directeur délégué afin de soutenir des projets en lien avec Gaza en tant que partie intégrante des Territoires palestiniens. Cette antenne « hors les murs » va par exemple déployer des activités au Caire, en coopération avec nos services en Égypte, auprès des nombreux Gazaouis qui y sont réfugiés.

La perspective d’un « IF Gaza virtuel » est confortée par le succès des initiatives visant à la reprise des cours en ligne pour les étudiants de Gaza, à l’exemple de celle, remarquable, engagée dès le mois de février 2024, par l’Université An-Naja de Naplouse, où le rapporteur pour avis s’est rendu. L’université a admis gratuitement, à distance, en tant que visiting students, 7 000 étudiants des universités de Gaza, en deux cohortes au cours de l’année 2024, pour suivre des cours à distance. L’université a bénéficié du soutien de nombreux partenaires internationaux, dont des universités françaises.

Le SCAC a pu mobiliser 700 000 euros provenant d’un programme central de bourses du ministère destiné aux populations vulnérables, pour réserver 32 bourses d’étudiants à des Gazaouis en mesure de quitter l’enclave. Il a également mobilisé, pour des universitaires gazaouis, le programme « Pause », déjà mentionné (voir supra) mis en œuvre par le Collège de France, dispositif national d’accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil.

● L’appui aux sociétés civiles de Jérusalem et de la Cisjordanie

À Jérusalem-Est et en Cisjordanie, l’objectif du poste est de contribuer à la résilience des populations palestiniennes dans un contexte de crise économique généralisée et en particulier dans les zones où elles sont les plus vulnérables. Il peut utiliser notamment des crédits des Fonds Équipe France (FEF) du programme 209, Solidarité envers les pays en voie de développement de la mission Aide publique au développement, en recherchant une complémentarité avec les financements de l’AFD.

Á Jérusalem-Est par exemple, l’AFD finance depuis 2020, le projet d’appui à Jérusalem-Est pour son identité et la résilience (AJIR), qui vise à préserver l’identité palestinienne de la partie orientale de la ville. Sa seconde édition AJIR+, initiée en août 2023, est dotée de 8 millions d’euros destinés à soutenir des institutions éducatives et culturelles, à favoriser l’accès des populations vulnérables et en particulier des femmes aux services essentiels et à renforcer les capacités des organisations de la société civile.

La première édition d’AJIR a permis par exemple d’apporter des subventions d’investissement aux écoles chrétiennes dont les élèves sont en quasi-totalité Palestiniens, à l’exemple de l’école Lassalienne des frères de Beit Hanina, où le rapporteur pour avis s’est rendu, qui a ainsi pu aménager et protéger du soleil les espaces des activités sportives. Ces aides sont utilement complémentaires des soutiens en fonctionnement utilisés par le SCAC au titre du Fonds des écoles d’Orient (voir infra) pour les établissements s’engageant à réintroduire ou développer l’enseignement du français.

Un exemple remarquable de complémentarité est fourni également par le projet Terra sancta de la communauté franciscaine à Jérusalem, où les actions l’AFD, ainsi que de sa filiale Expertise France, confortent les orientations stratégiques et les objectifs d’influence du SCAC dans deux volets :

– 1,5 million d’euros pour la construction d’une piscine au sein de l’école franciscaine, située dans la vieille ville, l’école s’engageant par ailleurs avec le SCAC dans une démarche de réintroduction de cours de français, alors que, quelques années auparavant, elle l’avait remplacé par des cours d’italien ;

– 500 000 euros, à la demande du SCAC, en tant que contribution française au financement international d’un projet de musée, comprenant trois sections le long de la Via Dolorosa, destiné à préserver et valoriser le patrimoine archéologique et artistique gardé par les franciscains de la Custodie de Terre Sainte depuis plus de 800 ans, et dont le budget total dépasse 10 millions d’euros. Ce projet de musée, qui comprendra une importante section multimédia, est en outre coordonné par un ETI d’Expertise France dans les domaines du patrimoine et des ICC.

Le rapporteur pour avis salue cette initiative : dans un contexte de crise constant, puis de guerre, les différents intervenants de « l’Équipe France » ont conjugué leurs forces pour mettre en œuvre des actions ayant une forte visibilité, un fort impact en termes d’influence et, par surcroît, un effet de levier budgétaire.

Il souhaite que la même complémentarité marque l’ensemble des projets financés par la nouvelle édition AJIR+ tout particulièrement pour ce qui concerne le financement des écoles introduisant ou renforçant l’enseignement du français.

Face aux pressions de la colonisation, le soutien à l’identité palestinienne de Jérusalem-Est et en Cisjordanie passe également par un appui juridique notamment dans les litiges en matière de propriété des logements et des terrains et des procédures d’expropriation.

Dans le cadre d’un appel à projets annuel dans les domaines des droits de l’Homme, le SCAC soutient ainsi cette année la Société Saint-Yves, organisation non gouvernementale (ONG) de protection juridique des Palestiniens, active à Jérusalem et dans l’ensemble de la zone C. Le poste a également engagé avec l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) des démarches pour rejoindre un projet régional de soutien aux cliniques juridiques rassemblant plusieurs universités de la sous-région et pour lequel d’importants financements européens pourront être mobilisés.

De manière générale, le poste soutient les organisations de la société civile qui offrent à la fois un espace d’expression et des modes d’actions que les conditions politiques permettent difficilement dans les Territoires palestiniens. Elles sont essentielles au développement d’une société démocratique et à la structuration d’un futur État palestinien.

En coordination avec les projets de coopération décentralisée et de l’AFD, le poste soutient des ONG locales et internationales qui apportent une assistance d’urgence vitale aux populations déplacées de Gaza, aident des populations marginalisées et victimes de violences, notamment celles des colons en zone C, qui apportent un soutien psychosocial aux catégories de population les plus à risque ou qui mènent des actions de plaidoyer sur les violations des droits des Palestiniens.

Des échanges fréquents entre le SCAC et l’AFD visent à s’assurer de la non-duplication des financements, à rechercher les complémentarités des structures bénéficiaires et à valoriser les partenaires locaux.

Le consul général à Jérusalem a insisté sur la vigilance extrême de ses équipes quant aux prises de positions publiques des ONG palestiniennes soutenues par le poste ou susceptibles de l’être : aucune apologie du terrorisme n’est tolérée.

Les subventions sont destinées principalement à des organisations palestiniennes mais des organisations israéliennes engagées pour la paix y sont également éligibles. Dans ce cadre, le rapporteur pour avis attire l’attention sur l’intérêt de soutenir les organisations qui se fixent pour objectif de faire participer des Palestiniens et des Israéliens à des projets d’intérêt commun dans une démarche de co-construction de la paix. Même si la situation actuelle rend matériellement de plus en plus difficile pour des militants israéliens et palestiniens de la paix de se rencontrer, des espaces de mixité, notamment professionnelle, permettent d’engager des initiatives par exemple dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la formation professionnelle, de l’environnement ou de la culture.

Nombre d’entre elles sont fédérées par l’Alliance for Middle East Peace (Allmep) avec laquelle le rapporteur pour avis est en contact régulier, et dont il a rencontré des représentants à Jérusalem. Loin de relever de la douce utopie, l’efficacité au long cours de l’action des ONG engagées pour la paix, est révélée, en creux, par les velléités du gouvernement israélien, début 2023, d’y faire obstacle en appliquant une taxe de 65 % sur les revenus de provenance étrangère des associations et qui ciblait les organisations à objectifs humanitaires. Si la pression internationale a permis de différer ce projet, gelé depuis par la guerre, la menace demeure.

Par ses activités de programmation culturelle, l’IFJ offre enfin des espaces de liberté, ouverts à tous, qui permettent de préserver et de renforcer les ponts entre la France et les sociétés civiles palestiniennes et israéliennes :

– À Jérusalem-Ouest, le débat d’idées organisé par l’IF Romain Gary vise à interroger les représentations, les stéréotypes, ainsi que le rapport à l’identité et à l’histoire, avec par exemple, dans le cadre du mois de la francophonie en mars 2023, une conférence de Benjamin Stora sur la colonisation algérienne en présentant une comparaison avec les enjeux israélo-palestiniens. Alors que les obstacles à la venue des Palestiniens réduisent la mixité des publics, l’antenne s’efforce d’approfondir ses liens dans le tissu associatif de Jérusalem-Est et avec les institutions culturelles qui y sont proches de nos valeurs et positions ;

– À Jérusalem-Est et Ramallah, dont les activités, début 2024 ont dû être réduites aux ateliers et aux cours pour enfants, la programmation cherche à renouer le lien avec la jeunesse palestinienne en traitant des enjeux et traumatismes que traverse la société palestinienne dans son ensemble.

L’Institut culturel Franco-allemand Kultur Ensemble

À Ramallah, le Goethe-Institut et l’Institut français travaillent ensemble au sein d’un institut culturel franco-allemand depuis 2004. Celui-ci est devenu, en juin 2022, le deuxième institut Kultur Ensemble établi, après celui de Palerme, à la suite du traité d’Aix-la-Chapelle sur la coopération et l’intégration franco-allemandes du 22 janvier 2019.

Les équipes de l’IFJ et celles du Goethe-Institut qui étaient auparavant seulement juxtaposées dans un même bâtiment y travaillent désormais de façon beaucoup plus intégrée, mutualisant l’ensemble des équipements. Chacune des deux directrices partage des tâches de gestion au bénéfice de la structure commune.

L’institut culturel est qualifié de « Tiers-lieu », ouvert sur son environnement, lieu de rencontres et de dialogue pour la société civile, les artistes et la jeunesse. L’établissement comprend une bibliothèque aux ouvrages en français, allemand, anglais et arabe, un « Kultur Café », un Makerspace pour la création digitale et les jeunes entrepreneurs, et une scène.

À partir de mai 2024, de nombreuses activités ont été programmées en lien avec le sport et la valorisation des Jeux olympiques de Paris 2024, dont une exposition déclinant l’exposition « Olympisme, une histoire du monde » présentée au Palais de la Porte dorée à Paris, un volet de débat d’idées comprenant des rencontres avec des sportifs reconnus et des experts, et la programmation de films portant sur le sport, en partenariat avec la cinémathèque de Jérusalem. Cette programmation a été mutualisée en réseau dans les différentes antennes de l’IFJ.

Enfin le centre Kultur Ensemble a bénéficié du fonds franco-allemand de l’Institut français de Paris pour mener des actions de sensibilisation des élèves des écoles environnantes aux enjeux du développement durable à travers l’organisation d’ateliers et de Master class (programmes Eco Heroes et Eco Makers).

En réponse à la guerre, le SCAC a enfin souhaité accentuer ses actions dans les camps de réfugiés, où les destructions d’infrastructures occasionnées par les incursions de l’armée israélienne dégradent les conditions de vie.

Si ces actions relèvent en grande partie de l’aide d’urgence immédiate mobilisant des montants importants du centre de crise et de soutien (CDCS) du MEAE et des bailleurs internationaux, elles peuvent aussi s’inscrire dans la stratégie d’influence et de coopération culturelle, y compris par des initiatives modestes mais significatives. C’est le cas par exemple de la collecte de financements destinés à donner des cours de français, coordonnée par la ville de Stains en Seine-Saint-Denis, soutenue par l’association pour le jumelage entre les camps de réfugiés palestiniens et les villes françaises (AJPF), dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) Francophonie 2024 de la délégation pour les collectivités territoriales et la société civile (DCTCIV) du MEAE.

Le rapporteur pour avis souligne que ce projet est mis en œuvre, entre septembre 2024 et juin 2025, par des enseignants de français de l’antenne de l’IF à Ramallah et de l’Alliance française de Bethléem. Il permettra de donner des cours à des élèves de 7e et 8e classes, correspondant à l’âge des collégiens de 5e et 4e dans le système français. Il permettra également d’organiser des échanges entre jeunes Français et Palestiniens et de mettre en lien les Français des différentes villes participant au projet.

RÉpartition des cours de français dans les camps palestiniens mis en œuvre par l’Institut français de Ramallah et l’Alliance françaisE de BethlÉem

Camp

Villes partenaires

Organisation du cours

Volume horaire et nombre d’élèves

Coût

Al-Amari (Ramallah)

Stains (Seine-Saint-Denis)

Institut français Ramallah

60 heures

16 élèves

5 571 euros

Balata (Naplouse)

Mauléon-Licharre (Pyrénées-Atlantique)

Institut français Ramallah

60 heures

16 élèves

5 571 euros

Aïda (Bethléem)

Grigny (Essonne)

Alliance Française Bethléem

60 heures

15 élèves

2 820 euros

Dheisheh (Bethléem)

Montataire (Oise)

Alliance Française Bethléem

60 heures

15 élèves

2 820 euros

Source : consulat général de France à Jérusalem

ii.   Une relance de la coopération artistique en appui à la jeunesse palestinienne

Le déclenchement de la guerre à Gaza a conduit à l’arrêt de toutes activités culturelles en Cisjordanie alors que la population palestinienne est très créative, la proportion d’artistes en son sein y étant parmi les plus élevées de l’ensemble du Moyen-Orient.

Loin de considérer que les activités culturelles seraient des considérations de second ordre ou incompatibles avec les enjeux sécuritaires ou humanitaires, ou qu’elles se réduiraient à des dimensions événementielles et festives (fort déplacées dans ce contexte), l’Institut français de Jérusalem y a vu un levier pour apporter, dans la guerre, des espaces de respiration et des perspectives d’avenir professionnel à la jeunesse, tout en renforçant l’attractivité de la France et de la langue française.

Dans le cadre d’un FEF de soutien à la scène culturelle, l’IFJ s’est ainsi associé à des organisations culturelles en Palestine et en France pour concevoir un programme de résidences dénommé Sawa Sawa pour des artistes palestiniens de toutes disciplines (arts visuels, arts du spectacle, musique, écriture et cinéma) résidant à Jérusalem ou en Cisjordanie ou originaires de Gaza et vivant à l’étranger, pour leur permettre de maintenir une activité créatrice.

Un premier appel à candidatures au printemps 2024 a permis d’attribuer des bourses de résidences de trois mois se déroulant, jusqu’en décembre 2024, dans onze institutions culturelles palestiniennes à Ramallah, à Jérusalem, à Bethléem, à Hébron, Tulkarem et Jénine. Le rapporteur pour avis a pu visiter une de ces institutions, à Bethléem, un équipement de grande qualité financé par des entrepreneurs-mécènes de la diaspora franco-palestinienne.

Un deuxième appel à candidatures portant sur des résidences de trois à six mois au sein d’institutions culturelles françaises se déroulera entre janvier et décembre 2025 et permettra également de promouvoir la diffusion d’artistes palestiniens en France.

La prolongation et l’extension de la guerre au cours de l’année n’ont pas permis à l’IFJ d’organiser de mobilités artistiques depuis la France vers la Cisjordanie initialement envisagées pour des ateliers et Master class notamment au bénéfice de partenaires comme, à Ramallah, le festival international de danse contemporaine, soutenu par ailleurs par la ville de Nantes et l’Institut français, ou encore le théâtre Ashtar.

Enfin, le SCAC a bien identifié les opportunités que présente, pour la coopération franco-palestinienne, le développement des ICC encore modeste en Palestine mais où le potentiel est considérable. La diffusion en ligne par les plateformes offre en effet de nouvelles perspectives de revenus pour les artistes transcendant les obstacles aux circulations résultant de l’occupation des territoires palestiniens et accentuées par la guerre.

À l’initiative de l’AFD, un fonds d’expertise technique et d’échanges d’expériences (FEXTE) a permis de développer une expertise sur la scène musicale locale et de tisser des liens avec les organisations de la société civile. Un nouveau projet FEXTE, très prometteur, vise à appuyer les organisations professionnelles et les administrations palestiniennes pour mettre en place un cadre légal du droit d’auteur.

Dans le domaine du cinéma, le poste a disposé de la dernière tranche d’un précédent fonds de solidarité pour projets innovants (FSPI), dont les crédits avaient été reportés à 2024, pour élaborer un cursus diplômant dans les domaines de l’animation, dont la formation d’un futur formateur à l’École des Gobelins. Il a en outre initié l’accompagnement du ministère de la culture palestinienne dans la mise en place d’une commission du film palestinien qui permettra de structurer le secteur et de le doter d’un nouveau levier de financement.

iii.   Une coopération économique et institutionnelle pour viabiliser le futur État palestinien

L’économie palestinienne est de petite taille, avec un produit intérieur brut (PIB) de 19 milliards de dollars en 2022. Elle dépend sources de financements externes : les revenus des Palestiniens travaillant en Israël et dans les colonies, les transferts de la diaspora et des Arabes israéliens, et enfin l’aide internationale.

Une situation économique difficile, considérablement aggravée par la guerre

En 2022, selon les données de la Banque mondiale, sur les 5,4 millions de Palestiniens vivant dans les territoires palestiniens (3,2 millions en Cisjordanie, 2,2 millions à Gaza), près de 30 % vivaient sous le seuil de pauvreté, en hausse de 8 points par rapport à 2016. Le taux de chômage moyen de 24 %, atteignait 45 % à Gaza contre 13 % en Cisjordanie, et 40 % chez les femmes. Le PIB par habitant était de 3 700 dollars, un peu plus de 4 000 en Cisjordanie et moins de 2 000 à Gaza.

Depuis le 7 octobre 2023, la situation s’est considérablement dégradée. En six mois, le niveau d’activité économique dans les territoires palestiniens a connu une chute de près de 50 %, principalement en raison de la réduction des échanges avec Israël et des contraintes en matière de circulation des biens et des personnes. 468 000 emplois ont été supprimés, soit 66 % de l’emploi total à Gaza et 32 % en Cisjordanie. Le marché du travail ne peut plus absorber ni la croissance de la population active, ni les 200 000 Palestiniens travaillant en Israël dont les permis de circulation ont été suspendus.

Dans ce cadre contraint, les échanges économiques entre la France et la Palestine sont de l’ordre de quelques millions d’euros chaque année. En 2022, la France exportait pour 13 millions d’euros de produits variés, notamment automobiles et pharmaceutiques, et importait pour 6 millions d’euros, principalement de produits agricoles et d’élevage. Ces volumes ne représentent par exemple que 5 % des échanges entre la France et la Jordanie. Les investissements directs français ne représentent que quelques dizaines de millions d’euros. La présence française est essentiellement le fait de représentants locaux de grandes marques, dont Stellantis et Renault.

Si nos échanges bilatéraux demeurent en deçà de leur potentiel, notamment en raison des restrictions imposées par Israël, plusieurs initiatives ont été engagées pour rapprocher nos communautés d’affaires. En janvier 2023, Geoffroy Roux de Bézieux, alors président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), avait conduit une mission de dix-huit chefs d’entreprises non seulement en Israël mais également dans les Territoires palestiniens.

Des opportunités d’investissement existent en effet, qui permettraient aux échanges économiques franco-palestiniens de contribuer au développement de secteurs stratégiques pour viabiliser le futur État palestinien, comme le secteur bancaire, alors que les transactions économiques sont effectuées en shekels, la devise israélienne et, de manière beaucoup trop importante, en espèces. Une épargne palestinienne trop liquide peine à être investie dans des activités productives, faute de structuration suffisante du secteur bancaire.

En appui tant de l’économie palestinienne que des entreprises françaises, la direction générale du Trésor met en œuvre l’outil des « French Grant », dispositif de dons permettant de financer des projets proposés par des entreprises privées palestiniennes en contrepartie de l’achat de biens français. Depuis 2010, 17,4 millions d’euros de dons ont été accordés, pour une quarantaine de projets, principalement dans le secteur de l’agroalimentaire et de la construction, pour un montant total de 144 millions d’euros. Plus de 45 entreprises françaises, dont une majorité de petites et moyennes entreprises (PME), ont ainsi pu exporter des biens et équipements dans les Territoires palestiniens, pour un montant d’environ 35 millions d’euros. Depuis 2022, le dispositif a été réabondé à plusieurs reprises par tranches de 2 millions d’euros.

L’AFD appuie les entreprises privées palestiniennes dans le cadre de la stratégie palestinienne de développement industriel 2016-2025. Elle a ainsi soutenu à hauteur de 10 millions d’euros la création, par un partenariat public-privé, de la zone industrielle franco-palestinienne de Bethléem. L’AFD contribue à moderniser plusieurs filières industrielles et une cinquantaine d’entreprises palestiniennes, par des financements directs mais également avec des outils non-souverains. Elle propose par exemple aux banques palestiniennes un dispositif de partage des risques pour encourager le microfinancement des PME.

L’AFD soutient également les municipalités pour des projets liés aux infrastructures et aux services sociaux. En juillet 2024 le ministre palestinien des finances et l’AFD ont ainsi signé une convention portant sur 10 millions d’euros de subventions destinées aux collectivités locales de Palestine.

Enfin, dans le but de consolider des institutions du futur État palestinien, la France apporte à l’Autorité palestinienne une aide budgétaire directe de 16 millions d’euros financée à parts égales par le MEAE et le ministère de l’économie et des finances.

Le SCAC dispose de bourses de stages pour soutenir d’une part la formation des juges et procureurs palestiniens, par la coopération entre l’Institut judiciaire palestinien et l’École nationale de la magistrature (ENM), renouvelée par un mémoire d’entente en mai 2023 et complétée par une nouvelle subvention européenne en 2024, et d’autre part, pour relancer la coopération entre l’École nationale d’administration de Palestine et l’Institut national du service public (INSP).

Surtout, la France appuie l’Institut palestinien des finances publiques, qui coopère de longue date avec ses homologues français du ministère de l’économie et des finances. Dans ce cadre, un enjeu majeur pour l’Autorité palestinienne est que cette coopération permette désormais aux administrations palestiniennes de maîtriser les processus de recouvrement en matière douanière. C’est un prérequis indispensable dans l’objectif de parvenir à une refonte du protocole de Paris du 29 avril 1994 régissant les relations économiques avec Israël qui a fixé le principe, dans le cadre d’une union douanière, de la collecte des droits de douane par Israël et de leur reversement à l’Autorité palestinienne.

Cette situation expose l’Autorité palestinienne à des mesures de rétorsion israéliennes sous forme de retenues sur ses ressources fiscales, qui la placent dans une situation de grande dépendance et minent sa crédibilité auprès des populations palestiniennes. Pour construire un État palestinien viable, il est nécessaire de mettre un terme à cette situation et le rapporteur pour avis se félicite que la coopération de longue haleine entre les administrations fiscales française et palestinienne puisse offrir des perspectives en la matière.

b.   Une coopération éducative et universitaire à fort potentiel

i.   Des écoles françaises identifiées comme des atouts pour la Palestine

● Les nouvelles perspectives du lycée français international de Ramallah

Le lycée français international de Ramallah (LFIR) résulte d’un engagement entre le président de la République française, François Hollande, et le président palestinien, Mahmoud Abbas, pris lors de leur entretien à Ramallah le 17 novembre 2013. Après de longues démarches de prospection d’un investisseur et d’un site, l’établissement a ouvert ses portes en octobre 2017, en tant que partenaire de la mission laïque française (MLF).

Cinq ans plus tard, l’établissement comptait 90 élèves inscrits sur sept niveaux mais sa gestion a été porteuse de conflits, marquée par de fréquents départs des personnels et la rupture des relations avec la MLF. Lorsque l’investisseur initial a brutalement annoncé son retrait en octobre 2022, le lycée a failli fermer, alors même qu’il était devenu un élément important de la présence française à Ramallah.

Le SCAC du consulat général de France est alors intervenu de manière résolue et efficace, obtenant que des parents d’élèves se constituent en association pour créer un établissement à gestion parentale et attribuant, à cette fin, des subventions importantes : 200 000 euros en 2023 et 300 000 euros en 2024, ce qui a montré que l’engagement de la France est concret et durable.

La nouvelle association parentale a conventionné avec l’AEFE, ce qui a permis de détacher des enseignants titulaires de l’éducation nationale, dont aujourd’hui un directeur et trois enseignants du premier degré, jeunes et particulièrement motivés. L’enseignement des langues est renforcé puisque, outre l’enseignement du et en français, les élèves suivent des cours d’anglais et d’arabe. L’établissement va pouvoir accroître la qualité de son offre par des synergies avec l’antenne de Ramallah de l’IFJ, pour des activités extrascolaires animées, des camps de vacances francophones et le partage de ressources éducatives.

Après une année 2023-2024 de transition difficile dans des locaux loués à la mairie de Ramallah et dans le contexte de la guerre, nécessitant que l’AEFE accorde une subvention d’équilibre de 145 000 euros, le LFIR est installé, depuis septembre 2024, dans de nouveaux locaux bien situés, à des conditions de loyer favorables et remarquablement aménagés. Ils accueillent 56 élèves de la petite section à la 6e, presque exclusivement palestiniens. L’AEFE a attribué une subvention d’investissement de 16 000 euros pour sécuriser les bâtiments.

Les perspectives d’accroissement des effectifs les années suivantes sont fortes, malgré les effets de la guerre et le souvenir des tribulations antérieures. Dans le « plan éducation » communiqué par le SCAC au rapporteur pour avis, on relève parmi les objectifs de l’établissement, d’ici 2027, le doublement des effectifs avec la montée en puissance des cohortes pour atteindre 130 élèves, l’obtention d’une homologation complète sur le cycle 3 et l’atteinte de l’équilibre budgétaire.

Le rapporteur pour avis peut témoigner de l’investissement et de la conviction des parents d’élèves membres du comité de gestion, offrant d’excellentes perspectives pour l’établissement. Alors que la plupart ne sont pas francophones, ils sont motivés par la présence d’un établissement français qu’ils considèrent comme un atout pour la Palestine. Le maintien et l’extension planifiée de l’homologation du LFIR comme établissement français à l’étranger sont en outre susceptibles d’attirer de nombreux Palestiniens que l’expérience de la diaspora a pu familiariser avec les écoles françaises dans l’ensemble du Moyen-Orient.

Le rapporteur pour avis salue ce projet emblématique pour la relation franco-palestinienne, l’engagement de tous ayant permis que l’établissement retrouve une trajectoire positive malgré le contexte de crise et de guerre.

● Le lycée français de Jérusalem : une école à majorité palestinienne à Jérusalem-Ouest

Le Lycée français de Jérusalem (LFJ), créé en 1967, est conventionné avec l’AEFE. Il scolarise aujourd’hui 271 élèves de la maternelle à la terminale. Deux tiers des élèves sont Palestiniens, un tiers sont des expatriés, dont 18 % de français et 15 % d’étrangers tiers. On n’y compte aujourd’hui aucun élève franco-israélien, les familles résidant à Jérusalem préférant les écoles israéliennes. L’établissement compte une proviseure expatriée, douze personnels détachés et une trentaine en contrat local. La majorité des personnels sont des franco-israéliens.

Situé à Jérusalem-Ouest, le LFJ porte les valeurs humanistes des établissements d’enseignement français à l’étranger : la tolérance, l’égalité filles garçons, l’égalité des chances et la promotion de l’esprit critique. Lors de la visite du rapporteur pour avis, un des parents d’élèves membre du comité de gestion a qualifié l’établissement d’« Oasis au cœur de Jérusalem », lieu d’éducation apaisé, ouvert et préservé. Le rapporteur pour avis considère que cette qualification n’est pas usurpée concernant un établissement géré par un comité des parents, majoritairement palestiniens et musulmans, travaillant en bonne intelligence avec des personnels israéliens et juifs.

Les effets de la guerre sont néanmoins sensibles. Après le 7 octobre 2023, le comité de gestion a fait appel aux services d’une infirmière libérale qui reçoit les élèves souffrant de dommages psychologiques liés à la guerre. D’importants travaux de sécurisation du bâtiment ont été réalisés, pour lesquels l’AEFE a accordé deux subventions successives en 2024 pour un total de 323 000 euros. Ces mesures comprennent un nouveau sas sécurisé, l’aménagement de salles de classes en abris anti-roquettes, complétés par des dispositifs de vidéosurveillance et anti-intrusion.

Structurellement en déficit en raison de charges de fonctionnement élevées, l’établissement doit établir une trajectoire de redressement en maîtrisant ses dépenses et en accroissant ses recettes. À cette fin, le comité de gestion vient d’augmenter les tarifs des écolages de 3 %, il a établi un plan d’augmentation sur cinq ans et espère continuer de faire croître les effectifs de l’établissement. Ceux-ci ont augmenté sans interruption depuis quatre ans, à peine ralentis par des départs de familles expatriées en raison de la guerre. Le comité de gestion a fait le choix d’ouvrir une classe de petite section cette rentrée, conformément à la stratégie de développement du préscolaire voulue par le ministère de l’éducation nationale, et qui constitue également un levier pour développer des revenus de l’établissement.

Cependant, les locaux actuels ne paraissent pas en mesure d’accueillir davantage d’élèves dans de bonnes conditions. Faute de pouvoir louer des espaces supplémentaires dans le bâtiment principal de la congrégation des Sœurs de Saint-Joseph de l’Apparition qui l’héberge, l’établissement pourrait devoir louer de nouveaux espaces sur un terrain adjacent. Ce projet, qui impliquera des travaux d’aménagement et des charges supplémentaires, devra reposer sur une stratégie de développement à moyen et long terme. Les chantiers prometteurs déjà engagés par le comité de gestion, malgré le contexte difficile, rendent cette perspective crédible. Le cas échéant, ce dernier devra pouvoir compter sur l’appui du SCAC du consulat général de France et des services de l’AEFE en charge du développement du réseau.

ii.   Des leviers importants pour consolider la francophonie en Palestine

● Le fonds des écoles d’Orient

Á Jérusalem-Est et dans les Territoires palestiniens, les écoles chrétiennes concentrent la majorité du vivier d’élèves francophones. Les écoles qui enseignent le français sont en général soit liées au Patriarcat latin, soit à des congrégations (Frères lassaliens, Sœurs du Rosaire, Sœurs de Saint-Joseph de l’Apparition, Franciscains) dont certaines sont sous la protection de la France ([20]). On compte aujourd’hui vingt-quatre écoles chrétiennes en Palestine, dont quatre à Gaza.

Le 22 janvier 2020, à Jérusalem, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé la création d’un fonds pour les écoles d’Orient (FEO), en soutien à l’action éducative des écoles chrétiennes francophones au Moyen-Orient, au nombre de 400 au Liban, en Irak, en Égypte, en Jordanie, en Israël et dans les territoires palestiniens, qui accueillent chaque année plus de 400 000 élèves de toutes religions et de tous milieux sociaux.

Le FEO est abondé pour moitié par le MEAE et pour moitié par l’Œuvre d’Orient. Initialement d’un million d’euros, la contribution du MEAE, inscrite sur le programme 209, Solidarité envers les pays en voie de développement de la mission Aide publique au développement, a été portée à 2 millions d’euros à compter de 2022, permettant de doubler le volume annuel du fonds, passé ainsi de 2 à 4 millions d’euros. À partir de l’année scolaire 2023-2024, les collectivités territoriales ont en outre eu la possibilité d’abonder le FEO ([21]).

Le FEO permet au consulat général de France d’appuyer des établissements fragilisés depuis dix ans et dont certains avaient progressivement réduit la part de leur enseignement du français ou en français. Il s’agit donc d’un enjeu majeur d’influence pour la France à Jérusalem-Est et dans les Territoires palestiniens.

Depuis 2020, le SCAC du consulat général de France a travaillé avec des congrégations pour identifier des besoins et faire remonter à la commission d’attribution des fonds des montants réalistes de subventions.

Quatre grandes orientations guident l’action du poste :

– les mobilités vers la France, afin que les élèves puissent découvrir le pays dont ils apprennent la langue ;

– les équipements numériques pour mettre en œuvre une pédagogie plus dynamique et plus innovante ;

– le financement de volontaires français en tant qu’assistants de langue, la présence de francophones étant un appui aux enseignants de français dans les établissements ;

– le financement de toute initiative structurante susceptible de revitaliser ou recréer un enseignement de français. On peut citer le soutien à l’université catholique de Bethléem pour créer un parcours d’enseignement du français en option, en lien avec les départements d’hôtellerie-restauration et d’archéologie ; l’introduction de l’enseignement du français à l’école latine et à l’école de la Sainte- Famille à Gaza ; la réouverture de l’école de cuisine de l’École des Frères de Porte- Neuve à Jérusalem qui a inclus un enseignement important du français dans un curriculum créé au bénéfice d’un partenariat avec le campus des métiers de Nice.

Le FEO peut être utilisé comme soutien de trésorerie dans des contextes de crise lorsque les familles des élèves ne sont pas en mesure de payer les frais d’écolage. Ce fut le cas en 2020 et 2021 en raison des effets de la pandémie de Covid-19 et cette année en raison de la guerre et de la crise qui touche la Cisjordanie.

Entre 2020 et 2024, le nombre d’écoles aidées et les montants alloués ont fortement augmenté, comme le détaille le tableau suivant.

Utilisation des fonds chrétiens d’orient par le consulat général de France à Jérusalem

 

Nombre d’écoles

Montant global alloué

2020

3

70 000 euros

2021

15

186 000 euros

2022

20

273 500 euros

2023

23

324 000 euros

2024

21

466 500 euros

Source : consulat général de France à Jérusalem

La diminution du nombre d’établissements aidés entre 2023 et 2024, malgré la forte hausse des montants allouées, résulte du fait que trois écoles de Gaza précédemment aidées ([22]) n’ont pas été en mesure de demander un soutien.

Le rapporteur pour avis signale que le PLF pour 2025 inscrit, pour le FEO, une contribution de l’État en baisse de 22 %, ramenée à 1,56 million d’euros. Il espère que, compte tenu du fonds de roulement constitué lors de la montée en charge progressive du fonds dans l’ensemble de sa zone d’intervention, il ne résultera pas de cette baisse une contrainte trop forte en Palestine, où il serait regrettable de fragiliser la dynamique très positive enclenchée par le SCAC.

Par ailleurs, en 2006, à la demande du consulat général de France à Jérusalem, la direction diocésaine de l’enseignement catholique de Paris a créé un réseau national de coopération, le Réseau Barnabé, chargé d’encourager les liens entre les établissements scolaires confessionnels français et palestiniens. Sur sa propre dotation, le SCAC lui a attribué cette année une subvention de 14 000 euros pour des séjours d’immersion d’enseignants palestiniens dans des écoles catholiques privées sous contrat de la région parisienne.

● Les outils de coopération éducative

Le SCAC avait obtenu la création d’un poste d’ETI auprès du ministère palestinien de l’éducation dans le but de travailler à introduire le français comme LV2 dans le curriculum palestinien et en particulier au Tawijihi, le baccalauréat palestinien, de rénover les manuels scolaires de français, de former les cadres du ministère et de favoriser la mise en œuvre de pratiques de classe innovantes. Cependant, cet ETI qui devait prendre son poste à l’automne 2023 s’est désisté en raison de la guerre.

Faute d’être, à ce stade, intégré aux examens, le niveau de français des élèves des écoles palestiniennes, publiques comme privées, peut être certifié par le DELF scolaire, diplôme fortement promu dans le système palestinien au point que la Palestine occupe le dixième rang mondial du nombre d’inscrits au DELF scolaire, dont les épreuves sont organisées dans le cadre d’un partenariat entre le ministère palestinien de l’éducation et le SCAC. Il y a eu 1 294 inscrits et 1 058 admis en 2022 mais, en raison de la guerre, seulement 624 inscrits et 501 admis en 2024.

Enfin, la dynamique impulsée par le fonds des écoles d’Orient a conduit le SCAC à élaborer des outils de pilotage adaptés, en s’inspirant du label « Certifications des Établissements en Langue Française » (CELF) créé par l’ambassade de France au Liban en 2011. Après deux années d’élaboration des documents de référence en concertation avec les partenaires éducatifs français et palestiniens, le SCAC a ainsi créé, en mars 2022, le label CELF Jérusalem.

Il est proposé à une centaine d’écoles historiquement francophones, où le français est enseigné à environ 10 000 élèves par une centaine de professeurs. Pour les établissements scolaires, ce label constitue un outil de visibilité et de communication mais également de légitimité auprès des autorités éducatives palestiniennes. Quatre établissements scolaires ont été retenus au terme de la première campagne de labellisation en juin 2022. Trois établissements supplémentaires ont été labellisés au terme de la campagne suivante. Le rapporteur pour avis salue l’investissement du SCAC et des écoles-pilotes qui se sont impliquées dans ce nouveau projet structurant. Comme tenu de la guerre, il n’y a pas eu de nouvelle campagne de labellisation cette année, mais le poste a pu procéder à des visites de suivi dans les classes des établissements labellisés.

L’initiative du SCAC de Jérusalem a contribué à lancer une dynamique régionale puisque le SCAC de Jordanie s’engage à son tour dans la mise en œuvre d’un label CELF. Ces deux postes échangent donc régulièrement avec le SCAC du Liban pour comparer leurs cahiers des charges et leurs processus de labellisation qui varient selon l’ampleur des réseaux d’écoles et les degrés de francophonie. Ce rapprochement pourra conduire à la mutualisation de ressources destinées à la formation des enseignants.

Le label CELF Jérusalem pourrait être vu comme une première étape vers des filières bilingues francophones du LabelFranceÉducation, qui nécessitent un enseignement renforcé de la langue française et au moins une discipline non linguistique (DNL) en français. Cela représente cependant un saut qualitatif que les établissements palestiniens n’ont pas les moyens d’atteindre à court terme.

iii.   Une coopération universitaire d’excellence, malgré les obstacles

Le rapporteur pour avis a visité l’université An-Najah de Naplouse, la plus importante des universités palestiniennes, qui dispose de programmes de très haut niveau dans les domaines des sciences et de la santé – elle est par exemple pour la Palestine le seul équivalent à un centre hospitalo-universitaire.

Les liens à la France ne sont pas négligeables : deux cents alumni de l’université ont étudié en France, soixante étudiants y ont réalisé une mobilité dans les cinq dernières années et, cette année, un étudiant de Master et six doctorants y étudient et une vingtaine de personnels y effectuent un séjour à titre professionnel. Les dirigeants de l’université considèrent cependant que ces liens sont inférieurs à ceux qu’ils ont noués avec d’autres pays européens. Ils soulignent qu’An-Najah accueillait des universitaires français jusqu’en 2020 mais que ces échanges, interrompus par la pandémie de Covid-19, n’ont pas repris. Ils sont au demeurant rendus difficiles par les restrictions israéliennes sur les visas à destination de la Cisjordanie.

L’université vient de mettre en place un cursus de bachelor et master of arts dans les domaines de la mode et du design, bénéficiant d’un partenariat avec l’université La Sapienza de Rome par l’intermédiaire d’un designer de Naplouse établi en Italie. La direction de l’Université souhaiterait un partenariat complémentaire avec des établissements français parmi les écoles d’art ou au sein des centres de formation des grands groupes français du luxe, ce qui offrirait des garanties de professionnalisation inégalables. L’initiative pourrait avoir une grande résonance dans la région de Naplouse, anciennement réputée dans les domaines de la broderie, aujourd’hui en fort déclin sous les effets de la fast fashion importée. Ces qualifications traditionnelles pourraient ainsi trouver de nouveaux débouchés.

La hausse des effectifs de l’université, en particulier parmi les doctorants, va accroître la demande pour des séjours à l’étranger, même brefs, pour des post-doctorats, ce qui pose la question des offres supplémentaires que les universités et laboratoires de recherche français sont en mesure de proposer. Le rapporteur pour avis a rencontré plusieurs universitaires d’An-Najah anciens boursiers des études en France ou lauréats du programme Al Maqdissi, mis en œuvre par le SCAC, déclinaison en Palestine du programme Hubert Curien (PHC) de soutien aux mobilités universitaires ayant pour but de créer des liens pérennes entre universités et centres de recherche. Leurs activités à An-Najah attestent de l’efficacité de ces instruments majeurs d’influence. Les liens établis par des professeurs de physique avec l’Université Paris-Saclay à Orsay ont pour effet que des étudiants contribuent, depuis Naplouse, aux travaux du futur accélérateur Perle. Un enseignant travaille étroitement avec la Sorbonne et dans le réseau des chercheurs de l’accélérateur de particules de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN).

Ces constats attestent, une fois de plus, du caractère stratégique des bourses de mobilités universitaires et d’échanges scientifiques, le rapporteur pour avis renouvelant sa recommandation que les crédits inscrits au PLF 2025 soient préservés de tous redéploiements, gels ou annulations éventuels en cours d’exercice.

En Palestine, le SCAC a disposé cette année des moyens nécessaires pour augmenter le nombre de bourses d’études de Master et de doctorat. Outre une dotation de la direction centrale en hausse, portée à 680 000 euros dont 430 000 euros de récurrence, le SCAC a fait le choix d’abonder sa dotation de près de 50 000 euros par redéploiement de crédits.

Le SCAC peut ainsi financer :

– vingt-cinq nouvelles bourses d’études de Master et doctorat, dont onze à coût partagé avec des universités ;

– neuf bourses pour séjours scientifiques de haut niveau (SSHN) pour accueillir des chercheurs palestiniens en court séjour, d’une durée d’un à huit mois, dans des laboratoires de recherche situés en France. Quatre de ces bourses sont réservées à d’anciens lauréats de ces bourses, ce volet « SSHN Alumni » visant à pérenniser des collaborations de recherche et des accords de coopération entre les établissements d’études en France et les universités d’emploi en Palestine ;

– huit bourses d’un nouveau programme de court séjour dans des universités d’été à Lille, destiné à promouvoir les études ultérieures de Master et doctorat en France et à favoriser l’enseignement du français dans les majeures scientifiques ou liées à l’histoire et au patrimoine.

Certaines bourses longues sont réservées à des étudiants de Gaza afin de former en France des étudiants d’excellence susceptibles de reconstruire le tissu universitaire, scientifique et économique de Gaza.

Dans les domaines de la recherche en sciences humaines et sociales, notre coopération bénéficie de la présence à Jérusalem, depuis 2012, d’une antenne de l’Institut français du Proche-Orient (IFPO), UMIFRE à compétence régionale dont la direction siège à Beyrouth. Le SCAC a ainsi pu créer cette année une nouvelle bourse de doctorat en partenariat avec l’IFPO permettant à un étudiant palestinien d’alterner des périodes en France et à Jérusalem ou en Cisjordanie. Enfin, le SCAC et l’IFPO ont créé des bourses d’écriture locales pour des chercheurs gazaouis afin de soutenir la reprise d’activités académiques et préparer « le jour d’après ».

c.   Faire vivre le patrimoine palestinien dans la guerre

Dans le territoire relevant de la compétence du consulat général de Jérusalem, comme dans l’ensemble de la « Terre sainte », le patrimoine est un enjeu éminemment politique, objet de conflits, à l’exemple du projet du gouvernement israélien de transférer la gestion des sites archéologiques de Cisjordanie au ministère israélien des antiquités, auquel s’oppose au demeurant une grande partie de la communauté scientifique israélienne.

Le patrimoine peut ainsi avoir sa face obscure lorsqu’il est utilisé comme motif d’appropriation exclusive d’une histoire et d’un sol et pour justifier le rejet de ceux qui en sont présentés comme les étrangers mais il peut aussi avoir sa face lumineuse, lorsqu’il décentre le regard et bouscule les certitudes.

Tel est le sens des travaux des archéologues rencontrés par le rapporteur pour avis à l’école archéologique et biblique de Jérusalem (Ebaf), à l’antenne de Jérusalem de l’IFPO et au centre de recherche français à Jérusalem (CRFJ).

L’archéologie du Levant le révèle en effet comme espace multi-feuilleté dans lequel chaque nouvel arrivant ajoute des couches archéologiques à des couches préexistantes, et qui a toujours été un territoire partagé, lieu de passages et d’échanges. Il est donc essentiel que le SCAC continue d’appuyer les projets de coopération patrimoniale et archéologique ambitieux qui, tout à la fois, valorisent l’excellence française et répondent à des enjeux politiques et sociaux majeurs en Palestine mais aussi en Israël.

Tel est le cas de projets de FEF en cours ou envisagés par le poste pour contribuer à la lutte contre le trafic illicite de biens culturels en coopération avec le ministère palestinien du tourisme et des antiquités, ou pour l’étude et la valorisation du site archéologique du chêne de Mamré, à Hébron.

Tel est tout particulièrement le cas du site de Saint-Hilarion, monastère byzantin fondé au IVe siècle, un des plus anciens et des plus grands du Moyen-Orient, dégagé à la fin des années 1990 par le service palestinien des antiquités de Gaza sur une dune côtière à une dizaine de kilomètres au sud de la ville de Gaza.

Le site fut dégradé à la fin des années 2000 en raison de son absence de protection contre les intempéries. Des interventions d’urgence, soutenues par le consulat général de France et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) ont été suivies, à compter de 2018, par un ambitieux programme de préservation, dénommé Intiqual (transmission, en arabe) mis en œuvre par l’Ebaf et l’ONG Première urgence internationale (PUI) sous la coordination scientifique de l’archéologue René Elter. Le chantier a permis de stabiliser la structure, de rénover la crypte et le baptistère ainsi que les pavements en marbre et les mosaïques, opérations pour lesquelles la fondation Aliph a apporté une contribution de 770 000 dollars.

Le site de Saint-Hilarion est devenu un lieu de développement social et économique, les financements de l’AFD ainsi que du British Council ([23]) permettant de déployer un programme de formation professionnelle en partenariat avec les universités de Gaza et des associations culturelles. Des dizaines de jeunes ont bénéficié d’un apprentissage sur le terrain mêlant filles et garçons, et reçu une spécialisation sur les techniques de conservation et de restauration du patrimoine et sur les métiers de la forge, certaines formations bénéficiant de l’appui du Louvre et de l’Institut national du patrimoine

Le site a été aménagé pour être ouvert au public et, avant le 7 octobre 2023, accueillait plus de 1 000 visiteurs par mois, et de nombreux enfants des écoles de Gaza. Les activités pédagogiques visaient à montrer l’intérêt de l’archéologie et à sensibiliser aux dangers du trafic de biens culturels. Des activités culturelles y ont été conduites par l’Institut français de Gaza. Il en résulte que ce patrimoine byzantin et chrétien est désormais conçu, par les musulmans de Gaza, comme un bien commun.

Depuis le 7 octobre 2023, la guerre a durement touché le patrimoine gazaoui, Des vérifications de première main ont conduit l’UNESCO à identifier soixante-quatre sites détruits ou endommagés, dont de nombreux sites archéologiques, édifices cultuels, maisons historiques, musées, centres d’archives et bibliothèques, mais le nombre des sites touchés est sans doute bien plus élevé.

Aucun dommage direct n’a été signalé sur le site de Saint-Hilarion mais les bombardements à proximité en ont détruit les accès et une absence durable d’entretien pourrait rendre les édifices à nouveau vulnérables aux intempéries. L’appropriation de ce patrimoine par les habitants de Gaza sous l’effet de l’initiative Intiqual a manifestement joué un rôle protecteur, puisque l’installation d’un vaste camp de réfugiés à proximité du site n’y a entraîné aucune dégradation supplémentaire. L’équipe palestinienne formée par PUI était en outre intervenue pour évacuer les objets de valeur et elle retourne autant qu’elle le peut sur le site pour en vérifier l’état.

Figurant sur la liste indicative de l’UNESCO depuis 2012, le monastère de Saint-Hilarion a été inscrit, en raison de la guerre à Gaza, sur la liste de protection renforcée fin 2023 puis sur la liste du Patrimoine mondial en péril le 26 juillet 2024.

Le rapporteur pour avis souligne le caractère structurant du projet de préservation du monastère de Saint-Hilarion, dont il faudra assurer la pérennité après la guerre. Celle-ci a interrompu une phase du projet dédiée à la formation au long cours des jeunes et des professionnels palestiniens, et à une composante numérique visant à promouvoir le site à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Sur l’enveloppe de 11,8 millions d’euros que l’AFD devait y consacrer entre 2022 et 2027, le rapporteur pour avis invite donc à sanctuariser les 8,8 millions d’euros non engagés, aujourd’hui gelés, qui permettront de relancer l’activité lorsque la situation le permettra.

  1.   La coopération et l’action culturelles de l’ambassade de France en Israël

Le massacre du 7 octobre 2023 perpétré par le Hamas, qui, en quelques heures, a fait 1 200 victimes dans la zone frontalière de Gaza, a brutalement ravivé, en Israël, une crainte existentielle, en écho intergénérationnel à la tragédie de la Shoah. Le président de la République Emmanuel Macron a justement qualifié cet acte atroce du « plus grand massacre antisémite de notre siècle ».

Il s’agit d’un drame partagé par la France et Israël : 65 des victimes sont françaises parmi lesquelles 48 sont décédées, comprenant 11 militaires et 37 civils, dont quatre mineurs ([24]). À ce jour, deux franco-israéliens, Ofer Kalderon et Ohad Yahalomi sont encore détenus comme otages par le Hamas à Gaza.

Ce traumatisme profond pour la société israélienne a créé un effet de sidération suivi d’un besoin d’action collective que le gouvernement actuel de Benjamin Netanyahou, à des fins tout à la fois idéologiques et de survie politique, détourne vers un interventionnisme militaire sans limite, à Gaza, en Cisjordanie et, désormais, au Liban.

Alors que la conduite de la guerre par Israël, largement contestée de par le monde, expose sa relation politique à la France à des difficultés inédites, il est plus que jamais nécessaire d’établir des ponts avec la société civile israélienne. Celle-ci avait montré, avant la guerre, sa capacité exceptionnelle de mobilisation contre la réforme judiciaire engagée par le gouvernement de Benjamin Netanyahou qui menaçait de faire d’Israël une « démocratie illibérale », et elle place, dans la guerre, les autorités politiques face à leurs responsabilités par des manifestations réclamant sans relâche le retour des otages.

La diplomatie des sociétés civiles, à laquelle contribuent les services de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France, doit permettre de conjurer les risques de rupture délétère entre nos sociétés, de faire passer nos messages et d’identifier des relais d’avenir qui sortiront Israël de l’impasse de la colonisation des territoires occupés et mettront en œuvre la solution des deux États.

La France ne saurait se détourner de ces enjeux : plus de 100 000 de nos ressortissants vivent en Israël, dont près de 60 000 inscrits sur les registres consulaires. Près de 500 000 de nos compatriotes en France sont juifs et sont confrontés, de façon croissante un antisémitisme qui prend la forme d’une critique radicale d’Israël déniant aux Juifs le droit de constituer un État. Si près de 80 % de nos compatriotes rejettent cet antisémitisme ([25]), il convient de condamner sans relâche l’instrumentalisation politique de thèmes antisémites et du conflit israélo-palestinien par certains acteurs politiques et sociaux qui sèment le trouble dans notre pays et en ternissent l’image en Israël, au risque d’abîmer la relation franco-israélienne.

La qualité de la relation franco-israélienne est aussi un enjeu pour la francophonie qui revêt une dimension importante de l’identité israélienne : la langue française fait partie intégrante de l’histoire de la nation, sous l’effet des vagues migratoires successives de l’espace francophone d’Europe et du bassin méditerranéen, accentuées, depuis trente ans, par des alyas nombreuses provenant de France, soit directement, soit à la suite d’expatriations en Amérique du Nord et en Australie. La francophonie est ainsi une réalité palpable et vivante en Israël, avec près de 700 000 locuteurs francophones soit près de 10 % de la population. Les maires de nombreuses municipalités s’attachent les services de maires-adjoints à la francophonie (Netanya, Ra’ananna…) ou de conseillers municipaux dédiés à cette fonction (Ashdod, Herzliyya…). Le paysage audiovisuel compte en outre plusieurs médias en partie ou totalement francophones, dont la chaîne I24 News.

a.   Un institut français d’Israël aux côtés de la société civile pour conjurer les risques d’isolement

Le SCAC de l’ambassade de France en Israël et l’Institut français d’Israël (IFI) disposent de 18 emplois sous plafond ministériel, auxquels s’ajoutent 18,2 ETP hors plafond de l’IFI en tant qu’établissement à autonomie financière.

Outre l’IFI à Tel-Aviv, deux antennes régionales permettent de toucher des publics très directement concernés par la perspective d’une construction de la paix : à Haïfa, qui est le laboratoire israélien de la mixité et du « vivre ensemble » avec une population juive, arabe musulmane mais aussi chrétienne, druze et baha’i, et à Nazareth, la première ville arabe à large majorité musulmane et avec un riche héritage chrétien, la présence de l’Institut français à Nazareth étant d’ailleurs l’héritage direct de l’installation, au tournant des XIXe et XXe siècles, de communautés religieuses françaises fondatrices d’écoles francophones et d’un hôpital français.

L’enveloppe de coopération atteint 1,8 million d’euros en 2024, principalement sur le programme 185, dont 1,16 million d’euros en dotations à l’EAF et 220 000 euros pour les bourses d’études en France ([26]) .

Sur un budget de 2,8 millions d’euros en 2024, le taux d’autofinancement de l’EAF est de 46 %, en baisse de 10 points par rapport à 2023, compte tenu, en raison de la guerre, comme pour l’Institut français de Jérusalem, de la baisse des activités les plus susceptibles de procurer des recettes et des cofinancements (cours de langue, certifications). Le résultat d’exploitation devrait présenter un déficit de plus de 100 000 euros cette année, après un solde excédentaire de 221 000 euros l’an passé.

Sous l’effet des restrictions d’emploi, déjà mentionnées, des volontaires internationaux dans les pays en guerre, l’ambassade a été contrainte de rapatrier en France, peu après le 7 octobre 2023, les huit volontaires internationaux de l’IFI de Tel-Aviv, soit près du quart de ses trente-cinq effectifs. L’antenne de l’IFI à Haïfa a perdu son VIA qui était le seul agent expatrié aux côtés du directeur. Ces effectifs, qui étaient particulièrement motivés, ne sont toujours pas remplacés à ce jour, le MEAE ayant seulement accordé une aide de 50 000 euros pour financer quelques mois de vacations, ce qui est très insuffisant pour mener dans de bonnes conditions un travail de fond et de qualité à la hauteur des enjeux. Le rapporteur pour avis appelle donc à compenser cette perte, soit par la création de postes d’expatriés, le cas échéant sous la forme de missions temporaires, soit par des dotations complémentaires mieux calibrées.

Malgré ses contraintes d’effectifs, le SCAC a su prendre rapidement des initiatives remarquées manifestant notre soutien aux Israéliens victimes de la guerre.

Ainsi, l’espace d’accueil-galerie de l’Institut français de Tel Aviv a présenté, de décembre 2023 à février 2024, une exposition initiée par le SCAC, L’Ombre des montagnes, de l’artiste israélienne Ophra Eyal, en hommage à Haim Peri, 79 ans, retenu en otage à Gaza depuis le 7 octobre, sculpteur et fondateur de la galerie d’art du kibboutz Nir Oz, où il résidait depuis 61 ans ([27]).

De même, le 11 décembre 2023, au bénéfice de l’ONG israélienne Latet (« donner » en hébreu), fondée en 1996 par le franco-israélien Gilles Darmon sur le modèle des Restos du cœur et de Médecins du Monde, toute « l’Équipe France » du SCAC a participé à une journée de volontariat dans les entrepôts de l’ONG pour conditionner des kits hygiéniques d’urgence au profit des Israéliens déplacés par la guerre. L’ONG avait en outre, avec l’appui de l’IFI, obtenu une subvention de 125 000 euros de la Région Île-de-France.

i.   Des milieux culturels cibles du « boycott, désinvestissement, sanction »

La programmation définie par le SCAC évite soigneusement les activités « hors sol », en décalage avec les sensibilités des publics marqués par la guerre. Surtout, le poste a rapidement saisi les enjeux pour le monde culturel et universitaire israélien résultant du phénomène de boycott, désinvestissement, sanction (BDS), dont le domaine culturel est devenu la principale cible, qui se caractérise par son ampleur et sa profondeur et touche l’ensemble des secteurs couverts par l’Institut français de Tel Aviv :

– dans le domaine du cinéma, le BDS est particulièrement perceptible à l’échelle des marchés cinématographiques internationaux faisant intervenir équipes des festivals, distributeurs et producteurs. Les festivals hésitent à programmer des films israéliens et les vendeurs et distributeurs s’en détournent en raison des risques financiers. Les festivals de films israéliens à l’étranger sont déprogrammés ou doivent changer de lieu par crainte de manifestations ;

– dans le domaine du livre, il est devenu difficile de faire venir des écrivains étrangers dans des événements en Israël et les écrivains israéliens ne sont plus invités à l’étranger. Ainsi, lors du Jerusalem Writers Festival, le plus grand festival national d’écrivain, seules la France, la Roumanie et la Grèce ont pu proposer des auteurs acceptant de se rendre en Israël. On relève aussi qu’un nombre croissant d’écrivains refusent d’être traduits en hébreu ou publiés en Israël, phénomène très marqué dans la jeune génération anglophone et dans les secteurs porteurs (new romance, littérature postcoloniale ou relevant des études sur le genre…) ;

– dans les domaines de la musique (dont la musique électronique, fortement touchée par les massacres du 7 octobre), les artistes israéliens font face aux mêmes refus de nombre de leurs homologues de coopérer, les réactions engendrées par la présence de l’artiste israélienne Eden Golan au cours de l’Eurovision 2024 à Malmö en Suède ayant conforté la tendance des organisateurs de ne pas retenir des artistes israéliens dans leur programmation ;

– dans le domaine des arts visuels, les responsables du musée d’art de Tel-Aviv, rencontrés par le rapporteur pour avis, ont témoigné des formes souvent insidieuses de ce boycott tacite qui s’est progressivement globalisé. Des institutions muséales internationales ont même renoncé à effectuer des demandes de prêts pour des œuvres provenant des collections du musée afin de ne pas avoir à en mentionner la provenance sur les cartels ;

– dans le domaine de la danse, la compagnie Batsheva, de réputation internationale, a dû, pour des raisons de sécurité, annuler sa tournée mondiale d’une cinquantaine de dates qui devait se tenir en 2024 ;

– enfin, le monde israélien universitaire et de la recherche oscille entre incompréhension, crainte et stupeur face à l’ampleur des mouvements BDS dans les campus américains ou dans certains établissements français, alors même que la liberté académique, la liberté de pensée et le vivre-ensemble sont des objectifs affirmés des structures universitaires et de recherche israéliennes.

Le mouvement BDS affaiblit ainsi des acteurs qui sont les plus partisans de la paix et qui rejettent, dans leur grande majorité, le gouvernement actuel de Benjamin Netanyahou. Il faut d’ailleurs souligner que ces secteurs, professionnellement tournés vers l’international, subissent l’impact économique de leur isolement dans l’indifférence des autorités politiques qui n’ont mis en œuvre aucun dispositif de compensation, les financements publics des secteurs culturels ayant même été réduits en raison de la guerre.

ii.   Une programmation à l’appui du camp de la paix

Face à ce mouvement de fond qui risque de durer et de s’aggraver, le SCAC a multiplié les initiatives notamment à l’attention des publics qui ne se reconnaissent pas dans leurs autorités. La programmation culturelle du poste vise ainsi à maintenir un narratif positif, consolider des liens existants et rendre plus visible la présence française en Israël.

L’IFI, avec l’appui notamment de l’Institut français de Paris, s’efforce de vaincre les réticences des acteurs français afin que le plus grand nombre possible d’artistes et d’intellectuels continue de se rendre en Israël. L’IFI s’est par exemple associé à la lecture théâtrale Pourquoi la guerre ? d’Amos Gitai, présentée fin mai 2024 au Musée d’Art de Tel Aviv avec la participation entre autres d’Irène Jacob, Micha Lescot et Mathieu Amalric.

Il a pu organiser des mobilités d’artistes vers la France, qui se sont déroulées dans de bonnes conditions, comme la participation de quatre créateurs en réalité virtuelle au festival New Images 2024 ou la production de jeunes chorégraphes et danseurs israéliens au Théâtre de la Ville à Paris. Un projet préexistant du centre Suzanne Dellal, initialement conçu comme un incubateur pour jeunes chorégraphes israéliens, a été transformé en plateforme de diffusion de leurs créations, permettant de conforter les relations bilatérales avec la scène française.

Dans le domaine du livre, le SCAC a pu engager une nouvelle édition du programme d’aide à la publication Eliezer Ben Yehuda, à destination des éditeurs israéliens pour traduire et publier des œuvres d’auteurs francophones, avec le soutien du programme d’aide à la cession de droits de l’Institut Français de Paris et du programme d’aide à la traduction du Centre national du livre (CNL). Á l’initiative du poste, il sera organisé, pour la première fois en Israël, de l’automne 2024 au printemps 2025, un « choix Goncourt Israël », soutenu par l’Académie Goncourt, initiant des étudiants à l’étude critique d’œuvres de littérature francophone contemporaine et permettant de faire rayonner la littérature française.

L’activité de l’IFI depuis la guerre atteste de l’envie de culture française en Israël, dans le domaine de la langue française lors du Mois de la Francophonie, du cinéma par le Festival du film français de Tel Aviv ou de la littérature avec les Rencontres avec un auteur.

Le rapporteur pour avis souligne tout particulièrement le succès de l’organisation de la Nuit de la Philosophie, initiée en 2015 sous le commissariat du philosophe Raphaël Zagury-Orly, avec le soutien de la Fondation Jacqueline de Romilly abritée par la Fondation de France. Cet événement est devenu l’un des temps forts de la vie culturelle et intellectuelle israélienne et sa 8e édition sur le thème « le judaïsme en question », a confirmé le rôle de l’IFI dans l’écosystème culturel et intellectuel israélien et l’importance qu’y revêt l’échange contradictoire.

Le succès de la 8e édition de la Nuit de la Philosophie le 27 juin 2024

L’événement a accueilli plus de 2 000 participants à 35 interventions, panels, conférences et discussions à l’Institut français et dans six lieux partenaires à proximité, avec des taux de remplissage des salles de plus de 90 %. De tous bords politiques, de toutes religions et de tous âges, plus de 50 % ayant moins de 35 ans, les publics sont venus échanger et débattre avec plus de 110 philosophes, universitaires, politiques, membres de la société civile israélienne, dont notamment six invités plus connus en France : Julia Christ, Dany Trom et Jacques Ehrenfreund de la Revue K. Les Juifs, l’Europe et le XXIe siècle, Annette Wieviorka, ainsi que – en visioconférence – Mona Jafarian et Annette Levy Willar.

La diversité d’opinions parmi le public et les intervenants a nourri des débats contradictoires autour de questions telles que « le judaïsme sous la menace illibérale : morale, féminisme religieux et humanisme », « dialogue interreligieux – une perspective théologique », en partenariat avec l’Université Bar-Ilan, ou « messianisme et politique à l’ombre de la guerre et de la contestation politique », en partenariat avec l’Institut Van Leer de Jérusalem. Le panel consacré au sujet « L’État d’Israël : juif et démocratique ou juif et théocratique ? », organisé en partenariat avec l’Université Reichman, est particulièrement représentatif : le ministre de l’intérieur, Moshe Arbel, du parti ultra-orthodoxe Shas est venu y débattre avec des intervenants très critiques sur son gouvernement, dont des professeurs de droit constitutionnel et des membres de groupes de réflexion favorisant le pluralisme religieux.

Le SCAC a su donner un large écho à l’événement sur les réseaux sociaux, une modeste campagne au coût de 1 000 euros ayant permis de toucher plus de 457 000 personnes. En raison de l’absence des volontaires internationaux rapatriés après le 7 octobre, l’ensemble de « l’Équipe France » de l’ambassade s’est mobilisé pour assurer l’accueil du public et le bon déroulement de la soirée.

Les thématiques privilégiées par le poste valorisent la diversité culturelle israélienne dans une perspective de construction de la paix, à l’exemple du partenariat inédit entre le musée d’art et d’histoire du judaïsme (MAHJ) de Paris et le musée des cultures islamiques et du Proche-Orient de Be’er Sheva avec, en 2024 l’exposition de photographies de Jean Besancenot, Juifs du Maroc 1934-1937, faisant suite en 2023 à l’exposition Affaire de famille de l’artiste Éric Eliyahou Bokobza sur l’héritage culturel des Juifs de Tunisie.

Cette orientation se retrouve dans la programmation scientifique de l’UMIFRE relevant de l’ambassade de France en Israël, le centre de recherche français à Jérusalem (CRFJ), situé à Jérusalem-Ouest, dirigé depuis septembre 2023 par le professeur au Collège de France François-Xavier Fauvelle. À sa longue tradition dans les domaines archéologiques, le CRFJ peut en effet ajouter désormais le développement d’une expertise sur des enjeux contemporains, dont la sociologie électorale et la présence de l’Islam dans la société israélienne.

Le Centre de Recherche Français à Jérusalem (CRFJ)

Créé en 1952 par le préhistorien Jean Perrot en tant que « Mission archéologique française », le CRFJ a pris sa forme institutionnelle actuelle en 1972 en tant qu’institut français de recherche à l’étranger relevant de l’ambassade de France. Le ressort géographique du CRFJ est Israël (tout le territoire d’avant 1967) ainsi que Jérusalem dans son entièreté de corpus separatum au regard du droit international. Les thématiques d’intervention sont l’archéologie préhistorique du Levant Sud, les études juives dans la longue durée, les sciences sociales de la société israélienne dans sa diversité ethnique et confessionnelle et les interactions entre Israël et les Territoires Palestiniens.

Le CRFJ est, en Israël, l’incubateur de la recherche française et la principale plateforme étrangère de recherche. Il initie et accompagne les recherches françaises, favorise les partenariats franco-israéliens, et soutient des actions de formation dans les deux pays.

Après le 7 octobre 2023, le CRFJ a été le seul centre de recherche étranger dans le pays demeuré continûment ouvert. Il a renforcé ses protocoles de sécurité et assuré les évacuations des chercheurs français et d’autres nationalités lorsqu’elles étaient demandées. L’état de guerre et d’insécurité a fortement impacté le volume d’activité scientifique, notamment en matière de fouilles archéologiques, sans pour autant en diminuer les coûts. Le CRFJ a pu assurer la continuité des actions les plus structurantes pour la visibilité de la recherche française, dont le soutien aux jeunes chercheurs dans des phases professionnelles critiques de doctorats et de post-doctorat, et le maintien d’échanges avec les partenaires israéliens.

Si l’insécurité pèse sur les vocations et les motivations des chercheurs, le directeur du CRFJ est également confronté aux effets sur son action de la dimension idéologique du conflit, dont le boycott explicite ou implicite à l’égard des universitaires israéliens mais aussi les actions de certaines organisations ultranationalistes israéliennes visant à restreindre les possibilités d’action du CRFJ, ou à entacher sa légitimité et son autonomie scientifiques.

Outre deux agents administratifs du CNRS, le CRFJ dispose d’une équipe permanente de chercheurs présents pour des durées de deux à trois ans. Alors qu’elle comprenait quatre à six chercheurs il y a encore quelques années, l’équipe est aujourd’hui réduite à l’étiage : un seul chercheur en septembre 2024, deux à partir de janvier 2025, complétés par des mobilités de deux allocataires de bourses pour doctorants ou post-doctorant. Le CRFJ accorde aides à la mobilité internationale (AMI) à une quinzaine de jeunes chercheurs français ou européens pour réaliser des travaux de terrains d’une durée d’un à trois mois.

Alors que le PLF pour 2025 prévoit, dans l’ensemble du réseau, une baisse des dotations pour opérations des EAF, le rapporteur pour avis appelle à sanctuariser celles de l’Institut français en Israël, dont l’action est plus que jamais nécessaire pour conserver des liens étroits avec la France.

En outre, le rapporteur pour avis a pu constater que la façade de l’Institut français à Tel-Aviv, propriété de l’État français, est aujourd’hui dégradée au point que des filets de protection y parent les chutes du revêtement. Ce bâtiment emblématique et classé, situé boulevard Rothschild – les Champs-Élysées de Tel Aviv, présente pour la France un enjeu d’image. Les travaux de rénovation de la façade, estimés à 2,1 millions d’euros, devaient être engagés début 2024 mais ont dû être reportés. Les engager dès 2025 constituerait un geste symbolique fort et conforterait un levier d’action important de la France en Israël.

La mise en valeur des espaces de travail et d’accueil du public, notamment dans le centre de langue, permettrait d’accroître les ressources propres de l’établissement et de garantir sa pérennité financière. À cette fin, un projet architectural global pour un coût de 1,5 million d’euros prévoit de rénover l’auditorium et moderniser la médiathèque, dans le cadre d’une démarche bénéficiant du soutien du Fonds médiathèque de l’Institut Français de Paris. Outre la mobilisation du fonds de roulement de l’IFI, il pourra être nécessaire de mobiliser une aide du MEAE pour finaliser le lancement de ce chantier important. Le rapporteur pour avis appelle donc le ministère à engager ces travaux.

b.   Des échanges universitaires et économiques qui peuvent être dynamisés

La densité des liens culturels franco-israéliens qui ouvre des perspectives importantes pour la diplomatie des sociétés civiles, contraste avec une situation moins favorable des mobilités pour études et des échanges économiques, le développement des unes et des autres étant au demeurant étroitement lié.

Les mobilités étudiantes vers la France sont exposées à des difficultés structurelles : à la nette préférence en Israël pour les études aux États-Unis et au Canada, s’ajoute le décalage des âges d’études supérieures occasionné par le service militaire de trois ans immédiatement après le bac israélien. La guerre accroît les obstacles aux programmes de coopération puisqu’environ 30 % des étudiants ont été rappelés par l’armée au titre de la réserve, ainsi que des milliers de professeurs et d’employés des institutions universitaires.

Le poste, qui dispose de trois espaces Campus France (à Tel Aviv depuis 2001, à Haïfa depuis 2014 et à Nazareth depuis 2019) a, bien qu’amputé de trois volontaires internationaux du pôle de coopération universitaire et scientifique, multiplié les actions de communication. Il a notamment mobilisé les alumni pour dissiper les réticences tenant à la crainte d’être confronté à l’antisémitisme en France. Il faut souligner que l’ensemble des alumni retournés récemment d’un séjour en France sont positifs sur leur accueil et leur expérience. Ils sont les meilleurs ambassadeurs de l’offre française dans leurs domaines de spécialisation.

Or, alors que le poste aurait pu retenir une dizaine de candidatures méritantes pour de nouvelles bourses d’études en France cette année, il n’a pu en attribuer que trois, moins de 20 000 euros ayant pu être consacrés à de nouvelles bourses d’études, le solde de 116 000 euros finançant les récurrences des bourses des années précédentes. Le rapporteur pour avis appelle donc à privilégier cet outil de la diplomatie d’influence et à doter le SCAC de l’ambassade de France en Israël de moyens suffisants pour qu’il puisse attribuer au moins une dizaine de bourses d’études en France dans des secteurs d’excellence à des étudiants israéliens.

En matière de recherche scientifique, le poste a néanmoins pu préserver le financement des bourses SSHN Chateaubriand de courte durée et maintenir le programme Hubert Curien Maïmonide qui finance seize équipes de chercheurs, des projets financés l’an passé et qui auraient dû être clôturés en décembre 2023 ayant en outre pu être reportés à 2024 en raison de la guerre. Le poste s’appuie également sur une ETI d’expertise France en innovation technologique à l’Université de Tel Aviv et participe aux travaux de modernisation du Haut conseil franco-israélien pour la science et la technologie (HCST), en lien avec le ministère français de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministère israélien de la science et de la technologie.

Enfin, dans le domaine économique, les échanges franco-israéliens paraissent en deçà de ce que l’étendue des liens humains permettrait d’attendre, avec seulement une centaine d’entreprises françaises implantées en Israël représentant environ 7 000 emplois et, en France, des investissements directs israéliens principalement immobiliers avec néanmoins quelques entreprises innovantes. La France n’est que le dixième fournisseur d’Israël, avec une part de marché de 2,9 %, qui pâtit des handicaps des domaines d’excellence français : l’aéronautique y est dominée par les États-Unis, l’agroalimentaire y est confronté aux obstacles des habitudes alimentaires, dont la certification casher, et à la forte concurrence de l’Italie dont les produits sont mieux positionnés ; enfin les secteurs de la mode et du luxe pâtissent de l’étroitesse du marché haut de gamme.

En 2023, les échanges de biens se sont élevés à 3,3 milliards d’euros, contre 3,6 milliards l’année précédente, la baisse de 9 % étant en partie dû aux effets de la guerre en fin d’année. Si le solde de la balance commerciale française est positif, il a chuté de 31,4 % pour atteindre 404 millions d’euros. Avant la guerre, la tendance était cependant à une reprise de nos échanges, après une décennie de stagnation, conduisant le service économique de l’ambassade à faire valoir certaines dynamiques d’avenir.

Au plan mondial, 55 % des exportations israéliennes sont constituées par les produits numériques de haute technologie (solutions de sécurité industrielle ou informatique, plateformes de marché), c’est-à-dire des produits rarement « grand public » et peu sujets aux effets des boycotts. Des partenariats franco-israéliens dans ces domaines seraient mutuellement bénéfiques et certains des échanges scientifiques de haut niveau promus par l’ambassade pourraient y trouver des débouchés.

Les domaines de l’urbanisme et des transports offrent de nouvelles perspectives en raison de projets ambitieux de modernisation du grand Tel-Aviv et des connexions entre les principales villes du pays. Depuis avril 2023, l’excellence architecturale française est valorisée par la présence d’une ETI auprès de la municipalité de Tel Aviv-Jaffa. En matière de transports, Egis Rail a obtenu la gestion du futur métro de Tel-Aviv et Alstom va construire l’une des lignes du tramway ainsi que, au sein d’un consortium, la ligne de train reliant Nazareth et Haïfa.

Enfin, dans le domaine des industries culturelles et créatives, le SCAC et le bureau de Business France ont pu accompagner, au premier semestre 2023, sept entreprises françaises dans le cadre du programme ICC Immersion de l’Institut français de Paris déjà mentionné (voir supra). Cependant, la guerre a eu pour conséquence qu’aucun des lauréats de la phase d’immersion collective n’a candidaté pour une phase ultérieure d’immersion individuelle.

c.   Une coopération éducative qui cherche à tirer meilleur parti du potentiel francophone en Israël

La forte présence francophone en Israël, déjà soulignée, ne se traduit pas dans les niveaux d’effectifs scolaires apprenant le français à l’école, qui sont à peine 16 000 dans le système public israélien. Cet écart montre que notre potentiel d’influence et de coopération en langue française est sous-utilisé, avec un risque de déperdition du français parmi les jeunes générations.

L’enseignement du français ou en français constitue pourtant une tradition ancienne en Israël, notamment par le biais de l’Alliance israélite universelle (AIU), fondée en 1860 en France, qui avait créé un réseau d’écoles françaises comptant, à la veille de la Première guerre mondiale, cent quatre-vingt-trois établissements auprès des communautés juives du bassin méditerranéen et des Balkans. Transformée, à partir de 1950, en un réseau d’associations de droit local, l’AIU prend la forme, en Israël, de Alliance-Kol Israël Haverim (KIAH) qui développe de nombreux programmes en appui de la francophonie et de l’enseignement français, dont l’organisation de conférences et de voyages en France d’élèves et d’équipes pédagogiques.

Cependant, une réforme de l’enseignement des langues engagée en 2014 a fragilisé la position du français enseigné, à partir de la classe de 5e, comme seconde langue vivante en concurrence avec d’autres langues vivantes, et surtout transformé en option à partir de la classe de 3e, placé en concurrence avec des disciplines scientifiques ou artistiques pour le bagrut, le baccalauréat israélien.

Alors que le budget du ministère israélien de l’éducation israélien n’a pas été une priorité des différents gouvernements Netanyahou, il est désormais lourdement impacté par la guerre, ayant pâti des arbitrages en faveur des dispositifs d’aide aux nombreux déplacés dans tout le pays : la revalorisation salariale des enseignants est gelée et l’inspectorat général de français, un partenaire du SCAC, a vu son enveloppe diminuer en 2024 et n’a pu renouveler deux des six postes de conseillères pédagogiques ayant pour missions d’accompagner les équipes enseignantes en français langue étrangère.

Ce contexte conduit le poste à chercher à co-construire de nouveaux projets de coopération éducative, notamment pour la formation continue des enseignants de français. Il a été indiqué au rapporteur pour avis qu’un projet de coopération déconcentrée, initié par le poste fin 2022 et interrompu par la guerre, sera relancé, au travers de la délégation aux relations européennes et internationales et à la coopération (DREIC) du ministère français de l’éducation nationale, afin de développer des liens directs entre établissements scolaires et israéliens. Ces coopérations pourront s’appuyer sur des partenariats existants entre des établissements israéliens de Kfar Saba, Haïfa et Rehovot et des établissements français dans les académies de Bordeaux, Lille, Besançon et Clermont-Ferrand.

Le risque de déperdition du français est accentué par la faiblesse, en Israël, du dispositif Français langue maternelle (FLAM), coordonné par l’AEFE, qui vise à soutenir des associations qui proposent à des enfants français à l’étranger, dans un contexte extrascolaire, des activités autour de la pratique du français en tant que langue maternelle. Or le réseau FLAM qui était fort d’une dizaine d’associations en 2019 n’en compte plus que deux, début 2024, malgré l’appui que le poste a cherché à leur apporter, en intégrant par exemple les équipes au comité de pilotage du Mois de la Francophonie, en accueillant certains événements dans ses locaux ou en apportant un appui en matière de communication.

Outre les difficultés liées à la crise sanitaire puis à la guerre, un obstacle important réside dans le fait que les procédures pour constituer ou modifier une association sont complexes et coûteuses en Israël et que, depuis 2023, l’accès au dispositif a été rendu plus complexe par le dépôt, à l’initiative de la direction générale de la mondialisation (DGM) du MEAE, d’une « marque FLAM » que le rapporteur pour avis considère comme contraignante et peu utile, et dont les critères d’éligibilité stricts comprennent le fait que la langue française doit apparaître comme but principal dans les statuts des associations candidates.

L’existence pérenne, dans la ville de Ra’anana, de l’association Le Jardin français, forte de onze années d’existence et d’un public de plus de cent cinquante enfants montre cependant que le dispositif FLAM peut être un point d’appui efficace pour la francophonie.

Des projets de nouvelles associations FLAM ont été signalés au poste qui se fixe l’objectif de mieux les accompagner et qui ouvrira des stages de formation continue aux enseignants FLAM. Le rapporteur se félicite en outre que l’Institut français d’Israël travaille à l’élaboration d’un accord avec l’Alliance-KIAH qui pourrait jouer un rôle d’intermédiation et d’appui afin de relancer le réseau FLAM en Israël.

i.   Les écoles françaises de Tel-Aviv : des liens à la France et une filière d’excellence en construction

À Tel-Aviv, la francophonie dispose d’un point d’appui solide sous la forme de quatre établissements d’enseignement homologués par le ministère français de l’éducation nationale, chacun aux caractéristiques singulières :

le collège français Marc Chagall, fondé en 1996, situé au cœur du quartier historique de Neve Tzedek à Tel-Aviv, est conventionné depuis 2002 avec l’AEFE qui y détache cinq personnels de l’éducation nationale. Il accueille cette rentrée 176 élèves de la petite section à la 6e, contre 225 élèves avant le 7 octobre qui a conduit à des départs de familles françaises ou de nationalités tierces, notamment des salariés expatriés d’entreprises européennes. Le rapporteur pour avis a pu y mesurer la motivation du comité des parents ainsi que des équipes pédagogiques et administratives, dont la cheffe d’établissement, précédemment proviseure du lycée Anne de Kyiv, mais tous sont conscients des difficultés posées par l’exiguïté des locaux qui ne permet pas des conditions de travail de qualité, les perspectives d’aboutissement d’un projet d’extension sur place étant des plus incertaines ;

le collège-lycée franco-israélien Mikvé- Israël (CLFI) créé en 2007 par la volonté conjointe des gouvernements français et israéliens, et par accord de partenariat entre l’AEFE et l’Alliance -KIAH. Il est situé à Holon, aux portes de Tel-Aviv, sur un campus de 300 hectares où fut créée, en 1870, à l’initiative du mécène alsacien Charles Netter, cofondateur de l’AIU, une école d’agriculture, la plus ancienne d’Israël et toujours en activité. À la suite d’un don de 4 millions de dollars par l’entrepreneur franco-israélien Patrick Drahi, le CLFI a pu étendre ses locaux en 2019 pour porter sa capacité maximale de 400 à 800 élèves, l’établissement portant depuis lors les noms de « Lucette et Marcel Drahi ». Sur ce lieu important dans l’histoire d’Israël, et une référence dans le monde de l’éducation, le CLFI, accueille 600 élèves dont 128 dans une section française homologuée de la 5e à la terminale, avec un internat permettant d’accueillir des élèves de l’ensemble du pays, mais aussi de France, dont beaucoup issus de familles ayant récemment fait une alya. Les élèves de la section française côtoient ceux de la section israélienne en bonne harmonie, la section israélienne ayant reçu le Label FrancEducation pour le niveau collège. La langue française est donc présente au sein de l’établissement dans le quotidien des enseignants et des élèves. En 2021, le CLFI a pris la suite du Lycée français de Jérusalem comme centre d’examen national pour le diplôme national du brevet et le baccalauréat, reconnu par les autorités israéliennes ;

le lycée français Maïmonide, créé en 2016, sur le même campus de Mikvé Israël, également à l’initiative de l’Alliance-KIAH. Homologué pour les classes de seconde, première et terminale et partenaire de l’AEFE, l’établissement propose un enseignement semblable à celui du réseau des écoles confessionnelles juives sous contrat en France, sur le modèle en particulier du groupe scolaire Maïmonide de Boulogne-Billancourt. L’établissement permet donc de maintenir un lien à la France pour 115 élèves, dont 75 en internat, désireux de préserver leurs traditions religieuses juives et de s’établir en Israël ;

– le collège des frères de Jaffa, école Lassallienne fondée en 1882, accueille 679 élèves, dont 107 dans des niveaux homologués de la 5e à la terminale. Il s’agit d’un établissement d’excellence dont la dimension sociale est très forte à Jaffa car les élèves sont en majorité arabes israéliens de confessions musulmane et chrétienne (55 %), mais l’établissement accueille également de nombreux Israéliens d’origine russe de confessions juive et chrétienne (30 %), ainsi que des juifs israéliens natifs (15 %). L’enseignement est principalement en français, bien que non homologué jusqu’à la 6e, à compter de laquelle les élèves peuvent choisir entre une filière israélienne, qui permet à l’établissement de percevoir des subventions complémentaires de la part de l’État israélien, et la filière d’enseignement français homologué. Le rapporteur pour avis a pu constater le rôle intégrateur de cet établissement, tant au sein des classes que dans la communauté éducative, accentué par le fait que l’homologation dans l’enseignement français a conduit à structurer un comité de gestion qui conduit des parents d’élèves musulmans, chrétiens et juifs à devoir prendre, ensemble, des décisions d’intérêt commun pour leurs enfants. Il convient de souligner qu’au déclenchement de la guerre, alors que le collège ne disposait pas d’équipement anti-roquettes, le SCAC a pris l’initiative d’accueillir les cours de plusieurs sections d’élèves dans les locaux de l’Institut français de Tel-Aviv, ce qui a eu un écho considérable à Jaffa.

Si chaque établissement a ses spécificités et ses atouts, la fragmentation actuelle est insatisfaisante car elle rend peu lisibles les perspectives de continuité du parcours scolaire en filière homologuée d’un établissement vers l’autre. Le SCAC souhaite donc engager un travail de mise en réseau entre établissements, équipes enseignantes et élèves, afin de construire une filière d’excellence de la maternelle à la terminale. Cela pourra nécessiter :

de créer une liaison formelle entre le collège Marc Chagall, le CLFI et le collège des Frères de Jaffa, afin d’envisager des complémentarités de curriculum entre établissements et de sécuriser les montées de cohorte ;

d’envisager que le site du CLFI à Holon accueille une délocalisation partielle de classes des élèves du collège Marc Chagall, le site historique au centre de Tel Aviv pouvant être conservé pour les petites classes. Le rapporteur pour avis souligne que cela nécessitera que l’AEFE accepte que la colocalisation sur un même site de trois établissements distincts puisse donner lieu à trois homologations différentes et à des contractualisations distinctes avec l’agence. De fait, cette démarche est bien différente de l’approche traditionnelle, désormais inadaptée, consistant à envisager qu’une capitale devrait nécessairement héberger un « navire amiral » de l’enseignement français, a fortiori directement géré par l’agence ;

de préparer la mise en place du baccalauréat français international au CLFI, ce qui ajouterait à la visibilité et à l’attractivité de l’établissement ;

de conduire le collège des Frères de Jaffa à entrer dans un processus d’homologation de la maternelle à la 6e, qui accueille la grande majorité de ses élèves, ce qui lui permettrait de renforcer leur niveau de langue.

Ces perspectives conduisent à penser que, malgré la guerre, il reste possible de fixer des objectifs ambitieux de croissance du réseau d’enseignement français en Israël, par la hausse des capacités des établissements existants, par des ouvertures d’annexes et des extensions d’homologation. Cela nécessitera que l’AEFE adapte au mieux ses procédures pour tenir compte tout à la fois des spécificités de chacun des établissements et des synergies qui peuvent résulter de leur mise en réseau.

Le rapporteur pour avis voit en outre dans la perspective d’un rapprochement, à Tel-Aviv, au sein du réseau de l’enseignement français, d’élèves aux profils culturels, sociaux et religieux différents, une marque d’espoir et un symbole éminent de la culture de la paix portée par la diplomatie des sociétés civiles qu’il appelle de ses vœux.

ii.   Les écoles chrétiennes : des relais de francophonie et de mixité sociale et religieuse

La même démarche invite à souligner les efforts du SCAC en Israël pour accompagner les écoles chrétiennes qui préservent et diffusent la francophonie et sont également des lieux de mixité sociale et religieuse.

Situées principalement en Galilée, ces écoles constituent aujourd’hui un réseau d’environ 35 700 élèves répartis dans 47 établissements privés, disposant d’une entière autonomie pour le recrutement de leurs enseignants, et qui accueillent non seulement des élèves chrétiens, mais aussi des élèves non-chrétiens, majoritaires dans la plupart des cas, musulmans ou druzes, parfois juifs comme au Collège des Frères de Jaffa.

Bien que reconnus par le ministère de l’éducation israélien, ces établissements ont subi de fortes réductions de leurs dotations publiques, passées, en dix ans, de 75 % à 40 % de leurs budgets de fonctionnement et, pour investir, doivent solliciter les autorités religieuses qui les supervisent ou des donateurs étrangers.

Les responsables d’établissements rencontrés par le rapporteur pour avis ont tous mis en avant le rôle de leurs écoles dans la réduction des inégalités sociales entre communautés juive et arabe israéliennes, avec des taux de réussite au bagrut entre 90 et 100 %, ainsi que leur engagement dans le dialogue religieux et communautaire et la transmission des valeurs de justice et de paix.

Parmi les dotations sur le fonds pour les écoles d’Orient (FEO), déjà mentionné, le SCAC en Israël a bénéficié de 166 000 euros en 2023 qu’il a consacrés à des subventions aux écoles chrétiennes de Galilée les plus engagées dans la démarche de réintroduction de l’enseignement du français. Neuf écoles bénéficient du FEO en 2024, contre quatre en 2020, sept en 2021, six en 2022 et onze en 2023. Le SCAC a la charge de suivre le bon emploi des crédits : il procède à des visites régulières et accompagne les établissements dans leurs démarches de redevabilité.

Jusqu’au 7 octobre 2023, il pouvait en outre proposer d’intégrer au sein des établissements des volontaires de solidarité internationale (VIS) et des volontaires du service civique (VSC), que la guerre a contraints au départ.

Néanmoins, à la rentrée 2023-2024, on compte 1 000 nouveaux apprenants de français dans ces écoles. Plusieurs d’entre elles dispensent désormais un enseignement du français dès le primaire et renforcent un environnement francophone par des activités culturelles et périscolaires. Le rapporteur pour avis a pu constater cette dynamique à l’école des sœurs de Nazareth, où l’enseignement du français a repris depuis deux ans, auprès de 300 élèves, assumé par une seule et même enseignante, jeune ancienne élève de l’établissement en début de carrière.

Cette stratégie féconde doit d’autant plus être saluée qu’elle peut, à court terme, mettre en difficulté les activités de cours de langue des instituts français : les élèves qui reçoivent désormais un enseignement de français à l’école n’ont plus autant besoin de suivre des cours payants et, symétriquement, la hausse d’activité pour les enseignants de français dans les établissements de la région les rend moins disponibles pour donner des cours à la vacation au sein des instituts. Néanmoins, le poste a toutes les raisons d’attendre des retombées importantes à moyen terme, en drainant vers les cours de langue des instituts les entourages des nouvelles cohortes d’apprenants des écoles d’Orient et en accroissant le rôle des instituts français comme partenaires culturels des écoles.

Le rapporteur pour avis veut voir dans les perspectives de renouveau de l’enseignement du français en Galilée un atout supplémentaire pour que le fait francophone en Israël y rapproche les différentes composantes de la société et contribue, à sa mesure, à construire la paix.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 23 octobre 2024, la commission examine le présent avis budgétaire.

M. le président Bruno Fuchs. Les crédits de la mission Action extérieure de l’État, dans le PLF 2025 s’élèvent à 3,34 milliards d’euros, soit un niveau inférieur de 150 millions d’euros par rapport à 2024. Les rapporteurs pour avis ont respectivement choisi d’insister plus particulièrement sur la sécurisation de nos postes diplomatiques à l’étranger, s’agissant de M. Nicolas Forissier, et sur la diplomatie d’influence en zone de guerre, pour ce qui concerne M. Frédéric Petit.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis (Action de la France en Europe et dans le monde ; Français à l’étranger et affaires consulaires). Les crédits de la mission Action extérieure de l’État visent à financer la plupart des dépenses de personnel, d’investissement, de fonctionnement, d’intervention du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Ces crédits sont répartis au sein de trois programmes : les programmes 105 et 151 relatifs à l’action de la France en Europe et dans le monde, ainsi qu’aux Français de l’étranger et aux affaires consulaires ; le programme 185, qui concerne la diplomatie culturelle et d’influence.

Le PLF 2025 intervient dans un contexte budgétaire particulièrement dégradé, dans le cadre d’un déficit prévu de 6,1 % du produit intérieur brut (PIB). Les crédits de la mission Action extérieure de l’État n’échappent pas à la volonté du Gouvernement de réaliser 60 milliards d’euros d’économies, dont les deux tiers reposent sur une diminution des dépenses publiques.

Doté de 2,7 milliards d’euros, le programme 105 voit son budget diminuer de 90 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, soit une baisse de 3,2 %. Quant au programme 151, il enregistre également une diminution d’environ 1,9 % du montant de ses crédits par rapport à 2024, pour atteindre 157 millions d’euros.

Depuis dix-huit mois, à la suite des états généraux de la diplomatie, le mouvement de « réarmement » du Quai d’Orsay apparaissait à la fois aussi légitime qu’indispensable, après plusieurs décennies de réductions très prononcées des moyens, et notamment des effectifs. À ce titre, le budget 2025 marque malgré tout une forme de coup d’arrêt, de stabilisation. Ainsi, 75 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires seront créés l’année prochaine mais cette augmentation est moitié moindre par rapport à ce qui était prévu dans les lettres plafonds pour 2024. Dans les lettres plafonds pour 2025, le rythme d’augmentation, qui avait pour objectif de parvenir à 700 postes supplémentaires par rapport à 2023, se voit réduit de moitié.

Personnellement, j’interprète ce statu quo comme un moindre mal puisque, par un heureux concours de circonstances, la réduction des contributions que verse la France aux organisations internationales telles qu’elles sont calculées au titre du programme 105 s’établit également à 90 millions d’euros : d’une part, en raison d’une révision du mode de calcul de la quote-part française et, d’autre part, en raison de la fermeture de la mission de maintien de la paix des Nations unies au Mali. Il faut également évoquer la baisse des crédits consacrés aux mesures d’assistance à caractère non létal qui sont prévues par la Facilité européenne pour la paix mais qui sont compensées par la hausse des dépenses consacrées aux mesures à caractère létal relevant du budget du ministère des armées.

En ce qui concerne le programme 151, la baisse des crédits de 8 millions d’euros correspond essentiellement à la diminution corrélative du montant budgété pour les bourses scolaires versées en faveur des enfants des familles à revenus modestes dans le réseau de l’enseignement scolaire à l’étranger. Selon les représentants de la direction des Français de l’étranger et des affaires consulaires du ministère, cette évolution s’explique par la baisse prévisionnelle du nombre d’élèves boursiers en 2025, au regard de la baisse constatée entre les deux années scolaires 2022-2023 et 2023-2024. Je ne dispose pas, à ce stade, d’éléments susceptibles d’invalider a priori les prévisions du ministère sur ce plan mais je voudrais simplement attirer l’attention de la commission sur un point : si le pilotage de ce type de dépenses est très compliqué par nature, il convient d’éviter une sous-budgétisation de ce poste, lequel est absolument nécessaire pour pouvoir répondre à tout moment au besoin de ces aides financières, qui sont décisives pour beaucoup de familles françaises expatriées.

Je me félicite également de la sanctuarisation des crédits qui sont dévolus à la direction du numérique du ministère, soit 58 millions d’euros, et à la légère progression du budget consacré à la sécurisation de nos emprises diplomatiques et consulaires à l’étranger, qui franchit pour la première fois la barre inédite de 70 millions d’euros, soit une hausse de 2,6 millions d’euros. La sécurité des locaux et des personnels déployés par la France à l’étranger représente un impératif régalien auquel aucune économie d’envergure ou coup de rabot opportuniste ne doit porter préjudice. Il en va de la crédibilité de notre politique étrangère à travers le monde. Il s’agit aussi de préserver la capacité opérationnelle de notre diplomatie à agir efficacement au service de la France et de la défense de ses intérêts dans des contextes qui sont, sur le plan sécuritaire, parfois tendus.

Il m’a donc semblé important d’attirer l’attention sur cette question sensible qui ne peut pas être résumée à un simple problème logistique. La réelle prise en compte de cet aspect s’est traduite par l’accroissement très important et continu du budget consacré aux dépenses de fonctionnement, d’investissement et de personnel relatives à la sécurité du réseau diplomatique. Nous sommes ainsi passés de 44,8 millions d’euros en 2020, à 70,1 millions d’euros dans le PLF 2025.

Outre les directions compétentes et plusieurs représentants syndicaux du ministère, j’ai également pu auditionner les ambassadeurs de France en Algérie, en Éthiopie, au Burkina Faso. Confrontés à des risques différents, ils m’ont néanmoins fait part de leur satisfaction globale quant au renforcement des moyens matériels et humains dont ils disposent pour assurer la sécurité de leurs personnels. J’ai pu moi-même le vérifier sur le site de l’ambassade de France à Tunis, où j’ai pu très concrètement constater le perfectionnement des dispositifs de sécurité passive qui ont été installés ces derniers mois sur le site de l’ambassade. Au-delà des ambassades et consulats, il ne faut jamais oublier les sites dans lesquels la France dispose d’une représentation, à l’image des instituts culturels, qui peuvent être l’objet de dégradations importantes, lesquelles expriment parfois des sentiments anti-français qu’il ne faut pas négliger.

Nous sommes donc confrontés à de multiples défis pour garantir un niveau de sécurité optimal, sans pour autant sombrer dans une quelconque paranoïa qui aboutirait à une logique plutôt contre-productive, une « bunkérisation » des emprises. Les diplomates que j’ai pu rencontrer ont toujours insisté sur la nécessité de garder un équilibre entre la nécessaire sécurité des personnels et des sites, mais aussi le fait de conserver, dans la tradition française, une diplomatie accueillante et ouverte. L’évaluation du risque sécuritaire et son évolution très rapide nécessitent un recueil et un partage d’informations à l’échelle interministérielle. Les retours dont je dispose indiquent que la coopération avec les États partenaires est bien réelle.

Deuxièmement, les moyens humains affectés au gardiennage des emprises diplomatiques et consulaires portent sur la mobilisation de 476 gardes de sécurité diplomatique et de près de 1 500 vigiles de droit local, salariés par des sociétés de sécurité étrangères. Cette gestion est complexe et m’amène à formuler plusieurs observations. Je pense qu’il faut simplifier et mutualiser la sélection et la formation de ces gardes de sécurité diplomatique. Leur gestion souffre encore d’un fonctionnement en silos entre la police et la gendarmerie. Ensuite, il faut également renforcer le criblage préalable et le suivi a posteriori des vigiles qui sont prestataires de services. En effet, le turn-over peut parfois conduire à des failles de sécurité, compte tenu des informations auxquelles ces agents peuvent avoir accès.

Enfin, je voudrais souligner aussi quelques points d’attention, qui concernent la nécessité de poursuivre le renouvellement du parc de véhicules blindés, afin de conserver une moyenne à moins de dix ans. Il faut également développer les formations à la cybersécurité dont bénéficient les agents du ministère, à l’heure où les outils numériques peuvent faire l’objet de piratages et d’attaques massives.

Vous trouverez naturellement plus de détails dans mon rapport. Malgré les réserves et les points d’attention mentionnés, je tiens à prononcer un avis favorable sur l’adoption des crédits des programmes 105 et 151 dans la mesure où j’estime honnêtement, et malgré les contraintes budgétaires, qu’ils préservent les capacités de notre diplomatie à remplir ses missions, au service de la France et de nos compatriotes.

M. le président Bruno Fuchs. M. Frédéric Petit, notre rapporteur pour avis sur la diplomatie culturelle et d’influence et sur la francophonie, va évoquer notamment la question de l’influence en zone de guerre. Pour ma part, j’ai pu me rendre en début d’année en Moldavie, où les dirigeants de ce pays m’ont fait part de leur très grande inquiétude face aux moyens massifs que les Russes déploient pour désinformer ou créer de la propagande dans leur pays. Or nous voyons bien que le référendum sur l’inscription dans la Constitution moldave de l’objectif d’adhésion à l’Union européenne s’est joué à quelques milliers de voix.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis (Diplomatie culturelle et d’influence – Francophonie). En tant que député des Français à l’étranger, je souhaite d’abord revenir brièvement sur les propos de notre collègue Nicolas Forissier. La numérisation des services est en bonne voie, notamment grâce à la plateforme France consulaire. Ensuite, la sécurisation des écoles françaises, qui ne sont généralement pas des emprises françaises, est réalisée par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).

Globalement le budget 2025 est en recul par rapport au budget prévisionnel 2024, qui bénéficiait d’une très grande progression au titre du « réarmement » de notre diplomatie. Ainsi, dans le programme 185, nous sommes en progression sur toutes les lignes par rapport au réalisé 2023. À titre d’exemple, l’AEFE bénéficiait de 353 millions d’euros en 2017, contre 450 millions d’euros de subventions pour charges de service public aujourd’hui.

En 2017, nous dressions le constat d’une influence française éparpillée car elle était financée par des ministères complètement différents, qui ne se parlaient pas. De 2019 à 2022, nous avons conduit des travaux de mise en cohérence, notamment de l’aide publique au développement, avec la loi du 4 août 2021. Nous avons également accompagné le Gouvernement dans l’évolution du dispositif des fonds spéciaux de projets innovants (FSPI), qui s’appelle désormais « Fonds Équipe France » (FEF). Ces nouveaux outils sont à disposition des ambassadeurs pour conduire des projets cohérents.

Enfin, depuis 2022, j’ai présenté deux rapports en mettant en exergue la question suivante : cette diplomatie d’influence est-elle « une diplomatie du dessert » ou la plaçons-nous au cœur de notre stratégie du XXIe siècle ?

Ayant eu la chance d’avoir l’assurance d’être désigné rapporteur pour avis dès la fin juillet, j’ai pu partir en Ukraine le 19 août, notamment à Tchernihiv, où nous reconstruisons le théâtre. De la même manière, des conservateurs français sont allés à Soumy pour aider à la cache des œuvres du musée. Je me suis rendu ensuite en Cisjordanie et en Israël.

Lorsque la guerre sévit et que la culture se « planque », il faut encore plus faire œuvre d’influence. Mon rapport comporte à ce titre des exemples très précis sur les moyens nous permettant d’être plus utiles.

M. le président Bruno Fuchs. Je cède à présent la parole aux représentants des groupes.

M. Jérôme Buisson (RN). En 2023, le président de la République avait esquissé, lors de son discours de clôture des états généraux de la diplomatie, une sorte de programmation budgétaire jusqu’en 2027 prévoyant une hausse de 20 % des moyens du ministère, soit près de 1,5 milliard d’euros, et la création de 700 postes. La loi de finances 2024 a tenu cet objectif en consacrant une hausse de 11 % des crédits et la création de 165 postes, tandis qu’en 2025, les crédits sont en légère baisse et la création de postes au nombre de 75.

Force est de constater que le Gouvernement a sacrifié les engagements du président de la République sur l’autel de sa gestion budgétaire calamiteuse. Mais nous reconnaissons que, dans ces temps de crise, il est nécessaire de consentir à un effort pour le redressement de nos comptes publics. Dans le détail de ce budget, les dépenses afférentes aux contributions européennes, bien qu’en baisse, représentent tout de même plus de 150 millions d’euros, alors que le budget de l’ensemble de notre réseau diplomatique représente 780 millions d’euros. Ces contributions équivalent donc à 20 % du budget de notre réseau d’ambassades et de consulats. Nous continuons de défendre un réseau diplomatique national fort car seule une diplomatie nationale sera à même de défendre nos intérêts nationaux.

Mais, plus inquiétant encore, les prévisions de dépenses de 2026 et 2027 laissent présager une stagnation, en termes absolus, des moyens de notre diplomatie, tandis que les aides aux pays en développement devraient augmenter de près de 1,2 milliard d’euros. Au-delà des chiffres globaux de ce budget, nous ne cautionnons pas le fléchage des moyens. Comment ce Gouvernement peut-il prévoir une augmentation substantielle du programme de solidarité à l’égard des pays en développement quand le budget de l’appareil diplomatique est, quant à lui, en stagnation ?

Enfin, nous ne pouvons que déplorer la destruction du corps diplomatique entreprise par le président de la République, auquel nous sommes farouchement opposés. Les diplomates ont, à juste titre, exprimé leur colère et les états généraux de la diplomatie, qui devaient y apporter une réponse, n’ont pas été au rendez-vous. Au regard de la situation budgétaire catastrophique laissée par les macronistes, nous proposons d’amender cette mission de façon responsable en suggérant des pistes d’économies raisonnables. Reconnaissant l’urgence financière de notre pays d’une part, mais protestant, d’autre part, contre un fléchage irresponsable des fonds de cette mission, nous nous abstiendrons en l’état pour le vote de ces crédits.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. La baisse des contributions versées par la France est automatique et accompagnée des transferts budgétaires entre ministères ; elle contribue à une stabilisation de l’effort budgétaire, avec des choix et des fléchages qui me semblent équilibrés. En revanche, j’ai souligné dans mon rapport le ralentissement de la trajectoire telle qu’elle était prévue après les états généraux de 2023, qui se matérialise dans les 75 créations de postes quand 150 étaient nécessaires cette année pour tenir cette même trajectoire. De la même manière, quand 200 postes devaient voir le jour chaque année lors des deux exercices suivants – 2026 et 2027 –, la lettre plafond fait état d’une prévision de 100 postes par an, compte tenu des contraintes budgétaires. Cependant, l’esprit et les moyens demeurent quand même très largement maintenus.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Nous avons déjà évoqué le sujet dans cette commission : la synchronisation des contrats d’objectifs et de moyens (COM) et des contrats d’objectifs et de performance (COP) doit être l’outil d’une éventuelle programmation du ministère. En effet, plus de 60 % des dépenses du ministère ne sont pas programmables, puisqu’elles concernent des cotisations que nous ne maîtrisons pas, ainsi que des dépenses de personnel.

Ensuite, il faut comparer les exécutions, et non se concentrer uniquement sur les budgétisations. Nous avons connu un choc de budgétisation en 2024 et nous demeurons sur une trajectoire ascendante. En matière d’embauches, cela n’est pas parce que 150 postes sont budgétés que les personnes sont immédiatement recrutées. Regardons donc également l’évolution sur l’exécuté. Or nous ne disposons pas encore de l’exécution budgétaire de l’exercice 2024.

Mme Amélia Lakrafi (EPR). Je vous remercie pour ces deux rapports extrêmement détaillés et éclairants. La sécurité de nos agents, de nos employés locaux et de nos emprises à l’étranger constitue une priorité absolue.

Je soutiens évidemment tout effort budgétaire en faveur du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, en particulier pour la création de nouveaux postes dans le réseau consulaire et au sein du centre de crise et de soutien. Comme je l’ai souligné ici la semaine dernière, ce ministère a été trop longtemps frappé par des réductions budgétaires, au point où certains l’ont décrit comme étant « à l’os ».

Ce constat est particulièrement pertinent dans le contexte actuel, notamment compte tenu de la situation au Liban. Nous ne pouvons que constater l’importance vitale du rôle joué par ces agents dévoués pour assurer la sécurité de nos compatriotes à l’étranger, en temps de crise. Il est donc impératif que le ministère dispose de moyens nécessaires pour continuer à fonctionner de manière efficace. Je me réjouis donc de la création de ces 75 ETP supplémentaires, tant en centrale que dans le réseau, permettant de prolonger la dynamique amorcée depuis 2023. Cette nouvelle allocation représente un pas dans la bonne direction.

Je comprends également la nécessité, dans le contexte actuel, de demander un effort à toutes les administrations, y compris le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Cependant, parmi les amendements que nous allons examiner, plusieurs, notamment ceux de nos collègues de La France Insoumise, bien qu’animés de bonnes intentions, révèlent une certaine méconnaissance de la réalité du terrain. Ils me semblent inopportuns dans certains contextes actuels.

Enfin, si l’on veut faire preuve de cohérence, on ne peut pas à la fois plaider pour le renforcement des aides sociales, des bourses scolaires et l’accompagnement des enfants à besoins spécifiques, tout en stigmatisant les Français à l’étranger et en les accusant d’être des privilégiés ou des fraudeurs, et en réclamant la réintroduction d’un impôt sur le passeport. Ce discours n’est ni juste, ni tenable, dans les faits.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. La sécurisation de nos postes constitue un enjeu majeur. Lorsque j’ai entamé l’étude de cet aspect, je redoutais de constater des insuffisances mais, en réalité, j’ai pu observer que le ministère a effectué un très grand effort budgétaire – et aussi culturel et organisationnel – dans ce domaine. Le ministère témoigne d’un très grand souci accordé à la sécurité des personnels, des visiteurs des ambassades ou des consulats. Depuis 2006, les moyens dévolus à la sécurisation de nos postes diplomatiques ont quintuplé. Naturellement, il convient également de demeurer vigilants.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Nous avons évoqué la nécessité de rester accueillants dans les écoles françaises. Je connais une école française à Sarajevo, une école que nos amis de La France Insoumise appelleraient « néolibérale » parce qu’elle est associative. Cette école souhaitait aussi être une école américaine et, à ce titre, devait disposer d’une panic room dans la maternelle. Or cette panic room a été conçue de manière accueillante, tout en respectant les caractéristiques de ce genre de pièce : elle se ferme en trente secondes et comporte le nécessaire pour pouvoir résister trois semaines à un siège.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Monsieur Petit, je me permets de réagir non pas à vos petites provocations, dont nous avons l’habitude, mais à vos propos, qui ne sont pas justes concernant le budget.

L’austérité est à l’œuvre, depuis plusieurs années concernant les crédits de l’action extérieure. Vous vous référez à une hausse de crédits de 5,3 % depuis 2021 mais vous oubliez qu’elle a été plus qu’absorbée par l’inflation, entraînant une diminution nette des crédits sur la période évoquée. Depuis 2011, les bourses et aides à la scolarité ont considérablement chuté. Les crédits de paiement et autorisations d’engagement pour 2025 reculent de 3 % – 100 millions d’euros –, six mois à peine après avoir annulé 175 millions de crédits en mars 2024. De même, si 75 ETP sont créés, nous sommes très loin des 700 postes promis par Emmanuel Macron en mars 2023. Les promesses ne sont donc pas tenues. L’austérité est là, les recrutements et l’attractivité sont considérablement affaiblis et notre représentation à l’extérieur s’en trouve profondément affectée.

Monsieur Forissier, vous évoquez la sécurité de notre représentation à l’étranger. Le directeur de la sécurité diplomatique lui-même indique que 25 % des sites ne bénéficient pas d’un niveau de sécurité adapté, dont 40 % de nos Instituts. Il existe donc un problème important en matière de sécurité, notamment dans les zones où le risque géopolitique est élevé, comme au Moyen-Orient ou encore dans le Sahel.

Je tiens aussi à attirer votre attention sur le projet Cap 2030 annoncé par le président de la République. Ce projet constitue en réalité une privatisation du réseau d’enseignement, où l’on demande à l’AEFE d’organiser les conditions de sa propre concurrence. Les agents se plaignent que deux tiers de leur temps y soient consacrés.

Notre groupe votera naturellement contre ce budget et proposera un certain nombre d’amendements pour essayer d’en rectifier la direction.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Le réseau des lycées français n’a jamais été composé d’écoles d’État et c’est très bien ainsi. Que diriez-vous si un État étranger venait organiser des écoles en France ? Nous ne sommes plus au temps du colonialisme : nous n’avons pas à organiser nos propres écoles, avec nos propres règles, avec nos fonctionnaires, sans coopérer. Lorsque Michel Rocard a créé l’Agence pour mettre un peu d’ordre dans ce réseau il y a trente ans, il a fait figurer la coopération bilatérale au titre des trois objectifs statutaires.

La résolution du conflit que nous connaissons en ce moment avec la Turquie sur les lycées français dans ce pays ne pourra intervenir qu’en coopération, et nous disposons des réponses. M. Blanquer avait parfaitement raison de dire qu’il n’y aurait pas d’écoles de droit turc sur notre sol ; en revanche, il est possible de créer des filières turques dans nos écoles, dans nos filières internationales. Nous disposons déjà d’une dizaine de filières de ce type en France, avec des fonctionnaires chinois qui sont payés par la France pour enseigner, à Saint-Germain-en-Laye et dans la banlieue parisienne, dans une dizaine de filières. Il est possible d’en faire de même avec la Turquie.

Vous nous indiquez que nous vivons une période d’austérité. Je vous rappelle qu’en ces temps de guerre, en gérant notre réseau comme il se doit et non comme une espèce de projection systématique de notre modèle idéal français, nous avons sauvé l’école de Ramallah qui, selon votre vocabulaire, n’est pas une école de l’État français. Il s’agit d’une école privée, faite par des Palestiniens de Ramallah, qui veulent une école française. Elle est aussi bonne que toutes les autres parce qu’elle est contrôlée par notre ministère de l’éducation nationale et la France a dépensé 500 000 euros pour la sauver alors qu’elle était en difficulté.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Pour l’instant, en 2027, au rythme actuel, il manquera 200 postes supplémentaires, à moins de fournir un effort plus important sur les deux exercices 2026 et 2027.

Je rejoins par ailleurs les propos de Frédéric Petit : il faut tenir compte de l’exécuté, dans le temps. En dépit de la contrainte budgétaire, l’effort demeure important. Peu de ministères voient le nombre de leurs ETP augmenter. Je serai personnellement très vigilant à ce que les engagements pris soient respectés et rattrapés.

Ensuite, le ministère reconnaît lui-même que des efforts de sécurisation restent à accomplir. Cependant, les actions dans ce domaine ont été bien pensées et sont réalisées de manière très complète. Elles prennent du temps et certaines emprises nécessitent des investissements très importants. Par exemple, le site d’Addis-Abeba se déploie sur 38 hectares, ce qui nécessite des travaux de grande envergure.

M. le président Bruno Fuchs. Je rappelle que les 75 nouveaux postes font partie de la proposition budgétaire du Gouvernement mais que des discussions ne sont pas closes. Je l’espère en tout cas.

M. Stéphane Hablot (SOC). Vos rapports ont le mérite de la transparence. Ils sont exhaustifs mais, pour reprendre exactement vos termes, il s’agit effectivement d’un contexte budgétaire « dégradé » au regard des déficits publics. La seule et vraie question consiste à savoir si certaines actions fondamentales ne sont pas réduites au point d’être dénaturées et si nous restons encore crédibles sur la scène internationale. La voix de la France est-elle encore entendue face à la nécessité absolue de sécurité internationale ?

Est-il prudent, par exemple, de réduire de 10 % notre contribution aux opérations de maintien de paix ? Membre du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU), la France doit peser beaucoup plus pour porter un cessez-le-feu immédiat au Moyen-Orient. De ce point de vue, il n’y a vraiment pas de quoi se satisfaire. Au total, nous aurions besoin de 140 millions d’euros.

Vous mettez également en avant les priorités en matière de sécurité de nos agents. Ces efforts financiers sont certes nécessaires mais ils ne doivent pas nous faire oublier la chute de 20 %, au vu des besoins grandissants, y compris dans des actions que vous dites « non létales », pour les populations civiles en Ukraine, en Somalie, au Bénin, au Togo, dont les besoins vont grandissants. Êtes-vous vraiment convaincus que les moyens financiers consacrés à ces actions extérieures de l’État sont suffisants, afin que nous restions crédibles ? Nous avons des doutes et nous voterons contre ce budget.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Une fois encore, la diminution de la quote-part française aux dépenses consacrées aux opérations de maintien de paix (programme 105) ne relève pas d’une décision de la France mais d’un calcul fondé sur le revenu national brut, qui a été établi au niveau international, avec nos partenaires. Par ailleurs, la fermeture de la mission de maintien de la paix au Mali entraîne de facto des économies. Au total, la baisse s’établit à 69 millions d’euros, auxquels il faut ajouter la diminution de la quote-part du concours non létal à la Facilité européenne pour la paix.

Ces réductions « mécaniques » nous permettent de conserver un effort budgétaire à peu près stable au regard de ce dont nous disposions l’année dernière, qui nous permet même de progresser dans certains domaines, notamment sur la sécurisation des postes.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. La voix de la France est-elle entendue ? Je conduis ce travail depuis sept ans et peux affirmer que la réponse à cette question ne relève pas que d’éléments budgétaires. Il s’agit également d’un enjeu de réforme et de réorganisation, de remise en cohérence. Il existe désormais des outils, dont la feuille de route de l’influence, qui n’existait pas auparavant. Je rappelle par ailleurs que les crédits de France Médias Monde n’ont pas toujours fait l’objet d’une réflexion par notre commission, ce qui est le cas désormais. Enfin, la voix de la France est entendue : nous sommes les seuls à être encore présents, en diplomatie culturelle, en Israël, en Palestine, dans les villes de province d’Ukraine. Là-bas, les gens en sont parfaitement conscients. Nous finançons des mobilités d’artistes à Bethléem aujourd’hui, soit un dispositif peu coûteux correspondant à quelques dizaines de milliers d’euros.

M. Michel Herbillon (DR). Je souhaite tout d’abord remercier nos collègues rapporteurs pour leurs apports respectifs de grande qualité, qui nous permettent d’évaluer ce matin les crédits de la mission Action extérieure de l’État dans le cadre du PLF 2025.

La France est dotée du cinquième réseau diplomatique mondial, avec 271 postes répartis dans 160 pays à travers le monde. À cela s’ajoutent les milliers d’agences, de missions économiques, des établissements culturels et d’enseignement qui permettent à notre pays, à notre langue, de rayonner à travers le monde. Je remercie Nicolas Forissier d’avoir mis en exergue la question de la sécurisation des postes diplomatiques face à l’augmentation des actes hostiles. Au nom du groupe de la Droite Républicaine, je souhaite saluer et remercier l’ensemble des agents du Quai d’Orsay et des opérateurs, qui réalisent un travail remarquable, parfois malgré les risques sécuritaires majeurs qui pèsent sur eux et leurs familles.

À ce sujet, vous exprimez, cher rapporteur, votre satisfaction de constater l’augmentation constante des moyens alloués à la sécurisation de notre réseau diplomatique. Néanmoins, vous soulignez quelques fragilités, comme le vieillissement du parc de véhicules blindés. Quelles sont les autres préconisations prioritaires que vous pourriez formuler pour améliorer la sécurité de nos locaux et des personnels déployés à l’étranger ?

Plus globalement, cette proposition de budget intervient dans un contexte très difficile pour nos finances publiques. Malgré cela, il est proposé un budget de 5,7 milliards d’euros, soit un montant légèrement supérieur à celui de la loi de finances initiale de 2023. Ainsi, il est proposé la création de 75 ETP supplémentaires.

Le groupe de la Droite Républicaine votera donc en faveur de ces crédits, qui permettent au ministère de poursuivre son action, bien que nous puissions regretter que certains efforts engagés ces dernières années ne puissent pas être maintenus, compte tenu du contexte. Mais surtout, au-delà des moyens, il est urgent de redéfinir la politique diplomatique de la France. Loin des discours grandiloquents, il nous faut retrouver une méthode pour que la voix de la France soit de nouveau écoutée dans le concert des nations.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Les véhicules blindés sont une nécessité pour les déplacements dans les zones à risque. J’ajoute que des membres du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) sont fréquemment présents pour protéger les ambassadeurs ou les personnels en déplacement. Le renforcement de notre parc de véhicules blindés est long et onéreux.

Ensuite, la sécurité passive – le périmétrique, la surélévation des murs, la vidéoprotection – est renforcée de manière régulière et volontariste, en commençant par les ambassades les plus à risque. Mais elle doit être complétée par des personnels. L’administration et les ambassadeurs m’indiquent que pour le moment, les 476 gardes de sécurité diplomatique (GSD) et la centaine de GSD affectés en fonction des besoins apparaissent suffisants. Ce dispositif est complété par des prestataires de services locaux.

Cependant, deux fragilités doivent être mentionnées. Tout d’abord, il serait pertinent de mettre en place une véritable culture commune entre la police et la gendarmerie, notamment en matière de recrutement. Deuxièmement, un problème de criblage et de surveillance doit être mentionné. Les personnels des sociétés de prestataires peuvent recueillir des informations sur le dispositif de sécurité.

Enfin, l’accent doit être mis sur la cybersécurité. Les ambassades constituent des cibles prioritaires en matière de désinformation et de hacking. Des efforts sont entrepris par le ministère mais également par les chefs de poste pour développer une culture de protection plus affirmée.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je souhaite pour ma part rendre hommage aux îlotiers, ces citoyens français bénévoles qui sont coordonnés par chaque ambassade et qui s’engagent pour la sécurité de nos concitoyens.

M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Le rapport de notre collègue Frédéric Petit montre que le programme Diplomatie culturelle et d’influence de la mission Action extérieure de l’État voit son budget passer de 805 millions d’euros à 675 millions d’euros entre la loi de finances 2024 et le PLF 2025. Dans votre rapport, vous vous efforcez de minimiser la baisse et de la présenter comme une « contribution mesurée » au redressement de nos comptes publics. Mais, en réalité, les coupes budgétaires sont importantes et affectent quasiment toutes les actions du programme 185. Par exemple, l’AEFE voit sa dotation fondre de 14 millions d’euros. Le budget dédié à la coopération culturelle, universitaire et scientifique diminue de 10 % par rapport à 2024, forçant les Instituts français et les Alliances françaises à se serrer la ceinture.

Par ailleurs, vous comparez les subventions en 2025 pour l’AEFE avec celle de 2017 mais cette comparaison nous semble peu appropriée car elle ne prend pas en compte l’explosion de l’inflation ces dernières années. Or les établissements scolaires français à l’étranger, comme les Instituts français, sont essentiels à la diplomatie culturelle et à l’influence de la France.

Ces coupes budgétaires mettent à mal le rayonnement de notre pays hors de ses frontières à un moment où il est déjà fragilisé. Je pense notamment à la zone du Sahel. Ces coupes budgétaires effritent aussi le statut des enseignants, à un moment où le Gouvernement devrait chercher à les revaloriser. Vous suggérez par exemple de transformer les postes d’enseignants détachés en emplois de droit local, en estimant que les conditions de rémunération peuvent être comparables, voire meilleures qu’en France, ce qui n’est pas le cas dans la plupart des pays du monde. Il ne faut pas oublier qu’être embauché en droit local signifie renoncer aux droits à l’avancement et à la retraite.

Ces coupes budgétaires pèsent aussi sur les familles de Français installés à l’étranger. La hausse continue des frais de scolarité n’est plus tenable et vient compromettre même l’accès à l’éducation. Il nous semble primordial de sanctuariser, au contraire, les budgets de l’AEFE et de les maintenir au moins au niveau de 2024. Enfin, l’objectif de développement durable voit son budget diminuer de presque 30 % mais vous ne l’abordez quasiment pas dans votre rapport.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. La comparaison que vous effectuez au début de votre intervention est à périmètre différent. Nous sommes un peu en diminution par rapport aux montants budgétés de 2024 mais en hausse par rapport à ceux exécutés en 2023, dans toutes les lignes du budget que je couvre.

Ensuite, les bourses étudiantes sont maintenues et le nombre de bourses complètes a été augmenté. Par ailleurs, je ne souhaite pas faire passer les fonctionnaires en personnels de droit local. Néanmoins, j’estime que les 5 000 enseignants envoyés à l’étranger par la France doivent l’être dans les endroits les plus compliqués, sur des critères diplomatiques. Le lycée de Vienne a une couverture de 85 % d’expatriés. À Ramallah, nous disposons de trois enseignants venus de France, parce qu’ils l’ont accepté. En outre, dès 2018, j’avais écrit qu’il fallait doubler le nombre de ces enseignants au cours des dix années à venir.

Enfin, la subvention pour charges de service public de l’AEFE n’a rien à voir avec les écolages. Nous l’avons augmentée de 100 millions d’euros mais cela ne se répercute pas sur les écolages. En effet, 85 % des établissements ne sont pas gérés par l’Agence. En outre, dans ma circonscription, ce sont les établissements gérés par l’Agence qui sont les plus chers.

Mme Maud Petit (Dem). Conflit entre la Russie et l’Ukraine, entre Israël et le Hamas, guerre au Soudan : la situation internationale actuelle est particulièrement instable et tendue. Dans ce contexte de multiplication des crises, la voix de la France doit pouvoir continuer de se faire entendre pour œuvrer et accompagner à la paix, promouvoir le multiculturalisme, dans une démarche de coopération diplomatique, culturelle et dans la perspective de surmonter les conflits et mieux préparer l’après.

Après une décennie de délaissement, nos services et personnels diplomatiques ont pu bénéficier, tout au long de ces cinq dernières années, d’une hausse régulière du budget alloué à l’action extérieure de l’État. Néanmoins, étant donné la situation actuelle des finances publiques de notre pays, nous comprenons fort bien que cette mission doive, elle aussi, contribuer au redressement de nos comptes publics. Le soutien fort de ces dernières années aura permis d’avoir des services de diplomatie d’influence de mieux en mieux pilotés et de plus en plus agiles. Il faudra réussir à maintenir cette belle dynamique pour permettre au ministère de l’Europe et des affaires étrangères de poursuivre l’agenda de cette transformation dans le prolongement de ce qui avait été acté lors des états généraux de la diplomatie.

Dans ce contexte, pouvez-vous nous indiquer, Messieurs les rapporteurs, comment l’action de notre ambassade à Kiev, dans une Ukraine en guerre, peut se prolonger aux niveaux culturel, éducatif, audiovisuel et universitaire ? Dans quelle mesure la diminution annoncée de 6,2 % des moyens destinés au programme 185 va-t-elle affecter l’action de notre pays dans les zones de conflit, comme en Israël et la Palestine ? La diplomatie dans ces pays en guerre étant entravée, comment la diplomatie culturelle et d’influence de la France peut-elle participer à favoriser la paix et soutenir, par la suite, la reconstruction de ces pays, malgré un moindre budget affiché ? Pour conclure, je précise que le groupe Les Démocrates votera en faveur des crédits de cette mission.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il convient également de mentionner la feuille de route de l’influence, aboutissement d’un travail mené au sein de cette commission à l’automne 2021 et qui a précédé les états généraux de la diplomatie.

Ensuite, la diplomatie culturelle est première à Kiev. Comme je l’ai rappelé précédemment, des Français sont allés mettre en sécurité dans des musées des villes de banlieue, des tableaux de maître qui pourront être réintroduits intacts après la guerre. De mémoire, nous formons et finançons chaque année 500 professeurs de français ukrainiens dans ce pays en guerre, qui rencontrent leurs homologues français à Lublin, en Pologne.

Par ailleurs, je suis favorable à l’envoi en Ukraine d’experts français des collectivités territoriales. En effet, les collectivités territoriales d’Ukraine, qui ont été réformées en 2015-2016 dans un cadre décentralisateur, ne sont pas encore suffisamment équipées pour gérer les subventions qu’elles recevront pour mener à bien la reconstruction du pays.

En résumé, la diplomatie d’influence et la diplomatie culturelle sont au premier plan, y compris en Palestine.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. L’ambassade de France à Kiev a déménagé pendant deux mois à Lviv, avant d’y revenir une fois les travaux de renforcement de sécurisation effectués.

Ensuite, la diplomatie d’influence doit aussi passer, parfois, par des symboles. L’Institut culturel français est ainsi situé dans le cœur de Tunis et dispose d’un patrimoine particulièrement intéressant et rénové.

M. Jean-François Portarrieu (HOR). Monsieur le rapporteur Frédéric Petit, vous consacrez la deuxième partie de votre rapport très documenté à la diplomatie de la France dans les pays en guerre. En analysant la situation en Ukraine, vous soulignez qu’en dépit de la situation évidemment dramatique que traverse ce pays, la France a renforcé des coopérations culturelles en faveur du patrimoine et de l’usage de la langue, par exemple. Vous insistez également sur un fait assez intéressant : la coopération universitaire s’est même développée durant cette période de guerre.

Ce renforcement des coopérations entre la France et l’Ukraine s’avère être une exception, puisque la quasi-totalité des autres pays ont réduit leur présence. Comment expliquez-vous cette situation, si ce n’est inédite, du moins originale ?

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je crois que l’explication tient à la compétence et à l’ouverture ces dernières années de postes diplomatiques. En Ukraine, au consulat général à Jérusalem ou auprès de l’ambassade à Tel-Aviv, nous disposons de personnalités qui portent la diplomatie culturelle, en apportant une expérience beaucoup plus large que leur expérience diplomatique.

Je me suis rendu à Nazareth avec le nouveau consul général de Haïfa, qui est l’ancien conseiller de coopération et d’action culturelle (Cocac) de Tel-Aviv. Il porte quelque chose qui va bien au-delà de ce qu’on attend d’un consul général dans un poste diplomatique. Cet exemple illustre les débats qui ont eu lieu sur la notion de « bon » diplomate, qui est en réalité un chef d’orchestre faisant jouer ensemble un certain nombre d’acteurs.

M. Laurent Mazaury (LIOT). Messieurs les rapporteurs, je souhaite tout d’abord vous remercier pour la qualité de vos rapports. Je suis notamment tout à fait d’accord avec votre analyse concernant la nécessité de travailler sur l’envoi d’agents publics et de personnes relevant de missions de service public en zones référencées comme rouge et orange par le Quai d’Orsay.

Par ailleurs, je tiens ici à saluer les actions françaises de coopération culturelle en Ukraine, alors que d’autres pays ont fermé leurs Instituts culturels. Nous regrettons en revanche que le budget alloué à l’action extérieure de l’État subisse des coupes budgétaires, notamment dans un contexte géopolitique incertain, et alors que les influences russes et chinoises sont de plus en plus ciblées et violentes. Nous l’avons notamment constaté très récemment en Moldavie lors du référendum sur l’Union européenne, dans la mesure où des éléments démontrent que la Russie a tenté de déstabiliser ce vote.

Dans ce contexte, la réduction des crédits du programme 105 suscite des préoccupations légitimes quant à la capacité de la France à continuer d’assurer la sécurité de ses ressortissants à l’étranger. La coopération de sécurité, tout comme notre participation aux missions de maintien de la paix, pourraient être ainsi mises en péril, risquant de fragiliser notre engagement international. Cependant, nous saluons le maintien du réseau diplomatique avec un budget de 121,3 millions d’euros.

Par ailleurs, la diplomatie culturelle et éducative constitue une pierre angulaire de l’influence française à l’étranger et la baisse de 6,27 % des crédits du programme 185 interpelle. L’AEFE et l’Institut français, qui jouent un rôle crucial dans la diffusion de notre culture et notre langue, devront faire face à des moyens par conséquent réduits. Même si vous avez indiqué, Monsieur le rapporteur Petit, que la contribution attendue de la part de l’AEFE au redressement des finances publiques paraît raisonnable et susceptible d’être absorbée en gestion, nous déplorons cette diminution. Nous espérons surtout qu’elle ne deviendra pas une tendance longue.

De plus, cette baisse de crédits pour l’AEFE, combinée à celle des subventions culturelles, pourrait affaiblir notre diplomatie d’influence à long terme. Le rayonnement culturel est un levier stratégique pour notre pays et il est impératif que nous préservions, voire renforcions, notre capacité à promouvoir la langue française et les valeurs qui y sont attachées. Il s’agit ici de parler de l’avenir de notre diplomatie, de la protection de nos concitoyens et de l’influence de la France à travers le monde. Il est de notre responsabilité, maintenant et pour l’avenir, de veiller à ce que ces réductions budgétaires ne compromettent pas les objectifs fondamentaux que nous nous sommes fixés. Il nous faut, ensemble, rester vigilants sur ce point. Sur cet engagement commun, nous voterons donc favorablement.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Comme je l’ai déjà évoqué, la baisse de 90 millions d’euros sur le programme 105 est en réalité une baisse d’opportunité car elle est liée à la réduction mécanique de nos contributions et à un transfert vers le ministère des armées. Les 8 millions d’euros de baisse du programme 151 émanent d’une prévision du ministère, qui tient compte de la diminution du nombre de bourses.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. S’agissant de l’influence, il faut rappeler que l’on ne défend pas la démocratie avec des moyens non démocratiques. Je ne suis pas favorable à ce que nous imitions les Russes ou les Chinois sur ce terrain.

S’agissant de l’AEFE, la réforme interne est essentielle pour séparer ses deux métiers : le métier de gestion des soixante-quatre lycées que nous devons continuer à gérer et celui du développement du réseau, quel que soit le statut des établissements. J’ajoute que l’Institut français a, pour sa part, réalisé une réforme exemplaire ces dernières années. Aujourd’hui, il travaille avec Business France pour appuyer les industries culturelles et créatives. L’AEFE doit entreprendre une démarche semblable et se lier avec le programme mondial de l’éducation, avec France Éducation International, le Centre national d’enseignement à distance (Cned).

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Je suis assez surpris que les rapporteurs estiment que tout va bien. La France a décidé qu’être femme en Afghanistan revient à vivre en situation de risque. Je salue cette décision mais, quand ces femmes arrivent à Islamabad, au Pakistan, elles n’obtiennent leur visa qu’au terme de longs mois, notamment en raison du manque d’effectifs. À un moment donné, il faut mettre en place les moyens à la hauteur de nos choix politiques. Je salue le travail de nos diplomates qui tâchent de mettre en œuvre la politique bien que celle-ci soit parfois contradictoire.

Par ailleurs, il doit être compliqué d’être diplomate français en Azerbaïdjan en ce moment. Lorsque la Russie a envahi l’Ukraine, nous sommes passés par ce pays pour acheter notre gaz. Aujourd’hui, l’ONU organise la COP29 en Azerbaïdjan, où de nombreux pays africains se rendront. Mais la France a choisi de ne pas y aller, de même que notre commission des affaires étrangères. Comment les pays du Sud vont-ils comprendre cette décision, alors qu’ils pourraient attendre de la France qu’elle les défende à l’occasion de cette COP ?

Enfin, le week-end dernier a été organisé un festival sur le Sénégal au Havre. La moitié des stands sont demeurés vides parce que les entreprises sénégalaises, qui étaient invitées à venir présenter, notamment à la diaspora, les investissements qui avaient eu lieu dans le pays, n’avaient pas obtenu les visas nécessaires. Comment parvenir à faire de la diplomatie dans ces situations-là ?

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Compte tenu de la situation de contrainte actuelle, je suis plutôt d’accord avec les propos que le premier ministre a tenu récemment, en incitant à faire mieux avec moins. Sur les budgets 105 et 151, la baisse du montant de nos contributions nous permet de poursuivre l’effort, même s’il faudra rattraper le ralentissement de l’augmentation du nombre d’ETP. Enfin, un effort budgétaire de 3,8 millions d’euros est spécialement consenti pour les visas et le ministère m’indique qu’il devrait porter ses fruits dans les prochains dix-huit mois.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je suis plutôt d’accord avec les remarques de Jean-Paul Lecoq. Je suis le premier à déplorer la non-délivrance de visas. Par exemple, un grand spécialiste indien s’est vu refuser un visa pour assister à un colloque scientifique sous prétexte qu’il était déjà venu dans l’espace Schengen moins d’un an auparavant. Il n’y a pas là de problème budgétaire mais un problème d’organisation de nos moyens. Le service des visas à Dakar doit produire 30 000 visas d’étudiants en un mois et demi, alors que le nombre de personnels reste inchangé tout au long de l’année alors qu’il faudrait adapter les moyens aux besoins de façon plus fine.

Par ailleurs, je ne dis pas que tout va bien. Nous débutons l’examen du budget et nous devons nous assurer que les crédits ne subiront pas de réduction supplémentaire : un coup de Trafalgar peut toujours survenir. De la même manière, nous devons suivre l’exécution du budget et être présents lors du Printemps de l’évaluation. Nous devons poursuivre notre travail, de manière récurrente, en permanence.

M. le président Bruno Fuchs. En matière de visa, il faut distinguer deux aspects. Le premier est d’ordre mécanique et concerne notre capacité de délivrance et le second est d’ordre politique, stratégique et d’influence. Il n’y a pas si longtemps, les visas étaient rattachés au ministère chargé des affaires étrangères dans une vision d’influence. Désormais, ils relèvent du ministère de l’intérieur, dans une vision migratoire.

Je cède la parole aux députés intervenant dans cette discussion générale à titre individuel.

M. Alain David (SOC). L’influence de la France passe évidemment par l’excellence reconnue de nos diplomates et l’étendue de notre réseau diplomatique. Notre influence passe également par la coopération dans les domaines culturel, scientifique, économique, militaire, par le réseau d’enseignement, par la promotion de la francophonie, par le travail des Français expatriés, par les échanges universitaires ou par le travail remarquable de notre audiovisuel extérieur.

La tonalité de notre influence, malgré l’investissement de tous les acteurs publics ou issus de la société civile, est néanmoins grandement tributaire d’un facteur plus incontrôlable : la parole et la constance – ou plutôt le manque de constance – de la France à l’étranger. Or, cette parole est portée le plus souvent par le chef de l’État. Ne trouvez-vous pas qu’il existe un écart préoccupant entre les ambitions partagées sur tous les bancs de notre commission et certaines décisions ou déclarations récentes ?

M. le président Bruno Fuchs. Je ne suis pas certain que ces observations s’adressent à nos rapporteurs et appellent une réponse de leur part.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Initialement sous-évalué à 5,1 % par les précédents gouvernements, le déficit public devrait finalement atteindre 6 % du PIB. Alors que le budget du gouvernement Barnier devait constituer un budget de rupture, l’absence de propositions d’économies structurelles le place dans la continuité des politiques irresponsables menées par Emmanuel Macron.

Sur le programme 185, la baisse de 6,27 % des crédits est en trompe-l’œil et compense à peine la hausse importante des crédits alloués en 2024. En effet, comme l’indique le rapporteur, à périmètre constant, des crédits de ce programme sont en réalité en hausse de 66 millions d’euros depuis 2021.

À travers divers amendements, nous proposerons 21 millions d’euros d’économies supplémentaires, en ciblant l’effort sur le financement de projets culturels. Monsieur le rapporteur, les ajustements budgétaires présentés dans ce programme vous paraissent-ils à la hauteur de la situation de nos finances publiques ?

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Oui, ils me paraissent à la hauteur. Une fois encore, dans le cadre de la diplomatie d’influence, il nous reste à accomplir un travail de mise en cohérence, un travail de réflexion et notre commission doit y contribuer.

Mme Dieynaba Diop (SOC). Notre diplomatie culturelle et d’influence passe aussi par tout le travail que nous réalisons en matière de coopération culturelle et de promotion du français. Or je constate quand même une baisse assez importante des crédits alloués, notamment sur la langue française et la diversité linguistique. Nous savons bien que l’apprentissage du français recule. À l’heure où la France inaugure la Cité internationale de la langue française ou accueille le sommet de la Francophonie, je m’interroge sur la diminution de ces crédits. Pourquoi un tel choix a-t-il été opéré ?

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il faut envisager la question de manière globale. L’opérateur France Éducation International forme des milliers de professeurs de français sur la planète. Faisant partie de l’éducation nationale, il se finance quasi exclusivement à partir de ressources propres liées aux inscriptions aux diplômes d’études en langue française (Delf) et aux frais d’équivalences de diplômes. Les dotations FEF appartiennent désormais au programme 209, afin que les ambassadeurs puissent gérer les projets d’influence de manière homogène.

M. Michel Guiniot (RN). Vos rapports sont très instructifs sur la situation matérielle, nos postes consulaires et les impératifs de sécurisation. J’ai été surpris d’apprendre que l’Institut français de Tunisie faisait l’objet de dégradations régulières et de menaces, notamment depuis le 7 octobre 2023, dont une atteinte particulièrement grave et marquante, la veille de votre séjour sur place. On constate bien que l’on ne peut pas toujours se fier à la population locale, qui peut parfois être hostile à la présence française.

Vous indiquez, dans votre rapport, que la sécurité du bâti peut être assurée par des sociétés locales qui fournissent du personnel et que ces sociétés font l’objet d’une mise en concurrence tous les cinq ans, même si le personnel passe généralement d’une société à une autre. Savez-vous si les appels d’offres sont jugés quant aux moyens pouvant être mis sur place pour sécuriser notre présence diplomatique ou s’il s’agit simplement d’une affaire financière ?

Toujours dans votre rapport, vous indiquez que la direction de la sécurité diplomatique (DSD) incite les postes diplomatiques à avoir recours à des sociétés françaises pour la réalisation des travaux pour des raisons de sécurité ; puis, le ministère demande aux postes de faire appel à des sous-traitants. Pensez-vous que le ministère ait raison de s’opposer à la DSD sur un sujet aussi sensible que la protection matérielle nos agents ?

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Le poste de Tunis n’est pas situé dans une zone considérée comme particulièrement dangereuse. Les manifestations passent le long de l’Institut français avant de rejoindre l’ambassade. Il y a eu, effectivement, de façon relativement isolée, une tentative d’effraction et des tags sont régulièrement dessinés sur les murs. Les services français ont très bien réagi pour protéger et sécuriser les lieux. Je ne pense pas qu’il faille stigmatiser les populations mais, en revanche, il faut être conscient que le risque peut survenir n’importe où, y compris sur notre territoire national. En conséquence, il faut en être conscient et continuer de protéger nos bâtiments.

Ensuite, il est effectivement fait appel à des prestataires locaux qui fournissent des vigiles, soit un total de 1 520 personnes, qui ne font pas partie du dispositif de sécurité à l’intérieur des enceintes. Ces personnes opèrent les filtrages à l’entrée, vérifient les voitures. Comme je l’ai indiqué, il est nécessaire, selon moi, d’augmenter le criblage de ces personnes même si un contrôle est déjà effectué. En revanche, les prestations technologiques sont effectivement confiées à des prestataires français, notamment en matière informatique.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je souhaite revenir un instant sur la Francophonie car votre réponse, cher rapporteur Petit, ne m’a pas convaincu. Un sommet s’est réuni à Villers-Cotterêts il y a trois semaines et la France vient de prendre la présidence de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage pour deux ans. Mais ce sommet de Villers-Cotterêts s’est soldé par un échec politique. Le président de la République démocratique du Congo, pays francophone le plus peuplé, est parti avant le huis clos des chefs d’État, tandis que les documents finaux ne mentionnent pas le génocide à Gaza.

La baisse des crédits se constate partout : diminution de 3,10 % pour l’AEFE et baisse au total de 12,48 % sur l’action de coopération culturelle et de promotion du français. Ne dites pas que ces crédits n’ont pas été consommés cette année, puisque vous savez que Bercy les gèle.

S’agissant de l’AEFE, vous avez formulé un plaidoyer sur les écoles privées. Hier, en compagnie de ma collègue Sophia Chikirou, nous avons entendu les syndicats de professeurs de l’AEFE qui nous ont indiqué que ce genre de mesure conduira les professeurs à ne plus aller enseigner le français à l’étranger, en raison des conditions défavorables. À cause de cette politique, des écoles sont menacées dans de grands pays francophones, notamment à Bamako. En conséquence, je m’étonne de la conclusion de votre rapport.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. À Bamako, il s’agit d’un établissement en gestion directe (EGD). Il est effectivement vrai que des fonctionnaires ne veulent pas aller à Bamako aujourd’hui, alors que je pense qu’il est plus utile qu’ils y aillent plutôt qu’à Vienne.

Ensuite, il faut cesser la confusion qui consiste à considérer que la Francophonie appartient à la France. Nous devons coopérer. L’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) soutient et vient aider certaines ambassades parce qu’elles montent des projets dans le cadre de groupes des ambassades, délégations et institutions francophones (Gadif).

*

 

Article 42 et état B : Crédits du budget général

M. le président Bruno Fuchs. La discussion générale est close. Nous allons débattre de trente-neuf amendements portant sur les crédits de la mission Action extérieure de l’État – un amendement de M. Stéphane Vojetta ayant été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution –, complétés par un amendement sur la liste des objectifs et des indicateurs de performance et par sept amendements créant un article additionnel.

Amendement II-AE50 de M. Kévin Pfeffer

M. Kévin Pfeffer (RN). Cet amendement est en fait un exemple du travail que nous devrions tous mener dans nos commissions respectives pour chercher des pistes d’économies sur les agences, les annexes, les comités, les instituts que nous finançons. Depuis 2008, par exemple, le Quai d’Orsay finance l’Institut du monde arabe (IMA) à hauteur de 12 millions d’euros annuels, ce qui représente presque la moitié du budget de cette fondation privée. Pendant ce temps, le ministère de la culture subventionne également l’IMA à hauteur de plus de 2 millions d’euros pour 2025.

Si l’IMA a augmenté la part de ses fonds propres, ses dépenses de fonctionnement sont nettement en hausse. Or, l’une des causes majeures de la hausse de ses dépenses est l’augmentation très importante du personnel. En 2023, l’IMA enregistre un effectif total record de 195 salariés, contre 150 en 2015. Cette augmentation de 30 % est totalement aberrante alors que l’établissement est grandement dépendant de l’argent des contribuables.

Quelle en est la justification ? Chaque institution financée avec l’argent public doit fournir des efforts, rationaliser ses dépenses, comme nous devrions d’ailleurs le faire dans tous nos ministères. Le but de cet amendement consiste donc à proposer une réduction raisonnable de 10 %, pour montrer l’exemple et contraindre l’IMA à améliorer sa gestion et à réduire sa dépendance aux fonds publics. Le budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères est contraint et ces fonds pourraient renforcer d’autres actions bien plus utiles à notre diplomatie.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Je salue votre souci de réaliser des économies. Cependant, je suis défavorable à votre amendement pour une raison assez simple : vous proposez de raboter 10 % du montant des subventions allouées à l’IMA, or ces subventions, d’un montant de 12,4 millions d’euros, sont gelées depuis 2020, ce qui signifie que même l’inflation n’a pas été compensée. J’émets donc un avis défavorable.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il est logique que l’IMA soit considéré comme un objet diplomatique. Je rappelle que l’Institut a porté une exposition intitulée « Qu’est-ce que la Palestine amène au monde ? »

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE49 de M. Kévin Pfeffer

M. Kévin Pfeffer (RN). Cette année, 23,3 milliards d’euros seront prélevés sur les recettes de l’État français pour contribuer au budget de l’Union européenne (UE), soit un montant historique, encore en hausse de près de 8 % par rapport à l’an dernier. Ainsi, nous sommes les principaux financeurs de rabais dont bénéficient d’autres États membres. Nous subventionnons certains pays européens comme l’Allemagne, pour qu’ils payent moins, alors que notre propre situation budgétaire est pour le moins catastrophique. Nous avons proposé la semaine dernière des amendements pour abaisser cette contribution et nous poursuivrons en séance.

Dans ce contexte, il est totalement inconcevable de donner, en plus de ces 23,3 milliards d’euros, des contributions volontaires à la Commission européenne, d’autant plus qu’il s’agit ici de subventions pour des associations, des centres de recherche, des instituts qui ont pour mission de favoriser les échanges sur l’Europe, c’est-à-dire de la pure communication servant le plus souvent d’ailleurs les volontés d’élargissement et d’adhésion à l’UE. Ces financements supplémentaires ne constituent absolument pas des priorités. Ils ne répondent à aucun besoin de nos concitoyens et ils sont totalement injustifiables au moment où des efforts sont demandés de toutes parts aux Français.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable. Le montant de ces crédits hors contribution européenne est déjà en diminution de 5,5 % par rapport à l’année dernière. Ils correspondent à des actions nécessaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE18 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cet amendement propose d’attribuer 15 millions d’euros supplémentaires au programme 105, afin d’augmenter les moyens pour la rénovation thermique des bâtiments à l’étranger. Un plan ambitieux a été adopté en 2018 pour la rénovation énergétique de 380 millions de mètres carrés de bâtiments publics mais les bâtiments de l’État à l’étranger ne figurent pas dans ce projet et leur rénovation thermique reste à l’ordre du jour, notamment pour des écoles.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Nous abordons une série d’amendements nombreux, qui proposent des augmentations de crédits. Je ne représente pas le Gouvernement ; je ne suis que le rapporteur et je ne peux lever le gage. À chaque fois qu’un de ces amendements serait adopté, cela se ferait au détriment du programme 105.

En réalité, un grand effort est déjà pratiqué en matière de rénovation thermique et de rénovation durable. Le programme « Ambassade verte » décline aussi la démarche de service public éco-responsable dans l’ensemble de notre réseau diplomatique et consulaire. Ainsi, 127 postes à l’étranger sont engagés dans une démarche éco-responsable, avec des investissements parfois très lourds comme à Libreville, à Djeddah, à Quito, à Séoul, à Tirana ou encore à Canberra, et le budget 2025 s’inscrit déjà dans cette démarche. J’émets un avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE42 de M. Aurélien Taché.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, nous attendons évidemment que le Gouvernement lève le gage sur les amendements que nous présentons.

Je propose maintenant de renforcer la qualité des services consulaires en créant une centaine de postes. Nous avons été alertés – et j’imagine que vous aussi, chers collègues – par de très nombreux représentants des Français de l’étranger sur les difficultés croissantes qu’ils éprouvent pour accéder aux services consulaires. Par ailleurs, la dématérialisation des démarches ne peut pas non plus effectivement remplacer toute présence humaine.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Il faut continuer les efforts de renforcement, notamment dans les postes consulaires. Cette année, sur les 75 ETP supplémentaires, 17 postes concerneront les services consulaires. Votre amendement n’est pas soutenable budgétairement. J’émets un avis défavorable.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Nous avons voté l’année dernière une proposition de loi, qui devrait être prochainement à l’ordre du jour du Sénat, sur l’obligation de continuité d’accueil dans les services publics. Cette proposition de loi avait été portée par notre collègue Danièle Obono et elle avait été votée très largement par différents groupes ici présents. Elle a de fortes chances d’être votée au Sénat puisque nous sommes d’accord pour que nos concitoyens bénéficient d’un accueil physique dans tous nos services publics. Il en va de même pour nos services consulaires. La numérisation provoque une exclusion sociale pour nombre de nos concitoyens, à plus forte raison quand les distances à parcourir sont importantes. J’insiste afin que cet amendement soit adopté ici, en cohérence avec la proposition de loi que nous avons adoptée l’an dernier.

M. Pierre Pribetich (SOC). Je suis également favorable à une telle présence, l’e-administration ne suffit pas.

Mme Amélia Lakrafi (EPR). Cette présence existe ! Les Français sont reçus dans certains consulats sur rendez-vous ; d’autres consulats proposent une demi-journée par semaine sans rendez-vous.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE43 de M. Aurélien Taché.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Cet amendement propose de créer 80 postes consulaires d’attachés la sécurité des Français. Les zones de tension se multiplient dans le monde et nous promouvons une meilleure articulation entre les consulats, chaque ambassade et les Français de l’étranger via des attachés à la sécurité. La bonne capacité à évacuer nos ressortissants en cas d’urgence repose aussi sur une très bonne connaissance du tissu social des pays concernés. À Kaboul, les Français avaient réussi à développer un réseau qui leur a permis de voir les événements venir, à l’inverse des Allemands enfermés dans leur tour d’ivoire, mais aussi d’éviter de subir un attentat, ce qui n’avait pas été le cas des Américains.

Enfin, n’oublions pas que, pendant les décennies précédentes, le ministère chargé des affaires étrangères a été le ministère qui a dû subir le plus grand nombre de coupes budgétaires, perdant 30 % à 50 % de ses postes. Dès lors, même une légère baisse de son budget n’est pas acceptable ; il devrait encore progresser.

M. Michel Herbillon (DR). J’entends les propos de M. Le Gall. Le groupe Les Républicains sous la précédente législature était le premier à considérer que ce ministère ne devait plus être une variable d’ajustement. Mais en l’occurrence, les amendements incantatoires de LFI, qui cherchent à dépenser l’argent que nous n’avons pas et ne se soucient pas de la situation budgétaire du pays, sont totalement irresponsables.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Sous tous les gouvernements et toutes les majorités, il a un temps été considéré comme nécessaire de « dégraisser » le ministère des affaires étrangères. Une réaction est ensuite intervenue, à travers le plan de « réarmement » sur la période 2023-2027. Le contrat est respecté même s’il est un peu ralenti. S’agissant de votre amendement, il est cependant impossible, budgétairement, de créer 80 postes. Un très grand effort est effectué en matière de sécurisation et les syndicats partagent ce point de vue.

La sécurisation, notamment en cas de risques d’évacuation, se réalise non seulement avec les gardes et les responsables de sécurité à l’intérieur des ambassades mais aussi avec le réseau très efficace des responsables d’îlots de la communauté française. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage, moi aussi, à nos compatriotes responsables d’îlots.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Nous partageons cet hommage. Cependant, je tiens à répondre à M. Herbillon. Nous ne sommes pas n’importe qui, nous ne faisons pas n’importe quoi ! Balayez devant votre porte pour savoir dans quel état était le Quai d’Orsay, avant que l’on ne prenne conscience qu’il allait mourir. C’est sous le gouvernement de l’UMP que la saignée a été la plus violente, que les coupes ont été les plus sévères, tout le monde le sait. Il faut assumer ces choix politiques au lieu de jeter l’opprobre sur les autres en les présentant toujours comme des irresponsables.

Soit dit en passant, si nous étions vraiment n’importe qui et proposions n’importe quoi, je n’en serais que plus étonné des démarches, visiblement hypocrites, que vous avez menées auprès de nous pour obtenir nos voix lors de votre élection.

M. le président Bruno Fuchs. Ne nous lançons pas dans des batailles personnelles ; la commission ne le mérite pas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE19 de Mme Sophia Chikirou

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Ce matin, nous apprenons qu’un budget qui baisse devrait être décrit comme un budget à peu près stable. On en oublierait presque que lorsque le Parlement discute du budget, il est tout de même possible de discuter de nouvelles dépenses. Pas plus tard qu’hier, en séance, de nouvelles recettes ont été créées. Si l’on se prive de cette possibilité, on prive à la fois la France de ses services publics mais aussi d’une influence et d’une voix fortes à l’international.

Cet amendement porte sur le financement du multilatéralisme et de l’Organisation des Nations unies. Il s’agit d’abonder à hauteur de 10 millions d’euros le financement de l’ONU, dans un contexte où cette institution est profondément remise en cause au niveau international. La France ne peut pas uniquement se payer de mots en disant qu’elle soutient le multilatéralisme. D’une certaine façon, il n’y a pas d’amour du multilatéralisme ; il n’y a que des preuves d’amour du multilatéralisme. Il faut mettre de l’argent sur la table.

Lorsque le secrétaire général des Nations unies est déclaré persona non grata sur le territoire israélien, lorsqu’il est traîné dans la boue quand il cherche à défendre l’application du droit international humanitaire en Ukraine, à Gaza comme au Liban, la France doit se lever. La France doit financer cette organisation dans ce moment historique où elle est mise en cause et, à travers elle, les principes universels et républicains qu’elle défend et dont la France est particulièrement porteuse au niveau international.

Lorsqu’il avait reçu le prix Nobel de littérature, Jean-Marie Gustave Le Clézio ne disait pas autre chose : « Que dans ce troisième millénaire qui vient de commencer, sur notre terre commune, aucun enfant, quel que soit son sexe, sa langue ou sa religion, ne soit abandonné à la faim ou à l’ignorance. Cet enfant porte en lui l’avenir de notre race humaine. À lui la royauté, comme l’a écrit il y a très longtemps le grec Héraclite. ». En voyant les photos des enfants morts à Gaza, nous ne pouvons qu’y penser. Le multilatéralisme doit jouer son rôle.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable. L’effort de la contribution française, tout sujet confondu, progresse dans le programme 105. Je rappelle que la France est le sixième contributeur mondial du budget régulier de l’ONU.

Deuxièmement, comme je l’ai indiqué, nous n’avons pas décidé de nous-mêmes de la baisse de notre contribution : elle est liée au mode de calcul, qui se fonde sur le revenu national brut.

Globalement, la France ne se désengage absolument pas du financement de l’ONU. Elle va augmenter de 10 millions d’euros le montant des crédits affectés à l’action n° 3 pour financer deux conférences internationales majeures, notamment l’une sur les océans.

M. Michel Herbillon (DR). Nous voterons contre cet amendement. Par ailleurs, je ne comprends pas l’inutile agressivité de notre collègue Le Gall, ou plutôt je la comprends parfaitement parce que je persiste et signe à penser que faire des amendements qui consistent à accroître les dépenses sans se préoccuper de la situation budgétaire de notre pays est absolument irresponsable. Je préfère entendre la citation de Le Clézio, qui est un très grand auteur, de la part de son collègue LFI.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Il faut répondre aux appels de l’ONU, lui fournir les crédits nécessaires mais également les payer en temps voulu, dès le mois de janvier. Malheureusement un grand nombre d’États ne versent ces crédits qu’en septembre ou en octobre et en récupèrent une grande partie dans la mesure où l’ONU rend aux pays contributeurs ce qui n’a pas été dépensé dans l’année. De fait, ces derniers entravent parfois le bon fonctionnement de l’organisation.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je rappelle aussi aux collègues que les contributions volontaires à l’ONU concernent le programme 209.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE31 de Mme Sophia Chikirou

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Cet amendement vise à augmenter de 10 millions d’euros la contribution à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Vous connaissez le rôle de l’UNRWA, qui contribue au développement humain, qui gère des services d’éducation, de santé, de secours et de services sociaux. Il propose aussi des microcrédits et une assistance d’urgence aux personnes déplacées dans les zones de conflits. Vous êtes aussi informés largement du génocide qui est perpétré actuellement par Israël à Gaza et qui rend l’activité de cette agence absolument indispensable. Vous n’ignorez pas non plus que cette agence déplore à ce jour plus de 200 travailleurs assassinés lors de bombardements commis par Israël.

Récemment, au mois de septembre, l’école de Nuseirat a été bombardée et six travailleurs de l’UNRWA ont été tués. Vous n’ignorez pas non plus que la Knesset a voté deux lois pour mettre fin aux activités de l’UNRWA et que, selon le chef de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, l’un des buts de guerre d’Israël consiste à obtenir la disparition de l’UNRWA. Nous proposons que la France démontre son attachement à cette agence, à son action en faveur des réfugiés.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Je rappelle que le financement de l’UNRWA dépend du programme 209 de la mission Aide publique au développement, qui sera rapporté par notre collègue Guillaume Bigot dans les prochains jours. Je vous propose donc de retirer votre amendement car il ne peut être porté sur le programme 105. J’ajoute que la France a maintenu son financement à l’UNRWA au premier semestre 2024, malgré les difficultés que nous avons connues.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Cet amendement est maintenu.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE14 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement vise à faire coïncider la dotation allouée aux bourses du gouvernement français dans le cadre de la mission Diplomatie culturelle et d’influence avec le nombre effectif de bourses attribuées. Il ressort la stratégie interministérielle « Bienvenue en France » le souhait de doubler le nombre d’étudiants étrangers boursiers qui viennent étudier en France. Si le fait de valoriser l’excellence est tout à fait louable, il convient de se demander à quel prix. Nous devons diminuer le budget alloué aux bourses du gouvernement français, alors que ces bourses sont en baisse d’attribution de 10 % et que le budget pour l’enseignement supérieur de nos étudiants français, le programme 150, n’aura augmenté que de 0,65 %.

Pour autant, cela ne veut pas dire que nous devons cesser de promouvoir l’excellence de l’enseignement français. Je vous renvoie pour cela aux détails du sous-indicateur 7 de l’objectif 2, qui note que des entreprises françaises pourraient également avoir un intérêt stratégique à s’appuyer sur cet outil. Je ne suis absolument pas contre le fait que de plus nombreuses bourses d’excellence soient attribuées. Il faudrait juste qu’elles soient peut-être financées autrement qu’avec de l’argent public.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Dans le financement des bourses, il faut distinguer les bourses avec ou sans allocation de vie. Il n’est donc pas possible de réaliser un parallèle proportionnel comme vous le pratiquez entre le nombre de bourses et leur coût. En outre, quand bien même le calcul serait bon, il faudrait aussi retirer le stock de votre calcul. Nous avons versé plus de 8 300 bourses avec allocation de vie contre 3 200 autres bourses. Le calcul effectué est juste et il n’existe pas d’argent budgété inutilement.

Ensuite, je suis ravi que vous soyez d’accord avec nous. Avant « Bienvenue en France », il y avait 350 000 étudiants étrangers en France. Nous en sommes aujourd’hui au-delà de 400 000 et l’objectif est d’un demi-million, y compris certains boursiers. C’est important pour le développement de notre propre recherche et de notre propre enseignement supérieur.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-AE53 de M. Jérôme Buisson

M. Jérôme Buisson (RN). Par cet amendement, nous proposons de minorer d’un peu moins de 5 millions d’euros la sous-section 5 Coopération et diffusion culturelle, de l’action 2 Coopération culturelle et promotion du français du programme 185. L’amendement prévoit une ventilation de cette baisse et une réduction de 10 % de la subvention dont bénéficie l’Institut français, pour près de 2,5 millions d’euros, une réduction de 10 % des dotations pour opérations aux établissements à l’autonomie financière dans le domaine de la culture, pour un peu plus de 1 million d’euros, ainsi qu’une baisse de 10 % des crédits d’intervention dans les postes et en administration centrale dans le domaine de la culture, pour près de 1,5 million d’euros.

Cet amendement de diminution des crédits a pour objet de faire contribuer les secteurs de la culture au redressement des comptes publics, qui devront rationaliser leurs projets. Il est par exemple permis de douter de l’utilité de la création d’un Institut culturel franco-allemand en Cisjordanie. Une diminution de 10 % des crédits dans ce champ nous paraît raisonnable pour continuer les projets les plus importants tout en opérant des optimisations de dépenses.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il ne s’agit pas de créer en Cisjordanie un centre franco-allemand mais de faire en sorte que l’Institut français et l’Institut Goethe construisent une stratégie commune pour travailler ensemble. Cette maison commune est extraordinaire : c’est une voix franco-allemande qui parle en Cisjordanie.

Ces budgets vont dans des dotations aux ambassades et il ne faut pas se focaliser sur les étiquettes indicatives des sous-actions présentées sur le budget. Depuis les réformes que nous avons menées ces dernières années, ces budgets sont maintenant gérés de manière globale. Le travail de nos ambassadeurs dans le cadre de leur plan de coopération s’appuie sur des actions qui présentent plusieurs aspects indissociables.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE51 de Mme Laurence Robert-Dehault

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Lors du précédent examen budgétaire, nous avions dénoncé l’absence de véritables contrôles menés sur les événements organisés par les Alliances françaises. Ce projet de budget prévoit par ailleurs une diminution des crédits alloués aux Alliances françaises par rapport à 2024. En l’absence de contrôle établi, ces diminutions sont bienvenues. Des actions organisées par les Alliances demeurent toujours sans rapport ni avec les langues, ni avec la culture française. Pour en citer quelques-unes, l’Alliance de Chiclayo, au Pérou, organise un théâtre itinérant promouvant des compagnies de spectacle du Nord du Pérou ; une Alliance du Honduras organise la promotion d’un livre de poésie d’un auteur espagnol écrit en espagnol ; l’Alliance au Panama tient à organiser une fête de l’environnement en proposant des activités telles que la vente de produits biologiques, l’observation d’oiseaux ou des balades à vélo.

Le site de la fondation des Alliances françaises indique que « L’activité culturelle des Alliances cherche à agir en faveur de la diversité culturelle et pour une mondialisation plus respectueuse des différences ». Libre aux Alliances de promouvoir ce genre d’initiatives mais l’impérieuse nécessité de rationaliser les dépenses publiques devrait conduire à épargner le contribuable français de subventionner ces actions. En conséquence, cet amendement d’économie propose de retirer 2,4 millions d’euros alloués pour le volet culturel des Alliances françaises.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. J’émets un avis extrêmement défavorable, techniquement et philosophiquement, pour les mêmes raisons que le précédent amendement. En Amérique du Sud, il y a très peu d’Instituts français. L’épine dorsale de notre action est portée par des acteurs « privés » comme le diraient certains à gauche. Laissons-les travailler ! Nous mettons un tout petit peu d’argent proportionnellement pour les coordonner, pour les contrôler, pour les former. Nous dépensons moins de 10 millions d’euros pour un réseau d’Alliances françaises qui est l’équivalent de 900 Instituts français dans le monde.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE52 de Mme Laurence Robert-Dehault

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Cet amendement d’économie propose de supprimer totalement les crédits alloués aux objectifs de développement durable, déjà en baisse de 500 0000 euros par rapport à 2024. Les crédits de cette action ne s’élèvent désormais qu’à 1,7 million d’euros. Dans une optique de rationalisation de la dépense publique, nous privilégions le rayonnement de la France et la promotion de sa langue plutôt que le financement de projets culturels qui soutiennent des objectifs de développement durable déjà mondialement promus.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. J’émets un avis extrêmement défavorable. Ces crédits modestes sont utiles, par exemple pour un petit volant de bourses pour des chercheurs et étudiants sur les thématiques ciblées.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE38 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je souhaite m’adresser en préambule aux collègues qui s’inquiètent du fait que nos amendements proposent de créer quelques dizaines de millions de crédits supplémentaires. J’espère qu’ils étaient là hier pour voter la taxe Zucman, que nous avons proposée et qui rapporte 26 milliards d’euros. J’espère qu’ils seront là cet après-midi pour voter l’impôt universel qui ciblera les Français les plus fortunés.

Je suis aussi surpris d’entendre que le Rassemblement national s’en prend aux Alliances françaises et aux Instituts français. Pour pouvoir exercer un contrôle parlementaire et mener des débats intéressants dans cette commission sur ce sujet, il faut annuler effectivement le transfert de dépenses de personnels du programme 185 vers le programme 105. Nous voyons qu’il suscite un certain nombre de débats et, contrairement au rapporteur, je ne suis pas convaincu qu’il ne s’agisse que d’une question d’organisation.

Quand je vois, au contraire, le recul de l’influence de la France dans de très nombreuses régions du monde, quand j’observe que sa voix est inaudible au Moyen-Orient et à peu près partout aujourd’hui, je me dis que nous devons véritablement prendre ce sujet au sérieux et exercer un contrôle digne de ce nom sur ce programme.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Vous dites le contraire de ce que vous prônez. Il est beaucoup plus facile pour un Parlement de mener son rôle de contrôle quand la masse salariale de toutes les personnes est regroupée au même endroit que lorsqu’elle est éclatée. Certains consuls généraux sont directeurs de l’Institut français. Enfin, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères est le dernier à effectuer ce regroupement, qui était nécessaire pour nous permettre de bien mieux contrôler.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AE13 de M. Stéphane Vojetta et II-AE33 de Mme Sophia Chikirou, pouvant faire l’objet d’une discussion commune

M. Stéphane Vojetta (EPR). Je viens présenter une série d’amendements qui, tout en reconnaissant la nécessité d’efforts budgétaires et d’efficacité dans la dépense publique, demanderont quand même un ajustement vis-à-vis du plan budgétaire initial du Gouvernement, afin de prendre en compte la spécificité de notre réseau d’AEFE à l’étranger.

Ce réseau est un trésor pour la France et pour sa communauté expatriée mais il exerce aussi un rôle significatif dans le cadre de sa mission de diplomatie d’influence. Chaque année, ce réseau coûte 2,5 milliards d’euros, sur lesquels la France apporte généreusement 450 millions d’euros, le reste étant à charge pour les familles.

Même s’il n’existe pas de relation directe entre le budget de l’AEFE et l’augmentation ou pas des frais de scolarité, il y a des liens assez importants, puisqu’une grande partie du budget de l’AEFE est dédiée au portage des coûts salariaux, notamment des employés résidents ou expatriés dans le réseau. Chaque modification à la baisse du taux de remontée de ces portages finit par impacter les parents sous la forme de l’augmentation des frais de scolarité. C’est pourquoi je demande, non pas une augmentation du budget alloué à ce poste, mais simplement la sanctuarisation du montant de 2024, afin de protéger l’existant et de permettre ainsi à ce réseau de prendre sa part de l’effort budgétaire, ni plus ni moins.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Nous avons déposé au nom du groupe LFI un amendement visant à empêcher la réduction de 14 millions d’euros dédiés à l’AEFE. Nous avons eu le plaisir d’auditionner hier les syndicats de l’AEFE, qui nous ont expliqué quels étaient les logiques et les mécanismes en cours depuis 2018 et le projet Cap 2030 du président Macron. L’AEFE se retrouve désorientée par rapport aux missions qui étaient les siennes initialement.

Les syndicats nous ont indiqué que deux tiers du temps de travail des personnels de l’AEFE sont désormais consacrés au développement des partenariats plutôt qu’au réseau d’enseignement français à l’étranger et aux publics concernés. La réduction de 14 millions d’euros est importante et se traduit par une diminution du personnel et de la qualité du travail. Cette baisse impactera aussi les usagers et les bénéficiaires de ce réseau, qui verront leurs coûts augmenter mécaniquement.

Nous sommes partisans de la gratuité de l’école pour nos compatriotes à l’étranger, pour assurer la continuité du service public français et le maintien du lien qui devrait être indéfectible entre nos compatriotes à l’étranger et la mère-patrie, notre nation. Nous déplorons cette façon de voir l’éducation non plus comme un service public mais comme un bien de consommation, qui crée finalement de l’exclusion sociale. Aujourd’hui, certains de nos compatriotes français ne peuvent pas envoyer leurs enfants à l’école française. Il est indispensable de maintenir ces 14 millions d’euros.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Les syndicats que vous avez rencontrés hier représentent 5 000 enseignants sur 45 000 dans le réseau.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Ces 5 000 enseignants ne comptent-ils donc pas ?

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. La subvention de 450 millions d’euros vient financer une agence, qui gère soixante-quatre des six cents lycées français, pour un budget de 1,1 milliard d’euros.

Les autres lycées français sont financés, à hauteur de 4,5 milliards d’euros, par les autorités locales qui veulent un lycée français. Statutairement, le rôle de l’AEFE consiste aussi à développer le réseau. Nous avons 5 000 enseignants envoyés dans le monde pour 45 000 enseignants qui sont sur place et qui ont les mêmes diplômes que leurs collègues qui viennent de France. Dans tous les lycées, même les EGD, seulement 10 % des professeurs viennent de France.

Le budget de l’Agence en 2024 s’établit à 1,22 milliard d’euros…La direction n’est pas affolée et il n’y a aucune influence sur les écolages des soixante-quatre lycées français.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Soyez assurés qu’il n’y a aucune agression de notre part. Nous avons des positions différentes de M. Herbillon mais nous ne nous lançons pas dans des procès permanents en incompétence. Simplement, il faut arrêter de s’adresser à nous en employant un ton professoral pour nous expliquer que nous ne comprenons rien.

La commission adopte l’amendement de M. Stéphane Vojetta, l’amendement IIAE33 de Mme Sophia Chikirou tombant par voie de conséquence.

Amendement II-AE35 de Mme Sophia Chikirou

Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Cet amendement vise à transférer 11 millions d’euros en crédits de paiement et autorisations d’engagement pour 2025 vers le programme qui concerne la diplomatie culturelle et d’influence, et en particulier la coopération culturelle et la promotion du français. Ce projet de loi de finances pour 2025 est bel et bien une cure d’austérité, qui n’épargne pas le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et, en particulier, le réseau d’établissements scolaires français, qui perd 11 millions d’euros.

Pourtant, ce projet annuel de performance est tissé de jolis mots qui n’hésitent pas à rappeler les grands objectifs du plan pour la langue française, pour le plurilinguisme de mars 2018, au premier rang desquels figurent la diffusion, la promotion et l’enseignement du et en français. Nous rappelons que le français est présent sur tous les continents et tous les océans. On estime à 350 millions le nombre de locutrices et de locuteurs du français dans le monde. Le français est d’ores et déjà la langue officielle de vingt-neuf pays et a le statut de langue officielle ou de langue de travail dans la quasi-totalité des grandes organisations internationales, dont l’ONU.

Il nous apparaît culturellement et politiquement nécessaire de préserver les crédits relatifs à la promotion du français, afin que nous ne soyons pas seulement dans les mots, mais bel et bien dans les actes.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable. Vous ne pouvez pas isoler ces crédits. La coopération francophone passe également par France Éducation International, l’Agence française de développement (AFD) et par nos contributions aux organisations internationales.

Par ailleurs, je souhaite apporter une précision, parce que la situation commence à devenir pour moi douloureuse : je n’ai pas de vision néolibérale de l’éducation. J’ai travaillé dans la rue au Caire avec des enfants ; j’ai passé quinze ans de ma vie à diriger un projet d’action sociale avec des enfants, quand beaucoup d’entre nous n’étaient pas nés. Je ne fais que décrire le réseau tel qu’il est, aujourd’hui. En règle générale, sauf en Union européenne et quelques traces de notre colonialisme passé mises à part, le réseau de nos lycées français à l’étranger ne nous appartient pas. Il a toujours été géré par des organisations que nous avons coordonnées. Contrairement à ce que prétendent certains syndicats, une grande partie de l’argent que nous donnons doit venir coordonner six cents lycées et non en faire vivre soixante.

M. Pierre Pribetich (SOC). Monsieur le rapporteur Petit, chacun a son propre parcours, qu’il faut respecter.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE41 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cet amendement vise à proposer des cours de français aux étrangers qui arrivent en France dans le cadre du regroupement familial depuis les Alliances françaises, quand cela est possible. Cette action avait lieu par le passé mais a disparu. Aujourd’hui, les cours de français interviennent uniquement dans le cadre du contrat d’intégration républicaine mais cela demeure encore insuffisant.

La maîtrise de la langue est le premier élément d’intégration. Nous sommes tous extrêmement attachés à l’intégration des étrangers qui arrivent dans notre pays, dans le cadre légal, par exemple le regroupement familial. Nous proposons uniquement 900 000 euros pour tester ce dispositif.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. L’idée est intéressante et nous l’avions travaillée au moment de la première loi sur l’immigration, lors du précédent mandat. La commission s’était saisie de cette loi justement pour travailler la question des visas allers-retours et parce que l’intégration ne pouvait pas systématiquement se limiter au temps de présence éventuelle sur le territoire français. Cependant, je vous demande de retirer votre amendement, dans la mesure où les Alliances françaises le font déjà. De plus, le financement devrait plus relever de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je maintiens l’amendement. En effet, si on laisse uniquement ce budget à l’OFII, je crains que ces crédits ne soient pas utilisés pour cela, compte tenu des priorités actuellement données en matière de politique migratoire. En outre, ma proposition concerne une expérimentation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE36 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cet amendement vise à apporter cette année un soutien exceptionnel à la fédération internationale des professeurs de français, qui risque malheureusement de devoir mettre la clé sous la porte. Il s’agit d’un réseau de 300 associations qui rassemble 220 000 professeurs de français à travers le monde, qui interviennent tous à titre bénévole dans le cadre de cette fédération.

Lorsque j’ai présenté, avec ma collègue Lakrafi, les orientations de notre rapport sur la Francophonie, j’avais donné l’exemple de ce professeur de français qui, au Pérou, marchait chaque jour durant quatre heures pour pouvoir donner ses cours. Il existe des personnes qui aiment vraiment notre langue et s’impliquent très fortement pour pouvoir continuer à l’enseigner dans tous les pays du monde. Or le seul accompagnement dont ils peuvent bénéficier provient d’une telle fédération.

Malgré tous les grands engagements qui ont été pris, notamment dans le cadre de la stratégie 2030 par le président Macron en 2018, cette fédération internationale est en grande difficulté et risque de fermer. L’amendement propose 250 000 euros pour financer ses frais de fonctionnement cette année, exceptionnellement.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je vous remercie de mettre à l’honneur cette fédération qui est absolument extraordinaire. Elle est subventionnée par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères l’aide à réaliser des opérations. Je ne pense pas que nous soyons dans une bonne position pour décider maintenant si nous devons prendre en charge le fonctionnement d’une fédération qui émane de 294 associations régionales ou nationales avec 54 000 membres cotisants.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Vos propos sont vraiment choquants. Vous nous expliquez que l’on ne peut pas mener de choix politiques : puisque l’OIF doit financer cette fédération, la France ne pourrait pas opérer un choix supplémentaire, alors même que je vous explique qu’elle risque de fermer. Il n’y a aucune instrumentalisation ou récupération idéologique de ma part.

« Je suis favorable au multilatéralisme, aux cofinancements, (…) la francophonie n’appartient pas qu’à la France » ; merci beaucoup de toutes les leçons que vous nous prodiguez depuis ce matin. Si la France fournissait un effort de 250 000 euros pour éviter à la fédération de fermer, cela ne serait pas choquant.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE25 de Mme Sophia Chikirou

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Nous ressentons tous un niveau de tension élevé ce matin dans cette commission. Je crois que M. le rapporteur Petit a tendance à exaspérer un peu les collègues à qui il s’adresse souvent sur un ton qui, peut-être, pourrait être revu afin que la suite de cette réunion se déroule dans une meilleure ambiance.

Cet amendement vise à défendre l’AEFE. Depuis 2018 et le projet Cap 2030, il existait une volonté du président Macron de doubler les effectifs. Le choix stratégique a consisté à développer des partenariats au détriment de la gestion directe mais aussi des établissements conventionnés, dans des conditions inefficaces et insatisfaisantes. Les personnels s’en plaignent. Si nous voulons proposer un service public de qualité pour nos compatriotes à l’étranger, la gestion directe est indispensable.

Il ne s’agit pas d’une vision colonialiste ou néo-colonialiste. Il existe une véritable demande, non seulement de nos compatriotes mais aussi des binationaux – qui sont aussi nos compatriotes –, qui sont installés dans des pays à l’étranger. En résumé, nous demandons d’augmenter la part des établissements en gestion directe de l’AEFE.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je n’ai rien contre les établissements en gestion directe. J’ai accompagné la mise en gestion directe du lycée de Varsovie. Je n’y étais pas très favorable, et je pense que j’avais raison, mais je n’ai rien contre les établissements en gestion directe. Simplement, en trois ans, nous enregistrons cent lycées et 80 000 élèves supplémentaires. De très bons lycées, plébiscités par les parents d’élèves, sont gérés localement. Je ne vois pas en quoi le statut du lycée changerait quelque chose dans son excellence, qui est garantie par notre ministère de l’éducation nationale et non par l’AEFE, dans son budget et dans la validation de ses professeurs. Pourquoi entrer dans une telle démarche ? Cela serait absurde.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE26 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cet amendement vise à alerter sur la multiplication des contrats de droits locaux pour nos professeurs de français. Une telle démarche dissuade un grand nombre de nos enseignants de prendre un poste à l’étranger ou d’y faire une partie de leur carrière. Cet amendement d’appel permet la résidentialisation à tous les enseignants titulaires non-résidents de l’AEFE.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable. Les enseignants en contrat local ne se déplacent pas ; ceux qui se déplacent sont forcément en contrat AEFE.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE12 de M. Stéphane Vojetta

M. Stéphane Vojetta (EPR). Cet amendement devrait satisfaire tout le monde, puisqu’il est à la fois très écologique tout en proposant de prendre notre part de responsabilité budgétaire. Il propose de supprimer les envois d’enveloppes électorales aux électeurs français de l’étranger. Lors de ces dernières élections législatives, nous avons pu constater que les envois effectués depuis la France sont systématiquement arrivés en retard, après le jour du vote, aussi bien au premier tour qu’au deuxième tour.

Par ailleurs, nous constatons également que 90 % des 1,7 million d’électeurs qui sont inscrits sur la liste électorale consulaire ont donné leur adresse électronique au consulat et donc sont à même de recevoir la propagande électorale d’une manière dématérialisée. En outre, plus de 85 % des Français de l’étranger ont recours au vote électronique. Je propose donc d’éliminer 3,5 millions d’euros de notre budget.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Je souscris sur le fond à cette interrogation. Des réflexions ont déjà été menées et un rapport de nos collègues Jean-Michel Mis et Raphaël Schellenberger proposait que les électeurs puissent choisir la dématérialisation. Cependant, mon avis est partagé car je ne sais pas si, en réalité, l’examen du budget est le support approprié pour réformer le code électoral. Vous dites d’ailleurs vous-même qu’il s’agit d’un amendement d’appel.

Je suis très ouvert sur le fond mais vous demande le retrait de l’amendement. À défaut, j’émets un avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE37 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cet amendement est défendu.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable. Le transfert des crédits du programme 151 dans le programme 105 permet en réalité une meilleure lisibilité, y compris dans les documents de performance.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AE28 et AE17 de Mme Sophia Chikirou

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Ces deux amendements portent sur la Caisse des Français de l’étranger (CFE), organisme de sécurité sociale de droit privé en charge d’une mission de service public, tout en ayant une obligation d’autonomie financière élevée. À ce titre, cette caisse ne bénéficie d’aucune taxe affectée, d’aucun soutien de l’État en dehors des 380 000 euros de la catégorie aidée et ne bénéficie pas non plus d’une fraction de contribution sociale généralisée (CSG), alors que les Français établis à l’étranger continuent de participer par leur assujettissement aux diverses contributions sociales au financement de la protection sociale en France. Il convient donc de rappeler que, dans sa mission de service public, cette caisse est dans l’obligation d’accepter tous les Français, quels que soient leur âge ou leur état de santé, faisant donc d’elle une caisse universelle. Cela entraîne naturellement des déséquilibres financiers coûteux qui rendent la caisse structurellement déficitaire.

Nous proposons donc de renforcer cette caisse, avec cet amendement qui augmente de 25 millions d’euros les crédits à l’action Offre d’un service public de qualité aux Français de l’étranger. Nous demandons évidemment au Gouvernement de lever le gage que nous proposons. Je rappelle que cet amendement provient du travail de M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial sur la mission en commission des finances pour PLF 2024.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable sur les deux amendements pour des raisons budgétaires, même s’il revient au Gouvernement de lever le gage. En outre, cet aspect ne devrait pas être discuté dans le cadre actuel, puisqu’il concerne une redéfinition plus complète de la politique de protection sociale de nos compatriotes à l’étranger, en l’état actuel.

L’essentiel des ressources de la CFE se fonde sur des cotisations. Elle a récemment fait l’objet, pour la deuxième année consécutive, d’une certification de ses comptes qui montre au contraire de réels progrès en matière d’équilibre, de gestion des ressources. Je pense donc qu’il faut laisser les choses se faire. Vous avez peut-être raison de poser le débat mais je rappelle que, en l’état actuel, une dotation de 380 000 euros est destinée à permettre aux personnes les plus démunies d’accéder à la CFE.

La commission rejette les deux amendements.

Amendement II-AE6 de M. Stéphane Vojetta

M. Stéphane Vojetta (EPR). Cet amendement vise à revenir sur la réduction de 6,5 millions d’euros des bourses AEFE proposée par le Gouvernement. Je ne propose pas une augmentation de cette enveloppe, qui serait pourtant nécessaire, mais très raisonnablement de sanctuariser et de maintenir stable l’enveloppe par rapport au niveau de 2024. En effet, ces bourses sont particulièrement nécessaires pour la communauté française établie à l’étranger.

L’inflation et l’augmentation des frais de scolarité exercent une pression considérable sur les budgets des familles. En 2023, environ 24 000 bourses scolaires ont été attribuées à des enfants français scolarisés à l’étranger. Sans ces dernières, leur déscolarisation serait inéluctable. Nous devons les accompagner, notamment pour défendre une mixité sociale au sein de nos établissements scolaires à l’étranger mais aussi parce que cela fait partie de nos principes républicains.

L’AEFE, en étroite collaboration avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, gère ce dispositif essentiel grâce aux moyens budgétaires alloués en loi de finances. En tant qu’ancien président de l’association des parents d’élèves du lycée français de Madrid, j’ai eu l’occasion de participer à de nombreuses reprises aux commissions consulaires des bourses, qui permettent de réaliser que les familles bénéficiaires sont très souvent des familles monoparentales, des mères seules qui continuent à vouloir, malgré les difficultés, scolariser leurs enfants. Elles ont besoin de notre soutien et du maintien de cette enveloppe des bourses au niveau de 2024.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Ma réponse est identique à celles déjà formulées. La baisse de 7 millions d’euros est liée à l’évaluation, par les services du ministère, de l’évolution du nombre de demandes de bourses, qui diminue depuis quelques années. En l’état actuel, la maquette budgétaire me paraît équilibrée ; elle me paraît correspondre, sur des critères objectifs, à l’évolution du nombre de demandes probables de bourses. Cependant, il convient de rester vigilant, tant il est compliqué de prévoir les tendances futures. Il sera peut-être nécessaire de monter au créneau en cours d’année, au cas où certaines sommes manqueraient. Je vous propose de retirer cet amendement.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Notre commission devra par ailleurs absolument traiter le sujet de la mixité sociale de nos établissements français à l’étranger. En effet, la mixité sociale éducative est un sujet d’ordre diplomatique.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Ayant participé à ces conseils consulaires, je confirme que les enveloppes sont trop faibles et ne répondent pas aux besoins. En 2024, il a ainsi été nécessaire d’appliquer un mécanisme de solidarité qui a réduit de facto, pour la grande majorité des familles bénéficiaires, de 5 % le montant des bourses allouées, accroissant le reste à charge. J’insiste et maintiens donc cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE21 de Mme Sophia Chikirou

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Nous demandons une augmentation de l’enveloppe des bourses, en raison de l’inflation qui impacte la grande majorité des pays du monde et nos compatriotes. En tant que présidente du groupe d’amitié France-Mexique, les familles que je rencontre m’exposent clairement à quel point l’inflation a réduit la bourse dont elles bénéficient. M. Vojetta a raison de dire qu’il s’agit souvent des familles les plus fragiles, de mères isolées, qui essayent de maintenir le lien avec la France.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable, dans la mesure où nous venons d’adopter l’amendement précédent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE34 de Mme Sophia Chikirou

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Cet amendement vise à transférer 5 millions d’euros de crédits et autorisations de paiement pour le programme Action de la France en Europe et dans le monde vers le programme Français à l’étranger et affaires consulaires. Il vise très clairement à attirer l’attention sur la situation de nos compatriotes au Moyen-Orient, dont la sécurité est en danger. Nous avons perdu plusieurs d’entre eux en Palestine. Deux enfants, Obeyda et Janna, ont été tués par un bombardement israélien fin octobre 2023 et quatre agents de l’Institut français sont morts dans la bande de Gaza. Il s’agit de Fathia Azaiza, professeure de français décédée en octobre, Rami Fayyad, professeur de français mort en février faute de médicaments, Ahmed Abu Shamla, agent administratif décédé le 16 décembre dans un bombardement et Mohamed Qreqa, animateur d’ateliers artistiques,

Au Liban également, le gouvernement israélien poursuit ses attaques meurtrières. Deux Français sont morts mais la France refuse toujours de mettre en œuvre des évacuations tant que l’aéroport de Beyrouth restera ouvert. Nous comptons près de 24 000 ressortissants sur place mais il y a seulement trois vols quotidiens. En conséquence, les prix explosent et les vols sont complets. Sachez par exemple que l’Allemagne, qui compte vingt fois moins de ressortissants au Liban, leur a demandé de quitter le pays et a affrété un avion militaire. À l’inverse, la France se contente de réserver quelques centaines de places dans deux vols supplémentaires.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. J’entends bien votre préoccupation, que je trouve légitime. Simplement, tout dépend du programme 105 et votre amendement n’est pas opérant dans la mesure où vous effectuez un transfert de crédits sur le programme 151. En outre, le centre de crise et de soutien (CDCS), qui gère ce genre de situations, voit ses crédits à nouveau augmenter en 2025. J’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE15 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Cet amendement est défendu.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE16 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cet amendement porte sur l’accompagnement des personnes en situation de handicap et dépasse les clivages politiques. Je rappelle que nous avions voté l’année dernière, à la quasi-unanimité, la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé. En l’espèce, il s’agit de mettre fin à une inégalité entre nos compatriotes à l’étranger en situation de handicap et ceux vivant en France.

En effet, pour obtenir l’allocation aux adultes handicapés (AAH) auprès des conseillers consulaires pour la protection et l’action sociale, un citoyen ou une citoyenne française doit aujourd’hui justifier d’un taux d’incapacité de 80 %, quand ce taux peut être abaissé à 50 % sur le territoire national. Il s’agit donc simplement de corriger cette inégalité douloureuse en abondant de 2 millions d’euros le programme 151.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Nous entrons dans une série d’amendements qui portent sur le volet social. Je rappelle que dans ce budget, les crédits en matière sociale sont stabilisés. Ils sont destinés à soutenir nos compatriotes à l’étranger disposant de faibles ressources ou souffrant d’un handicap, leur versement étant pris après avis des conseils consulaires pour la protection et l’action sociale (CCPAS). Le montant budgétaire 2025 correspond à celui ouvert en 2022, soit 15,2 millions d’euros, ce qui permet de garantir le niveau des aides versées à l’ensemble des publics en difficulté. Ce montant connaît une légère diminution par rapport à 2023 et 2024 mais elle est essentiellement liée à la fluctuation des taux de change. Dans ce contexte, je suis défavorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE7 de M. Stéphane Vojetta

M. Stéphane Vojetta (EPR). Cet amendement vise à réaffecter une partie de la baisse budgétée des crédits dédiés aux aides sociales vers nos dispositifs de soutien au tissu associatif des Français à l’étranger (Stafe) et des organismes locaux d’entraide et de solidarité (Oles). Ces baisses de crédits sont budgétées pour répondre à une mise en œuvre de la norme européenne qui vise à éviter les doublons entre les aides sociales versées par les États de résidence et les États d’origine.

Si l’objectif est louable, cela présuppose une hypothèse selon laquelle il existerait une égalité dans tous les pays de l’Europe entre le niveau des aides sociales qui peuvent être versées. Or, dans certains pays européens, les aides sociales ne sont malheureusement pas aussi généreuses que celles qui existent en France. Je propose de réaffecter une partie de ces coupes budgétaires à nos associations, gérées par des gens compétents et dévoués, afin qu’elles puissent prendre, en responsabilité, la décision d’assister nos Français expatriés en difficulté sociale et économique, en fonction des aides locales qu’ils perçoivent ou non.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. J’entends bien cette préoccupation. Normalement, l’épure budgétaire, telle qu’elle existe, devrait permettre de répondre aux besoins. Cela étant, j’émets un avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE10 de M. Stéphane Vojetta

M. Stéphane Vojetta (EPR). Cet amendement est extrêmement important, puisqu’il répond à l’une des préoccupations principales des Français de l’étranger. Lorsque ces derniers veulent renouveler leurs documents d’identité, ils doivent se rendre à leur consulat. Pour certains d’entre eux, cela signifie se déplacer sur des milliers de kilomètres. En conséquence, les Français de l’étranger expriment une demande forte de se voir proposer une procédure dématérialisée.

Le Gouvernement et le président de la République ont entendu cette demande et ont procédé à la mise en place d’une phase de test d’une procédure dématérialisée de renouvellement des passeports, à travers un système de vérification d’identité et des vidéoconférences. Cette phase de test a cours actuellement au Canada et au Portugal, dans ma circonscription. Cette phase va être maintenant évaluée par un comité d’évaluation qui déterminera si nous allons généraliser cette technologie à l’ensemble des Français de l’étranger.

Nous avons constaté, lors de cette phase de test, que les agents consulaires concernés prennent un peu plus de temps pour réaliser cette procédure. Je propose donc une dotation budgétaire de 1 million d’euros, afin de permettre au ministère d’embaucher 10 personnes ou équivalents temps plein, qui pourraient se dédier à cette tâche.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. J’entends bien cette préoccupation mais trop de dépense finit par tuer la dépense. Je vous demande de retirer cet amendement, dans la mesure où le rapport définitif conduit par les deux inspections de l’administration et des affaires étrangères doit être rendu fin novembre 2024.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Gouverner, c’est prévoir et je ne voudrais pas que l’on nous oppose la non-reconduction et la généralisation de ce dispositif très attendu, uniquement pour des raisons budgétaires. Je maintiens l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE23 de Mme Sophia Chikirou

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Je vous propose de consacrer un million d’euros aux conseils consulaires pour la protection et l’action sociale. Cet après-midi, vous aurez l’occasion de voter un amendement que nous proposons pour l’impôt universel sur les catégories de revenus les plus élevés de nos compatriotes établis hors de France. Dans un souci de solidarité nationale, nous proposons donc que 1 million de cet argent que nous allons récolter cet après-midi soit consacré aux conseils consulaires pour la protection et l’action sociale.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. J’ai déjà répondu à ces questions. Les crédits sociaux sont maintenus, j’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE40 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cet amendement propose d’octroyer 1 million d’euros à l’ambassade de France au Liban. Comme vous le savez, les bombardements d’Israël sur le Liban sont quotidiens et les Libanais sont obligés de trouver refuge là où ils le peuvent, en Jordanie, aux États-Unis ou encore au Canada, mais nombre d’entre eux souhaitent également rejoindre la France. Beaucoup sont francophones et ont des attaches en France. Le devoir d’humanité et le lien particulier qui nous unit à ce pays nous obligent à leur venir en aide.

Nous devons aider ces familles à se réunir et je propose donc 1 million d’euros pour l’ambassade du Liban, afin de faciliter le traitement des démarches et des demandes qui vont évidemment augmenter.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable. En réalité, le montant des crédits dévolus à l’action n° 3 du programme 151, qui concernent précisément l’instruction des demandes de visas, présente une hausse significative de 46,7 % en 2025.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE8 de M. Stéphane Vojetta

M. Stéphane Vojetta (EPR). Je retire cet amendement car il s’agissait d’un amendement de repli concernant un amendement finalement adopté.

Amendement II-AE5 de M. Stéphane Vojetta

M. Stéphane Vojetta (EPR). Afin d’améliorer la prise en charge du handicap des Français établis hors de France, cet amendement prévoit l’allocation d’un montant symbolique de 100 000 euros afin d’accompagner budgétairement une revue des seuils d’incapacité requis pour l’éligibilité aux aides sociales des CCPAS, faisant passer ces seuils de 80 % à 50 %. Cette mesure vise donc à harmoniser les conditions d’accès à ces aides sociales avec celles en vigueur pour l’accès à l’AAH sur le territoire national.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Encore une fois, les crédits sociaux sont stabilisés mais je souscris à l’objectif à titre personnel. J’émets donc un avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE24 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cet amendement propose d’élargir l’accès à la protection universelle maladie (Puma). En effet, ce droit à la prise en charge médicale ne s’étend pas aujourd’hui aux Français de l’étranger, alors qu’ils font face à une précarité grandissante et à des difficultés pour accéder aux systèmes de santé dans leur pays d’accueil.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Il s’agit clairement d’un amendement d’appel. Je le trouve intéressant mais ce budget n’est pas le lieu pertinent pour évoquer ce sujet, même si je comprends la démarche. J’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Bruno Fuchs. L’amendement est rejeté mais l’appel a vraisemblablement été entendu.

Amendement II-AE32 de Mme Sophia Chikirou

Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). La France Insoumise souhaite présenter cet amendement pour créer un nouveau programme d’urgence à destination de la Palestine, intitulé Aide d’urgence pour les territoires palestiniens. Depuis soixante-seize ans, la situation du peuple palestinien est critique et, en une période d’un an, le bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies et l’UNRWA ont fait état de plusieurs centaines de nouveaux foyers de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem Est.

Au moins 695 Palestiniens ont été tués à la suite d’opérations de colonisation. Les Palestiniens déplacés n’ont aucune autre option que de rejoindre les camps de réfugiés de la région, comme ceux qui les ont précédés depuis 1948. Cette situation, cumulée à la catastrophe humanitaire en cours à Gaza, qui a déjà coûté la vie à plus de 40 000 personnes et en a blessé 99 000 autres, et aux intentions affichées par de hauts responsables israéliens d’y éradiquer la présence palestinienne – au point que la Cour internationale de justice a reconnu un risque génocidaire – ne fait que cultiver un sentiment de haine qui contribue à plonger la région dans une spirale de violences sans fin.

Les efforts de la France vis-à-vis de la Palestine doivent être redoublés pour être à la hauteur des besoins du peuple palestinien et pour assurer la paix et le cessez-le-feu dans la région. La France a apporté son aide à la Palestine à 100 millions d’euros en 2023. Au vu des nécessités du peuple palestinien, nous proposons de doubler l’effort de la France en 2025, en créant un nouveau programme prévoyant une aide directe d’urgence à la Cisjordanie et à Gaza, à hauteur de 200 millions d’euros.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je suis tout à fait d’accord avec l’exposé des motifs. En revanche, j’émettrai un avis défavorable sur votre amendement. Sur un sujet aussi grave, on ne peut pas uniquement présenter des postures et les inscrire dans un amendement. Je m’explique : notre soutien aux Palestiniens passe aujourd’hui par le fonds d’urgence humanitaire et de stabilisation du centre de crise et de soutien, qui est augmenté de 20 millions d’euros par le budget pour atteindre 220 millions d’euros en 2025. L’aide que nous apportons aux Palestiniens à ce titre a atteint 100 millions d’euros en 2024 et pourra augmenter en fonction des besoins en 2025.

Je rappelle également que nous sommes toujours présents à Gaza. Nous avons permis, grâce à l’université de Naplouse, que les diplômés de Gaza soient diplômés de leur université, pourtant, bombardée, ce qui représente un acte politique majeur. De ce point de vue, votre amendement est satisfait. Il ne sert à rien de créer un programme dans le budget. Par ailleurs, nous avons augmenté notre contribution à l’UNRWA et des financements sont apportés à l’Autorité palestinienne dans le cadre de la coopération internationale et l’aide de l’Agence française de développement.

Je demande donc le retrait et émets, à défaut, un avis défavorable.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Votre intervention est à l’image de la position française, incantatoire dans la forme, mais en pratique nous ne voyons rien venir. N’en n’avons-nous pas assez de financer un certain nombre d’actions en Palestine et de les voir totalement rasées par Israël ? Au-delà de l’humanité et du droit international, j’estime que la gestion des deniers publics est vraiment mal réalisée. Je rappelle que l’Institut français a été en partie réduit, sans susciter une réaction digne de ce nom de la part de la France. À un moment donné, la France doit se respecter, respecter les choix politiques élaborés par les budgets qu’elle flèche à destination de la Palestine, mais aussi respecter son rang au niveau international. La France, qui est membre du Conseil de sécurité de l’ONU et membre fondateur de cette organisation, trahit ses engagements.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je suis tout à fait d’accord ; votre amendement est donc inutile.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE39 de M. Pierre-Yves Cadalen

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Nous sommes toutes et tous conscients de la situation particulièrement éprouvante et difficile que traverse aujourd’hui le Liban. Pour ma part, j’ai reçu le témoignage d’une famille brestoise qui vivait à Beyrouth et dont les enfants parlaient des explosions à chacun de leurs réveils. Alors que se réunit demain la conférence sur le Liban proposée par Emmanuel Macron, l’Assemblée nationale peut envoyer un signal positif en proposant la création d’une ligne spécifique de solidarité dédiée à l’appui et à l’aide à plus d’un million de réfugiés produits par l’invasion et les bombardements israéliens au Liban. Ce cadre large permet également d’envisager des opérations de reconstruction d’hôpitaux et d’écoles mais aussi un accompagnement psychosocial nécessaire pour celles et ceux qui font face à de tels traumatismes.

Cet amendement vise donc la création d’un fonds d’urgence et de solidarité avec les déplacés libanais. Nous sommes favorables à l’appui humanitaire mais, en réalité, si nous souhaitons que les Libanais cessent d’être déplacés, il faut un cessez-le-feu à Gaza et il faut que cette question soit à l’ordre du jour de la conférence, demain.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. J’entends bien la geste politique et l’objectif de votre amendement. En tant que rapporteur budgétaire, je considère qu’il n’est absolument pas nécessaire de créer un programme particulier sur un tel fonds. J’émets un avis défavorable.

Mme Amélia Lakrafi (EPR). Soixante-dix États ont d’ores et déjà répondu présents à cette conférence initiée par le président de la République, ainsi que les quinze plus grandes organisations non gouvernementales et des fondations de grandes entreprises. Je rappelle que, lors de la précédente conférence de soutien au Soudan, la France a collecté plus de 2 milliards d’euros. Espérons que nous obtiendrons demain un résultat identique, qui aidera bien plus les déplacés libanais que 100 ou 200 millions d’euros pour un fonds qui existe déjà.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). La situation politique dans le pays nous invite à ne pas laisser l’ensemble de l’initiative politique, y compris en matière de politique internationale, au président de la République. La commission des affaires étrangères peut, à travers le vote de cet amendement, envoyer un signal positif et constructif et signifier par-là que les parlementaires ont un rôle plein et entier à jouer en matière de politique internationale, afin que la ligne erratique et incohérente d’Emmanuel Macron cesse de dicter au monde ce que serait la voix de la France.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Je ne tiens pas à rentrer dans le débat des postures politiques. Techniquement, compte tenu des très grands efforts budgétaires, y compris à travers les contributions au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ou de l’aide humanitaire dans le cadre du programme 209, il n’est pas utile de créer un programme particulier.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE29 de Mme Sophia Chikirou

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Cet amendement est défendu.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE30 de Mme Sophia Chikirou

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Cet amendement est défendu.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis, la commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Action extérieure de l’État ainsi modifiés.

M. le président Bruno Fuchs. Il nous faut maintenant débattre de huit autres amendements.

Article 45 et état G : Liste des objectifs et des indicateurs de performance

Amendement II-AE20 de M. Aurélien Taché.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Il s’agit par cet amendement de créer un nouvel indicateur pour mesurer l’effectivité de l’accès à l’éducation pour les élèves en situation de handicap à l’étranger.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Je comprends et soutiens personnellement l’idée. Cependant, la création d’un nouvel indicateur de performance suppose de s’assurer au préalable de l’existence des outils à la disposition de l’État pour évaluer la réalisation de cet objectif. Il semblerait que la notion de parts d’heures d’accompagnement réellement effectuées citée dans l’amendement soit équivoque.

Peut-être faut-il retirer cet amendement pour le repréciser avant de le rediscuter en séance ?

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je retire l’amendement.

Après l’article 59 :

Amendement II-AE54 de M. Frédéric Petit

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je m’excuse de m’être parfois un peu passionné aujourd’hui.

Je pense qu’il nous manque un document budgétaire, un « orange » consacré à l’influence de la France dans le monde, qui nous permette d’avoir un récapitulatif de toutes les actions concernées et une vision globale de tous les enjeux lorsque nous travaillons sur le budget. Tel est l’objet de l’amendement que je propose ici.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE55 de M. Frédéric Petit

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement demandant un rapport du Gouvernement au Parlement. Dans certaines circonstances, la France incite des ressortissants ou entreprises à aller dans un pays tout en leur interdisant ce déplacement. Par exemple, nous avons vendu onze locomotives récemment en Ukraine mais on ne peut pas les livrer. En effet, il leur est opposé la cartographie des zones à risque, zones rouges « formellement déconseillées » ou oranges « déconseillées sauf raison impérative ». Il faudrait que le Gouvernement réfléchisse à un outil à la fois assurantiel et de contrôle des missions, de façon que nous puissions répondre à nos actions partenariales sans être obligés de nous couper les ailes. À ce titre, le lycée de Kiev a rouvert mais les trois enseignants de l’AEFE n’ont pas le droit d’y aller. Je demande donc un rapport, afin que nous puissions avancer au cours de l’année qui vient.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE22 de M. Aurélien Taché.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Avec cet amendement, nous proposons une demande de rapport gouvernemental au Parlement visant à évaluer l’action des prestataires privés chargés des missions de service public dans le cadre du programme 151. Le réseau consulaire engage des prestataires de services extérieurs pour la sous-traitance de services et de nombreux compatriotes et élus des Français de l’étranger nous ont alertés sur la dégradation considérable des services consulaires.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. J’émets un avis favorable. Cette mission pourrait même être élargie, par exemple aux prestataires opérant en matière de sécurisation des postes diplomatiques.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je suis favorable à l’évaluation de ce genre d’éléments. J’estime néanmoins que l’évaluation devrait être conduite par les parlementaires et non par le Gouvernement.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Le Gouvernement peut également nommer un parlementaire en mission.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE9 de M. Stéphane Vojetta

M. Stéphane Vojetta (EPR). Cet amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement, pour éclairer les parlementaires, un rapport présentant les résultats d’un diagnostic indépendant de la situation comptable et des perspectives financières de la mission laïque française (MLF). Il s’agit d’une association de type loi de 1901 sans but lucratif mais qui sous-traite la gestion d’une centaine d’établissements, de nos lycées français de l’étranger, homologués AEFE.

Malheureusement, dans le cadre du réseau espagnol, cette gestion a créé une certaine détresse chez les familles et au sein des communautés éducatives de ces établissements, du fait de décisions prises sans concertation au cours des deux à trois dernières années et qui ont été imposées de manière brutale. Je pense notamment au déconventionnement forcé de deux établissements, à Alicante et Villanueva de la Cañada, puis à des augmentations tarifaires brutales – entre 10 % et 20 % – annoncées sans aucune concertation préalable en février dernier et imposées à des familles qui, souvent, faisaient déjà face à des difficultés dans leur économie familiale.

Je demande donc qu’un organisme indépendant réalise une étude approfondie de la situation financière et comptable de la MLF pour nous permettre d’obtenir une vision éclairée de la capacité de cette association à exercer cette mission d’importance. Le Gouvernement s’était déjà engagé au préalable à réaliser cette étude. Malheureusement, la dissolution a eu lieu entre-temps. C’est la raison pour laquelle je formule cette demande de rapport à travers le PLF.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. La MLF ne sous-traite pas ; elle a existé quatre-vingts ans avant l’AEFE. Une grande partie des cent huit lycées ne fait pas partie du réseau de l’AEFE. Lors de la rédaction de mes rapports, je rencontre fréquemment la MLF, qui gère notamment 90 % du réseau homologué au Liban. Puisqu’il s’agit d’une association, le premier pas consiste à mon avis à ce que nous demandions un audit, par exemple à la Cour des comptes, puisqu’il s’agit d’une association d’utilité publique.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Je serais ravi de retirer cet amendement mais j’ai trop vu de promesses non réalisées. Je pense qu’il est nécessaire d’obtenir, d’une manière ou d’une autre, un rapport indépendant sur cette situation.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE27 de Mme Sophia Chikirou

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Cet amendement a pour objet la réalisation d’un rapport afin d’évaluer la possibilité pour l’AEFE de recourir à l’emprunt auprès d’un établissement de crédit, ainsi que l’évolution de ses capacités de financement. À l’heure actuelle, l’AEFE ne peut emprunter sur du long terme auprès d’un établissement de crédit. En conséquence, elle n’est pas en mesure de financer des investissements immobiliers. Même si elle peut recourir aux avances de l’Agence France Trésor, ce recours est assez inadapté et ne concerne que des courtes durées. Nous proposons que cette étude soit conduite par l’État ou par un organisme lié à l’État, par délégation, et non par une mission parlementaire, car nous considérons que cela pourrait être plus pertinent et plus efficient.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je pense également qu’il est absurde pour l’AEFE de ne pas pouvoir emprunter, dans le cadre d’un business aussi fiable et aussi stable que les lycées français à l’étranger. En revanche, votre amendement n’est pas clair.

Il faut distinguer, d’une part, l’AEFE gestionnaire de soixante-quatre lycées – qui n’a pas le droit d’emprunter mais n’est pas non plus soumise à de gros besoins – et, d’autre part, les cinq cent quarante lycées pour lesquels nous avons conduit l’étude que vous demandez. Nous avons créé l’outil grâce auquel les établissements homologués dans le réseau, en dehors des soixante-quatre mentionnés, ont pu emprunter à travers une commission d’emprunt. En gestion directe, il existe très peu de besoins.

Depuis très longtemps, je propose que nous isolions la compétence de gestion directe de lycées de l’AEFE, afin que cette partie dispose de la capacité d’emprunt. Il convient donc de développer l’outil que nous avons créé et qui satisfait 80 % du réseau aujourd’hui, mais également de restructurer l’AEFE, afin de pouvoir répondre aux besoins d’investissement immobilier dans les lycées qu’elle gère directement.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Monsieur Petit a la chance de tout savoir et d’avoir un avis très tranché sur tous les sujets. Pour ma part, je propose humblement de confier une mission pour évaluer la possibilité de l’AEFE à recourir à l’emprunt pour financer des investissements immobiliers, de la rénovation thermique ou architecturale. Il ne faut pas envisager uniquement la situation en Europe.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE44 M. Aurélien Taché.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cette proposition d’amendement consiste à demander au Gouvernement d’évaluer la réforme du corps diplomatique décidée par le décret du 16 avril 2022. Cette réforme a prévu l’extinction des deux corps diplomatiques, le corps des conseillers des affaires étrangères et le corps des ministres plénipotentiaires, qui ont été progressivement dilués au sein des administrateurs d’État. À l’époque, la réforme du corps diplomatique avait provoqué de vives protestations.

Aujourd’hui, les retours dont nous disposons sont pour le moins négatifs. En conséquence, il conviendrait d’évaluer rapidement où nous en sommes. Il revient à notre commission d’accompagner nos diplomates dans l’organisation de leur travail et du ministère.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis. Je ne suis pas sûr qu’il soit pertinent de demander au Gouvernement de produire un rapport pour évaluer sa propre réforme. Honnêtement, il s’agit là du travail du Parlement. L’année dernière, nous avons d’ailleurs pris connaissance d’un rapport d’information de Vincent Ledoux et Arnaud Le Gall sur le sujet.

Il me semble nécessaire de retirer cet amendement. En revanche, d’ici mai 2026, il m’apparaît utile de prévoir une nouvelle mission d’information sur le sujet, pour pouvoir évaluer cet aspect, y compris au regard du plan de réarmement de notre diplomatie sur la période 2023-2027. Je propose le retrait de l’amendement et, à défaut, j’émets un avis défavorable.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. J’en profite pour rappeler que, lors de la législature de 2017 à 2022, nous avions adopté une règle éthique qui consistait à citer toute personne de l’extérieur, organisation non gouvernementale ou association, avec laquelle un parlementaire rédige et soumet un amendement. Il me paraît sain de nous y tenir.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Monsieur Forissier, il ne s’agit pas de dire que le travail parlementaire n’aurait pas de plus-value sur un sujet comme celui-ci. Je salue d’ailleurs le travail réalisé par nos deux collègues. Cependant, à un moment donné, le Gouvernement doit aussi pouvoir regarder ce qu’il a produit par lui-même et en tirer un certain nombre de conclusions. Je maintiens donc cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

 

 


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   Annexe : Liste des personnes auditionnÉes ou rencontrÉes par le rapporteur pour avis

À Paris (par ordre chronologique)

Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE)

– Mme Claudia Scherer-Effosse, directrice générale

– M. Bruno Valéry, directeur du développement et de l’accompagnement du réseau

– Mme Anne Bétrencourt, directrice des affaires financières

– Mme Vanessa Léglise, conseillère relations institutionnelles

 Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH)

– Mme Bariza Kiari, présidente du conseil de la fondation

– M. Valéry Freland, directeur exécutif

● Campus France

– Mme Donatienne Hissard, directrice générale

– Mme Roxane Lundy, chargé de mission

● France Éducation international

– M. Olivier Branduy, directeur général

– M. Hervé Ferrage, directeur général adjoint

– Mme Joanna Godrecka-Bareau, directrice de cabinet

● Entretiens au siège de l’Institut français

– Mme Eva Nguyen Binh, présidente

– M. Hugues Ghenassia-de Ferran, directeur général délégué

– M. Thomas Hannebique, secrétaire général

– M. Stéphane Ré, directeur de l’appui au réseau culturel français à l’étranger

– Mme Maud Grimaud, responsable du pôle de coordination géographique

– M. Francky Blandeau, directeur adjoint des coopérations, dialogues et sociétés

– Mme Anne-Sophie Braud, directrice adjointe des mobilités et manifestations internationales

● Audition sur le thème des écoles françaises en Turquie (visioconférence)

– Mme Sandra Pardo, proviseure du lycée français Charles de Gaulle d’Ankara et M. Parick Hervouet, directeur administratif et financier

– M. Bruno Valéry, directeur du développement et de l’accompagnement du réseau de l’AEFE et M. Max Vasseur, chef du secteur Maghreb-Péninsule Ibérique

Ministère de l’Europe et des affaires étrangères

– M. Emmanuel Lebrun-Damiens, directeur de la diplomatie culturelle, éducative, scientifique et universitaire

– Mme Clarisse Gerardin, sous-directrice à la langue française et à l’éducation

– M. Léo Laporte, sous-directeur adjoint du réseau de coopération et d’action culturelle

– M. Stéphane Robert, chargé de mission auprès du directeur

Organisations syndicales représentatives des personnels de l’enseignement français à l’étranger

– M. Xavier Auger, secrétaire général du syndicat général de l’éducation nationale – CFDT de l’étranger

– M. Djamel Souiah, secrétaire général de la section hors de France du syndicat des enseignants de l’union nationale des syndicats autonomes (UNSA Éducation)

 

Déplacement en Ukraine du 23 au 27 août 2024

Ambassade de France en Ukraine

– M. Benjamin Roehrig, ministre conseiller

– M. Olivier Jacquot, conseiller de coopération et d’action culturelle

– M. Romain Desthieux, directeur Ukraine de Business France

Lycée français Anne de Kyiv

– M. Serhii Pokrovski, co-président du comité des parents, enseignant chercheur à l’INP de Grenoble.

Personnalités de la société civile

– M. Pavlo Yarema, consul honoraire de France à Lviv

– M. Luc Derieppe, fondateur de la société Dexpert

– M. Emmanuelle Chaze ; correspondante de RFI en Ukraine

– M. Sébastien Gobert ; journaliste français à Lviv

Déplacement en Israël et dans les territoires palestiniens du 15 au 20 septembre 2024

À Jérusalem

Consulat général de France à Jérusalem

– M. Nicolas Kassianides, Consul général

– Mme Mathilde Michel, conseillère de coopération et d’action culturelle, directrice de l’Institut français de Jérusalem (IFJ)

– M. Stéphane Vrevin, attaché de coopération éducative et linguistique

– M. Romain de Tarlé, attaché culturel et directeur délégué de l’IFJ Chateaubriand

– Mme Agnès Arquez Roth, directrice déléguée de l’IFJ Romain Gary

– Mme Maud Briard, attachée de coopération universitaire

– Mme Émel Maurel, cheffe du service économique

– Mme Véronique Sauvat, directrice de l’agence AFD Palestine

Alliance for Middle East Peace (Allmep)

– M. Brian Reeves, directeur des relations stratégiques

École des frères de Beit Hanina

– M. George Naber, directeur

Lycée français de Jérusalem

– Mme Baya Bali, proviseure, ainsi que des membres du comité de gestion et des représentants du personnel enseignant

École biblique et archéologique française sur le thème du patrimoine (EBAF)

– Frère Olivier Poquillon, o.p. directeur de l’EBAF

– Mme Laura Vié, directrice de l’antenne de Jérusalem de l’Institut français au Proche-Orient (IFPO)

– Mme Florence Budry, coordinatrice de Première Urgence Internationale (PUI)

Centre de Recherche Français à Jérusalem (CRFJ)

– M. François-Xavier Fauvelle, professeur au Collège de France, directeur du CRFJ, ainsi que des chercheurs en détachement et des archéologues en mission

 

À Ramallah

Lycée international français de Ramallah

– le directeur, l’équipe enseignante ainsi que les membres du conseil de gestion

Visite du centre culturel franco-allemand « Kutur Ensemble »

– Mme Yamina Nedjadi, directrice déléguée de l’IFJ à Ramallah

– Mme Katharina Hey, directrice du Goethe Institute dans les territoires palestiniens

 

À Bethléem

Alliance française de Bethléem

– M. Iskandar Kando, président

– Mme Fayrouz Abboud, directrice

– Mme Irène Bonnand, coordinatrice pédagogique

– Entretiens avec l’équipe pédagogique et des élèves des cours de français

Visite du Wonder Cabinet et rencontre de lauréats du programme de résidences d’artistes Sawa Sawa

– Mme Ilaria Speri, directrice

– M. Issa Rajabi, musicien

– Mme Areej Ashhab, architecte – designeuse

 

À Naplouse

Université nationale An-Najah

– Dr Abdel Naser Zaid, président

– Dr Kherieh Rassas, vice-présidente chargée du développement international

– Dr Abdulsalam Alkaiyat, vice-président chargé des affaires académiques

– Dr Saed Al-Kon, vice-président chargé des affaires administratives

– Dr Nidal Dwaikat, vice-président chargé de la programmation et de la qualité

– Rencontre avec des lauréats du programme Hubert Curien (PHC) Al Maqdissi

– Rencontre avec les équipes du département de français

 

À Tel-Aviv

Ambassade de France

– SE. Frédéric Journès, Ambassadeur de France en Israël

– Mme Nathalie Gilbert, directrice adjointe de l’Institut Français en Israël (IFI).

– M. Thierry Peltreau, Attaché de coopération éducative et linguistique

– M. Laurent Lalanne, Attaché culturel

– M. Stéphane Harzelec, secrétaire général

– M. Thomas Marx, conseiller et Chef du Service Économique

– Mme Aude Guivarch, directrice du bureau Business France

– Mme Anne Baer, présidente des CCE

Collège-lycée franco-israélien Lucette et Marcel Drahi (CLFI)

– Mme Ruth Bensmihan, proviseure

– M. Samuel Pinto, président du conseil d’administration

– Mme Eva Labi, directrice éducation Israël-France de l’Alliance israélite universelle

– Des membres de l’équipe pédagogique

Lycée français Maïmonide Mikvé Israël

– Mme Sylvia Elbaze, proviseure

Collège des Frères de Jaffa

– Mme Silva Gougassian, directrice de l’établissement

– Frère Patxo, directeur de la communauté des Frères

Collège Marc Chagall

– Mme Emily Vermersch, proviseure

– Des membres du comité de gestion et les représentants du personnel enseignant

Mme Daphna Poznanski-Benhamou, conseillère des Français de l’étranger

Musée d’Art de Tel-Aviv

– Mme Muriel Goldstein, directrice des relations internationales

– Mme Marie Shek, curatrice

 

À Nazareth

Antenne de Nazareth de l’Institut Français d’Israël

– M. Georges Diener, consul général de France à Haïfa et directeur délégué des antennes de l’IFI à Haïfa et Nazareth

– M. Arnaud Velon, responsable de l’antenne de l’IFI à Nazareth et Mme Yasmine Makhloof

Hôpital français Saint-Vincent de Paul

–  Professeur Nael Elias, directeur

– Sœur Maha Sansour

École des Sœurs de Saint-Joseph

– Sœurs enseignantes de la communauté des sœurs de Saint-Joseph


([1]) La compétence en matière de tourisme a été transférée du ministère de l’Europe et des affaires étrangères vers le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, emportant le transfert des crédits liés à la subvention pour charges de service public de l’opérateur Atout France.

([2])  Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits, qui a annulé 28 millions d’euros de crédits sur l’ensemble du programme 185, dont 778 000 euros de crédits de titre 2.

([3]) Ces montants sont répartis entre 41 millions d’euros pour les EAF pluridisciplinaires (action 1) et 4,6 millions d’euros les instituts français de recherche à l’étranger ayant le statut d’EAF (action 4).

([4]) Ces montants sont répartis entre 65,2 millions d’euros pour dispositifs généraux de bourses dans l’enseignement supérieur (action 4), 3,2 millions d’euros pour les bourses liées à la langue française et 0,9 million d’euros pour les bourses du secteur culturel (action 2) et 0,7 million pour les bourses d’études en lien avec les objectifs de développement durable (action 3).

([5]) Ces montants sont répartis entre 8,7 millions d’euros pour les opérations liées à la langue française et 12,5 millions d’euros dans les domaines de la culture (action 2) et 21,2 millions d’euros dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la recherche (action 4).

([6])  Ces montants sont répartis entre 3,8 millions d’euros pour les opérations liées à la langue française et 10,5 millions d’euros dans les domaines de la culture (action 2), 55 000 euros pour des actions en lien avec les objectifs du développement durable (action 3) et 3 millions d’euros au titre des opérations des instituts français de recherche à l’étranger (action 4).

([7]) Fondation reconnue d’utilité publique, qui a succédé, en 2008, à l’association fondée en 1883.

([8]) Article 76 de la loi de finances n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 pour 2009.

([9]) Il s’agit d’une déclinaison des anciens projets innovants de la société civile et coalitions d’acteurs (PISCCA).

([10]) Il s’agit des anciens fonds d’appui à l’entreprenariat culturel (FAEC)

([11]) Supporting At-risk researchers with Fellowships in Europe.

([12]) Résolution du 17 décembre 2018 de l’Assemblée générale des Nations-unies portant sur le Haut-Commissariat des Nations-unies pour les réfugiés (A/RES/73/151) qui approuve le Pacte mondial sur les réfugiés.

([13]) Assemblée nationale, 5 janvier 2022, M. Frédéric Petit, rapport d’information n° 4869 valant avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger pour 2021 et 2023 (lien).

([14])  Les constats sont probablement les mêmes concernant l’activité des Alliances françaises mais les montants de leurs ressources propres ne sont pas récapitulés dans les documents budgétaires.

([15])  Article 1er de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État.

([16])  Aucun homme ne pouvant sortir d’Ukraine, seules des enseignantes et des étudiantes peuvent suivre ces formations en France ou en Pologne.

([17])  Les obstacles aux mobilités des missions archéologiques qui dépendent directement du MEAE créent en outre une distorsion de concurrence avec les archéologues italiens qui n’ont pas le même statut et ne connaissent aucun obstacle à leurs mobilités.

([18]) Le projet Territoriaux 4 Ukraine (T4U), présenté au rapporteur pour avis par M. Yannick Lechevallier, directeur général de l’ « agence du monde commun », vise précisément à constituer un vivier d’experts territoriaux pour des missions au service des villes ukrainiennes.

([19]) La CIJ devait répondre aux questions suivantes « a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du TPO depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ? b) Quelle incidence ces politiques et pratiques ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’ONU ? ».

([20]) L’accord sous forme d’échange de lettres dit Chauvel-Fischer, signé avec Israël en 1949, et l’accord Laboulaye-Middein, signé avec l’Autorité palestinienne en 1997, reconnaissent à la France un rôle de protection d’une quarantaine de communautés catholiques françaises ou d’origine française, ainsi que des établissements (écoles, dispensaires, orphelinats.) qui en dépendent en Israël et en Palestine.

([21])  On relève une contribution de 40 000 euros de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur et de 30 000 euros du département du Morbihan.

([22]) Il s’agit de l’école des Sœurs du Rosaire, de l’école orthodoxe et de l’école latine de Gaza.

([23]) Le British Council contribue au titre des actions du ministère du tourisme et des antiquités de Gaza portant sur Saint-Hilarion, mais également sur le complexe ecclésiastique de Mukheitim à Jabalya.

([24]) Dernier bilan établi, en France, par le parquet national antiterroriste (Pnat) qui a ouvert, le 12 octobre 2023, une enquête dite « miroir » pour « assassinats en relation avec une entreprise terroriste, enlèvements et séquestrations en bande organisée et en relation avec une entreprise terroriste ».

([25]) Ce point est bien établi par la Radiographie de l’antisémitisme en France – édition 2024, établie par l’AJC Paris en partenariat avec la Fondation pour l’innovation politique et l’IFOP (lien).

([26])  S’y ajoute une dotation résiduelle de 59 000 euros sur le programme 209 qui permet notamment de financer des mobilités et des formations pour des personnels de l’hôpital Saint-Vincent de Paul de Nazareth.

([27]) L’assassinat de Haim Peri par le Hamas a été annoncé en juin 2024.