N° 459
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2024
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),
TOME IV
DÉFENSE
PAR M. Laurent MAZAURY
Député
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Voir le numéro : 324.
SOMMAIRE
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Pages
A. L’exÉcution budgÉtaire en 2024
1. Une régulation budgétaire en exécution qui a relativement épargné la mise en œuvre de la LPM
3. Un budget 2024 qui avait opportunément anticipé les enjeux liés à l’inflation
B. Un budget CONSTITUANT UNE ÉTAPE IMPORTANTE DANS LA MISE EN œuvre DE LA LPM
2. Présentation des crédits de la mission Défense par programme
a. Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense
b. Le programme 178 Préparation et emploi des forces
c. Le programme 212 Soutien de la politique de défense
d. Le programme 146 Équipement des forces
A. La mer, un espace soumis à des menaces diversifiÉes et en constante Évolution
1. La piraterie et le brigandage : une menace désormais contenue mais toujours persistante
a. Les principales zones touchées par les actes de piraterie
i. Les côtes de la Corne de l’Afrique
iii. Les détroits de Singapour et de Malacca
2. Des activités illicites en mer et des entraves à la navigation en pleine expansion
a. La mer, un terrain favorable aux trafics illicites et activités criminelles
c. Les entraves à la liberté de navigation
3. Les différentes réponses permettant de contrer les menaces pesant sur la sûreté maritime
a. Les actions des Houthis en mer Rouge, en représailles à la guerre menée par Israël à Gaza
b. Les rebelles Houthis, une milice bénéficiant d’un important appui de l’Iran
2. Des soutiens militaires multinationaux diversifiés mis en place pour soutenir le trafic maritime
i. L’opération Aspides, un dispositif efficace
ii. Un dispositif qui pourrait néanmoins gagner en cohérence
b. Un retour d’expérience bénéfique pour les armées confrontées à une évolution des menaces en mer
annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur POUR AVIS
La commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis sur les crédits de la mission Défense du projet de loi de finances pour l’année 2025 (PLF 2025).
Cette mission comporte quatre programmes : le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, le programme 178 Préparation et emploi des forces, le programme 212 Soutien de la politique de la défense et le programme 146 Équipement des forces.
Le PLF 2025 prévoit une augmentation des crédits consacrés à la mission Défense de 3,3 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 (LFI 2024), conforme à la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030.
Il s’agit avec ce projet de budget de poursuivre l’accélération de la transformation des armées françaises et de maintenir le rang de la France parmi les grandes puissances militaires mondiales.
Dans la partie thématique de cet avis budgétaire, le rapporteur a souhaité étudier les déploiements de la marine nationale en mer Rouge et dans le golfe d’Aden mis en œuvre pour lutter, avec efficacité, contre les menaces que font peser les rebelles yéménites houthis sur la liberté de navigation sur l’un des axes maritimes les plus importants pour le commerce mondial.
La dégradation importante de la sûreté maritime dans cette partie du monde et les risques qu’elle fait peser sur les intérêts stratégiques de la France, de l’Europe et de nos alliés illustre la nécessité de disposer de forces armées réactives et efficaces. Comme l’écrivait le prince de Joinville « en Marine, rien ne s’improvise, pas plus les bâtiments que les hommes. Pour avoir une Marine, il faut la vouloir beaucoup, et surtout la vouloir longtemps » ([1]). Ce projet de loi finances pour 2025, conforme à l’objectif de renforcement des capacités opérationnelles de nos armées tel que défini dans la LPM 2024-2030, œuvre dans cette direction.
I. DES moyens allouÉs aux armÉes conformes À l’objectif de renforcement de notre modÈle et de la prÉservation de sa cohÉrence
A. L’exÉcution budgÉtaire en 2024
1. Une régulation budgétaire en exécution qui a relativement épargné la mise en œuvre de la LPM
Conformément à la LPM 2024‑2030, le montant des crédits ouverts en LFI 2024 pour la mission Défense s’élève à 58, 3 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 47, 2 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), dont 13, 67 milliards d’euros AE/CP de crédits de masse salariale, hors compte d’affectation spéciale (CAS) relatif aux pensions (HCASP).
La consommation des CP et des AE est globalement conforme aux prévisions à ce stade. En ce qui concerne les AE, plusieurs engagements juridiques doivent encore être passés en fin d’année, avec des aléas inhérents aux négociations contractuelles. En cas de besoin, les AE non employées feront l’objet d’une demande de report sur 2025, comme cela a été le cas les années passées.
En 2024, l’exécution de la mission Défense a été marquée par un phénomène de régulation budgétaire au mois de février 2024. Cette inflexion du rythme de la dépense, qui a touché l’ensemble des ministères, a essentiellement comporté pour la mission Défense des annulations de crédits pour les dépenses de titre 2 (T2) correspondant aux dépenses de personnel, les autres programmes de la mission ayant fait l’objet de surgels importants.
Le taux de mise en réserve initiale s’est élevé à 0,5 % sur les crédits du T2 et 5,5 % sur les crédits hors titre 2 (HT2). En entrée de gestion, 2,5 milliards d’euros en AE et 1,8 milliard d’euros en CP, dont 68,3 millions d’euros en AE/CP sur le T2 HCASP ont été gelés sur la mission au titre de la réserve de précaution. Suite aux surgels décidés au cours de la gestion, le taux de mise en réserve des programmes de la mission Défense (crédits HT2) a été porté à 7,7 %. Il est resté inchangé pour les crédits du titre 2. Ainsi, le montant des crédits mis en réserve au titre de la réserve de précaution a été porté à 3,4 milliards d’euros en AE et 2,6 milliards d’euros en CP, titre 2 HCASP compris.
En début d’année, la ressource de la mission a été abondée par des reports de crédits via quatre arrêtés :
- un arrêté du 17 janvier 2024 portant report de crédits généraux, pour un montant de 1, 5 milliards d’euros en CP. Ces crédits avaient été ouverts en loi de finances de fin de gestion 2023 pour réaliser par anticipation des commandes correspondant à des besoins prévus au titre de la LPM 2024‑2030, en 2024 et 2025, afin d’améliorer les conditions d’entrée dans cette nouvelle LPM. Les CP correspondants avaient été gelés en fin de gestion 2023, puis dégelés et mis à disposition des programmes en janvier 2024 ;
- un arrêté du 19 janvier 2024 portant report de crédits sur les AE non engagés (AENE) pour un montant de 30 milliards d’euros d’AE ;
- un arrêté du 26 janvier 2024 pour les reports sur fonds de concours, pour un montant de 87,7 millions d’euros d’AE et 64,9 millions d’euros de CP ;
- un arrêté du 13 mars 2024 portant report de crédits généraux pour un montant de 2 019,3 millions d’euros d’AE et 7,9 millions d’euros de CP.
Le titre 2 a fait l’objet d’une annulation de 105,8 millions d’euros par décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
Au 1er octobre 2024, 1,03 milliard d’euros d’AE et 994,4 millions d’euros de CP de recettes non fiscales (fonds de concours et attributions de produits) ont été rattachés aux programmes de la mission Défense dont :
- 299 millions d’euros en AE/CP de fonds de concours sur le programme 146 Équipement des forces, relatifs aux avoirs russes ;
- 235,2 millions d’euros en AE/CP d’attributions de produits sur le programme 212 Soutien de la politique de défense/Titre 2, issues essentiellement du remboursement des soins assurés par le service de santé des armées.
Le solde des décrets de transfert s’élève à 61 millions d’euros en AE et 57 millions d’euros en CP. Pour le T2, le solde des transferts est d’environ 10 000 euros. Pour le HT2, le solde des transferts s’élève à 61 millions d’euros en AE et 57 millions d’euros en CP.
Les mouvements les plus significatifs, supérieurs à 10 millions d’euros, sont :
• un transfert de crédits d’un montant de 76 millions d’euros en AE/CP, du programme 129 Coordination du travail gouvernemental vers le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, pour le financement de besoins opérationnels prioritaires ;
• un transfert de crédits d’un montant de 15,7 millions d’euros en CP, du programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense vers le programme 129 Coordination du travail gouvernemental pour le financement de besoins opérationnels prioritaires (cryptographie).
Le tableau ci‑après présente l’exécution budgétaire en AE au 1er octobre 2024.
l’exÉcution budgÉtaire en AE au 1er OCTOBRE 2024
Source : Direction des affaires financières du ministère des armées
Le tableau ci‑après présente l’exécution budgétaire en CP au 1er octobre 2024.
l’exÉcution budgÉtaire en CP au 1er OCTOBRE 2024
Source : Direction des affaires financières du ministère des armées
2. Des surcoûts liés au contexte stratégique actuel caractérisé par un renforcement des crises et la sécurisation des JOP 2024
Les surcoûts prévisionnels de la mission Défense en 2024 se décomposent en quatre postes :
- le soutien direct à l’Ukraine caractérisé par les recomplètements de cessions portés par les programmes 178 et 146, les actions de formation et la contribution nette à la Facilité européenne pour la paix (FEP) ;
- en corollaire du contexte ukrainien, les opérations de renforcement du flanc oriental de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), caractérisés par les opérations Aigle ([2]) et Lynx ([3]), ainsi que par des opérations aériennes et navales ;
- les Opérations extérieures/Missions intérieures (OPEX/MISSINT), marquées en 2024 par la transformation du dispositif et des missions des forces françaises en Afrique et la participation du ministère à la sécurisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (JOP 2024) ;
- l’appui apporté par le programme 178 aux forces de sécurité intérieure et à l’autorité civile en Nouvelle‑Calédonie, qui génère un surcoût en 2024.
Les montants des surcoûts demeurent à consolider en fin d’exercice et peuvent encore évoluer compte tenu de l’instabilité du contexte géopolitique. Il a été précisé au rapporteur au cours de l’audition de Mme Chloé Mirau, directrice des affaires financières du ministère des armées, que leur couverture sera traitée dans le cadre du schéma de fin de gestion et qu’ils pourront le cas échéant faire l’objet d’une demande de financement interministériel, conformément aux articles 4 et 5 de la LPM 2024-2030.
3. Un budget 2024 qui avait opportunément anticipé les enjeux liés à l’inflation
L’élaboration du budget 2024 avait opportunément anticipé les enjeux liés à l’inflation à travers plusieurs mesures :
- l’inflation a été l’un des paramètres importants de construction de la LPM, en euros courants, et les hypothèses retenues ont permis de sécuriser l’exécution 2024 à cet égard. Ainsi, en exécution, le ministère a pu dégager des marges, les indices réalisés se révélant plutôt inférieurs à la prévision ;
- l’augmentation d’environ 2 milliards d’euros de la cible de report de charges à fin 2024 de la mission Défense, a contribué à renforcer les capacités financières du ministère, conformément à l’usage de cet outil contra-cyclique ;
- la prise en compte de la hausse des prix de l’énergie dès la construction du PLF 2024, avec des prévisions de dépenses relatives aux carburants opérationnels établies sur des bases actualisées (baril à 83 dollars américains, contre 70 dollars américains en LFI 2023 avec une parité euros/dollars de 1,1).
Pour faire face aux conséquences de l’inflation, le ministère des armées déploie un dispositif robuste, qui comprend notamment :
- une expertise sur les projections d’indices d’inflation produites par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), qui lui donne une capacité d’anticipation ;
- un encadrement contractuel des révisions de prix pouvant être demandées par les fournisseurs, qui permet de négocier au plus juste toute demande de hausse économique ;
- sur les carburants opérationnels, des mécanismes de couverture financière et une disposition protectrice dans la LPM (article 6) pour faire face à la volatilité des cours du pétrole ;
- un mécanisme du report de charges, qui permet de réaliser la programmation des armées sans à-coups pour la trajectoire des finances publiques.
S’agissant de la masse salariale, l’inflation n’est plus un facteur structurant de l’exécution de la gestion 2024, ce qui est une rupture par rapport à 2023, année durant laquelle le contexte inflationniste a pu se traduire par des mesures fortes à l’image de revalorisations du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) et des mesures du « rendez-vous salarial » décidées en juin 2023.
Concernant les personnels du ministère des armées, la LFI 2024 prévoyait l’application des mesures issues du rendez-vous salarial de juin 2023, pour un effort budgétaire complémentaire en 2024 de :
• 108 millions d’euros au titre de l’attribution de 5 points d’indice à l’ensemble des agents à compter du 1er janvier 2024 ;
• 74 millions d’euros supplémentaires au titre de la revalorisation du point d’indice (1,5 %) au 1er juillet 2023 ;
• 18 millions d’euros supplémentaires pour la mesure spécifique « bas de grille » (+ 1 à 9 points d’indice), mise en œuvre au 1er juillet 2023 ;
• 3 millions d’euros supplémentaires pour l’augmentation de la prise en charge des frais de transport, mise en œuvre au 1er septembre 2023.
Cet effort budgétaire s’additionne à l’effort déjà déployé en gestion 2023, à hauteur de 165 millions d’euros (dont 68 millions d’euros de prime exceptionnelle « pouvoir d’achat »).
Pour le PLF 2025, le projet annuel de performances (PAP) fait désormais état d’un montant de mesures générales nul.
B. Un budget CONSTITUANT UNE ÉTAPE IMPORTANTE DANS LA MISE EN œuvre DE LA LPM
1. Un budget pour 2025 conforme à la trajectoire définie par la LPM 2024‑2030 permettant de faire face à un durcissement de la conflictualité à l’échelle mondiale
Le projet de loi de finances 2025, conforme à ce que prévoit la LPM 2024‑2030, prévoit une augmentation de 3,3 milliards d’euros des crédits consacrés à la mission Défense par rapport à la LFI 2024.
Le maintien d’un tel effort au profit des armées, dans un contexte général marqué par des mesures de réduction de la dépense publique s’explique par un durcissement de la conflictualité à l’échelle mondiale menaçant les intérêts vitaux de la Nation.
Par ailleurs, comme l’a souligné le ministre des armées, Sébastien Lecornu, lors de son audition devant la commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2024, les armées, ont fait leur part en matière d’efforts budgétaires ces dernières décennies, puisqu’elles ont connu : « 54 000 postes supprimés, un régiment sur deux de l’Armée de terre fermé depuis 1990, 11 bases aériennes fermées et une zone économique exclusive qui est toujours la même, mais pour laquelle vous aviez 311 000 tonnes d’acier à la mer pour la Marine nationale dans les années 1980, contre 287 000 tonnes en 2019 ».
Le respect, dans le cadre du PLF 2025, de la trajectoire fixée par la LPM 2024‑2030 vise prioritairement à permettre le renforcement de la résilience de nos Armées dans un monde qui se révèle chaque jour plus dangereux avec la persistance de la guerre sur le sol européen opposant l’Ukraine à la Russie, de la multiplication des conflits au Proche‑Orient, de la survenance de nombreux coups d’État en Afrique ou encore de l’exacerbation de tensions en mer Rouge et en mer de Chine.
Dans un monde de plus en plus instable, la nécessité pour la France de disposer d’une armée aux capacités opérationnelles renforcées apparaît plus pressante que jamais. Dans un contexte géopolitique marqué par des tensions croissantes, où des acteurs hostiles peuvent se montrer agressifs, il est essentiel que la France soit en mesure de dissuader ou de répondre à toute tentative d’agression. Une armée forte et bien équipée ne protège pas seulement les intérêts nationaux, mais renforce également notre position sur la scène internationale, permettant à la France de jouer un rôle actif dans la préservation de la paix et de la stabilité. En investissant dans ses capacités militaires, notre pays vise en priorité à assurer sa propre défense mais il réaffirme également par la même occasion sa place et ses responsabilités en Europe et dans le monde.
2. Présentation des crédits de la mission Défense par programme
a. Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense
Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense comprend les crédits permettant au ministère d’analyser l’environnement stratégique présent et futur, afin d’orienter les politiques de défense. Il regroupe notamment les actions « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la défense » (action 3), « Prospective de défense » (action 7) et « Relations internationales et diplomatie de défense » (action 8). Dans le contexte stratégique actuel caractérisé par un durcissement de la conflictualité à l’échelle mondiale, le projet de budget pour 2025 permet de traduire et de poursuivre, pour la deuxième année de mise en œuvre de LPM 2024-2030, l’effort visant à maintenir à niveau les capacités de toute la communauté du renseignement et d’assurer la résilience et la sécurité des systèmes d’information de notre pays.
Au titre du PLF 2025, la ressource du programme 144 s’élève à 2, 173 milliards d’euros en AE et 2, 076 milliards d’euros en CP.
La diminution des crédits de 25 millions d’euros en AE par rapport à la LFI 2024 (-1 %) s’explique principalement par l’engagement en 2024 du marché du nouveau siège de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) pour environ 1 milliard d’euros ainsi qu’à la fin des travaux de construction du nouveau bâtiment de la direction centrale de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).
L’augmentation des CP de 109 millions d’euros par rapport à la LFI 2024 (+ 6 %) est due au besoin de financement du fort neuf de Vincennes au profit de la DGSE, à la poursuite de l’effort au profit des études amont (captation, investissement dans l’innovation de rupture et réalisation de démonstrateurs) et à la hausse de la contribution forfaitaire versée à la République de Djibouti au titre du traité de coopération en matière de défense, portée à 85 millions d’euros contre environ 30 millions d’euros en 2024.
b. Le programme 178 Préparation et emploi des forces
Le programme 178 Préparation et emploi des forces agrège les crédits relatifs à la conduite des opérations et à la préparation des forces terrestres, navales et aériennes.
Le niveau de crédits du programme 178 atteint 15,3 milliards d’euros en AE, en baisse de 8 %, soit -1,3 milliard d’euros par rapport à la LFI 2024. Le montant d’AE est de 5,9 milliards d’euros pour l’ordonnateur secondaire (OS) « Entretien programmé du matériel » (EPM), soit -24 % par rapport à la LFI 2024. Cette baisse du besoin en AE est principalement liée au rythme de notification des contrats de maintien en condition opérationnelle (MCO), qui, pour 2024, ont concerné des renouvellements de contrats arrivant à échéance et l’engagement de nouveaux contrats globalisés. Les AE de cette OS représentent 39 % du total des AE du programme 178.
Les CP du programme 178 s’élèvent à 14,3 milliards d’euros au PLF 2025, soit +5,6 % par rapport à la LFI 2024 (13,6 milliards d’euros). Cette évolution est la traduction de la trajectoire de la LPM et du niveau d’activité associé, ainsi que la conséquence des importants volumes d’engagements antérieurs, notamment sur l’OS EPM, qui représente 41 % du volume de CP du programme.
c. Le programme 212 Soutien de la politique de défense
Le programme 212 Soutien de la politique de la défense regroupe les crédits de personnel de l’ensemble du ministère des armées.
Les crédits budgétaires HT2 du programme 212 s’élèvent à 1,540 milliard en AE et 1,693 milliard d’euros en CP, soit une augmentation de + 65 millions d’euros en AE (+ 4 %) et de + 264 millions d’euros en CP (+ 19 %) par rapport à la LFI 2024.
L’augmentation en CP bénéficie principalement à l’OS « Infrastructure », qui voit sa ressource en CP augmenter de + 214 millions d’euros (+ 35,5 %), au bénéfice du logement familial pour le personnel civil et militaire, de la réalisation d’infrastructures de défense (plan hébergement et plan « ensemble d’alimentation et de loisirs ») et de la poursuite des efforts en matière de transition écologique.
L’augmentation en AE s’explique notamment par une hausse des engagements toujours sur l’OS « Infrastructures » (+ 28 millions d’euros soit + 4 % par rapport à la LFI 2024).
S’agissant de la masse salariale, le PLF 2025 prévoit 13, 759 milliards d’euros de crédits T2 hors CAS Pensions, soit une augmentation de + 93 millions d’euros par rapport aux crédits votés en LFI 2024 (13, 666 milliards d’euros). Avec le CAS Pensions, les crédits demandés au PLF 2025 s’élèvent à 23, 227 milliards d’euros.
d. Le programme 146 Équipement des forces
Le programme 146 Équipement des forces rassemble les crédits relatifs aux armements et matériels nécessaires à la réalisation des missions des armées.
Le niveau des AE augmente de 27 milliards d’euros, soit une hausse de 110,6 %, pour s’établir à 51,4 milliards d’euros au titre du PLF 2025. Cette augmentation concrétise la volonté ministérielle de renouvellement des capacités opérationnelles, de poursuivre l’effort de modernisation des équipements et l’innovation. Principalement porté par les programmes à effet majeur (PEM), le niveau d’engagement s’explique notamment par le lancement de la réalisation du porte-avions nouvelle génération, ainsi que d’autres opérations portées par la dissuasion.
Les CP du programme 146 pour le PLF 2025 (18,7 milliards d’euros) sont en hausse de 2,1 milliards d’euros (soit une augmentation de 13 %) par rapport à la LFI 2024.
Cette deuxième annuité de la LPM 2024-2030 consolide l’effort de reconstruction de l’outil de défense entamé. Au titre du PLF 2025, la ressource consacrée aux PEM s’élève à plus de 20 milliards d’euros d’engagements (20,183 millions d’euros) et à 11,5 milliards d’euros de paiements (11, 537 millions d’euros).
Les principaux engagements et paiements relatifs aux PEM du PLF 2025 sont retracés dans les tableaux ci‑après.
principaux engagements relatifs aux PEM du PLF 2025
PEM |
Engagements PLF 2025 (en millions d’euros) |
Porte-avions NG |
7 408,2 |
Rafale |
977,7 |
SCAF |
842,6 |
SLAMF (Système de Lutte Anti-Mines Futur) |
827,1 |
Frégates de Taille Intermédiaire |
695,3 |
UCAV |
684,0 |
Flotte tactique et logistique terrestre |
505,9 |
Cyber |
488,0 |
Source : DAF‑MINARM
principaux paiements relatifs aux PEM du PLF 2025
PEM |
Paiements PLF 2025 (en millions d’euros) |
Rafale |
1 894,7 |
Scorpion |
1 191,8 |
A400M |
462,2 |
Frégates de Taille Intermédiaire |
394,7 |
SCAF |
317,8 |
Contact |
273,1 |
Source : DAF‑MINARM
II. Les dÉploiements de la marine nationale en mer rouge et dans le golfe d’aden au profit de la sÛRETÉ maritime
A. La mer, un espace soumis à des menaces diversifiÉes et en constante Évolution
Les océans sont des espaces partagés où de nombreux usages se côtoient. Ils constituent un milieu où se mêlent les activités humaines, impliquant notamment les opérations des marines civiles à visée commerciale et les manœuvres des marines de guerre exprimant les rivalités entre puissances.
L’exacerbation des tensions en plusieurs points de la planète – qu’il s’agisse de la guerre en Ukraine, du conflit au Proche‑Orient, des confrontations en mer de Chine ou encore de la menace terroriste transnationale – menace l’ordre international et aggrave l’insécurité globale. La multiplication des crises, a entraîné des effets de débordement de la terre à la mer, mettant ainsi en lumière notre dépendance aux flux maritimes pour nos approvisionnements commerciaux et énergétiques. De la sorte, la question de la liberté de navigation, et plus particulièrement de la sûreté maritime, est revenue au centre des enjeux stratégiques.
Les actes de malveillance en mer qui peuvent prendre différentes formes ont enregistré, ces dernières années et dans certaines zones géographiques, une très nette aggravation, menaçant ainsi fortement la stabilité internationale et le commerce mondial.
1. La piraterie et le brigandage : une menace désormais contenue mais toujours persistante
La piraterie maritime moderne recoupe les actes de piraterie au sens strict (acte de violence commis à des fins privées en haute mer) et le brigandage (acte illicite commis à des fins privées dans les eaux intérieures, territoriales ou archipélagiques d’un État). Les actes de piraterie ciblent des navires de commerce, de pêche voire de plaisance, en fonction de leur valeur présumée et de leur vulnérabilité. Au niveau mondial, les actes de piraterie et de brigandage restent stables voire en légère baisse depuis 2017.
La faiblesse des États riverains, la présence de « proies » sur les axes de transit maritime et les difficultés socio‑économiques sont les principaux facteurs explicatifs de la piraterie.
Les baisses durables observées dans certaines zones (Corne de l’Afrique depuis le début des années 2010 et Golfe de Guinée depuis 2021) ont été essentiellement obtenues grâce au déploiement de moyens militaires dissuasifs dans ces zones. En outre, la diminution des stocks halieutiques, sous l’effet notamment de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (pêche dite « INN »), contribue à la piraterie en encourageant les pêcheurs à se reporter sur des activités plus lucratives.
a. Les principales zones touchées par les actes de piraterie
i. Les côtes de la Corne de l’Afrique
La piraterie dans les espaces maritimes bordant la Corne de l’Afrique, principalement menée par des pirates somaliens dans un contexte de guerre civile et de déliquescence de l’État central, a connu une forte hausse à partir de 2005 mettant en péril le trafic commercial et contribuant à l’instabilité politique et économique de la région. Ce phénomène a enregistré un pic entre 2008 et 2012 avec 600 attaques environ et 400 millions de dollars américains de rançon récoltés par les pirates.
Pour répondre à cette crise qui avait un impact direct sur sa vie économique, l’Union européenne a mis en place à partir de décembre 2008 l’opération Atalante, visant à dissuader, prévenir et réprimer la piraterie dans le Golfe d’Aden, le Nord‑Ouest de l’océan Indien et le canal de Guardafui.
Les actes de piraterie ont ainsi commencé à fortement refluer à partir de 2012 grâce au déploiement de moyens militaires dans la zone permettant tout à la fois une présence dissuasive et une capacité d’intervention en cas d’incident. Le bilan de l’opération Atalante apparaît comme très positif puisque les actes majeurs de piraterie ont été éliminés en pratique entre 2017 et novembre 2023. Par l’importance des moyens déployés et son inscription dans le temps long, l’opération Atalante a ainsi joué un rôle déterminant pour le rétablissement de la sûreté maritime dans la zone.
Nous observons néanmoins une résurgence de la menace depuis cette date, qui correspond à un calcul opportuniste des pirates du fait de la concentration actuelle des moyens navals en mer Rouge pour faire face à la menace houthie (cf. infra). La résurgence de la piraterie dans le Golfe d’Aden depuis la fin de l’année 2023 témoigne de la persistance des problèmes sous‑jacents expliquant la piraterie et la nécessité de trouver des réponses aux crises politiques ou socio‑économiques perdurant sur terre et plus particulièrement en Somalie.
Dans le Golfe de Guinée, la piraterie est un phénomène protéiforme, devenu un sujet de préoccupation internationale à partir de 2010, avec l’augmentation d’attaques contre des navires étrangers ou des infrastructures pétrolières (portuaires ou offshore). Le but opératoire est généralement le vol de cargaisons ou de pétrole, sur des navires en transit ou au mouillage à proximité des côtes, voire au port, ou sur des infrastructures pétrolières, essentiellement au Nigeria, dans le delta du Niger. Entre 2012 et 2020 on recensait une centaine d’attaques déclarées par an.
À partir de 2018, parallèlement aux vols, les enlèvements – parfois très violents – ont augmenté sur des navires ou les infrastructures (en 2019‑2020, 80 % des enlèvements dans le monde se produisaient dans cette zone), avant de décroître sous l’effet des mesures de protection prises par les armateurs et les compagnies pétrolières et probablement des accords passés entre les organisations criminelles et le gouvernement (130 évènements recensés en 2019, 65 en 2021, 30 en 2023, sans doute moins de 20 en 2024).
En réduisant en apparence leurs activités, les pirates se sont diversifiés : ainsi au Nigeria le bunkering (vol de pétrole brut) a explosé, plus rentable et moins risqué – avec des volumes spectaculaires : entre 400 000 et 1 million de barils de brut par jour en 2023, soit presque autant que les exportations du pays – ce qui dépasse le cadre du simple brigandage. La lutte contre ce phénomène, en cas d’efficacité, entraînera sans doute par effet de vases communicants un retour massif des attaques côtières ou hauturières.
Depuis 1990, un à deux bâtiments français sont déployés dans le Golfe de Guinée de façon quasi permanente dans le cadre de l’opération Corymbe pour participer au renforcement de la sûreté maritime dans la zone. En outre, dans la région, la France dispose d’un réseau de quatorze coopérants maritimes, organise des exercices maritimes réguliers et apporte son appui à la formation des marins et des administrations de la région impliquées dans la sûreté maritime à travers les écoles nationales à vocation régionale (ENVR) maritimes (Institut de sécurité maritime interrégionale-ISMI à Abidjan et école navale de Tica en Guinée équatoriale qui forment une centaine de stagiaires par an) et le stage SIREN (stage embarqué à bord du Corymbe d’approfondissement des connaissances liées à l’action de l’État en mer s’adressant à des officiers expérimentés).
iii. Les détroits de Singapour et de Malacca
En Asie du Sud‑Est, les actes de piraterie et de brigandage – s’apparentant surtout à de la petite délinquance – constituent un phénomène ancien et assez stable en volume et en modes opératoires. Depuis 2020, on relève environ une centaine d’incidents déclarés par an.
Les pirates sont traditionnellement des brigands opportunistes, dont l’objectif est le vol de biens et d’équipement pour les revendre au marché noir, voire le soutage de pétrole ou d’hydrocarbures (bunkering). Moins violent que dans le Golfe de Guinée, le brigandage maritime asiatique touche plus particulièrement deux zones que sont d’une part les détroits de Malacca et de Singapour (pirates malaisiens et indonésiens), pour la moitié des cas, et d’autre part les mers de Sulu‑Célèbes (pirates philippins, malaisiens et indonésiens). Les baies des grands ports que sont Manille ou Djakarta peuvent également être touchées pour les navires au mouillage.
Les enlèvements pour rançons sont rares, à l’exception des actions du groupe terroriste Abou Sayyaf en Sulu-Célèbes, en particulier dirigé contre les voyageurs occidentaux, dont les activités terroristes et de brigandage se confondent et s’alimentent.
2. Des activités illicites en mer et des entraves à la navigation en pleine expansion
a. La mer, un terrain favorable aux trafics illicites et activités criminelles
Les divers trafics survenant en mer, tels que ceux liés aux stupéfiants, aux armes, et à la traite des êtres humains et des migrants, constituent des supports majeurs pour les actions criminelles. Ces activités illicites exploitent les vastes espaces maritimes, souvent mal surveillés, et favorisent la corruption et l’insécurité dans les zones côtières.
La mer Méditerranée, relativement épargnée par les autres atteintes à la sûreté maritime apparaît comme particulièrement exposée à ces différents trafics, qui constituent un enjeu de sécurité nationale avec notamment :
- les trafics humains, directement liés à la pression migratoire et à la déstabilisation de la Libye depuis 2011, qui représentaient un chiffre d’affaires estimé à plus de 200 millions d’euros en 2019 ;
- les trafics de stupéfiants, cette région constituant une zone importante pour le trafic de cannabis mais également de transit pour d’autres produits ;
- les trafics d’armes et de biens restreints, notamment à destination des parties au conflit libyen, en violation de la résolution 1970 du Conseil de sécurité des Nations unies.
Il ressort également des travaux menés par le rapporteur qu’au‑delà des organisations criminelles exploitant ces trafics, certains États compétiteurs cherchent désormais à utiliser ces activités illicites, notamment le narco‑trafic, pour déstabiliser nos sociétés.
b. Une multiplication des atteintes à la souveraineté économique des États et à l'environnement en mer
L’ensemble des atteintes à la souveraineté économique des États et à l’environnement constituent d’autres formes d’activités illicites en mer. Il s’agit notamment de l’exploitation illégale des ressources, en particulier des ressources halieutiques via la pêche INN ou encore de l’exploration illégale dans la zone économique exclusive des États concernés.
Ces atteintes à la souveraineté économique ou à l’environnement constituent une menace globale mais sont particulièrement prégnantes dans le Golfe de Guinée, dans l’océan Indien et dans le Pacifique. La France y est particulièrement exposée dans ses départements, régions et collectivités d’outre‑mer notamment au large de la Guyane et des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).
Ces activités illicites peuvent le plus souvent se déployer en raison de la faiblesse des moyens de police maritime des États riverains. Ces comportements sont parfois le fait d’acteurs qui bénéficient de l’assentiment, voire du soutien direct de leur État d’origine. À ce titre, la flotte de pêche chinoise représente une part extrêmement importante des activités de pêche INN, dans l’environnement immédiat de la Chine mais également au‑delà, notamment dans le Golfe de Guinée, le long des côtes de l’Afrique orientale et dans le Pacifique.
Il faut, par ailleurs relever que ces atteintes à la souveraineté économique et à l’environnement contribuent à entretenir un cercle vicieux. Ainsi, la pêche INN en affaiblissant les économies locales de régions déjà vulnérables et en privant les pêcheurs locaux de leurs moyens de subsistance, crée un terrain fertile pour la reconversion de ces derniers dans des activités criminelles.
c. Les entraves à la liberté de navigation
Les tensions géopolitiques dans certaines régions du monde peuvent fortement porter atteinte à la liberté de navigation en entraînant des restrictions et des confrontations entre les États.
Ainsi, le détroit d’Ormuz – qui constitue une zone stratégique cruciale pour la navigation maritime –, étant le passage obligé pour environ 20 % du pétrole mondial, a enregistré une hausse des saisies de navires et autres atteintes à la liberté de navigation à partir de 2019, l’Iran ayant souvent menacé de perturber la navigation dans ce détroit en réponse aux sanctions économiques ou à des actions militaires perçues comme hostiles. Ce risque a cependant été fortement réduit depuis 2020 et aucun cas n’a été recensé depuis mi‑2023.
En mer de Chine, la montée des tensions interétatiques, notamment les incidents opposant la Chine et les Philippines dans les Paracels, entraîne également un risque d’entrave majeure à la liberté de navigation, dans une zone cruciale pour les intérêts français et européen puisque 50 % du commerce mondial de marchandises y transite. Cette dégradation résulte principalement du comportement de plus en plus déterminé de la Chine dans son environnement maritime immédiat. Ainsi, la loi chinoise sur les garde‑côtes, adoptée en 2021 et modifiée en 2024, dont les dispositions sont incompatibles avec la convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) autorise pour les garde-côtes le recours à la force létale contre les navires étrangers, ainsi que la détention des navires étrangers et de leurs équipages arraisonnés dans les « eaux sous juridiction chinoise » ou en cas « d’atteinte à la souveraineté de la Chine ».
Les actions déstabilisatrices menées par les Houthies en mer Rouge, depuis la fin de l’année 2023, constituent une autre source d’insécurité maritime majeure sur cette route maritime cruciale – 12 % du commerce mondial – reliant l’Europe à l’Asie via le canal de Suez au Nord et le détroit de Bab‑el‑Mandeb au Sud (cf. infra).
3. Les différentes réponses permettant de contrer les menaces pesant sur la sûreté maritime
L’une des réponses la plus efficace, à ce jour, contre les atteintes à la sûreté maritime réside indéniablement, pour le rapporteur, dans le déploiement de moyens permettant à la fois une présence dissuasive et une capacité d’intervention en cas d’incident comme peuvent le démontrer les opérations Atalante (cf. supra) et Aspides (cf. infra).
Le renforcement de la connaissance du domaine maritime via le partage de l’information entre acteurs du monde maritime constitue un autre moyen clé de parer et de réprimer les menaces. À ce titre, le Maritime Information Cooperation & Awareness Center (MICA Center) situé à Brest, en lien avec les divers centres de fusion de l’information régionaux, a une compétence internationale pour recenser et analyser les situations et évènements relatifs à la navigation maritime sur l’ensemble des océans. Le MICA Center héberge le MDAT-GoG pour le Golfe de Guinée (Maritime Domain Awareness for Trade – Gulf of Guinea) et le MSCHoA pour la Corne de l’Afrique, qui jouent un rôle crucial pour renforcer la coopération entre acteurs privés et étatiques dans ces deux zones sensibles. Au plan technique, la France promeut aux côtés de ses partenaires européens la diffusion de plateformes de partage d’information, YARIS (golfe de Guinée) et IORIS (Corne de l’Afrique et Indopacifique), et soutient les outils permettant l’interopérabilité avec les autres plateformes de référence (projet CRIMARIO de l’Union européenne, porté par Expertise France).
Enfin, le renforcement de la capacité des États côtiers à sécuriser leur espace maritime et la mise en place de cadres judiciaires adaptés apparaît également comme l’une des clés déterminantes en matière de lutte contre les différentes menaces à la sûreté maritime. La France soutient les différents processus régionaux pertinents tels que l’architecture de Yaoundé dans le Golfe de Guinée, le code de conduite de Djibouti encadrant la répression des actes de piraterie dans l’océan Indien (statut d’observateur), ou encore l’accord de coopération régionale contre la piraterie et les vols à main armée à l’encontre des navires en Asie (ReCAAP), à la ratification duquel la France est candidate. Des mesures d’assistance dans le cadre de la FEP sont régulièrement accordées aux pays côtiers visant à l’amélioration de leurs équipements ou structures maritimes. Cinq millions d’euros ont été ainsi été octroyés au Bénin en 2024 dans ce cadre spécifique. La France déploie, par ailleurs, des efforts de formation technique dans l’espace indopacifique (volet « sécurité maritime » du programme Esiwa de l’Union européenne mis en œuvre par Expertise France, inauguration prochaine du Centre régional d’études maritimes au Sri‑Lanka).
B. La mer, rÉceptacle des conflits terrestres : le cas spÉcifique du dÉbordement des tensions au Proche-Orient en mer Rouge
1. Une route maritime stratégique pour le commerce mondial lourdement menacée par les attaques menées par les Houthis
Les attaques menées par les Houthis en mer Rouge depuis octobre 2023 sur une route maritime qui représente 40 % des échanges commerciaux entre l’Asie et l’Europe et un tiers du trafic global de conteneurs compromet la liberté de navigation, porte préjudice à l’économie mondiale et exacerbent les tensions géopolitiques dans une zone déjà sensible.
a. Les actions des Houthis en mer Rouge, en représailles à la guerre menée par Israël à Gaza
Initialement, le conflit yéménite était avant tout lié à des rivalités opposant des élites politiques dans le cadre du processus de transition politique entamé dans le contexte des « printemps arabes ». Il s’est progressivement confessionnalisé et a débouché sur une guerre civile opposant les rebelles Houthis – se réclamant du zaydisme, une branche du chiisme – aux forces du président Abdrabbo Mansour Hadi. Ce conflit s’est par la suite intensifié et a entraîné en 2015 l’implication puis le retrait en 2022 des forces saoudiennes et émiriennes. Les rebelles houthis, soutenus par Téhéran et qui constituent un proxy de la République islamique d’Iran, contrôlent environ 25 % du territoire, comprenant la capitale Sanaa et la côte de la mer Rouge, s’opposent toujours à ce jour au gouvernement légitime du Yémen, seul reconnu internationalement, dirigé par le Conseil présidentiel, instauré depuis avril 2022.
En dépit d’une trêve qui tient de facto depuis son expiration officielle en octobre 2022, le pays demeure en état de guerre larvée permanente, avec des tensions régulières sur les lignes de front entre la zone occupée par les Houthis et le reste du pays.
Depuis octobre 2023, dans le cadre de « l’axe de la résistance » dont ils sont un membre actif et en prétextant le soutien aux Palestiniens de Gaza, les Houthis ont fortement dégradé la sûreté maritime en mer Rouge, en lançant d’une part des frappes à destination du territoire israélien et en ciblant d’autre part des navires de commerce réellement ou prétendument liés à Israël. Ils ont, par la suite, étendu leurs actions de harcèlement en mer Rouge en visant des intérêts britanniques et américains. Ils ciblent désormais tous azimuts, en très grande majorité en direction de navires commerciaux porteurs d’intérêts occidentaux. Pour atteindre leurs cibles, les Houthis utilisent le système d’identification et de localisation (AIS) dont sont dotés tous les navires.
Pour mener leurs actions, les rebelles Houthis disposent de missiles de croisière, de missiles balistiques, de drones, de capacités de saisie de navire, de batteries côtières antinavires. Il a été indiqué au rapporteur au cours de ses auditions une évolution constante des moyens à leur disposition. Ainsi, les attaques menées actuellement par la milice rebelle en mer Rouge s’apparentent davantage à des événements de guerre avec l’emploi d’armes lourdes, de plus en efficaces et de plus en plus précises.
Depuis octobre 2023, on relève 166 événements maritimes et 657 objets tirés par les Houthis contre des navires en mer Rouge. Ces chiffres saisissants donnent une idée précise de l’étendue de la menace que les rebelles yéménites font peser sur la sûreté maritime dans la zone. Depuis un an, il ne se passe quasiment pas une semaine, sans attaque depuis la terre et en direction de la mer de la part des Houthis
En 2024, deux navires ont d’ailleurs sombré (le Rubymar et le Tutor), tandis que deux autres ont dû être évacués (le Marlin Luanda et le Sounion). À la date du 1er octobre 2024, presque un an après le début des attaques houthies, on compte une cinquantaine de navires touchés dans la zone.
De la sorte, la menace houthie est parvenue à diviser par deux le trafic maritime de commerce passant par la mer Rouge sur le premier semestre 2024. Avant cette date, on recensait 82 navires par jour. Du fait des attaques houthies, la fréquentation en mer Rouge est passée à 35 navires par jour. Cette situation dégradée pour la sûreté maritime a conduit à un important détournement du trafic maritime vers le Cap de Bonne Espérance, allongeant de neuf à douze jours la durée de transit.
b. Les rebelles Houthis, une milice bénéficiant d’un important appui de l’Iran
Au regard de l’évolution de leur capacité d’action, les Houthis bénéficient visiblement d’un important appui de l’Iran comprenant des livraisons d’armes de plus en plus sophistiquées, ainsi que de formations.
Il est important de relever que la saisie par les Houthis du Galaxy Leader, un navire commercial avec prise en otage de son équipage le 19 novembre 2023, s’est faite avec un mode opératoire héliporté, similaire à la tentative de saisie d’un pétrolier par le corps des Gardiens de la révolution iraniens dans le détroit d’Ormuz, le 5 juillet 2023.
Ce soutien capacitaire de Téhéran s’inscrit dans le cadre de la coordination et du soutien apporté aux acteurs de « l’axe de la résistance », qui permettent à l’Iran de mener une guerre indirecte contre Israël et les intérêts de ses alliés, notamment américains. Il est en outre possible, comme cela a été indiqué au rapporteur au cours de ses travaux, que la coopération militaire entre la Russie et les Houthis se soit intensifiée récemment.
La posture escalatoire des Houthis répond à une dimension idéologique, à un enjeu de politique interne, la population yéménite étant très attachée à la cause palestinienne et le Conseil présidentiel yéménite, proche des Émiriens et des Saoudiens, ne pouvant pas adopter une position aussi radicale que les Houthis. Enfin, elle répond à un enjeu de rehaussement de leur positionnement au sein de « l’axe de la résistance ». Bien que le niveau de coopération opérationnelle avec l’Iran se soit accru depuis plusieurs années, il est important de souligner que le mouvement rebelle yéménite conserve plus d’indépendance idéologique et politique que certains autres proxies vis-à-vis de la République islamique.
À l’instar du Hezbollah depuis la guerre civile en Syrie, les combattants houthis disposent d’une longue expérience de la guerre asymétrique. Par ailleurs, la trêve de 2022 permet aux Houthis d’afficher une activité militaire ostentatoire, loin des actions de guérilla qu’ils menaient sous la pression de la coalition arabe. Cet environnement plus permissif permet à la milice rebelle de se projeter à l’extérieur, menaçant non seulement Israël mais aussi certains partenaires du Golfe. Il semble d’ailleurs évident pour l’ensemble des acteurs entendus par le rapporteur dans le cadre de ses travaux qu’une cessation de la guerre à Gaza n’entraînera pas nécessairement un arrêt des actions malveillantes menées par les Houthis en mer Rouge, lesquelles leur confèrent désormais une importante visibilité sur la scène internationale et un outil de rapport de force dans la région vis‑à‑vis de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis notamment.
2. Des soutiens militaires multinationaux diversifiés mis en place pour soutenir le trafic maritime
Pour préserver, face à la menace houthie, la liberté de navigation et la sûreté maritime sur l’une des routes commerciales les plus fréquentées au monde, diverses opérations navales internationales ont été mises en place en mer Rouge et dans le Golfe d’Aden.
a. Les Américains et les Britanniques ont développé contre la menace houthie une approche offensive aux résultats limités
Face aux attaques houthies, les États-Unis et le Royaume Uni ont annoncé la création d’une task force maritime dénommée Prosperity Guardian, réunissant vingt pays, en décembre 2023. Cette opération américano‑britannique a adopté une approche offensive en procédant directement à des frappes contre les installations militaires des Houthis sur le territoire yéménite. À partir de janvier 2024, cette opération a été menée avec le soutien du Canada, de Bahreïn, de l’Australie, des Pays‑Bas, du Danemark et de la Nouvelle‑Zélande.
En termes opérationnels, Prosperity Guardian s’appuie sur la Combined Task Force 153 (CTF 153), créée en 2022, en coordonnant les présences maritimes des partenaires des États‑Unis dans une zone comprenant la mer Rouge, le détroit de Bab-el-Mandeb et le Golfe d’Aden. Les États participants restent ainsi entièrement maîtres de leurs règles d’engagement et sous une chaîne de commandement nationale.
Les réactions des États du Conseil de coopération du Golfe (GCC) aux frappes américano‑britanniques se sont révélées hétérogènes. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont restés prudents et ont appelé à la prudence. Riyad et Abou Dhabi, qui se sont militairement désengagés du Yémen, souhaitent en effet éviter toute escalade avec les Houthis qui ont mené des attaques contre leurs territoires en 2022, événements qui constituent un véritable traumatisme pour eux.
Il faut relever que cette approche offensive n’a pas donné de résultats probants, les frappes menées n’ayant pas permis d’affecter les capacités des Houthis. Elles ont, en revanche, sûrement eu pour effet de renforcer l’hostilité à l’égard des intérêts américano‑britanniques dans la zone.
b. Une approche défensive a été promue par la France et ses partenaires européens contre la menace houthie avec des résultats opérationnels satisfaisants
i. L’opération Aspides, un dispositif efficace
Les actions déstabilisatrices des Houthis en mer Rouge nuisant directement aux intérêts de la France, Paris a dès décembre 2023 décidé de dépêcher une frégate de la marine nationale en mer Rouge, faisant de la France le deuxième pays après les États‑Unis à intervenir sur zone.
Par la suite, l’Union européenne a lancé, en février 2024, une action défensive et désescalatoire afin de rétablir la liberté de navigation et la sûreté maritime en mer Rouge, et plus particulièrement aux abords du détroit de Bab‑el‑Mandeb, zone d’attaque systématique des Houthis. Cette opération dénommée Aspides a fait l’objet d’un large consensus des États‑membres. La France a joué un rôle moteur dans le lancement de cette opération qui reçoit, par ailleurs, le soutien du Bahreïn, du gouvernement yéménite et de Djibouti.
Les tâches de l’opération Aspides sont :
- l’accompagnement des navires commerciaux sur l’ensemble de la zone ;
- la connaissance de la situation maritime ;
- la protection des navires contre les attaques multi‑sectorielles en mer (tâche restreinte essentiellement à la mer Rouge).
Le dispositif Aspides est le seul de la zone qui a pour objectif de protéger le commerce maritime. L’accompagnement est offert à tous les navires quel que soit leur pavillon, à l’exception des États sous sanctions. L’opération Aspides est bien perçue par les pays riverains grâce à son bilan très satisfaisant et également grâce à la bonne réputation locale de l’opération Atalante. Elle incarne, en outre, la capacité d’action autonome de l’Union européenne comme pourvoyeuse de sûreté maritime.
La carte ci‑après présente les zones de compétence des différentes opérations Atalante, Aspides et Agénor ([4]) :
Les zones gÉographiques des opÉrations navales europÉennes À proximitÉ de la mer rouge et du golfe d’aden
Source : ministère de l’Europe et des affaires étrangères
La sécurisation, par les moyens d’Aspides du sauvetage du pétrolier grec Sounion, attaqué par les Houthis, le 21 août 2024, a illustré la réactivité de l’opération navale européenne, qui a permis d’éviter une catastrophe environnementale régionale. Le navire a été remorqué en zone sûre le 16 septembre 2024 sous escorte des frégates française, grecque et italienne engagées dans l’opération. Cette action a été menée en lien avec les partenaires régionaux, dont l’Arabie saoudite.
Grâce à son lancement rapide, l’opération a rapidement fait état de résultats opérationnels satisfaisants. Depuis sa création, l’opération Aspides a ainsi accompagné plus de 250 navires commerciaux.
ii. Un dispositif qui pourrait néanmoins gagner en cohérence
Si l’opération Aspides est globalement un succès, des points d’attention demeurent pour le rapporteur.
Tout d’abord se pose la question de l’enjeu d’une génération de forces durable. Il y a aujourd’hui trois navires engagés au sein de l’opération Aspides, avec des navires en soutien associé ponctuel, alors que quatre navires sont nécessaires pour remplir pleinement cette mission. Les trois navires engagés actuellement sont grec, italien et français, les navires italiens et français étant aptes à mener une défense aérienne adaptée à la menace en cas d’attaque.
L’actuelle incapacité à lutter contre le trafic d’armes, qui n’est pas inclus dans le mandat de l’opération Aspides, constitue une problématique de taille, les Houthis parvenant à reconstituer régulièrement et rapidement leurs capacités.
Enfin, la coexistence de deux opérations maritimes européennes dans le Nord‑Ouest de l’océan Indien, avec l’opération Atalante visant à lutter contre la piraterie (cf. supra) et l’opération Aspides, interroge quant à la redondance des dispositifs.
Le rapporteur estime indispensable un élargissement du mandat de l’opération Aspides à la lutte contre le trafic d’armes pour lui permettre de gagner en efficacité et réduire drastiquement les atteintes à la sûreté maritime dans la zone. En outre, il plaide pour que des efforts de coordination et d’articulation entre les opérations Aspides et Atalante conduisent, à terme, à une fusion des deux dispositifs.
3. Les moyens spécifiques déployés par la marine nationale pour défendre la liberté de navigation dans la zone et les premiers retours d’expérience en matière d’équipement de nos forces
a. Les bâtiments et équipements utilisés ainsi que les bases impliquées pour répondre à la menace houthie
La France contribue à l’opération Aspides en mettant à disposition des officiers à l’état-major opérationnel (OHQ) basé en Grèce et des bâtiments de la marine nationale. Cette opération navale européenne bénéficie principalement de moyens français, grecs et italiens pour mener à bien ses actions de protection de navires commerciaux.
Le dispositif de la marine nationale a évolué en mer Rouge avec l’envoi de frégates de classe La Fayette (FLF), puis de frégates multimissions (FREMM) et désormais de frégates de défense antiaérienne (FREMM‑DA). En outre l’armée de l’air contribue également ponctuellement avec la mise à disposition de Mirage 2000 depuis Djibouti, de missions de reconnaissance effectuées par des Rafale ou encore marginalement de drones.
À l’inverse de la tendance observée dans la Royal Navy, la marine nationale a fait le choix d’augmenter la taille de ses équipages sur FREMM et FREMM‑DA, afin notamment d’augmenter la résilience au combat de ses navires. Tous ces bâtiments ont été déployés avec un équipage complet et des capacités tant en matière de personnels qu’opérationnelles maximales.
Dans le cadre des opérations en mer Rouge, si l’on observe parfois un déséquilibre entre le coût des munitions par rapport au coût des drones houthis, il est important pour le rapporteur de souligner que l’enjeu se situe en réalité dans l’impérieuse nécessité de protéger les frégates françaises, dont l’avantage stratégique qu’elles représentent et le coût, justifient le déploiement de l’ensemble des moyens à la disposition de la marine nationale pour les protéger. Aux premiers jours des attaques menées par les Houthis, quelques articles de presse se sont fait l’écho de la question de la pertinence de l’usage de missiles perfectionnés et coûteux face à des drones rustiques et peu chers. Le rapporteur tient à insister sur la gravité des dégâts que peut faire un drone de ce type sur une passerelle d’un navire, tant sur le plan matériel qu’humain. Il précise qu’il faut plus prendre en compte la valeur des vies humaines épargnées, ainsi que celle des cargaisons des navires et des navires eux‑mêmes, que la trop simple comparaison du coût des drones houthis par rapport à nos missiles destinés à les contrer.
La France bénéficie en outre, grâce à ses bases militaires situées à Abou Dhabi et à Djibouti, de points d’appui lui permettant d’opérer dans la zone de façon continue. Ces deux emprises constituent des ports logistiques stratégiques pour le soutien des bâtiments déployés en océan Indien. La marine nationale avec l’appui de l’armée de l’air et de l’espace, a ainsi pu ravitailler en missiles Aster une frégate depuis le port de Djibouti alors qu’un bâtiment de la Royal Navy a quant à lui dû retourner à Gibraltar pour mener la même opération. Ces éléments attestent pour le rapporteur de la pertinence des choix stratégiques opérés dans les années 2000 de stationner des forces dans cette région, et plus particulièrement aux Émirats arabes unis.
Le rapporteur tient cependant à rappeler que si ces bases installées dans des pays étrangers sont indéniablement un atout pour les capacités de projection de nos forces, elles connaissent une limite importante puisque nous ne pouvons y opérer que dans le respect des accords passés avec nos partenaires qui imposent pour certaines opérations des autorisations préalables. Pour cette raison, il tient à souligner la nécessité de disposer d’un, ou de plusieurs, groupes aéronavals (GAN).
b. Un retour d’expérience bénéfique pour les armées confrontées à une évolution des menaces en mer
Le retour d’expérience (RETEX) de la marine nationale française en mer Rouge prouve qu’elle possède des capacités adaptées pour faire face à un large éventail de menaces et qu’elle sait y répondre avec succès, le cas échéant.
Par ailleurs, les événements qui se déroulent sur ce théâtre d’opérations constituent pour les armées et la Direction générale de l’armement (DGA) une occasion permettant de tirer des enseignements utiles pour l’avenir. Cette crise préfigure, en effet, plusieurs menaces auxquelles la marine nationale en particulier, mais aussi les forces armées en général, devront faire face à une échelle plus vaste. Par ailleurs, les attaques en mer Rouge ont conduit à la première utilisation de certains de nos matériels, notamment des missiles Aster, qui ont prouvé leur efficacité.
Le retour d’expérience de la menace houthie en mer Rouge combinant des missiles balistiques, des missiles anti-navires, des drones aériens et des drones de surface a notamment permis aux armées et à la DGA d’identifier les améliorations capacitaires accessibles rapidement pour renforcer les chaînes d’engagement et d’autodéfense des FREMM.
Par ailleurs, un plateau « IRIS » État-industrie a été créé pour rassembler l’état-major de la marine, la DGA et les industriels (MBDA, Naval Group, Thales), afin de tirer profit du RETEX en mer Rouge et améliorer les systèmes. Les objectifs de ce plateau sont le partage de la situation opérationnelle, l’amélioration des chaînes effecteurs et l’augmentation des performances.
Des actions concrètes ont été identifiées, telles que les améliorations du domaine de détection du radar multifonctions Heraklès (Thales), l’évolution de l’installation de tir pour améliorer les performances des missiles Aster (MBDA) et l’amélioration de l’aide à la décision d’engagement du système de direction de combat (Naval Group).
Au cours de sa réunion du mercredi 23 octobre 2024, la commission examine le présent avis budgétaire.
M. le président Bruno Fuchs. La suite de l’ordre du jour appelle l’examen pour avis par notre commission des crédits de la mission Défense du projet de loi de finances (PLF) pour 2025. L’annuité 2025 sera la deuxième de la période couverte par la loi de programmation militaire (LPM) du 1er août 2023, qui porte sur la période 2024-2030. Les dotations de la mission Défense sont portées à un peu plus de 50 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 3,2 milliards d’euros. Dans le contexte international que nous connaissons, nous ne pouvons que nous féliciter de cet effort très substantiel en faveur de nos armées.
Dans le cadre de la préparation budgétaire, le rapporteur pour avis M. Laurent Mazaury s’est notamment rendu aux Émirats arabes unis pour apprécier sur place les actions menées par nos forces navales et nos partenaires. Il a également consacré une partie thématique de ses travaux à la contribution de la marine nationale à la sûreté maritime en mer Rouge et dans le golfe d’Aden.
M. Laurent Mazaury, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, nous examinons donc cet après-midi pour avis les crédits de la mission Défense du projet de loi de finances pour 2025. Le présent budget prévoit en effet une augmentation des crédits consacrés à la mission Défense de 3,2 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, conformément à la trajectoire fixée dans la loi du 1er août 2023, relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030.
Il s’agit, avec ce projet de budget, de poursuivre l’accélération de la transformation des armées françaises et de maintenir le rang de la France parmi les grandes puissances militaires mondiales. La poursuite d’un tel effort au profit de la défense, dans un contexte général marqué par des mesures de réduction de la dépense publique s’explique en tout premier lieu par un durcissement de la conflictualité à l’échelle mondiale. Dans un environnement de plus en plus dangereux, la nécessité pour la France de disposer d’une armée aux capacités opérationnelles renforcées apparaît plus pressante que jamais.
Par ailleurs, une armée forte et bien équipée ne protège pas seulement les intérêts nationaux, mais renforce également notre position sur la scène internationale, permettant à notre pays de jouer un rôle actif dans la préservation de la paix et de la stabilité. En investissant dans nos capacités militaires, nous visons en priorité à assurer notre propre défense, mais nous réaffirmons également par la même occasion la place et le rôle de la France en Europe et dans le monde.
Dans la thématique de cet avis, j’ai souhaité me pencher sur une de ces crises nouvelles qui menace la stabilité du monde et contre laquelle nos forces sont pleinement mobilisées. J’ai ainsi fait le choix d’étudier les déploiements de la marine nationale en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, mis en œuvre pour lutter contre les menaces que font peser les rebelles yéménites houthis sur la liberté de la navigation dans cette zone, l’un des axes maritimes les plus importants pour le commerce mondial et, bien évidemment, pour le commerce européen.
Depuis octobre 2023, prétextant un soutien aux Palestiniens de Gaza, les Houthis ont fortement dégradé la sûreté maritime en mer Rouge en lançant, d’une part, des frappes directement sur le territoire israélien et en ciblant, d’autre part, des navires de commerce réellement ou prétendument liés à Israël, par le pavillon ou son évolution dans le temps, par sa cargaison ou certaines parties de la cargaison, par ses actionnaires. Ils ciblent ainsi désormais très majoritairement des navires commerciaux portés par des intérêts occidentaux.
Par ailleurs, les attaques menées par la milice rebelle s’apparentent davantage à des événements de guerre, avec l’emploi d’armes lourdes de plus en plus efficaces et de plus en plus précises. Les Houthis bénéficient visiblement d’un important appui de l’Iran, comprenant des appuis en formation délivrés par les spécialistes iraniens, des livraisons d’armes pour des drones aériens, des drones maritimes, voire des missiles terre-terre ce qui peut sembler étrange compte tenu d’une utilisation en mer. Toutefois, ils parviennent à immobiliser les navires, ce qui permet de les utiliser.
Il est en outre possible, comme cela a été souligné au cours de mes travaux, que la coopération militaire entre la Russie et les Houthis se soit intensifiée récemment. Depuis octobre 2023, on relève 166 actes hostiles maritimes et 657 objets tirés par les Houthis contre les navires en mer Rouge. Ces chiffres saisissants donnent une idée précise de l’étendue de la menace que les rebelles yéménites font peser sur la sûreté maritime dans la zone. Ainsi, depuis un an, il ne se passe quasiment pas une semaine sans une attaque.
En 2024, deux navires ont sombré – le Rubimar et le Tutor – tandis que deux autres – le Marin Luanda et le Sounion – ont dû être évacués avec l’aide et l’intervention de la France. Au 1er octobre 2024, presque un an après le début des attaques houthies, une cinquantaine de navires touchés étaient ainsi dénombrés. Cette situation très dégradée pour la sûreté maritime a conduit à un important détournement du trafic vers le cap de Bonne-Espérance, allongeant de neuf à douze jours la durée de transit, ce qui entraîne des coûts supplémentaires, y compris des aspects écologiques indirects. Cette situation a également un impact géostratégique puisque des pays qui disposent de marines en théorie capables de résister à ce type d’attaques ont démontré leur incapacité à y faire face.
Pour répondre à cette situation et préserver autant que possible la liberté de navigation, deux opérations navales internationales ont été mises en œuvre dans la zone, une opération européenne et une opération américano-britannique. L’Union européenne a lancé, en février 2024, avec une forte implication de la France, une action défensive afin de rétablir la liberté de navigation et la sûreté maritime en mer Rouge, et plus particulièrement aux abords du détroit de Bab-el-Mandeb, zone d’attaque systématique des Houthis. Cette opération, dénommée Aspides, a fait l’objet d’un large consensus des États membres. Grâce à son lancement rapide, l’opération a fait état de résultats opérationnels satisfaisants, voire très satisfaisants. Depuis sa création, elle a ainsi accompagné plus de 250 navires commerciaux. L’accompagnement est offert à tous les navires, quel que soit leur pavillon, à l’exception des États sous sanction.
L’opération Aspides est bien perçue par les pays riverains, grâce à son bilan très satisfaisant et grâce à la bonne réputation locale de l’opération Atalante, qui lutte contre la piraterie dans cette région. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont pour leur part adopté une approche offensive radicalement différente de celle de la France et des Européens, procédant directement à des frappes contre les installations militaires des Houthis. Cette opération, baptisée Gardien de la prospérité (Prosperity Guardian) n’a pas donné de résultats probants, les frappes menées n’ayant pas permis d’affecter les capacités adverses. Elles ont en revanche très sûrement eu pour effet de renforcer l’hostilité à l’égard des intérêts américano‑britanniques dans la zone.
Je tiens à attirer l’attention de la commission sur plusieurs points de vigilance qui sont ressortis des différents entretiens et de notre déplacement, au cours duquel nous avons rencontré les principaux éléments de la flotte. Premièrement, se pose la question de l’enjeu d’une génération de force durable. Il y a aujourd’hui trois navires engagés au sein de l’opération Aspides, avec des navires en soutien associés de façon ponctuelle, alors que quatre navires seraient nécessaires pour remplir pleinement cette mission. Les trois navires engagés actuellement sont grec, italien et français ; les navires italiens et français étant les seuls aptes à mener une défense aérienne adaptée en cas d’attaque.
Généralement, la méthode d’attaque des Houthis est double. Dans un premier temps, ils utilisent un drone maritime ou aérien pour placer le navire en panne ou le faire ralentir afin de pouvoir effectuer des réparations. Dans un deuxième temps, ils ciblent les navires avec des missiles terre-terre. Il faut savoir que l’on est capable de détecter le point de départ de ces missiles avant de les perdre, puis de les retrouver entre quinze et trente secondes avant qu’il ne frappe. Cela nécessite d’avoir des bateaux de la qualité de ceux de la France pour pouvoir intervenir dans ce court délai.
Le deuxième point de vigilance concerne l’actuelle incapacité à lutter contre le trafic d’armes, qui n’est pas inclus dans le mandat de l’opération Aspides. Il s’agit en effet d’une problématique de taille, les Houthis parvenant à reconstituer régulièrement et rapidement leurs capacités, par voie maritime ou terrestre. À ce sujet, la frontière entre le Yémen et Oman constitue un sujet d’inquiétude.
Enfin, la coexistence de deux opérations maritimes européennes simultanées dans le nord-ouest de l’océan indien (Aspides et Atalante) interroge la redondance des dispositifs. J’estime qu’il est indispensable de procéder à un élargissement du mandat de l’opération Aspides à la lutte contre le trafic d’armes, pour lui permettre de gagner en efficacité et réduire drastiquement les atteintes à la sécurité et à la sûreté maritime dans la zone. En outre, je plaide pour que les efforts de coordination et d’articulation entre les opérations Aspides et Atalante conduisent, éventuellement, à terme, à une fusion des deux dispositifs pour une meilleure efficacité.
En conclusion, la dégradation importante de la sûreté maritime dans cette partie du monde et les risques qu’elle fait peser sur les intérêts stratégiques de la France, de l’Europe et de nos alliés illustrent la nécessité de disposer de forces armées réactives et efficaces. Comme l’écrivait le prince de Joinville : « En marine, rien ne s’improvise, pas plus les bâtiments que les hommes. Pour avoir une marine, il faut la vouloir beaucoup et surtout la vouloir longtemps ».
Ce projet de loi de finances pour 2025 est conforme à l’objectif de renforcement des capacités opérationnelles de nos armées, tel que défini dans la LPM 2024-2030. Pour cette raison, je vous invite, chers collègues, à émettre un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense pour 2025.
M. le président Bruno Fuchs. Je cède la parole aux représentants des groupes.
Mme Amélia Lakrafi (EPR). L’enveloppe de la mission Défense prévoit 50,5 milliards d’euros de crédits budgétaires pour 2025, soit 3,3 milliards de plus par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, en conformité avec la trajectoire fixée par l’article 4 de la LPM. Le respect de cette trajectoire est un choix responsable, qui nous permettra de poursuivre l’accélération de la transformation de nos armées, de maintenir le rang de la France parmi les grandes puissances militaires, dans un contexte de durcissement de la conflictualité à l’échelle mondiale.
Ce budget est donc à la fois à la hauteur des enjeux et des menaces. Il constitue également une étape importante sur la route ouverte en 2017, qui devrait aboutir à doubler le budget de nos armées en 2030. Ces crédits contribueront à financer les priorités du ministère, avec une attention particulière portée à la modernisation de notre dissuasion nucléaire, à la préparation opérationnelle pour faire face à un conflit de haute intensité, au renouvellement des équipements, à l’émergence de certains domaines stratégiques, comme l’innovation, l’espace et les drones, à améliorer des conditions d’entraînement et le soutien des soldats et de leurs familles. Mon groupe votera donc les crédits de cette mission.
Au sein de votre rapport, vous évoquez, parmi les surcoûts prévisionnels de la mission Défense en 2024, le soutien direct à l’Ukraine, caractérisée par les recomplètements de cessions portée par les programmes 178 et 146, les actions de formation et la contribution nette à la Facilité européenne pour la paix ; et, en corollaire du contexte ukrainien, les opérations de renforcement du flanc oriental de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la prise en charge de l’effort national du soutien à l’Ukraine ? À ce sujet, j’ai notamment noté lors de l’audition du ministre, que d’importants gains d’inflation avaient été réalisés cette année, créant des marges de près de 400 millions d’euros à 600 millions d’euros. Il précisait que ceux-ci serviraient aussi à aider l’Ukraine.
M. Laurent Mazaury, rapporteur pour avis. Trois axes concernent l’aide à l’Ukraine, qui a pu se réaliser sans entraîner un impact direct sur la LPM. Le premier axe concerne la gestion prévisionnelle, qui a permis d’anticiper les coûts de l’inflation et, in fine, de dégager des marges de manœuvre directement sur le budget. Le deuxième axe a trait à l’application d’un programme de remplacement de véhicules. En l’espèce, le programme Scorpion a permis de livrer à l’Ukraine des véhicules qui, de toute façon, étaient appelés à la réforme et qui ont pu être transférés. Le troisième axe est relatif à l’intégration d’un risque de conflit, qui avait été pris en compte par le ministère des armées. Aujourd’hui, nous aidons l’Ukraine de manière très significative, en appliquant le programme déjà mis en place.
M. Pierre Pribetich (SOC). Au nom de l’ensemble des Socialistes et apparentés, je me félicite de l’ambition qui est poursuivie, résultat à la fois d’un débat et d’arbitrages opérés lors de la commission mixte paritaire sur la LPM 2024-2030, poussés notamment par nos collègues socialistes. S’agissant de l’objectif à atteindre de 2 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici à 2027, la marche est respectée et je tiens donc à saluer l’effort qui a été réalisé. Cette trajectoire est en effet conforme à ce qui a été voté. Mais le diable se niche toujours dans les détails et sans doute dans les choses cachées.
Nous pourrions voter pour, mais avant de le faire, il faudrait nous dire sur quel budget sont financées les opérations extérieures (OPEX) inattendues. Pour mémoire, le soutien à l’Ukraine appartenait initialement aussi au budget au titre de l’interministériel, à l’image de ce qui se pratiquait pour les OPEX depuis de nombreuses années. En raison du contexte, le ministre des armées a ramené ces éléments dans son budget et la marche n’est donc plus respectée. Les dépenses concernant le Liban, le Yémen, la corne de l’Afrique, le soutien à l’Ukraine sont maintenant intégrées au budget des armées, pour un montant de plus de deux milliards d’euros, auxquels il faut ajouter les bons de commande pour le porte-avions de nouvelle génération. Le flou règne donc sur les moyens. Que compte faire le ministre ? À partir de quels crédits ? Comment reporter ces paiements pour justement assumer ces opérations extérieures ?
Le rapport pour avis n’évoque pas, ou quasiment pas, la question de l’armement du futur, notamment l’innovation dans l’armée. Je souhaiterais que nous puissions nourrir un échange sur les systèmes d’armes létales autonomes, lesquels constituent un élément préoccupant du point de vue de l’éthique, mais aussi des moyens, nonobstant tout ce qui concerne les nouveaux drones, les micro-drones, lesquels doivent faire partie des nouveaux systèmes pour permettre d’avoir une armée efficace au service de notre pays et de la démocratie.
M. Laurent Mazaury, rapporteur pour avis. Vos questions sont justifiées, notamment concernant les OPEX et l’Ukraine. À la suite de nos questions, il nous a été indiqué que ces sujets étaient par essence interministériels.
S’agissant de l’innovation dans la défense, nous n’avons pas obtenu de retour concernant la philosophie qui sous-tend ces enjeux, notamment l’usage des micro-drones et de l’intelligence artificielle au service des interventions armées, qui reviendraient à déléguer la décision humaine sur une partie des questions traitées. Notre mission portant sur le volet budgétaire, le ministère des armées n’a pas souhaité nous donner de réponse. Cependant, je pense qu’elle devra être abordée plus précisément par la commission de la défense ; d’autant plus que certains pays progressent très fortement dans ce domaine.
M. le président Bruno Fuchs. Lors de débats précédents menés dans cette enceinte la question inverse s’était posée, c’est-à-dire comment rattacher la partie OPEX au budget des armées.
Par ailleurs, la commission de la défense a initié une mission d’information sur l’entrée de l’intelligence artificielle dans les stratégies militaires. Il semble intéressant de se rapprocher de nos collègues de la commission de la défense, afin de travailler de manière plus partenariale sur certains sujets spécifiques comportant des dimensions militaires, mais aussi de politique étrangère.
M. Alexis Jolly (RN). Ce budget de la défense 2025 affiche une hausse de 3,3 milliards d’euros, ce qui porte l’effort national à 50,5 milliards d’euros. Le groupe Rassemblement national reste néanmoins très prudent sur ces chiffres. Les investissements dans les équipements et les capacités cyber sont indispensables, mais il faut aller au-delà des effets d’annonce. Nous avons besoin d’une véritable autonomie stratégique parce que nous dépendons encore trop de l’étranger pour les munitions, pour les composants critiques et même certains équipements de défense élémentaires. La relocalisation de la production, la réduction des délais de fabrication et le soutien à nos petites et moyennes entreprises (PME) de défense doivent constituer des priorités absolues. Par exemple, les réductions des délais de production du camion équipé d’un système d’artillerie (Caesar) constituent un bon début, mais il faut multiplier les efforts pour atteindre une véritable indépendance.
Ensuite, parlons des effectifs et des conditions de vie de nos militaires. Augmenter les salaires et le renforcement des infrastructures est nécessaire, mais il faut que cela se traduise concrètement sur le terrain. Nos soldats et leurs familles ne peuvent plus se contenter de promesses. Le plan Famille 2 représente un véritable pas en avant, mais les moyens doivent suivre pour lui permettre de fonctionner. Les hausses de salaires doivent être substantielles et ciblées dans les domaines en tension, comme le cyber ou le renseignement, par exemple.
N’oublions pas non plus les outre-mer. L’allocation de 1,5 milliard d’euros supplémentaires pour renforcer notre présence dans ces zones stratégiques constitue une bonne nouvelle, mais cet argent doit être dépensé efficacement pour améliorer la sécurité et pour renforcer les infrastructures militaires. En effet, les outre-mer sont en première ligne de défense. Il s’agit d’un enjeu d’influence et de souveraineté de premier plan, que nous ne pouvons pas négliger.
Enfin, si nous voulons relever le défi de demain, notamment sur le cyber, l’intelligence artificielle et l’espace, les investissements doivent être à la hauteur des enjeux. Ce budget prévoit 1,2 milliard d’euros pour l’innovation, mais les technologies de rupture demandent des efforts colossaux et rapides, à l’image de ce que les Américains déploient pour leur complexe militaro-industriel, en lien avec des entreprises privées comme SpaceX et Starlink.
Ce budget est donc un bon début, mais le chemin est encore long. Notre groupe continuera, quant à lui, de défendre une politique de défense ambitieuse, fondée sur l’autonomie stratégique, le soutien massif à notre industrie nationale, pour la reconquête de notre souveraineté industrielle mise à mal par nos adversaires politiques, et la protection inconditionnelle des intérêts vitaux de la France. En conséquence, nous nous abstiendrons sur ce rapport.
M. Laurent Mazaury, rapporteur pour avis. Je partage naturellement vos propos concernant les objectifs. Nous avons également eu des entretiens sur la partie ressources humaines et les conditions d’accueil : il faut non seulement recruter des militaires, mais il faut aussi savoir les accueillir avec leurs familles, dans des conditions satisfaisantes. Sur le programme 212, figurent 630 ETP et 700 ETP pour la mission Défense, qui sont bien conformes à la trajectoire LPM, mais l’on pourrait certainement aller plus loin. L’effort accordé à l’activité opérationnelle et à l’entraînement des forces est très important ; de même que l’effort consenti pour fidéliser les militaires recrutés. J’ai particulièrement insisté sur cet aspect : une fois que l’on a formé des personnes, il faut pouvoir les conserver.
Il importe également de conserver une capacité de dilution de nos sous-marins nucléaires, qui nécessitent un certain nombre d’investissements, lesquels nous permettent de garder notre particularisme, notre capacité d’intervention. Ces éléments sont souvent invisibles, mais sachez qu’ils sont vraiment très présents.
Tous les points que vous avez cités sont, à mon sens, pris en compte. Mais vous avez raison, nous devons exécuter notre rôle de contrôle, au-delà de la LPM, pour l’exercer chaque jour, dans chaque décision.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, l’escalade généralisée, la menace d’une extension des théâtres de conflits existants, comme leur multiplication, font craindre une dynamique de mondialisation de la guerre.
Cela s’inscrit dans le contexte d’une transformation profonde de l’ordre international, d’une double nature. Il s’agit d’une part de la transformation de sa hiérarchie, avec la fin d’une domination sans partage des États-Unis d’Amérique. Il s’agit d’autre part de la transformation de l’ordre international dans son architecture, particulièrement du fait du changement climatique, qui bouleversera les conditions de la production, de l’échange et de la sécurité internationale.
La politique de défense doit être pensée à cette aune. La France doit se mettre au service du multilatéralisme et refuser l’alignement sur une puissance, quelle qu’elle soit. Elle doit être une puissance de paix. La trajectoire prévue par la LPM, si elle était respectée, suppose que la France ait les moyens de se mettre au service des Nations unies.
Je pense notamment à la construction de nouveaux patrouilleurs de haute mer prévus par cette loi. Dans le cadre de l’application de l’accord onusien portant sur la biodiversité dans les zones en dehors de la juridiction nationale, connu sous le sigle anglais BBNJ, marine Biodiversity of areas Beyond National Jurisdiction, la France pourrait mettre au service de l’Organisation des Nations unies (ONU), de l’humanité et de l’environnement ces moyens de surveillance maritime. Au moment où la France a porté des efforts internationaux importants à la négociation BBNJ, la marine nationale doit jouer un rôle décisif. Où en sont la construction et la mise en service des patrouilleurs de haute mer ?
Ensuite, si la trajectoire budgétaire de la loi de programmation militaire est en apparence respectée, la création de dépenses non prévues ralentit son rythme de mise en œuvre. Je relaie ici l’interrogation des salariés de Thales de ma circonscription, à Brest, entreprise qui dépend largement de la commande publique. Ils s’inquiètent ainsi de la possibilité que les départs ne soient bientôt plus remplacés. L’État actionnaire s’assure-t-il que cela ne soit pas le cas ?
Par ailleurs, la question de la souveraineté de notre outil de défense est décisive. L’autonomie stratégique repose également sur l’autonomie de l’appareil de défense. De ce point de vue, la décision de donner le marché du supercalculateur militaire français au duo Hewlett-Packard – Orange inquiète légitimement. Ainsi, l’américain Nvidia fournirait les composants de ce supercalculateur. Par le passé, l’espionnage par les États-Unis de pays comme la France et l’Allemagne invite à la plus grande méfiance. Puisque nous considérons que le budget de la défense doit être employé pour permettre à la France de conserver une voix forte et indépendante à l’international, veiller à la souveraineté en matière de défense est absolument nécessaire. Quelles sont les garanties en la matière ?
La France ne doit pas contribuer à l’emballement guerrier international. C’est en préservant sa diplomatie que nous préserverons ses armées, ce qui n’est pas le cas dans le présent budget.
M. Laurent Mazaury, rapporteur pour avis. Je partage vos propos. Nous avons également eu un long échange sur la problématique du transfert – voulu ou involontaire – des technologies, mais également l’importation de technologies qui sont parfois des chevaux de Troie. L’exemple que vous citiez était tout à fait pertinent. Je connais d’ailleurs également très bien l’entreprise Thales, qui est implantée à Elancourt, dans ma circonscription. Le domaine de l’informatique est à ce titre très sensible et nous sommes très vigilants sur ce point. Mais de notre côté, nous parvenons aussi à vendre notre savoir-faire aux Américains. Par exemple, ces derniers ont choisi les systèmes de radar Thales pour équiper leurs nouveaux éléments de flotte.
Ensuite, la marine nous a assuré que la réalisation du programme des patrouilleurs et des frégates respecte le plan de marche tel qu’il avait été décidé pour la LPM ; le taux de réalisation avoisinait les 86 % au début du mois d’octobre 2024. Ici aussi, nous devons continuer à faire preuve de vigilance.
M. Michel Herbillon (DR). Je souhaite d’abord remercier notre collègue Laurent Mazaury pour son rapport, qui permet à notre commission d’étudier les crédits de la mission Défense dans le cadre du PLF 2025. Dix-huit mois après l’adoption de la LPM que l’ensemble du groupe de la Droite Républicaine avait voté, un budget en hausse de 3,5 milliards d’euros est proposé, malgré les fortes contraintes budgétaires que nous connaissons. Cette proposition de budget est donc en conformité avec la trajectoire de la LPM et, au nom du groupe de la Droite Républicaine, je veux d’emblée dire que nous soutenons ce choix fort et que nous voterons ces crédits.
Dans un contexte géopolitique particulièrement difficile, l’augmentation de ce budget est une nécessité impérieuse pour assurer notre défense et pour préparer celle de demain. Les effectifs du ministère poursuivent leur hausse régulière, en passant à 271 000 en 2025, avec un objectif de 275 000 en 2030. Je profite de cette occasion pour saluer et remercier l’ensemble des militaires et des civils qui agissent pour notre pays et pour assurer la sécurité de nos concitoyens en France et à travers le monde.
Par ailleurs, nous appelons à ce que le fonds d’aide à l’Ukraine de 200 millions d’euros demeure hors budget de la défense, comme cela est indiqué dans le bleu budgétaire, car ce fonds ne peut être une variable d’ajustement. Aussi, nous souhaitons le maintien, au sein du ministère des crédits des OPEX, et ce même si ceux-ci sont en baisse en raison du désengagement de nos armées dans la bande sahélo-saharienne.
Monsieur le rapporteur, vous avez souhaité étudier les déploiements de la marine nationale en mer Rouge et dans le golfe d’Aden pour lutter contre les menaces que font peser les rebelles yéménites houthis sur la liberté de navigation dans cet axe. À ce sujet, vous estimez indispensable un élargissement du mandat de l’opération Aspides à la lutte contre le trafic d’armes, pour lui permettre de gagner en efficacité. Aussi, vous plaidez pour une fusion des opérations Aspides et Atalante, que vous jugez redondantes. Pouvez-vous nous indiquer en quoi cela permettrait d’agir plus efficacement face aux rebelles yéménites houthis ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur pour avis. L’élargissement du mandat voire la fusion permettrait d’être plus efficace d’un point de vue opérationnel. À l’heure actuelle, sur le plan du droit international, le mandat confié limite le rayon d’action de l’opération, surtout pour le transport des petites armes. Or le soir, à certaines heures, des centaines de frêles esquifs traversent le détroit pour relier les deux points de côte en transportant les composants nécessaires pour fabriquer des drones, légers ou lourds. L’élargissement de la mission et du mandat est donc nécessaire. Il vaut mieux arrêter les drones avant leur fabrication plutôt qu’après leur utilisation.
M. Michel Herbillon (DR). Avez-vous bon espoir que ce mandat puisse être effectivement élargi, dans les faits ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur pour avis. La demande doit être formulée clairement et je ne suis pas sûr que cette démarche ait jusqu’à présent été portée avec toute la volonté nécessaire. J’en profite pour indiquer qu’à l’occasion des contrôles d’arme, d’autres éléments sont mis à jour comme de très nombreux stupéfiants. Typiquement, l’élargissement de ce mandat pourrait permettre très certainement de récupérer bon nombre d’éléments qui portent atteinte directement à notre territoire, de manière directe ou indirecte.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Nous parlons ici d’un budget considérable, qui porte néanmoins la marque des affres et aléas budgétaires : gels sur gels, dégels partiels, reports, annulations de crédits. En l’absence des jaunes budgétaires, il est difficile de reconstituer ce qui est précisément financé, mais aussi d’identifier les programmes qui avancent au rythme voulu dans la LPM. Sont prévus, pour 2025, 58 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 47 milliards d’euros en crédits de paiement, qui méritent un examen approfondi.
J’ai lu votre travail avec attention, Monsieur le rapporteur, et suis frappée par la pudeur de violette avec laquelle vous abordez de façon elliptique le budget de la dissuasion nucléaire. Or il s’agit tout de même du troisième poste du ministère des armées, qui représente une dépense en constante hausse. Elle a augmenté de 3,9 milliards par an en 2009 à 5,6 milliards d’euros en 2023 et devrait dépasser 7 milliards par an d’ici 2027.
Vous parlez des « opérations portées par la dissuasion », soit une curieuse formule puisque la dissuasion ne porte rien. Dans le paragraphe consacré au programme 146 d’équipement des troupes, vous nous offrez, pour y voir plus clair, une liste des principaux programmes à effet majeur ainsi que leur coût. On y trouve des investissements qui relèvent de la dissuasion, mais d’autres n’y figurent pas.
Il a été affirmé à plusieurs reprises par les ministres successifs que le coût du nucléaire militaire ne dépasserait pas 13 % du montant global de la LPM. En vérité, l’opacité est totale sur un point si important de notre défense et notre budget. Ni le taux, ni le montant ne sont affichés dans la LPM ou dans les budgets qui nous sont présentés. Le rapport n’évoque pas non plus la sous-action 14, qui concerne les nouveaux missiles balistiques M51, ni la sous-action 24 relative aux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de troisième génération. Pourtant, ils représentent dix-neuf milliards d’euros d’autorisations d’engagement. Personne, en vérité, ne sait ce que coûtera cette aventure. La loi de programmation ne dit rien non plus de la déconstruction et du démantèlement des sous-marins nucléaires mis au rebut. Nous avons besoin d’y voir plus clair sur l’ensemble du cycle de vie de ces équipements.
Je ne rappelle pas ici les raisons de notre hostilité à la dissuasion qui ne nous protège d’aucun des risques d’aujourd’hui, comme le terrorisme au cœur de nos villes ou les attaques numériques. En revanche, la dissuasion nous empêche de réaliser les investissements nécessaires pour d’autres secteurs de notre armée, sans que rien ne démontre son efficacité à prévenir un conflit armé, même avec une autre puissance nucléaire.
Enfin, je regrette la manière dont vous décrivez l’agression russe envers l’Ukraine dans votre rapport. Vous parlez de « la guerre opposant l’Ukraine et la Russie », des termes qui renvoient dos à dos l’agresseur et l’agressé.
M. Laurent Mazaury, rapporteur pour avis. Je vous remercie pour l’allusion à la violette, même si je préfère franchement le myosotis. Les données concernant la partie nucléaire sont effectivement en apparence diluées. Des questions complémentaires doivent donc être posées afin de récupérer de nouveaux éléments et nous nous efforcerons de le faire, même si je ne suis pas sûr que nous y parviendrons.
S’agissant de l’évocation de la Russie et de l’Ukraine, je vous prie de m’excuser si les termes employés n’étaient pas suffisamment clairs à vos yeux. Je ne mélange pas l’agresseur et l’agressé, loin de là. J’ai reçu encore hier les représentants de la diaspora ukrainienne dans mon bureau pour évoquer la question avec eux.
M. Frédéric Petit (Dem). Avant de poser ma question, je voudrais rappeler que l’inflation n’était pas initialement prévue dans la LPM ; le sujet a été soulevé au cours de la discussion parlementaire.
J’ai été très intéressé par votre focus sur la mer. Notre commission a beaucoup travaillé sur le sujet de la mer dans sa dimension civile. Un rapport d’information a d’ailleurs été réalisé par nos anciens collègues Jean-Luc Mélenchon et Joachim Son-Forget en 2019 sur cette question. La France dispose du deuxième espace maritime mondial, avec onze millions de kilomètres carrés, dont 90 % sont situés dans nos outre-mer, qui sont très difficiles à surveiller. Avez-vous évoqué ce sujet avec la marine nationale ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur pour avis. Lors de nos échanges avec les marins sur place, ceux-ci nous ont indiqué que nos forces et notre espace maritime devenaient une proie physique et politique. Le programme de frégates, aussi important soit-il, ne sera pas suffisant. Il est bien évident que si la France veut continuer à garantir la sécurité de ses territoires d’outre-mer, il faudra aller au-delà, avec des patrouilleurs de moins grand tonnage, des patrouilleurs positionnés dans nos outre-mer. Par ailleurs, notre marine agit dans la détection de structures potentiellement ennemies présentes dans les territoires riverains. À ce jour, nous ne disposons que d’un seul bâtiment pour remplir cette mission, le Dupuy-de-Lôme, prévu pour durer trente ans. Son remplacement sera donc, lui aussi, essentiel. Quoi qu’il en soit, la LPM ne suffira pas si nous voulons continuer à pouvoir garantir la sécurité concrète de l’ensemble du territoire d’outre-mer. Il faudra aller au-delà.
Mme Laetitia Saint-Paul (HOR). L’honneur m’avait été donné d’être rapporteure, au nom de la commission des affaires étrangères, des deux dernières LPM 2019-2025 et 2024-2030, soit les lois de programmation militaire les plus ambitieuses depuis la fin de la guerre froide, après des décennies d’attrition. Ensuite, la loi de programmation militaire a toujours été exécutée à l’euro près.
Il existe effectivement un durcissement de la conflictualité à l’échelle mondiale, qui couvre les champs terrestres, maritimes, aériens, mais aussi les nouvelles sphères de conflictualité (cyber, spatial, nucléaire, intelligence artificielle). À ce sujet, existe-t-il une recherche militaire sur l’intelligence artificielle ? Pourriez-vous présenter davantage la stratégie sur l’intelligence artificielle évoquée par le ministre en mars 2024 ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur pour avis. J’aimerais avoir à la fois les compétences et la capacité de temps pour présenter la stratégie du ministre. Grâce à nos entretiens avec le ministère des armées, il m’est apparu que la collaboration public-privé pour mettre au point des éléments d’intervention de sécurité et militaires dans ces domaines est désormais mieux prise en compte qu’il y a une vingtaine d’années. Aujourd’hui, j’ai vraiment le sentiment que la cohésion d’action entre les grandes entreprises nationales françaises et les armées est totale, à la fois en termes de commandes, mais également en termes de plan de travail, notamment en matière d’innovation. Ces aspects devraient d’ailleurs selon moi faire l’objet d’un rapport spécifique.
M. le président Bruno Fuchs. Nous allons prendre attache avec la commission de la défense pour évoquer cet aspect et aborder la possibilité de mener un travail collaboratif à ce sujet.
M. Pierre Pribetich (SOC). Il me semble urgent de nous pencher sur le sujet de l’intelligence artificielle sur les plans philosophique, éthique, stratégique, mais aussi industriel. Il ne faut pas renouveler les retards que nous avons pris initialement dans le domaine des drones. La Turquie vend des drones construits en partie grâce à des ingénieurs qui ont été formés en France. Nous avons besoin d’une accélération de la réflexion et de la connexion entre les sphères, dans la mesure où la stratégie des choix militaires permettra ensuite de décliner une stratégie industrielle nationale, à l’aide de moyens financiers en rapport avec l’ambition portée.
M. le président Bruno Fuchs. Je rappelle que vous avez formulé une proposition en ce sens dans le cadre du bureau. Je souscris à votre analyse sur la nécessaire stratégie politique, militaire et industrielle.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Lorsqu’il est question de budget, nous avons souvent tendance à nous comparer aux autres pays européens pour déplorer notre endettement. Mais nous oublions fréquemment notre singularité nucléaire : nous détenons l’arme nucléaire, alors que nos voisins n’en disposent pas. Pour ma part, j’avais estimé à 20 millions d’euros les dépenses consacrées chaque jour à cette arme, jusqu’en 2027. Nous sommes les seuls à assumer ces coûts, alors que cette dissuasion est potentiellement utile à tous. Un autre sujet concerne les moyens que notre diplomatie déploie pour les traités de désarmement nucléaire. Aujourd’hui, les pays dotés modernisent leur arsenal, ce qui revient à surarmer.
S’agissant de l’intelligence artificielle, il ne faut pas que les « robots tueurs » soient confiés aux seules mains des militaires. La commission des affaires étrangères doit se saisir de ces sujets, afin que la diplomatie internationale puisse élaborer des traités d’interdiction. Comment faire respecter le droit de la guerre avec ces nouvelles technologies ? Malheureusement, ces sujets sont absents du volet budgétaire que nous étudions.
M. le président Bruno Fuchs. Ces questions méritent d’être traitées conjointement avec la commission de la défense, pour associer les volets diplomatiques et militaires.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Ce matin, nous évoqué des thèmes qui dépassaient le strict cadre budgétaire.
M. le président Bruno Fuchs. Votre réflexion doit être valorisée mais il n’est pas anormal qu’elle ne soit pas traitée dans l’avis budgétaire que nous étudions à présent.
M. Laurent Mazaury, rapporteur pour avis. Ces aspects doivent faire l’objet de travaux spécifiques. Quoi qu’il en soit, nous devons élaborer une doctrine et la décliner ensuite en actes politiques, en prenant en considération ce que les autres nations produisent de leur côté. Nous avons pris du retard sur les drones et aujourd’hui, la question du spatial est assez absente des débats français, alors qu’elle continue de prospérer ailleurs.
M. le président Bruno Fuchs. Les groupes se sont tous exprimés et nous en venons à présent aux questions individuelles.
Mme Sylvie Josserand (RN). Monsieur le rapporteur, pourriez-vous nous indiquer dans quelle proportion la mission Défense est amputée par la Facilité européenne pour la paix, qui aspire certains crédits au sein des programmes 178 et 146 ? Je rappelle que cet instrument créé en 2021 a pour objet de faciliter la capacité de l’Union européenne (UE) à prévenir les conflits et que ce budget est financé en dehors de l’UE.
M. Laurent Mazaury, rapporteur pour avis. Nous n’avons pas reçu d’informations spécifiques à ce sujet. Nous en prenons note et reviendrons vers vous dès que nous aurons obtenu des éléments très précis. Si j’étais un brin provocateur, je reprendrais volontiers une vieille idée qui cherchait à déduire des 3 % de déficit public les sommes que la France consacre à la protection de l’Europe, qu’il s’agisse de la dissuasion nucléaire ou, actuellement, de l’opération Aspides.
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Article 42 et état B : Crédits du budget général
En l’absence d’amendement, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense non modifiés.
annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur POUR AVIS
(Par ordre chronologique)
En visioconférence
M. Alain Gascon, professeur émérite à l’Université paris 8, chercheur émérite à l’Institut français de géopolitique, diplômé d’études éthiopiennes et somalienne.
À Paris
M. Thierry Carlier, directeur général adjoint de la Direction Générale de l’Armement du ministère des Armées ;
Contre-amiral Ludovic Poitou, Direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des Armées ;
Mme Chloé Boniface, sous-directrice des Affaires stratégiques et M. Aurélien Chauvier, sous-directeur adjoint du Moyen Orient du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ;
Le capitaine de frégate Guillaume Coube et l’amiral Emmanuel Slaars, sous-chef d’état-major opérations de l’état-major de la Marine (ALOPS) de la Marine nationale ;
Mme Chloé Mirau, directrice des Affaires financières du ministère des Armées.
À Abou Dhabi (Émirats arabes unis)
M. Nicolas Niemtchinow, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire auprès de l’État des Émirats arabes unis ;
Colonel Luc Dario, attaché de défense, ambassade de France aux Émirats arabes unis ;
Contre‑amiral Hugues Lainé, commandant des forces françaises stationnées aux Émirats arabes unis, commandant de la zone maritime océan Indien, commandant le contingent national France de l’opération Chammal.
([1]) Prince de Joinville, Études sur la Marine (1859).
([2]) Lancée le 28 février 2022, en réaction à l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine, la mission Aigle a été déployée par la France en Roumanie. Elle a pour mission de maintenir les capacités opérationnelles des troupes déployées, de montrer la détermination de l’OTAN et de l’Europe face aux menaces pesant contre leur population, leur territoire et leurs valeurs et de s’intégrer dans le plan de défense de la Roumanie.
([3]) Depuis la fin du mois d’avril 2019, un détachement français est déployé à Tapa en Estonie aux côtés des forces armées estoniennes et d’autres partenaires de l’OTAN. La participation de la France à la Présence avancée renforcée dans les pays Baltes s’inscrit dans la continuité de son engagement vis-à-vis de ses alliés sur le flanc Est de l’Europe.
([4]) L'opération Agénor, lancée en 2020 dans le cadre de l’initiative européenne European led Maritime Situation Awareness in the Straight of Hormuz (EMASOH) pour assurer la sécurité maritime dans le Golfe Persique et autour du détroit d'Ormuz, a été mise en sommeil au regard de la reconfiguration des priorités stratégiques dans la zone.