N° 459

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),

 

 

TOME IX

 

PRÉLÈVEMENT EUROPÉEN

 

PAR M. Arnaud Le Gall

Député

 

 Voir le numéro : 324.


 


SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

I. Le financement de l’Union européenne

A. Un budget pour compenser les dommages économiques et sociaux causés par les modalités du plan de relance

1. Le cadre financier pluriannuel 2021-2027

a. Un budget de long terme mais sans vision

b. Un cadre pluriannuel substantiellement révisé en février 2024

2. Un plan de relance européen prisonnier du dogme ordolibéral

a. Next Generation UE

b. La mise en œuvre du plan français pour la reprise et la résilience

3. Un budget protégé contre les violations de l'État de droit ?

B. Les ressources de l’Union européenne

1. Les différents types de ressources permettant de financer le budget de l’Union

2. L’évolution des recettes du budget de l’Union

C. Les dépenses de l’Union européenne

1. Les principaux domaines d’action de l’Union européenne

2. Une mobilisation majeure de l’Union au profit de l’Ukraine

a. Le soutien apporté dans le cadre du cadre financier pluriannuel initial

b. Le soutien apporté à l’aune de la révision du cadre financier pluriannuel

II. Le budget annuel de l’Union européenne pour 2025

A. Un budget inadapté

1. Des propositions de la Commission impropres à relever les défis de l’Europe en matière d’autonomie stratégique

2. Une approche conservatrice du Conseil au regard du contexte instable dans lequel l’Union évolue actuellement

B. Une contribution française en hausse continue

1. Une contribution française qui se transforme

2. Une contribution française qui augmente en 2025

3. Une contribution française : pour quoi faire ?

Conclusion

Travaux en commission

Annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis

 


Introduction

La commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis de l’article 40 du projet de loi de finances pour 2025, qui évalue le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne (PSR‑UE) à 23,3 milliards d’euros.

Le montant de la contribution de la France au budget de l’Union européenne (UE) enregistre une augmentation de 7,9 % par rapport à celui voté en loi de finances initiale pour 2024, qui s’élevait à 21,6 milliards d’euros.

Cette contribution s’insère dans la révision du cadre financier pluriannuel (CFP) portant sur la période allant de 2021 à 2027, qui a été revu le 29 février 2024. Ce cadre financier révisé prévoit un plafond global de dépenses de 1 221 milliards d’euros courants en crédits d’engagement sur sept ans.

Cette révision a pour but avoué d’ajuster les prévisions budgétaires pour les années restantes, tout en adaptant les priorités financières de l’UE en réponse aux évènements géopolitiques récents – et en premier lieu la guerre en Ukraine –, ainsi qu’aux nouvelles priorités stratégiques comme la transition énergétique dans le cadre du programme RePowerEU.

Pour autant le rapporteur considère que si l’Europe semble, à bien des égards, constituer la masse critique indispensable pour relever les grands enjeux géostratégiques contemporains – qu’il s’agisse de compétition technologique, de sécurité énergétique, de transition écologique – l’Union européenne (UE), telle qu’aujourd’hui structurée, est incapable de répondre à ces enjeux parfois inclus dans les objectifs affichés d’« autonomie stratégique ». Conçue dans une logique ordolibérale, elle privilégie un prisme économique et financier favorisant la concurrence interne à l’Union. Cette approche, centrée sur les seules règles du marché néolibéral, de la concurrence dites « libre et non faussée », et de la discipline budgétaire à court terme, limite la capacité de l’UE, en termes de moyens, à être autre chose qu’un marché. Or, n’en déplaise aux partisans anachroniques de la « mondialisation heureuse » et de la « fin de l’histoire » un marché n’est pas en soi une puissance.

À cela s’ajoute les différences, voire parfois divergences, d’intérêts et de visions du monde hérités de l’histoire empêchant l’émergence d’une stratégie cohérente de l’UE face aux transformations majeures de l’ordre/désordre international. Sans une refonte profonde de son fonctionnement, l’UE sera de plus en plus réduite à une « variable d’ajustement » dans le grand affrontement, multiforme et structurant la mondialisation actuelle, entre les États-Unis et la Chine.

Une autre raison d’être affichée de la contribution au budget de l’Union européenne est d’abonder à la « politique de cohésion ». Mais celle-ci n’est souvent pas autre chose qu’une politique d’adaptation aux règles du marché néolibéral. Avec pour résultat principal que si les inégalités entre pays membres tendent à baisser – du moins si on en reste au niveau des grands indicateurs macroéconomiques – les inégalités à l’intérieur de chaque pays n’ont de leur côté fait que s’accroître, avec des conséquences politiques potentiellement désastreuses pour l’Europe.

Dans ce contexte, le montant de la contribution de la France au budget de l’UE, en hausse de 42 % depuis 2017 alors que les français ne sont que les 22èmes bénéficiaires des dépenses de l’UE en termes de retour par habitant, interroge.

Enfin, le rapporteur pour avis souhaite souligner les conditions déplorables touchant à l’élaboration de son avis budgétaire. Les réponses à son questionnaire budgétaire n’ont été apportées que moins de 48 heures avant la présentation de ses travaux en commission, la documentation budgétaire annexe touchant à l’UE n’étant toujours pas publiée à cette date.

Ces conditions de travail, qui témoignent d’un réel mépris de la fonction de contrôle parlementaire, ne sont pas dignes d’une démocratie.


I.   Le financement de l’Union européenne

A.   Un budget pour compenser les dommages économiques et sociaux causés par les modalités du plan de relance

1.   Le cadre financier pluriannuel 2021-2027

a.   Un budget de long terme mais sans vision

Aux termes de l’article 312‑1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), « le cadre financier pluriannuel vise à assurer l’évolution ordonnée des dépenses de l’Union dans la limite des ressources propres. Il est établi pour une période d’au moins cinq années. Le budget annuel de l’Union respecte le cadre financier pluriannuel ». Ainsi, le cadre financier pluriannuel (CP) définit une programmation pluriannuelle des finances de l’Union européenne et fixe des plafonds annuels maximaux de dépenses juridiquement contraignants.

Ce CFP est adopté au terme d’une procédure législative spéciale, requérant l’unanimité au Conseil, après approbation du Parlement européen qui se prononce à la majorité de ses membres. L’actuel cadre financier pluriannuel couvre une période de sept ans allant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2027. Le cycle de négociation du CFP 2021‑2027, initié le 2 mai 2018 par une proposition de la Commission européenne, a permis d’aboutir à un accord entre les chefs d’État et de gouvernement des États membres lors du Conseil européen des 17‑21 juillet 2020, incluant un plan de relance européen baptisé Next Generation UE en réponse à la crise économique liée à la pandémie de la Covid‑19. Ses modalités de mise en œuvre ont ensuite été discutées entre les deux branches de l’autorité budgétaire, le Conseil et le Parlement européen, avant que ce dernier n’approuve le règlement, conformément à la procédure prévue par le traité, dans le cadre de l’accord interinstitutionnel trouvé le 10 novembre 2020 et adopté formellement le 16 décembre 2020.

Le CFP 2021‑2027 constitue le premier cadre financier pluriannuel à la suite du retrait du Royaume‑Uni de l’Union européenne. Il repose sur une base juridique constituée :

-         du règlement du Conseil du 17 décembre 2020 ([1]) fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, dit « règlement CFP », qui fixe les montants des plafonds annuels des crédits d’engagement par rubrique de dépenses et du plafond annuel des crédits de paiement ;

-         de l’accord interinstitutionnel du 16 décembre 2020 ([2]) entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire, la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière, ainsi que sur de nouvelles ressources propres, comportant une feuille de route en vue de la mise en place de nouvelles ressources propres ;

-         de la décision du Conseil du 14 décembre 2020 ([3]) relative au système des ressources propres de l’Union européenne, dite « DRP » (décision ressources propres), entrée en vigueur le 1er juin 2021, après approbation par l’ensemble des États membres selon leurs procédures constitutionnelles respectives.

L’accord final adopté prévoit un plafond en crédits d’engagement de 1 074,3 milliards d’euros et de 1 061 milliards d’euros en crédits de paiement en euros constants 2018. Conjugué à l’instrument de relance Next Generation EU doté de 750 milliards d’euros constants 2018, le budget de l’Union européenne doit permettre d’accorder des financements pour un total sans précédent de 1 824 milliards, soit 1,8 % du revenu national brut de l’Union européenne, ce qui constitue un niveau historique dans la mesure où les précédents budgets pluriannuels de l’Union étaient proches de 1 %. Cela reste cependant un volume globalement modeste en comparaison, par exemple, avec le budget fédéral américain, qui représente environ 21 % du produit intérieur brut (PIB) des États-Unis.

b.   Un cadre pluriannuel substantiellement révisé en février 2024

Pour fixer l’ordre du jour d’une large révision, le Parlement européen a adopté, le 15 décembre 2022, une résolution sur l’amélioration du cadre financier pluriannuel 2021-2027, qui a exposé ses principales exigences.

Le 20 juin 2023, la Commission a proposé une révision ciblée visant la plupart de ces demandes, à savoir :

Après accord politique, la révision du CFP a été publiée le 29 février 2024. C’est la première fois qu’une révision à mi-parcours du CFP a donné lieu à une augmentation nette des plafonds de dépense ([4]) :

-         50 milliards d’euros pour la facilité pour l’Ukraine (17 milliards d’euros de subventions, 33 milliards d’euros de prêts, v. infra) :

-         7,6 milliards d’euros pour le voisinage et le monde ;

-         2 milliards d’euros pour la migration et la gestion des frontières ;

-         1,5 milliard d’euros pour le Fonds européen de la défense au titre du nouvel instrument STEP ;

-         2 milliards d’euros pour l’instrument de flexibilité ;

-         1,5 milliard d’euros pour la réserve de solidarité et d’aide d’urgence.

Cette augmentation des plafonds de dépense, à hauteur de 64,6 milliards d’euros, provient d’une rallonge budgétaire de 21 milliards d’euros et de 10,6 milliards de redéploiements, dont 1,1 milliard d’euros de coupes à prévoir sur des programmes en gestion directe de la politique agricole commune et de la politique de cohésion. Ce renforcement du budget s’applique rétroactivement à partir du 1er janvier 2024.

 

2.   Un plan de relance européen prisonnier du dogme ordolibéral

a.   Next Generation UE

L’élaboration de ce plan a suscité des désaccords notables entre la France et l’Allemagne. L’un des principaux points de désaccord résidait dans la question de savoir si l’aide aux pays les plus touchés devait prendre la forme de subventions non remboursables – position française – ou de prêts. L’Allemagne était en outre plus favorable à une stricte conditionnalité ainsi qu’à une durée de remboursement brève.

L’accord obtenu lors du Conseil européen le 14 décembre 2020 prévoit, outre le CFP 2021‑2027, un plan de relance européen Next Generation EU d’un montant de 750 milliards d’euros constants 2018, dont 360 milliards d’euros de prêts aux États membres et 390 milliards d’euros de subventions.

Ce plan est financé par des émissions obligataires de l’Union sur les marchés. Les fonds ainsi empruntés viennent abonder plusieurs programmes portant sur les grandes priorités de l’Union européenne, notamment la recherche, la transition verte et agricole, ainsi qu’un nouvel instrument dédié : la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Cet instrument a notamment vocation à soutenir les réformes structurelles et les investissements d’avenir orientés vers les transitions écologique et numérique et des projets favorisant la croissance potentielle.

Le remboursement de l’emprunt commun doit débuter en 2028 et s’étalera sur trente ans, jusqu’en 2058. Pour y parvenir, l’Union européenne est contrainte d’accroître ses recettes budgétaires.

Depuis l’entrée en vigueur de la FRR, le 19 février 2021, le Conseil a validé vingt-cinq plans nationaux de relance et de résilience (PNRR) pour un montant total de 490,1 milliards d’euros.

Les Pays‑Bas sont le dernier pays à avoir officiellement déposé leur PNRR auprès de la Commission, le 8 juillet 2022, pour une enveloppe de 4,7 milliards d’euros sur laquelle la Commission a émis une évaluation positive, ouvrant ainsi la voie à un examen du Conseil.

S’agissant de la Hongrie, Budapest a officiellement soumis son PNRR à la Commission le 12 mai 2021 : des éléments complémentaires liés à la question de l’État de droit ont été exigés par la Commission. Tout en suspendant les fonds de cohésion en application du mécanisme de conditionnalité budgétaire (v. infra), le Conseil a finalement adopté le plan de résilience hongrois en décembre 2022, pour un montant de 5,8 milliards d’euros, en y incluant vingt-sept « super-jalons » concernant la justice, la transparence des marchés publics, ainsi que la lutte contre la fraude, la corruption et les conflits d’intérêts.

Par ailleurs, la Commission européenne a proposé le 18 mai 2022 dans son paquet REPowerEU – censé réduire rapidement la dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes et accélérer la transition écologique – d’abonder la FRR de 20 milliards d’euros pour financer des projets énergétiques dans le cadre de chapitres REPowerEU directement intégrés dans les PNRR. Les modalités exactes du financement de cette enveloppe supplémentaire et la clé d’allocation appliquée font actuellement l’objet de négociations.

Le Conseil et le Parlement sont parvenus à un accord politique sur le financement de ce plan en décembre 2022, permettant aux pays de l’UE d’ajouter des chapitres spécifiques à leurs plans nationaux pour la reprise et la résilience ; le règlement modificatif a formellement été adopté le 21 février 2023.

Au 30 juin 2024, les fonds du plan de relance étaient entièrement engagés et 49,4 % avaient fait l’objet d’un paiement.

Source : Commission européenne, exécution budgétaire au 30 juin 2024.

Avec le recul, ce plan de relance apparaît comme une occasion manquée.

Parallèlement aux efforts européens, l’Inflation Reduction Act (IRA), adopté aux États-Unis en août 2022, a entériné un investissement public de 369 milliards de dollars pour la lutte contre le changement climatique et la promotion des énergies renouvelables, conditionné à la relocalisation certaines productions industrielles essentielles aux États-Unis.

Contrairement aux initiatives de type IRA, le plan de relance européen post-Covid manque d’une stratégie cohérente pour renforcer l’autonomie stratégique de l’Union européenne. L’IRA, par son approche résolument protectionniste, favorise non seulement la transition énergétique mais aussi la relocalisation industrielle, notamment dans les technologies vertes et les secteurs clés de demain, tout en soutenant la compétitivité des entreprises américaines. Si son degré de mise en œuvre et ses résultats ne doivent pas être surestimés, il n’en reste pas moins qu’il témoigne d’une politique industrielle ne se résumant pas à l’obsession de la baisse du « coût du travail » qui caractérise les politiques néolibérales

En comparaison, l’Union européenne peine à formuler une vision similaire, notamment en matière de souveraineté numérique, comme le souligne le rapport Draghi publié le 9 septembre 2024. Ce dernier met en exergue l’absence de réflexion stratégique au sein de l’UE pour contrer la domination des géants technologiques américains. Sans un minimum de protectionnisme et une politique industrielle claire, l’UE ne sera pas en mesure de développer ses propres champions numériques ou d’assurer sa place dans les industries du futur. Il devient urgent pour l’Europe d'adopter une approche plus audacieuse, si elle souhaite construire une alternative crédible aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et préserver son autonomie stratégique face aux États-Unis et à la Chine.

b.   La mise en œuvre du plan français pour la reprise et la résilience

Le PNRR français a été adopté par le Conseil en juillet 2021. En août 2021, la France a bénéficié d’un préfinancement s’élevant à 5,1 milliards d’euros – soit 13 % de la somme totale prévue – non soumis à l’atteinte de cibles et jalons.

À plus long terme, et jusqu’en 2026, les fonds de la FRR seront versés selon une logique de performance, en fonction de la concrétisation des mesures figurant dans le PNRR français. La France a présenté à la Commission européenne sa première demande de versement le 26 novembre 2021 pour trente‑huit cibles et jalons. Cette demande a permis le versement de 7,4 milliards d’euros au cours du premier trimestre 2022.

La Commission a reçu, le 1er août 2023, la deuxième demande de paiement de la France, pour plus de 10 milliards d’euros de subventions : elle porte sur seize jalons et trente-neuf cibles. Ces demandes de subventions couvrent des investissements dans les domaines de la rénovation énergétique des bâtiments publics et privés, du soutien aux chemins de fer et de la connectivité numérique.

Le 16 janvier 2024, la France a soumis à la Commission sa troisième demande de paiement de 7,5 milliards d’euros au titre de la FRR, couvrant quinze jalons et vingt-quatre cibles, comprenant notamment plusieurs réformes dans le domaine de la transition verte.

Avec un nouveau versement de 7,5 milliards d’euros le 5 juin 2024, la France a touché à ce jour 30,9 milliards d’euros, soit 77 % des fonds lui ayant été alloués (40,3 milliards d’euros). La France présentera encore deux demandes de paiement afin de recevoir 3,3 milliards d’euros en 2025 et 6,1 milliards d’euros en 2026.

Pourtant, le PNRR français, bien qu’ambitieux dans ses intentions, présente plusieurs lacunes notables.

D’abord, son absence de conditionnalité stricte interroge quant à l’efficacité et à la bonne utilisation des fonds alloués. Le manque de critères rigides pour s’assurer que les aides ciblent réellement les entreprises engagées dans la transition écologique et numérique peut diluer les impacts et permettre une distribution inefficace des ressources.

Ensuite, bien que le plan vise à moderniser l’économie, il néglige la réindustrialisation de manière concrète. La France souffre depuis des décennies d’une désindustrialisation, et le PNRR n’apporte pas de stratégie claire pour revitaliser son tissu industriel, ce qui aurait pu renforcer la souveraineté économique et limiter les dépendances aux chaînes d’approvisionnement internationales.

Enfin, la véritable question demeure l’impact de ce plan sur l’économie réelle : va-t-il réellement dynamiser la création d’emplois, renforcer la compétitivité des petites et moyennes entreprises (PME) innovantes, et soutenir durablement la croissance ? L’absence d’une vision cohérente et conditionnée risque de rendre ces objectifs plus théoriques que tangibles, laissant planer le doute sur l’efficacité à long terme.

3.   Un budget protégé contre les violations de l'État de droit ?

De manière inédite, le budget de l’Union européenne est désormais protégé contre les violations de l’État de droit, grâce au règlement du 16 décembre 2020 ([5]) relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union, entré en vigueur le 1er janvier 2021.

La création de ce régime vise à ce que, pour la première fois, les fonds de l’Union européenne soient protégés, y compris à titre préventif, contre des violations des principes de l’État de droit. Il permet de suspendre des engagements financiers ou des financements versés au titre du budget de l’Union – y compris de l’instrument de relance Next Generation EU – à un État membre lorsque celui‑ci commet une violation des principes de l’État de droit de nature à porter atteinte à la protection des intérêts financiers de l’Union.

En mars 2021, la Hongrie et la Pologne avaient introduit des recours en annulation contre ce règlement en soutenant que le mécanisme ne présentait pas de lien précis avec le budget de l’Union et constituait en réalité un mécanisme de protection de l’État de droit visant à sanctionner certains États membres en contournant, par une procédure plus souple, la procédure prévue à l’article 7 du traité sur l’Union européenne. Dans l’attente de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la Commission avait adressé, le 19 novembre 2021, des demandes d’information à Budapest et Varsovie portant, entre autres, sur la remise en cause de la primauté du droit de l’Union, le manque d’indépendance de l’autorité judiciaire en Pologne, la faiblesse des règles juridiques encadrant la passation des marchés publics ou encore l’inefficacité des services d’enquête en Hongrie.

Le 16 février 2022, la CJUE a rejeté le recours formé par la Hongrie et la Pologne et validé la légalité du règlement. Le 2 mars 2022, la Commission a publié ses lignes directrices précisant le règlement, étape préalable à la mise en œuvre de ce dernier.

À la suite de l’annonce par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, devant le Parlement européen, le 5 avril 2022, de la mise en œuvre de ce mécanisme à l’égard de la Hongrie, le collège des commissaires a adressé une lettre de notification déclenchant officiellement la procédure le 27 avril 2022, adoptant ainsi une approche différenciée entre la Hongrie et la Pologne. Cela a entraîné un dialogue qui a abouti à la proposition, par la Hongrie, d’une série de mesures correctives visant à répondre aux préoccupations soulevées par la Commission.

Bien que les mesures correctives présentées en août et septembre 2022 aient été jugées insuffisantes par les services de la Commission, cette dernière a conclu qu’elles pourraient, en principe, être de nature à résoudre les problèmes soulevés, à condition qu’elles fassent l’objet de dispositions législatives et de règles pertinentes suffisamment détaillées, et qu’elles soient effectivement mises en œuvre. Dans l’attente, la Commission estime néanmoins qu’il subsiste un risque pour le budget de l’Union à ce stade. Aussi, à la suite d’une réunion exceptionnelle du collège des commissaires, le dimanche 18 septembre 2022, la Commission a émis une décision d’exécution en vue de priver la Hongrie de certains fonds européens via :

-         une suspension de 65 % des engagements au titre de trois programmes opérationnels de la politique de cohésion ;

-         une interdiction de contracter des engagements juridiques avec toute fiducie d’intérêt public dans le cadre de programmes mis en œuvre en gestion directe et indirecte.

Afin d’aboutir à une issue favorable, le gouvernement hongrois s’est lancé dans une procédure accélérée de vote par le Parlement de tout un arsenal législatif. Il correspond à la mise en œuvre d’une partie des dix‑sept engagements répertoriés dans le projet de décision que la Commission a transmis au Conseil le 18 septembre 2022. Ainsi, les 3 et 4 octobre 2022, l’Assemblée nationale hongroise a adopté plusieurs textes dont :

-         une loi sur le contrôle de l’utilisation des fonds de l’Union européenne qui instaure notamment une « Autorité de l’intégrité » ;

-         une loi modifiant le code de procédure pénale révisant les règles de la procédure d’appel en cas de délits graves liés à la corruption, à des détournements de fonds ou des malversations ;

-         une loi renforçant les obligations de consultation publique dans le processus d’élaboration législative ;

-         une réforme de deux lois de 2015 et 2021 concernant la gestion des fondations d’intérêt public les soumettant à l’obligation de passer des appels d’offres publics.

Le 22 décembre 2022, la Commission a finalement approuvé l’accord de partenariat avec la Hongrie pour la politique de cohésion 2021-2027, pour un montant total de près de 22 milliards d’euros. Elle a posé l’indépendance de la justice comme condition horizontale, c’est-à-dire pouvant justifier la suspension de l’ensemble des 22 milliards d’euros prévus dans le programme, et soumis le versement des fonds à la mise en œuvre des vingt-sept « super-jalons » requis dans le cadre du PRR (cf. supra). La Commission a également posé une série de conditions favorisantes spécifiques à certains programmes comme en matière de droits des personnes LGBT et de droit d’asile.

Conformément aux conditions posées en 2022, la Commission a lancé une procédure d’infraction contre la Hongrie en février 2024, après l’adoption d’une législation instaurant une autorité de surveillance censée prévenir les « interférences étrangères » dans le processus électoral et « protéger la souveraineté du pays ».

Le 18 septembre 2024, la Commission a déclenché une procédure spéciale, fondée sur l’article 260 du TFUE, permettant de déduire 200 millions d’euros – que la Cour de justice a imposé à la Hongrie en juin 2024 en raison des restrictions imposées par le pays au droit d’asile – des versements futurs provenant du budget de l’UE. Cette décision constitue le dernier chapitre de la confrontation entre Bruxelles et Budapest.

En revanche, grâce aux efforts consentis par la Pologne afin de rétablir l’État de droit, l’accès aux fonds du plan de relance ainsi qu’aux fonds structurels a été débloqué en février 2024.

Il convient de rappeler qu’en matière de respect de l’État de droit : la France est également pointée par les institutions européennes.

Dès 2019, dans le cadre de la répression du mouvement des Gilets jaunes, le parlement européen avait voté une résolution condamnant « le recours à des interventions violentes et disproportionnées par les autorités publiques ».

Dans son rapport sur l’État de droit de 2023, la Commission européenne a noté des préoccupations concernant la gestion des manifestations contre la réforme des retraites en 2023, en matière d’usage disproportionné de la force par les forces de sécurité intérieure.

De même, la loi de sécurité globale adoptée en 2021 a fait l’objet de critiques au sein de l’UE, qui s’est interrogée sur ses conséquences pour la protection des journalistes et des lanceurs d’alerte.

Enfin, la France fait régulièrement l’objet de critiques touchant à l’état de ses prisons.

En déclarant le 28 septembre 2024 que « l’État de droit n’est ni intangible, ni sacré », le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau n’aura pas manqué d’attirer l’attention d’observateurs européens attachés à cette notion cardinale en démocratie.

Au demeurant, l’Union européenne est-elle elle-même toujours vertueuse en matière d’État de droit ? L’agence Frontex, qui fonctionne sous la supervision des institutions européennes, financée par le budget de l’UE, est régulièrement accusée de violation des droits humains à travers une complicité présumée dans les refoulements illégaux aux frontières extérieures.

B.   Les ressources de l’Union européenne

1.   Les différents types de ressources permettant de financer le budget de l’Union

L’article 311 du TFUE stipule que « le budget [de l’Union] est, sans préjudice des autres recettes, intégralement financé par des ressources propres ».

Le financement du budget de l’Union repose actuellement sur plusieurs types de ressources :

-         la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB) versée par les États membres, au prorata de leur part dans le RNB total de l’Union. Créée par la décision du Conseil du 24 juin 1988 ([6]), cette ressource propre consiste en un prélèvement d’un pourcentage unique sur le RNB des États membres fixé dans la procédure budgétaire annuelle. À l’origine, cette ressource qualifiée d’équilibre, ne devait être perçue que si les autres ressources propres étaient insuffisantes pour couvrir les dépenses de l’Union. Cependant elle finance aujourd’hui l’essentiel du budget et constitue ainsi la principale composante des ressources de l’Union et, partant, de la contribution française. Cette ressource a, en effet, triplé depuis la fin des années 1990 et représentait, pour le budget 2024 de l’Union européenne, environ 57 % des ressources ;

-         les ressources propres dites « traditionnelles » (RPT) constituées des droits de douane. Les administrations nationales agissent en simples intermédiaires en assurant la perception des ressources dues à l’Union. Pour le budget 2024 de l’Union, les RPT représentaient 17,2 % des ressources ;

-         la ressource fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui est calculée par l’application d’un taux uniforme (0,30 %) à une assiette harmonisée de TVA pour l’ensemble des États membres. Bien que cette ressource ait été prévue par la décision de 1970 ([7]), il a fallu attendre l’harmonisation des systèmes de TVA entre les États membres, en 1979, pour qu’elle soit collectée. La ressource « TVA » représentait, pour le budget 2024 de l’Union, environ 16,5 % des ressources ;

-         la nouvelle ressource fondée sur les emballages plastiques non recyclés (ou « ressource plastique »). Il s’agit là de la première nouvelle catégorie de ressources propres introduite le 1er janvier 2021 par la décision de 2020 relative au système des ressources propres. Elle prend la forme d’une contribution nationale sur la base des quantités de déchets d’emballages en plastique non recyclés, avec un taux d’appel uniforme de 0,80 euro par kilogramme. Les contributions des États membres dont le RNB par habitant est inférieur à la moyenne européenne sont réduites d’un montant forfaitaire annuel correspondant à 3,8 kilogrammes de déchets plastiques par habitant. Les recettes générées par cette ressource représenteraient environ 5 % du budget de l’Union en 2024 ;

Une ressource qui a fait l’objet de lourdes critiques par la Cour des comptes européenne

Dans un rapport publié le 16 septembre 2024, la Cour des comptes européenne a émis plusieurs critiques sur la mise en œuvre de la « ressource plastique ». Les principales critiques soulevées par la Cour se résument en trois points :

Manque de préparation des États membres : de nombreux pays n’étaient pas suffisamment préparés pour appliquer correctement la nouvelle taxe. En 2021, 22 des 27 États membres ont sous-estimé la quantité de déchets plastiques non recyclés, entraînant un manque à gagner de 1,1 milliard d'euros pour le budget de l’UE.

Données peu fiables : la Cour a constaté des problèmes avec la comparabilité et la fiabilité des données fournies par les États membres sur les déchets plastiques. Ces lacunes ont rendu difficile une estimation précise des contributions de chaque pays, ce qui compromet l’efficacité de la taxe. En effet, il existe deux méthodes distinctes utilisées par les États membres pour estimer la quantité de déchets d’emballage en plastique produits pour une année donnée : la méthode de la mise sur le marché et la méthode de l’analyse des déchets. Ces méthodes doivent ensuite être équilibrées ; pour la Cour des comptes européenne, ce n’est pas le cas.

Manque de suivi : la Cour a souligné que les États membres ne vérifient pas toujours si les plastiques déclarés comme recyclés le sont effectivement, ce qui pourrait fausser encore davantage les calculs des contributions.

-         les recettes diverses, qui comprennent notamment les impôts versés par le personnel de l’Union sur ses rémunérations, les contributions de pays tiers à certains programmes de l’Union, le reliquat des contributions du Royaume‑Uni et les amendes payées par les entreprises qui enfreignent les règles de concurrence ou d’autres législations. Ces autres recettes ont représenté 3 % des recettes en 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Composition des recettes du budget de l’Union européenne entre 1994 et 2024 (en %)

Sources : Commission, comptes consolidés 2023 ; prévisions 2024* annexées au projet de budget rectificatif n° 4/2024.

2.   L’évolution des recettes du budget de l’Union

Sur le long terme, la diminution de la part des ressources « RPT » et de celle de la ressource « TVA » au profit de la contribution « RNB » constitue une tendance de fond. La ressource plastique introduite par la nouvelle décision sur les ressources propres à partir de 2021 ne devrait pas modifier cette tendance, son assiette étant elle‑même décroissante du fait de la diminution annoncée des emballages plastiques non recyclés.

Le tableau ci‑après retrace l’évolution des recettes du budget de l’Union européenne en milliards d’euros entre 2000 et 2024.

 

Évolution des recettes du budget de l’Union européenne entre 2000 et 2024

 

Sources : Commission, comptes consolidés 2023 ; prévisions 2024* annexées au projet de budget rectificatif n° 4/2024. NB : les recettes à partir de 2021 ne prennent pas en compte les recettes issues de l’emprunt sur les marchés financiers pour le financement de NextGenerationEU.

Il faut, par ailleurs, relever que des mécanismes de compensation sont accordés, par dérogation au régime de droit commun des ressources propres, à certains États membres dont la contribution a été considérée comme excessive au regard de leur prospérité relative, conformément aux conclusions du Conseil de Fontainebleau de 1984. C’est, sous l’empire de la décision relative aux ressources propres 2021‑2027, le cas de l’Allemagne, de l’Autriche, du Danemark, des Pays‑Bas et de la Suède. La France représente le principal contributeur à ces « rabais » et ne bénéficie pour sa part d’aucun mécanisme de compensation.

Lors des négociations sur la nouvelle décision sur les ressources propres (cf. infra), en parallèle de celles sur le CFP 2021‑2027, le président de la République a pourtant indiqué à plusieurs reprises que la France s’opposait à « tous les chèques, toutes les ristournes, tous les rabais ».

Les autorités françaises ont par ailleurs indiqué, au cours de ces négociations et dans le cadre des discussions sur le remboursement du plan de relance européen, qu’elles étaient en faveur de l’introduction de nouvelles ressources propres assises sur des politiques européennes de manière à sortir du débat sur le « juste retour » – retour défini comme les montants perçus nationalement au titre des politiques européennes diminués de la contribution au budget de l’Union – et ainsi mettre un terme aux demandes de corrections de certains contributeurs nets.

Pour la France, État membre qui se déclare ambitieux au niveau européen mais également largement contributeur net et assumant une grande part du financement des rabais, l’introduction de nouvelles ressources propres au profit du budget de l’Union européenne revêt un caractère politique prioritaire.

Une telle évolution devrait permettre, notamment, d’éviter que le remboursement du prêt contracté par la Commission dans le cadre du plan de relance européen Next Generation UE ne se traduise, à l’issue du CFP 2021‑2027, par un nouveau ressaut de la contribution nationale française. Malgré la proposition d’introduction de trois nouvelles ressources propres de la part Commission en mai 2018 dans son projet de cadre financier pluriannuel 2021‑2027, le Conseil n’était pas parvenu dans l’accord de juillet 2020 à s’accorder sur la création immédiate de nouvelles ressources propres, à l’exception de la ressource plastique, qui ne constitue toutefois pas à proprement parler une ressource de ce type en ce qu’elle ne demeure qu’une modulation de la ressource RNB.

La Commission a présenté le 22 décembre 2021 une proposition de paquet législatif « ressources propres », dont l’objectif consiste à :

-         mettre en place de nouvelles ressources propres afin d’assurer le remboursement du plan de relance européen entre 2028 et 2058 sans recourir à une augmentation des contributions des États membres conformément aux conclusions du Conseil européen de juillet 2020 et à l’accord interinstitutionnel de décembre 2020 ;

-         financer le futur Fonds social pour le climat (FSC) destiné à compenser l’impact de l’extension du marché carbone européen (ETS) au transport routier et au bâtiment prévue dans le cadre du paquet Climat « Fit for 55 ».

Sur la forme, la Commission propose deux textes juridiques amendant, d’une part, la décision « ressources propres » et, d’autre part, le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021‑2027. La proposition comprend trois nouvelles ressources fondées sur le marché carbone européen (ETS), le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et le pilier I de la réforme de la fiscalité internationale de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) relative à la réallocation des droits à imposer.

S’agissant de l’ETS, 25 % des recettes générées par le système d’échange de quotas d’émission de l’UE – y compris celles tirées du projet d’extension aux secteurs du bâtiment et du transport routier – seraient affectées comme ressources propres au budget européen. Les recettes pour le budget de l’Union sont estimées par la Commission à 9 milliards d’euros par an sur la période 2023-2030 et à 12 milliards d’euros par an sur 2026-2030.

S’agissant du MACF, la Commission propose d’affecter 75 % des recettes générées par le mécanisme au budget européen (soit 0,8 milliard d’euros par an à partir de 2026) et de reverser les 25 % restants aux États membres.

S’agissant du pilier I de la réforme de la fiscalité internationale de l’OCDE relative à la réallocation des droits à imposer, la Commission propose une ressource propre équivalente à 15 % de la part des bénéfices résiduels d’entreprises multinationales réaffectés aux États membres. Les recettes pour le budget de l’Union sont estimées entre 2,5 et 4 milliards d’euros par an.

Conformément à l’accord interinstitutionnel, la Commission a présenté le 20 juin 2023 un second paquet de nouvelles ressources propres, dont l’entrée en vigueur était proposée au 1er janvier 2024.

La Commission estime que sa proposition de nouvelles ressources propres permettrait de générer jusqu’à environ 36 milliards d’euros entre 2028 et 2030, selon la ventilation ci-après :

-         18 milliards d’euros via les recettes générées par la ressource ETS (SEQE, marché carbone) ;

-         1,5 milliard d’euros via les recettes générées par la ressource MACF ;

-         16 milliards d’euros via la ressource statistique fondée sur l’excédent brut d’exploitation.

La Commission estime que ce montant devrait être suffisant pour financer le remboursement de NextGenerationEU et intégrer le Fonds social climat au budget de l’UE.

Une nouvelle catégorie de ressources propres fondée sur les bénéfices des entreprises

La Commission européenne a présenté, le 20 juin 2023, une proposition de nouvelle ressource propre basée sur les bénéfices des entreprises, en plus des flux existants tels que ceux basés sur le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF).

Cette nouvelle ressource est temporaire et sera remplacée par une contribution provenant du cadre pour l’imposition des revenus des sociétés au sein de la directive BEFIT, présentée le 12 septembre 2023. Cette contribution doit correspondre à 0,5 % des bénéfices des entreprises de chaque État membre, calculés sur la base des statistiques d’Eurostat, et devrait rapporter environ 16 milliards d’euros par an à partir de 2024.

Parallèlement, la Commission a proposé des ajustements à certaines propositions faites précédemment concernant les ressources propres. Ainsi, dans le cas du SEQE, la contribution passerait de 25 % à 30 % en raison de l’augmentation du prix du carbone. Cette recette ajustée doit, selon la Commission, générer 7 milliards d’euros par an à compter de 2024, et environ 19 milliards d’euros par an à partir de 2028.

L’exécutif de l’UE a également proposé une modification du calcul du MACF, qui générerait environ 1,5 milliard d’euros par an au total pour le budget de l’UE, à partir de 2028.

Avec la ressource propre sur les bénéfices des entreprises, le paquet de ressources propres fournirait un revenu jusqu’à 36 milliards d’euros par an à partir de 2024, selon la Commission.

Ce paquet est actuellement en cours d’examen au sein du groupe compétent du Conseil.

Le 9 novembre 2023, le Parlement européen a approuvé un amendement approuvant la proposition de la Commission portant sur le nouveau paquet de ressources propres.

Ce texte amendé doit désormais être formellement adopté par le Conseil de l’Union européenne, à l’unanimité, puis être ratifié par les Parlements nationaux. La mise en œuvre complète est prévue d’ici 2026.

Pour autant, le rapporteur pour avis s’interroge sur le renforcement des ressources de l’UE – qui n’est pas un mal en soi.

L’augmentation du budget de l’Union européenne, bien que présentée comme nécessaire pour répondre aux défis contemporains (climat, transition numérique, cohésion sociale), manque encore d’une stratégie claire et cohérente. Si des financements supplémentaires sont alloués à des priorités telles que la transition écologique et l'innovation, l’UE navigue sans une vision stratégique bien définie sur la répartition exacte et l’impact à long terme de ces fonds. En l’absence d’une direction politique forte et d’un consensus sur les objectifs principaux,
ce renforcement budgétaire ne peut être qu’une réaction aux crises plutôt qu’une transformation proactive et durable de l’Europe, sans laquelle ses contradictions internes et les chocs externes hypothéqueront sa survie même.

C.   Les dépenses de l’Union européenne

1.   Les principaux domaines d’action de l’Union européenne

Aux termes de l’article 312 du TFUE : « les catégories de dépenses, d’un nombre limité, correspondent aux grands domaines d’intervention de l’Union ».

Les dépenses de l’Union s’inscrivent, depuis 1988, dans un cadre pluriannuel, où elles sont ventilées en rubriques correspondant aux grands domaines d’action de l’Union européenne et sont assorties de plafonds traduisant les grandes priorités budgétaires définies dans le cadre financier pluriannuel.

Les budgets annuels doivent respecter les limites fixées par le CFP. Comme indiqué précédemment, les dépenses de l’Union pour la période 2021‑2027 s’élèvent au total à 1 824,3 milliards d’euros, dont 1 074,3 milliards d’euros pour le CFP et 750 milliards d’euros pour le plan de relance européen Next Generation UE. Les nouvelles ambitions budgétaires de l’Union européenne visent à soutenir la modernisation de l’Union au moyen de certains programmes phares tels qu’Horizon Europe (programme‑cadre de recherche et d’innovation de l’Union européenne), InvestEU (programme‑cadre de soutien à l’investissement) et le Fonds pour la gestion intégrée des frontières, ainsi que les transitions écologique et numérique par le biais du Fonds pour une transition juste et de Digital Europe (programme‑cadre pour une Europe numérique). La politique agricole modernisée reste la politique la plus importante en termes de dotations budgétaires, suivie de près par la politique de cohésion, toutes deux ayant pour objectif de soutenir les transitions numérique et écologique.

Le cadre financier 2021‑2027 prévoit ainsi une répartition du budget de l’Union en sept rubriques :

- marché unique, innovation et numérique (rubrique 1) ;

- cohésion, résilience et valeurs (rubrique 2) ;

- ressources naturelles et environnement (rubrique 3) ;

- migrations et gestion des frontières (rubrique 4) ;

- sécurité et défense (rubrique 5) ;

- voisinage et monde (rubrique 6) ;

- administration publique européenne (rubrique 7).

Chaque rubrique est divisée en enveloppes thématiques détaillant les grands domaines d’intervention de l’Union européenne, regroupant les programmes européens y concourant.

La structure du CFP 2021‑2027 pour les crédits d’engagement en montants révisés le 29 février 2024 (v. supra) est retracée dans le tableau ci-après.

RÉpartition des montants des crÉdits d’engagement
dans le cadre du CFP 2021‑2027 ajusté

En M2018€

CFP 2021-2027

1. Marché unique, innovation et digital

132 637

2. Cohésion, résilience et valeurs

377 781

3. Ressources naturelles et environnement

355 702

4. Migration et gestion des frontières

24 743

5. Sécurité et défense

14 473

6. Voisinage et monde

101 085

7. Administration publique européenne

73 102

TOTAL

1 079 523

Source : COM (2024) 110 final du 29 février 2024 de la Commission au Parlement européen et au Conseil : ajustement technique du cadre financier pluriannuel pour 2024 conformément à l’article 4 du règlement (UE, EURATOM) 2020/2093 du Conseil fixant le cadre financier pluriannuel pour les années 2021 à 2027, qui actualise et remplace la communication COM (2023) 320 final.

 

2.   Une mobilisation majeure de l’Union au profit de l’Ukraine

a.   Le soutien apporté dans le cadre du cadre financier pluriannuel initial

Depuis le début de la guerre d'agression menée par la Russie en février 2022, l’UE a mis à disposition de l’Ukraine et de sa population un soutien important et pris des mesures visant à atténuer l’impact économique de ce conflit en son sein. Ces mesures ont un effet important sur la programmation financière 2021-2027 et concernent la quasi-totalité des rubriques du budget de l’Union.

Au plan militaire, depuis le 28 février 2022, le Conseil a adopté neuf mesures d’assistance au titre de la facilité européenne pour la paix (FEP), pour un montant total de 5,6 milliards d’euros, qui contribuent à renforcer les capacités et la résilience des forces armées ukrainiennes en vue de défendre l’intégrité territoriale et la souveraineté du pays, et permettent de protéger la population civile contre l’agression militaire en cours. Ces mesures d’assistance financent la fourniture d’équipements et de matériels aux forces armées ukrainiennes, y compris des équipements létaux, et depuis 2023 l’acquisition conjointe de munitions et de missiles auprès d’opérateurs économiques établis dans l’UE ou en Norvège.

Une mission d’assistance militaire (EUMAM) a par ailleurs été instituée le 17 octobre 2022 pour une durée de deux ans afin de dispenser une formation individuelle, collective et spécialisée aux forces armées ukrainiennes et d’assurer la coordination et la synchronisation des activités des États membres destinées à fournir les formations. Cette mobilisation exceptionnelle de la FEP a déjà nécessité la révision à deux reprises du plafond pluriannuel 2021-2027, passant de 5,7 milliards d’euros sur 2021-2027 à 12 milliards d’euros courants.

La FEP étant un instrument extrabudgétaire, elle est alimentée par des contributions directes des États membres, financées en France par le budget du ministère des armées et celui de l’Europe et des affaires étrangères, et non par le PSR-UE.

Le 13 juillet 2023, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) a présenté au Comité politique et de sécurité (COPS) un non-papier faisant foi de proposition pour une enveloppe supplémentaire de 20 milliards d’euros dédiée au soutien militaire à l’Ukraine au travers de la FEP (soit 5 milliards d’euros par an sur la période 2024-2027).

L’éventuelle adoption de ce nouvel abondement nécessitera un accord politique au niveau du Conseil (CAE) et un endossement par le Conseil européen.

Les financements européens nourrissent-ils l’autonomie stratégique de l’Union européenne en matière de défense ?

Face à l’absence d’industrie de défense européenne unifiée, des entreprises européennes bénéficient, à titre individuel, d’une augmentation de la demande pour leurs produits militaires. Il en est ainsi de Dassault Aviation (France), Rheinmetall (Allemagne), Leonardo (Italie) ou Saab (Suède).

Bien que l’Europe s’efforce de développer son autonomie stratégique, une partie de l’équipement militaire acquis pour la guerre en Ukraine, estimée par le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) autour de 30 %, provient de fournisseurs américains comme Lockheed Martin – qui a vu le cours de son action augmenter d’environ 70 % en deux ans – et RTX corporation. Les transferts massifs de systèmes comme les missiles Javelin ou les systèmes de défense Patriot, profitent à l’industrie de défense américaine.

Au plan humanitaire, l’UE a alloué 733 millions d’euros d’aide humanitaire pour aider les civils touchés par la guerre en Ukraine. Ce montant comprend 685 millions d’euros à destination de l’Ukraine (485 millions d’euros en 2022 et 200 millions d’euros en 2023) et 48 millions d’euros pour les réfugiés et les familles d'accueil en Moldavie. Le 20 avril 2023, l’UE a accru son aide humanitaire en faveur de l’Ukraine d'un montant de 55 millions d’euros, axé sur la préparation de l’hiver prochain afin d’assurer un niveau supplémentaire de protection aux personnes dans le besoin. L’essentiel de ce soutien est financé par la rubrique 6 (« Voisinage et monde ») du budget de l’UE, en particulier les programmes HUMA et NDICI.

Depuis février 2022, l’aide fournie par l'intermédiaire du mécanisme de protection civile de l'UE (RescEU, rubrique 2b, « résilience et valeurs ») s’élève à plus de 670 millions d’euros. L’UE coordonne ainsi la fourniture d'une assistance matérielle à l’Ukraine (matériel médical, groupes électrogènes, matériels pour des abris, équipements spécialisés pour faire face aux risques pesant sur la santé publique, telles que les menaces chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires). L’UE coordonne également les évacuations médicales de patients ukrainiens nécessitant d’urgence un traitement et a ouvert un pôle médical spécial à Rzeszów (en Pologne). En avril 2023, l’Ukraine a adhéré au mécanisme de protection civile de l’UE en tant qu’État participant.

Au plan économique, l’UE a mis à disposition, en 2022, deux mesures d’assistance macrofinancière de respectivement 1,2 milliard d’euros (AMF d’urgence) et 6 milliards d’euros (AMF exceptionnelle) sous forme de prêts. L'objectif est essentiellement de fournir une aide financière à court terme, de financer les besoins immédiats et de soutenir la remise en état des infrastructures critiques de l’Ukraine. En décembre 2022, l’UE a prolongé ce soutien en adoptant un paquet législatif qui permet d'aider financièrement l’Ukraine tout au long de l'année 2023 à hauteur de 18 milliards d’euros (AMF+). Ce prêt, financé par la levée de nouvelles obligations communes émises sur les marchés financiers (« EU bonds »), est garanti par le budget européen. Au 1er octobre 2023, 13,5 milliards d’euros ont été déboursés à l’Ukraine (1,5 milliard d’euros par mois).

S’ajoutent à ces mesures 2,3 milliards d’euros de liquidités et prêts fournis par la Banque européenne d’investissement (BEI) – un financement supplémentaire de l’ordre de 1,3 milliard d’euros a été annoncé par la BEI au printemps 2023 – et un financement de l’ordre de 3 milliards d’euros annoncé par la Banque européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) sur 2022-2023, dont 1,7 milliard d’euros en 2022.

En janvier 2023, l’UE a lancé la plateforme de coordination des donateurs, qui permet une étroite coordination entre organisations financières et donateurs internationaux. Son objectif est d’assurer, de manière cohérente, transparente et responsable, un soutien financier à court terme, mais aussi une aide à plus long terme pour la phase de reconstruction.

Enfin, des mesures commerciales ont également été prises par l’UE, afin de soutenir l’économie ukrainienne et la sécurité alimentaire en libéralisant temporairement les échanges pour certains produits ukrainiens et moldaves (règlement (UE) 2022/870 du 30 mai 2022).

 

 

 

 

 

 

 La mise en place d’une « Facilité Ukraine » proposée par la Commission européenne

Le 20 juin 2023, la Commission a publié une proposition de règlement sur la mise en place de la « Facilité Ukraine ». Cette proposition s’intègre dans le paquet législatif dédié à la révision du CFP 2021-2027. Plafonnée à hauteur de 50 milliards d’euros sur la période 2024-2027, cette « Facilité Ukraine » viserait des besoins de court terme (stabilisation et résilience économique) et de moyen terme (reconstruction). Cette proposition va au-delà du soutien macrofinancier en plus en 2022 et 2023 puisqu’il s’agit d’accompagner la reconstruction de l’Ukraine, en lien avec les réformes nécessaires dans le cadre de la candidature de l’Ukraine à l’Union européenne.

Plus précisément, les objectifs généraux (article 3) poursuivis par cette Facilité Ukraine sont de soutenir l’Ukraine aux fins de :

  1. traiter les conséquences sociales, économiques et environnementales de la guerre, en contribuant ainsi au redressement, à la reconstruction et à la modernisation du pays ;
  2. favoriser la résilience sociale, économique et environnementale et l'intégration progressive dans l'Union et dans l'économie mondiale ;
  3. s'aligner progressivement sur l’acquis communautaire dans la perspective d'une future adhésion à l'Union.

Le projet de Facilité se décompose en 3 piliers comme suit :

-    Pilier I : Soutien financier sous forme de dons et de prêts à l’Ukraine (constitué de prêts et aides non remboursables), dont le versement sera conditionné à la bonne mise en œuvre par l’Ukraine d’un Plan d’investissements et de réformes (dit « Plan pour l’Ukraine »), s’inscrivant dans la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’UE (acquis communautaire, réformes structurelles, conditionnalités politiques, etc.) ;

-    Pilier II : Cadre d’investissement pour l’Ukraine (CIUKR). Les montants d’aide non remboursable dédiés à ce pilier ont vocation à permettre de déployer divers instruments financiers au moyen de garanties pour prendre en charge une part du risque, de subventions pour réaliser des opérations de mixage prêts-dons, de la bonification d’intérêts pour réaliser des financements concessionnels. Ce pilier est destiné à attirer les investissements publics et privés pour la résilience et la reconstruction de l’Ukraine, en ayant recours à toute la palette d’instruments financiers existants ;

-    Pilier III : Assistance technique et autres mesures de soutien (aides non remboursables), notamment de l’assistance technique et la prise en charge des intérêts des prêts octroyés dans le cadre du pilier I, pour la période 2024-2027.

Ce plan s’accompagne de plusieurs clauses de sauvegarde et de flexibilité :

-    Une précondition tenant au respect des mécanismes démocratiques (article 5) ;

-    La possibilité d’un financement exceptionnel en cas de force majeure (détérioration substantielle de la guerre – article 13) ;

-    La possibilité d’un financement assurant la continuité du soutien au titre du Pilier I si le plan ukrainien n’est pas adopté au 31 décembre 2024 (« bridge financing » - article 24), dans la limite d’un montant de 1,5 Md€ par mois, sur le modèle de l’AMF+.

Les ressources maximales pour la mise en œuvre de la facilité s'élèvent à 50 milliards d’euros pour 2024-2027 sous la forme de prêts et de soutien non remboursable. Les prêts à l'Ukraine du Pilier I seront financés par des emprunts sur les marchés financiers et garantis par la marge sous plafonds des ressources propres (dite « headroom »). L'aide non remboursable et le provisionnement des garanties budgétaires seraient ainsi financés au titre d’un nouvel instrument spécial, intitulé la « réserve pour l’Ukraine », qui fournirait les ressources nécessaires à la facilité pour l'Ukraine au-delà et en dehors des plafonds du CFP.

b.   Le soutien apporté à l’aune de la révision du cadre financier pluriannuel

La révision du cadre financier pluriannuel pour 2021-2027, adoptée en février 2024, a été nécessaire pour redéfinir les priorités budgétaires de l’UE, en particulier pour intégrer des mécanismes supplémentaires de soutien à l'Ukraine : le Conseil a inclus la création d’une facilité pour l'Ukraine dans le cadre de cette révision.

Cette facilité prévoit un soutien sous forme de prêts, d’aides non remboursables et de provisionnements pour des garanties budgétaires. Cette mobilisation supplémentaire, qui est une réponse directe à la guerre d’agression menée par la Russie, montre que l’UE considère le soutien à l'Ukraine comme une priorité absolue pour les années à venir.

Le règlement (UE) 2024/792, qui encadre la facilité pour l’Ukraine, fixe un soutien financier à hauteur de 33 milliards d'euros sous la forme de prêts et 17 milliards d’euros de soutien non remboursable, jusqu'en 2027. Ce soutien reflète la volonté de l’UE d'apporter une aide à long terme, en garantissant à l’Ukraine une stabilité financière essentielle pour sa reconstruction et son intégration future dans l’UE.

Sans remettre en cause le principe de la solidarité avec l’Ukraine, le rapporteur alerte toutefois sur la « course à la reconstruction » dans laquelle se placent d’ores et déjà les multinationales européennes. Il est à craindre que les prêts de l’UE à l’Ukraine, payés à des degrés divers par les contribuables européens, servent à alimenter un marché de la reconstruction qui bénéficiera exclusivement aux multinationales concernées.

 


II.   Le budget annuel de l’Union européenne pour 2025

A.   Un budget inadapté

Le budget annuel de l’Union européenne fixe l’ensemble des recettes et des dépenses de cette dernière pour une année. Il garantit ainsi le financement des politiques et programmes de l’UE, en application des priorités politiques et aux obligations juridiques de l’Union.

Conformément à l’article 312 du TFUE, chaque budget annuel doit s’inscrire dans les limites des dépenses fixées par le cadre financier pluriannuel, le budget à long terme établi pour sept ans. En pratique, les crédits sont habituellement prévus en dessous des plafonds du CFP, afin de laisser une marge de manœuvre en cas de besoins non anticipés. Par ailleurs, le budget de l’Union doit être obligatoirement équilibré en recettes et en dépenses.

Le projet de budget annuel est proposé par la Commission européenne avant d’être approuvé par le Conseil et le Parlement européen.

1.   Des propositions de la Commission impropres à relever les défis de l’Europe en matière d’autonomie stratégique

La proposition de la Commission du 19 juin 2024 concernant le projet annuel pour 2025 – cinquième budget relevant du CFP 2021-2027 et cinquième année de mise en œuvre de l’instrument de relance européen Next Generation EU – prévoit un budget à hauteur de 193,7 milliards d’euros en crédits d’engagement et 147,1 milliards d’euros en crédits de paiement, auxquels s’ajoutent une enveloppe estimée à 72 milliards d’euros de décaissements au titre de NexGenerationEU.

Cette enveloppe intègre les modifications convenues lors de la révision à mi-parcours du CFP en février 2024.

Hors instruments spéciaux, les crédits proposés par la Commission sont en hausse de 5,49 % par rapport au budget 2024.

Ce budget annuel vise à piloter la reprise économique en cours et doit permettre de créer des emplois tout en renforçant l’autonomie stratégique de l’Europe. Une part importante devrait être destinée à la lutte contre le changement climatique, conformément à l’objectif de consacrer 30 % des dépenses du budget à long terme.

La Commission propose notamment d’allouer en crédits d’engagement les montants suivants :

-         72 milliards d’euros en subventions de Next Generation EU au titre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), afin de soutenir la croissance verte et de remédier aux problèmes engendrés par la guerre en Ukraine ;

-         53,8 milliards d’euros pour la politique agricole commune et 0,9 milliard d’euros pour le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture, en faveur des agriculteurs et des pêcheurs européens, mais aussi pour renforcer la résilience du secteur agroalimentaire et du secteur de la pêche et mettre en place le champ d’action nécessaire à la gestion des crises ;

-         49,2 milliards d’euros pour le développement régional et la cohésion, afin de favoriser la cohésion économique, sociale et territoriale, ainsi que les infrastructures soutenant la transition écologique et les projets prioritaires de l’Union ;

-         16,3 milliards d’euros pour soutenir les partenaires et intérêts dans le monde de l’Union, dont 11,4 milliards d’euros dans le cadre de l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI — L’Europe dans le monde), 2,1 milliards d’euros pour l’instrument d’aide de préadhésion et 1,7 milliard d’euros pour l’aide humanitaire ;

-         13,5 milliards d’euros en faveur de la recherche et l’innovation, dont 12,7 milliards d’euros pour Horizon Europe, le programme phare de l’Union en matière de recherche, qui comprend le financement du règlement européen sur les semi-conducteurs ;

-         11,8 milliards d’euros pour le capital humain, la cohésion sociale et les valeurs, dont 5,2 milliards pour faire face à la hausse des coûts d’emprunt dans le cadre de NextGeneration UE, 4 milliards d’euros pour Erasmus+, 352 millions d’euros pour soutenir les artistes et les créateurs dans toute l’Europe et 235 millions d’euros pour promouvoir la justice, les droits et les valeurs ;

-         4,6 milliards d’euros pour les investissements stratégiques européens, dont 378 millions d’euros pour InvestEU dans le cadre des priorités clés (recherche et innovation, double transition écologique et numérique, secteur de la santé et technologies stratégiques), 2,8 milliards d’euros en faveur du mécanisme pour l’interconnexion en Europe afin d’améliorer les infrastructures transfrontalières et 1,1 milliard d’euros en faveur du programme pour une Europe numérique, afin de façonner l’avenir numérique de l’Union ;

-         4,3 milliards d’euros supplémentaires mis à disposition sous forme de subventions au titre de la facilité pour l’Ukraine et complétés par une enveloppe de 10,9 milliards d’euros sous forme de prêts ;

-         2,1 milliards d’euros pour les dépenses consacrées à l’espace, principalement pour le programme spatial européen, qui regroupera l’action de l’Union dans ce domaine stratégique ;

-         2,4 milliards d’euros en faveur de l’environnement et l’action pour le climat, dont 745 millions d’euros pour le programme LIFE, afin de soutenir l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à celui-ci, et 1,5 milliard d’euros pour le Fonds pour une transition juste, afin de veiller à ce que la transition écologique profite à tous ;

-         2,7 milliards d’euros en faveur de la protection de nos frontières, dont 1,5 milliard d’euros pour le Fonds pour la gestion intégrée des frontières (FGIF) et 997 millions d’euros pour l’Agence européenne de garde‑frontières et de garde-côtes (Frontex) ;

-         2,1 milliards d’euros pour les dépenses relatives à la migration, dont 1,9 milliard d’euros afin de soutenir les migrants et les demandeurs d’asile ;

-         Enfin, 1,8 milliard d’euros pour faire face aux enjeux en matière de défense, dont 1,4 milliard d’euros afin de soutenir le développement des capacités et la recherche au titre du Fonds européen de la défense (FED).

L’Ukraine dans le budget de l’Union européenne pour 2025

Le budget 2025, tel que retenu par le Conseil en juin 2024, prévoit un montant total de 199,7 milliards d'euros, complété par une enveloppe de 72 milliards d’euros pour les décaissements au titre de NextGenerationEU.

Parmi ces montants, 4,3 milliards d'euros seront alloués sous forme de subventions pour l’Ukraine, tandis qu’une enveloppe de 10,9 milliards d'euros sera disponible sous forme de prêts​. Ces chiffres illustrent l'engagement continu de l'UE à fournir une aide financière substantielle, tout en s’assurant que le financement de l’Ukraine soit stable et prévisible.

En outre, le budget 2025 introduit des ajustements au niveau de la réserve pour l'Ukraine, avec une dotation annuelle maximale de 5 milliards d'euros, mobilisables jusqu’à 2027​. Cela permet à l’UE de maintenir une flexibilité dans l’attribution des fonds, garantissant que les montants non utilisés au cours d’une année donnée puissent être reportés pour les années suivantes. Cette souplesse est essentielle dans un contexte où les besoins de l'Ukraine peuvent fluctuer en fonction de l’évolution de la situation sur le terrain militaire et stratégique.

La position du Conseil sur le budget 2025 reflète un compromis entre les priorités internes de l’UE et la nécessité de maintenir un soutien à l’Ukraine. Le Conseil a notamment insisté sur la nécessité d’adopter une approche prudente en matière de dépenses, en s’assurant que les programmes de l''UE soient financés de manière réaliste, tout en gardant des marges suffisantes sous les plafonds du CFP pour faire face à des circonstances imprévues.

Le rapporteur pour avis considère que le budget de l'Union européenne pour 2025, malgré une augmentation des ressources allouées à l’échelon
supranational, ne parvient pas à répondre pleinement à l’objectif crucial d’une indépendance stratégique européenne.

En effet, l’UE continue de dépendre de sources extérieures pour des domaines clés tels que l’énergie, la défense et les technologies de pointe.

Par exemple, alors que la crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine a mis en lumière la nécessité de réduire la dépendance aux importations de gaz russe, les investissements européens dans les énergies renouvelables et les infrastructures énergétiques restent insuffisants pour une véritable autonomie.

De même, dans le domaine de la défense, les États membres continuent d’importer massivement des équipements militaires, notamment des États-Unis, comme l’illustrent les achats de systèmes Patriot ou de chasseurs F-35, au lieu de renforcer les industries de défense européennes au moyen d’une action politique résolue en faveur, par exemple, de la création d’un avion de combat européen
« du futur », devenu psychodrame industriel.

Enfin, sur le plan technologique, l’Europe est encore largement tributaire des semi-conducteurs asiatiques et des géants du numérique américains. Les discussions actuellement en cours entre la banque centrale européenne (BCE) et l’entreprise américaine Amazon pour la mise en place d’un euro numérique, alors que la monnaie est l’un des critères fondamentaux de la souveraineté, constituent à cet égard une triste illustration des égarements européens.

Ce budget, qui devrait catalyser des initiatives pour réindustrialiser l’Europe et assurer une maîtrise complète de ces secteurs stratégiques, peine à mettre en place des financements adéquats pour accélérer cette transformation. Il en ressort une dépendance persistante, freinant l’ambition d'une Europe véritablement souveraine sur la scène internationale.

2.   Une approche conservatrice du Conseil au regard du contexte instable dans lequel l’Union évolue actuellement

La position du Conseil qui a été approuvée le 17 juillet 2024 propose un budget annuel pour 2025 comprenant 191,53 milliards d’euros en crédits d’engagement – soit une diminution de 8,2 milliards par rapport à la proposition initiale de la Commission – et 146,2 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 0,6 %.

Par rapport au budget approuvée par le Conseil et le Parlement européen pour 2023, il s’agit d’une augmentation de 2,42 % en crédits d’engagement et d’une augmentation de 3,56 % en crédits de paiement.

Dans l’ensemble, et selon ses propres termes, le Conseil a adopté une approche « prudente ». Le Conseil a souligné qu’il importe que le budget 2025 soit réaliste et adapté aux besoins réels de sorte à dégager des marges suffisantes, sous les plafonds du CFP, pour faire face à des circonstances imprévues.

Le tableau ci‑après présente la position du Conseil sur le projet de budget annuel de l’Union européenne pour 2025 rubrique par rubrique.

 

 

Projet de budget 2025 proposé par la Commission

Ajustements du Conseil par rapport à la proposition initiale de la Commission

Position du Conseil

En M€ courants

CE

CP

CE

CP

CE

CP

1. Marché unique, innovation et digital

21377

20438

-643

-222

20734

20216

2. Cohésion, résilience et valeurs

78128

41618

-808

-574

77319

41044

3. Ressources naturelles et environnement

57274

52682

-4

-2

57271

52680

4. Migration et gestion des frontières

4776

3201

-65

-81

4710

3120

5. Sécurité et défense

2617

2128

-5

-2

2612

2126

6. Voisinage et monde

16258

14406

22

21

16279

14427

7. Administration publique européenne

12614

12614

-15

-15

12599

12599

TOTAL

193046

147090

-771

-514

191526

146214

Source : commission des affaires étrangères, à partir des documents budgétaires.

 

B.   Une contribution française en hausse continue

1.   Une contribution française qui se transforme

Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne finance la majeure partie de la contribution française au budget européen. Il comprend les ressources rétrocédées au budget de l’Union, à savoir la ressource relative à la taxe sur la valeur ajoutée (« ressource TVA »), la ressource fondée sur le revenu national brut (« ressource RNB ») et depuis le 1er janvier 2021 la contribution fondée sur la quantité de plastiques non recyclés (« ressource plastique »), ainsi que diverses corrections accordées à certains États membres ou les éventuels intérêts de retard au titre du versement des droits de douane.

La contribution française au budget de l’Union est en nette progression depuis plus de vingt ans et sa part s’accroît dans les recettes fiscales nettes de l’État.

Le montant de la contribution française au profit de l’Union européenne, constituée du prélèvement sur recettes et des ressources propres traditionnelles (RPT) nettes des frais d’assiette et de perception, a été multiplié – en part des recettes fiscales françaises – par plus de deux en quarante ans, passant de 3,7 % en 1982 à 8,4 % en 2023 ([8]). Après avoir été de 6,2 % en loi de finances initiale pour 2024, il devrait être de 7,1 % cette année([9]), à périmètre constant, comme cela a été présenté au rapporteur pour avis à l’occasion d’une de ses auditions.

Le tableau ci‑après présente l’évolution de la contribution de la France au budget de l’Union pour la période 2009‑2024.

Source : Direction du budget

Au 10 octobre 2024, deux projets de budgets rectificatifs pour l’année 2024 ont été présentés par la Commission, respectivement le 29 février 2024 et le 9 avril 2024. On relèvera particulièrement que :

-         le budget rectificatif n° 1 (BR n° 1/2024) prend en compte des modifications liées à la révision du cadre financier pluriannuel et à des mesures spécifiques, comme le soutien à l’Ukraine ;

-         le budget rectificatif n° 2 (BR n° 2/2024) reporte le solde excédentaire de l’exercice 2023 (+ 632 millions d’euros en recettes) ;

Sur la base des différents éléments disponibles à cette date, la prévision de PSR-UE pour l’année 2024 doit être rehaussée de 702 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, notamment du fait de la révision du CFP. Ce montant est susceptible d’être revu d’ici la fin de l’exercice, en fonction des évolutions de la procédure budgétaire.

2.   Une contribution française qui augmente en 2025

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, l’article 40 évalue le montant de la contribution de la France au budget de l’Union européenne à 23,3 milliards d’euros.

 Cette estimation correspond à une augmentation de 7,92 % par rapport à l’évaluation initiale pour 2024.

En 2024 et 2025, l’Allemagne reste la première contributrice en volume au budget de l’Union, suivie par la France et l’Italie.

La répartition de la contribution de la France au budget de l’Union européenne entre les différentes catégories de recettes (ressources propres traditionnelles, ressource TVA, ressource RNB, ressource plastique ([10]) ) en 2023 et 2024 est détaillée ci-dessous.

Ventilation du prélèvement pour 2024 – estimation au 10 octobre

(en millions d’euros)

Ressource TVA

4 327

Ressource plastique

1 505

Ressource RNB

15 778

Dont rabais forfaitaires

1 512

Prélèvement total

21 610

 

 

 

 

 

 

Ventilation du prélèvement pour 2025 – estimation au 10 octobre

(en millions d’euros)

Ressource TVA

4 429

Ressource plastique

1 464

Ressource RNB (*)

17 628

Dont rabais forfaitaires

1 526

Prélèvement total

23 321

 

L’estimation du PSR-UE pour 2025, en hausse de 1,7 milliard d’euros par rapport à l’an passé, s’explique par deux facteurs principaux :

-         Une reprise des paiements de la politique de cohésion par rapport à 2024 ;

-         Une hausse des ressources propres traditionnelles à la suite de la baisse des droits de douane estimée pour 2024.

3.   Une contribution française : pour quoi faire ?

La présidence française de l’UE, au premier semestre 2022, avait plusieurs ambitions clés. La France souhaitait renforcer l’autonomie stratégique de l’Union, notamment en matière de défense, d’énergie et de technologies numériques. Elle visait ensuite à promouvoir une Europe plus verte, avec des initiatives liées au climat, à la transition énergétique et à la préservation de la biodiversité. Enfin, la présidence française avait pour objectif de réformer les règles budgétaires de l’UE, en facilitant la relance économique après la crise du COVID-19 et en soutenant une Europe plus sociale, plus solidaire, à travers des mesures pour renforcer les droits des travailleurs et lutter contre les inégalités.

Ces priorités ont peu abouti à des résultats concrets.  

Ainsi, il est légitime de s’interroger : quelle est l’utilité de la contribution de la France, en hausse continue, singulièrement depuis 2017 : le PSR-UE a, depuis cette date, augmenté de 42 %.

En termes de retours par habitant, la France n’est que le 22ème bénéficiaire des dépenses de l’UE en 2023, avec 242 euros par habitant.

Il est souvent rappelé que la France, deuxième contributrice nette aux fonds européens, avec un solde net de – 9,3 milliards d’euros en 2023, est également première bénéficiaire de la politique agricole commune. Il est cependant loisible de questionner le véritable bénéfice de cette politique agricole européenne lorsque la Commission négocie un accord de libre-échange avec le Marché Commun du Sud (MERCOSUR) qui pourrait reprendre d’une main aux agriculteurs français ce qu’ils reçoivent de l’autre.

La véritable question est peut-être, en réalité, celle de la perte de l’influence française au niveau européen : la France est-elle toujours la France dans les couloirs de l’UE ? La démission de Thierry Breton en octobre 2024, alors qu’il occupait un poste stratégique dans les secteurs de la défense, de l’industrie et des technologies, affaiblit la représentation française, d’autant que l’Allemagne a renforcé son influence à travers l’obtention de postes clés dans les nouveaux cabinets européens. Cette recomposition de la Commission européenne de 2024 reflète ainsi un déplacement marqué du centre de gravité vers Berlin au détriment de Paris en matière de politique industrielle et de priorités politiques.

   Conclusion

Le cadre financier pluriannuel 2021‑2027 et ses déclinaisons annuelles constituent la traduction budgétaire des priorités politiques de l’Union européenne au service de ses citoyens. Ces instruments visent à donner à l’Europe les moyens d’influer sur la marche du monde et de relever les défis de long terme que sont notamment les transitions écologique et numérique.

Les évolutions récentes en matière budgétaire, qu’il s’agisse de l’instrument de relance européen, de la mise en place d’une protection contre les violations de l’État de droit ou encore celles à venir concernant la création de nouvelles ressources propres, sont censées renforcer notre Union et notre capacité d’action collective dans un monde en crise.

Pour autant, une analyse plus fine de la situation permet de constater que la politique et le budget européens ne sont pas à la hauteur des enjeux géostratégiques contemporains. Le budget de l’UE est insuffisant pour atteindre une véritable autonomie stratégique, et pave à la voie à un long déclassement : une « lente agonie », pour reprendre les mots de Mario Draghi lors de la remise de son rapport en septembre 2024 ([11]).

Plus généralement, c’est l’approche néolibérale de l’Union européenne qui est inadaptée. Or, cette approche se décline malheureusement au niveau national. Le rapporteur souhaite rappeler que le montant de la fraude fiscale estimée, pour la France, correspond à environ 4 fois le montant du PSR-UE pour l’année 2025.

Compte tenu des délais inacceptables dans lesquels les données essentielles à la rédaction de ce rapport ont été envoyées, et indépendamment des désaccords ou accords sur le fond, le rapporteur pour avis se prononce en défaveur de l’adoption de l’article 40 du projet de loi de finances pour 2025.


   Travaux en commission

Au cours de sa réunion du lundi 16 octobre 2023, la commission examine le présent avis budgétaire.

 

M. le président Bruno Fuchs. Avant de débuter l’examen proprement dit du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, je vous indique que j’ai convoqué cet après-midi le bureau de la commission, afin de définir les grandes orientations de celle-ci pour les mois à venir.

Il s’agit en premier lieu, dans la lignée de nos prédécesseurs, de défendre la paix et le modèle de gouvernance démocratique, qui est fortement mis en concurrence. Des études montrent que dans le monde entier, l’idée même de modèle démocratique est en perte de vitesse. Je ne doute pas que nous serons tous d’accord pour nous fixer cet objectif primordial. Nous devons également renforcer la diplomatie parlementaire, en multipliant les prises de parole et les missions là où la France en a besoin. Enfin, il nous faut mobiliser les diasporas, qui sont particulièrement bien placées pour défendre l’influence de la France, qu’il s’agisse des Français vivant à l’étranger ou des diasporas installées en France.

Compte tenu du chaos dans lequel le monde se trouve, nos ambitions doivent être à la hauteur des importants enjeux auxquels nous faisons face, en particulier en matière de modèle démocratique, de réponses aux souffrances subies par certaines populations, de libertés publiques, d’État de droit et de multilatéralisme : autant d’éléments relevant de notre culture.

Par ailleurs, je tenais à vous dire à quel point j’ai été blessé et déçu par certaines interventions sur les réseaux sociaux. Lors du troisième tour de l’élection à la présidence de cette commission, j’ai essayé de réunir un maximum de suffrages autour de ma candidature ; deux candidats se sont désistés. Je m’attendais à ce que la commission mette un point d’honneur à défendre une vision et une ambition communes. Malheureusement, immédiatement après mon élection, j’ai pris connaissance de messages relevant d’une politique politicienne, qui ne sont pas à la hauteur des ambitions que j’ai pour cette commission. Ce matin encore, un article du Canard enchaîné décrit une scène qui n’a jamais eu lieu. Gardons pour d’autres lieux ces pratiques de petite politique, que je ne peux que déplorer.

Venons-en à présent à notre ordre du jour. La commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis de neuf ensembles de dépenses, figurant pour la plupart dans la seconde partie du PLF, à l’exception du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne (UE). Du fait de la forte mobilisation de tous dans l’hémicycle durant les semaines à venir, l’examen des avis budgétaires interviendra en priorité les mercredis matin, afin de favoriser la participation du plus grand nombre à nos débats. Pour nous permettre d’achever nos travaux dans les délais requis, j’en appellerai à la discipline de toutes et tous s’agissant du respect des temps de parole.

Conformément à nos usages et parce que la discussion en séance interviendra la semaine prochaine, le 25 octobre, le premier des avis budgétaires que nous sommes appelés à examiner ce matin porte sur le prélèvement sur recettes au profit de l’UE, sur le rapport de M. Arnaud Le Gall.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Avant de débattre de l’avis que nous donnerons sur le prélèvement de 23,3 milliards de recettes de l’État au profit de l’Union européenne, prévu dans le PLF, je tiens à signaler que les conditions dans lesquelles ce rapport a été rédigé sont inacceptables. Le jaune budgétaire, c’est-à-dire l’annexe au budget concernant spécifiquement les prélèvements sur recettes de l’UE, n’a toujours pas été publié. Des éléments d’information ne m’ont été communiqués que dimanche, alors que le rapport devait être diffusé aux membres de la commission hier matin – je remercie d’ailleurs l’administrateur qui m’a assisté pour le travail de grande qualité qu’il a fourni dans de telles conditions –, ce qui explique que vous ne l’ayez reçu qu’hier après-midi.

Le Parlement, en tant qu’organe de contrôle, doit être pleinement informé, ce qui n’est pas le cas à ce jour. Il s’agit d’un rapport pour avis et d’autres éléments nous seront transmis ultérieurement mais, en tant que parlementaire, je n’accepte pas qu’on nous demande d’exercer un contrôle dans de telles conditions. À titre personnel, je ne suis pas en mesure de rendre un avis parfaitement éclairé sur cette partie du budget : le diable étant dans les détails, certaines choses peuvent nous échapper. J’indique donc dès à présent que je vous inviterai à donner un avis défavorable sur l’article 40 du PLF.

Le montant du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne augmente de 7,9 % par rapport à l’année précédente. Depuis 2017, la contribution de la France a augmenté de 42 %, du fait de mécanismes quasiment automatiques. La France transfère 23,3 milliards d’euros à l’Union européenne et reçoit en retour près de 16 milliards, dont une dizaine au titre de la politique agricole commune (PAC). Son solde net est donc négatif – comme celui de l’Allemagne – et s’élève à plus de 9 milliards. Elle se classe au 22e rang s’agissant des bénéfices directs rapportés à la population – on pourrait débattre très longtemps des bénéfices indirects.

Ces chiffres appellent un débat : transférer plus de moyens à l’Union européenne, certes, mais pour quoi faire ? Il me semble sain de s’interroger sur l’usage de l’argent versé par la France au budget de l’Union européenne. Il ne s’agit ni de rejeter ni d’approuver le principe de notre contribution, dont les mécanismes sont prévus dans différents traités, mais de s’interroger sur la manière dont les contributions des pays membres sont déterminées et sur leur usage. Cette contribution renvoie également à une question démocratique fondamentale : sans refaire l’histoire, rappelons que le traité établissant une Constitution pour l’Europe a été rejeté par les Français en 2005. Une nouvelle version, à peine modifiée, a été soumise au Parlement en 2007, sans faire l’objet d’un référendum.

Ces questions sont d’autant plus importantes que nous sommes à un tournant : le cadre financier pluriannuel pour 2021-2027, renouvelé en février 2024, a entraîné la refonte de certaines priorités budgétaires. Malgré l’affichage de grandes ambitions, l’usage de ces fonds reste concentré sur la gestion de crises à très court terme, sans que les moyens soient dégagés pour construire une véritable souveraineté européenne – que le président de la République appelle de ses vœux. Faute de volontarisme, d’ambition, de moyens et d’une véritable planification industrielle – si tant est qu’elle soit possible –, l’Union européenne décroche dans plusieurs domaines stratégiques, comme le souligne le rapport publié il y a quelques semaines par M. Draghi, que l’on ne peut soupçonner d’europhobie.

Certes, la France bénéficie très directement du budget de l’UE, en particulier par le biais de la PAC. Cependant, les sommes reçues à ce titre sont très inférieures à notre contribution annuelle. De plus, ce que nous versons au nom du soutien à l’agriculture est neutralisé par la multiplication des accords de libre-échange, dont les impacts sur le monde agricole sont inégalitaires. Ainsi, l’ambition de la Commission européenne consiste actuellement à avancer à toute force vers la ratification de l’accord de libre-échange avec le Mercosur – Marché commun du Sud – ; une nouvelle signature pourrait intervenir les 18 et 19 novembre, avec sa présentation au Parlement européen. La France a donc renoncé aux ambitions qu’elle avait affichées, consistant à obtenir une version transformée de cet accord. Il serait judicieux qu’elle se mobilise auprès de la Commission européenne, afin que personne n’ait l’impression que ces ambitions n’étaient qu’un discours de campagne électorale. Une dissociation de l’accord est à l’œuvre ; Mme von der Leyen souhaite aller de l’avant et l’accord a toutes les chances d’être adopté à court terme.

L’Union européenne n’est pas entièrement responsable de l’inégalité de la répartition des aides aux agriculteurs : la France a décidé de procéder à des répartitions à l’hectare plutôt qu’aux actifs, raison pour laquelle 80 % des aides sont versées aux 20 % des agriculteurs les plus aisés. Ces derniers sont des entrepreneurs agricoles, voire des industriels, alors qu’il faudrait davantage aider l’agriculture familiale.

Le plan de relance élaboré après l’épidémie de Covid, qui a suscité de nombreux espoirs, est également un élément important de ce budget. Si son montant peut paraître énorme – de 750 à 800 milliards –, il est relativement faible comparé au plan élaboré par les États-Unis. À peine avait-il été lancé que les critères de convergence ont été rétablis. Par conséquent, si aucune modification n’est apportée au prochain cadre pluriannuel, son remboursement grèvera fortement le budget européen, alors qu’il faudrait à l’inverse investir massivement. Nous avons proposé de prévoir un roulement de la dette et de permettre à la Banque centrale européenne (BCE) de prêter directement aux États, sans passer par les marchés. Ces propositions n’ont pas été retenues, ce qui entraînera des conséquences potentiellement très graves.

Le manque de volonté politique se retrouve dans le secteur de la défense : on répète qu’elle doit être renforcée, à juste titre, tout en continuant à acheter massivement du matériel américain. Certes, l’urgence explique cette situation mais rien de sérieux n’est fait pour que cela change. Nous en sommes toujours à discuter de la possibilité, pour les entreprises américaines, de bénéficier des fonds européens dans le cadre des marchés publics, alors que nous ne devrions même pas en débattre !

En matière énergétique, les ambitions du plan REPowerEU n’ont pas été concrétisées. La dépendance énergétique a été aggravée par la guerre en Ukraine, alors que notre dépendance aux ressources fossiles russes perdure. Du pétrole russe continue d’être importé par l’intermédiaire de l’Azerbaïdjan ou de l’Inde : en atteste l’augmentation de 9 milliards des importations françaises de pétrole depuis l’Inde. S’ajoute à cela la dépendance au gaz de schiste des États-Unis, qui soulève des interrogations en matière sociale, écologique et géopolitique.

Le domaine des nouvelles technologies me tient particulièrement à cœur. Là encore, les résultats ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées. Nous sommes dans une phase de négociations informelles sur les moyens et les règlements européens relatifs au cloud souverain, qui est un enjeu fondamental. De nombreux acteurs économiques stockent leurs données stratégiques dans des clouds gérés par des entreprises privées étrangères, et ils s’en inquiètent. Des lois américaines permettent à ces dernières d’accéder immédiatement à ces données ; les experts le reconnaissent, mais selon la règle de Chatham House. Cette possibilité existe aussi en Chine mais il y a un relatif consensus pour s’en prémunir. En Europe, les négociations relatives à la certification SecNumCloud montrent qu’il n’existe pas de consensus.

La France a établi l’un des niveaux de protection de son cloud les plus élevés. L’ambition de SecNumCloud consiste à créer des clouds véritablement souverains et de les étendre à l’échelle européenne. Malheureusement, l’Allemagne a lâché l’affaire – si vous me permettez l’expression – et la France se retrouve isolée. Les géants du numérique, dits GAFAM, exercent une pression importante sur la Commission européenne. De ce point de vue, le départ de Thierry Breton ne constitue pas un bon signal, quoi que l’on pense de son bilan. Tous les négociateurs témoignent d’une stratégie de repli défensif consistant à essayer de sauver SecNumCloud au niveau national et à éviter qu’une réglementation moins-disante au niveau européen s’impose à la France. Je me permets d’insister sur ce point, car « souveraineté » restera un mot creux si nous ne sommes pas capables d’imposer un minimum de cohérence dans de tels domaines stratégiques.

Le débat sur la souveraineté européenne n’est pas nouveau. D’aucuns diront que la France a réussi à imposer ce terme dans les débats, ce qui n’est pas rien. L’ancien directeur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), que nous avions reçu il y a un an environ, expliquait que pour de nombreux partenaires européens, « souveraineté » était un gros mot. Il avait également qualifié de scandale la sélection d’Amazon pour travailler à l’élaboration de solutions de paiement pour le futur euro numérique, ajoutant que certains partenaires européens ne souhaitaient pas procéder autrement.

L’Union européenne est ainsi traversée par différentes visions du monde et différents intérêts, résultant de l’histoire de chacun de ses membres, ce qui complique toute progression en la matière. Nous devrons malheureusement faire un choix : soit nous parvenons à réunir une masse critique d’investissements dans le numérique – plusieurs dizaines, voire centaines de milliards –, ce qui n’est possible qu’à l’échelle européenne, avec une vision politique et un consensus en matière de réglementation permettant d’assurer notre souveraineté ; soit nous devrons nous contenter de l’échelle nationale, à laquelle il sera très difficile de réunir suffisamment de financements. En tout état de cause, ce que prévoit l’Union européenne n’est pas du tout à la hauteur des enjeux.

Je ne suis pas entré dans les détails du budget lui-même, puisque nous les ignorons. Dans ces circonstances, nous ne pouvons pas avoir un avis éclairé mais nous pouvons néanmoins débattre de ses grandes lignes. Par ailleurs, il me semble sain d’avoir une discussion politique libre à propos d’un budget, qui reflète des choix politiques et non pas techniques.

M. le président Bruno Fuchs. Je confirme la liberté de ton et de parole qui a cours dans cette commission. Au-delà des contraintes conjoncturelles inédites que nous connaissons cette année, nous recevons régulièrement des rapports et des contrats d’objectifs et de moyens (COM) dans des délais anormaux. Par conséquent, nous ne sommes pas en mesure de mener une analyse de fond de ces documents et il me semble difficile de contrôler l’action de l’État sans disposer du temps et des moyens nécessaires.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Je souscris aux propos d’Arnaud Le Gall et je partage sa réaction, lorsqu’il nous invite à émettre un avis défavorable à l’adoption de l’article 40 du projet de loi de finances pour 2025.

Nous devons faire de la politique : toutes les commissions se pencheront sur un budget incitant à réduire les dépenses, sauf peut-être celles qui sont concernées par des lois de programmation. Ainsi, je ne suis pas persuadé que le budget de la défense – y compris la part dévolue à l’arme nucléaire – sera réduit, contrairement à celui de la diplomatie. Même la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales risque de connaître des réductions de dépenses.

L’augmentation du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est colossale. En tant que communistes, nous n’avons jamais accepté l’idée d’un État fédéral européen, que nous continuons de contester. Nous n’acceptons pas non plus la baisse des recettes douanières de l’Union entraînée par les accords de libre-échange et en contrepartie de laquelle la contribution des États membres doit augmenter. C’est l’une des raisons, outre la protection de notre agriculture et de nos élevages, pour lesquelles nous sommes opposés à ces accords. De plus, il ne nous semble pas nécessaire, pour des raisons écologiques notamment, de faire venir de l’autre bout de la planète ce que nous pouvons produire chez nous.

Pour toutes ces raisons, nous pensons que les contribuables ne peuvent accepter le budget proposé.

Enfin, comme le groupe GDR l’a déjà dit, les prises de parole sont trop courtes pour que nous puissions nous exprimer de manière satisfaisante.

M. le président Bruno Fuchs. Le traité New Start, prolongé de cinq ans en 2021, viendra à échéance en 2026. Je souhaite que notre commission réfléchisse, suffisamment en amont, aux enjeux relatifs à l’arme nucléaire, qui seront au cœur des réflexions internationales en 2025.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. L’intervention de M. Lecoq n’appelle pas vraiment de réponse. J’en profite cependant pour aborder la question des modalités d’abondement du financement du budget européen, qui me semblent défavorables à la France. Il existe un débat sur le sujet des ressources propres, qui pourraient être amplifiées sans qu’il soit pour autant nécessaire de créer un État fédéral européen – que nous n’appelons pas non plus de nos vœux. Il serait judicieux que la France, qui œuvre en ce sens, sorte de son isolement et gagne un peu de poids au sein de la Commission européenne.

M. Kévin Pfeffer (RN). Monsieur le président, lors de l’audition du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, vous avez qualifié le PLF de « budget de rigueur ». Il semblerait pourtant que les efforts et la rigueur budgétaires ne concernent pas l’Union européenne : avec 23,3 milliards d’euros en 2025, le montant de la contribution de la France enregistrerait encore une augmentation de 7,9 % alors qu’il a déjà augmenté de 42 % depuis 2017. Les Français ne sont pourtant que les 22e bénéficiaires des dépenses de l’Union.

Le principe selon lequel les pays riches sont contributeurs nets et les pays moins riches, bénéficiaires nets n’est plus toujours respecté. Ainsi, la contribution de cinq pays ne figurant pas parmi les plus pauvres – l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède – a été réduite grâce à différents rabais, auxquels la France a majoritairement contribué puisqu’elle ne bénéficie d’aucun mécanisme de compensation – Emmanuel Macron refuse d’en négocier.

Au-delà de son montant, l’utilisation de notre contribution soulève également des interrogations concernant plus particulièrement : le budget de fonctionnement des institutions européennes ; l’échec des politiques migratoires censées protéger le continent ; la nuisance des politiques agricoles, compte tenu de la poursuite de la négociation de la ratification du traité de libre-échange avec le Mercosur, à l’encontre de l’intérêt de nos agriculteurs ; l’échec des politiques industrielles, qui se traduisent pour la France par des délocalisations ; l’échec des orientations énergétiques et la guerre menée de longue date contre l’énergie nucléaire ; l’action extérieure, la diplomatie et la volonté constante d’élargissement, dont le budget s’élevait en 2023 à 14 milliards d’euros, essentiellement consacrés à l’adhésion de pays que nous ne voulons pas accueillir – la Turquie a ainsi empoché près de 18 milliards au cours des trente dernières années.

Le 30 septembre dernier, la commission du commerce international du Parlement européen a décidé de verser 35 milliards d’euros à l’Ukraine, qui s’ajoutent aux 50 milliards déjà votés en mars 2024. Cet argent ne contribue même pas à l’effort de guerre, puisque de l’aveu même du commissaire, il servira à combler le déficit du prochain exercice budgétaire de l’État ukrainien, miné par la corruption ; ce n’est pas moi qui le dis mais le rapport de la Cour des comptes européenne. Par conséquent, alors que la France peine à boucler son propre budget, le groupe RN s’opposera fermement à l’adoption de l’article 40 du projet de loi de finances pour 2025. Les ministères, les collectivités territoriales, les entreprises et nos concitoyens seront tous mis à contribution par le Gouvernement. Nous estimons que l’Union européenne doit elle aussi participer à l’effort, d’autant que l’augmentation proposée n’est assortie d’aucune contrepartie, d’aucun renfort d’influence et d’aucun bénéfice nouveau pour les Français. Notre pays peine souvent à défendre ses volontés, voire perd en influence au sein de la Commission.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Le mécanisme de calcul du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est automatique. Ce montant se décompose comme suit : la plus grande part, 57 %, qui est calculée en fonction du revenu national brut (RNB) ; les droits de douane, qui ont beaucoup baissé en raison de la contraction du commerce international ces dernières années, indépendamment de l’entrée en vigueur de certains accords de libre-échange ; la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 0,3 % ; enfin, une ressource fondée sur les emballages plastiques non recyclés, à laquelle la France contribue largement en raison de ses mauvaises pratiques. Le calcul de cette contribution, très mal conçu, a néanmoins fait l’objet d’un rapport au vitriol de la Cour des comptes européenne.

Il n’est pas tout à fait vrai que les accords de libre-échange nuisent à nos agriculteurs. Afin de déterminer ceux d’entre eux qui sont réellement touchés, il faudrait lancer un vrai débat : celui que la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) refuse de mener. Les entrepreneurs agricoles, notamment les grands céréaliers – c’est-à-dire l’agrobusiness –, bénéficient énormément de ces accords, tout comme ils bénéficient de la PAC. À l’inverse, l’agriculture familiale, reposant sur la polyculture et les circuits courts, est perdante. Voilà le débat que nous devons mener, au sujet duquel les positionnements politiques seraient intéressants.

La PAC n’est pas tant un système d’aide qu’un système de modernisation agricole, comme on l’appelait pudiquement à une époque, visant à obliger les agriculteurs à adopter les règles du marché capitaliste et à opter pour une spécialisation extrême. C’est ainsi que nous nous retrouvons à devoir importer des fruits, tout en exportant de grandes quantités de blé : cela remet en question notre souveraineté agricole.

S’agissant de la Turquie, je vous renvoie à vos propres contradictions et à celles de vos alliés européens : nous lui versons autant d’argent pour la seule raison que nous avons institué les migrants comme une menace géopolitique centrale. La Turquie en profite pour faire du chantage.

Mme Amélia Lakrafi (EPR). Bien qu’elle soit technique, la question du prélèvement sur recettes au bénéfice de l’Union européenne ne peut que soulever les passions, tant elle traduit notre soutien au projet européen. Le rapport présenté par Arnaud Le Gall semble être un long réquisitoire destiné à discréditer ce projet, qualifié de « néolibéral », comme si l’Europe n’était qu’un grand marché progressivement destiné à être dominé par l’Allemagne. Ce réquisitoire conclut sur la perte d’influence de la France au sein de l’Union et la remise en question de l’utilité même d’une contribution à son budget.

Pourtant, même si elle est critiquable, l’Union européenne n’en demeure pas moins le seul ensemble géopolitique intégré et cohérent, permettant à la France et à ses voisins d’affronter la mondialisation. L’Europe reste notre premier cercle d’influence, ce qui n’est pas étranger au fait que nous soyons le deuxième contributeur net à son budget. La France en retire également beaucoup, notamment par le biais de la PAC, dont elle est le premier bénéficiaire. Plus important peut-être, l’Union demeure un espace normatif de régulation et de dialogue unique au monde, qui a apporté prospérité et paix pendant soixante-dix-sept ans : ce n’est pas un détail.

Si la contribution française est orientée à la hausse, c’est en très grande partie parce que le budget de l’Union a dû faire face à d’immenses défis au cours des dernières années : le Brexit, la crise du Covid et le plan massif de relance budgétaire qui en a découlé, ainsi que le soutien à l’Ukraine, indispensable pour ne pas déstabiliser la sécurité de tout le continent – pour n’en citer que quelques-uns.

Certes, notre taux de retour pourrait sans doute être amélioré ; c’est justement la raison pour laquelle nous souhaitons que les discussions relatives à un nouveau paquet de ressources propres progressent. Nous sommes dans l’attente d’une décision du Conseil à ce sujet. Votre rapport ne permet pas de saisir totalement votre position quant à cette démarche prévoyant un renforcement des ressources de l’Union européenne, qui a le soutien du groupe EPR.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. J’assume cette passion, comme j’assume de considérer que l’Union européenne ne représente aucune valeur ajoutée pour la France si elle est incapable de devenir une puissance géopolitique. L’Union n’est qu’un marché et nous pourrions discuter du nombre d’emplois qu’elle crée ou qu’elle détruit, des délocalisations industrielles réalisées dans l’est de l’Europe, qui bénéficient plus aux grandes entreprises qu’à la création d’emplois sur notre territoire. Cependant, tout cela étant difficilement chiffrable, les débats à ce sujet sont innombrables.

L’Union européenne n’est pas un ensemble géopolitique intégré et cohérent puisqu’elle n’est pas capable de trouver un accord sur un sujet déterminant pour son avenir : la certification SecNumCloud. Souhaite-t-elle rester une puissance dans le domaine crucial des nouvelles technologies ? Les États membres sont incapables de se mettre d’accord sur un règlement visant à nous protéger de l’extraterritorialité des États-Unis et de la Chine – des progrès concrets ont cependant été accomplis concernant cette dernière. La conflictualité géopolitique intervient aussi sur ce terrain et il n’y aura pas de cadeau. Tel que c’est parti, l’Union européenne est condamnée à être une variable d’ajustement dans l’affrontement entre la Chine et les États-Unis ; il suffit d’observer ce qui se déroule sous nos yeux. Quant à savoir si elle peut devenir un ensemble géopolitique intégré et cohérent, il s’agit d’un autre débat.

Oui, l’Union européenne a favorisé la paix sur le continent au cours des soixante-dix dernières années mais la paix s’explique également par d’autres facteurs. Hubert Védrine, dont vous ne remettrez pas en cause la légitimité, expliquait d’abord celle-ci par la configuration géopolitique issue de la Seconde guerre mondiale, où les deux superpuissances ont empêché leurs « ouailles » d’engager des conflits ; il l’expliquait également par la dissuasion nucléaire. Alors que ces conditions ne sont plus réunies, les tensions identitaires remontent en Europe. L’Union européenne ne garantit pas la paix civile.

M. Pierre Pribetich (SOC). Nous discutons de l’article 40 du projet de loi de finances, relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne. Rappelons que les 23,3 milliards d’euros visés contribuent à la création, à partir d’un marché, d’un ensemble géopolitique cohérent. Les socialistes sont favorables à la construction européenne. Celle-ci doit être équilibrée et bénéficier d’un budget digne de ce nom.

Nous débattons des ressources propres et des recettes de l’UE mais aussi de sa capacité à développer une politique industrielle. Pour qu’elle le puisse, nous devons participer à l’effort de solidarité, en finançant les politiques communes. Selon nous, il faudrait repenser le budget à partir d’une telle définition de la solidarité.

Si la France est le second pays contributeur au budget, elle est également le premier pays bénéficiaire de la politique agricole commune. Je félicite le rapporteur pour avis de promouvoir une refonte de la PAC en faveur de l’agroécologie, à la suite de Stéphane Le Foll, quand il était ministre sous François Hollande, car la PAC est un facteur de développement.

Il faut également traiter les menaces sur le plan écologique. L’apparition d’un continent de plastique appelle notamment des actions plus importantes et donc des recettes supplémentaires, qui nécessiteraient un rééquilibrage du budget.

Nous sommes favorables au prélèvement prévu à l’article 40 du PLF. Toutefois, pour avoir siégé à la commission du contrôle budgétaire de l’Union européenne, je trouve que les conditions de préparation de ce rapport décrites par le rapporteur pour avis sont inadmissibles. Jamais un parlementaire européen ne les aurait acceptées. Nous suivrons donc la position du rapporteur pour avis et émettrons un avis défavorable.

M. le président Bruno Fuchs. Sur le fond, en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas nous satisfaire de telles conditions d’analyse et de contrôle de la politique du Gouvernement. Nous avons été élus pour accomplir ces missions. Je comprends donc votre indignation et celle du rapporteur pour avis.

Notons toutefois que le temps de préparation de ce budget a été particulièrement contraint pour tout le monde. Nous ne pouvons que le déplorer.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Cette question nous concerne tous, indépendamment de nos conceptions de l’Union européenne et de ses rapports avec la France.

Pour notre part, nous sommes prêts à désobéir à certains aspects des traités européens, comme le font de nombreux pays. Il faut cesser d’être les bons élèves. Toutefois, il ne s’agit pas ici de s’afficher pour ou contre l’Union européenne, mais de réfléchir au modèle économique européen.

L’UE serait le seul espace géopolitique intégré, dites-vous. Je constate surtout que c’est le seul espace intégré qui a constitutionnalisé un modèle économique ; ni les États-Unis ni la Chine ne l’ont fait. Cela a donné aux États-Unis la flexibilité nécessaire pour faire passer l’Inflation Reduction Act en 2022, par exemple. Dans l’Union européenne en revanche, une vision très financière et monétaire du néolibéralisme a pris valeur de dogme.

M. Nicolas Forissier (DR). Le libéralisme semble être un gros mot, pour vous !

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. J’utilise le mot néolibéralisme pour décrire un modèle politique et économique. Ce n’est pas une insulte. Je ne m’offusquerais pas, pour ma part, si vous me disiez que je suis favorable à un modèle communiste.

Oui, des mécanismes de solidarité existent au sein de l’Union européenne, au niveau régional, notamment. Mais ceux-ci compensent-ils les énormes inégalités intérieures ? L’intégration européenne a réduit les inégalités entre États mais elle a fait exploser les inégalités internes aux États, à travers les délocalisations industrielles et la mise en concurrence des travailleurs, notamment.

M. Nicolas Forissier (DR). Vous utilisez à l’envi le mot « libéralisme », avec toutes sortes de préfixes – néo, ultra, et ainsi de suite –, comme si c’était une horreur totale. Mais pour ma part, je ne dis pas à M. Lecoq que le communisme est une horreur totale ! Évitons d’hystériser le débat.

Je n’ai pas bien compris votre propos sur la constitutionnalisation de l’espace économique européen. J’observe simplement que celui-ci constitue le premier espace commercial au monde. Il fait notre force. Même si les règles doivent être réformées progressivement, la solidarité économique qu’il permet est un atout pour la France. Je m’inscris en faux contre votre vision pessimiste.

M. le président Bruno Fuchs. Chers collègues, même si les incises peuvent se révéler utiles et riches, évitons de les multiplier et reprenons le cours de notre ordre du jour.

Mme Clémentine Autain (EcoS). Il est scandaleux que le rapporteur pour avis n’ait disposé des éléments nécessaires à la préparation de son avis budgétaire que dimanche soir, alors que celui-ci devait être prêt deux jours plus tard. C’est inadmissible et insultant pour notre commission.

Quant au contenu du rapport présenté, il est très riche et pose une question fondamentale : à quoi servent les sommes versées à l’Union européenne ? Cette question politique essentielle devrait être débattue dans l’hémicycle. Je redoute que le recours au 49.3 ne nous en empêche.

Le montant des prélèvements sur recettes au profit de l’UE augmente fortement : de 7,9 % cette année ; de 42 % depuis 2017. Même si cette augmentation est mécanique, elle doit être soulignée, alors que des efforts sont demandés aux Français, que la France doit faire passer un budget d’austérité et que les bénéfices liés à l’Union ne sont pas tout à fait perceptibles à l’échelle nationale ou européenne.

Le fait que le solde de notre participation à l’Union européenne soit négatif et que nous ne soyons classés qu’au 22e rang des bénéficiaires de l’UE ne me choque pas forcément. En effet, nous sommes un pays riche et nous devons nous montrer solidaires des autres États.

Le problème est que l’argent investi ne permet pas à nos voisins de faire vivre la protection sociale ou de lutter contre le réchauffement climatique. L’Union européenne marche sur la tête, sans stratégie pour le bien commun, ni politique face aux défis contemporains, notamment écologiques. Elle colmate plutôt les brèches, avec des plans de relance qui ne servent qu’à sauver son modèle de développement, très favorable au marché financier. La PAC tourne le dos à ses objectifs affichés et rate le défi agricole.

Le rapport montre, par contraste, que l’Inflation Reduction Act a permis aux États-Unis d’investir des centaines de milliards dans les énergies renouvelables, entre autres défis passionnants.

J’émettrai un avis défavorable sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne tel que prévu dans le budget. Quant au rapport présenté, il nous engage sur des questions fondamentales pour l’avenir de l’Union européenne.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Pour revenir à un échange antérieur, ce n’est pas proférer une insulte ou « hystériser » le débat que d’affirmer que l’Europe est néolibérale. Cette filiation économique et politique est d’ailleurs assumée.

L’Europe est le seul espace politique au monde qui a constitutionnalisé son modèle économique. Si les États-Unis peuvent financer des plans de relance qui permettent à leur industrie de se relever quinze ans après la crise de 2008, alors que les nôtres décrochent complètement, c’est parce qu’ils bénéficient du privilège exorbitant du dollar mais aussi parce qu’ils ne sont pas prisonniers des règles fixées dans les traités européens. Pensons au statut de la BCE – la Banque centrale européenne – par exemple.

En Europe, le libre-échange fait figure de dogme, alors que les États-Unis sont beaucoup plus pragmatiques. Vous nous accusez d’être pessimistes et d’attendre le chaos pour en profiter mais même M. Draghi émet des alertes rouges à chaque page de son rapport sur la compétitivité européenne.

M. Nicolas Forissier (DR). Son rapport est optimiste !

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Non, il est volontariste. Les conditions qu’il fixe pour que nous remplissions nos objectifs ne sont pas du tout réunies.

M. Frédéric Petit (Dem). Je trouve votre avis budgétaire intéressant et j’apprécie que vous sembliez partager une ambition pour l’Union européenne.

Vous considérez que l’Europe manque d’un projet géopolitique à cause de ses désaccords mais le projet géopolitique de l’Europe – qui constitue la grande rupture de l’après-guerre – est de rester ensemble, malgré les désaccords, et d’essayer de construire avec l’autre, même s’il est différent, poursuit des intérêts différents et parle une langue différente. La paix arrivera au Proche-Orient quand cette région bénéficiera d’un modèle approchant.

Vous prétendez par ailleurs que l’Europe a constitutionnalisé son modèle économique. Mais il n’y a pas de Constitution européenne, seulement des traités. Or ces traités évoluent. Par exemple, il aurait été inimaginable, il y a dix ans, que l’UE lance des emprunts pour investir. Vous souhaitez qu’une base industrielle de défense européenne soit construite mais, pour y parvenir, il ne faut pas un an, mais dix. Vous regrettez l’absence de vision européenne, pourtant l’UE s’est dotée de documents fixant des objectifs pour 2050 et 2055. Quel bloc politique du Parlement en fait autant ? En France, le personnel politique refuse de planifier les retraites à six ans, parce qu’il préfère satisfaire les électeurs avant la prochaine élection.

Évidemment, le modèle géopolitique européen est compliqué à construire, mais c’est parce qu’il est géopolitique, justement.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. C’est vrai, des emprunts européens pour l’investissement auraient été inimaginables il y a dix ou quinze ans. Leur création est un progrès ; j’espère qu’elle aura un effet cliquet. Notons toutefois que les conditions de remboursement de l’emprunt de près de 750 milliards d’euros, si elles ne sont pas modifiées, grèveront le plan de financement pluriannuel 2028-2034, comme nous l’avons compris lors de l’audition du secrétaire général des affaires européennes.

Oui, l’Union européenne a consigné des objectifs pour 2050, mais c’est tout. Le problème est l’écart entre ces objectifs et les conditions actuelles.

Pour atteindre la masse critique et peser face aux GAFAM, des dizaines voire des centaines de milliards d’euros d’investissements sont nécessaires. Seule l’UE en est capable mais elle refuse de créer un cloud souverain ou de fixer des réglementations trop dures. Chaque fois que nous chassons les GAFAM par la porte, ils reviennent par la fenêtre. Ils ont même obtenu la tête de Thierry Breton. Dès lors, le plan à long terme pour 2050 n’aura pas de traduction concrète dans ces domaines stratégiques.

Pourquoi l’Union européenne doit-elle emprunter sur les marchés pour prêter aux États ? C’est à de telles obligations que je fais référence quand j’affirme que le néolibéralisme est gravé dans le marbre des traités, plutôt que d’une Constitution, c’est vrai.

M. Pierre Pribetich (SOC). Pour construire le cloud, il faut des composants électroniques. Or, avec l’European Chips Act, l’Europe, dont vous n’êtes pas un chaud partisan, a mis sur la table plus de 50 milliards d’euros pour créer entre trois et cinq mégafabriques. C’est seulement si son budget atteint un volume suffisant que l’UE peut créer des politiques industrielles.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. C’est un cas d’école. Oui, un plan ambitieux pour les semi-conducteurs est nécessaire. Le marché existe et l’argent nécessaire est disponible dans l’Union européenne. Mais dès que nous avons commencé à formuler des ambitions, le leader européen du secteur, qui est aussi l’un des leaders mondiaux, la multinationale néerlandaise ASML est montée au créneau et a négocié en bilatéral avec les Américains pour s’en protéger.

M. Bertrand Bouyx (HOR). Comme de trop nombreux concitoyens, vous tombez dans l’analyse réductrice voire simpliste consistant à comparer le total de la contribution sur les recettes fiscales françaises avec ce que l’Union européenne investit en France. Vous êtes un thatcheriste qui s’ignore, puisque vous utilisez le même argument que les supporteurs du Brexit. On voit le résultat.

Par ailleurs, notre pays est le premier bénéficiaire de la politique agricole commune. Outre les aspects purement comptables, grâce au projet européen, les Français bénéficient de facilités pour étudier, travailler, se déplacer en Europe. Nos entreprises peuvent exporter et importer à moindre coût à travers le continent.

Vous regrettez que les recettes fiscales baissent en Europe mais elles baissent aussi dans les pays non européens avec lesquels nous travaillons. Je ne reviendrai pas sur le projet de paix que défend l’Europe, ni sur la surveillance des frontières qu’elle permet, ni sur le soutien à l’Ukraine.

Les enjeux stratégiques pour l’Union européenne sont nombreux, Vous le rappelez avec justesse, en citant les propos de M. Draghi sur la compétitivité en Europe. L’UE doit faire face à de nombreux défis, tels que la transition écologique, la sauvegarde de son industrie, la recherche, l’innovation, alors qu’elle ne dispose que d’un budget limité, équivalent à 1 % du produit intérieur brut (PIB) cumulé de ses États membres.

Vous vous plaignez que l’Union manque de moyens mais émettez un avis défavorable aux prélèvements qui lui sont destinés, à l’article 40 du projet de loi de finances. C’est contradictoire ! Pour que l’UE dispose du projet géostratégique que vous appelez de vos vœux, il faut lui accorder des moyens et non lui couper les vivres.

J’entends que vous avez dû élaborer le rapport dans des conditions déplorables, mais cela ne doit pas vous conduire à émettre un avis défavorable. Le groupe Horizons & indépendants émettra, lui, un avis favorable, compte tenu des enjeux géostratégiques que l’Europe doit relever.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Votre critique est facile. Il ne vous a pas échappé que les reproches que Mme Thatcher adressait à l’Union européenne étaient opposés aux nôtres. En caricaturant à peine, les Britanniques ont quitté l’Union européenne car ils lui reprochaient d’être socialiste.

Il n’est pas illégitime de demander que les Français sachent à quoi sert l’argent et quelle partie des fonds retourne en France. Certes, nous pourrions débattre longtemps de la part respective des retours directs et indirects, des coûts directs et indirects.

Quant à la PAC, elle ne servira qu’à écoper les effets destructeurs des accords de libre-échange que l’Union européenne négociera, si nous laissons faire. Dans cinq ou dix ans, quand les effets du traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande se feront sentir, accompagnés peut-être de ceux du traité avec le Mercosur, s’il est adopté, vous irez expliquer que la PAC nous protège ! L’UE déshabille Pierre pour habiller Paul.

Il n’est pas contradictoire d’émettre un avis défavorable sur ces prélèvements, motivé par le traitement inacceptable que subit par le Parlement, et de demander davantage de moyens. Le problème se pose chaque année. Bercy a pris le pli de ne transmettre les documents qu’au dernier moment. Le jaune n’est même pas encore publié ! Faute de pouvoir émettre un avis éclairé, je préfère débattre de l’UE.

Enfin, la vision politique manque, comme le montre l’exemple du SecNumCloud. Nous pourrons investir tous les milliards que l’on voudra, faute d’une réglementation très stricte en matière de cloud européen, ces sommes seront perdues. Elles serviront, comme c’est déjà le cas actuellement, à créer des licornes que les États-Unis rachèteront.

M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons maintenant aux interventions à titre individuel, M. Pierre-Yves Cadalen bénéficiant d’une certaine mansuétude de ma part en raison du fait que la voix du groupe LFI-NFP n’a pas été portée formellement par un orateur dans la phase précédente de nos échanges.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Je me joins aux protestations du rapporteur pour avis quant aux délais qui lui ont été imposés pour la préparation du rapport, au nom du groupe La France insoumise.

Le projet géostratégique de l’Union européenne nécessite non seulement des moyens financiers mais aussi une vision partagée, c’est-à-dire à la fois un modèle, un récit et des principes.

Actuellement, l’Union européenne promeut le néolibéralisme à l’échelle internationale. Par exemple, c’est parce que les directives européennes ont conduit à libéraliser le transport ferroviaire que davantage de marchandises sont acheminées par des camions que par le train dans notre pays, en dépit de tout souci écologique.

En outre, l’Union européenne n’a pas les moyens de proposer un récit propre, puisque l’idéologie néolibérale l’empêche de prendre à bras-le-corps la question écologique et de planifier la sortie des modes de production qui détruisent les milieux de vie.

J’en viens aux principes : les droits humains. Mme von der Leyen s’est rendue en Israël pour annoncer le soutien inconditionnel de l’UE à ce pays. Maintenons-nous cette position, désormais que des massacres ont été constatés ? Comment accepter que Mme von der Leyen ait pris une telle position, alors qu’elle ne disposait pas de mandat pour le faire ?

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Le secteur de l’électricité est représentatif de la tendance à la libéralisation économique à tout va. Il serait intéressant que Bercy chiffre le coût global du marché européen de l’électricité, en y incluant les milliards d’euros qu’a coûté le bouclier tarifaire. Le problème n’est pas que les prix aient été bloqués – ils l’ont d’ailleurs été à un niveau trop élevé – mais qu’il ait servi à compenser, auprès d’acteurs privés, des prix de l’électricité qui n’ont rien à voir avec les coûts de production.

De fait, dans le cadre de la création d’un marché européen de l’électricité, quand le prix de référence de l’électricité a été fixé, il l’a été au plus haut, notamment sous l’influence de l’Allemagne. La France y est perdante.

Pour notre part, nous sommes seulement favorables à l’intégration des infrastructures, qui permet d’envoyer de l’électricité partout en Europe, par solidarité, notamment. Un tel mécanisme existait bien avant la création du marché européen de l’électricité et la fixation de ses règles, qui ne correspondent pas à l’intérêt général.

Au sortir de la guerre froide, lors du tournant des années 2000, alors que les États-Unis trahissaient leur promesse de promouvoir un ordre mondial démocratique et s’enlisaient dans la guerre en Irak, la force de l’Union européenne a été de faire un pas de côté, grâce notamment à un accord entre la France et l’Allemagne, conclu malgré des dissensions. En revanche, le double standard européen actuel au Proche-Orient et en Ukraine éclate aux yeux du monde et affaiblit considérablement la parole de l’Union européenne. Celle-ci apparaît comme alignée.

M. Jérôme Buisson (RN). Selon l’institut Bruegel, l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne coûterait près de 19 milliards d’euros par an aux États de l’Union européenne. De plus, le salaire minimum en Ukraine est inférieur à 200 euros mensuels, si bien que le coût du travail y est inférieur à celui en Chine.

Ainsi, bien que nous soyons pleinement solidaires du calvaire du peuple ukrainien, nous refusons d’hypothéquer l’avenir français pour des élargissements aussi coûteux que néfastes. L’adhésion de l’Ukraine à l’UE, sans parler de la terrible concurrence qu’elle créerait pour notre industrie et notre agriculture, conduirait à augmenter encore notre contribution au budget européen. Monsieur le rapporteur pour avis, disposez-vous d’une estimation précise en la matière ?

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. J’ai de lourds désaccords avec vous sur l’Ukraine mais mon approche n’est pas de dire que quiconque questionnerait les modalités d’aide ou son adhésion à l’Union européenne serait mécaniquement pro-Poutine. L’adhésion n’est de toute façon pas possible en l’état, puisque ce pays est en guerre. Les dirigeants européens doivent cesser de se payer de mots.

Cette adhésion coûterait environ 200 milliards d’euros sur sept ans, dont 30 milliards pour la France. Nous y sommes opposés dans l’état actuel du fonctionnement de l’Union européenne, qui place les travailleurs en concurrence.

On commence à parler de négociations et de fin de la guerre. Les investisseurs sont déjà sur les rangs et les syndicats ukrainiens – ceux de Kiev et non les syndicats pro-russes du Donbass – critiquent déjà la préparation de la reconstruction, dans laquelle ils voient une opportunité. Il faut éviter que ce soit le contribuable européen qui se retrouve à payer des prêts qui garantiront surtout l’accès de quelques multinationales à ce marché.

M. Guillaume Bigot (RN). Dans l’état de crise financière grave de notre pays, on nous propose de poursuivre la hausse de notre contribution à l’Union européenne alors qu’elle menace de nous mettre à l’amende. C’est d’autant plus ubuesque que près de 1,9 milliard d’euros sont destinés à financer l’aide européenne au développement.

À ce titre, l’Union européenne avait offert à la Mauritanie, en décembre 2019, 250 chameaux dans le cadre d’une aide de 13 millions pour combattre le djihadisme alors que ce pays en comptait déjà 3 millions. Un récent rapport de la Cour des comptes européenne a révélé une immense gabegie : les 5 milliards du fonds de l’Union européenne pour l’Afrique destinés à endiguer la crise migratoire ont financé en Éthiopie l’achat de mixeurs pour des écoles dépourvues d’électricité et ont permis d’attribuer, en Gambie, trois fois la même aide à des bénéficiaires fantômes pour des projets inexistants. Autre exemple, plus grave : en Libye, dans les centres de détention financés par l’Union européenne – inaccessibles aux auditeurs –, les droits humains sont massivement violés. Sur 115 investissements examinés, 99 seraient des échecs. Les chiffres sont gonflés et les échecs camouflés.

L’idéologie européiste de nos dirigeants nous oblige-t-elle à fermer les yeux sur le fait que ces presque 2 milliards sont dépensés sans réel contrôle et rendent notre propre aide au développement invisible ou pouvons-nous espérer couper ce robinet qui alimente un tonneau des Danaïdes ?

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Je ne suis pas opposé à la contribution de la France à l’aide publique au développement de l’Union européenne mais je suis opposé à l’alignement de la politique étrangère de la France sur celle de l’Union car celle-ci est inexistante. Les grandes déclarations ne suffisent pas, il faut des accords à un niveau concret.

Les exemples que vous citez sont caricaturaux, hormis celui de la Libye. Dans ce dernier cas, les choses ne vont pas s’arranger, en partie grâce aux accords bilatéraux de vos amis italiens avec la Libye. On pourrait citer d’autres cas, comme celui du financement, au nom de la lutte contre l’immigration clandestine, des forces de soutien rapide au Soudan jusqu’en 2015-2016. Elles sont aujourd’hui l’une des deux factions d’une guerre civile totale. Je vous invite donc à réfléchir aux conséquences d’une vision purement sécuritaire de nos relations avec la Méditerranée.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). En 2026, la dette de l’Union européenne devrait atteindre 1 000 milliards d’euros et dépasser ainsi 5 % du revenu national brut des États membres. Paradoxalement, l’Union, toujours plus gourmande, peine à s’appliquer la rigueur budgétaire à laquelle elle astreint ses États membres alors qu’elle doit aussi rationaliser ses dépenses.

Je pense par exemple au budget de l’administration publique européenne qui, avec plus 14,5 milliards par an – soit presque 8 % du budget total et 305 000 euros par fonctionnaire européen par an –, est beaucoup trop élevé. La revalorisation automatique des traitements des fonctionnaires est notamment en cause. Elle a d’ailleurs obligé la France à augmenter de 5,6 % les crédits destinés à financer les dépenses administratives de l’Union.

Quel est votre point de vue sur ces dépenses ? Le système de revalorisation automatique ne vous paraît-il pas anachronique en cette période de disette budgétaire ?

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Les règles en la matière sont en partie fixées par le droit belge, puisque la plupart des fonctionnaires européens travaillent en Belgique. Il me semble normal que, au Parlement ou ailleurs, les gens aient les moyens de travailler. En revanche, je ne comprends pas que l’Europe incite fortement à réformer les systèmes de retraite mais ne le fasse pas pour ses hauts fonctionnaires. Les Français sont, à juste titre, choqués.

Le débat sur la dette européenne n’est pas très différent de celui sur notre dette. La question ne porte pas sur le niveau de la dette mais sur le point de savoir ce qu’on en fait. Je constate que les conditions de remboursement de la dette risquent de lourdement grever les effets attendus du plan d’investissement. Nous proposons que la BCE arrête de prendre de l’argent sur les marchés pour prêter directement aux États et que, plutôt que de tout rembourser maintenant, nous fassions rouler la dette. Les règles avaient d’ailleurs, à juste titre, été assouplies pour assurer la survie économique du continent mais elles ont été rapidement rétablies.

Mme Marine Hamelet (RN). La dette émise par l’Union européenne, destinée en partie à financer le plan de relance de 800 milliards d’euros, devra un jour être remboursée. Elle sera de 1 000 milliards en 2026. Vu que l’Union est de plus en plus gourmande et se refuse à rogner ses dépenses, sa dette ne pourra être remboursée que si les contributions nationales, financées par le contribuable, augmentent. Certes, l’Union propose de créer de nouvelles ressources propres, comme la ressource statistique temporaire, financée par l’excédent brut d’exploitation des entreprises, mais de telles ressources accélèrent l’autonomisation de l’Union par rapport aux États souverains pour aller vers un régime fédéral.

Que préconisez-vous pour le remboursement de cette dette ? Quel est votre avis sur la création de ressources propres ?

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. On peut être favorable à davantage de ressources propres, sans être favorable à une Europe fédérale stricto sensu.

Le mode de calcul actuel désavantage beaucoup la France. La création de nouvelles ressources propres, en plus de celles qui existent déjà, aurait mécaniquement pour effet, si on s’y prend bien, d’aplanir certaines distorsions internes, notamment fiscales, qui font de l’espace européen un espace de concurrence généralisé plutôt qu’un espace de solidarité, ce qui empêche l’Union d’être une puissance politique.

Je suis donc favorable à la création de nouvelles ressources propres, dont le montant actuel – environ 50 milliards – est assez ridicule. On pourrait notamment augmenter le taux de la contribution sur les bénéfices des entreprises, qui n’est que de 0,5 %.

M. Stéphane Rambaud (RN). La France s’est engagée à fournir jusqu'à 3 milliards d’aide militaire à l’Ukraine. À ce jour, nous avons livré pour 420 millions d’équipements militaires et versé 900 millions à la Facilité européenne pour la paix (FEP). Cet engagement de soutien à une population victime de l’agression russe est légitime sur le plan humanitaire.

Cependant, notre pays traverse une crise économique sans précédent. L’inflation flambe, le pouvoir d’achat des Français s’effondre et beaucoup peinent même à se chauffer. Les Français subissent de plein fouet la hausse des prix de l’énergie et des biens de première nécessité et ces difficultés sont aggravées par les choix économiques désastreux des macronistes depuis sept ans.

Dans ces conditions, comment justifier un tel engagement, d’autant que ces fonds risquent de disparaître dans un État au bord de la faillite et gangrené par la corruption ?

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Je refuse d’instrumentaliser ce sujet. Je vous invite plutôt à regarder les dizaines de milliards consacrés aux cadeaux fiscaux faits depuis huit ans sans contrepartie de création d’emplois ou d’investissements productifs ou au fonctionnement du marché européen de l’électricité qui oblige à quasiment subventionner des acteurs privés intermédiaires entre le groupe Électricité de France (EDF) et les acheteurs et consommateurs alors qu’ils se contentent de profiter de l’énorme différence entre les coûts de production réels et les prix fixés par le marché européen.

Ce ne sont donc pas quelques centaines de millions donnés en solidarité avec un peuple victime de la guerre qui vont changer la donne. L’aide à l’Ukraine, avant d’être une question financière, est une question géopolitique. Cette aide contribuera-t-elle à la reconstitution des capacités de production, notamment agricole, ou ne servira-t-elle qu’à accélérer l’intégration de l’Ukraine dans le marché européen ?

*

Article 40 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne (PSR-UE)

Amendement I-AE1 de M. Kévin Pfeffer

M. Kévin Pfeffer (RN). Nous sommes fermement opposés à toute augmentation de la contribution à l’Union européenne et défendons sa réduction pour revenir aux niveaux d’il y a quatre ou cinq ans. Nous proposons donc par cet amendement de réduire notre contribution d’environ 3 milliards par rapport à la loi de finances pour 2024.

Il s’agit de mieux défendre les intérêts financiers de la France, qui resterait d’ailleurs contributrice nette, et d’inciter l’Union européenne à rationaliser davantage ses dépenses. Celle-ci est toujours très prompte à nous donner des leçons budgétaires : à elle désormais de faire ses preuves car ses dépenses de fonctionnement sont parfois hors de contrôle, comme le montre l’augmentation, entre 2022 et 2023, de 13 % des salaires des fonctionnaires européens pour tenir compte de l’inflation alors que le salaire moyen est de 7 000 euros. Au vu de l’augmentation exponentielle des dépenses de l’Union et de l’accaparement de nouvelles compétences, notamment diplomatiques, par la Commission européenne – auquel le président de la République ne trouve rien à redire –, la contribution de la France ne peut qu’augmenter dans les années à venir.

Que dire de la dette européenne, qui s’ajoute à la dette française que nous léguera Emmanuel Macron ? Elle était de 350 milliards d’euros en 2022 et devrait atteindre 1 000 milliards en 2026. Qu’en sera-t-il en 2040 ?

Nous nous opposons également à la création de nouvelles ressources propres de l’Union européenne car elle ne se traduira nullement par une baisse de la contribution des États. Ces ressources ne feraient que compenser des pertes liées à l’abandon de droits de douane à la suite de nouveaux accords de libre-échange. L’Union ne semble pas vouloir changer de logiciel sur ce sujet. Ces ressources propres ne seront donc que de nouveaux impôts à la charge des Français et de nos entreprises.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Les ressources propres ne posent qu’une seule question : pour quoi faire ? Si nous étions aux affaires, nous ne soutiendrions la création de ressources propres qu’à condition qu’elle s’accompagne d’un changement des modalités d’emprunt et de règlement de la dette au niveau européen afin d’éviter que le produit de ces nouvelles ressources ne soit affecté à fonds perdu.

Je suis très attaché à l’indépendance et à la souveraineté nationales mais il existe des projets pour lesquels l’échelon national n’est pas suffisant, comme celui du SecNumCloud. Nous disposons d’excellents experts et de grands ingénieurs et nous pourrions donc construire quelque chose au niveau national qui tienne la route mais nous ne réunirons jamais les masses budgétaires nécessaires pour concurrencer les GAFAM.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Avant le vote sur l’article, je précise que mon avis est négatif pour marquer notre réprobation des conditions dans lesquelles nous devons faire notre travail. Je pense que, au-delà de nos désaccords sur le fonctionnement de l’Union européenne, nous sommes tous d’accord pour dire que nous ne pouvons pas travailler sans les jaunes budgétaires. Ce n’est pas sérieux.

M. Nicolas Forissier (DR). Je suis également rapporteur pour avis budgétaire de cette commission et j’ai été rapporteur spécial à la commission des finances pendant des années. C’est effectivement insupportable. Nous recevons les éléments nécessaires à notre travail au dernier moment. Je dois moi-même présenter mon avis budgétaire dans quelques jours alors que je n’ai reçu des réponses qu’hier.

Monsieur le président, je pense que vous devez le dire de manière précise car il y a unanimité sur ce point.

M. le président Bruno Fuchs. Je partage ce point et je l’ai déjà dit dans d’autres enceintes.

M. Frédéric Petit (Dem). Je rappelle que, du temps où Marielle de Sarnez présidait cette commission, nous avions refusé d’examiner un rapport car il était arrivé trop tard.

M. Stéphane Hablot (SOC). Je pense que nous sommes nombreux à soutenir l’avis défavorable du rapporteur pour les raisons qu’il a évoquées mais il faut une suite : monsieur le président, pouvez-vous vous engager à interpeller Bercy pour que cela ne se reproduise plus, quitte à voter une motion sur le principe ?

M. le président Bruno Fuchs. Je vais bien évidemment porter ce point.

La commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 40 non modifié.

M. Frédéric Petit (Dem). Notre commission vient de voter pour quitter les traités européens !

Mme Clémentine Autain (EcoS). Évitons ce type de commentaire qui me rappelle la bataille du traité constitutionnel européen dans laquelle on accusait ceux qui s’opposaient à telle ou telle modalité de la construction européenne d’être contre l’Europe. Ne caricaturons pas le débat, c’est insupportable !


 

   Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées
par le rapporteur pour avis

 

 

 


([1]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32020R2093

([2]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32020Q1222%2801%29

([3]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:32020D2053

([4]https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52024DC0110

([5]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32020R2092

([6]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:31988D0376

([7]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A31970D0243

([8]) En prévision.

([9]) Ibid.

([10]) Il est à noter que la France contribue proportionnellement plus que les autres États membres à travers la ressource plastique, car ses performances en matière de recyclage sont comparativement moins bonnes.

([11]) The future of European competitiveness – a competitiveness strategy for Europe, M. Draghi, 9 septembre 2024.