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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2024
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LE PROJET DE LOI (n° 324)
de finances pour 2025
TOME I
ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT
PAR Mme Agnès FIRMIN LE BODO
Députée
——
Voir le numéro : 468 –III –2
En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteure pour avis au plus tard le 10 octobre 2024 pour le présent projet de loi de finances. À la date de publication du rapport, 91 % des réponses au questionnaire thématique étaient parvenues à votre rapporteure pour avis qui souhaite remercier le Gouvernement et les services de l’État de leur diligence.
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SOMMAIRE
___
Pages
Introduction........................................................... 5
I. Le programme 354 : « Administration territoriale de l’état » :
A. Des crédits en hausse mais un plafond d’emplois en diminution
2. Une hausse des crédits pour la troisième année consécutive
3. Une stabilisation du schéma d’emploi mais une diminution du plafond d’emplois
B. L’accueil des usagers, une priorité maintenue
1. Un lien rétabli entre l’administration territoriale de l’État et les citoyens
II. Le programme 232 « Vie politique » : Des crédits en baisse en raison du calendrier électoral
III. Programme 216 : Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur
A. un Périmètre et des priorités stables
1. Des crédits de paiement en augmentation et des autorisations d’engagement en baisse
2. Un schéma d’emplois stable mais un plafond d’emplois en diminution
C. Le CNAPS, un opérateur au rendez-vous des jeux olympiques
IV. La position de la commission
I. Audition de M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur
II. Examen pour avis des crédits
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Mesdames, Messieurs,
La mission « Administration générale et territoriale de l’État » (AGTE) regroupe trois programmes et dix-huit actions. Elle porte également le financement de deux opérateurs – le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) et l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) – et d’une autorité administrative indépendante – la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).
Ces trois programmes, sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur, ont pour objectifs :
– d’assurer la présence et la continuité de l’État sur le territoire au moyen des préfectures et sous-préfectures et en coordonnant diverses administrations déconcentrées (programme 354 « Administration territoriale de l’État) ;
– de garantir le bon déroulement des élections (programme 232 « Vie politique ») ;
– de financer les fonctions support du ministère (programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur »).
Le programme annuel de performance cible trois objectifs principaux, dans la continuité des exercices précédents :
– « Réarmer » l’État territorial en renforçant l’accessibilité et la capacité d’action des administrations déconcentrées, en particulier dans les zones rurales ou périphériques ;
– Moderniser le fonctionnement de l’administration territoriale en adaptant le patrimoine immobilier à la contrainte environnementale et en développant le réseau de structures d’accueil et d’accompagnement des usagers (préfectures, sous-préfectures, maisons France services) ;
– Améliorer l’efficience de la gestion des fonctions support (achat, ressources humaines, systèmes d’information) et poursuivre les projets immobiliers et numériques engagés au cours des dernières années.
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit un montant total de crédits de paiement (CP) pour la mission de 4,96 milliards d’euros, soit une hausse conséquente de 6,5 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024, supérieure à celles des deux années précédentes (4 % en 2023 et 2 % en 2024). Les autorisations d’engagement (AE), qui avait connu une croissance de 15 % l’an dernier en raison d’importants investissements immobiliers, sont en revanche en forte baisse (4,70 milliards d’euros, soit une diminution de 15,8 %).
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION AGTE (2022-2025)
(en millions d’euros)
|
LFI 2022 |
LFI 2023 |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
P. 354 – Administration territoriale de l’État |
2 412,0 |
2 578,9 |
2 583,2 |
2 665,6 |
P. 232 – Vie politique |
488,6 |
119,6 |
257,6 |
100,2 |
P. 216 – Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur |
1 486,6 |
1 870,2 |
1 816,3 |
2 195,0 |
Mission « Administration générale et territoriale de l’État » |
4 387,2 |
4 568,8 |
4 657,1 |
4 960,9 |
Source : documents budgétaires.
Les dépenses de personnel et de fonctionnement sont globalement stables, à l’exception du programme 232 pour lequel elles sont en nette diminution en l’absence d’élections prévues au niveau national cette année (- 87 % pour l’action 2 « Organisation des élections »).
L’augmentation des crédits de paiement s’explique principalement par une augmentation des dépenses d’investissements engagées au cours des exercices précédents (+ 25 % pour le programme 354 et + 112 % pour le programme 216), en particulier en matière de numérique (+ 18 %) et d’immobilier (+ 103 %). Les moyens consacrés au soutien des collectivités territoriales pour l’acquisition et le développement de la vidéosurveillance poursuivent également leur croissance (+ 28 %).
À l’inverse, la diminution globale des autorisations d’engagement de 1 milliard d’euros s’explique par l’absence d’engagement de nouveaux projets de grande ampleur, notamment en matière immobilière. La hausse des autorisations d’engagement se poursuit en revanche en ce qui concerne le numérique (+ 38 %) et les investissements de l’administration territoriale de l’État (+ 26 %).
Cette évolution des crédits à la hausse et des autorisations d’engagement à la baisse suit la dynamique pluriannuelle prévue par la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur. Comme l’an passé, les montants restent toutefois à un niveau inférieur à ceux votés à l’occasion de cette loi (voir tableau).
Comparaison entre les crédits prévus dans le PLF pour 2025 et la programmation budgétaire adoptée dans la lopmi
(en millions d’euros)
|
LOPMI 2025 |
PLF 2025 |
||
|
AE |
CP |
AE |
CP |
P. 354 – Administration territoriale de l’État |
|
|
2 746 |
2 665 |
P. 354 – Hors CAS Pension |
2 103 |
2 050 |
2 141 |
2 090 |
P. 216 – Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur |
|
|
1 865 |
2 195 |
P. 216 – Hors CAS Pension |
1 885 |
2 399 |
1 603 |
1 933 |
Total Mission « Administration générale et territoriale de l’État » (Hors CAS Pension) |
3 988 |
4 449 |
3 744 |
4 023 |
Source : documents budgétaires, loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, calculs commission des Lois
Si les schémas d’emplois restent stables, les plafonds d’emplois connaissent une diminution de 355 ETPT dont 182 ETPT sur le programme 354 et 172 ETPT sur le programme 216 visant principalement des personnels administratifs de catégorie C au sein du programme 354 et les personnels de catégorie B au sein du programme 216.
ÉVOLUTION Du plafond d’emploi DE LA MISSION AGTE (2021-2024)
(en ETPT)
|
LFI 2021 |
LFI 2022 |
LFI 2023 |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
P. 354 – Administration territoriale de l’État |
28 707 |
29 082 |
29 298 |
29 448 |
29 266 |
P. 232 – Vie politique |
57 |
65 |
55 |
55 |
54 |
P. 216 – Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur |
11 564 |
11 128 |
11 095 |
11 113 |
10 941 |
Total Mission « Administration générale et territoriale de l’État » |
40 328 |
40 275 |
40 448 |
40 616 |
40 261 |
ETPT rémunérés par les opérateurs |
361 |
367 |
387 |
466 |
469 |
Source : documents budgétaires.
*
* *
I. Le programme 354 : « Administration territoriale de l’état » :
A. Des crédits en hausse mais un plafond d’emplois en diminution
Le programme 354 « Administration territoriale de l’État » (ATE) est né en 2020 de la fusion du programme 307 « Administration territoriale » et du programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées ». Il regroupe les emplois du réseau des préfectures et sous-préfecture, des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) et des secrétariats généraux communs (SGC) ainsi que les emplois de directeurs des directions départementales interministérielles (DDI). Il porte également les crédits d’investissement et de fonctionnement des administrations déconcentrées de six périmètres ministériels (intérieur et outre-mer, transition écologique, cohésion des territoires, agriculture, culture, économie et finances, santé et affaires sociales). Enfin, il porte un opérateur : France titres (ex-Agence nationale des titres sécurisés).
Les crédits se déclinent en six actions :
– L’action 1 « Coordination de la sécurité des personnes et des biens » qui finance les effectifs en charge de la conduite opérationnelle de la gestion des crises, de la prévention des risques notamment en matière de sécurité routière et des missions de police administrative spéciales ;
– L’action 2 « Règlementation générale, la garantie de l’identité et la délivrance des titres » qui couvre le droit des étrangers (asile, titre de séjour, reconduction, naturalisation), la délivrance des titres sécurisés (permis, passeport, carte d’identité et carte grise), l’organisation des élections et le suivi des associations ;
– L’action 3 « Contrôle de légalité et le conseil aux collectivités territoriales » qui regroupe les emplois consacrés à l’accompagnement des élus et au contrôle de leurs actes.
– L’action 4 « Pilotage territorial des politiques gouvernementales » qui assure le financement des emplois des hauts fonctionnaires du programme (préfets, sous-préfets, chargés de mission des SGAR, directeurs départementaux).
– L’action 5 « Fonctionnement courant de l’administration territoriale » qui couvre les dépenses de fonctionnement quotidiennes, notamment la gestion des parcs informatique et automobile ou encore les frais d’organisation et de communication des manifestations publiques ;
– L’action 6 « Dépenses immobilières de l’administration territoriale » qui concerne l’entretien courant des bâtiments, y compris le nettoyage ou encore les fluides, dont le coût est particulièrement exposé à l’inflation.
2. Une hausse des crédits pour la troisième année consécutive
Les crédits de paiement du programme 354 sont en hausse de 3,19 % et s’établissent à 2,665 milliards d’euros pour 2025 contre 2,583 milliards d’euros en LFI pour 2024. Les autorisations d’engagement augmentent de 4,29 % et atteignent 2,746 milliards contre 2,633 milliards d’euros en LFI pour 2024.
Cette augmentation s’inscrit dans la stratégie de rétablissement de la présence de l’État sur le territoire. Au cours de la décennie 2010-2020, ce sont 4 500 ETPT qui avaient été supprimés à l’échelon départemental (préfectures et sous-préfecture), notamment dans les services consacrés à l’accueil et à l’accompagnement des usagers. Conscient des limites de cette stratégie, que la dématérialisation n’a pu compenser que partiellement, le Gouvernement a mis en œuvre un nouveau plan, dit « missions prioritaires des préfectures » (2022-2025). Sans rouvrir les guichets d’accueil physique pour toutes les démarches, ce plan a renforcé l’accompagnement des usagers et des collectivités territoriales sur le terrain (voir B du présent I).
Évolution des crédits du programme 354 PAR ACTION
(en millions d’euros)
|
Autorisations d’engagement (AE) |
Crédits de paiement (CP) |
||||
|
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Var. |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Var. |
Action 1 : Coordination de la sécurité des personnes et des biens |
187,8 |
198,6 |
+5,73 % |
187,8 |
198,6 |
+5,73 % |
Action 2 : Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres |
461,4 |
474,2 |
+2,79 % |
461,4 |
474,2 |
+2,79 % |
Action 3 : Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales |
143,4 |
146,8 |
+2,43 % |
143,4 |
146,8 |
+2,43 % |
Action 4 : Pilotage territorial des politiques gouvernementales |
794,2 |
806,2 |
+1,51 % |
794,2 |
806,2 |
+1,51 % |
Action 5 : Fonctionnement courant de l’administration territoriale |
692,0 |
695,4 |
+0,49 % |
683,1 |
684,2 |
+0,26 % |
Action 6 : Dépenses immobilières de l’administration territoriale |
354,5 |
424,9 |
+19,88 % |
313,3 |
354,9 |
+13,27 % |
Total |
2 633,2 |
2 746,2 |
+4,29 % |
2 583,2 |
2 665,7 |
+3,19 % |
Source : documents budgétaires.
Les dépenses de fonctionnement et d’investissement du programme connaissent une hausse significative de 6 %. Il s’agit principalement de la rénovation des bâtiments de l’ATE et de l’ouverture de nouvelles cités administratives, d’une part, et de la modernisation des systèmes d’information et des outils numériques, d’autre part.
Dans le même temps, le budget du programme 354 est soumis à un effort de réduction de certaines dépenses. Les crédits de fonctionnement courant devraient, comme en 2024, diminuer d’environ 5 % (soit 10 millions d’euros) grâce à la mutualisation des véhicules ou encore l’optimisation de l’occupation des bureaux.
3. Une stabilisation du schéma d’emploi mais une diminution du plafond d’emplois
Le programme 354 porte les crédits de personnel de près de 30 000 agents dans les préfectures et sous-préfectures, ainsi que des 1 300 emplois supérieurs de l’administration territoriale de l’État.
Malgré la hausse globale des crédits du programme et après une augmentation substantielle en 2023 et 2024 (+ 144 ETPT), le plafond d’emplois pour 2025 est en baisse de 182 ETPT (101 ETPT hors mesures de transfert et corrections techniques). Cette réduction porte principalement sur l’échelon départemental et résulte notamment de la mutualisation de certaines fonctions au sein des secrétariats généraux commun départementaux (SGCD), d’où la diminution du plafond d’emplois sur les actions 4 et 5 dédiées au pilotage et au fonctionnement courant de l’administration territoriale (voir tableau). Le schéma d’emploi reste néanmoins stable.
Répartition du plafond d’emplois par action
(en ETPT)
|
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Action 1 : Coordination de la sécurité des personnes et des biens |
2 884 |
2 954 |
Action 2 : Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres |
7 665 |
7 664 |
Action 3 : Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales |
2 133 |
2 109 |
Action 4 : Pilotage territorial des politiques gouvernementales |
9 664 |
9 502 |
Action 5 : Fonctionnement courant de l’administration territoriale |
7 102 |
7 035 |
Action 6 : Dépenses immobilières de l’administration territoriale |
0 |
0 |
Total |
29 448 |
29 266 |
Source : documents budgétaires.
Compte tenu du nombre d’agents rémunérés par le programme, cela ne représente une baisse que de 0,6 % des effectifs. Cette diminution des effectifs ne permet d’ailleurs que de contenir les dépenses de personnel qui augmentent malgré tout de 2,5 % mais devraient se stabiliser à 0,6 % en 2027.
En outre, le programme 354 rencontre des difficultés de recrutement. Le programme annuel de performance crée deux nouveaux indicateurs dédiés aux postes non pourvus : le premier recense les postes non pourvus (avec une cible de 3 %) et le second comptabilise le nombre de préfectures dans lesquelles le taux d’emplois non pourvus est supérieur à 3 % afin d’identifier les zones géographiques les plus concernées par les problèmes de recrutement.
B. L’accueil des usagers, une priorité maintenue
1. Un lien rétabli entre l’administration territoriale de l’État et les citoyens
De 2018 à 2021, le « plan préfectures nouvelle génération » (PPNG) a considérablement réduit l’accueil des citoyens dans les préfectures au profit de la dématérialisation des procédures administratives. L’accompagnement de cette transformation nécessaire n’a pas bénéficié d’un accompagnement suffisant sur le territoire. Depuis 2022 et jusqu’à 2025, le plan « missions prioritaires des préfectures » (MPP) vient corriger cette situation en rétablissant des points d’accueil et des procédures d’accompagnement.
Depuis 2022, le nombre d’agents dédiés à l’accueil physique ou téléphonique est reparti à la hausse avant de se stabiliser au niveau de 2018 (voir tableau). Il s’agit d’emplois durables puisque seulement 22 % de ces agents sont sous contrat à durée déterminée ([1]).
Une formation « exercer une mission d’accueil » a été créée par la direction des ressources humaines du ministère de l’Intérieur et déployée en décembre 2023 dans l’ensemble du réseau préfectoral, afin de professionnaliser l’accueil des usagers. Au total, soixante-cinq sessions se seront tenues d’ici la fin de l’année 2024. D’autres outils pourraient permettre de revaloriser cette filière : le ministère de l’Intérieur explore notamment « des pistes de valorisation indemnitaire des agents chargés de l'accueil du public » ([2]).
Effectifs dédiÉs à l’accueil des usagers en préfecture et sous-préfecture
(en ETPT)
|
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Téléphone |
526 |
508 |
494 |
496 |
512 |
485 |
485 |
Accueil physique |
553 |
484 |
482 |
576 |
605 |
594 |
594 |
Total |
1 080 |
993 |
976 |
1 072 |
1 117 |
1 080 |
1 079 |
Source : Réponses au questionnaire budgétaire
Si la plupart des démarches sont désormais dématérialisées – à l’exception des procédures relatives aux titres des étrangers, aux armes ou encore aux élections – un accueil généraliste a été rétabli au sein des points d’accueil numérique (PAN). L’ensemble des préfectures et 145 sous-préfectures en sont dotés. Ils ont permis d’accompagner 336 000 usagers en 2023. Ces lieux d’accueil sont complétés par les maisons France services, dont quarante-et-une sont désormais hébergées par des sous-préfectures (voir 2 du présent B).
D’autres moyens d’accompagnement alternatifs au guichet, tels que l’accueil téléphonique et le traitement des demandes par courriels, ont été mis en place ou repensés. Au total, en 2023, l’administration territoriale de l’État a traité 17 millions d’appels. En ce qui concerne les demandes de titres sécurisés, qui constituent la principale source de sollicitation directe du ministère de l’Intérieur par les usagers, le Centre de contact citoyen de France titres (ex-ANTS) a reçu plus de deux millions d’appels et un million et demi de courriels au premier semestre 2024. D’autres solutions sont en cours de développement (serveur vocal interactif, foire aux questions, questionnaires, agent conversationnel) et ont vocation à se perfectionner et se généraliser dans les prochaines années.
2. Les maisons France services, un complément au réseau des préfectures pour assurer la proximité des services publics
Portés par le programme 112 « Cohésion des territoires », les crédits consacrés au financement des maisons France services (MFS) ont été sanctuarisés pour assurer l’atteinte de l’objectif de 2 800 MFS ouvertes fin 2024. Pour mémoire, leur financement – qui représente un budget de 100 000 euros par an et par MFS en moyenne – est partagé entre la structure d’accueil (collectivité territoriale, poste, association) et l’État. Ce dernier intervient, à parité, via le fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) et le fonds national France services (FNFS), financé par les opérateurs et dont le ministère de l’Intérieur est le plus gros contributeur (7,16 millions d’euros en 2025).
L’État s’investit de manière croissante dans le réseau France services en augmentant progressivement sa participation de 30 000 euros par MFS en 2021 à 50 000 euros par MFS en 2026. Cette trajectoire est préservée pour 2025. Les préfectures se sont également dotées d’animateurs départementaux chargés d’assurer le lien entre les opérateurs et les porteurs, en particulier les élus locaux.
La demande de titres sécurisés demeure la principale démarche auprès du ministère de l’Intérieur réalisable dans les MFS. Conformément aux recommandations de la Cour des comptes ([3]), le Centre de contact citoyen de France titres (ex-ANTS) dispose d’une ligne d’appel dédiée aux agents des MFS. Au total, 94 540 appels ont été reçus sur cette ligne dédiée en 2023 et 48 556 pour le premier semestre 2024 ([4]).
Le ministère de l’Intérieur participe également activement à la formation initiale et continue des agents des MFS qui relèvent statutairement de la structure d’accueil. La formation initiale a été considérablement renforcée, passant de 6,5 à 11 jours. Un projet d’application reposant sur l’intelligence artificielle, appelé « Albert » est en cours d’expérimentation pour permettre aux agents de répondre plus précisément et plus efficacement aux usagers.
Les effectifs des MFS ont été stabilisés grâce à une revalorisation de leur statut et un faible recours aux contrats courts ([5]) ce qui permet un maintien de la qualité du service rendu. Malgré le portage de nombreuses MFS par des structures privées, le taux de fonctionnaires parmi les 7 000 agents est élevé comme le démontre une récente enquête réalisée auprès de 3 000 agents (voir tableau).
Statut des agents des maisons France services
Porteur |
Fonctionnaire |
Contractuel |
Total |
État (sous-préfectures) |
24 (60 %) |
16 (40 %) |
40 (1 %) |
Collectivités territoriales |
1 540 (65 %) |
817 (35 %) |
2 357 (78 %) |
Autre (La Poste, associations…) |
69 (11 %) |
550 (89 %) |
619 (21 %) |
Total |
1 633 (54 %) |
1 383 (46 %) |
3 016 (100 %) |
Source : Réponses au questionnaire budgétaire, enquête réalisée auprès de 3 000 agents.
L’ouverture des MFS améliore la présence des services publics sur le territoire, avec un maillage très fin puisque 99 % de la population se situe à moins de trente minutes d’une MFS. En cela, elles compensent largement les guichets précédemment existants, souvent moins nombreux, dispersés, rarement ouverts et parfois saturés. De plus, la réunion de ces services dans un même lieu permet un accompagnement plus complet, certaines MFS proposant par ailleurs d’autres services (scolarité, médico-social, petite enfance…).
Pour ne pas saturer le réseau France services et maintenir la possibilité de venir sans rendez-vous et d’être accueilli au terme d’un temps d’attente limité, un consensus semble émerger sur la nécessité de ne pas étendre davantage l’offre de service des MFS. En ce qui concerne le ministère de l’Intérieur, la question de l’accueil en MFS des personnes souhaitant renouveler leur titre de séjour – qui n’est pas prévu à ce jour – se pose au regard de l’accroissement des délais de traitement de ces demandes – 60 jours en 2022, 76 jours en 2023 ([6]) – et des difficultés qui en résultent ([7]). Pour votre rapporteure, la possibilité d’accompagner les demandeurs d’un renouvellement de titre de séjour dans les MFS pourrait être expérimentée localement, à condition que le ministère mette à disposition des agents dédiés.
Enfin, il reste à mieux faire connaître ce dispositif auprès des usagers. Cela fera l’objet d’une prochaine campagne d’information au niveau national.
3. La délivrance des titres sécurisés : une situation en nette amélioration, qui doit être stabilisée
L’ANTS, devenu France titres, a pour mission de coordonner la politique relative aux titres sécurisés qui rassemble différents acteurs : les mairies pour le recueil des demandes, les centres d’expertise et de ressources des titres (CERT) dans les préfectures pour l’instruction, l’Imprimerie nationale pour la production et enfin la Poste pour l’acheminement.
Elle assure l’assistance aux mairies, aux préfectures et aux usagers sur les questions relatives aux titres sécurisés mais aussi en matière de titres pour les étrangers puisque l’assistance téléphonique pour l’ANEF lui a été confiée – bien qu’elle n’intervienne pas par ailleurs au cours de ces procédures.
Elle développe également le projet d’identité numérique (« France identité ») et plus largement la stratégie de dématérialisation des titres sécurisés (permis, carte grise) qui est appelé à s’étendre au-delà du périmètre AGTE (carte Vitale, carte étudiant…).
France titres bénéficie d’un mode de financement particulier : ses ressources sont constituées de taxes affectées et de ressources propres – par exemple la redevance d’acheminement des cartes grises. Son budget prévisionnel pour 2025 est de 30,5 millions d’euros (contre 26,5 millions d’euros en 2024). Auditionné par votre rapporteur, France titres considère que cette augmentation ne permet pas de couvrir la dynamique de ses dépenses qui était jusqu’alors compensée par la trésorerie accumulée au cours des « années Covid ».
Comme les autres opérateurs de l’État, France titres doit contribuer à l’effort de réduction des dépenses et envisage de réduire les horaires d’ouverture du Centre de contact citoyen. Ces économies ne doivent pas dégrader excessivement le service rendu aux usagers ni mettre en péril les projets essentiels qui sont confiés à cette agence.
En effet, après plusieurs années au cours desquelles les délais d’obtention des titres s’étaient considérablement allongés, la situation est redevenue normale et doit le rester. Cette crise était née de la fermeture des guichets en préfecture et de la forte demande qui avait fait suite à la période du Covid.
Grâce à la création d’une plateforme unique de prise de rendez-vous et au déploiement d’un grand nombre de dispositifs de recueil dans les communes, il faut désormais en moyenne moins de cinq jours pour obtenir un rendez-vous en mairie en vue de déposer sa demande. Ce succès est le fruit de l’engagement des collectivités territoriales, soutenues par l’État. De nombreuses communes se sont dotées de nouveaux dispositifs de recueil avec l’aide de la dotation titres sécurisés qui a atteint 72 millions d’euros en 2024. Par ailleurs, la procédure dématérialisée de pré-demande, qui permet de fournir les pièces justificatives en ligne en amont du rendez-vous est de plus en plus utilisée (71 % du total des demandes) et permet également un gain de temps lors du dépôt du dossier en mairie.
Les délais de délivrance (instructions, production, acheminement) ont également été réduits (voir tableau) grâce à une diminution des demandes, une plus grande efficacité des CERT et des investissements de l’Imprimerie nationale.
Délais MoyenS de délivrance des titres sécurités
|
2022 |
2023 |
2024 (octobre) |
Passeports |
31 jours |
34 jours |
20 jours |
Cartes nationales d’identité |
29 jours |
26 jours |
13 jours |
Certificats d’immatriculation |
7 jours |
7 jours |
7 jours |
Permis de conduire |
41 jours |
46 jours |
23 jours |
Source : France titres
Preuve de l’amélioration de la situation, l’adjoint de la Défenseure des droits en charge de la médiation, M. Daniel Agacinski, constate une très forte diminution des demandes relatives aux titres sécurités.
*
* *
II. Le programme 232 « Vie politique » : Des crédits en baisse en raison du calendrier électoral
Le programme 232 compte trois actions visant à garantir l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des élections. Il s’agit à la fois d’assurer la bonne organisation et le bon déroulement des scrutins, d’attribuer une aide financière aux partis politiques et de rembourser les dépenses de campagne, et enfin de contrôler le financement des activités politiques.
Évolution des crédits du programme 232 PAR ACTION
(en millions d’euros)
|
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||||
|
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Var. |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Var. |
Action 1 : Financement des partis |
68,7 |
68,7 |
0 % |
68,7 |
68,7 |
0 % |
Action 2 : Organisation des élections |
181,8 |
22,3 |
-87,7 % |
180,2 |
23,1 |
-87,7 % |
Action 3 : CNCCFP |
7,3 |
7,3 |
+1,10 % |
8,7 |
8,5 |
-2,40 % |
Total |
257,7 |
98,3 |
-61,84 % |
257,6 |
100,3 |
-61,08 % |
Source : documents budgétaires
● Les crédits de l’action 1 « Financement des partis » sont maintenus à l’identique. Ils s’élèvent à 68,7 millions d’euros, un chiffre stable depuis dix ans. Le financement se décompose en deux fractions égales : la première en direction des partis politiques qui ont présenté des candidats ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions ; la seconde vers les partis et groupements politiques en fonction du nombre de députés et de sénateurs qui s’y sont rattachés.
● L’action 2 finance l’organisation des élections. Ses crédits sont directement corrélés au calendrier électoral. Ils avaient ainsi connu une forte hausse en LFI pour 2024 en prévision des élections européennes (180,2 millions contre 23 millions en 2023).
Compte tenu de la dissolution, ils ont été augmentés en cours d’année et seront en partie reportés sur l’exercice 2025. L’article 51 du PLF pour 2025 propose d’ailleurs de déroger au plafond prévu à l’article 15 de la LOLF ([8]) au titre du remboursement des dépenses de campagne des candidats aux élections législatives organisées en juillet 2024.
Mais le ministère de l’Intérieur, dans ses réponses au rapporteur spécial de la commission des Finances, indique que : « la majorité des dépenses des élections législatives 2024 n’ont pas été exécutées et il n’est pas possible d’établir un comparatif chiffré fiable avec les élections législatives de 2022 dont le coût définitif s’est établi à 164,47 millions d’euros. Pour autant, l’organisation des élections législatives anticipées en 2024 dans un calendrier contraint pourrait conduire à l’augmentation de certains postes de coûts ». Dans le cadre des mouvements de crédits réalisés au cours de l’exercice 2024, le coût des élections législatives de 2024 pour le programme 232 a été estimé à 171,49 millions d’euros, soit 7 millions de plus que pour les élections législatives de 2022 ([9]).
Principaux postes de dépenses relatifs aux élections tenues en 2024
(en millions d’euros)
|
Élections européennes |
Élections législatives |
Frais de la commission de propagande |
38,19 |
44,59 |
Acheminement de la propagande |
48,38 |
40,81 |
Remboursement des frais de propagande des candidats |
29,07 |
19,16 |
Remboursement forfaitaire des comptes de campagne des candidats |
29,60 |
40,86 |
Frais d’assemblée électorale |
7,92 |
14,82 |
Sources : Réponses au questionnaire budgétaire
Pour l’organisation matérielle des élections, l’État s’appuie également sur les moyens des communes, qui assurent notamment l’installation et la tenue des bureaux de vote. Une subvention, dite « frais d’assemblée électorale » (FAE), vise à compenser une partie des dépenses imposées aux communes pour tenir les scrutins. Les FAE obéissent à une répartition forfaitaire de 44,73 euros par bureau de vote et 0,10 euros par électeur inscrit. Pour 2024, ils s’élèvent à 22,74 millions d’euros – 7,92 millions d’euros pour les élections européennes et 14,82 millions d’euros pour les élections législatives anticipées. Ces montants sont financés par les crédits du présent programme. Les communes peuvent également bénéficier d’une subvention de 190 euros pour l’achat d’urnes transparentes.
Bien que l’article L. 70 du code électoral précise que « les dépenses résultant des assemblées électorales tenues dans les communes sont à la charge de l’État », le montant des FAE reste inférieur au coût réel de cette mission pour les communes. Les communes ont d’ailleurs l’habitude de prévoir dans leur budget annuel les frais relatifs aux élections qui restent à leur charge mais elles n’ont pas pu le faire pour les élections anticipées de 2024, ce qui a placé certaines d’entre elles en difficulté. Votre rapporteure estime souhaitable que le mode de calcul des FAE soit revu pour le mettre en adéquation avec la charge financière qu’induisent les élections pour les communes.
Aucune élection nationale n’est prévue en 2025, d’où une diminution de 87 % des crédits de cette action. Les crédits restants ont vocation à financer les élections partielles pouvant se tenir de manière imprévisible et d’assurer le développement des applications informatiques de la sphère électorale.
● L’action 3 porte les crédits de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). L’activité de cette autorité administrative indépendante est également corrélée au calendrier électoral puisque son activité consiste notamment à contrôler les comptes de campagnes. Ses crédits de paiement sont donc logiquement en légère diminution (- 2,40 % après une augmentation de 4,7 % en LFI pour 2024) qui s’explique par le glissement de certaines activités liées aux élections de 2024 sur l’exercice 2025. Cette réduction porte essentiellement sur les dépenses de personnel, à hauteur de 200 000 euros. Les autorisations d’engagement sont en revanche en hausse de 1,10 % notamment en raison des dépenses prévues pour dématérialiser les démarches de déclaration et moderniser les systèmes d’information, notamment pour les rendre moins vulnérables au risque de cyberattaques.
Au total, le programme « Vie politique » connaît donc une diminution de 61 %, passant de 257,6 millions à 100,3 millions d’euros.
*
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III. Programme 216 : Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur
A. un Périmètre et des priorités stables
Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur » regroupe onze actions correspondant :
– aux missions de pilotage et d’expertise (État-major, services centraux, affaires juridiques et frais de contentieux) ;
– aux fonctions support (numérique, action sociale et formation et affaires immobilières) ;
– aux effectifs de certaines administrations (délégation à la sécurité routière, direction générale des étrangers en France) ;
– à des politiques spécifiques ou transversales (tutelle administrative des congrégations religieuses et application du régime concordataire d’Alsace et de Moselle, fonds interministériel de prévention de la délinquance – FIPD –, financement des dispositifs de vidéosurveillance).
Quatre priorités, dans la continuité des exercices précédents, sont identifiées pour ce programme :
● L’amélioration de la prévision et du pilotage des dépenses de contentieux et de protection fonctionnelle grâce aux pôles d’appui juridique, à un meilleur suivi informatique de l’activité juridique et à une anticipation du contentieux au niveau des préfectures ;
● L’optimisation des fonctions support grâce à un meilleur pilotage de la politique d’achat et la modernisation de la gestion des ressources humaines ;
● La prévention de la délinquance, notamment via le FIPD dont le budget est stabilisé à 62,4 millions d’euros et demeure piloté par le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). La stratégie du fond a néanmoins été repensée en 2024 à la suite des émeutes urbaines de juin 2023 et se donne désormais pour priorité les publics jeunes et les risques attachés au numérique. Cette stratégie est complétée depuis 2023 par une action autonomie dédiée au soutien des projets de vidéo-protection.
● La prévention de la radicalisation par le déploiement du « plan national de prévention de la radicalisation », datant de 2018, se poursuit, de même que les actions de la Miviludes ([10]) en ce qui concerne les dérives sectaires.
B. Des dépenses en hausse en raison des investissements passés mais des efforts de réduction des dépenses de fonctionnement
1. Des crédits de paiement en augmentation et des autorisations d’engagement en baisse
Au total, les crédits du programme 216 augmentent de 20,9 % après une diminution de 2,9 % en 2024, pour atteindre 2,20 milliards d’euros. Cette augmentation brutale s’explique principalement par les investissements conséquents engagés lors des exercices précédents, notamment pour financer le site unique de la DGSI qui coûtera au total plus d’un milliard d’euros (l’action 5 « Affaires immobilières » connaît ainsi une augmentation de 103 % en CP).
À l’inverse, les autorisations d’engagement, qui avaient augmenté de 38 % en LFI pour 2024, diminuent de 31 % en 2025 en l’absence de nouveaux projets de la même ampleur (l’action 5 diminue de 82 % en AE).
Seules les dépenses consacrées aux projets numériques augmentent fortement en AE (+ 36 %) et en CP (+ 18 %) après une diminution en 2024. Il s’agit de financer l’investissement dans de grands projets – 124 millions d’euros en CP en 2025 pour le réseau radio du futur – mais aussi de couvrir les dépenses de fonctionnement (hébergement des données, gestion des licences, maintenance du matériel et des applications, cybersécurité…) qui augmentent d’environ 25 % entre 2024 et 2025. Il est également à souligner que les crédits consacrés au financement d’équipements de vidéo-protection (action 11) augmentent de 28 % (32,0 millions d’euros).
S’agissant des autres actions, l’effort de réduction des dépenses est important puisque, en excluant l’action 3, les dépenses de fonctionnement diminuent de 19 % ([11]).
Enfin, la baisse significative de l’action 6 « Affaires juridiques et contentieuses », qui figure parmi les priorités du programme, s’explique par le transfert de la protection fonctionnelle des agents de la police nationale vers la direction générale de la police nationale (18,2 millions d’euros transitent ainsi vers le programme 176).
Évolution des crédits du programme 216 PAR ACTION
(en millions d’euros)
|
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||||
|
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Var. |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Var. |
Action 1 : État-major et services centraux |
756,0 |
760,6 |
+0,61 % |
755,0 |
759,6 |
+0,61 % |
Action 3 : Numérique |
338,1 |
464,9 |
+37,50 % |
300,2 |
353,4 |
+17,75 % |
Action 4 : Action sociale et formation |
83,6 |
79,5 |
-4,89 % |
84,4 |
80,3 |
-4,84 % |
Action 5 : Affaires immobilières |
1 171,4 |
211,8 |
-81,92 % |
321,1 |
653,7 |
+103,57 % |
Action 6 : Affaires juridiques et contentieuses |
91,7 |
73,5 |
-19,84 % |
91,8 |
73,6 |
-19,83 % |
Action 7 : Cultes et laïcité (action nouvelle) |
2,1 |
2,1 |
0 % |
2,1 |
2,1 |
0 % |
Action 8 : Immigration, asile et intégration |
43,3 |
45,3 |
+4,67 % |
43,3 |
45,3 |
+4,67 % |
Action 9 : Sécurité et éducation routières |
131,1 |
132,5 |
+1,13 % |
131,1 |
132,5 |
+1,13 % |
Action 10 : Fonds interministériel de prévention de la délinquance |
62,4 |
62,4 |
-0,03 % |
62,4 |
62,4 |
-0,03 % |
Action 11 – Équipements de vidéoprotection et surveillance électronique du ministère de l’Intérieur, des collectivités et des acteurs privés |
25,0 |
32,0 |
+27,99 % |
25,0 |
32,0 |
+27,99 % |
Total |
2 704,6 |
1 864,7 |
-31,06 % |
1 816,3 |
2 195,0 |
+20,85 % |
Source : documents budgétaires.
2. Un schéma d’emplois stable mais un plafond d’emplois en diminution
Le plafond d’emplois du programme, qui avait augmenté de 18 ETPT en 2024, diminue de 172 ETPT (dont 22 en raison de mesures de transfert) en 2025. Le schéma d’emploi reste stable.
Répartition du plafond d’emplois par action ([12])
(en ETPT)
|
PLF 2024 |
PLF 2025 |
Action 1 : État-major et services centraux |
8 438 |
8 290 |
Action 8 : Immigration, asile et intégration |
553 |
563 |
Action 9 : Sécurité et éducation routières |
2 121 |
2 087 |
Total |
11 112 |
10940 |
Source : documents budgétaires.
Cette réduction porte principalement sur l’action 1 « État-major et services centraux » qui porte les emplois des fonctionnaires des directions transversales du ministère (- 148 ETPT) et marginalement sur l’action 9 « Sécurité et éducation routières » (- 10 ETPT). Les effectifs de l’action 8 « Immigration, asile et intégration », qui sont ceux de direction générale des étrangers en France (DGEF), augmentent en revanche de 10 ETPT.
Cet effort significatif permet de contenir la croissance des dépenses de personnel du programme à hauteur de 2,30 % en 2024 puis 0,7 % en 2026.
C. Le CNAPS, un opérateur au rendez-vous des jeux olympiques
Le programme 216 finance également un opérateur : le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) chargé de la délivrance des cartes professionnelles et de la discipline de ce secteur. Créé en 2011 et réformé en 2022 (voir encadré), cet établissement public assure des missions de police administrative (instruction, délivrance, suspension et retrait des autorisations des entreprises et des agents de sécurité privée), de contrôle et de sanction ainsi que de conseil et d’assistance.
CNAPS : une réforme interne en deux temps
L’organisation du CNAPS a été réformée en profondeur par l’ordonnance n° 2022-448 du 30 mars 2022.
Au 1er mai 2022, le CNAPS a recentralisé les décisions vers le directeur général, qui délègue une partie de son pouvoir vers les autorités locales. Le directeur traite les retraits de titre, les cas sensibles et les recours gracieux. Ce mécanisme doit permettre d’unifier la jurisprudence et de répondre dans des délais plus courts. Les sanctions relèvent du directeur général pour les amendes jusqu’à 5 000 euros, les avertissements et les blâmes. Au-delà c’est la commission nationale qui est compétente.
Au 1er septembre 2022, le CNAPS a mis en place sa nouvelle gouvernance autour d’un conseil d’administration, d’une commission de discipline et d’une commission d’expertise. Cette dernière pourra se réunir selon différents formats regroupant des professionnels des différentes activités concernées (vigiles, détectives privés, gardes du corps, transporteurs de fonds etc.).
Le CNAPS reçoit une subvention pour charges de service public qui passe en 2025 de 17,2 millions d’euros – montant qui était constant depuis 2017 – à 18,1 millions d’euros. Cette augmentation vise notamment à financer les mesures de revalorisation des rémunérations.
En 2025, le CNAPS perd 4 de ses 221 ETPT qui sont transférés au nouveau service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) qui réalisera certaines des enquêtes dites de « moralité » préalable à la délivrance de la carte professionnelle et jusqu’alors opérés directement en interne. Ce service dédié devrait rendre les enquêtes plus rapides et plus efficaces puisque le SNEAS a accès à l’ensemble des fichiers de renseignement mais aussi aux procédures en cours.
Malgré les inquiétudes, le recours à la sécurité privée dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) n’a pas posé de difficulté. Entre 20 000 et 25 000 agents ont été mobilisés chaque jour sur les différents sites. Le recrutement massif d’agents a été permis par la délivrance d’un grand nombre de cartes professionnelles par le CNAPS (88 000 en janvier et juillet 2024, soit une hausse de 80 %) et par la création d’une carte spécifique limitée aux grands évènements (voir encadré), destinée notamment aux étudiants cherchant un travail d’appoint.
La carte « surveillance des grands évènements » (SGE)
Ces cartes ont été conçues spécialement pour l’organisation des JOP. Elles nécessitent une formation préalable de 106 heures (au lieu de 175 heures), en partie à distance.
Leur validité devait initialement expirer au 30 septembre 2025 mais elle a finalement été fixée à cinq ans ([13]). À l’issue des cinq années, ou si le titulaire de la carte souhaite exercer pleinement une activité de surveillance sans limitation de compétence, un complément de formation doit être effectué pour pouvoir solliciter une carte surveillance humaine et gardiennage « classique » et ainsi continuer d’exercer.
Le domaine d’intervention des agents titulaires de cette carte est limité à l’exercice de l’activité de surveillance ou gardiennage dans le cadre de manifestations sportives, récréatives, culturelles ou économiques rassemblant plus de 300 personnes. Elle ne permet pas l’exercice de certaines prérogatives telles que la gestion des alarmes, la réalisation de rondes de surveillance, la maîtrise d’un poste de contrôle de sécurité ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité.
Les contrôles réalisés par le CNAPS en amont de la délivrance sont restés stricts avec un taux de rejet des demandes en hausse (15 % contre 12 % en 2023) ([14]) . Les porteurs de carte ont également été recontrôlés, ce qui a conduit au retrait de 800 cartes.
Au cours des Jeux, 4 000 agents représentant 95 % des entreprises impliquées dans l’évènement ont été contrôlés en quinze jours sur quatre-vingt-quatre sites. L’ensemble des procédures n’a pas encore abouti mais le CNAPS n’a constaté que de rares cas d’absence de détention de la carte professionnelle ou de travail dissimulé.
Votre rapporteure souligne que les missions de sécurité privée assurées dans le cadre des JOP ont été principalement pourvues par des petites et moyennes entreprises du secteur. Cette forte demande liée aux Jeux olympiques n’a donc pas pénalisé d’autres évènements car la plupart des grandes entreprises du secteur n’ont pas souhaité répondre aux appels d’offres du comité d’organisation craignant de ne pouvoir pourvoir l’ensemble des agents requis – comme cela avait été le cas lors de Jeux olympiques de Londres – et se sont donc tournées vers d’autres manifestations.
IV. La position de la commission
Contre l’avis de la rapporteure, la commission des Lois a adopté trois amendements :
● l’amendement CL142 de Mme Élisa Martin (LFI-NFP) visant à plafonner le nombre de contractuels dans l’administration territoriale de l’État à 10 % du total des emplois de ce programme – contre environ 15 % actuellement ([15]) ;
● l’amendement CL82 de M. Paul Molac (LIOT) visant à supprimer les moyens dédiés à la revalorisation du complément indemnitaire annuel des directeurs d’administration centrale (195 000 euros), qui ne font pas l’objet d’une justification satisfaisante au regard des efforts demandés à l’ensemble des agents publics ;
● l’amendement CL87 de M. Paul Molac diminuant de 8 millions d’euros les crédits du programme 216 et plus particulièrement ceux dédiés au financement des dispositifs d’intelligence artificielle et de surveillance algorithmique prévus à titre expérimental dans le cadre des Jeux olympiques ne devait pas être reconduit en 2025. La loi prévoit pourtant que cette expérimentation dure jusqu’en mars 2025, afin notamment de pouvoir l’évaluer dans des conditions moins exceptionnelles ([16]).
La commission a ensuite adopté les crédits ainsi modifiés.
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I. Audition de M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur
Lien vidéo : https://assnat.fr/59AbBX
Lors de sa première réunion du mardi 22 octobre, la Commission auditionne M. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, sur les crédits des missions « Administration générale et territoriale de l’État », « Sécurités » et « Immigration, asile et intégration ».
M. le président Florent Boudié. Mes chers collègues, avant d’auditionner le ministre, nous devons procéder à plusieurs nominations qui ont fait l’objet de discussions au sein du bureau de la commission des lois le 9 octobre dernier. Concernant la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, je propose la nomination d’Arthur Delaporte, nouveau membre de notre commission, ainsi que la mienne. Pour la proposition de loi adoptée par le Sénat relative au renforcement de la sûreté dans les transports, je suggère celle de Guillaume Gouffier Valente. Sous réserve de sa transmission, je propose celle de notre collègue Colette Capdevielle pour la proposition de loi visant à sécuriser le mécanisme de purge des nullités. Enfin, pour la proposition de loi adoptée par le Sénat créant l’homicide routier et visant à lutter contre la violence routière, je propose la nomination d’Éric Pauget. Il s’agit de la reprise d’un texte interrompu par la dissolution.
Si vous approuvez ces nominations, nous pouvons les valider sans recourir à un scrutin. Je vous indique par ailleurs que nous suspendrons la réunion lors des votes en séance, environ un quart d’heure chaque fois, plutôt que pour leur durée totale.
Monsieur le ministre, nous vous accueillons pour la deuxième fois de cette législature afin que vous nous présentiez les missions budgétaires relevant du ministère de l’Intérieur : « Administration générale et territoriale de l’État (AGTE) », « Sécurités », « Immigration, asile et intégration ». Au cœur du domaine régalien, votre ministère fait partie de ceux qui mettent en œuvre les orientations définies en la matière par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. Notre commission est plus particulièrement attentive à l’exécution de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI), dont la loi de finances pour 2025 constituera la troisième annuité.
Je vous cède la parole pour présenter les grandes lignes de ces missions budgétaires. Ensuite, nos trois rapporteurs pour avis s’exprimeront : Madame Agnès Firmin-Le Bodo pour AGTE, Monsieur Éric Pauget pour « Sécurités » et Madame Laure Miller pour « Immigration, asile et intégration ». Un orateur de chaque groupe interviendra ensuite pendant quatre minutes. Puis, les députés qui le souhaitent vous interrogeront pendant deux minutes chacun.
M. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur. C’est mon premier budget, ma première loi de finances, préparée dans des conditions extrêmement difficiles dans le contexte de redressement des comptes publics et extrêmement contraintes en termes de délais. Un budget ne se résume pas à des choix comptables et techniques, mais il traduit également des choix politiques. Dans le contexte actuel, avec Michel Barnier, nous assumons le choix de ne pas sacrifier les priorités notamment sécuritaires à l’urgence budgétaire.
Cela aurait été démocratiquement discutable et économiquement préjudiciable. En effet, je vous rappelle qu’il y a dans notre pays un refus d’obtempérer toutes les vingt minutes, une attaque à l’arme blanche chaque heure et un millier d’agressions signalées chaque jour. Derrière ces chiffres froids, il y a des corps brisés, des existences mutilées et des vies volées, tant parmi nos concitoyens que parmi les forces de l’ordre. Il y a une quinzaine de jours, un gendarme a été grièvement blessé suite à un refus d’obtempérer et la semaine dernière un jeune policier de 29 ans a reçu une quarantaine de plombs de chevrotine. À ceux qui risquent leur vie pour protéger celle des autres, nous devons une protection suffisante, une volonté inébranlable et donc des moyens à la hauteur.
Cette approche se justifie également d’un point de vue économique. L’insécurité a en effet un coût considérable : 1 milliard d’euros pour les émeutes de juillet 2023, selon un rapport du Sénat, et 1,8 milliard d’euros par an pour la lutte contre l’immigration illégale, d’après la Cour des comptes. De plus, l’indice d’attractivité de notre territoire a diminué en 2024 pour revenir à son niveau de 2017, notamment en raison de l’augmentation de l’insécurité. Pour restaurer l’équilibre des comptes publics, il est impératif de rétablir l’ordre dans la rue et aussi aux frontières.
Le budget du ministère de l’Intérieur est donc préservé et renforcé. Avec 24,1 milliards d’euros, dont 15,06 milliards d’euros pour les dépenses de personnel et 9,05 milliards pour le fonctionnement et l’investissement, il respecte la trajectoire financière prévue par la LOPMI. Il augmente de 752 millions d’euros par rapport à la précédente loi de finances initiale. De plus, des évolutions à la hausse interviendront également à l’initiative du Gouvernement au cours des débats parlementaires, comme l’a annoncé le Premier ministre dans les Alpes-Maritimes.
Cette augmentation se répartira en 225 millions d’euros pour la masse salariale, notamment pour respecter les engagements pris dans le cadre des protocoles sociaux pour la police et la gendarmerie nationales, et 527 millions d’euros pour le fonctionnement et l’investissement. Ces derniers seront en particulier consacrés au renforcement du numérique au sein du ministère (+162 millions d’euros) et aux dépenses immobilières (+515 millions d’euros).
Concernant la mission « Sécurités », qui englobe la police, la gendarmerie, la sécurité civile et la sécurité routière, l’augmentation s’élève à 587 millions d’euros. Les principales orientations budgétaires que j’ai retenues sont les suivantes.
Pour la masse salariale, nous respecterons les engagements pris dans le cadre des protocoles de modernisation des ressources humaines de la police et de la gendarmerie nationales de 2022, qui avaient fait l’objet d’un accord unanime avec les organisations syndicales.
En matière immobilière, nous poursuivrons les grands projets structurants en cours, tels que l’hôtel des polices à Nice ou l’hôtel de police de Valenciennes. Nous reprendrons également l’entretien du parc domanial de la gendarmerie nationale avec de nouvelles opérations de réhabilitation, notamment pour la caserne Babylone à Paris, Chauny dans l’Aisne, le site de Saint-Astier et la poursuite du plan d’urgence pour les outre-mer.
Nous étudions par ailleurs les conditions de recours à des marchés de partenariat avec le privé pour les besoins les plus structurants de la gendarmerie nationale, comme la réhabilitation en profondeur du site de Satory, dont l’investissement est estimé à environ 600 millions d’euros. Nous menons également une réflexion approfondie sur le devenir du modèle immobilier de la gendarmerie. Ma conviction est que ce modèle s’asphyxiera rapidement si nous ne prenons pas des décisions promptes. Entre les travaux d’entretien et l’allocation due aux collectivités et aux bailleurs sociaux, ce système a permis de différer certaines dépenses, mais nous sommes désormais rattrapés par les échéances et le modèle est en train de se bloquer.
Je m’engage à respecter les engagements pris dans le cadre de la LOPMI, notamment le déploiement des 238 nouvelles brigades de gendarmerie, que nous devrons mener à bien selon un calendrier précis.
En matière numérique, il est indispensable que policiers et gendarmes disposent d’équipements modernes pour optimiser leurs interventions. Simplifier les procédures en amont libère du temps pour la présence sur le terrain. Citons les caméras piétons, les murs d’écrans, les drones, les dispositifs anti-drogue et les systèmes d’information adaptés, en tenant compte des attentes des usagers. Depuis le 15 octobre 2024, le dépôt de plainte en ligne est généralisé sur l’ensemble du territoire national. La numérisation de la procédure pénale et le système d’aide à l’enquête sont en développement, permettant de gagner un temps précieux.
Concernant la sécurité civile, nous poursuivrons l’engagement de l’État dans les pactes capacitaires, soutenant l’investissement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et la politique des moyens aériens. Nous renouvellerons la flotte d’aéronefs avec l’acquisition de 36 hélicoptères EC145 pour 100 millions d’euros en 2025 et nous renforcerons la location de moyens aériens répondant aux événements climatiques, qui sont de plus en plus violents et fréquents.
Les crédits alloués à la sécurité routière permettront d’appliquer les orientations du comité interministériel du 17 juillet 2023 : éduquer, prévenir et sanctionner. De plus, le budget de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions augmentera de 13 millions d’euros pour financer le traitement des amendes, la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique (dite « loi 3DS ») autorisant les collectivités volontaires à mettre en place des contrôles automatisés.
Pour la mission AGTE, les crédits augmentent de 300 millions d’euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Ils soutiendront les préfectures et les directions départementales interministérielles, avec un accent sur l’investissement immobilier (+30 millions d’euros). Deux projets majeurs débuteront : le nouveau site de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint-Ouen (140 millions d’euros pour l’exercice 2025) et celui de Saint-Denis pour l’administration centrale du ministère (296 millions d’euros en 2025), regroupant 2 700 agents et réutilisant un site olympique.
Enfin, la transformation numérique reste centrale, avec l’ouverture du réseau radio du futur et un travail sur l’hébergement et la sécurisation des systèmes d’information contre les cyberattaques.
Les crédits pour l’asile, l’immigration et l’intégration diminuent de 103 millions d’euros, en raison de la baisse du nombre d’Ukrainiens accueillis (de 96 000 à 39 000 estimés fin 2025) et d’une gestion plus efficace des places d’hébergement. De nouvelles places en centres de rétention administrative seront créées. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) bénéficiera de vingt-neuf postes supplémentaires pour réduire les délais de traitement des demandes d’asile, ce qui entraînera des économies sur l’allocation pour demandeurs d’asile et l’hébergement. Enfin, le déploiement des espaces France Asile prévus par la loi du 26 janvier dernier pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration permettra également de réaliser des économies, notamment en termes de transport.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis de la mission Administration générale et territoriale de l’État. La mission AGTE revêt une importance capitale pour notre commission, mais également pour l’ensemble de l’appareil étatique, car elle finance le fonctionnement de toute l’administration territoriale, au-delà du seul ministère de l’Intérieur. Cette mission s’articule autour de trois programmes principaux.
Le programme 354, dédié à l’administration territoriale de l’État, assure la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire au moyen des préfectures et des sous-préfectures, tout en coordonnant les diverses administrations déconcentrées. Le programme 232, consacré à la vie politique, veille au bon déroulement des élections et à la transparence du financement politique. Quant au programme 216, il finance les fonctions support du ministère de l’Intérieur.
Cette mission porte également deux opérateurs : l’Agence nationale des titres sécurisés, rebaptisée France Titres, et le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Elle intègre aussi une autorité administrative indépendante : la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Nos préfectures et sous-préfectures constituent l’épine dorsale de l’action étatique dans les territoires. Elles sont le théâtre quotidien des interactions entre nos concitoyens et les services publics, ainsi qu’entre l’État et les collectivités territoriales. La décennie 2010 a été marquée par une forte diminution des moyens de l’administration territoriale, avec la suppression de plus de 4 000 emplois. On a cru à tort que la dématérialisation des procédures, bien qu’indéniablement bénéfique pour les usagers, permettrait de supprimer tout contact humain au niveau local. Au lendemain de la crise sanitaire, la nécessité de renouer le lien entre les usagers et l’État territorial s’est imposée comme une évidence et figure désormais au cœur de la stratégie gouvernementale.
Le plan « missions prioritaires des préfectures » a été déployé, de nombreuses sous-préfectures ont rouvert et le réseau préfectoral s’est doté de points d’accueil numérique pour accompagner les usagers dans leurs démarches. Les standards téléphoniques ont été réorganisés et d’autres moyens de communication se sont développés, notamment par courriel ou grâce à des agents conversationnels. Les chiffres témoignent de l’ampleur de cette transformation. En 2023, l’administration territoriale a traité 17 millions d’appels. Pour les seuls titres sécurisés, France Titres a géré 2 millions d’appels et 1,5 million de courriels au premier semestre 2024.
Le ministère de l’Intérieur trouve par ailleurs un excellent relais dans le réseau des maisons France Services, dont il est le principal contributeur. Désormais, 99 % des Français disposent d’une maison France Services à moins de trente minutes de leur domicile. Cette avancée compense largement les fermetures de guichets physiques, offrant un lieu unique pour toutes les démarches, avec un maillage plus dense et des horaires d’ouverture élargis.
La formation des agents de ces maisons France Services a été considérablement renforcée, avec un doublement de la durée de formation initiale. Les contrats ont été stabilisés : environ 60 % des agents sont fonctionnaires et moins de 15 % ont des contrats inférieurs à dix-huit mois. Il convient de souligner qu’environ un tiers des maisons sont gérées par des acteurs associatifs ou La Poste, sans oublier l’engagement des collectivités territoriales dans leur bon fonctionnement.
Le lien entre les maisons France Services et les opérateurs, identifié comme une difficulté par la Cour des comptes, s’est nettement amélioré. Une ligne directe dédiée aux agents des maisons France Services a été mise en place pour contacter les services de France Titres, par exemple. Cette ligne a reçu 50 000 appels au cours du premier semestre 2024.
Ce réinvestissement dans l’accompagnement des usagers et l’attention portée à la qualité du service rendu portent leurs fruits. Les délais d’obtention des passeports et des cartes d’identité sont revenus à la normale après deux années difficiles. Il est donc souhaitable de préserver les moyens alloués à cette mission, ce qui est le cas puisque les crédits augmentent globalement de 6,5 % pour atteindre près de 5 milliards d’euros. L’évolution des crédits de paiement et des autorisations d’engagement suit la loi de programmation, même si les montants sont légèrement inférieurs aux prévisions. L’augmentation des crédits s’explique par le dynamisme des dépenses de la mission AGTE, tant pour le personnel (plus de 40 000 agents) que pour les investissements antérieurs, comme le financement du site unique de la DGSI ou le réseau radio du futur.
Pour autant, cette mission, qui représente un poste budgétaire important, doit contribuer à la réduction du déficit. Ainsi, les autorisations d’engagement diminuent, signe d’une temporisation des projets pluriannuels. Seuls les investissements numériques continuent de croître, ce qui paraît nécessaire au vu des besoins, des économies potentielles et des risques de cyberattaque.
Hors numérique, les dépenses de fonctionnement se réduisent : -5 % pour le programme « Administration territoriale de l’État » et -19 % pour le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». Le plafond d’emploi diminue de 355 équivalents temps plein, soit respectivement -182 et -172 pour chacun de ces deux programmes. Cette baisse, représentant 0,8 % des effectifs, doit être relativisée dans un contexte où le taux de postes vacants dépasse 3 %, atteignant plus de 10 % dans certains départements comme le Val-d’Oise, l’Aube, la Moselle ou les Alpes-Maritimes. Le schéma d’emploi demeure stable, mais cette réduction du plafond devrait permettre de stabiliser les dépenses de personnel de cette mission à partir de 2027.
Il est judicieux qu’un budget contraint n’entraîne pas l’abandon brutal des nombreux projets de réforme et de modernisation nécessaires à l’État. Les efforts demandés sont ciblés et permettront de maîtriser les dépenses sur le long terme.
Monsieur le Ministre, je profite de votre présence pour vous interroger sur deux points. Quels enseignements tirez-vous d’abord des rencontres de l’administration territoriale de l’État et comment envisagez-vous la stratégie du réseau préfectoral pour l’avenir, sachant que la mission prioritaire des préfectures s’achève en 2025 ?
Ensuite, concernant le programme 216 relatif au financement du CNAPS, de nombreuses inquiétudes s’étaient exprimées quant à notre capacité à mobiliser suffisamment d’agents pour les Jeux olympiques et à faire respecter les règles du secteur. Il s’avère que les entreprises, surtout les PME, ont répondu présentes, tout comme le CNAPS. Le nombre de cartes délivrées a augmenté de 80 % entre janvier et juin 2024 par rapport à 2023, grâce notamment aux cartes spécifiques pour les grands événements, permettant à de nombreux étudiants d’obtenir un emploi d’été. Les critères d’attribution ont été strictement respectés, avec un taux de rejet des demandes supérieur aux années précédentes. Un rétrocontrôle des cartes précédemment attribuées a été effectué avec l’aide du nouveau service d’enquête administrative, le Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS). Les contrôles pendant l’événement ont été nombreux : 4 000 agents contrôlés, 95% des entreprises intervenant sur les Jeux olympiques, souvent en coopération avec la justice, l’inspection du travail et l’Urssaf au sein des comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF). Quel bilan tirez-vous du recours à la sécurité privée pendant les Jeux ? Cela vous inspire-t-il des évolutions concernant ce secteur et sa place dans le continuum de sécurité ?
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis de la mission Sécurités. Je tiens d’abord à exprimer mon soutien aux policiers récemment agressés à Marseille dans ma région alors qu’ils étaient en service.
Je vous présente aujourd’hui les crédits de la mission « Sécurités » dans son ensemble, réunissant pour la première fois les crédits de la sécurité civile, de la sécurité intérieure, de la gendarmerie, de la police et de la sécurité routière. Il semble en effet pertinent de proposer une approche globale de ce continuum de sécurité.
Dans le contexte budgétaire actuel qui impose une attitude responsable et raisonnable, les crédits de cette mission augmentent, renforçant ainsi la fonction régalienne de l’État. Les financements prévus dans le PLF pour 2025 respectent la programmation budgétaire fixée par la LOPMI. Cet équilibre me semble approprié et doit être maintenu.
Les crédits de la mission « Sécurités » progressent de 587 millions d’euros, soit une hausse de 3,5 % par rapport à 2024. Dans le détail, le programme consacré ) la police nationale augmente de 3,38 %, celui de la gendarmerie nationale de 5,18 %, tandis que ceux de la sécurité routière et de la sécurité civile baissent de 23 % de 5,58 %.
Au terme des auditions que j’ai menées, je souhaite attirer l’attention de la commission sur plusieurs points. Tout d’abord, concernant la modernisation de l’assiette et des critères de répartition de la taxe sur les conventions d’assurance (TSCA) versée aux SDIS, la réflexion reste insuffisante et doit s’approfondir dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile.
Je déplore par ailleurs que l’exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur les carburants des véhicules des SDIS ne soit toujours pas effective, faute de circulaire d’application. Pouvez-vous confirmer que cette circulaire est cours de relecture et rassurer les acteurs sur l’absence d’impact sur les crédits des pactes capacitaires ?
Concernant l’exécution du budget 2024, les annulations de crédits ont placé les responsables des différents programmes dans une situation délicate. Sur le PLF pour 2025, je m’inquiète de la réduction des crédits de la réserve opérationnelle de la gendarmerie et de la police, qui pourrait compromettre sa montée en puissance prévue par la LOPMI. Avez-vous des précisions sur ce point ?
Je constate également que, contrairement aux prévisions de la LOPMI, les schémas d’emploi de la gendarmerie et de la police sont aujourd’hui nuls. Quelles en seront les conséquences ? Le protocole de modernisation des ressources humaines de la police signé en 2022 dans le cadre de la LOPMI sera-t-il respecté ?
Enfin, je m’inquiète des crédits d’investissement insuffisants pour les différents programmes, phénomène durable souligné notamment par la Cour des comptes. Cette problématique est particulièrement criante concernant l’immobilier de la gendarmerie.
À l’heure où la location prend le pas sur l’acquisition de matériel par les acteurs de la sécurité civile, qu’il s’agisse de moyens aériens ou terrestres pour la lutte contre les incendies ou de moyens de pompage d’envergure, je m’interroge sur la vision du ministère. Quelle stratégie doit être mise en œuvre ? Convient-il de privilégier des investissements lourds pour disposer de moyens en propre, d’envisager des solutions mutualisées à l’échelle européenne ou de considérer que la location offre davantage de flexibilité ? Comment comptez-vous aborder ces questions fondamentales et structurer le dialogue avec les acteurs concernés, afin de définir une véritable stratégie sur ces enjeux de long terme ?
En ce qui concerne les technologies innovantes en matière de sécurité intérieure et civile, la présence de la Technopole de Sophia Antipolis dans ma circonscription me permet fréquemment de rencontrer des start-up et des chercheurs présentant des technologies novatrices. Je souhaitais comprendre comment se structurent les relations entre l’État, les forces de l’ordre, la sécurité civile, les acteurs de la recherche et le tissu des entreprises de sécurité. Mon objectif était également d’identifier les freins budgétaires, organisationnels et juridiques au développement et au déploiement de ces nouvelles technologies.
Face à l’étendue du sujet, j’ai choisi de me concentrer particulièrement sur l’usage des drones, la vidéosurveillance dite intelligente, la cyberdéfense et certaines innovations en matière de lutte contre les incendies, notamment la lance diphasique, qui représente potentiellement une avancée majeure pour les sapeurs-pompiers. Mon rapport évoque également des projets utilisant l’intelligence artificielle au service des victimes, notamment pour les arrêts cardiaques.
Plusieurs conclusions se dégagent de mon analyse. Premièrement, nous sommes confrontés à un enjeu d’investissement important dans les nouvelles technologies. La police nationale reconnaît notre retard par rapport à de nombreux pays comparables. Il me paraît essentiel que nous maintenions notre avance dans les domaines où la France est reconnue, comme la cybersécurité et certaines technologies de sécurité civile, en consentant les investissements nécessaires.
Deuxièmement, il est impératif de mieux structurer les relations entre les différentes parties prenantes – l’État, les chercheurs et les entreprises capables de produire des solutions – tant pour la sécurité intérieure que pour la sécurité civile.
Enfin, le principal frein, notamment en matière d’utilisation de l’intelligence artificielle, est d’ordre juridique. Il nous incombe, en tant que législateurs, d’aborder ces sujets sans faux-semblants ni postures, pour éviter d’être dépassés ou de voir certains acteurs privés, notamment les GAFAM, utiliser des technologies que nous refusons à nos forces de l’ordre.
Un sondage récent mené en juin 2024 par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), l’Institut OpinionWay et le Continuum Lab révèle une large confiance des Français dans l’utilisation par les acteurs publics des technologies de sécurité telles que la vidéosurveillance, l’intelligence artificielle, les outils d’analyse automatisée et l’exploitation des données biométriques.
La question de la reconnaissance biométrique et faciale est un sujet à la fois polémique et emblématique. Il me semble, conformément aux conclusions du rapport de nos collègues Latombe et Gosselin présenté à la commission des Lois en 2023, que nous devons progresser sur ces enjeux en menant un débat dépassionné, pragmatique et éthique. J’aimerais connaître votre sentiment et votre appréciation sur ces enjeux.
M. le président Florent Boudié. En réponse à la saison des feux de forêt de 2022, particulièrement intenses en Gironde, le président de la République a annoncé fin octobre 2022 la création d’une quatrième unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile. Le projet prévoit l’implantation progressive de 580 sauveteurs à Libourne dans d’anciennes casernes militaires du centre-ville sur la période 2024-2028. À ce jour, 163 sauveteurs sont déjà arrivés et ils seront prochainement logés dans des structures modulaires que j’ai pu visiter récemment. La prise de commandement effective a eu lieu le 14 octobre 2024, attestant du bon lancement du projet. Néanmoins, deux points d’attention subsistent, faisant l’objet de l’amendement de crédits que j’ai déposé : la nécessité de signer le décret de création du régiment et la consolidation du financement du programme immobilier. Je relève notamment un besoin de 15,4 millions d’euros pour le titre 2, hors compte d’affectation spéciale. De plus, un besoin de financement de 41 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 59,3 millions d’euros en crédits de paiement est identifié pour le hors titre 2. J’espère que vous pourrez apporter des éclaircissements sur ces aspects financiers dans quelques instants.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis de la mission Immigration, asile et intégration. Après sept années consécutives de hausse, les crédits alloués à la mission « Immigration, asile et intégration » connaîtront une diminution en 2025. Ils s’élèveront à 2,5 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 5 % par rapport à la loi de finances 2024. En autorisations d’engagement, la réduction est plus modérée, s’établissant à 1,97 %.
Le programme 303, « Immigration et asile », qui concentre la majorité des crédits de cette mission, finance les politiques publiques relatives à l’entrée et à la circulation des étrangers, à l’éloignement des personnes en situation irrégulière et à l’exercice du droit d’asile. Ses crédits augmenteront de 2,04 % en autorisations d’engagement, mais ils diminueront de 2,54 % en crédits de paiement par rapport à 2024.
L’action 2, « Garantie de l’exercice du droit d’asile », finance notamment l’allocation pour demandeur d’asile (ADA). La dotation inscrite dans le PLF est réduite de 16 % pour l’ADA classique. Cette diminution repose sur l’hypothèse d’une croissance modérée de la demande d’asile et d’un traitement accéléré des dossiers, grâce aux renforts significatifs de l’OFPRA, qui bénéficie de 28 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires.
La loi « immigration » du 26 janvier 2024 prévoit une réforme du contentieux, incluant la simplification des procédures et un recours accru à la vidéo-audience. Je m’interroge sur la prise en compte de ces évolutions législatives dans l’appréhension globale des crédits.
Le PLF pour 2025 intègre une dotation de 106,8 millions d’euros pour financer l’ADA versée aux bénéficiaires de la protection temporaire. Je salue cette budgétisation, tout en regrettant qu’elle n’ait pas été étendue à l’hébergement de ces bénéficiaires. En effet, les crédits de l’action 2, finançant les dispositifs d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile, subissent une baisse de 5 % en crédits de paiement par rapport à 2024. Je sollicite des précisions sur le montant de la dotation consacrée à l’hébergement des bénéficiaires de la protection temporaire et les raisons de la non-budgétisation de ces crédits.
Malgré le contexte budgétaire contraint, je regrette particulièrement la réduction des moyens dédiés à la lutte contre l’immigration irrégulière. Les crédits de l’action 3 du programme 303 diminuent de 42 % en autorisations d’engagement (environ 100 millions d’euros) et de 23,5 % en crédits de paiement (61 millions d’euros). Cette baisse implique-t-elle un report de l’ouverture de nouvelles places dans les centres de rétention administrative (CRA) Comment comptez-vous poursuivre cette augmentation, conformément à nos objectifs inscrits dans la LOPMI et à vos propres engagements depuis votre nomination ?
Concernant le programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », ses crédits diminuent de 14 % et 15 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, s’établissant respectivement à 369 et 366 millions d’euros. Cette évolution s’explique en partie par le transfert de 5,6 millions d’euros de l’action 16 vers le programme 177 de la mission « Cohésion des territoires ».
Je note une baisse de 45 % des crédits de paiement de l’action 12, « Intégration des étrangers primo-arrivants », qui finance notamment le plan « Agir, pour l’emploi et le logement des personnes réfugiées ». Ayant constaté l’efficacité de celui-ci dans ma circonscription, je souhaiterais avoir des précisions sur l’évolution de son budget pour 2025.
Cette année, je me suis intéressée à la politique de priorisation du placement en rétention administrative des étrangers à l’origine de troubles à l’ordre public. Je remercie les administrations et associations qui ont contribué à mes travaux. L’éloignement des étrangers présentant une menace à l’ordre public constitue une priorité légitime de la politique de lutte contre l’immigration irrégulière. La circulaire de Gérald Darmanin du 3 août 2022 a instauré le placement prioritaire en rétention administrative des étrangers représentant une menace pour l’ordre public. Bien que cette mesure puisse légalement s’appliquer à tout étranger en situation irrégulière faisant l’objet d’une mesure d’éloignement forcé et ne présentant pas de garanties de représentation suffisantes, elle se concentre désormais presque exclusivement sur les profils susceptibles de troubler l’ordre public.
Les auditions menées dans le cadre de cet avis ont mis en évidence les effets bénéfiques de cette priorisation sur l’éloignement des étrangers menaçant l’ordre public. Le taux d’éloignement dans les centres de rétention administrative a connu une augmentation significative, passant de 35% en 2023 à 40% au premier semestre de cette année. Cette hausse démontre que le ciblage de la rétention sur les profils à risque n’affecte pas l’efficacité de la politique d’éloignement.
Néanmoins, l’examen de cette politique de priorisation soulève plusieurs problématiques que j’ai développées dans mon avis. La première concerne la nécessité d’intensifier la coopération entre les services du ministère de la justice et ceux du ministère de l’Intérieur. Cette collaboration est essentielle pour anticiper les sorties de détention et procéder à l’éloignement des étrangers ayant commis des actes délictueux ou criminels dès leur libération. Le placement en CRA ne constitue pas une fin en soi. Un renforcement de cette politique interministérielle permettrait d’éviter certains placements. Un protocole a été élaboré en 2019 et il serait pertinent que le ministère en dresse un premier bilan pour évaluer son déploiement sur le territoire et identifier les marges de manœuvre existantes.
Par ailleurs, la durée moyenne de rétention tend à s’allonger. Actuellement, la durée maximale de rétention est fixée par la loi à 90 jours, même si la directive retour autorise une durée allant jusqu’à 18 mois. La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a porté cette durée à 210 jours pour les retenus liés à des activités à caractère terroriste. Ce sujet nous invite à vous questionner sur deux points : quels ont été les effets de cette durée prolongée pour les étrangers terroristes ? A-t-elle facilité concrètement leur éloignement ? De plus, il convient de s’interroger sur la disponibilité des places en centres de rétention administrative, car un allongement de la durée entraînerait une rotation plus faible dans un contexte déjà contraint. L’objectif de 3 000 places en 2027 pourra-t-il être atteint ? Cela supposerait la création de 1 000 places en deux ans. Les besoins supplémentaires liés à une éventuelle prolongation de la durée maximale de rétention ont-ils déjà été évalués ?
Enfin, la prédominance des profils menaçant l’ordre public en rétention invite à repenser les modalités d’intervention du juge des libertés et de la détention (JLD). Il conviendrait de mieux prendre en compte le critère de la menace dans les motifs de prolongation. Actuellement, le caractère suspensif de l’appel est une faculté relevant uniquement du procureur, qui doit le solliciter auprès du président de la cour d’appel dans les quatre heures. Une réflexion pourrait être menée avec le garde des Sceaux pour examiner cette procédure, notamment la possibilité d’étendre cette faculté au préfet, dans le respect de la séparation des pouvoirs et de l’équilibre entre libertés publiques et sécurité des citoyens.
Cette priorisation a des conséquences importantes sur la rétention, dont l’objet initial n’est pas d’accueillir des publics présentant un niveau élevé de dangerosité. Cela affecte les conditions de travail des personnels d’accueil des détenus, ce qui pourrait nécessiter une formation spécifique des agents de police affectés à ces centres. Il conviendrait également de repenser ces lieux de prise en charge en tenant compte de l’expérience des professionnels et celle des intervenants extérieurs.
M. Michaël Taverne (RN). Le bilan de votre prédécesseur se caractérise par une insécurité croissante et une immigration massive et incontrôlée, constituant un double défi considérable. Vous avez démontré, du moins dans vos discours, votre conscience de la situation réelle de notre pays dans ces domaines et surtout votre adhésion à nos constats et à une partie de nos solutions. Néanmoins, nous ne saurions nous contenter de belles paroles et nous attendons, comme nos concitoyens, des actes.
L’espoir suscité par votre nomination s’amenuise progressivement. Le tandem surprenant que vous formez avec un ministre de la Justice dont l’idéologie semble incompatible avec le sursaut sécuritaire et la fermeté judiciaire que vous prônez y contribue certainement. De plus, votre empressement à solliciter l’application du pacte européen sur l’asile et la migration, pourtant rejeté par plusieurs gouvernements de pays membres de l’Union européenne, suscite notre perplexité, voire notre méfiance.
Concernant les crédits alloués pour l’année 2025 aux trois missions rattachées à votre ministère, notamment les missions « Sécurités » et « Immigration, asile et Intégration », notre groupe exprime plusieurs interrogations et inquiétudes. Pour la mission « Immigration, asile et intégration », la diminution du budget total de près de 2 %, et surtout la réduction drastique de 42,2 % du budget de l’action de lutte contre l’immigration irrégulière, nous préoccupent fortement et remettent en question la sincérité de vos déclarations d’intention quant à la lutte indispensable contre l’immigration clandestine.
S’agissant de la mission « Sécurités », l’effort budgétaire consenti ne répond pas aux enjeux et certains arbitrages nous interpellent. La réduction de près de 8 % du budget de la police judiciaire nous semble difficilement justifiable et nous espérons obtenir de votre part une inflexion ou, à défaut, des éclaircissements. Vous avez exprimé votre volonté de mener une guerre contre les narcotrafiquants, mais avec quels moyens ? La police judiciaire, chargée de remonter les filières et de démanteler les réseaux, a déjà été affaiblie par votre prédécesseur et vous semblez poursuivre dans cette voie. Je vous rappelle le mouvement organisé à Marseille en octobre 2022, où un policier fort de 22 ans d’expérience vous a sensibilisé à cette problématique.
Dans le cadre de son contre-budget présenté récemment, notre groupe préconise une augmentation des crédits de cette mission de 400 millions d’euros afin de garantir la trajectoire définie par la LOPMI publiée en janvier 2023. Financé par la réalisation d’économies sur des dépenses inutiles, cet effort devrait permettre un renforcement des moyens de nos forces de l’ordre. Nous proposerons, par voie d’amendement, l’augmentation des crédits alloués à plusieurs missions, notamment la formation de nos policiers, la police des étrangers et les moyens généraux de la gendarmerie. Face à l’ensauvagement de notre société, à l’augmentation constante de la délinquance et de la criminalité sur notre territoire, phénomènes souvent liés à une immigration incontrôlée, les moyens budgétaires doivent être à la hauteur des enjeux. Il est temps que les actes correspondent aux paroles.
M. Vincent Caure (EPR). Le budget que vous présentez est globalement en baisse, ce que le groupe EPR regrette, tout en comprenant le contexte budgétaire particulièrement contraint qui est le nôtre. Certaines baisses semblent logiques, notamment la diminution importante des crédits du programme « Vie politique », justifiée par l’absence théorique d’échéance électorale majeure en 2025, contrairement à 2024. De même, la réduction de 23,6 % des crédits alloués au programme « Sécurité et éducation routière » s’explique par la fin d’une période d’investissements conséquents dans les infrastructures, telles que l’amélioration des routes et la mise en place de radars.
Nous sommes cependant plus dubitatifs concernant la baisse des crédits alloués à la mission « Immigration, asile et intégration », particulièrement marquée par rapport à 2024, et notamment le report du déploiement du plan d’ouverture des places en CRA. Nous souhaiterions obtenir des éclaircissements sur ce point, au regard de la politique de fermeté prônée.
Nous nous inquiétons également de la diminution de 5,58 % des crédits du programme « Sécurité civile », notamment au vu des récents épisodes pluvieux ayant entraîné des inondations dans de nombreux départements, ainsi que des feux de forêt de plus en plus fréquents. Des explications sur ce sujet seraient appréciées.
En revanche, nous saluons la préservation de la dynamique héritée du vote de la LOPMI, que nous avons défendue et soutenue. Les hausses significatives des crédits des programmes consacrés à la police et à la gendarmerie nationales s’inscrivent dans la continuité de l’action menée depuis plusieurs années, notamment par votre prédécesseur Gérald Darmanin. Je pense en particulier à l’augmentation de 35 % des dépenses liées à l’immobilier dans le programme « Police nationale » pour moderniser les infrastructures et améliorer les conditions de travail des agents et l’accueil du public. Les efforts consentis pour augmenter les effectifs de la gendarmerie nationale sont également notables, avec la création prévue de 80 nouvelles brigades et 7 escadrons de gendarmerie mobiles pour renforcer la sécurité sur le territoire, ainsi que la hausse de 3,60 % des crédits de personnel pour la police nationale.
La politique de revalorisation salariale des forces de sécurité, initiée en 2022, se poursuit en 2025 pour reconnaître les spécificités et les risques du métier. La trajectoire de la LOPMI se traduit aussi par une augmentation de 3,19 % des crédits du programme « Administration territoriale de l’État », avec l’extension du réseau des sous-préfectures, la modernisation des installations dédiées à la gestion de crise et la convergence du socle informatique commun à l’ensemble des services. La présence de l’État dans les territoires est une priorité du président de la République, et je me réjouis de sa concrétisation dans ce budget.
La séance est suspendue de dix-sept heures cinquante à dix-huit heures cinq.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). En tant que rapporteur pour les crédits de la mission « Sécurité civile » à la commission des finances, je souhaite attirer l’attention sur la situation des sapeurs-pompiers. Leur rôle crucial lors des récentes inondations, avec 1 300 interventions pour sauver des vies, mérite d’être souligné. Les syndicats de sapeurs-pompiers soulignent que ce service public, le moins onéreux de France, assure la sécurité de nos concitoyens. Toutes les six secondes, une équipe de pompiers part en intervention, totalisant près de cinq millions d’interventions en 2022. Ce service repose majoritairement sur des volontaires, représentant 80 % des effectifs, contre 15 % de professionnels. Il convient également de mentionner les associations de sécurité civile, composées de bénévoles, que l’État ne subventionne qu’à hauteur de 0,50 euro par personne. Les sapeurs-pompiers interviennent dans une multitude de situations : arrêts cardiaques, étouffements d’enfants, accouchements, incendies. Dernièrement, de l’Ardèche à l’Assemblée nationale, ils ont secouru la France confrontée aux inondations. Du Bataclan aux Jeux olympiques, en passant par les crises quotidiennes, ils répondent toujours présents.
Cependant, ce service public risque de se transformer en service discount. Les associations agréées de sécurité civile sont déjà en difficulté financière et la plupart des SDIS tirent la sonnette d’alarme, peinant à équilibrer leur budget. Certains n’ont même pas pu verser toutes les primes dues, y compris pour les interventions lors des Jeux olympiques. Le PLF pour 2025 n’offre aucune perspective aux pompiers. Qu’en est-il des trimestres de retraite votés en 2023 pour les volontaires ? Quel plan de recrutement est prévu pour les professionnels, notamment pour pallier le manque de volontaires en journée ? Quelle stratégie pour leur santé ? Même la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris fonctionne en sous-effectif, ce qui lui permet paradoxalement d’équilibrer son budget. De plus, l’annulation de la livraison de deux Canadairs pour nos forces de sécurité civile est préoccupante.
Ce budget ne suffira pas. Ce service public, bien que le moins coûteux, doit être reconnu à sa juste valeur. Il est impératif d’envoyer des signaux positifs aux sapeurs-pompiers du pays. Votre budget actuel ne répond pas à cette exigence. Face à l’ampleur des missions et des enjeux, comment comptez-vous y répondre ?
M. Hervé Saulignac (SOC). L’examen approfondi des missions qui nous occupent et l’exposé du ministre devant notre commission laissent le goût amer d’un budget en trompe-l’œil, émanant d’un État aux ambitions démesurées par rapport à ses moyens.
Concernant la mission AGTE, il est important de rappeler les coupes budgétaires significatives opérées en février dernier : une réduction de 65 millions d’euros pour le programme « Administration territoriale » et de 84 millions d’euros pour le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». En termes d’effectifs, la situation était déjà préoccupante, la réorganisation de l’État ayant entraîné une diminution de 14 % des effectifs. Le Gouvernement ne manque pas de panache quand il évoque un renforcement et un réarmement de l’État, alors qu’en réalité, les effectifs seront tout juste « préservés », terme pudique retenu dans le bleu budgétaire.
Ce budget traduit un certain renoncement. Par exemple, concernant le renouvellement des titres de séjour, l’objectif initial de 30 jours pour 2024 a été repoussé à 55 jours pour 2025. Cette révision à la baisse des ambitions crée, de fait, les conditions propices à l’irrégularité.
Vous avez évoqué votre intérêt pour des équipements modernes et efficaces. Malheureusement, je constate une baisse de 31 % des crédits alloués au programme du réseau radio du futur, censé interconnecter les forces de sécurité et de secours et éliminer les zones blanches. L’objectif reste limité à l’équipement de seulement treize départements, le futur attendra, alors que nous sommes pourtant là au cœur de notre sécurité.
Quant à la mission « Sécurités », l’apparence est flatteuse avec une augmentation de 3,5 % des crédits pour 2025. Cependant, une analyse approfondie révèle une réalité moins reluisante : pour financer le maintien de l’ordre, vous réduisez les moyens de la police judiciaire. Cette police ne sera ni plus nombreuse, ni mieux formée. Les députés de mon groupe présenteront un amendement visant à augmenter le budget alloué à la formation, dans l’optique d’une police mieux formée et donc plus efficace.
L’ambition de remettre du bleu partout semble avoir été abandonnée. La trajectoire initiale de 356 équivalents temps plein supplémentaires en 2025, validée dans la LOPMI, a apparemment disparu, avec un schéma d’emploi nul dans ce PLF.
Le programme sécurité et éducation routière subit également des coupes budgétaires, avec une chute de plus de 23 %. La sécurité civile voit quant à elle son budget réduit de 4,1 %. Plus choquant encore, le budget dédié à la lutte contre le suicide dans la police passe de 2,9 millions d’euros à 1,6 million d’euros.
Concernant la mission « Immigration, asile et intégration », nous n’attendions certes pas du pragmatisme de la part du Gouvernement en matière d’immigration, mais nous pensions au moins qu’il était attaché à l’intégration des étrangers présents en France. Il n’en est rien, avec une baisse de plus de 14 % sur ce programme. Le Gouvernement s’engage dans une véritable fuite en avant : vous réduisez de 16 % les crédits de l’allocation pour demandeurs d’asile, vous baissez les objectifs de recrutement à l’OFPRA qui tombent à 29 postes et vous diminuez aussi les crédits consacrés à l’intégration. Tout cela repose sur une hypothétique baisse de demandes d’asile en 2025, pari pour le moins hasardeux.
En conclusion, bien que nous ne soyons pas réunis aujourd’hui pour débattre de la mission « justice », je tiens à souligner qu’en matière d’administration de l’État, de sécurité des Français comme d’immigration, aucune politique efficace ne peut être menée sans le concours de l’institution judiciaire. Nous ne sommes pas dupes des hausses de crédits discutées aujourd’hui, dès lors qu’elles sont le corollaire des baisses de crédits de la mission « Justice », dont nous débattrons dans quelques semaines.
M. Ian Boucard (DR). Nous examinons aujourd’hui le budget 2025 pour les missions « Sécurité », « Immigration et asile », ainsi qu’AGTE. Ces enjeux revêtent une importance croissante pour nos concitoyens. Il est impératif d’allouer les moyens nécessaires pour garantir la sécurité de tous, améliorer la gestion des flux migratoires et assurer une présence efficace et équitable de l’État sur l’ensemble du territoire.
Je réaffirme le soutien total du groupe de la Droite républicaine aux premières orientations que vous avez données, qui sont conformes à la volonté de la majorité des Français. Nous réitérons également notre attachement à la défense de nos forces de l’ordre.
Ce projet de budget semble aller dans la bonne direction. Une augmentation des budgets est prévue pour la police et la gendarmerie, respectivement de 2,87 et 3,03 %, ce qui permettra d’accroître leur présence dans les zones les plus touchées par la délinquance. Il est toutefois essentiel que ces moyens soient répartis équitablement, notamment dans nos zones rurales et péri-urbaines, également confrontées à un accroissement de la délinquance et des incivilités.
Je souligne l’importance du soutien à la sécurité civile, particulièrement face aux catastrophes naturelles. La modernisation de notre flotte aérienne est une avancée positive, mais il est crucial d’aller plus loin compte tenu de la multiplication des événements climatiques, comme nous l’avons malheureusement constaté ces derniers jours.
Le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » soulève des interrogations. La baisse de 42,2 % des crédits pour la lutte contre l’immigration irrégulière est incompréhensible dans un contexte de flux migratoires importants. De même, les moyens alloués aux CRA semblent insuffisants. Nous disposons actuellement d’environ 2 000 places et 1 000 places supplémentaires sont prévues d’ici 2027, conformément à l’amendement que la Droite républicaine avait fait adopter dans le cadre de la LOPMI. Il est donc paradoxal que le budget propose de réduire les financements des CRA, alors que nous devons les renforcer pour mener à bien leur mission.
Quant à la mission AGTE, le budget devrait passer de 3,85 à 4,15 milliards d’euros, soit une hausse de 300 millions d’euros. Une diminution de 5,5 % des crédits dédiés au fonctionnement courant est cependant prévue, présentée comme la consolidation des efforts réalisés en 2024 pour rationaliser l’organisation des services. Cette baisse doit être considérée comme une opportunité pour repenser notre administration, qui souffre parfois d’une bureaucratie lourde et d’une multiplication des normes affectant son efficacité.
Concernant la gestion des CRA, enjeu essentiel dans notre politique de lutte contre l’immigration irrégulière, pouvez-vous préciser les mesures envisagées pour améliorer leur sécurité et leur capacité dans les prochaines années ? Dans le cadre de l’optimisation de la gestion immobilière du ministère, quelles actions sont prévues pour traiter efficacement la problématique des loyers impayés des casernes de gendarmerie en 2024 et éviter qu’elle se reproduise en 2025 ?
Mme Sandra Regol (EcoS). Vous nous l’avez dit, un budget, ce ne sont pas que des choix comptables, ce sont surtout des choix politiques et nous les assumons, je vous cite. Cette année encore, c’est en baissant les dépenses de formation pour la police nationale que s’exprime votre choix politique, alors que les objectifs de la LOPMI demandaient d’augmenter de 50 % le temps de formation continue des policiers, promesse issue du Beauvau de la sécurité. Cette question n’est pas anecdotique face aux nouvelles formes de délinquance ou quand on compare les résultats, notamment de tirs, entre la gendarmerie et la police nationales, avec les victimes que l’on sait.
Dans le cadre du programme 176 relatif à la police nationale, nous constatons une hausse des crédits de paiement, mais pas de façon uniforme. Notamment, la mission de police judiciaire, comprenant la police scientifique et judiciaire (PSJ), subit une diminution de 30 millions d’euros. Cette réduction s’ajoute aux baisses déjà endurées les années précédentes et à une dévalorisation continue de leur travail, contraignant ces agents à manifester régulièrement leur mécontentement. Pourtant, comme le souligne le récent rapport sénatorial sur le narcotrafic que vous aimez à citer, c’est précisément le travail d’enquête approfondi, nécessitant des moyens conséquents, qui permet de lutter efficacement contre la grande délinquance. Je vous invite à prendre connaissance des critiques exprimées dans ce rapport.
Nous proposons donc par voie d’amendement d’allouer davantage de moyens à la police judiciaire, mais également d’améliorer le travail de terrain et les relations avec la population en rétablissant une police de proximité, mesure largement plébiscitée.
Enfin, la police figure parmi les professions les plus touchées par le suicide, phénomène qui affecte malheureusement des agents de plus en plus jeunes. Vous avez affirmé qu’un budget reflète des choix politiques assumés. Réduire de moitié les crédits alloués au programme de lutte contre le suicide dans la police constitue donc un choix politique que nous ne partageons pas, puisque nous demandons au contraire une amélioration de la prise en charge psychologique et un renforcement des moyens de prévention.
Concernant les pompiers, la situation demeure préoccupante face aux inondations, aux incendies de grande ampleur et à la sécheresse chronique dans certaines régions.
Le budget du programme 161 subit une nouvelle diminution de 50 millions d’euros, s’ajoutant aux réductions déjà opérées l’an dernier. Malgré l’évidence du réchauffement climatique, votre gouvernement persiste à ignorer ses effets et ses impacts dans l’élaboration du budget. Vous négligez les aspects de prévention et d’anticipation, préférant des investissements à court terme qui s’avéreront bien plus coûteux à long terme. Je me permets de rappeler le rapport de notre collègue Pauget sur la valeur du sauvetage.
Cette baisse de 50 millions d’euros correspond précisément au montant que pourrait dégager annuellement la modification de la taxe de séjour que nous avons proposée dans le volet recettes de ce PLF. Cette mesure permettrait un meilleur financement et impliquerait davantage les touristes, notamment étrangers, qui bénéficient de la protection de nos sites sans y contribuer actuellement. La même logique s’applique à la TSCA évoquée précédemment.
Pourquoi persistez-vous à refuser ces moyens de financement pour notre sécurité civile ? Depuis la LOPMI, on nous promet l’acquisition de quatorze bombardiers d’eau Canadair, promesse sans cesse reportée. Au lieu de cela, vous optez pour la location d’hélicoptères, solution certes utile mais insuffisante dans la lutte contre les incendies et qui de surcroît dilapide l’argent public au profit de sociétés de location privées.
Vous avez souligné que les insécurités ont un coût. La sécurité en a un également. À titre d’exemple, les feux en Gironde ont engendré des dépenses de 1 million d’euros par jour pour la mobilisation et la logistique des pompiers, auxquelles s’ajoutent 60 000 euros quotidiens en carburant au plus fort des interventions. Voilà le prix de l’inaction et de votre politique.
Paradoxalement, vos choix d’économies ciblent l’anticipation, avec une nouvelle réduction de 21 millions d’euros sur l’action 11 dédiée à la prévention et à la gestion des crises. Cette décision met une fois de plus en danger la vie de nos pompiers.
Pour conclure, j’aimerais vous interroger sur la prise en charge de la santé et des maladies professionnelles de nos pompiers.
M. Philippe Latombe (Dem). Je vous remercie pour votre présentation et je salue le travail réalisé par l’ensemble des rapporteurs. Les missions AGTE, « Sécurités » et « Immigration, asile et intégration » revêtent une importance particulière.
Concernant le budget alloué à l’administration générale et territoriale de l’État, nous constatons avec satisfaction une dynamique haussière. Pour 2025, le PLF prévoit un montant total de crédits de paiement de 4,96 milliards d’euros, soit une augmentation substantielle de 6,5 % par rapport à 2024, supérieure à celle des deux années précédentes. Cette progression permet d’accroître les dépenses d’investissement pour nos collectivités, notamment pour le déploiement des systèmes de vidéosurveillance, et elle s’inscrit dans la trajectoire fixée par la LOPMI.
Néanmoins, nous déplorons la tendance à la baisse des effectifs, particulièrement au niveau des services préfectoraux. Ces derniers assument pourtant la lourde responsabilité du pilotage territorial des politiques gouvernementales. Le maintien de l’accueil des usagers comme objectif prioritaire demeure salutaire. Le rétablissement d’un accueil généraliste au sein des points d’accueil numériques a permis aux préfectures d’accompagner 336 000 usagers en 2023.
S’agissant du budget alloué à la mission « Sécurités », nous partageons la satisfaction du rapporteur Pauget quant à sa préservation. Le budget 2025 entérine une augmentation des crédits de la mission de 587 millions d’euros, s’inscrivant ainsi dans la trajectoire budgétaire définie par la LOPMI. Cette orientation s’avère d’autant plus pertinente que les enjeux sécuritaires préoccupent particulièrement nos concitoyens. Nous saluons d’ailleurs la mobilisation continue de nos forces de l’ordre durant les Jeux olympiques et soulignons l’importance de garantir les traitements correspondants. Nous resterons vigilants quant à la bonne réalisation des dépenses d’investissement, notamment concernant l’immobilier de la gendarmerie.
À cet égard, pouvez-vous nous garantir que le déploiement du plan gendarmerie sera effectif dans le cadre du présent budget et que le calendrier 2024-2025 sera respecté ?
Concernant la mission « Immigration, asile et intégration », nous regrettons l’enveloppe budgétaire allouée. En effet, les crédits de paiement pour 2025 enregistrent une baisse de 5 % par rapport à 2024. Cette diminution affecte principalement le programme d’intégration et d’accès à la nationalité française (-15 %), tandis qu’elle est plus limitée pour le programme immigration et asile (-2,54 %). Il est surprenant de constater que la baisse des crédits touche la lutte contre l’immigration irrégulière, pourtant considérée comme prioritaire. Toutefois, nous saluons l’accélération du traitement des demandes d’asile par l’OFPRA, favorisée par l’augmentation des ETP, contribuant ainsi à la réduction des délais et à la maîtrise du budget.
Nous déplorons à nouveau la part moindre du budget consacrée à la politique d’intégration, également en baisse. Celle-ci constitue pourtant un enjeu aussi important que la lutte contre l’immigration irrégulière.
Avez-vous constaté une mauvaise maîtrise du budget concernant ces crédits? Comment expliquez-vous cette baisse et quelles réponses envisagez-vous ? Enfin, comment justifiez-vous la moindre ventilation des crédits pour le programme dédié à l’intégration et quels chantiers majeurs comptez-vous engager pour garantir son effectivité, notamment en collaboration avec les initiatives des collectivités ?
M. Laurent Marcangeli (HOR). L’importance des missions qui nous réunissent aujourd’hui n’est plus à démontrer. Elles se situent au cœur des responsabilités de l’État et, par conséquent, de son budget. Pour 2025, leur enveloppe totale s’élève à plus de 32 milliards d’euros en crédits de paiement. 25 milliards sont alloués à la sécurité de nos concitoyens, soit une augmentation de 3,7 % par rapport à l’exercice précédent. Près de 5 milliards sont destinés à assurer la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire et à décliner localement les politiques publiques nationales. Enfin, le budget consacré à l’immigration s’établit à un peu plus de 2 milliards d’euros pour 2025, accusant une baisse de 5 %.
Dans un contexte de tension budgétaire nécessitant de dégager 60 milliards d’euros d’économies, les budgets présentés témoignent de l’effort demandé par le Gouvernement. Ils ne suivent ainsi que partiellement la trajectoire prévue dans la LOPMI votée sous la précédente mandature. Si la mission « Sécurités » voit son budget augmenter, elle est néanmoins marquée par la stagnation des effectifs de la police nationale.
Le groupe que je préside tient à réaffirmer son attachement à ce qui doit constituer une priorité absolue : la sécurité de nos concitoyens. À cet égard, nous serons particulièrement attentifs au déploiement des 239 nouvelles brigades de gendarmerie dans nos territoires. Pourriez-vous nous préciser combien viendront s’ajouter aux 80 brigades déjà créées l’an dernier ?
De même, nous souhaiterions obtenir des éclaircissements sur la diminution significative du budget alloué à la lutte contre l’immigration irrégulière, tout en rappelant que ce dernier avait connu une hausse de 50 % l’année précédente. Nous estimons notamment que la construction de nouvelles places en CRA, telle que prévue par la LOPMI, doit demeurer prioritaire.
Ce budget démontre néanmoins la volonté du Gouvernement de maintenir un niveau élevé de sécurité et de cohésion sociale en renforçant la présence de l’État sur l’ensemble du territoire. La mission AGTE reflète bien la dynamique nouvelle insufflée par la LOPMI dans le réarmement des territoires. L’extension du réseau des sous-préfectures, le renouvellement des installations dédiées à la gestion de crise et la convergence du socle informatique commun à tous les services en sont la preuve. La modernisation du système d’information via des projets comme le réseau radio du futur et le cloud de seconde génération témoigne également d’un engagement à long terme dans l’innovation. Nous saluons par ailleurs le maintien des crédits consacrés aux maisons France Services.
La mission « Immigration, asile et intégration » traduit une volonté forte d’accélérer les procédures administratives, notamment pour le traitement des demandes d’asile. L’OFPRA prévoit de rendre 161 000 décisions en 2025 grâce à une augmentation de ses effectifs de 29 ETP. Ce renforcement est bienvenu et permettra de traiter plus rapidement les dossiers, évitant ainsi que des situations irrégulières ne perdurent et que les étrangers sans droit au séjour ne s’installent durablement sur notre territoire.
Cette dynamique s’inscrit dans le prolongement de la loi votée le 26 janvier 2024, que le groupe Horizon et Indépendants a soutenue. Cette loi nous a dotés d’outils renforcés pour mettre fin au séjour de ceux dont le comportement menace l’ordre et la sécurité publique dans notre pays, tout en réaffirmant nos exigences d’intégration et de respect des principes de la République.
Mme Martine Froger (LIOT). En matière d’immigration, je constate une contradiction entre vos discours martiaux et la baisse des crédits, notamment ceux alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière, qui diminuent de 23,55 %. Cette réduction ne s’accorde pas avec vos déclarations sécuritaires.
Je conteste votre affirmation selon laquelle nous disposons d’un budget en hausse d’un côté et d’une réduction des places d’accueil de l’autre. L’annexe au PLF pour 2025 pour la mission « Immigration, asile et intégration » indique que le parc dédié aux demandeurs d’asile et aux bénéficiaires de la protection internationale est budgété pour 113 258 places, soit une diminution de 6 179 places par rapport à 2024. Comment justifiez-vous cette réduction ? Anticipez-vous une hausse modérée des demandes d’asile en 2025 ? Je rappelle que de 2015 à 2020, les six hypothèses d’évolution des demandes d’asile présentées dans les projets de loi de finances ont été démenties par les faits, parfois de manière significative.
Concernant la politique d’intégration par la langue et l’emploi, second pilier de la loi immigration que vous avez renforcé en tant que sénateur, je m’étonne de constater que l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) perd des effectifs en 2025 et que son budget s’élève à 275 millions d’euros contre 281 millions en 2023. Cet acteur clé pour l’intégration des primo-arrivants devra donc faire plus avec moins. Je déplore également la diminution des crédits pour le déploiement territorial de cette intégration. L’intégration par le travail nécessite un dialogue avec les partenaires locaux pour répondre au mieux aux besoins des bassins d’emploi.
Au-delà de cette trajectoire peu encourageante, je m’interroge sur l’avenir du dispositif de régularisation pour les métiers en tension. Déjà strictement encadrées, ces régularisations sont bénéfiques à certains secteurs. Pourquoi donc envisager l’abrogation de la circulaire Valls ?
Vous évoquez déjà une nouvelle loi sur l’immigration, alors que tous les décrets de la loi récemment promulguée n’ont pas été publiés, que toutes les mesures n’ont pas encore été mises en œuvre et que vous prévoyez une réduction des crédits. En réalité, vous ne disposez ni des moyens pour financer ni pour appliquer ces nouvelles mesures.
Pour conclure, je tiens à souligner que les moyens accordés par ce budget 2025 à votre ministère doivent financer notre sécurité et lutter contre les troubles à l’ordre public. Or les projets de multiplication des lieux d’enfermement administratif, d’augmentation de la durée de rétention, les injonctions à la fermeté adressées aux préfectures, l’obsession de la délivrance des obligations de quitter le territoire français (OQTF) sans discernement, combinés à la diminution des crédits, ne contribuent pas à apporter sérénité et objectivité à ce qui devrait nous préoccuper tous : une politique migratoire juste et respectueuse des libertés fondamentales telles que le droit à la santé et à la dignité. C’est également ce qu’ont exprimé nos concitoyens lors des dernières consultations.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Force est de constater que le budget alloué à la mission « Immigration, asile et intégration » ou en tout cas ce qu’il en reste ne semble pas bénéficier de votre arrivée au ministère. La loi « immigration » du 26 janvier 2024 a marqué un tournant dans notre politique migratoire dont on observe déjà les effets néfastes. Désormais, cette politique se focalise presque exclusivement sur le contrôle et la répression des étrangers, au détriment de l’accueil et de l’intégration. Vous assurez la continuité de cette stratégie en ressassant, comme Valeurs actuelles, le récit qui fait de l’étranger un délinquant par essence et vous mentez délibérément aux Français en leur faisant croire que l’exécution d’OQTF garantirait automatiquement leur sécurité et que, comme tous les ministres, vous allez réussir à en exécuter plus. Cette obsession dangereuse se reflète dans les choix budgétaires de cette mission, qui connaît une diminution de plus de 5 % en 2025 par rapport à 2024.
Bien que vous affirmiez par voie de presse que l’intégration est en panne depuis longtemps, le programme 104 d’intégration et d’accès à la nationalité française subit une baisse de près de 15 %. L’action 12, dédiée à l’intégration des étrangers primo-arrivants, enregistre une réduction drastique, impactant notamment les cours de français langue étrangère. Cette décision semble paradoxale au vu du renforcement des exigences linguistiques prévu par la loi du 26 janvier 2024 pour les étrangers en situation régulière. Or la suppression des budgets alloués aux formations de l’OFII et aux structures de proximité compromettra l’accès à la langue et à la stabilité administrative pour des personnes qui, nous le savons, resteront sur le territoire français. L’État impose une obligation de certification pour l’obtention de titres de séjour, mais l’OFII n’a plus les moyens d’honorer ses missions d’intégration. Sans ressources pour l’apprentissage de la langue, cette exigence devient discriminatoire. Cela ne vous dérange guère, mais comment intégrer sans y mettre les moyens ?
Par ailleurs, vous vous réclamez de l’ordre, mais vous réduisez de 71 millions d’euros les crédits du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés, les contraignant souvent à vivre dans la rue, alors qu’ils ont droit à un logement décent. Cette décision aggravera la situation et mettre à la rue encore plus de demandeurs d’asile. Ce sont vos choix budgétaires qui vont créer du désordre, car quand on accueille bien, cela se passe bien.
Par contraste, vous prévoyez d’augmenter le nombre de places en CRA, avec un objectif d’accroissement de la capacité d’ici 2027. Quel est le sens de cette inflation continue des places en CRA, alors que la rétention est de plus en plus utilisée comme un outil de politique sécuritaire, y compris pour des personnes sans parcours pénal et dont l’expulsion est manifestement impossible ? Vous militez ardemment pour une prolongation de la durée de rétention et une réduction du contrôle du JLD. Ces annonces soulèvent des inquiétudes quant à la transparence et au respect des droits dans les CRA. Pourriez-vous clarifier votre position sur le rôle des associations dans les centres de rétention administrative ? Quelle est votre vision concernant l’aide à l’exercice des droits des personnes retenues ? Enfin, je m’étonne que vous n’ayez pas évoqué vos intentions concernant les circulaires de régularisation des travailleurs sans papiers, même si nous sommes dans le cadre d’un débat budgétaire.
Mme Brigitte Barèges (UDR). Après les promesses, les actions au sens propre et au sens figuré. Le groupe UDR estime que le budget vous présentez est un budget de renoncement sur l’immigration et sans ambition pour la police. Nous le qualifierions volontiers de « macroniste ». Il est triste que vous vous soyez si vite résolu à l’inaction et à l’immobilisme. En effet, vos discours volontaristes, si séduisants soient-ils, ne masquent pas l’aveu d’impuissance que traduit ce budget face aux flux migratoires que vous ne parvenez manifestement pas à endiguer. Les prévisions pour 2025, jusqu’alors non communiquées, font état de 147 000 demandeurs d’asile, chiffre qui suscite notre inquiétude et nous laisse penser qu’il y a une forme de tromperie sur la marchandise.
Concernant la mission « Immigration, asile et intégration », nous avons levé le lièvre de la baisse considérable des crédits alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière. Comme l’a souligné notre président Éric Ciotti dans un courrier qu’il vous a adressé jeudi dernier au nom du groupe UDR, votre budget prévoit une diminution sans précédent de près de 24 % des crédits de paiement, passant de 206 millions d’euros à 199 millions d’euros, et de 42,20% des autorisations d’engagement, réduites de 299 millions d’euros à 173 millions d’euros. Ce désarmement de notre politique de lutte contre l’immigration irrégulière, tant en investissement qu’en fonctionnement, est inacceptable.
Cette réduction budgétaire révèle votre manque de volonté de consacrer les moyens nécessaires à la lutte contre l’immigration irrégulière ou à la poursuite de l’effort indispensable de construction de CRA supplémentaires. Le budget montre d’ailleurs clairement que vous vous contenterez d’achever les projets précédemment votés, notamment les 3 000 places supplémentaires obtenues grâce à un amendement d’Éric Ciotti dans la loi d’orientation, sans pour autant poursuivre ces efforts sur le long terme, d’où cette chute drastique des autorisations d’engagement.
Vous justifiez cette baisse en arguant qu’une réduction des délais de traitement des dossiers de demande d’asile entraînera un besoin moindre en places de CRA. Permettez-moi d’exprimer mon scepticisme quant à cette explication, qui s’apparente à un vœu pieux. La diminution des crédits de fonctionnement constitue pour nous une source de préoccupation majeure.
Sans vouloir rappeler l’actualité récente et les drames que nous vivons, dus au relâchement dans la nature de personnes sous OQTF par manque de moyens de suivi et de places en CRA, il est évident qu’avec un tel budget, vous ne pourrez prétendre avoir tout mis en œuvre pour protéger les Français. Il faut au contraire maintenir a minima ces crédits et poursuivre l’augmentation de l’effort financier pour la construction de CRA. Comme l’a indiqué le président Ciotti dans sa lettre, puisque le Gouvernement s’y refuse, le groupe UDR proposera un amendement en ce sens lors de la discussion budgétaire.
De plus, sur les programmes de la mission « Immigration, asile et intégration », vous augmentez encore les autorisations d’engagement pour la garantie de l’exercice du droit d’asile (+12,63 %) et pour l’accueil des étrangers primo-arrivants (+9 %), tout en réduisant massivement le financement de leur intégration (-73 % en autorisations d’engagement, -45 % en crédits de paiement). C’est à nouveau exactement l’inverse de ce qu’il faudrait faire : diminuer l’accueil et accroître l’intégration de ceux qui sont déjà présents sur notre territoire.
Ce budget porte ainsi la marque de votre renoncement ou peut-être de votre impuissance à agir concrètement pour lutter contre l’immigration irrégulière. L’espoir aura été de courte durée.
M. Sacha Houlié (NI). L’examen des crédits figurant dans votre projet de loi de finances doit nous éclairer vos priorités. Or il laisse dubitatif. En matière de sécurité, vous avez affirmé à maintes reprises que la lutte contre la criminalité organisée constituait votre priorité. Je vous en ai félicité, ce qui est peu commun de ma part. Cependant, comment expliquez-vous que le budget présenté prévoie un schéma d’emploi nul tant dans la police que dans la gendarmerie ? Pourquoi refusez-vous d’embaucher de recruter de nouveaux agents pour combattre ces fléaux ? Cette décision contredit l’esprit de la LOPMI, adoptée il y a deux ans, qui prévoyait le recrutement de 8 000 agents supplémentaires durant le quinquennat.
Plus préoccupant encore, comment justifiez-vous la réduction de plus de 8 % du budget de la police judiciaire, dont la mission essentielle est d’enquêter sur les réseaux criminels et les trafics de stupéfiants ? Il semblerait que vous ayez privilégié la communication au détriment d’une action publique efficace.
Concernant les investissements, le rapporteur note qu’aucun projet immobilier ne pourra être réalisé pour la police nationale. Qu’en est-il des 238 brigades de gendarmerie annoncées, pour lesquelles nous avions voté la LOPMI ? Pouvons-nous compter sur les 40 à 60 brigades promises annuellement pour la période 2024-2027, notamment dès 2025 ?
Sur le plan de l’immigration, je ne suis guère étonné des coupes opérées dans la mission « Immigration, asile et intégration », principalement dans les dépenses d’intégration, dont vous réduisez de moitié les crédits alloués. Je me permets de vous suggérer que la meilleure façon de diminuer l’ADA serait de les autoriser à travailler. C’était l’objet de l’article 4 de la loi immigration que vous avez malencontreusement supprimé.
Vous réduisez également les crédits dédiés à la lutte contre l’immigration illégale. Je déplore vos déclarations, depuis votre dernière audition, sur la régularisation des travailleurs et la remise en question de la circulaire Valls. En maintenant ces personnes dans l’illégalité, alors qu’elles contribuent à la société, vous persistez à désorganiser celle-ci en paralysant les préfectures et en décourageant les employeurs et salariés qui aspirent simplement à travailler sereinement.
Enfin, comment interpréter la suppression de près de 350 postes dans les préfectures et sous-préfectures, alors que vous vantiez récemment le retour de la déconcentration de l’État dans les départements ?
M. Bruno Retailleau, ministre. Pour éviter une crise financière qui affecterait principalement les Français les plus vulnérables, le Premier ministre a dû entreprendre un effort de redressement des comptes sans précédent depuis cinquante ans. Aucun domaine ne peut être exempté de cet effort. Néanmoins, le budget de mon ministère augmente de 752 millions d’euros. La mission « Sécurités » bénéficie ainsi d’une hausse de 587 millions d’euros, dont 160 millions pour la police nationale et 519 millions pour la gendarmerie nationale. De plus, lors de sa récente visite dans les Alpes-Maritimes, le Premier ministre a confirmé qu’un amendement budgétaire viendra renforcer significativement les crédits de mon ministère. Bien que je ne puisse pas encore en préciser le montant, il est évident que les chiffres actuels sont provisoires et qu’ils seront revus à la hausse.
Il convient de souligner qu’en France, il n’existe pas de corrélation directe entre la dépense publique et l’efficacité des services publics. Malgré l’augmentation constante des budgets de certains services publics depuis des années, les Français perçoivent une détérioration dans des domaines tels que la santé et la sécurité. Cette situation démontre que le niveau de dépense n’est pas nécessairement garant de la performance. Des réformes s’imposent, notamment concernant le budget de l’immigration, qui sera également augmenté grâce à l’amendement mentionné précédemment.
Je confirme notre intention de créer une quatrième unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile à Libourne. Le chef de corps a déjà été désigné et installé. Actuellement, nous finalisons le recrutement du personnel. La programmation immobilière est en cours de définition et, malgré un léger retard, nous prévoyons de commencer l’investissement dès 2026. Le site choisi est remarquable sur le plan patrimonial, s’agissant d’une ancienne caserne de gendarmerie datant du XVIIe siècle. En termes d’effectifs, nous avons déjà atteint 40 % de notre objectif, qui est fixé à 580 équivalents temps plein. Je signerai prochainement le décret de création de cette unité, soit à Paris, soit sur place si nécessaire. Cette signature constituera l’acte essentiel et définitif de création, en complément des moyens concrets déjà alloués à la mission de cette unité.
Concernant l’administration territoriale de l’État, je m’efforce, fort de mon expérience d’élu local, de faire en sorte que le ministère de l’Intérieur ne se cantonne pas uniquement à la sécurité. Bien que l’actualité nous accapare beaucoup sur ce sujet, je tiens particulièrement à l’administration territoriale de l’État, qui bénéficiera dans ce budget de plus de 300 millions d’euros, avec un effort notable en matière immobilière. Notamment dans les préfectures que je connais bien, elle fonctionne avec des effectifs très réduits. Aucune diminution d’effectifs n’est envisagée pour l’instant et le schéma d’emploi demeurera stable, mais je souhaiterais obtenir quelques dizaines de postes supplémentaires, la masse salariale étant disponible. Il faudra donc négocier avec Bercy pour assouplir le schéma d’emploi.
Plus de 400 tables rondes ont été organisées par les préfets dans le cadre des rencontres de la transition écologique. Il convient désormais d’en restituer les résultats et d’en tirer les enseignements pour élaborer un plan d’action, conformément à mon engagement envers les organisations syndicales.
Le personnel des entreprises privées de sécurité a été largement sollicité pendant les Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Nous réfléchissons à son intégration dans le continuum de sécurité. Cette ressource humaine qualifiée, qui a démontré sa compétence durant les Jeux, pourrait être utile à divers postes, privés ou publics, sous réserve de passer certains concours. Nous sommes disposés à les accompagner et à soutenir leur qualification.
La séance est suspendue de dix-huit heures cinquante à dix-neuf heures cinq.
M. Bruno Retailleau, ministre. Je signerai bientôt la circulaire concernant la fiscalité des véhicules des SDIS, qui a été abordée dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile.
La baisse de la réserve opérationnelle s’explique par un effet JOP en 2024, qui a entraîné un gonflement temporaire. En 2025, nous augmenterons de 4 000 le nombre de réservistes. Nous avons revu ses vocations, ce qui nous permettra d’adapter ses effectifs en fonction des besoins.
Je tiens particulièrement aux protocoles car ils représentent des engagements envers les organisations syndicales. La stratégie immobilière concerne l’administration territoriale de l’État, mais surtout la gendarmerie nationale. Nous réalisons d’importants efforts, notamment pour les sites de la DGSI et le site « Universeine » à Saint-Denis, qui regroupera 2 700 salariés.
Pour la gendarmerie, nous devons repenser le modèle de financement. Actuellement, nous avons externalisé les financements en sollicitant des bailleurs sociaux et des collectivités, mais les loyers ont doublé en quinze ans, passant de 300 à 600 millions d’euros. Cette augmentation de 100 millions tous les cinq ans risque de conduire à un blocage. Nous devons envisager de nouveaux modes de financement, notamment les partenariats public-privé (PPP) pour les grands projets comme le site de Satory. Cependant, il faudra probablement reprendre en régie directe certains investissements pour éviter l’asphyxie financière.
Concernant le numérique, vous avez raison de mentionner la lance diphasique, qui a été testée avec succès. Nous devons investir dans les technologies modernes, y compris l’intelligence artificielle. Le rapport de Philippe Latombe et de Philippe Gosselin est intéressant à cet égard. Nous avons expérimenté une caméra algorithmique pendant les JOP, capable de détecter des présences ou des objets inhabituels, ainsi que des flux anormaux, sans recourir à la reconnaissance faciale. Nous ne devons pas nous priver de ces avancées technologiques, sous peine de prendre du retard par rapport à nos partenaires du G7.
Pour la sécurité civile, nous réaliserons d’importants investissements dans les hélicoptères. Concernant les Canadairs, 31 millions d’euros seront dépensés en 2024, mais sans règlement cette année, ce qui explique le trou d’air dans le budget.
Quant à la sécurité routière, nous disposons des budgets nécessaires pour les campagnes de sensibilisation. Les chiffres actuels sont encourageants, avec le deuxième meilleur bilan depuis la pandémie à la fin de l’été dernier, même s’il y a toujours trop de décès.
Enfin, le budget de la gendarmerie nationale prévoit une remise à niveau de 175 millions d’euros pour l’immobilier.
Je tiens à assurer à la rapporteure Laure Miller que nous appliquerons la loi « immigration » votée en janvier 2024. Bien que mon prédécesseur ait fait le maximum pour publier les décrets, une dizaine seulement sont parus sur la vingtaine prévue. S’agissant de décrets en Conseil d’État, leur publication a été interrompue lorsque le Gouvernement est devenu démissionnaire. Nous reprenons et accélérons ce travail afin de donner toute sa force au texte voté en janvier dernier.
Un amendement budgétaire sera présenté pour augmenter les moyens alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière. Toutefois, des économies sont nécessaires. L’affectation de 29 équivalents temps plein à l’OFPRA permettra de réduire les délais et les procédures, générant des économies sur l’ADA. De même, l’hébergement sera optimisé pour mieux correspondre aux besoins des demandeurs d’asile et des réfugiés. Le nombre d’Ukrainiens hébergés passera de 96 000 à 39 000 en 2025, engendrant également des économies. La décentralisation de France Asile et l’expérimentation d’un guichet unique dans trois régions réduiront les frais de transport.
Pour l’intégration, le budget 2025 s’élève à 372 millions d’euros, contre 370 millions exécutés en 2024. Nous mobiliserons davantage les fonds européens, notamment le fonds Asile Immigration. Le dispositif « Agir » bénéficiera de 38 millions d’euros, auxquels s’ajouteront 17 millions de fonds européens. Ce programme inédit visera l’intégration de 25 000 personnes de manière globale. Les contrats d’intégration républicaine (CIR) ont été renforcés en matière linguistique et civique, passant d’un objectif de moyens à un objectif de résultats.
Concernant les CRA, je suis favorable à une prolongation de la rétention pour les auteurs de crimes sexuels, compte tenu de leur taux élevé de récidive. Une mesure législative sera nécessaire. L’objectif de 3 000 places en CRA d’ici 2027 n’est pas entravé par des contraintes budgétaires, mais par des délais procéduraux. Nous disposons de 40 millions d’euros pour engager la construction de CRA à Mérignac, Dunkerque (cofinancé par les Britanniques), Dijon, Nantes et Béziers. Une task-force sera créée pour accélérer les procédures de construction.
Le JLD, conformément à la loi, prend en considération la perspective d’éloignement des individus. Cependant, il me semble plus fondamental d’examiner la probabilité de récidive, de réitération et de dangerosité pour la société. Mon prédécesseur a eu raison de cibler dans les CRA les personnes les plus dangereuses. Néanmoins, je ne pense pas que l’augmentation des places en CRA constitue la solution miracle. C’est pourquoi je m’efforce de conclure des accords européens ou bilatéraux avec des pays d’origine, de transit ou des pays tiers sûrs, afin d’accélérer les éloignements et de ralentir le flux d’entrée. Une circulaire que j’adresserai aux préfets leur rappellera l’existence de la mesure de « libération conditionnelle éloignement » permettant une réduction de peine couplée à un éloignement, évitant ainsi le passage par les CRA.
Concernant l’hébergement, nous observons une baisse de 6 500 places, compensée par l’augmentation du taux de disponibilité des places grâce à la fin de travaux. De plus, le dispositif provisoire d’hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS) sur la plaque parisienne, actuellement sous-utilisé, offre une flexibilité supplémentaire pour accueillir différents publics.
Je maintiens que le pacte asile-immigration est bénéfique au niveau européen. Il introduit une innovation juridique majeure pour la frontière extérieure de l’Europe, en créant une sorte de fiction juridique considérant les arrivants comme dans une situation extraterritoriale. Cela permettra d’accélérer les traitements, notamment pour les demandeurs d’asile provenant de pays dont le taux de protection moyen est inférieur à 20 %, ce qui facilitera les éloignements rapides. Je proposerai un vecteur législatif de transposition de ce pacte et cette mesure devra être complétée par la révision de la directive retour, actuellement mal nommée puisqu’elle entrave les retours.
Concernant les CRA et la lutte contre l’immigration irrégulière, aucune baisse budgétaire n’est prévue. Le changement apparent résulte d’une réforme de la police nationale et d’une modification de la présentation comptable qui vise à faire coïncider l’action de police judiciaire avec la filière correspondante. Je reconnais la souffrance de la filière investigation, avec près de 1,9 million de procédures en instance. Je réfléchis à des mesures pour revaloriser l’ensemble de la filière, particulièrement au sein de la police nationale, où il est nécessaire de valoriser les enquêteurs de police judiciaire.
Enfin, les pactes capacitaires verront leur budget augmenter de plus de 40 millions d’euros, permettant de soutenir l’action des SDIS. Cette approche est vertueuse, car elle les conforte et permet, grâce à des marchés nationaux, de réaliser des économies d’échelle et d’obtenir de meilleurs prix. J’ai exposé l’importance de l’interopérabilité des équipements entre les SDIS, notamment pour les colonnes de lutte contre les feux de forêt. Concernant la quatrième unité d’instruction et d’intervention, j’en ai parlé précédemment. Quant à la flotte aérienne, j’ai évoqué les hélicoptères civils et les avions bombardiers d’eau Canadair. Deux ont été commandés sur les quatre prévus. J’ai demandé au directeur général de la Sécurité civile d’envisager également la location d’appareils pour plus de souplesse. Étant donné les problèmes de fabrication des Canadair, externalisée au Canada, il est nécessaire de repenser l’ensemble de notre flotte aérienne (Canadair, Dash, hélicoptères) avec un objectif stratégique à dix ou quinze ans.
Le Beauvau de la sécurité sera relancé en novembre prochain avec quatre chantiers. J’ai abordé les CRA, la mission « Immigration, asile et intégration », l’immobilier et le protocole RH.
Le modèle français de sécurité civile repose sur trois piliers essentiels : la mixité des statuts (bénévolat, volontariat, professionnels, personnel civil et militaire), une forte territorialisation et la complémentarité entre moyens locaux et nationaux. Ce modèle nous permet d’assurer une défense efficace du territoire face aux diverses crises.
Deux points méritent notre attention. D’une part, il est impératif de refuser l’application de la directive européenne sur les 35 heures aux sapeurs-pompiers volontaires, qui risquerait de les assimiler à des salariés et fragiliserait notre modèle. D’autre part, nous devons constamment adapter ce modèle.
Concernant les retraites des sapeurs-pompiers volontaires, une solution de gratification des pensions a été votée par le Parlement à l’unanimité, pour un coût de 75 millions d’euros. Je propose de privilégier une solution de fidélisation à partir de 2025, en attribuant des trimestres par tranches de dix ans puis de cinq ans supplémentaires. L’enjeu principal est en effet la fidélisation à long terme.
Enfin, le projet de radio du futur, d’un montant de 65 millions d’euros, permettra de rendre le réseau plus résilient et plus solide. Bien que sa mise en place ait été difficile, ce réseau est essentiel pour maintenir les communications en cas d’effondrement des réseaux classiques, comme nous l’avions constaté lors de la tempête Xynthia en Vendée.
Le plan de mobilisation contre le suicide dans la police nationale ne connaît pas de baisse effective. Nous avons simplement ajusté les crédits au niveau des années précédentes, en fonction de leur consommation réelle. C’est une démarche de bonne gestion.
Quant aux délais de délivrance des titres, ils demeurent élevés, notamment pour les naturalisations. Cette augmentation s’explique principalement par la hausse significative des demandes, passant de 77 000 en 2020 à 155 000 en 2023. Le déploiement des trois premiers sites expérimentaux France Asile devrait permettre de réduire considérablement ces délais, de même que le renfort de 29 équivalents temps plein à l’OFPRA.
J’ai déjà fourni des réponses détaillées concernant la sécurité civile et l’immigration. Je réaffirme notre volonté d’améliorer l’efficacité et de réaliser des économies sur certains points. Un amendement gouvernemental viendra d’ailleurs rehausser les crédits.
Pour la gestion des CRA, il est nécessaire de poursuivre le criblage tout en revoyant la durée de rétention, notamment pour les individus présentant le plus haut degré de dangerosité. Nous devons anticiper, en utilisant diverses mesures, comme la libération conditionnelle ou l’éloignement. Nous proposerons d’améliorer la coordination avec les pays d’origine et entre la justice et le ministère pour optimiser les départs et réduire la pression sur les CRA.
Je partage votre inquiétude concernant les loyers de la gendarmerie. Sans modification, nous risquons un blocage du système. Nous envisageons un équilibre entre l’externalisation de l’investissement pour les grands projets via des partenariats public-privé, et une gestion interne pour les projets courants. Cette transition engendrera des coûts et nous allons entamer une réflexion approfondie au sein du ministère pour apporter des réponses transparentes.
J’ai déjà répondu à la question sur les agents de police judiciaire (APJ). Quant à la police de proximité, le modèle des JOP n’est pas transposable en raison des renforts exceptionnels déployés. En revanche, nous réfléchissons à accroître la visibilité et la proximité des forces de l’ordre, notamment dans les transports publics. Je fournirai plus de détails à ce sujet lors de ma visite à Toulouse pour la cérémonie de sortie de la nouvelle promotion des gardiens de la paix.
Concernant la sécurité civile, je tiens à souligner l’augmentation budgétaire liée aux annonces présidentielles sur la formation des policiers. Les écoles de police poursuivront leur fonctionnement, leurs recrutements et la formation des jeunes gardiens de la paix.
Concernant les effectifs de l’administration territoriale de l’État, nous observons une stabilisation. Le schéma d’emploi demeure stable, mais je considère qu’une quarantaine d’emplois supplémentaires seraient nécessaires pour répondre aux nécessités de service et suivre la trajectoire de la LOPMI. Je m’efforcerai d’obtenir un déblocage sur ce point dans les mois à venir, sachant que nous disposons de la masse salariale requise.
Je confirme le montant de 587 millions d’euros alloué à la sécurité. Quant au déploiement des nouvelles brigades, une cinquantaine est prévue pour 2025. Nous disposons là encore de la masse salariale nécessaire, mais Bercy a pour l’instant bloqué le schéma d’emploi. Cela fera l’objet d’un amendement budgétaire visant à déverrouiller ce schéma, sans demander de crédits supplémentaires.
Concernant l’immigration irrégulière, j’ai déjà évoqué le plan « Agir, pour l'emploi et le logement des personnes réfugiées ». Cet effort en faveur de 25 000 personnes est sans précédent, avec un suivi très individualisé des publics concernés.
Il n’y a pas de mauvaise gestion du budget. Pour ce qui est du paiement des loyers de la gendarmerie, une sous-budgétisation a probablement eu lieu, à laquelle se sont ajoutées les dépenses liées à la Nouvelle-Calédonie et aux JOP. Les crédits ont été consommés plus rapidement que prévu. Je vous informe que projet de loi de fin de gestion comprendra les crédits nécessaires pour régler les loyers, en commençant par les petits bailleurs sociaux et les petites collectivités territoriales, suivies des plus grandes.
Pour les effectifs de la police nationale, nous avons déjà atteint 80 % de l’objectif fixé par la LOPMI. L’effort se poursuit, tenant compte des recrutements déjà effectués. Concernant l’OFPRA, les 29 ETP supplémentaires permettront de réduire les délais de procédure.
Quant à l’OFII, nous maintenons une stabilité entre les crédits inscrits et ceux consommés. L’OFII accomplit un travail remarquable et conservera ses moyens pour développer ses missions.
Concernant la circulaire Valls de 2011, le contexte juridique a évolué avec la nouvelle loi « immigration ». Deux changements majeurs sont à noter : la circulaire Valls concernait tous les métiers, alors que la nouvelle loi se concentre sur les métiers en tension. Une concertation est en cours dans toutes les régions pour établir la liste de ces métiers. La nouvelle circulaire prendra en compte cette cible votée dans la loi. De plus, le champ d’application et les méthodes de contrôle diffèrent. Les préfectures vérifient désormais le caractère réel et sérieux du travail pour détecter d’éventuelles filières clandestines qui exploitent des irréguliers. Ce contrôle s’avère nécessaire face à la facilité de produire de faux contrats de travail ou titres de location. De plus, il ne suffit plus de travailler, il faut également vérifier la compatibilité de l’insertion avec le respect des principes républicains.
Concernant le statut des personnes en situation irrégulière, je n’ai jamais affirmé qu’elles étaient par essence des délinquants. Néanmoins, lors d’un récent Conseil européen justice et affaires intérieures, j’ai constaté que les vingt-sept ministres de l’Intérieur, qu’ils soient de gauche, sociaux-démocrates ou de droite, tenaient un discours similaire. Tous les peuples européens réclament de la fermeté et une reprise de contrôle sur les flux migratoires. C’était très instructif.
Je confirme que le coût de la politique du logement pour les étrangers sur la seule plaque parisienne s’élève à 1,7 milliard d’euros. Il est légitime d’examiner l’efficacité de cette politique, notamment pour ceux qui occupent indûment ces logements.
Concernant les CRA et les associations, je souhaite mener une réflexion similaire à celle menée pour les médecins et les titres étrangers malades. Dans les CRA, nous pourrions envisager de confier la mission d’évaluation des droits à l’OFII, possiblement avec un magistrat indépendant. Sur la question de l’indépendance nécessaire pour exercer une telle mission, je vous rappelle qu’un autre organisme – l’OFPRA –, bien que dépendant de mon ministère, a su faire la démonstration qu’il ne manquait pas d’indépendance dans ses décisions.
Enfin, évaluer l’efficacité des politiques publiques uniquement à l’aune de la dépense publique serait une erreur pour notre pays.
Quant aux effectifs dans les préfectures, je répète qu’il n’y a pas de suppression de postes. Au contraire, je souhaiterais les augmenter, mais nous devons d’abord déverrouiller le schéma d’emploi.
M. Julien Rancoule (RN). Je souhaite vous interroger sur la diminution de plusieurs dizaines de millions d’euros du budget alloué à la sécurité civile. Cette réduction s’avère incompréhensible face aux défis colossaux auxquels nous sommes confrontés dans ce domaine. Les sapeurs-pompiers ont franchi le cap des 5 millions d’interventions en 2023, ce qui représente une augmentation de 30 % en une décennie. Parallèlement, le mode de financement des SDIS demeure inchangé depuis deux décennies, dans un contexte où les contraintes budgétaires pesant sur nos collectivités territoriales s’accentuent. Le nombre de volontaires, qui constituent 80 % des effectifs, stagne, voire régresse dans nos zones rurales. Il est donc impératif de valoriser leur engagement et de lancer une campagne nationale de recrutement de sapeurs-pompiers volontaires. Simultanément, les associations agréées de sécurité civile jouent un rôle essentiel et leur subvention doit être revalorisée. Actuellement, nous allouons 150 000 euros à une quinzaine d’associations, ce qui s’avère insuffisant.
Cet été encore, les pilotes de la sécurité civile ont rencontré d’importantes difficultés liées au manque de disponibilité de nos Canadair. Certes, un plan de renouvellement de la flotte est en cours, mais il ne suffira pas. Nous approchons dangereusement d’un point de rupture, avec des manquements dans l’entretien de nos appareils.
Par ailleurs, aucune ligne budgétaire n’est dédiée à l’innovation en matière de sécurité civile, malgré l’existence de solutions technologiques prometteuses. Il est primordial de soutenir ces innovations françaises pour régénérer et moderniser les équipements.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Un jeune homme de 27 ans s’est effondré dans le CRA du Mesnil-Amelot. Ses co-retenus ont vainement tenté de le secourir en pratiquant des massages cardiaques et en appelant à l’aide. Il est décédé. La veille, un autre retenu avait tenté de se suicider dans ce lieu sinistre où règne le désespoir.
La durée de rétention n’influe nullement sur l’efficacité des procédures d’éloignement. Pourtant, vous ne vous contentez pas de remplir ces centres infâmes. Parallèlement, vous continuez à détricoter l’exercice du droit d’asile. Comment justifier une réduction de 5 % des dépenses liées à l’hébergement des demandeurs d’asile, alors que vous prévoyez une augmentation équivalente du flux des demandes pour l’année à venir ? Cela se traduit par la suppression de 6 429 places dans les hébergements d’urgence. De plus, la dotation relative à l’ADA diminue de 16 % pour 2025, après une réduction de 10 % déjà votée en loi de finances pour 2024. Cette politique entraînera inévitablement une augmentation du nombre de personnes à la rue, affamées et livrées à elles-mêmes. J’attends vos explications sur la logique de ce calcul macabre, qui semble bien éloigné d’une mission d’accueil et de prise en charge d’êtres humains en exil.
Mme Émilie Bonnivard (DR). Je souhaite attirer votre attention sur la situation des contrôles aux frontières intérieures, particulièrement à la frontière franco-italienne, à Menton. Depuis la décision du Conseil d’État d’annuler la possibilité d’effectuer des refus d’entrée sur le territoire national à partir du sol étranger, nous constatons une augmentation significative des admissions. La procédure actuelle s’avère extrêmement chronophage : elle mobilise trois agents pendant quinze heures pour réaliser une seule admission en retenue administrative. Durant ce laps de temps, ces agents ne peuvent assurer la surveillance de la frontière. L’effectif actuel compte quarante agents, mais il manque encore trente professionnels à Menton pour répondre aux besoins. Les autorités italiennes, quant à elles, accomplissent efficacement leur tâche, ce qui se traduit par un afflux important d’étrangers vers notre territoire. Nous sommes confrontés à un triple effet ciseau et à une désorganisation de la frontière. Dans ce contexte, comment pouvons-nous soutenir ces agents pour améliorer leur collaboration avec les autorités italiennes et améliorer la gestion de cette situation complexe ?
M. Paul Christophle (SOC). L’indicateur 2.1 de la mission « Sécurités » révèle des résultats mitigés concernant l’élucidation des infractions. En 2023, nous n’avons élucidé que 18,6 % des vols avec violence, 9,5 % des cambriolages à domicile et 71 % des homicides, laissant ainsi 29 % de ces derniers non résolus. La comparaison avec les années antérieures démontre une stagnation, voire une détérioration des taux d’élucidation. Nous reconnaissons l’abnégation et l’engagement de nos forces de l’ordre dans l’accomplissement de leurs missions. Néanmoins, ces chiffres soulèvent des interrogations quant aux moyens que l’État leur alloue. La réforme de la police nationale, qui a considérablement affaibli la police judiciaire, aura pour conséquence de concentrer les ressources sur la sécurité publique au détriment de l’élucidation des crimes. Le rapport 2023 de la Cour des comptes soulignait des disparités importantes entre les circonscriptions de sécurité publique. Certaines, sous-dotées, géraient en moyenne 304 procédures par enquêteur. Dans le cadre de ce PLF, quelles propositions formulez-vous pour remédier à cette situation ?
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’Assemblée nationale n’est pas responsable de la conduite chaotique des débats budgétaires. Il est regrettable que nous ne puissions pas poser l’intégralité de nos questions, entravant ainsi notre mission constitutionnelle de contrôle parlementaire. Certes, le ministre a apporté des réponses, mais de façon quelque peu prolixe.
Lors de votre visite au CRA du Mesnil-Amelot le 11 octobre dernier, vous avez manifesté votre intention de confier la mission d’assistance juridique et d’évaluation des droits à l’OFII, organisme placé sous votre tutelle. Cette initiative n’est pas inédite et s’est heurtée par deux fois à l’opposition du Conseil d’État, qui estime que de telles missions doivent être assurées par des organes spécialisés et indépendants, en l’occurrence des associations.
Plutôt que de transformer les CRA en zones de non-droit, où l’accès à la justice serait compromis, et d’exacerber des situations déjà instables, il serait judicieux, en tant que responsables politiques, de prendre connaissance du dernier rapport de ces associations sur les CRA. Ce document met en lumière des conditions sanitaires déplorables, point sur lequel je ne constate aucune proposition d’amélioration dans le budget actuel.
M. Bruno Retailleau, ministre. Concernant la sécurité civile, trois éléments sont à considérer. Premièrement, les annonces du président de la République ont engendré un pic en 2024, suivi d’un creux en 2025. Deuxièmement, la commande de 31 millions d’euros pour les Canadairs sera honorée en 2024, sans règlement prévu en 2025. Les crédits pour ces deux appareils devront être inscrits en 2026. Troisièmement, 20 millions supplémentaires seront reportés à 2026.
Les pactes capacitaires prévoient un investissement de 500 millions d’euros pour 36 hélicoptères. Une réflexion s’impose sur la flotte aérienne, incluant Canadairs, Dash et hélicoptères, car nous ne pouvons nous fonder sur des décisions prises il y a plus de trente ans.
En matière d’innovation, nous avons créé en 2024 un fonds nommé « Innov’Achats », bénéficiant à la sécurité civile et aux SDIS, notamment pour l’expérimentation de nouveaux sacs à eau héliportés particulièrement performants.
Concernant l’hébergement des demandeurs d’asile, la baisse de 6 500 places est compensée par l’augmentation du taux de disponibilité des places, la fin de certains travaux et la libération des places occupées indûment, y compris par des personnes ayant obtenu le statut de réfugié. De plus, la diminution du nombre de réfugiés ukrainiens libère des places supplémentaires.
La jurisprudence Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) découle d’un arrêtde la Cour de justice de l’Union européenne du 21 septembre 2023, confirmé en février par le Conseil d’État. Il interprète la directive retour, stipulant qu’un délai d’un mois doit être accordé, même à une personne en situation irrégulière, pour un départ volontaire. Cette procédure mobilise trois agents pendant quinze heures, les empêchant d’être sur le terrain. La dépense publique n’est pas la réponse à tout. En l’espèce, la solution réside plutôt dans la révision de la directive retour prévue au premier semestre 2025, qui inversera la charge de la preuve entre l’État et l’individu interpellé à la frontière. Il s’agit d’alléger les procédures.
Concernant les APJ, la réforme de la police nationale ne réduira pas leurs effectifs. Néanmoins, l’alourdissement des procédures, comme l’utilisation des caméras en garde à vue, diminue la présence sur le terrain. La simplification, notamment par la numérisation et la plainte en ligne, offrira des marges de manœuvre.
Quant aux CRA et à l’OFII, vous n’interprétez pas la jurisprudence correctement. L’OFPRA, bien que dépendant de mon ministère, reste indépendant. L’internalisation de la mission médicale par l’OFII a répondu aux exigences de l’Ordre des médecins. Mon objectif n’est pas de réduire la qualité du conseil fourni, mais d’assurer son impartialité. Je suis convaincu que l’OFII peut remplir cette mission.
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II. Examen pour avis des crédits
Lien vidéo : https://assnat.fr/93BJb9
Lors de sa seconde réunion du mardi 22 octobre 2024, la commission des Lois a examiné pour avis les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis).
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CL135 de Mme Élisa Martin
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Il s’agit d’augmenter les crédits du programme Vie politique destinés à l’organisation des élections, par exemple celles qui suivent une dissolution inopinée. L’expérience récente montre que l’État manque de moyens, d’une part pour mener des campagnes d’inscription sur les listes électorales et faire vivre la démocratie et la citoyenneté, d’autre part pour compenser le coût d’organisation des scrutins supporté par les mairies. Notre amendement a surtout un objet d’appel ; il pourrait tout aussi bien se rapporter aux ressources affectées aux collectivités territoriales, et il ne vise pas à retirer 100 millions d’euros au programme Administration territoriale de l’État. Le Gouvernement doit toutefois être conscient que les élections représentent des coûts non compensés pour les collectivités.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Une partie du coût des élections du printemps 2024 a été compensée par l’État par l’intermédiaire de la subvention pour frais d’assemblée électorale. Il est dommage que M. Molac ne soit pas là pour défendre son amendement qui prévoyait un abondement spécifique destiné aux collectivités territoriales, car j’y aurais été favorable.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Le coût des élections a-t-il été compensé, oui ou non ? Il ne peut pas l’être à moitié. À ma connaissance, les mairies de ma circonscription n’ont pas récupéré d’argent pour couvrir la rémunération du personnel supplémentaire mobilisé le jour du scrutin.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Ces coûts ont été en grande partie compensés, à hauteur de 14,8 millions d’euros pour les élections législatives. Cela ne couvre pas intégralement les dépenses des communes pour organiser le scrutin mais il y a une différence entre un amendement à 100 millions d’euros – le vôtre – et un amendement à 5,8 millions – celui de M. Molac – visant à couvrir une partie des sommes non compensées. M. Molac proposait de transférer les crédits dédiés au financement d'experts placés auprès des préfets vers le programme Vie politique. Son amendement pourrait être redéposé en séance.
M. Yoann Gillet (RN). Les mairies perçoivent une compensation de 44,73 euros par bureau de vote, plus 10 centimes par électeur. À titre d’illustration, cela représente un peu plus de 1 600 euros par tour de scrutin pour une ville de 16 000 habitants, alors que le coût d’organisation des élections est bien plus élevé.
La commission rejette l'amendement.
Amendements II-CL128 de Mme Élisa Martin, II-CL39 et II-CL40 de M. Hervé Saulignac, et II-CL133 de Mme Gabrielle Cathala (discussion commune)
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Nous proposons d’augmenter de 2 000 équivalents temps plein (ETP) les effectifs relevant du programme 354 Administration territoriale de l’État. Idéalement, il en faudrait même 4 000, c'est-à-dire autant que les préfectures et les sous-préfectures en ont perdu entre 2010 et 2020 selon la Cour des comptes.
Les besoins en effectifs n’ont pas diminué dans les administrations. La Cour des comptes observe que le recul des emplois permanents de fonctionnaires a été compensé, bon an mal an, par des contrats courts, des vacataires ou autres services civiques qui, en définitive, ont coûté plus cher aux administrations – sans compter que la continuité du service public et la qualité de la gestion administrative en ont pâti. Les déploiements désastreux de la nouvelle carte d’identité numérique ou de la carte grise en témoignent. Tous ces couacs entraînent des surcoûts. Contrairement à ce qu’a affirmé le ministre, les délais de délivrance des titres restent bien trop longs – plus de trois semaines pour un passeport, par exemple. Nous sommes loin des deux semaines promises et du délai d’avant la réforme de la délivrance des titres.
M. Roger Vicot (SOC). Depuis 2010, selon la Cour des comptes, la réorganisation de l’État a entraîné la suppression de 14 % de l’effectif des préfectures, soit 11 763 ETP. Dans la LFI pour 2024, 147 ETP ont été créés, bien loin de compenser les pertes accumulées depuis 2010. Quant au PLF pour 2025, le bleu budgétaire indique que les effectifs sont « préservés », autant dire qu’ils n’augmentent pas. L’accueil dans les préfectures est pourtant défaillant, faute de personnel. Notre amendement II-CL39 vise à augmenter de 50 millions les crédits de l'action 05, Fonctionnement courant de l'administration territoriale du programme 354, Administration territoriale de l'État, afin que les préfectures recrutent davantage de personnel et assurent la continuité du service public. L’amendement de repli II-CL40 porte ces crédits à 30 millions d’euros.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Par l’amendement II-CL133, nous souhaitons augmenter le budget du programme Administration territoriale de l’État de 2,9 millions afin de renforcer le personnel chargé de l’accueil dans les préfectures et les sous-préfectures. Le projet annuel de performances indique que le délai cible de délivrance des titres de séjour a été porté à cinquante-cinq jours, preuve que l’on a renoncé à assurer des délais corrects. Les délais moyens sont disparates sur le territoire. Ils sont particulièrement longs dans le Nord : nous passons notre temps à recevoir, dans nos permanences, des personnes qui sollicitent de simples renouvellements de titres. Après la délivrance d’un premier récépissé, puis d’un deuxième, on leur annonce qu’il n’y en aura pas de troisième. Quand le récépissé en cours arrive à expiration, elles se retrouvent en situation irrégulière et leur patron est obligé de les licencier, alors qu’elles sont dans leur bon droit. Si la préfecture appliquait des délais d’instruction normaux, elles auraient un titre de séjour en règle.
Nous finissons donc par créer nous-mêmes des sans-papiers, alors que les gens sont intégrés, ont un emploi, cotisent et paient des impôts. C’est un vrai problème ; il a d’ailleurs fait l’objet d’une décision du Conseil d’État, qui n’a pas été pleinement appliquée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Depuis 2021, le plan « missions prioritaires des préfectures » a rétabli une partie des effectifs supprimés à la suite de la fermeture des guichets d'accueil physique. Par ailleurs, les crédits du programme 354 augmentent déjà fortement, de 80 millions d’euros, dont 50 millions pour les dépenses de personnel. Dans la situation actuelle des finances publiques, je ne crois pas qu’il faille aller plus loin pour au moins trois raisons.
Premièrement, une grande partie des démarches est désormais dématérialisée. Il faut certes continuer d’accompagner ceux qui en ont besoin, mais ils représentent une activité plus faible que lorsque tous les usagers devaient se rendre en préfecture. Les auditions que j’ai menées m’ont convaincue de l’investissement de l’État dans l’accompagnement des usagers. Quelques chiffres en témoignent : 17 millions d’appels traités par l’administration territoriale de l’État en 2023, 2 millions d’appels et 1,5 million de courriels traités par l’Agence nationale des titres sécurisés France titres (ANTS) au premier semestre 2024. Toutes les préfectures et la quasi-totalité des sous-préfectures sont désormais dotées de points d’accueil numérique, qui ont reçu 336 000 usagers en 2023.
Deuxièmement, certaines démarches, notamment le dépôt des demandes et la remise des titres sécurisés, se font désormais dans les mairies, d’où un transfert de dépenses qui est assez bien compensé par l’État, si l’on en croit l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).
Troisièmement, une partie de l'accueil pour le compte du ministère de l'Intérieur est assurée par le réseau France Services, qui dispose d'agents formés par le ministère et qui a des liens privilégiés avec les opérateurs. Cela permet d’assurer un maillage territorial plus fin qu'en préfecture.
L’amendement II-CL133 prévoit de basculer l'ensemble des financements dédiés aux cultes et à la laïcité vers les préfectures. Vous indiquez qu'il s'agit de dépenses injustifiées car elles ne concerneraient que le régime concordataire en Alsace et en Moselle. Or cette action finance bien d'autres choses : les subventions des communes pour la réalisation de travaux sur les édifices cultuels, les diplômes de formations laïcité, religion et citoyenneté qui s'adressent notamment aux aumôniers intervenant en détention, ou encore des projets de recherche universitaire en islamologie, pour 400 000 euros. Ce même amendement présente une erreur de montant, puisqu’il prévoit de transférer 2,9 millions alors que l'action 07 n’en comporte que 2,1.
Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Vous trouvez formidable qu’il y ait beaucoup d’appels et de courriels, mais si la procédure dématérialisée fonctionnait, il n’y en aurait pas ! Cet indicateur prouve qu’un grand nombre de personnes n’arrivent pas à faire aboutir leurs démarches. Par ailleurs, la Défenseure des droits est saisie par un nombre croissant de personnes voulant faire valoir leurs droits dans le cadre de procédures dématérialisées. À vous entendre, tout va mieux, mais à écouter la Défenseure des droits, tout va moins bien. Je ne lui accorde pas plus de crédit qu’à vous, madame la rapporteure pour avis, mais pour avoir occupé votre fonction l’année dernière, je sais que vous relayez les arguments de l’exécutif, et j’ai la faiblesse de croire qu’il n’est pas d’une honnêteté implacable. Les dysfonctionnements persistent. Je ne parle même pas de la nouvelle plateforme d’administration numérique pour les étrangers en France, l’Anef, créée il y a un an : c’est un fiasco total. Ses agents et les centres de contact citoyen n’ont même pas accès à l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref) pour renseigner les gens au téléphone. J’ai effectué moi-même une demande de renseignement auprès de ces services ; je préfère ne pas vous répéter ce qu’ils m’ont répondu, pour ne pas mettre en difficulté ces agents qui font comme ils peuvent dans ces circonstances. Vous ne pourrez jamais remplacer l’être humain pour accueillir les gens en préfecture.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Les 1,5 million de courriels proviennent effectivement de personnes qui ont besoin d’être accompagnées – et ces personnes, il y en aura toujours. Je n’ai pas dit que tout allait bien, mais vous ne pouvez pas dire que tout va mal. Les maisons France Services ont d’ailleurs pour mission de dispenser un accompagnement humain à ceux qui en ont besoin, au plus près des territoires, de sorte que personne ne soit laissé au bord du chemin. Tenons-nous en aux chiffres : entre 2023 et 2024, le délai moyen d’obtention du passeport est passé de trente-quatre à vingt jours, celui du permis de conduire de quarante-six à vingt-trois jours, et celui de la carte nationale d’identité de vingt-six à treize jours.
La commission rejette les amendements.
Amendement II-CL82 de M. Paul Molac
M. Paul Molac (LIOT). Alors que les agents publics subissent un nouveau gel du point d’indice, nous souhaitons interpeller le ministre de l’Intérieur et les rapporteurs de la mission Administration générale et territoriale de l’État sur les choix de l’État dans sa politique de rémunération.
En période d’austérité, le Gouvernement fait souvent le choix de la simplicité en coupant ou gelant les dépenses de personnel et les mesures indemnitaires générales qui touchent indifféremment tous les agents publics, en particulier les plus modestes. Dans le même temps, il arrive que le Gouvernement adopte des mesures catégorielles au bénéfice de quelques hauts fonctionnaires ; elles ont certes un coût faible en apparence, mais ne sont pas acceptables quand tous les autres subissent des baisses de pouvoir d’achat.
Nous nous interrogeons sur l’inscription d’un nouveau complément indemnitaire annuel des directeurs d’administration centrale, mesure catégorielle qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2025. Cet amendement d’appel vise uniquement à obtenir des éclaircissements sur cette mesure : s’agit-il d’une hausse de traitement statutaire ou d’une nouvelle mesure catégorielle octroyée aux hauts fonctionnaires de la préfectorale ? En période de vaches maigres, toute nouvelle mesure indemnitaire, même pour de faibles sommes, devrait se concentrer sur les plus bas salaires de la fonction publique.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. J’ai interrogé le Gouvernement sur le sujet, mais je n’ai pas encore eu de réponse. Je précise toutefois que ce complément d'indemnité n'est pas nouveau, et qu’il est régulièrement réévalué. Il prend en compte les sujétions particulières des directeurs d'administration centrale eu égard à la spécificité de leur fonction. Je ne sais pas s'il revient au Parlement d'intervenir avec ce degré de détail dans la politique de rémunération. Je perçois toutefois l’intérêt de votre amendement, à l’heure où nous demandons des efforts à tout le monde. Je vous propose de le retirer et de le redéposer en séance pour qu'il soit discuté en présence du ministre.
M. Paul Molac (LIOT). Je le maintiens, persuadé que si nous le votons, nous obtiendrons une réponse plus rapide.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je soutiens cet amendement. Le complément indemnitaire annuel n’est effectivement pas nouveau. Il concerne toutes les catégories de la fonction publique, des enveloppes étant prévues pour chaque grade, sans être toujours fongibles d’un grade à l’autre. Il semble qu’une coquille se soit glissée dans le projet de loi au sujet du CIA pour les directeurs d’administration centrale, qui bénéficient déjà d’une grille de rémunération plus élevée que les autres et dont la part fixe a été revalorisée. Sachons raison garder, d’autant que la suppression de la garantie individuelle de pouvoir d’achat (Gipa) est annoncée. En d’autres termes, on s’apprête à faire les poches des fonctionnaires du bas de la grille et à faire la fête aux directeurs d’administration centrale ! Ce n’est pas acceptable.
La commission adopte l'amendement.
Amendements II-CL103 de M. Yoann Gillet et II-CL87 de M. Paul Molac (discussion commune)
M. Yoann Gillet (RN). La quasi-totalité des indicateurs de la délinquance sont en hausse, et la situation sécuritaire se dégrade. Pourtant, les crédits alloués au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) restent insuffisants d'année en année, loin des besoins réels, comme si tout allait bien, comme si nous ne faisions pas face à une forte menace terroriste, comme si l'insécurité n'était pas galopante. Ce fonds permet de financer la vidéosurveillance, la sécurisation des établissements scolaires, l'équipement des polices municipales, la protection des sites sensibles, la prévention de la radicalisation ainsi que la lutte contre le séparatisme. Les élus locaux en ont grandement besoin.
En raison de l'insuffisance du FIPD, les subventions aux équipements de lutte contre la délinquance des collectivités territoriales restent inférieures à 50 % du coût des projets, objectif pourtant annoncé par le ministre Darmanin. Les mairies qui sollicitent le FIPD se voient opposer une fin de non-recevoir à partir de mars ou avril, au motif que les fonds sont déjà épuisés. Nous proposons donc une forte hausse des crédits du FIPD pour répondre efficacement aux enjeux de prévention de la délinquance et de la radicalisation.
M. Paul Molac (LIOT). Notre amendement vise à mettre fin au recours à l’intelligence artificielle et à la vidéosurveillance algorithmique déployées lors des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de 2024. Le coût total des marchés publics conclus en la matière par le ministère de l’Intérieur s’élèverait à 8 millions, soit près de 2 millions pour chacun des quatre lots conclus. Cet argent pourrait être mieux utilisé, vu l’ampleur des défis auxquels l’État fait face. Rien ne justifie un tel coût après la fin des Jeux et dans une période de rigueur budgétaire.
Au-delà des aspects financiers, le recours à l’intelligence artificielle pour la surveillance de masse présente des risques pour les libertés publiques, sans garanties éthiques suffisantes du respect des droits fondamentaux.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. J’émets un avis défavorable sur ces deux amendements, pour des raisons différentes.
Les crédits de l’action 10 Fonds interministériel de prévention de la délinquance, qui financent notamment des associations, sont stables, à 62,4 millions d’euros. Contrairement à ce qu’indique l’amendement II-CL103, depuis le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, la vidéoprotection – qui, j’en conviens, doit être développée – n’est plus financée par le FIPD mais sur une onzième action, qui est gérée par la direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (Depsa) et dont les crédits augmentent de 30 %.
S’agissant de l’amendement II-CL87, je rappelle que la vidéosurveillance algorithmique fait l’objet d’une expérimentation strictement encadrée, sous le contrôle de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés). L’expérimentation a été lancée dans le contexte des JOP et doit se poursuivre jusqu’en mars 2025, conformément au vote du Parlement. Je rappelle que cette technologie, qui vise à aider la détection d’infraction et la collecte de preuves, ne repose pas sur la reconnaissance faciale.
Un premier rapport d’évaluation nous sera remis à la fin de l’année. Pour l’instant, les retours sont très encourageants, notamment celui du préfet de police de Paris que notre commission a auditionné à ce sujet il y a quelques semaines. N’abandonnons pas les investissements importants qu’a nécessité cette expérimentation et menons-la à son terme. Nous étudierons ensuite l’opportunité de la généraliser.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Monsieur Gillet, ce n’est pas la délinquance qui est en hausse, mais le nombre d’infractions tel qu’il est vu par le ministère de l’Intérieur. La délinquance, c’est autre chose : pour en mesurer l’évolution, il faut se pencher sur les enquêtes de victimation de l’Insee et des services statistiques du ministère. Leur constat n’est pas si alarmant, le nombre d’infractions diminue même dans certaines catégories.
Par ailleurs, vous confondez la répression et la prévention, un domaine que vous ne connaissez manifestement pas. Les caméras, qui ne sont pas financées par l’action que vous évoquez, n’ont jamais eu vocation à lutter contre la délinquance, contrairement à ce que vous affirmez, mais à la prévenir.
Au passage, le premier adjoint de la maire de Lille nous a expliqué que le trafic des stupéfiants s’était ancré dans les quartiers malgré l’installation de 150 caméras de surveillance. Se pourrait-il qu’il n’existe aucun lien entre la prospérité du narcotrafic et l’installation des caméras de surveillance ? Ce n’est qu’une hypothèse…
Mme Sandra Regol (EcoS). Comme M. Molac, je m’étonne que le montant d’une ligne budgétaire puisse augmenter de 28 % en cette période d’austérité, d’autant que les analyses de la Cour des comptes montrent que la vidéosurveillance n’apporte pas grand-chose. Des chercheurs grenoblois ont ainsi montré qu’elle conduisait simplement à réorganiser le trafic de drogue, un trafiquant se chargeant de collecter les paiements, l’autre de distribuer la drogue, tout cela sous les caméras de vidéosurveillance !
Quant à la vidéosurveillance algorithmique, si elle permet d’évaluer les flux de personnes, elle s’est révélée inefficace dans les expérimentations menées en situation réelle, par la SNCF ou lors de concerts, notamment. Il est ridicule de dépenser 8 millions pour des caméras qui servent seulement des objectifs de communication et ne protègent pas nos concitoyens, en période d’austérité.
M. Roger Vicot (SOC). Alors que le comité d’évaluation de l’expérimentation de traitements algorithmiques ne rendra ses conclusions que dans deux mois, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez nous a d’ores et déjà annoncé ici même la généralisation de la vidéosurveillance algorithmique – ces déclarations ont été notamment reprises dans la presse. Les conclusions du comité d’évaluation ont peu de chances de nous surprendre !
M. Yoann Gillet (RN). Les appels à projet de la préfecture de police de Paris que j’ai sous les yeux le montrent : quand la vidéosurveillance concerne un lieu sensible – les abords d’un bâtiment public ou d’un lieu de culte, par exemple –, elle est financée par le FIPD, contrairement à ce que vous indiquez. Or, je le maintiens, le niveau de ce fonds est insuffisant, empêchant les collectivités de prétendre aux subventions qui leur sont promises. M. Darmanin s’était engagé devant cette commission et sur des plateaux de télévision à ce que l’installation de caméras de vidéosurveillance soit financée au minimum à 50 % par l’État. Cette promesse n’a jamais été tenue.
M. Jean Terlier (EPR). Si ces deux amendements visent à modifier les mêmes crédits, leurs motivations sont diamétralement opposées. Chez M. Gillet, c’est afin d’augmenter les moyens du FIPD – alors que la rapporteure pour avis a indiqué que celui-ci ne finançait pas la vidéosurveillance. Chez M. Molac, c’est afin de supprimer le budget de la vidéosurveillance algorithmique, pourtant strictement encadrée. Précisons donc que les objectifs du Rassemblement national et ceux du Nouveau Front populaire sont très différents.
M. Éric Pauget (DR). Selon le préfet Nuñez, les JOP, durant lesquels les forces de sécurité ont été déployées en grand nombre, n’ont pas permis de pleinement utiliser la vidéosurveillance algorithmique, qui est surtout utile lorsque les forces de l’ordre sont en nombre insuffisant. Les événements d’ampleur moindre qui seront organisés sans renforts de police d’ici à la fin de l’expérimentation, en mars 2025, permettront de mieux évaluer l’intérêt de la vidéosurveillance algorithmique.
M. Paul Molac (LIOT). Je m’interroge : l'expérimentation doit s’achever bientôt mais vous lui allouez des crédits supplémentaires. Quant au préfet Nuñez, ne devrait-il pas, avant d’annoncer sa pérennisation, attendre que nous ayons voté la loi ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. L’expérimentation n’est pas encore terminée : elle doit se poursuivre jusqu’en mars 2025, ce qui nous permettra d’évaluer le fonctionnement de la vidéosurveillance algorithmique en dehors d’un contexte exceptionnel.
Par ailleurs, je maintiens que les crédits du FIPD sont stables, à 62 millions d’euros. Quant à l’action 11, Équipements de vidéo-protection et de surveillance électronique du ministère de l’intérieur, des collectivités et des acteurs privés, ses crédits augmentent de 30 %, passant de 24 millions à 31 millions.
La commission rejette l’amendement II-CL103.
Elle adopte l’amendement II-CL87.
Amendement II-CL59 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Le Cnaps (Conseil national des activités privées de sécurité), placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, encadre les activités de sécurité privée – il délivre notamment les cartes professionnelles et contrôle les activités des entreprises du secteur sur le terrain.
N’oublions pas le rôle de la sécurité privée dans la réussite des JOP. Au vu de ses missions, le Cnaps est sous-doté, avec seulement 200 agents, dont environ 50 contrôleurs sur l’ensemble du territoire. Nous proposons d’augmenter son budget.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Les acteurs de la sécurité privée ont effectivement joué un rôle important dans la réussite des JOP ; le Cnaps y a contribué de manière décisive.
Le budget de cette structure augmente déjà de 900 000 euros, soit plus de 5 %, alors que, dans le cadre d’une réorganisation, une partie de ses effectifs et de ses missions est transférée au Sneas – le service national des enquêtes administratives de sécurité. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Conformément à l’avis de Mme la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État modifiés.
Avant l’article 60
Amendement II-CL142 de Mme Élisa Martin
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Nous proposons de limiter à 10 % la part des contractuels dans les services de l’administration territoriale de l’État. Les services publics, notamment dans les préfectures, se heurtent à des difficultés croissantes, à cause de la restriction de leurs crédits, mais aussi de la précarisation de leurs agents. Les personnels précaires, outre qu’ils ne disposent pas des mêmes droits que les titulaires, ne peuvent pas suivre les mêmes formations.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Avis défavorable. La limitation proposée du nombre de contractuels conduirait à mettre fin à de nombreux contrats, y compris à durée indéterminée, alors que l’administration territoriale de l’État peine déjà à recruter et que le taux d’emplois non pourvus est supérieur à 3 %. La mesure proposée serait coûteuse et improductive.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Une étude de la Cour des comptes sur les Cert – les centres d’expertise et de ressources titres, qui instruisent les demandes de titres selon des délais qui restent problématiques – a démontré que la qualité et l’efficacité du service qu’ils rendent étaient directement proportionnelles au nombre de fonctionnaires titulaires qui y exercent.
Les contractuels ne s’impliquent pas de la même manière que les titulaires dans leur travail, faute de savoir s’ils seront reconduits à leur poste dans six mois ou un an. Dans la période actuelle de restriction budgétaire, l’administration peut même se passer de leurs services du jour au lendemain, sans autre forme de procès. Les 500 contrats supprimés dans la protection judiciaire de la jeunesse l’illustrent.
En outre, il est plus coûteux de recourir à des contractuels, des vacataires ou des volontaires en service civique qu’à des titulaires, comme l’indique un rapport de la Cour des comptes de 2021 sur l’administration territoriale de l’État.
L’excès du recours aux contractuels nuit donc tant à la qualité du service public qu’aux finances de l’État. Le problème se pose d’ailleurs dans les trois fonctions publiques.
En fixant la part des contractuels à 10 % des effectifs pour l’ensemble de l’administration territoriale – et non pour chacune de ses structures –, celle-ci disposera d’une marge de manœuvre suffisante pour s’adapter aux évolutions de l’activité. Idéalement, il faudrait même étendre ce plafond aux trois fonctions publiques.
La commission adopte l’amendement.
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* *
— 1 —
● M. Bernard Delcros, sénateur du Cantal, rapporteur d’une mission d’information sur les maisons France services
● Défenseur des droits
M. Daniel Agacinski, délégué général à la médiation
● Ministère de l’intérieur – Direction du management de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur (DMATES)
— Mme Fabienne Balussou, directrice
— M. Marc Tschiggfrey, adjoint à la directrice
— M. Pierre Molager, sous-directeur de l’administration territoriale de l’Etat
— M. Aurélien Adam, chef du bureau des moyens de l’administration territoriale de l’Etat
— M. Alex Gadré, chef du bureau des élections politiques
● Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS)
M. David Clavière, préfet, directeur
● France Titres (ex-Agence nationale des titres sécurisés)
Mme Anne-Gaëlle Baudoin, directrice
Mme Pascale Sauvage, directrice adjointe
M. Bruno Jacquet, secrétaire général
● Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)
M. Stanislas Bourron, directeur général,
M. Guillaume Clédière, directeur du programme France Services
● Association des maires de France
Mme Karine Gloanec-Maurin, présidente de la communauté de communes des Collines du Perche
● Association des maires ruraux de France
M. Denis Durand, membre du conseil d’administration, maire de Bengy sur Craon
● Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l’Intérieur (ACPHFMI)
M. Christophe Mirmand, président, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, préfet de la zone de défense Sud, préfet des Bouches-du-Rhône
([1]) Réponses au questionnaire budgétaire.
([2]) Ibidem.
([3]) Cour des comptes, Programme France services (2020-2023), rapport d’évaluation, 4 septembre 2024.
([4]) Réponses au questionnaire budgétaire.
([5]) Moins de 15 % des contractuels ont des contrats d’une durée inférieure à dix-huit mois (audition ANCT).
([6]) Indicateur 4.2 du programme annuel de performance 354 « Administration territoriale de l’État ».
([7]) .Dans son rapport d’activité 2023, la Défenseure des droits indique que 23 % de l’ensemble des saisines concernent les questions relatives aux titres de séjour.
([8]) L’article 15 de la loi organique aux lois de finances (LOLF) prévoit que les crédits de paiement disponibles à la fin de l’année peuvent être reportés, dans la limite de 3 % des crédits initiaux inscrits sur le même programme, et que ce plafond peut être majoré par une disposition de loi de finances.
([9]) Réponses au questionnaire budgétaire.
([10]) Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
([11]) Calcul commission des lois.
([12]) Les actions non mentionnées ne financent pas de dépenses de personnel.
([13]) Décret n° 2023-1333 du 29 décembre 2023 modifiant certaines dispositions applicables aux activités privées de sécurité.
([14]) Audition du CNAPS.
([15]) Au 31 juillet 2024, il y avait 4 348 ETPT occupés par des contractuels sur le programme 354 sur un total de 28 448 ETPT, soit 14,7 % (réponses au questionnaire budgétaire).
([16]) Article 10 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.