N° 462

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2024.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324)

TOME V

ÉCONOMIE

ÉCONOMIE SOCIALE, SOLIDAIRE ET RESPONSABLE

PAR M. Paul MIDY

Député

——

 

 Voir les numéros : 324 (Tome III Annexe 20).

 


SOMMAIRE

___

Pages

introDuction

Première ambition : Renforcer immédiatement le soutien de l’ÉTAT À L’ACCOMPAGNEMENT DES acteurs de l’ESS face aux contraintes budgétaires et À la conjoncture économique difficile

I. Une programmation budgétaire Contrainte et inadaptée aux besoins réels de l’ESS, mais qui doit viser une efficience accrue

1. Des crédits consacrés au soutien à l’économie sociale et solidaire en baisse et insuffisants au regard des besoins et de la taille du secteur

2. Une diminution alarmante des moyens budgétaires des autres programmes susceptibles de concourir au financement de l’ESS

3. Un suivi budgétaire toujours éclaté mais en voie de précision

II. UN RENFORCEMENT BUDGÉTAIRE INDISPENSABLE POUR L’INVESTISSEMENT À IMPACT ET L’ACCOMPAGNEMENT TERRITORIAL, CONTRARIÉ PAR LA RÉDUCTION ACTUELLE DES CRÉDITS

1. La sous-action 1 – Développement de l’économie sociale et solidaire : Un frein budgétaire regrettable au détriment des contrats à impact et au soutien des têtes de réseaux de l’ESS

2. Une diminution des crédits alloués aux sous-actions 2 et 3, en inadéquation avec les besoins croissants d’accompagnement territorial des acteurs de l’ESS.

Deuxième ambition : Reconnaître pleinement l’apport des acteurs de l’ESS à la société et les intégrer durablement dans le droit commun

I. Valoriser davantage l’impact social et environnemental d’un secteur innovant, face à un soutien public encore insuffisant

A. Un soutien public encore en deçà des besoins réels du secteur de l’ESS

1. Un secteur en plein essor et dynamique mais sous-financé

2. Un secteur innovant mais sous-financé en comparaison du soutien accordé à l’innovation technologique

B. Valoriser l’écosystème ESS : assurer la transparence et la cohérence des financements pour mieux évaluer son impact social et environnemental

1. Structurer les outils d’évaluation pour valoriser l’impact de l’ESS

2. Optimiser le cadre budgétaire pour une stratégie de soutien à l’ESS

II. Aligner le cadre juridique et fiscal pour intégrer pleinement l’ESS dans l’économie de droit commun, tout en stimulant son dynamisme

A. Assurer un accès équitable à la commande publique et aux fonds européens pour les acteurs de l’ESS et ceux ayant un impact social et environnemental.

1. Faciliter l’accès des acteurs de l’ESS à la commande publique

2. Renforcer l’accès des acteurs de l’ESS aux fonds européens

B. Combler les écarts fiscaux pour libérer le potentiel de l’ESS

1. Engager une réflexion sur la réforme de la taxe sur les salaires pour favoriser l’emploi dans l’ESS

2. Engager une réflexion sur une harmonisation de certains dispositifs fiscaux entre l’ESS et les entreprises traditionnelles

C. Renforcer les financements de l’innovation sociale et environnementale pour les aligner avec ceux de l’innovation technologique.

1. Valoriser et soutenir l’innovation sociale au sein de l’ESS pour renforcer son impact écologique et sociétal

2. Permettre aux entreprises de l’ESS d’accéder aux mécanismes fiscaux existants de soutien à l’innovation

Troisième ambition : Porter une ambition forte pour les 10 prochaines années avec un plan national de mobilisation autour de l’ESS et de l’IMPACT

I. Fixer des objectifs clairs et engager une gouvernance politique ambitieuse

A. Objectifs ambitieux : Doubler le secteur de l’ESS et DE L’impact d’ici 10 ans

B. Renforcer l’animation territoriale et le portage politique de l’ESS

1. Assurer un portage politique durable et fort de l’ESS

2. S’appuyer sur les dispositifs d’ingénierie territoriale existants pour permettre un passage à l’échelle de l’ESS

3. Lancer une campagne de communication nationale relative à l’ESS

II. Financer et mobiliser l’ensemble des acteurs dans une dynamique nationale

A. Renforcer l’écosystème de financement de l’ESS et de l’impact pour une mobilisation nationale

1. Révolutionner l’impact social et environnemental : un plan d’innovation sociale pour l’ESS

2. Le plan « France 2030 » doit être prolongé et renforcé avec un nouveau plan « France 2050 », intégrant pleinement l’innovation sociale et écologique, ainsi que les acteurs de l’ESS et de l’impact.

3. L’"IR-JEI Midy" : Un outil renforcé et adapté pour soutenir le financement des entreprises dans l’ESS.

B. Mobiliser les Français et les entreprises traditionnelles autour de l’ESS

1. Impliquer davantage le secteur privé traditionnel

a. Promouvoir un scoring de l’impact social et environnemental des entreprises

b. Encourager les collaborations stratégiques et les conversions entre l’économie traditionnelle et l’ESS

c. Réfléchir à la fiscalité de demain pour une transition écologique et sociale

2. Impliquer davantage les français à soutenir l’ESS

a. Former les jeunes générations et encourager l’engagement citoyen et entrepreneurial

b. Mieux flécher l’épargne des français vers l’ESS et l’impact

EXAMEN EN COMMISSION

liste des Préconisations

LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

 

 


 

   introDuction

Votre rapporteur tient à exprimer sa profonde gratitude envers l’ensemble des acteurs et organisations qui ont pris part à ses travaux, enrichissant la réflexion par leurs témoignages concrets et éclairés. Ces échanges ont permis de mieux cerner les enjeux du projet de loi de finances pour 2025, en particulier les crédits alloués à l’économie sociale et solidaire (ESS). Secteur essentiel à la vitalité sociale, écologique et économique de notre pays, l’ESS se trouve aujourd’hui à un tournant décisif, tiraillée entre des ambitions de développement et des contraintes de financement qui en limitent la portée.

La création d’un ministère dédié à l’ESS, rattaché à Bercy, constitue une avancée importante pour la reconnaissance institutionnelle de ce secteur. Cette visibilité accrue ouvre la voie à une meilleure structuration de l’ESS, en cohérence avec les priorités économiques nationales. Cependant, il ne suffit pas de reconnaître l’importance de l’ESS ; encore faut-il lui accorder les moyens nécessaires à sa pleine réalisation. Le présent rapport vise à analyser les crédits alloués à l’ESS dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, inscrits à l’action 04 du programme 305 « Stratégie économique ». Cette action regroupe les dispositifs de soutien aux têtes de réseaux, aux dispositifs locaux d’accompagnement (DLA), aux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), et aux contrats à impact social.

Consacrée par la loi du 31 juillet 2014, dite « loi Hamon », l’ESS est conçue comme une alternative au modèle capitaliste traditionnel et privé lucratif. Fondée sur des valeurs de partage de la valeur, de gouvernance démocratique, et de finalité sociale et environnementale, l’ESS repose sur un modèle de non-lucrativité ou de lucrativité limitée, à rebours des logiques de profit maximisé. En ce sens, elle répond aux défis d’une société en quête d’une économie plus juste et plus durable. Cependant, il est légitime de s’interroger sur la vision que le Gouvernement actuel porte à l’ESS. S’agit-il d’une simple niche économique ou d’un véritable vecteur de transformation ?

Il apparaît clairement que les moyens budgétaires alloués à l’ESS, en baisse pour le PLF 2025, sont insuffisants au regard des besoins réels du secteur. Avec une contribution de 10 % au produit intérieur brut (PIB) et de 14 % à l’emploi privé, l’ESS est un pilier de l’économie française, mais ses dotations budgétaires spécifiques ne sont pas à la hauteur de ce qu’elle représente. Le projet de loi de finances pour 2025 illustre malheureusement ce décalage persistant, malgré une amélioration notable du suivi budgétaire grâce au rapport prévu par l’article 185 de la loi de finances 2022 et à la perspective de production d’un document de politique transversale (DPT).

Telles sont les raisons pour lesquelles votre rapporteur émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de l’action 04 du programme 305 « Stratégie économique ».

Ce contexte soulève des attentes importantes. Votre rapporteur considère que le dixième anniversaire de la loi Hamon est l’occasion de repenser notre soutien à l’ESS et à l’impact. Les acteurs du secteur expriment une satisfaction globale quant à la reconnaissance de leur mode d’entreprendre, mais déplorent le manque de volonté politique et de moyens financiers pour en déployer tout le potentiel. Loin de proposer une révision de cette loi fondatrice, votre rapporteur plaide pour un plan de mobilisation et de développement à long terme, une loi de programmation pluriannuelle, avec des financements indispensables pour renforcer le poids de l’ESS dans notre économie et notre société.

L’ESS ne se contente pas de compenser des faiblesses du secteur privé ou public, elle incarne un maillon crucial du développement territorial et de la cohésion sociale. En apportant des réponses locales aux défis globaux, en protégeant les plus vulnérables, et en favorisant l’innovation sociale et écologique, l’ESS représente un véritable filet de sécurité pour notre société et un modèle de développement. Grâce à son action, des coûts publics significatifs sont évités, tandis que des activités économiques essentielles sont préservées dans des territoires fragilisés. Il serait donc une erreur de ne pas offrir à ce secteur les moyens financiers nécessaires pour continuer d’assurer ce rôle vital.

Votre rapporteur appelle ainsi à trois grandes ambitions :

  1. Renforcer immédiatement le soutien de l’État aux acteurs de l’ESS pour faire face aux contraintes budgétaires et à la conjoncture économique difficile.
  2. Reconnaître pleinement l’apport des acteurs de l’ESS à la société en les intégrant durablement dans le droit commun économique, tout en maximisant leur impact social et environnemental.
  3. Porter une ambition forte pour les dix prochaines années, avec un plan national de mobilisation autour de l’ESS et de l’impact, à l’instar, de ce qui a été fait pour la French Tech.

Ces ambitions doivent s’accompagner de moyens financiers conséquents. Dans un contexte où l’État doit rendre des comptes à la Commission européenne d’ici 2025, dans le cadre de la recommandation du Conseil de l’Union européenne sur l’ESS, il est essentiel d’engager des réformes ambitieuses et structurantes. L’ESS incarne une économie de l’insertion, de la protection et de l’innovation sociale, contribuant de manière significative au bien-être de millions de citoyens.

 

 


   Première ambition : Renforcer immédiatement le soutien de l’ÉTAT À L’ACCOMPAGNEMENT DES acteurs de l’ESS face aux contraintes budgétaires et À la conjoncture économique difficile

L’ESS n’est pas épargnée par le contexte de contraintes et d’économies budgétaires. Bien qu’essentielle à la cohésion sociale et au dynamisme économique, l’ESS est confrontée à une réduction des crédits pour 2025. L’action 04 du programme 305, dédiée à l’ESS, connaît une diminution des crédits, appliquée de manière uniforme à toutes les sous-actions.

Votre rapporteur considère que l’accompagnement de l’ESS, qui contribue largement à la société en évitant des coûts publics, ne devrait pas être pénalisée par les efforts budgétaires actuels. L’ESS apporte une utilité sociale majeure et un impact positif, en permettant à l’État d’éviter des coûts considérables. Réduire son budget reviendrait non seulement à pénaliser des acteurs économiques engagés dans le bien commun, mais aussi, à terme, à alourdir les dépenses publiques.

Votre rapporteur plaide pour un renforcement du soutien budgétaire destiné à l’accompagnement des acteurs économiques et sociaux engagés pour le bien commun. Dans un contexte où les financements globaux dont bénéficie l’ESS via d’autres programmes risquent de diminuer, il est essentiel d’augmenter les moyens alloués à cet accompagnement, actuellement fixés à 16,8 millions d’euros (AE). Cela permettra d’assurer un soutien efficace à ces acteurs, malgré les contraintes budgétaires actuelles.

I.   Une programmation budgétaire Contrainte et inadaptée aux besoins réels de l’ESS, mais qui doit viser une efficience accrue

1.   Des crédits consacrés au soutien à l’économie sociale et solidaire en baisse et insuffisants au regard des besoins et de la taille du secteur

Votre rapporteur constate le niveau des crédits alloués à l’ESS, qui s’élèvent pour le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 à 15,6 millions d’euros en crédits de paiement (CP) et 16,8 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE), est en décalage avec les ambitions et la portée du secteur, qui représente 10 % du produit intérieur brut (PIB) et 14 % des emplois privés en France ([1]).

Les crédits alloués au soutien de l’économie sociale et solidaire (ESS) connaissent une diminution notable en 2025, après un gel de crédits intervenu en 2024, dans un contexte de contrainte budgétaire pesant sur l’ensemble des actions du programme 305. Cette diminution est appliquée de manière homogène à l’ensemble de l’action 04, avec une baisse de 18,8 % en AE et de 24,9 % en CP entre le PLF pour 2024 et le PLF pour 2025. Plus spécifiquement, les réductions budgétaires concernent de manière homothétique toutes les sous-actions de l’action 04 portant sur le développement de l’ESS et le soutien à l’investissement à impact (sous-action 01), le dispositif local d’accompagnement (sous-action 02) et les pôles territoriaux de coopération économique (sous-action 03). Cette baisse intervient dans un contexte où, lors du précédent PLF, l’augmentation des crédits dans le PLF pour 2024 avait été saluée, avec une hausse de 8,2 % en CP.

Votre rapporteur souligne que, même en prenant en compte les crédits des autres programmes qui pourraient être alloués à l’ESS, ces dotations demeurent insuffisantes pour répondre aux besoins d’un secteur en pleine expansion et essentiel au tissu socio-économique. La réduction des crédits prévue pour 2025 apparaît en décalage avec les ambitions affichées pour l’ESS. Elle ne prend pas en compte les défis actuels auxquels ce secteur est confronté, ni la nécessité de renforcer son accompagnement, alors même que les financements provenant d’autres programmes budgétaires risquent de diminuer.

ÉVOLUTION DES crÉdits de l’action 04-ÉCONOMIE SOCIALE, solidaire et responsable (2020-2025)

(en millions d’euros)

 

 

PLF

2021

 

PLF 2022

PLF 2023

PLF

2024

PLF

2025

 

Évolution PLF 2024-PLF 2025

 

Sous-action 1 Développement de l’économie sociale et solidaire

AE ([2])

 

8,75

 

7,3

 

 

5,54

 

5,6

 

4,55

 

- 18,83%

CP ([3])

8,80

7,95

7,01

8,7

6,53

- 24,9%

Sous-action 2

Dispositif local d’accompagnement

AE

10,4

11,9

11,45

11,5

9,33

- 18,83%

CP

10,4

11,3

11,45

11,5

8,64

- 24,9%

Sous action 3

Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE)

AE

SO

SO

2,23

2,2

1,79

- 18,83%

CP

SO

SO

2,23

2,2

1,65

- 24,9%

TOTAL

AE

19,152

19,203

19,22

19,22

15,6

- 18,83%

CP

19,196

19,246

20,69

22,38

16,8

- 24,9%

Source : Projets annuels de performances (PAP) pour 2023, 2024 et 2025.

2.   Une diminution alarmante des moyens budgétaires des autres programmes susceptibles de concourir au financement de l’ESS

Votre rapporteur déplore également que le projet de loi de finances pour 2025 propose une diminution globale des crédits relevant de programmes budgétaires susceptibles de contribuer au développement de l’économie sociale et solidaire, sans toutefois y être entièrement consacrés.

 le programme 163 « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » : le projet de loi de finances initiale pour 2024 propose de reconduire les crédits de l’action n° 1 « Développement de la vie associative » à 55,59 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit une baisse du niveau des crédits de près de 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 (57,88 M€) ;

– le programme 147 « Politique de la ville » constitue le support budgétaire des financements spécifiques en matière de soutien à la politique de la ville : il est proposé de porter les crédits à 549,58 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement en 2025 (contre 634,53 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement dans la loi de finances initiale pour 2024, soit une diminution de 13,4 %).  Ces crédits viennent s’ajouter aux crédits et moyens de droit commun de l’État et des collectivités locales déjà mobilisés au profit des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ;

– le programme 102 « Accès et retour à l’emploi » de la mission « Travail et emploi » présente dans le projet de loi de finances pour 2025 un financement qui, à première vue, semble en hausse pour les structures d’insertion par l’activité économique (IAE). Les crédits alloués s’élèvent à 1 883,5 millions d’euros en autorisations d’engagement, dont 360,9 millions d’euros correspondent à un ajustement technique visant à mieux aligner les décaissements sur la durée des contrats. Une fois cet ajustement technique pris en compte, le montant effectivement destiné à l’IAE pour 2025 est de 1 522,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 497 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation modeste de 1,5 % par rapport aux 1,5 milliards d’euros alloués en 2024. Dès lors, les financements réels consacrés à l’accompagnement direct des acteurs de l’IAE demeurent globalement stables par rapport à l’année précédente.

3.   Un suivi budgétaire toujours éclaté mais en voie de précision

Votre rapporteur constate et déplore l’éclatement des crédits alloués à l’économie sociale et solidaire (ESS), répartis entre plusieurs programmes budgétaires tels que le programme 147, le programme 102 et le programme 163. Cette fragmentation rend difficile la consolidation des montants réellement alloués à l’ESS. Cette situation avait déjà été relevée par M. Charles Fournier, rapporteur budgétaire pour avis sur l’ESS relatif au PLF pour 2024. C’est pour cette raison que votre rapporteur préconise, en seconde partie de ce rapport ([4]), la mise en place d’un document de politique transversale (DPT), souvent appelé « orange budgétaire », qui serait publié chaque année par le Gouvernement à l’occasion de l’examen du PLF. Ce document permettrait de regrouper l’ensemble des crédits destinés à l’ESS pour une meilleure visibilité et une évaluation claire des moyens mobilisés.

Néanmoins, votre rapporteur constate une amélioration récente du recensement et de l’évaluation des crédits budgétaires alloués à l’ESS. À cet égard, il salue la qualité du rapport réalisé dans le cadre de l’article 185 de la loi de finances pour 2023 ([5]), qui constitue une avancée significative vers un « orange budgétaire ». Ce rapport présente une vision plus complète des moyens financiers alloués à l’ESS par l’État.

Répartition des 10 MILLIARDS D’EUROS de crédits versés par l’État
par famille juridique de l’ESS

Source : Gouvernement, Rapport d’information article 185 de la loi de finances pour 2023, 2023.

Loin de se limiter à l’action 04 du programme 305, ce document révèle qu’en 2022, l’État a alloué plus de 10 milliards d’euros à l’ESS sous forme de subventions et de prestations de services, répartis sur 118 489 versements couvrant 36 missions et 105 programmes budgétaires. Les subventions constituent la majeure partie des crédits versés aux associations et fondations, tandis que les coopératives ont bénéficié à parts égales de subventions et de prestations de services. Pour les mutuelles, 80 % des crédits reçus sous forme de subventions sont destinés à des ménages.

En complément de ces soutiens directs, l’intervention indirecte de l’État, à travers des dépenses fiscales (4,544 milliards d’euros) et des dispositifs de contrats aidés (1,148 milliard d’euros), porte l’intervention publique directe et indirecte à un total de 15,693 milliards d’euros.

En incluant l’intervention des banques publiques, ce montant atteint 17 milliards d’euros en faveur de l’ESS.

Ce chiffre de 16 milliards d’euros reste cependant sous-estimé, car il ne prend pas en compte les fonds européens fléchés vers l’ESS, dont le chiffrage demeure complexe, ni les financements des collectivités territoriales, qui représentent également une part importante du soutien public à l’ESS.


Cartographie des dépenses des personnEs publiques
en faveur de l’ESS en 2022

 

Montant

(en Mds €)

Subventions et prestations de service par l’État

10, 001

Dépenses fiscales

4, 544

Contrats aidés

1, 148

Sous-total (dépenses directes et indirectes par l’État)

15, 693

Bpifrance

0,372 ([6])

Caisse des dépôts et consignations

1, 429 ([7])

Sous-total Opérateurs de l’État

Estimation non disponible

Sous-total Organismes de sécurité sociale

Estimation non disponible

Sous-total Collectivités territoriales

Estimation non disponible

Sous-total Union Européenne

Estimation non disponible

TOTAL

Supérieur à 17, 5 ([8])

Source : Gouvernement, Rapport d’information article 185 de la loi de finances pour 2023, 2023

Votre Rapporteur émet donc une réserve concernant le suivi des fonds européens alloués à l’ESS, car le rapport en question ne permet pas de déterminer précisément leur montant, soulignant ainsi une lacune à combler pour une vision budgétaire véritablement exhaustive.

Les collectivités locales, les opérateurs de l’État, les agences publiques (telles que l’Agence de la transition écologique), les organismes de la sécurité sociale et les banques publiques (notamment la Banque publique d’investissement et la Caisse des dépôts et consignations) participent aussi activement au financement de l’ESS. Afin d’assurer une vision stratégique claire avec des objectifs précis pour l’ESS, votre rapporteur considère qu’il est essentiel de formaliser cette démarche avec un document de politique transversale (DPT) dédié à l’ESS. Ce DPT permettrait de suivre de manière cohérente l’impact des fonds publics sur le développement de l’ESS.

II.   UN RENFORCEMENT BUDGÉTAIRE INDISPENSABLE POUR L’INVESTISSEMENT À IMPACT ET L’ACCOMPAGNEMENT TERRITORIAL, CONTRARIÉ PAR LA RÉDUCTION ACTUELLE DES CRÉDITS

  1. La sous-action 1 – Développement de l’économie sociale et solidaire : Un frein budgétaire regrettable au détriment des contrats à impact et au soutien des têtes de réseaux de l’ESS

Le rapporteur déplore la baisse des crédits budgétaires alloués à la sous‑action 1 de l’action 04 du programme 305, ayant un effet direct sur les contrats à impact et le soutien aux têtes de réseaux de l’ESS, essentiels pour l’accompagnement des acteurs du secteur. Cette diminution concerne les ressources affectées aux contrats à impact social (CIS), qui visent à financer des projets à fort impact social et environnemental en phase d’amorçage ou de passage à l’échelle, ainsi que les têtes de réseaux, indispensables au développement et à la structuration de l’ESS. Cette baisse est d’autant plus regrettable qu’elle intervient alors que le secteur doit répondre à des défis majeurs dans un contexte de transition écologique et sociale.

Les crédits alloués au développement de l’économie sociale et solidaire dans le cadre de la sous-action 1 ont connu une baisse significative entre le PLF pour 2024 et le PLF pour 2025. Les autorisations d’engagement (AE) passent de 5,6 à 4,55 millions d’euros, soit une diminution de 18,7 %, et les crédits de paiement (CP) chutent de 8,7 à 6,53 millions d’euros, représentant une baisse de 24,9 %. Cette baisse est comparable à celles observées dans les autres sous-actions du programme, notamment le DLA et les PTCE, démontrant un recul global des crédits destinés à soutenir l’ESS.

Avec les orientations budgétaires du PLF pour 2025, votre rapporteur considère que les contrats à impact deviennent un levier d’innovation sociale sous-financé au regard de leurs effets en matière économique et de coût évité pour la société.

Les contrats à impact (CI) sont des dispositifs innovants qui permettent de financer des projets sociaux tout en mesurant leur impact à travers des indicateurs certifiés par des évaluateurs indépendants. Bien que prometteurs, les CI peinent encore à se généraliser en raison de leur complexité administrative et des montages financiers difficiles à mobiliser. Le rapporteur regrette la diminution des financements dédiés aux CI, car ces dispositifs permettent non seulement de financer des projets à impact, mais aussi de réaliser des économies pour les finances publiques à travers une meilleure gestion des services sociaux.

En cohérence avec la feuille de route ministérielle du précédent gouvernement visant à « massifier les contrats à impact », les ressources accordées aux investissements à impact social (IIS) avaient progressé dans le PLF pour 2024, avec une augmentation de 24 % des crédits de paiement. Cependant, la baisse prévue dans le PLF pour 2025 compromet cet élan, alors que les besoins pour ces contrats restent importants.

Votre rapporteur désapprouve la baisse de crédits budgétaires dédiés au soutien des têtes de réseaux. En effet, cette évolution risque de fragiliser l’accompagnement essentiel des structures de l’ESS.

Les têtes de réseaux de l’ESS jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement des acteurs du secteur, en favorisant leur montée en compétences, leur structuration et leur accès aux marchés publics. La diminution des crédits alloués à ces structures inquiète votre rapporteur, qui souligne leur importance pour accompagner la transition écologique et sociale. L’affaiblissement du soutien aux têtes de réseaux risque de freiner leur capacité à répondre aux enjeux actuels.

La diminution des crédits alloués aux Chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CRESS) est particulièrement regrettable. Ces structures jouent un rôle central dans l’animation territoriale et l’accompagnement des acteurs de l’ESS. Votre rapporteur, dans la troisième partie du présent avis, préconise au contraire de renforcer le soutien qui leur est destiné. Il plaide pour un renforcement de l’animation territoriale portée par les CRESS, afin d’insuffler une ambition forte pour les 10 prochaines années, à travers un plan de mobilisation nationale à l’instar de la dynamique de la French Tech, mais dédié à l’ESS et à l’impact. Cette démarche vise à amplifier leur rôle dans la structuration et la promotion de l’ESS, tout en soutenant l’innovation écologique et sociale sur les territoires.

Le rapporteur insiste sur la nécessité d’augmenter les financements destinés à ces acteurs clés pour renforcer leurs capacités d’accompagnement et de suivi des projets innovants de l’ESS.

Proposition n° 1 : Augmenter les crédits budgétaires de la sous-action 1 de l’action 04 du programme 305 alloués au soutien des têtes de réseaux ESS pour renforcer leurs capacités d’accompagnement et de suivi des acteurs de l’économie sociale et solidaire.

  1. Une diminution des crédits alloués aux sous-actions 2 et 3, en inadéquation avec les besoins croissants d’accompagnement territorial des acteurs de l’ESS.

Les chiffres du projet de loi de finances pour 2025 mettent en lumière une réduction préoccupante des crédits alloués aux dispositifs clés de l’accompagnement territorial des acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS). Ainsi, les crédits du dispositif local d’accompagnement (DLA) et des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) enregistrent une baisse significative. Le DLA voit ses autorisations d’engagement (AE) passer de 11,5 millions d’euros en 2024 à 9,33 millions d’euros en 2025, soit une diminution de 18,8 %, tandis que ses crédits de paiement (CP) chutent de 11,5 à 8,64 millions d’euros, soit une baisse de 24,9 %. De même, pour les PTCE, les AE passent de 2,2 millions d’euros en 2024 à 1,79 millions d’euros en 2025, soit une diminution de 18,8 %, et les CP de 2,2 à 1,65 millions d’euros, soit une baisse de 24,9 %.

Le DLA, selon l’Avise, reconnu pour son rôle crucial dans le soutien aux petites et moyennes structures de l’ESS, souffre ainsi d’un financement insuffisant au regard des besoins croissants des entreprises qu’il accompagne. Les 6 000 entreprises aidées par an, représentant 860 000 emplois concernés, témoignent de l’importance de ce dispositif. Depuis 2021, il a intégré les enjeux de transition écologique et numérique, mais la durée moyenne de quatre jours pour les accompagnements s’avère insuffisante face à des défis de plus en plus complexes.

Le dispositif local d’accompagnement (DLA) est reconnu comme un dispositif efficace, produisant des effets quantifiables et bénéfiques pour les entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS). En effet, pour les entreprises accompagnées en 2020, le nombre d’équivalents temps plein (ETP) a augmenté de 13,6 % entre 2020 et 2022, contre seulement 3,1 % pour l’ensemble des entreprises de l’ESS sur la même période. De plus, deux tiers des entreprises accompagnées ont renforcé leur assise économique, et trois cinquièmes d’entre elles ont réussi à diminuer leurs difficultés financières grâce au DLA.

Cependant, malgré ces résultats probants, le dispositif est confronté à plusieurs difficultés rapportées par l’Avise. Les accompagnements, d’une durée moyenne de quatre jours, sont jugés trop courts pour répondre à des problématiques de plus en plus complexes. Par ailleurs, la demande des structures pour bénéficier du DLA est en augmentation, alors que les enveloppes budgétaires dédiées restent inchangées. De plus, les montants alloués aux prestataires, environ 1 000 euros par jour, n’ont pas été réévalués depuis 20 ans, ce qui limite la disponibilité des prestataires et la qualité des services proposés.

Votre rapporteur considère ces réductions budgétaires comme inadaptées au contexte actuel et préconise un renforcement des crédits dédiés à ces dispositifs pour permettre une meilleure réponse aux besoins d’accompagnement des structures de l’ESS.

Proposition n° 2 : Augmenter les crédits budgétaires consacrés au DLA dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, afin de renforcer l’ingénierie d’accompagnement et de permettre le passage à l’échelle de l’économie sociale et solidaire.

Les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), quant à eux, jouent un rôle essentiel dans la structuration des territoires en réunissant divers acteurs de l’ESS, des entreprises traditionnelles, des collectivités territoriales et des centres de recherche. Le financement réduit compromet leur capacité à continuer à revitaliser des territoires en déclin économique et social et à promouvoir l’innovation sociale.

Compte tenu de leur rôle crucial dans l’innovation sociale et la création d’emplois durables, votre rapporteur recommande d’augmenter les crédits budgétaires dédiés aux PTCE dans le cadre du PLF, afin de soutenir leur développement.

Proposition n° 3 : Augmenter les crédits budgétaires dédiés dans le PLF pour permettre de poursuivre le développement des PTCE.

 


   Deuxième ambition : Reconnaître pleinement l’apport des acteurs de l’ESS à la société et les intégrer durablement dans le droit commun

L’économie sociale et solidaire (ESS) et les acteurs de l’impact sont désormais reconnus comme des acteurs fondamentaux dans la transformation écologique et sociale de nos sociétés. Toutefois, bien qu’elle soit au cœur de nombreuses innovations, tant sociales qu’environnementales, l’ESS souffre encore d’un manque de reconnaissance institutionnelle et d’une intégration limitée dans le cadre de l’économie de droit commun. Cette ambition vise à changer la perception de l’ESS, pour qu’elle ne soit plus considérée comme une exception ou une alternative marginale, mais bien comme un pilier de l’économie, doté des mêmes droits et accès que les entreprises traditionnelles.

Pour ce faire, il est essentiel de valoriser l’impact social et environnemental de l’ESS, qui dépasse souvent celui de nombreux secteurs privés classiques. Son apport, qu’il s’agisse de la cohésion sociale, de l’accompagnement des plus vulnérables, de la lutte contre les inégalités ou de la préservation de l’environnement, mérite d’être davantage reconnu et soutenu. Or, les soutiens publics alloués restent encore insuffisants par rapport aux besoins réels du secteur, notamment en matière de financement. La mise en place d’un cadre fiscal et juridique mieux adapté pourrait permettre à l’ESS de se développer de façon pérenne, tout en stimulant son dynamisme et son potentiel d’innovation.

Cette ambition appelle donc à une harmonisation des dispositifs fiscaux et financiers, afin que les entreprises de l’ESS et de l’impact puissent bénéficier des mêmes avantages que les entreprises conventionnelles, en particulier dans des secteurs tels que l’innovation. Le défi est de permettre aux acteurs de l’ESS d’accéder plus facilement aux commandes publiques, aux financements européens, et aux mécanismes fiscaux comme le crédit impôt recherche (CIR), tout en alignant leur soutien sur celui accordé aux entreprises innovantes. Cette reconnaissance serait un pas décisif vers l’intégration de l’ESS dans l’économie de droit commun, contribuant ainsi à un modèle de développement plus inclusif et durable pour la société toute entière.

I.   Valoriser davantage l’impact social et environnemental d’un secteur innovant, face à un soutien public encore insuffisant

A.   Un soutien public encore en deçà des besoins réels du secteur de l’ESS

1.   Un secteur en plein essor et dynamique mais sous-financé

L’économie sociale et solidaire (ESS) représente un secteur en pleine expansion, crucial pour répondre aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux de notre époque. En 2022, l’ESS en France comptait 155 000 entreprises employeuses, représentant 213 000 établissements et fournissant environ 2,6 millions d’emplois, soit 14 % de l’emploi salarié privé. Ce dynamisme est renforcé par la diversité des structures : associations, coopératives, mutuelles et fondations, qui sont réparties sur tout le territoire national, jouant un rôle clé dans le développement local, la cohésion sociale et l’innovation.

RéparTition de l’emploi par Famille juridique de l’ESS en 2023

 

Nombre de structures

Nombre d’emplois

Nombre moyen d’emplois par structures

Associations

120 749

2 000 000

16,56

Coopératives

23 880

313 239

13,12

Mutuelles

7 329

137 738

18,79

Fondations

721

122 916

170,48

TOTAL

152 679

2 573 893

16,86

Source : Avise, Chiffres clés de l’ESS en France, 18 avril 2023.

En 2023, les associations demeurent la composante la plus importante de l’ESS, avec plus de 120 000 structures employeuses et 2 millions d’emplois, soit une moyenne de 16,56 emplois par structure. Les coopératives, bien qu’en nombre inférieur, représentent près de 24 000 structures et fournissent plus de 313 000 emplois, avec une moyenne de 13,12 emplois par structure. Les mutuelles, avec environ 7 300 structures, emploient 137 738 personnes, avec une moyenne de 18,79 emplois par structure. Les fondations, malgré leur faible nombre (721), jouent un rôle important avec plus de 122 000 emplois, soit une moyenne de 170,48 emplois par structure.

Chiffres clés des entreprises et de l’emploi dans l’ESS en 2022

Source : Avise, Chiffres clés de l’ESS en France, 18 avril 2023.

Cependant, malgré cet essor, le soutien public accordé à l’ESS reste en deçà des besoins réels du secteur, qui fait face à des défis croissants. En 2022, l’État a alloué plus de 10 milliards d’euros à l’ESS ([9]) sous forme de subventions et de prestations de services. Les 118 489 versements effectués par l’État ont été répartis entre 36 missions budgétaires et 105 programmes, reflétant la dispersion des financements plutôt qu’un soutien coordonné, efficace et renforcé. L’intervention totale des personnes publiques est de l’ordre de 17 milliards d’euros. Malgré 16 milliards d’euros d’intervention directe et indirecte de l’État ([10]), le soutien reste insuffisant pour accompagner la montée en puissance de l’ESS, qui représente pourtant 10 % du PIB ([11]) et joue un rôle clé dans la transition sociale et environnementale.

Répartition des 10 MILLIARDS D’EUROS de crédits versés DIRECTEMENT
par l’État par famille juridique de l’ESS

Source : Gouvernement, Rapport d’information article 185 de la loi de finances pour 2023, 2023. 

Le financement varie selon les types de structures. Si les associations restent fortement dépendantes des subventions publiques, les coopératives, fondations et mutuelles, bien qu’elles en bénéficient également, disposent de modèles économiques plus diversifiés, intégrant prestations de services et financements privés. Toutefois, l’ensemble du secteur subit une pression financière considérable, d’autant plus que certaines de ces structures remplissent des missions d’utilité publique essentielles, comme les crèches, les Ehpad ou les Esat, souvent soutenues par des fonds publics ou parapublics.

Les associations, qui constituent la majeure partie des entités de l’ESS, ont reçu 8,7 milliards d’euros ([12]) de subventions, soit 94,7 % des crédits alloués à ce type de structure par l’État. Ces financements sont essentiels pour permettre aux associations de mener à bien leurs missions de service public. Toutefois, cette forte dépendance aux subventions publiques expose les associations à des vulnérabilités, d’autant que la part des subventions dans leurs ressources diminue régulièrement. En parallèle, les coopératives, bien que bénéficiant de subventions à hauteur de 48,4 %([13]), se distinguent par leur rôle sur le marché de biens et services, complétant leurs financements avec 51,6 % de prestations de services.

Les fondations et mutuelles bénéficient également d’un soutien public important. Les fondations reçoivent 75,2 % ([14]) de leurs montants sous forme de subventions, tandis que 80 % des montants versés aux mutuelles prennent la forme de subventions bénéficiant directement aux ménages.

Malgré une augmentation des dépenses fiscales en faveur des entreprises de l’ESS, atteignant 4,64 milliards d’euros en 2023, et une progression de 7 % par rapport aux 4,35 milliards d’euros ainsi dépensés en 2021, le soutien public reste en deçà des besoins du secteur. Cette hausse, soit 290 millions d’euros supplémentaires en deux ans, témoigne d’un effort important. Cependant, pour soutenir pleinement la transition sociale et environnementale soutenue par l’ESS, un renforcement des dispositifs fiscaux et financiers s’avère indispensable.

Répartition des dépenses fiscales par Famille juridique de l’ESS

 

Chiffrage 2023

(en millions d’euros)

Association

3833

Coopérative

108

Fondation

222

Mutuelle

134

Organismes sans but lucratif

345

TOTAL

4 642

Source : Gouvernement, Rapport d’information article 185 de la loi de finances pour 2023, 2023.

Toutefois, ces financements, bien qu’indispensables, peinent à couvrir l’ensemble des besoins du secteur, qui fait face à des défis croissants en matière d’emplois et d’innovation. En effet, l’ESS, qui représente 10 % de l’emploi total ([15]) en France, reste confrontée à des déficits de main-d’œuvre croissants. Alors que le secteur est dynamique, avec une augmentation des emplois dans certaines branches comme les fondations (+ 5,1 % en 2022 ([16])), il est également soumis à des fluctuations importantes, notamment dans les associations, qui ont connu une baisse de 1,2 % des emplois en 2020, avant une légère reprise en 2022 (+ 0,5 %). Cette variabilité témoigne des défis structurels auxquels fait face l’ESS, notamment la réduction progressive des subventions publiques.

2.   Un secteur innovant mais sous-financé en comparaison du soutien accordé à l’innovation technologique

L’engagement des banques publiques, notamment Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), demeure limité par rapport aux besoins croissants du secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS). L’intervention de Bpifrance, avec seulement 372,1 millions d’euros dédiés à l’ESS en 2022, paraît dérisoire au regard de sa capacité d’action et de ses ressources globales, tout comme celle de la Caisse des dépôts et consignations, dont les 1,428 milliards d’euros consacrés à l’ESS restent modestes en comparaison de l’envergure de ses investissements totaux et de son rôle structurant dans l’économie française.

En 2021, sur un total de 12 358 interventions de cofinancement réalisées par Bpifrance, seules 114 ont été dirigées vers les entreprises de l’ESS, représentant à peine 0,9 % des interventions. Parmi celles-ci, 37 étaient en faveur des associations et 77 pour les coopératives. En outre, en matière de financement de l’innovation, seules 181 interventions ont concerné des structures de l’ESS, avec une majorité de subventions et d’avances remboursables.

Répartition des interventions en cofinancement de Bpifrance
par famille juridique de l’ESS

Source : Gouvernement, Rapport d’information article 185 de la loi de finances pour 2023, 2023.

Concernant les chiffres précis des financements, en 2021, les entreprises de l’ESS ont principalement bénéficié de prêts pour l’investissement (92 entreprises) et de financements pour leur développement à l’international (14 coopératives). À titre de comparaison, le nombre total d’entreprises soutenues par Bpifrance sur l’ensemble de ses dispositifs dépasse les 30 000.

En 2022, les interventions de la CDC sur compte propre en faveur de l’ESS ont atteint 61,4 millions d’euros, un montant en baisse de 21 % par rapport à la moyenne des années précédentes. Parmi les quatre familles juridiques de l’ESS, les associations ont capté 85 % des montants ainsi accordés, soit environ 52,2 millions d’euros. En parallèle, le fonds d’épargne de la CDC, qui finance des projets visant à réduire les inégalités sociales, a versé 1,37 milliard d’euros à l’ESS, dont 78 % (soit environ 1,06 milliard d’euros) ont été alloués aux coopératives, principalement les coopératives HLM.

Répartition des dépenses sur compte propre versées
par la Caisse des Dépôts aux familles juridiques de l’ESS
par type de flux financier

Source : Gouvernement, Rapport d’information article 185 de la loi de finances pour 2023, 2023.

Cependant, malgré ces interventions, les acteurs auditionnés signalent que les dispositifs de Bpifrance et de la CDC sont encore insuffisants et inadaptés aux besoins spécifiques du secteur. Cette situation constitue un frein majeur au développement de l’ESS, notamment en matière d’innovation sociale et environnementale.

En 2021 Bpifrance a soutenu 8 292 projets d’innovation, mais seulement 181 ont concerné des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), avec une majorité de subventions (145), suivies d’avances remboursables (30) et de prêts à taux zéro pour l’innovation (6). Les associations ont bénéficié du plus grand nombre d’interventions (109), tandis que les coopératives et fondations en ont reçu respectivement 54 et 18. Ces chiffres montrent que l’innovation sociale reste peu soutenue comparée à l’innovation technologique.

Répartition des interventions de Bpifrance visant à financer directement l’innovation par famille juridique de l’ESS

Source : Rapport d’information article 185 de la loi de finances pour 2023, 2023.

Malgré l’importance de l’innovation sociale et environnementale pour la transition écologique, les entreprises de l’ESS captent une faible part des financements dédiés à l’innovation, largement concentrés sur des projets de développement et d’investissement de modernisation. Votre rapporteur considère donc nécessaire de porter une réflexion sur l’alignement des dispositifs de soutien à l’innovation sociale avec ceux de l’innovation technologique pour encourager les acteurs de l’ESS à développer des projets à fort impact social.

B.   Valoriser l’écosystème ESS : assurer la transparence et la cohérence des financements pour mieux évaluer son impact social et environnemental

1.   Structurer les outils d’évaluation pour valoriser l’impact de l’ESS

L’évaluation de l’impact économique, social et environnemental de l’économie sociale et solidaire repose aujourd’hui sur des outils encore limités et dispersés, comme le souligne le Bureau économie sociale et solidaire et investissements à impact ([17]). Pourtant, votre rapporteur considère légitime de doter ce secteur d’indicateurs standardisés et harmonisés, non seulement au niveau national mais aussi européen, afin de mieux mesurer ses effets bénéfiques sur la société et l’environnement.

L’établissement d’un compte satellite dédié à l’économie sociale et solidaire (ESS) est devenu, à cet égard, une priorité stratégique. Ce dispositif permettrait de rassembler des données précises sur la valeur ajoutée globale et sectorielle de l’ESS, offrant ainsi une évaluation plus claire de son impact économique, social et environnemental. En 2020, les Nations Unies ont recommandé la création de tels comptes satellites pour l’ESS, afin de promouvoir l’harmonisation des indicateurs à l’échelle internationale. La France, en collaboration avec plusieurs États européens, s’est engagée dans ce processus grâce à un instrument d’appui technique européen. Cette initiative renforcera la transparence des données et l’efficacité des politiques publiques en faveur du secteur.

Compte satellite ([18])

Un compte satellite constitue un cadre complémentaire aux comptes nationaux, permettant de mieux visualiser des secteurs spécifiques de l’économie, comme l’éducation ou la santé, qui bénéficient déjà de ce type d’outil en France. Pour l’ESS, un tel compte permettrait de mesurer plus précisément son impact et d’harmoniser les indicateurs au niveau européen, conformément aux standards proposés par l’ONU et Eurostat. Ce cadre faciliterait également la comparaison entre pays, améliorant ainsi la lisibilité de l’ESS et orientant plus efficacement les politiques publiques.

Proposition n° 4 : Assurer la mise en œuvre d’un compte satellite de l’ESS pour mieux évaluer son impact économique.

Les contrats à impact, destinés à financer des projets sociaux et environnementaux innovants, constituent un outil prometteur dans cette dynamique. Toutefois, les indicateurs de mesure de leurs résultats souffrent encore d’une grande hétérogénéité. Par exemple, dans le domaine de la réinsertion professionnelle, les critères de « sorties positives » ([19]) varient d’un contrat à l’autre, certains prenant en compte les contrats en alternance, tandis que d’autres se limitent aux CDI et CDD. Il devient dès lors indispensable de standardiser ces indicateurs thématiques afin d’assurer une évaluation cohérente et comparée des projets. Une telle harmonisation renforcerait la clarté et l’efficacité des financements publics alloués à ces initiatives, tout en contribuant à la crédibilité et à l’impact des innovations sociales et environnementales soutenues par l’ESS.

2.   Optimiser le cadre budgétaire pour une stratégie de soutien à l’ESS

L’évaluation des financements publics dédiés à l’ESS met en lumière une structure budgétaire complexe et éclatée. Les crédits alloués à l’ESS sont répartis entre de nombreux programmes et ministères (emploi, solidarité, transition écologique, etc.), rendant difficile une vue d’ensemble cohérente de l’effort public consenti pour soutenir ce secteur. Par exemple, il a fallu attendre un rapport exhaustif, prévu par l’article 185 du PLF pour 2023, pour obtenir un chiffrage détaillé des dépenses de l’État en faveur de l’ESS.

Face à cette dispersion des crédits, il devient essentiel d’instaurer un cadre budgétaire plus lisible et structuré. Un document de politique transversale (DPT), également appelé « orange budgétaire », pourrait répondre à ce besoin. Ce type de document regrouperait sous une même bannière les actions et les moyens financiers alloués à l’ESS, actuellement éclatés entre divers programmes budgétaires. En plus d’assurer une meilleure transparence, un DPT permettrait aux parlementaires, aux partenaires sociaux et au grand public de suivre plus facilement les objectifs et les résultats obtenus par rapport aux politiques en faveur de l’ESS.

Votre rapporteur estime que l’élaboration d’un tel document faciliterait non seulement l’évaluation des politiques publiques, mais contribuerait également à mieux planifier les ressources nécessaires pour répondre aux besoins croissants du secteur. Cela garantirait une cohérence dans l’action publique et offrirait une visibilité accrue sur les financements, favorisant ainsi la stabilité à long terme du secteur.

Proposition n° 5 : Publier annuellement, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, un document de politique transversale (« orange budgétaire ») consacré à l’économie sociale et solidaire, destiné à assurer un suivi global des moyens financiers alloués à l’ESS.

II.   Aligner le cadre juridique et fiscal pour intégrer pleinement l’ESS dans l’économie de droit commun, tout en stimulant son dynamisme

Intégrer les entreprises de l’ESS dans le droit commun avec des dispositifs fiscaux et législatifs adaptés. Permettre aux acteurs de l’ESS et à impact d’accéder équitablement à la commande publique et aux fonds européens au même titre que les entreprises traditionnelles.

A.   Assurer un accès équitable à la commande publique et aux fonds européens pour les acteurs de l’ESS et ceux ayant un impact social et environnemental.

1.   Faciliter l’accès des acteurs de l’ESS à la commande publique

Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ont permis à de nombreux acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) de prouver leur capacité à répondre aux exigences des marchés publics. Environ 500 structures de l’ESS, dont des entreprises adaptées et des associations, ont été intégrées dans des contrats concernant la gestion d’espaces verts, la fabrication de produits recyclés ou encore la signalétique. Cet engagement a été rendu possible par l’allotissement des marchés et un accompagnement spécifique offert par des dispositifs comme la plateforme ESS 2024. Cependant, malgré ces succès, de nombreux obstacles subsistent, notamment la complexité des procédures d’appels d’offres et les contraintes réglementaires liées au droit européen de la concurrence.

Ces difficultés empêchent parfois les structures de l’ESS, souvent de taille modeste, de concourir efficacement face aux entreprises traditionnelles. Pour garantir un accès équitable à ces marchés, votre rapporteur estime nécessaire de réfléchir à l’introduction de critères spécifiques ou des quotas favorisant les entreprises de l’ESS, tout en respectant les exigences de concurrence imposées par l’Union européenne. Le droit européen établit notamment l’interdiction de favoriser un type de structure dans les clauses de marchés publics ([20]) et le principe d’égalité entre les candidats, qui impose aux acheteurs publics de choisir l’offre économiquement la plus avantageuse ([21]).

Proposition n° 6 : Encourager la commande publique à soutenir les acteurs de l’économie sociale et solidaire, en réfléchissant à la définition de critères spécifiques ou des quotas favorisant leur accès à certains marchés publics, tout en respectant le cadre européen de la concurrence.

Les entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) poursuivent des objectifs d’intérêt général tels que la lutte contre l’exclusion, l’accompagnement des personnes vulnérables, la protection de l’environnement, et la solidarité internationale. Ces objectifs légitiment la mise en place d’un cadre d’accompagnement spécifique, notamment en matière de commande publique. C’est dans cette logique que la loi Hamon a introduit les schémas de promotion des achats socialement responsables (Spaser) pour les collectivités territoriales réalisant plus de 100 millions d’euros d’achats annuels, seuil qui a ensuite été abaissé à 50 millions d’euros par la loi Climat et résilience. Toutefois, selon la Fédération des entreprises d’insertion (FEI), la mise en œuvre de ces schémas reste limitée, avec seulement 20 % des collectivités concernées ayant mis en place un SPASER. Selon votre rapporteur, ce retard peut s’expliquer par un manque d’accompagnement et de promotion de ces dispositifs et peut-être leur complexité.

Pour répondre à cette situation, votre rapporteur estime pertinent d’envisager une réflexion sur ce dispositif, l’ajustement des seuils actuels, tout en renforçant l’accompagnement des collectivités territoriales. Une telle démarche permettrait d’étudier la façon dont davantage de collectivités pourraient être encouragées à s’engager dans des achats publics responsables. En ouvrant cette réflexion, il s’agirait d’évaluer si un abaissement éventuel du seuil des Spaser pourrait inciter un plus grand nombre de collectivités à intégrer des critères sociaux, environnementaux et économiques dans leurs achats, tout en soutenant les acteurs de l’ESS et la création d’emplois locaux. Cette approche vise également à examiner les moyens de renforcer la contribution sociale et territoriale des marchés publics.

Proposition n° 7 : Renforcer l’accompagnement des collectivités territoriales dans la mise en place des Spaser et conduire une réflexion sur le dispositif lui-même et l’ajustement des seuils pour garantir une application plus efficace des achats socialement responsables.

2.   Renforcer l’accès des acteurs de l’ESS aux fonds européens

La Commission européenne reconnaît un déficit de financement important pour les entités de l’économie sociale, estimé à 1 milliard d’euros par an ([22]) au sein de l’Union européenne. Les programmes européens accessibles à l’ESS, tels que le Fonds européen de développement régional (Feder) ou le Fonds social européen (FSE+), ont été créés dans un contexte où l’économie sociale n’était pas encore explicitement prise en compte dans la politique européenne.

Cette dispersion des fonds rend leur accès complexe pour les acteurs de l’ESS. Néanmoins, ces financements constituent une véritable opportunité, permettant non seulement de mobiliser des ressources significatives, mais également de favoriser la création de partenariats européens stratégiques, en cohérence avec les priorités politiques de l’Union européenne.

Le rapport du gouvernement ([23]) souligne la complexité d’estimer précisément les fonds européens dédiés spécifiquement à l’ESS en raison de la diversité des programmes et des objectifs. Néanmoins, plusieurs fonds européens sont accessibles pour soutenir les acteurs de l’ESS.

Les fonds européens accessibles aux acteurs de l’ESS se répartissent en deux grandes catégories : les fonds structurels et d’investissement européens (FESI), dont la gestion est déléguée aux États membres, et les programmes sectoriels, gérés directement par la Commission européenne. Les FESI incluent le FSE+ pour la cohésion sociale et le Feder pour le développement régional. Parmi les programmes sectoriels, Erasmus+ et Horizon Europe se distinguent par leur soutien à l’éducation et à l’innovation. En France, sur les 26,7 milliards d’euros de fonds structurels européens reçus entre 2014 et 2020, les conseils régionaux en ont géré la majorité (20,5 milliards), le reste étant réparti entre plusieurs agences publiques.

 

Dotations des fonds européens pour la période 2021-2027

Source : Gouvernement, Rapport d’information article 185 de la loi de finances pour 2023, 2023

Si l’Union européenne offre un soutien significatif aux acteurs de l’ESS, l’accès à ces fonds reste complexe et limité ([24]). Les dispositifs de financements comme le FSE+ ou le FEDER, destinés à soutenir l’innovation sociale, sont sous-utilisés par les entreprises de l’ESS en raison des délais importants, des critères d’éligibilité parfois trop stricts, et de la difficulté à identifier les bons guichets. Ce manque d’accès limite le potentiel de financement disponible pour les projets sociaux et environnementaux innovants.

Pour mieux exploiter ces ressources, il est indispensable de renforcer l’accompagnement des acteurs de l’ESS, en facilitant leur accès aux fonds et en simplifiant les procédures de candidature. Un meilleur soutien technique pourrait ainsi permettre aux entreprises de l’ESS de saisir les opportunités offertes par ces financements européens, essentiels pour l’innovation sociale et la transition écologique.

Proposition n° 8 : Optimiser l’accompagnement des entreprises et des organismes de l’ESS et de l’impact pour mieux exploiter les fonds européens, notamment le FSE+ dédié à l’innovation sociale, qui reste encore sous-utilisé dans ce domaine.

B.   Combler les écarts fiscaux pour libérer le potentiel de l’ESS

1.   Engager une réflexion sur la réforme de la taxe sur les salaires pour favoriser l’emploi dans l’ESS

Ces taux, appliqués sur l’ensemble des rémunérations brutes (incluant salaires, primes et avantages en nature), ont un impact direct sur les coûts de masse salariale, limitant la capacité des employeurs à recruter, particulièrement dans les secteurs d’utilité sociale tels que les associations. En 2022, cette taxe a rapporté environ 16,2 milliards d’euros à l’État ([25]), et une part significative de ces recettes provient des entreprises de l’ESS qui représentent près de 10 % de l’emploi en France.

La taxe sur les salaires (TS) est en effet un impôt qui pèse directement sur la masse salariale des entreprises et des organisations non soumises à la TVA sur l’ensemble de leur chiffre d’affaires, telles que les associations, les mutuelles, les fondations, et plus largement les entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS). Cette taxe, qui repose sur un barème progressif, concerne particulièrement les secteurs dans lesquels la TVA n’est pas applicable ou l’est seulement de manière partielle, comme les services sociaux, éducatifs, médicaux et certaines activités à but non lucratif.

Évolution des recettes de la taxe sur les salaires (TS) de 2019 à 2022

Année

Montant des recettes

(en Mds d’€)

2019

14,1

2020

14,5

2021

15,4

2022

16,2

Source : Insee, Les entreprises en France, décembre 2023.

Cependant, selon les acteurs auditionnés par votre rapporteur, notamment l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes), la spécificité des entreprises de l’ESS, qui ne peuvent récupérer la TVA, rend cette taxe particulièrement pénalisante. Ils font valoir que, contrairement aux entreprises du secteur privé traditionnel, qui ont bénéficié de réformes successives allégeant les impôts de production, telles que la réduction de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les acteurs de l’ESS n’ont pas profité d’allègements similaires. Selon eux, cette situation crée un désavantage concurrentiel qui fragilise leur capacité à développer des emplois durables, malgré leur rôle social essentiel.

La Cour des comptes, dans un rapport de 2018 ([26]), soulignait déjà la nécessité d’une réforme de la taxe sur les salaires, mettant en avant sa complexité et son impact négatif sur l’emploi. Selon ESS France, la TS est appliquée par salarié, avec des seuils de rémunération non proratisés, ce qui pénalise particulièrement les structures employant des salariés à temps partiel, très fréquents dans l’ESS. Cette absence de proratisation des salaires pénalise les structures à petits effectifs et à emplois précaires, qui se retrouvent taxées de manière disproportionnée.

Pour l’UDES et ESS France, la suppression programmée de la CVAE d’ici 2027 offre une opportunité unique de revoir le modèle fiscal applicable à l’ESS. La taxe sur les salaires, souvent décrite comme un impôt de production « caché », freine le développement de l’emploi dans des secteurs pourtant essentiels à la cohésion sociale et à la transition écologique. La réflexion sur sa réforme pourrait s’inscrire dans une dynamique plus large d’ajustement des impôts de production, avec pour objectif de créer des conditions fiscales plus équitables entre les entreprises traditionnelles et celles de l’ESS.

Proposition n° 9 : Pour soutenir l’emploi dans l’ESS, engager une réflexion sur la réforme de la taxe sur les salaires afin d’alléger cet « impôt de production » qui freine le développement du secteur.

2.   Engager une réflexion sur une harmonisation de certains dispositifs fiscaux entre l’ESS et les entreprises traditionnelles

Le cadre fiscal actuel présente plusieurs écarts entre les entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) et les entreprises traditionnelles, créant des désavantages pour certaines structures à fort impact social. Parmi ces écarts, selon Fair, deux exemples concernent les foncières solidaires, des acteurs essentiels dans la lutte contre le mal-logement ou le soutien à des projets agricoles à vocation sociale. Contrairement aux bailleurs sociaux, les foncières solidaires ne bénéficient pas des mêmes avantages fiscaux, alors que leur modèle économique repose sur une réinjection quasi-totale des bénéfices dans l’activité, avec une lucrativité très limitée.

Ces écarts freinent le développement de l’ESS, qui joue pourtant un rôle crucial dans la réponse aux enjeux sociaux et environnementaux. Par exemple, selon la contribution écrite de Fair, le taux des droits de mutation pour les foncières solidaires peut atteindre 5 %, contre 0,1 % pour les HLM. En outre, la taxation des plus-values sur la cession des titres des foncières solidaires est soumise à un régime fiscal défavorable, ce qui dissuade certains investisseurs de soutenir ce type de structure à impact.

Votre rapporteur recommande donc une réflexion approfondie sur l’harmonisation fiscale entre les structures de l’ESS et les entreprises traditionnelles. En réduisant les écarts fiscaux, il s’agit de créer un environnement plus favorable au développement de ces structures qui, malgré leur faible lucrativité, contribuent de manière significative à la cohésion sociale et à la transition écologique. Les cas spécifiques des foncières solidaires, bien qu’évoqués ici à titre d’exemple, illustrent la nécessité d’une réforme plus large pour soutenir l’ESS dans son ensemble.

Proposition n° 10 : Conduire une revue des écarts fiscaux entre les entreprises de l’ESS et les entreprises traditionnelles, dans une optique d’harmonisation et de soutien à l’emploi.

C.   Renforcer les financements de l’innovation sociale et environnementale pour les aligner avec ceux de l’innovation technologique.

  1. Valoriser et soutenir l’innovation sociale au sein de l’ESS pour renforcer son impact écologique et sociétal

L’innovation sociale, telle que définie par l’article 15 de la loi Hamon ([27]), vise à répondre à des besoins sociaux non couverts, tout en introduisant des méthodes nouvelles de production ou d’organisation du travail. Cependant, cette définition, bien qu’utile, reste limitée dans ses applications pratiques, en l’absence de mesures législatives et fiscales pour réellement soutenir et encourager l’innovation sociale dans le cadre de l’économie sociale et solidaire (ESS). Selon ESS France, ce manque de soutien freine l’émergence de projets ayant une forte utilité sociale, écologique ou solidaire, bien qu’ils jouent un rôle transformateur au sein des modèles économiques actuels.

Les dispositifs comme les contrats à impact (CI) en France ont démontré un potentiel pour financer et mesurer la performance des projets de l’ESS. Depuis 2016, ces outils ont permis de financer des initiatives innovantes, notamment en matière de performance sociale, avec un total de 81 millions d’euros répartis sur 31 projets ([28]). Toutefois, ces volumes financiers restent modestes comparés aux marchés internationaux. L’un des principaux obstacles est la complexité du processus de mise en place des CI, ainsi qu’une rentabilité limitée, avec un taux de retour sur investissement souvent inférieur à 8 %. Pour attirer davantage d’investisseurs privés, le cadre fiscal doit être repensé et des mécanismes simplifiés.

Le rapport « Cazenave » ([29]) a souligné des pistes d’amélioration pour les contrats à impact en France, notamment en centralisant les efforts sous la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), tout en diversifiant les profils de risque pour attirer un éventail plus large d’investisseurs. Il est essentiel de simplifier les montages juridiques et financiers, afin de rendre ces dispositifs accessibles à un plus grand nombre d’opérateurs et d’investisseurs.

Toutefois, ces progrès ne résolvent pas les problèmes structurels auxquels sont confrontées les entreprises de l’ESS, notamment en ce qui concerne leur accès limité à des dispositifs de soutien à l’innovation. En particulier, bien que des dispositifs comme le crédit impôt recherche (CIR) existent, ils sont souvent perçus comme plus accessibles aux entreprises classiques qu’aux structures de l’ESS, en raison des critères d’éligibilité. Les dispositifs de soutien à l’innovation, tels que le CIR, sont essentiellement destinés à l’innovation technologique et excluent de fait la majorité des entreprises de l’ESS, qui ne paient pas d’impôt sur les sociétés. D’après ESS France, ce manque de soutien spécifique à l’innovation sociale crée un décalage avec les entreprises technologiques, qui bénéficient d’avantages fiscaux importants pour soutenir leurs efforts de recherche et d’innovation.

En outre, l’accès au financement pour les entreprises de l’ESS est souvent limité par leur modèle de gouvernance participatif, qui peut être perçu comme risqué par les investisseurs traditionnels. Ainsi, il est nécessaire de renforcer les financements de l’innovation sociale pour permettre à ces entreprises de jouer un rôle moteur dans la transition écologique et sociale, en alignant les dispositifs de soutien avec ceux dédiés à l’innovation technologique.

L’innovation sociale occupe une place centrale dans les initiatives de l’économie sociale et solidaire (ESS), en particulier dans des domaines tels que la transition écologique et les actions sociales. En tant qu’acteurs pionniers dans les projets écologiques locaux (alimentation durable, recycleries, communautés d’énergies citoyennes), les entreprises de l’ESS jouent un rôle clé pour atteindre les objectifs de la neutralité carbone fixés par l’ADEME pour 2050.

Cependant, malgré ces contributions importantes, les structures de l’ESS ne bénéficient pas de la même reconnaissance que l’innovation technologique, notamment en termes de protection juridique et de valorisation. D’après ESS France ([30]), la loi Hamon de 2014 ne mettait pas un accent particulier sur les enjeux environnementaux, se concentrant davantage sur les aspects de gouvernance démocratique et la limitation de la lucrativité des entreprises de l’ESS.

Pour soutenir les entreprises de l’ESS dans leurs missions écologiques et sociales, il est nécessaire que les politiques publiques environnementales reconnaissent davantage leur potentiel et facilitent l’accès aux financements, notamment ceux de l’ADEME. L’évolution de l’agrément Esus en 2020, qui inclut désormais le développement durable comme objectif d’utilité sociale, ainsi que la création du Centre de ressources DLA en 2023 pour la transformation écologique, sont des étapes importantes dans cette direction.

Renforcer la valorisation de l’innovation sociale en la dotant d’une forme de protection similaire à celle des innovations technologiques pourrait représenter un levier stratégique pour le secteur de l’ESS. Une voie envisagée serait de collaborer avec l’INPI afin d’explorer les modalités de protection de ces innovations à travers un cadre de brevet spécifique.

L’une des difficultés repose sur la définition même de l’innovation sociale, qui, contrairement à l’innovation technologique, se concentre souvent sur des transformations immatérielles dans les pratiques, la gouvernance ou les processus. Cette nature rend complexe son évaluation selon les critères habituels du brevet, tels que la nouveauté ou l’applicabilité industrielle. Un équilibre serait à trouver entre un cadre trop large, risquant d’encourager des dépôts non pertinents, et un cadre trop strict, qui limiterait l’accès à cette protection pour des acteurs importants de l’ESS.

Le brevetage peut également sembler entrer en tension avec les valeurs de partage et de coopération propres à l’ESS, où la mutualisation des savoirs est centrale. Il serait donc opportun de réfléchir à des modèles de brevets ouverts ou collaboratifs, qui encouragent la coopération tout en valorisant les entreprises pionnières dans le domaine social.

Malgré ces défis, la mise en place d’une protection juridique pour l’innovation sociale permettrait de protéger les idées novatrices des acteurs de l’ESS contre les réutilisations non éthiques. Elle renforcerait également l’attractivité de ces structures auprès des investisseurs et faciliterait l’accès aux financements, en encourageant l’investissement dans ces innovations. Cette reconnaissance officielle de l’innovation sociale offrirait aux acteurs de l’ESS une nouvelle légitimité et un soutien accru.

Proposition n° 11 : Explorer, en collaboration avec l’INPI, la possibilité de protéger et valoriser davantage l’innovation sociale des acteurs de l’ESS.

  1. Permettre aux entreprises de l’ESS d’accéder aux mécanismes fiscaux existants de soutien à l’innovation

L’extension des dispositifs fiscaux pour l’innovation à l’économie sociale et solidaire (ESS) est un enjeu central pour renforcer sa compétitivité et son impact. Aujourd’hui, les entreprises de l’ESS sont largement exclues de certains mécanismes fiscaux, tels que le crédit impôt recherche (CIR), en raison de leur modèle non lucratif ou de leur absence de fiscalisation. Pourtant, elles jouent un rôle clé dans l’innovation sociale et environnementale, répondant à des défis qui échappent souvent aux entreprises classiques.

Premièrement, l’innovation sociale, bien que définie à l’article 15 de la loi du 31 juillet 2014, n’a pas encore de cadre fiscal clair permettant de bénéficier du CIR ([31]). Contrairement aux innovations technologiques, l’innovation sociale se concentre sur des changements dans les pratiques, les gouvernances ou les processus, souvent intangibles et difficiles à encadrer par des critères traditionnels. Cela crée une lacune dans le soutien financier que peuvent recevoir les entreprises de l’ESS pour développer leurs projets. En incluant l’innovation sociale dans les critères du CIR, il serait possible d’accroître les financements de ces initiatives, au même titre que pour l’innovation technologique. Cela permettrait aux entreprises de l’ESS de bénéficier d’un financement indirect via ce mécanisme bien établi, stimulant ainsi le développement de projets ayant un fort impact social et environnemental.

Proposition n° 12 : Étendre le Crédit impôt recherche (CIR) à l’innovation sociale, en élargissant les critères d’éligibilité et en définissant fiscalement cette forme d’innovation, afin de soutenir son financement au même titre que les innovations technologiques.

Deuxièmement, les associations, les fondations et autres structures non fiscalisées se trouvent actuellement confrontées à des obstacles majeurs pour accéder à ce type de dispositif, ce qui freine considérablement leur capacité à innover. Ces difficultés d’accès réduisent leur potentiel à lancer des projets à impact social et environnemental, limitant ainsi leur rôle dans le développement de solutions novatrices.

Pour remédier à cette difficulté d’accès aux dispositifs fiscaux, votre rapporteur estime nécessaire d’examiner la possibilité d’introduire une prime spécifique à l’innovation sociale et écologique. Inspirée par les propositions de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes), cette prime viserait à soutenir les entreprises de l’ESS dans leurs investissements, qu’il s’agisse d’acquisition de matériel, d’équipements, ou de projets de développement. Elle viendrait ainsi compenser l’inéligibilité de ces structures au CIR et permettrait de renforcer leur capacité à mener des projets à forte utilité sociale et environnementale.

Proposition n° 13 : Engager une réflexion sur la création d’une prime d’innovation sociale et écologique, visant à compenser l’inaccessibilité au CIR pour les organisations non éligibles, telles que les associations et les fondations.

 


   Troisième ambition : Porter une ambition forte pour les 10 prochaines années avec un plan national de mobilisation autour de l’ESS et de l’IMPACT

Pour donner un véritable élan à l’économie sociale et solidaire (ESS) dans les dix prochaines années, votre rapporteur estime crucial d’adopter une vision ambitieuse et cohérente. Cette dynamique s’articulerait autour d’un plan de mobilisation nationale sur 10 ans, dont l’objectif principal serait de repositionner l’ESS et l’impact comme moteur de la transition écologique et sociale et modèle de développement durable. Ce plan de grande ampleur permettrait de fédérer les énergies et les initiatives à travers le territoire national, tout en renforçant la synergie entre les entreprises de l’ESS, les entreprises conventionnelles et les pouvoirs publics.

Ce plan de mobilisation aurait pour ambition de structurer les actions autour de trois grands axes : l’animation des territoires, le financement adéquat et le portage politique de cette ambition. Il s’agirait de créer une véritable cohésion à l’échelle nationale pour embarquer à la fois les citoyens, les collectivités locales, et les entreprises dans un mouvement commun. Les territoires devraient jouer un rôle clé dans cette dynamique, en tant que relais des politiques publiques et en soutenant l’innovation sociale et environnementale au plus proche des besoins locaux.

Cette ambition à dix ans permettrait aussi de repenser et d’adapter les dispositifs fiscaux et les mécanismes d’aides publiques. La transition écologique et sociale nécessitera de mobiliser des financements durables, en offrant des incitations fiscales attractives, notamment pour les entreprises solidaires et innovantes. Grâce à un tel plan, la France pourrait se doter d’un cadre fort pour soutenir et accompagner l’ESS dans sa montée en puissance, garantissant ainsi un avenir plus juste et plus durable.

I.   Fixer des objectifs clairs et engager une gouvernance politique ambitieuse

  1. Objectifs ambitieux : Doubler le secteur de l’ESS et DE L’impact d’ici 10 ans

Les acteurs de l’ESS expriment régulièrement leurs préoccupations face au manque de visibilité et à l’instabilité des financements publics, qui limitent leur capacité à planifier sur le moyen et long terme. Ces incertitudes budgétaires, accentuées par des financements souvent dépendants des budgets annuels fluctuants et de décisions ponctuelles, créent une difficulté pour les entreprises sociales à se projeter durablement et à structurer leurs projets. Ces réticences soulignent l’importance de garantir une stabilité financière sur plusieurs années afin d’assurer un soutien continu et prévisible aux initiatives du secteur.

Une autre difficulté concerne l’absence de cadre législatif clair pour permettre une stratégie de développement cohérente de l’ESS. Bien que la loi « Hamon » de 2014 ait introduit des bases solides pour l’ESS, le cadre législatif reste améliorable sur certains aspects essentiels, notamment en matière de financement et de reconnaissance des innovations sociales. Les acteurs auditionnés peinent à anticiper et sécuriser leurs sources de financement, affaiblissant ainsi leur capacité à innover et à croître.

Les pouvoirs publics reconnaissent l’importance de l’économie sociale et solidaire (ESS) et soutiennent sa croissance. Cependant, il apparaît qu’une stratégie de développement plus structurée et chiffrée à long terme pourrait renforcer ce soutien. Bien que des avancées significatives aient été faites, notamment grâce à la loi "Hamon" de 2014, il est maintenant nécessaire de redéfinir de nouveaux objectifs ambitieux, cohérents et mesurables, à l’horizon des 10 prochaines années.

Les acteurs de l’ESS expriment le souhait d’un cadre plus stable et prévisible, avec des objectifs de croissance clairs, pour permettre au secteur de doubler son impact économique et social. Une telle stratégie, portée par une vision partagée, offrirait aux acteurs de l’ESS et de l’impact la visibilité nécessaire pour se structurer et innover durablement. L’idée d’un plan de mobilisation nationale, avec des financements stables inscrits dans une loi de programmation pluriannuelle, serait un levier essentiel pour atteindre ces objectifs. Cela offrirait à l’ESS la même dynamique de croissance et d’accompagnement que celle observée dans d’autres secteurs stratégiques de l’économie française.

Votre rapporteur propose donc d’instaurer une loi de programmation pluriannuelle dédiée à l’ESS. Une telle loi permettrait de fixer des objectifs ambitieux, notamment le doublement du poids économique et de l’impact du secteur d’ici 2035, tout en garantissant une stabilité des financements publics pour accompagner cette croissance. Le cadre pluriannuel instaurerait des crédits budgétaires pérennes, réduisant les incertitudes liées aux financements annuels et aux révisions budgétaires ponctuelles.

Cette loi pourrait intégrer une stratégie claire de déploiement des innovations écologiques et sociales, en fixant des objectifs de politique publique et en identifiant les moyens financiers dédiés à la transition écologique au sein de l’ESS. Elle permettrait également de mieux structurer les relations entre l’État, les collectivités territoriales et les acteurs de l’ESS, notamment via des contractualisations sur le long terme, favorisant une meilleure coordination des efforts.

Cette loi de programmation clarifierait les moyens financiers alloués à l’ESS dans le cadre du budget national, facilitant ainsi une évaluation transparente et régulière du soutien public apporté à ce secteur.

Proposition n° 14 : Instaurer une loi de programmation pluriannuelle dédiée à l’économie sociale et solidaire (ESS) pour impulser une politique publique ambitieuse et cohérente, en s’appuyant sur une trajectoire budgétaire claire et pérenne.

Les récents scandales ayant touché des établissements comme Orpéa, ainsi que certaines crèches, ont révélé des dysfonctionnements graves dans la gestion de structures accueillant des populations vulnérables. Ces événements doivent nous amener à réfléchir à la régulation de ces secteurs afin de mieux protéger nos concitoyens. Le rapporteur considère qu’une réflexion pourrait être engagée, à l’instar de ce que préconisent de nombreux acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), pour favoriser dans ces domaines des entreprises non lucratives ou à lucrativité limitée, issues de l’ESS. Une attention particulière pourrait également être portée aux pratiques mises en œuvre à l’étranger, notamment en Belgique, qui pourraient inspirer de nouvelles approches pour garantir un cadre éthique et responsable.

Proposition n° 15 : Engager une réflexion sur la possibilité de réserver certains secteurs d’activité à l’économie sociale et solidaire (ESS).

B. Renforcer l’animation territoriale et le portage politique de l’ESS

1.   Assurer un portage politique durable et fort de l’ESS

Pour garantir le développement durable et cohérent de l’économie sociale et solidaire (ESS), votre rapporteur considère primordial de porter cette ambition à un niveau politique élevé et sur le long terme. L’ESS bénéficie d’une reconnaissance institutionnelle notable, avec une ministre dédiée au sein du ministère de l’Économie et des Finances, illustrant ainsi la place croissante accordée à ce secteur dans l’élaboration des politiques publiques.

Toutefois, pour garantir l’efficacité et la pérennité de cette représentation, votre rapporteur considère qu’il est impératif de renforcer l’engagement institutionnel en faveur de l’ESS, afin de pérenniser son développement et de consolider sa reconnaissance dans les politiques publiques. Cela permettrait d’assurer une continuité dans le développement des initiatives en faveur de l’ESS et d’ancrer durablement ses spécificités au sein des priorités économiques nationales.

Votre rapporteur considère qu’il est essentiel d’assurer un portage politique durable et stable pour le développement de l’ESS. La désignation pérenne d’un ministre ou d’un délégué ministériel spécifiquement en charge de l’ESS permettrait non seulement de coordonner les actions en faveur du secteur, mais aussi de garantir la continuité des engagements de l’État. Un tel responsable serait crucial pour défendre les spécificités de l’ESS, en veillant à l’intégration de ses besoins dans les politiques économiques nationales.

Cette structuration permettrait également de renforcer la cohérence entre les initiatives locales et les orientations nationales, en s’appuyant sur des relais administratifs dans les régions. En outre, cet engagement pérenne contribuerait à garantir un suivi des projets prioritaires, notamment ceux liés à la transition écologique, sociale et numérique, tout en offrant une meilleure visibilité et mobilisation des acteurs de l’ESS.

Proposition n° 16 : Porter l’ambition de développement de l’ESS à un haut niveau politique en assurant un engagement pérenne, incarné par des responsables (ministre, délégué ministériel, haut-commissaire…), afin de garantir la coordination et la visibilité du secteur sur le long terme.

2.   S’appuyer sur les dispositifs d’ingénierie territoriale existants pour permettre un passage à l’échelle de l’ESS

Les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (Cress) sont appelées à jouer un rôle central dans la mise en œuvre de cette stratégie ambitieuse de mobilisation nationale pour l’ESS préconisée, à l’image de la French Tech. Cette initiative viserait à structurer et renforcer les relais locaux de l’ESS pour déployer efficacement une dynamique de soutien aux entreprises sociales sur tout le territoire, tout en assurant leur visibilité et leur développement. HelloAsso ([32]) porte une vision similaire à celle de votre rapporteur : « Nous proposons de transposer le modèle de la French Tech à l’ESS, en s’appuyant sur les Chambres Régionales de l’Économie Sociale et Solidaire (CRESS). Cette démarche permettrait de structurer un réseau d’accompagnement fort et de proximité, en phase avec les besoins locaux des structures de l’ESS tout en promouvant ce secteur plus largement. »

Les Cress jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement des entreprises locales de l’ESS et la structuration territoriale de ce secteur. Cependant, elles sont largement sous-financées par rapport à leurs missions légales. Comme le note ESS France, « ayant des missions légales similaires aux chambres consulaires, les CRESS sont 50 fois moins financées que les CCI ». En comparaison avec les chambres consulaires, telles que les chambres de commerce et d’industrie (CCI) ou les chambres des métiers et de l’artisanat (CMA), les ressources allouées aux CRESS sont nettement inférieures. Par exemple, selon ESS France ([33]), en Bretagne, les CCI reçoivent 25 millions d’euros, contre seulement 60 000 euros pour la CRESS, alors même que les missions légales de ces deux types de structures sont similaires.

Dans ce contexte, des acteurs comme ESS France revendiquent une redistribution plus équitable des financements publics. ESS France et l’Udes ont mis en avant la nécessité de réorienter une partie de la taxe parafiscale, actuellement attribuée aux CCI et aux CMA, vers le financement des Cress. Actuellement, en 2024, les CCI et CMA bénéficient respectivement de 502 millions d’euros et de 167 millions d’euros de cette taxe, prélevée via la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

ESS France propose que 14 % des recettes des CCI et CMA soient redirigées vers les CRESS, ce taux étant proportionnel au poids de l’ESS dans l’emploi privé (14 % en moyenne nationale). Cela représenterait environ 93,7 millions d’euros pour 2025, dont 70,3 millions d’euros issus des recettes des CCI et 23,4 millions d’euros issus des recettes des CMA.

Cette réallocation permettrait de renforcer les capacités des Cress à accompagner le développement de l’ESS, dans une dynamique de mobilisation nationale, à l’image de la French Tech, avec une présence renforcée dans les territoires pour accompagner les acteurs de l’ESS et maximiser leur impact local.

Votre rapporteur, tout en reconnaissant la pertinence des revendications des acteurs, propose d’engager une réflexion sur la réallocation partielle de certaines ressources fiscales, plutôt que de directement prélever une part fixe des budgets des CCI et CMA. Cela permettrait de renforcer le réseau des Cress de manière progressive, tout en assurant un équilibre entre les besoins des chambres consulaires et ceux des Cress.

Cette réallocation contribuerait au succès du plan de mobilisation nationale sur 10 ans pour l’ESS, en fournissant aux Cress les moyens nécessaires pour devenir un levier de communication et d’accompagnement, similaire à ce qu’a accompli la French Tech pour les start-ups françaises.

Dans cette même optique, dans la première partie de ce rapport, votre rapporteur a déjà plaidé pour une augmentation des crédits budgétaires de la sous‑action 1 de l’action 04 du programme 305. Ces crédits sont destinés au soutien des têtes de réseaux de l’ESS, avec pour objectif de renforcer leurs capacités d’accompagnement et de suivi des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Ce renforcement budgétaire vise à améliorer l’efficacité de l’écosystème de l’ESS, en particulier dans son rôle d’accompagnement des entreprises sociales sur le terrain.

Recommandation n° 17 : Soutenir le développement des CRESS (Chambres Régionales de l’Économie Sociale et Solidaire) et leurs capacités d’animation dans tous les territoires, en engageant une réflexion sur l’allocation partielle de certaines ressources fiscales.

3.   Lancer une campagne de communication nationale relative à l’ESS

L’économie sociale et solidaire (ESS) souffre encore d’une visibilité limitée auprès du grand public, malgré son rôle fondamental dans la transition écologique et sociale. De nombreuses structures de l’ESS, innovantes et dont l’action peut avoir un impact social et environnemental, restent méconnues, ce qui freine leur développement et leur reconnaissance. Il est donc crucial de mener une vaste campagne de communication nationale pour changer cette perception. Cette initiative, soutenue par le rapporteur, vise à mieux faire connaître l’ESS et à combattre les idées reçues sur ce secteur, en s’inspirant de campagnes similaires ayant valorisé les métiers de l’artisanat ou de la French Tech. En ce sens, votre rapporteur soutient l’initiative de Maxime Baduel, délégué ministériel à l’ESS, de lancer une campagne nationale de communication au premier semestre 2025.

De plus, le cadre de l’année internationale des coopératives offre une opportunité unique de mettre en lumière l’action des coopératives dans le cadre de l’ESS, en soulignant leur rôle dans la transition écologique et sociale. En alliant communication et labellisation, cette initiative pourrait transformer la perception des métiers de l’ESS et consolider leur attractivité auprès des talents.

Portée par les Cress, cette campagne ciblerait le grand public, mais aussi les jeunes et les professionnels en reconversion, afin de les sensibiliser aux opportunités professionnelles et à l’impact social, économique, et environnemental que l’ESS génère. Elle permettrait d’éclairer la diversité des métiers, de promouvoir leurs valeurs et d’attirer de nouveaux talents vers ces secteurs innovants.

En parallèle de cette campagne, l’instauration d’un classement dédié aux entreprises de l’ESS, similaire au Next 40 ou au French Tech 120, permettrait de valoriser les acteurs et entreprises à fort impact social et environnemental. Ce classement serait un levier essentiel pour donner de la visibilité à ces structures, les accompagner dans leur développement, et renforcer leur reconnaissance à l’échelle nationale et internationale. Des dispositifs d’accompagnement sur mesure, incluant mentorat, soutien financier via Bpifrance ou la Banque des territoires, et appui réglementaire, aideraient ces entreprises à grandir et à se structurer.

Ainsi, cette combinaison entre communication nationale et accompagnement stratégique contribuerait à dynamiser l’écosystème de l’ESS, tout en augmentant son impact et sa capacité d’innovation.

Proposition n° 18 : Mettre en lumière les succès de l’ESS, de l’impact et de l’innovation dans ces secteurs et favoriser leur croissance en créant un classement et programme d’accompagnement, inspiré des initiatives comme le « Next 40 » ou le « French Tech 120 ».

L’idée de renforcer le soutien financier des Cress et de leur permettre d’animer plus activement le secteur de l’ESS dans les territoires repose sur une logique de renforcement de l’écosystème ESS, à l’image de ce qui a été réalisé avec le label French Tech. Si les CRESS disposaient de financements dédiés et d’un appui renforcé, elles pourraient jouer un rôle central dans la mobilisation des acteurs locaux, créant ainsi un environnement plus propice à l’innovation sociale.

Un financement mieux structuré permettrait non seulement d’accompagner les structures existantes, mais aussi de les rendre plus attractives pour les collectivités locales. En effet, en voyant le dynamisme et l’attractivité du secteur ESS dans les territoires, les collectivités seraient plus enclines à mettre à disposition des locaux vacants à des prix modiques, voire gratuitement. Ce modèle pourrait s’inspirer de l’exemple des start-up French Tech, qui bénéficient de l’accompagnement institutionnel et de l’animation locale pour favoriser leur implantation.

En développant cette dynamique, les Cress deviendraient des acteurs incontournables pour l’animation du secteur, facilitant la mise en réseau et l’accès à des espaces de travail, tout en créant une labellisation attractive pour les collectivités locales et les entreprises innovantes de l’ESS. Un soutien immobilier, sous forme de baux à loyer modéré ou de locaux gratuits, participerait à la structuration de l’ESS à l’échelle régionale et renforcerait son impact territorial.

Cette approche, en mettant en avant les Cress comme pilier de la stratégie de déploiement de l’ESS, renforcerait l’animation locale et attirerait des partenaires publics et privés, assurant ainsi une montée en puissance des initiatives locales et une meilleure visibilité des acteurs de l’ESS sur le terrain.

II. Financer et mobiliser l’ensemble des acteurs dans une dynamique nationale

  1. Renforcer l’écosystème de financement de l’ESS et de l’impact pour une mobilisation nationale
  1. Révolutionner l’impact social et environnemental : un plan d’innovation sociale pour l’ESS

Votre rapporteur a souligné le caractère limité ([34]) de l’engagement des banques publiques, notamment Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), pour répondre aux besoins croissants du secteur de l’ESS, en particulier en matière d’innovation sociale. En effet, malgré leurs interventions, les résultats sont encore largement en deçà des attentes. Par exemple, en 2021, seulement 114 interventions ([35]) de cofinancement de Bpifrance ont été dirigées vers l’ESS, représentant à peine 0,9 % de ses actions, et en matière d’innovation, seules 181 interventions sur 8 292 au total en 2021 ont été réalisées, principalement sous forme de subventions ou d’avances remboursables. Ces chiffres sont nettement inférieurs à ceux alloués à d’autres secteurs économiques, alors que l’ESS est un levier essentiel de la transition écologique et sociale.

De plus, la CDC, malgré son rôle historique dans le financement des projets à impact social, voit également ses interventions diminuer. En 2022, les financements directs versés par la CDC à l’ESS ont chuté de 21 %, avec 85 % des montants alloués aux associations. Le fonds d’épargne de la CDC, bien qu’il ait soutenu des projets à hauteur de 1,367 milliard d’euros, reste largement concentré sur des coopératives spécifiques, telles que les coopératives HLM.

Ces résultats montrent que les dispositifs actuels sont insuffisants et inadaptés aux besoins spécifiques des acteurs de l’ESS, en particulier en matière d’innovation sociale. Les acteurs et entreprises de l’ESS sont confrontées à des difficultés structurelles d’accès aux financements, en raison de leur modèle de lucrativité limitée et de leur dépendance aux subventions publiques. Ces obstacles sont exacerbés par des problèmes de trésorerie, notamment en lien avec les délais de paiement des acteurs publics. Il est crucial de mobiliser les outils financiers existants pour renforcer leur capacité d’investissement, notamment dans des secteurs prioritaires tels que la transition écologique.

Votre rapporteur recommande de s’appuyer sur tous les outils financiers déjà en place via Bpifrance et la CDC, incluant les subventions, prêts garantis, et investissements en fonds propres. Ces dispositifs, bien qu’existants, sont encore peu mobilisés pour répondre aux besoins spécifiques des structures de l’ESS. En consolidant et en renforçant ces mécanismes de soutien, notamment à travers des fonds de garantie dédiés, il serait possible d’atténuer les risques financiers pour les investisseurs et d’élargir l’accès aux financements bancaires.

Le développement d’un fonds d’investissement spécifiquement dédié à l’innovation sociale et environnementale, en s’appuyant sur ces outils existants, permettrait par ailleurs de rééquilibrer le soutien public entre l’innovation technologique et l’innovation sociale.

Le Plan Deep Tech, lancé en 2019, vise à positionner la France en tant que leader de l’innovation de rupture, avec un financement de 3 milliards d’euros. Ce plan s’articule autour de la stimulation de la création de startups, de l’accompagnement de leur croissance, et de la dynamisation des écosystèmes d’innovation dans les territoires. Le modèle du Plan Deep Tech a permis la création de 250 startups en 2021 et a généré des levées de fonds records, tout en intégrant des dispositifs de financement de Bpifrance et des investissements issus du programme France 2030. L’ambition est de créer 10 licornes deep tech et 100 sites industriels annuels d’ici 2030.

Transposer cette dynamique à l’innovation sociale dans le secteur de l’ESS offrirait des perspectives similaires en termes d’impact social, comme écologique. L’objectif serait de créer un écosystème soutenu par des fonds publics, permettant aux entreprises de l’ESS de bénéficier d’un accompagnement renforcé pour développer des solutions innovantes répondant aux enjeux de la transition écologique et sociale.

Les outils financiers de Bpifrance et de la CDC (prêts garantis, subventions, investissements en fonds propres) pourraient être adaptés à ce secteur, de la même manière qu’ils le sont pour les deep techs. L’accès à des fonds comme Invest EU ou des crédits nationaux permettrait de dynamiser les projets innovants à fort impact social et environnemental, créant ainsi un cadre propice à l’émergence d’entreprises ESS innovantes et à leur passage à l’échelle.

En s’inspirant de la structure du Plan Deep Tech, un plan pour l’innovation sociale pourrait générer des entreprises « licornes » de l’ESS, tout en renforçant l’impact social et écologique des projets à long terme. Cette stratégie garantirait une meilleure répartition des soutiens publics entre innovation technologique et sociale.

Proposition n° 19 : Créer un fonds d’investissement pour l’innovation sociale, en mobilisant les outils de financement, subventions, prêts garantis et investissements en fonds propres de Bpifrance et de la CDC, sur le modèle du plan Deep Tech.

  1. Le plan « France 2030 » doit être prolongé et renforcé avec un nouveau plan « France 2050 », intégrant pleinement l’innovation sociale et écologique, ainsi que les acteurs de l’ESS et de l’impact.

Dans la continuité du plan « France 2030 », qui a marqué une étape cruciale en soutenant massivement l’innovation technologique et la transition écologique, il est désormais nécessaire d’anticiper et de préparer la suite. Alors que France 2030 approche de ses limites en termes de capacités d’engagement, atteignant bientôt 80 %, il convient d’imaginer un plan encore plus ambitieux : « France 2050 », avec une enveloppe de 100 milliards d’euros.

Loin de remettre en question la pertinence de France 2030, qui reste un programme remarquable, la proposition vise à le prolonger en introduisant un volet crucial encore trop peu exploité : l’innovation sociale. Si France 2030 a brillamment mis l’accent sur les innovations technologiques et écologiques, France 2050 doit intégrer un axe dédié à l’innovation sociale, qui reste souvent en marge des grands projets d’investissement public.

Ce nouveau plan permettrait d’aller au-delà des seules technologies de rupture pour inclure des secteurs clés tels que la santé, l’éducation, le handicap, l’autonomie et l’accompagnement social. Il s’agirait ainsi de reconnaître que les innovations sociales sont tout aussi essentielles à la transformation durable de notre société, en agissant sur les enjeux de cohésion sociale, d’inclusion et de bien-être. France 2050 s’inscrirait ainsi comme un levier pour une économie plus juste et solidaire, en complétant les efforts déjà fournis dans le cadre de France 2030.

En incluant l’ESS dans ce plan, la France pourrait ainsi renforcer son soutien aux structures qui ont un impact direct sur les enjeux sociaux et environnementaux, souvent négligés par les dispositifs actuels. Le plan « France 2050 » se baserait sur les succès de l’innovation technologique tout en renforçant les modèles économiques centrés sur l’humain et la planète. Inspiré de modèles étrangers, comme celui du Portugal qui finance l’innovation sociale à travers une agence nationale publique, ce plan pourrait structurer un cadre de financement, alliant subventions, prêts et investissements en fonds propres, pour soutenir ces initiatives essentielles.

Dans le cadre du plan "France 2050", l’innovation sociale jouerait un rôle central dans plusieurs domaines essentiels pour la cohésion et l’inclusion sociale. L’accent serait mis sur des secteurs comme la santé, avec des innovations visant à améliorer l’accès aux soins et la prévention, ainsi que sur l’éducation, où les nouvelles approches pédagogiques pourraient favoriser une éducation inclusive et équitable. L’autonomie des personnes, notamment celles en situation de handicap, constituerait également un axe majeur, avec des solutions innovantes pour renforcer leur indépendance. En outre, l’accompagnement social et les dispositifs d’inclusion, particulièrement dans les domaines du vieillissement et de l’autonomie des personnes âgées, seraient soutenus par des innovations permettant un meilleur accompagnement des populations vulnérables.

Cette vision englobe également des avancées dans le domaine du handicap, en s’appuyant sur des technologies et des modèles d’accompagnement qui garantissent une pleine participation des personnes en situation de handicap à la vie sociale et économique. En intégrant ces dimensions au sein de l’innovation sociale, le plan "France 2050" permettrait de répondre aux grands enjeux sociétaux et environnementaux de notre époque.

Proposition n° 20 : Lancer le plan « France 2050 » avec une enveloppe de 100 milliards d’euros, incluant un axe dédié à l’innovation sociale et environnementale, en particulier pour les acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) et de l’impact.

  1. L’"IR-JEI Midy" : Un outil renforcé et adapté pour soutenir le financement des entreprises dans l’ESS.

Dans le cadre d’un plan de mobilisation nationale pour soutenir l’ESS et favoriser l’innovation à impact social et environnemental, votre rapporteur estime qu’il est impératif de renforcer les dispositifs fiscaux, en particulier à travers l’agrément Esus. Ce renforcement permettrait d’attirer davantage d’investisseurs et d’offrir un cadre fiscal plus favorable, encourageant ainsi les entreprises de l’ESS à maximiser leur impact et à développer leur potentiel d’innovation.

L’agrément Esus (entreprise solidaire d’utilité sociale), instauré en 2014 dans le cadre de la loi relative à l’économie sociale et solidaire, crée un cadre spécifique pour les entreprises répondant à des missions sociales, environnementales ou d’inclusion. Ces entreprises doivent remplir des critères stricts, tels que la gouvernance démocratique et l’orientation vers des publics ou territoires vulnérables. L’agrément, délivré par les DREETS avec l’appui de la DG Trésor, facilite l’accès à des financements solidaires et offre des avantages fiscaux, comme le dispositif IR PME Esus, qui permet une réduction d’impôt sur le revenu égale à 25 % des investissements en capital dans ces entreprises.

Le nombre de structures agréées Esus est en forte augmentation depuis 5 ans. En 2019, l’État dénombrait 1 709 agréments délivrés à des structures de l’ESS par les services déconcentrés de l’État. À la fin de l’année 2023, ont été recensées 2 690 structures agréées, soit une augmentation de 57 % en l’espace de 5 ans. La liste des structures agrée Esus est publiée sur le site de la DG Trésor ([36]).

Cependant, ce dispositif n’a atteint qu’en partie ses objectifs. Les entreprises agréées Esus restent peu connues du grand public et des investisseurs, et le processus d’obtention de l’agrément est jugé complexe. Le dispositif fiscal, bien qu’efficace, présente des limites : l’avantage est réservé aux entreprises ayant moins de 10 ans, ce qui constitue un frein pour les entreprises plus anciennes. Une révision du Règlement général d’exemption par catégories (RGEC) au niveau européen est envisagée pour prolonger l’avantage au-delà de cette période. En parallèle, le taux de réduction d’impôt pour les PME non Esus a été abaissé à 18 % dans le PLF pour 2024, mais le maintien du taux bonifié à 25 % est suggéré pour les Esus, afin de préserver leur attractivité pour les investisseurs.

Proposition n° 21 : Prolonger le taux majoré de 25 % de l’IR-PME Esus sur plusieurs années, avec une visibilité à long terme, pour garantir un soutien durable à l’investissement dans ces structures sociales.

Il n’existe pas d’agents de l’État spécifiquement affectés exclusivement à l’ESS en région. En effet, les correspondants régionaux de l’ESS, souvent en poste au sein des Dreets (Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités), en raison de leurs multiples responsabilités, ne peuvent pas toujours se consacrer pleinement à la mise en œuvre des politiques dédiées à l’ESS.

Afin de renforcer l’efficacité de leur action, il serait utile d’envisager une réorganisation qui leur permette de mieux se concentrer sur les missions spécifiques à l’ESS, notamment dans la gestion des agréments Esus. Une telle mesure pourrait contribuer à réduire les délais d’instruction des dossiers, tout en améliorant la coordination et l’application des politiques publiques en faveur de l’ESS au niveau territorial.

Le dispositif IR-PME Esus a récemment été élargi ([37]) pour inclure des entreprises liées à la préservation du patrimoine, notamment les parcs et jardins classés. Cependant, cette modification suscite des inquiétudes de la part d’acteurs de l’ESS tels que Fair et ESS France. Selon eux, cette extension dénature l’objectif initial du dispositif, qui est de soutenir les entreprises ayant un impact social fort, comme le logement social ou l’insertion par l’emploi. L’inclusion de nouvelles catégories d’entreprises pourrait non seulement augmenter les dépenses fiscales, mais également diluer les financements destinés à l’ESS vers des structures moins centrées sur des missions sociales.

Fair et ESS France expriment ainsi leur opposition à cette modification, estimant qu’elle pourrait créer des effets d’aubaine, en attirant des investisseurs vers des entreprises qui ne répondent pas aux critères sociaux initiaux. Ils préconisent de restaurer les critères originels du dispositif IR-PME Esus, afin de recentrer son accès sur les entreprises répondant à des missions sociales clairement définies par l’agrément Esus. Cela permettrait de préserver la vocation première de ce dispositif et d’assurer que les fonds d’épargne solidaire restent alignés avec les valeurs et objectifs de l’ESS.

Votre rapporteur soutient qu’il serait opportun de restaurer les critères initiaux du dispositif IR-PME Esus en limitant son accès aux seules entreprises répondant à des missions sociales définies par l’agrément Esus, comme le préconisent Fair et ESS France.

Dans le cadre de la mobilisation nationale pour l’ESS sur dix ans et afin de promouvoir l’innovation à impact social et environnemental, votre rapporteur considère nécessaire de renforcer les dispositifs fiscaux pour attirer les investisseurs vers ce secteur. L’agrément Esus, créé en 2014, offre déjà des avantages fiscaux et financiers, mais ces derniers restent insuffisants en comparaison des aides destinées aux entreprises technologiques, notamment à travers le dispositif des Jeunes entreprises innovantes (JEI).

En 2024, à la suite de la publication du rapport sur l’investissement dans les start-ups présenté par votre rapporteur ([38]), la loi de finances a élargi ce dispositif en créant deux nouvelles catégories :

Cependant, bien que ces dispositifs bénéficient d’un soutien renforcé, les entreprises à impact et les Esus, qui développent des solutions sociales et écologiques, ne sont souvent pas éligibles à ces mesures. En effet, selon le Mouvement Impact France, les entreprises à impact social et environnemental, qui développent des solutions écologiques et sociales, sont souvent exclues de ce dispositif car elles ne sont pas considérées comme suffisamment innovantes au sens technologique. Des entreprises comme Murfy (spécialisée dans la réparation et le réemploi d’appareils électroménagers), Yuka (qui fournit des informations nutritionnelles claires aux consommateurs), ou Les Alchimistes (qui propose des solutions de compostage urbain), sont des exemples d’entreprises à impact qui contribuent à l’intérêt général mais ne sont pas soutenues à la hauteur de leur contribution.

Pour combler cet écart et afin de mieux soutenir ces entreprises, votre rapporteur souhaite aligner les avantages fiscaux des entreprises agréées Esus ou des sociétés commerciales de l’ESS avec ceux des Jeunes entreprises innovantes (JEI), qui bénéficient d’une incitation fiscale sous forme de réduction d’impôt à hauteur de 30 % via l’IR JEI. Cette mesure permettrait de renforcer l’attractivité des investissements dans les jeunes entreprises à impact social et environnemental. Elle offrirait un cadre plus équitable de soutien public, comparant l’innovation sociale à l’innovation technologique, et encouragerait ainsi les projets de transition et de transformation sociale.

Proposition n° 22 : Soutenir le développement des jeunes entreprises sociales agréées Esus et des sociétés commerciales de l’ESS en leur accordant une incitation fiscale de 30 %, calquée sur le modèle de l’IR-JEI Midy, afin de favoriser les investissements en capital et l’innovation sociale.

C’est dans cette optique que le rapporteur propose également la création d’un statut spécifique de Jeune entreprise innovante à impact (JEII). Ce nouveau statut permettrait de reconnaître les entreprises qui innovent dans les domaines sociaux et écologiques, en s’appuyant sur le cadre législatif existant de l’agrément Esus et des entreprises commerciales de l’ESS. Ce statut JEII inclurait des exonérations de charges sociales et une réduction d’impôt de 50 % pour les particuliers investissant dans ces entreprises. Le statut de Jeune Entreprise Innovante à Impact (JEII) pourrait cumuler dans un premier temps les conditions requises à la fois pour les JEI et les entreprises commerciales de l’ESS, incluant également les entreprises bénéficiant de l’agrément Esus. Cela permettrait aux jeunes entreprises innovantes et à impact de bénéficier d’exonérations sociales, ainsi que d’une incitation fiscale renforcée, tout en respectant les critères d’innovation et de lucrativité limitée propres à l’ESS. Cette approche permettrait d’aligner l’innovation sociale et environnementale sur les critères fiscaux de l’innovation technologique, tout en renforçant l’attractivité de ces entreprises auprès des investisseurs privés. Une telle mesure renforcerait la dynamique d’innovation dans le secteur ESS, tout en attirant des investissements privés. Dans un second temps il conviendrait de préciser des critères spécifiques et mieux adaptés pour définir les JEII.

Proposition n° 23 : Créer un statut de « Jeune entreprise innovante à impact » (JEII), qui cumule les conditions du statut JEI et de l’agrément Esus ou des entreprises commerciales de l’ESS, permettant ainsi une exonération des charges sociales et une réduction d’impôt de 50 % pour les particuliers investissant dans ces entreprises.

B. Mobiliser les Français et les entreprises traditionnelles autour de l’ESS

  1.   Impliquer davantage le secteur privé traditionnel

a.   Promouvoir un scoring de l’impact social et environnemental des entreprises

Dès 2009, le rapport Stiglitz ([39]) appelait à une réévaluation fondamentale de la manière dont les sociétés mesurent leur progrès, en passant d’indicateurs strictement économiques comme le PIB à des mesures plus multidimensionnelles, qui incluent le bien-être, les inégalités sociales et la durabilité environnementale. Dans le contexte des entreprises de l’ESS, il devient essentiel de se doter d’outils de mesure qui reflètent non seulement leur performance économique, mais également leur impact social et environnemental, leur contribution à la réduction des inégalités et des coûts évités pour la société (comme les économies en dépenses sociales ou environnementales).

Le Mouvement Impact France propose d’aller plus loin, en suggérant de mieux valoriser ces coûts évités. Cette approche, qui consiste à intégrer dans l’évaluation des entreprises l’impact positif qu’elles génèrent en termes de réduction des dépenses publiques, est cruciale pour objectiver la contribution de ces structures au bien-être collectif. Par exemple, les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) pourraient bénéficier d’une évaluation des coûts évités dans les territoires où ils sont implantés, afin d’apporter des données concrètes et chiffrées démontrant leur efficacité.

Le Mouvement Impact France

Le Mouvement Impact France, né de la fusion entre Tech For Good France et le Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves) en 2020, rassemble des entreprises engagées dans la transition écologique et sociale. Il promeut un modèle entrepreneurial centré sur l’impact positif, en réconciliant performance économique et impact social et environnemental. Ses objectifs incluent l’accélération de la transition écologique par la réduction des émissions de CO2 et la gestion durable des ressources, ainsi que la lutte contre les inégalités, en favorisant l’inclusion et l’équité. Le mouvement défend une vision où la réussite d’une entreprise se mesure autant par sa rentabilité que par son impact écologique et social.

Pour atteindre ces objectifs, le Mouvement Impact France milite pour des réformes législatives et réglementaires en faveur d’une économie d’impact, tout en accompagnant les entreprises membres via des outils d’évaluation comme le "SCORE IMPACT". Il joue également un rôle clé dans la mise en réseau des entrepreneurs engagés, des pouvoirs publics et des financeurs, afin de créer un écosystème propice à l’essor des entreprises à impact. En prônant un modèle entrepreneurial orienté vers le bien commun, il cherche à transformer l’économie pour un futur plus durable, solidaire, et équitable.

Votre rapporteur propose de s’appuyer sur cette dynamique pour promouvoir l’élaboration d’une logique de scoring qui permettrait d’évaluer de manière globale et holistique les progrès des entreprises de l’ESS en termes d’impact social, économique et environnemental. Ce système de scoring pourrait être développé en concertation avec des économistes et des chercheurs, et s’appuierait sur des indicateurs partagés par l’ensemble des acteurs concernés. Ces indicateurs mesureraient non seulement la performance économique, mais aussi l’impact des entreprises sur la réduction des inégalités, la transition écologique, ainsi que les coûts évités pour la société grâce aux innovations sociales.

En reliant les progrès des entreprises à ces indicateurs d’impact multidimensionnels, cet outil permettrait une évaluation plus précise de leur valeur ajoutée, non seulement sur le plan financier, mais aussi dans leur capacité à répondre aux grands défis sociaux et environnementaux.

Ce cadre permettrait d’adopter une approche à long terme, en garantissant que les indicateurs soient bien alignés avec les objectifs sociétaux, tout en assurant une meilleure valorisation de ces entreprises auprès des pouvoirs publics et des investisseurs.

Proposition n° 24 : Promouvoir l’élaboration d’une logique de scoring à impact social et environnemental pour les entreprises, fondée sur une approche collaborative avec les experts et les acteurs de terrain, afin de mieux mesurer leur contribution au progrès environnemental et social.

b.   Encourager les collaborations stratégiques et les conversions entre l’économie traditionnelle et l’ESS

Le secteur privé joue un rôle de plus en plus crucial dans la transition écologique et sociale, notamment en intégrant des pratiques responsables au sein de leurs politiques d’achat. Cependant, des zones d’ombre persistent, notamment en ce qui concerne le manque de transparence sur les engagements pris par certaines entreprises dans leurs relations avec l’économie sociale et solidaire (ESS). Selon certains acteurs auditionnés, l’absence d’obligation de communication dans les rapports portant sur la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des grandes entreprises concernant les marchés solidaires conclues est un frein au développement de véritables synergies entre le secteur privé et l’ESS.

L’idée, selon votre rapporteur, est d’engager une réflexion sur la manière dont les entreprises privées lucratives, à partir d’une certaine taille, pourraient améliorer la transparence de leurs achats responsables. Il pourrait s’agir, par exemple, d’inviter ces entreprises à inclure dans leur rapport RSE des informations sur les contrats passés avec des entreprises de l’ESS. Cette démarche permettrait de valoriser les efforts des entreprises traditionnelles, tout en garantissant un meilleur suivi de leur impact social et environnemental.

Proposition n° 25 : Engager une réflexion sur la manière d’inciter les entreprises privées lucratives à améliorer la transparence de leurs achats responsables, notamment en encourageant la mention du nombre de contrats conclus avec des entreprises de l’ESS dans leurs rapports RSE annuels.

Par ailleurs, afin de renforcer le soutien financier du secteur privé à l’ESS, il est proposé d’envisager la création d’une « Conférence des financeurs ». Cette initiative réunirait entreprises, investisseurs et acteurs publics pour définir des stratégies de financement visant à soutenir le développement de l’ESS. Elle pourrait notamment explorer des mécanismes de cofinancement ou des partenariats public-privé, favorisant ainsi une meilleure intégration des entreprises à impact dans le tissu économique.

En encourageant ces collaborations stratégiques entre le secteur privé et l’ESS, et en s’appuyant sur des initiatives concrètes comme les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), il est possible d’accélérer la transition vers un modèle économique plus inclusif et durable. Ces PTCE, véritables lieux de convergence entre les acteurs publics, privés et sociaux, jouent déjà un rôle clé dans le renforcement de ces dynamiques locales et territoriales.

Par ailleurs, la constitution d’un fonds de conversion des entreprises lucratives vers le modèle de l’ESS pourrait constituer un levier puissant pour encourager cette transformation, en accompagnant les entreprises qui manifestent une volonté de s’engager dans une économie plus responsable et solidaire. Ce fonds serait destiné à faciliter la transition, en apportant des financements spécifiques pour couvrir les coûts liés à la conversion (tels que la réorganisation de la gouvernance, la formation des équipes, ou encore l’adaptation des activités aux critères de l’ESS). Par ailleurs, il pourrait également être utilisé pour favoriser la reprise ou le maintien d’activités en difficulté, tout en préservant un modèle socialement responsable.

Proposition n° 26 : Constituer un fonds de conversion destiné à soutenir les entreprises privées qui souhaitent se transformer en entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) ou de l’impact, ainsi que celles envisageant des reprises ou des activités à maintenir dans ce secteur.

c.   Réfléchir à la fiscalité de demain pour une transition écologique et sociale

L’évolution des dispositifs fiscaux à long terme est une piste clé pour accompagner la transition vers une économie plus écologique, sociale et solidaire. La bonification des dispositifs fiscaux pour les entreprises de l’ESS et celles disposant de l’agrément Esus est l’une des premières voies envisagées. Les entreprises ESS/Esus, en raison de leur engagement dans des projets à impact social et environnemental, pourraient bénéficier de taux plus avantageux sur des dispositifs comme le CIR et le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). Cette approche reconnaîtrait leur rôle central dans la transition écologique, en leur offrant un soutien fiscal qui valorise leur engagement. De même, pourrait être envisagée une modulation de l’imposition sur les profits et le capital, où la fiscalité serait ajustée selon la performance sociale et environnementale des entreprises. Selon EC27, cela pourrait, par exemple, passer par une réduction du taux de la flat tax de 30 % à 15 % pour les sociétés ESS/Esus, ou par une diminution du taux d’imposition sur les sociétés de 25 % à 15 %, encourageant ainsi les investissements dans les entreprises engagées.

En parallèle, les prêts et subventions publiques accordés par des organismes comme Bpifrance, l’Ademe, ou la CDC, pourraient également être majorés. Cette majoration viserait à améliorer les conditions de financement pour les entreprises ESS. Les taux bonifiés et les conditions d’accès plus souples, avec des remboursements à long terme, offriraient une meilleure adaptation aux spécificités économiques de ces structures. Cette dynamique renforcerait les capacités des entreprises de l’ESS à investir dans l’innovation sociale et environnementale, leur permettant de contribuer de manière plus efficace à la transition.

La fiscalité de demain doit aussi s’envisager à travers des outils comme la TVA modulée selon l’empreinte carbone. Ce principe d’ajustement permettrait de réduire la TVA sur les biens et services respectueux de l’environnement, tout en l’augmentant sur les produits à forte empreinte carbone. Cela inciterait les consommateurs à privilégier des produits plus verts, et renforcerait les modèles économiques des entreprises de l’économie circulaire, dont une grande partie provient de l’ESS.

Enfin, les marchés publics pourraient être repensés pour encourager les entreprises ESS à répondre aux appels d’offres avec une notation qui prendrait en compte leur statut particulier. Cette mesure, qui favoriserait la collaboration entre les entreprises conventionnelles et les entreprises de l’ESS, pourrait s’accompagner d’une réflexion plus globale sur la transparence des politiques d’achats responsables des grandes entreprises. Ces dernières, dans le cadre de leur rapport RSE, pourraient être invitées à indiquer les marchés solidaires qu’elles ont conclus, renforçant ainsi leur engagement dans une démarche d’achats socialement responsables.

Proposition n° 27 : Réfléchir à une modulation à moyen terme des dispositifs de soutien public et de fiscalité dédiés aux entreprises en fonction des performances sociales et environnementales, afin de favoriser l’ESS et de l’impact.

L’objectif de cette réflexion est de créer un cadre fiscal qui incite les entreprises à adopter des modèles économiques plus vertueux, tout en offrant à l’ESS des outils adaptés pour maximiser son impact dans la transition écologique et sociale.

Un tel changement représente bien sûr une évolution majeure dans la façon de soutenir l’économie. Il est donc nécessaire d’aborder cette transition de manière progressive et concertée, en prenant le temps d’un travail approfondi. Cette démarche devra s’appuyer sur une analyse rigoureuse des impacts économiques et sociaux, afin de garantir que cette modulation des dispositifs publics soit mise en place dans des conditions favorables à la réussite de l’ESS, tout en évitant des perturbations trop brutales pour les entreprises concernées.

2.   Impliquer davantage les français à soutenir l’ESS

a.   Former les jeunes générations et encourager l’engagement citoyen et entrepreneurial

L’un des leviers les plus puissants pour promouvoir l’ESS réside dans l’éducation et la sensibilisation des jeunes générations. Cela passe par des programmes éducatifs qui intègrent des modules sur l’ESS et son impact social, permettant ainsi aux jeunes d’être conscients des enjeux de solidarité et de transition écologique dès leur plus jeune âge. En parallèle, une communication grand public est nécessaire pour mobiliser non seulement les citoyens, mais également les entreprises autour des valeurs de l’ESS. Cette stratégie nationale d’engagement citoyen et entrepreneurial doit être au cœur de la mobilisation pour un modèle économique plus inclusif et durable.

b.   Mieux flécher l’épargne des français vers l’ESS et l’impact

Le principal enjeu pour les structures de l’ESS engagées dans la transition écologique est de trouver des financements privés qui leur permettent de changer d’échelle, tout en respectant les principes de gouvernance démocratique et de partage de la valeur. Contrairement aux logiques lucratives classiques, ces structures doivent souvent compter sur l’autofinancement ou sur des investisseurs prêts à renoncer à une rentabilité aussi forte que dans le secteur lucratif.

L’épargne solidaire constitue une réponse à cette problématique. En 2023, les encours de cette épargne ont atteint 30 milliards d’euros ([40]), marquant une hausse notable par rapport à l’année précédente. Cependant, malgré ces chiffres encourageants, l’épargne solidaire ne représente que 0,5 % de l’épargne totale des Français, ce qui montre qu’il reste une marge de progression importante. Les principaux canaux de financement de la finance solidaire incluent l’épargne salariale solidaire, l’épargne bancaire solidaire, et la souscription directe de titres solidaires.

Un renforcement récent est venu de la loi du 13 juin 2024 ([41]), qui vise à accroître le financement des entreprises solidaires d’utilité sociale (Esus). Cette loi prévoit, entre autres, l’augmentation du plafond d’investissement des fonds solidaires (90-10) à 15 % ([42]) et des exigences accrues pour les fonds investissant dans les entreprises Esus. Cela permet d’attirer davantage de capitaux privés vers l’ESS, tout en garantissant que les fonds soutiennent les entreprises les plus engagées du point de vue social et environnemental.

Malgré ces avancées, plusieurs freins subsistent. L’épargne solidaire reste peu connue du grand public, et les conseillers bancaires proposent rarement ces produits à leurs clients. En outre, les investisseurs institutionnels restent sous-représentés dans la finance solidaire, souvent perçue comme risquée ou peu rentable. Pourtant, des exemples comme le fonds MAIF labellisé Finansol montrent que l’investissement solidaire peut être significatif et attractif.

Pour encourager un soutien plus direct des Français à l’ESS, votre rapporteur considère essentiel de réorienter une partie de leur épargne vers des produits financiers solidaires.

Votre rapporteur propose à cet égard d’étendre le mécanisme de don associé au LDDS au Livret A, afin d’accroître les financements dédiés aux projets de transition écologique et sociale.

Le mécanisme de don associé au livret de développement durable et solidaire (LDDS), mis en place en 2020, permet aux épargnants de faire un don volontaire à des associations ou entreprises de l’ESS directement depuis leur livret, sans affecter leurs avantages fiscaux ou le rendement de leur épargne. Ce dispositif innovant a pour objectif de soutenir les projets à impact social et environnemental, en facilitant l’orientation de l’épargne des citoyens vers des actions concrètes. Cependant, son application reste limitée au seul LDDS, et n’a pas encore été étendue à d’autres produits d’épargne réglementée. En proposant d’élargir ce mécanisme au Livret A, votre rapporteur souhaite offrir une nouvelle opportunité aux millions de détenteurs de ce livret de contribuer au financement de projets d’intérêt général, tout en maintenant leur épargne sécurisée.

Proposition n° 28 : Étendre le mécanisme de don associé au livret de développement durable et solidaire (LDDS) au livret A pour augmenter les financements dédiés aux projets de transition écologique et sociale.

Pour encourager un soutien plus direct des Français à l’ESS, votre Rapporteur souligne la nécessité d’adopter une approche diversifiée pour orienter une partie de leur épargne vers des produits financiers solidaires, sans limiter cette réorientation à des mécanismes spécifiques. Si l’élargissement du mécanisme de don associé au LDDS au Livret A est une mesure intéressante, elle ne constitue qu’un levier parmi d’autres et reste limitée, car elle ne concerne que les plus-values et n’engage pas une véritable réorientation globale de l’épargne.

L’une des premières étapes consiste à développer la notoriété des produits financiers solidaires. Le label Finansol, qui certifie les produits d’épargne à impact social et environnemental, devrait bénéficier d’une visibilité accrue auprès des épargnants. Pour cela, Fair considère crucial que les conseillers bancaires proposent de manière systématique des produits labellisés Finansol aux clients, en particulier ceux manifestant des préférences pour la durabilité. Il est avéré que lorsqu’un produit solidaire est présenté, les épargnants y adhèrent plus facilement. Une meilleure sensibilisation et formation des conseillers permettrait de maximiser cette opportunité, tout en s’assurant que les obligations légales concernant la présentation d’un support solidaire dans les plans d’épargne salariale et les assurances-vie multisupport soient pleinement respectées. Actuellement, ces obligations sont souvent mal appliquées, freinant ainsi le potentiel de collecte pour l’ESS.

L’autre levier important concerne la prolongation du taux bonifié pour l’IR PME ESUS et IR SIEG. Ces dispositifs fiscaux, qui permettent aux investisseurs de bénéficier de déductions fiscales en investissant dans des entreprises solidaires, sont aujourd’hui fixés à un taux temporaire de 25 %. Cependant, cette mesure est sujette à des décisions annuelles, créant de l’incertitude pour les investisseurs. Stabiliser ce taux à un niveau permanent de 30 %, en cohérence avec d’autres dispositifs fiscaux similaires, offrirait une prévisibilité accrue et sécuriserait les investissements dans l’ESS. Cela encouragerait davantage de souscripteurs à se tourner vers ces produits, garantissant ainsi un soutien financier pérenne aux entreprises solidaires.

Cette approche s’aligne directement avec la proposition de votre rapporteur, visant à soutenir le développement des jeunes entreprises sociales agréées Esus et des sociétés commerciales de l’ESS ([43]) en leur accordant une incitation fiscale de 30 %, calquée sur le modèle de l’IR-JEI Midy, afin de favoriser les investissements en capital et l’innovation sociale.

Elle s’inscrit également dans la proposition, qui vise à créer un statut de « Jeune entreprise innovante à impact » (JEII), cumulant les conditions du statut JEI et de l’agrément Esus ou des entreprises commerciales de l’ESS. Ce statut permettrait une exonération des charges sociales et une réduction d’impôt de 50 % pour les particuliers investissant dans ces entreprises, renforçant ainsi l’attractivité de l’innovation sociale et environnementale.

Par ailleurs, l’une des pistes proposées par les acteurs auditionnés consiste à augmenter progressivement la part de l’épargne réglementée dirigée vers l’ESS. Votre rapporteur trouve cette idée intéressante et mérite qu’on y engage une réflexion approfondie. Toutefois, il convient de noter que l’épargne réglementée est déjà mobilisée pour financer de nombreux autres secteurs d’intérêt général, comme le logement social, la transition énergétique ou encore les infrastructures publiques. Cela nécessite donc un arbitrage équilibré pour éviter de déséquilibrer les priorités actuelles tout en soutenant l’ESS de manière plus ambitieuse.

Enfin, une réorientation significative de l’épargne ne peut se faire sans impliquer davantage les investisseurs institutionnels. Pour cela, il est nécessaire de modifier certaines dispositions réglementaires freinant les investissements dans l’ESS. Par exemple, l’article R. 332-2 du code des assurances pourrait être révisé pour permettre aux assureurs d’investir dans les émissions obligataires des associations ou fondations. Ces ajustements permettraient de lever des freins culturels et réglementaires, et d’encourager des investissements plus substantiels dans des entreprises à fort impact social.

Proposition n° 29 : Mieux orienter l’épargne des Français vers des investissements à impact social et environnemental, notamment en faveur de l’ESS.

 

 

 

 


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 16 octobre 2024, la commission a procédé à l’examen pour avis, sur le rapport de M. Charles Fournier, des crédits du programme « Économie sociale et solidaire » de la mission « Économie ».

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous débutons ce matin l’examen pour avis des crédits de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2025. Le budget a été présenté par le Gouvernement le 10 octobre, alors que la loi organique relative aux finances publiques (Lolf) dispose que le projet de loi de finances initiale doit être déposé au plus tard le 1er octobre. Nous connaissons les raisons de ce retard, mais nous ne pouvons que déplorer cette situation, qui nous conduit à travailler dans des délais particulièrement courts.

En guise de remarque liminaire, je rappelle simplement l’importance économique du secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS), avec 2,4 millions d’emplois et plus de 160 000 entreprises.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Je tiens à exprimer ma profonde gratitude envers l’ensemble des acteurs que nous avons auditionnés malgré un agenda contraint. L’économie sociale et solidaire, qui a été consacrée par la loi Hamon de 2014, n’est pas seulement une alternative au modèle économique traditionnel : c’est un modèle en soi, une véritable voie de transformation s’appuyant sur la juste répartition de la valeur créée, une gouvernance participative et de solides objectifs sociaux et environnementaux. Malgré ces fondements solides, ce modèle est encore méconnu et les moyens qui lui sont alloués demeurent insuffisants. Pourtant, il représente environ 10 % de notre PIB et 14 % de l’emploi privé, et permet à la puissance publique d’éviter des milliards d’euros de coûts.

Le constat est alarmant : les crédits du projet de loi de finances pour 2025 sont bien en deçà des besoins réels. Ainsi, les crédits dédiés à l’ESS au sein de l’action 04 du programme 305 Stratégies économiques enregistrent une baisse de 18,8 % en autorisations d’engagement (AE) et de 24,9 % en crédits de paiement (CP). Concrètement, cela se traduit par moins de moyens pour accompagner les acteurs de la transition écologique, les acteurs sociaux et ceux qui, sur le terrain, œuvrent au quotidien pour l’inclusion sociale, ainsi que par moins d’investissements pour l’innovation sociale. J’émets donc un avis défavorable à l’ensemble des crédits de l’action 04 du programme 305.

Dans un contexte budgétaire et économique particulièrement difficile, la première ambition doit être de renforcer le soutien de l’État à l’accompagnement des acteurs de l’ESS, dans la continuité de la dynamique des dernières années. J’en profite pour saluer le travail de l’ancienne ministre chargée de l’économie sociale et solidaire, Olivia Grégoire.

La baisse des crédits de l’action 04 est une menace directe pour le développement de l’ESS, alors qu’elle constitue un levier essentiel pour de nombreuses politiques publiques : accompagnement des plus vulnérables, lutte contre la précarité, insertion, retour à l’emploi, désertification de certains territoires et transition écologique. Ce n’est pas seulement une question de financements, c’est aussi une question de priorités. Nous proposerons donc plusieurs amendements, d’abord pour augmenter les crédits budgétaires alloués au soutien aux têtes de réseau à l’ESS, qui sont les « chevilles ouvrières » de l’accompagnement et du suivi des acteurs de l’ESS au quotidien ; ensuite, pour renforcer le dispositif local d’accompagnement (DLA) ; et enfin pour poursuivre le développement des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), véritables laboratoires d’innovation sociale favorisant les synergies au cœur des territoires.

Le secteur de l’ESS répond aux besoins sociaux et anticipe les défis économiques et environnementaux, dans un contexte de désertification de certains territoires, de dégradation de certains services publics et d’augmentation des inégalités. Ces structures sont souvent les premières à intervenir et à innover. Elles sont un levier crucial pour maintenir des emplois là où le marché traditionnel ne le fait pas et pour innover dans des domaines où les entreprises traditionnelles ne perçoivent pas de rentabilité immédiate. Elle permet de tisser des ponts solides entre le monde économique et le secteur social et constitue un filet de sécurité indispensable pour garantir la cohésion, notamment en faveur des plus fragiles.

Les financements alloués à l’ESS ne sont pas de simples dépenses, mais des investissements dans notre avenir collectif. Chaque euro investi dans l’ESS permet de créer de la valeur économique, mais aussi d’éviter des coûts sociaux importants pour la puissance publique. Dans certains territoires, l’ESS représente plus de 20 % des emplois ; elle incarne le « premier kilomètre de l’intérêt général ». Il est donc temps de la reconnaître davantage dans nos politiques publiques et dans les mécanismes économiques du pays.

Deuxième ambition : reconnaître pleinement la contribution exceptionnelle des acteurs de l’ESS et les intégrer dans le droit commun. Il s’agit de construire à court et moyen terme un cadre pérenne qui leur permette de s’épanouir et de jouer pleinement leur rôle au service de l’intérêt général. Pour donner plus de visibilité aux acteurs de l’ESS, je propose de créer un compte satellite dédié pour mesurer avec précision l’impact économique et social du secteur afin de fonder nos décisions politiques sur des données fiables.

Je recommande aussi qu’un orange budgétaire regroupant l’ensemble des financements dédiés à l’ESS soit présenté en annexe du projet de loi de finances. Le ministère des finances nous a fait parvenir cette année un panorama des crédits affectés par l’État à l’ESS, soit un montant de 15 milliards, mais ce suivi doit être fait systématiquement à chaque projet de loi de finances.

Il faut faciliter l’accès des entreprises de l’ESS aux marchés publics et aux différents types d’aides. Trop souvent, les organisations de l’ESS n’entrent pas dans les cases des dispositifs d’aide aux entreprises, mais cela peut changer. Je rappelle que, pendant la crise du Covid, le Gouvernement a porté une attention particulière au versement d’aides aux structures spécifiques de l’ESS. Il faut désormais les intégrer dans le droit commun.

Je suggère également une revue des écarts fiscaux entre les entreprises de l’ESS et les entreprises traditionnelles en vue d’une harmonisation des régimes. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), une forme d’impôt de production, a baissé. Beaucoup des entreprises de l’ESS ne la payent pas, mais pourquoi ne pourraient-elles pas bénéficier par exemple d’une baisse de la taxe sur les salaires, qui pèse sur l’emploi dans le secteur ?

L’innovation sociale et écologique doit être valorisée au même titre que l’innovation technologique. Je propose donc un mécanisme similaire au crédit d’impôt recherche (CIR) pour les entreprises qui font de l’innovation sociale et écologique.

Troisième ambition, enfin, alors que nous fêtons cette année le dixième anniversaire de la structuration de l’ESS par la loi Hamon : doubler le poids et l’impact de l’ESS dans les dix prochaines années, grâce à une mobilisation nationale et à un plan stratégique à moyen et long terme, afin que l’ESS devienne un moteur de la transformation économique et sociale.

Pour ce faire, je propose notamment une loi de programmation pluriannuelle dédiée à l’ESS pour garantir une trajectoire budgétaire cohérente selon des objectifs clairs. Il s’agit d’éviter les aléas et les fluctuations budgétaires annuelles, d’autant que beaucoup d’acteurs de l’ESS sont financés par des subventions qui peuvent beaucoup varier d’une année sur l’autre.

Autre proposition : mieux orienter l’épargne vers les investissements à impact social et environnemental. L’ESS ne peut pas prospérer sans un soutien financier accru et une forte implication citoyenne.

Le plan « France 2050 », plan d’investissement que j’appelle de mes vœux, devra, avec sa dotation de 100 milliards, poursuivre le soutien du plan France 2030 à l’innovation écologique, mais il devra également intégrer l’innovation sociale afin de soutenir les acteurs de l’ESS, qui sont des laboratoires d’innovation sociale et constituent de nouveaux modèles économiques durables et inclusifs.

La création et la croissance d’entreprises sociales doivent être encouragées. Je propose donc de créer un statut de jeune entreprise innovante à impact, qui cumulerait les avantages du statut de la jeune entreprise innovante (JEI) avec les spécificités de l’agrément entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus) ou des sociétés commerciales de l’ESS. Il permettrait de générer des cotisations sociales et ouvrirait droit à une réduction d’impôt sur le revenu de 50 % pour les particuliers investissant dans ce type d’entreprise. Il est important de traiter les sociétés de l’ESS à l’égal des entreprises traditionnelles, pour lesquelles ce type d’incitation existe déjà.

Le plan de mobilisation en faveur de l’ESS exige une animation nationale et territoriale. Je propose donc de renforcer le soutien au financement et à l’activité des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (Cress), car l’ESS repose sur une dynamique qui est souvent très ancrée territorialement.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Frédéric Weber (RN). Il est temps de poser un regard lucide sur l’ESS car, telle qu’elle nous est aujourd’hui présentée, elle n’est rien d’autre qu’une fausse économie, reposant avant tout sur des subventions publiques, des aides massives de l’État et une vision idéologique, bien souvent teintée de néomarxisme. Elle n’a plus grand-chose à voir avec l’esprit d’entreprise.

Il faut en effet distinguer entre deux ESS : d’un côté, celle qui existait bien avant l’ESS actuelle et qui s’est construite sans aide extérieure, sans le soutien de l’État et surtout sans l’ombre d’une idéologie politique – je veux parler des coopératives agricoles et des mutuelles ; de l’autre, l’ESS d’aujourd’hui, qui s’apparente davantage à une économie artificielle reposant sur un financement public parfois excessif. Les structures qui vivent principalement de subventions, sans capacité à générer une véritable valeur ajoutée économique, se sont multipliées. Elles sont devenues des appareils éloignés des réalités du terrain et sont bien souvent animées par des objectifs politiques ou idéologiques qui n’ont rien à voir avec l’économie.

Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une baisse de près de 25 % des crédits de paiement alloués à cette ESS. En 2022, l’État a alloué plus de 10 milliards à l’ESS, principalement à des associations, sous forme de subventions et de prestations de services. C’est la preuve que l’ESS est une économie sous perfusion de l’État, incapable de s’autofinancer de manière durable. Ce modèle n’est pas viable. La réduction des crédits alloués à l’ESS doit donc être l’occasion d’une remise en question. Certains acteurs ont une unité réelle, mais l’ESS doit se réinventer. Elle doit se fixer des objectifs qui lui permettent d’atteindre une véritable viabilité économique. Cette transformation est essentielle pour éviter des plans sociaux d’ampleur. Il est également regrettable que certaines structures de l’ESS soient de plus en plus influencées par des agendas politiques.

Nous devons soutenir la vraie économie, celle qui s’est bâtie sans perfusion d’argent public, comme les coopératives agricoles qui œuvrent chaque jour pour notre souveraineté alimentaire. Cessons de financer une ESS dévoyée qui s’éloigne toujours davantage de la réalité économique.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Je ne partage pas du tout votre propos. L’ESS compte 120 000 associations qui œuvrent dans le sport, l’insertion sociale ou le soutien aux plus vulnérables. Elle compte également des coopératives, des fondations, des mutuelles exerçant des activités allant de la banque à la grande distribution. Elles suivent des modèles de gouvernance et de gestion des profits très intéressants.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Contrairement aux tristes affirmations de notre collègue du Rassemblement national, l’ESS est un pilier fondamental de l’économie française : elle représente 10 % de notre PIB, regroupe plus de 20 000 structures sur l’ensemble de notre territoire et emploie plus de 2,3 millions de personnes, soit près de 15 % des actifs du secteur privé. Les acteurs de l’ESS suivent un modèle d’action économique non lucrative qui est complémentaire du modèle capitaliste traditionnel et qui repose sur les principes de partage de la valeur, de gouvernance démocratique et de finalité sociale et environnementale.

J’ai notamment eu l’occasion de défendre ce modèle à New York, en 2022, comme membre de la délégation France ESS, afin de soutenir une résolution de l’ONU défendant les écosystèmes de l’ESS en tant que réponse efficace aux problématiques environnementales et sociales de notre temps.

Votre rapport relève les nombreuses difficultés auxquelles fait face ce secteur. Elles justifient notre soutien, notamment en termes budgétaires, mais aussi en termes d’adéquation avec les normes. Je tiens à saluer le travail de notre ancienne collègue Fanta Berete, qui, lors de l’examen de la loi sur le partage de la valeur en 2023, avait défendu avec succès l’obligation d’expérimenter ce dispositif pour toutes les entreprises de l’ESS générant des excédents de capital au moins égaux à 1 % des recettes pendant trois exercices consécutifs. Ces entreprises peuvent en effet générer des profits.

Quelles sont vos préconisations pour intégrer les acteurs de l’ESS au droit commun, afin notamment qu’ils puissent bénéficier de dispositifs aujourd’hui réservés aux entreprises privées à but lucratif, comme le CIR ?

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Mes propositions s’inscrivent dans la lignée des travaux que vous avez menés avec Fanta Berete. Je propose notamment une revue complète des dispositifs pour intégrer l’ensemble des acteurs de l’ESS dans le droit commun, au niveau national et européen. L’Union européenne réalise un bon travail dans ce domaine et la France est une référence en Europe. N’oublions pas la cohérence du soutien à l’ESS au niveau international – vous avez mentionné les travaux de l’ONU.

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Avec une baisse de 25 % des crédits, on ne pouvait pas faire un budget plus déconnecté du réel. « Hallucinant », « insultant », « humiliation », « carnage » : ces mots sont ceux des principaux acteurs de l’ESS face à votre projet de loi de finances. Pourtant, l’ESS est un secteur porteur, où les besoins en recrutement devraient encore s’intensifier dans les années à venir. Ce secteur est l’héritier des associations ouvrières, des coopératives de consommateurs et des sociétés de secours mutuel. Il pèse un poids considérable et est en pleine croissance. Histoire de le saigner davantage, s’ajoute à cette baisse l’effort budgétaire de 5 milliards d’euros demandé aux collectivités territoriales. Ces coûts de rabot auront des répercussions sur l’ESS, qui est en première ligne des baisses de soutien des collectivités.

Vous vous gargarisez de ce que l’ESS apporte et rapporte, mais, pour féliciter ses acteurs, vous leur donnez des « miettes » : 0,004 % du budget de l’État. Dans ma circonscription, en Isère, l’ESS compte 4 000 établissements et emploie 45 000 personnes. Au niveau national, elle compte 220 000 structures, employant 2,4 millions de salariés, et représente 10 % du PIB, soit quelque 280 milliards.

Avec ces choix budgétaires, certaines structures seront contraintes de supprimer des emplois, voire d’arrêter leurs activités. Ils démontrent le manque de volonté politique de conforter le développement de l’ESS, ainsi qu’une indifférence teintée de mépris.

L’ESS est pourtant un pilier de l’économie française. Renforcer l’ESS, c’est renforcer les principes généraux de la gestion des communs et de la démocratie économique et sociale, et c’est aussi renforcer le développement économique et la création d’emplois non délocalisables. Pour la soutenir, nous avons déposé des amendements visant à constituer un fonds de conversion à l’ESS, à créer une administration déconcentrée entièrement dédiée à l’ESS, à augmenter l’enveloppe du DLA et à créer un orange budgétaire de l’ESS.

Notre groupe émettra donc un avis défavorable sur les crédits de la mission.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Nos avis sont alignés.

Les crédits que nous examinons sont répartis dans une enveloppe d’une vingtaine de millions dédiée à l’accompagnement des acteurs et des têtes de réseau qui animent le secteur. Cette enveloppe ne représente qu’une toute petite partie du financement global de l’ESS. Pour la première fois, nous avons obtenu un rapport consolidé sur les dépenses de l’État qui montre qu’en 2022, le financement de l’ESS s’élevait à environ 15 milliards d’euros : 10 milliards en subventions et en prestations de services de l’État, dont 9 milliards pour les associations, 4,5 milliards de dépenses fiscales et 1 milliard de contrats aidés. Il faut aussi compter les collectivités territoriales et la protection sociale. Ces budgets sont sûrement en réduction, mais nous le saurons quand nous aurons un orange budgétaire.

Mme Valérie Rossi (SOC). Les diverses auditions et la mission que vous avez menées ont largement prouvé l’utilité de l’ESS, si certains en doutaient.

Les députés du groupe Socialistes et apparentés sont consternés face à la drastique réduction des crédits de l’ESS. Pour quel objectif ? Les documents budgétaires n’en disent rien. C’est le prix de la mauvaise gestion budgétaire de votre formation de politique depuis sept ans que doit payer l’ESS. Quelle belle manière de marquer les dix ans de la loi Hamon ! Cette coupe claire ne mobilisera que 0,009 % des 40 milliards d’économies que vous cherchez.

Il n’y a cependant aucune surprise : depuis sept ans, les gouvernements successifs ont fait le siège de l’ESS pour tenter d’étendre aux acteurs du marché classique les avantages propres à l’ESS, comme l’agrément Esus, brouillant ainsi les lignes et noyant l’esprit initial de l’ESS.

Avec ce budget en forte baisse, c’est tout un écosystème de 220 000 structures employant 2,4 millions de salariés qui sera fragilisé, alerte le président de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes). Le président d’ESS France voit dans cette baisse une humiliation et s’attend à des plans sociaux dans le secteur. Le constat est identique du côté du Mouvement associatif, qui représente les associations du secteur. Cette baisse s’étend au-delà du programme dont vous êtes le rapporteur, avec par exemple une réduction de près 30 % du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER), qui soutient plus de 770 radios associatives en France. C’est un désastre.

Je suis néanmoins heureuse que vous partagiez notre point de vue sur ce budget d’austérité. Nous comptons sur vous pour nous aider à rétablir les crédits de l’ESS : transformez vos paroles en actes et faites rimer ambition avec concrétisation – sans quoi nous rejetterons les crédits du programme.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Au cours des sept dernières années, les crédits ont progressé, ainsi qu’en attestent les tableaux du rapport. Si je soutiens le nouveau gouvernement, je ne suis pas aligné à 100 % avec l’ensemble de ses orientations. Ainsi, je considère que ce serait une erreur de baisser les crédits de l’ESS dans ce contexte. J’ai déposé des amendements – certains sont identiques aux vôtres – visant à augmenter les crédits, dans la continuité de l’action menée par l’ancienne majorité présidentielle.

M. Guillaume Lepers (DR). Dans votre rapport, vous exprimez une vive inquiétude quant à la baisse de 25 % pour les crédits de paiement et de 19 % pour les autorisations d’engagement alloués à l’accompagnement des acteurs de l’économie sociale et solidaire.

Cette diminution, qui concerne notamment le soutien aux têtes de réseaux de l’ESS, les dispositifs locaux d’accompagnement et les pôles de coopération économique, risque non seulement de limiter l’envergure de l’ESS mais également d’augmenter les dépenses publiques à terme. L’ESS représente 14 % des emplois privés et constitue un modèle économique innovant, qui permet de contenir la dépense publique dans des domaines comme la protection sociale, l’emploi ou les services publics.

L’ESS joue un rôle fondamental dans des territoires souvent marginalisés, en difficulté économique ou isolés. Dans ma circonscription du Lot-et-Garonne, l’association de la régie du territoire de la vallée du Lot agit comme une structure d’insertion des publics les plus fragiles et multiplie les nombreux dispositifs solidaires en collaboration avec les collectivités territoriales.

Mais dans le contexte tendu que nous connaissons, il faut faire des économies. Vous proposez des pistes pour améliorer l’efficience des moyens alloués à l’ESS, par exemple le regroupement de tous les financements dans un document de politique transversale, qui permettra d’en renforcer la coordination, la visibilité et la cohérence.

Quelles autres pistes proposez-vous pour maximiser l’efficacité des financements publics alloués à l’ESS ? Il faut hélas faire mieux avec moins, en encourageant les synergies entre programmes et l’utilisation optimale des ressources existantes. Malgré les coupes budgétaires, le rôle essentiel de l’ESS dans notre économie et notre société est-il préservé ?

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. En effet, nous devons redresser les finances publiques et être très précautionneux des deniers publics. C’est pourquoi je distingue l’enveloppe de 15 milliards d’euros, qui inclut 9 milliards d’euros de subventions versées aux associations, des crédits alloués à l’ESS – 20 millions d’euros –, dédiés à l’accompagnement. Étant donné que l’enveloppe de 15 milliards d’euros baissera sans doute, il est d’autant plus important de mettre l’accent sur les crédits d’accompagnement qui visent à aider les acteurs à se développer, ainsi qu’à diversifier leurs sources de financement.

Du reste, nous devons être vigilants quant à cette enveloppe de 15 milliards, abondée par plusieurs ministères, qui finance de nombreuses politiques publiques. Il nous appartient de hiérarchiser les priorités entre les différentes politiques publiques. Certes, nous ne disposons pas encore d’un orange budgétaire, dont je souhaite l’élaboration car il permettrait d’examiner le budget sous un autre angle et de vérifier sa pertinence et sa cohérence avec les priorités politiques.

M. Boris Tavernier (EcoS). On ne pouvait pas présenter un budget plus déconnecté de la réalité, des besoins du terrain et du quotidien des Français. Les millions de bénévoles et employés de l’ESS subissent une « humiliation » d’autant plus injuste qu’ils assurent partout en France le premier kilomètre de l’intérêt général. « Humiliation » : c’est le mot fort employé par la principale structure représentative de l’ESS en France. Dix ans après l’entrée en vigueur de la loi Hamon, nous pouvions attendre une meilleure reconnaissance de ce que fait l’ESS pour notre pays.

Vous ne vous y trompez pas en donnant un avis défavorable à l’adoption des crédits et en soulignant que les moyens alloués à l’ESS sont clairement insuffisants eu égard aux besoins réels du secteur. Vous dénoncez à raison le décalage persistant entre, d’une part, ce que représente réellement l’ESS et ce qu’elle apporte à nos territoires et, d’autre part, les dotations budgétaires dont elle bénéficie.

Après des crédits gelés en 2024, le projet de loi de finances pour 2025 dote l’action 04, Économie sociale, solidaire et responsable du programme 305 – qui finance des têtes de réseaux, des dispositifs locaux d’accompagnement, des pôles territoriaux de coopération économique et des contrats à impact social – de 15,6 millions d’euros en crédits de paiement et de 16,8 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une diminution respective de 18 % et de 24,9 %. Est-ce bien raisonnable pour l’économie de demain compte tenu des ambitions et de l’envergure d’un secteur qui représente 10 % du produit intérieur brut et 14 % des emplois privés en France ?

Par ailleurs, d’autres budgets qui concourent à l’ESS sont fragilisés, notamment les crédits du programme 147 dédiés à la politique de la ville, fortement réduits, ou bien ceux dédiés à l’insertion par l’activité économique, qui demeurent sous-dimensionnés.

À cette première cure d’austérité succédera une seconde : une baisse du financement de l’ESS par les collectivités territoriales, mises à rude épreuve dans ce projet de loi de finances, est à prévoir.

Ce budget est humiliant et insultant. Derrière les chiffres, il se traduira par une perte de vitalité économique, sociale et démocratique dans tous les territoires, en particulier dans les quartiers populaires et les zones rurales où, contre toute idée reçue, des structures de l’ESS sont bel et bien présentes et parfois bien seules face à un retrait de l’État et des services publics.

Dans ma circonscription, à Lyon, le dispositif Apprentis solidaires de l’Afev, après trois ans d’expérimentation réussie auprès de plusieurs centaines de jeunes, devait faire l’objet d’une convention. Dès l’annonce du budget d’austérité, ce projet s’est arrêté. Ainsi, quatre salariés sont au chômage technique à Lyon, une soixantaine l’est en France et des centaines de jeunes, désireux de s’engager et d’entrer en apprentissage, ne pourront être accompagnés.

Il est donc important de renforcer immédiatement le soutien aux acteurs de l’ESS. Plus généralement, une programmation pluriannuelle des financements alloués à l’ESS est nécessaire pour permettre à l’économie de demain de s’épanouir. Comment expliquez-vous qu’elle soit sous-financée de manière persistante ?

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. C’est une excellente question. L’un des points principaux est la difficulté à mesurer l’impact de ce secteur. En démocratie, il faut être capable de présenter des résultats, d’expliquer à nos concitoyens les raisons pour lesquelles on doit allouer des moyens à un secteur, et dire combien il rapporte. Par exemple, je soutiens avec énergie les entreprises, en particulier les jeunes entreprises innovantes, car j’explique qu’elles sont rentables – j’utilise ce mot à dessein –, chiffres à l’appui, étant donné le nombre d’emplois et la dynamique économique qu’elles créent.

Or, il est parfois difficile de mesurer l’impact de l’ESS en l’absence d’indicateurs communs et mesurés, voire reconnus au niveau international. Je salue tous les travaux consacrés à cette question depuis la publication du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi, notamment ceux menés récemment par le mouvement Impact France, qui a mesuré les coûts évités. Selon les estimations du mouvement Impact France, pour 1 euro investi dans l’ESS, la dépense publique évitée est réduite d’1,3 euro. Il serait donc nécessaire de définir des critères permettant de mesurer les coûts évités, afin de montrer à nos concitoyens que l’ESS est un investissement très rentable.

M. Pascal Lecamp (Dem). Dans le PLF pour 2025, les crédits alloués sont en baisse de 18,8 % en autorisations d’engagement et de 24,25 % en crédits de paiement, ce qui suscite de nombreuses inquiétudes. L’ESS, qui représente 10 % du PIB et 14 % des emplois privés, joue un rôle crucial en France en apportant des solutions locales aux défis sociaux et environnementaux.

Par exemple, dans ma circonscription, l’écologie industrielle et territoriale (EIT) Sud Vienne, dont le modèle économique est tout juste équilibré, recycle avec succès les déchets industriels de la région. Réduire les financements alloués à ce secteur pourrait freiner son développement territorial, ainsi que le lancement de ce type d’initiatives à fort impact social et écologique.

C’est pourquoi nous pourrions réfléchir à l’instauration de mesures fiscales distinctes des aides directes que nous examinons aujourd’hui. Vous avez proposé d’aligner le soutien à l’innovation sociale sur les dispositifs d’investissement en matière d’innovation technologique, lesquels sont facilement identifiables car ils répondent à des critères définis. Dispose-t-on de critères tout aussi clairs s’agissant des investissements en matière d’innovation ? Comment garantir que ces investissements soient reconnus et soutenus de manière pertinente ?

Vous avez mentionné la nécessité de faciliter l’accès des acteurs de l’ESS aux marchés publics. L’Union européenne travaille à une réforme des directives en matière de marchés publics. Cette piste est-elle envisagée pour soutenir l’ESS ? Comment pourrait-on s’assurer que ces nouvelles directives prennent en compte les particularités des structures de l’ESS tout en respectant les règles de la concurrence ?

Enfin, vous avez souligné l’importance de simplifier l’accès des acteurs de l’ESS au financement européen. Ces fonds, comme le Fonds social européen (FSE) ou le Fonds européen de développement régional (Feder), sont souvent gérés au niveau régional. Dans quelle mesure les régions pourraient-elles mieux accompagner les acteurs de l’ESS, afin de les aider à monter leur dossier ? Serait-il pertinent de renforcer leur rôle pour mieux flécher ces financements vers des projets d’innovation sociale ?

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Il faut renforcer l’innovation sociale. Le plan France 2030, qui est un excellent outil, a eu un énorme impact sur les innovations technologiques et de rupture, mais n’a pas mis l’accent sur l’innovation sociale en matière de santé, d’accompagnement et d’éducation. Certaines structures, qui contribuent à atteindre nos objectifs politiques de transition écologique et d’innovation sociale, doivent être aussi bien, voire mieux accompagnées que les autres. Je pense, par exemple, à la start-up Commune, qui propose des logements collectifs à des familles monoparentales ; à la start-up May, qui accompagne les parents durant les mille premiers jours de l’enfant ; à la start‑up Murphy, qui recycle des appareils ménagers.

Les outils, tels que le plan France 2030, qui est une source de financement importante, doivent donc s’adapter. De la même manière que BPIFrance a lancé le plan deeptech car il est plus difficile de financer les technologies disruptives que l’innovation marginale, il faut établir un plan en matière d’innovation sociale. En outre, les acteurs de l’ESS doivent bénéficier d’incitations fiscales.

Enfin, l’accompagnement de l’ESS en régions est important. C’est pourquoi je propose d’augmenter les crédits alloués aux Cress, dont le rôle est d’accompagner les acteurs de l’ESS lorsqu’ils demandent une subvention à un fonds européen – cette démarche est très compliquée.

M. Xavier Albertini (HOR). Je m’interroge sur votre proposition d’intégrer l’ESS dans le droit commun, car ce pilier essentiel de notre économie serait dilué dans l’économie générale. Jusqu’où souhaitez-vous aller ? N’y aura-t-il pas un événtuel risque de distorsion de concurrence et de perte de spécificité de l’ESS ? Dans ce cas, et compte tenu de la nécessité pour l’ESS de s’autofinancer en partie du fait de la baisse des crédits budgétaires qui lui sont alloués, envisagez‑vous de développer des outils pour vérifier si l’ESS ne chercherait pas des ressources supplémentaires dans des domaines qui ne relèvent pas de son secteur ?

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. De nombreux acteurs de l’ESS sont exclus d’une multitude de dispositifs d’aides, en raison de leur spécificité juridique – par exemple, les Esus, les sociétés coopératives de production (Scop) et les coopératives. En intégrant les acteurs de l’ESS dans le droit commun, il ne s’agit pas de réduire nos ambitions mais plutôt de traiter ces acteurs comme tout le monde car ils ne sont pas suffisamment bien traités – et non l’inverse.

À cet égard, Olivia Grégoire n’a pas oublié les acteurs de l’ESS lors de la création de nouvelles aides durant le Covid. L’intervention de ces acteurs doit également être privilégiée lorsque leur action a un impact positif sur la transition écologique, l’emploi, les politiques d’insertion.

Du reste, les acteurs demandent la définition de secteurs au sein desquels leur intervention serait favorisée – éducation, santé, accompagnement des plus vulnérables. En Belgique, certains secteurs sont réservés aux acteurs de l’ESS. Je propose d’engager cette réflexion pour les soutenir. L’ESS est un modèle en soi et non une simple solution de rechange.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Nous regrettons la baisse du budget de l’ESS et nous sommes également défavorables au vote de ces crédits. Évitons de généraliser, comme certains intervenants l’ont fait : la majorité des actions menées par ce secteur ont un grand intérêt pour les territoires et leurs habitants.

Je regrette qu’on ne puisse procéder à des transferts de crédits. Les contrats aidés, auxquels était alloué 1 milliard d’euros, avaient une réelle plus-value : ils constituaient la première étape de l’intégration dans le monde du travail.

Nous devons aider ces acteurs. Dans les Vosges, nous avons été sensibilisés à la baisse dommageable des crédits alloués aux petites radios locales associatives – Radio des Ballons, Résonance FM – qui diffusent des informations locales. Il conviendrait de distinguer les secteurs en fonction de l’impact que la baisse des crédits aurait sur eux.

Comment pourrions-nous simplifier les dispositifs, afin de dégager un gain financier sans pour autant affecter les revenus des acteurs ? La simplification administrative est nécessaire à tous les niveaux et doit concerner l’ensemble des dispositifs, notamment les demandes de subventions.

Par ailleurs, vous avez parlé de votre expérience en tant qu’entrepreneur dans le privé. Soyons vigilants quant à la concurrence déloyale qui pourrait s’exercer entre une entreprise du secteur ESS, très subventionnée, et une entreprise du secteur privé, moins aidée et au sein de laquelle l’entrepreneur a pris des risques personnels.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Des orientations politiques claires doivent être prises quant à l’utilisation de l’enveloppe des 15 milliards. Le sujet des radios locales pose la question de l’information de nos concitoyens, garantie de la démocratie, dans un contexte où l’information qui circule sur les réseaux sociaux est dévoyée et pleine de fake news. Il est vital pour notre démocratie que les crédits alloués à ces radios ne baissent pas.

Par ailleurs, les dispositifs doivent être simplifiés à tous les niveaux. On souhaite que le coût de la distribution des subventions et des aides soit le plus faible possible, ce qui implique de mener un énorme travail de transformation de l’État.

S’agissant de la concurrence déloyale, il est important de différencier les secteurs : on peut prendre la décision politique de privilégier, dans certains secteurs, les acteurs dont l’activité lucrative est limitée ou qui n’exercent pas d’activité lucrative.

M. André Chassaigne (GDR). Rapporté à l’importance du secteur, le budget d’intervention du ministère chargé de l’ESS a toujours été dérisoire. Cette année, c’est le pompon : les crédits baissent de 25 % et s’élèvent à 20 millions contre 25 millions en 2024.

Benoît Hamon, le président d’ESS France, l’a bien exprimé : « Il y a dix ans, la loi ESS reconnaissait les monnaies locales complémentaires. […] Le Gouvernement vient d’inventer une monnaie nationale complémentaire réservée à ses échanges financiers avec l’ESS (l’économie sociale et solidaire) : le #blabla qui remplace l’euro quand il s’agit de soutenir les entreprises et organisations qui composent l’ESS. Un chèque en blabla se libelle de la manière suivante : " l’ESS, c’est formidable ! ", " l’ESS a tenu le pays debout pendant le covid ", " l’ESS, ce sont des modèles d’entreprendre essentiels qui placent l’humain au cœur ", " [s]ans les 2,4 millions de salariés et millions de bénévoles dans l’ESS, la cohésion sociale disparaîtrait ". Et bla et bla et bla… Un chèque en #blabla rapporté en euros dans la proposition de budget 2025, ça donne quoi ? […] 5 millions en moins sur un budget déjà minimaliste qui soutenait des programmes, déjà très peu chers, qui agissent en faveur du développement des acteurs de l’ESS dans les territoires et de l’innovation sociale. On ne pouvait pas faire budget plus déconnecté du réel, des besoins du terrain et du quotidien des Français. Les millions de bénévoles et employés de l’ESS subissent là une humiliation d’autant plus injuste qu’ils assurent partout en France, le 1er kilomètre de l’intérêt général. (Ehpad, crèches, cliniques, centres de soin, ressourceries, coopératives de transport, de l’énergie, de la communication, épiceries solidaires, mutuelles, banques alimentaires, entreprises d’insertion, associations culturelles et sportives, écologie citoyenne, entreprises sociales et fondations d’entreprises, etc.). »

Cette mise à la diète du budget de l’ESS s’inscrit dans une politique construite de désengagement de l’État. Dans le même temps, adoptant une vision d’inspiration anglo-saxonne, on invite certains acteurs de l’ESS à se tourner vers des financements ou des partenariats privés. Ne craignez-vous pas que les financeurs privés mettent la main sur les engagements associatifs qu’ils pourraient limiter ou instrumentaliser ?

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Je suis d’accord avec vous sur les « chèques en blabla » et ce n’est pas du tout ce que je propose ; l’axe relatif à l’innovation sociale du plan France 2050, que j’appelle de mes vœux dans mon avis budgétaire, doté d’une enveloppe de 100 milliards, ne se verrait pas allouer quelques milliers d’euros – mais il ne fera pas non plus l’objet d’un chèque en blanc.

Nous sommes très attentifs aux propositions de Benoît Hamon, que nous avons reçu en premier lors des auditions que nous avons menées, car sa loi de 2014 a structuré l’ESS.

Enfin, le désengagement de l’État n’est pas l’ambition du plan de mobilisation nationale que je préconise. Les crédits provenant du secteur privé doivent compléter les aides publiques. Nous devons développer des dispositifs de levée de fonds, car nous pourrions récupérer beaucoup d’argent chez les acteurs privés.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des députés.

Mme Olivia Grégoire (EPR). Je tiens à tordre le cou aux idées reçues véhiculées par le Rassemblement national, qui considère que l’ESS serait sous perfusion, administrée et inefficace. Deux exemples : à Tarnos, d’abord, 1 100 stagiaires sont formés chaque année et 300 salariés travaillent au sein du pôle territorial de coopération économique (PTCE), qui réalise 30 millions de chiffre d’affaires annuel. Ensuite, l’Esus Phoenix, qui lutte contre le gaspillage alimentaire, réalise, depuis 2021, un chiffre d’affaires de près 10 millions d’euros et est implantée dans plusieurs pays européens. Il y a des entreprises rentables dans le secteur de l’ESS ; c’est une économie à part entière, même si c’est une économie à part.

Que pensez-vous de la diversification des financements, notamment d’une modification du plafond de la poche solidaire des fonds 90-10 ? Que pensez-vous de la proposition de Benoît Hamon d’orienter une fraction du produit des taxes parafiscales acquittées par les entreprises de l’ESS – produit perçu par les chambres de commerce et d’industrie (CCI) et les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) – vers les acteurs de l’ESS, afin d’augmenter leur budget ?

M. Romain Daubié (Dem). Pourriez-vous nous donner quelques exemples précis illustrant la notion de coûts évités ?

M. André Chassaigne (GDR). Dans ce contexte de vaches maigres, d’autres acteurs publics, notamment BPIFrance, la banque des territoires et la Caisse des dépôts (CDC), participent au financement de l’ESS. Ne croyez-vous pas qu’un mandat clair quant au financement de l’ESS devrait être donné à ses institutions ? À cet égard, BPIFrance ne respecterait pas tous ses engagements. Certains crédits annoncés ne sont jamais consommés, notamment du fait des conditions drastiques pour les obtenir.

Ne faudrait-il pas davantage soutenir les reprises d’entreprise par les salariés sous forme d’une coopérative et des initiatives comme l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée, et garantir le financement durable des structures d’éducation populaire, contraintes de rechercher sur le marché des expédients pour survivre ?

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. L’ESS n’est pas une économie inefficace, bien au contraire. Le travail associatif accompli par des bénévoles coûte beaucoup moins cher que celui que réaliserait l’État ou un acteur privé. En revanche, on ne sait pas bien mesurer l’efficacité du secteur, ce qui ne permet pas de démontrer l’intérêt de le soutenir.

S’agissant de la diversification des financements, je suis très favorable à l’augmentation du plafond de la poche solidaire des fonds 90-10, que nous avions déjà votée dans la loi « attractivité » – je vous remercie pour votre action, madame Grégoire. Nous devons continuer à aller dans ce sens.

Comme je l’ai indiqué dans mon rapport, je suis favorable à la proposition d’ESS France défendue par son président : il serait sans doute bon d’engager une réflexion sur la possibilité de consacrer une petite fraction des taxes perçues par les CCI et les CMA au financement les têtes de réseaux, des Cress en particulier. Il faut donner à ces dernières les moyens d’alimenter une dynamique forte, à l’instar de celle que promeut la French Tech, pour animer le réseau des acteurs et les mettre en lumière.

Monsieur Daubié, je vous remercie d’avoir souligné l’importance des coûts évités. Prenons deux exemples concrets. Le retour à l’emploi d’une personne ayant été longtemps au chômage obtenu grâce au travail mené sur plusieurs mois par des bénévoles au sein d’associations représente un coût évité élevé pour nos collectivités, si l’on met en regard le montant des subventions et le coût de chaque chômeur pour les finances publiques – 30 000 à 40 000 euros en moyenne. De la même manière, l’application de la start-up May, grâce à un tchat sur lequel des professionnels – des sages-femmes, par exemple – répondent en direct aux questions de parents et futurs parents en matière de fertilité et de périnatalité, permet de limiter l’engorgement des urgences et le recours à de nouvelles prestations de santé, ce qui correspond à autant de dépenses que n’a pas à supporter la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam). Cela vaut donc le coup de soutenir ce genre d’initiatives.

Monsieur Chassaigne, de manière générale, nous devons nous donner une ambition plus forte afin d’améliorer l’accès des acteurs de l’ESS aux financements. Certains, du fait de leurs particularités, ne peuvent obtenir d’aides de l’État ou des collectivités locales, raison pour laquelle j’ai insisté sur la nécessité d’un alignement sur le droit commun. Il importe aussi de les accompagner dans la recherche de financements susceptibles de renforcer leurs assises, au-delà de la quête de petites subventions. Les Cress pourraient ainsi les aider à suivre les procédures complexes que suppose l’obtention de fonds européens, souvent sous-utilisés. Ne faisons pas de chichis : il ne faut pas exclure non plus les acteurs privés. Certes, les choix opérés par certaines structures de l’ESS – mode de partage de profits, absence de lucrativité ou lucrativité limitée – détournent des investisseurs privés, mais le potentiel de financement privé est largement sous-exploité en France.

 

Article 42 et État B : Crédits du budget général

 

Amendements II-CE31 de M. Paul Midy et II-CE11 de M. Manuel Bompard (discussion commune)

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (Csess) recommande d’augmenter les crédits du dispositif local d’accompagnement (DLA) de 6 millions sur quatre ans. Faute de pouvoir déposer des amendements portant sur plusieurs années, je vous invite à franchir une première étape avec une hausse de 1,5 million pour l’année prochaine.

M. Manuel Bompard (LFI-NFP). Conformément aux préconisations d’ESS France et du mouvement associatif, nous proposons d’augmenter les crédits alloués au DLA de 6 millions d’euros.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Nous partageons le même objectif, monsieur Bompard, mais l’augmentation de 6 millions que vous proposez doit se déployer sur quatre ans, soit 1,5 million par an. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement au profit du mien.

Mme Olivia Grégoire (EPR). Il est indispensable de préserver le financement du DLA et des PTCE, dispositifs vitaux pour l’ESS. J’ai veillé à m’en assurer autant que possible lorsque j’étais secrétaire d’État, en maintenant puis en augmentant les crédits qui leur sont dédiés. Votre amendement a donc tout mon soutien, monsieur le rapporteur pour avis.

La commission adopte l’amendement II-CE31, l’amendement II-CE11 ayant été retiré.

 

Amendements identiques II-CE32 de M. Paul Midy et II-CE21 de M. Manuel Bompard et amendement II-CE13 de Mme Valérie Rossi (discussion commune)

M. Paul Midy (EPR). Nous procédons par étapes. L’amendement II-CE32, amendement essentiel visant à maintenir le montant des crédits de l’action 04 au même niveau que celui de 2024, sera suivi d’amendements portant sur des augmentations de crédits pour certaines sous-actions.

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Le modèle sur lequel repose l’ESS nécessite un soutien renforcé ; or, avec ce budget d’austérité, le Gouvernement réduit les crédits qui lui sont consacrés. La baisse est de 18,65 % pour les autorisations d’engagement – 15,63 millions d’euros contre 19,22 millions – et de 24,81 % pour les crédits de paiement – 16,82 millions contre 22,38 millions. Compte tenu de l’importance des enjeux, nous proposons d’annuler ces coupes scandaleuses, qui prennent « la forme d’une humiliation » pour ESS France.

Mme Valérie Rossi (SOC). Cette baisse, je le répète, suscite mon incompréhension. Dans ma circonscription des Hautes-Alpes, l’ESS représente un emploi sur cinq. Que vais-je dire aux directeurs de radios locales, très actives sur ces territoires, et aux directeurs de structures d’insertion par l’activité économique ou d’aide à domicile ?

Notre amendement visant comme le vôtre, monsieur le rapporteur pour avis, à revenir sur la forte diminution des crédits alloués à l’ESS, je le retire bien volontiers.

La commission adopte les amendements identiques II-CE32 et II-CE21, l’amendement II-CE13 ayant été retiré.

 

Amendements identiques II-CE7 de M. Manuel Bompard et II-CE15 de Mme Valérie Rossi

M. Manuel Bompard (LFI-NFP). Notre amendement vise à financer la constitution d’un fonds de conversion des entreprises à l’économie sociale et solidaire. Il s’agit là encore d’une proposition d’ESS France.

Mme Valérie Rossi (SOC). Un tel fonds encouragerait et accompagnerait la transformation d’entreprises privées lucratives qui le souhaitent vers l’ESS. Il lèverait les deux principaux freins à cette évolution, d’une part, en favorisant le transfert de la propriété, d’autre part, en fournissant un accompagnement en matière d’ingénierie.

Pour assurer la recevabilité financière de notre amendement, l’augmentation de 2 millions serait compensée par une réduction du même montant des autorisations d’engagement et crédits de paiement de l’action 23 Industrie et services du programme 134 Développement des entreprises et régulations.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Avis de sagesse. Si je soutiens la création d’un tel fonds – elle figure parmi les propositions de mon rapport –, il me paraît fondamental de concentrer l’effort sur l’accompagnement des têtes de réseaux. C’est à cette priorité que vont les augmentations budgétaires que je propose dans mes amendements, pour un montant de 8 millions d’euros, soit plus de 50 % de l’enveloppe globale consacrée à l’ESS dans le présent budget.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Bien sûr, l’accompagnement des têtes de réseaux a son importance mais, sans attendre que ses effets se fassent sentir, il importe aussi de soutenir la conversion des entreprises. Alors que de nombreux chefs d’entreprise s’apprêtent à prendre leur retraite, la reprise sous forme de coopérative apparaît comme un bon moyen d’étendre le champ de l’ESS et de maintenir le tissu industriel. Je citerai l’exemple de l’entreprise Duralex, dont les salariés ont défendu avec succès un projet de société coopérative de production pour éviter la liquidation.

Mme Olivia Grégoire (EPR). Monsieur Tavel, nous faisons en effet face à un mur s’agissant des transmissions et des reprises d’entreprises, mais cet enjeu dépasse le champ de l’ESS. Il me semble plus intéressant de travailler à la réforme et à la modernisation de statuts intégrés dans la loi Hamon, en particulier les sociétés anonymes à participation ouvrière (Sapo), pour éviter que certaines entreprises ne vivent que de la perfusion de subventions publiques, alors que d’autres, situées au cœur de l’ESS, sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) ou Scop, parviennent à être lucratives.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Partant de la contrainte du rétablissement des finances publiques, je propose une augmentation de 50 % par rapport à la copie gouvernementale. Certains voudraient que nous allions plus loin, mais cela représente tout de même une hausse des crédits par rapport au niveau auquel ils se situaient ces dernières années.

Ces 8 millions d’euros, il me paraît important de les concentrer sur l’accompagnement des têtes de réseaux, mais vos arguments en faveur de la conversion sont fondés et l’on pourrait envisager une répartition autre, avec 6 millions pour les têtes de réseaux et 2 millions pour le fonds de conversion. C’est la raison pour laquelle je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte les amendements identiques.

 

Amendement II-CE34 de M. Paul Midy.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Il vise à augmenter de 400 000 euros le budget alloué aux têtes de réseaux de l’ESS.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements II-CE33 de M. Paul Midy, II-CE8 de Mme Claire Lejeune, II-CE14 et II-CE16 de Mme Valérie Rossi (discussion commune).

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Il s’agit d’augmenter de 3 millions d’euros les crédits de la sous-action 1, en particulier pour soutenir les Cress, qui ont vocation à animer le réseau des acteurs de l’ESS et à les accompagner, alors que leurs difficultés vont aller croissant.

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). L’amendement II-CE8, issu d’une recommandation d’ESS France, propose d’augmenter de 2,5 millions les crédits consacrés au dispositif d’accueil, d’information et d’orientation des Cress.

Mme Valérie Rossi (SOC). L’amendement II-CE14 a le même objectif que le précédent. Quant à l’amendement II-CE16, il vise, avec 1 million de crédits supplémentaires, à aider les Cress à remplir la mission qui leur a été confiée d’établir la liste des entreprises de l’ESS à l’échelle régionale et nationale et d’assurer sa consolidation. Précisons que cette liste permet notamment de répondre aux besoins des établissements bancaires et des organismes finançant et accompagnant ces entreprises.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Je vous invite à retirer ces trois amendements au profit de mon amendement II-CE33. D’une part, il propose une augmentation de crédits plus forte – 3 millions d’euros, contre 2,5 millions ou 1 million. D’autre part, il est de portée plus générale, puisqu’il concerne la totalité de la sous-action 1, ce qui donne davantage de flexibilité au Gouvernement, notamment à la nouvelle ministre chargée de l’économie sociale et solidaire, et à l’administration pour décider où affecter les crédits.

Mme Olivia Grégoire (EPR). Forte de mon expérience gouvernementale, j’estime qu’il est en effet bon de laisser des marges de manœuvre à l’exécutif au niveau central. En 2020, sur une enveloppe totale de 19 millions d’euros, 11 millions relevaient des Cress, 8 millions de l’administration centrale. Je ferai une remarque impertinente à l’heure où il est de plus en plus question de déconcentration et de décentralisation : le « r » de Cress a toute son importance et peut-être pourrions-nous suggérer aux régions d’augmenter leur part dans le financement de ces chambres, abondé pour plus de la moitié par le budget l’État, alors que son poids est moindre dans les mécanismes de financement.

Mme Valérie Rossi (SOC). Il me semble que si l’on ajoute les 2,5 millions d’euros de mon premier amendement au million du second, on aboutit à une somme supérieure aux 3 millions du vôtre, monsieur le rapporteur.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Vos amendements portant sur la même sous-action, on ne peut cumuler les augmentations qu’ils visent : c’est soit l’une, soit l’autre, soit aucune des deux. Mon amendement est donc mieux-disant que les trois autres avec lesquels il est en discussion commune.

La commission adopte l’amendement II-CE33.

En conséquence, les amendements II-CE8, II-CE14 et II-CE16 tombent.

 

Amendements II-CE9 de Mme Alma Dufour et II-CE17 de Mme Valérie Rossi (discussion commune).

M. Manuel Bompard (LFI-NFP). Notre amendement a pour objet de financer, à hauteur de 1 million, la création d’une administration déconcentrée entièrement dédiée à la mise en œuvre des politiques de l’État en faveur du développement de l’ESS.

J’ajoute, monsieur le rapporteur pour avis, que la présentation que vous faites de vos propositions d’augmentation me paraît excessive. La copie du Gouvernement est en net recul par rapport à l’enveloppe consacrée à l’ESS l’année dernière. Sans doute serait-il plus honnête de fonder votre comparaison sur les chiffres du PLF pour 2024.

Mme Valérie Rossi (SOC). Pour soutenir la création d’une administration déconcentrée dédiée l’ESS, il est proposé de majorer de 1 million les crédits de l’action 04.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Monsieur Bompard, l’ingénieur que je suis,aime la précision en matière de chiffres. Je vous indique donc que l’augmentation que je propose est de 50 % par rapport au budget prévu pour cette année et de 25 % par rapport aux crédits du PLF précédent, soit dix fois plus que l’inflation attendue l’année prochaine.

Je partage votre ambition de créer une administration déconcentrée consacrée à l’ESS et considère qu’elle doit faire l’objet de discussions dans le cadre du plan national de mobilisation, mais vous conviendrez avec moi que 1 million d’euros est une somme insuffisante. À court terme, il paraît utile de viser l’efficacité de l’existant : il importe de s’assurer que les agents des directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) consacrent le temps nécessaire à l’examen des demandes d’agrément Esus et à d’autres procédures administratives. Demande de retrait.

M. Manuel Bompard (LFI-NFP). Je maintiens notre amendement : même si cette somme est insuffisante, il faut marquer notre volonté de donner une impulsion à la création de cette administration.

Mme Olivia Grégoire (EPR). Le mieux est l’ennemi du bien. Je salue votre ambition, mais l’urgence n’est pas tant de créer une nouvelle administration pour l’ESS que de rationaliser le fonctionnement des administrations existantes, ce qui n’implique pas forcément de procéder à des coupes budgétaires. Sur le terrain, certains acteurs de l’ESS ignorent même que les Cress existent ou qu’ils peuvent s’adresser aux personnes chargées de l’ESS au sein des préfectures, j’ai pu le constater à de nombreuses reprises. Mon objectif, que je n’ai rempli qu’à moitié, a été de mettre en place dans chaque préfecture un équivalent temps plein (ETP) dédié à l’ESS, alors que celle-ci est toujours mélangée avec les activités culturelles, la vie associative, la jeunesse, ne représentant que des tiers ou des quarts d’ETP. De grâce, faisons d’abord en sorte que cet accueil spécifique soit assuré.

Mme Valérie Rossi (SOC). Pour les mêmes raisons que M. Bompard, je maintiens mon amendement, signe fort adressé aux acteurs de l’ESS.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. J’ajoute un argument : la proposition d’augmentation que vous faites ne porte pas sur la bonne ligne budgétaire.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CE35 de M. Paul Midy

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Il s’agit d’augmenter les crédits consacrés aux PTCE, dont nous avons souligné le rôle primordial, de 300 000 euros, soit une hausse de 13 % par rapport à 2024.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements II-CE10 de Mme Claire Lejeune et II-CE18 de Mme Valérie Rossi (discussion commune).

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). L’amendement II-CE10 vise à créer un programme d’accompagnement national centré sur l’écosystème de l’ESS afin de favoriser l’accès aux fonds du plan France 2030.

Mme Valérie Rossi (SOC). Nous considérons que les entreprises de l’ESS ont un rôle à jouer dans le déploiement de ce plan d’investissement destiné à rattraper le retard industriel de notre pays, à investir massivement dans les technologies innovantes et à soutenir la transition écologique. Par cet amendement, nous entendons faciliter le déploiement de consortiums d’entreprises de l’ESS afin de faciliter leur accès aux appels à projets, auxquels très peu d’entre elles sont candidates, compte tenu de leurs statuts.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Je partage l’ambition qui sous-tend vos amendements. À moyen et long terme, nous devons préparer la suite du plan France 2030 avec un plan de France 2050 doté de 100 milliards dédiés aux innovations technologiques et sociales et aux technologies de rupture. À court terme, il faut davantage mobiliser les fonds de France 2030 pour les acteurs de l’ESS. Nous avons déjà adopté 9 millions de crédits supplémentaires afin de les accompagner dans leurs démarches pour accéder à ces financements : vos amendements sont satisfaits et je vous demande de bien vouloir les retirer.

Au-delà, je mettrai l’accent sur la nécessité de modifier les pratiques et la structure des appels à projets. Je m’engage à demander aux équipes de France 2030, au sein du secrétariat général pour l’investissement (SGPI) et de BPIfrance, de porter une attention particulière aux acteurs de l’ESS, en vue notamment de résoudre les problèmes qu’ils rencontrent pour se porter candidats aux appels à projets.

La commission rejette l’amendement II-CE10, l’amendement II-CE18 ayant été retiré.

 

Après l’article 59

 

 

Amendements identiques II-CE28 de M. Paul Midy et II-CE20 de Mme Alma Dufour

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Nous demandons la création d’un orange budgétaire qui nous permette de disposer, chaque année, d’une vision transversale des crédits de l’ESS. À ce propos, je salue le travail qu’avait accompli l’administration, à la demande du Parlement et sous la conduite d’Olivia Grégoire, pour nous donner une telle vision d’ensemble sur l’année 2022.

Mme Olivia Grégoire (EPR). J’ai fait créer au sein de la direction générale du Trésor, en 2020 ou 2021, le Bessi (bureau économie sociale et solidaire et investissements à impact), composé d’une dizaine de fonctionnaires formidables qui se tiennent à la disposition de la représentation nationale, des acteurs nationaux et régionaux de l’économie sociale, ainsi que des entreprises désireuses de profiter des financements du plan France 2030.

La commission adopte les amendements.

 

Après avoir examiné les cinq avis budgétaires se rattachant à la mission Économie, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits modifiés de cette mission lors de sa réunion du jeudi 24 octobre 2024.

 

 

 


   liste des Préconisations

Première ambition : Renforcer immédiatement le soutien aux acteurs de l’ESS face aux contraintes budgétaires et à la conjoncture économique difficile

Proposition n° 1 : Augmenter les crédits budgétaires de la sous-action 1 de l’action 04 du programme 305 alloués au soutien des têtes de réseaux ESS pour renforcer leurs capacités d’accompagnement et de suivi des acteurs de l’économie sociale et solidaire.

Proposition n° 2 : Augmenter les crédits budgétaires consacrés au DLA dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, afin de renforcer l’ingénierie d’accompagnement et de permettre le passage à l’échelle de l’économie sociale et solidaire.

Proposition n° 3 : Augmenter les crédits budgétaires dédiés dans le PLF pour permettre de poursuivre le développement des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE).

Deuxième ambition : Reconnaître pleinement l’apport des acteurs de l’ESS à la société et les intégrer durablement dans le droit commun

Proposition n° 4 : Assurer la mise en œuvre d’un compte satellite de l’ESS pour mieux évaluer son impact économique.

Proposition n° 5 : Publier annuellement, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, un document de politique transversale (« orange budgétaire ») consacré à l’économie sociale et solidaire, destiné à assurer un suivi global des moyens financiers alloués à l’ESS.

Proposition n° 6 : Encourager la commande publique à soutenir les acteurs de l’ESS, en réfléchissant à la définition de critères spécifiques ou des quotas favorisant leur accès à certains marchés publics, tout en respectant le cadre européen de la concurrence.

Proposition n° 7 : Renforcer l’accompagnement des collectivités territoriales dans la mise en place des Spaser et conduire une réflexion sur le dispositif lui-même et l’ajustement des seuils pour garantir une application plus efficace des achats socialement responsables

Proposition n° 8 : Optimiser l’accompagnement des entreprises et des organismes de l’ESS et de l’impact pour mieux exploiter les fonds européens, notamment le FSE+ dédié à l’innovation sociale, qui reste encore sous-utilisé dans ce domaine.

Proposition n° 9 : Pour soutenir l’emploi dans l’ESS, engager une réflexion sur la réforme de la taxe sur les salaires afin d’alléger cet « impôt de production » qui freine le développement du secteur.

Proposition n° 10 : Conduire une revue des écarts fiscaux entre les entreprises de l’ESS et les entreprises traditionnelles, dans une optique d’harmonisation et de soutien à l’emploi.

Proposition n° 11 : Explorer, en collaboration avec l’INPI, la possibilité de protéger et valoriser davantage l’innovation sociale des acteurs de l’ESS.

Proposition n° 12 : Étendre le crédit impôt recherche (CIR) à l’innovation sociale en élargissant les critères d’éligibilité et en définissant fiscalement cette forme d’innovation, afin de soutenir son financement au même titre que les innovations technologiques.

Proposition n° 13 : Engager une réflexion sur la création d’une prime d’innovation sociale et écologique, visant à compenser l’inaccessibilité au CIR pour les organisations non éligibles, telles que les associations et les fondations.

 

Troisième ambition : Porter une ambition forte pour les 10 prochaines années avec un plan national de mobilisation autour de l’ESS

Proposition n° 14 : Instaurer une loi de programmation pluriannuelle dédiée à l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) pour impulser une politique publique ambitieuse et cohérente, en s’appuyant sur une trajectoire budgétaire claire et pérenne.

Proposition n° 15 : Engager une réflexion sur la possibilité de réserver certains secteurs d’activité à l’ESS.

Proposition n° 16 : Porter l’ambition de développement de l’ESS à un haut niveau politique en assurant un engagement pérenne, incarné par des responsables (ministre, délégué ministériel, haut-commissaire…) afin de garantir la coordination et la visibilité du secteur sur le long terme.

Recommandation n° 17 : Soutenir le développement des CRESS (Chambres régionales de l’économie sociale et solidaire) et leurs capacités d’animation dans tous les territoires, en engageant une réflexion sur l’allocation partielle de certaines ressources fiscales.

Proposition n° 18 : Mettre en lumière les succès de l’ESS, de l’impact et de l’innovation dans ces secteurs et favoriser leur croissance en créant un classement et programme d’accompagnement, inspiré des initiatives comme le « Next 40 » ou le « French Tech 120 ».

Proposition n° 19 : Créer un fonds d’investissement pour l’innovation sociale, en mobilisant les outils de financement, subventions, prêts garantis et investissements en fonds propres de Bpifrance et de la CDC, sur le modèle du plan Deep Tech.

Proposition n° 20 : Lancer le plan "France 2050" avec une enveloppe de 100 milliards d’euros, incluant un axe dédié à l’innovation sociale et environnementale, en particulier pour les acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) et de l’impact.

Proposition n° 21 : Prolonger le taux majoré de 25 % de l’IR-PME entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus) sur plusieurs années, avec une visibilité à long terme pour garantir un soutien durable à l’investissement dans ces structures sociales.

Proposition n° 22 : Soutenir le développement des jeunes entreprises sociales agréées Esus et des sociétés commerciales de l’ESS en leur accordant une incitation fiscale de 30 %, calquée sur le modèle de l’IR-JEI (jeunes entreprises innovantes) Midy, afin de favoriser les investissements en capital et l’innovation sociale.

Proposition n° 23 : Créer un statut de «  Jeune Entreprise Innovante à Impact » (JEII), qui cumule les conditions du statut JEI et de l’agrément Esus ou des entreprises commerciales de l’ESS, permettant ainsi une exonération des charges sociales et une réduction d’impôt de 50 % pour les particuliers investissant dans ces entreprises.

Proposition n° 24 : Promouvoir l’élaboration d’une logique de scoring à impact social et environnemental pour les entreprises, fondée sur une approche collaborative avec les experts et les acteurs de terrain, afin de mieux mesurer leur contribution au progrès environnemental et social.

Proposition n° 25 : Engager une réflexion sur la manière d’inciter les entreprises privées lucratives à améliorer la transparence de leurs achats responsables, notamment en encourageant la mention du nombre de contrats conclus avec des entreprises de l’ESS dans leurs rapports RSE annuels.

Proposition n° 26 : Constituer un fonds de conversion destiné à soutenir les entreprises privées qui souhaitent se transformer en entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) ou de l’impact, ainsi que celles envisageant des reprises ou des activités à maintenir dans ce secteur.

Proposition n° 27 : Réfléchir à une modulation à moyen terme des dispositifs de soutien public et de fiscalité dédiés aux entreprises en fonction des performances sociales et environnementales dans une optique de favoriser l’ESS et de l’impact.

Proposition n° 28 : Étendre le mécanisme de don associé au livret de développement durable et solidaire (LDDS) au livret A pour augmenter les financements dédiés aux projets de transition écologique et sociale.

Proposition n° 29 : Mieux orienter l’épargne des Français vers des investissements à impact social et environnemental, notamment en faveur de l’ESS.

 

 


   LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

Par ordre chronologique

ESS France *

M. Benoît Hamon, président

Mme Mathilde Naud, chargée d’affaires publiques

Table ronde :

Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES) *

M. Hugues Pollastro, directeur général

M. Patrick Julien, responsable du pôle des relations sociales

M. Julien Cauneille, chargé de plaidoyer

Fédération des entreprises d’insertion (FEI)

M. Luc de Gardelle, président de la fédération des entreprises d’insertion

M. Matthieu Orphelin, directeur général

Union nationale des entreprises adaptées (UNEA) *

M. Sébastien Citerne, délégué général

Mme Hortense de Cacquerey, conseillère en affaires publiques*

M. Fabrice Van Kote, vice-président en charge de la communication

Ministère de l’économie, des finances et de la relance – Service du financement de l’économie – direction du Trésor

Bureau Économie Sociale et Solidaire et de l’Investissement à Impact (BESSII) – SFE – DG Trésor

M. Martin Landais, sous-directeur des assurances et de l’ESS

Mme Evelyne Ahipeaud, cheffe du bureau de l’économie sociale et solidaire et de l’investissement à impact (BESSII)

Mme Elisabeth Millard, adjointe en charge des questions budgétaires au sein du BESSII

M. Vincent Monnier, adjoint à la cheffe de bureau BESSII

Audition conjointe :

Mouvement Impact France *

Mme Anne de Bayser, Présidente de SOS Solidarités et membre du Bureau *

Mme Caroline Neyron, directrice générale*

M. Malo Bourel-Weeger, responsable Plaidoyer et Influence

Mouvess

Mme Anne-Sophie Thomas, co-présidente du Mouvess et présidente de Gestia Solidaire

Table ronde acteurs innovants et start-ups :

Mobicoop

M. Bastien Sibille, président de l’opération Milliard, secrétaire général de
Coop FR

Green-Got

Mme Maud Caillaux, co-fondatrice de Green-Got

Mme Sidonie Fichot

Lita.co

M. Julien Benayoun, co-fondateur et directeur général

Mme Meriem Menjra, responsable des Affaires publiques

Helloasso

Mme Léa Thomassin, présidente

Table ronde finance solidaire et durable, innovation sociale et environnementale, création d’emplois :

EC2027 *

M. Pierre-Emmanuel Saint-Esprit, président d’EC2027 et directeur économie circulaire de Manutan

Mme Sarah Schönfeld, vice-président d’EC2027 et directrice des affaires publiques de Murfy

Institut CEC

M. Yannick Servant, co-fondateur

Ticket for Change

M. Matthieu Dardaillon

Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire d’Îlede-France (CRESS)

M. Sébastien Chaillou-Gilette, directeur général

Table ronde acteurs innovants et de l’accompagnement :

Konexio

M. Jean-Christophe Vidal, directeur général

Moka.Care

M. Guillaume d’Ayguesvives, co-fondateur & directeur général

La Handitech

Mme Laurence Vergès, déléguée générale

Diversidays

M. Anthony Babkine, co-fondateur et délégué général

Table ronde coopératives :

La Ruche

M. Bruno Humbert, co-fondateur

Mme Sophie Vannier, co-présidente

Coop fr

M. Bastien Sibille, secrétaire général

M. Emmanuel-Georges Michelin, administrateur de Coop FR en charge des Affaires publiques

Label Emmaüs

Mme Maud Sarda, co-fondatrice et directrice générale

Scop Coop

Mme Fatima Bellaredj, déléguée générale de la Confédération générale des Scop et des Scic

Mme Lynda-May Azibi, déléguée aux affaires publiques et institutionnelles

Centre Français des Fonds et Fondations (CFF) *

Mme Marion Lelouvier, présidente du directoire de la Fondation de l’avenir, présidente du CFF

M. Damien Baldin, directeur général de la fondation La France S’engage et administrateur du CFF et d’ESS France

M. Félix Midoux, chargé de plaidoyer au CFF

M. Nicolas Mitton, directeur des affaires publiques et juridiques au CFF *

Finance Fair

M. Thierry Sibieude, président

Mme Julia Robin, chargée de plaidoyer

Table ronde banque et assurance :

Crédit coopératif/Avise *

M. Jérôme Saddier, président

Mme Cécile Leclair, directrice générale

Association des Assureurs Mutualistes (AAM) *

Mme Cornélia Federkeil, secrétaire générale

Mutualité française *

M. Yannick Lucas, directeur des affaires publiques

Groupe SOS

M. Jean-Marc Borello, président du directoire du Groupe SOS

M. Paul Chambost, chef de cabinet du président

Le mouvement associatif *

M. Mickaël Huet, délégué général du Mouvement associatif

M. David Ratinaud, responsable plaidoyer du Mouvement associatif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


   CONTRIBUTIONS ÉCRITES

 

ESS France Outre-mer

France active

Institut de la finance durable

France invest

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


([1]) Avise, Chiffres clés de l’ESS en France, 18 avril 2023.

([2]) Y compris fonds de concours et attributions de produits.

([3]) Y compris fonds de concours et attribution de produits.

([4]) Voir proposition n° 5

([5]) Lors des débats sur la loi de finances pour 2023, les parlementaires ont exprimé le souhait de disposer d’une vue d’ensemble du soutien de l’État à l’ESS. C’est ainsi que, par amendement, les sénateurs ont demandé la réalisation d’un rapport d’information sur les moyens et les dépenses publiques en faveur du développement de l’ESS, soulignant que ce soutien ne se limite pas aux 20 millions d’euros alloués à l’action 4 du programme 305 dédié à l’ESS.

([6]) Le montant total des interventions de Bpifrance en faveur de l’ESS pour l’année 2021 s’élève à 372 099 K€ (372,1 millions d’euros). Ce chiffrage a été obtenu en additionnant les montants des quatre rubriques suivantes :

Financement : 159 876 K€

Innovation : 74 518 K€

Garanties : 50 519 K€

Mobilisation de créances : 87 186 K€

([7]) Obtenu en additionnant les interventions du fonds d’épargne de la CDC 1 367 223,9 K€ et les interventions sur compte propre de la CDC (61 381 K€) en 2022.

([8]) 17,494 Mds€ sans comptabiliser, en l’absence d’estimation précise, les financements alloués par l’Union européenne, par les Collectivités territoriales, les Organismes de sécurité sociale et les Opérateurs de l’État à l’ESS.

([9]) Gouvernement, Rapport d’information article 185 de la loi de finances pour 2023, 2023.

([10]) Voir le 3. Du I. de la première partie du présent avis.

([11]) Economie.gouv.fr, L’économie sociale et solidaire, décembre 2020.

([12]) Gouvernement, Rapport d’information article 185 de la loi de finances pour 2023, 2023.

([13]) Ibid

([14]) Ibid

([15]) Avise, Chiffres clés de l’ESS en France, 18 avril 2023.

([16]) Gouvernement, Rapport d’information article 185 de la loi de finances pour 2023, 2023.

([17]) Contribution écrite du BESSI

([18]) INSEE, Compte satellite, mai 2020

([19]) Contribution écrite du BESSI

([20]) Article 18 du TFUE

([21]) Article 53 du code de la commande publique

([22]) Spiess-Knafl, W., & Scheck, B. (2019). Social Enterprise Finance Market Analysis and Recommendations for Delivery Options. Commission européenne, Direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion.

([23]) Gouvernement, Rapport d’information article 185 de la loi de finances pour 2023, 2023

([24]) Contribution écrite du BESSI

([25]) Insee, Les entreprises en France, décembre 2023.

([26]) Cour des comptes, Référé relatif à la taxe sur les salaires, juillet 2018.

([27]) Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire

([28]) Contribution écrite du BESSI

([29]) Economie.gouv.Fr, Propositions pour le développement des contrats à impact en France, janvier 2022.

([30]) Contribution écrite d’ESS France

([31]) ESS France, Réformer le crédit impôt recherche pour financer l’innovation sociale, mars 2022.

([32]) Contribution écrite d’HelloAsso

([33]) Contribution écrite d’ESS France.

([34]) Voir le 1. A. I. de la deuxième partie de cet avis.

([35]) Gouvernement, Rapport d’information article 185 de la loi de finances pour 2023, 2023

([36]) Liste Nationale ESUS sur le site de la DG Trésor

([37]) Article 8 de la loi n° 2024‑537 du 13‑6‑2024 visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France.

([38]) Midy Paul, Soutenir l’investissement dans les start-ups, PME innovantes et PME de croissance, juin 2023.  

([39]) Rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, septembre 2009.

([40]) Contribution écrite de Fair.

([41]) Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France.

([42]) Les fonds solidaires « 90/10 », créés par la loi Fabius du 19 février 2001, qui obligent à investir entre 5 et 10 % des actifs dans des entreprises agréées « entreprise solidaire », ont vu leur régime renforcé avec la loi n° 2024-537 du 13 juin 2024. Cette nouvelle loi augmente le plafond de la part solidaire à 15 %, tout en maintenant le plancher minimal à 5 %, permettant ainsi un soutien accru aux entreprises solidaires.

([43]) Voir