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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2024.
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LE PROJET DE LOI (n° 324)
de finances pour 2025
TOME II
SÉCURITÉS
PAR M. Éric PAUGET
Député
——
Voir les numéros : 468 – III – 41 et 468 – III – 42
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SOMMAIRE
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Pages
introduction................................................ 5
PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE LA SÉCURITÉ POUR 2025
I. Les crédits du programme 176 Police nationale
B. Les dépenses de fonctionnement
C. Les dépenses d’investissement
II. Les crédits du programme 152 Gendarmerie nationale
B. Les dépenses de fonctionnement
C. Les dépenses d’investissement
III. Les crédits du programme 207 Sécurité et éducation routières
IV. Les crédits du programme 161 sécurité civile
B. Les dépenses de fonctionnement
C. Les dépenses d’investissement
A. Les technologies au service de la sécurité intérieure
1. La transformation numérique de la police et de la gendarmerie nationales
2. Les usages des drones pour la vidéoprotection
3. La vidéosurveillance « intelligente »
4. Les grands enjeux de la cybersécurité
B. Les technologies au service de la sécurité civile
1. Des systèmes d’information, de commandement et de communication de plus en plus sophistiqués
b. Le projet de réseau radio du futur (RRF)
2. Des innovations en matière de lutte contre les incendies
3. L’intelligence artificielle au service des victimes
A. Investir plus massivement dans la recherche et l’acquisition de technologies innovantes
2. Une coordination des acteurs en matière de technologies de sécurité civile à bâtir
C. Adapter le cadre juridique applicable notamment en matière de vidéoprotection
I. Audition de M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur
II. Examen pour avis des crédits
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Votre rapporteur se félicite de la décision de la commission des lois de regrouper en un unique avis budgétaire l’analyse de l’ensemble des crédits de la mission « sécurités », qui faisaient jusqu’à l’année dernière l’objet de deux rapports distincts – l’un consacré à la sécurité intérieure et routière et l’autre à la sécurité civile. Les quatre programmes de la mission « sécurités », placée sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur, forment en effet un ensemble cohérent, illustrant le continuum de sécurité. Il paraît donc particulièrement pertinent d’en proposer une analyse globale.
Dans le contexte budgétaire contraint qui est actuellement celui de la France, votre rapporteur tient à souligner que les crédits consacrés à la sécurité ne peuvent en aucun cas être sacrifiés. Il se satisfait donc du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 qui entérine une hausse des crédits de la mission « sécurités » à hauteur de 587 millions d’euros (M€) et qui apparaît conforme aux objectifs fixés dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) ([1]) .
Cette appréciation globalement positive ne doit pas masquer certaines faiblesses sur lesquelles votre rapporteur souhaite appeler l’attention de ses collègues. Il regrette, d’abord, que la réflexion sur la modernisation de l’assiette et des critères de répartition du montant de la fraction de taxe sur les conventions d’assurance (TSCA) versée aux services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), qu’il avait appelé de ses vœux dans le cadre d’un précédent rapport, n’ait été qu’ébauchée. Il déplore, par ailleurs, que l’exonération de l’accise sur les carburants des véhicules des SDIS voulue par le législateur ne soit toujours pas effective en l’absence de la publication d’une circulaire d’application.
Concernant le PLF pour 2025, il souhaite alerter ses collègues sur la réduction des crédits de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale qui pourrait mettre à mal la dynamique de montée en puissance de celle-ci, pourtant voulue par la LOPMI.
De manière plus générale, votre rapporteur craint que les crédits prévus en investissement ne permettent pas aux différents programmes de procéder à des dépenses dont la nécessité est pourtant criante, qu’il s’agisse de l’immobilier de la gendarmerie et de la police nationales, du renouvellement de leur parc automobile ou de celui des moyens aériens et terrestres de lutte contre les incendies de la sécurité civile, en particulier les Canadair dont la disponibilité a été mise à mal cet été en raison de leur vétusté. À l’heure où la France – et notamment le département des Alpes-Maritimes dont il est issu – est exposée à de fortes précipitations, votre rapporteur souhaite insister plus particulièrement sur les moyens de pompage de grande ampleur qui sont aujourd’hui insuffisants et nécessiteraient des investissements importants. Il lui paraît essentiel d’engager une réflexion stratégique de long terme sur les modèles qui doivent être développés tant en matière d’immobilier que d’équipements lourds, notamment de moyens aériens de lutte contre les incendies et de pompage pour la sécurité civile. Faut-il consentir une augmentation forte des investissements pour développer le parc domanial de gendarmerie, ainsi que la flotte de Canadair de la sécurité civile et ses moyens de pompage d’ampleur ? Faut-il aller vers un modèle différent, offrant davantage de souplesse, qui est celui d’une plus grande place accordée à la location ? Ces questions sont, aux yeux de votre rapporteur, absolument cruciales et doivent faire l’objet d’un débat impliquant l’ensemble des acteurs concernés.
La thématique retenue par votre rapporteur pour la seconde partie de son étude est d’ailleurs en lien direct avec ces enjeux d’investissement puisqu’il s’agit du développement et du déploiement des nouvelles technologies au service de la sécurité intérieure et civile.
Convaincu que ces nouvelles technologies (intelligence artificielle, drones, vidéosurveillance, etc.) sont appelées à révolutionner les pratiques des forces de sécurité dans les prochaines années, votre rapporteur appelle à un débat de société sur certaines d’entre elles afin de lever les freins budgétaires, organisationnels et juridiques qui en entravent le plein développement.
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PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE LA SÉCURITÉ POUR 2025
Votre rapporteur, chargé d’examiner les crédits du programme 161 « sécurité civile » de la mission « sécurités » dans le cadre de la discussion des PLF pour 2023 et 2024, se réjouit de pouvoir procéder cette année, au sein d’un même avis, à l’analyse de l’ensemble des quatre programmes composant la mission « sécurités » (« police nationale », « gendarmerie nationale », « sécurité et éducation routières » et « sécurité civile »)
Ces quatre programmes, placés sous responsabilité du ministère de l’Intérieur, forment un ensemble cohérent, illustrant le continuum de sécurité. Il paraît donc particulièrement pertinent d’en proposer une analyse globale.
Dans le cadre du projet de loi pour 2025, les crédits prévus pour la mission « sécurités » (hors compte d’affectation spéciale pensions) s’élèvent à 17,3 milliards d’euros (Mds €) en crédits de paiement (CP), ce qui représente une augmentation de 3,6 % au regard des 16,7 Mds € prévus en loi de finances initiale (LFI) pour 2024 ([2]) .
L’analyse de l’évolution des crédits de la mission « sécurités » ne peut cependant être effectuée à l’aune du seul PLF précédent : la trajectoire du budget du ministère de l’intérieur a été fixée par la LOPMI pour la période 2023-2027. L’année 2025 constitue ainsi le troisième exercice de mise en œuvre de cette loi de programmation. La progression des crédits de la mission « sécurités » doit donc être également analysée au regard des engagements pris dans ce cadre.
L’article 2 de la LOPMI fixe comme suit la programmation des crédits du ministère de l’intérieur pour la période 2023-2027 :
Crédits de paiement et plafonds des taxes affectées hors compte d'affectation spéciale « Pensions »
(en millions d’euros)
Figure 1 : article 2 de la LOPMI
À un niveau plus fin, le rapport annexé à la LOPMI prévoit une répartition à titre indicatif des crédits entre différentes missions. Les crédits de la mission « sécurités » (hors compte d’affectation spéciale (CAS) « pensions ») sont ainsi fixés à 17,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 16,8 milliards d’euros en CP pour l’année 2025 (voir tableau ci-dessous).
Programmation budgétaire pour la mission « sécurités » hors CAS « pensions »
(en millions d’euros)
AE en 2025 |
CP en 2025 |
CP en 2026 |
CP en 2027 |
17 837 |
16 827 |
17 254 |
17 589 |
Figure 2 : rapport annexé de la LOPMI
Les crédits prévus dans le cadre du PLF pour 2025 apparaissent donc conformes à la programmation budgétaire définie dans le cadre de la LOPMI. En revanche, le schéma d’emploi n’est pas respecté, la police et la gendarmerie nationales ayant décidé de s’en tenir en 2025 à un schéma d’emploi nul (voir infra).
Pour 2025, les crédits de la mission se répartissent ainsi entre les programmes : 55 % des crédits sont affectés à la police nationale, 40,1 % à la gendarmerie nationale, 4,4 % à la sécurité civile et 0,5 % à la sécurité et l’éducation routières (voir diagramme ci-dessous).
Répartition des crédits budgétaires de la mission « sécurités » entre les programmes
Figure 2 : Source : projet de loi de finances pour 2025
Lors des auditions qu’il a menées, votre rapporteur s’est montré, par ailleurs, très attentif à l’exécution budgétaire pour 2024. Le contexte était, en effet, très particulier pour les forces de l’ordre, du fait notamment de la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) – saluée unanimement comme un succès – et de l’engagement des forces de l’ordre en Nouvelle-Calédonie. Ces engagements ont pu avoir des conséquences mal anticipées sur les budgets de la police nationale et de la gendarmerie nationale, qui se sont notamment traduites par la décision de report du paiement des loyers de la gendarmerie prise par le ministre de l’intérieur (voir infra).
Il convient également de noter, en matière d’exécution budgétaire, que l’ensemble des programmes de la mission « sécurités » a été concerné par les annulations de crédits déterminées dans le cadre du décret n° 2024-124 du 21 février 2024 ([3]) pour les montants suivants (en AE et en CP) :
programme 152 « gendarmerie nationale » : 20 000 000 € de crédits annulés ;
programme 161 « sécurité civile » : 52 766 476 € de crédits annulés ;
programme 176 « police nationale » : 134 354 889 € de crédits annulés ;
programme 207 « sécurité et éducation routières » : 25 000 000 € de crédits annulés.
I. Les crédits du programme 176 Police nationale
Les crédits du programme « Police nationale » pour 2025 s’élèvent à environ 13,75 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 13,37 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 13,36 et 12,93 milliards d’euros en AE et en CP en LFI pour 2024. Cela représente une hausse de 2,87 % pour les AE et de 3,38 % pour les CP.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME N° 176 POLICE NATIONALE
(en euros)
|
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||||
Programme et actions |
Ouverts en LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution 2024/2025 |
Ouverts en LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution 2024/2025 |
176 Police nationale |
13 362 033 907 |
13 745 268 791 |
+ 2,87 % |
12 932 725 125 |
13 370 101 484 |
+ 3,38 % |
01 – Ordre public et protection de la souveraineté |
1 587 797 645 |
1 814 588 762 |
+ 14,28 % |
1 587 797 645 |
1 814 588 762 |
+ 14,28 % |
02 – Sécurité et paix publiques |
3 723 536 751 |
4 030 016 345 |
+ 8,23 % |
3 723 536 751 |
4 030 016 345 |
+ 8,23 % |
03 – Sécurité routière |
459 419 220 |
433 276 684 |
- 5,69 % |
459 419 220 |
433 276 684 |
- 5,69 % |
04 – Police des étrangers et sûreté des transports internationaux |
1 146 306 980 |
1 214 649 372 |
+ 5,96 % |
1 146 306 980 |
1 214 649 372 |
+ 5,96 % |
05 – Police judiciaire |
3 446 764 685 |
3 167 568 585
|
- 8,10 % |
3 446 764 685 |
3 167 568 585 |
- 8,10 % |
06 – Commandement, ressources humaines et logistique |
2 998 208 626 |
3 085 169 043 |
+ 2,90 % |
2 568 899 844 |
2 710 001 736 |
+ 5,49 % |
Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2025.
Les crédits de titre 2 s’élèvent à 11,6 milliards d’euros en PLF pour 2025 en AE et en CP, soit une hausse de 3,6 % par rapport à la LFI votée pour 2024.
Les mesures prises depuis 2022 en faveur de la rémunération des agents de la police nationale continuent de produire leurs effets : les crédits de masse salariale ouverts en 2025 intègrent ainsi les conséquences de ces évolutions indemnitaires et statutaires. Ainsi, concernant les mesures catégorielles, leur coût s’élève à 73,42 M€ (hors CAS pensions) pour 2025, dont 61,96 M€ au titre du protocole pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale signé le 2 mars 2022, avec notamment la poursuite de la mise en œuvre de la prime voie publique (surcoût de 26,74 M€ hors CAS), de l’indemnité de sujétion spécifique liée à l’exercice des fonctions dans un service de la police nationale (surcoût de 14,44 M€ HCAS), et de la réforme statutaire du CEA (surcoût de 7,82 M€ hors CAS) ([4]) .
Le plafond d’emplois du programme est fixé à 152 690 équivalents temps plein travaillé (ETPT), répartis dans neuf catégories d’emplois, par métiers ou par statut. En 2025, dans un contexte de recherche d’économies budgétaires, la police nationale a révisé à la baisse son schéma d’emplois, passant d’une trajectoire validée en LOPMI prévoyant une hausse de 356 ETP à un schéma d’emplois nul.
Catégorie d’emplois |
Sorties prévues |
Entrées prévues |
Schéma d’emploi |
Personnels administratifs de catégorie A |
407 |
407 |
0 |
Personnels administratifs de catégorie B |
481 |
481 |
0 |
Personnels administratifs de catégorie C |
1 105 |
1 105 |
0 |
Personnels techniques |
344 |
344 |
0 |
Ouvriers de l’État |
12 |
2 |
- 10 |
Hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement |
668 |
380 |
- 288 |
Corps d’encadrement et d’application |
3 773 |
4 403 |
+ 630 |
Personnels scientifiques |
122 |
122 |
0 |
Policiers adjoints |
3 182 |
2 850 |
- 332 |
Total |
10 094 |
10 094 |
0 |
Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2025.
B. Les dépenses de fonctionnement
Les crédits prévus pour les dépenses de fonctionnement du titre 3 connaissent une variation annuelle de + 16,02 % en AE, passant de 1,35 Md€ en LFI pour 2024 à 1,56 Md€ dans le PLF pour 2025. La hausse est de 2,11 % en CP avec 1,24 Md€ en LFI pour 2024 contre 1,26 Md€ en PLF pour 2025.
Cette augmentation des crédits s’inscrit dans la continuité d’une augmentation de 20,18 % de ces mêmes crédits l’an dernier, entre la LFI pour 2023 et le PLF pour 2024, qui s’expliquait par le renouvellement du marché d’habillement pour la période 2024-2027, l’acquisition de matériels de protection et d’intervention, l’augmentation des crédits affectés aux dépenses numériques, informatiques et technologiques ainsi que par la hausse des prix du carburant.
C. Les dépenses d’investissement
Les dépenses d’investissement connaissent, en revanche, une baisse annuelle importante en AE dans le cadre du PLF pour 2025 de 30,45 % par rapport à la LFI pour 2024. Les crédits, qui s’élevaient à 776,40 M€ en AE en LFI pour 2024 sont fixés à 540 M€ en AE dans le PLF pour 2025. Les crédits augmentent néanmoins en CP, s’élevant à 462 M€ contre 454,80 M€ en 2024, soit une hausse de 1,59 %.
Interrogés par votre rapporteur, les représentants de la direction générale de la police nationale (DGPN) ont indiqué que ces investissements concerneraient les véhicules et les équipements mais que ces crédits ne permettraient pas le lancement de nouveaux projets immobiliers.
Votre rapporteur s’inquiète que les efforts budgétaires soient consentis aux dépens des investissements, pourtant nécessaires à la police nationale. La tension est particulièrement nette en matière d’immobilier ou de parc automobile. Concernant ce dernier, 2024 semble avoir constitué une « année blanche » pour l’acquisition de véhicules. La police nationale devrait pouvoir acquérir en 2025 environ 1 625 véhicules, contre 3 000 dans le cadre d’une année considérée comme « normale ». Il est donc important de ne pas laisser le retard s’accumuler, dégradant l’état général du parc, et de s’assurer que les conditions soient réunies dans le cadre des prochains exercices budgétaires pour permettre à la police nationale de consentir les investissements qui lui sont nécessaires sur le long terme.
II. Les crédits du programme 152 Gendarmerie nationale
Les crédits demandés pour 2025 au titre du programme « gendarmerie nationale » atteignent 11,37 milliards d’euros en AE et 10,93 milliards d’euros en CP, contre 11,03 milliards d’euros en AE et 10,39 milliards d’euros en CP ouverts en loi de finances initiale pour 2024, soit une hausse de 3,03 % pour les AE et 5,18 % pour les CP.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME n° 152 GENDARMERIE NATIONALE
(en euros)
|
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
|||||
Programme et actions |
Ouverts en LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution 2024/2025 |
Ouverts en LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution 2024/2025 |
|
152 – Gendarmerie nationale |
11 031 544 631 |
11 366 321 344 |
+ 3,03 % |
10 392 977 945 |
10 930 839 118 |
+ 5,18 % |
|
01 – Ordre et sécurité publics |
4 169 681 650 |
4 213 351 143 |
+ 1,05 % |
4 169 681 650 |
4 213 351 143 |
+ 1,05 % |
|
02 – Sécurité routière |
815 062 202 |
810 433 750 |
- 0,57 % |
815 062 202 |
810 433 750 |
- 0,57 % |
|
03 – Missions de police judiciaire et concours à la justice |
2 588 654 725 |
2 602 930 530 |
+ 0,55 % |
2 588 654 725 |
2 602 930 530 |
+ 0,55 % |
|
04 – Commandement, ressources humaines et logistique |
3 284 499 836 |
3 565 841 648 |
+ 8,57 % |
2 645 933 150 |
3 130 359 422 |
+18,31 % |
|
05 – Exercice des missions militaires |
173 557 077 |
173 764 273 |
+ 0,07 % |
173 557 077 |
173 764 273 |
+ 0,07 % |
|
Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2025.
Votre rapporteur note que de fortes tensions budgétaires notamment sur les crédits hors titre 2 ont mis en difficulté la gendarmerie nationale au cours de l’année 2024. L’institution a dû faire face à des dépenses exceptionnelles mal évaluées – résultant de la sécurisation des JOP et de la projection massive de forces en Nouvelle-Calédonie – ainsi qu’à l’inflation et à l’augmentation du point d’indice, qui l’ont placée dans une situation très délicate entraînant notamment la décision de reporter le paiement des loyers du dernier trimestre 2024 (voir encadré infra). Le général de corps d’armée André Petillot, major général de la gendarmerie nationale, qui représentait la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), a indiqué à votre rapporteur que les crédits prévus dans le cadre du PLF pour 2025 venaient combler ces insuffisances.
Il demeure néanmoins plusieurs points d’alerte sur lesquels votre rapporteur reviendra dans les développements qui suivent. La question des moyens de la réserve opérationnelle lui paraît, en outre, particulièrement sensible : alors que celle-ci est essentielle pour le travail mené par la gendarmerie et le lien « Armées‑Nation », que les effectifs atteignent aujourd’hui 35 400 militaires avec un objectif fixé à 50 000 en 2027, les crédits qui lui sont consacrés connaissent une baisse susceptible d’infléchir sa montée en puissance (voir encadré ci‑dessous).
Point d’alerte : des crédits de la réserve opérationnelle en baisse
La réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale, régie par les dispositions communes relatives à la réserve militaire, assume des missions de renfort de l’action des unités d’active et contribue au renforcement des liens entre les Armées et la Nation.
La LOPMI fixe un objectif de 50 000 réservistes de la gendarmerie en 2027. Les effectifs atteignent aujourd’hui environ 35 400 réservistes.
Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une baisse des crédits consacrés à la réserve opérationnelle : aux 23 M€ prévus dans le cadre de la sécurisation des JOP 2024 qui ne sont logiquement pas renouvelés, s’ajoute une mesure d’économie de 15 M€ sur laquelle votre rapporteur souhaite alerter ses collègues. Une telle mesure d’économie est non seulement susceptible de freiner la dynamique de montée en puissance qui est aujourd’hui celle de la réserve opérationnelle mais aussi d’entraîner une véritable régression. Elle risque ainsi de réduire le rythme de recrutement mais aussi d’avoir un effet démobilisateur sur les personnels d’ores et déjà recrutés et formés qui seront moins employés du fait de cette baisse de crédits.
Recommandation n° 1 : garantir les crédits de la réserve opérationnelle de la police et de la gendarmerie nationales sur le long terme
Les crédits pour les dépenses de personnel du titre 2 demandés pour 2025 apparaissent en hausse de 1,12 % dans le PLF pour 2025 par rapport à la LFI pour 2024. Ils atteignent 9 milliards d’euros en AE et en CP.
Le plafond d’emplois du programme augmente de 454 ETPT entre 2024 et le PLF pour 2025, atteignant 103 077 ETPT. Dans les faits, néanmoins, le schéma d’emplois annoncé est nul : les prévisions d’entrées couvrent les prévisions de sorties à hauteur de 12 972 ETPT. Concernant les entrées, 10 701 primo-recrutements sont annoncés. Les créations de postes bénéficieront pour l’essentiel aux sous-officiers de gendarmerie (+759 ETPT) et aux sous-officiers du corps de soutien technique et administratif (CSTAGN) (+98). Par ailleurs, environ 78 ETPT doivent être supprimés chez les officiers de gendarmerie, en suivant la même dynamique que les années précédentes.
B. Les dépenses de fonctionnement
La dotation de titre 3 (dépenses de fonctionnement) s’élève pour 2025 à 1,9 milliards d’euros en AE et 1,6 milliards d’euros en CP, ce qui représente une hausse par rapport aux crédits votés en LFI pour 2024 de 0,43 % en AE et de 22,79 % en CP.
Cette hausse apparaît absolument nécessaire pour permettre à la gendarmerie de faire face à ses dépenses notamment en matière de loyers (voir encadré), d’énergie et de matériel.
Loyers impayés de la gendarmerie (octobre 2024)
En octobre 2024, la gendarmerie nationale s’est trouvée dans l’incapacité de régler les loyers de certaines gendarmeries, reportant au mois de décembre le paiement des loyers d’octobre et novembre. Le ministère de l’intérieur a indiqué, le 9 octobre 2024, que ces reports du paiement des loyers, représentant un total de 200 M€, avaient été rendus nécessaires par une « insuffisance initiale de crédits », des « dépenses engagées en raison des événements en Nouvelle-Calédonie qui n’avaient pas été anticipées » et le « paiement des dépenses liées à la sécurisation » des Jeux olympiques qui « n’avaient pas été évaluées à leur juste niveau ». Le Ministère a indiqué que ces loyers seraient réglés à la fin de l’année 2024, ce qui a été confirmé à votre rapporteur par le major général de la gendarmerie nationale lors de son audition.
Ce report, qui met en évidence une faiblesse dans l’anticipation budgétaire des besoins de la gendarmerie nationale, place les communes – qui sont des bailleurs essentiels pour la gendarmerie – dans une situation que votre rapporteur tient à dénoncer.
Les leçons de cette défaillance doivent être tirées dans le cadre du PLF pour 2025, afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise.
Cela paraît d’autant plus important aux yeux de votre rapporteur que les difficultés plus structurelles en matière d’investissements dans l’immobilier de la gendarmerie nationale, ont fait l’objet, au cours des dernières années, d’alertes régulières. Le rapport de la Cour des comptes sur l’exécution budgétaire 2023 soulignait ainsi que « les locaux de la gendarmerie nationale représentent 10,96 millions de mètres carrés, pour 3 millions de mètres carrés dans la police nationale. Pour prendre en charge l’état parfois dégradé de ce bâti et faire face aux nouveaux besoins (construction des locaux et logements des nouvelles brigades de gendarmerie, par exemple), les crédits de petit et gros entretien apparaissent insuffisants, en particulier pour la gendarmerie nationale » ([5]) . Le sénateur Bruno Belin avait également souligné la situation dégradée de l’immobilier de la gendarmerie nationale dans le cadre d’un rapport de juillet 2024 ([6]).
Deux problématiques, relevant du fonctionnement et de l’investissement, sont indissolublement liées : comme l’ont rappelé les représentants de la DGGN lors de leur audition, le parc domanial exigerait, pour être maintenu en bon état, un investissement de 80 € par mètre carré (actuellement, en moyenne, il s’élève à 20 €) tandis que les loyers s’élèvent en moyenne à 100 € par mètre carré, voire 180 € si l’on tient compte du flux des loyers. Le sous-investissement dans le parc domanial entraîne donc mécaniquement une augmentation des locations, soumettant les crédits de la gendarmerie à une forte tension du fait de la dynamique des loyers.
Votre rapporteur invite donc à la plus grande vigilance sur ces enjeux lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2025.
C. Les dépenses d’investissement
Les crédits consacrés aux dépenses d’investissement augmentent fortement (+ 112,88 % en AE et + 76,75 % en CP) entre la LFI pour 2024 et le PLF pour 2025. Ils atteignent ainsi respectivement 410,3 (AE) et 319,10 M€ (CP) en PLF pour 2025 contre 192,7 (AE) et 180,6 (CP) M€ en LFI 2024.
Cette hausse des crédits intervient néanmoins alors qu’ils avaient, selon les termes employés par le major général de la gendarmerie nationale, été réduits en 2024 « à leur plus simple expression ». Ces crédits devraient notamment permettre des investissements immobiliers – particulièrement nécessaires voir supra – et le renouvellement d’une partie du parc automobile, largement négligé en 2024, et qui demeurera, avec la commande d’environ 1800 véhicules, très en-deçà de la cible souhaitable.
Votre rapporteur insiste sur la nécessité d’être particulièrement attentif aux besoins d’investissement de la gendarmerie qui sont importants et dont la hausse des crédits en PLF 2025 ne doit pas masquer l’ampleur.
Recommandation n° 2 : formaliser une stratégie de long terme, après concertation des acteurs concernés, pour définir le modèle immobilier qui sera celui de la gendarmerie au cours de la prochaine décennie, en arbitrant nettement entre l’élargissement du parc domanial et le développement du recours à la location
III. Les crédits du programme 207 Sécurité et éducation routières
Les crédits du programme « Sécurité et éducation routières » pour 2025 s’élèvent à environ 84,60 M€ en autorisations d’engagement (AE) et 83,10 M€ en crédits de paiement (CP), contre respectivement 110,4 millions et 108,90 M€en AE et en CP en LFI pour 2024, ce qui représente une baisse de 23,34 % en AE et 23,66 % en CP.
Il convient de noter que le PLF pour 2024 avait marqué une hausse significative des crédits de 46,65 % pour les AE et de 46,39 % pour les CP par rapport à la LFI pour 2023. Cet accroissement des crédits était justifié notamment par le financement d’un centre de contact pour répondre aux sollicitations des usagers des systèmes d’information (action 1).
Votre rapporteur est particulièrement attentif à ces crédits, la délégation à la sécurité routière (DSR) portant une politique publique essentielle qui doit permettre de lutter contre l’insécurité routière. Il espère pouvoir contribuer dans les prochaines semaines à une évolution majeure de notre droit en la matière, avec l’inscription en deuxième lecture à l’Assemblée nationale de sa proposition de loi n° 157 créant l’homicide routier et visant à lutter contre la violence routière ([7]), qu’il souhaite voir adoptée rapidement.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME N° 207 Sécurité et éducation routières
(en euros)
|
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||||
Programme et actions |
Ouverts en LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution 2024/2025 |
Ouverts en LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution 2024/2025 |
207 Sécurité et éducation routières |
110 387 203 |
84 622 634 |
-23,34 % |
108 879 721 |
83 115 152 |
-23,66 % |
01 – Observation, prospective, réglementation et soutien au programme |
13 253 773 |
7 893 342 |
-40,44 % |
13 253 773 |
7 893 342 |
-40,44 % |
02 – Démarches interministérielles et communication |
67 201 857 |
50 270 237 |
-25,20 % |
66 589 375 |
49 657 755 |
-25,43 % |
03 – Éducation routière |
29 931 573 |
26 459 055 |
-11,60 % |
29 036 573 |
25 564 055 |
-11,96 % |
Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2025.
Lors de son audition, Mme Florence Guillaume, déléguée interministérielle à la sécurité routière, a indiqué à votre rapporteur plusieurs difficultés rencontrées dans l’exécution budgétaire 2024, soulignant que les annulations de crédits, les mises en réserve et les gels avaient entraîné une réduction de 37 % du budget de la DSR. Des dépenses ont donc dû être limitées, touchant plus particulièrement les campagnes de communication et la diffusion de messages de sensibilisation dans les médias, ainsi que le financement d’études et de recherches.
Votre rapporteur demeurera donc très attentif à l’exécution budgétaire 2025, aux éventuelles difficultés rencontrées par la DSR au cours de l’année et aux crédits qui lui seront attribués dans le cadre du PLF pour 2026.
IV. Les crédits du programme 161 sécurité civile
Les crédits du programme 161 auxquels votre rapporteur avait déjà eu l’honneur de consacrer une étude dans le cadre de l’examen du PLF pour 2024 ([8]) connaissent une baisse de 4,52 % en AE et de 5,58 % en CP dans le cadre du PLF pour 2025 par rapport aux crédits accordés en LFI pour 2024. Ils s’élèvent ainsi à 861 M€ environ en AE et 831,30 M€ en CP.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME N° 161 Sécurité civile
(en euros)
|
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
|||||
Programme et actions |
Ouverts en LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution 2024/2025 |
Ouverts en LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution 2024/2025 |
|
161 Sécurité civile |
901 673 128 |
860 953 816 |
- 4,52 % |
880 495 462 |
831 353 452 |
-5,58 % |
|
11 – Prévention et gestion de crise |
57 327 476 |
72 227 816 |
+ 25,99 % |
83 653 691 |
62 027 816 |
-25,85 % |
|
12 – Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux |
620 713 153 |
582 559 247 |
- 6,15 % |
541 249 281 |
512 153 696 |
-5,38 % |
|
13 – Soutien aux acteurs de la sécurité civile |
190 350 177 |
172 990 201 |
-9,12 % |
223 134 070 |
222 019 289 |
-0,50 % |
|
14 – Fonctionnement, soutien et logistique |
33 282 322 |
33 176 552 |
-0,32 % |
32 458 420 |
35 152 651 |
+8,30 % |
|
Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2025
Néanmoins, comme le rappelait votre rapporteur dans le cadre de son avis budgétaire sur le programme 161 dans le PLF pour 2024, celui-ci « ne représente qu’une faible partie du montant total des crédits de la sécurité civile » ([9]) . En effet, l’État contribue au tiers de ce montant via des crédits inscrits dans plusieurs programmes du budget général – en plus du programme 161, il s’agit des programmes 354, 149, 205, 181, 204, 190 et 159 ([10]) – et de la fiscalité transférée aux collectivités territoriales (fraction de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance – TSCA).
Dans le cadre de son précédent rapport, votre rapporteur appelait précisément à une modernisation de la clé de répartition de la valeur dynamique de la TSCA s’inspirant notamment des travaux menés sur la valeur du sauvé ([11]) . Si la DGSCGC lui a indiqué avoir travaillé à de nouveaux critères de répartition de la fraction dynamique de la TSCA, une réflexion plus globale semble avoir été réclamée par les collectivités territoriales sur la question de l’assiette de la taxe. Cette réflexion devrait trouver un cadre dans le nouveau chantier du Beauvau de la sécurité civile qui sera consacré au modèle de financement des SDIS.
Votre rapporteur appelle de ses vœux des avancées rapides sur ce sujet qui suscite de très fortes attentes (voir recommandation ci-dessous).
Recommandation n° 3 : mener rapidement à bien, dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile une réflexion permettant d’identifier les indicateurs sur lesquels fonder l’estimation de la valeur du sauvé ; d’actualiser l’assiette de répartition de la TSCA et d’identifier les critères de calcul de la répartition en prenant en compte la richesse des départements, les enjeux environnementaux, la nature du risque et le nombre d’habitants.
En outre, dans une logique de suivi de la bonne application de la loi, votre rapporteur souhaite alerter ses collègues sur l’absence de mise en œuvre de l’exonération de l’accise sur les carburants des véhicules des SDIS (voir encadré et recommandation ci-dessous).
L’exonération de l'accise sur les carburants des véhicules des SDIS : une mesure voulue par le législateur qui n’est toujours pas mise en œuvre
Adopté en commission à l’initiative de votre rapporteur, l’amendement n° CE322 ([12]) a modifié l’article 50 de la loi n° 2023-580 du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie pour prévoir une exonération de l’accise sur les gazoles et essences pour les véhicules des SDIS.
Le décret n° 2024-241 du 19 mars 2024 pris pour l’application des articles L. 312-78-1 et L. 312-78-2 du code des impositions sur les biens et services précise les modalités de remboursement de cette accise. Ce remboursement peut être demandé dès le 1er janvier de l'année suivant l’achat des produits, et ce, jusqu'au 31 décembre de la seconde année suivant cet achat. Il s'applique aux consommations de carburants intervenues depuis le 12 juillet 2023.
Les représentants de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France ont indiqué à votre rapporteur que ces dispositions étaient à leurs yeux satisfaisantes, car elles permettraient une réduction significative des coûts de fonctionnement en intervention des SDIS.
Pour l’heure, cependant, votre rapporteur déplore que cette disposition, voulue par le législateur et essentielle pour l’équilibre budgétaire des SDIS, ne soit pas mise en œuvre, du fait de l’absence de parution de la circulaire d’application du décret du 19 mars 2024. Il appelle donc le Gouvernement à prendre rapidement cette circulaire et sera particulièrement attentif à la conformité de la rédaction de celle-ci à la volonté du législateur. Il alerte par ailleurs ses collègues sur le financement par l’État de ces remboursements qui ne doivent en aucun cas venir affaiblir ou amputer les moyens prévus pour les pactes capacitaires.
Recommandation n° 4 : permettre la mise en œuvre de l’exonération de l’accise sur les carburants des véhicules des SDIS voulue par le législateur en publiant dans les plus brefs délais la circulaire d’application du décret du 19 mars 2024
Les crédits prévus pour les dépenses de personnel du programme 161 connaissent une hausse de 4,53 % en AE et en CP dans le cadre du PLF 2025 par rapport à la LFI pour 2024. Ils atteignent ainsi 241,50 M€ contre 231 M€ l’année précédente.
B. Les dépenses de fonctionnement
Les crédits prévus pour les dépenses de fonctionnement dans le PLF 2025 sont significativement en hausse en ce qui concerne les autorisations d’engagement (+ 48,37 % par rapport à la LFI pour 2024) et en légère baisse (-2,06 %) pour les crédits de paiement. Les premières atteignent ainsi 408,30 M€ en 2025 contre 275,20 M€ en 2024, tandis que les seconds s’élèvent à 240,90 M€ en 2025 contre 246 M€ en 2024.
C. Les dépenses d’investissement
Les crédits prévus pour les dépenses d’investissement sont, quant à eux, en forte baisse (- 77,6 % en AE et – 30 % en CP). Ils s’élèvent ainsi à près de 50 M€ en PLF pour 2025 contre 223,20 M€ en LFI pour 2024 en ce qui concerne les AE. Les crédits de paiement passent, quant à eux, de 198,40 M€ en 2024 à 138,70 M€ en 2025.
Votre rapporteur a identifié lors de ses auditions des besoins d’investissement importants, notamment pour poursuivre la démarche des pactes capacitaires et les moyens de lutte contre les incendies tant aériens (voir encadré ci-dessous) que terrestres, mais aussi pour faire face au risque d’inondation de manière plus efficace.
Les représentants de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France ont insisté auprès de votre rapporteur, lors de leur audition, sur l’insuffisance des moyens nationaux de pompage de grande puissance révélée par les graves inondations de l’année 2023-2024, en particulier dans le Pas-de-Calais. Cette analyse a été confirmée par la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) qui a souligné que des discussions étaient en cours au niveau européen et confirmé que les moyens nationaux étaient, pour l’heure, insuffisants malgré l’acquisition de nouveaux matériels en 2023 grâce aux pactes capacitaires ([13]) . Le directeur général a rappelé qu’en France comme en Europe « l’eau tue beaucoup plus que le feu » et que tous les leviers devraient probablement être mobilisés simultanément dans les prochaines années, en combinant l’achat de matériels tant par les SDIS qu’au niveau national et européen ainsi que le recours à la location. À l’heure où six départements dont les Alpes-Maritimes ont connu de graves intempéries, votre rapporteur souhaite particulièrement attirer l’attention de la Représentation nationale sur les carences en matière de moyens de lutte contre les inondations.
Point d’alerte : le financement et la maintenance de la flotte de Canadair
Au cours de l’été 2024, la presse s’est faite l’écho d’inquiétudes sur l’état de la flotte française d’avions bombardiers d’eau Canadair ([14]). Le vieillissement des appareils, dont la majorité en service datent de 1995 ([15]), entraîne des pannes plus fréquentes, rend difficiles les opérations de maintenance et indispensable le renouvellement de la flotte. Les représentants de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) ont indiqué à votre rapporteur que, dans les périodes les plus critiques, seuls trois appareils sur douze étaient opérationnels cet été.
Le programme annuel de performance 2025 souligne que « le vieillissement progressif des deux autres flottes, particulièrement celle de Canadair, conduit à une lente dégradation des résultats du sous-indicateur « taux de disponibilité opérationnelle des avions de la sécurité civile », ce qui confirme les difficultés révélées par la presse.
Au terme d’un long processus entre six pays candidats – la France, l’Espagne, l’Italie, la Croatie, la Grèce et le Portugal – la DG ECHO de la Commission européenne et l’entreprise Viking (devenue De Havilland Canada - DHC), le lancement effectif de la chaîne de production des nouveaux « CANADAIR » (DHC-515) a été officiellement annoncé le 31 mars 2022, sécurisant le programme européen RescUE avec une commande s’élevant à 12 appareils, soit deux par pays demandeurs. Le marché d’acquisition de ces deux bombardiers d’eau financés majoritairement par des fonds européens ([16]) a été signé en août 2024 pour une livraison attendue en 2028. Il prévoit également une option pour l’acquisition de 14 appareils supplémentaires en vue du renouvellement et du renforcement de la flotte actuelle de Canadair. En outre, afin de respecter les normes de navigabilité en vigueur, un marché de modernisation de l’avionique des CL 415 a été notifié en décembre 2022.
La date tardive de livraison des premiers Canadair ne peut qu’inquiéter votre rapporteur qui redoute les difficultés susceptibles de survenir d’ici 2028, d’autant plus que le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises a précisé lors de son audition que si l’échéance avait été officiellement fixée à 2028, les experts estimaient la livraison effective plus probablement à 2030.
Recommandation n° 5 : formaliser une stratégie de long terme, en concertation avec les acteurs de la sécurité civile, sur le modèle d’investissement dans les moyens de lutte aériens et terrestres contre les incendies ainsi que dans les engins lourds de pompage. Cette stratégie nationale doit permettre d’établir clairement la part de matériel devant être possédée en propre au niveau national, celle devant relever davantage du niveau européen, ainsi que la proportion du recours à des locations considérée comme souhaitable
— 1 —
SECONDE PARTIE : les nouvelles technologies au service de la sécurité intérieure et de la sécurité civile
Votre rapporteur a souhaité consacrer la seconde partie thématique de son rapport aux enjeux attachés au développement et au déploiement de nouvelles technologies au service de la sécurité intérieure et de la sécurité civile.
Le champ de ces nouvelles technologies étant vaste ([17]) , votre rapporteur a choisi de concentrer son étude sur certaines d’entre elles :
L’utilisation de drones équipés de caméras, qu’elle soit le fait des forces de sécurité intérieure ou de sécurité civile ;
Les potentialités offertes par l’intelligence artificielle (IA), notamment en matière de vidéosurveillance et de secours aux victimes dans le cadre de la sécurité civile ;
Les grands enjeux attachés à la cyberprotection ;
Les systèmes d’information, de commandement et de communication utilisés par les services de sécurité intérieure et de sécurité civile ;
Les innovations en matière de lutte contre les incendies.
Convaincu que ces innovations sont amenées à bouleverser profondément les pratiques des forces de l’ordre et des forces de sécurité civile et permettront d’accroître l’efficacité de leur action, votre rapporteur considère qu’il est essentiel de lever les freins qui entravent leur développement et leur déploiement. Cela paraît d’autant plus indispensable dans un contexte de gestion des moyens plus restrictif : les nouvelles technologies peuvent, dans une logique de continuum, permettre d’anticiper certaines menaces afin de mieux employer les ressources humaines.
En outre, l’argument trop fréquemment employé dans le débat public de la faible acceptation par les Français des nouvelles technologies de sécurité semble fragile et discutable aux yeux de votre rapporteur. Les résultats d’un récent sondage ([18]) consacré aux technologies de sécurité innovante montrent, au contraire, que les Français accordent une large confiance aux pouvoirs publics pour l’utilisation de ces nouvelles technologies que sont la vidéoprotection, l’IA et les données biométriques – cette confiance n’étant pas accordée aux acteurs privés, GAFAM notamment, faisant usage de ces mêmes technologies. Ainsi, 87 % des sondés se disent favorables à l’utilisation de la vidéosurveillance dans l’espace public. Ils sont 79 % à avoir confiance dans les caméras aéroportées, 65 % à considérer l’IA comme un outil utile pour les forces de sécurité (33 % exprimant des préoccupations quant à son impact potentiel sur les libertés individuelles). Plus généralement, 63 % des personnes interrogées sont « plutôt confiantes » dans la possibilité de concilier liberté et sécurité grâce aux technologies et la même proportion se dit favorable à la généralisation de l’expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique mise en place durant les JOP.
Votre rapporteur avance donc plusieurs propositions destinées à accroître la coordination des acteurs publics et privés en matière d’innovation, à renforcer les moyens budgétaires consacrés aux investissements en matière de recherche et d’équipements et à faire évoluer le cadre juridique existant, notamment en ce qui concerne la vidéosurveillance dite « intelligente » et biométrique.
I. Les nouvelles technologies : une révolution des pratiques et des moyens des forces de sécurité qui ne fait que commencer
Votre rapporteur considère que les technologies innovantes sont déterminantes pour l’évolution de la sécurité intérieure et de la sécurité civile dans les dix prochaines années. Les auditions menées dans le cadre du présent avis budgétaire ont renforcé cette conviction et lui ont permis d’identifier certaines avancées qui lui paraissent particulièrement prometteuses. Sans prétendre à l’exhaustivité, ce rapport est l’occasion pour lui de poursuivre la réflexion le développement et l’encadrement de certaines grandes technologies mais aussi de porter à la connaissance de ses collègues certains projets qui lui ont été présentés lors de ses auditions et qui ont retenu son attention.
A. Les technologies au service de la sécurité intérieure
Les forces de l’ordre recourent de plus en plus fréquemment à de nouvelles technologies permettant d’améliorer les dispositifs de vidéoprotection, qu’il s’agisse de drones ou de traitements algorithmiques. Votre rapporteur a, en outre, été sensibilisé aux enjeux de cybersécurité, également renouvelés par l’avènement de l’IA. Dans le cadre de la LOPMI, en outre, la police et la gendarmerie nationales effectuent une véritable « mue » numérique destinée à moderniser leurs outils de travail et leurs relations avec le public.
1. La transformation numérique de la police et de la gendarmerie nationales
Dans le cadre de la LOPMI, le ministère de l’intérieur souhaite accélérer sa transformation numérique.
Les principales réalisations en 2024 et 2025 pour répondre aux ambitions numériques pour les métiers de la police concernent le renforcement de la relation avec les citoyens par le développement de nouveaux services numériques et la modernisation de l’action de la police.
Concernant le premier point, la plateforme en ligne Ma Sécurité a pour objectif de mieux accompagner l’usager dans son parcours d’accueil numérique et lui fournir une information fiable dans les meilleurs délais. Déclinée sous la forme d’un portail internet et d’une application mobile, elle est destinée à devenir le portail unique pour accéder facilement à l’ensemble des prestations de sécurité grâce à des pratiques mutualisées et standardisées. Outre cet accueil numérique, l’un des objectifs de la police nationale est de faciliter le dépôt de plainte grâce à trois canaux complémentaires : la pré-plainte en ligne, la plainte en ligne et la visioplainte. Les citoyens ont la possibilité de déposer une pré-plainte en ligne depuis 2021. La nouvelle phase de développement doit permettre de déposer une plainte, sans mise en présence effective avec un policier. En 2024, la plainte en ligne (PEL) est expérimentée en Gironde pour les atteintes aux biens. Une généralisation à l’ensemble du territoire national est en cours et se poursuivra en 2025. Une plateforme déjà en service (THESEE) permet déjà de déposer plainte en ligne dans le champ infractionnel des e-escroqueries. Enfin, un service de plainte en visioconférence, actuellement en cours d’expérimentation, devrait être proposé aux usagers.
Concernant la modernisation de l’action de police, il s’agit pour l’essentiel de permettre au policier d’assurer les mêmes tâches lorsqu’il est en déplacement et au commissariat, grâce au déploiement croissant des terminaux NEO (smartphones et tablettes). Ce passage à la mobilité nécessite des développements d’applications utilisables à la fois sur des PC et sur des smartphones ou tablettes mais aussi des solutions de géolocalisation et de cartographie. Les équipements NEO constituent, par ailleurs, le support des communications radio nouvelle génération, grâce au programme STORM qui permet de moderniser les communications opérationnelles et dont le déploiement se poursuit en 2024 et 2025. Enfin, la mission de contrôle aux frontières est également optimisée grâce aux technologies. Aujourd’hui, la police nationale contribue activement au programme frontières sécurisées et fluides (PFSF) pour garantir une sécurité accrue du territoire national, tout en assurant un franchissement fluide pour les voyageurs et au programme systèmes d’information de l’Union européenne (SIUE). Ainsi, le système d’entrée-sortie (EES), qui entrera en vigueur fin 2024, et sera commun à l’ensemble des États membres de l’espace Schengen, systématisera la capture et la vérification de deux biométries (image faciale et empreinte de quatre doigts) ([19]) pour les ressortissants de pays tiers en court séjour.
2. Les usages des drones pour la vidéoprotection
Les services de sécurité de l’État (police et gendarmerie nationales, douane, armées) peuvent procéder, dans le respect d’un cadre juridique strict, à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images au moyen de caméras aéroportées. Il en va de même pour les acteurs de la sécurité civile (sapeurs-pompiers et marins-pompiers, personnels des services de l’État et militaires des unités investis à titre permanent de missions de sécurité civile ou membres des associations agréées de sécurité civile).
Un cadre juridique strict détermine les conditions dans lesquelles ces dispositifs peuvent être utilisés.
En ce qui concerne les services de sécurité, les conditions d’usage des drones sont déterminées par les articles L. 242-1 à L. 242-8 du code de la sécurité intérieure. La première tentative d’encadrement législatif des caméras aéroportées a fait l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel, celui-ci considérant, à l’occasion de l’examen de la loi du 25 mai 2021, que les finalités et les modalités de l’usage des drones étaient insuffisamment précises. Tirant les enseignements de cette censure, le législateur a, avec la loi du 24 janvier 2022, établi un cadre strict autorisant, d’une part, le recours aux caméras aéroportées en matière de police judiciaire et, d’autre part, à des fins de police administrative.
Pour les missions de police judiciaire :
Les articles 230-47 à 230-53 du code de procédure pénale fixent les règles applicables aux conditions de recours et d’utilisation des caméras aéroportées pour les missions de police judiciaire. L’article 230-47 autorise ce recours dans trois cas : a) la réalisation d’une enquête ou d’une instruction portant sur un délit ou un crime puni d’au moins trois ans d’emprisonnement ; b) la réalisation d’une enquête ou d’une instruction de recherche des causes de la mort ou de la disparition d’un individu ; c) la recherche d’une personne en fuite.
Le recours aux dispositifs aéroportés est autorisé pour une durée maximale d’un mois, renouvelable une fois, dans le cadre d’une enquête préliminaire. En ce qui concerne l’instruction, il est autorisé pour une durée maximale de quatre mois, renouvelable sans que la durée totale des opérations ne puisse excéder deux ans.
L’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction est nécessaire et doit préciser l’objet, les lieux concernés et la durée du recours à ces dispositifs. Le déroulement des opérations est placé sous l’autorité et le contrôle du magistrat qui les a autorisées et qui peut ordonner leur interruption à tout moment. Les enregistrements sont placés sous scellés fermés et il est procédé à la destruction de ces données à l’expiration du délai de prescription de l’action publique et à la diligence du procureur qui en dresse le procès-verbal. Dans le cadre de leurs missions de police judiciaire, les forces de sécurité peuvent recourir aux drones, sans qu’il ne leur soit interdit de filmer l’intérieur d’un lieu privé, contrairement à l’usage prévu en matière de police administrative.
Pour les missions de police administrative
L’article L. 242-5 du code de la sécurité intérieure dispose que les services de la police et de la gendarmerie nationales ainsi que les militaires des armées déployés sur le territoire national dans le cadre de réquisitions et les agents de la douane peuvent être autorisés à procéder à la captation, à l'enregistrement et à la transmission d'images au moyen de caméras installées sur des aéronefs afin d’accomplir certaines missions limitativement définies (voir encadré).
Missions de police administrative pour lesquelles le recours à des caméras aéroportées est autorisé
1° La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés, en raison de leurs caractéristiques ou des faits qui s’y sont déjà déroulés, à des risques d’agression, de vol ou de trafic d’armes, d’êtres humains ou de stupéfiants, ainsi que la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats, lorsqu’ils sont particulièrement exposés à des risques d'intrusion ou de dégradation ;
2° La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public ainsi que l’appui des personnels au sol, en vue de leur permettre de maintenir ou de rétablir l’ordre public, lorsque ces rassemblements sont susceptibles d'entraîner des troubles graves à l’ordre public ;
3° La prévention d’actes de terrorisme ;
4° La régulation des flux de transport, aux seules fins du maintien de l'ordre et de la sécurité publics ;
5° La surveillance des frontières, en vue de lutter contre leur franchissement irrégulier ;
6° Le secours aux personnes.
Ces usages doivent faire l’objet d’une autorisation délivrée par décision écrite et motivée du représentant de l’État dans le département ou, à Paris, du préfet de police.
L’autorisation est subordonnée à une demande précisant le service responsable des opérations, la finalité poursuivie, la justification de la nécessité de recourir au dispositif, afin notamment d'apprécier la proportionnalité de son usage au regard de la finalité poursuivie, les caractéristiques techniques du matériel nécessaire, le nombre de caméras susceptibles de procéder simultanément aux enregistrements, le cas échéant, les modalités d'information du public, la durée souhaitée de l’autorisation et le périmètre géographique concerné.
Plusieurs garanties entourent, par ailleurs, la mise en œuvre de ces dispositifs :
L’article L. 242-6 du code de la sécurité intérieure dispose que des drones équipés de caméras peuvent être utilisés par les sapeurs-pompiers et les marins‑pompiers, les personnels des services de l’État et les militaires des unités investis à titre permanent de missions de sécurité civile ainsi les membres des associations agréées de sécurité civile dans leurs missions de prévention, de protection et de lutte contre les risques de sécurité civile, de protection des personnes et des biens et de secours d’urgence.
Ils peuvent procéder en tous lieux, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, l'enregistrement et la transmission d’images aux fins d'assurer :
1° La prévention des risques naturels ou technologiques ;
2° Le secours aux personnes et la lutte contre l’incendie.
L’exemple de l’unité drone du SDIS des Alpes-Maritimes
La SOS ATLAS (appareils télépilotés de liaison d’appui et de secours) est une section opérationnelle spécialisée du SDIS créée fin 2021. Elle a pour vocation première d’appuyer les commandants des opérations de secours (COS) dans leurs choix tactiques et de fournir des informations pertinentes au CODIS dans le cadre de son travail d’anticipation et de remontées d’informations auprès de la chaîne de commandement et des autorités.
Elle est dotée de quatre aéronefs (2 M2EA qui sont des drones « légers et polyvalents », 1 DJI Avata qui est un drone de petit gabarit permettant la pénétration dans les structures et espaces réduits et 1 M30T, drone de dernière génération orienté sécurité civile et doté notamment d’un zoom x200, d’un télémètre laser permettant le calcul de distance et de surface et d’une caméra thermique). Elle est composée de dix-huit personnes dont six officier de liaison d’aéronefs télépilotés (OLAT) et de 12 télépilotes (4 sapeurs-pompiers professionnels et 8 sapeurs-pompiers volontaires).
Un véhicule léger (électrique), acquis grâce à une subvention « fonds verts », est en cours d’aménagement et facilitera les engagements opérationnels.
Sur le plan budgétaire, les évolutions technologiques de ces équipements sont extrêmement rapides et le Sdis indique considérer qu’un drone est obsolète après un délai relativement court (qui peut être évalué à trois à cinq ans maximum) ce qui peut présenter un frein supplémentaire dans l’équipement des SDIS du fait d’un délai d’amortissement réduit.
En outre, sur le plan de l’encadrement juridique, depuis le 1er janvier 2024, les scénarios standards européens viennent remplacer les scénarios français, les critères de vols étant donc désormais fixés au niveau européen (pour les régimes non dérogatoires). Il demeure des incertitudes quant à la transposition du cadre européen. En l’état actuel, les contraintes législatives et réglementaires sont importantes, du point de vue du SDIS. Une simplification du droit interne et une accélération dans la transposition des textes européens en vigueur seraient opportunes. Une période transitoire est prévue jusqu’au 1er janvier 2026 pour les exploitants professionnels déclarés avant le 31 décembre 2023 (dont le SDIS 06 fait partie). Par ailleurs, concernant les télépilotes, les titres nationaux (habilitations) disparaissent au 1er janvier 2026 ce qui imposera à l’ensemble des agents une nouvelle formation à acquérir avant le 31 décembre 2025 (avec l’obligation de valider la partie théorique tous les 5 ans).
Source : contribution écrite du SDIS 06 aux travaux du rapporteur
Dans le cadre de ses auditions et de ses échanges avec les différents services de sécurité et de sécurité civile de sa circonscription, votre rapporteur a constaté la rigidité du cadre juridique gouvernant l’emploi des drones. Pour les opérations de police administrative et, en particulier de prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens, il pourrait être utile d’envisager une simplification de ce cadre, notamment en ce qui concerne les modalités d’information des personnes qui peuvent remettre en cause l’efficacité opérationnelle
3. La vidéosurveillance « intelligente »
Parmi les technologies de sécurité retenant l’attention de votre rapporteur se distinguent particulièrement les systèmes de vidéosurveillance dits « intelligents » auxquels sont adjoints des logiciels de IA destinés à en renforcer l’efficacité.
Ces technologies peuvent être divisées en deux catégories distinctes : d’une part, les caméras « augmentées » ou « intelligentes », destinées à détecter des comportements considérés comme anormaux ou dangereux, auxquelles cette partie du rapport est consacrée et, d’autre part, les techniques de reconnaissance biométrique, qui permettent d’identifier ou d’authentifier un individu qui font l’objet de développements ultérieurs (voir infra).
Concernant les premières, plusieurs expérimentations ont été conduites ([20]) (voir encadré sur les JOP ci-dessous). La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a publié une position en juillet 2022 soulignant que dans le cadre de l’utilisation de ces nouvelles technologies, « les personnes ne sont donc plus seulement filmées par des caméras mais analysées de manière automatisée afin d’en déduire, de façon probabiliste, certaines informations permettant, le cas échéant, une prise de décisions ou de mesures concrètes les concernant. Un tel changement ne constitue pas une simple évolution technologique de dispositifs vidéo, mais une modification de leur nature (…) Des risques importants pour les libertés individuelles et collectives existent du simple fait de la multiplication, actuelle et anticipée, des dispositifs de vidéo « augmentée » qui pourrait aboutir à un sentiment de surveillance généralisée » ([21]) .
Ces technologies constituent, selon les termes de la Cnil, un « tournant qui va contribuer à définir le rôle qui sera confié dans notre société à ces technologies » ([22]).
Bien conscient de ces enjeux de libertés publiques, votre rapporteur les considère également comme une opportunité importante pour les services de sécurité intérieure. Déployées dans un cadre législatif strict et pleinement respectueux du droit à la vie privée, ces technologies offrent un appui précieux en matière d’aide à la décision et d’allocation des moyens humains qui sont, par nature, limités.
Votre rapporteur tient ainsi à rappeler qu’au cadre juridique s’ajoutent des limites techniques qui minorent les risques que fait courir la vidéoprotection « augmentée » aux libertés publiques : les difficultés de paramétrage des caméras et des logiciels entraînent fréquemment de fausses alertes et la nécessité d’une levée de doute implique potentiellement d’autres moyens techniques (une deuxième caméra) et systématiquement une intervention humaine. Les caméras « intelligentes » ne constituent donc en rien une « solution magique » : elles ne sont qu’un simple appui au travail de l’opérateur dont l’attention est appelée sur certaines situations potentiellement problématiques.
Au terme de ses auditions, votre rapporteur porte un regard très positif sur ces nouvelles technologies dont les expérimentations lui paraissent de nature à rassurer l’ensemble des observateurs sur le respect de l’équilibre entre préservation de la vie privée et amélioration de la sécurité sur la voie publique. Les expérimentations menées dans le cadre des JOP 2024 – mais surtout celles qui se poursuivront dans un cadre moins exceptionnel jusqu’en mars 2025 – doivent être regardées avec le plus grand intérêt (voir encadré et proposition ci-dessous).
L’expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique menée dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de 2024
Le législateur a autorisé le recours à des caméras de vidéoprotection algorithmique, à titre expérimental jusqu’au 31 mars 2025 dans le cadre de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (articles 9 et 10).
Le cadre d’expérimentation des caméras dites « augmentées », « intelligentes » ou de « vidéosurveillance algorithmique » (VSA) établi par l’article 10 de la loi du 19 mai 2023, est restrictif :
– une finalité unique : assurer la sécurité de manifestations sportives, récréatives ou culturelles particulièrement exposées à des risques d’attaque terroriste ou autre atteintes graves à l’intégrité des personnes ;
– un périmètre limité aux lieux accueillant ces manifestations, leurs abords, les moyens de transport et voies publiques ;
– les traitements algorithmiques ont pour unique objet de détecter une série « d’évènements prédéterminés » et les signaler à un opérateur, en excluant l’utilisation de données biométriques (par exemple, la reconnaissance faciale) ;
– les traitements ne peuvent être mis en œuvre que par un nombre limité d’acteurs : les services de police nationale, de gendarmerie nationale, d’incendie et de secours, de police municipale et, enfin, les services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP ;
– le public doit être informé de l’utilisation du dispositif de vidéoprotection ;
– l’utilisation des traitements est limitée au rôle d’aide à la décision ;
– un double dispositif d’évaluation est prévu, par un comité de pilotage pendant l’expérimentation, puis par un comité d’évaluation (comité « Vigouroux ») à la suite de l’expérimentation ;
– l’utilisation des caméras VSA est à titre expérimental jusqu’au 31 mars 2025.
Le décret n° 2023-828 du 28 août 2023 ([23]) fixe les modalités d’application de cet article. L’article 3 du décret, notamment, établit la liste des évènements prédéterminés qu’un traitement algorithmique peut avoir pour objet de détecter, en ce qu’ils sont susceptibles de présenter ou de révéler un risque d’acte de terrorisme ou d’atteinte grave à la sécurité des personnes. Il s’agit des évènements suivants :
– présence d’objets abandonnés ;
– présence ou utilisation d’armes de catégories A à D ([24]) ;
– non-respect par une personne ou un véhicule, du sens de circulation commun ;
– franchissement ou présence d’une personne ou d’un véhicule dans une zone interdite ou sensible ;
– présence d’une personne au sol à la suite d’une chute ;
– mouvement de foule ;
– densité trop importante de personnes ;
– départs de feux.
Après des expérimentations préalables, 185 caméras fixes ont été utilisées par les forces de sécurité intérieure lors des JOP, et 300 licences flottantes (pas liées à une seule caméra de vidéosurveillance) par la RATP permettant l’utilisation d’autant de caméras simultanément.
Un rapport d’évaluation doit être présenté au Parlement dans le prolongement de cette expérimentation. Les auditions menées par votre rapporteur – et notamment celles de la Cnil, de la DGPN et de la préfecture de police de Paris – lui permettent cependant de formuler dès à présent quelques remarques et une recommandation.
Il note tout d’abord que ces outils sont reconnus par les forces de l’ordre comme extrêmement utiles. Ce constat doit être nuancé par le fait que les JOP, offrant un terrain d’expérimentation d’une ampleur exceptionnelle, ne constituaient pas forcément le meilleur cadre pour prendre toute la mesure de l’utilité de ces dispositifs : la présence de personnels en nombre très important les rendait, en réalité, moins nécessaires qu’en temps normal. Votre rapporteur accordera donc la plus grande attention aux expérimentations qui continueront d’être menées jusqu’en mars 2025 dans un contexte plus ordinaire.
Par ailleurs, ses auditions lui ont permis d’identifier deux autres cas d’usage qui pourraient être utilement ajoutés à ceux déjà autorisés par décret : il s’agit de la détection d’une densité trop importante de personnes hors des manifestations sportives, récréatives ou culturelles ainsi que de la détection automatique de banderoles apposées sur des monuments publics.
Recommandation n° 6 : En tenant compte des conclusions du rapport d’évaluation prévu par l’article 10 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 et des expérimentations qui continueront d’être menées jusqu’en mars 2025, élargir le spectre des évènements pouvant être détectés par les logiciels et envisager la généralisation du cadre expérimental d’usage des caméras de vidéosurveillance algorithmique
4. Les grands enjeux de la cybersécurité
La stratégie nationale pour la cybersécurité, dotée d’un milliard d’euros, dont 720 millions de financements publics, a fait l’objet d’un financement dans le cadre de France Relance et du Programme d’investissements d’avenir. Elle poursuit plusieurs objectifs qui devant être atteints à l’horizon 2025 :
multiplier par trois le chiffre d’affaires de la filière (passant de 7,3 milliards à 25 milliards d’euros) ;
positionner la France par rapport à la concurrence internationale en doublant notamment les emplois de la filière (passant de 37 000 à 75 000) ;
structurer la filière et repositionner la France par rapport à la concurrence internationale en nombre d'entreprises ;
faire émerger trois licornes françaises en cybersécurité en s'appuyant sur les grandes start-up du secteur, et notamment celles membres du French Tech 120 ;
diffuser une véritable culture de la cybersécurité dans les entreprises ;
stimuler la recherche française en cyber et l'innovation industrielle (hausse de 20 % des brevets).
Le programme de recherche (PEPR) « cybersécurité » s’intègre au sein de cette stratégie et bénéficie d’un financement de 65 M€ sur huit ans.
Le programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) « cybersécurité »
Lancé en juin 2022, le PEPR « cybersécurité » poursuit les objectifs suivants :
- Lancer et financer dix défis scientifiques en cybersécurité ;
- Structurer des communautés de recherche ;
- Obtenir des avancées scientifiques en cybersécurité
- Faire émerger des technologies de rupture bénéficiant à l’ensemble des acteurs français de la filière.
Mené en étroite collaboration avec la communauté nationale de la recherche, son pilotage scientifique a été confié au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria). Il mobilise désormais une vingtaine d’universités et de grandes écoles, représentant au total 300 chercheuses et chercheurs.
L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) est l’autorité nationale en matière de cybersécurité. Elle est placée sous l’autorité du Premier ministre et rattachée au secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), ce qui lui permet de déployer une politique globale de cybersécurité et d’en assurer la coordination interministérielle. L’objectif de cette politique est de défendre les infrastructures numériques publiques et privées identifiées comme les plus critiques.
L’agence coopère ainsi avec de multiples partenaires publics et privés, nationaux comme internationaux. La recherche en matière de cybersécurité en partenariat avec le monde académique permet l’anticipation des menaces et l’accompagnement par l’agence des évolutions technologiques dans leur composante de sécurité. C’est sur ces interactions avec le monde de la recherche que votre rapporteur a plus particulièrement choisi de se concentrer en auditionnant les représentants du CNRS.
Le CNRS a mis en œuvre une démarche reposant sur la création de onze filières stratégiques, dont la filière cybersécurité. Cette démarche a pour objectif de faciliter les collaborations de recherche en cybersécurité entre des entreprises et des laboratoires du CNRS.
Une équipe est notamment chargée de représenter le CNRS au sein du « programme de transfert » au Campus Cyber. Ce programme, qui s’inscrit également dans la stratégie nationale, est doté de 40 M€ sur cinq ans. Il a pour objectif de développer une dynamique de transfert de compétences et de technologies entre les acteurs de la recherche publique, les entreprises de la cybersécurité et les services de l’État. Les laboratoires du CNRS entretiennent, en outre, des relations suivies avec les ministères de la défense et de l’intérieur par l’intermédiaire d’expertises et de contrats de recherche.
Les start-ups issues du CNRS au cœur de l’innovation en matière de cybersécurité
Sur 1400 start-ups issues d’unités mixtes de recherche CNRS, 38 % opèrent dans le secteur des technologies de l’information et de la communication, avec une part significative relevant de technologies de cybersécurité.
Cyber-Detect, fruit de dix années de recherche au LORIA, offre des produits et services, notamment en analyse de codes malveillants et de virus informatiques. Lauréate du concours i-lab 2019, la start-up Cosmian propose une plateforme pour diffuser et exploiter des données, notamment personnelles, sans les compromettre. Issue du Laboratoire d’informatique et systèmes, KeeeX développe un certificat d’authenticité numérique universel et inviolable qui protège les documents, les photos et les vidéos contre toute tentative de fraude. Enfin, la start-up rennaise Acklio, issue de l’IRISA, entend sécuriser les échanges tout en garantissant l’interopérabilité des différents réseaux de l’Internet des objets. FACE-ALIVE est une start-up créée en 2022 spécialisée dans la sécurité biométrique et adossée au GIPSA-lab.
Source : réponses écrites transmises par le CNRS
Lors de son audition, M. Jean-Yves Marion, président du Conseil Scientifique du groupement de rechercher du CNRS sur la sécurité cyber et membre du conseil scientifique de l’ANSSI, a indiqué à votre rapporteur les trois enjeux qui lui paraissaient les plus cruciaux pour l’avenir en matière de cybersécurité :
l’ensemble des technologies développées sur le fondement du calcul quantique font aujourd’hui l’objet d’une course mondiale à l’innovation ([25]) et sont susceptibles de bouleverser les techniques de cybersécurité ;
la France, en outre, fait partie des pays en pointe en matière de cryptographie et doit consentir les efforts nécessaires pour maintenir son avance ;
enfin, M. Jean-Yves Marion s’est inquiété des enjeux attachés à la désinformation qui résultent du développement de l’intelligence artificielle générative dont les usages sont encore peu encadrés par le droit et qui sont susceptibles de modifier très fortement le rapport à l’information des citoyens.
Votre rapporteur souhaite insister sur deux limites soulignées par les représentants du CNRS lors de leur audition :
La frilosité des entreprises vis-à-vis des laboratoires de recherche demeure réelle, malgré les nombreux mécanismes de collaboration mis en œuvre, ce qui a des conséquences sur l’efficacité de l’écosystème dans son ensemble.
L’exploitation des données de sécurité (traces d’attaques, de compromission, etc.) à des fins de recherche est essentielle dans le contexte du développement de l’intelligence artificielle. Or, pour l’heure, le transfert et la mise à disposition de données entre acteurs industriels et étatiques et laboratoires de recherche se heurte à de nombreux obstacles non seulement techniques mais aussi juridiques.
Recommandation n° 7 : en lien avec la Cnil, envisager la révision du cadre juridique régissant la mise à disposition et l’exploitation de données de sécurité à des fins de recherche
B. Les technologies au service de la sécurité civile
1. Des systèmes d’information, de commandement et de communication de plus en plus sophistiqués
Le projet NexSIS 18-112 harmonise les systèmes d’information utilisés par les SDIS pour garantir une meilleure interopérabilité entre ceux-ci et avec les autres acteurs de la sécurité.
Les attentats de novembre 2015 avaient, en effet, révélé un défaut d’interopérabilité des systèmes d’information des acteurs de la sécurité civile et des forces de sécurité intérieure, chaque SDIS s’étant équipé unilatéralement, auprès de différents fournisseurs, en systèmes de gestion d’alerte (SGA) et de systèmes de gestion opérationnelle (SGO), pour un coût conséquent.
Le système NexSIS 18-112 propose donc un ensemble composé de quatre éléments : un SGA, un SGO, un système de gestion de crise (SGC) et un système de gestion des échanges (SGE), ce dernier destiné à améliorer les échanges avec les forces de sécurité intérieure via une interface dédiée ([26]).
Le projet est porté par l’Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) qui agit en coordinateur de l’État, des SIS et des collectivités territoriales selon un contrat d’objectifs et de performance signé entre ces différentes entités ([27]).
Si l’objectif principal de cette technologie consiste en une amélioration de l’efficacité des interventions en matière de sécurité civile – mesurée en termes de délais d’intervention dans le projet annuel de performance pour 2025 –, des gains budgétaires sont également attendus. Les dépenses actuelles des SIS en systèmes d’information et de communication, qui sont élevées, devraient être réduites par la généralisation de NexSIS ([28]). Le modèle de financement du système NexSIS 18‑112 prévoit à long terme, après la phase de développement et de déploiement du projet subventionnée par l’État, un autofinancement par les redevances des SIS ([29]) .
Malgré des retards ayant entraîné des révisions du budget prévu, le déploiement de NexSIS 18-112 est désormais initié dans quatre départements pilotes (la Seine-et-Marne, la Corse-du-Sud, l’Indre-et-Loire et le Var). Le déploiement complet est prévu pour 2029, dans 99 SIS.
b. Le projet de réseau radio du futur (RRF)
Le projet « Réseau Radio du Futur » (RRF) doit, pour sa part, remplacer le réseau ANTARES ([30]) ou d’autres réseaux radio bas débit tels que RUBIS ou l’Infrastructure nationale partagée des transmissions (INPT) ([31]), en permettant une harmonisation pleine et entière de l’ensemble des acteurs de la sécurité civile et de la sécurité intérieure, afin d’améliorer leur coordination et réduire les délais d’intervention ([32]).
Lancée en 2017 par le Président de la République, l’Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (ACMOSS) conduit ce projet depuis sa création en 2023 ([33]) . Le projet RRF est défini au sein de l’article 11 de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur pour 2024-2027 (dite « LOPMI ») Sur le fondement d’un financement conjoint français – programme 216 et France Relance – et européen (NextGenerationEU), l’ACMOSS assure la coordination de la conception, du déploiement, de la maintenance et du fonctionnement du projet RRF, qui constitue un « système de télécommunication unique et mutualisé (…) pour l’ensemble des acteurs de la sécurité et du secours de l’État, des collectivités territoriales et des associations et de tout organisme public ou privé chargé de mission de service public dans ce domaine » ([34]).
Le conseil d’administration de l’ACMOSS, présidé par l’ancien directeur d’Orange Business Service, M. Thierry Bonhomme est constitué de représentants du ministère de l’Intérieur (DGPN, DGGN, DGSCGC, DGSI, préfet de police et de la DTNUM), du directeur interministériel du numérique, du SGDSN ainsi que de représentants de plusieurs ministères (chargés de budget, défense, collectivités territoriales, douanes, santé, justice et écologie).
Le RRF assure l’avènement d’un système de communication haut débit (5G), sécurisé, prioritaire (clause du marché public de « priorité-préemption » des utilisateurs de RRF sur le réseau des opérateurs), résilient, et garantissant un surcroît de mobilité pour les agents des sécurités intérieure et civile, grâce au développement conjoint du projet entre l’ACMOSS, le groupement Airbus/Capgemini, les opérateurs Orange et Bouygues Telecom et la société Eviden.
L’année 2023 correspondait à la phase de conception de l’architecture du RRF, réalisée avec des data-centres français. Une première version du RRF a été déployée en parallèle sur le Cloud PI du ministère de l’Intérieur, selon le rapport « Un an d’action » de l’ACMOSS, qui prévoit un déploiement des services RRF d’ici avril 2025 dans vingt-trois premiers départements. D’ici le déploiement généralisé, l’ACMOSS ouvrira progressivement les services RRF à d’autres administrations identifiées – dont, par exemple, les services de l’administration pénitentiaire en 2025.
Les systèmes NexSIS 18-112 et « Réseau Radio du Futur » constituent ainsi des exemples de gestion partenariale de projets d’innovation, entre différents acteurs publics et privés, à travers des agences dédiées, concourant à une amélioration de l’efficacité de la sécurité civile.
2. Des innovations en matière de lutte contre les incendies
Les auditions des représentants de la FNSPF, de la DGSCGC et du général Arnaud de Cacqueray, commandant la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) ont permis à votre rapporteur de prendre connaissance d’un certain nombre d’innovations en matière de lutte contre les incendies, qui ont particulièrement retenu son attention (voir encadré ci-dessous).
Ces innovations peuvent être de plusieurs natures :
En matière de moyens aériens, l’acquisition de quarante-deux nouveaux hélicoptères H145 pour la sécurité civile et la gendarmerie nationale présente un intérêt majeur en termes de modernisation des équipements. Ces appareils comportent de nombreuses innovations technologiques qui en améliorent la sécurité et l’efficacité opérationnelle : le cockpit numérique et le pilote automatique à quatre axes offriront une meilleure stabilité et maniabilité, y compris dans des conditions extrêmes. L’ajout de caméras thermiques de haute performance et de capacités comme la projection d’unités spécialisées, le blindage pour des missions sensibles ou encore un treuil pour les opérations de sauvetage, renforce considérablement le potentiel opérationnel de la Sécurité civile. De plus, la capacité d’hélicoptère bombardier d’eau, capable de larguer près de 1 000 litres d’eau, permettra une intervention immédiate sur les feux naissants, en attendant l’arrivée des avions plus lourds.
En matière de détection précoce des feux, le projet Condor présenté par la DGSCGC dans le cadre du fonds « innovation achats 2023 » (voir infra) est en cours de développement sur l’année 2024 et se propose d’explorer un concept novateur de vigie aérienne autonome, enrichie par une intelligence artificielle, permettant la détection précoce des fumées issues de feux naissants dans des espaces naturels. Cette initiative constitue une première à l’échelle nationale et potentiellement européenne et pourrait permettre de transformer radicalement l’approche de la surveillance et de la gestion des incendies.
Concernant les tenues de feu des sapeurs-pompiers, la BSPP travaille sur l’intégration de dispositifs lumineux puissants dans ces tenues. L’objectif est que les LED ainsi intégrées s’activent lorsque le sapeur-pompier demeure sans mouvement pendant une période de temps donné, en complément du dispositif d’alarme sonore déjà existant. Les expérimentations conduites jusqu’à présent permettent d’évaluer à 7 le degré de maturité technologique ([35]) de cette innovation. Les représentants de la BSPP ont indiqué à votre rapporteur que la solution pourrait être intégrée dans un à deux ans avec un besoin financier évalué à 50 000 €.
De manière plus générale, la BSPP travaille à la numérisation de son espace opérationnel, développant une tenue de feu connectée, des capteurs de température ou de données constantes, ainsi que des appareils respiratoires individuels (ARI) connectés. L’investissement financier pour le développement d’un tel projet (POC) est estimé à 160 000 euros.
La lance diphasique (projet DELTAe) : une innovation majeure en matière de lutte contre les incendies
La lance diphasique est une technologie innovante susceptible de révolutionner l’extinction des incendies qui a été présentée à votre rapporteur par le général Arnaud de Cacqueray commandant la brigade de sapeurs-pompiers de Paris lors de son audition.
Elle met en œuvre un système d’écoulement par brumisation en deux phases, projetant un mélange d’eau et d’air comprimé. La détente d’air permet la fragmentation des gouttelettes d’eau, qui sont propulsées à très haute vitesse et offrent couverture optimisée de l’incendie visé.
Grâce à ce système de fragmentation, le procédé permet de consommer six à huit fois moins d’eau qu’une lance traditionnelle, avec un taux d’atténuation du feu supérieur de 25 % à celui d’une lance de 400 litres par minute (L/min).
Cette technologie présente donc des avantages tant opérationnels (maniabilité de l’outil, mobilité et protection du pompier accrues lors des interventions) qu’écologiques (moindre utilisation d’eau) ou budgétaires (estimation d’une économie du coût de l’eau de 1,3 Md€ par an pour les travaux de défense extérieure contre les incendies).
Le projet est à l’initiative de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), qui a mis en place une collaboration avec la start-up française Zelup dès 2017, visant à adapter la technologie de l’entreprise au cahier des charges de la BSPP, avec le soutien du Laboratoire central de la préfecture de police de Paris (LCPP) et du Laboratoire énergies et mécaniques théorique et appliquée (LEMTA) de l’Université de Lorraine. Le financement a été assuré à hauteur de 70 % par l’Agence pour l’innovation de défense (AID) pour un coût total de 972 000 €. La mise au point opérationnelle a été effectuée avec différents acteurs de la sécurité civile (marins-pompiers de Marseille, SDMIS de la région lyonnaise, SDIS 77 et SDIS 35 principalement), pour une mise en service initiée en mars 2023 au centre de secours de Champigny.
La lance diphasique constitue ainsi, aux yeux de votre rapporteur, un exemple remarquable de coordination des acteurs de l’innovation en matière de sécurité et de développement de technologies de rupture sur le territoire français constituant une réponse directe aux besoins des sapeurs-pompiers.
3. L’intelligence artificielle au service des victimes
Par ailleurs, plusieurs projets destinés à mettre l’intelligence artificielle au service des victimes ont été développés notamment par la BSPP.
Le programme Intuition utilise des algorithmes d’analyse de la voix, des bruits et des émotions pour accélérer la détection de l’arrêt cardiaque et accélérer l’envoi des secours – en tenant compte du fait qu’un gain d’une minute dans la mise en œuvre des gestes de premiers secours augmente de 10 % les chances de survie de la victime. La maturité de la solution est estimée à un TRL de 7 (correspondant à une démonstration dans un environnement opérationnel) et la solution pourrait être intégrée aux pratiques de la BSPP dans un délai de deux ans à condition de parvenir à l’intégrer à NexSIS.
L’application Reflets doit permettre de rendre compte de la couverture opérationnelle BSPP en simulant des événements ou des tendances provoquant des départs des secours. Il s’agit de prendre en compte les incidences notamment en termes de stationnement des engins, de sollicitation des différents centres de secours et de délai de présentation des engins afin de proposer des mesures plus pertinentes d’anticipation et d’organisation. La maturité de la solution est estimée à un TRL de 6 (correspondant à une démonstration dans un environnement réel simulé).
Concernant l’emploi de drones, le projet Libellule vise une amélioration de la réponse opérationnelle à la prise en charge des arrêts cardiorespiratoires (ACR) via le développement d’un drone autonome livreur de défibrillateur semi-automatique permettant d’accélérer la prise en charge des victimes. Dans la même logique, la BSPP a mené à la fin de l’année 2022 une expérimentation avec une entreprise française permettant la livraison de bouée par drone autonome à des personnes tombées dans un cours d’eau. Le concept fonctionne sur la Seine et l’entreprise travaille à son développement. La maturité de cette solution est estimée à un TRL de 8 (qualification du système complet dans un environnement opérationnel) sur 9 (correspondant à la validation du système dans un environnement réel). En revanche, le concept du drone livreur de défibrillateur n’a pas été testé en environnement urbain réel par manque de ressources financières, les besoins étant estimés à 1,20 M€. Ses potentialités de développement sont très intéressantes et parfaitement synergiques avec le projet Intuition et deux autres projets de la BSPP que sont l’application Staying Alive et le développement du nouvel outil Géocoeur.
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II. Lever les freins qui limitent le développement et la diffusion des nouvelles technologies au service de la sécurité intérieure et de la sécurité civile
A. Investir plus massivement dans la recherche et l’acquisition de technologies innovantes
Au terme de ses auditions, votre rapporteur identifie une insuffisance en matière d’investissements dans les nouvelles technologies de sécurité et de sécurité civile. La première partie du présent rapport confirme le diagnostic posé par la Cour des comptes qui soulignait dans son rapport sur l’exécution budgétaire de la mission « sécurités » pour 2023 que « les hausses des rémunérations et l’inflation ont conduit les responsables de programme à réduire les investissements, alors que les besoins sont importants » ([36]). Votre rapporteur s’inquiète de la relégation au second plan des problématiques d’investissement – tant dans l’immobilier que dans le développement et l’acquisition de matériel innovants – qui sont pourtant centrales pour l’avenir des forces de police, de gendarmerie et de sécurité civile.
Les représentants de la DGPN admettaient ainsi lors de leur audition une « dette technologique énorme » concédant que les crédits étaient essentiellement consacrés à l’entretien de l’existant aux dépens des investissements dans de nouvelles technologies.
Des efforts de réorganisation ont pourtant été consentis pour mettre en œuvre les exigences de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI), le ministère de l’intérieur ayant souhaité mieux structurer la fonction numérique avec notamment la création de la direction de la transformation numérique (DTNum) et de l’Agence du numérique des forces de sécurité intérieure (ANFSI). La LOPMI prévoit des crédits s’élevant à 7 milliards d’euros consacrés au numérique et 450 postes à temps plein sur cinq ans.
L’agence du numérique des forces de sécurité intérieure (ANFSI)
Créée le 1er septembre 2023, l’ANFSI est placée sous l’autorité conjointe des directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Elle est chargée de concevoir, conduire les projets et sécuriser les systèmes d’information et de communication « métiers » indispensables à l’exécution des missions opérationnelles des forces de sécurité intérieure sur l’ensemble du territoire national.
Par ailleurs, si des fonds dédiés à l’innovation sont disponibles pour les acteurs du secteur public, la diversité des sources de financement, des critères d’éligibilité et des processus d’attribution en complexifie l’accès pour les bénéficiaires potentiels et, dans le cas de la sécurité civile, la territorialisation des SDIS conduit chaque directeur à développer une stratégie spécifique en matière d’investissements humains et financiers, notamment dans l’adoption de nouvelles technologies et l’expérimentation de projets innovants ([37]).
Les fonds consacrés exclusivement à l’expérimentation et à l’achat de technologies innovantes :
Deux fonds publics dédiés exclusivement à l’expérimentation et l’achat de technologies ont été créés :
– Le fonds « innovation achats 2023 » de la direction des achats de l’État (DAE) en 2023, doté de 3 M€, s'inscrivait dans l'objectif de soutenir l'innovation par les achats publics, tel que promu par le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. Ce fonds a été créé pour pallier le manque de financement, identifié comme un obstacle majeur dans le cadre du Plan achats de l'État. Il est donc destiné à financer des projets innovants en réponse aux enjeux contemporains comme la transition écologique et la souveraineté nationale. Les ministères, leurs services déconcentrés, et les établissements publics de l’État pouvaient candidater. Les projets éligibles devaient coûter moins de 100 000 euros HT et présenter un caractère innovant en termes de produits, services ou méthodes organisationnelles.
– Le fonds « Innov’Achats » du ministère de l’intérieur, créé dans le prolongement de la validation de la feuille de route stratégique « Achats publics et innovation 2024-2027 » en novembre 2023, qui s'inscrit dans les objectifs de la LOPMI visant à orienter la politique d'achat vers l'innovation. Ce fonds est dédié au financement d'expérimentations et d'innovations, avec un accent particulier sur les projets dont le coût est inférieur à 100 000 € hors taxes. Ce dispositif financier transversal, imputé sur le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », vise à soutenir la réalisation d’initiatives s’inscrivant dans les objectifs de France 2030 et les 60 politiques prioritaires du gouvernement. Pour 2024, un budget de 2 M€ a été alloué à ce fonds.
B. Améliorer la structuration et la coordination de l’ensemble des acteurs du continuum de sécurité dans le développement et la diffusion des technologies de sécurité et de sécurité civile
1. Une structuration récente et encore inachevée du dialogue entre l’État et les entreprises de technologies de sécurité
La direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (DEPSA), dont votre rapporteur a entendu en audition la directrice, Mme Julie Mercier, a été créée en juillet 2023 et rassemble plusieurs services et directions jusqu’alors distincts pour « structurer, au plan national, les partenariats de sécurité avec l’ensemble des acteurs du continuum ». Cette création toute récente témoigne d’une prise de conscience de la nécessité de mieux organiser le dialogue et les partenariats entre l’État et les entreprises mais aussi de contribuer à la structuration d’une filière caractérisée par la grande diversité de ses acteurs.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 ([38]) souligne que « la sécurité est en effet désormais reconnue comme un domaine de recherche important. La mise en place d’une politique de recherche et d’innovation constitue le préalable au positionnement de nos industries sur des niches à fort potentiel » ([39]) . Les enjeux y sont clairement identifiés : « Le marché de la sécurité demeure cependant fragmenté, tant du côté de l’offre que de la demande. Les conditions propices à l’industrialisation à plus grande échelle de solutions innovantes de sécurité, accessibles au juste coût et compétitives sur les marchés exports doivent être créées. En conséquence, une politique interministérielle visant à organiser une filière industrielle de la sécurité sera mise en place. Elle sera pilotée par un comité de filière, qui associera les principales parties prenantes au développement des technologies et du marché dans ce domaine » ([40]). Un comité de filière a ainsi été créé, puis un contrat stratégique de la filière industrie de sécurité conclu pour la période 2020-2022 ([41]). Le renouvellement de ce contrat est en cours de négociation.
Contrairement à la filière de l’industrie de défense, la filière de l’industrie de sécurité se présente comme éparpillée, peu structurée et entretient des relations avec l’État d’une nature très différente : si le budget du ministère de la défense lui permet d’être un donneur d’ordre et un acquéreur majeur pour sa filière industrielle, tel n’est pas le cas du ministère de l’intérieur vis-à-vis des industries de sécurité. La DEPSA assume donc un rôle d’animateur de la filière, de veille et de facilitateur des échanges entre les différents acteurs. L’un des principaux défis aux yeux de votre rapporteur consiste à accroître la représentativité de la filière et à en renforcer la structuration. Pour l’heure, il semble que les entreprises de taille intermédiaire et les PME, ainsi que les start-ups, soient insuffisamment représentées au sein de la commission « Sécurité » du Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) dominée par les grands groupes de l’industrie de défense.
Recommandation n° 8 : Encourager la meilleure représentativité de l’ensemble de la filière de l’industrie de sécurité dans ses échanges avec l’État
Par ailleurs, comme le suggérait Mme Julie Mercier lors de son audition, les travaux relatifs à la mise en place d’un label « sécurité française » destiné à favoriser le développement des entreprises françaises à l’export pourrait permettre des avancées.
Recommandation n° 9 : Accélérer les réflexions sur la création d’un label « sécurité française » susceptible de mieux valoriser à l’export les solutions de sécurité innovantes développées par les entreprises françaises
2. Une coordination des acteurs en matière de technologies de sécurité civile à bâtir
Pour ce qui concerne les liens entre les acteurs de la sécurité civile et les acteurs industriels et de l’innovation, les représentants de la FNSPF ont insisté lors de leur audition sur la nécessité de renforcer et de formaliser leur coordination. Parmi les pistes qui pourraient être envisagées dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile pour moderniser la gouvernance de la sécurité civile, la création d’une agence nationale de l’innovation de sécurité civile chargée du pilotage de cette politique et de la coordination de l’ensemble des acteurs doit être examinée avec la plus grande attention.
Recommandation n° 10 : Envisager la création une agence nationale de l’innovation de sécurité civile chargée du pilotage stratégique de cette politique et de la coordination de l’ensemble des acteurs publics et privés (acteurs de la sécurité civile dont les besoins doivent être clairement identifiés, acteurs de la recherche et entreprises de la filière)
C. Adapter le cadre juridique applicable notamment en matière de vidéoprotection
Enfin, votre rapporteur n’a pu que constater que les freins au développement et au déploiement des nouvelles technologies de sécurité et de sécurité civile n’étaient pas seulement budgétaires ou organisationnels mais également juridiques.
Il a eu l’occasion, dans les précédentes parties de ce rapport, de mentionner plusieurs de ces blocages :
les difficultés de mise à disposition par les autorités et d’utilisation des données personnelles et des données liées à des cyberattaques à des fins de recherche, qui limitent l’efficacité de la recherche en matière de cyberdéfense. Une simplification du cadre juridique, dans le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD) pourrait être envisagée sur ce point ;
le cadre juridique d’emploi des dispositifs de caméras aéroportées apparaît aujourd’hui restrictif en ce qui concerne certaines missions de police administrative. Des évolutions pourraient utilement être étudiées par le législateur.
C’est cependant la question des nouvelles technologies en matière de vidéosurveillance augmentée qui lui paraît cristalliser les débats les plus vifs.
En ce qui concerne la vidéosurveillance algorithmique, votre rapporteur préconise l’élaboration d’un cadre national législatif cohérent comme y invitait la Cnil dans sa prise de position de juillet 2022 ([42]) : « Dès lors que la légitimité de certains usages de ces technologies serait actée, la CNIL estime indispensable d’établir un socle de confiance nécessaire à leur implantation et à leur pérennisation. Un cadre juridique clair, qui devrait passer par l’édiction de normes spécifiques, doit permettre de développer des technologies européennes compétitives incarnant des modèles protégeant la vie privée dès la conception (« privacy by design »), sur la scène nationale, européenne et internationale. Elle estime tout autant nécessaire de définir collectivement certaines « lignes rouges » à ne pas franchir ». Une fois achevée la phase d’expérimentations qui caractérise le développement actuel de ces technologies, il conviendrait donc de fixer clairement dans la loi le cadre permettant leur déploiement.
Sur la question, plus polémique encore, de la reconnaissance faciale et biométrique, votre rapporteur estime qu’il est nécessaire d’avancer, de manière pragmatique et en assumant un réel débat politique et sociétal. La reconnaissance faciale est définie par la Cnil comme une « technique informatique et probabiliste qui permet de reconnaître automatiquement une personne sur la base de son visage, pour l’authentifier ou l’identifier » ([43]) . Elle fait partie de la catégorie des techniques biométriques permettant d’identifier un individu à partir de ses caractéristiques physiques, biologiques ou comportementales.
La reconnaissance biométrique fait l’objet d’un très strict encadrement et d’une interdiction de principe, l’article 88 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés prévoyant néanmoins la possibilité de déroger à cette interdiction de traitement des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique prévue par l’article 6 de la même loi. Cette dérogation n’est possible qu’en cas de « nécessité absolue, sous réserve de garanties appropriées pour les droits et libertés de la personne concernée ». Le recours à la reconnaissance faciale demeure, en France, marginal.
La reconnaissance faciale en France
Pour l’heure, le recours à la reconnaissance faciale en France est extrêmement limité. Deux systèmes de reconnaissance faciale existent pour procéder à des missions d’authentification : le traitement des antécédents judiciaires (TAJ) et le système de passage rapide aux frontières extérieures (Parafe). Plusieurs expérimentations ont été conduites, en outre, dans des champs très circonscrits, lors du carnaval de Nice en 2019 et du tournoi de Roland Garros en 2020.
Or, comme le soulignaient MM. Philippe Gosselin et Philippe Latombe dans leur rapport d’information précité ([44]), le recours à la reconnaissance faciale « se développe en Europe et ailleurs. Il devient urgent pour la France de se doter d’un cadre juridique adapté pour la reconnaissance faciale – au risque, à défaut, de devoir légiférer plus tard dans l’urgence, sans le recul nécessaire ». Ils soulignent ainsi que la reconnaissance faciale a connu des mises en œuvre à Monaco, en Allemagne et en Italie. Par ailleurs, certaines villes des États-Unis, dont New-York, utilisent la reconnaissance faciale dans un cadre judiciaire. En Israël, enfin, le recours à cette technologie a précédé son encadrement juridique, ce qui ne semble pas souhaitable à votre rapporteur. Il appelle donc, comme il l’avait fait en 2021 avec son collègue Robin Reda, à l’organisation d’un débat éclairé, éthique et apaisé sur la question du développement de la reconnaissance faciale et de son encadrement juridique.
Recommandation n° 11 : lancer un véritable débat, éclairé, éthique et apaisé, sur le développement de la reconnaissance faciale, via notamment des expérimentations, et son encadrement juridique
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Recommandation n° 1 : garantir les crédits de la réserve opérationnelle de la police et de la gendarmerie nationales sur le long terme
Recommandation n° 2 : formaliser une stratégie de long terme, après concertation des acteurs concernés, pour définir le modèle immobilier qui sera celui de la gendarmerie au cours de la prochaine décennie, en arbitrant nettement entre l’élargissement du parc domanial et le développement du recours à la location
Recommandation n° 3 : mener rapidement à bien, dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile une réflexion permettant d’identifier les indicateurs sur lesquels fonder l’estimation de la valeur du sauvé ; d’actualiser l’assiette de répartition de la TSCA et d’identifier les critères de calcul de la répartition en prenant en compte la richesse des départements, les enjeux environnementaux, la nature du risque et le nombre d’habitants.
Recommandation n° 4 : permettre la mise en œuvre de l’exonération de l’accise sur les carburants des véhicules des SDIS voulue par le législateur en publiant dans les plus brefs délais la circulaire d’application du décret du 19 mars 2024
Recommandation n° 5 : formaliser une stratégie de long terme, en concertation avec les acteurs de la sécurité civile, sur le modèle d’investissement dans les moyens de lutte aériens et terrestres contre les incendies ainsi que dans les engins lourds de pompage. Cette stratégie nationale doit permettre d’établir clairement la part de matériel devant être possédée en propre au niveau national, celle devant relever davantage du niveau européen, ainsi que la proportion du recours à des locations considérée comme souhaitable
Recommandation n° 6 : En tenant compte des conclusions du rapport d’évaluation prévu par l’article 10 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 et des expérimentations qui continueront d’être menées jusqu’en mars 2025, élargir le spectre des évènements pouvant être détectés par les logiciels et envisager la généralisation du cadre expérimental d’usage des caméras de vidéosurveillance algorithmique
Recommandation n° 7 : en lien avec la Cnil, envisager la révision du cadre juridique régissant la mise à disposition et l’exploitation de données de sécurité à des fins de recherche
Recommandation n° 8 : Encourager la meilleure représentativité de l’ensemble de la filière de l’industrie de sécurité dans ses échanges avec l’État
Recommandation n° 9 : Accélérer les réflexions sur la création d’un label « sécurité française » susceptible de mieux valoriser à l’export les solutions de sécurité innovantes développées par les entreprises françaises
Recommandation n° 10 : Envisager la création une agence nationale de l’innovation de sécurité civile chargée du pilotage stratégique de cette politique et de la coordination de l’ensemble des acteurs publics et privés (acteurs de la sécurité civile dont les besoins doivent être clairement identifiés, acteurs de la recherche et entreprises de la filière)
Recommandation n° 11 : lancer un véritable débat, éclairé, éthique et apaisé, sur le développement de la reconnaissance faciale, via notamment des expérimentations, et son encadrement juridique
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I. Audition de M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur
Lien vidéo : https://assnat.fr/59AbBX
Lors de sa première réunion du mardi 22 octobre, la Commission auditionne M. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, sur les crédits des missions « Administration générale et territoriale de l’État », « Sécurités » et « Immigration, asile et intégration ».
M. le président Florent Boudié. Mes chers collègues, avant d’auditionner le ministre, nous devons procéder à plusieurs nominations qui ont fait l’objet de discussions au sein du bureau de la commission des lois le 9 octobre dernier. Concernant la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, je propose la nomination d’Arthur Delaporte, nouveau membre de notre commission, ainsi que la mienne. Pour la proposition de loi adoptée par le Sénat relative au renforcement de la sûreté dans les transports, je suggère celle de Guillaume Gouffier Valente. Sous réserve de sa transmission, je propose celle de notre collègue Colette Capdevielle pour la proposition de loi visant à sécuriser le mécanisme de purge des nullités. Enfin, pour la proposition de loi adoptée par le Sénat créant l’homicide routier et visant à lutter contre la violence routière, je propose la nomination d’Éric Pauget. Il s’agit de la reprise d’un texte interrompu par la dissolution.
Si vous approuvez ces nominations, nous pouvons les valider sans recourir à un scrutin. Je vous indique par ailleurs que nous suspendrons la réunion lors des votes en séance, environ un quart d’heure chaque fois, plutôt que pour leur durée totale.
Monsieur le ministre, nous vous accueillons pour la deuxième fois de cette législature afin que vous nous présentiez les missions budgétaires relevant du ministère de l’Intérieur : « Administration générale et territoriale de l’État (AGTE) », « Sécurités », « Immigration, asile et intégration ». Au cœur du domaine régalien, votre ministère fait partie de ceux qui mettent en œuvre les orientations définies en la matière par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. Notre commission est plus particulièrement attentive à l’exécution de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI), dont la loi de finances pour 2025 constituera la troisième annuité.
Je vous cède la parole pour présenter les grandes lignes de ces missions budgétaires. Ensuite, nos trois rapporteurs pour avis s’exprimeront : Madame Agnès Firmin-Le Bodo pour AGTE, Monsieur Éric Pauget pour « Sécurités » et Madame Laure Miller pour « Immigration, asile et intégration ». Un orateur de chaque groupe interviendra ensuite pendant quatre minutes. Puis, les députés qui le souhaitent vous interrogeront pendant deux minutes chacun.
M. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur. C’est mon premier budget, ma première loi de finances, préparée dans des conditions extrêmement difficiles dans le contexte de redressement des comptes publics et extrêmement contraintes en termes de délais. Un budget ne se résume pas à des choix comptables et techniques, mais il traduit également des choix politiques. Dans le contexte actuel, avec Michel Barnier, nous assumons le choix de ne pas sacrifier les priorités notamment sécuritaires à l’urgence budgétaire.
Cela aurait été démocratiquement discutable et économiquement préjudiciable. En effet, je vous rappelle qu’il y a dans notre pays un refus d’obtempérer toutes les vingt minutes, une attaque à l’arme blanche chaque heure et un millier d’agressions signalées chaque jour. Derrière ces chiffres froids, il y a des corps brisés, des existences mutilées et des vies volées, tant parmi nos concitoyens que parmi les forces de l’ordre. Il y a une quinzaine de jours, un gendarme a été grièvement blessé suite à un refus d’obtempérer et la semaine dernière un jeune policier de 29 ans a reçu une quarantaine de plombs de chevrotine. À ceux qui risquent leur vie pour protéger celle des autres, nous devons une protection suffisante, une volonté inébranlable et donc des moyens à la hauteur.
Cette approche se justifie également d’un point de vue économique. L’insécurité a en effet un coût considérable : 1 milliard d’euros pour les émeutes de juillet 2023, selon un rapport du Sénat, et 1,8 milliard d’euros par an pour la lutte contre l’immigration illégale, d’après la Cour des comptes. De plus, l’indice d’attractivité de notre territoire a diminué en 2024 pour revenir à son niveau de 2017, notamment en raison de l’augmentation de l’insécurité. Pour restaurer l’équilibre des comptes publics, il est impératif de rétablir l’ordre dans la rue et aussi aux frontières.
Le budget du ministère de l’Intérieur est donc préservé et renforcé. Avec 24,1 milliards d’euros, dont 15,06 milliards d’euros pour les dépenses de personnel et 9,05 milliards pour le fonctionnement et l’investissement, il respecte la trajectoire financière prévue par la LOPMI. Il augmente de 752 millions d’euros par rapport à la précédente loi de finances initiale. De plus, des évolutions à la hausse interviendront également à l’initiative du Gouvernement au cours des débats parlementaires, comme l’a annoncé le Premier ministre dans les Alpes-Maritimes.
Cette augmentation se répartira en 225 millions d’euros pour la masse salariale, notamment pour respecter les engagements pris dans le cadre des protocoles sociaux pour la police et la gendarmerie nationales, et 527 millions d’euros pour le fonctionnement et l’investissement. Ces derniers seront en particulier consacrés au renforcement du numérique au sein du ministère (+162 millions d’euros) et aux dépenses immobilières (+515 millions d’euros).
Concernant la mission « Sécurités », qui englobe la police, la gendarmerie, la sécurité civile et la sécurité routière, l’augmentation s’élève à 587 millions d’euros. Les principales orientations budgétaires que j’ai retenues sont les suivantes.
Pour la masse salariale, nous respecterons les engagements pris dans le cadre des protocoles de modernisation des ressources humaines de la police et de la gendarmerie nationales de 2022, qui avaient fait l’objet d’un accord unanime avec les organisations syndicales.
En matière immobilière, nous poursuivrons les grands projets structurants en cours, tels que l’hôtel des polices à Nice ou l’hôtel de police de Valenciennes. Nous reprendrons également l’entretien du parc domanial de la gendarmerie nationale avec de nouvelles opérations de réhabilitation, notamment pour la caserne Babylone à Paris, Chauny dans l’Aisne, le site de Saint-Astier et la poursuite du plan d’urgence pour les outre-mer.
Nous étudions par ailleurs les conditions de recours à des marchés de partenariat avec le privé pour les besoins les plus structurants de la gendarmerie nationale, comme la réhabilitation en profondeur du site de Satory, dont l’investissement est estimé à environ 600 millions d’euros. Nous menons également une réflexion approfondie sur le devenir du modèle immobilier de la gendarmerie. Ma conviction est que ce modèle s’asphyxiera rapidement si nous ne prenons pas des décisions promptes. Entre les travaux d’entretien et l’allocation due aux collectivités et aux bailleurs sociaux, ce système a permis de différer certaines dépenses, mais nous sommes désormais rattrapés par les échéances et le modèle est en train de se bloquer.
Je m’engage à respecter les engagements pris dans le cadre de la LOPMI, notamment le déploiement des 238 nouvelles brigades de gendarmerie, que nous devrons mener à bien selon un calendrier précis.
En matière numérique, il est indispensable que policiers et gendarmes disposent d’équipements modernes pour optimiser leurs interventions. Simplifier les procédures en amont libère du temps pour la présence sur le terrain. Citons les caméras piétons, les murs d’écrans, les drones, les dispositifs anti-drogue et les systèmes d’information adaptés, en tenant compte des attentes des usagers. Depuis le 15 octobre 2024, le dépôt de plainte en ligne est généralisé sur l’ensemble du territoire national. La numérisation de la procédure pénale et le système d’aide à l’enquête sont en développement, permettant de gagner un temps précieux.
Concernant la sécurité civile, nous poursuivrons l’engagement de l’État dans les pactes capacitaires, soutenant l’investissement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et la politique des moyens aériens. Nous renouvellerons la flotte d’aéronefs avec l’acquisition de 36 hélicoptères EC145 pour 100 millions d’euros en 2025 et nous renforcerons la location de moyens aériens répondant aux événements climatiques, qui sont de plus en plus violents et fréquents.
Les crédits alloués à la sécurité routière permettront d’appliquer les orientations du comité interministériel du 17 juillet 2023 : éduquer, prévenir et sanctionner. De plus, le budget de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions augmentera de 13 millions d’euros pour financer le traitement des amendes, la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique (dite « loi 3DS ») autorisant les collectivités volontaires à mettre en place des contrôles automatisés.
Pour la mission AGTE, les crédits augmentent de 300 millions d’euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Ils soutiendront les préfectures et les directions départementales interministérielles, avec un accent sur l’investissement immobilier (+30 millions d’euros). Deux projets majeurs débuteront : le nouveau site de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint-Ouen (140 millions d’euros pour l’exercice 2025) et celui de Saint-Denis pour l’administration centrale du ministère (296 millions d’euros en 2025), regroupant 2 700 agents et réutilisant un site olympique.
Enfin, la transformation numérique reste centrale, avec l’ouverture du réseau radio du futur et un travail sur l’hébergement et la sécurisation des systèmes d’information contre les cyberattaques.
Les crédits pour l’asile, l’immigration et l’intégration diminuent de 103 millions d’euros, en raison de la baisse du nombre d’Ukrainiens accueillis (de 96 000 à 39 000 estimés fin 2025) et d’une gestion plus efficace des places d’hébergement. De nouvelles places en centres de rétention administrative seront créées. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) bénéficiera de vingt-neuf postes supplémentaires pour réduire les délais de traitement des demandes d’asile, ce qui entraînera des économies sur l’allocation pour demandeurs d’asile et l’hébergement. Enfin, le déploiement des espaces France Asile prévus par la loi du 26 janvier dernier pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration permettra également de réaliser des économies, notamment en termes de transport.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis de la mission Administration générale et territoriale de l’État. La mission AGTE revêt une importance capitale pour notre commission, mais également pour l’ensemble de l’appareil étatique, car elle finance le fonctionnement de toute l’administration territoriale, au-delà du seul ministère de l’Intérieur. Cette mission s’articule autour de trois programmes principaux.
Le programme 354, dédié à l’administration territoriale de l’État, assure la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire au moyen des préfectures et des sous-préfectures, tout en coordonnant les diverses administrations déconcentrées. Le programme 232, consacré à la vie politique, veille au bon déroulement des élections et à la transparence du financement politique. Quant au programme 216, il finance les fonctions support du ministère de l’Intérieur.
Cette mission porte également deux opérateurs : l’Agence nationale des titres sécurisés, rebaptisée France Titres, et le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Elle intègre aussi une autorité administrative indépendante : la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Nos préfectures et sous-préfectures constituent l’épine dorsale de l’action étatique dans les territoires. Elles sont le théâtre quotidien des interactions entre nos concitoyens et les services publics, ainsi qu’entre l’État et les collectivités territoriales. La décennie 2010 a été marquée par une forte diminution des moyens de l’administration territoriale, avec la suppression de plus de 4 000 emplois. On a cru à tort que la dématérialisation des procédures, bien qu’indéniablement bénéfique pour les usagers, permettrait de supprimer tout contact humain au niveau local. Au lendemain de la crise sanitaire, la nécessité de renouer le lien entre les usagers et l’État territorial s’est imposée comme une évidence et figure désormais au cœur de la stratégie gouvernementale.
Le plan « missions prioritaires des préfectures » a été déployé, de nombreuses sous-préfectures ont rouvert et le réseau préfectoral s’est doté de points d’accueil numérique pour accompagner les usagers dans leurs démarches. Les standards téléphoniques ont été réorganisés et d’autres moyens de communication se sont développés, notamment par courriel ou grâce à des agents conversationnels. Les chiffres témoignent de l’ampleur de cette transformation. En 2023, l’administration territoriale a traité 17 millions d’appels. Pour les seuls titres sécurisés, France Titres a géré 2 millions d’appels et 1,5 million de courriels au premier semestre 2024.
Le ministère de l’Intérieur trouve par ailleurs un excellent relais dans le réseau des maisons France Services, dont il est le principal contributeur. Désormais, 99 % des Français disposent d’une maison France Services à moins de trente minutes de leur domicile. Cette avancée compense largement les fermetures de guichets physiques, offrant un lieu unique pour toutes les démarches, avec un maillage plus dense et des horaires d’ouverture élargis.
La formation des agents de ces maisons France Services a été considérablement renforcée, avec un doublement de la durée de formation initiale. Les contrats ont été stabilisés : environ 60 % des agents sont fonctionnaires et moins de 15 % ont des contrats inférieurs à dix-huit mois. Il convient de souligner qu’environ un tiers des maisons sont gérées par des acteurs associatifs ou La Poste, sans oublier l’engagement des collectivités territoriales dans leur bon fonctionnement.
Le lien entre les maisons France Services et les opérateurs, identifié comme une difficulté par la Cour des comptes, s’est nettement amélioré. Une ligne directe dédiée aux agents des maisons France Services a été mise en place pour contacter les services de France Titres, par exemple. Cette ligne a reçu 50 000 appels au cours du premier semestre 2024.
Ce réinvestissement dans l’accompagnement des usagers et l’attention portée à la qualité du service rendu portent leurs fruits. Les délais d’obtention des passeports et des cartes d’identité sont revenus à la normale après deux années difficiles. Il est donc souhaitable de préserver les moyens alloués à cette mission, ce qui est le cas puisque les crédits augmentent globalement de 6,5 % pour atteindre près de 5 milliards d’euros. L’évolution des crédits de paiement et des autorisations d’engagement suit la loi de programmation, même si les montants sont légèrement inférieurs aux prévisions. L’augmentation des crédits s’explique par le dynamisme des dépenses de la mission AGTE, tant pour le personnel (plus de 40 000 agents) que pour les investissements antérieurs, comme le financement du site unique de la DGSI ou le réseau radio du futur.
Pour autant, cette mission, qui représente un poste budgétaire important, doit contribuer à la réduction du déficit. Ainsi, les autorisations d’engagement diminuent, signe d’une temporisation des projets pluriannuels. Seuls les investissements numériques continuent de croître, ce qui paraît nécessaire au vu des besoins, des économies potentielles et des risques de cyberattaque.
Hors numérique, les dépenses de fonctionnement se réduisent : -5 % pour le programme « Administration territoriale de l’État » et -19 % pour le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». Le plafond d’emploi diminue de 355 équivalents temps plein, soit respectivement -182 et -172 pour chacun de ces deux programmes. Cette baisse, représentant 0,8 % des effectifs, doit être relativisée dans un contexte où le taux de postes vacants dépasse 3 %, atteignant plus de 10 % dans certains départements comme le Val-d’Oise, l’Aube, la Moselle ou les Alpes-Maritimes. Le schéma d’emploi demeure stable, mais cette réduction du plafond devrait permettre de stabiliser les dépenses de personnel de cette mission à partir de 2027.
Il est judicieux qu’un budget contraint n’entraîne pas l’abandon brutal des nombreux projets de réforme et de modernisation nécessaires à l’État. Les efforts demandés sont ciblés et permettront de maîtriser les dépenses sur le long terme.
Monsieur le Ministre, je profite de votre présence pour vous interroger sur deux points. Quels enseignements tirez-vous d’abord des rencontres de l’administration territoriale de l’État et comment envisagez-vous la stratégie du réseau préfectoral pour l’avenir, sachant que la mission prioritaire des préfectures s’achève en 2025 ?
Ensuite, concernant le programme 216 relatif au financement du CNAPS, de nombreuses inquiétudes s’étaient exprimées quant à notre capacité à mobiliser suffisamment d’agents pour les Jeux olympiques et à faire respecter les règles du secteur. Il s’avère que les entreprises, surtout les PME, ont répondu présentes, tout comme le CNAPS. Le nombre de cartes délivrées a augmenté de 80 % entre janvier et juin 2024 par rapport à 2023, grâce notamment aux cartes spécifiques pour les grands événements, permettant à de nombreux étudiants d’obtenir un emploi d’été. Les critères d’attribution ont été strictement respectés, avec un taux de rejet des demandes supérieur aux années précédentes. Un rétrocontrôle des cartes précédemment attribuées a été effectué avec l’aide du nouveau service d’enquête administrative, le Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS). Les contrôles pendant l’événement ont été nombreux : 4 000 agents contrôlés, 95% des entreprises intervenant sur les Jeux olympiques, souvent en coopération avec la justice, l’inspection du travail et l’Urssaf au sein des comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF). Quel bilan tirez-vous du recours à la sécurité privée pendant les Jeux ? Cela vous inspire-t-il des évolutions concernant ce secteur et sa place dans le continuum de sécurité ?
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis de la mission Sécurités. Je tiens d’abord à exprimer mon soutien aux policiers récemment agressés à Marseille dans ma région alors qu’ils étaient en service.
Je vous présente aujourd’hui les crédits de la mission « Sécurités » dans son ensemble, réunissant pour la première fois les crédits de la sécurité civile, de la sécurité intérieure, de la gendarmerie, de la police et de la sécurité routière. Il semble en effet pertinent de proposer une approche globale de ce continuum de sécurité.
Dans le contexte budgétaire actuel qui impose une attitude responsable et raisonnable, les crédits de cette mission augmentent, renforçant ainsi la fonction régalienne de l’État. Les financements prévus dans le PLF pour 2025 respectent la programmation budgétaire fixée par la LOPMI. Cet équilibre me semble approprié et doit être maintenu.
Les crédits de la mission « Sécurités » progressent de 587 millions d’euros, soit une hausse de 3,5 % par rapport à 2024. Dans le détail, le programme consacré ) la police nationale augmente de 3,38 %, celui de la gendarmerie nationale de 5,18 %, tandis que ceux de la sécurité routière et de la sécurité civile baissent de 23 % de 5,58 %.
Au terme des auditions que j’ai menées, je souhaite attirer l’attention de la commission sur plusieurs points. Tout d’abord, concernant la modernisation de l’assiette et des critères de répartition de la taxe sur les conventions d’assurance (TSCA) versée aux SDIS, la réflexion reste insuffisante et doit s’approfondir dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile.
Je déplore par ailleurs que l’exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur les carburants des véhicules des SDIS ne soit toujours pas effective, faute de circulaire d’application. Pouvez-vous confirmer que cette circulaire est cours de relecture et rassurer les acteurs sur l’absence d’impact sur les crédits des pactes capacitaires ?
Concernant l’exécution du budget 2024, les annulations de crédits ont placé les responsables des différents programmes dans une situation délicate. Sur le PLF pour 2025, je m’inquiète de la réduction des crédits de la réserve opérationnelle de la gendarmerie et de la police, qui pourrait compromettre sa montée en puissance prévue par la LOPMI. Avez-vous des précisions sur ce point ?
Je constate également que, contrairement aux prévisions de la LOPMI, les schémas d’emploi de la gendarmerie et de la police sont aujourd’hui nuls. Quelles en seront les conséquences ? Le protocole de modernisation des ressources humaines de la police signé en 2022 dans le cadre de la LOPMI sera-t-il respecté ?
Enfin, je m’inquiète des crédits d’investissement insuffisants pour les différents programmes, phénomène durable souligné notamment par la Cour des comptes. Cette problématique est particulièrement criante concernant l’immobilier de la gendarmerie.
À l’heure où la location prend le pas sur l’acquisition de matériel par les acteurs de la sécurité civile, qu’il s’agisse de moyens aériens ou terrestres pour la lutte contre les incendies ou de moyens de pompage d’envergure, je m’interroge sur la vision du ministère. Quelle stratégie doit être mise en œuvre ? Convient-il de privilégier des investissements lourds pour disposer de moyens en propre, d’envisager des solutions mutualisées à l’échelle européenne ou de considérer que la location offre davantage de flexibilité ? Comment comptez-vous aborder ces questions fondamentales et structurer le dialogue avec les acteurs concernés, afin de définir une véritable stratégie sur ces enjeux de long terme ?
En ce qui concerne les technologies innovantes en matière de sécurité intérieure et civile, la présence de la Technopole de Sophia Antipolis dans ma circonscription me permet fréquemment de rencontrer des start-up et des chercheurs présentant des technologies novatrices. Je souhaitais comprendre comment se structurent les relations entre l’État, les forces de l’ordre, la sécurité civile, les acteurs de la recherche et le tissu des entreprises de sécurité. Mon objectif était également d’identifier les freins budgétaires, organisationnels et juridiques au développement et au déploiement de ces nouvelles technologies.
Face à l’étendue du sujet, j’ai choisi de me concentrer particulièrement sur l’usage des drones, la vidéosurveillance dite intelligente, la cyberdéfense et certaines innovations en matière de lutte contre les incendies, notamment la lance diphasique, qui représente potentiellement une avancée majeure pour les sapeurs-pompiers. Mon rapport évoque également des projets utilisant l’intelligence artificielle au service des victimes, notamment pour les arrêts cardiaques.
Plusieurs conclusions se dégagent de mon analyse. Premièrement, nous sommes confrontés à un enjeu d’investissement important dans les nouvelles technologies. La police nationale reconnaît notre retard par rapport à de nombreux pays comparables. Il me paraît essentiel que nous maintenions notre avance dans les domaines où la France est reconnue, comme la cybersécurité et certaines technologies de sécurité civile, en consentant les investissements nécessaires.
Deuxièmement, il est impératif de mieux structurer les relations entre les différentes parties prenantes – l’État, les chercheurs et les entreprises capables de produire des solutions – tant pour la sécurité intérieure que pour la sécurité civile.
Enfin, le principal frein, notamment en matière d’utilisation de l’intelligence artificielle, est d’ordre juridique. Il nous incombe, en tant que législateurs, d’aborder ces sujets sans faux-semblants ni postures, pour éviter d’être dépassés ou de voir certains acteurs privés, notamment les GAFAM, utiliser des technologies que nous refusons à nos forces de l’ordre.
Un sondage récent mené en juin 2024 par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), l’Institut OpinionWay et le Continuum Lab révèle une large confiance des Français dans l’utilisation par les acteurs publics des technologies de sécurité telles que la vidéosurveillance, l’intelligence artificielle, les outils d’analyse automatisée et l’exploitation des données biométriques.
La question de la reconnaissance biométrique et faciale est un sujet à la fois polémique et emblématique. Il me semble, conformément aux conclusions du rapport de nos collègues Latombe et Gosselin présenté à la commission des Lois en 2023, que nous devons progresser sur ces enjeux en menant un débat dépassionné, pragmatique et éthique. J’aimerais connaître votre sentiment et votre appréciation sur ces enjeux.
M. le président Florent Boudié. En réponse à la saison des feux de forêt de 2022, particulièrement intenses en Gironde, le président de la République a annoncé fin octobre 2022 la création d’une quatrième unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile. Le projet prévoit l’implantation progressive de 580 sauveteurs à Libourne dans d’anciennes casernes militaires du centre-ville sur la période 2024-2028. À ce jour, 163 sauveteurs sont déjà arrivés et ils seront prochainement logés dans des structures modulaires que j’ai pu visiter récemment. La prise de commandement effective a eu lieu le 14 octobre 2024, attestant du bon lancement du projet. Néanmoins, deux points d’attention subsistent, faisant l’objet de l’amendement de crédits que j’ai déposé : la nécessité de signer le décret de création du régiment et la consolidation du financement du programme immobilier. Je relève notamment un besoin de 15,4 millions d’euros pour le titre 2, hors compte d’affectation spéciale. De plus, un besoin de financement de 41 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 59,3 millions d’euros en crédits de paiement est identifié pour le hors titre 2. J’espère que vous pourrez apporter des éclaircissements sur ces aspects financiers dans quelques instants.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis de la mission Immigration, asile et intégration. Après sept années consécutives de hausse, les crédits alloués à la mission « Immigration, asile et intégration » connaîtront une diminution en 2025. Ils s’élèveront à 2,5 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 5 % par rapport à la loi de finances 2024. En autorisations d’engagement, la réduction est plus modérée, s’établissant à 1,97 %.
Le programme 303, « Immigration et asile », qui concentre la majorité des crédits de cette mission, finance les politiques publiques relatives à l’entrée et à la circulation des étrangers, à l’éloignement des personnes en situation irrégulière et à l’exercice du droit d’asile. Ses crédits augmenteront de 2,04 % en autorisations d’engagement, mais ils diminueront de 2,54 % en crédits de paiement par rapport à 2024.
L’action 2, « Garantie de l’exercice du droit d’asile », finance notamment l’allocation pour demandeur d’asile (ADA). La dotation inscrite dans le PLF est réduite de 16 % pour l’ADA classique. Cette diminution repose sur l’hypothèse d’une croissance modérée de la demande d’asile et d’un traitement accéléré des dossiers, grâce aux renforts significatifs de l’OFPRA, qui bénéficie de 28 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires.
La loi « immigration » du 26 janvier 2024 prévoit une réforme du contentieux, incluant la simplification des procédures et un recours accru à la vidéo-audience. Je m’interroge sur la prise en compte de ces évolutions législatives dans l’appréhension globale des crédits.
Le PLF pour 2025 intègre une dotation de 106,8 millions d’euros pour financer l’ADA versée aux bénéficiaires de la protection temporaire. Je salue cette budgétisation, tout en regrettant qu’elle n’ait pas été étendue à l’hébergement de ces bénéficiaires. En effet, les crédits de l’action 2, finançant les dispositifs d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile, subissent une baisse de 5 % en crédits de paiement par rapport à 2024. Je sollicite des précisions sur le montant de la dotation consacrée à l’hébergement des bénéficiaires de la protection temporaire et les raisons de la non-budgétisation de ces crédits.
Malgré le contexte budgétaire contraint, je regrette particulièrement la réduction des moyens dédiés à la lutte contre l’immigration irrégulière. Les crédits de l’action 3 du programme 303 diminuent de 42 % en autorisations d’engagement (environ 100 millions d’euros) et de 23,5 % en crédits de paiement (61 millions d’euros). Cette baisse implique-t-elle un report de l’ouverture de nouvelles places dans les centres de rétention administrative (CRA) Comment comptez-vous poursuivre cette augmentation, conformément à nos objectifs inscrits dans la LOPMI et à vos propres engagements depuis votre nomination ?
Concernant le programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », ses crédits diminuent de 14 % et 15 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, s’établissant respectivement à 369 et 366 millions d’euros. Cette évolution s’explique en partie par le transfert de 5,6 millions d’euros de l’action 16 vers le programme 177 de la mission « Cohésion des territoires ».
Je note une baisse de 45 % des crédits de paiement de l’action 12, « Intégration des étrangers primo-arrivants », qui finance notamment le plan « Agir, pour l’emploi et le logement des personnes réfugiées ». Ayant constaté l’efficacité de celui-ci dans ma circonscription, je souhaiterais avoir des précisions sur l’évolution de son budget pour 2025.
Cette année, je me suis intéressée à la politique de priorisation du placement en rétention administrative des étrangers à l’origine de troubles à l’ordre public. Je remercie les administrations et associations qui ont contribué à mes travaux. L’éloignement des étrangers présentant une menace à l’ordre public constitue une priorité légitime de la politique de lutte contre l’immigration irrégulière. La circulaire de Gérald Darmanin du 3 août 2022 a instauré le placement prioritaire en rétention administrative des étrangers représentant une menace pour l’ordre public. Bien que cette mesure puisse légalement s’appliquer à tout étranger en situation irrégulière faisant l’objet d’une mesure d’éloignement forcé et ne présentant pas de garanties de représentation suffisantes, elle se concentre désormais presque exclusivement sur les profils susceptibles de troubler l’ordre public.
Les auditions menées dans le cadre de cet avis ont mis en évidence les effets bénéfiques de cette priorisation sur l’éloignement des étrangers menaçant l’ordre public. Le taux d’éloignement dans les centres de rétention administrative a connu une augmentation significative, passant de 35% en 2023 à 40% au premier semestre de cette année. Cette hausse démontre que le ciblage de la rétention sur les profils à risque n’affecte pas l’efficacité de la politique d’éloignement.
Néanmoins, l’examen de cette politique de priorisation soulève plusieurs problématiques que j’ai développées dans mon avis. La première concerne la nécessité d’intensifier la coopération entre les services du ministère de la justice et ceux du ministère de l’Intérieur. Cette collaboration est essentielle pour anticiper les sorties de détention et procéder à l’éloignement des étrangers ayant commis des actes délictueux ou criminels dès leur libération. Le placement en CRA ne constitue pas une fin en soi. Un renforcement de cette politique interministérielle permettrait d’éviter certains placements. Un protocole a été élaboré en 2019 et il serait pertinent que le ministère en dresse un premier bilan pour évaluer son déploiement sur le territoire et identifier les marges de manœuvre existantes.
Par ailleurs, la durée moyenne de rétention tend à s’allonger. Actuellement, la durée maximale de rétention est fixée par la loi à 90 jours, même si la directive retour autorise une durée allant jusqu’à 18 mois. La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a porté cette durée à 210 jours pour les retenus liés à des activités à caractère terroriste. Ce sujet nous invite à vous questionner sur deux points : quels ont été les effets de cette durée prolongée pour les étrangers terroristes ? A-t-elle facilité concrètement leur éloignement ? De plus, il convient de s’interroger sur la disponibilité des places en centres de rétention administrative, car un allongement de la durée entraînerait une rotation plus faible dans un contexte déjà contraint. L’objectif de 3 000 places en 2027 pourra-t-il être atteint ? Cela supposerait la création de 1 000 places en deux ans. Les besoins supplémentaires liés à une éventuelle prolongation de la durée maximale de rétention ont-ils déjà été évalués ?
Enfin, la prédominance des profils menaçant l’ordre public en rétention invite à repenser les modalités d’intervention du juge des libertés et de la détention (JLD). Il conviendrait de mieux prendre en compte le critère de la menace dans les motifs de prolongation. Actuellement, le caractère suspensif de l’appel est une faculté relevant uniquement du procureur, qui doit le solliciter auprès du président de la cour d’appel dans les quatre heures. Une réflexion pourrait être menée avec le garde des Sceaux pour examiner cette procédure, notamment la possibilité d’étendre cette faculté au préfet, dans le respect de la séparation des pouvoirs et de l’équilibre entre libertés publiques et sécurité des citoyens.
Cette priorisation a des conséquences importantes sur la rétention, dont l’objet initial n’est pas d’accueillir des publics présentant un niveau élevé de dangerosité. Cela affecte les conditions de travail des personnels d’accueil des détenus, ce qui pourrait nécessiter une formation spécifique des agents de police affectés à ces centres. Il conviendrait également de repenser ces lieux de prise en charge en tenant compte de l’expérience des professionnels et celle des intervenants extérieurs.
M. Michaël Taverne (RN). Le bilan de votre prédécesseur se caractérise par une insécurité croissante et une immigration massive et incontrôlée, constituant un double défi considérable. Vous avez démontré, du moins dans vos discours, votre conscience de la situation réelle de notre pays dans ces domaines et surtout votre adhésion à nos constats et à une partie de nos solutions. Néanmoins, nous ne saurions nous contenter de belles paroles et nous attendons, comme nos concitoyens, des actes.
L’espoir suscité par votre nomination s’amenuise progressivement. Le tandem surprenant que vous formez avec un ministre de la Justice dont l’idéologie semble incompatible avec le sursaut sécuritaire et la fermeté judiciaire que vous prônez y contribue certainement. De plus, votre empressement à solliciter l’application du pacte européen sur l’asile et la migration, pourtant rejeté par plusieurs gouvernements de pays membres de l’Union européenne, suscite notre perplexité, voire notre méfiance.
Concernant les crédits alloués pour l’année 2025 aux trois missions rattachées à votre ministère, notamment les missions « Sécurités » et « Immigration, asile et Intégration », notre groupe exprime plusieurs interrogations et inquiétudes. Pour la mission « Immigration, asile et intégration », la diminution du budget total de près de 2 %, et surtout la réduction drastique de 42,2 % du budget de l’action de lutte contre l’immigration irrégulière, nous préoccupent fortement et remettent en question la sincérité de vos déclarations d’intention quant à la lutte indispensable contre l’immigration clandestine.
S’agissant de la mission « Sécurités », l’effort budgétaire consenti ne répond pas aux enjeux et certains arbitrages nous interpellent. La réduction de près de 8 % du budget de la police judiciaire nous semble difficilement justifiable et nous espérons obtenir de votre part une inflexion ou, à défaut, des éclaircissements. Vous avez exprimé votre volonté de mener une guerre contre les narcotrafiquants, mais avec quels moyens ? La police judiciaire, chargée de remonter les filières et de démanteler les réseaux, a déjà été affaiblie par votre prédécesseur et vous semblez poursuivre dans cette voie. Je vous rappelle le mouvement organisé à Marseille en octobre 2022, où un policier fort de 22 ans d’expérience vous a sensibilisé à cette problématique.
Dans le cadre de son contre-budget présenté récemment, notre groupe préconise une augmentation des crédits de cette mission de 400 millions d’euros afin de garantir la trajectoire définie par la LOPMI publiée en janvier 2023. Financé par la réalisation d’économies sur des dépenses inutiles, cet effort devrait permettre un renforcement des moyens de nos forces de l’ordre. Nous proposerons, par voie d’amendement, l’augmentation des crédits alloués à plusieurs missions, notamment la formation de nos policiers, la police des étrangers et les moyens généraux de la gendarmerie. Face à l’ensauvagement de notre société, à l’augmentation constante de la délinquance et de la criminalité sur notre territoire, phénomènes souvent liés à une immigration incontrôlée, les moyens budgétaires doivent être à la hauteur des enjeux. Il est temps que les actes correspondent aux paroles.
M. Vincent Caure (EPR). Le budget que vous présentez est globalement en baisse, ce que le groupe EPR regrette, tout en comprenant le contexte budgétaire particulièrement contraint qui est le nôtre. Certaines baisses semblent logiques, notamment la diminution importante des crédits du programme « Vie politique », justifiée par l’absence théorique d’échéance électorale majeure en 2025, contrairement à 2024. De même, la réduction de 23,6 % des crédits alloués au programme « Sécurité et éducation routière » s’explique par la fin d’une période d’investissements conséquents dans les infrastructures, telles que l’amélioration des routes et la mise en place de radars.
Nous sommes cependant plus dubitatifs concernant la baisse des crédits alloués à la mission « Immigration, asile et intégration », particulièrement marquée par rapport à 2024, et notamment le report du déploiement du plan d’ouverture des places en CRA. Nous souhaiterions obtenir des éclaircissements sur ce point, au regard de la politique de fermeté prônée.
Nous nous inquiétons également de la diminution de 5,58 % des crédits du programme « Sécurité civile », notamment au vu des récents épisodes pluvieux ayant entraîné des inondations dans de nombreux départements, ainsi que des feux de forêt de plus en plus fréquents. Des explications sur ce sujet seraient appréciées.
En revanche, nous saluons la préservation de la dynamique héritée du vote de la LOPMI, que nous avons défendue et soutenue. Les hausses significatives des crédits des programmes consacrés à la police et à la gendarmerie nationales s’inscrivent dans la continuité de l’action menée depuis plusieurs années, notamment par votre prédécesseur Gérald Darmanin. Je pense en particulier à l’augmentation de 35 % des dépenses liées à l’immobilier dans le programme « Police nationale » pour moderniser les infrastructures et améliorer les conditions de travail des agents et l’accueil du public. Les efforts consentis pour augmenter les effectifs de la gendarmerie nationale sont également notables, avec la création prévue de 80 nouvelles brigades et 7 escadrons de gendarmerie mobiles pour renforcer la sécurité sur le territoire, ainsi que la hausse de 3,60 % des crédits de personnel pour la police nationale.
La politique de revalorisation salariale des forces de sécurité, initiée en 2022, se poursuit en 2025 pour reconnaître les spécificités et les risques du métier. La trajectoire de la LOPMI se traduit aussi par une augmentation de 3,19 % des crédits du programme « Administration territoriale de l’État », avec l’extension du réseau des sous-préfectures, la modernisation des installations dédiées à la gestion de crise et la convergence du socle informatique commun à l’ensemble des services. La présence de l’État dans les territoires est une priorité du président de la République, et je me réjouis de sa concrétisation dans ce budget.
La séance est suspendue de dix-sept heures cinquante à dix-huit heures cinq.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). En tant que rapporteur pour les crédits de la mission « Sécurité civile » à la commission des finances, je souhaite attirer l’attention sur la situation des sapeurs-pompiers. Leur rôle crucial lors des récentes inondations, avec 1 300 interventions pour sauver des vies, mérite d’être souligné. Les syndicats de sapeurs-pompiers soulignent que ce service public, le moins onéreux de France, assure la sécurité de nos concitoyens. Toutes les six secondes, une équipe de pompiers part en intervention, totalisant près de cinq millions d’interventions en 2022. Ce service repose majoritairement sur des volontaires, représentant 80 % des effectifs, contre 15 % de professionnels. Il convient également de mentionner les associations de sécurité civile, composées de bénévoles, que l’État ne subventionne qu’à hauteur de 0,50 euro par personne. Les sapeurs-pompiers interviennent dans une multitude de situations : arrêts cardiaques, étouffements d’enfants, accouchements, incendies. Dernièrement, de l’Ardèche à l’Assemblée nationale, ils ont secouru la France confrontée aux inondations. Du Bataclan aux Jeux olympiques, en passant par les crises quotidiennes, ils répondent toujours présents.
Cependant, ce service public risque de se transformer en service discount. Les associations agréées de sécurité civile sont déjà en difficulté financière et la plupart des SDIS tirent la sonnette d’alarme, peinant à équilibrer leur budget. Certains n’ont même pas pu verser toutes les primes dues, y compris pour les interventions lors des Jeux olympiques. Le PLF pour 2025 n’offre aucune perspective aux pompiers. Qu’en est-il des trimestres de retraite votés en 2023 pour les volontaires ? Quel plan de recrutement est prévu pour les professionnels, notamment pour pallier le manque de volontaires en journée ? Quelle stratégie pour leur santé ? Même la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris fonctionne en sous-effectif, ce qui lui permet paradoxalement d’équilibrer son budget. De plus, l’annulation de la livraison de deux Canadairs pour nos forces de sécurité civile est préoccupante.
Ce budget ne suffira pas. Ce service public, bien que le moins coûteux, doit être reconnu à sa juste valeur. Il est impératif d’envoyer des signaux positifs aux sapeurs-pompiers du pays. Votre budget actuel ne répond pas à cette exigence. Face à l’ampleur des missions et des enjeux, comment comptez-vous y répondre ?
M. Hervé Saulignac (SOC). L’examen approfondi des missions qui nous occupent et l’exposé du ministre devant notre commission laissent le goût amer d’un budget en trompe-l’œil, émanant d’un État aux ambitions démesurées par rapport à ses moyens.
Concernant la mission AGTE, il est important de rappeler les coupes budgétaires significatives opérées en février dernier : une réduction de 65 millions d’euros pour le programme « Administration territoriale » et de 84 millions d’euros pour le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». En termes d’effectifs, la situation était déjà préoccupante, la réorganisation de l’État ayant entraîné une diminution de 14 % des effectifs. Le Gouvernement ne manque pas de panache quand il évoque un renforcement et un réarmement de l’État, alors qu’en réalité, les effectifs seront tout juste « préservés », terme pudique retenu dans le bleu budgétaire.
Ce budget traduit un certain renoncement. Par exemple, concernant le renouvellement des titres de séjour, l’objectif initial de 30 jours pour 2024 a été repoussé à 55 jours pour 2025. Cette révision à la baisse des ambitions crée, de fait, les conditions propices à l’irrégularité.
Vous avez évoqué votre intérêt pour des équipements modernes et efficaces. Malheureusement, je constate une baisse de 31 % des crédits alloués au programme du réseau radio du futur, censé interconnecter les forces de sécurité et de secours et éliminer les zones blanches. L’objectif reste limité à l’équipement de seulement treize départements, le futur attendra, alors que nous sommes pourtant là au cœur de notre sécurité.
Quant à la mission « Sécurités », l’apparence est flatteuse avec une augmentation de 3,5 % des crédits pour 2025. Cependant, une analyse approfondie révèle une réalité moins reluisante : pour financer le maintien de l’ordre, vous réduisez les moyens de la police judiciaire. Cette police ne sera ni plus nombreuse, ni mieux formée. Les députés de mon groupe présenteront un amendement visant à augmenter le budget alloué à la formation, dans l’optique d’une police mieux formée et donc plus efficace.
L’ambition de remettre du bleu partout semble avoir été abandonnée. La trajectoire initiale de 356 équivalents temps plein supplémentaires en 2025, validée dans la LOPMI, a apparemment disparu, avec un schéma d’emploi nul dans ce PLF.
Le programme sécurité et éducation routière subit également des coupes budgétaires, avec une chute de plus de 23 %. La sécurité civile voit quant à elle son budget réduit de 4,1 %. Plus choquant encore, le budget dédié à la lutte contre le suicide dans la police passe de 2,9 millions d’euros à 1,6 million d’euros.
Concernant la mission « Immigration, asile et intégration », nous n’attendions certes pas du pragmatisme de la part du Gouvernement en matière d’immigration, mais nous pensions au moins qu’il était attaché à l’intégration des étrangers présents en France. Il n’en est rien, avec une baisse de plus de 14 % sur ce programme. Le Gouvernement s’engage dans une véritable fuite en avant : vous réduisez de 16 % les crédits de l’allocation pour demandeurs d’asile, vous baissez les objectifs de recrutement à l’OFPRA qui tombent à 29 postes et vous diminuez aussi les crédits consacrés à l’intégration. Tout cela repose sur une hypothétique baisse de demandes d’asile en 2025, pari pour le moins hasardeux.
En conclusion, bien que nous ne soyons pas réunis aujourd’hui pour débattre de la mission « justice », je tiens à souligner qu’en matière d’administration de l’État, de sécurité des Français comme d’immigration, aucune politique efficace ne peut être menée sans le concours de l’institution judiciaire. Nous ne sommes pas dupes des hausses de crédits discutées aujourd’hui, dès lors qu’elles sont le corollaire des baisses de crédits de la mission « Justice », dont nous débattrons dans quelques semaines.
M. Ian Boucard (DR). Nous examinons aujourd’hui le budget 2025 pour les missions « Sécurité », « Immigration et asile », ainsi qu’AGTE. Ces enjeux revêtent une importance croissante pour nos concitoyens. Il est impératif d’allouer les moyens nécessaires pour garantir la sécurité de tous, améliorer la gestion des flux migratoires et assurer une présence efficace et équitable de l’État sur l’ensemble du territoire.
Je réaffirme le soutien total du groupe de la Droite républicaine aux premières orientations que vous avez données, qui sont conformes à la volonté de la majorité des Français. Nous réitérons également notre attachement à la défense de nos forces de l’ordre.
Ce projet de budget semble aller dans la bonne direction. Une augmentation des budgets est prévue pour la police et la gendarmerie, respectivement de 2,87 et 3,03 %, ce qui permettra d’accroître leur présence dans les zones les plus touchées par la délinquance. Il est toutefois essentiel que ces moyens soient répartis équitablement, notamment dans nos zones rurales et péri-urbaines, également confrontées à un accroissement de la délinquance et des incivilités.
Je souligne l’importance du soutien à la sécurité civile, particulièrement face aux catastrophes naturelles. La modernisation de notre flotte aérienne est une avancée positive, mais il est crucial d’aller plus loin compte tenu de la multiplication des événements climatiques, comme nous l’avons malheureusement constaté ces derniers jours.
Le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » soulève des interrogations. La baisse de 42,2 % des crédits pour la lutte contre l’immigration irrégulière est incompréhensible dans un contexte de flux migratoires importants. De même, les moyens alloués aux CRA semblent insuffisants. Nous disposons actuellement d’environ 2 000 places et 1 000 places supplémentaires sont prévues d’ici 2027, conformément à l’amendement que la Droite républicaine avait fait adopter dans le cadre de la LOPMI. Il est donc paradoxal que le budget propose de réduire les financements des CRA, alors que nous devons les renforcer pour mener à bien leur mission.
Quant à la mission AGTE, le budget devrait passer de 3,85 à 4,15 milliards d’euros, soit une hausse de 300 millions d’euros. Une diminution de 5,5 % des crédits dédiés au fonctionnement courant est cependant prévue, présentée comme la consolidation des efforts réalisés en 2024 pour rationaliser l’organisation des services. Cette baisse doit être considérée comme une opportunité pour repenser notre administration, qui souffre parfois d’une bureaucratie lourde et d’une multiplication des normes affectant son efficacité.
Concernant la gestion des CRA, enjeu essentiel dans notre politique de lutte contre l’immigration irrégulière, pouvez-vous préciser les mesures envisagées pour améliorer leur sécurité et leur capacité dans les prochaines années ? Dans le cadre de l’optimisation de la gestion immobilière du ministère, quelles actions sont prévues pour traiter efficacement la problématique des loyers impayés des casernes de gendarmerie en 2024 et éviter qu’elle se reproduise en 2025 ?
Mme Sandra Regol (EcoS). Vous nous l’avez dit, un budget, ce ne sont pas que des choix comptables, ce sont surtout des choix politiques et nous les assumons, je vous cite. Cette année encore, c’est en baissant les dépenses de formation pour la police nationale que s’exprime votre choix politique, alors que les objectifs de la LOPMI demandaient d’augmenter de 50 % le temps de formation continue des policiers, promesse issue du Beauvau de la sécurité. Cette question n’est pas anecdotique face aux nouvelles formes de délinquance ou quand on compare les résultats, notamment de tirs, entre la gendarmerie et la police nationales, avec les victimes que l’on sait.
Dans le cadre du programme 176 relatif à la police nationale, nous constatons une hausse des crédits de paiement, mais pas de façon uniforme. Notamment, la mission de police judiciaire, comprenant la police scientifique et judiciaire (PSJ), subit une diminution de 30 millions d’euros. Cette réduction s’ajoute aux baisses déjà endurées les années précédentes et à une dévalorisation continue de leur travail, contraignant ces agents à manifester régulièrement leur mécontentement. Pourtant, comme le souligne le récent rapport sénatorial sur le narcotrafic que vous aimez à citer, c’est précisément le travail d’enquête approfondi, nécessitant des moyens conséquents, qui permet de lutter efficacement contre la grande délinquance. Je vous invite à prendre connaissance des critiques exprimées dans ce rapport.
Nous proposons donc par voie d’amendement d’allouer davantage de moyens à la police judiciaire, mais également d’améliorer le travail de terrain et les relations avec la population en rétablissant une police de proximité, mesure largement plébiscitée.
Enfin, la police figure parmi les professions les plus touchées par le suicide, phénomène qui affecte malheureusement des agents de plus en plus jeunes. Vous avez affirmé qu’un budget reflète des choix politiques assumés. Réduire de moitié les crédits alloués au programme de lutte contre le suicide dans la police constitue donc un choix politique que nous ne partageons pas, puisque nous demandons au contraire une amélioration de la prise en charge psychologique et un renforcement des moyens de prévention.
Concernant les pompiers, la situation demeure préoccupante face aux inondations, aux incendies de grande ampleur et à la sécheresse chronique dans certaines régions.
Le budget du programme 161 subit une nouvelle diminution de 50 millions d’euros, s’ajoutant aux réductions déjà opérées l’an dernier. Malgré l’évidence du réchauffement climatique, votre gouvernement persiste à ignorer ses effets et ses impacts dans l’élaboration du budget. Vous négligez les aspects de prévention et d’anticipation, préférant des investissements à court terme qui s’avéreront bien plus coûteux à long terme. Je me permets de rappeler le rapport de notre collègue Pauget sur la valeur du sauvetage.
Cette baisse de 50 millions d’euros correspond précisément au montant que pourrait dégager annuellement la modification de la taxe de séjour que nous avons proposée dans le volet recettes de ce PLF. Cette mesure permettrait un meilleur financement et impliquerait davantage les touristes, notamment étrangers, qui bénéficient de la protection de nos sites sans y contribuer actuellement. La même logique s’applique à la TSCA évoquée précédemment.
Pourquoi persistez-vous à refuser ces moyens de financement pour notre sécurité civile ? Depuis la LOPMI, on nous promet l’acquisition de quatorze bombardiers d’eau Canadair, promesse sans cesse reportée. Au lieu de cela, vous optez pour la location d’hélicoptères, solution certes utile mais insuffisante dans la lutte contre les incendies et qui de surcroît dilapide l’argent public au profit de sociétés de location privées.
Vous avez souligné que les insécurités ont un coût. La sécurité en a un également. À titre d’exemple, les feux en Gironde ont engendré des dépenses de 1 million d’euros par jour pour la mobilisation et la logistique des pompiers, auxquelles s’ajoutent 60 000 euros quotidiens en carburant au plus fort des interventions. Voilà le prix de l’inaction et de votre politique.
Paradoxalement, vos choix d’économies ciblent l’anticipation, avec une nouvelle réduction de 21 millions d’euros sur l’action 11 dédiée à la prévention et à la gestion des crises. Cette décision met une fois de plus en danger la vie de nos pompiers.
Pour conclure, j’aimerais vous interroger sur la prise en charge de la santé et des maladies professionnelles de nos pompiers.
M. Philippe Latombe (Dem). Je vous remercie pour votre présentation et je salue le travail réalisé par l’ensemble des rapporteurs. Les missions AGTE, « Sécurités » et « Immigration, asile et intégration » revêtent une importance particulière.
Concernant le budget alloué à l’administration générale et territoriale de l’État, nous constatons avec satisfaction une dynamique haussière. Pour 2025, le PLF prévoit un montant total de crédits de paiement de 4,96 milliards d’euros, soit une augmentation substantielle de 6,5 % par rapport à 2024, supérieure à celle des deux années précédentes. Cette progression permet d’accroître les dépenses d’investissement pour nos collectivités, notamment pour le déploiement des systèmes de vidéosurveillance, et elle s’inscrit dans la trajectoire fixée par la LOPMI.
Néanmoins, nous déplorons la tendance à la baisse des effectifs, particulièrement au niveau des services préfectoraux. Ces derniers assument pourtant la lourde responsabilité du pilotage territorial des politiques gouvernementales. Le maintien de l’accueil des usagers comme objectif prioritaire demeure salutaire. Le rétablissement d’un accueil généraliste au sein des points d’accueil numériques a permis aux préfectures d’accompagner 336 000 usagers en 2023.
S’agissant du budget alloué à la mission « Sécurités », nous partageons la satisfaction du rapporteur Pauget quant à sa préservation. Le budget 2025 entérine une augmentation des crédits de la mission de 587 millions d’euros, s’inscrivant ainsi dans la trajectoire budgétaire définie par la LOPMI. Cette orientation s’avère d’autant plus pertinente que les enjeux sécuritaires préoccupent particulièrement nos concitoyens. Nous saluons d’ailleurs la mobilisation continue de nos forces de l’ordre durant les Jeux olympiques et soulignons l’importance de garantir les traitements correspondants. Nous resterons vigilants quant à la bonne réalisation des dépenses d’investissement, notamment concernant l’immobilier de la gendarmerie.
À cet égard, pouvez-vous nous garantir que le déploiement du plan gendarmerie sera effectif dans le cadre du présent budget et que le calendrier 2024-2025 sera respecté ?
Concernant la mission « Immigration, asile et intégration », nous regrettons l’enveloppe budgétaire allouée. En effet, les crédits de paiement pour 2025 enregistrent une baisse de 5 % par rapport à 2024. Cette diminution affecte principalement le programme d’intégration et d’accès à la nationalité française (-15 %), tandis qu’elle est plus limitée pour le programme immigration et asile (-2,54 %). Il est surprenant de constater que la baisse des crédits touche la lutte contre l’immigration irrégulière, pourtant considérée comme prioritaire. Toutefois, nous saluons l’accélération du traitement des demandes d’asile par l’OFPRA, favorisée par l’augmentation des ETP, contribuant ainsi à la réduction des délais et à la maîtrise du budget.
Nous déplorons à nouveau la part moindre du budget consacrée à la politique d’intégration, également en baisse. Celle-ci constitue pourtant un enjeu aussi important que la lutte contre l’immigration irrégulière.
Avez-vous constaté une mauvaise maîtrise du budget concernant ces crédits? Comment expliquez-vous cette baisse et quelles réponses envisagez-vous ? Enfin, comment justifiez-vous la moindre ventilation des crédits pour le programme dédié à l’intégration et quels chantiers majeurs comptez-vous engager pour garantir son effectivité, notamment en collaboration avec les initiatives des collectivités ?
M. Laurent Marcangeli (HOR). L’importance des missions qui nous réunissent aujourd’hui n’est plus à démontrer. Elles se situent au cœur des responsabilités de l’État et, par conséquent, de son budget. Pour 2025, leur enveloppe totale s’élève à plus de 32 milliards d’euros en crédits de paiement. 25 milliards sont alloués à la sécurité de nos concitoyens, soit une augmentation de 3,7 % par rapport à l’exercice précédent. Près de 5 milliards sont destinés à assurer la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire et à décliner localement les politiques publiques nationales. Enfin, le budget consacré à l’immigration s’établit à un peu plus de 2 milliards d’euros pour 2025, accusant une baisse de 5 %.
Dans un contexte de tension budgétaire nécessitant de dégager 60 milliards d’euros d’économies, les budgets présentés témoignent de l’effort demandé par le Gouvernement. Ils ne suivent ainsi que partiellement la trajectoire prévue dans la LOPMI votée sous la précédente mandature. Si la mission « Sécurités » voit son budget augmenter, elle est néanmoins marquée par la stagnation des effectifs de la police nationale.
Le groupe que je préside tient à réaffirmer son attachement à ce qui doit constituer une priorité absolue : la sécurité de nos concitoyens. À cet égard, nous serons particulièrement attentifs au déploiement des 239 nouvelles brigades de gendarmerie dans nos territoires. Pourriez-vous nous préciser combien viendront s’ajouter aux 80 brigades déjà créées l’an dernier ?
De même, nous souhaiterions obtenir des éclaircissements sur la diminution significative du budget alloué à la lutte contre l’immigration irrégulière, tout en rappelant que ce dernier avait connu une hausse de 50 % l’année précédente. Nous estimons notamment que la construction de nouvelles places en CRA, telle que prévue par la LOPMI, doit demeurer prioritaire.
Ce budget démontre néanmoins la volonté du Gouvernement de maintenir un niveau élevé de sécurité et de cohésion sociale en renforçant la présence de l’État sur l’ensemble du territoire. La mission AGTE reflète bien la dynamique nouvelle insufflée par la LOPMI dans le réarmement des territoires. L’extension du réseau des sous-préfectures, le renouvellement des installations dédiées à la gestion de crise et la convergence du socle informatique commun à tous les services en sont la preuve. La modernisation du système d’information via des projets comme le réseau radio du futur et le cloud de seconde génération témoigne également d’un engagement à long terme dans l’innovation. Nous saluons par ailleurs le maintien des crédits consacrés aux maisons France Services.
La mission « Immigration, asile et intégration » traduit une volonté forte d’accélérer les procédures administratives, notamment pour le traitement des demandes d’asile. L’OFPRA prévoit de rendre 161 000 décisions en 2025 grâce à une augmentation de ses effectifs de 29 ETP. Ce renforcement est bienvenu et permettra de traiter plus rapidement les dossiers, évitant ainsi que des situations irrégulières ne perdurent et que les étrangers sans droit au séjour ne s’installent durablement sur notre territoire.
Cette dynamique s’inscrit dans le prolongement de la loi votée le 26 janvier 2024, que le groupe Horizon et Indépendants a soutenu. Cette loi nous a dotés d’outils renforcés pour mettre fin au séjour de ceux dont le comportement menace l’ordre et la sécurité publique dans notre pays, tout en réaffirmant nos exigences d’intégration et de respect des principes de la République.
Mme Martine Froger (LIOT). En matière d’immigration, je constate une contradiction entre vos discours martiaux et la baisse des crédits, notamment ceux alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière, qui diminuent de 23,55 %. Cette réduction ne s’accorde pas avec vos déclarations sécuritaires.
Je conteste votre affirmation selon laquelle nous disposons d’un budget en hausse d’un côté et d’une réduction des places d’accueil de l’autre. L’annexe au PLF pour 2025 pour la mission « Immigration, asile et intégration » indique que le parc dédié aux demandeurs d’asile et aux bénéficiaires de la protection internationale est budgété pour 113 258 places, soit une diminution de 6 179 places par rapport à 2024. Comment justifiez-vous cette réduction ? Anticipez-vous une hausse modérée des demandes d’asile en 2025 ? Je rappelle que de 2015 à 2020, les six hypothèses d’évolution des demandes d’asile présentées dans les projets de loi de finances ont été démenties par les faits, parfois de manière significative.
Concernant la politique d’intégration par la langue et l’emploi, second pilier de la loi immigration que vous avez renforcé en tant que sénateur, je m’étonne de constater que l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) perd des effectifs en 2025 et que son budget s’élève à 275 millions d’euros contre 281 millions en 2023. Cet acteur clé pour l’intégration des primo-arrivants devra donc faire plus avec moins. Je déplore également la diminution des crédits pour le déploiement territorial de cette intégration. L’intégration par le travail nécessite un dialogue avec les partenaires locaux pour répondre au mieux aux besoins des bassins d’emploi.
Au-delà de cette trajectoire peu encourageante, je m’interroge sur l’avenir du dispositif de régularisation pour les métiers en tension. Déjà strictement encadrées, ces régularisations sont bénéfiques à certains secteurs. Pourquoi donc envisager l’abrogation de la circulaire Valls ?
Vous évoquez déjà une nouvelle loi sur l’immigration, alors que tous les décrets de la loi récemment promulguée n’ont pas été publiés, que toutes les mesures n’ont pas encore été mises en œuvre et que vous prévoyez une réduction des crédits. En réalité, vous ne disposez ni des moyens pour financer ni pour appliquer ces nouvelles mesures.
Pour conclure, je tiens à souligner que les moyens accordés par ce budget 2025 à votre ministère doivent financer notre sécurité et lutter contre les troubles à l’ordre public. Or les projets de multiplication des lieux d’enfermement administratif, d’augmentation de la durée de rétention, les injonctions à la fermeté adressées aux préfectures, l’obsession de la délivrance des obligations de quitter le territoire français (OQTF) sans discernement, combinés à la diminution des crédits, ne contribuent pas à apporter sérénité et objectivité à ce qui devrait nous préoccuper tous : une politique migratoire juste et respectueuse des libertés fondamentales telles que le droit à la santé et à la dignité. C’est également ce qu’ont exprimé nos concitoyens lors des dernières consultations.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Force est de constater que le budget alloué à la mission « Immigration, asile et intégration » ou en tout cas ce qu’il en reste ne semble pas bénéficier de votre arrivée au ministère. La loi « immigration » du 26 janvier 2024 a marqué un tournant dans notre politique migratoire dont on observe déjà les effets néfastes. Désormais, cette politique se focalise presque exclusivement sur le contrôle et la répression des étrangers, au détriment de l’accueil et de l’intégration. Vous assurez la continuité de cette stratégie en ressassant, comme Valeurs actuelles, le récit qui fait de l’étranger un délinquant par essence et vous mentez délibérément aux Français en leur faisant croire que l’exécution d’OQTF garantirait automatiquement leur sécurité et que, comme tous les ministres, vous allez réussir à en exécuter plus. Cette obsession dangereuse se reflète dans les choix budgétaires de cette mission, qui connaît une diminution de plus de 5 % en 2025 par rapport à 2024.
Bien que vous affirmiez par voie de presse que l’intégration est en panne depuis longtemps, le programme 104 d’intégration et d’accès à la nationalité française subit une baisse de près de 15 %. L’action 12, dédiée à l’intégration des étrangers primo-arrivants, enregistre une réduction drastique, impactant notamment les cours de français langue étrangère. Cette décision semble paradoxale au vu du renforcement des exigences linguistiques prévu par la loi du 26 janvier 2024 pour les étrangers en situation régulière. Or la suppression des budgets alloués aux formations de l’OFII et aux structures de proximité compromettra l’accès à la langue et à la stabilité administrative pour des personnes qui, nous le savons, resteront sur le territoire français. L’État impose une obligation de certification pour l’obtention de titres de séjour, mais l’OFII n’a plus les moyens d’honorer ses missions d’intégration. Sans ressources pour l’apprentissage de la langue, cette exigence devient discriminatoire. Cela ne vous dérange guère, mais comment intégrer sans y mettre les moyens ?
Par ailleurs, vous vous réclamez de l’ordre, mais vous réduisez de 71 millions d’euros les crédits du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés, les contraignant souvent à vivre dans la rue, alors qu’ils ont droit à un logement décent. Cette décision aggravera la situation et mettre à la rue encore plus de demandeurs d’asile. Ce sont vos choix budgétaires qui vont créer du désordre, car quand on accueille bien, cela se passe bien.
Par contraste, vous prévoyez d’augmenter le nombre de places en CRA, avec un objectif d’accroissement de la capacité d’ici 2027. Quel est le sens de cette inflation continue des places en CRA, alors que la rétention est de plus en plus utilisée comme un outil de politique sécuritaire, y compris pour des personnes sans parcours pénal et dont l’expulsion est manifestement impossible ? Vous militez ardemment pour une prolongation de la durée de rétention et une réduction du contrôle du JLD. Ces annonces soulèvent des inquiétudes quant à la transparence et au respect des droits dans les CRA. Pourriez-vous clarifier votre position sur le rôle des associations dans les centres de rétention administrative ? Quelle est votre vision concernant l’aide à l’exercice des droits des personnes retenues ? Enfin, je m’étonne que vous n’ayez pas évoqué vos intentions concernant les circulaires de régularisation des travailleurs sans papiers, même si nous sommes dans le cadre d’un débat budgétaire.
Mme Brigitte Barèges (UDR). Après les promesses, les actions au sens propre et au sens figuré. Le groupe UDR estime que le budget vous présentez est un budget de renoncement sur l’immigration et sans ambition pour la police. Nous le qualifierions volontiers de « macroniste ». Il est triste que vous vous soyez si vite résolu à l’inaction et à l’immobilisme. En effet, vos discours volontaristes, si séduisants soient-ils, ne masquent pas l’aveu d’impuissance que traduit ce budget face aux flux migratoires que vous ne parvenez manifestement pas à endiguer. Les prévisions pour 2025, jusqu’alors non communiquées, font état de 147 000 demandeurs d’asile, chiffre qui suscite notre inquiétude et nous laisse penser qu’il y a une forme de tromperie sur la marchandise.
Concernant la mission « Immigration, asile et intégration », nous avons levé le lièvre de la baisse considérable des crédits alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière. Comme l’a souligné notre président Éric Ciotti dans un courrier qu’il vous a adressé jeudi dernier au nom du groupe UDR, votre budget prévoit une diminution sans précédent de près de 24 % des crédits de paiement, passant de 206 millions d’euros à 199 millions d’euros, et de 42,20% des autorisations d’engagement, réduites de 299 millions d’euros à 173 millions d’euros. Ce désarmement de notre politique de lutte contre l’immigration irrégulière, tant en investissement qu’en fonctionnement, est inacceptable.
Cette réduction budgétaire révèle votre manque de volonté de consacrer les moyens nécessaires à la lutte contre l’immigration irrégulière ou à la poursuite de l’effort indispensable de construction de CRA supplémentaires. Le budget montre d’ailleurs clairement que vous vous contenterez d’achever les projets précédemment votés, notamment les 3 000 places supplémentaires obtenues grâce à un amendement d’Éric Ciotti dans la loi d’orientation, sans pour autant poursuivre ces efforts sur le long terme, d’où cette chute drastique des autorisations d’engagement.
Vous justifiez cette baisse en arguant qu’une réduction des délais de traitement des dossiers de demande d’asile entraînera un besoin moindre en places de CRA. Permettez-moi d’exprimer mon scepticisme quant à cette explication, qui s’apparente à un vœu pieux. La diminution des crédits de fonctionnement constitue pour nous une source de préoccupation majeure.
Sans vouloir rappeler l’actualité récente et les drames que nous vivons, dus au relâchement dans la nature de personnes sous OQTF par manque de moyens de suivi et de places en CRA, il est évident qu’avec un tel budget, vous ne pourrez prétendre avoir tout mis en œuvre pour protéger les Français. Il faut au contraire maintenir a minima ces crédits et poursuivre l’augmentation de l’effort financier pour la construction de CRA. Comme l’a indiqué le président Ciotti dans sa lettre, puisque le Gouvernement s’y refuse, le groupe UDR proposera un amendement en ce sens lors de la discussion budgétaire.
De plus, sur les programmes de la mission « Immigration, asile et intégration », vous augmentez encore les autorisations d’engagement pour la garantie de l’exercice du droit d’asile (+12,63 %) et pour l’accueil des étrangers primo-arrivants (+9 %), tout en réduisant massivement le financement de leur intégration (-73 % en autorisations d’engagement, -45 % en crédits de paiement). C’est à nouveau exactement l’inverse de ce qu’il faudrait faire : diminuer l’accueil et accroître l’intégration de ceux qui sont déjà présents sur notre territoire.
Ce budget porte ainsi la marque de votre renoncement ou peut-être de votre impuissance à agir concrètement pour lutter contre l’immigration irrégulière. L’espoir aura été de courte durée.
M. Sacha Houlié (NI). L’examen des crédits figurant dans votre projet de loi de finances doit nous éclairer vos priorités. Or il laisse dubitatif. En matière de sécurité, vous avez affirmé à maintes reprises que la lutte contre la criminalité organisée constituait votre priorité. Je vous en ai félicité, ce qui est peu commun de ma part. Cependant, comment expliquez-vous que le budget présenté prévoie un schéma d’emploi nul tant dans la police que dans la gendarmerie ? Pourquoi refusez-vous d’embaucher de recruter de nouveaux agents pour combattre ces fléaux ? Cette décision contredit l’esprit de la LOPMI, adoptée il y a deux ans, qui prévoyait le recrutement de 8 000 agents supplémentaires durant le quinquennat.
Plus préoccupant encore, comment justifiez-vous la réduction de plus de 8 % du budget de la police judiciaire, dont la mission essentielle est d’enquêter sur les réseaux criminels et les trafics de stupéfiants ? Il semblerait que vous ayez privilégié la communication au détriment d’une action publique efficace.
Concernant les investissements, le rapporteur note qu’aucun projet immobilier ne pourra être réalisé pour la police nationale. Qu’en est-il des 238 brigades de gendarmerie annoncées, pour lesquelles nous avions voté la LOPMI ? Pouvons-nous compter sur les 40 à 60 brigades promises annuellement pour la période 2024-2027, notamment dès 2025 ?
Sur le plan de l’immigration, je ne suis guère étonné des coupes opérées dans la mission « Immigration, asile et intégration », principalement dans les dépenses d’intégration, dont vous réduisez de moitié les crédits alloués. Je me permets de vous suggérer que la meilleure façon de diminuer l’ADA serait de les autoriser à travailler. C’était l’objet de l’article 4 de la loi immigration que vous avez malencontreusement supprimé.
Vous réduisez également les crédits dédiés à la lutte contre l’immigration illégale. Je déplore vos déclarations, depuis votre dernière audition, sur la régularisation des travailleurs et la remise en question de la circulaire Valls. En maintenant ces personnes dans l’illégalité, alors qu’elles contribuent à la société, vous persistez à désorganiser celle-ci en paralysant les préfectures et en décourageant les employeurs et salariés qui aspirent simplement à travailler sereinement.
Enfin, comment interpréter la suppression de près de 350 postes dans les préfectures et sous-préfectures, alors que vous vantiez récemment le retour de la déconcentration de l’État dans les départements ?
M. Bruno Retailleau, ministre. Pour éviter une crise financière qui affecterait principalement les Français les plus vulnérables, le Premier ministre a dû entreprendre un effort de redressement des comptes sans précédent depuis cinquante ans. Aucun domaine ne peut être exempté de cet effort. Néanmoins, le budget de mon ministère augmente de 752 millions d’euros. La mission « Sécurités » bénéficie ainsi d’une hausse de 587 millions d’euros, dont 160 millions pour la police nationale et 519 millions pour la gendarmerie nationale. De plus, lors de sa récente visite dans les Alpes-Maritimes, le Premier ministre a confirmé qu’un amendement budgétaire viendra renforcer significativement les crédits de mon ministère. Bien que je ne puisse pas encore en préciser le montant, il est évident que les chiffres actuels sont provisoires et qu’ils seront revus à la hausse.
Il convient de souligner qu’en France, il n’existe pas de corrélation directe entre la dépense publique et l’efficacité des services publics. Malgré l’augmentation constante des budgets de certains services publics depuis des années, les Français perçoivent une détérioration dans des domaines tels que la santé et la sécurité. Cette situation démontre que le niveau de dépense n’est pas nécessairement garant de la performance. Des réformes s’imposent, notamment concernant le budget de l’immigration, qui sera également augmenté grâce à l’amendement mentionné précédemment.
Je confirme notre intention de créer une quatrième unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile à Libourne. Le chef de corps a déjà été désigné et installé. Actuellement, nous finalisons le recrutement du personnel. La programmation immobilière est en cours de définition et, malgré un léger retard, nous prévoyons de commencer l’investissement dès 2026. Le site choisi est remarquable sur le plan patrimonial, s’agissant d’une ancienne caserne de gendarmerie datant du XVIIe siècle. En termes d’effectifs, nous avons déjà atteint 40 % de notre objectif, qui est fixé à 580 équivalents temps plein. Je signerai prochainement le décret de création de cette unité, soit à Paris, soit sur place si nécessaire. Cette signature constituera l’acte essentiel et définitif de création, en complément des moyens concrets déjà alloués à la mission de cette unité.
Concernant l’administration territoriale de l’État, je m’efforce, fort de mon expérience d’élu local, de faire en sorte que le ministère de l’Intérieur ne se cantonne pas uniquement à la sécurité. Bien que l’actualité nous accapare beaucoup sur ce sujet, je tiens particulièrement à l’administration territoriale de l’État, qui bénéficiera dans ce budget de plus de 300 millions d’euros, avec un effort notable en matière immobilière. Notamment dans les préfectures que je connais bien, elle fonctionne avec des effectifs très réduits. Aucune diminution d’effectifs n’est envisagée pour l’instant et le schéma d’emploi demeurera stable, mais je souhaiterais obtenir quelques dizaines de postes supplémentaires, la masse salariale étant disponible. Il faudra donc négocier avec Bercy pour assouplir le schéma d’emploi.
Plus de 400 tables rondes ont été organisées par les préfets dans le cadre des rencontres de la transition écologique. Il convient désormais d’en restituer les résultats et d’en tirer les enseignements pour élaborer un plan d’action, conformément à mon engagement envers les organisations syndicales.
Le personnel des entreprises privées de sécurité a été largement sollicité pendant les Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Nous réfléchissons à son intégration dans le continuum de sécurité. Cette ressource humaine qualifiée, qui a démontré sa compétence durant les Jeux, pourrait être utile à divers postes, privés ou publics, sous réserve de passer certains concours. Nous sommes disposés à les accompagner et à soutenir leur qualification.
La séance est suspendue de dix-huit heures cinquante à dix-neuf heures cinq.
M. Bruno Retailleau, ministre. Je signerai bientôt la circulaire concernant la fiscalité des véhicules des SDIS, qui a été abordée dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile.
La baisse de la réserve opérationnelle s’explique par un effet JOP en 2024, qui a entraîné un gonflement temporaire. En 2025, nous augmenterons de 4 000 le nombre de réservistes. Nous avons revu ses vocations, ce qui nous permettra d’adapter ses effectifs en fonction des besoins.
Je tiens particulièrement aux protocoles car ils représentent des engagements envers les organisations syndicales. La stratégie immobilière concerne l’administration territoriale de l’État, mais surtout la gendarmerie nationale. Nous réalisons d’importants efforts, notamment pour les sites de la DGSI et le site « Universeine » à Saint-Denis, qui regroupera 2 700 salariés.
Pour la gendarmerie, nous devons repenser le modèle de financement. Actuellement, nous avons externalisé les financements en sollicitant des bailleurs sociaux et des collectivités, mais les loyers ont doublé en quinze ans, passant de 300 à 600 millions d’euros. Cette augmentation de 100 millions tous les cinq ans risque de conduire à un blocage. Nous devons envisager de nouveaux modes de financement, notamment les partenariats public-privé (PPP) pour les grands projets comme le site de Satory. Cependant, il faudra probablement reprendre en régie directe certains investissements pour éviter l’asphyxie financière.
Concernant le numérique, vous avez raison de mentionner la lance diphasique, qui a été testée avec succès. Nous devons investir dans les technologies modernes, y compris l’intelligence artificielle. Le rapport de Philippe Latombe et de Philippe Gosselin est intéressant à cet égard. Nous avons expérimenté une caméra algorithmique pendant les JOP, capable de détecter des présences ou des objets inhabituels, ainsi que des flux anormaux, sans recourir à la reconnaissance faciale. Nous ne devons pas nous priver de ces avancées technologiques, sous peine de prendre du retard par rapport à nos partenaires du G7.
Pour la sécurité civile, nous réaliserons d’importants investissements dans les hélicoptères. Concernant les Canadairs, 31 millions d’euros seront dépensés en 2024, mais sans règlement cette année, ce qui explique le trou d’air dans le budget.
Quant à la sécurité routière, nous disposons des budgets nécessaires pour les campagnes de sensibilisation. Les chiffres actuels sont encourageants, avec le deuxième meilleur bilan depuis la pandémie à la fin de l’été dernier, même s’il y a toujours trop de décès.
Enfin, le budget de la gendarmerie nationale prévoit une remise à niveau de 175 millions d’euros pour l’immobilier.
Je tiens à assurer à la rapporteure Laure Miller que nous appliquerons la loi « immigration » votée en janvier 2024. Bien que mon prédécesseur ait fait le maximum pour publier les décrets, une dizaine seulement sont parus sur la vingtaine prévue. S’agissant de décrets en Conseil d’État, leur publication a été interrompue lorsque le Gouvernement est devenu démissionnaire. Nous reprenons et accélérons ce travail afin de donner toute sa force au texte voté en janvier dernier.
Un amendement budgétaire sera présenté pour augmenter les moyens alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière. Toutefois, des économies sont nécessaires. L’affectation de 29 équivalents temps plein à l’OFPRA permettra de réduire les délais et les procédures, générant des économies sur l’ADA. De même, l’hébergement sera optimisé pour mieux correspondre aux besoins des demandeurs d’asile et des réfugiés. Le nombre d’Ukrainiens hébergés passera de 96 000 à 39 000 en 2025, engendrant également des économies. La décentralisation de France Asile et l’expérimentation d’un guichet unique dans trois régions réduiront les frais de transport.
Pour l’intégration, le budget 2025 s’élève à 372 millions d’euros, contre 370 millions exécutés en 2024. Nous mobiliserons davantage les fonds européens, notamment le fonds Asile Immigration. Le dispositif « Agir » bénéficiera de 38 millions d’euros, auxquels s’ajouteront 17 millions de fonds européens. Ce programme inédit visera l’intégration de 25 000 personnes de manière globale. Les contrats d’intégration républicaine (CIR) ont été renforcés en matière linguistique et civique, passant d’un objectif de moyens à un objectif de résultats.
Concernant les CRA, je suis favorable à une prolongation de la rétention pour les auteurs de crimes sexuels, compte tenu de leur taux élevé de récidive. Une mesure législative sera nécessaire. L’objectif de 3 000 places en CRA d’ici 2027 n’est pas entravé par des contraintes budgétaires, mais par des délais procéduraux. Nous disposons de 40 millions d’euros pour engager la construction de CRA à Mérignac, Dunkerque (cofinancé par les Britanniques), Dijon, Nantes et Béziers. Une task-force sera créée pour accélérer les procédures de construction.
Le JLD, conformément à la loi, prend en considération la perspective d’éloignement des individus. Cependant, il me semble plus fondamental d’examiner la probabilité de récidive, de réitération et de dangerosité pour la société. Mon prédécesseur a eu raison de cibler dans les CRA les personnes les plus dangereuses. Néanmoins, je ne pense pas que l’augmentation des places en CRA constitue la solution miracle. C’est pourquoi je m’efforce de conclure des accords européens ou bilatéraux avec des pays d’origine, de transit ou des pays tiers sûrs, afin d’accélérer les éloignements et de ralentir le flux d’entrée. Une circulaire que j’adresserai aux préfets leur rappellera l’existence de la mesure de « libération conditionnelle éloignement » permettant une réduction de peine couplée à un éloignement, évitant ainsi le passage par les CRA.
Concernant l’hébergement, nous observons une baisse de 6 500 places, compensée par l’augmentation du taux de disponibilité des places grâce à la fin de travaux. De plus, le dispositif provisoire d’hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS) sur la plaque parisienne, actuellement sous-utilisé, offre une flexibilité supplémentaire pour accueillir différents publics.
Je maintiens que le pacte asile-immigration est bénéfique au niveau européen. Il introduit une innovation juridique majeure pour la frontière extérieure de l’Europe, en créant une sorte de fiction juridique considérant les arrivants comme dans une situation extraterritoriale. Cela permettra d’accélérer les traitements, notamment pour les demandeurs d’asile provenant de pays dont le taux de protection moyen est inférieur à 20 %, ce qui facilitera les éloignements rapides. Je proposerai un vecteur législatif de transposition de ce pacte et cette mesure devra être complétée par la révision de la directive retour, actuellement mal nommée puisqu’elle entrave les retours.
Concernant les CRA et la lutte contre l’immigration irrégulière, aucune baisse budgétaire n’est prévue. Le changement apparent résulte d’une réforme de la police nationale et d’une modification de la présentation comptable qui vise à faire coïncider l’action de police judiciaire avec la filière correspondante. Je reconnais la souffrance de la filière investigation, avec près de 1,9 million de procédures en instance. Je réfléchis à des mesures pour revaloriser l’ensemble de la filière, particulièrement au sein de la police nationale, où il est nécessaire de valoriser les enquêteurs de police judiciaire.
Enfin, les pactes capacitaires verront leur budget augmenter de plus de 40 millions d’euros, permettant de soutenir l’action des SDIS. Cette approche est vertueuse, car elle les conforte et permet, grâce à des marchés nationaux, de réaliser des économies d’échelle et d’obtenir de meilleurs prix. J’ai exposé l’importance de l’interopérabilité des équipements entre les SDIS, notamment pour les colonnes de lutte contre les feux de forêt. Concernant la quatrième unité d’instruction et d’intervention, j’en ai parlé précédemment. Quant à la flotte aérienne, j’ai évoqué les hélicoptères civils et les avions bombardiers d’eau Canadair. Deux ont été commandés sur les quatre prévus. J’ai demandé au directeur général de la Sécurité civile d’envisager également la location d’appareils pour plus de souplesse. Étant donné les problèmes de fabrication des Canadair, externalisée au Canada, il est nécessaire de repenser l’ensemble de notre flotte aérienne (Canadair, Dash, hélicoptères) avec un objectif stratégique à dix ou quinze ans.
Le Beauvau de la sécurité sera relancé en novembre prochain avec quatre chantiers. J’ai abordé les CRA, la mission « Immigration, asile et intégration », l’immobilier et le protocole RH.
Le modèle français de sécurité civile repose sur trois piliers essentiels : la mixité des statuts (bénévolat, volontariat, professionnels, personnel civil et militaire), une forte territorialisation et la complémentarité entre moyens locaux et nationaux. Ce modèle nous permet d’assurer une défense efficace du territoire face aux diverses crises.
Deux points méritent notre attention. D’une part, il est impératif de refuser l’application de la directive européenne sur les 35 heures aux sapeurs-pompiers volontaires, qui risquerait de les assimiler à des salariés et fragiliserait notre modèle. D’autre part, nous devons constamment adapter ce modèle.
Concernant les retraites des sapeurs-pompiers volontaires, une solution de gratification des pensions a été votée par le Parlement à l’unanimité, pour un coût de 75 millions d’euros. Je propose de privilégier une solution de fidélisation à partir de 2025, en attribuant des trimestres par tranches de dix ans puis de cinq ans supplémentaires. L’enjeu principal est en effet la fidélisation à long terme.
Enfin, le projet de radio du futur, d’un montant de 65 millions d’euros, permettra de rendre le réseau plus résilient et plus solide. Bien que sa mise en place ait été difficile, ce réseau est essentiel pour maintenir les communications en cas d’effondrement des réseaux classiques, comme nous l’avions constaté lors de la tempête Xynthia en Vendée.
Le plan de mobilisation contre le suicide dans la police nationale ne connaît pas de baisse effective. Nous avons simplement ajusté les crédits au niveau des années précédentes, en fonction de leur consommation réelle. C’est une démarche de bonne gestion.
Quant aux délais de délivrance des titres, ils demeurent élevés, notamment pour les naturalisations. Cette augmentation s’explique principalement par la hausse significative des demandes, passant de 77 000 en 2020 à 155 000 en 2023. Le déploiement des trois premiers sites expérimentaux France Asile devrait permettre de réduire considérablement ces délais, de même que le renfort de 29 équivalents temps plein à l’OFPRA.
J’ai déjà fourni des réponses détaillées concernant la sécurité civile et l’immigration. Je réaffirme notre volonté d’améliorer l’efficacité et de réaliser des économies sur certains points. Un amendement gouvernemental viendra d’ailleurs rehausser les crédits.
Pour la gestion des CRA, il est nécessaire de poursuivre le criblage tout en revoyant la durée de rétention, notamment pour les individus présentant le plus haut degré de dangerosité. Nous devons anticiper, en utilisant diverses mesures, comme la libération conditionnelle ou l’éloignement. Nous proposerons d’améliorer la coordination avec les pays d’origine et entre la justice et le ministère pour optimiser les départs et réduire la pression sur les CRA.
Je partage votre inquiétude concernant les loyers de la gendarmerie. Sans modification, nous risquons un blocage du système. Nous envisageons un équilibre entre l’externalisation de l’investissement pour les grands projets via des partenariats public-privé, et une gestion interne pour les projets courants. Cette transition engendrera des coûts et nous allons entamer une réflexion approfondie au sein du ministère pour apporter des réponses transparentes.
J’ai déjà répondu à la question sur les agents de police judiciaire (APJ). Quant à la police de proximité, le modèle des JOP n’est pas transposable en raison des renforts exceptionnels déployés. En revanche, nous réfléchissons à accroître la visibilité et la proximité des forces de l’ordre, notamment dans les transports publics. Je fournirai plus de détails à ce sujet lors de ma visite à Toulouse pour la cérémonie de sortie de la nouvelle promotion des gardiens de la paix.
Concernant la sécurité civile, je tiens à souligner l’augmentation budgétaire liée aux annonces présidentielles sur la formation des policiers. Les écoles de police poursuivront leur fonctionnement, leurs recrutements et la formation des jeunes gardiens de la paix.
Concernant les effectifs de l’administration territoriale de l’État, nous observons une stabilisation. Le schéma d’emploi demeure stable, mais je considère qu’une quarantaine d’emplois supplémentaires seraient nécessaires pour répondre aux nécessités de service et suivre la trajectoire de la LOPMI. Je m’efforcerai d’obtenir un déblocage sur ce point dans les mois à venir, sachant que nous disposons de la masse salariale requise.
Je confirme le montant de 587 millions d’euros alloué à la sécurité. Quant au déploiement des nouvelles brigades, une cinquantaine est prévue pour 2025. Nous disposons là encore de la masse salariale nécessaire, mais Bercy a pour l’instant bloqué le schéma d’emploi. Cela fera l’objet d’un amendement budgétaire visant à déverrouiller ce schéma, sans demander de crédits supplémentaires.
Concernant l’immigration irrégulière, j’ai déjà évoqué le plan « Agir, pour l'emploi et le logement des personnes réfugiées ». Cet effort en faveur de 25 000 personnes est sans précédent, avec un suivi très individualisé des publics concernés.
Il n’y a pas de mauvaise gestion du budget. Pour ce qui est du paiement des loyers de la gendarmerie, une sous-budgétisation a probablement eu lieu, à laquelle se sont ajoutées les dépenses liées à la Nouvelle-Calédonie et aux JOP. Les crédits ont été consommés plus rapidement que prévu. Je vous informe que projet de loi de fin de gestion comprendra les crédits nécessaires pour régler les loyers, en commençant par les petits bailleurs sociaux et les petites collectivités territoriales, suivies des plus grandes.
Pour les effectifs de la police nationale, nous avons déjà atteint 80 % de l’objectif fixé par la LOPMI. L’effort se poursuit, tenant compte des recrutements déjà effectués. Concernant l’OFPRA, les 29 ETP supplémentaires permettront de réduire les délais de procédure.
Quant à l’OFII, nous maintenons une stabilité entre les crédits inscrits et ceux consommés. L’OFII accomplit un travail remarquable et conservera ses moyens pour développer ses missions.
Concernant la circulaire Valls de 2011, le contexte juridique a évolué avec la nouvelle loi « immigration ». Deux changements majeurs sont à noter : la circulaire Valls concernait tous les métiers, alors que la nouvelle loi se concentre sur les métiers en tension. Une concertation est en cours dans toutes les régions pour établir la liste de ces métiers. La nouvelle circulaire prendra en compte cette cible votée dans la loi. De plus, le champ d’application et les méthodes de contrôle diffèrent. Les préfectures vérifient désormais le caractère réel et sérieux du travail pour détecter d’éventuelles filières clandestines qui exploitent des irréguliers. Ce contrôle s’avère nécessaire face à la facilité de produire de faux contrats de travail ou titres de location. De plus, il ne suffit plus de travailler, il faut également vérifier la compatibilité de l’insertion avec le respect des principes républicains.
Concernant le statut des personnes en situation irrégulière, je n’ai jamais affirmé qu’elles étaient par essence des délinquants. Néanmoins, lors d’un récent Conseil européen justice et affaires intérieures, j’ai constaté que les vingt-sept ministres de l’Intérieur, qu’ils soient de gauche, sociaux-démocrates ou de droite, tenaient un discours similaire. Tous les peuples européens réclament de la fermeté et une reprise de contrôle sur les flux migratoires. C’était très instructif.
Je confirme que le coût de la politique du logement pour les étrangers sur la seule plaque parisienne s’élève à 1,7 milliard d’euros. Il est légitime d’examiner l’efficacité de cette politique, notamment pour ceux qui occupent indûment ces logements.
Concernant les CRA et les associations, je souhaite mener une réflexion similaire à celle menée pour les médecins et les titres étrangers malades. Dans les CRA, nous pourrions envisager de confier la mission d’évaluation des droits à l’OFII, possiblement avec un magistrat indépendant. Sur la question de l’indépendance nécessaire pour exercer une telle mission, je vous rappelle qu’un autre organisme – l’OFPRA –, bien que dépendant de mon ministère, a su faire la démonstration qu’il ne manquait pas d’indépendance dans ses décisions.
Enfin, évaluer l’efficacité des politiques publiques uniquement à l’aune de la dépense publique serait une erreur pour notre pays.
Quant aux effectifs dans les préfectures, je répète qu’il n’y a pas de suppression de postes. Au contraire, je souhaiterais les augmenter, mais nous devons d’abord déverrouiller le schéma d’emploi.
M. Julien Rancoule (RN). Je souhaite vous interroger sur la diminution de plusieurs dizaines de millions d’euros du budget alloué à la sécurité civile. Cette réduction s’avère incompréhensible face aux défis colossaux auxquels nous sommes confrontés dans ce domaine. Les sapeurs-pompiers ont franchi le cap des 5 millions d’interventions en 2023, ce qui représente une augmentation de 30 % en une décennie. Parallèlement, le mode de financement des SDIS demeure inchangé depuis deux décennies, dans un contexte où les contraintes budgétaires pesant sur nos collectivités territoriales s’accentuent. Le nombre de volontaires, qui constituent 80 % des effectifs, stagne, voire régresse dans nos zones rurales. Il est donc impératif de valoriser leur engagement et de lancer une campagne nationale de recrutement de sapeurs-pompiers volontaires. Simultanément, les associations agréées de sécurité civile jouent un rôle essentiel et leur subvention doit être revalorisée. Actuellement, nous allouons 150 000 euros à une quinzaine d’associations, ce qui s’avère insuffisant.
Cet été encore, les pilotes de la sécurité civile ont rencontré d’importantes difficultés liées au manque de disponibilité de nos Canadair. Certes, un plan de renouvellement de la flotte est en cours, mais il ne suffira pas. Nous approchons dangereusement d’un point de rupture, avec des manquements dans l’entretien de nos appareils.
Par ailleurs, aucune ligne budgétaire n’est dédiée à l’innovation en matière de sécurité civile, malgré l’existence de solutions technologiques prometteuses. Il est primordial de soutenir ces innovations françaises pour régénérer et moderniser les équipements.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Un jeune homme de 27 ans s’est effondré dans le CRA du Mesnil-Amelot. Ses co-retenus ont vainement tenté de le secourir en pratiquant des massages cardiaques et en appelant à l’aide. Il est décédé. La veille, un autre retenu avait tenté de se suicider dans ce lieu sinistre où règne le désespoir.
La durée de rétention n’influe nullement sur l’efficacité des procédures d’éloignement. Pourtant, vous ne vous contentez pas de remplir ces centres infâmes. Parallèlement, vous continuez à détricoter l’exercice du droit d’asile. Comment justifier une réduction de 5 % des dépenses liées à l’hébergement des demandeurs d’asile, alors que vous prévoyez une augmentation équivalente du flux des demandes pour l’année à venir ? Cela se traduit par la suppression de 6 429 places dans les hébergements d’urgence. De plus, la dotation relative à l’ADA diminue de 16 % pour 2025, après une réduction de 10 % déjà votée en loi de finances pour 2024. Cette politique entraînera inévitablement une augmentation du nombre de personnes à la rue, affamées et livrées à elles-mêmes. J’attends vos explications sur la logique de ce calcul macabre, qui semble bien éloigné d’une mission d’accueil et de prise en charge d’êtres humains en exil.
Mme Émilie Bonnivard (DR). Je souhaite attirer votre attention sur la situation des contrôles aux frontières intérieures, particulièrement à la frontière franco-italienne, à Menton. Depuis la décision du Conseil d’État d’annuler la possibilité d’effectuer des refus d’entrée sur le territoire national à partir du sol étranger, nous constatons une augmentation significative des admissions. La procédure actuelle s’avère extrêmement chronophage : elle mobilise trois agents pendant quinze heures pour réaliser une seule admission en retenue administrative. Durant ce laps de temps, ces agents ne peuvent assurer la surveillance de la frontière. L’effectif actuel compte quarante agents, mais il manque encore trente professionnels à Menton pour répondre aux besoins. Les autorités italiennes, quant à elles, accomplissent efficacement leur tâche, ce qui se traduit par un afflux important d’étrangers vers notre territoire. Nous sommes confrontés à un triple effet ciseau et à une désorganisation de la frontière. Dans ce contexte, comment pouvons-nous soutenir ces agents pour améliorer leur collaboration avec les autorités italiennes et améliorer la gestion de cette situation complexe ?
M. Paul Christophle (SOC). L’indicateur 2.1 de la mission « Sécurités » révèle des résultats mitigés concernant l’élucidation des infractions. En 2023, nous n’avons élucidé que 18,6 % des vols avec violence, 9,5 % des cambriolages à domicile et 71 % des homicides, laissant ainsi 29 % de ces derniers non résolus. La comparaison avec les années antérieures démontre une stagnation, voire une détérioration des taux d’élucidation. Nous reconnaissons l’abnégation et l’engagement de nos forces de l’ordre dans l’accomplissement de leurs missions. Néanmoins, ces chiffres soulèvent des interrogations quant aux moyens que l’État leur alloue. La réforme de la police nationale, qui a considérablement affaibli la police judiciaire, aura pour conséquence de concentrer les ressources sur la sécurité publique au détriment de l’élucidation des crimes. Le rapport 2023 de la Cour des comptes soulignait des disparités importantes entre les circonscriptions de sécurité publique. Certaines, sous-dotées, géraient en moyenne 304 procédures par enquêteur. Dans le cadre de ce PLF, quelles propositions formulez-vous pour remédier à cette situation ?
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’Assemblée nationale n’est pas responsable de la conduite chaotique des débats budgétaires. Il est regrettable que nous ne puissions pas poser l’intégralité de nos questions, entravant ainsi notre mission constitutionnelle de contrôle parlementaire. Certes, le ministre a apporté des réponses, mais de façon quelque peu prolixe.
Lors de votre visite au CRA du Mesnil-Amelot le 11 octobre dernier, vous avez manifesté votre intention de confier la mission d’assistance juridique et d’évaluation des droits à l’OFII, organisme placé sous votre tutelle. Cette initiative n’est pas inédite et s’est heurtée par deux fois à l’opposition du Conseil d’État, qui estime que de telles missions doivent être assurées par des organes spécialisés et indépendants, en l’occurrence des associations.
Plutôt que de transformer les CRA en zones de non-droit, où l’accès à la justice serait compromis, et d’exacerber des situations déjà instables, il serait judicieux, en tant que responsables politiques, de prendre connaissance du dernier rapport de ces associations sur les CRA. Ce document met en lumière des conditions sanitaires déplorables, point sur lequel je ne constate aucune proposition d’amélioration dans le budget actuel.
M. Bruno Retailleau, ministre. Concernant la sécurité civile, trois éléments sont à considérer. Premièrement, les annonces du président de la République ont engendré un pic en 2024, suivi d’un creux en 2025. Deuxièmement, la commande de 31 millions d’euros pour les Canadairs sera honorée en 2024, sans règlement prévu en 2025. Les crédits pour ces deux appareils devront être inscrits en 2026. Troisièmement, 20 millions supplémentaires seront reportés à 2026.
Les pactes capacitaires prévoient un investissement de 500 millions d’euros pour 36 hélicoptères. Une réflexion s’impose sur la flotte aérienne, incluant Canadairs, Dash et hélicoptères, car nous ne pouvons nous fonder sur des décisions prises il y a plus de trente ans.
En matière d’innovation, nous avons créé en 2024 un fonds nommé « Innov’Achats », bénéficiant à la sécurité civile et aux SDIS, notamment pour l’expérimentation de nouveaux sacs à eau héliportés particulièrement performants.
Concernant l’hébergement des demandeurs d’asile, la baisse de 6 500 places est compensée par l’augmentation du taux de disponibilité des places, la fin de certains travaux et la libération des places occupées indûment, y compris par des personnes ayant obtenu le statut de réfugié. De plus, la diminution du nombre de réfugiés ukrainiens libère des places supplémentaires.
La jurisprudence Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) découle d’un arrêtde la Cour de justice de l’Union européenne du 21 septembre 2023, confirmé en février par le Conseil d’État. Il interprète la directive retour, stipulant qu’un délai d’un mois doit être accordé, même à une personne en situation irrégulière, pour un départ volontaire. Cette procédure mobilise trois agents pendant quinze heures, les empêchant d’être sur le terrain. La dépense publique n’est pas la réponse à tout. En l’espèce, la solution réside plutôt dans la révision de la directive retour prévue au premier semestre 2025, qui inversera la charge de la preuve entre l’État et l’individu interpellé à la frontière. Il s’agit d’alléger les procédures.
Concernant les APJ, la réforme de la police nationale ne réduira pas leurs effectifs. Néanmoins, l’alourdissement des procédures, comme l’utilisation des caméras en garde à vue, diminue la présence sur le terrain. La simplification, notamment par la numérisation et la plainte en ligne, offrira des marges de manœuvre.
Quant aux CRA et à l’OFII, vous n’interprétez pas la jurisprudence correctement. L’OFPRA, bien que dépendant de mon ministère, reste indépendant. L’internalisation de la mission médicale par l’OFII a répondu aux exigences de l’Ordre des médecins. Mon objectif n’est pas de réduire la qualité du conseil fourni, mais d’assurer son impartialité. Je suis convaincu que l’OFII peut remplir cette mission.
II. Examen pour avis des crédits
Lors de sa deuxième réunion du mardi 22 octobre, la Commission procède à l’examen pour avis des crédits de la mission « Sécurités » (M. Eric Pauget, rapporteur pour avis).
Lien vidéo : https://assnat.fr/93BJb9
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CL134 de Mme Élisa Martin et II-CL41 de Mme Sandra Regol (discussion commune)
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Contrairement à ce que certains prétendent ici, la doctrine de la police de proximité ne consiste pas à se contenter d’envoyer les effectifs de police patrouiller le nez au vent dans l’espace public, mais à permettre aux agents de nouer un lien de confiance avec la population, et donc d’être plus efficaces, en les dédiant à des zones propres. L’expérimentation de cette doctrine d’action policière a malheureusement été arrêtée brutalement par Nicolas Sarkozy, ce qui a encore élargi le gouffre séparant la police et la population.
Cette évolution n’est pas étrangère au suréquipement des policiers, voire à leur militarisation. La police de proximité est l’inverse d’une police de réaction.
Mme Sandra Regol (EcoS). Qu’ils résident dans des quartiers populaires ou favorisés, nos concitoyens demandent la présence d’agents qu’ils connaissent. La police du quotidien, en restaurant le lien avec la population, fonctionne. Preuve en est le choix opéré par la gendarmerie il y a quelques années de mailler le territoire avec des agents de proximité, qui font remonter les informations et permettent d’anticiper plutôt que de réagir, de prévenir plutôt que de guérir.
Depuis plusieurs années, nous réclamons le rétablissement d’une police de proximité, au service de nos concitoyens. Je sais bien que des tentatives visant à mieux insérer les agents dans le tissu social ont été menées, mais il faut aller plus loin pour rétablir le maillon manquant entre police et population.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Je me permets de prendre quelques minutes pour exposer une position globale sur les amendements, ce qui me permettra d’aller plus vite ensuite.
Il va de soi que ce projet de budget n’est pas parfait et que les questions soulevées par les amendements, par exemple sur les équipements lourds de la sécurité civile, les moyens de la police judiciaire ou ceux du programme de mobilisation contre les suicides dans la police, sont toutes pertinentes ; je les examine d’ailleurs dans mon rapport pour avis. Toutefois, le contexte budgétaire nous invite à faire des choix cohérents, responsables et pragmatiques.
Envisagés dans leur ensemble, les crédits de la mission Sécurités sont satisfaisants. Ils augmentent et sont conformes à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi). J’émettrai donc un avis défavorable sur la majorité des amendements. Je me suis moi-même abstenu de déposer des amendements, malgré quelques inquiétudes, car il ne faut pas bouleverser l’équilibre atteint dans ce texte.
Par ailleurs, en vertu de l’article 40 de la Constitution, nous ne pouvons abonder tel programme qu’en ponctionnant tel autre. Or, c’est souvent le programme Sécurité et éducation routières, qui finance une politique à laquelle je suis très attaché, que vous proposez de ponctionner.
J’en viens aux amendements en discussion. La police de proximité correspond à une doctrine d’emploi de la police et non à des unités particulières qu’il s’agirait de créer. En outre, le projet de budget est déjà construit pour favoriser la sécurité du quotidien et l’ancrage de la police dans les territoires, grâce à des indicateurs mesurant la part des heures de patrouille sur la voie publique au sein de l’activité totale, par exemple. Avis défavorable.
Mme Sandra Regol (EcoS). Nous ne sommes pas responsables de la baisse des crédits dédiés à la sécurité routière. En outre, quand nous proposons de compenser les hausses de crédit, nous demandons systématiquement au Gouvernement de lever le gage.
Je vous accorde qu’il s’agit d’un amendement d’appel. Il faudrait en effet mener une réforme en profondeur et prévoir de nouveaux moyens d’action pour rétablir la police de proximité. Chiche ! Après tout, elle a déjà existé. Les policiers qui ont travaillé dans ce cadre portent un regard très positif sur son fonctionnement.
Alors que de nombreux policiers se suicident à cause de la difficulté d’exercer un métier qui n’a plus de sens, nous pourrions repenser la police pour qu’elle serve le public.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je mettrai un bémol : la police nationale de proximité que nous défendons n’est pas la police de proximité du quotidien (PSQ) – dont, en 2017, le ministre de l’Intérieur avait annoncé en grande pompe qu’elle serait évaluée par un « Lab’PSQ », mais je vous mets au défi de trouver tout travail universitaire sur celle-ci. Tout cela n’était qu’une vaste arnaque. Les gouvernements successifs pilotent à vue, sans évaluer leur action.
La police nationale de sécurité que nous prônons intégrerait une bonne partie des effectifs de police municipale, ce qui demanderait un transfert de crédits. Il n’est pas normal que certaines villes financent une police municipale et d’autres non. Cela crée des injustices budgétaires au niveau local, au vu du volume des dépenses impliquées.
La sécurité est une mission régalienne. Elle doit être assurée dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), placés sous la double autorité du préfet et du maire. Ils permettent en effet d’articuler au niveau national les principes d’égalité et de subsidiarité.
M. Roger Vicot (SOC). En 2017, le Président de la République annonçait qu’avec l’instauration de la PSQ, la présence des agents dans les commissariats deviendrait l’exception et leur présence sur le terrain, la norme, et que leur charge administrative serait considérablement allégée par l’informatique. Or nous n’avons pas véritablement constaté de changement de philosophie de l’action de la police nationale.
Nous voterons l’amendement de Mme Regol, mais nous nous abstiendrons sur l’amendement de Mme Martin, car celui-ci prévoit la suppression des brigades anticriminalité (BAC). Il ne nous paraît pas opportun de supprimer ces brigades qui traitent les flagrants délits, à moins de proposer une solution de remplacement.
M. Jordan Guitton (RN). Comme chaque année, la gauche et La France insoumise ressortent leur vision antipolice de la société et leur projet de « police de proximité ». Lors des dernières élections législatives, votre programme prônait le désarmement complet de la police. Comment pourrait-elle alors veiller à la sécurité de nos compatriotes ?
Vous proposez en outre de démanteler la BAC. Qui donc interviendrait en cas d’attaque terroriste ou face aux agressions contre les femmes ? Une police de proximité désarmée ?
Votre vision est déconnectée : nous vivons dans une société de plus en plus violente. Les statistiques du ministère de l’Intérieur et le bilan catastrophique de Gérald Darmanin démontrent qu’il faut une police armée et une BAC. Et la police doit pouvoir compter sur le soutien des parlementaires.
Quant à la police de proximité, en tant qu’élus nous savons que les services de police assurent déjà une telle mission en répondant aux sollicitations des citoyens.
Les amendements de crédits que vous présentez chaque année ont pour seul objectif de désarmer et de démanteler la police et la gendarmerie nationales. Nous nous y opposons évidemment.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Monsieur Bernalicis, on ne peut en effet pas parler de police de proximité sans aborder le sujet des polices municipales qui, depuis vingt‑cinq ans, en jouent de facto le rôle. Les 4 500 communes qui sont dotées d’une police municipale y emploient 27 000 agents, nombre qui devrait passer à 35 000 d’ici cinq ans. La réflexion doit être globale.
Si certaines des propositions figurant dans les amendements de votre groupe sont très pertinentes, il faut cependant les gager différemment. S’en prendre aux crédits de la BAC serait une erreur majeure.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL35 et II-CL34 de Mme Sandra Regol, II-CL16 de M. Roger Vicot, II-CL45 et II-CL46 de M. Jordan Guitton (discussion commune)
Mme Sandra Regol (EcoS). Depuis le début de l’année, vingt et un agents de la police nationale se sont donné la mort – souvent avec leur arme de service – et ceux qui passent à l’acte sont de plus en plus jeunes, parfois peu de temps après leur sortie d’école. Les policiers nous parlent souvent de ce phénomène, qui témoigne d’une fracture dans la profession.
Or les moyens destinés à aider les policiers qui ne vont pas bien diminuent, qu’il s’agisse des crédits finançant l’aide de psychologues ou du programme de mobilisation contre les suicides.
Le service de soutien psychologique opérationnel (SSPO) ne compte que 122 psychologues pour environ 152 000 agents, soit un ratio de 1 pour 1 250. L’amendement II-CL34 propose de créer 78 postes supplémentaires : c’est un minimum qui, à défaut d’atteindre un ratio normal, permettrait que le travail des agents soit respecté.
L’amendement II-CL35 prévoit quant à lui un dispositif de remboursement intégral des séances d’accompagnement d’un agent des forces de l’ordre par un psychologue en exercice libéral ou dans un centre de santé. Il n’est en effet pas toujours facile d’aller consulter un psychologue de la police : les choses se savent vite dans les commissariats et l’on peut craindre d’être stigmatisé. Il faut donc aider les agents à se faire accompagner, afin que la violence ne se répercute pas sur les usagers ou sur les collègues.
Ces amendements répondent à l’une des premières revendications de la profession. Même s’ils étaient adoptés – ce dont je doute, vu la teneur de ce budget –, ils ne résoudraient naturellement pas les dysfonctionnements structurels de l’institution.
M. Jordan Guitton (RN). Mes amendements proposent d’augmenter les crédits destinés à la lutte contre les risques psychosociaux et au plan de mobilisation contre les suicides, en s’inspirant des conclusions du rapport du Sénat intitulé Vaincre le malaise des forces de sécurité intérieure : une exigence républicaine.
En vingt-cinq ans, plus de 1 000 policiers se sont malheureusement suicidés. Ils sont 39 % à souffrir de détresse psychique, 65 % subissent des tensions dans les relations avec le public et 51 % ont des problèmes dans leur vie privée.
J’ai bien compris que les moyens budgétaires étaient limités, mais nous parlons des forces de l’ordre, c’est-à-dire de ceux qui protègent jour et nuit l’ensemble de nos concitoyens. Nous devons mettre en place le cadre législatif et les budgets nécessaires à leur travail.
En les décriant, certains parlementaires exercent une pression psychique et morale sur les policiers. Pas nous : la police ne tue pas, elle protège l’ensemble des Français.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Nous sommes tous sensibles à la prévention des risques psychosociaux auxquels sont exposés les membres des forces de l’ordre et de la sécurité civile, en particulier la prévention du suicide.
Néanmoins, il s’agit ici pour partie d’amendements d’appel ; avis défavorable. Les crédits consacrés au programme de mobilisation contre les suicides avaient été multipliés par trois dans le PLF pour 2024. Il est vrai qu’ils diminuent cette année, mais ils correspondent au montant des crédits réellement consommés l’an dernier.
Quant aux psychologues, le SSPO en compte en effet 122 mais ce nombre passe à 310 si l’on prend en compte les contractuels.
Mme Sandra Regol (EcoS). Les crédits ont en effet été votés, mais ils n’ont pas été consommés faute de volonté de procéder aux recrutements nécessaires.
Il ne suffit pas d’affirmer qu’on aime la police sans rien faire pour qu’elle aille mieux. Les agents qui souffrent peuvent être dangereux pour eux-mêmes mais aussi pour autrui. Or il faut qu’ils se sentent le mieux possible pour accomplir correctement leurs missions. Je ne reviens pas sur les difficultés d’exercice du métier : les policiers sont confrontés à des populations en très grande difficulté alors même que la politique du chiffre ne leur permet plus d’accomplir leur mission d’accompagnement, qui est au cœur de leur engagement.
Il nous revient de compenser les dégâts résultant de choix politiques qui détruisent notre police. Si la police ne va pas bien, ce sont nos droits et l’égalité de traitement des territoires qui sont mis à mal.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Lors de son audition, le ministre de l’Intérieur a utilisé un bien pauvre argument en expliquant que les crédits destinés à lutter contre les suicides baisseraient en 2025 car ils n’ont pas été consommés en 2024 : c’est bien le problème. Et même s’ils l’avaient été, ce serait encore insuffisant étant donné l’augmentation du nombre des suicides dans la police et la gendarmerie nationales. Pour lutter efficacement contre ce fléau, il faut mobiliser les moyens nécessaires ; c’est l’objet de ces amendements.
Notre groupe avait sonné l’alarme dès 2019 en demandant la création d’une commission d’enquête sur les risques psychosociaux dans les forces de l’ordre. Il faut avancer, et non baisser les crédits.
M. Ludovic Mendes (EPR). Nous avons tous le même objectif. Dans les services relevant du ministère de l’Intérieur comme dans toute la société, la lutte contre les violences intrafamiliales et les addictions exige de disposer de nombreux psychologues, psychiatres et psychothérapeutes. Or on en manque. Il faut donc certes des crédits, mais il faut également former et recruter davantage de professionnels. Les difficultés d’accès à ce type d’accompagnement sont persistantes – même si localement, il est arrivé qu’elles soient liées à un niveau insuffisant de rémunération de ces professionnels. Quoi qu’il en soit, augmenter les crédits n’apporterait malheureusement aucune solution faute de personnel disponible.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Quel que soit notre groupe, nous sommes tous préoccupés par les risques psychosociaux.
L’examen des crédits à l’instant T n’a pas de sens ; c’est la dynamique sur plusieurs années qu’il faut analyser. Les crédits ont triplé dans le budget 2024 par rapport à 2023, mais en vain puisque le ministère n’est pas en mesure de les consommer. C’est pourquoi il est proposé de revenir à une dotation plus conforme à la capacité d’utilisation des crédits.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL157 de M. Antoine Villedieu
M. Antoine Villedieu (RN). Alors que les policiers et les gendarmes risquent chaque jour leur vie pour protéger les Français, leurs familles vivent sous la menace constante des violences. Intimidations, voitures rayées, maisons taguées et insultes gravées sur les portes : ce ne sont pas des faits isolés mais la triste réalité de ceux qui partagent la vie de nos héros du quotidien. Certains reçoivent des messages de haine et des menaces de mort dans leur boîte à lettres, tandis que d’autres doivent vivre sous protection policière à cause des dangers auxquels ils sont exposés. Des enfants n’osent plus parler du métier de leur père ou leur mère, de peur de subir des représailles. Des membres de l’association « Femmes des forces de l’ordre en colère » ont de nombreuses fois témoigné de ce harcèlement. Certaines subissent des campagnes de haine en ligne. D’autres ont reçu des courriels ignobles se réjouissant du suicide de leur mari. Ces familles vivent dans l’angoisse permanente.
Mais qu’ont fait les gouvernements jusqu’à présent ? Rien. Pire encore, ils les abandonnent à la haine des groupuscules d’extrême gauche dont le slogan est : « Flic suicidé à moitié pardonné ». Hors quelques paroles de compassion de la part de responsables politiques, les familles restent livrées à elles-mêmes.
C’est pourquoi nous proposons la création d’un fonds d’indemnisation pour les familles des membres des forces de sécurité intérieure victimes de violences. Il faut qu’elles soient dédommagées rapidement et justement, même lorsque les criminels sont insolvables. Il s’agit aussi d’assurer ces familles du réel soutien de l’État.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. La création d’un tel fonds me paraît utile mais il faut en approfondir les modalités, notamment le dimensionnement. Le même amendement avait déjà été déposé l’année dernière et rejeté par la commission des finances au motif qu’il convenait de mieux évaluer le montant des crédits nécessaires. Avis défavorable.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Il existe déjà un fonds d’indemnisation des victimes, qui peut être mobilisé.
Surtout, nous aurions tout à gagner – et les policiers et les gendarmes également – à réfléchir à leurs conditions de travail et à leur doctrine d’emploi. Rechercher la désescalade permettrait d’apaiser un certain nombre de situations et contribuerait à protéger les membres des forces de l’ordre et leurs familles. Tant que nous n’aurons pas mené cette réflexion de fond, nous n’avancerons pas de manière significative. Or nous souhaitons tous réduire les risques psychosociaux et les passages à l’acte dans la police.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL131, II-CL130 et II-CL132 de Mme Gabrielle Cathala, II-CL9 et II-CL10 de M. Roger Vicot, II-CL79 de M. Michaël Taverne, II-CL129 de Mme Danièle Obono et II-CL158 de M. Antoine Villedieu (discussion commune)
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Les amendements II-CL131, II-CL130 et II-CL132 ont pour objet d’améliorer l’accueil des victimes de violences sexistes et sexuelles dans les commissariats et les brigades de gendarmerie. Du fait de l’insuffisance des moyens humains et de la formation, il leur est déjà difficile de s’y rendre pour porter plainte. Nombre des 94 000 victimes de viol rencontreront des difficultés lors de leur accueil, ne seront pas reconnues comme victimes ou verront leur plainte classée sans suite.
Les associations de défense des droits des femmes ont estimé qu’il faudrait mobiliser plusieurs milliards d’euros pour la juste cause qui consiste à améliorer significativement la situation des victimes. Il n’est pas acceptable que la moitié de la population française soit tendanciellement davantage victime, que ce statut ne soit pas reconnu et que les auteurs des faits ne soient pas sanctionnés. Tout commence par l’accueil des victimes.
M. Roger Vicot (SOC). Chacun convient de l’importance de la formation des policiers. En début d’année, j’ai été corapporteur d’une mission d’information sur la hausse du nombre de refus d’obtempérer et les conditions d’usage de leurs armes par les forces de l’ordre. La question de la formation au tir a été maintes fois évoquée par les personnes auditionnées, y compris par la haute hiérarchie policière.
Or les moyens alloués à la formation des forces de l’ordre ne sont pas suffisants. Ils ont même manifestement été réduits, puisque l’objectif d’augmentation de 50 % du temps de formation a tout simplement disparu. En moyenne, les policiers nationaux ne font même pas les trois séances de tir obligatoires par an – ce qui est déjà beaucoup trop peu.
Nous proposons par conséquent de recruter du personnel de formation de haut niveau, afin que les policiers – notamment les milliers d’agents recrutés ces dernières années – soient en pointe, singulièrement dans le domaine des enquêtes et de la lutte contre la criminalité organisée.
C’est la raison pour laquelle l’amendement II-CL9 propose d’augmenter de 100 millions les crédits de l’action 06 Commandement, ressources humaines et logistique du programme 176 Police nationale.
M. Michaël Taverne (RN). Mon amendement vise à augmenter les crédits – et donc le temps – consacrés à la formation des forces de l’ordre.
Lorsque certains parlent de problèmes de formation, ils visent systématiquement l’utilisation de l’arme de poing et la réaction en cas de refus d’obtempérer – dans la plupart des cas, les policiers n’utilisent jamais leur arme au cours de leur carrière. En revanche, on ne parle pas de la formation aux premiers secours, à l’utilisation des moyens de force intermédiaires ou aux techniques d’intervention et d’interpellation. Dans tous ces domaines, les formations proposées ne sont pas suffisantes et les policiers doivent parfois les suivre à leurs frais pour être efficaces sur le terrain. C’est un problème.
Les crédits alloués à la formation avaient diminué d’un peu plus de 31 % dans le PLF pour 2024. En 2025, la fusion de la sous-action Formation au sein d’une sous-action Fonctionnement courant des services, plus large, ne permet pas de s’assurer qu’un effort réel est prévu en la matière.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). L’amendement II-CL129 propose d’augmenter les moyens destinés à la formation des policiers en matière de lutte contre les discriminations à caractère raciste, antisémite ou xénophobe. Les policiers eux-mêmes demandent cette formation, qui permettrait de lutter contre un phénomène dénoncé par l’Organisation des Nations unies (ONU) : le racisme dans la police.
Cette formation serait utile pour mieux enregistrer les plaintes. Lors de l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques, on avait beaucoup parlé du chiffre caché du racisme : 1 million d’actes et propos racistes pourraient chaque année donner lieu à un dépôt de plainte. Or seulement 12 000 plaintes sont déposées.
L’augmentation proposée permettrait de former 3 000 des 9 200 commissaires et officiers de police.
M. Antoine Villedieu (RN). Selon la Cour des comptes, entre 160 000 et 190 000 heures supplémentaires ont été effectuées par les seuls agents de la direction départementale de la police nationale des Bouches-du-Rhône.
Pour faire face à l’insuffisance des effectifs et aux besoins urgents, nous proposons de renforcer la formation des réservistes de la police et de la gendarmerie nationales en faisant passer leur formation initiale de deux à trois semaines. Un nouveau module de formation continue de deux semaines leur permettrait en outre d’obtenir la qualité d’agent de police judiciaire adjoint, ce qui soulagerait la tâche des agents titulaires et des contractuels.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. L’accueil des victimes de violences conjugales et de violences sexistes et sexuelles ainsi que la formation des policiers sont déjà des enjeux prioritaires pour le Gouvernement.
La lutte contre les violences faites aux femmes constitue le premier pilier du plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes pour 2023-2027. De nombreuses démarches ont été engagées. Le ministère a professionnalisé la mission d’accueil du public au sein des services et systématisé le dépôt de plainte. Une plateforme numérique de signalement des atteintes aux personnes et d’accompagnement des victimes a été mise en place. Par ailleurs, l’enregistrement de plaintes en dehors des locaux de police, expérimenté en 2021, a été généralisé à l’ensemble du territoire. En ce qui concerne l’accueil des victimes, je ne citerai qu’un exemple : le « pack nouveau départ », expérimenté depuis 2023 dans le Val-d’Oise.
Plusieurs formations destinées à l’ensemble des catégories de policiers ont été renforcées. Je tiens à votre disposition les éléments transmis par le ministère en réponse au questionnaire budgétaire.
En somme, les gouvernements successifs se sont mobilisés sur l’ensemble de ces questions depuis plusieurs années. Il faut évidemment aller plus loin, mais créer de nouvelles lignes budgétaires n’est pas forcément la solution la plus pertinente. Mieux vaut amplifier les dispositifs déjà mis en place.
Avis défavorable sur ces amendements.
Mme Sandra Regol (EcoS). On nous oppose souvent le manque de ressources, mais je rappelle que lors de l’examen en commission de la première partie du PLF, nous avons adopté beaucoup de nouvelles recettes. Elles permettraient de financer de nombreuses actions, allant de la lutte contre les violences faites aux femmes à la formation des policiers et des sapeurs-pompiers.
On sait que les personnels de la sûreté ferroviaire s’entraînent plus fréquemment au tir que les agents de la police nationale. C’est quand même délirant.
L’audition l’an dernier du chef de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) et de la cheffe de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a permis de comparer les doctrines d’ouverture du feu lors d’un refus d’obtempérer. On ne compte aucun tué s’agissant de la gendarmerie alors que, du côté de la police, l’absence de remise en question de la doctrine et l’insuffisance de formation ont conduit à accumuler les morts et les blessés, tant dans la population que chez les agents.
M. Michaël Taverne (RN). Je prends acte de votre réponse, monsieur le rapporteur pour avis, même si je continue de penser que nous avons énormément de retard en matière de formation.
Une nouvelle fois, nous avons entendu la petite musique d’extrême gauche selon laquelle les policiers seraient de méchants racistes qui pratiquent le contrôle au faciès. Rappelons qu’une formation de deux heures sur les discriminations est obligatoire depuis 2018. Il s’agit d’une directive du ministère de l’Intérieur et les policiers ne peuvent y déroger, contrairement à d’autres modules facultatifs comme les gestes de premiers secours.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Cette obligation n’est pas appliquée. La Défenseure des droits a constaté que la moitié seulement des policiers ont suivi cette formation.
C’est toujours le même problème. Certains sont activement racistes : ils sont convaincus qu’il existe une inégalité entre les êtres humains en fonction de la couleur de peau, de la religion ou que sais-je encore – ceux-là sont d’ailleurs nombreux parmi les députés du RN. Mais il y a aussi le racisme systémique, qui existe dans l’ensemble de la société et qui agit de la même manière que les discriminations sexistes et le patriarcat. C’est contre ce type de racisme qu’il faut lutter, car il conduit des personnes à entretenir, parfois même sans le vouloir, le système de domination raciste.
Je ne pointe pas du doigt les policiers en tant que tels. Certains sont racistes, ce qui est un problème, car ils portent l’uniforme de la République et que le racisme est contraire à la loi qu’ils sont censés faire respecter. Mais c’est au caractère systémique du racisme qu’il faut s’attaquer pour faire évoluer les comportements.
La commission rejette successivement les amendements II-CL131, II-CL130 et II-CL132.
Elle adopte successivement les amendements II-CL9 et II-CL10.
Elle rejette successivement les amendements restants.
Amendements II-CL11 de M. Roger Vicot, II-CL78 de M. Michaël Taverne, II-CL36 de Mme Sandra Regol, II-CL127 de Mme Élisa Martin, II-CL159 de M. Michaël Taverne, II-CL160 de Mme Florence Goulet, II-CL51 de M. Yoann Gillet, II-CL125 de M. Damien Maudet et II-CL120 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune)
M. Roger Vicot (SOC). Mon amendement II-CL11 vise à allouer à la police judiciaire le même niveau de crédits que l’an dernier. En effet, on ne peut à la fois expliquer, comme l’a fait cet après-midi le ministre de l’Intérieur, qu’il faut consacrer des moyens très importants à la police d’investigation, et prévoir une baisse vertigineuse de plus de 8 % de ses crédits – baisse qui atteint même 19 % en ce qui concerne la sous-action Administration centrale et cabinets de cette ligne budgétaire.
Il nous faut donc absolument rétablir 280 millions d’euros de crédits pour la police judiciaire, l’un des bras armés de notre système de sécurité. C’est une somme légitime, demandée et nécessaire.
M. Michaël Taverne (RN). Il est vrai qu’une augmentation de crédits importante et bienvenue avait été entérinée en faveur de la police judiciaire lors de l’examen du PLF pour 2024. Je rappelle que ce sont les agents de cette direction qui remontent les filières et démantèlent les réseaux du narcotrafic. Nous proposons donc également de revenir sur la baisse parfaitement contreproductive des crédits qui lui sont alloués – en l’occurrence 247 millions d’euros hors administration centrale – afin de recentrer ses missions.
Certains collègues ont réagi, cet après-midi, lorsque j’ai expliqué au nouveau ministre de l’Intérieur que c’est son prédécesseur qui a commencé à mettre la police judiciaire en difficulté. Je vous invite à vous rendre dans ses directions régionales, notamment à Marseille, afin que les policiers qui y travaillent depuis vingt ou vingt-cinq ans vous montrent comment les choses fonctionnent et combien la réforme de la police judiciaire aura des conséquences néfastes dans les mois et années à venir.
Mme Sandra Regol (EcoS). Toujours dans l’optique de rehausser les crédits alloués à la police judiciaire, je rappelle que 2,7 millions de procédures étaient simultanément ouvertes en 2022, ce qui représente une moyenne de 180 dossiers par enquêteur – ce chiffre étant évidemment plus élevé dans les territoires les moins bien dotés. Le nombre d’agents de police judiciaire est insuffisant à tous les échelons de la grille hiérarchique et les premières victimes de cette situation sont bien sûr les citoyennes et les citoyens eux-mêmes, qui ont besoin que les enquêtes progressent.
Quand on lui en donne les moyens, notre police mène de très bonnes enquêtes. La baisse des budgets entraîne la chute drastique du taux de résolution. Nous sommes en train d’abîmer le trésor précieux que représente notre police judiciaire. Notre devoir de législateur est d’enrayer cette folie.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je vous invite à vous replonger dans le rapport d’information que j’ai rédigé avec Marie Guévenoux sur la réforme de la police judiciaire, car tout y est. Du moins en ce qui me concerne, j’avais prévu les conséquences de la départementalisation.
Par ailleurs, il est effectivement urgent de renforcer les moyens de la police judiciaire. Cet après-midi, le ministre de l’Intérieur a soutenu que la baisse des crédits s’expliquait par un changement de périmètre et, donc, que le projet annuel de performance (PAP) pour 2025 ne pouvait pas être comparé avec celui pour l’an dernier. Mais pas de chance : le PAP pour 2024 intégrait déjà la réforme de la départementalisation ! Il y a donc bien une diminution de budget de 400 millions d’euros, ainsi que le passage de 46 746 à 41 665 ETP en un an. Cinq mille postes en moins ! Il doit y avoir une erreur quelque part, car une telle baisse de plus de 5 000 personnels paraît étrange, mais il faudra vérifier. Ce qui est certain, c’est que les services sont en souffrance, que des postes demeurent vacants et que l’augmentation de la prime de voie publique a réduit l’attractivité de celle d’officier de police judiciaire, la différence n’étant plus que de 50 euros. Dans ces conditions, pourquoi s’épuiser à conduire des enquêtes, à y consacrer ses week-ends, à faire des horaires indus et à assumer plus de responsabilités ?
M. Michaël Taverne (RN). Eu égard à la trajectoire budgétaire fixée par la Lopmi, l’augmentation de 1 % des crédits alloués à l’action Ordre et sécurité publics du programme Gendarmerie nationale paraît trop faible. Afin de lui permettre d’accomplir ses missions et de faire face à la hausse de la délinquance et de la criminalité dans les zones rurales, mon amendement II-CL159 vise à accorder à la gendarmerie 130 millions d’euros supplémentaires, ce qui correspondrait à une progression de 4 % de son budget. Cette proposition s’inscrit dans le cadre du contre-projet budgétaire élaboré par le groupe RN, qui prévoit une hausse globale de 400 millions d’euros des crédits de la mission Sécurités.
Mme Florence Goulet (RN). Par l’amendement II-CL160, nous voulons rappeler au Gouvernement qu’il doit accélérer la concrétisation des engagements pris en 2023 par Emmanuel Macron en matière de sécurité dans les territoires ruraux. Avec force communication, M. Darmanin avait en effet annoncé la création de 239 nouvelles brigades de gendarmerie sur l’ensemble du territoire national, mais cette promesse tarde à se réaliser. Par exemple, dans ma circonscription du Nord Meusien, alors que le trafic de drogue et la délinquance sont en constante augmentation, nous attendons toujours les deux brigades promises.
Il est impératif que l’État respecte ses engagements pour répondre au besoin de sécurité de nos concitoyens. La crédibilité des politiques publiques est en jeu.
M. Yoann Gillet (RN). Les Français subissent une dégradation continue de leur sécurité. Le quartier Pissevin de Nîmes, au cœur de ma circonscription, est emblématique de la faillite de l’État, incapable de faire face à la délinquance endémique qui touche toutes les villes de France. Les habitants de ce quartier se sentent à juste titre délaissés dans une insécurité totale. Or le budget le montre : le Gouvernement renonce à consacrer des moyens au rétablissement de l’ordre dans notre pays submergé par la criminalité.
Augmentation du nombre de zones de non-droit gangrenées par les trafics de drogue, chaos sécuritaire, violences de plus en plus gratuites : les défaillances se multiplient. Nos policiers portent l’ordre républicain à bout de bras et n’en peuvent plus, étant également fragilisés par les dysfonctionnements internes de leurs services. Comment peuvent-ils protéger efficacement les Français dans de telles conditions ?
Mon amendement II-CL51 vise donc à augmenter significativement les crédits de la police nationale, afin de renforcer la prévention et la répression des crimes et délits qui ravagent notre pays.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). L’amendement II-CL125 de mon collègue Maudet tend à complètement revoir les moyens de contrôle de la police nationale, en remplaçant l’IGPN par une instance réellement indépendante. Si nous faisons cette proposition tous les ans, c’est parce que le contrôle d’une institution est amoindri dès lors qu’il est assuré en son sein. Dans le cas de la police, une logique de corps peut exister et entraîner un décalage entre, d’un côté, les bavures et les manquements commis et, de l’autre, les sanctions reçues. C’est un problème majeur, car l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – texte auquel vous savez que j’aime me référer – dispose que ceux-ci sont justement garantis par la force publique. Ainsi, quand les forces de police n’honorent pas cette mission constitutionnelle, il est logique qu’une instance de contrôle s’en saisisse et prononce éventuellement des sanctions.
M. le président Florent Boudié. Je rappelle que la Défenseure des droits exerce déjà un contrôle externe de la police nationale.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Mon amendement II-CL120 a le même objet que le précédent. En remplacement de l’IGPN et de l’IGGN, je propose d’instituer un véritable contrôle indépendant des forces de sécurité, lequel serait justement rattaché, monsieur le président, à la Défenseure des droits.
Ainsi que l’a dit Antoine Léaument, l’indépendance de cette autorité est nécessaire afin que les problèmes ne soient pas minimisés et que sa légitimité soit assurée. C’est précisément son manque d’indépendance, surtout en comparaison des pouvoirs qui lui sont attribués, et malgré une légère progression de sa transparence, qui explique le manque de légitimité de la police des polices, aux yeux des agents eux-mêmes, mais aussi de la société dans son ensemble.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Avis défavorable sur ces amendements.
S’agissant d’abord de la police judiciaire, la baisse de 8 % de ses crédits ne peut qu’interpeller. À en croire les dirigeants de la police nationale que j’ai auditionnés, ainsi que le ministre de l’Intérieur qui s’est exprimé sur ce point cet après-midi, cette diminution serait davantage le résultat d’un changement de périmètre budgétaire qu’une réelle coupe. Cela étant, je partage les craintes des uns et des autres, parce que cette baisse est importante et parce que nous avons besoin d’une police de haut niveau.
À cet égard, la réforme de la police judiciaire suscite d’importants débats, aussi bien dans notre enceinte que dans les départements. Il s’agit d’un sujet sensible devant être suivi et évalué par le ministère de l’Intérieur. Dans cette attente, je serai défavorable aux amendements qui s’y rapportent. Je ne crois pas qu’ils soient le bon outil pour se prononcer sur l’opportunité de la réforme.
Quant aux autres amendements figurant dans cette discussion commune, je m’en tiendrai à ce que j’ai dit initialement, à savoir qu’il ne faut pas toucher aux équilibres d’un budget globalement en progression.
En ce qui concerne l’IGPN, je rappelle simplement que sa dirigeante actuelle est issue du corps de la magistrature et non de la police nationale.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Je répète que les effectifs de la police judiciaire sont passés de 46 746 à 41 665 ETP entre 2024 et 2025. Il y a donc bien une baisse. Votre rôle, monsieur le rapporteur pour avis, est peut-être de nous dire que nous n’avons d’autre choix que de gérer la pénurie, et tant pis pour la valeur du service public. Et peut-être que M. Retailleau, n’est tout simplement pas au fait des chiffres ; nous l’invitons à les examiner de près.
Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’une magistrate se trouve à la tête de l’IGPN que l’indépendance de cette entité est assurée, à plus forte raison quand on connaît le parcours professionnel de cette personne. L’autonomie de l’instance de contrôle ne sera effective que si cette dernière est extérieure aux services de police.
M. Michaël Taverne (RN). La police et la gendarmerie sont les institutions les plus contrôlées et les plus sanctionnées de la fonction publique. Il faut remettre les choses à leur place : en 2022, 2 100 sanctions ont été prises contre des policiers et 2 800 contre des gendarmes.
Je rappelle aussi qu’avant la Défenseure des droits, c’était la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) qui contrôlait la police. À cet égard, je vous assure que les policiers qui étaient auditionnés par cette instance subissaient un moment plus difficile encore qu’une garde à vue, ne serait-ce qu’en raison des problèmes administratifs que cela engendrait pour eux.
Quant à l’IGPN, venez donc observer son fonctionnement en immersion, cela vous serait utile : vous apprendrez que chaque enquête judiciaire y est conduite sous l’autorité d’un juge. Révisez donc vos dossiers.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Le groupe socialiste aurait aimé que l’amendement II-CL120 de Mme Faucillon ne vise qu’à rendre obligatoire le dépaysement des affaires impliquant un policier, un fonctionnement qui s’applique déjà aux magistrats mis en cause par la justice. Sans y voir nécessairement un mal, il peut en effet exister un lien de proximité entre les parties, qui se connaissent et travaillent ensemble.
En revanche, nous sommes moins favorables à la deuxième partie de l’amendement, c’est-à-dire la suppression pure et simple de l’IGPN.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Vos propos frisent la caricature, monsieur Taverne. Passer devant l’IGPN serait pire qu’une garde à vue ?
M. Michaël Taverne (RN). Je parlais de la CNDS.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Lors de la réforme des retraites, pendant laquelle vous n’avez rien fait hormis soutenir les policiers, y compris dans la phase de répression des manifestants, j’étais pour ma part aux côtés de ces derniers pour contrôler les modalités des gardes à vue. Et je peux vous dire que les conditions de détention n’étaient pas formidables. J’ai vu des personnes en détresse respiratoire, ou encore des jeunes arrêtés en violation de l’article 66 de la Constitution – qui dispose que « nul ne peut être arbitrairement détenu » – afin de les dissuader de poursuivre les mobilisations.
Mme Béatrice Roullaud (RN). Monsieur Léaument, vous n’êtes pas le seul à connaître la réalité des gardes à vue. Pendant dix ans, j’ai assisté des personnes arrêtées et j’ai toujours trouvé que les policiers faisaient preuve d’énormément de patience – patience que vous n’auriez certainement pas –, sans jamais avoir le moindre comportement raciste.
Qui se retrouve immédiatement placé en détention provisoire avant même que les affaires ne soient jugées ? Les policiers eux-mêmes ! Pourtant, sitôt les enquêtes conduites, ils sont souvent lavés de tout soupçon. Veuillez donc réviser vos positions.
La commission rejette successivement les amendements II-CL11 et II-CL78.
Elle adopte l’amendement II-CL36.
Elle rejette successivement les amendements restants.
Amendement II-CL124 de Mme Élisa Martin
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). À vous entendre, les Français voudraient voir toujours plus de bleu sur la voie publique. Cependant, présenter les choses de cette manière ne dit rien d’une stratégie, revient à toujours viser les mêmes personnes et laisse à penser que la prévention n’est pas nécessaire.
Par cet amendement, le groupe LFI-NFP propose une symétrie dans l’allocation des moyens entre la lutte contre la délinquance du bas et celle contre la délinquance du haut – je pense ici au trafic d’armes, à la fraude fiscale, ou encore à la criminalité organisée. En effet, ce sont rarement les mêmes personnes qui se rendent coupables de ces deux types de criminalité, en particulier s’agissant de la fraude fiscale. Or nous sommes intimement convaincus que le comportement des plus aisés, qui, faute de moyens pour les en empêcher, trichent facilement, a des répercussions sur la société dans son ensemble. Après tout, puisque les plus riches ou les gros bonnets – qui sont parfois les mêmes individus – agissent de la sorte, pourquoi les autres ne le feraient-ils pas ?
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
M. Antoine Villedieu (RN). Oui, il faut plus de bleu dans la rue ! Ce sont bien les policiers qui, par leur présence sur le terrain, permettent l’interpellation des agresseurs, des violeurs, ou encore des trafiquants de stupéfiants, que ce soit dans le métro ou dans les cités. Ils protègent la population au quotidien.
Je ne pense pas que vous vous sentiez plus en sécurité que les autres, madame Martin : c’est juste que vous avez horreur du bleu. Il n’empêche que les Français en réclament beaucoup plus que du rouge !
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). La police de proximité que nous appelons de nos vœux serait probablement habillée de bleu. Vous vous trompez donc : la question n’est pas la couleur, mais la stratégie. Vous savez d’ailleurs pertinemment que ce n’est pas la police d’intervention, focalisée sur les cités pour reprendre vos mots, qui permet de lutter contre le trafic de drogue. La seule perspective que vous donnez à ces agents est de vider la mer avec les mains, ce qui explique d’ailleurs leur mal-être au travail. Ils ont le sentiment de toujours réitérer les mêmes actes, sans en voir l’issue ni l’efficacité. Si vous vous préoccupez réellement des policiers, discutons de la stratégie.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL146 de M. Michaël Taverne, II-CL52 de M. Yoann Gillet et II-CL123 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)
M. Michaël Taverne (RN). Le rapport de l’agence Frontex pour l’année 2023 révèle une augmentation significative de 17 % des passages irréguliers des frontières européennes. Au total, 380 000 franchissements illégaux ont été comptabilisés – un record depuis 2016 –, en raison de la hausse des arrivées par la région méditerranéenne. Face à l’ampleur du phénomène de l’immigration clandestine, auquel la France est particulièrement confrontée, il importe de renforcer sensiblement, en l’occurrence de 250 millions d’euros, les moyens alloués à la police des étrangers et à la sûreté des transports internationaux. Cet effort s’inscrit dans le contre-budget présenté par le RN, qui sanctuarise la trajectoire financière adoptée dans le cadre de la Lopmi.
M. Yoann Gillet (RN). Les Français subissent une immigration dérégulée, massive, anarchique et source de délinquance, qui pèse lourdement sur leur vie quotidienne et que les gouvernements successifs ont été incapables d’enrayer.
La situation est d’ailleurs encore plus critique en outre-mer. Les acteurs locaux dénoncent l’impunité des migrants, l’épuisement des forces de l’ordre, l’insuffisance des moyens, l’inadaptation des équipements. Selon la direction générale de la police aux frontières, à Mayotte, la présence de personnes en situation irrégulière dans les bidonvilles crée de l’insécurité et favorise les attaques contre les agents. Pour m’être rendu sur place il y a quelques semaines, je ne peux qu’en témoigner.
Les crédits alloués à la police aux frontières sont donc clairement insuffisants pour faire face à l’immigration clandestine, démanteler les filières qui l’organisent et assurer la sûreté des moyens de transport internationaux. Ce budget pour 2025 est même dérisoire face à la submersion migratoire que subit notre pays. Mon amendement II-CL52 vise à y remédier.
Mme Marie-France Lorho (RN). Comme les précédents, mon amendement II‑CL123 vise à mieux doter les services de la police des étrangers, chargée du contrôle des frontières. Encore récemment, la Commission européenne insistait sur les graves menaces à l’ordre public et à la sécurité intérieure que posent les terroristes de haut niveau sur notre continent. S’il faut se réjouir que le Gouvernement prolonge le contrôle aux frontières jusqu’au 30 avril 2025, il convient de donner davantage de moyens aux personnels appliquant cette politique. En août dernier, Fernand Gontier, ancien directeur de la police aux frontières, soulignait en effet que ce service souffre de difficultés de recrutement, de la complexité des procédures, de l’absence de remplacement des effectifs recrutés avant la crise sanitaire, de l’insuffisance des formations, ou encore du manque d’accès aux technologies, soit autant de dysfonctionnements qu’il convient de corriger.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Le ministre de l’Intérieur nous l’a confirmé cet après-midi, la lutte contre l’immigration illégale fait partie de ses priorités. Notons d’ailleurs que les crédits qui y sont consacrés sont en hausse de 6 % pour l’année prochaine, ce qui, dans le contexte budgétaire actuel, me paraît équilibré. Mon avis est donc défavorable sur ces amendements.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). L’immigration clandestine me semble par définition difficile à mesurer. Quoi qu’il en soit, la militarisation des frontières et la multiplication des empêchements aux points de passage ne règlent rien et ne font qu’accroître le danger et le nombre de morts, aggravant d’ailleurs la responsabilité des agents chargés d’appliquer cette politique. Dans ces conditions, je le répète, ils ont le sentiment de devoir vider la mer avec les mains. Nous en revenons ainsi au manque de sens donné aux missions confiées aux policiers. Pour notre part, nous proposons un modèle fondé sur un accueil digne et organisé.
Et puisque l’agence Frontex a été citée, j’en profite pour rappeler que nous souhaitons que toute la lumière soit faite sur les soupçons de corruption qui pèsent sur elle.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Ces amendements ne feraient que renforcer la clandestinité et vous donneraient même un rôle de complice des passeurs. En effet, ce qui augmente le nombre de passages illégaux, c’est bien la réduction des voies légales et sûres, notamment pour demander l’asile. Les murs que nous avons érigés sont aussi longs que la circonférence de la Terre mais l’immigration continue de progresser. Notre politique est donc une impasse et j’en veux pour preuve la décision de Giorgia Meloni qui, après avoir fait campagne sur la réduction de l’immigration, a régularisé un grand nombre de travailleurs sans-papiers. Elle a ainsi fait preuve d’un pragmatisme dont ces amendements semblent dépourvus.
M. Yoann Gillet (RN). S’il est vrai que le Gouvernement affirme sa volonté de conduire la politique migratoire ferme qu’attendent les Français, les chiffres de l’immigration illégale parlent d’eux-mêmes. En l’occurrence, le PLF prévoit une baisse des crédits de 42 % en autorisations d’engagement et de 23 % en crédits de paiement. Le message de fermeté n’est donc pas suivi d’effet, ce dont les Français se rendront compte très rapidement.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Vous confondez les missions. Nous examinons présentement les crédits de la mission Sécurités et ceux alloués à l’action 04, Police des étrangers et sûreté des transports internationaux, qui connaissent bien une hausse importante de 6 %. Vous anticipez l’examen des crédits de la mission Immigration, asile et intégration. Je maintiens donc mon avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL126 de Mme Élisa Martin
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Je me félicite que nous soit donnée l’occasion d’aborder la question de la sécurité routière. À cet égard, la création du fameux homicide routier ne résout rien et participe d’une logique de surenchère pénale, sans traiter le fond du problème.
Car les chiffres ne sont pas bons. Si nous les comparons, par souci de pertinence, avec ceux de l’année 2019, nous ne pouvons que nous inquiéter de la progression du nombre de tués parmi les adolescents de 14 à 17 ans et plus généralement du nombre d’accidents impliquant des jeunes conducteurs. Lors de son audition, cet après-midi, le ministre de l’Intérieur a parlé de vies brisées : il y en a également sur la route.
Plutôt que de jouer sur les mots et ne rien résoudre, il faut non seulement préserver mais renforcer les moyens dédiés à la prévention routière, en nous appuyant sur les associations, en renforçant la sensibilisation lors de l’apprentissage de la conduite, en contrôlant régulièrement la capacité des automobilistes à conduire, en améliorant l’entretien des routes – même si, pour ce faire, il ne faudrait pas autant serrer la ceinture aux départements.
Au total, 35 ETP sont supprimés dans le domaine de la prévention et de l’éducation routières. Quitte à créer l’infraction d’homicide routier, il faudrait avoir l’honnêteté de s’attaquer à l’ensemble du problème.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Le délit d’homicide routier n’a pas encore été adopté ; tout à l’heure, la commission des lois m’a désigné rapporteur pour la deuxième lecture de la proposition de loi qui vise à l’introduire. Je précise néanmoins que celle-ci ne prévoit pas de nouvelles sanctions : elle cherche à mieux qualifier juridiquement les infractions de la route.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Inutile : elle n’évitera pas une seule mort sur la route.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Ce n’est pas l’avis des magistrats, ni des associations de victimes. En tout état de cause, laissons le processus législatif aller à son terme.
Quant à cet amendement, je m’astreindrai à la discipline que je m’applique depuis le début et lui donnerai un avis défavorable, afin de préserver l’équilibre budgétaire de la mission Sécurités.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je tiens à dénoncer une hypocrisie. Tout le monde n’a de cesse de nous faire la leçon sur les questions de sécurité, mais nous sommes les seuls à faire de vraies propositions. En effet, vous ne cherchez qu’à punir a posteriori, notamment en aggravant les peines, sans jamais parler de prévention. Plutôt que de punir les auteurs de crimes et délits une fois qu’ils les ont commis, il serait tout de même plus pertinent d’éviter qu’ils les commettent en premier lieu. Nous aurons le même débat tout à l’heure lorsque nous examinerons les crédits relatifs à l’immigration.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL98 de Mme Martine Froger
M. Paul Molac (LIOT). Cet amendement de Martine Froger vise à assurer le règlement, par le ministère de l’Intérieur, des loyers impayés de la gendarmerie aux collectivités territoriales. En effet, malgré la provision adoptée par le Parlement l’an dernier, les retards accumulés en la matière atteignent la somme totale de 200 millions d’euros, soit un manque à percevoir difficile à supporter. Alors que le Gouvernement multiplie les attaques contre la gestion financière des collectivités, notons qu’il arrive aussi à ces dernières de pallier les manquements de l’État – et pas seulement sur la question relative aux gendarmeries.
Pour que cet amendement soit recevable, nous avons été contraints de prévoir une ponction de 200 millions d’euros sur une autre ligne budgétaire, mais s’il est adopté je ne doute pas que le Gouvernement renoncera à cette compensation.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Le ministre de l’Intérieur a apporté des réponses à cette question lors de son audition de cet après-midi. J’ai moi-même abordé le sujet dans mon rapport pour avis et je puis vous assurer que la direction générale de la gendarmerie nationale a obtenu les crédits qui lui manquaient pour régler les loyers et qu’ils figureront dans le projet de loi de fin de gestion. L’amendement étant satisfait, je lui donne un avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Dans une autre vie, je payais les loyers de la police et de la gendarmerie, ou plutôt je ne les payais pas parce que le ministère n’avait pas les sous ! Il s’agit d’une véritable technique pour s’accorder des marges de manœuvre budgétaires sur le dos des collectivités, étant donné que ce type d’impayés n’entraîne pas d’intérêts moratoires. Pour obtenir le dégel de crédits que n’obtiennent pas les autres, les ministres successifs opèrent une sorte de chantage en faisant valoir, par exemple, que s’ils n’ont plus d’argent pour payer le carburant des véhicules, il ne pourra plus y avoir de patrouilles. C’était ainsi en 2015, lorsque je travaillais au ministère de l’Intérieur, et malheureusement, rien n’a changé !
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL27 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Par cet amendement, je propose de renforcer les dispositifs d’accompagnement psychologique des sapeurs-pompiers, car eux aussi vivent des situations extrêmes, éprouvantes, épuisantes et mettant leur vie en danger. Comme pour les policiers, les programmes existants sont insuffisants. Si le service départemental d’incendie et de secours (Sdis) de l’Orne est à cet égard exemplaire, il n’y a guère que dans ce département qu’une unité de soutien psychologique existe, illustrant d’ailleurs de nouveau les disparités entre les services. Nous proposons donc le remboursement intégral des séances de psy pour les pompiers volontaires, professionnels et militaires.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.
Amendements II-CL28, II-CL26 et II-CL29 de Mme Sandra Regol, II-CL155 de M. Julien Rancoule, II-CL139 de M. Damien Maudet, II-CL63 et II-CL154 de M. Julien Rancoule (discussion commune)
Mme Sandra Regol (EcoS). La flotte aérienne des Sdis est vieillissante. Les Canadair CL-415 ont en moyenne vingt ans et ont été rafistolés un nombre incalculable de fois, témoignage d’une époque où la durabilité des avions était supérieure.
Les besoins de maintenance s’accumulent. En été, cela peut mettre des vies en danger, si les entreprises qui en sont chargées n’arrivent pas à suivre. L’amendement II-CL28 vise donc à ouvrir les crédits nécessaires à l’achat de nouveaux Canadair, qui avait été promis.
L’État utilise en appoint des hélicoptères bombardiers d’eau lourds, qu’il loue. Ces locations n’étant pas pérennes, nous proposons par l’amendement II-CL26 l’achat de dix hélicoptères Super Puma d’Airbus. Cette commande publique permettrait de maintenir 1 500 emplois sur le sol français et de préparer notre pays au réchauffement climatique.
À l’amendement II-CL29, nous proposons l’acquisition de quinze Air Tractor Fire Boss, de petits avions bombardiers d’eau pouvant transporter 3 000 litres d’eau.
Le rapport sénatorial sur les moyens aériens de la sécurité civile souligne les problèmes d’intégration liés aux locations d’appareils. En investissant dans du matériel pérenne et en formant des pilotes sur notre sol, nous permettrions au dispositif opérationnel de gagner en cohérence, et nous accroîtrions les moyens des pompiers face aux enjeux climatiques.
M. Julien Rancoule (RN). Le Nouveau Front populaire propose l’achat d’une dizaine d’avions bombardiers d’eau mais les crédits correspondants ne serviraient à rien car la société en position de monopole sur ce marché ne serait pas en mesure d’en fournir autant et aussi rapidement. Nous sommes plus réalistes et proposons, à l’amendement II-CL155, une enveloppe de 50 millions d’euros. L’amendement de repli II-CL63 prévoit 10 millions d’euros.
Quant à l’amendement II-CL154, il prévoit 5 millions de crédits pour financer la recherche et le développement de solutions françaises et européennes pour les avions bombardiers d’eau, afin que nous devenions autonomes à moyen terme. Je pense à l’avion amphibie développé par Hynaero et aux solutions de transformation d’avions à moindre coût de Kepplair – deux entreprises françaises.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Nous proposons d’augmenter les moyens de la sécurité civile. Le ministre de l’Intérieur en convient – et comment pourrait-il le nier ? –, nous sommes confrontés à des phénomènes climatiques majeurs. Face à l’ampleur nouvelle des incendies de forêt, nous devons disposer des équipements nécessaires. En protégeant notre territoire, notamment les espaces naturels, de la destruction, nous faisons aussi des économies.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Je me suis arrêté sur ces questions importantes dans mon rapport et durant l’audition des représentants de la direction générale de la sécurité civile et de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Faut-il poursuivre les investissements lourds pour acquérir du matériel, comme nous nous y sommes habitués au cours des dernières décennies ? Alors que les feux de forêt se produisent toujours pendant la même saison, faut-il continuer à mobiliser des pilotes et des moyens à l’année ? Faudrait-il approfondir la mutualisation des moyens à l’échelle européenne ? Au-delà du programme RescEU (réserve européenne de ressources), nous pourrions envisager des coopérations européennes contre les feux de forêt ou les inondations.
Enfin, ne faut-il pas accepter l’utilité de la location, qui permet de gagner en souplesse et en réactivité ? Dans mon département des Alpes-Maritimes, la location d’hélicoptères bombardiers d’eau entre le 15 juin et le 15 septembre suffit à couvrir les besoins. Le reste de l’année, on évite ainsi d’engager des moyens de fonctionnement – entretien des équipements, formation des pilotes et ainsi de suite. Le ministère doit engager une réflexion de fond, y compris avec les pays européens qui nous entourent – le ministre l’a d’ailleurs évoqué tout à l’heure. Tant qu’elle n’a pas eu lieu, nous ne pouvons voter d'amendements de crédits à ce sujet. Avis défavorable.
Mme Sandra Regol (EcoS). Quand ils ne combattent pas les feux de forêt, les pilotes de la sécurité civile ne se tournent pas pour autant les pouces. Ce sont souvent d’anciens pilotes de l’armée de l’air en fin de carrière, qui possèdent des compétences de haut niveau. Ils doivent s’entraîner en permanence dans toutes les conditions météorologiques, afin de ne pas commettre d’erreur lorsqu’ils larguent des tonnes d’eau. Quand bien même nous n’aurions besoin de ces avions qu’une partie de l’année, en nous contentant de louer du matériel, nous empêcherions des entraînements suffisamment réguliers et nous mettrions la population en danger.
Je suis favorable à la mutualisation des moyens, mais rien dans ce budget ne va dans ce sens.
Enfin, je rappelle que les hélicoptères ne servent pas seulement en cas d’incendie. Ils peuvent d’ailleurs faire l’objet de conflits d’usage. Quant aux avions Canadair, leur achat serait évidemment amorti, puisqu’ils peuvent être utilisés pendant vingt ans. Il est plus judicieux d'utiliser les deniers de l’État pour acheter un matériel qui dure que pour louer.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL30, II-CL33, II-CL31, II-CL32 de Mme Sandra Regol, II-CL153 et II-CL156 de M. Julien Rancoule (discussion commune)
Mme Sandra Regol (EcoS). Il faut prévoir davantage de moyens terrestres de lutte contre les feux de forêt dans les pactes capacitaires, car les incendies sont de plus en plus fréquents et virulents.
L’amendement II-CL30 permettrait l’acquisition de 5 000 camions-citernes feux de forêt, dans l’objectif de doubler notre capacité, car il est incompréhensible que nous anticipions aussi peu.
L’amendement II-CL33 vise à appliquer une recommandation sénatoriale, la création d’une forme de pacte capacitaire dédié au risque d’inondation. Il faut aider les Sdis à acheter du matériel de pompage lourd. Lors des auditions, les sapeurs-pompiers nous ont expliqué que ce type d’équipement avait défaut lors des inondations récentes dans le Nord et le Pas-de-Calais, si bien qu’il a fallu emprunter du matériel à la Belgique – preuve que la mutualisation existe.
L’amendement II-CL31 concerne l’achat de protections pour les pompiers. Leur santé est abîmée par l’exposition à de nombreuses substances toxiques. Or ces affections ne sont pas encore reconnues comme maladies professionnelles, malgré des avancées récentes.
L’amendement II-CL32 concerne les Pfas – substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées –, des polluants éternels très dangereux. Le Sdis du Bas-Rhin utilise désormais des mousses anti-incendie dépourvues de ces produits. Nous proposons de les généraliser, car elles ne sont pas plus coûteuses et protègent à la fois la santé des sapeurs-pompiers volontaires ou professionnels et des populations, mais aussi les nappes d’eau.
M. Julien Rancoule (RN). L’amendement II-CL153 vise à augmenter le budget alloué au développement du logiciel NexSIS 18-112, qui devait initialement être déployé dans tous les Sdis en 2022 – il ne le sera finalement qu’en 2027. Quelques Sdis ont commencé à utiliser une version d’essai du logiciel cette année ; l’expérimentation sera élargie à une vingtaine de services en 2025. Puisque le logiciel est désormais utilisé en conditions réelles, il importe d’accélérer la correction des bugs, en augmentant les crédits.
L’amendement II-CL156 vise à augmenter de 2,5 millions d’euros le budget alloué à l’acquisition de camions-citernes feux de forêt. Nous ne sommes pas aussi ambitieux que le Nouveau Front populaire, qui demande 1,4 milliard pour en acquérir 5 000 l’an prochain, car les fabricants du monde entier ne suffiraient pas pour produire autant de véhicules dans des délais aussi brefs. En outre, la philosophie des Sdis n’est pas de se reposer intégralement sur l’État pour l’achat de ces équipements.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Ces amendements renvoient à des questions de fond, que nous avons traitées dans le cadre des auditions. Avis défavorable.
Le manque d’un matériel de pompage de grande capacité a été pointé par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise (DGSCGC) et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF). La France manque de moyens pour réagir face aux inondations, comme l’a illustré la situation de ces derniers jours dans les Alpes‑Maritimes.
Revient-il à l’État de se doter d’outils propres ? Faut-il créer des pactes capacitaires « inondations » ? Dans quelle mesure faut-il aider les Sdis ? Faut-il acheter du matériel ou le louer ? Le ministère doit engager une réflexion rapide sur ces points, car nous savons qu’entre mi-août et mi-novembre, les inondations gagneront en fréquence et en violence.
Mme Sandra Regol (EcoS). Il faut protéger les pompiers, notamment de l’exposition aux Pfas. Nous disposons d’une solution, votons-la ! Les pompiers insistent pour la reconnaissance de leurs maladies professionnelles, comme le savent tous ceux qui travaillent avec eux.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL1 de M. Florent Boudié
M. le président Florent Boudié. La création d’une quatrième unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile, installée à Libourne, d’un coût global de près de 400 millions d’euros, nécessite des crédits supplémentaires, alors que 163 militaires sont déjà présents sur le site et que la prise de commandement est prévue le 14 octobre. Outre des crédits de paiement, 15 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont nécessaires au titre 2 du programme Sécurité civile, hors compte d’affectation spéciale (CAS).
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. J’émets un avis favorable, conforté par la prise de position du ministre tout à l’heure. La création de cette unité à Libourne, prévue depuis plusieurs années, est importante, car elle améliorera le maillage du territoire.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CL172 et II-CL57 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). L’amendement II-CL172 vise à financer pour 2 millions d’euros une campagne de sensibilisation à la lutte contre les incendies domestiques. Chaque année, ceux-ci causent entre 300 et 600 décès et plus de 10 000 blessés, car nos concitoyens ne connaissent pas toujours les réflexes pour prévenir ces incendies et lutter contre eux, alors qu’ils sont les premiers maillons de la chaîne de secours. Par exemple, alors que les détecteurs de fumée sont obligatoires dans les logements depuis dix ans et que leur efficacité n’est plus à démontrer, ils ne sont pas toujours installés ou sont hors d’usage.
L’amendement II-CL57, qui suit, prévoit d’organiser une campagne de communication nationale pour recruter des sapeurs-pompiers volontaires – en s’inspirant de l’exemple de celles pour le recrutement d’agents de l’administration pénitentiaire et des forces de l’ordre ou de militaires.
Le recrutement de ces volontaires relève certes des Sdis mais l’enjeu est bien national, d’autant que ces derniers ne disposent pas tous des mêmes moyens. Nous manquons cruellement de sapeurs-pompiers volontaires, notamment dans les zones rurales.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements.
Amendement II-CL138 de M. Damien Maudet
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Cet amendement propose d’étendre les actions de prévention des incendies de forêts à l’ensemble du territoire national en s’inspirant du modèle de l’Entente pour la forêt méditerranéenne. Cette zone est particulièrement exposée aux feux, mais force est de constater que le reste du pays doit aussi s’organiser pour y faire face.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL152 et II-CL56 de M. Julien Rancoule, amendement II-CL140 de M. Damien Maudet (discussion commune)
M. Julien Rancoule (RN). Mes amendements proposent d’augmenter les subventions aux associations agréées de sécurité civile (AASC), respectivement de 500 000 et de 250 000 euros.
Ces subventions ne s’élèvent actuellement qu’à 160 000 euros, répartis entre une quinzaine d’associations. Leurs bénévoles ont pourtant joué un rôle important durant les JOP, et méritent que nous adoptions cette mesure de bon sens.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). L’amendement II-CL140 prévoit d’augmenter de 160 000 euros le montant des subventions versées aux associations agréées de sécurité civile. Leur modèle de financement, qui repose principalement sur des dispositifs prévisionnels de secours et sur les formations de secourisme, est particulièrement fragile. Elles doivent en outre faire face à des injonctions contradictoires.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Sagesse.
Ces associations jouent un rôle majeur et leurs bénévoles ont été particulièrement mis à contribution lors des JOP, comme elles le sont lors des crises, de plus en plus nombreuses.
Ne sachant pas quel est le bon niveau de l’augmentation des subventions, je propose, d’ici à l’examen en séance publique, d’en affiner le montant en lien avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.
La commission adopte successivement les amendements.
Conformément à l’avis du rapporteur pour avis, elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Sécurités modifiés.
Après l’article 64
Amendement II-CL137 de M. Damien Maudet
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Cet amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur le bilan de la réforme visant à intégrer la formation d’officier de police judiciaire (OPJ) à la formation initiale des policiers et gendarmes.
Lors de l’annonce de cette réforme, M. Darmanin avait indiqué qu’elle permettrait d’augmenter le temps de formation des OPJ, ce qui n’est pas exact. En outre, on peut considérer que le système qui consistait à réserver ces formations à des personnels disposant déjà d’une certaine expérience avait du sens.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
Notre commission a pour tradition de ne pas adopter les amendements demandant un rapport au Gouvernement et le sujet que vous abordez peut faire l’objet de questions écrites.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Je ne suis pas certaine qu’il s’agisse d’une tradition établie et cette réforme mérite une évaluation détaillée ; une question écrite n’y suffirait pas.
La commission rejette l’amendement.
La réunion est suspendue de vingt-trois heures cinquante à zéro heure cinq, le mercredi 23 octobre.
Amendement II-CL187 de M. Romain Baubry
M. Romain Baubry (RN). Cet amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport faisant un état des lieux des moyens aériens positionnés à proximité des parcs naturels régionaux et nationaux et des financements publics nécessaires pour lutter contre les incendies.
Ces espaces doivent faire l’objet d’une attention toute particulière, car ils forment un patrimoine aussi vulnérable qu’inestimable. Les moyens aériens sont souvent les plus efficaces pour circonscrire les incendies avant qu’ils ne se propagent car ces parcs sont souvent difficiles d’accès – c’est notamment le cas du parc naturel régional des Alpilles, situé dans ma circonscription.
Les données qui figureraient dans ce rapport seraient précieuses pour élaborer une véritable stratégie nationale de préservation des massifs protégés.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL66 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Cet amendement demande la remise d’un rapport sur la maintenance des avions bombardiers d’eau.
On constate que leur disponibilité a tendance à baisser d’année en année, de même que celle des hélicoptères de la sécurité civile. En juin dernier, début de la saison des feux, un syndicat de personnels navigants a signalé que le nombre de Canadair disponibles oscillait entre zéro et deux. Au mois d’août, sept appareils sur douze étaient en état d’intervenir.
La maintenance a été externalisée et, alors que le contrat avait été dénoncé il y a quelques années en raison des faiblesses de la société qui en était titulaire, il lui a été réattribué. Il est donc nécessaire d’obtenir un rapport expliquant pour quelles raisons les calendriers de maintenance n’ont pas été respectés. Nous risquons d’avoir encore davantage de problèmes si nous attendons et nous avons eu la chance que les incendies de cet été n’aient pas eu l’ampleur de ceux de 2022.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL72 de M. Damien Maudet
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Cet amendement vise à demander au Gouvernement de remettre un rapport sur l’externalisation de la fabrication des titres sécurisés. Je suis choqué que cette tâche ne soit pas assurée directement par l’État – notamment s’agissant des passeports.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). L’État a fait ce choix pour des raisons de stratégie commerciale, car cela permet à l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) de fournir des titres à d’autres pays.
Un certain nombre d’affaires de corruption d’agents publics étrangers a d’ailleurs conduit à des perquisitions dans les locaux de cette agence. Il aurait effectivement été préférable de maintenir cette activité au sein de l’État.
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). C’est IN Groupe, c’est-à-dire l’ancienne Imprimerie nationale, qui fabrique les cartes nationales d’identité. Or il est possible de se procurer sur le site Alibaba les hologrammes vierges de ces documents et des encres de sécurité prétendument inviolables. Autrement dit, une entreprise d’État qui fait 80 % de marge sur certains titres vend à l’État des documents d’identité qui ne sont pas du tout au niveau du point de vue de leur sécurité – à tel point que plusieurs chancelleries dans le monde ne les reconnaissent pas.
Il serait donc opportun de faire un état des lieux, et ce d’autant plus qu’IN Groupe fait l’objet d’accusations de corruption.
La commission adopte l’amendement.
— 1 —
M. Laurent Nuñez, préfet de police
M. Mathieu Lefebvre, directeur des finances, de la commande publique et de la performance (DFCPP)
Mme Anne-Florence Canton, directrice DILT (Direction de l'Innovation, de la Logistique et des Technologies)
Mme Juliette de Clermont Tonnerre, conseillère stratégie et relations publiques
Général de corps d’armée André Pétillot, major général de la gendarmerie nationale
Lieutenant-colonel Ronan Lelong commandant le bureau de la synthèse budgétaire
M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances de la gendarmerie nationale
M. Stanislas Cazelles, préfet, directeur des ressources humaines, des finances et des soutiens de la police nationale
Mme Adeline Champagnat, conseillère et chef du pôle des technologies de sécurité intérieure au cabinet du directeur général
M. Pierre-Ange Savelli, conseiller budgétaire et logistique au cabinet du directeur général
M. Julien Marion, préfet, directeur général
Mme Tiphaine Pinault, directrice des sapeurs-pompiers
M. Stéphane Thebault, sous-directeur de la stratégie, des affaires internationales et des ressources
Mme Gaelle Lugand, adjointe au sous-directeur de la stratégie, des affaires internationales et des ressources
M. Romain Monconduit, sous-directeur des moyens nationaux
Mme Clémence Lecoeur, directrice de cabinet
M. Jean-Yves Marion, président du conseil scientifique du groupement de recherche sécurité informatique
M. Thomas Borel, responsable des affaires publiques
Mme Julie Mercier, directrice
Mme Marie Gallet, chargée de mission affaires transverses
Mme Florence Guillaume, déléguée interministérielle
Mme Marie Mauffret-Vallade, adjointe au sous-directeur des actions transversales et des ressources
Contrôleur général Éric Florès, vice-président
M. Fabien Matras, conseiller relations institutionnelles
M. Guillaume Bellanger, directeur de cabinet
Général Arnaud de Cacqueray, commandant
Commissaire en chef de 1ère classe Renaud de Corta
Lieutenant-colonel Yannick Legal
Capitaine Jean-Baptiste Thomas
Mme Marie Duboys Fresney, adjointe à la cheffe du service des affaires économiques
Mme Ahlem Tamouza, adjointe à la cheffe du service des affaires régaliennes et des collectivités territoriales
Mme Mathilde Vidalot, juriste au sein du service des affaires régaliennes et des collectivités territoriales
Mme Chirine Berrichi, conseillère pour les questions parlementaires et institutionnelles
CONTRIBUTION ÉCRITE
Contrôleur général René Dies, directeur départemental des Services d’incendie et de secours (SDIS) des Alpes-Maritimes.
([1]) Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
([2]) En intégrant le CAS pensions, le montant des crédits prévus par le PLF pour 2025 est de 26,1 milliards d’euros en AE et 25,2 milliards d’euros en CP, soit des augmentations par respectivement de 2,56 % et 3,70 % par rapport à la LFI pour 2024
([3]) Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits, consultable en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049180270
([4]) Source : programme annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2025
([5]) Cour des comptes, Analyse de l’exécution budgétaire 2023, mission « sécurités », avril 2024. Consultable en ligne : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2024-04/NEB-2023-Securites.pdf
([6]) M. le sénateur Bruno Belin, rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur l’immobilier de la gendarmerie nationale, n° 728, consultable en ligne : https://www.senat.fr/fileadmin/Commissions/Finances/2023-2024/Controles/Rapport_Immobilier_gendarmerie_nationale.pdf
([7]) Le dossier législatif de la proposition de loi est consultable en ligne sur le site de l’Assemblée nationale : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/dossiers/homicide_lutte_violence
([8]) Éric Pauget, avis fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi n° 1680 de finances pour 2024, tome VIII « sécurité civile », rapport consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion_lois/l16b1778-tviii_rapport-avis#
([9]) Rapport précité
([10]) Votre rapporteur regrette la non-reconduction du document de politique transversale « sécurité civile » depuis 2022 qui prive la DGSGCG et le Parlement d’une vue d’ensemble précise sur les crédits des autres programmes du budget général de l’État concourant à la politique de sécurité civile
([11]) Sur la notion de « valeur du sauvé », voir notamment l’avis budgétaire précité
([12]) Amendement n° CE322 de M. Éric Pauget, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/1071/CION-ECO/CE322.pdf
([13]) Pour les zones Nord et Île-de-France, les nouveaux moyens de lutte contre les inondations et de pompage acquis en 2023 pour six SDIS (60, 80, 77, 78, 91 et 95) sont les suivants : 5 véhicules d'appui, 2 cellules pompe grande capacité (CEPGC), 2 cellules inondations, 13 embarcations, 4 camions pompage grande puissance et 1 lot épuisement pour un coût total représentant 4 948 758 euros HT dont 2 549 114 euros HT de subvention (source : DGSCGC)
([14]) Voir par exemple Aline Leclerc, « Les inquiétudes persistent sur l’état des Canadair, entre vieillissement des appareils et tension sur la maintenance », Le Monde, 5 août 2024, consultable en ligne : https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/08/05/vieillissement-des-appareils-tension-sur-la-maintenance-les-inquietudes-persistent-sur-l-etat-des-canadair_6267728_3234.html
([15]) Information FNSPF
([16]) La DG ECHO finance l’acquisition des appareils seuls, soit 98,80 M€. En revanche, demeure à la charge du programme 161 la TVA à l'importation (23 M€) ainsi que les frais de douanes (3 M€), un lot initial de matériels de rechange et provisions (montant estimé entre 13 M€ et 35 M€). Le coût d'acquisition d'un appareil est ainsi évalué à 62 M€ TTC (source : réponse du ministère de l’intérieur au questionnaire budgétaire du rapporteur
([17]) Voir aussi le rapport de M. Jean-Michel Mis au premier Ministre, Pour un usage responsable et acceptable par la société des technologies de sécurité, 2021, consultable en ligne :https://www.vie-publique.fr/files/rapport/pdf/281424.pdf
([18]) Les résultats de ce sondage mené par le Continuum Lab, le CEVIPOF et l’institut OpinionWay et conduit du 18 au 26 juin 2024 auprès de 3 438 personnes sont consultables sur le site du Continuum Lab : https://www.continuumlab.fr/wp-content/uploads/2024/09/ENQUETE-TECHNO_4PAGES.pdf
([19]) Voir aussi le 3 du II du présent rapport sur les enjeux de la reconnaissance biométrique
([20]) Voir notamment le rapport d’information de MM. Philippe Latombe et Philippe Gosselin n° 1089 sur les enjeux de l’utilisation d’images de sécurité dans le domaine public dans une finalité de lutte contre l’insécurité, avril 2023, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion_lois/l16b1089_rapport-information#. Sur les expérimentations, voir en particulier la sous-partie « des expérimentations récentes aux résultats contrastés » (page 64)
([21]) Cnil, « Caméras dites « intelligentes » ou « augmentées » dans les espaces publics », position sur les conditions de déploiement, juillet 2022, résumé consultable en ligne : https://www.cnil.fr/sites/cnil/files/atoms/files/cameras-intelligentes-augmentees_position_cnil.pdf
([22]) Réponses écrites de la Cnil au questionnaire du rapporteur
([23]) Décret n° 2023-828 du 28 août 2023 relatif aux modalités de mise en œuvre des traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection et de caméras installées sur des aéronefs, pris en application de l’article 10 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, consultable en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000048008493/#LEGIARTI000048008493
([24]) Ces armes font l’objet d’une liste figurant à l’article R. 311-2 du code de la sécurité intérieure
([25]) Voir par exemple : David Larousserie, « L’ordinateur quantique sort des limbes », Le Monde, 22 avril 2024
([26]) Plus spécifiquement le système NexSIS 18-112 met à la disposition aux acteurs de la sécurité civile un ensemble de services opérationnels : (1) Une virtualisation des centres de traitement des alertes (CTA) via un « cloud » sécurisé français (applicatifs en mode SaaS, soit des logiciels accessibles via Internet permettant une gestion à distance des CTA) ; (2) Un système de collecte et de routage intelligent des communications d’urgence via un réseau IP (réseau SECOURIR – service de communication d’urgence intelligent et résilient) et un ensemble de composants de cœur de réseau ; (3) Des briques de communication locales permettant de traiter les flux multimédias (image, son, vidéo, texte) au niveau des CTA ; (4) Un service de supervision technique et de soutien utilisateur pour l’ensemble des utilisateurs du système NexSIS 18-112 – Source : projet annuel de performance pour la mission « Sécurités » du PLF pour 2025, p. 198
([27]) Ce COP est consultable sur le site de l’ANSC
([28]) L’inspection générale de l’administration (IGA) estimait en octobre 2022 630 M€ de dépenses sur la période 2005-2015 par les SIS pour leurs SGA-SGO, et 50 M€ de dépenses pour la téléphonie opérationnelle (Rapport n°22015-R de l’Inspection générale de l’administration, publié en octobre 2022, « Le financement des services d’incendie et de secours : réalisation, défis, perspectives »). Le coût complet moyen par SIS est de 4 M€ selon le ministère de l’Intérieur – comptabilisé en dépense d’investissement qui appelle donc à un remboursement TVA via FCTVA estimé à 0,66 M€ par SIS (selon le projet annuel de performance pour 2025
([29]) Cour des comptes, Rapport d’exécution budgétaire pour l’exercice 2023, avril 2024, page 67
([30]) Rapport n°22015-R de l’Inspection générale de l’administration, publié en octobre 2022, « Le financement des services d’incendie et de secours : réalisation, défis, perspectives », p. 66
([31]) Projet annuel de performances, annexe au projet de loi de finances pour 2025, mission « Sécurité »,
([32]) Cible choisie dans le PAP pour 2025 du délai moyen d’intervention, Projet annuel de performances, annexe au projet de loi de finances pour 2025, mission « Sécurité »,
([33]) Décret n°2023-225 du 30 mars 2023, créant l’ACMOSS, établissement public administratif sous tutelle du MIOM, rattaché à la Direction de la transformation du numérique (DTNUM)
([34]) Source : site internet de l’ACMOSS rappelant ses sept missions inscrites au sein de l’article R. 20-29-19 du code des postes et communications électroniques
([35]) L'échelle TRL (« technology readiness level » ) est un système de mesure permettant d’évaluer le niveau de maturité d'une technologie (matériel, composants, périphériques, etc.), notamment en vue de financer la recherche et son développement ou dans la perspective d'intégrer cette technologie dans un système opérationnel. Ici, un TRL à 7 indique que la technologie a donné lieu à une démonstration dans un environnement opérationnel.
([36]) Rapport précité
([37]) Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur
([38]) Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale est consultable en ligne : https://archives.defense.gouv.fr/content/download/206186/2286591/Livre-blanc-sur-la-Defense-et-la-Securite-nationale%202013.pdf
([39]) Page 130 du Livre blanc précité
([40]) Ibidem
([41]) Le contrat de filière est consultable en ligne : https://www.conseil-national-industrie.gouv.fr/files_cni/files/csf/Securite/contrat_csf_industries_de_securite_janvier_2020.pdf
([42]) Précitée, consultable en ligne : https://www.cnil.fr/sites/cnil/files/atoms/files/cameras-intelligentes-augmentees_position_cnil.pdf
([43]) Contribution de la CNIL du 15 novembre 2019 – « Reconnaissance faciale – Pour un débat à la hauteur des enjeux »
([44]) Rapport précité, consultable en ligne :
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/docs/RINFANR5L16B1089.raw#_ftn183