N° 472
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2024.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2025,
TOME I
AUDIOVISUEL PUBLIC
Par M. Aymeric CARON,
Député.
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Voir les numéros : 324, 468 (annexe n° 30).
– 1 –
SOMMAIRE
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Pages
premère partie : analyse des crédits de la mission audiovisuel public
A. une budgétisation présentée comme temporaire
2. Des garanties insuffisantes dans l’hypothèse où la budgétisation ne serait pas éphémère
A. Le programme 372 : France Télévisions
1. L’évolution des crédits et la situation de France Télévisions
B. Le programme 373 : ARTE France
1. L’évolution des crédits et la situation d’Arte France
C. Le programme 374 : Radio France
1. L’évolution des crédits et la situation de Radio France
D. Le programme 375 : France Médias Monde
1. L’évolution des crédits et la situation de France Médias Monde
E. Le programme 376 : Institut national de l’audiovisuel
1. L’évolution des crédits et la situation de l’Institut national de l’audiovisuel
F. Le programme 377 : TV5 Monde
1. L’évolution des crédits et la situation de TV5 Monde
G. Le programme 383 : programme de transformation
Annexe n° 1 : liste des personnes entendues par le rapporteur pour avis
Annexe N° 2 : contributions écrites reçues par le rapporteur pour avis
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues au rapporteur pour avis.
À l’issue d’une année marquée par des turbulences de tous ordres, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 place l’audiovisuel public sur le chemin d’une budgétisation, présentée comme temporaire, de son mode de financement et marque le reniement des engagements antérieurement pris par l’État en faveur d’Arte France, de France Médias Monde, de France Télévisions, de l’Institut national de l’audiovisuel, de Radio France et de TV5 Monde.
Le financement des six établissements précités est assuré pour la première fois, et d’une manière censée être provisoire, par une mission budgétaire classique intitulée Audiovisuel public, et non plus par le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, comme cela était le cas depuis 2006 ([1]). Cette budgétisation se veut éphémère, dans l’attente de la réforme de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) qui, si elle intervient avant le 1er janvier 2025, permettrait d’assurer de nouveau le financement de l’audiovisuel public au moyen du compte de concours financiers précité. Le PLF maintient à cet effet ce compte spécial, sans toutefois le doter, à ce stade, de crédits. Ce compte a donc vocation à accueillir les crédits de la mission Audiovisuel public au cours de l’examen parlementaire du PLF après l’éventuel aboutissement de la réforme de la Lolf.
Le PLF dote la mission Audiovisuel public de 4 029,16 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), soit un montant supérieur de 2,43 millions d’euros à celui ouvert par la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 ; cette infime progression (+ 0,06 %) s’explique par l’évolution du montant de la compensation des effets fiscaux résultant de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public en 2022. Une fois la compensation de ces effets fiscaux neutralisée, les crédits sont en réalité gelés à leur niveau de 2024.
Si, compte tenu du contexte particulier lié à la réforme attendue du mode de financement de l’audiovisuel public, le rapporteur pour avis comprend la mécanique budgétaire ayant consisté à créer la mission Audiovisuel public, il considère cependant que son caractère provisoire n’est pas garanti. Par conséquent, des précautions supplémentaires devraient être prises pour assurer l’indépendance financière de l’audiovisuel public dans l’hypothèse où cette budgétisation ne serait pas éphémère.
Par ailleurs, le rapporteur pour avis déplore le montant des crédits inscrits au PLF en faveur de l’audiovisuel public. À l’heure de la prolifération des contre-vérités et de la banalisation d’un discours d’extrême droite au sein de certains médias privés, l’audiovisuel public doit, plus que jamais, constituer un repère démocratique et une priorité budgétaire. Au regard des crédits proposés, le PLF n’est pas au rendez-vous alors même que l’audiovisuel public ne pourra pas faire beaucoup avec si peu.
Le montant des crédits inscrits au PLF témoigne d’une ambition dégradée et est d’autant moins acceptable qu’il confirme les différentes formes de régulation budgétaire intervenues en 2024 et revient sur les engagements récemment pris par l’État en faveur de l’audiovisuel public à compter de 2025.
Au-delà de cette problématique budgétaire, le fonctionnement de l’audiovisuel public soulève de nombreuses interrogations. Du récent licenciement de l’humoriste Guillaume Meurice de Radio France aux conditions de nomination de Mme Kim Younes à la présidence de TV5 Monde, en passant par le conflit d’intérêts observé à la présidence du conseil de surveillance d’Arte France ou par la mise à l’écart temporaire de journalistes de France 3 ayant signé une pétition contre l’extrême droite au moment des élections législatives, les motifs d’inquiétude abondent. Ces différents points de vigilance seront évoqués lors de l’examen de la situation de chaque entité de l’audiovisuel public proposé en complément de l’analyse générale des crédits (I).
Ces motifs d’inquiétude concernent également l’évolution attendue des modalités de financement de l’audiovisuel public. Parmi les scénarios envisageables, seule la mise en place d’une forme rénovée de contribution à l’audiovisuel public est susceptible de répondre aux besoins financiers de ce secteur tout en respectant l’impératif de justice sociale (II).
*
M. Aymeric Caron dédie ce rapport à la mémoire de M. Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières décédé le 8 juin 2024, et de Mme Ghislaine Dupont et M. Claude Verlon, journalistes de Radio France internationale assassinés dans l’exercice de leurs fonctions au Mali le 2 novembre 2013.
premère partie : analyse des crédits de la mission audiovisuel public
I. L’analyse générale de la mission : une budgétisation du financement de l’audiovisuel public censée être temporaire et un gel des crédits qui marquent le reniement des engagements pris par l’État
A. une budgétisation présentée comme temporaire
Dans un contexte de rénovation attendue des modalités de financement de l’audiovisuel public, le PLF prévoit la création, présentée comme temporaire, de la mission Audiovisuel public.
Cette mission comporte sept programmes (un programme pour chacune des entités de l’audiovisuel public et un programme finançant des projets de transformation prioritaires conduits par ces différentes entités) ([2]). Si, compte tenu des circonstances, la création de cette mission budgétaire peut se comprendre, cette mesure n’est cependant pas entourée des garanties suffisantes dans l’hypothèse où cette budgétisation ne serait en réalité pas transitoire.
1. La création a priori temporaire de la mission Audiovisuel public dans l’attente d’une possible réforme de la loi organique relative aux lois de finances
Institué par l’article 46 (VI) de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 et modifié par la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public a organisé le financement de ce secteur pendant 18 années consécutives.
Le recours à un compte de concours financiers était légitime puisque cet instrument offre une double protection à l’audiovisuel public, d’une part, en permettant l’affectation d’une ressource spécifique à ce secteur (la redevance audiovisuelle puis la contribution à l’audiovisuel public jusqu’en 2022, puis une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée [TVA] depuis 2022) et, d’autre part, en limitant les possibilités de régulation budgétaire en cours d’exercice (aucune réserve de précaution n’est appliquée aux crédits d’un compte de concours financiers ([3]) et cet outil est généralement épargné par les mesures de régulation budgétaire infra-annuelles).
À droit organique constant, le recours au compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public n’est cependant plus possible dans le cadre du présent projet de loi de finances. Ainsi, comme le rappelle le projet annuel de performances, « cette solution prévue à titre transitoire pour 2023 et 2024 ne peut perdurer à compter de 2025, en raison des modifications de la loi organique relative aux lois de finances » ([4]). En application de l’article 3 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, à compter du dépôt du PLF pour 2025, l’affectation à un tiers (autre que les collectivités territoriales, leurs établissements ou des organismes de sécurité sociale) d’une imposition établie au profit de l’État est subordonnée à une triple condition : l’existence d’une personnalité morale, l’exercice d’une mission de service public, et l’existence d’un lien entre la mission financée et l’imposition affectée. Si l’audiovisuel public satisfait les deux premières conditions (les six établissements le composant sont dotés de la personnalité morale et exercent une mission de service public), il ne satisfait en revanche pas la dernière puisqu’aucun lien n’existe ainsi entre l’activité audiovisuelle et la TVA.
À droit organique constant, dans le cadre du PLF 2025, l’audiovisuel public ne peut donc plus être financé par l’affectation d’une fraction de TVA. De ce fait, et dans l’attente d’une possible modification de la Lolf, le PLF a prévu un financement alternatif sous la forme d’une mission budgétaire à laquelle il sera recouru en 2025 dans l’hypothèse où la loi organique ne serait pas adaptée avant la fin de l’année 2024 ([5]).
Le projet annuel de performances indique ainsi que la création de la mission Audiovisuel public « ne préempte pas d’éventuelles modifications du cadre organique visant à définir un mode de financement alternatif pour le secteur qui serait décidé par le Parlement » ([6]). Autrement dit, et comme Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles, l’a rappelé lors de son audition, la budgétisation du financement de l’audiovisuel public a vocation à être temporaire.
Compte tenu de ce contexte particulier, le rapporteur pour avis comprend la création de la mission Audiovisuel public mais considère que cette mesure n’est pas assortie des garanties suffisantes.
2. Des garanties insuffisantes dans l’hypothèse où la budgétisation ne serait pas éphémère
Si la budgétisation du financement de l’audiovisuel public doit en principe rester temporaire, il ne peut être exclu qu’elle perdure au-delà du seul exercice budgétaire 2025, ce qui justifie d’encadrer plus strictement, dans le PLF, une telle mesure.
La budgétisation du financement de l’audiovisuel public ne doit pas constituer une solution durable. Sur ce point, le rapporteur pour avis, considère qu’une budgétisation pérenne serait probablement contraire, d’une part, au principe d’indépendance de l’audiovisuel public posé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et, d’autre part, aux récentes dispositions du règlement (UE) 2024/1083 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur et modifiant la directive 2010/13/UE.
À deux reprises le Conseil constitutionnel a rappelé l’importance de l’indépendance du financement de l’audiovisuel public. Dans sa décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009 sur la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, il a ainsi souligné que la garantie des ressources de l’audiovisuel public constitue « un élément de son indépendance » ([7]). Ce même principe a été rappelé dans la décision n° 2022-842 DC du 12 août 2022 portant sur la loi de finances rectificative pour 2022 ([8]).
Par ailleurs, l’article 5 du règlement précité, relatif aux garde-fous pour le fonctionnement indépendant des fournisseurs de médias de service public, dispose en son point 3 que les « procédures de financement garantissent que les fournisseurs de médias de service public disposent de ressources financières suffisantes, durables et prévisibles correspondant à l’accomplissement de leur mission de service public et leur permettant de se développer dans le cadre de celle-ci. Ces ressources financières sont de nature à permettre que l’indépendance éditoriale des fournisseurs de médias de service public est préservée ». Comme le droit constitutionnel, le droit européen est attaché à la protection de l’indépendance de l’audiovisuel public.
De manière unanime, les représentants associatifs, les représentants syndicaux et les dirigeants de l’audiovisuel public entendus par le rapporteur pour avis dans le cadre de la préparation de ce rapport ont tous rappelé leur opposition à une budgétisation du financement de l’audiovisuel public. La solution figurant dans le PLF ne saurait donc être que temporaire. Toutefois, compte tenu des contraintes pesant sur le calendrier parlementaire et de la nature des échanges à venir entre l’Assemblée nationale et le Sénat dont on ne saurait préjuger, il n’est pas certain que la modification attendue de la Lolf intervienne dans les délais souhaités. Pour ce motif, le rapporteur pour avis considère que les dispositions figurant dans le PLF doivent être renforcées pour garantir l’indépendance du financement de l’audiovisuel public dans l’hypothèse où la budgétisation proposée durerait plus longtemps que prévu.
Pour l’heure, le PLF prévoit simplement que « les nouveaux programmes de la mission Audiovisuel public […] soient exonérés de mise en réserve » ([9]).
Cet engagement est insuffisant et est notamment en retrait par rapport à celui pris en 2022 au moment de la discussion de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. À cette époque, le Gouvernement avait envisagé une budgétisation – finalement abandonnée – du financement de l’audiovisuel public mais avait proposé, à titre de garde-fou, dans la loi de finances le principe d’un versement en une fois, en début d’exercice, de l’ensemble des crédits affectés à la mission Audiovisuel public afin d’empêcher toute régulation budgétaire infra-annuelle.
Le rapporteur pour avis considère qu’une disposition équivalente devrait figurer dans le PLF afin de protéger l’indépendance de l’audiovisuel public dans l’hypothèse où la budgétisation envisagée ne serait pas éphémère. Cette protection de nature législative serait bien plus opérante que la simple déclaration d’intention figurant dans les documents de présentation du présent PLF. Le rapporteur pour avis a déposé un amendement en ce sens qui a été adopté le 23 octobre 2023 par la commission des affaires culturelles et de l’éducation ([10]). Il espère que cette décision sera confirmée à l’issue de l’examen parlementaire de l’ensemble du projet de loi de finances pour 2025.
B. un gel des crédits en rupture avec les engagements ANTÉRIEUREMENT pris PAR L’ÉTAT en faveur de l’audiovisuel public
Le PLF propose de doter la mission Audiovisuel public de 4 029,16 millions d’euros en AE comme en CP, soit un montant comparable à celui ouvert par la loi de finances initiale pour 2024 (4 026,73 millions d’euros) majoré de 2,43 millions d’euros destinés à poursuivre la compensation des effets fiscaux résultant de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public décidée en 2022 ([11]). Le gel de ces crédits contrevient aux engagements antérieurement pris par l’État en faveur de l’audiovisuel public.
1. L’évolution générale des crédits
Comme cela était déjà le cas pour le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, le projet annuel de performances de la mission Audiovisuel public propose une présentation des crédits par programmes et non par établissement bénéficiaire, alors même que cinq des six acteurs de ce secteur peuvent prétendre à un financement par deux programmes distincts (le programme de base et le programme transformation) ([12]). À aucun moment, ce document ne comporte une comparaison agrégée des ressources pour chacun des acteurs de l’audiovisuel public entre l’exercice 2024 et l’exercice 2025, ce qui est regrettable. Le tableau suivant propose une répartition agrégée des crédits par bénéficiaire.
répartition agrégée des crÉdits de la mission audiovisuel public
(en millions d’euros)
|
Dotation 2024 |
Dotation 2025 |
Évolution 24/25 (en millions d’euros puis en %) |
France Télévisions |
2 568,11 dont :
|
2 567,07 dont :
|
– 1,04 (– 0,04) |
Arte France |
295,10 dont :
|
300,96 dont :
|
+ 5,86 (+ 1,98) |
Radio France |
667,95 dont :
|
666,21 dont :
|
– 1,74 (– 0,26) |
France Médias Monde |
304,20 dont :
|
304,91 dont :
|
+ 0,71 (+ 0,23) |
Institut national de l’audiovisuel |
107,91 dont :
|
105,77 M€ dont :
|
– 2,14 (– 1,98) |
TV5 Monde |
83,45 dont :
|
84,24 dont :
|
+ 0,79 (+ 0,95) |
Total |
4 026,73 |
4 029,16 |
+ 2,43 |
* Le montant retenu pour la dotation de transformation est celui figurant dans la loi de finances initiale et non celui diminué par le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits (qui a réduit de 20 millions d’euros le montant des crédits de transformation)
Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les documents budgétaires).
Ce tableau appelle les observations suivantes :
– l’évolution envisagée des crédits entre les différentes composantes de l’audiovisuel public n’est pas uniforme. Sur les six composantes de l’audiovisuel public, trois (France Télévisions, Radio France et l’Institut national audiovisuel) connaissent une baisse des crédits en volume comprise entre – 0,04 et – 1,98 % et trois (Arte France, France Médias Monde et TV5 Monde) présentent un léger accroissement des crédits (compris entre + 0,23 % et + 1,98 %) ;
– les crédits de la dotation de base et de la dotation de transformation évoluent différemment. Si les crédits de la dotation de base progressent légèrement (environ + 1 %, soit + 41,43 millions d’euros), ceux de la dotation de transformation baissent significativement (– 56,57 %, soit – 39 millions d’euros).
Les montants des programmes 372, 373, 374, 375, 376 et 377 connaissent un accroissement compris entre + 0,95 % et + 1,23 %. Les écarts observés sont en partie trompeurs puisqu’ils reflètent des variations dans les modalités de compensation des effets fiscaux résultant de la suppression de la contribution l’audiovisuel public en 2022.
La baisse significative de la dotation de transformation est répartie de manière variable selon les entités. Quatre composantes de l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel) connaissent une réduction importante de ces crédits (comprise entre – 59,5 et – 79,7 %) du tandis qu’Arte France bénéficie pour la première fois de ces crédits (à hauteur de 2,8 millions d’euros) et que TV5 Monde n’y est toujours pas éligible.
En définitive, une fois neutralisée l’évolution du montant de la compensation des effets fiscaux liés à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (+ 2,43 millions d’euros), l’ensemble des crédits de la mission Audiovisuel public stagne par rapport à 2024 ce qui, compte tenu de l’inflation attendue en 2025 (1,8 %), constitue une baisse en valeur réelle.
Le rapporteur pour avis dénonce cette orientation qui prive l’audiovisuel public des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Au surplus, les montants inscrits au PLF contreviennent avec les engagements récemment pris par l’État en faveur de l’audiovisuel public.
2. Des crédits contrevenant aux engagements récemment pris par l’État en faveur de l’audiovisuel public
En 2025 – comme en 2024 –, l’État s’apprête à renier une nouvelle fois sa parole.
Un premier manquement à la parole donnée est intervenu au cours de l’exercice 2024. La loi de finances pour 2024 avait prévu d’accorder 69 millions d’euros à quatre acteurs de l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel) au titre du programme 848 de transformation. Cet engagement n’a pas été tenu puisque seuls 19 millions d’euros devraient effectivement être versés.
L’absence de versement de ces crédits est intervenue en deux temps. En premier lieu, le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits a annulé 20 millions d’euros de crédits sur le programme 848 dans le but de faire participer l’audiovisuel public aux mesures générales d’économies imposées par l’État. Ultérieurement, le versement de 30 millions d’euros supplémentaires a été suspendu puis décalé en 2025 à la faveur d’un allongement sur quatre ans (au lieu de trois ans) du calendrier de versement des crédits du programme Transformation (cf. infra). L’absence de versement de ces crédits fragilise la situation financière des acteurs de l’audiovisuel public.
Le PLF acte un second manquement à la parole donnée en prévoyant des crédits inférieurs de 81,5 millions d’euros à ceux prévus à compter de 2025 dans la trajectoire budgétaire jointe au projet de loi de finances pour 2024 ([13]) et dans la tranche 2025 de la trajectoire budgétaire 2024-2028 figurant dans les projets de contrats d’objectifs et de moyens (COM) négociés avec cinq des six acteurs de l’audiovisuel public ([14]). Si un montant total de 4 110,67 millions d’euros était initialement attendu en 2025, il n’est finalement que de 4 029,16 millions d’euros.
Le tableau suivant compare la trajectoire budgétaire jointe au projet de loi de finances pour 2024 avec la dotation 2025 figurant dans le PLF 2025. La comparaison avec les projets de COM parviendrait aux mêmes résultats mais serait moins lisible puisqu’un écart peut exister entre la dotation inscrite dans la loi de finances et celle figurant dans les tableaux financiers des projets de COM ([15]).
comparaison de la trajectoire budgétaire initialement envisagée en 2025 et de la trajectoire retenue en 2025
(en millions d’euros)
|
Prévision de crédits 2025 figurant dans le PAP 2024 |
Crédits 2025 figurant dans le PLF 2025 |
Évolution 24/25 (en montant puis en %) |
France Télévisions |
2 618,18 dont :
|
2 567,07 dont :
|
– 51,11 (– 1,95) |
Arte France |
311,06 dont :
|
300,96 dont :
|
– 10,10 (– 3,25) |
Radio France |
676,02 dont :
|
666,21 dont :
|
– 9,81 (– 1,45) |
France Médias Monde |
311,84 dont :
|
304,91 dont :
|
– 6,93 (– 2,22) |
Institut national de l’audiovisuel |
108,88 dont :
|
105,77 dont :
|
– 3,11 (– 2,86) |
TV5 Monde |
84,69 dont :
|
84,24 dont :
|
– 0,45 (– 0,53) |
Total |
4 110,67 |
4 029,16 |
– 81,51 (– 1,98) |
Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les documents budgétaires).
Ce tableau appelle les observations suivantes :
– les projets de COM sont caducs avant même d’être signés. Les volets financiers de ces documents stratégiques, déterminés à l’issue de longues négociations avec les acteurs de l’audiovisuel public, ne seront pas respectés dès leur première année d’exécution et ils ne le seront probablement guère plus lors des exercices suivants ;
– la réduction des moyens de l’audiovisuel public ne s’accompagne pas d’une adaptation de ses missions. Si le projet annuel de performances indique que le projet de COM des différents établissements devra être « réinterrogé à l’aune du niveau de dotation retenu en loi de finances initiale 2025 » ([16]), ces objectifs assignés demeurent pour l’instant inchangés alors même que les moyens permettant de les atteindre sont diminués. En somme, il est demandé au secteur de faire autant avec moins ;
– le manquement de l’État fragilise leur situation financière et imposera aux acteurs de l’audiovisuel public de réaliser des économies supplémentaires s’ajoutant à celles, déjà ambitieuses, prévues par les projets de COM. Comme la Cour des comptes l’a rappelé récemment, la trajectoire financière des projets de COM impliquait déjà « des efforts des entreprises puisqu’elle ne compense pas intégralement les effets anticipés à date de l’inflation sur leurs charges » ([17]). Lors de son audition, Mme Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France, a indiqué que la mise en œuvre du COM supposait, sur la période 2024-2028, la réalisation de 34 millions d’euros d’économies et de 15 millions d’euros de mesures de redéploiement interne. Lors de son audition, Mme Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions, a indiqué que la mise en œuvre du COM supposait déjà, sur la période 2024-2028 la réalisation d’un effort de 200 millions d’euros d’économies ([18]). La diminution des crédits accordés aux acteurs de l’audiovisuel public conduira à leur imposer des économies supplémentaires. Le PLF condamne ainsi l’audiovisuel public à l’austérité ;
– ce manquement à la parole donnée est d’autant moins acceptable qu’en 2024, plusieurs acteurs de l’audiovisuel public ont engagé des dépenses sur la base des crédits attendus en 2025 qu’ils ne percevront finalement pas au niveau escompté. Lors de son audition, Mme Sibyle Veil a par exemple indiqué que des dépenses avaient été engagées dans le cadre de la préparation du déploiement de la marque ICI (cf. infra) ;
– la situation financière de l’audiovisuel public est d’autant moins tolérable que la France dépense moins pour ce secteur que des pays de taille comparable. Selon des données communiquées par l’Union européenne de radio-télévision, en 2022, notre pays a dépensé 62 euros par an par habitant pour financer l’audiovisuel public contre 120 euros par an pour le Royaume-Uni et 121 euros par an pour l’Allemagne. Ce constat vaut également pour des pays démographiquement moins importants comme le Danemark (91 euros par an) et l’Autriche (114 euros par an) ([19]).
En définitive, le niveau des crédits proposés pour 2025 et les manquements répétés de l’État aux engagements pris en faveur des acteurs de l’audiovisuel public ne font que confirmer l’insuffisant soutien financier apporté à ce secteur depuis 2017. Depuis sept ans, pour l’exécutif, l’audiovisuel public n’est pas une priorité mais un secteur secondaire vis-à-vis duquel la parole donnée est sans importance.
3. Une évolution confirmant l’insuffisant soutien financier apporté à l’audiovisuel public depuis 2017
L’examen de la trajectoire financière de l’audiovisuel public sur la période 2017-2025 illustre l’absence d’ambition accordée à ce secteur.
En euros courants (c’est-à-dire non corrigés de l’inflation), les crédits de l’audiovisuel public ont progressé de moins de 2 % (+ 1,73 %) en huit ans. En 2025, les crédits proposés sont ainsi à peine supérieurs de 68,6 millions d’euros aux crédits exécutés en 2017.
2017-2025, évolution des crédits de l’audiovisuel public
(en millions d’euros)
Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (à partir des rapports annuels de performances 2017-2023, de la loi de finances 2024 et du PLF 2025).
Sur les huit exercices budgétaires de la période 2017-2025, cinq exercices se sont caractérisés par une baisse des crédits et, si trois exercices ont connu une hausse des dotations, celle-ci est en partie artificielle puisqu’imputable à la compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Dans sa dernière note d’analyse de l’exécution budgétaire des crédits du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, la Cour des comptes indique ainsi que la hausse des crédits observée en 2023 « s’explique pour 2/3 par la compensation des effets fiscaux de la réforme du financement de l’audiovisuel public et pour 1/3 par le contexte inflationniste qui impacte les comptes des différentes entités » ([20]).
Le décrochage financier de l’audiovisuel public sur la période 2017-2024 est encore plus net si l’évolution des crédits est rapprochée de l’évolution de l’inflation. Sur la période 2017-2024, six exercices se sont caractérisés par une évolution annuelle des crédits inférieure à l’inflation. Le PLF pour 2025 ne fait pas exception à cette règle et prévoit un gel des crédits alors que l’hypothèse d’inflation retenue dans le PLF est de + 1,8 %.
2017-2024 évolution comparée de l’inflation et des crédits
de l’audiovisuel public
|
Crédits exécutés (en millions d’euros) |
Évolution des crédits de l’audiovisuel public par rapport à l’année N – 1 (en %) |
Indice des prix à la consommation (Insee, en %) |
2017 |
3 960,56 |
+ 2,41 |
+ 1 |
2018 |
3 894,62 |
– 1,66 |
+ 1,8 |
2019 |
3 859,62 |
– 0,90 |
+ 1,1 |
2020 |
3 789,02 |
– 1,83 |
+ 0,5 |
2021 |
3 719,02 |
– 1,85 |
+ 1,6 |
2022 |
3 685 |
– 0,91 |
+ 5,2 |
2023 |
3 796,85 |
+ 3,04 |
+ 4,9 |
2024 (LFI) |
4 026,73 |
+ 6,05 |
+ 2,1 |
2025 (PLF) |
4 029,16 |
+ 0,06 |
+ 1,8 (prévision) |
Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Certes, la prise en compte des aides versées, en dehors du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, durant la crise sanitaire (73 millions d’euros) ([21]) et des apports en capital décidés par l’État en faveur de certaines entités de l’audiovisuel public (à hauteur, selon la Cour des comptes, d’environ 100 millions d’euros entre 2018 et 2022) nuance légèrement cette impression. Toutefois, la trajectoire financière de l’audiovisuel public depuis 2017 est celle d’un lent appauvrissement et le léger rattrapage financier observé en 2023 et 2024 n’a été qu’un feu de paille.
L’analyse programme par programme des crédits figurant dans le PLF ne fait que confirmer cette impression.
II. L’analyse des crédits par programme : des restrictions financières pour tous, une ambition pour personne
La mission Audiovisuel public comprend six programmes d’importance financière variable allant de 30 millions d’euros en faveur du programme de transformation à 2 548,83 millions d’euros en faveur de France Télévisions.
Répartition des crédits entre les six entités de l’audiovisuel public
Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les documents budgétaires).
Comme cela a été indiqué précédemment, l’ensemble de ces programmes partage cependant une même trajectoire témoignant de restrictions financières pour tous et d’une ambition pour personne.
A. Le programme 372 : France Télévisions
1. L’évolution des crédits et la situation de France Télévisions
Le programme 372 assure le financement du groupe France Télévisions qui rassemble 5 chaînes de télévision nationales (France 2, France 3, France 4, France 5, Franceinfo), 24 antennes régionales, 9 antennes ultramarines et une offre de services numériques.
France Télévisions a connu une année 2024 faste en termes d’audience à la faveur notamment de la retransmission des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 dont il était le diffuseur officiel en clair ([22]). Dans un autre registre, les 300 débats organisés lors des élections législatives sur les antennes de France 3 et de France bleu ont illustré l’intérêt de leur mission de service public et ont éclairé utilement la campagne électorale.
Le tableau ci-dessous retrace les crédits inscrits dans le PLF en faveur de France Télévisions.
Montant et évolution des crédits de France télévisions
(en millions d’euros)
|
Dotation de base |
Programme de transformation |
Total |
LFI 2024 |
2 523,11 |
45 |
2 568,11 |
PLF 2025 |
2 548,83 |
18,24 |
2 567,07 |
Évolution 2024-2025 |
+ 25,72 (+ 1,02 %) |
– 26,76 (– 59,46 %) |
– 1,04 (– 0,04 %) |
Trajectoire initialement envisagée pour 2025 (PAP 2024) |
2 573,18 |
45 |
2 618,18 |
Écart entre le PLF 2025 et la trajectoire initialement envisagée pour 2025 |
– 24,35 |
– 26,76 |
– 51,11 |
Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les documents budgétaires).
Le PLF dote le programme 372 de 2 548,83 millions d’euros, dont 53,8 millions d’euros au titre de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. En complément, France Télévisions devrait bénéficier des crédits du programme de transformation 383 à hauteur de 18,24 millions d’euros. La somme des crédits prévus en 2025 au titre des programmes 372 et 383 représente 2 567,11 millions d’euros, soit un montant en retrait de 1,04 million d’euros par rapport aux crédits ouverts en 2024 et inférieur de 51,11 millions d’euros au montant prévu dans le projet annuel de performances 2024 et la trajectoire financière associée au projet de COM. En 2025, ces crédits ne devraient pas être complétés par une augmentation de capital comme cela a été le cas en 2020, 2021, 2022 et 2023 ([23]).
Ces crédits, qui ont représenté près de 85 % du chiffre d’affaires diffuseur de France Télévisions en 2024, devraient être complétés par les ressources propres provenant essentiellement de la publicité et du parrainage. Sur ce point, le rapporteur pour avis rappelle son attachement à la suppression de toute publicité sur les chaînes de l’audiovisuel public et invite le Gouvernement à envisager une compensation de la perte de recettes associée au moyen, par exemple, d’une taxe dédiée prélevée sur certains opérateurs économiques du secteur.
D’un point de vue financier, l’évolution attendue des crédits devrait peser sur les résultats de l’entreprise et affecter une trésorerie qui est déjà sous tension.
En complément de ces premiers éléments, le fonctionnement du groupe France Télévisions appelle plusieurs observations portant sur la nature des économies envisagées, sur le déploiement de la marque ICI, sur la place des outre-mer et sur la nécessaire réaffirmation de l’indépendance de l’audiovisuel public.
L’irrespect de la trajectoire budgétaire associée au projet de COM est susceptible de contraindre France Télévisions à réaliser des économies encore plus importantes que prévu (cf. supra). Le rapporteur pour avis dénonce cette perspective et s’inquiète de la pression, déjà importante, exercée sur les personnels de l’entreprise. La recherche d’économies ne saurait se faire au détriment des personnels et devrait porter en priorité sur certains postes de dépenses dont, par exemple, les conditions dans lesquelles des animateurs peuvent produire (ou co-produire) les émissions dans lesquels ils interviennent, ou encore la concentration des achats en matière de production. Le rapporteur pour avis s’interroge ainsi sur le recours, direct ou indirect, à la pratique des animateurs-producteurs et à son effet sur le prix des émissions. La concentration des achats en matière de production soulève d’autres questions. Ainsi, les trois premiers groupes de production extérieurs à France Télévisions (c’est-à-dire hors France.tv studio ([24])) ont cumulé, en 2023, un chiffre d’affaires de 231,3 millions d’euros. Si le groupe France Télévisions subit les effets de la concentration du secteur de la production, il est cependant de plus en plus dépendant d’un nombre réduit de producteurs avec lesquels il lui est plus difficile de négocier ([25]). Il conviendrait de rechercher une réduction de cette dépendance, par exemple en prévoyant, dans les COM, de définir des seuils maximaux de prise en compte des investissements réalisés par les groupes de l’audiovisuel public avec le même partenaire commercial pour la comptabilisation des quotas relatifs aux obligations de financement de la production audiovisuelle et cinématographique tels qu’établis par les décrets pris en application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.
Le déploiement de la marque ICI, appelée à se substituer en région aux noms de France 3 et de France bleu, appelle également une grande vigilance. Après certains atermoiements, une nouvelle étape de ce projet doit se déployer – avec un retard important – à compter du 1er novembre 2024 sur les antennes de France 3 où un nouveau logo sera affiché lors de la diffusion des programmes régionaux ([26]). Le rapporteur pour avis souligne les craintes que ce projet suscite parmi les personnels des groupes France Télévisions et Radio France, notamment sur l’exercice même des métiers de l’audiovisuel et sur la qualité des contenus, et sera vigilant sur les conditions de son déploiement.
La place des outre-mer sur les antennes linéaires de France Télévisions suscite d’autres réserves. Si la mise en œuvre du Pacte pour la visibilité des Outre-mer a permis certains progrès ([27]), la situation demeure insatisfaisante et le traitement de l’actualité ultramarine reste secondaire. L’investissement audiovisuel dans les outre-mer est également très limité. Un rapport d’expertise remis en juin 2024 au comité social et économique central du groupe France Télévisions a souligné la faiblesse des moyens alloués aux outre-mer. Les achats de programmes et d’événements sportifs, les frais de production et les prestations techniques dans ces territoires se sont élevés à seulement 18,5 millions d’euros en 2023, dont à peine 9,269 millions d’euros ont correspondu à des productions internes locales ou des achats auprès de producteurs locaux. Trop souvent, les antennes ultramarines diffusent des programmes réalisés depuis la métropole pour compléter les grilles de programmes locales sans tenir suffisamment compte des spécificités de chaque territoire ([28]).
Le rapporteur pour avis souligne enfin la nécessité de réaffirmer l’indépendance de l’audiovisuel public. Sur ce point, il désapprouve deux décisions prises par la direction de France Télévisions en 2024. En janvier, des enquêtes journalistiques relatives à M. Gabriel Attal et Mme Rachida Dati ont été suspendues jusqu’aux élections européennes. En juin 2024, cinq journalistes de France Télévisions, membres de la société des journalistes de la rédaction nationale de France 3, ont été écartés des antennes durant la campagne des élections législatives pour avoir supposément porté atteinte à l’image d’impartialité des rédactions de France Télévisions après avoir signé, au nom de leur organisation, une tribune intitulée « Pour un front commun des médias contre l’extrême droite ». Le rapporteur pour avis déplore ces décisions qui corroborent l’analyse du Conseil consultatif des programmes de France Télévisions dont le dernier rapport a « regretté le manque de clarté quant au lien entretenu entre le groupe France Télévisions et l’État. Pour certains, cette relative confusion peut à force instiller des doutes au sujet de l’impartialité et de l’indépendance de l’information sur ses antennes » ([29]).
Le rapporteur pour avis préconise également la présence sur les antennes de France Télévision de nouveaux éditorialistes politiques, incarnant des points de vue différents, afin de compléter les analyses de son éditorialiste politique vedette, Mme Nathalie Saint‑Cricq, dont il ne remet nullement en cause le professionnalisme. En revanche il relève que son opinion est omniprésente sur les antennes de France Télévisions, sans être suffisamment contrebalancée par d’autres analyses d’autres éditorialistes maison. Une obligation de pluralisme des éditorialistes politiques devrait être instituée. Le rapporteur pour avis regrette également la promotion appuyée par France Télévisions, sur ses différentes antennes et sans le moindre regard critique, de certaines personnalités controversées comme Mme Caroline Fourest dont les mensonges sont pourtant régulièrement relevés. Le service public devrait sur ce point évoluer en étant davantage vigilant quant au sérieux des paroles extérieures qu’il choisit de mettre en valeur.
France Télévisions ne remplit pas correctement sa mission d’information indépendante et sérieuse sur le conflit au Proche-Orient
L’audiovisuel public porte une responsabilité particulière en matière d’information. Les chaînes de télévision et de radio publiques se doivent de proposer des journaux et des magazines de qualité, qui garantissent une vision large et équilibrée de l’actualité de la France et du monde. Le rapporteur pour avis relève sur ce point que France Télévisions ne remplit pas sa mission en ce qui concerne le Proche-Orient et la guerre que mène Israël contre les Palestiniens de Gaza depuis un an, laquelle a provoqué une crise humanitaire et morale sans précédent dans notre Histoire récente. Il regrette le traitement orienté en faveur du gouvernement israélien, et l’invisibilisation des Palestiniens pourtant victimes quotidiennes de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, comme le documentent l’ONU et le procureur général de la Cour pénale internationale (l’estimation basse du nombre de victimes Palestiniennes à Gaza depuis un an, à l’heure de rédaction de ce rapport, est de 50 000 morts et disparus, dont 20 000 enfants et 100 000 blessés).
Mme Célia Chirol, doctorante et chercheuse en anthropologie des médias, a ainsi relevé que « sur les 20 JT analysés du 8 au 14 janvier, seulement 29 secondes de temps d’antenne ont été consacrées à Gaza et au sort des Palestiniens. Plus en détail, cela donne 5 secondes pour TF1, 10 secondes pour M6 et 14 secondes pour France 2 » (1). Le site Arrêt sur Images a noté quant à lui que du 4 au 15 février, durant les JT de 13 h et de 20 h de TF1 et de France 2, « le sort des Gazaouis ne fait l'objet d'aucune séquence dédiée, que ce soit avec un reportage ou en plateau. Et aucun journal, d'aucune chaîne, n'a indiqué sur cette période de bilan chiffré du nombre total de morts à Gaza (…) À l'inverse, les otages israéliens, ainsi que les annonces de l'État hébreu, bénéficient d'une couverture médiatique » (2)
Au moment de l’écriture de ce rapport, une séquence récente a alerté le rapporteur pour avis. Dans la nuit du dimanche au lundi 14 octobre 2024, 19 Palestiniens, probablement tous civils, ont été tués par des frappes israéliennes en deux endroits de Gaza. Quatre personnes sont mortes brûlées vives dans la cour de l’hôpital Al Aqsa à Deir Al-Balah où dormaient sous des tentes des familles réfugiées. Une image en particulier a choqué le monde entier, largement diffusée sur les réseaux : celle d’un jeune homme de 20 ans agonisant dans les flammes. Des dizaines de personnes ont par ailleurs été blessées. Un autre bombardement israélien, cette fois sur une école transformée en refuge pour les déplacés, a tué 15 Palestiniens et fait des dizaines de blessés, dans le camp de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza. Au même moment, une attaque du Hezbollah contre une base militaire israélienne tuait 4 soldats israéliens.
Le lundi 14 octobre, dans le journal de 13 heures de France 2 (3), une minute et 46 secondes et un sujet ont été consacrés à la frappe du Hezbollah sur cette base militaire israélienne. Le bandeau-titre n’appelait pas les victimes des « soldats » mais des « Israéliens » et le commentaire insistait sur leur jeunesse (19 ans). Un passage de l’interview d’une porte-parole de l’armée israélienne a été diffusé. En revanche, 11 secondes seulement ont été consacrées au bilan des morts palestiniens à Gaza au même moment. Sur des images d’incendie, le présentateur expliquait : « À Gaza, des bombardements israéliens ont fait plusieurs morts. Il y aurait de nombreux blessés. Tsahal affirme avoir effectué une frappe visant un centre de commandement et de contrôle. » Il n’était pas précisé que ce sont des civils qui avaient été tués et blessés, et que l’un d’entre eux était un jeune homme qu’on voyait brûler à l’image.
Cette séquence montre un parti pris inacceptable de la part du service public en faveur d’une des parties au conflit évoqué, à savoir Israël. Dans la séquence ici mentionnée, France 2 a choisi de déshumaniser les Palestiniens et d’inverser la réalité des choses : le Hezbollah tue des militaires qui deviennent dans le bandeau-titre de simples « Israéliens » et a contrario Israël tue des civils palestiniens qui deviennent en commentaire des terroristes (« une frappe visant un centre de commandement et de contrôle »). Par ailleurs, aucune mention n’a été faire du nombre de victimes palestiniennes (19 morts et des dizaines de blessés), alors que le nombre de victimes israéliennes, bien que cinq fois inférieur, a été précisé. L’édition de 20h du journal de France 2, le même jour, a été pire encore : un sujet sur la mort des 4 soldats israéliens a été diffusé, sujet dont le montage et le commentaire cherchaient à provoquer l’empathie pour les victimes (4). En revanche pas une image ni un mot n’ont été consacrés aux civils palestiniens tués et blessés à Gaza.
Le rapporteur pour avis note que ce parti-pris pro-israélien et cette incapacité à informer avec justesse sur la gravité des crimes commis par l’armée israélienne à Gaza sont également perceptibles sur les antennes de Radio-France. Pour citer là encore un exemple récent au moment de l’écriture de ce rapport, le traitement de la déclaration alléguée d’Emmanuel Macron le 15 octobre : « M. Netanyahu ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l'ONU », dans l’émission Les informés de Franceinfo, le 16 octobre, apparaît problématique (5). Entrainés par la journaliste présentatrice, éditorialistes et invités n’ont eu de cesse de critiquer ces propos et d’adopter le point de vue critique du gouvernement israélien, alors même que l’affirmation du président Macron relève de la vérité factuelle, telle que la valident les historiens et l’ambassade d’Israël elle-même sur son site Internet. Toujours le 16 octobre, face à Aurore Bergé sur Franceinfo soir, la même journaliste récidive en évoquant les propos d’Emmanuel Macron en ces termes : « Propos qui ont fait beaucoup réagir car ils touchent à l’origine, à la légitimité même d’Israël. Est-ce que c’est une erreur historique, politique de la part du chef de l’État ? ». Elle insiste encore 2 fois après les réponses de Mme Bergé : « alors pourquoi le président a dit ça alors selon vous ? » ; « et aujourd’hui Manuel Valls dit que le président a commis des fautes, c’est comme s’il avait rappelé un bail temporaire à Israël sous réserve de bonne conduite, il ne comprend rien à ce qu’est Israël » (6).
(1) Post de Mme Chirol du 17 janvier 2024 « GAZA AU 20H : 29 secondes pour 100 jours »
(2) Arrêt sur image du 15 février 2024 « TF1, France 2 : 29 heures de JT, 5 minutes pour les Gazaoui·es »
(3) France 2, Journal de 13 heures du 14 octobre 2024
(4) France 2, Journal de 20 heures du 14 octobre 2024
(5) Radio France, Les informés de Franceinfo, 16 octobre 2024
(6) Radio France, Franceinfo soir, 16 octobre 2024
B. Le programme 373 : ARTE France
1. L’évolution des crédits et la situation d’Arte France
Le programme 373 assure le financement d’Arte France qui, dans le prolongement du traité franco-allemand du 2 octobre 1990, constitue une des trois composantes de la chaîne Arte avec Arte Deutschland TV GmbH et le groupement européen d’intérêt général Arte GEIE ([30]). Ces trois entités sont unies par un projet de groupe (le projet pour la période 2025-2028 a été validé par l’Assemblée générale d’Arte GEIE le 9 octobre 2024) dont la déclinaison française prend la forme, pour Arte France, d’un contrat d’objectifs et de moyens.
Comme M. Bruno Patino, président d’Arte GEIE et d’Arte France, l’a rappelé lors de son audition, Arte France est un média tripolaire proposant une diffusion linéaire (représentant en France 2,9 % de parts d’audience), une plateforme reconnue (arte.tv) et une présence affirmée sur les chaînes sociales (YouTube, Instagram, Facebook…) où il compte 28 millions d’abonnés. Arte France a réussi son virage numérique et dispose désormais d’une réelle assise européenne puisqu’elle travaille avec treize chaînes partenaires et propose une offre numérique en six langues (français, allemand, anglais, espagnol, polonais et italien) permettant à 70 % des Européens de regarder Arte en ligne dans leur langue maternelle.
Le tableau ci-dessous retrace les crédits inscrits dans le PLF en faveur d’Arte France.
Montant et évolution des crédits d’ARTE France
(en millions d’euros)
|
Dotation de base (programme 373) |
Programme de transformation (383) |
Total |
LFI 2024 |
295,10 |
0 |
295,10 |
PLF 2025 |
298,11 |
2,84 |
300,95 |
Évolution 2024-2025 |
+ 3,01 |
+ 2,84 |
+ 5,85 |
Trajectoire initialement envisagée pour 2025 (PAP 2024) |
304,06 |
7 |
311,06 |
Écart entre le PLF 2025 et la trajectoire initialement envisagée pour 2025 |
– 5,95 |
– 4,16 |
– 10,11 |
Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les documents budgétaires).
Le PLF dote le programme 373 de 298,11 millions d’euros, dont 2 millions d’euros au titre de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. En complément, Arte France devrait bénéficier (pour la première fois en 2025) des crédits du programme de transformation 383 à hauteur de 2,84 millions d’euros. Le total des crédits prévus en 2025 au titre des programmes 373 et 383 représente 300,95 millions d’euros, soit un montant en progression de 5,85 millions d’euros par rapport aux crédits ouverts en 2024 mais inférieur de 10,11 millions d’euros au montant prévu dans le projet annuel de performances 2024. Arte France devrait ainsi bénéficier des crédits du programme de transformation 383 à hauteur de 2,84 millions d’euros, et non de 7 millions d’euros comme cela a été initialement envisagé.
Les crédits de la mission Audiovisuel public devraient constituent la quasi-totalité des ressources d’Arte France (en 2024 le seul programme 842 a représenté 98,7 % des ressources de l’entreprise) qui, il faut le rappeler, ne diffuse aucune publicité. La contribution de l’Union européenne au financement d’Arte France est encore limitée (3 à 4 millions d’euros par an) et porte pour l’instant uniquement sur l’adaptation linguistique des programmes existants.
La réduction attendue des crédits se répercutera sur le montant de la contribution allemande. Le financement du GEIE d’Arte étant paritaire, si Arte France diminue son apport d’un certain montant, Arte Deutschland diminuera sa contribution d’autant. Le montant en jeu fait l’objet d’évaluations divergentes. Si lors de son audition M. Patino a évoqué une possible réduction de 20 millions d’euros des crédits du GEIE (– 10 millions d’euros d’Arte France et, par symétrie, – 10 millions d’euros d’Arte Deutschland), lors de son audition, Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles, a estimé que cette réduction serait comprise entre 6 et 8 millions d’euros (de – 3 à – 4 millions d’euros d’Arte France et, par symétrie, de – 3 à – 4 millions d’euros d’ARTE Deutschland).
En complément de ces premiers éléments, le fonctionnement d’Arte France appelle deux observations relatives à la situation de M. Bernard-Henri Lévy, président du conseil de surveillance de cette entreprise.
La première observation concerne la durée excessive du mandat de M. Bernard-Henri Lévy et les conditions dans lesquelles il a été renouvelé dans cette fonction en 2019 et 2024.
L’intéressé exerce sans discontinuer la fonction de président du conseil de surveillance depuis 1993 ([31]). Ces 31 années consécutives de mandat sont excessives et n’ont d’équivalent dans aucune autre entreprise de l’audiovisuel public. Quel que soit l’investissement de M. Bernard-Henri Lévy dans ses fonctions, il n’est pas sain qu’une personne occupe un poste sur une durée aussi longue.
Les conditions dans lesquelles le mandat de M. Bernard-Henri Lévy a été renouvelé en 2019 et 2024 suscitent par ailleurs l’étonnement. En 2019, une limite d’âge de 70 ans a été instituée pour les membres du conseil de surveillance. Toutefois, il a été décidé de ne l’appliquer qu’à compter du renouvellement suivant (en 2024), ce qui a opportunément permis à M. Bernard-Henri Lévy, alors âgé de 71 ans, de s’y soustraire. En 2024, à l’occasion d’un toilettage plus général de ses statuts, Arte France a abrogé cette limite d’âge et a retenu une règle inspirée de l’article L. 225-70 du code de commerce prévoyant que deux tiers des membres du conseil de surveillance doivent être âgés de moins de 70 ans, ce qui a de nouveau permis à M. Bernard-Henri Lévy d’être reconduit dans ses fonctions.
La seconde observation concerne les conditions dans lesquelles, M. Bernard-Henri Lévy, président du conseil de surveillance d’Arte France en charge du « contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire » ([32]), a bénéficié à quatre reprises d’un soutien de la chaîne au financement de ses propres œuvres audiovisuelles et cinématographiques représentant, entre 2011 et 2022, un montant cumulé de 750 000 euros.
Participation d’ARTE France au financement d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques de M. Bernard-Henri Lévy, président du conseil de surveillance d’ARTE France ([33])
Titre de l’œuvre |
Genre |
Année |
Soutien financier d’Arte France (en coproduction ou en pré-achat, en euros) |
Commentaires |
Pourquoi l’Ukraine |
Documentaire |
2022 |
100 000 |
M. Lévy est l’auteur et le co-réalisateur de ce documentaire |
Princesse Europe |
Cinéma documentaire |
2019 |
200 000 |
M. Lévy est l’auteur de ce documentaire |
Peshmerga ! |
Cinéma documentaire |
2015 |
250 000 |
M. Lévy est l’auteur et le réalisateur de ce film documentaire |
Le Serment de Tobrouk |
Cinéma documentaire |
2011 |
200 000 |
M. Lévy est l’auteur et le co-réalisateur de ce documentaire |
Source : Arte France.
En complément de ces 750 000 euros, Arte France a par ailleurs soutenu – pour un montant non précisé – le film Le jour et la nuit (réalisé par M. Lévy en 1997), et a acquis en 2004 pour un montant de 68 700 euros les droits de diffusion du film Bosna ! dont M. Lévy fut le co-auteur et le coréalisateur.
Il est en outre précisé que : les financements apportés par Arte France aux œuvres de M. Bernard-Henri Lévy viennent en complément de ceux accordés par France Télévisions à ces mêmes œuvres, sans cependant que l’intéressé occupe une fonction au sein des instances de gouvernance de France Télévisions ([34]).
Si toutes les œuvres audiovisuelles et cinématographiques de M. Bernard-Henri Lévy n’ont pas bénéficié d’un soutien d’Arte France ([35]), la régularité et l’importance des financements accordés par la chaîne au président de son propre conseil de surveillance soulèvent de fortes objections déontologiques même si, comme l’a indiqué M. Bruno Patino, président d’Arte GEIE et d’Arte France, lors de son audition, le conseil de surveillance n’a pas de responsabilité éditoriale et que les propositions d’œuvres de M. Bernard-Henri Lévy ont suivi le processus de sélection classique.
Le rapporteur pour avis observe qu’en acceptant de bénéficier, directement ou indirectement, d’un soutien financier d’Arte France alors même qu’il exerçait la fonction de président du conseil de surveillance de cette entreprise, M. Bernard-Henri Lévy a gravement manqué aux devoirs de sa charge et doit, pour ce motif, quitter ses fonctions. Un conflit d’intérêts aussi patent ne saurait durer.
Le rapporteur pour avis invite également Arte France à renforcer sans délai ses règles déontologiques afin d’imposer une déclaration préventive de conflit d’intérêts aux membres de son conseil de surveillance afin d’exclure la possibilité pour toute personne siégeant au sein de cette instance de bénéficier, de manière directe ou indirecte, d’un soutien financier de cette entreprise à la production de ses œuvres ou à toute autre fin ([36]). Si M. Bernard-Henri Lévy est, à ce jour, le seul membre du conseil de surveillance d’Arte France dont les œuvres ont bénéficié d’un soutien de la chaîne ([37]), il est nécessaire de mettre rapidement un terme à cette situation.
C. Le programme 374 : Radio France
1. L’évolution des crédits et la situation de Radio France
Le programme 374 est dédié au financement du groupe Radio France qui est organisé autour de sept antennes (France Inter, Franceinfo, France Culture, France Bleu, France Musique, Fip, Mouv’), de 44 stations locales, de quatre formations musicales (l’orchestre national de France, l’orchestre philharmonique de Radio France, la maîtrise et le chœur de Radio France), de services et de plateformes en ligne.
Radio France a connu une année 2024 riche en termes d’audience puisqu’il constitue de nouveau le premier groupe radiophonique en France en termes d’auditeurs et de parts d’audience. Près de 15 millions d’auditeurs (14,8 millions) écoutent quotidiennement ses antennes et, à l’été 2024, France Inter est restée la première radio de France pour la 22e fois consécutive. Même si la radio est un média en relative perte de vitesse ([38]), Radio France demeure un acteur de référence dont le modèle économique repose sur la production intégrale des contenus diffusés. Le succès de Radio France concerne également les services numériques puisque France Inter est la première radio sur le numérique en live et en podcasts. En 2023, tous supports confondus, Radio France a cumulé 3,5 milliards d’écoutes numériques.
Le tableau ci-dessous retrace les crédits inscrits dans le PLF en faveur de Radio France.
Montant et évolution des crédits de Radio France
(en millions d’euros)
|
Dotation de base (programme 374) |
Programme de transformation (383) |
Total |
LFI 2024 |
652,95 |
15 |
667,95 |
PLF 2025 |
660,13 |
6,08 |
666,21 |
Évolution 2024-2025 |
+ 7,18 |
– 8,92 |
– 1,74 |
Trajectoire initialement envisagée pour 2025 (PAP 2024) |
661,02 |
15 |
676,02 |
Écart entre le PLF 2025 et la trajectoire initialement envisagée pour 2025 |
– 0,89 |
– 6,08 |
– 6,97 |
Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les documents budgétaires).
Le PLF dote le programme 374 de 660,13 millions d’euros, dont 28,8 millions d’euros au titre de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. En complément, Radio France devrait bénéficier des crédits du programme de transformation 383 à hauteur de 6,08 millions d’euros. La somme des crédits prévus en 2025 au titre des programmes 374 et 383 représente 666,21 millions d’euros, soit un montant en retrait de 1,74 million d’euros par rapport aux crédits ouverts en 2024 et inférieur de 6,97 millions d’euros au montant prévu dans le projet annuel de performances 2024 et la trajectoire financière associée au projet de COM.
En 2025, ces crédits devraient être complétés par une augmentation de capital de 0,3 million d’euros souscrite par l’État, comme cela a été le cas à plusieurs reprises depuis 2020, au titre du financement d’un plan de ruptures conventionnelles collectives ([39]).
Ces crédits, qui en 2024 ont représenté 84 % des ressources du groupe, devraient être complétés par les ressources propres de l’entreprise qui, en 2024, sont estimées à environ 109 millions d’euros, provenant de recettes commerciales (à hauteur de 82 millions d’euros) ([40]) et de ressources issues des participations et partenariats du groupe (à hauteur de 28 millions d’euros).
Le fonctionnement du groupe Radio France appelle plusieurs observations portant sur le déploiement de la marque ICI et sur la nécessaire réaffirmation de l’indépendance de l’audiovisuel public.
Le déploiement de la marque ICI suscite les inquiétudes d’une partie des personnels du réseau France bleu dont l’identité va s’éteindre progressivement à compter du mois de novembre 2024. Comme Mme Sibyle Veil l’a rappelé lors d’un entretien accordé au journal Le Figaro, France Bleu va faire « son big bang » ([41]). Le rapporteur pour avis sera attentif à ce que ce « big bang », dont le budget consacré à son déploiement est de 7 millions d’euros sur les exercices 2024 et 2025, ne produise pas un effet de souffle trop important sur des équipes déjà éprouvées.
L’indépendance de la ligne éditoriale et de la gestion des personnels pose certaines questions. Le récent licenciement pour « faute grave » de l’humoriste Guillaume Meurice soulève des interrogations qu’il appartiendra au juge prud’homal, saisi de ce dossier, de trancher. La lourdeur de la sanction imposée à M. Meurice étonne cependant au regard des « manquements répétés et délibérés à son obligation de loyauté » allégués par Radio France pour mettre un terme au contrat à durée déterminée d’usage d’un humoriste dont une plaisanterie avait, selon Mme Sibyle Veil, heurté des auditeurs de France Inter et motivé une sanction de l’Arcom. Le rapporteur pour avis rappelle que si cette plaisanterie a donné lieu au dépôt de deux plaintes pour « provocation à la violence et la haine antisémite » et « injure publique à caractère antisémite », ces deux plaintes ont été depuis classées par le parquet de Nanterre. Dans ce contexte, le refus de M. Meurice de s’excuser après sa chronique, la réitération de cette plaisanterie et ses mises en cause de la direction de Radio France n’auraient pas dû conduire à une sanction de cette importance, rarement prononcée dans l’histoire récente du groupe ([42]).
Le rapporteur pour avis regrette le licenciement pour « faute grave » de Guillaume Meurice et considère que cette décision reflète une politique managériale à deux vitesses où la sévérité appliquée à M. Meurice contraste avec la grande mansuétude dont bénéficient d’autres intervenants de la station, et plus particulièrement M. Alain Finkielkraut et Mme Sophia Aram. Le premier avait, le 8 juin 2024 dans son émission Répliques sur France Culture, accusé une partie des journalistes et des salariés de Radio France de « dieudonnisation ». Si M. Meurice a été licencié pour faute grave, M. Finkielkraut n’a pas été sanctionné pour ces derniers propos au motif qu’il a fait amende honorable. Mme Aram, elle, s’amuse régulièrement de la communauté musulmane, sur ses réseaux sociaux et dans ses chroniques, ridiculisant le port du hijab. Le 7 mars 2023, elle avait également raillé un dirigeant politique iranien, en des termes absolument identiques à ceux reprochés à Guillaume Meurice, mais qui n’ont étrangement pas connu les mêmes suites disciplinaires.
À Radio France, la liberté d’expression et le droit à la maladresse sont reconnus au philosophe insultant, dont la fonction requiert pourtant le sérieux et la maîtrise du propos, tandis qu’ils sont déniés à l’humoriste dont la fonction de « poil-à-gratter » implique par essence des prises de risque et des propos qui peuvent heurter, afin de provoquer le rire.
Le service public a également pour devoir, parmi ses missions, de protéger l’humour des pressions politiques. Avec le cas Guillaume Meurice, Radio France a failli à sa mission.
D. Le programme 375 : France Médias Monde
1. L’évolution des crédits et la situation de France Médias Monde
Le programme 375 est consacré au financement du groupe France Médias Monde qui réunit les différentes composantes de l’audiovisuel public extérieur de la France, à savoir : une chaîne d’information continue en français, en anglais, en arabe et en espagnol (France 24) ; une radio internationale diffusée sur les cinq continents en français et dans 16 autres langues (Radio France internationale – RFI) ; une radio française en langue arabe diffusée au Proche et au Moyen-Orient (Monte Carlo Doualiya – MCD) ; deux offres 100 % numériques (ENTR, à destination des jeunes Européens, et InfoMigrants, une offre d’information sur et à destination des migrants).
Chaque jour, les antennes de France Médias Monde produisent près de 200 heures de programmes.
Le groupe poursuit sa stratégie « d’hyper-distribution raisonnée » combinant la distribution de ses contenus sur ses propres plateformes et sur des plateformes tierces ([43]), ce qui lui permet de maintenir des audiences élevées en dépit des restrictions de diffusion imposées par un nombre croissant d’États ([44]). La diffusion des programmes linéaires est complétée par une présence importante sur des supports en ligne. En 2023, France Médias Monde a ainsi enregistré 3,7 milliards de vues numériques. L’audience du groupe n’est pas uniquement francophone. Si RFI et France 24 sont suivies chaque semaine par près de 60 % de la population en Afrique francophone ([45]), Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde, a précisé lors de son audition que 60 % des audiences du groupe se faisaient en langue étrangère.
Le projet de COM prévoit un plan de lancement de plusieurs nouvelles offres de proximité dont une offre panafricaine « 100 % réseaux sociaux » à destination de la jeunesse, un projet de plateforme (« hub ») à Beyrouth pour renforcer la production numérique en langue arabe de France 24 et de MCD, et le renforcement des langues étrangères au sein d’une plateforme située à Bucarest.
Le tableau ci-après retrace les crédits inscrits dans le PLF en faveur de France Médias Monde.
Montant et évolution des crédits de France Médias Monde
(en millions d’euros)
|
Dotation de base (programme 375) |
Programme de transformation (383) |
Total |
||
LFI 2024 |
299,2 |
5 |
304,2 |
||
PLF 2025 |
302,9 |
2,03 |
304,9 |
||
Évolution 2024-2025 |
+ 3,7 |
– 2,97 |
+ 0,7 |
||
Trajectoire initialement envisagée pour 2025 (PAP 2024) |
306,8 |
5 |
311,8 |
||
Écart entre le PLF 2025 et la trajectoire initialement envisagée pour 2025 |
– 4,1 |
– 2,97 |
– 7,07 |
||
Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les documents budgétaires).
Le PLF dote le programme 375 de 302,9 millions d’euros, dont 30,8 millions d’euros au titre de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. En complément, France Médias Monde devrait bénéficier des crédits du programme de transformation 383 à hauteur de 2,03 millions d’euros. La somme des crédits prévus en 2025 au titre des programmes 375 et 383 représente 304,9 millions d’euros, soit un montant en croissance de 0,7 million d’euros par rapport aux crédits ouverts en 2024 et inférieur de 7 millions d’euros au montant prévu dans le projet annuel de performances 2024 et la trajectoire financière associée au projet de COM. Ces crédits ne devraient en principe pas être complétés par une augmentation de capital souscrite par l’État comme cela a été le cas en 2022 ([46]).
D’autres concours publics relativement limités sont apportés par des bailleurs de fonds internationaux, dont l’Union européenne (620 000 euros par an pour ENTR et 5 millions d’euros pour la période 2025-2026 pour InfoMigrants). Par ailleurs, Canal France International, filiale à 100 % de France Médias Monde chargée de favoriser le développement des médias en Afrique, dans le monde arabe et en Asie du Sud Est, bénéficie d’un concours de 10,11 millions d’euros en AE et de 9,37 millions d’euros en CP au titre du programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement relevant de la mission Aide publique au développement ([47]).
Ces crédits, qui en 2024 ont représenté 95 % des ressources du groupe, devraient être complétés de manière limitée par des ressources propres provenant essentiellement de la publicité, notamment numérique (en 2023, l’ensemble des ressources propres de France Médias Monde ont représenté 13,9 millions d’euros).
La trésorerie du groupe est proche de 60 millions d’euros – un montant relativement élevé – et fait l’objet de placements assujettis à une charte spécifique approuvée par l’Agence des participations de l’État et imposant une répartition par type de placements ([48]) et par échéance ([49]).
France Médias Monde est, avec France Télévisions, un des deux groupes de l’audiovisuel public détenant la certification Initiative pour la confiance dans le journalisme (Journalism trust initiative) délivrée par Reporters sans frontières
Conçue comme une norme professionnelle internationale, la Journalism Trust Initiative est un « mécanisme de certification visant à distinguer positivement le journalisme fiable dans l’écosystème de l’information pour lui redonner un avantage concurrentiel, favorisant le droit à l’information des citoyens » (1).
Deux groupes de l’audiovisuel public détiennent aujourd’hui cette certification : France Télévisions et France Médias Monde. Arte France, Radio France et TV5 Monde se sont engagés plus récemment dans une démarche de certification qui est en cours d’instruction.
Selon Reporters sans frontières, mille médias dans le monde sont aujourd’hui engagés avec la Journalism Trust Initiative pour rétablir la confiance en l’information.
() Site internet de Reporters sans frontières.
Le fonctionnement de France Médias Monde appelle plusieurs observations portant sur la sensibilité particulière de ce groupe, sur le niveau limité des crédits de l’audiovisuel public extérieur de la France, sur la proportion élevée des personnels non permanents, sur le recours excessif aux prestataires extérieurs au sein de France 24, et sur les carences manifestes de la protection sociale des correspondants à l’étranger.
Par sa nature, France Médias Monde exerce sa mission dans un contexte difficile, le groupe pouvant, à tort, être accusé d’être le porte-voix officieux de la diplomatie française. À ce titre, France Médias Monde est encore plus concerné que les autres acteurs de l’audiovisuel public par la nécessité de disposer d’un financement dissocié de celui du budget général de l’État pour ne pas être accusé d’être un média d’État comme peut l’être Russia Today. Pour France Médias Monde, une budgétisation de son financement porterait durablement atteinte à sa crédibilité voire, dans certaines régions, à la sécurité de ses personnels.
France Médias Monde souffre par ailleurs de moyens sous dimensionnés qui le condamnent, à moyen terme, à jouer dans la deuxième division audiovisuelle internationale. Comme la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale l’a souligné dans son rapport pour avis sur le PLF 2024, l’audiovisuel public extérieur de la France bénéficie de crédits très inférieurs à ceux de ses principaux concurrents audiovisuels internationaux ([50]). En 2023, la chaîne d’information allemande Deutsche Welle disposait ainsi d’un budget supérieur à 400 millions d’euros tandis que BBC World Service bénéficiait d’une dotation publique de 386 millions d’euros (cette dotation ayant récemment été réduite) et USA Global Media ([51]) d’un budget de 813 millions d’euros. La chaîne russe Russia Today disposerait pour sa part d’un budget quatre fois supérieur à celui de France 24. Dans ce même rapport, la commission des affaires étrangères soulignait également que « FMM produit et diffuse aujourd’hui des contenus dans moins de vingt langues [alors que], USA Global Media en totalise plus de soixante, BBC World Service plus de quarante, la Deutsche Welle plus de trente ».
Lors de son audition, Mme Marie-Christine Saragosse a regretté ce manque d’attention financière et craint que l’irrespect de la trajectoire financière figurant dans le projet de COM ne soit porteur d’un « risque de désarmement informationnel » de la France. Si, en 2025, France Médias Monde devrait pouvoir puiser dans ses réserves (d’un montant de 10,5 millions d’euros) pour faire face à cette nouvelle équation budgétaire, cela ne pourra pas être de nouveau le cas en 2026. En l’absence de complément financier, France Médias Monde pourrait alors être contraint de renoncer à certains projets ou à certaines zones ou langues de diffusion, comme BBC World Service l’a fait en 2022 en cessant la diffusion de ses services radio en arabe et en persan.
La proportion élevée des personnels non permanents au sein de la rédaction de France 24 et le recours excessif aux prestataires extérieurs au sein de cette même entreprise posent également question. Selon les données transmises par France Médias Monde, 21 % des personnels des rédactions seraient des employés non permanents, principalement des pigistes. Si ce taux s’est récemment réduit (il était de 24 % en 2019), il demeure élevé et peut présenter certains risques juridiques. En matière sociale, 66 procédures prud’homales ont ainsi été engagées contre France Médias Monde en 2023 contre 26 en 2019 ([52]). En matière technique, des salariés d’un important prestataire intervenant en régie (Red Bee Media) ont engagé un contentieux pour obtenir une requalification de leur contrat de travail.
Les carences manifestes de la protection sociale des correspondants étrangers de France Médias Monde méritent également d’être dénoncées et corrigées. Comme le rappelle la sénatrice Mélanie Vogel dans une proposition de loi déposée le 12 avril 2024, « la législation française interdit en l’état l’affiliation à la sécurité sociale des journalistes exerçant à l’étranger pour des médias français car cette affiliation est conditionnée à une résidence stable et régulière en France » ([53]). Si cette problématique n’est pas spécifique à France Médias Monde, elle concerne plus particulièrement ce groupe en raison du grand nombre de correspondants employés à l’étranger (750) ([54]). Comme l’a rappelé Mme Marie-Christine Saragosse lors de son audition, RFI, MCD et France 24 soutiennent l’affiliation de leurs correspondants à l’étranger auprès de la Caisse des Français de l’étranger (en prenant en charge une partie de leurs cotisations) mais une telle initiative n’est pas à la hauteur des enjeux. Seule une modification de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale destinée à permettre une affiliation des intéressés à la sécurité sociale française serait de nature à répondre aux difficultés rencontrées.
E. Le programme 376 : Institut national de l’audiovisuel
1. L’évolution des crédits et la situation de l’Institut national de l’audiovisuel
Le programme 383 porte le financement de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) qui, en application de l’article 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, est chargé de « conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national ».
Organisé sous la forme d’un établissement public à caractère industriel et commercial et non, comme les autres composantes de l’audiovisuel public, sous la forme d’une société anonyme, l’INA a poursuivi en 2024 sa transformation en média patrimonial dont les activités – au-delà de ses missions traditionnelles – font l’objet d’une diversification de plus en plus poussée à la faveur d’une politique d’éditorialisation et de mise en valeur numériques des contenus. En 2023, l’INA a ainsi enregistré plus de 1,7 milliard de vidéos vues sur les réseaux sociaux et les plateformes vidéo. En dépit de la permanence de certaines fragilités, cette évolution a fait l’objet d’une appréciation favorable de la Cour des comptes dans un rapport publié en février 2024 ([55]).
Le tableau ci-après retrace les crédits inscrits dans le PLF en faveur de l’INA.
Montant et évolution des crédits de l’inA
(en millions d’euros)
|
Dotation de base (programme 376) |
Programme de transformation (383) |
Total |
||
LFI 2024 |
103,91 |
4 |
107,91 |
||
PLF 2025 |
104,96 |
0,81 |
105,77 |
||
Évolution 2024-2025 |
+ 1,05 |
– 3,19 |
– 2,14 |
||
Trajectoire initialement envisagée pour 2025 (PAP 2024) |
106,88 |
2 |
108,88 |
||
Écart entre le PLF 2025 et la trajectoire initialement envisagée pour 2025 |
– 1,92 |
– 1,19 |
– 3,11 |
||
Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les documents budgétaires).
Le PLF dote le programme 376 de 104,96 millions d’euros, dont 5,4 millions d’euros au titre de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. En complément, l’INA devrait bénéficier des crédits du programme de transformation 383 à hauteur de 0,81 million d’euros. Le total des crédits prévus en 2025 au titre des programmes 376 et 383 représente 105,77 millions d’euros, soit un montant en retrait de 2,14 millions d’euros par rapport aux crédits ouverts en 2024 et inférieur de 3,1 millions d’euros au montant prévu dans le projet annuel de performances 2024 et la trajectoire financière associée au projet de COM. Ces crédits sont susceptibles d’être complétés par un versement au titre du crédit impôt recherche et d’autres concours publics ([56]).
En 2025, les crédits relevant de la mission Audiovisuel public devraient représenter environ 70 % des ressources de l’INA. En effet, la part des ressources propres de l’établissement se situe habituellement aux environs de 30 % de son budget, soit la proportion la plus élevée enregistrée par les différentes entités de l’audiovisuel public. Ces ressources propres proviennent principalement des activités de formation initiale, de formation continue, de recherche, et des activités de production et d’édition.
Le fonctionnement de l’INA appelle plusieurs observations portant sur les fragilités de l’établissement en matière de trésorerie, sur la politique de rémunération en son sein, et sur sa stratégie en matière d’intelligence artificielle.
Dans son rapport précité, la Cour des comptes a souligné l’importance des difficultés de trésorerie rencontrées ces dernières années par l’INA qui, en 2021, l’ont conduit à contracter un emprunt bancaire de 3 millions d’euros pour faire face à ses échéances immédiates. La situation s’est améliorée depuis en raison d’un versement exceptionnel de 6,3 millions d’euros décidé par la loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023. Si la trésorerie projetée au 31 décembre 2024 est satisfaisante (7 millions d’euros), la réduction attendue des crédits est susceptible de dégrader la trésorerie de l’INA en 2025.
Par ailleurs, la politique de rémunération de l’INA soulève certaines interrogations. Comme plusieurs syndicats l’ont fait remarquer lors de leur audition, le nombre de salariés dont la rémunération mensuelle est d’au moins 5 000 euros bruts a crû sensiblement entre 2021 (98 salariés) et 2023 (132 salariés) ce qui a pu susciter certaines incompréhensions ([57]).
Enfin, la stratégie de l’établissement en matière d’intelligence artificielle soulève d’autres interrogations au regard des nombreuses incidences que cette technologie est susceptible d’avoir sur les métiers de l’INA, notamment les documentalistes. À cet égard, le rapporteur pour avis a relayé auprès de M. Laurent Vallet, président-directeur général de l’établissement, les interrogations et des inquiétudes des organisations syndicales.
Des différences de rémunération importantes entre les dirigeants de l’audiovisuel public Le rapporteur pour avis a souhaité faire un point sur les rémunérations brutes attribuées aux dirigeants de l’audiovisuel public. Le tableau ci-dessous, établi à partir des informations recueillies auprès des différentes entités concernées et de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) (1), retrace le montant des rémunérations versées au titre de l’année 2023.
Les dirigeants de l’audiovisuel public bénéficient systématiquement, au sein de leur entreprise, de la rémunération la plus élevée. Seul France Télévisions fait figure d’exception : en 2023, un salarié a perçu une rémunération supérieure de 1,33 % à celle de Mme Delphine Ernotte-Cunci (2). () Les données transmises par la DGMIC ne recoupent qu’imparfaitement celles communiquées par les différentes entités. Les données figurant dans le tableau sont celles recueillies auprès de ces dernières à l’exception de TV5 Monde. (2) Cette précision, qui n’avait pas été demandée à France Télévisions, a été communiquée par la DGMIC. |
F. Le programme 377 : TV5 Monde
1. L’évolution des crédits et la situation de TV5 Monde
Le programme 377 est dédié au financement de TV5 Monde qui réunit au service de la francophonie huit chaînes généralistes (TV5 Monde États-Unis, TV5 Monde Amérique latine, TV5 Monde Europe, TV5 Monde France Belgique Suisse Monaco, TV5 Monde Maghreb Orient, TV5 Monde Afrique, TV5 Monde Asie et TV5 Monde Pacifique), deux chaînes thématiques consacrées à la jeunesse et à l’art de vivre (Tivi5 et TV5 Monde style) et une plateforme numérique (TV5 Monde plus).
Opérateur de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), TV5 Monde est une entreprise multilatérale détenue à 46,42 % par France Télévisions, à 11,97 % par France Médias Monde, à 10,53 % par la Radio-télévision belge de la Communauté française, à 10,53 % par la Société suisse de radiodiffusion et télévision, à 6,32 %, par Radio-Canada, à 5,25 % par TV Monaco, à 4,21 % par Télé Québec, à 3,12 % par Arte France et à 1,65 % par l’INA ([58]). Chaque actionnaire fournit à TV5 Monde des programmes nationaux libres de droits et chaque État bailleur participe au financement des frais de production et de diffusion. TV5 Monde diffuse ses programmes dans plus de 200 pays et territoires. Son statut d’opérateur de l’OIF protège habituellement la chaîne des restrictions de diffusion imposées par certains États. Cette règle n’est cependant pas intangible puisqu’en août 2024, les autorités maliennes ont suspendu la diffusion de TV5 Monde pour une durée de trois mois.
Le tableau suivant retrace les crédits inscrits dans le PLF en faveur de TV5 Monde.
Montant et évolution des crédits de TV5 Monde
(en millions d’euros)
|
Dotation de base (programme 377) |
Programme de transformation (383) |
Total |
||
LFI 2024 |
83,45 |
0 |
83,45 |
||
PLF 2025 |
84,24 |
0 |
84,24 |
||
Évolution 2024-2025 |
+ 0,79 |
0 |
+ 0,79 |
||
Trajectoire initialement envisagée pour 2025 (PAP 2024) |
84,69 |
0 |
84,69 |
||
Écart entre le PLF 2025 et la trajectoire initialement envisagée pour 2025 |
– 0,45 |
0 |
– 0,45 |
||
Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les documents budgétaires).
Le PLF dote le programme 377 de 84,24 millions d’euros, dont 2 millions d’euros au titre de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. TV5 Monde ne bénéficie pas des crédits du programme de transformation 383.
Les crédits prévus en 2025 au titre du programme 377 sont en progression de 0,79 million d’euros par rapport à 2024 (dont 300 000 euros au titre de l’évolution de la compensation de l’assujettissement à la taxe sur les salaires) ; cette progression correspond, selon TV5 Monde, « presque intégralement à la compensation des effets fiscaux supportés par l’entreprise à la suite de la suppression de la contribution audiovisuelle publique » ([59]). Ces crédits qui, en 2024, ont représenté environ 67 % des ressources de TV5 Monde, seront complétés par les contributions des autres États et, dans une moindre mesure, par des ressources propres provenant essentiellement de la publicité et de la distribution ([60]).
Ces crédits sont légèrement inférieurs à ceux escomptés (84,6 millions d’euros) suite aux échanges entre la France et les autres gouvernements bailleurs de fonds de TV5 Monde intervenus en décembre 2023. Selon la réponse apportée par cette entreprise au questionnaire du rapporteur pour avis, un « effet de bord sur les contributions partenaires » est craint « car c’est sur la base de la progression française initiale qu’étaient espérées celles des partenaires en proportion des niveaux de financements » ([61]).
Le fonctionnement de TV5 Monde appelle plusieurs observations portant sur l’ouverture envisagée du capital et du financement à certains pays d’Afrique francophone, sur les tensions observées au sein de l’entreprise et sur les conditions de la récente désignation de Mme Kim Younes à la présidence cette entreprise.
TV5 Monde envisage d’ouvrir progressivement son capital et son financement à sept pays d’Afrique francophone (le Bénin, le Gabon, le Sénégal, la Côte-d’Ivoire, le Cameroun, la République démocratique du Congo et le Congo-Brazzaville) sous la forme d’une adhésion groupée prévoyant une « présence tournante de plusieurs gouvernements africains et de leurs opérateurs audiovisuels publics au sein des instances de gouvernance de TV5. […] Les États africains concernés organiseraient une forme de « tontine » pour verser solidairement leur contribution annuelle commune (soit un demi neuvième annuel à se partager en 7 parts / le demi neuvième est actuellement à 4,20 M€ par an. […] L’essentiel de la contribution africaine serait fléché au sein du budget de TV5 Monde et dédié à des opérations ponctuelles en Afrique. » ([62]).
Si le rapporteur pour avis considère que l’ensemble des voix de la francophonie doivent légitimement pouvoir participer à la gouvernance et au financement de TV5 Monde, la nature peu démocratique de certains États candidats soulève la question des garanties devant être apportées au traitement de l’information. L’indépendance des journalistes de TV5 Monde n’est pas négociable et ne saurait être bradée contre une promesse de financements supplémentaires. À cet égard, il convient de saluer la récente conclusion d’une charte déontologique et éditoriale réaffirmant l’adhésion de la chaîne et de ses collaborateurs à des valeurs communes (l’indépendance, la transparence, l’honnêteté de l’information et l’expression pluraliste des courants de pensée d’opinion) ainsi que la récente déclaration des gouvernements bailleurs de fonds de TV5 Monde ([63]).
Une vigilance s’imposera cependant pour s’assurer du respect de cet impératif au regard notamment des tensions observées au sein de l’entreprise. Ces tensions ont concerné en premier lieu l’indépendance des journalistes. Le 20 novembre 2023, la direction de l’information de TV5 Monde a publié un communiqué regrettant « profondément » les conditions dans lesquelles un entretien entre le présentateur d’une de ses émissions et l’un des porte-parole de l’armée israélienne s’était terminé ([64]). Cette prise de position publique à l’encontre d’un journaliste dont le professionnalisme est reconnu de tous, a suscité une émotion légitime au sein de l’entreprise et a favorisé la reconstitution, saluée par le rapporteur pour avis, d’une société des journalistes au sein de TV5 Monde. Des tensions sociales – ayant motivé l’ouverture d’une enquête sur les risques psychosociaux – sont également à déplorer.
Le déroulement de la procédure de désignation de Mme Kim Younes à la présidence de TV5 Monde suscite également certaines réserves. En mai 2024, M. Yves Bigot, président-directeur général de TV5 Monde, a démissionné de ses fonctions avant le terme de son mandat. Le 22 mai 2024, le ministère de la culture a publié un appel à candidatures incitant les postulants à se faire connaître auprès de ce ministère et du ministère de l’Europe et des affaires étrangères avant le 9 juin 2024 à minuit en joignant à leur dossier « une note d’intention contextualisée » ([65]). Une fois l’appel à candidatures clos, la ministre de la culture et le ministre de l’Europe et des affaires étrangères devaient procéder « à l’examen des dossiers de candidature et aux éventuelles auditions ».
Selon les éléments communiqués par la DGMIC, si 20 candidatures ont été enregistrées, aucune audition pour départager ces candidats n’a été organisée par le ministère de la culture ou par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Lors de son audition, Mme Younes a cependant indiqué avoir été auditionnée par téléphone par un tiers mais a refusé d’indiquer l’identité et la qualité de celui-ci.
Le rapporteur pour avis déplore l’opacité de cette procédure de sélection et souhaite, qu’à l’avenir, le mode de désignation de la présidente directrice générale / du président directeur général de TV5 Monde soit inspiré de celui des dirigeants de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde déterminé par l’article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication en tenant compte des spécificités de TV5 Monde ([66]). Dans cette hypothèse la personne pressentie serait choisie par l’Arcom à l’issue d’une procédure transparente et publique avant d’être présentée aux gouvernements bailleurs de fonds. Lors de son audition, M. Thomas Derobe, secrétaire général de TV5 Monde, a rappelé que cette évolution, envisagée il y a quelques années, bénéficiait du soutien de l’entreprise.
G. Le programme 383 : programme de transformation
Institué en 2024 pour une durée initiale de trois ans, le programme de transformation vise à soutenir des « projets de transformation prioritaires » ayant « vocation à accroître la qualité, la visibilité et l’impact des offres proposées par le secteur en matière de proximité, de numérique et d’information, notamment à destination du public jeune » ([67]). Un montant de 200 millions d’euros était prévu sur la période 2024-2026, réparti en une tranche de 69 millions d’euros en 2024, de 74 millions d’euros en 2025 et de 57 millions d’euros en 2026. Mme la députée Constance Le Grip a récemment présenté une première évaluation de ce programme ([68]).
Ce calendrier initial n’a pas été respecté. En 2024, le montant finalement versé sera singulièrement réduit de 69 à 19 millions d’euros (cf. supra) : 20 millions d’euros ont été annulés par le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits, et 30 millions d’euros supplémentaires ont été suspendus en cours d’exercice. Le PLF acte la suppression des 20 millions d’euros et procède à un allongement du calendrier d’une année supplémentaire. Au lieu de verser 200 millions d’euros sur trois ans à ses bénéficiaires, le programme 383 devrait leur attribuer 180 millions d’euros sur quatre ans.
Le tableau suivant présente l’étalement de ces versements.
programmations initiale et révisée du versement des crédits du programme de transformation
(en millions d’euros)
|
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Total |
LFI 2024 |
69 |
74 |
57 |
|
200 |
PLF 2025 |
19 |
30 |
74 |
57 |
180 |
Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les documents budgétaires).
La répartition des crédits entre les entités de l’audiovisuel public est renseignée dans les documents budgétaires pour la période 2024-2025.
répartition des crédits du programme de transformation entre les entités de l’audiovisuel public
(en millions d’euros)
|
France Télévisions |
Arte France |
Radio France |
France Médias Monde |
Institut national de l’audiovisuel |
Total |
LFI 2024 |
45 |
0 |
15 |
5 |
4 |
69 |
Crédits attendus en 2024 après annulation et suspension de certains crédits initiaux |
12,4 |
0 |
4,1 |
1,4 |
1,1 |
19 |
PLF 2025 |
18,24 |
2,84 |
6,08 |
2,03 |
0,81 |
30 |
Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les documents budgétaires).
Ces données appellent plusieurs observations :
– le versement en 2025 des 30 millions d’euros suspendus en 2024 ne constitue pas un report à l’identique des crédits promis à France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel puisque ces 30 millions incluent 2,84 millions d’euros devant être accordés à Arte France, ce qui diminue d’autant les crédits devant être versés aux autres acteurs ;
– le projet annuel de performances justifie le rééchelonnement du calendrier de versement des crédits du programme de transformation par la « situation contrainte des finances publiques » et indique que « dans ce contexte, le détail des projets de transformation financés par ce programme budgétaire devra être réinterrogé » ([69]). Ce même document précise que « le niveau global de la dotation allouée au « Programme de transformation » pourra également être réévalué en cas de reprise de la réflexion sur la gouvernance de l’audiovisuel public et de la conduite de rapprochements structurels entre les entreprises du secteur ». Lors de son audition, Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles, a également indiqué que la trajectoire des entreprises de l’audiovisuel public était révisée pour tenir compte d’une inflation moindre que prévu ([70]).
Le rapporteur pour avis déplore profondément les choix effectués. Le manquement à la parole donnée porte préjudice aux entités de l’audiovisuel public et affecte gravement la crédibilité de l’État qui ignore les engagements qu’il a lui-même pris il y a un an. La mention, dans le projet annuel de performances, d’une possible réévaluation du montant des crédits du programme de transformation en cas de reprise de la réflexion sur la gouvernance de l’audiovisuel public confirme en outre que les montants aujourd’hui envisagés sont susceptibles d’être révisés prochainement. Autrement dit, si les montants promis en 2024 n’ont pas été respectés, les montants révisés promis pour 2025 sont également susceptibles d’être modifiés. Dans ce contexte, quel crédit les salariés et les dirigeants de l’audiovisuel public peuvent-ils attacher à la parole de l’État ?
À force de naviguer à vue et de réduire les moyens, l’exécutif a manifestement perdu tout cap et toute ambition pour l’audiovisuel public.
seconde partie : l’institution d’une contribution rénovée à l’audiovisuel public : une solution adaptée pour répondre, dans des conditions socialement justes, au besoiN de financement du secteur
En juin 2023, la mission d’information de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale sur l’avenir de l’audiovisuel public observait qu’« il y a maintenant urgence à trouver un financement pérenne » pour l’audiovisuel public ([71]). Seize mois plus tard, cette urgence est encore plus forte puisque, comme indiqué précédemment, le PLF assure le financement de l’audiovisuel public au moyen d’une mission budgétaire classique en attendant une possible adaptation pérenne de son mode de financement.
Pour l’heure, la rénovation de celui-ci est principalement envisagée sous la forme d’une modification de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) devant permettre de prolonger l’affectation d’une fraction ou d’un montant de TVA à l’audiovisuel public. Le Sénat a adopté une proposition de loi organique en ce sens le 23 octobre 2024 ([72]) et l’examen de ce texte devrait intervenir à l’Assemblée nationale en novembre 2024.
Si une prolongation de l’affectation d’une fraction ou d’un montant de TVA à l’audiovisuel public est préférable à un financement de ce secteur par une mission budgétaire classique, cette perspective est cependant moins satisfaisante que le recours à une « redevance rénovée » qui, au regard des alternatives envisagées, serait la seule solution susceptible de répondre dans des conditions socialement justes au besoin de financement de l’audiovisuel public, dans le but de garantir son indépendance financière.
I. LE FINANCEMENT PÉRENNE DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC PAR DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES, PAR LA TVA OU PAR UN PRÉLÈVEMENT SUR RECETTES NE SERAIT PAS SATISFAISANT
A. La budgÉtisation : un mode de financement incompatible avec la prÉservation de l’indÉpendance de l’audiovisuel public
Le PLF comprend une mission budgétaire classique destinée à assurer à titre temporaire le financement de l’audiovisuel public dans l’hypothèse où aucune autre solution ne serait retenue à brève échéance. Si, comme indiqué précédemment, le rapporteur pour avis comprend cette décision, il souligne qu’une telle mesure ne saurait constituer qu’une solution de dernier recours, sous la réserve expresse de prévoir un dispositif assurant, dès le début de l’exercice budgétaire, le versement unique des crédits aux acteurs de l’audiovisuel public.
Si un financement budgétaire partiel de l’audiovisuel public a pu exister par le passé, cette solution ne semble plus envisageable aujourd’hui au regard de ses nombreux inconvénients.
Jusqu’en 2015, France Télévisions percevait une dotation inscrite sur le programme 313 Contribution au financement de l’audiovisuel de la mission Médias, livre et industries culturelles. En 2015, 160,42 millions d’euros ont été versés dans ce cadre pour compenser la suppression partielle de la publicité sur les antennes du groupe décidée en 2009 ([73]).
Par ailleurs, l’ancienne contribution à l’audiovisuel public (CAP) était assortie d’un double mécanisme budgétaire destiné, d’une part, à prendre en charge les dégrèvements accordés et, d’autre part, à compenser un éventuel décalage entre son montant prévisionnel et les recettes effectivement collectées. Les crédits correspondants étaient conséquents puisqu’en 2021, ils ont représenté 531 millions d’euros (488 millions d’euros pour le remboursement des dégrèvements et 43 millions d’euros pour la compensation du décalage entre les prévisions initiales et le produit effectif de la contribution à l’audiovisuel public) ([74]).
Dans le cadre du plan de relance ayant suivi la crise sanitaire, l’audiovisuel public a également perçu des crédits budgétaires à hauteur de 73 millions d’euros ([75]).
L’hypothèse d’un financement durable de l’audiovisuel public par des crédits budgétaires avait été envisagée en 2022 par le Gouvernement, avant que le Parlement ne décide, au regard des inconvénients représentés par une budgétisation pérenne, de lui substituer l’affectation d’une fraction de TVA.
Comme le rapporteur pour avis l’a indiqué précédemment, la jurisprudence du Conseil constitutionnel et les récentes dispositions du règlement (UE) 2024/1083 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur et modifiant la directive 2010/13/UE ont renforcé l’exigence d’un financement assurant l’indépendance de l’audiovisuel public.
La budgétisation soulève en outre trois objections : elle renforcerait les possibilités de régulation budgétaire infra annuelle ; elle s’accompagne souvent d’une réduction des moyens de l’audiovisuel public ([76]) ; elle porterait atteinte à la crédibilité de l’audiovisuel public en l’assimilant, aux yeux de certains, à un média d’État – cette crainte étant particulièrement forte pour l’audiovisuel extérieur.
B. La prolongation de l’affectation d’une fraction de la TVA : un mode de financement respectueux de l’indépendance de l’audiovisuel public mais socialement injuste et supposant une modification de la loi organique relative aux lois de finances
La proposition de loi organique adoptée par le Sénat le 23 octobre 2024 vise à pérenniser l’affectation à l’audiovisuel public d’un montant de TVA déterminé chaque année en loi de finances.
Si cette hypothèse est moins défavorable qu’un financement par crédits budgétaires, elle est néanmoins d’un intérêt relatif puisqu’elle respecterait imparfaitement l’indépendance de l’audiovisuel public et serait financièrement et socialement contestable.
L’indépendance de l’audiovisuel public ne serait pas totalement assurée dans l’hypothèse où son financement reposerait durablement sur la TVA. En 2024, l’existence d’un financement par la TVA n’a ainsi pas empêché une réduction de 20 millions d’euros des crédits du programme 848 Transformation du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public par le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
Un tel mode de financement serait également techniquement contestable. En septembre 2024, le Conseil des prélèvements obligatoires a ainsi souligné que la TVA constituait une « taxe à recentrer sur son objectif de rendement pour les finances publiques ». Ainsi, « alors qu’elle abondait essentiellement le budget de l’État, celui-ci ne perçoit désormais plus que la moitié des recettes de TVA en raison d’affectations successives de fractions de TVA aux organismes de protection sociale et aux collectivités territoriales, notamment pour compenser la suppression de recettes préexistantes. Ces affectations répondent à des choix structurants d’organisation des relations financières entre l’État et ces organismes. […] Les affectations de TVA en dehors de ces deux champs, comme c’est le cas pour l’audiovisuel public depuis 2022, génèrent des effets indésirables […] et devraient être évitées » ([77]). Le Conseil des prélèvements obligatoires a renouvelé cette analyse dans une récente note thématique ([78]).
Un financement de l’audiovisuel public par la TVA serait également socialement injuste puisque la contribution des redevables ne serait pas modulée en fonction de leurs capacités contributives. Par ailleurs et, à l’inverse de la CAP, aucun dégrèvement ne serait envisagé en faveur de certaines catégories sociales.
Enfin, un tel mode de financement suppose une modification de la Lolf dont le calendrier demeure pour le moins ambitieux puisque celle-ci devrait intervenir avant la fin de l’examen parlementaire du PLF.
C. L’institution d’un prélèvement sur recettes : un mode de financement respectueux de l’indépendance de l’audiovisuel public MAIS NÉANMOINS IMPARFAIT, ET qui nécessite une modification de la loi organique relative aux lois de finances
Un prélèvement sur recettes (PSR) correspond à la rétrocession d’un montant déterminé de recettes de l’État au bénéfice d’un tiers. La loi de finances comporte aujourd’hui deux types de prélèvements sur recettes : l’un en faveur des collectivités territoriales, l’autre en faveur de l’Union européenne ([79]).
Le recours à un PSR préserverait l’indépendance de l’audiovisuel public dans les conditions plus satisfaisantes que la TVA au regard notamment du moindre risque de régulation budgétaire attaché à ce mécanisme. Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire du PSR établi au profit des collectivités territoriales, la Cour des comptes a ainsi récemment considéré que « contrairement aux crédits budgétaires, les PSR ne peuvent faire l’objet de mesures de régulation en cours d’année. En particulier, les articles 13 (annulation de crédits afin de compenser l’ouverture de crédits supplémentaires par décret d’avances) et 14 (annulation de crédits afin de prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l’année concernée) de la LOLF ne leur sont pas applicables. La réduction éventuelle en cours d’année du montant d’un PSR nécessite l’intervention d’un projet de loi de finances rectificative. Il s’agit là du principal motif du recours à cette technique de financement » ([80]).
Cependant, ce mode de financement présente un inconvénient majeur puisque, comme le financement par la TVA, il ignore les différences de situation sociale les capacités contributives des assujettis n’étant pas prises en compte.
Au total, seul le recours à une contribution rénovée à l’audiovisuel public répondrait dans des conditions socialement équitables au besoin de financement de l’audiovisuel public.
II. SEULE L’INSTITUTION D’UNE CONTRIBUTION RENOVÉE À L’AUDIOVISUEL PUBLIC PERMETTRAIT D’EN GARANTIR L’INDÉPENDANCE DANS DES CONDITIONS SOCIALEMENT ACCEPTABLES
La proposition d’institution d’une contribution rénovée à l’audiovisuel public repose sur les travaux de Mme Julia Cagé, professeure d’économie au département d’économie de Sciences Po Paris qui a présenté un rapport sur ce sujet en juin 2022 ([81]). Différentes initiatives parlementaires ont également été observées en ce domaine lors de l’examen à l’Assemblée nationale, devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation, de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle ([82]), de l’examen du projet de loi de finances pour 2025 ([83]) ou du dépôt de propositions de loi ([84]).
Ce mode de financement viserait à réintroduire, dans le code général des impôts, une contribution à l’audiovisuel public.
Différentes possibilités ont été présentées. La proposition soutenue par le rapporteur pour avis correspond à celle du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire, auquel il est apparenté, et repose sur une contribution à l’audiovisuel public due par tous les foyers fiscaux. Le montant de cette contribution serait de :
– 0 euro pour les foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 15 000 euros ;
– 50 euros pour les foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence est supérieur ou égal à 15 000 euros et inférieur à 20 000 euros ;
– 100 euros pour les foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence est supérieur ou égal à 20 000 euros et inférieur à 30 000 euros ;
– 120 euros pour les foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence est supérieur ou égal à 30 000 euros et inférieur à 50 000 euros ;
– 200 euros pour les foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence est supérieur ou égal à 50 000 euros et inférieur à 100 000 euros ;
– 500 euros pour les foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence est supérieur ou égal à 100 000 euros.
Cette contribution serait adossée à l’impôt sur le revenu ([85]) à l’inverse de la précédente CAP qui était perçue en lien avec la taxe d’habitation.
Le financement de l’audiovisuel public par cette nouvelle contribution serait respectueux de ce secteur, socialement juste et ne supposerait pas de modification de la loi organique relative aux lois de finances.
L’indépendance de l’audiovisuel public serait respectée puisque ce secteur disposerait d’une taxe affectée dont le produit lui serait entièrement consacré et échapperait à toute forme de régulation budgétaire. Comme pour la précédente CAP, un financement budgétaire pourrait être envisagé dans l’hypothèse où les recettes effectivement collectées n’atteindraient pas le montant attendu.
Ce mode de financement serait socialement juste puisqu’il tiendrait compte de la capacité contributive des foyers fiscaux. Six tranches seraient prévues, allant d’une contribution nulle à une contribution de 500 euros. Cette large modulation du coût de la CAP différerait de la précédente CAP dont le montant était soit nul (pour les personnes bénéficiant d’un dégrèvement), soit uniforme en métropole (138 euros pour tous les assujettis) comme en outre-mer (88 euros pour tous les assujettis).
D’un point de vue juridique, cette solution présenterait l’avantage de ne pas nécessiter de modification de la Lolf. L’institution d’une nouvelle CAP supposerait une simple modification du code général des impôts et pourrait être décidée en loi de finances. Les contraintes propres aux lois organiques ne s’appliqueraient pas.
Ce mode de financement pourrait être complété par différentes taxations additionnelles. Le groupe Gauche Démocrate et Républicaine a proposé de doubler le rendement des taxes sur les services d’accès à des contenus audiovisuels à la demande et sur la publicité diffusée aux moyens de services d’accès à des contenus audiovisuels à la demande, et d’affecter la moitié de ce produit au financement des sociétés de l’audiovisuel public ([86]). La possibilité d’instituer des taxes sur les fournisseurs d’accès à internet, sur les objets connectés ou sur les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, et Microsoft) mériterait également d’être approfondie. L’instauration de sources additionnelles de financement permettrait en outre de supprimer totalement la publicité sur le service public, ce qui constitue un enjeu écologique et de santé publique important, surtout en ce qui concerne les enfants.
La nouvelle CAP, complétée par ces nouveaux prélèvements, pourrait être bien acceptée par l’opinion publique. Comme Mme Julia Cagé l’observe dans son étude, le financement de l’audiovisuel public en Finlande, en Norvège, et en Suède « n’est plus aujourd’hui remis en question […] En le rendant plus juste, [les réformes opérées] ont en effet permis de le rendre également plus acceptable » ([87]).
Évidemment, l’instauration d’une contribution à l’audiovisuel public devrait s’accompagner de mesures législatives fortes afin de garantir plus avant son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique : la lutte implacable contre la désinformation et les fake news ; la protection, notamment sociale, des correspondants à l’étranger ; la généralisation du droit d’agrément et du droit de veto dans les rédactions ; la révision du mode de nomination des dirigeants des entreprises de l’audiovisuel public, afin que les procédures soient plus transparentes ; la réforme en profondeur de l’Arcom afin de garantir sa propre indépendance du pouvoir politique.
Les avantages d’un financement par une contribution dédiée sont largement reconnus. Un récent rapport de l’Union européenne de radio-télévision indique ainsi que 17 pays européens recourent à l’heure actuelle à ce mode de financement, dont l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suisse, l’Italie, le Portugal et l’Autriche ([88]). À l’inverse, aucun pays n’a assis le financement de l’audiovisuel public sur la TVA ou sur un prélèvement sur recettes. La France ne saurait avoir raison seule contre tous.
Lors de sa réunion du mardi 22 octobre 2024 à 16 heures 45 ([89]), la commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324 – seconde partie), Mme Rachida Dati, ministre de la Culture.
Mme la présidente Fatiha Keloua-Hachi. Nous commençons l’examen du projet de loi de finances pour 2025 par l’audition de Madame Rachida Dati, ministre de la culture, et l’examen des missions Culture, Médias, livre et industries culturelles et Audiovisuel public.
Avant de vous céder la parole, Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur deux points. Concernant le pass culture, pouvez-vous nous éclairer sur la nature et le calendrier des évolutions annoncées ? Une partie de la fraction individuelle sera-t-elle consacrée aux spectacles vivants ? Envisagez-vous une modulation des montants alloués en fonction des revenus familiaux des jeunes bénéficiaires ? Une augmentation de la part collective est-elle également à l’étude ?
Ma seconde question porte sur la réduction de 10,3 millions d’euros de la dotation du fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) locale. Comment justifiez-vous cette diminution, qui représente 84 % de la baisse des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles en 2025 ? Quelles seront les répercussions sur les radios associatives ?
Je vous invite maintenant à nous présenter votre projet de budget pour 2025.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Je suis ravie de poursuivre ma mission à la tête du ministère de la culture, que je considère comme un ministère régalien et essentiel pour la cohésion de notre société fracturée. Ces derniers mois m’ont confortée dans cette conviction. Le ministère de la culture porte des enjeux fondamentaux pour la réduction des inégalités et la construction citoyenne.
Dans le contexte actuel de difficultés pour nos finances publiques, l’État se doit d’être exemplaire. Le ministère de la culture prendra sa part dans les efforts à fournir, comme il l’a déjà fait lors de la précédente réduction des dépenses. Néanmoins, en tant que ministre de la culture, je veillerai à garantir les moyens nécessaires à nos politiques culturelles, en maintenant un équilibre.
Nous avons une première bonne nouvelle, la stabilité du budget du ministère de la culture, reconduit à 4,045 milliards d’euros pour 2024. Cela témoigne de l’engagement du gouvernement et du soutien des parlementaires envers notre mission d’accessibilité de la culture pour tous. Malgré le contexte difficile, le budget demeure à son plus haut niveau historique. Je rappelle que depuis l’élection du président de la République, le budget de la culture a augmenté de plus de 1 milliard d’euros.
La deuxième bonne nouvelle concerne l’annulation des 204 millions d’euros prévus en début d’année, qui ne figurent plus dans ce projet de loi de finances (PLF). Ce texte prévoit donc une hausse des moyens du ministère de 206 millions d’euros par rapport à cette année, nous permettant de préserver l’action du ministère dans tous les secteurs.
Concernant la mission Culture, dans le secteur de la création artistique, les crédits sont intégralement préservés à hauteur de 1,04 milliard d’euros, dont 550 millions d’euros consacrés aux secteurs subventionnés en région. Comme je m’y étais engagée lors des annulations de crédits en février dernier, aucun euro n’a manqué en région. Je m’en assure personnellement lors de mes déplacements hebdomadaires dans les territoires.
L’État a tenu ses engagements et soutenu ces structures. Les crédits consacrés aux spectacles vivants, hors opérateurs nationaux, sont en hausse de 45 millions d’euros entre 2022 et 2024, dont près de 9 millions d’euros en 2024 dans le cadre du plan Mieux produire, mieux diffuser.
La philosophie de ce plan vise à répondre aux enjeux majeurs du secteur : améliorer la circulation des œuvres et inciter les collectivités à accroître leur participation financière. Le bilan de la première année s’avère très positif, avec 9 millions d’euros du ministère de la culture ayant entraîné une participation des collectivités territoriales de 12,5 millions d’euros, permettant la concrétisation de nombreux projets vertueux.
Nous poursuivrons cet effort collectif en optimisant la production par des mutualisations et en améliorant la diffusion, notamment via des séries plus longues pour consolider certains modèles économiques du spectacle vivant. Nous renforçons notre collaboration avec les élus locaux et les parlementaires, notamment à travers les contrats de territoire pour la création artistique. J’ambitionne d’étendre ce dispositif au-delà du spectacle vivant, comme l’illustre l’accord signé en Charente-Maritime.
Ces dernières années, l’État a assumé seul l’augmentation continue des soutiens. Dans un contexte difficile, je préserve le budget dédié à la création artistique, mais cela ne suffira pas. Il est impératif de convaincre les collectivités de maintenir leur engagement et d’inciter le secteur à explorer de nouveaux leviers, tels que la politique tarifaire. Bien que je sois attachée à des tarifs très bas pour certains publics, cela étant un pilier de la démocratie culturelle, nous devons mener une réflexion globale sur le modèle économique du spectacle vivant pour assurer sa pérennité.
Les moyens alloués aux festivals sont reconduits en 2025, avec un total de 32 millions d’euros. Je suis disposée à aborder ce sujet plus en détail, notamment avec Monsieur Balanant, pour qui je sais que c’est une préoccupation majeure.
Concernant la démocratisation culturelle et l’accès aux métiers de la culture, ces priorités restent au cœur de mon action. Je reconnais une baisse de 17 millions d’euros du budget dédié à la démocratisation culturelle, principalement sur le soutien à l’éducation artistique et culturelle. Cependant, il convient d’analyser cette baisse en tenant compte du pass culture et de sa part collective, dont la mise en œuvre rencontre des obstacles, notamment de mobilité. Malgré les contraintes budgétaires, je reste déterminée à préserver ce dispositif essentiel.
Quant à la réforme du pass culture, j’avais pressenti que sa part individuelle favorisait la reproduction sociale. En effet, son utilisation nécessitait une certaine familiarité avec les structures culturelles. L’objectif du pass culture doit être de faciliter l’accès à la culture pour les personnes les plus éloignées, que ce soit en milieu rural ou dans les quartiers prioritaires de la ville. Les chiffres sont éloquents : en zone rurale, la mobilité constitue un obstacle majeur, tandis que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, notamment en région PACA et en Île-de-France, la part individuelle reste faiblement mobilisée malgré une offre culturelle dense, suggérant que la mobilité n’est pas le seul facteur en jeu. Je m’engage à réformer en profondeur la part individuelle du pass culture, qui ne doit plus être un simple instrument de consommation culturelle ou de reproduction sociale. Dès ma prise de fonction en janvier dernier, j’ai lancé un plan ruralité financé à hauteur de 34 millions d’euros, répartis entre cette fin d’année et l’année prochaine, dont une grande partie provient du plan France 2030. La ruralité a trop longtemps été négligée dans nos politiques culturelles. Lorsqu’on évoquait l’accès à la culture ou la démocratie culturelle, on se concentrait sur les quartiers populaires, oubliant les 22 millions de nos compatriotes vivant en zone rurale. Le plan que j’ai élaboré suite à une large consultation répond à plusieurs problématiques : la diffusion du spectacle vivant dans les zones sous-équipées, l’accompagnement des élus pour la préservation et l’utilisation du patrimoine, le renforcement de l’action nationale de nos établissements publics et l’adaptation des horaires d’ouverture, notamment des petites médiathèques. Ce plan se traduit par un budget de 14 millions d’euros pour 2025, s’ajoutant aux 20 millions mobilisables dès cette année.
Le patrimoine demeure une priorité claire de ce budget, avec une légère augmentation de 7 millions d’euros, portant l’enveloppe à plus de 1,2 milliard d’euros. Nous poursuivons ainsi les grands chantiers engagés, notamment pour des raisons de sécurité et de mise aux normes. Je citerai la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul à Nantes (6 millions d’euros), l’extension du site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine (17,7 millions d’euros) et la restauration du Centre Pompidou (29 millions d’euros dès l’an prochain). Nous lançons également des projets importants pour la revitalisation de nos territoires, tels que la reconversion de l’ancienne abbaye-prison de Clairvaux (14,3 millions d’euros) et la valorisation du château de Gaillon en Normandie (4,3 millions d’euros). Le projet de Clairvaux est particulièrement urgent, car l’inaction nous coûte 3 millions d’euros par an en frais de sécurisation.
Néanmoins, le budget alloué à la restauration des monuments historiques connaît une légère baisse. Les besoins de notre patrimoine dépassent notre dotation budgétaire, malgré sa stabilisation à un niveau historique. Nous faisons face à un mur d’investissement, aggravé par l’inflation. Les besoins dans les territoires sont insuffisamment couverts, comme j’ai pu le constater lors du lancement du plan ruralité et de mes déplacements.
En résumé, le point noir que j’identifie dans la mission Culture concerne le patrimoine. Malgré un budget à son plus haut niveau historique, nous ne sommes pas en mesure de répondre à une situation exceptionnelle qui nécessiterait une mesure véritablement exceptionnelle. Le patrimoine reste un élément fort de cohésion pour tous, transcendant les jugements individuels.
J’ai fait du patrimoine une priorité, tant dans les projets à réaliser que dans les investissements et le fonctionnement. Car si investir est important, le fonctionnement l’est davantage. La question du patrimoine en France concerne principalement les usages. Trop longtemps, nous avons restauré et protégé sans considérer l’utilisation, ce qui nous contraignait à refinancer lors de dégradations ou de catastrophes. Je souhaite donc que nous élaborions ensemble une nouvelle politique patrimoniale.
Concernant la mission Média, livre et industries culturelles, je poursuivrai l’accompagnement des acteurs de ce secteur en pleine mutation. Les industries culturelles affrontent en première ligne les grandes mutations numériques, et nos politiques soutiennent la diversité et le renouvellement de la création.
Pour le cinéma, l’efficacité de nos modalités de soutien est reconnue, comme en témoigne l’absence de plafonnement des taxes du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui conservera l’intégralité de ses moyens opérationnels, soit 780 millions d’euros en 2025. En janvier, la pérennité de ce modèle de financement n’était pas assurée. Ce budget, entièrement alimenté par une surfiscalité prélevée sur les entreprises du secteur, a bénéficié ces dernières années des contributions des plateformes américaines. Cela permettra de financer les mesures en faveur de la diffusion, comme je l’ai annoncé récemment à Lyon. Le CNC ne se limitera plus à la production, mais s’engagera désormais dans la diffusion, une mission que j’ai évoquée lors du festival de Cannes et qui a déjà débuté.
Je me réjouis que ce texte préserve les différents crédits d’impôt pour le cinéma, l’audiovisuel, les tournages internationaux et les jeux vidéo. Malgré les débats sur les crédits d’impôt et les niches fiscales, ce secteur génère plus de revenus qu’il n’en coûte : 6 à 7 euros d’activité en France pour 1 euro de dépenses fiscales. C’est un secteur d’attractivité, un vivier d’emplois, un pilier culturel important pour la France, mais aussi une véritable industrie.
Nous recherchons également une plus grande cohérence dans nos politiques. Nous ne pouvons pas investir 300 millions d’euros de France 2030 dans nos studios, comme à Coulommiers, sans soutenir la production locale. Je vous rappelle que le film d’Audiard, Emilia Pérez, qui semble tourné en Amérique du Sud, a été intégralement réalisé dans les studios à Bry-sur-Marne. Nous investissons également dans nos écoles, comme la CinéFabrique à Marseille et à Lyon, pour éviter la délocalisation des tournages.
Concernant la presse et les médias, l’État maintient son soutien de 365,7 millions d’euros et préserve les crédits de 26 millions d’euros alloués au pluralisme, ainsi que le fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité. Le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale subit une baisse de 10 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale de 2024. J’ai rencontré les représentants du secteur et je me suis engagée à trouver des solutions. Ces radios locales associatives sont essentielles car, dans certaines régions, elles constituent presque le seul accès à la culture. Nous y sommes tous très attachés et je pense que nous trouverons une solution ensemble.
Quant à l’audiovisuel public, je regrette l’interruption de la réforme de sa gouvernance, car les raisons qui la motivaient demeurent. Je vous le dis clairement, le statu quo n’est pas envisageable pour l’audiovisuel public, indépendamment de nos différences politiques ou idéologiques.
Je suis profondément attaché à l’audiovisuel public. J’ai toujours affirmé, même avant d’être ministre de la culture, que pour une partie de nos compatriotes, il représente le premier accès à la formation, à la culture, à la liberté, à l’émancipation, voire à la cohésion. Cependant, ce secteur ne se réforme pas. Je dois vous avertir qu’il risque de s’affaiblir, voire de disparaître. Je pense que nous pourrions avancer sur cette réforme de la gouvernance de manière concertée.
Dans le projet de loi de finances 2025, le financement de l’audiovisuel public est prévu par le biais du budget général. Une proposition de loi organique sera examinée demain au Sénat pour sanctuariser l’affectation d’un montant de TVA au financement de l’audiovisuel public. L’enjeu consiste à garantir la pérennité et la prévisibilité du financement du secteur, tout en encourageant sa réforme.
Concernant le budget de l’audiovisuel public, il est maintenu au niveau de 2024, malgré certaines affirmations contraires. Il apparaîtra en retrait par rapport à la trajectoire des contrats d’objectifs et de moyens, avec un écart d’environ 80 millions d’euros. Cette différence s’explique notamment par les 50 millions de crédits de transformation, destinés à favoriser les coopérations et à amorcer la réforme de la gouvernance. Le report de la réforme entraîne logiquement un décalage des crédits associés. Il convient de remettre tout cela en cohérence.
Abordons maintenant la question du patrimoine, qui suscite de réelles préoccupations. Nous préservons l’essentiel dans ce projet de budget, atteignant même un niveau historiquement élevé. La lettre-plafond que j’avais reçue cet été était difficilement défendable, mais nous avons démontré la nécessité de sauvegarder cette mission culturelle.
Nous sommes conscients que la légère augmentation de 7 millions d’euros des crédits patrimoine ne permet pas de répondre pleinement à nos ambitions et aux attentes des Français. Le patrimoine n’a jamais été autant plébiscité, comme en témoigne l’affluence croissante aux journées du patrimoine. Pourtant, nous le laissons se dégrader en partie, agissant souvent dans l’urgence, comme l’illustrent les fonds débloqués par le président de la République pour le plan incendie ou le plan de mise aux normes, dont Notre-Dame est l’exemple le plus emblématique.
L’année prochaine concentre de nombreux enjeux. La concertation sur la ruralité a révélé que le patrimoine de proximité constituait souvent le seul équipement culturel local, insuffisamment entretenu ou exploité. Ce constat rejoint les conclusions de la mission Bern, qui a mis en lumière la dégradation de certains joyaux de notre patrimoine faute de financements dans les schémas classiques.
Nous souhaitons que 2025 soit l’année d’une prise de conscience et d’une mobilisation exceptionnelle autour du patrimoine, avec une attention particulière portée à la ruralité. Je tiens à ce que nos actions bénéficient aux 22 millions de nos compatriotes vivant dans ces territoires. Le Premier ministre partage ce constat et, avec son accord, j’ai convaincu le ministre du budget de faire un geste exceptionnel pour le patrimoine l’an prochain. Cette mesure sera annoncée dans le cadre du débat parlementaire par un amendement du Gouvernement, pour lequel je solliciterai votre soutien.
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Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous passons à la discussion générale sur les missions Médias, livre et industries culturelles et Audiovisuel public.
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis de la mission Médias, livre et industries culturelles. La Cigale, ayant chanté tout l’été – voire de nombreuses années –, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue.
Oui, après des années de gestion catastrophique de nos finances publiques, la bise budgétaire s’est finalement abattue sur la France. Notre priorité est maintenant d’éviter une crise financière qui appauvrirait durablement le pays. Pour cela, le redressement des comptes publics est un impératif absolu. Quasiment tous les ministères doivent contribuer à l’effort. En 2025, la mission Médias, livre et industries culturelles ne sera pas épargnée, puisque sa contribution dépasserait un peu les 12 millions d’euros, mais il est sans doute possible de faire davantage d’économies – et des économies intelligentes.
Les crédits de la mission Médias soutiennent des politiques publiques essentielles pour la cohésion nationale : le livre, la musique, le cinéma, la presse écrite et les radios sont en effet des acteurs essentiels de la vie démocratique de la nation, mis en péril par la numérisation croissante, en particulier de la presse, de la télévision et du livre. Une récente étude du Centre national du livre indique ainsi que 30 % des 16-19 ans ne lisent pas du tout, et ne souhaitent surtout pas lire – cela tient, on l’a compris, à la concurrence des écrans. La presse, le livre, la musique et les médias de proximité ont pourtant ceci de commun qu’ils ont vocation à créer du… commun, un horizon culturel partagé par tous les Français, ce peuple qui a toujours eu un rapport si particulier à sa littérature.
L’exercice est convenu : chaque rapporteur, comme chaque ministre, met en avant la spécificité de sa mission, son caractère prioritaire, l’indispensable sanctuarisation de ses crédits, et se projette dans un futur mouvant et incertain. En matière de télévision, par exemple, en 2023, la consommation de vidéos à la demande a pris le pas pour la première fois sur la consommation linéaire : le risque, à terme, est tout simplement de voir nos opérateurs historiques français disparaître.
Dans ce contexte de bouleversement rapide des usages, le soutien de l’État aux secteurs de la presse écrite, des médias, du livre et des industries culturelles est important, mais il doit être apporté avec discernement. L’esprit de responsabilité doit dominer et chacun doit prendre sa part de l’effort. Or la baisse de plus de 10 millions d’euros des crédits du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale en 2025 représente 84 % de cet effort.
Que les choses soient bien claires : j’ai été le premier à m’interroger sur les hausses successives de la dotation de ce fonds et sur le contrôle quasi-inexistant des plus de 750 radios associatives concernées, parmi lesquelles cohabitent des stations tout à fait honorables, nécessitant un soutien, et d’autres qui peuvent tenir à l’antenne des propos sortant du champ républicain. Il serait nécessaire de faire le tri et d’attribuer les subventions sur des critères plus solides. Quelques millions d’euros pourraient ainsi être économisés. En attendant, cette baisse n’est accompagnée d’aucune étude d’impact, notamment en matière d’emplois.
S’agissant de la presse écrite, le constat est plutôt sombre. La diffusion et les recettes publicitaires continuent de s’effondrer, dans un contexte d’inflation persistante pour le secteur. La consolidation des aides à la presse ne peut avoir de sens que si l’État œuvre au renforcement durable de son modèle économique, d’abord en dégageant de nouvelles sources de financement. La réforme de la loi de 2019 sur le droit voisin est désormais urgente, alors que tout le monde s’accorde à dire qu’en dehors de Google – et encore est-ce à coups de sanctions de l’Autorité de la concurrence – aucune plateforme ne respecte ses obligations. Le rééquilibrage dans le partage de la ressource publicitaire est tout aussi urgent, alors que Google et Meta captent les trois quarts du marché de la publicité en ligne. Le comité de pilotage des états généraux de l’information a proposé la création d’une contribution obligatoire des plateformes sur la publicité numérique, dont le produit serait redistribué aux médias traditionnels. J’y suis très favorable et j’espère que cette mesure sera intégrée au projet de loi que prépare la ministre de la culture. Faisons payer les pilleurs de contenus plutôt que l’État et donc les Français.
Je souhaite également que soit relancée la réflexion sur un crédit d’impôt sur le revenu au titre des abonnements à une publication d’information politique et générale. Un tel dispositif, qui devrait trouver sa place dans une refonte globale des aides à la presse, aujourd’hui illisibles, pourrait utilement remplacer les aides au pluralisme. Je considère que nous n’avons pas suffisamment donné sa chance au crédit d’impôt créé en 2020. Là encore, l’État pourrait économiser quelques millions. Le rôle de la puissance publique ne peut se résumer à la distribution de subventions – nous ne sommes pas en Union soviétique. L’État a pour première responsabilité de penser, d’anticiper les mutations de la presse écrite, en l’incitant à rassembler ses forces chaque fois que c’est nécessaire. C’est pourquoi je vous alerte quant à la nécessité d’une conclusion rapide de la concertation Soriano sur la distribution de la presse imprimée, afin d’aboutir à un accord de filière ambitieux. Pour presser les acteurs, une légère réduction des subventions peut être envisagée.
Comme l’an dernier, je vous alerte à propos de la distribution de la presse dans les outre-mer. La récente liquidation du Journal de l’île de La Réunion est un nouveau motif d’inquiétude. Le risque est grave : d’ici peu de temps, il pourrait n’y avoir plus aucun titre d’information local dans les outre-mer. Les pouvoirs publics n’ont malheureusement pas encore pris la mesure du caractère dramatique de la situation.
Il en va bien différemment pour la musique et le cinéma, deux secteurs qui se portent bien – et c’est heureux. Le soutien que leur consentent les pouvoirs publics est pleinement justifié, mais le niveau qu’il atteint m’étonne, dans un contexte budgétaire aussi contraint que le nôtre. J’ai entendu les appels à déplafonner la taxe sur les spectacles vivants, plus connue sous le nom de « taxe billetterie » – son plafond, qui a été augmenté, pour s’établir à 50 millions d’euros, devrait être largement atteint en 2025. L’argument serait qu’il s’agit là de l’argent de la filière musicale, et qu’en reverser une partie à l’État reviendrait à miner le consentement à l’impôt. Que le produit de cette taxe ait vocation à financer le Centre national de la musique (CNM), nous en convenons tous, mais le niveau de ce financement doit être réfléchi. En défendant l’abaissement du plafond de la taxe billetterie, ainsi que de la taxe streaming, je ne souhaite nullement punir la filière musicale, mais simplement la faire participer davantage au redressement de nos finances publiques, au moins pour quelques années, sans que cela ne la mette en péril. Là encore, cela ferait rentrer de l’argent dans les caisses de l’État.
S’agissant de la taxe streaming, je m’interroge, comme tout le monde, sur le rendement attendu cette année. Il semble que plusieurs grandes plateformes refusent encore de la payer, au motif qu’elles ne proposeraient de la musique qu’« à titre accessoire ». Cette situation est inadmissible et j’espère que l’administration fiscale y mettra bon ordre d’ici la fin de l’année.
J’ai pris note de la disposition du projet de loi de finances prévoyant un prélèvement de 450 millions sur la trésorerie du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Au vu de la progression des ressources fiscales du Centre, qui passeraient de 771 millions en 2023 à 785 millions cette année, je ne peux qu’approuver la participation au redressement des comptes publics qui lui est demandée.
C’est dans le contexte particulièrement préoccupant de nos finances publiques que je vous propose un grand plan de réduction des dépenses, faisant participer l’ensemble des acteurs du secteur à leur juste niveau. Ce sont près de 70 millions d’euros – et non pas 12 – que nous pouvons économiser sur cette mission, en plafonnant les taxes affectées au CNM, en refondant les aides directes à la presse en matière de portage et de pluralisme, en réduisant la dotation publique à l’Agence France-Presse, en limitant l’avantage fiscal des Sofica (Société pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle) pour le CNC ou en mettant fin aux subventions incontrôlées à Medi1, cette radio que, si l’on en croit les sondages, personne ne semble connaître ni écouter.
Enfin, la partie thématique de mon avis budgétaire poursuit le même objectif que l’an dernier : préserver la souveraineté audiovisuelle française. Après avoir défendu ce qu’il est désormais convenu de nommer la « découvrabilité » des contenus audiovisuels, je me suis intéressé cette année à leur mode de production, avec une question : les règles anti-concentration sont-elles adaptées à la concurrence des Gafam, les géants du numérique ? Non : elles sont dépassées et l’heure est venue de refonder le dispositif, en abandonnant la logique des seuils et en permettant à notre audiovisuel de rassembler davantage ses forces, pour mieux affronter les mastodontes qui captent toujours plus l’attention des Français et la ressource publicitaire. Ce n’est qu’en renforçant la viabilité économique de nos médias audiovisuels que ceux-ci pourront survivre dans un univers ultra-concurrentiel.
Il est donc nécessaire de nous projeter à moyen terme. Jusqu’à présent, l’horizon nous a donné raison – je pense notamment à la fusion avortée entre TF1 et M6 : on voit bien, avec le recul, que les arguments avancés par l’Autorité de la concurrence sont complètement dépassés. Nous avons besoin de concentration. Il est plus que jamais indispensable de libérer les acteurs français des carcans anti-concentration, afin de permettre l’émergence de grands groupes audiovisuels plurimédias capables de garantir à long terme une souveraineté audiovisuelle française. On me répondra en parlant de pluralisme. Tout le monde est attaché au pluralisme, mais méfions-nous d’une vision purement idéologique ou trop économique du problème. Le pluralisme et la concentration entretiennent des rapports complexes et le législateur dispose de bien d’autres outils pour assurer le pluralisme, lequel gagnerait par ailleurs à s’appliquer aussi à l’audiovisuel public.
Pour conclure, je regrette l’absence de réformes structurelles pour l’ensemble du secteur. Je ne peux donc que donner un avis défavorable à l’adoption de ces crédits.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis de la mission Audiovisuel public. Permettez-moi de commencer par rappeler mon attachement à l'audiovisuel public, qui s’appuie sur des professionnels de grande qualité – journalistes, techniciens, animateurs, monteurs, réalisateurs et producteurs. Ses missions sont essentielles : informer de manière indépendante et pluraliste, soutenir la création d’œuvres originales françaises de qualité, refléter la diversité de la société, divertir avec intelligence et promouvoir la liberté de la presse, la culture et la langue française. Pour rester en bonne santé, une démocratie a besoin d’un audiovisuel public puissant et doté de moyens importants.
Compte tenu de mon passé professionnel, j’ai interrogé le déontologue de l’Assemblée nationale avant de prendre la charge de cette mission. Mes rapports professionnels avec France Télévisions étant inexistants depuis huit ans, il m’a confirmé que c’était possible.
Notre audiovisuel public n’est pas exempt de reproches : il n’est pas toujours à la hauteur de ses missions, notamment en matière d’information. Pour l’améliorer, nous devons lui allouer beaucoup plus de moyens financiers et réclamer davantage de pluralisme et moins de partis pris. Il faut le protéger et non pas le privatiser, comme certains en rêvent, ne supportant pas que l’audiovisuel public défende l’antiracisme, la solidarité et l’égalité des droits.
Sept programmes composent les crédits de la mission Audiovisuel public : un pour chacun des établissements – France Télévisions, Radio France, Arte France, France Médias Monde, TV5 Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) – et un programme regroupant des crédits dits de transformation.
Pour 2025, l’ensemble de ces crédits s’établissent à 4 029,16 millions d’euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une progression apparente de 2,43 millions – qui est factice, puisqu’elle est imputable à l’évolution de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public en 2022. Ces crédits appellent des observations sur la forme comme sur le fond, y compris concernant le fonctionnement, parfois préoccupant, de l’audiovisuel public.
Sur la forme donc, pour la première fois depuis 2006, les crédits de l’audiovisuel public sont organisés sous la forme d’une mission budgétaire. Bien que je sois opposé à la budgétisation, comme l’ensemble des interlocuteurs que j’ai rencontrés, la situation nous impose d’être compréhensifs. En effet, le financement de l’audiovisuel public est pour le moment assuré au moyen d’un compte de concours financiers, lui-même alimenté par une fraction de la TVA. Dans l’hypothèse où la réforme attendue de la Lolf (loi organique relative aux lois de finances) n’aboutirait pas dans les délais souhaités, ce mode de financement ne pourrait pas être renouvelé au-delà du 31 décembre 2024. Le Gouvernement a donc légitimement prévu une solution de secours.
Le PLF pour 2025 comporte ainsi une mission budgétaire classique, dotée des 4 milliards d’euros que j’évoquais, ainsi qu’un compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public égal à zéro, vers lequel les crédits de la mission seraient transférés si la réforme aboutissait. Je ne conteste pas cette mécanique, mais je considère que les garanties proposées pour assurer l’indépendance de l’audiovisuel public ne seraient pas suffisantes dans l’hypothèse où la réforme de la Lolf n’aboutirait pas dans les temps. J’ai déposé un amendement à ce sujet.
Sur le fond, les crédits ne sont clairement pas à la hauteur des enjeux. Au premier abord, le budget proposé pourrait sembler honorable compte tenu de la stabilité globale des crédits. Toutefois, les crédits votés l’an passé n’ont pas été exécutés conformément au vote du Parlement, puisque 50 millions d’euros ont été annulés ou suspendus en cours d’exercice. Par ailleurs, lors de la négociation des contrats d’objectifs et de moyens (COM) des établissements de l’audiovisuel public, l’État s’était engagé à relever sensiblement le budget en 2025. On aurait pu croire qu’après des années de casse, l’horizon s’éclaircissait un peu, mais non : les crédits inscrits au PLF pour 2025 sont inférieurs de plus de 80 millions d’euros à la trajectoire prévue et les COM sont désormais caducs. En l’espace d’un an, ces derniers se sont transformés en miroirs aux alouettes, à tel point qu’on pourrait les rebaptiser « Catalogues des Oublis et des Mensonges ».
Alors que les contrevérités et les contenus racistes prolifèrent dans les médias privés, comme la chaîne CNews, l’audiovisuel public devrait être une priorité du Gouvernement. Pourtant, de France Télévisions à France Médias Monde, tous ses acteurs sont soumis à la même cure d’austérité.
Outre le budget, le fonctionnement quotidien de l’audiovisuel public lui aussi est inquiétant, comme en témoignent quatre exemples récents. Le premier est le licenciement pour faute grave de Guillaume Meurice, une sanction choquante et contraire à l’esprit du service public. Le tribunal des prud’hommes étant saisi, je n’en dirai pas plus, mais je constate l’existence d’un « deux poids deux mesures » à Radio France, où Alain Finkielkraut semble inamovible malgré ses dérapages et ses accusations à l’encontre du personnel de Radio France.
Le deuxième exemple concerne les conditions de nomination de Mme Kim Younes à la présidence de TV5 Monde. À la suite de la démission d’Yves Bigot, en mai 2024, les ministères de tutelle ont lancé un appel à candidatures, auquel vingt personnes ont répondu, en présentant par mail un projet pour l’entreprise. Aucun n’a été auditionné. La procédure n’a été qu’un simulacre organisé dans la plus grande opacité.
Le troisième exemple est particulièrement symptomatique des dérives de l’audiovisuel public : il s’agit de la situation de M. Bernard-Henri Lévy, président du conseil de surveillance d’Arte France depuis 1993 – trente-et-un ans, huit mandats. À deux reprises, en 2019 et en 2024, Bernard-Henri Lévy a opportunément bénéficié d’une modification des statuts du conseil de surveillance d’Arte pour rester en fonction alors qu’il avait dépassé la limite d’âge. Surtout, entre 2011 et 2022, quatre de ses productions audiovisuelles et cinématographiques ont bénéficié d’un appui financier d’Arte France, pour un montant total de 750 000 euros.
J’ai interrogé la direction d’Arte France au sujet de ce conflit d’intérêts manifeste. Dans un État de droit, il est inadmissible qu’une personne présidant le conseil de surveillance d’une entreprise puisse bénéficier du soutien financier répété de cette même entreprise. Le Monde diplomatique résumait ainsi la situation : « Ce privilège d’Ancien régime ne perpétue pas seulement le conflit d'intérêts entre une chaîne qui subventionne et diffuse (en troisième partie de soirée) les documentaires nombrilistes de son inamovible mandarin. Il sonne en ce moment comme une déclaration politique. » J’invite Bernard-Henri Lévy, qui nage depuis plusieurs années en plein conflit d’intérêts, à démissionner de ses fonctions et j’encourage la chaîne à modifier sans délai ses statuts afin de prévenir ce type de situations.
Quatrième exemple des dysfonctionnements de l’audiovisuel public, le traitement déséquilibré et partial des événements en cours à Gaza. France Télévisions et Radio France ont invisibilisé ou largement minimisé les souffrances des Palestiniens. Elles ne montrent pas d’images du génocide qui frappe des dizaines de milliers de femmes et d’enfants ; elles ne citent pas le bilan pourtant ahurissant des victimes palestiniennes ; elles adoptent un parti pris pro-Netanyahou qui apparaît comme une faute professionnelle et morale majeure.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial de la commission des finances. Outre les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles, je suis chargé cette année de ceux de la mission Audiovisuel public.
Sans réforme de la Lolf avant le vote du PLF pour 2025, l’audiovisuel public sera dorénavant financé par crédits budgétaires. C’est une source d’inquiétude pour les organismes concernés, qui redoutent des conséquences importantes sur leur réputation et sur leur capacité de diffusion. Alors que la proposition de loi organique dédiée a récemment été adoptée par la commission des finances du Sénat et que les débats sur la première partie du PLF sont en cours, je rappelle l’urgence de cette réforme et l’importance de nous accorder sur un mode de financement préservant l'indépendance de l’audiovisuel public.
Les crédits de cette mission Audiovisuel public sont stables, avec un peu plus de 4 milliards d’euros. Cependant, en prenant en considération l’augmentation des effets fiscaux liés à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, on observe une baisse d’environ 60 millions d’euros. Après une loi de finances pour 2024 inédite, le PLF pour 2025 révise à la baisse la trajectoire de financement.
Alors que la trajectoire des COM prévoyait une augmentation brute des dotations publiques de 84 millions d’euros entre 2024 et 2025, l’augmentation effective s'établit à 2,46 millions d’euros. Pourtant, ce qui avait justifié l’engagement de l'État dans une trajectoire dynamique reste d’actualité. L’audiovisuel public remplit bien ses missions de service public : production et diffusion de programmes de qualité, fiabilité de l’information, financement de la création, etc. L’État souhaitait accompagner les acteurs pour relever les défis qui se posent en matière de transformation numérique, d’intelligence artificielle, de désinformation, de renouvellement de l’offre jeune public et de renforcement de la proximité. Les projets de COM, sur lesquels nous nous prononcerons bientôt, présentaient donc des objectifs ambitieux, auxquels correspondaient des moyens supplémentaires. Or l’engagement de l’État a été rompu en février 2024 avec l’annulation de 20 millions d’euros de crédits de transformation, dont les versements se sont arrêtés en avril sans que les organismes de l’audiovisuel public n’en aient été informés. Sur les 69 millions d’euros de crédits de transformation initialement prévus, seuls 19 ont été versés à ce jour et la direction du budget prévoit que le reste ne sera pas versé en 2024.
Bien que le contexte budgétaire nécessite des efforts importants de la part de tous, je regrette que l’État n’ait pas tenu ses engagements. Il y va de la parole du Gouvernement et de celle du Parlement, qui avait voté les crédits de transformation en 2024. En l’absence d’une relation de confiance avec leur tutelle, il semble difficile d’exiger des organismes de l’audiovisuel des transformations et des réorganisations majeures.
Le budget de la mission Médias, livre et industries culturelles diminue de 12,2 millions d’euros, la baisse étant principalement supportée par le programme 180 Presse et médias. Le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale subit en particulier une diminution de près de 30 %. C’est une nouvelle soudaine et regrettable pour les radios associatives, qui jouent pourtant un rôle important dans le maintien du lien social, en particulier dans les territoires ruraux, et que le fonds finance pour 40 % en moyenne de leurs ressources. La baisse du programme 180 s’explique également par l’extinction de l’aide temporaire aux réseaux de portage, dans le cadre de la réforme du transport de la presse. Les réflexions en cours sur la réorganisation de la filière de distribution de la presse doivent aboutir à une réforme devenue indispensable eu égard aux difficultés systémiques du secteur.
Le programme 334 Livre et industries culturelles connaît lui aussi une légère baisse de ses crédits, qui entraîne une redistribution partielle entre les différents opérateurs de la mission. Le principal bénéficiaire en est la Bibliothèque nationale de France, qui pourra ainsi faire face à l’augmentation de ses coûts de fonctionnement et respecter la trajectoire du COM.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux orateurs des groupes.
M. Bruno Clavet (RN). L’audiovisuel public, qui coûte 3,2 milliards d’euros aux Français, a oublié ses missions d’équilibre et d’impartialité. Compte tenu du contexte économique, cela doit nous donner le courage de mener les réformes que les Français appellent de leurs vœux.
Le Rassemblement national propose d’amorcer la transition en diminuant les crédits de France Télévisions et de Radio France. L’État ne peut plus se permettre de les financer autant qu’auparavant, pas plus qu’il ne peut investir davantage pour leur permettre de rivaliser avec Netflix, Prime Video, Apple TV ou Disney +. Il est utopique de croire que nous pourrions dégager 210 millions d’euros pour une série, soit le prix d’une seule saison de Stranger Things par exemple. À long terme, seule une privatisation le permettrait, accompagnée de la levée des obstacles empêchant des groupes comme TF1 et M6 de se rapprocher pour bâtir un géant français du divertissement. Soyons lucides : l’audiovisuel public est en fin de vie. Plutôt que de prolonger son agonie aux frais du contribuable, accompagnons-le vers la sortie.
Quant à la mission Médias, livre et industries culturelles, qui mobilise 730 millions d’euros, il est nécessaire de rationaliser ses dépenses. Le Rassemblement national propose un plan d’économies de plusieurs millions, en remplaçant les aides directes à la presse par un crédit d’impôt à l’abonnement, ce qui permettrait de soulager l’État de 13 millions d’euros, et en réduisant de 4 % la dotation de l’Agence France-Presse, afin d’économiser 5 millions d’euros sans pour autant compromettre son fonctionnement.
Le Rassemblement national est déterminé à mener des réformes ambitieuses pour alléger la dette publique sans remettre en question la liberté des médias, mais en renforçant leur indépendance. Grâce à ces réformes, la France disposera d’acteurs capables de rivaliser avec les plus grands. Madame la ministre, je sais que vous avez le courage nécessaire pour tenir bon contre les syndicats d’extrême gauche, allergiques à tout changement.
Mme Céline Calvez (EPR). En cette période de réduction des dépenses et après une hausse continue du budget de la culture, madame la ministre, vous avez réussi à maintenir les crédits alloués au ministère. Au nom des députés de mon groupe, je vous en remercie.
Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles, avec 720 millions d’euros, sont donc relativement stabilisés, à l’exception notable du fonds de soutien à l’expression radiophonique. Le soutien aux bibliothèques nationales est renforcé, tandis que les aides à la presse, démultipliées ces dernières années, se stabilisent. À l’heure où les états généraux de l’information appellent à une refonte du modèle économique des acteurs et à un renforcement du pluralisme par une meilleure redistribution de la richesse des plateformes, il apparaît essentiel de s’interroger à nouveau sur la pertinence du système de soutien à la presse. Une modernisation des aides à la presse est-elle envisagée ?
L’audiovisuel public, dont nous remarquons l’audience et l’impact, traverse une période d’incertitude quant à son mode de financement et à ses projets de gouvernance. Dans ce contexte, vous augmentez ses crédits de plus de 2 millions d’euros. Le budget total dépasse ainsi les 4 milliards d’euros, mais il est en deçà de la trajectoire prévisionnelle présentée en septembre 2023 et dans les projets de COM 2024-2028, au sujet desquels Sophie Taillé-Polian et moi-même rendrons prochainement un avis. Il est regrettable que les programmes de transformation en faveur des coopérations et du développement des quatre priorités – culture, jeunesse, information et proximité – fassent l’objet de coupes ou de suspensions répétées. Quels pourraient être la hauteur, les jalons, l’évaluation et le rôle des crédits de transformation dans le pilotage de l’audiovisuel public ? Par ailleurs, quelle place accorder aux ressources propres de l’audiovisuel public, c'est-à-dire la publicité et la commercialisation des droits sur les œuvres ?
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles souffrent dans ce PLF d’une politique austéritaire dont la principale victime est la radio associative. Le budget alloué au fonds de soutien à l’expression radiophonique locale est en effet ramené de 35 à 25 millions d’euros, ce qui aura des conséquences dévastatrices pour le secteur : suppression de plus de 800 emplois, recul du pluralisme, appauvrissement de la diversité médiatique locale et affaiblissement de l’offre culturelle.
Les aides à la presse souffrent également d'une baisse de 1,9 million d’euros, qui n’aura pas d’effet majeur sur ses principaux bénéficiaires, les titres adossés à de grands groupes industriels, mais frappera de plein fouet les médias indépendants. Une réforme d’ampleur est nécessaire afin de favoriser l’émergence et la diffusion des médias indépendants et de respecter l’indépendance des rédactions.
Enfin, nous nous opposons à la budgétisation du financement de l’audiovisuel public, dont les établissements ont besoin d’un financement pérenne et à la hauteur de leurs besoins. Compte tenu de l’inflation, bien que les crédits demeurent stables à 4 029 millions d’euros, ils accusent en réalité une baisse de 80 millions d’euros. Le groupe GDR a déposé un amendement sur la première partie du PLF, visant à rétablir une contribution proportionnelle et universelle à l’audiovisuel public. Seul un financement affecté peut assurer un financement pérenne et garantir l'indépendance économique et éditoriale du service public audiovisuel.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Je m’associe aux alertes lancées par le rapporteur Aymeric Caron au sujet du financement et des dysfonctionnements de l’audiovisuel public. En revanche, sur les industries culturelles, je m’oppose radicalement au rapporteur Philippe Ballard, qui non seulement veut privatiser l’audiovisuel public, mais défend bec et ongles la concentration des médias et des industries culturelles dans les mains de quelques milliardaires, prétendument au nom de la compétitivité de la France. Rien de très surprenant puisque Fayard, rachetée par Bolloré, publie le livre de Jordan Bardella et que Planète +, chaîne documentaire du groupe Canal détenu par Bolloré, va adapter Le suicide français, livre révisionniste d’Éric Zemmour, en une série de quatre épisodes.
J’aimerais vous entendre, madame la ministre, au sujet de la concentration dans les domaines de l’édition, des industries culturelles et des médias, mais aussi sur la mainmise de certains milliardaires qui déclarent eux-mêmes mener une guerre civilisationnelle.
Les aides à la presse, distribuées selon un système d’arrosage automatique, favorisent la concentration du secteur. Ainsi, 200 millions d’euros sont distribués sans contrepartie en matière d’indépendance ou de diversité. Parallèlement, le soutien à l’expression radiophonique locale, pourtant gage de diversité, subit un véritable massacre.
Enfin, le CNC et son petit frère le CNM sont des outils indispensables au maintien de l’exception culturelle française, que vous avez à cœur de défendre, madame la ministre. La ponction sur la trésorerie du CNC est certes plus rassurante que tous les scénarios que laissait craindre l’audit de l’inspection des finances, mais elle ne constitue pas un signal favorable pour le cinéma et ne règle pas la question de la refonte éventuelle des aides visant à éviter les phénomènes de concentration. Quant au CNM, je m’associe aux revendications défendues par Ekhoscènes quant au relèvement du plafond de la taxe sur la billetterie, d’autant que la taxe sur le streaming ne rapporte pas autant qu’espéré. Pour construire un modèle redistributif vertueux sur le modèle du CNC, l’État doit accepter de ne pas ponctionner les taxes sur la billetterie et de conserver le système de redistribution interne, qui finance et favorise la diversité de la création.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Ravi de vous retrouver ici, madame la ministre, pour aborder des sujets dont les enjeux sous-jacents sont d’une gravité qui mérite de retenir notre attention collective.
Le Gouvernement entend-il apporter son soutien à la proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public, qui sera examinée demain au Sénat ? La réponse à cette question changera complètement la nature de nos discussions budgétaires. Pour notre part, nous réitérons notre opposition totale à la budgétisation, d’une part parce que ce n’est pas un gage d’indépendance et de stratégie de développement pluriannuelle, d’autre part parce que cela soumettrait l’audiovisuel public à des régulations infra-annuelles très problématiques. Entendons-nous bien : le texte sénatorial tend à modifier la loi organique et non à réformer l’audiovisuel public, contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là. Les deux sujets doivent être disjoints et nous n’avons pas le temps nécessaire pour traiter de la réforme de l’audiovisuel public en ce début de législature.
J’en viens à la situation budgétaire, qui suscite des inquiétudes chez les personnels mais aussi chez tous les acteurs du secteur – n’oublions pas que France Télévisions reverse 1 milliard d’euros à l’ensemble des acteurs du cinéma, de la fiction, du documentaire et autres. Prenons aussi l’exemple de France Médias Monde. À l’heure où se déroule une guerre de l’information totale au plan mondial, ce désarmement informationnel est-il utile au rayonnement et à l’influence de la France ? La baisse de 12 millions d’euros de la mission Médias, livre et industries culturelles représente une saignée pour les radios indépendantes et associatives, pour le CNM, pour les livres et la lecture. Nous avons donc déposé de nombreux amendements pour protéger l’audiovisuel public et le secteur des médias en général.
Mme Frédérique Meunier (DR). En préambule, je tiens à dire que je regrette que le rapport sur les crédits de la mission Audiovisuel public fasse l’objet d’un détournement par M. Caron. Le rapporteur pour avis fait de sa présentation une tribune militante pour exprimer les thèses qui lui sont chères sur l’audiovisuel et qui sont, quoi que l’on puisse en penser, strictement étrangères à la nature budgétaire de l’exercice.
Le budget de l’audiovisuel public pour 2025 est reconduit. Il s’élève à 4 milliards d’euros. Vos deux priorités, madame la ministre, sont d’une part le financement de la télévision et des radios publiques, et d’autre part la fusion de l’audiovisuel public par le regroupement de France Télévisions, France Médias Monde et l’INA. En raison de la dissolution de l’Assemblée nationale, une proposition de loi sur ce point, qui avait été adoptée au Sénat, est devenue caduque. Nous espérons que ce texte, qui nous tient à cœur, pourra être repris et adopté avant la fin de l’année.
Quant au financement de l’audiovisuel public, la proposition de loi organique du sénateur Cédric Vial, qui sera débattue demain au Sénat, vise à modifier certaines règles encadrant les lois de finances afin de permettre la pérennisation du financement par la TVA. Ce système provisoire, qui avait été retenu pour pallier la suppression de la redevance en 2022, arrive en effet à échéance fin 2024. Nous espérons que ce texte sera adopté avant la fin de l’année, afin d’éviter que l’audiovisuel public ne soit intégré directement au budget de l’État. Il est important de pérenniser son financement afin d’éviter toute proposition fantasque de certains de nos collègues, comme celle de rétablir une nouvelle redevance calculée en fonction des revenus.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je vais centrer mon intervention sur l’audiovisuel public, que les gouvernements qui se sont succédé depuis 2017 n’ont cessé de fragiliser, avec une baisse constante des moyens, sauf en 2023, et la suppression de la redevance en 2022.
Madame la ministre, ce budget prépare la fusion de l’audiovisuel public, votre projet, auquel nous sommes radicalement opposés.
Est-ce envisagé de manière positive, autour d’une vision apte à répondre aux enjeux en matière de concurrence des plateformes ou de lutte contre la désinformation ? Non, l’unique dessein de la fusion est de faire des économies. Les preuves ne manquent pas : on coupe dans les budgets dits de transformation, censés accompagner des projets de mutualisation et d’optimisation collective dans certains domaines ; on rabote sous prétexte que le groupe fusionné va coûter plus cher ; on oblige des maisons qui sont déjà à l’os à dégrader le service public et les conditions de travail. France Médias Monde renonce à envoyer des envoyés spéciaux en mission. France 3 n’a pas les moyens de réparer certaines caméras, et tant pis pour les éditions régionales qui sont floues – et les exemples de ce type abondent. On ne remet pas en cause les objectifs des COM, mais on organise leur échec, en ne débloquant pas les budgets pourtant alloués.
Ce budget illustre bien le fameux « quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage ». Nous y sommes opposés, au nom du service public, de l’accès de tous à une information de qualité, de la diversité culturelle, de l’indépendance, du pluralisme et aussi des droits sociaux qui ne manqueront pas d’être remis en cause projet.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Dans un cadre budgétaire très contraint, la mission Médias, livre et industries culturelles est en baisse de 1,6 % tandis que la mission Audiovisuel public affiche une hausse de 0,1 %, ce qui porte leurs crédits respectifs à 723 millions et 4,029 milliards d’euros.
Les aides à la presse sont stabilisées. L’aide à l’exemplaire posté diminue, en raison d’une baisse des volumes, tandis que l’aide à l’exemplaire porté augmente dans les mêmes proportions. Au lendemain des états généraux de l’information, nous souhaitons insister sur la nécessité de soutenir la presse. Il faut trouver des dispositifs d’encouragement à sa lecture, sachant que le postage reste important en milieu rural, dès que l’on quitte les bourgs. Il faut aussi accompagner la mutation engendrée par l’intelligence artificielle.
Le groupe Les Démocrates se réjouit que les budgets alloués au livre et aux industries culturelles soient globalement préservés. Il est fondamental de faire lire le plus grand nombre possible de jeunes, de les aider à cultiver leur imaginaire et à développer leur esprit critique. La Bibliothèque nationale de France voit ses moyens renforcés de 4,7 millions d’euros, tandis que le Centre national du livre disposera de 20 millions d’euros pour encourager la création et la diffusion. Tout cela est salutaire. Par le biais du programme 334 Livre et industries culturelles, le soutien aux bibliothèques municipales sera accru au travers du plan Culture et ruralité. Cela permettra de renforcer les ressources mutualisées apportées par les bibliothèques départementales aux médiathèques implantées en milieu rural et dans les petites villes.
La stabilité des crédits de la mission Audiovisuel public est une bonne nouvelle dans un environnement en plein bouleversement, qui demande visibilité et prévoyance. Nous resterons vigilants sur la réforme urgente du financement de l’audiovisuel public, dont les contours doivent être prochainement examinés en commission spéciale. Pour éviter la budgétisation du financement, il serait possible de pérenniser l’affectation d’une fraction de TVA. Nous serons particulièrement attentifs tant au périmètre qu’au financement retenu.
Le temps contraint de cette discussion m’oblige à faire court. Quoi qu’il en soit, nous saluons l’esprit de responsabilité de ce texte, ainsi que les efforts consentis pour préserver ces budgets si importants pour l’édification d’une société civique et instruite. Le groupe Les Démocrates votera en faveur de ce budget.
Mme Béatrice Piron (HOR). Au nom du groupe Horizons et indépendants, je tiens à vous remercier d’avoir fait de l’audiovisuel public une priorité. L’actualité nous rappelle l’urgence de statuer sur le financement de l’audiovisuel avant la fin de l’année. En effet, la mesure temporaire fixée par la loi organique relative aux lois de finances, modifiée en 2021, prendra fin le 31 décembre 2024. Si la commission du Sénat s’est récemment prononcée en faveur de la pérennisation de l’affectation d’une fraction de la TVA, cette solution doit encore être validée cette semaine en séance publique, puis à l’Assemblée, pour garantir la continuité de ce modèle de financement.
Plusieurs autres options étaient envisageables pour financer l’audiovisuel. Alors que certains collègues prônaient un prélèvement sur les recettes de l’État, je suis convaincue, au vu de l’urgence de la situation, qu’il faut maintenir le système d’affectation d’une part de la TVA. Quant à la budgétisation, elle affaiblirait tout l’écosystème et enverrait un signal négatif concernant l’indépendance et la transparence de l’information, au niveau national mais surtout international. Une fois le système actuel pérennisé, nous pourrons envisager de réexaminer d’autres options, y compris un financement direct, proportionnel aux revenus, comme cela se pratique dans certains pays nordiques.
Les Français sont profondément attachés à ces services dont il est impératif de préserver l’indépendance et la qualité. Dans un contexte de restrictions budgétaires généralisées, des inquiétudes se font sentir par rapport aux trajectoires financières définies dans les COM : les engagements pris dans ces contrats ne semblent plus correspondre aux réalités budgétaires à venir. Le secteur de l’audiovisuel public doit pouvoir anticiper et se projeter, d’autant que certains acteurs ont déjà investi dans leur programme de transformation. Comment ces efforts peuvent-ils se poursuivre, dans un contexte où les ressources deviennent de plus en plus incertaines ? Envisagez-vous de réajuster les crédits alloués à l’audiovisuel pour 2025 pour retrouver ceux prévus dans les COM ?
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux questions des autres députés.
Mme Julie Delpech (EPR). Le PLF pour 2025 prévoit une réduction drastique, de 30 %, du fonds de soutien à l’expression radiophonique. Cette coupe budgétaire, avec des crédits passant de 35,7 à 25,3 millions, menace directement la survie de plus de 770 radios associatives en France. Or ces médias du dernier kilomètre jouent un rôle essentiel dans l’animation locale, l’éducation aux médias et la lutte contre la désinformation, surtout dans les zones rurales et les quartiers prioritaires. Ces radios représentent 15 % des fréquences FM et sont le deuxième employeur du secteur radiophonique de notre pays. Pour assurer leur pérennité, j’ai déposé un amendement visant à rétablir leurs budgets.
Madame la ministre, comment justifiez-vous cette décision qui semble contredire les priorités de l’État en matière de soutien aux médias de proximité ? Dans votre propos introductif, vous vous êtes engagée à trouver des solutions. Quelles mesures envisagez-vous pour préserver la diversité radiophonique française et les emplois menacés ?
Mme Rachida Dati, ministre. S’agissant de l’audiovisuel public, je me sens au milieu du gué, entre ceux qui veulent privatiser et ceux qui refusent toute réforme, quitte à ce que les difficultés actuelles s’amplifient.
À mon avis, l’audiovisuel public ne peut pas rester en l’état. J’ai reçu tous les syndicats de France Télévisions et de Radio France, des collectifs de journalistes, les dirigeants. Tout le monde s’accorde à penser qu’une réforme de la gouvernance est nécessaire, que le statu quo n’est plus possible. Vous n’êtes pas d’accord, madame Taillé-Polian, mais rencontrez-les ! La proposition de loi n’avait pas été adoptée en commission par hasard, au doigt mouillé !
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. J’ai rencontré les syndicats moi aussi, et ils ne m’ont pas donné les mêmes réponses qu’à vous !
Mme Rachida Dati, ministre. Je vous répète que je les ai tous reçus. Le statu quo affaiblirait l’audiovisuel public et risquerait même de le faire disparaître. Or l’audiovisuel public est fondamental dans une démocratie comme la nôtre, surtout quand elle est secouée. Pour ma part, je préfère y voir parfois des choses qui me déplaisent plutôt que d’assister à la disparition de ce pilier de la démocratie. À l’instar de ce qui passe dans tous des pays européens, la préservation de l’audiovisuel public passe par un regroupement des forces, une stratégie mieux définie et plus uniforme, un budget mieux utilisé. Les états généraux de l’information ne disent pas forcément le contraire car, comme vous le savez, tous les sujets sont liés.
Pour lancer cette nécessaire réforme structurelle, il faut avoir le temps de débattre, de confronter les idées et les visions, de dresser un bilan, de faire des études d’impact. J’avais entrepris de le faire avant la dissolution, mais nous ne sommes plus dans le même contexte. Pourtant, la réforme de la gouvernance est nécessaire. Bien sûr, elle est liée à la sanctuarisation du financement, à laquelle je suis très attachée, monsieur Grégoire : l’un ne va pas sans l’autre, je l’ai dit depuis le début. Je pense que la budgétisation pourrait mettre en péril l’indépendance et même la viabilité de l’audiovisuel public. Mais sans réforme de la gouvernance, la sanctuarisation ne suffira pas. La proposition de loi qui a été adoptée au Sénat, à l’initiative de Laurent Lafon, votre homologue, madame la présidente, est une bonne base de travail pour engager cette réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public.
S’agissant de la sanctuarisation du financement, nous avions envisagé un prélèvement sur recettes. Nous avons désormais la proposition de loi organique qui sera discutée demain au Sénat. Je serai au banc et je la soutiendrai, monsieur Grégoire. Au passage, je signale que c’est bien la première fois qu’un ministre de la culture soutiendra une réforme de loi organique relative aux lois de finances ! À mon sens, on peut relier cette réforme à celle de la gouvernance, dans le but de sauvegarder notre audiovisuel public, avant d’envisager par la suite des réformes plus profondes et plus affinées. Le statu quo en matière de gouvernance affaiblirait l’audiovisuel public, surtout dans un paysage de concurrence avec des groupes privés de plus en plus organisés et structurés.
M. Ballard a soulevé le sujet de la concentration. Nous en avions d’ailleurs discuté, madame Taillé-Polian, dans le cadre de la commission d’enquête sur la TNT (télévision numérique terrestre). Monsieur Ballard, vous avez dû prendre connaissance des conclusions, d’ailleurs assez équilibrées, des états généraux de l’information sur ce sujet. Il me semble que c’est plutôt dans ce cadre-là que nous pourrons l’aborder.
Les radios associatives, il en existe effectivement 750, de qualité et d’intérêt variables. Comme vous, monsieur Ballard, je suis favorable à l’instauration de critères de contrôle. Les états généraux de l’information ont aussi abordé le thème des droits voisins, que je voulais intégrer à la réforme envisagée avant la dissolution de l’Assemblée nationale. Quant au crédit d’impôt instauré en 2020, nous n’avons pas assez de recul pour juger de ses résultats mais je suis à votre disposition pour en dresser le bilan. Si vous reprenez les conclusions des états généraux de l’information, vous verrez d’ailleurs que sept recommandations peuvent se concrétiser sur le plan législatif – notamment celle qui concerne la protection des sources des journalistes, dont nous avons déjà eu l’occasion de discuter ensemble, monsieur Caron.
Lorsque j’ai été reconduite dans mes fonctions, j’ai relancé la mission sur l’avenir de la distribution de la presse, confiée à Sébastien Soriano et restée en suspens du fait de la démission du gouvernement. Nous pourrons en discuter dès que j’aurai reçu ses conclusions. Enfin, vous avez raison, monsieur Ballard, de dire que la taxe streaming ne fonctionne pas bien. J’ai demandé que l’on fasse en sorte de l’améliorer. Il faudra surmonter les réticences, car, partout où je me rends, on me demande d’y mettre fin, mais pour ma part, cette taxe me semble indispensable et il faut s’arranger pour qu’elle fonctionne mieux.
J’en viens aux nominations, monsieur Caron. À propos de la présidence de TV5 Monde, un certain nombre de candidatures avaient prospéré pendant la période de gestion des affaires courantes. Pour être honnête, je n’avais pas tout suivi, ne sachant pas trop dans quelle mesure nous pouvions poursuivre le processus. Après un échange avec les partenaires européens, c’est Mme Younes qui a été retenue.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. On peut s’interroger sur la transparence du processus, étant donné qu’aucun candidat n’a été reçu.
Mme Rachida Dati, ministre. Si, pour ma part, j’en ai reçu quelques-uns.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Ce n’est pas ce qui nous a été dit par vos services.
Mme Rachida Dati, ministre. Les services ne m’ont pas informée qu’ils avaient été questionnés à ce sujet, mais vous imaginez bien qu’à l’instant où un tel poste se libère, le ministre se retrouve avec une pile de candidatures sur son bureau. J’ai reçu certains de ces candidats.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Permettez-moi d’insister parce que vos services nous ont affirmé le contraire, à savoir qu’aucune des vingt personnes ayant déposé un dossier de candidature dans le cadre de la procédure officielle n’avait été rencontrée physiquement, ni à votre ministère, ni au ministère des affaires étrangères.
Mme Rachida Dati, ministre. La procédure officielle est écrite, monsieur Caron, mais j’ai reçu ceux qui avaient demandé à l’être. J’ignore qui vous a répondu au sein de mon ministère.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Vos propos sont à la fois surprenants et inquiétants. Dans l’enquête réalisée par Libération sur la nomination de Kim Younes, le journaliste indique qu’il n’a pas trouvé une seule personne que vous auriez auditionnée. Cela signifie que vous avez peut-être organisé des rendez-vous en dehors de la procédure classique, ce qui serait gênant.
Mme Rachida Dati, ministre. Allez au bout de votre pensée, je ne comprends pas bien.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Je suis allé assez loin. J’ai dit ce que j’avais à dire. C’est très clair.
Mme Rachida Dati, ministre. Et moi je vous réponds de façon tout aussi transparente que j’ai reçu ceux qui avaient demandé à l’être. Je ne comprends pas ce que vous suggérez en disant qu’ils auraient été reçus ailleurs. Une procédure écrite, c’est une procédure écrite. Et ce n’est pas encore Libération qui me donne des instructions et écrit les procédures.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Libération n’établit pas les procédures, mais fait des reportages sur la manière dont elles se déroulent. Sur quels critères avez-vous reçu certains candidats et pas d’autres ?
Mme Rachida Dati, ministre. C’est très simple : la procédure est écrite, les candidats peuvent demander à être reçus par le ministre et je reçois tous ceux qui le souhaitent. Quant à Libération, c’est un journal subventionné par la Ville de Paris. En matière d’indépendance, il se pose là. Mais c’est un autre débat…
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Libération aurait fait une fausse enquête ?
Mme Rachida Dati, ministre. Sans doute.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Alors, on ne doit pas les payer assez !
Mme Rachida Dati, ministre. Vous les payez déjà pas mal, monsieur Grégoire !
S’agissant de Bernard-Henri Lévy, le ministère n’étant pas au conseil de surveillance d’Arte, je n’ai pas été saisie de sa candidature à la présidence pour un huitième mandat. Vos interrogations sont légitimes, monsieur Caron. Je vous invite à écrire au président du conseil de surveillance pour lui demander comment a été décidé le changement des statuts repoussant la limite d’âge. Vous pouvez même l’interroger sur ce que fait la chaîne en matière de production de films et de documentaires.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Est-ce que ce conflit d’intérêts vous choque ? Est-ce qu’une telle situation vous paraît normale dans l’audiovisuel public français ?
Mme Rachida Dati, ministre. Par définition, un conflit d’intérêts me choque. Cela étant dit, je ne suis pas procureur ou juge d’instruction. De la même manière que vous avez saisi le déontologue vous concernant, vous avez la liberté d’interroger le président du conseil de surveillance sur le processus de nomination et le changement de statut. À cet égard, je vais dans votre sens.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Veuillez terminer de répondre aux questions des députés, madame la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre. S’agissant des crédits, de l’audiovisuel public, 30 millions ne sont pas annulés mais juste reportés, étant donné que la réforme a été décalée. Quant à la trajectoire des COM, la réduction de 80 millions tient compte de la révision à la baisse de l’inflation et du décalage dans les crédits versés au titre des programmes de transformation.
Y a-t-il d’autres questions auxquelles je n’aurais pas répondu ?
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Je veux bien rouvrir le débat à propos des candidats que vous avez reçus pour la présidence de TV5 Monde.
Mme Rachida Dati, ministre. Venez me voir au ministère, monsieur Caron. Je ne me dérobe pas, mais il est compréhensible que certaines personnes ne souhaitent pas que leur candidature soit rendue publique. Je ne vais pas donner leur nom et risquer de les fragiliser dans leurs fonctions actuelles. C’est tout.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Avez-vous rencontré Mme Younes ?
Mme Rachida Dati, ministre. Non, parce qu’elle n’a pas demandé à me rencontrer.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Alors pourquoi a-t-elle été choisie ?
Mme Rachida Dati, ministre. Elle a respecté la procédure, qui est une procédure écrite.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous pourrons encore échanger le vendredi 15 novembre, lors de l’examen de ce budget en séance. Madame la ministre, au nom des commissaires, je vous remercie.
Lors de sa réunion du mercredi 23 octobre à 9 heures 30 ([90]), la commission examine, pour avis, les crédits de la mission Audiovisuel public du projet de loi de finances pour 2025 (n° 32 – seconde partie) (M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis).
Mme la Présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à l’examen des amendements sur la mission Audiovisuel public.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-AC212 de M. Bruno Clavet
M. Bruno Clavet (RN). Cet amendement d’appel vise à engager la privatisation de France Télévisions et de Radio France. Cela permettrait de réduire de 3,2 milliards d’euros la charge supportée par l’État et de libérer ces chaînes de la tutelle publique. À la lecture de votre rapport, monsieur Caron, le contraste est frappant : pendant que le Rassemblement national propose de libérer les médias et de cesser de gaspiller l’argent public, vous rêvez d’exploser les dépenses pour construire un média d’État à la sauce France insoumise. À chacun son projet de société !
Notre amendement défend un autre projet de société, celui d’une France qui se doterait d’acteurs libres, capables de rivaliser avec les plateformes américaines qui emportent tout sur leur passage. À titre de comparaison, Netflix est capable de mobiliser des budgets cinq à dix fois supérieurs à ceux des séries de France 2. Il est utopique de vouloir maintenir en vie ce système, à moins, bien sûr, que l’on souhaite avoir des chaînes de télévision inertes, sous le seul contrôle de l’État, mais telle n’est pas la voie défendue par le Rassemblement national.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis (Audiovisuel public). Vous avez mal lu mon rapport, monsieur le député : je ne veux pas d’un audiovisuel public à la botte de La France insoumise ; j’estime au contraire qu’il doit être doté de moyens supplémentaires pour renforcer son indépendance et son pluralisme. Ces notions, certes, vous dérangent ; vous voudriez un média comme CNews qui expose vos seules théories en multipliant les fake news, un audiovisuel qui prône l’exclusion et des valeurs xénophobes. La presse qui vous plaît, c’est celle du JDD ; nous le savons.
Votre amendement est une blague. Sans l’audiovisuel public français, il n’y aurait pas eu 300 débats pendant la dernière campagne des législatives sur France 2 ou France 3, qui ont permis d’informer les citoyens. Avis extrêmement défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC211 de M. Bruno Clavet
M. Bruno Clavet (RN). C’est un amendement de repli : nous proposons de diminuer les crédits de France Télévisions de 150 millions d’euros, et ceux de Radio France de 50 millions d’euros. Ces deux groupes avalent un budget colossal de 3,2 milliards d’euros par an. Nous voulons alléger ce poids pour nos finances et pour les contribuables, en demandant à ces entités de recentrer leur activité et de revoir leur modèle économique. Elles sont en effet dispersées, éclatées en chaînes et fréquences redondantes, devenues reines de la rediffusion – je pense à France 4, France 5, France TV Slash, France Musique, Fip, Mouv’, etc.
Cet amendement vise à les encourager à maigrir en cédant des chaînes à des entreprises privées, comme ce fut le cas pour Gulli en 2005. Ce serait un premier pas vers une gestion plus responsable des ressources publiques, et l’occasion de poser les bases d’une réflexion plus large sur l’avenir de l’audiovisuel public. Je vous invite à voter notre amendement, car il propose des économies nécessaires et totalement neutres dans le quotidien des Français.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Vous proposez, cette fois, d’abaisser les crédits de France Télévisions de 6 % et ceux de Radio France de 7,5 %. À défaut de supprimer l’audiovisuel public, vous entendez restreindre considérablement ses moyens. Les chaînes que vous visez n’ont pourtant aucun équivalent dans le privé s’agissant de l’offre qu’elles proposent : le jazz sur Fip, la musique classique sur France Musique, les festivals sur Culturebox, les émissions de connaissance sur France 4 et France 5… C’est exactement ce qu’on attend du service public, et c’est pourquoi il faut le protéger. Votre amendement montre votre détestation de la culture, puisque vous visez surtout les chaînes les plus culturelles – mais je sais que la culture qui vous plaît, c’est quand Alain Finkielkraut invite Renaud Camus dans son émission « Répliques » ! Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-AC107 et II-AC108 de M. Philippe Ballard
M. Philippe Ballard (RN). France Télévisions et Radio France bénéficient de deux sources de revenus : d’une part, l’ancienne redevance, devenue une fraction de la TVA, et, d’autre part, la publicité. Or le marché publicitaire se rétracte, et la concurrence y sévit avec les chaînes privées. Mais France Télévisions ne joue pas le jeu, et triche même : alors qu’il n’a pas le droit de diffuser de la publicité après vingt heures, il recourt au parrainage et au sponsoring, autrement dit à de la publicité déguisée. Cela retire une part du marché publicitaire aux chaînes privées, lesquelles subissent par ailleurs la concurrence des plateformes. Nous proposons donc de réduire les crédits de France Télévisions de 100 millions d’euros.
Radio France, pour sa part, dépasse son plafond de recettes publicitaires sur ses sites internet. Nous proposons de le sanctionner en réduisant ses crédits de 23 millions d’euros.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Je note l’incohérence de vos propositions : tantôt vous souhaitez privatiser l’audiovisuel public, tantôt vous souhaitez pérenniser ses crédits en les réduisant à la marge, de 4 % pour France Télévisions.
Je vous donne néanmoins raison sur un point : il y a trop de publicité sur France Télévisions. Nous devrions envisager la suppression complète de toute publicité et tout parrainage dans l’audiovisuel public ; pour le moment, c’est uniquement le cas sur Arte. Le problème est qu’il faudra trouver d’autres sources de financement. On ne saurait réduire les crédits de France Télévisions ou Radio France sans prévoir de compensation. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AC45 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Quoi qu’en dise M. Clavet, les Français sont très attachés au service public de l’audiovisuel qui, toutes entreprises confondues, réalise un travail extraordinaire, développe son audience et innove. Radio France fait ainsi figure de modèle avec son format de production 100 % interne et sa création de podcasts.
Pourtant, la dotation de France Télévisions dans le PLF pour 2025 est inférieure de 51,2 millions d’euros aux engagements pris par l’État dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 des sociétés de l’audiovisuel public – contrats sur lesquels Céline Calvez et moi-même rendrons prochainement un rapport. Sachez qu’un emploi à France Télévisions induit cinq emplois dans la filière de la création audiovisuelle. Fragiliser France Télévisions, c’est fragiliser l’ensemble de la création.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Je partage votre constat : l’écart de 81,5 millions d’euros entre les moyens accordés par le COM aux six acteurs de l’audiovisuel public et ceux qui figurent dans le PLF porte préjudice à leurs projets et à leur personnel. L’État manque gravement à sa parole ; à peine signé, le COM est déjà caduc. Avis favorable.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Vous nous expliquez que l’État casse l’audiovisuel public, monsieur le rapporteur pour avis, alors que les budgets de ce dernier ont crû de 137 millions d’euros l’année dernière, et que le PLF pour 2025 prévoit de maintenir ses crédits. Je vous invite à mesurer vos propos.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le budget de l’année dernière ne compensait déjà pas totalement l’inflation ; cette année, les crédits proposés sont inférieurs aux engagements de l’État, alors que le projet assigné aux entreprises de l’audiovisuel public n’est pas remis en cause, et qu’il impliquait déjà qu’elles réalisent des économies. Elles devront donc économiser encore davantage. Ces dix dernières années, France Télévisions a perdu 15 % de ses équivalents temps plein (ETP), plan social après plan social. La situation est critique. Ces entreprises doivent être soutenues pour le rôle essentiel qu’elles assurent dans l’accès à l’information des citoyens et le soutien à la diversité culturelle.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-AC47, II-AC48 et II-AC49 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je vous alerte sur la situation de Radio France, probablement la seule radio en Europe dont les audiences progressent, malgré des coupes budgétaires incessantes – à l’exception de l’année dernière, sachant toutefois que la hausse de son budget ne couvrait pas l’inflation. La situation est très critique pour son personnel, dont les moyens sont réduits mais les objectifs revus à la hausse. À l’heure où l’on prône la proximité, France Bleu est passé de trois à deux techniciens par jour. Cette recherche d’économies tous azimuts nuit à la qualité du service public. L’État doit respecter ses engagements et augmenter la contribution accordée à Radio France.
La situation de France Médias Monde est tout aussi critique : les crédits votés pour 2024 n’ayant pas été versés en totalité, il a fallu réduire le nombre d’envoyés spéciaux à l’étranger. Son cœur de métier est tronqué, avant même le coup de rabot prévu en 2025.
De même, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) a besoin que l’État respecte ses engagements, notamment pour investir dans la valorisation du patrimoine extraordinaire dont il a la charge. Nous proposons de rehausser ses crédits.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Avis favorable. Je précise à M. Patrier-Leitus que sur les huit exercices budgétaires de la période 2017-2025, cinq ont connu une baisse des crédits, et trois seulement une hausse – encore cette dernière était-elle artificielle, puisqu’elle compensait la suppression de la contribution à l’audiovisuel public.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Il est plus que jamais essentiel de soutenir France Médias Monde, à l’heure où une guerre de désinformation fragilise les intérêts de la France sur la scène internationale. Pour défendre la voix de la France, il est impératif de conserver les moyens de ce média. Le recul de sa dotation de 6,9 millions d’euros par rapport au COM sera insoutenable et l’obligera à revoir ses missions à la baisse, ce qui peut être hautement préjudiciable dans la bataille de l’information qui s’est engagée.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AC130 de M. Aymeric Caron
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Il s’agit d’augmenter les crédits de France Médias Monde afin de se rapprocher de la trajectoire budgétaire prévue dans le COM. Parmi les entités de l’audiovisuel public, France Médias Monde est celle dont les marges financières sont les plus réduites, après trois plans de départs volontaires ces dix dernières années. Dans la mesure où elle produit l’intégralité de ses programmes, elle ne peut pas, comme d’autres, réduire le coût d’achat des émissions auprès de tiers. Je m’inquiète de sa situation, et je crains qu’elle ne doive renoncer à certaines de ses missions.
Cet amendement vise à relever ses crédits de 1 million d’euros. Pour respecter les règles de recevabilité budgétaire, la somme correspondante serait prélevée du programme 383. Je souhaite bien sûr qu’en cas d’adoption de l’amendement, le Gouvernement prenne à sa charge cette dépense et relève d’autant les crédits de la mission.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le groupe France Médias Monde est moins connu de nos concitoyens, puisque ses programmes sont diffusés dans diverses langues dans le monde entier. Mais il porte haut et fort nos valeurs, comme l’égalité entre les femmes et les hommes, face à des médias aux budgets illimités qui participent d’une désinformation à l’échelle mondiale, à l’image de RT, ayant des conséquences géopolitiques majeures. France Médias Monde fait déjà des merveilles avec très peu ; ne l’empêchons pas d’effectuer son travail correctement. Respectons son indépendance en lui garantissant un financement pérenne et suffisant.
La commission rejette l’amendement.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous abordons une discussion thématique des amendements visant à transférer des crédits du programme 383, Programme de transformation, aux opérateurs.
Amendements II-AC94 de M. Emmanuel Grégoire, II-AC223 de Mme Violette Spillebout, II-AC241 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-AC174 de M. Frédéric Maillot
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Cet amendement soulève la question de la sincérité des inscriptions budgétaires. En effet, les économies infra-annuelles réalisées au cours de l’exercice 2024 ont été effectuées sur les crédits du programme 383, en contradiction avec les engagements pris envers les acteurs. Cela les a obligés à mettre à mal leur cycle d’investissement. On ne peut pas à la fois baisser la trajectoire budgétaire et rendre incertains les montants alloués. Mon amendement vise donc à transférer les crédits du programme 383, soit 30 millions d’euros, aux programmes socles des acteurs, afin de leur donner de la visibilité et de la sécurité – et cela ne coûte rien.
Mme Violette Spillebout (EPR). Je vais illustrer le propos de M. Grégoire par un exemple régional. France 3 Hauts-de-France et France Bleu Nord et Picardie ont été, dès 2019, des précurseurs du rapprochement entre la radio et la télévision publiques. Ils ont une matinale commune et couvrent ensemble de grands événements, comme la Braderie de Lille et l’Enduropale du Touquet. L’amendement II-AC223 tend à sécuriser des crédits pour montrer, aux équipes en particulier, que le rapprochement de la télévision et de la radio n’est pas à l’arrêt. Dans le Nord, le travail continue, notamment avec le nouveau talk-show « C’est bien ici ».
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous devons éviter de renouveler l’expérience de l’an passé : les crédits de transformation devaient être incitatifs, ils se sont révélés punitifs. Leur versement a été arrêté en avril et les chaînes n’ont pas pu financer les investissements prévus – certaines seront même en déficit. Les entreprises de l’audiovisuel se transforment, notamment pour s’adapter au numérique. Pour ne pas les en empêcher, il faut sécuriser leurs crédits.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Les crédits du programme 383, Programme de transformation, sont fragiles parce qu’ils constituent la première cible de la régulation budgétaire. Les 20 millions d’euros de crédits affectés à l’audiovisuel public et annulés par le décret du 21 février 2024 y étaient inscrits. En transférant les 30 millions d’euros de ce programme vers les programmes socles, on réduit les risques d’annulation budgétaire. Il faut toutefois prendre une précaution supplémentaire et verser lesdits crédits en une seule fois, dès le mois de janvier. Je défendrai dans un instant l’amendement II-AC131, dont c’est l’objet.
Les amendements déposés ne sont pas tous identiques ; celui de Mme Taillé-Polian est le plus complet. C’est donc à celui-ci, II-AC241, que je suis favorable.
Mme Céline Calvez (EPR). Pendant des années, chaque société restait dans son couloir de nage et les coopérations étaient empêchées : le programme Programme de transformation a été créé pour y remédier en incitant à la coopération, sans toucher à la gouvernance. Il faut maintenir ce programme, qui constitue un outil de pilotage précieux, mais aller au bout de la démarche et lui rendre son acuité. Sinon, vous risquez de voir revenir des projets de fusion.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AC146 de M. Aymeric Caron
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel vise à créer un plan d’indépendance de l’audiovisuel public et un plan de défense des emplois du secteur. La trajectoire de ses moyens depuis 2017 est inquiétante : sur les huit derniers projets de loi de finances, cinq prévoyaient une baisse de ses crédits ; pour les trois autres, l’augmentation s’explique par la compensation de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP). Il faut sortir de la logique de l’austérité comme de celle de la casse de l’emploi public – j’assume le terme. On ne compte plus les contentieux ni les alertes sur les risques psychosociaux, et ce n’est pas un hasard : beaucoup de salariés vivent mal de travailler dans ces entreprises pourtant très belles. Il faut donc dégager plus de moyens et renouveler la politique de ressources humaines, en s’appuyant sur une nouvelle CAP, plus juste socialement que le financement par l’affectation d’une partie des recettes de la TVA.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC25 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le présent amendement vise à créer un observatoire indépendant chargé d’évaluer le financement nécessaire à l’audiovisuel public et de garantir sa pérennité et son indépendance. La situation est absurde : nous examinons les COM alors que les moyens n’y sont pas – l’injonction est contradictoire. Il faut qu’un observatoire indépendant établisse quels moyens sont nécessaires pour réaliser les ambitions de la puissance publique – accès à l’information, programmes pour la jeunesse, soutien à la création culturelle par exemple. Pour réguler le budget, nous ne devons prendre en considération que les besoins de ces entreprises. J’ajoute que depuis des années, par rapport aux autres pays européens, la France sous-finance son service audiovisuel public.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Un regard neutre est nécessaire pour déterminer les besoins de l’audiovisuel public. Il faut dépolitiser le sujet. Le Nouveau Front populaire n’est pas seul à défendre cette idée : en 2022, le Sénat a publié un rapport d’information de MM. Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet qui recommandait la création d’une commission indépendante chargée d’évaluer le coût des missions de service public assignées aux sociétés du secteur – dont la composition cependant était différente.
Avis favorable. Je précise cependant que la création d’un observatoire indépendant nécessiterait l’adoption d’un texte législatif.
Mme Céline Calvez (EPR). Il faut d’abord s’interroger sur les pouvoirs du Parlement. Mme Taillé-Polian et moi-même étudions des projets de COM sans pouvoir mesurer leur caractère contraignant – moyens de contrôle et de sanction notamment –, sur l’État comme sur les sociétés. Plutôt qu’inventer de nouvelles solutions, il faut renforcer le Parlement, ainsi que l’Arcom, autorité indépendante qui a un rôle à jouer.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Je partage votre avis, avec une nuance : nous devrons un jour nous interroger sur l’indépendance politique de l’Arcom et sur la nomination de ses membres.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC175 de Mme Soumya Bourouaha
Mme Soumya Bourouaha (GDR). J’appelle l’attention sur la nécessité d’instaurer une CAP proportionnelle et universelle. Il s’agit de garantir l’indépendance économique et éditoriale des entreprises du secteur. Le contexte médiatique se caractérise par la concentration des médias, la méfiance envers les journalistes, la désinformation et la fatigue informationnelle : il est urgent de renforcer le service public, garant de la pluralité et de la qualité de l’information. Les différentes formes de budgétisation de son financement ne constituent pas des solutions pérennes ni n’aident à renforcer leur lien avec les citoyens.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Comme vous, je pense qu’il faut créer une contribution rénovée, seul moyen de financement socialement juste et financièrement adaptée aux établissements. Bien que cela ne relève pas d’un amendement de crédit, j’émets un avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 45 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
Amendement II-AC106 de M. Philippe Ballard
M. Philippe Ballard (RN). Les revenus de la publicité de Radio France, plafonnés à 42 millions d’euros, atteignent 65 millions d’euros. Pourtant, il est prévu qu’en cas de non-respect par la société du plafond, le Gouvernement en tire les conséquences. Visiblement, il n’en a tiré aucune. Nous proposons donc un nouvel indicateur de performance.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’article 51 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) prévoit que les annexes du PLF sont accompagnées du projet annuel de performances de chaque programme, présentant les résultats obtenus et attendus. Les indicateurs servent donc à mesurer les résultats de l’emploi des crédits ou de la ressource affectée. Vous proposez de mesurer la part des revenus publicitaires, qui ne sont ni des crédits ni une ressource affectée. Votre amendement contrevient donc à la Lolf.
La commission rejette l’amendement.
La commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Audiovisuel public.
Avant l’article 60
Amendement II-AC131 de M. Aymeric Caron
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Le présent amendement vise à verser les crédits de la mission en une seule fois, dès le mois de janvier, alors qu’ils sont aujourd’hui versés chaque mois, par douzième. Cela tend la trésorerie des entreprises concernées et laisse ouverte la possibilité d’en annuler une partie en cours d’exercice. Les crédits alloués à l’audiovisuel public dépendent d’une mission budgétaire ; nous souhaitons qu’ils cèdent la place à une autre forme de financement, mais nul n’est certain que la Lolf sera modifiée avant la fin de l’année. Il s’agit donc d’un amendement de précaution, qui sécuriserait les entreprises. Par ailleurs, le projet de loi de finances rectificative pour 2022, qui a supprimé la CAP, prévoyait ce dispositif. Je m’étonne qu’il n’ait pas été reconduit cette année.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC121 de Mme Farida Amrani
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Mon amendement tend à demander au Gouvernement un rapport estimant le coût pour les finances publiques des effets fiscaux de la suppression de la CAP. Depuis sa suppression, le financement des organismes de l’audiovisuel public se dégrade continûment ; c’est encore le cas avec le PLF pour 2025, comme avec celui pour 2024, les hausses affichées ne couvrant même pas l’inflation. Pire, les crédits du Programme de transformation sont amputés de plus de 50 %. Nous assistons à la fragilisation du service public de l’audiovisuel, dans un contexte où la concentration des médias dans les mains de quelques ultrariches menace le pluralisme de l’information. C’est le fil rouge de la politique de Macron : détricoter les services publics pour servir les intérêts privés. Il est urgent d’assurer à l’audiovisuel public un financement pérenne.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC152 de M. Aymeric Caron
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Le présent amendement tend à demander un rapport qui évaluerait la répartition des dépenses des groupes de l’audiovisuel public dans la production audiovisuelle et cinématographique. Toutes les sociétés ne sont pas concernées ; Radio France et France Médias Monde par exemple produisent tous leurs programmes. Pour les autres, c’est-à-dire notamment France Télévisions, les achats sont de plus en plus concentrés sur quelques producteurs. Dans mon rapport pour avis, je souligne qu’en 2023, les trois premiers groupes de production extérieurs à France Télévisions ont cumulé un chiffre d’affaires de 231,3 millions d’euros. Le groupe France Télévisions n’est pas seul responsable ; en raison de la concentration du marché, il est confronté à des acteurs de plus en plus puissants. Mais nous devons être vigilants à conserver une réelle diversité parmi les producteurs.
Ce rapport pourrait également examiner la déontologie des achats. Est-il normal que France Télévisions emploie des animateurs qui sont aussi actionnaires de sociétés de production auxquelles la chaîne commande des programmes ? Est-il normal qu’Arte France finance les films du président de son propre conseil de surveillance ?
Si l’amendement était rejeté – ce que je ne souhaite pas –, la commission pourrait créer une mission d’information.
M. Philippe Ballard (RN). Vous visez Benard-Henri Lévy ; comme vous, je pense que nous pourrions créer une mission d’information. En revanche, nous ne soutiendrons pas l’amendement.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je soutiens la rédaction d’un rapport relatif aux liens qui unissent l’audiovisuel public et la diversité de la création française – le premier devant favoriser la seconde. Les entreprises publiques font le travail, quand les groupes privés concentrent leurs achats auprès d’un très petit nombre de producteurs. Toutefois il serait intéressant d’examiner la situation en détail.
Mme Céline Calvez (EPR). Un tel travail montrerait comment l’audiovisuel public contribue à l’écosystème de production. Cependant, il relève des missions de la commission. Je voterai contre l’amendement mais j’encourage l’investigation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC184 de Mme Caroline Parmentier
Mme Caroline Parmentier (RN). Le présent amendement de repli vise à demander un rapport sur la privatisation de France Télévisions et de Radio France. Il éclairera les raisons budgétaires de mettre fin à ce service public, ce que justifie également l’existence d’une diversité de chaînes et de radios privées. La redevance a été supprimée mais leur financement pèse toujours sur le contribuable, à hauteur de 4 milliards d’euros. La spécificité des rédactions situées en outre-mer et de celles d’Arte, de l’INA, et de France Médias Monde demeure, mais la multiplication des services audiovisuels et la montée en puissance des plateformes en ligne rend celles de France Télévisions et de Radio France de plus en plus difficiles à distinguer. Les Français financent les médias publics sans en avoir le choix ; ils devraient pouvoir exiger de la retenue, un effort de pluralisme et la neutralité, et pourtant ils doivent supporter un militantisme de gauche décomplexé.
M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Nous avons déjà débattu de la privatisation de l’audiovisuel public. C’est inenvisageable pour moi. Avis défavorable.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Les Français plébiscitent leur service audiovisuel public. Ils y sont très attachés, parce que ses programmes sont nettement différents – plus encore peut-être à la radio qu’à la télévision. Les producteurs de documentaires, de films d’animation, de programmes pour la jeunesse disent à quel point il est précieux ; ils réfléchissent à la programmation pour répondre à des besoins de service public – diversité culturelle et éducation notamment –, quand les chaînes privées ne s’intéressent qu’aux recettes publicitaires. M. Le Lay, ancien PDG de TF1, est resté célèbre pour avoir dit que son travail consistait à vendre « du temps de cerveau humain disponible ». Le service public a pour mission d’élever le niveau d’éducation et de réflexion, d’améliorer l’accès à l’information, pour tous. Préservons-le.
La commission rejette l’amendement.
Annexe n° 1 :
liste des personnes entendues
par le rapporteur pour avis
(par ordre chronologique)
Reporters sans frontières – M. Thibaut Bruttin, directeur général, Mme Laure Chauvel, chargée de mission auprès du directeur général, et M. Pierre Dagard, responsable du plaidoyer et relations institutionnelles
Table ronde des syndicats de Radio France :
– Syndicat national des journalistes (SNJ) de Radio France –MM. Frédérick Thiebot et Julien Fleury, délégués
– Force ouvrière Radio France – M. Guillaume Baldy, délégué syndical central
– SUD Radio France – Mme Delphine Merlaud, secrétaire générale
– CFDT – M. Renaud Dalmar, délégué syndical central
– CGT – M. Lionel Thompson, membre du bureau et élu au conseil d’administration.
Syndicat national des journalistes (SNJ) – Mme Anne Guillé, déléguée du SNJ France Télévisions, et MM. Julien Fleury et Frédérick Thiébot, délégués du SNJ Radio France
Table ronde des syndicats de France Télévisions :
– CFDT – M. Majid Bensmail, délégué syndical
– Syndicat National de la Radiodiffusion, de la Télévision et de l’audiovisuel (SNRT) - CGT – M. Pierre Mouchel, secrétaire général
– FO – Mme Sandra-Magalie Noël, déléguée syndicale centrale
– SNJ – M. Didier Givodan, délégué syndical central
Table ronde des syndicats de l’Institut national de l’audiovisuel :
– CFDT – MM. Christophe Barbier et Patrice Pheron, délégués syndicaux centraux
– CGT – M. Xavier Eutrope, représentant syndical
– FO – M. Pierre Cortese, délégué syndical
Table ronde des syndicats de TV5 Monde :
– Confédération française démocratique du travail (CFDT) –Mme Béatrice Combe, déléguée syndicale
– SNJ –Solidaires Médias – M. Antoine Delpierre, délégué syndical, secrétaire adjoint du conseil social et économique (CSE), et M. Simon Rodier, secrétaire du CSE
– CFE-CGC Syndicat National des Artistes, des Professions du spectacle et de l'Audiovisuel (SNAPSA) – Mme Cécile Legras, déléguée syndicale, et M. Vincent Buchalski, élu au conseil d’administration
Table ronde des syndicats de France Médias Monde :
– CFDT – M. Rodolphe Paccard, délégué syndical
– CFTC – M. Maximilien de Libera, délégué syndical et secrétaire du CSE
– CGT – Mme Soraya Morvan-Smith, rédactrice en chef adjointe à France 24, élue au CSE, et secrétaire générale adjointe du SNJ-CGT
– FO – Mme Maria Afonso, chroniqueuse à Radio France Internationale
– SNJ – M. Raphaël Moran, délégué syndical
Table ronde des syndicats d’ARTE France :
– CFDT – Mme Audrey Kamga, élue au CSE d’Arte France
Institut national de l’audiovisuel – M. Laurent Vallet, président Mme Agnès Chauveau, directrice générale, et Mme Deborah Münzer, directrice de cabinet
Radio France* – Mme Sybile Veil, présidente-directrice générale, M. Charles-Emmanuel Bon, secrétaire général, et Mme Marie Message, directrice générale adjointe en charge des moyens et des organisations
ACRIMED (Action-CRItique-MEDias) – M. Mathias Reymond, président
France Télévisions* – Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente-directrice générale, M. Christophe Tardieu, secrétaire général, et Mme Livia Saurin, secrétaire général adjointe, M. Olivier Roger, directeur de cabinet
ARTE France* – MM. Bruno Patino, président du directoire, et Frédéric Bereyziat, directeur général
Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) – Mme Florence Philbert, directrice générale, M. Ludovic Berthelot, chef du service des médias, et M. Louis Benon, adjoint à la cheffe du bureau du secteur audiovisuel public
Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) – M. Roch-Olivier Maistre, président, M. Alban de Nervaux, directeur général et Mme Justine Boniface, directrice de cabinet
France Médias Monde* – Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale, M. Roland Husson, directeur général, et Mme Fanny Boyer, adjointe au directeur des relations institutionnelles
TV5 Monde – Mme Kim Younes Charbit, présidente, et M. Thomas Derobe, secrétaire général
Réponse à un questionnaire transmis par le rapporteur pour avis
– Commission pour l’évaluation des besoins financiers des radiodiffuseurs (la Kommission zur Ermittlung des Finanzbedarfs der Rundfunkanstalten)
Le rapporteur pour avis remercie l’ambassade d’Allemagne à Paris, et plus particulièrement M. Philipp Roessler, directeur du Service presse, pour avoir transmis un questionnaire à la Kommission zur Ermittlung des Finanzbedarfs der Rundfunkanstalten (Commission pour l’évaluation des besoins financiers des radiodiffuseurs) et avoir coordonné sa traduction en lien avec le Land de Rhénanie-Palatinat qui assure la présidence de la Commission des Länder chargée de l’audiovisuel.
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
Annexe N° 2 :
contributions écrites reçues
par le rapporteur pour avis
– Union syndicale de la production audiovisuelle* et AnimFrance*
– CGT ARTE France
– Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD)*
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
ANNEXE N° 3 :
COURRIER DU DÉONTOLOGUE de l’AssemblÉe nationale à M. Aymeric caron, rapporteur pour avis
([1]) Les chaînes parlementaires LCP-AN et Public Sénat, qui appartiennent également à l’audiovisuel public, ne relèvent pas de la mission Audiovisuel public mais sont financées respectivement par le budget de l’Assemblée nationale et du Sénat.
([2]) Programme 372 : France Télévisions, programme 373 : ARTE France, programme 374 : Radio France, programme 375 : France Médias Monde, programme 376 : Institut national de l’audiovisuel, programme 377 : TV5 Monde, programme 383 : programme de transformation.
([3]) La réserve de précaution vise à rendre indisponible en début de gestion une part des crédits ouverts par la loi de finances. Le PLF pour 2025 prévoit ainsi un taux de mise en réserve de 4 % sur les crédits hors masse salariale et hors crédits portant très majoritairement des dépenses de prestations sociales pour lesquels un taux réduit de 0,5 % est appliqué. Aucune réserve de précaution n’est appliquée aux crédits inscrits dans les comptes de concours financiers.
([4]) Projet annuel de performances 2025 de la mission Audiovisuel public, page 8.
([5]) Deux propositions de loi organique ont été récemment déposées en ce sens au Parlement. La proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public, déposée le 10 juillet 2024 par M. le sénateur Cédric Vial, préconise de prolonger l’affectation d’une imposition de toutes natures en faveur de l’audiovisuel public à l’exception d’Arte France, qui serait financée par un prélèvement sur recettes. La proposition de loi organique relative à l’extension des prélèvements sur les recettes de l’État au profit des organismes du secteur audiovisuel public, déposée le 20 juillet 2024, par Mme la députée Constance Le Grip, propose de financer l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public par un prélèvement sur recettes.
La proposition de loi organique de M. Vial a été débattue au Sénat en séance publique le 23 octobre dernier.
([6]) Projet annuel de performances 2025 de la mission Audiovisuel public, page 8.
([7]) « Considérant, en premier lieu, que l’interdiction de la commercialisation des espaces publicitaires dans les programmes nationaux des services de communication audiovisuelle de France Télévisions, qui a pour effet de priver cette société nationale de programme d’une part significative de ses ressources, doit être regardée comme affectant la garantie de ses ressources, qui constitue un élément de son indépendance » (décision n° 2009-577 DC, considérant 18). Dans cette même décision, il est indiqué que « les règles relatives tant à la liberté de communication, qui découle de l’article 11 de la Déclaration de 1789, qu’au pluralisme et à l’indépendance des médias » « constituent des objectifs de valeur constitutionnelle » (considérant 3).
([8]) « En supprimant, à compter du 1er janvier 2022, la contribution à l’audiovisuel public, les dispositions contestées sont susceptibles d’affecter la garantie des ressources du secteur de l’audiovisuel public qui constitue un élément de son indépendance, laquelle concourt à la mise en œuvre de la liberté de communication », (décision n° 2022-842 DC, considérant 28).
([9]) Projet de loi de finances pour 2025, orientations générales et équilibre budgétaire du projet de loi de finances pour 2025, page 16.
([10]) Amendement II-AC-131.
([11]) Le montant total de cette compensation s’établit désormais à 122,8 millions d’euros.
([12]) Compte tenu de sa nature multilatérale, seule la société TV5 Monde n’est pas éligible aux crédits du programme 383 Transformation.
([13]) Projet annuel de performances 2024 du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, page 15.
([14]) Seul le groupe TV5 Monde ne conclut pas de COM au regard de sa nature multilatérale. Arte France conclut pour sa part un COM déclinant son projet de groupe.
([15]) Par exemple, pour Radio France, la loi de finances pour 2024 a ouvert 652,95 millions d’euros sur le programme 843, dont 28 millions d’euros au titre de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Cependant, dans le tableau financier figurant dans le projet de COM, la dotation publique de fonctionnement s’élève à 616 millions d’euros et non à 624,95 millions d’euros (652,95 – 28). Interrogé sur ce sujet, Radio France a expliqué que l’écart observé s’explique par l’affectation de la subvention d’investissement au bilan de l’entreprise et non à son compte de résultat qui constitue le tableau financier figurant dans le projet de COM.
([16]) Projet annuel de performances 2025 de la mission Audiovisuel public, pages 14 (France Télévisions), 44 (Radio France), 60 (France Médias Monde) et 79 (Institut national de l’audiovisuel). Ce même document indique également, page 108, que « le détail des projets de transformation financés par ce programme budgétaire devra être réinterrogé ».
([17]) Cour des comptes Analyse de l’exécution budgétaire 2023, Mission Avances à l’audiovisuel public, avril 2024, page 18.
([18]) Dans sa réponse au questionnaire du rapporteur pour avis, France Télévisions a indiqué que ces 200 millions d’euros d’économies seront ainsi répartis :
([19]) Union européenne de radio-télévision, Funding of public service media-Media intelligence service, mars 2024, (version interne communiquée par l’UER), page 22.
([20]) Cour des comptes, Analyse de l’exécution budgétaire 2023, Mission Avances à l’audiovisuel public, avril 2024, page 9.
([21]) Selon la Cour des comptes « dans le cadre du plan de relance et de la crise sanitaire, les six entreprises de l’audiovisuel public ont bénéficié d’un soutien financier exceptionnel de 73 M€, réparti entre les exercices 2021 et 2022 ». Analyse de l’exécution budgétaire 2023, Mission « Avances à l’audiovisuel public », avril 2024, page 13.
([22]) Avec 24,4 millions de téléspectateurs (replay inclus), la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris est devenue le programme le plus regardé de l’histoire de la télévision française. Par ailleurs, en juillet et août 2024, le groupe France Télévisions a occupé la première place en termes de parts d’audience.
([23]) De 2020 à 2023, l’État a souscrit à quatre augmentations successives du capital de France télévisions pour un montant cumulé de 81,6 millions d’euros. Le capital de France Télévisions s’élève aujourd’hui à 424,74 millions d’euros.
([24]) Filiale commerciale à 100 % du groupe France Télévisions, France.tv studio est une société de production audiovisuelle qui exerce son savoir-faire dans les domaines de la fiction, du documentaire, des magazines de sociétés, des débats et des grands événements en direct et qui intervient également dans le sous-titrage à destination des publics sourds et malentendants, dans le doublage et l’audiodescription.
([25]) Lors de son audition, Mme Delphine Ernotte Cunci a cependant indiqué que France Télévisions avait travaillé avec 821 producteurs différents en 2019 et 872 producteurs différents en 2023.
([26]) En réponse au questionnaire du rapporteur pour avis, France Télévisions a indiqué que « L’offre commune ICI a été lancée par France 3 et France Bleu et déclinée dès avril 2022 par une offre numérique partagée (application) ICI par France Bleu et France 3. Cette application se substitue à l’application mobile de France Bleu et rassemble l’intégralité des productions audio, vidéo, images et texte de France Bleu, les flux audio en direct des 44 stations locales de France Bleu et les live vidéos des 24 antennes régionales de France 3, ainsi que l’ensemble des productions images, vidéo et textes de France 3 Régions ».
([27]) Conclu en 2021, le pacte pour la visibilité des Outre-mer comporte quinze engagements au service de trois grands objectifs : améliorer la visibilité des outre-mer par le biais de l’enrichissement mutuel des offres de l’audiovisuel public ; améliorer la distribution des contenus et des services ultramarins ; favoriser la présence d’ultramarins dans les programmes et leur conception.
([28]) France.tv, Rapport sur les comptes clos au 31/12/2023 et le budget 2024 de France Télévisions. Focus sur les Outre-mer, page 13. CSEC du 28 juin 2024. Document non publié.
([29]) Conseil consultatif des programmes, 2023-2024, promotion Anne-Sophie Lapix, L’information, page 25.
([30]) Comme le rappelle le site de la chaîne, « la Centrale d’Arte GEIE est chargée de la conception générale des programmes, de la diffusion et du traitement multilingue des programmes. Elle produit également 20 % des programmes, dont les programmes d’information, les coproductions avec les partenaires européens et les interprogrammes […]. Elle est financée à parité par Arte France et Arte Deutschland qui fournissent à parts égales la majorité des programmes ».
([31]) Entre le 30 juin 1993 et août 2000, M. Bernard-Henri Lévy a été président du conseil de surveillance de la Sept-ARTE. En août 2000, la Sept-ARTE est devenue Arte France et M. Bernard-Henri Lévy est devenu président du Conseil de surveillance d’ARTE France.
([32]) En application de l’article L. 225-68 du code de commerce, « le conseil de surveillance exerce le contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire ».
([33]) Ces éléments complètent et précisent ceux figurant dans un article de M. Jamal Henni publié dans le journal Capital le 13 mai 2021.
([34]) Interrogé sur ce sujet, France Télévisions a indiqué qu’« entre 1983 et 2022, seuls 4 films documentaires produits ou co-produits par nos filiales cinéma sont reliés d’une manière ou d’une autre à Bernard Henri Lévy, et seuls 2 d’entre eux font l’objet d’une co-réalisation par celui-ci. À cela s’ajoute le préachat direct par France Télévisions – à titre exceptionnel et en raison des circonstances liées à la guerre en Ukraine – du film-documentaire Slava Ukraini (diffusé en 2023) ». Les montants concernés n’ont pas été précisés par France Télévisions.
([35]) En 2014, la demande d’un financement pour soutenir la captation de la pièce de théâtre Hôtel Europe (écrite par M. Bernard-Henri Lévy) a fait l’objet d’un refus de financement. Par ailleurs, trois autres œuvres récentes n’ont pas fait l’objet d’une demande de soutien (Une autre idée du monde [2021], Slava Ukraini [2023] et L’Ukraine au cœur [2023]).
([36]) Pour l’heure, les membres du conseil de surveillance souscrivent uniquement une déclaration de non-condamnation à des peines incompatibles avec l’exercice de fonctions dirigeantes dans une entreprise. Le président et le directeur général au sein du directoire d’Arte France, dont les fonctions entrent dans le champ de compétence, de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sont tenus de renseigner une déclaration de patrimoine et d’intérêts.
([37]) Arte France a cependant indiqué que « des coproductions ont pu associer ARTE France à la société Gaumont, dont M. Nicolas Seydoux préside le conseil de surveillance, alors qu’il était également membre du Conseil de surveillance d’ARTE France de 2003 à 2024 ». Quatre œuvres sont concernées pour un montant de 3 760 000 euros.
([38]) Selon l’Arcom, « depuis 2003, l’audience cumulée quotidienne globale a […] diminué de 14,5 points en métropole et la durée d’écoute par auditeur a baissé de 18 minutes. Cette baisse d’audience est plus prononcée chez les jeunes, en particulier à partir de la génération 1990 ». Arcom, Livre blanc de la radio, juin 2024, page 11.
([39]) Depuis 2020, cinq augmentations de capital sont intervenues en faveur de Radio France pour un montant cumulé représentant 59,14 millions d’euros. Le capital de Radio France s’élève aujourd’hui à 114,87 millions d’euros.
([40]) Les recettes commerciales sont constituées des recettes publicitaires, des recettes de billetterie, des droits d’exploitation, des concessions et locations et d’autres produits et services.
([41]) Le Figaro, entretien du 27 août 2024.
([42]) Radio France a précisé au rapporteur pour avis que « d’autres sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à la rupture de contrat ont été prononcées pour des manquements à l’obligation de loyauté : 1 mise à pied en 2021, 1 mise à pied en 2022 et 4 mises à pied et 1 licenciement en 2023. Il est à noter que ces sanctions n’ont pas été prononcées exclusivement pour des faits de déloyauté mais également par exemple pour des faits de non-respect des règles sur les collaborations extérieures ou une utilisation du matériel de Radio France sans autorisation pour une activité extérieure ou pendant un arrêt maladie » (réponse au questionnaire du rapporteur pour avis).
([43]) À l’été 2024, France 24 a par exemple conclu un accord de distribution avec un opérateur indien (Sun Direct), lui permettant d’élargir sa diffusion auprès de 12,5 millions de foyers supplémentaires.
([44]) France 24 et RFI n’émettent plus en Russie (depuis respectivement février et avril 2022), au Mali (depuis mars 2022), au Burkina Faso (depuis respectivement mars 2023 et décembre 2022) et au Niger (depuis août 2023). MCD a par ailleurs été censurée en décembre 2022 en Libye à la suite à la diffusion d’une émission traitant de l’homosexualité. Selon France Médias Monde, « l’impact de ces coupures est estimé à une perte de 7 millions d’auditeurs et de téléspectateurs en Afrique. RFI et France 24 restent toutefois influentes dans ces pays même lorsqu’elles sont censurées, grâce à des stratégies de contournement » (réponse au questionnaire du rapporteur pour avis).
([46]) En 2022, l’État a souscrit à une augmentation du capital de France Médias Monde à hauteur de 1,6 million d’euros. Le capital de France Médias Monde s’élève aujourd’hui à 6,947 millions d’euros.
([47]) Le budget de France Médias Monde est cependant distinct de celui de Canal France International. France Médias Monde dispose d’autres filiales à 100 % mais celles-ci sont chargées de la réalisation de prestations techniques comme FMM latina qui participe à la production de France 24 en espagnol.
([48]) 60 % minimum sur des comptes à terme disposant d’une notation d’au minimum A –, sur des organismes de placement collectif en valeurs mobilières monétaires ou sur des obligations directes, 20 % maximum sur des fonds obligataires et 10 % maximum sur des produits structurés ou diversifiés.
([49]) 20 % maximum de placements supérieurs à un an et 8 % maximum de placements supérieurs à 5 ans.
([50]) Assemblée nationale, commission des affaires étrangères, avis sur le projet de loi de finances pour 2024, n° 1715 tome VIII, Médias, livre et industries culturelles, Avances à l’audiovisuel public, Audiovisuel extérieur, Mme Estelle Youssouffa, octobre 2023, page 10.
([51]) USA Global Media regroupe notamment Voice of America, Al-Hurra, Radio Sawa, Radio Farda, Radio Free Europe, Radio Free Asia et Radio y Televisión Martí.
([52]) Parmi les procédures engagées en 2019, 21 ont abouti une requalification du contrat de travail dont 13 avec une intégration dans les effectifs de France Médias Monde.
([53]) Sénat, proposition de loi n° 541 (2023-2024) portant protection sociale des journalistes travaillant à l’étranger pour des médias français déposée le 12 avril 2024 par Mmes Mélanie Vogel, Mathilde Ollivier, Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mmes Hélène Conway-Mouret et Olivia Richard.
([54]) 51 correspondants à l’étranger pour MCD, 94 pour France 24 et 605 pour RFI.
([55]) Cour des comptes, L’Institut national de l’audiovisuel, Exercices 2015 et suivants, février 2024.
([56]) En 2023, l’INA a perçu 396 600 euros au titre du crédit impôt recherche et 900 000 euros au titre d’une convention avec le ministère de l’Éducation nationale, en lien notamment avec sa participation au fonctionnement de la plateforme d’enseignement Lumni. Antérieurement, en 2021, l’INA a bénéficié d’un financement exceptionnel de 22 millions d’euros dans le cadre du programme France Relance au titre de la rénovation énergétique des bâtiments publics.
([57]) Interrogé sur ce point, M. Laurent Vallet, président de l’INA, a fait valoir que :
« L’évolution du nombre de salariés INA ayant une rémunération d’au moins 5 000 euros est parfaitement classique et s’explique par :
∙ 31 % par l’augmentation de la rémunération de salariés INA suite au versement de la mesure exceptionnelle destinée à lutter contre les effets de l’inflation,
∙ 31 % par l’augmentation de la rémunération de salariés INA suite au versement de la mesure exceptionnelle destinée à lutter contre les effets de l’inflation et d’une augmentation individuelle dans le cadre de la campagne salariale,
∙ 28 % par les rémunérations de nouveaux embauchés en lien avec les besoins en compétences de l’INA sur des postes de Projets, Missions et Encadrement relevant de groupes de classification élevés (GV)
∙ Les 10 % restants sont liés aux mouvements de personnels classiques (mobilité…). […]
Il y a eu en réalité un glissement vers le haut de l’ensemble des rémunérations » (réponse au questionnaire adressé par le rapporteur pour avis).
([58]) Le capital de TV5 Monde s’élève à 0,144 million d’euros.
([59]) Réponse au questionnaire du rapporteur pour avis.
([60]) En 2024, une contribution exceptionnelle de 300 000 euros est espérée en 2024 de la part du ministère de l’Europe et des affaires étrangères pour communiquer sur l’offre jeunesse Tivi5 au Maghreb.
([61]) Réponse au questionnaire du rapporteur pour avis.
([62]) Réponse au questionnaire du rapporteur pour avis. Il a aussi été précisé que « Le demi-neuvième issu de la « Tontine » serait donc placé en frais communs pour financer en Afrique des : évènements, productions, préachats, acquisitions de programmes y compris sportifs ou d’information ou de webcréations, financements de reportages locaux notamment sur le développement durable, financements d’études d’audience et de marché, contributions à des actions des maisons TV5 ou des actions ponctuelles d’agents TV5, partenariats, actions de communication, de marketing ou de formation. Par ailleurs, des programmes mis à disposition par les opérateurs audiovisuels publics nationaux des pays africains seraient intégrés aux offres de programmes linéaires et non linéaires de TV5 Monde qui comme le prévoit la Charte TV5 est indépendant au plan éditorial et choisit donc les programmes qu’elle reprend et ceux qu’elle ne reprend pas. Il n’est pas prévu que TV5 Monde doive diffuser les journaux des chaînes publiques africaines partenaires ».
([63]) Dans une déclaration du 3 octobre 2024, les gouvernements bailleurs de fonds de TV5 ont indiqué que « Fidèles aux principes fondateurs de la Charte, les gouvernements bailleurs de Fonds de TV5 seront naturellement attentifs à ce que ces potentiels nouveaux partenariats s’inscrivent dans le respect des valeurs fondamentales de TV5 et de son indépendance éditoriale, reposant sur la charte déontologique et éditoriale de TV5MONDE, encadrant le respect des principes essentiels de déontologie journalistique, d’indépendance, de transparence, d’honnêteté de l’information et d’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion ».
TV5 Monde a également conclu en 2024 un accord relatif au statut de ses correspondants réguliers à l’étranger
([64]) Communiqué de presse de la direction de l’information de TV5 Monde, 20 novembre 2023.
([65]) Appel à candidatures en vue de la désignation du prochain président-directeur général de TV5 Monde.
([66]) La charte de TV5 Monde indique, en son article 2.2.2.2 que « le président du conseil d'administration soumettra une ou plusieurs candidatures pour le poste de Président directeur général pour approbation au conseil d'administration, après consultation approfondie entre les gouvernements bailleurs de fonds ». L’Arcom ne pourrait donc pas désigner directement l’intéressé comme elle le fait pour France Télévisions, Radio France ou France Médias Monde.
([67]) Projet annuel de performances 2024 du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, page 132.
([68]) Assemblée nationale, commission des finances, Mme Constance Le Grip, rapport d’information n° 2736 sur le programme incitatif de transformation de l’audiovisuel public, XVIème législature, 6 juin 2024.
([69]) Projet annuel de performances 2025 de la mission Audiovisuel public, page 108.
([70]) Le projet de COM de France Télévisions se fonde par exemple sur une prévision d’inflation moyenne de 2 % en 2025 puis de 1,8 % ensuite. Le PLF pour 2025 retient une hypothèse d’inflation de 1,8 % en 2025.
([71]) Assemblée nationale, seizième législature, commission des affaires culturelles et de l’éducation, rapport d’information n° 1327 sur l’avenir de l’audiovisuel public, M. Jean-Jacques Gaultier, président, et M. Quentin Bataillon, rapporteur, juin 2023, page 86.
([72]) Voir le dossier législatif correspondant sur le site du Sénat.
([73]) Rapport annuel de performances de la mission Médias, livre et industries culturelles annexé au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2015, page 14.
([74]) Assemblée nationale, commission des finances, projet de loi de finances rectificative pour 2022, M. Jean-René Cazeneuve, rapport n° 147 (XVIème législature), 13 juillet 2022, page 137.
([75]) Assemblée nationale, commission des affaires culturelles et de l’éducation, projet de loi de finances rectificative pour 2022, Mme Céline Calvez, avis n° 146 (XVIème législature), 13 juillet 2022, page 17.
([76]) Dans sa réponse au rapporteur pour avis, France Télévisions fait observer que « dans les pays ayant rebudgétisé le financement de leur audiovisuel public, les dotations ont en moyenne baissé de 7 % (contre + 6 % pour ceux financés par une taxe affectée) ».
([77]) Conseil des prélèvements obligatoires, La taxe sur la valeur ajoutée (TVA), un impôt à recentrer sur son objectif de rendement pour les finances publiques, février 2023, page 3.
([78]) Conseil des prélèvements obligatoires, Les impôts et taxes affectés, septembre 2024.
([79]) L’article 6 (alinéa 4) de la Lolf dispose qu’« un montant déterminé de recettes de l’Etat peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales ou des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d’impôts établis au profit des collectivités territoriales. Ces prélèvements sur les recettes de l’État sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte ».
([80]) Cour des comptes, Analyse de l’exécution budgétaire 2023 Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales, avril 2024, page 40.
([81]) Fondation Jean-Jaurès, Mme Julia Cagé, Une autre redevance est possible. Pour un financement affecté mais plus juste de l’audiovisuel public, 06/2022. Les travaux de Mme Cagé s’inspirent des dispositifs observés en Finlande, Norvège et Suède qui « ont permis de transformer l’ancienne redevance en un nouveau prélèvement affecté à l’audiovisuel, mais mieux réparti et mieux accepté ».
([82]) Amendements n° AC72 de Mme Taillé-Polian et plusieurs de ses collègues et n° AC201 de M. Peu, Mme Bourouaha et M. Maillot.
([83]) Projet de loi de finances pour 2025, amendements nos I-2246 (groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire) I-874 (groupe écologiste et social), I-1693 (groupe Gauche Démocrate et Républicaine) et I-2745 (groupe Socialistes et apparentés).
([84]) Sénat, session de droit en application de l’article 12 de la Constitution, Mme Sylvie Robert et plusieurs de ses collègues, proposition de loi n°740 visant à assurer la qualité et l’indépendance du service public de l’audiovisuel par un financement affecté, juste et pérenne, juillet 2024.
([85]) Dans son étude, Mme Cagé observe que « les modalités de prélèvement varient d’ailleurs très fortement d’un pays à l’autre ; en Italie, par exemple, où l’obligation de paiement n’est plus liée depuis la réforme de 2015 à la détention d’un téléviseur, la redevance est intégrée à la facture d’électricité. En Allemagne, la redevance est prélevée directement par l’agence des chaînes publiques » (page 4).
([86]) Projet de loi de finances pour 2025, amendement n° I-515
([87]) Op.cit., page 12.
([88]) European Broadcasting Union, Funding of public service media public version media intelligence service, mars 2024, page 23.