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N° 472

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2024.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2025,

 

 

TOME III

 

 

CULTURE

PATRIMOINES

 

 

Par M. Jérémie PATRIER-LEITUS,

 

Député.

 

 

——

 

 

 

Voir les numéros : 324, 468 (annexe n° 11).

 

 


SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION

première partie : analyse des crédits du programme 175 patrimoines

I. le PLF se caractérise par une baisse importante, mais peut-être provisoire, des autorisations d’engagement et par une stabilisation des crédits de paiement du programme 175 faisant suite à plusieurs années d’accroissement des dépenses en faveur du patrimoine

A. Une BAISSE IMPORTANTE, MAIS PEUT-ÊTRE provisoire, DES AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT ET UNE STABILISATION DES CRÉDITS DE PAIEMENT FAISANT SUITE À PLUSIEURS ANNÉES D’ACCROISSEMENT DES DÉPENSES EN FAVEUR DU PATRIMOINE

1. Une baisse importante, mais peut-être provisoire, des autorisations d’engagement et une stabilisation des crédits de paiement

2. Une situation budgétaire faisant suite à plusieurs années d’accroissement des dépenses en faveur du patrimoine

3. L’intérêt de développer de nouvelles ressources pour le patrimoine

B. l’analyse des crÉdits par actions

1. L’action 1 Monuments historiques et patrimoine monumental

2. L’action 2 Architecture et sites patrimoniaux

3. L’action 3 Patrimoine des musées de France

4. L’action 4 Patrimoine archivistique

5. L’action 8 Acquisition et enrichissement des collections publiques

6. L’action 9 Patrimoine archéologique

II. Des dépenses fiscales significatives méritant certains ajustements

A. Des dépenses fiscales significatives REPRÉSENTANT UN cinquième des crédits du programme 175

B. Des dépenses fiscales méritant certains ajustements

III. Le prochain achèvement du chantier de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris

Seconde partie : le fonds incitatif pour le patrimoine : un succès à conforter

I. LE FONDS INCITATIF POUR LE PATRIMOINE VISE À RÉPONDRE À LA SITUATION SPÉCIFIQUE DES PETITES COMMUNES À FAIBLES RESSOURCES DOTÉES D’UN PATRIMOINE PROTÉGÉ

A. La situation spÉcifique des petites communes dotÉes d’un patrimoine protÉgÉ

1. Un patrimoine protégé très présent dans les petites communes

2. Un patrimoine protégé dans un état sanitaire moins bon que la moyenne des monuments historiques

3. Un soutien en déclin des régions et des départements avant l’institution du FIP

B. Le FIP : un outil centrÉ sur les petites communes À faibles ressources associant des critÈres d’ÉligibilitÉ classiques en matiÈre de travaux et une dÉmarche partenariale en matiÈre de financement

1. Un outil centré sur le patrimoine protégé, public ou privé, des petites communes à faibles ressources

2. Des critères d’éligibilité classiques en matière de travaux

3. Un financement reposant sur un partenariat avec les régions et des subventions majorées de l’État

II. Un bilan positif devant être consolidé

A. UN BILAN positif et vertueux

1. Une montée en puissance régulière

a. L’adhésion des régions

b. Près de 850 opérations ont été engagées entre 2018 et 2023

c. Une montée en puissance financière progressive et régulière

2. Des interventions répondant aux objectifs, même si l’absence de certaines données ne permet pas d’apprécier la totalité des effets du FIP

a. Les communes de moins de 2 000 habitants sont au centre du dispositif

b. Les interventions engagées privilégient le patrimoine public, essentiellement religieux

c. L’absence de certaines données ne permet pas d’apprécier la totalité des effets du FIP

B. UN BILAN à consolider

1. La répartition géographique des opérations est imparfaite

2. La communication auprès des élus locaux

3. Le périmètre du FIP devrait être étendu au mobilier protégé et les moyens du FIP devraient poursuivre leur croissance régulière

Travaux de la commission

I. Audition de la ministre

II. Examen des crédits

1. Réunion du mardi 22 octobre 2024 à 21 heures 30

2. Réunion du mercredi 23 octobre 2024 à 9 heures 30

Annexe : liste des personnes entendues par le rapporteur pour avis

 

 

 

 

 

 

 


   INTRODUCTION

La commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a décidé pour la première fois de consacrer un avis budgétaire spécifique aux crédits du programme 175 Patrimoines qui, au sein de la mission Culture, regroupe les crédits contribuant au financement des monuments historiques, des musées de France, de 18 opérateurs culturels ([1]), des Archives nationales et de différents acteurs de l’archéologie. Par cette décision, la commission marque de manière symbolique son attachement à cette question et entend approfondir le suivi de ce sujet.

Cette initiative est justifiée au regard de l’importance des crédits en jeu. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit ainsi de doter le programme 175 Patrimoines de 1 138,29 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 1 201,07 millions d’euros en crédits de paiement (CP). En complément, 13 dépenses fiscales principales sur impôts d’État sont associées à ce programme pour un coût prévisionnel s’établissant à 326 millions d’euros. Si ces crédits et ces dépenses fiscales ne résument pas l’effort de l’État en matière de soutien au patrimoine ([2]), ils concentrent néanmoins l’essentiel de son action et méritent un éclairage spécifique.

La décision de la commission se justifie également au regard de l’importance du patrimoine dans la vie de nos concitoyens. En 2023, 59 % des Français ont visité au moins un monument ([3]). Cet attachement prononcé au patrimoine a pris un sens particulier en 2024 en raison, d’une part, de l’achèvement de deux grands chantiers patrimoniaux (celui concernant la restauration du Grand-Palais et celui, à venir, concernant la cathédrale Notre-Dame de Paris) et, d’autre part, de l’écrin offert par le patrimoine à certaines épreuves des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Lors de son récent discours de politique générale, M. Michel Barnier, Premier ministre, a rappelé que « la sauvegarde, l’entretien et la valorisation de notre patrimoine, dans tous les villages comme dans les plus grandes villes » constituait un « formidable chantier culturel » ([4]).

Notre patrimoine irrigue nos territoires et sa protection n’est pas figée. Au 1er janvier 2024, 45 080 immeubles et plus de 280 000 objets mobiliers étaient classés ou inscrits au titre des monuments historiques. En 2023, 229 nouvelles protections ont été prononcées en faveur, par exemple, de l’ensemble immobilier de l’église Saint-Georges (situé à Cannes), de la tour-porte de Fabregole (située à Viols-Le-Fort, dans l’Hérault), du dolmen de Kerhenry et de son tumulus (situés à Arradon, dans le Morbihan) et de l’installation hydraulique de la ravine Saint-Gilles (située à Saint-Paul de La Réunion).

Notre patrimoine est cependant fragile et nécessite une vigilance particulière puisque, selon L’État sanitaire des immeubles inscrits et classés au titre des monuments historiques (Bilan 2013-2018) établi en mars 2019 par le ministère de la culture ([5]), 4,76 % des immeubles protégés étaient en état de péril et 18,53 % étaient en « mauvais état ».

Dans un contexte budgétaire difficile, et après plusieurs années de fort accroissement, les crédits du programme 175 Patrimoines inscrits au PLF se caractérisent par une baisse importante, mais peut-être provisoire, des autorisations d’engagement (– 341,12 millions d’euros, soit – 23,1 %) et par une quasi stabilisation des crédits de paiement (– 7,25 millions d’euros, soit  0,6 %). Un ajustement à la hausse des AE est cependant possible à l’initiative du Gouvernement durant la discussion parlementaire ce qui confirmerait l’attention soutenue portée au patrimoine ces dernières années ainsi que la participation raisonnable des crédits du patrimoine à l’effort général de redressement des finances publiques engagé par le PLF.

Les crédits des différentes actions du programme 175 seront présentés dans ce rapport (I) qui propose également un examen approfondi du fonds incitatif pour le patrimoine qui, depuis 2018, apporte un concours utile à l’entretien et à la restauration du patrimoine protégé dans les petites communes à faibles ressources (II).

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 68 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues au rapporteur pour avis.

 

 


   première partie : analyse des crédits du programme 175 patrimoines

I.   le PLF se caractérise par une baisse importante, mais peut-être provisoire, des autorisations d’engagement et par une stabilisation des crédits de paiement du programme 175 faisant suite à plusieurs années d’accroissement des dépenses en faveur du patrimoine

A.   Une BAISSE IMPORTANTE, MAIS PEUT-ÊTRE provisoire, DES AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT ET UNE STABILISATION DES CRÉDITS DE PAIEMENT FAISANT SUITE À PLUSIEURS ANNÉES D’ACCROISSEMENT DES DÉPENSES EN FAVEUR DU PATRIMOINE

1.   Une baisse importante, mais peut-être provisoire, des autorisations d’engagement et une stabilisation des crédits de paiement

Les crédits du programme 175 Patrimoines s’établissent à 1 138,29 millions d’euros en AE et à 1 201,07 millions d’euros en CP, en baisse de 341,12 millions d’euros pour les AE et en retrait de 7,25 millions d’euros en CP par rapport à la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

Ces crédits sont organisés, comme les années précédentes, autour des actions Monuments historiques et patrimoine monumental (action 1), Architecture et sites patrimoniaux (action 2), Patrimoine des musées de France (action 3), Patrimoine archivistique (action 4), Acquisition et enrichissement des collections publiques (action 8) et Patrimoine archéologique (action 9).

La répartition des crédits entre ces six actions est la suivante :

PLF 2025 - répartition des crédits du programme 175

(en millions d’euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution 2024-2025 en valeur absolue

Évolution 2024-2025 (en %)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

175 Patrimoines

1 479,41

1 193,81

1 138,29

1 201,07

 341,12

 7,2

 23,1

 0,6

01 - Monuments historiques et patrimoine monumental

526,26

510,86

487,69

492,81

 38,56

 18,05

 7,3

 3,5

02 - Architecture et sites patrimoniaux

37,83

37,83

37,89

37,89

-

-

0

0

03 - Patrimoine des musées de France

655,40

431,14

406,06

441,93

 249,34

+ 10,78

 38

+ 2,5

04 - Patrimoine archivistique

82,29

36,47

29,07

50,99

 53,22

+ 14,52

 64,7

+ 39,8

08 - Acquisition et enrichissement des collections publiques

9,77

9,77

9,71

9,71

 0,06

 0,06

 0,7

 0,7

09 - Patrimoine archéologique

167,86

167,73

167,86

167,73

0

0

0

0

Source : projet annuel de performances.

Ce tableau appelle les observations suivantes :

 L’évolution des crédits n’est pas uniforme. Ainsi, sur les six actions du programme 175 :

 La baisse globale des AE était en partie attendue puisqu’une partie des AE ouvertes en 2024 présentait un caractère non renouvelable. Ainsi, la loi de finances pour 2024 a affecté 317,62 millions d’euros en AE en faveur du centre national d'art et de culture - Georges Pompidou appelé à connaître de très importants travaux sur la période 2025–2030 ([6]). Une telle ouverture de crédits n’avait pas vocation à être reconduite en 2025 et explique l’essentiel de la réduction des AE observée sur l’action 3 ([7]). De la même façon, la réduction des AE observée sur l’action 4 Patrimoine archivistique s’expliquerait largement par le non-renouvellement attendu des 54,7 millions d’euros ouverts en 2024 en faveur du projet d’extension du site des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine.

En revanche, la baisse des AE observée sur l’action 1 Monuments historiques et patrimoine monumental (– 38,56 millions d’euros) était moins attendue alors même que cette action porte le schéma national directeur d’investissements de l’établissement public du musée et du domaine national de Versailles, de l’établissement public du château de Fontainebleau et de l’établissement public du musée du Louvre. La réduction des AE observée aura pour conséquence de décaler la réalisation de certains travaux. Lors de son audition, M. Kim Pham, administrateur général du musée du Louvre a ainsi indiqué que l’engagement du nouveau schéma directeur des équipements de sûreté et du schéma directeur des équipements électriques de cet établissement était reporté à 2026. D’autres opérations de rénovation devant être conduites au sein de cet établissement seront également suspendues ou reportées, comme la poursuite de la restauration des façades le long de la rue de Rivoli.

– Les crédits inscrits au PLF ne sont pas définitifs puisque, outre les ajustements éventuels résultant des amendements parlementaires, le Gouvernement envisage, selon les éléments réunis par le rapporteur pour avis, de déposer un amendement réévaluant les AE du programme 175.

En dépit de ces incertitudes, et même si certaines améliorations sont souhaitables et possibles en matière d’AE, le niveau global des crédits finançant le patrimoine demeure conséquent et confirme l’attention soutenue portée à ce secteur ces dernières années. Pour la cinquième année consécutive, les AE et les CP du programme 175 Patrimoines sont ainsi supérieurs à 1 milliard d’euros.


2.   Une situation budgétaire faisant suite à plusieurs années d’accroissement des dépenses en faveur du patrimoine

L’examen de la trajectoire financière du programme 175 Patrimoines sur la période 2017-2025 illustre l’attention soutenue portée à ce secteur.

En euros courants, les CP de ce programme ont progressé de 38,6 % en huit ans. En 2025, les CP proposés sont ainsi supérieurs de 323,7 millions d’euros aux crédits exécutés en 2017.

2017-2025, évolution des crédits du programme 175

(en millions d’euros)

Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (à partir des rapports annuels de performance 2017-2023, de la loi de finances 2024 et du PLF 2025).

La prochaine publication par le ministère de la culture du bilan 2019-2023 de l’état sanitaire des immeubles inscrits et classés au titre des monuments historiques devrait permettre de mesurer l’effet du renforcement de ces crédits. Lors de la précédente édition de cet état sanitaire, 4,76 % des monuments historiques examinés étaient en « état de péril », 18,53 % en « mauvais état », 41,52 % en « état moyen » et 35,18 % en « bon état » ([8]). D’après les premières indications communiquées par M. Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l'architecture, lors de son audition, la proportion des monuments historiques en « état de péril » aurait décru et celle des monuments en « bon état » aurait progressé.

3.   L’intérêt de développer de nouvelles ressources pour le patrimoine

Les contraintes croissantes pesant sur les finances publiques devront conduire le ministère de la culture et le Parlement à réfléchir au développement de relais de financements non budgétaires soutenant l’action des pouvoirs publics en matière d’entretien et de restauration du patrimoine tout comme à un renforcement des liens unissant le secteur du patrimoine avec celui du tourisme.

Sur ce point, le rapporteur pour avis observe que, le 23 septembre 2024, Mme la ministre de la Culture a souligné l’intérêt d’engager une « réflexion autour d’un modèle innovant de financement du patrimoine religieux pour sa sauvegarde » ([9]). Au-delà du patrimoine religieux, cette réflexion devrait couvrir un ensemble de sujets, comme l’encouragement du mécénat, l’accueil de soutiens étrangers, l’évolution des modalités de tarification dans certains monuments et musées ou l’établissement d’un bilan, en vue d’une possible adaptation, de l’application de l’article L.621-29-8 du code du patrimoine autorisant la pose dérogatoire de bâches publicitaires sur les monuments historiques en vue de financer certains travaux.

L’encouragement du mécénat pourrait prendre la forme d’une mobilisation accrue de certains opérateurs et d’un aménagement des dépenses fiscales existantes. Parmi les opérateurs patrimoniaux, certains, comme le Centre des monuments nationaux, se sont encore relativement peu saisis de l’outil du mécénat. En 2024, le CMN espère ainsi recevoir 3,6 millions d’euros au titre du mécénat. Si ce montant est en augmentation (il ne représentait que 1,63 million d’euros en 2019), il reste cependant limité au regard du potentiel de valorisation des monuments gérés par cette institution. Une extension du champ du mécénat aux dépenses en lien avec la rénovation énergétique pourrait être envisagée. Ce sujet a notamment été soulevé par le château de Vaux-le-Vicomte qui, en raison du cadre fiscal applicable, n’a pu donner suite à la proposition d’un mécène de financer des travaux d’amélioration de la performance énergétique de ses bâtiments. Le rapporteur pour avis déposera un amendement sur cette question.

L’accueil de soutiens étrangers pourrait s’inscrire dans le cadre de l’accord intergouvernemental conclu en avril 2018 entre la France et l’Arabie saoudite pour le développement conjoint du gouvernorat d’Al Ula. L’article 6 (2°) du décret n° 2018-861 du 8 octobre 2018 portant publication de cet accord dispose ainsi que « la Partie saoudienne, en reconnaissance de l’engagement de la Partie française dans le cadre du présent partenariat, verse une somme, dont le montant et les modalités d’allocation sont définis dans un accord spécifique, pour soutenir le patrimoine français » ( [10]). La perspective ouverte en 2018 n’a pas encore abouti et mérite d’être approfondie.

La réflexion sur l’évolution des modalités de tarification dans certains monuments et musées pourrait se fonder sur l’institution éventuelle d’une tarification différenciée appliquée aux visiteurs étrangers non communautaires. En 2011, un rapport du Conseil d’analyse économique avait suggéré de « doubler les tarifs d’entrée des visiteurs hors Union européenne dans les musées nationaux » ([11]). L’institution de tels tarifs différenciés ne nécessiterait pas d’adaptation législative ou réglementaire mais supposerait une décision du conseil d’administration de chaque établissement.

Un bilan de l’application de l’article L. 621-29-8 du code du patrimoine autorisant la pose dérogatoire de bâches publicitaires sur les monuments historiques en vue de financer certains de leurs travaux mériterait d’être établi afin de faire un point sur l’intérêt financier et les conditions d’encadrement de ce dispositif qui a permis à plusieurs institutions de recevoir des contributions importantes pour l’exécution de leurs travaux. Lors de son audition, Mme Julia Beurton, administratrice générale de l’établissement public administratif du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie – Valéry Giscard d’Estaing a indiqué que cet établissement avait recueilli 5,49 millions d’euros entre 2022 et 2024 dans le cadre des opérations de travaux pour la réfection de la terrasse du musée d’Orsay. M. Kim Pham, administrateur général du musée du Louvre a indiqué que ce même dispositif a permis, entre 2016 et 2024, à cet établissement de recueillir 26 millions d’euros au titre de trois opérations de travaux (la restauration des façades de l’aile du bord de l’eau, la restauration de l’aile Rohan et la restauration de l’aile Marsan). Ce même outil a également permis au Centre des monuments nationaux de recevoir 19,7 millions d’euros entre 2016 et 2021 lors des travaux sur l’hôtel de la Marine. À l’inverse, l’établissement public du musée et du domaine national de Versailles n’a pas encore recouru à ce dispositif dont l’application peut soulever certaines interrogations, notamment lorsque le montant perçu excède le montant des travaux.

L’article 109 de la dernière loi de finances avait sensiblement élargi le périmètre de l’article L.621-29-8 du code du patrimoine avant d’être censuré, pour une raison de forme, par le Conseil constitutionnel ( [12]). Une récente proposition de loi, rendue caduque par la dissolution de l’Assemblée nationale, avait proposé une autre extension de ce dispositif ([13]).

Au regard de ces différents éléments, le rapporteur pour avis plaide pour un examen approfondi de ces pistes afin de déterminer celles qui seraient les plus adaptées pour soutenir l’entretien et la restauration du patrimoine, en lien notamment avec les questions de transition écologique.

La transition écologique et le patrimoine, des liens étroits

Lors de chacune de ses auditions, et dans le prolongement du rapport d’information publié en juin 2023 par le Sénat (1), le rapporteur pour avis a interrogé ses interlocuteurs sur les liens existant entre le patrimoine et la transition écologique.

L’ensemble des personnes sollicitées ont confirmé l’intensité de ces liens et la diversité des questions soulevées en termes d’usage des matériaux ou d’adaptation de la réglementation.

Les associations composant le G7 Patrimoine ont remis leur étude sur ce sujet publiée en 2023 demandant un moratoire sur le diagnostic de performance énergétique du bâti ancien et formulant 16 propositions pour une transition durable (2).

Le Groupement des entreprises de restauration des monuments historiques a indiqué travailler sur un projet de notation écologique des chantiers patrimoniaux.

La Fondation du patrimoine a rappelé que la contrainte annoncée du zéro artificialisation nette renforçait encore l’intérêt de restaurer le bâti ancien, notamment patrimonial.

Les opérateurs entendus ont présenté la diversité des difficultés rencontrées et des solutions recherchées. Le Centre des monuments nationaux a rappelé la nouvelle problématique soulevée par les fortes chaleurs (comment accueillir des visiteurs sur les remparts de Carcassonne en plein été ?) et d’alimentation en eau (les douves de certains châteaux sont asséchées). L’établissement public administratif du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie – Valéry Giscard a précisé qu’il devrait recourir à la géothermie pour l’aménagement du prochain centre de ressources et de recherche Daniel Marchesseau sur les arts de la seconde moitié du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Le Grand-Palais a indiqué être désormais alimenté par le réseau de chaleur urbain de la Compagnie parisienne de chauffage urbain. L’établissement public du musée et du domaine national de Versailles a précisé avoir engagé des discussions avec les syndicats gestionnaires de la ressource en eau afin d’améliorer les conditions d’alimentation et d’exploitation des fontaines du parc qui, en 2023, à certaines périodes, ne pouvaient plus fonctionner que 15 minutes toutes les 90 minutes.

(1) Sénat, commission de la culture, de l'éducation et de la communication, Mme Sabine Drexler, rapport d'information n° 74 (2022-2023) sur le patrimoine et la transition écologique, juin 2023.

(2) Le G7 Patrimoine est composé des associations suivantes : Sites & monuments, Maisons paysannes de France, Patrimoine environnement, Fondation pour la Sauvegarde de l'art français, Vieilles maisons françaises, La demeure historique et Rempart. L’étude publiée en 2023 a également été signée par l'association nationale des architectes des bâtiments de France.

B.   l’analyse des crÉdits par actions

1.   L’action 1 Monuments historiques et patrimoine monumental

L’action 1 Monuments historiques et patrimoine monumental finance à titre principal les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques et, à titre secondaire, les crédits soutenant le patrimoine monumental dont les sites relevant du Centre des monuments nationaux et de l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles. Cette action est, par ordre d’importance financière, la première du programme 175 Patrimoines.

Cette action est dotée de 487,69 millions d’euros en AE et de 492,82 millions d’euros en CP en retrait de 38,56 millions d’euros en AE (– 7,3 %) et de 18,05 millions d’euros en CP (– 3,5 %) par rapport à 2024.

La dépense projetée est partagée entre 389,4 millions d’euros en AE et 394,5 millions d’euros en CP en faveur des dépenses d’entretien et de restauration des monuments historiques (appartenant à l’État, à des collectivités territoriales et à des propriétaires privés) et 98,3 millions d’euros en AE et en CP en faveur d’autres crédits soutenant le patrimoine monumental.

Les crédits proposés en faveur des dépenses d’entretien et de restauration des monuments historiques sont en retrait de 35,4 millions d’euros en AE et de 14,9 millions d’euros en CP par rapport à 2024. Cette baisse concerne aussi bien les monuments historiques « hors grands projets » (dont les crédits sont réduits de 18,3 millions d’euros en AE et de 5,9 millions d’euros en CP) que les monuments historiques « grands projets » (dont les crédits sont réduits de 17,1 millions d’euros en AE et de 8,9 millions d’euros en CP).

Cette baisse des crédits se concentre sur les dépenses de restauration. Si certains « grands projets » sont préservés (notamment ceux intéressant l’abbaye de Clairvaux, la cathédrale de Nantes et le Château de Gaillon) et si un financement de 15,3 millions d’euros en AE et de 5,3 millions d’euros en CP est ouvert en faveur des tours de La Rochelle ( [14]), le schéma directeur du château de Versailles connaît une année « quasi blanche ». Ainsi, alors qu’en 2024 ce schéma était doté de 18 millions d’euros en AE et de 19 millions d’euros en CP, aucun crédit n’est prévu en AE en 2025 et seuls 2,6 millions d’euros en CP sont proposés.

La baisse des crédits n’affecte en revanche pas le financement du plan « sécurité cathédrales » qui vise à renforcer le niveau de sécurité des 87 cathédrales appartenant à l’État. Comme en 2024, 12 millions d’euros en CP sont consacrés à ce plan dont les résultats sont très positifs. En 2023, 83 édifices sur 87 atteignent le seuil réglementaire de sécurité (soit 5 de plus qu’en 2020) et 21 cathédrales se situent au niveau « de référence » (soit 6 de plus qu’en 2020).

La baisse des crédits n’affecte pas non plus le fonds incitatif pour le patrimoine qui reste doté de 20 millions d’euros en AE et en CP dans le but de soutenir la restauration du patrimoine protégé dans les petites communes à faibles ressources. Le bilan de ce fonds est très positif (cf. infra) et le rapporteur pour avis déposera un amendement proposant de revaloriser de 2 millions d’euros les crédits de ce fonds.

Les crédits soutenant le patrimoine monumental sont reconduits à l’identique par rapport à 2024 et s’établissent à 98,3 millions d’euros en AE et en CP. Il s’agit notamment de la subvention pour charges de service public du Centre des monuments nationaux (44,8 millions d’euros en AE et en CP), la subvention pour charges de service public de l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles (39,4 millions d’euros en AE et en CP) et la subvention de fonctionnement du domaine national de Chambord (0,4 million d’euros en AE et en CP). Ces crédits financent également des dépenses d’investissement et d’intervention diverses en faveur notamment des travaux de restauration du Grand-Palais (8,8 millions d’euros en AE et en CP).

S’agissant des crédits du Centre des monuments nationaux, le rapporteur pour avis souligne le niveau relativement bas des dépenses d’entretien (5,7 millions d’euros par an, soit un montant stable depuis 2019 et en très légère progression [+ 0,4 million d’euros] depuis 2010) et d’investissement (27 millions d’euros). Le CMN a notamment relevé que « la dotation de fonctionnement qui finance l’entretien des bâtiments et des parcs et jardins (5,7 M€) est […] insuffisante » ce qui conduit cet établissement à compléter son montant par autofinancement pour le porter 8 millions d’euros ; cet effort ne pouvant cependant être assuré « durablement » en dépit de la forte progression des ressources propres de l’établissement « passées de 88,5 M€ en 2018 à 115,3 M€ en 2023 ». Le CMN a également rappelé qu’en matière d’investissement, les seuls « besoins correspondant aux états de péril ou très dégradés sont évalués à 275 M€ pour le parc immobilier, les parcs et jardins et le patrimoine hydraulique » ( [15]).


2.   L’action 2 Architecture et sites patrimoniaux

L’action 2 Architecture et sites patrimoniaux, d’un montant de 37,89 millions d’euros en AE et en CP (en progression de 65 000 euros par rapport à 2024) finance principalement la subvention pour charges de service public (19,1 millions d’euros) et la subvention pour charges d’investissement (0,7 million d’euros) de la Cité de l’architecture et du patrimoine, toutes deux stables par rapport à 2023.

L’action 2 finance différentes autres actions en faveur de l’architecture et du patrimoine intéressant principalement les études et travaux en espaces protégés dans le cadre des sites patrimoniaux remarquables (9,9 millions d’euros en AE et en CP) ainsi que les réseaux régionaux de promotion de l’architecture et les actions menées en partenariat avec les collectivités territoriales dont le réseau des Villes et pays d’art et d’histoire (6,5 millions d’euros en AE et en CP).

Ces différents crédits sont stables par rapport à 2024.

3.   L’action 3 Patrimoine des musées de France

L’action 3 Patrimoine des musées de France finance, à titre principal, les subventions apportées à treize établissements nationaux ([16]), prend en charge les crédits de douze services à compétence nationale du ministère de la culture ([17]) et porte des dépenses en faveur de musées territoriaux.

L’ensemble de ces crédits représente 406,06 millions d’euros en AE et 441,93 millions d’euros en CP en 2025 en retrait de 249,34 millions d’euros en AE (– 38 %) et en progression de 10,79 millions d’euros en CP (+ 2,5 %) par rapport à 2024.

L’essentiel de ces crédits concerne les subventions pour charges de service public (323,6 millions d’euros en AE et en CP) et les subventions d’investissement courant (13 millions d’euros) versées aux treize établissements nationaux suivants :

plf 2025 - subventions pour charges de service public et subventions d’investissement courant en faveur de 13 opérateurs
relevant de l’action 3

(en millions d’euros)

Opérateur

Subvention pour charges de service public 2025

(AE = CP)

Subvention d’investissement courant 2025

(AE = CP)

Centre national d’art et de culture Georges Pompidou

81,6

5,1

Établissement public du musée du quai Branly

24,5

 

Établissement public du château de Fontainebleau

3,6

2,1

Établissement public du palais de la porte dorée  Musée national de l’histoire de l’immigration

5,2

0,7

Institut national d’histoire de l’art

4,2

0,1

Musée des arts décoratifs

15,9

1,2

Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée

20,2

0,4

Musée Guimet

4,6

0,7

Musée Henner-Moreau

1,1

0,1

Musée du Louvre

95

2,2

Etablissement public administratif du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie – Valéry Giscard d’Estaing

38,1

 

Musée Picasso

4,9

0,4

Réunion des musées nationaux  Grand-Palais

24,7

 

Total

323,6

13

Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après le projet annuel de performances).

Les crédits de douze services à compétence nationale du ministère de la culture concernent les dépenses de fonctionnement courant (à hauteur de 13,2 millions d’euros en AE et de 16,1 millions d’euros en CP) et des dépenses d’investissement (à hauteur de 9 millions d’euros en AE et de 8 millions d’euros en CP), stables par rapport à 2024.

Les transferts aux collectivités territoriales (36,6 millions d’euros en AE et en CP), aux musées territoriaux (12,4 millions d’euros en AE et en CP) et les schémas directeurs du centre national d’art et de culture Georges Pompidou (pas d’AE, 29,2 millions d’euros en CP), du château de Fontainebleau (pas d’AE, 2,5 millions d’euros en CP), du musée Guimet (3 millions d’euros en AE et en CP) et de l’établissement public du palais de la porte dorée (pas d’AE et 1,1 million d’euros en CP) complètent ces crédits.

Comme indiqué précédemment, la principale caractéristique de l’action 3 est le très fort retrait des AE par rapport à 2024 (– 249,34 millions d’euros) en raison de l’absence, logique, de reconduction des AE ouvertes dans la précédente loi de finances en faveur des travaux pluriannuels du centre national d’art et de culture Georges Pompidou. D’autres baisses ponctuelles de crédits retiennent l’attention comme la réduction du financement du schéma directeur de l’établissement public du palais de la porte dorée qui ne dispose d’aucune AE et de 1,1 million d’euros en CP (contre 5,6 millions d’euros en AE et de 2,2 millions d’euros en CP en 2024).

L’évolution de ces crédits a suscité la réserve de certains opérateurs. Lors de son audition, M. Kim Pham, administrateur général du musée du Louvre a ainsi souligné que le montant de la subvention pour charges de service public de l’établissement (95 millions d’euros en AE et en CP, soit un montant stable par rapport à 2024) ne couvre plus que les deux tiers de sa masse salariale (145 millions d’euros). La demande d’ajustement de cette subvention, à hauteur de 10 millions d’euros supplémentaires, et de la subvention d’investissement (à hauteur de 20 millions d’euros supplémentaires) n’a pas été entendue.

4.   L’action 4 Patrimoine archivistique

L’action 4 Patrimoine archivistique soutient, à hauteur de 29,07 millions d’euros en AE et de 50,99 millions d’euros en CP le fonctionnement de différents acteurs en matière d’archives (les Archives nationales, les Archives nationales du monde du travail, les Archives nationales d’outre-mer et le Centre national du microfilm et de la numérisation). Ces crédits sont en retrait de 53,22 millions d’euros en AE (– 64,7 % ) et en progression de 14,52 millions d’euros en CP (+ 39,8 %) par rapport à 2024.

L’évolution constatée en AE s’explique par l’absence de renouvellement en 2025 des 54,7 millions d’euros AE ouvertes à titre exceptionnel en 2024 au titre du projet d’extension du site des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine. Comme pour le centre national d’art et de culture Georges Pompidou, ces AE ne devaient être ouvertes qu’une seule fois. En 2025, le montant des dépenses d’investissement de l’action 4 s’élève ainsi à 5,6 millions d’euros en AE et 27,6 millions d’euros en CP contre 58,85 millions d’euros en AE et 13,03 millions d’euros en CP en 2024.

La progression des crédits constatée en CP tient à l’engagement des travaux d’extension du site de Pierrefitte-sur-Seine pour lequel 17,7 millions d’euros en CP sont prévus en 2025 contre 2,3 millions d’euros en 2024.

L’action 4 porte également à hauteur de 14,8 millions d’euros en AE et en CP les crédits de fonctionnement de quatre services centraux à compétence nationale du ministère de la culture : les Archives nationales, les Archives nationales d’outre-mer, les Archives nationales du monde du travail et le Centre national du microfilm et de la numérisation, soit un montant stable par rapport à 2024.

Enfin, cette action finance à hauteur de 8,5 millions d’euros en AE et en CP des crédits déconcentrés en faveur notamment des services d’archives départementales et municipales (7 millions d’euros en AE et en CP), soit un montant stable par rapport à 2024.

5.   L’action 8 Acquisition et enrichissement des collections publiques

L’action 8 Acquisition et enrichissement des collections publiques soutient, à hauteur de 9,71 millions d’euros en AE et en CP (soit un montant en retrait de 65 000 euros par rapport à 2024) différentes dépenses d’acquisition réalisées par la RMN-GP, le fonds du patrimoine, la direction générale des patrimoines et de l’architecture, le CMN, la cité de l’architecture et du patrimoine, le musée Guimet, le centre national d’art et de culture Georges Pompidou et le musée du quai Branly.

En complément de ces crédits, l’enrichissement des collections publiques repose sur deux autres dispositifs : d’une part, l’obligation statutaire faite à quatre musées nationaux relevant du ministère de la culture (le musée du Louvre, le musée du quai Branly-Jacques Chirac, le musée du palais de la porte dorée et le musée d’Orsay et de l’Orangerie-Valéry Giscard d’Estaing) de consacrer une partie de leurs ressources de billetterie à des acquisitions ([18]) et, d’autre part, de manière prééminente, sur les dépenses fiscales, notamment celle relative aux trésors nationaux ([19]).

6.   L’action 9 Patrimoine archéologique

L’action 9 Patrimoine archéologique finance à titre principal l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et, de manière secondaire, d’autres dépenses archéologiques. L’ensemble des dépenses projetées s’établit à 167,56 millions d’euros en AE et à 167,72 millions d’euros en CP, soit des montants stables par rapport à 2024.

Le PLF prévoit un crédit de 92 millions d’euros en AE et en CP au titre des opérations de diagnostic d’archéologie préventive et de la mission de recherche de l’Inrap, soit un montant stable par rapport à 2024. Ces crédits sont complétés par une subvention pour charges de service public d’un montant de 7,5 millions d’euros en AE et en CP, également stable par rapport à 2024.

Selon les éléments communiqués par l’Inrap, l’activité de diagnostics et de fouilles demeure élevée. En 2023, cet établissement a reçu 2 608 prescriptions de diagnostic archéologique et en a réalisé 1 874 représentant 82 927 journées de travail. Durant cet exercice, l’Inrap a également réalisé 215 fouilles préventives représentant 145 742 jours travaillés. L’activité 2024 devrait cependant être légèrement inférieure à celle observée en 2023 et celle attendue en 2025 devrait confirmer cette baisse.

Les actions de l’Inrap en lien avec la bataille de Normandie

Élu d’un territoire marqué par la bataille de Normandie, notamment par les très intenses combats autour de la poche de Falaise, le rapporteur pour avis a interrogé l’Inrap sur les procédures appliquées en matière d’archéologie de la seconde guerre mondiale et de découverte de corps de soldats ou des civils.

En réponse, l’Inrap a indiqué que « les découvertes liées à la Bataille de Normandie sont régulières, et concernent presque toutes les opérations conduites aux alentours de Caen mais les prescriptions spécifiques restent rares (une seule a été conduite par l'Inrap, à Bretteville-sur-Odon). Néanmoins, dans les zones concernées, la plupart des prescriptions relatives aux autres périodes font mention des vestiges de la seconde guerre qui doivent être caractérisés et échantillonnés ».

En cas de découverte d’un corps, « l’opération s’interrompt immédiatement et une zone est délimitée autour de la découverte pour éviter toute contamination ou perturbation supplémentaire du site et des restes humains. La gendarmerie et la mairie sont ensuite informées et font le relais avec les autorités compétentes : parquet, ONACVG, ONF si la découverte a lieu dans le domaine forestier. La première phase est judiciaire : il convient tout d’abord de s’assurer de l’origine non criminelle de la mort en procédant à la levée de doute. […] Une fois que les investigations permettent d’établir avec certitude qu’il s’agit de restes humains appartenant à un soldat des deux derniers conflits mondiaux, la procédure judiciaire est close.

L’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, si possible en présence d’archéologues de la DRAC qui peuvent apporter toutes précisions historiques et scientifiques sur le contexte de la mort, procèdent, comme après la guerre, à la relève des restes humains en vue d’une réinhumation. Pendant toute la durée de cette opération, le site est placé sous la surveillance des forces de l’ordre, afin de le préserver de toute altération ou vol. Une fois les restes humains relevés, ils sont provisoirement placés dans le reposoir le plus proche, dans l’attente d’une inhumation ou d’une restitution qui interviendront après que les recherches relatives à l’état-civil aient été effectuées par le service de l’ONACVG compétent, le bureau de l’état-civil militaire situé à Metz, s’il s’avère que le soldat a pu être identifié. La restitution est aujourd’hui possible sur autorisation du ministre en charge des anciens combattants, la mesure étant forclose depuis 1921 mais provisoirement suspendue dans le cadre de découvertes tardives, la famille disposant d’un délai de trois mois après notification de l’identification du corps pour produire sa demande de restitution. […] Si le soldat est étranger, portant encore sur lui une plaque d’identité, ou présumé appartenir à un pays étranger, en raison des objets trouvés sur lui ou à proximité immédiate, le corps est remis au service des sépultures du pays concerné. »

Source : Inrap

L’action 9 Patrimoine archéologique prévoit également la reconduction à l’identique de plusieurs crédits :

– un crédit de 33,4 millions d’euros en AE et en CP en faveur du Fonds national pour l’archéologie préventive dont l’Inrap assure la gestion pour le compte du ministère de la culture dans le but d’accorder des subventions à certaines personnes projetant d’exécuter des travaux ayant donné lieu à une prescription de fouille d’archéologie préventive ;

– un crédit de 14,2 millions d’euros en AE et en CP pour compenser les frais engagés par les 65 collectivités territoriales habilitées à réaliser des opérations de diagnostic archéologique préventif ;

– un crédit de 14,9 millions d’euros en faveur d’autres dépenses complémentaires (financement de fouilles archéologiques programmées, soutien aux centres de conservation et d’étude et subvention de fonctionnement attribuée à la société d’économie mixte « Bibracte » gérant le site archéologique du Mont‑Beuvray).

II.   Des dépenses fiscales significatives méritant certains ajustements

A.   Des dépenses fiscales significatives REPRÉSENTANT UN cinquième des crédits du programme 175

Le programme 175 sert de support à 13 dépenses fiscales principales sur impôts d’État dont le coût est estimé à 326 millions d’euros en 2025, en progression de 34 millions d’euros par rapport à 2024.

Ces dépenses fiscales sont ainsi réparties :

DÉpenses fiscales rattachÉes au programme 175 – Évaluations 2023-2025

(en millions d’euros)

 

Chiffrage

2023

Chiffrage

2024

Chiffrage

2025

Bornage

Suppression du prélèvement de 20 % sur les capitaux décès lorsque le bénéficiaire est exonéré de droit de mutation à titre gratuit

105

105

105

Non

Taux de 5,5 % applicable aux livraisons d'œuvres d'art ou d'objets de collection ou d'antiquité, sauf lorsqu’elles sont soumises au régime particulier de la marge bénéficiaire

56

57

77

Non

Imputation sur le revenu global sans limitation de montant des déficits fonciers supportés par les propriétaires d’immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ou labellisés Fondation du patrimoine (immeubles bâtis)

48

48

48

Non

Réduction d’impôt sur le revenu au titre des dépenses de restauration d’immeubles bâtis situés dans les sites patrimoniaux remarquables (SPR), les quartiers anciens dégradés, et les quartiers du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) : Nouveau dispositif Malraux

41

40

40

Non

Déduction du revenu global des charges foncières supportées par les propriétaires d’immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ou labellisés Fondation du patrimoine et non productifs de revenus

23

27

28

Non

Réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises ayant effectué des versements en faveur de l’achat de Trésors nationaux et autres biens culturels spécifiques

45

1

14

Non

Exonération de la taxe forfaitaire sur les bijoux, objets d’art, de collection et d’antiquité en cas de vente aux musées bénéficiaires de l’appellation « musée de France » ou aux services d’archives et bibliothèques de l’État, d’une collectivité territoriale ou d’une autre personne publique

5

5

5

Non

Exonération de la taxe forfaitaire pour les cessions et exportations de métaux précieux, bijoux, objets d’art, de collection et d’antiquité réalisées par des non-résidents

5

5

5

Non

Exonération de TVA sur les objets d'art, de collection et d'antiquité, importés par les établissements agréés par le ministre chargé des affaires culturelles

2

2

2

Non

Réduction d’impôt sur le revenu au titre des travaux de conservation ou de restauration d’objets mobiliers classés monuments historiques

1

1

1

Non

Exonération des monuments historiques classés ou inscrits et des parts de SCI familiales détenant des biens de cette nature

1

1

1

Non

Exonérations de taxe d’archéologie préventive

nc

(non connu)

nc

nc

Non

Exonération des mutations à titre gratuit ou onéreux portant sur des œuvres d’art, livres, objets de collection ou documents de haute valeur artistique ou historique et agréés, dont le nouveau propriétaire fait don à l’État

0

0

0

Non

Total :

332

292

326

 

Source : projet annuel de performances.

Ce tableau appelle les observations suivantes :

 les dépenses fiscales représentent 20,2 % des crédits de paiement du programme 175 ce qui souligne leur part essentielle dans la politique publique du patrimoine. Cette part est cependant minorée puisque certaines dépenses fiscales relatives au patrimoine ne sont pas rattachées au programme 175. Ainsi, la dépense fiscale relative à la sauvegarde du patrimoine religieux instituée par l’article 30 de la loi de finances pour 2024 (cf. infra) est rattachée au programme 163 Jeunesse et vie associative de la mission Sport, jeunesse et vie associative comme tous les dons aux œuvres, y compris ceux destinés au patrimoine. Il en va de même pour les dépenses de mécénat. En réalité, les dépenses fiscales soutenant le patrimoine représentent donc plus que les 20,2 % des crédits de paiement du programme 175, sans qu’il soit possible de proposer une nouvelle estimation ;

 aucune des dépenses fiscales relatives au patrimoine n’est bornée dans le temps ce qui atteste de l’attachement du législateur à leur permanence ;

 la progression de 34 millions d’euros du coût prévisionnel des dépenses fiscales attendue en 2025 s’explique principalement par la hausse de 20 millions d’euros du coût de l’application d’un taux de 5,5 % sur la TVA applicable aux livraisons d’œuvres d’art ou d’objets de collection ou d’antiquité, sauf lorsqu’elles sont soumises au régime particulier de la marge bénéficiaire. Cette évolution est la conséquence, d’une part, du dynamisme du marché de l’art en France et, d’autre part, des aménagements institués par l’article 83 de la loi de finances pour 2024 qui a transposé en droit national les dispositions de la directive (UE) n° 2022/542 du Conseil du 5 avril 2022 modifiant les directives 2006/112/CE et (UE) 2020/285 en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée.

La progression du coût prévisionnel des dépenses fiscales tient également à la hausse attendue du montant de la réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises ayant effectué des versements en faveur de l’achat de Trésors nationaux et autres biens culturels spécifiques. Particulièrement instable et difficile à anticiper, le coût de cette dépense fiscale – essentielle à l’enrichissement des collections nationales – devrait représenter 14 millions d’euros en 2025, après un coût d’un million d’euros en 2024 et de 45 millions d’euros en 2023.

B.   Des dépenses fiscales méritant certains ajustements

Le rapporteur pour avis plaide pour l’engagement d’une réflexion sur l’aménagement de deux dépenses fiscales non rattachées au programme 175 Patrimoines mais en lien avec celui-ci.

Cette réflexion pourrait tout d’abord porter sur l’ouverture du crédit d’impôt relatif au mécénat aux travaux de rénovation énergétique réalisés dans les monuments historiques. Les travaux de restauration, de conservation et de mise en accessibilité des monuments historiques privés ouverts au public, conduits avec le soutien de la Fondation du patrimoine ou de fondations ou associations reconnues d’utilité publique et agréées par le ministère du Budget en faveur du mécénat, peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt au titre des dons des entreprises (CGI, 238 bis). Ces dispositions mériteraient d’être élargies pour prendre en compte les travaux de rénovation énergétique. Sur ce sujet, le rapporteur pour avis partage la recommandation n° 8 (visant à « réorienter les aides financières et fiscales pour leur permettre d’accompagner des rénovations énergétiques respectueuses du bâti ancien ») formulée par la sénatrice Mme Sabine Drexler, auteure d’un récent rapport d’information sur le patrimoine et la transition écologique (cf. supra).

Le rapporteur pour avis est également favorable à un aménagement du régime de la collecte en faveur du petit patrimoine religieux dont les premiers résultats sont très mitigés. L’article 30 de la loi de finances pour 2024, introduit à la suite d’un amendement déposé par le rapporteur pour avis, a instauré un taux exceptionnel de 75 % de réduction d’impôt sur le revenu des personnes physiques pour les dons (d’un montant maximal de 1 000 euros) effectués au profit de la Fondation du patrimoine en faveur de la conservation et de la restauration du patrimoine religieux immobilier appartenant à des personnes publiques et situé dans des communes de moins de 10 000 habitants (20 000 habitants pour les départements d’outre-mer ou dans les communes déléguées définies à l’article L. 2113-10 du code général des collectivités territoriales respectant ces mêmes seuils) ([20]). Cette disposition, similaire à celle instituée en 2019 pour soutenir la souscription en faveur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, s’applique aux dons effectués entre le 15 septembre 2023 et le 31 décembre 2025.

Comme l’a rappelé le ministère de la culture, « les immeubles éligibles relèvent du patrimoine religieux, principalement, sur le plan typologique, des églises, chapelles, temples, synagogues ou mosquées, des éléments bâtis d’anciennes abbayes, des presbytères, des maisons canoniales, couvents et monastères. […] Ces immeubles peuvent être affectés ou non au culte. Ils peuvent être protégés ou non au titre des monuments historiques » ([21]).

Les premiers résultats de cette collecte sont décevants puisque la Fondation du patrimoine a indiqué avoir réuni 2,95 millions d'euros (auprès de 15 85 donateurs) au titre de cette collecte et 9,01 millions d’euros complémentaires (auprès de 22 162 donateurs) dans le cadre de collectes locales éligibles à ce dispositif fiscal, soit un montant cumulé de 11,9 millions d’euros très éloigné de l’objectif de 200 millions d’euros sur quatre ans présenté lors de l’engagement de cette collecte.

Si la Fondation du patrimoine envisage de relancer des actions de communication, notamment à la faveur de la prochaine réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, il serait expédient d’étendre à d’autres associations (par exemple la Fondation pour la Sauvegarde de l’art français) que la seule Fondation du patrimoine la possibilité de collecter des fonds dans le cadre de cette collecte. Le rapporteur pour avis déposera un amendement en ce sens. Il serait également pertinent de centrer les actions de communication sur les collectes locales soutenant des projets clairement identifiés par les donateurs, plutôt que sur la collecte nationale.

III.   Le prochain achèvement du chantier de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris

Le 8 décembre 2024, la cathédrale Notre-Dame de Paris devrait rouvrir au public et au culte un peu plus de quatre ans après le dramatique incendie du 15 avril 2019 ayant détruit la flèche, la couverture et le grand comble de cet édifice.

La renaissance de cette cathédrale, à laquelle le rapporteur pour avis a été associé antérieurement à sa première élection à l’Assemblée nationale ([22]), offre l’opportunité de faire un point sur l’exécution de ce chantier et sur les conditions d’emploi des 843,1 millions d’euros recueillis dans le cadre de la souscription nationale autorisée par la loi n° 2019-803 du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet.

Le chantier a jusqu’à présent comporté deux phases et pourrait en comporter deux autres.

La première phase, particulièrement délicate, a consisté à consolider et à sécuriser l’édifice. D’un coût de 150,3 millions d’euros, cette séquence s’est achevée à l’été 2021.

La deuxième phase, celle de la restauration proprement dite, a débuté à l’été 2021 et devrait s’achever en décembre 2024 avec la réouverture de l’édifice au culte. Comme l’a rappelé le ministère de la culture, cette séquence a « permis de retrouver la flèche de la cathédrale et sa silhouette perdues depuis l’incendie ». Cette phase a également inclus la pose de la couverture en plomb, la fermeture des voûtes de la croisée du transept, la repose de la croix de Viollet-le-Duc au sommet du chevet et un ensemble de travaux techniques et de renforcement des conditions de sécurité du site. Le coût de ces travaux est estimé à 552 millions d’euros.

La troisième phase devrait concerner la restauration d’une partie des élévations extérieures (chevet et arcs-boutants, sacristie, etc.) dont « la restauration était nécessaire avant l’incendie et dont l’état a été aggravé par le sinistre ». Ces travaux s’effectueraient de 2025 à 2028 en lien avec l’aménagement des abords du site réalisé par la ville de Paris. L’engagement de cette phase suppose l’accord des donateurs. Selon les informations transmises par le ministère de la culture, « le tour de table réalisé par l’EP RNDP [établissement public administratif chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris] auprès des donateurs en début d’année 2024 a permis de confirmer le maintien de la quasi-intégralité des dons recueillis pour la poursuite des travaux de restauration de la cathédrale après la réouverture. […] Le solde disponible pour la phase 3 pourrait s’élever à 140,8 M€ » ([23]).

Une quatrième et dernière phase « restera à financer par la suite, concernant notamment la restauration extérieure des murs de la nef et de ses arcs-boutants ».

Le ministère de la culture a également précisé que le budget d’exploitation, d’entretien et de maintenance de la cathédrale « est estimé à un peu plus de 5 M€ par an à la réouverture, soit le double de ce qu’il était avant l’incendie, en raison notamment du renforcement de la sécurité incendie et de la sûreté ».

D’un point de vue financier, le programme 175 Patrimoines n’a participé que de manière marginale au chantier puisqu’il s’est contenté, d’une part, de prendre en charge le règlement du loyer des locaux occupés par l’établissement public précité et, d’autre part, de servir d’instrument technique pour le versement des fonds de concours à l’établissement public administratif chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

En complément de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, la question de la création au sein de l’Hôtel-Dieu, d’un « musée de l’œuvre » consacré à la cathédrale se pose également. Annoncé dans son principe le 8 décembre 2023 par le président de la République, ce projet a fait l’objet d’une mission de préfiguration confiée à M. Charles Personnaz, directeur de l’Institut national du patrimoine.

La réflexion sur ce sujet étant encore en cours, le PLF ne comporte aucun crédit en faveur de ce projet.


   Seconde partie : le fonds incitatif pour le patrimoine : un succès à conforter

Institué en 2018, le fonds incitatif pour le patrimoine (qui portait initialement le nom de « fonds incitatif et partenarial ») vise à soutenir des interventions d’entretien et de restauration sur des immeubles protégés au titre des monuments historiques appartenant à des propriétaires publics ou privés et situés prioritairement dans des communes à faibles ressources comptant moins de 2 000 habitants en métropole, et moins de 20 000 habitants outre-mer.

Financé par le ministère de la culture et mis en œuvre de manière déconcentrée par les directions régionales des affaires culturelles (Drac), le fonds incitatif pour le patrimoine (FIP) dispose de 20 millions d’euros de crédits en AE et en CP dans le PLF pour 2025, des moyens stables par rapport à 2024.

Créé pour répondre à la situation spécifique des petites communes à faibles ressources dotées d’un patrimoine protégé, ce dispositif associe des critères d’éligibilité classiques en matière de travaux avec une démarche partenariale en matière de financement (I). Six ans après son lancement, le FIP présente un bilan prometteur : sa montée en puissance a été régulière et les interventions soutenues répondent aux objectifs initiaux. Ces éléments positifs méritent cependant d’être consolidés pour, d’une part, répondre à certaines imperfections observées – notamment dans la répartition géographique des interventions – et, d’autre part, poursuivre la montée en puissance financière progressive de ce dispositif (II).


I. LE FONDS INCITATIF POUR LE PATRIMOINE VISE À RÉPONDRE À LA SITUATION SPÉCIFIQUE DES PETITES COMMUNES À FAIBLES RESSOURCES DOTÉES D’UN PATRIMOINE PROTÉGÉ

Le FIP s’attache à répondre à la situation spécifique des petites communes à faibles ressources dotées d’un patrimoine protégé en associant des critères d’éligibilité classiques en matière de travaux avec une démarche partenariale en matière de financement.

A.   La situation spÉcifique des petites communes dotÉes d’un patrimoine protÉgÉ

Très présent dans les territoires, le patrimoine protégé des petites communes présente un état sanitaire moins bon que la moyenne des monuments historiques et bénéficiait, avant la création du FIP, d’un soutien en déclin de la part des régions et des départements.

1.   Un patrimoine protégé très présent dans les petites communes

La richesse patrimoniale de nos territoires est une réalité. Au 1er janvier 2023, 85 % des communes comptaient moins de 2 000 habitants ([24]) et ces petites communes concentraient en 2018 près de la moitié (49,8 %) de l’ensemble des immeubles protégés au titre des monuments historiques.

RÉPARTITION DES MONUMENTS HISTORIQUES PAR TRANCHES DE POPULATION

Population communale

< 500 habitants

500 à 999

1 000 à 1 999

2 000 à 9 999

> 10 000

Nombre de MH

11 291

5 422

5 364

8 969

13 243

% MH

25,49

12,24

12,11

20,25

29,90

MH total existants, nombre cumulé

11 291

16 713

22 077

31 046

44 289

MH total existants, % cumulé

25,49

37,74

49,85

70,10

100

Source : ministère de la culture, État sanitaire des immeubles inscrits et classés au titre des monuments historiques, bilan 2013-2018, mars 2019, page 23.

Centré prioritairement sur les communes de moins de 2 000 habitants en métropole (mais pouvant aussi bénéficier aux communes métropolitaines dont la population reste inférieure à 10 000 habitants), le FIP intéresse également les communes ultramarines de moins de 20 000 habitants, dont le patrimoine protégé est cependant plus limité. Ainsi, d’après les éléments communiqués par le ministère de la culture, « sur les 556 monuments historiques ultramarins […] 261 se situent dans des communes de moins de 20 000 habitants » ([25]).

La forte présence des monuments historiques dans nos territoires s’explique par l’importance et la dissémination du patrimoine religieux protégé. Ainsi, selon un récent rapport du Sénat, et « d’après l’Observatoire du patrimoine religieux, la France pourrait compter jusqu’à 100 000 édifices religieux, tous cultes confondus, ce chiffre incluant aussi bien les lieux de culte actifs que ceux qui ne le sont pas, y compris des édifices dont ne subsistent que des ruines ou des vestiges » ([26]). Dans cet ensemble, « 15 000 […] bénéficient d’une protection au titre des monuments historiques » ([27]).

L’importance du patrimoine religieux communal est une singularité française, héritée de notre histoire ([28]).

2.   Un patrimoine protégé dans un état sanitaire moins bon que la moyenne des monuments historiques

Le patrimoine protégé des petites communes présente un état sanitaire moins bon que la moyenne des monuments historiques. Ainsi, selon l’état sanitaire précité, la proportion des immeubles protégés « en péril » et en « mauvais état » est systématiquement plus élevée dans les communes de moins de 2 000 habitants que dans les communes de plus de 2 000 et, a fortiori, de plus de 10 000 habitants.

Immeubles en péril et en mauvais état par tranche de population

 

Immeubles en péril

 

< 500 habitants

500 à 999

1 000 à 1 999

2 000 à 9 999

> 10 000

Total / moyenne

Nombre de MH en péril

482

249

248

431

457

1 867

Répartition des MH en péril suivant la taille de la commune

(en %)

25,82

13,34

13,28

23,09

24,48

100

Rapporté au % général des bâtiments analysés

4,81

5,05

5,10

5,33

4,03

4,76

Immeubles en mauvais état

Nombre de MH en péril

2 061

994

946

1 565

1 702

7 268

Part (en %)

28,36

13,68

13,02

21,53

23,42

100

Rapporté au % général des bâtiments analysés

20,58

20,15

19,46

19,37

15,01

18,53

Source : ministère de la culture, État sanitaire des immeubles inscrits et classés au titre des monuments historiques, bilan 2013-2018, mars 2019, pages 56 et 65

Les difficultés rencontrées dans les petites communes s’expliquent par les moyens limités de ces collectivités en termes financiers comme en termes d’ingénierie. Au moment du lancement du FIP, le directeur général des patrimoines soulignait ainsi auprès des préfets de région et des directeurs régionaux des affaires culturelles que « les petites communes concentrent […] sur leur territoire la majorité des monuments historiques sans, le plus souvent, disposer seules de ressources suffisantes pour en assurer l’entretien et la restauration, malgré l’impact positif de ce patrimoine sur le cadre de vie et l’attractivité économique de leurs territoires » ([29]).

3.   Un soutien en déclin des régions et des départements avant l’institution du FIP

La création du FIP en 2018 s’explique avant tout par la présence importante du patrimoine protégé dans les petites communes et par l’état dégradé de celui-ci. Cette initiative est également la conséquence de l’engagement en déclin des régions et des départements auprès de ces communes.

S’agissant des régions, et selon une enquête effectuée en 2016 par le ministère de la culture auprès de 11 régions, « 4 régions affichent une stratégie ; 5 régions accordent des aides ponctuelles ; 2 régions n’accordent pas d’aide ». Par ailleurs, en 2016, seules 8 régions envisageaient un maintien de ces aides et 3 entendaient les remettre en cause ([30]).

S’agissant des départements, la même enquête (conduite auprès de 96 départements) relevait que 7 % de ces collectivités ne soutenaient aucune action patrimoniale et, parmi les départements proposant de telles actions, 27 % projetaient une diminution des aides et 9 % un désengagement complet ([31]). Cette tendance a également été relevée par l’état sanitaire précité. Ce document souligne ainsi qu’« on observe […] un désengagement de certains départements sur les monuments historiques, en raison de difficultés financières de ces collectivités, partenaires traditionnels de l’État dans ce domaine » ([32]). La « diminution significative des aides de nombreux départements » a de nouveau été relevée par le ministère de la culture en 2020 en réponse à une question écrite ([33]).

B.   Le FIP : un outil centrÉ sur les petites communes À faibles ressources associant des critÈres d’ÉligibilitÉ classiques en matiÈre de travaux et une dÉmarche partenariale en matiÈre de financement

1.   Un outil centré sur le patrimoine protégé, public ou privé, des petites communes à faibles ressources

Le FIP vise à soutenir le patrimoine protégé, public ou privé, situé dans les petites communes à faibles ressources dans le but de « permettre la réalisation de projets n’ayant pas pu trouver la totalité des financements nécessaires à ce jour » ([34]) en excluant cependant les projets ayant déjà « fait l’objet d’une contractualisation, notamment au titre des CPER » (contrats de plan État région).

Le périmètre du FIP se limite au seul patrimoine immobilier protégé, public ou privé, à l’exclusion donc du patrimoine non protégé et du patrimoine mobilier protégé. Si l’exclusion du patrimoine mobilier protégé est un choix du ministère de la culture, l’exclusion du patrimoine non protégé est la conséquence de l’article 99 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales qui a transféré aux départements les financements en matière de patrimoine rural non protégé ([35]). Le FIP ne pose en revanche aucune condition quant à la nature de la propriété, publique ou privée, du monument historique soutenu. Comme l’a rappelé l’association La demeure historique lors de son audition, le FIP « ne soutient pas les monuments historiques appartenant aux communes mais les monuments historiques situés dans les communes ». La lettre précitée du 26 janvier 2018 indique ainsi clairement que l’intervention du fonds « portera exclusivement sur des édifices protégés au titre des monuments historiques appartenant, majoritairement, à des communes mais également, le cas échéant, à des propriétaires privés dont le monument historique est situé sur le territoire d’une commune éligible ».

Le FIP doit soutenir prioritairement les interventions en faveur du patrimoine protégé dégradé sans que ce dispositif se limite cependant à un fonds d’urgence. La lettre du 26 janvier 2018 invite ainsi les services de l’État à « privilégier les projets sur des monuments en péril ou présentant des besoins sanitaires avérés et à prendre en compte une typologie variée de patrimoines ».

Cette même lettre précise que « les interventions réalisées au titre du fonds devront concerner prioritairement des monuments historiques situés dans des communes de 2 000 habitants et moins, mais pourront également être étendues à des communes comprenant entre 2 000 et 10 000 habitants » en fonction de l’appréciation faite par les Drac de l’intérêt des projets et de la situation des collectivités concernées. Ultérieurement, ce critère démographique a été assoupli outre-mer pour y inclure les communes de moins de 20 000 habitants.

Les communes soutenues doivent être à « faibles ressources » sans cependant que cette notion soit définie par la lettre du 26 janvier 2018. Aucune référence n’est par exemple faite au potentiel fiscal des communes, ce qui confère une réelle souplesse au dispositif. Les communes concernées se situent sur tout le territoire, y compris en Corse. Sur ce point, une interprétation souple de l’article L. 4424-7 du code général des collectivités territoriales a prévalu ([36]).

2.   Des critères d’éligibilité classiques en matière de travaux

Les opérations relevant du FIP répondent à des critères d’éligibilité classiques en matière de travaux. La lettre du 26 janvier 2018 indique que « les projets financés concerneront des travaux de restauration, des travaux d’entretien, ou des diagnostics et études liés à des travaux de restauration ».

Sont ainsi éligibles au FIP les opérations nécessaires à la conservation des parties extérieures ou intérieures classées ou inscrites au titre des monuments historiques ([37]). Ces travaux comprennent notamment : les travaux d’entretien, de réparation, d’urgence ou de mise en sécurité strictement nécessaires à la conservation de l’immeuble (dispositifs de sécurité incendie, suppression ou neutralisation de réseaux ou d’installations techniques présentant un risque pour la sécurité) ; les missions de maîtrise d’œuvre afférentes aux travaux de restauration ; l’assistance à maîtrise d’ouvrage privée, en cas d’absence d’offre d’assistance à maîtrise d’ouvrage publique et d’insuffisance des ressources du propriétaire ; les études d’évaluation et de diagnostic préalables aux travaux de restauration incluant le cas échéant les expertises historiques, scientifiques et techniques et les travaux de restauration.

Ne sont en revanche pas éligibles les travaux sur des parties non protégées d’un immeuble protégé au titre des monuments historiques (une exception existant cependant pour les travaux strictement nécessaires à la conservation de la partie protégée de l’immeuble) ainsi que les travaux de modification ; les aménagements, et les opérations de maintenance tels que les travaux de rénovation (non patrimoniaux) de parties protégées sans valeur patrimoniale ; les travaux de décoration ; les travaux d’extension et d’aménagement d’espaces supplémentaires ; la création de mobilier ; la création artistique ; la création de mobilier liturgique et d’instruments de musique ; la rénovation ou la mise en œuvre d’installations électriques, de chauffage, de plomberie, l’installation de sanitaires, etc. ; la rénovation ou mise en œuvre de systèmes de mise en lumière ; la vérification périodique des fluides, équipements de sécurité incendie et panique, éclairage, chauffage, etc. ; les équipements ou installations liés à l’accessibilité.

Les dépenses d’amélioration de la performance énergétique sont également exclues du FIP.

3.   Un financement reposant sur un partenariat avec les régions et des subventions majorées de l’État

Le FIP repose sur un partenariat obligatoire entre l’État et les régions, et sur les subventions majorées versées par l’État.

La lettre précitée du 26 janvier 2018 précise que « l’un des objectifs du fonds est d’encourager et d’accroître la participation des régions ». Dans cette perspective, chaque opération doit faire l’objet d’un cofinancement par une région à hauteur de 15 % minimum en métropole et de 5 % minimum outre-mer.

D’autres institutions, publiques comme privées, peuvent participer au tour de table de chaque opération. Les départements, la Fondation du patrimoine ou des mécènes privés peuvent ainsi contribuer au financement des travaux. La lettre du 26 janvier 2018 précise qu’« en toute hypothèse, la somme des interventions du propriétaire, de la région et, éventuellement, d’une collectivité publique ne pourra pas être inférieure à 20 % ».

Sur cette base, les opérations relevant du FIP peuvent disposer de subventions majorées de la part de l’État. La lettre précitée du 26 janvier 2018 indique ainsi que le fonds « doit permettre de financer une intervention accrue de l’État au travers de taux de subventions majorées ». Ainsi, pour les monuments classés, le taux de financement de l’État pourra être supérieur au taux habituel dans la limite de 80 % tandis que, pour les monuments inscrits, l’apport de l’État pourra être porté à 40 %, soit la limite maximale déterminée par l’article L. 621‑29 du code du patrimoine.

II.   Un bilan positif devant être consolidé

A.   UN BILAN positif et vertueux

Le bilan du FIP est positif au regard de sa montée en puissance régulière et du respect de ses objectifs initiaux.

1.   Une montée en puissance régulière

L’adhésion rapide des régions et l’engagement financier réitéré de l’État ont permis une croissance régulière du nombre d’opérations.

a.   L’adhésion des régions

Le FIP a bénéficié de l’adhésion rapide des régions. À l’exception de la région Normandie (qui, par choix politique, a attendu 2024 pour participer au FIP), toutes les régions ont rejoint ce dispositif dès 2018 ([38]).

L’engagement des régions a été complété par une participation active de la majorité des départements. Ainsi, depuis 2018, 60 départements ont participé à au moins une opération du FIP. En revanche, lors de son audition, M. Alexandre Giuglaris, directeur général de la Fondation du patrimoine a indiqué ne pas prendre en compte ce dispositif dans le choix de ses interventions : si la Fondation ne s’interdit pas de soutenir une opération relevant du FIP, elle n’accorde pas une attention particulière à celui-ci.

La participation active des régions et des départements au fonctionnement du FIP constitue un motif de satisfaction. Cependant, si l’intervention des collectivités locales fait la force du FIP, elle en constitue aussi potentiellement sa faiblesse puisque ces collectivités sont toujours susceptibles de se désengager en cas de tensions sur leurs ressources. Comme M. Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l’architecture, l’a rappelé lors de son audition, « le FIP, ce n’est pas un problème de besoin. C’est un problème d’implication des communes et des régions ».

b.   Près de 850 opérations ont été engagées entre 2018 et 2023

Entre 2018 et 2023, 843 interventions ont été diligentées dans le cadre du FIP, soit environ 150 opérations par an.

ÉVOLUTION ANNUELLE DU NOMBRE D’OPERATIONS ENGAGÉES entre 2018 et 2023

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Total

142

151

126

144

126

154

843

Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les données du ministère de la culture)

Le FIP a rapidement trouvé son rythme de croisière.

Ces 843 interventions ont porté sur 439 monuments historiques classés, sur 338 monuments historiques inscrits et sur 66 monuments historiques à protection mixte. La plus petite subvention accordée s’est élevée à 1 629 euros (étude de diagnostic sur l’église Saint-Martin de Louvigné en Mayenne) et la subvention la plus haute a représenté 1 088 026 euros (restauration du chœur et des bras Nord et Sud du transept de la collégiale Saint-Pierre à Aire-sur-la-Lys dans le Pas-de-Calais).

c.   Une montée en puissance financière progressive et régulière

Tous financements confondus, les 843 opérations du FIP recensées entre 2018 et 2023 ont représenté 252,17 millions d’euros en autorisations d’engagement (le montant, tous financements confondus, en crédits de paiement n’est pas connu). Ce montant se décompose en 114,87 millions d’euros apportés par l’État, 44,35 millions d’euros provenant des régions, 35,96 millions d’euros de crédits apportés par les départements et 56,99 millions d’euros de crédits provenant de tiers.

Les crédits de l’État ont été augmentés progressivement. Entre 2018 et 2024, les crédits ouverts en faveur du FIP ont ainsi été portés de 15 à 20 millions d’euros par exercice.

OUVERTURE DES CRÉDITS EN FAVEUR DU FIP

(en millions d’euros)

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

15

0

15

8

15

9,2

15

15

16

16

18

18

20

20

114

86,2

Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les données du ministère de la culture)

L’affectation des crédits de paiement a été plus lente que celle des autorisations d’engagement afin, selon la direction générale des patrimoines et de l’architecture, « de laisser le temps de voir des projets émerger » ([39]). Le taux de consommation des crédits ainsi ouverts est satisfaisant en autorisations d’engagement et, dans une moindre mesure, en crédits de paiement ([40]).

CONSOMMATION DES CRÉDITS DU FIP ENTRE 2018 ET 2023

(en millions d’euros et en % des crédits ouverts)

2018

AE

14,49

96,6 %

CP

2,3

-

2019

AE

15,81

105,4 %

CP

6,92

86,5 %

2020

AE

15,09

100,6 %

CP

6,73

73,15 %

2021

AE

14,73

98,20 %

CP

14,06

93,73 %

2022

AE

17,56

109,75 %

CP

13,12

82 %

2023

AE

17,29

96,06 %

CP

13,39

74,39 %

2024

AE

Non connu

 

CP

 

Total

AE

94,97

83,31 %

CP

56,53

65,58 %

Source : ministère de la culture

Le bon fonctionnement du dispositif tient également aux subventions majorées accordées par l’État. Tous chantiers confondus (c’est-à-dire en agrégeant les chantiers sur des monuments historiques classés et sur des monuments historiques inscrits), la participation moyenne de l’État au financement des opérations relevant du FIP s’établit à 45,55 % alors que « les subventions pour les immeubles classés varient généralement de 30 à 50 % du coût des travaux » et que les « subventions pour les immeubles inscrits se situent entre 10 à 20 % » du coût des travaux ([41]).

2.   Des interventions répondant aux objectifs, même si l’absence de certaines données ne permet pas d’apprécier la totalité des effets du FIP

a.   Les communes de moins de 2 000 habitants sont au centre du dispositif

Comme cela était souhaité, les interventions du FIP ciblent prioritairement les communes de moins de 2 000 habitants puisque plus des trois-quarts des interventions les concernent.

2018- 2023 - RÉPARTITION DES INTERVENTIONS ENTRE LES COMMUNES DE MOINS ET DE PLUS DE 2 000 HABITANTS

Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les données du ministère de la culture)

b.   Les interventions engagées privilégient le patrimoine public, essentiellement religieux

Les interventions privilégient le patrimoine public (94 %), essentiellement religieux (84 %).

RÉPARTITION DES INTERVENTIONS ENTRE LES PROPRIÉTAIRES PUBLICS ET LES PROPRIÉTAIRES PRIVÉS entre 2018 et 2023

Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les données du ministère de la culture)

La très forte proportion des propriétaires publics constitue une surprise puisque, selon l’état sanitaire de 2018, les propriétaires privés détiennent un tiers des monuments historiques dans les communes de moins de 2 000 habitants ([42]). Cette situation tient à la fois au choix de certaines régions de ne pas financer des interventions en faveur de propriétaires privés (aucune intervention en ce sens n’est ainsi recensée dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Centre-Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Hauts-de-France et dans les outre-mer) et à la priorité accordée au patrimoine religieux.

Entre 2018 et 2023, plus de huit interventions sur dix diligentées dans le cadre du FIP ont concerné le patrimoine religieux.

NATURE DES IMMEUBLES PROTÉGÉS AYANT FAIT L’OBJET D’UNE INTERVENTION AU TITRE DU FIP entre 2018 et 2023

Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation (d’après les données du ministère de la culture)

c.   L’absence de certaines données ne permet pas d’apprécier la totalité des effets du FIP

L’analyse du bilan du FIP se heurte à certaines limites tenant à l’imparfait recueil des informations relatives aux interventions de ce fonds.

Le ministère de la culture n’a ainsi pas été en mesure de fournir des données consolidées portant sur l’état des monuments historiques traités (quelle est la part des monuments qui, avant l’intervention du FIP, était « en péril » ou « en mauvais état » ?), sur la nature fine des interventions réalisées (mise en sécurité, consolidation du bâti, etc.) et sur la taille des communes concernées (les données les plus fines intéressent les communes de moins de 2 000 habitants sans décomposition possible entre les communes de moins de 500 habitants, de 500 à 999 habitants, et de 1 000 à 1 999 habitants).

Les données communiquées ne permettent pas non plus d’apprécier l’évolution de l’état des monuments historiques à la suite d’une intervention du FIP. Si, naturellement, les chantiers réalisés ont permis d’améliorer l’état sanitaire des immeubles concernés, il n’est pas possible de savoir dans quelle mesure.

B.   UN BILAN à consolider

Très positif, le bilan du FIP doit être consolidé pour remédier à certaines imperfections tenant à la répartition géographique des interventions, à l’imparfaite communication assurée auprès des élus locaux, et au volume financier de ce fonds.

1.   La répartition géographique des opérations est imparfaite

La principale difficulté rencontrée par le FIP tient au déséquilibre géographique de ses interventions. Ainsi, sur la période 2018-2023, le nombre d’opérations par région oscille entre zéro (dans trois régions) et 119 (Auvergne-Rhône-Alpes).

Répartition des opérations du FIP par région

RÉGION/CT

Nombre d’opérations et part dans les opérations du FIP

Montants engagés par l’État

(en euros)

Guadeloupe

0

 

Martinique

0

 

Mayotte

0

 

Guyane

1

(0,12 %)

 650 000

Réunion

2

(0,24 %)

 408 538

Corse

3

(0,36 %)

 100 478

Centre-Val de Loire

20

(2,37 %)

 2 413 056

Provence-Alpes-Côte d’Azur

20

(2,37 %)

 3 032 331

Hauts-de-France

32

(3,80 %)

 6 832 990

Grand Est

41

(4,86 %)

 8 035 862

Normandie

(région + départements)

68

(8,07 %)

 6 083 601

Pays de la Loire

70

(8,30 %)

 10 944 799

Bretagne

80

(9,49 %)

 13 390 220

Nouvelle Aquitaine

90

(10,68 %)

 13 302 388

Occitanie

90

(10,68 %)

 10 150 071

Bourgogne Franche-Comté

92

(10,91 %)

 9 253 323

Île-de-France

115

(13,64 %)

 14 666 677

Auvergne Rhône-Alpes

119

(14,12 %)

 15 610 309

Total 

843

 114 874 642

Source : ministère de la culture

Ce tableau appelle les observations suivantes :

 le FIP n’a pas trouvé sa place outre-mer où seules trois opérations ont été conduites à La Réunion (2) et en Guyane (1), aucun chantier n’étant recensé ailleurs. Pourtant, sur les 556 monuments historiques ultramarins, 261 se situent dans des communes de moins de 20 000 habitants. Autrement dit, de 2018 à 2023, à peine 1,1 % des monuments historiques situés dans les communes ultramarines de moins de 20 000 habitants ont bénéficié d’une action du FIP contre 2,7 % et 3,8 % des monuments historiques situés dans les communes métropolitaines de moins de 10 000 et de 2 000 habitants ([43]) ;

 certains déséquilibres existent en métropole. La région Nouvelle-Aquitaine est par exemple la cinquième région bénéficiant du FIP (en nombre de chantiers) alors que ce territoire était, en 2018, la région comptant le plus grand nombre de monuments historiques (6 118), loin devant les régions Auvergne-Rhône-Alpes (4 639) et Occitanie (4 634). Un déséquilibre est également constaté pour la région Centre-Val de Loire qui ne recense que 20 opérations du FIP sur la période 2018–2023 alors que ce territoire, largement rural, comptait 2 729 monuments historiques (pour l’ensemble de ses communes, y compris celles de plus de 2 000 habitants).

Interrogé sur ces déséquilibres, M. Hébert a souligné les particularités du patrimoine historique ultramarin ainsi que les différences d’implication des régions en métropole.

Le rapporteur pour avis considère qu’un travail doit être entrepris, plus particulièrement outre-mer, avec les collectivités concernées afin de répondre aux déséquilibres géographiques constatés.

2.   La communication auprès des élus locaux

Le FIP est un dispositif incontestablement utile mais peu connu.

Lors d’un échange avec des associations d’élus locaux, ni le représentant de l’Association des maires ruraux de France, ni la vice-présidente d’un département francilien chargée du patrimoine n’avaient connaissance de ce dispositif. Dans son territoire, le rapporteur pour avis n’a jamais été sollicité par un maire sur ce sujet.

Interrogé sur ce point, M. Hébert a indiqué que les Drac privilégient pour l’instant une démarche « d’aller vers » plutôt qu’une large politique de communication. De rares initiatives contraires sont signalées. En Bretagne, la Drac a publié une vidéo de présentation de ce fonds et, lors du Salon des maires et des collectivités locales et du Salon international du patrimoine culturel, un prospectus sur le FIP était mis à disposition des élus sur le stand du ministère de la culture.

Peu associée à ce dispositif, la Fondation du patrimoine et les autres associations de protection du patrimoine reconnues d’utilité publique (comme la Fondation pour la sauvegarde de l’art français) n’assurent pas de communication complémentaire autour du FIP.

Le rapporteur pour avis considère que les Drac devraient engager un travail d’information des élus locaux, et plus particulièrement des maires, sur le FIP. Si la démarche « d’aller vers » a produit des effets (comme l’atteste le bilan positif du FIP), il serait utile de compléter celle-ci par une politique d’information plus générale. En ce sens, la DGPA pourrait réaliser une vidéo de présentation du FIP inspirée de celle faite par la Drac Bretagne afin de la diffuser auprès des élus locaux à l’occasion de réunions d’information plus générales.

3.   Le périmètre du FIP devrait être étendu au mobilier protégé et les moyens du FIP devraient poursuivre leur croissance régulière

L’exclusion du mobilier protégé du périmètre du FIP devrait être corrigée. Le rapporteur pour avis considère ainsi que lorsqu’une restauration est engagée, il faut aller au bout des choses. Ainsi, si une église est restaurée, il ne faut pas s’arrêter à la restauration du clos et du couvert ; il importe également de restaurer, le cas échéant, le mobilier, par exemple les peintures. Un élargissement du périmètre du FIP favoriserait également un meilleur fonctionnement de ce dispositif outre-mer où le patrimoine mobilier, notamment celui en lien avec la mer, est particulièrement riche.

Le 22 octobre 2024, lors de son audition devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, Mme Rachida Dati, ministre de la culture, a fait part de son intérêt pour cette proposition.

Il serait souhaitable que les moyens du FIP poursuivent leur croissance régulière. Plusieurs considérations plaident en ce sens. En premier lieu, une extension du périmètre du FIP au patrimoine mobilier entrainerait de nouvelles demandes. Par ailleurs, il est probable que la récente entrée dans le dispositif de la région Normandie accroisse le nombre de sollicitations du FIP. La relance, en application de la circulaire MC/SG/MPDOC-2023-036 du 4 août 2023 relative à la protection du patrimoine religieux au titre des monuments historiques, d’une campagne d’inscription ou de classement au titre des monuments historiques des édifices cultuels construits notamment au XIXème et au XXème siècles devrait avoir pour effet d’accroître le nombre d’édifices ruraux protégés ([44]). Enfin, si des actions de communication sont engagées en direction des élus locaux, il serait logique qu’elles suscitent également aussi de nouvelles demandes.

Compte tenu de ces différents éléments, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, le rapporteur pour avis a déposé un amendement relevant de 20 à 22 millions d’euros les crédits du FIP ([45]). Le 23 octobre 2024, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a adopté cet amendement. Le rapporteur pour avis espère que cette décision sera confirmée à l’issue de l’examen parlementaire de l’ensemble du projet de loi de finances pour 2025.

 


   Travaux de la commission

I.   Audition de la ministre

Lors de sa réunion du mardi 22 octobre 2024 à 16 heures 45 ([46]), la commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324  seconde partie), Mme Rachida Dati, ministre de la Culture.

Mme la présidente Fatiha Keloua-Hachi. Nous commençons l’examen du projet de loi de finances pour 2025 par l’audition de Madame Rachida Dati, ministre de la culture, et l’examen des missions Culture, Médias, livre et industries culturelles et Audiovisuel public.

Avant de vous céder la parole, Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur deux points. Concernant le pass culture, pouvez-vous nous éclairer sur la nature et le calendrier des évolutions annoncées ? Une partie de la fraction individuelle sera-t-elle consacrée aux spectacles vivants ? Envisagez-vous une modulation des montants alloués en fonction des revenus familiaux des jeunes bénéficiaires ? Une augmentation de la part collective est-elle également à l’étude ?

Ma seconde question porte sur la réduction de 10,3 millions d’euros de la dotation du fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) locale. Comment justifiez-vous cette diminution, qui représente 84 % de la baisse des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles en 2025 ? Quelles seront les répercussions sur les radios associatives ?

Je vous invite maintenant à nous présenter votre projet de budget pour 2025.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Je suis ravie de poursuivre ma mission à la tête du ministère de la culture, que je considère comme un ministère régalien et essentiel pour la cohésion de notre société fracturée. Ces derniers mois m’ont confortée dans cette conviction. Le ministère de la culture porte des enjeux fondamentaux pour la réduction des inégalités et la construction citoyenne.

Dans le contexte actuel de difficultés pour nos finances publiques, l’État se doit d’être exemplaire. Le ministère de la culture prendra sa part dans les efforts à fournir, comme il l’a déjà fait lors de la précédente réduction des dépenses. Néanmoins, en tant que ministre de la culture, je veillerai à garantir les moyens nécessaires à nos politiques culturelles, en maintenant un équilibre.

Nous avons une première bonne nouvelle, la stabilité du budget du ministère de la culture, reconduit à 4,045 milliards d’euros pour 2024. Cela témoigne de l’engagement du gouvernement et du soutien des parlementaires envers notre mission d’accessibilité de la culture pour tous. Malgré le contexte difficile, le budget demeure à son plus haut niveau historique. Je rappelle que depuis l’élection du président de la République, le budget de la culture a augmenté de plus de 1 milliard d’euros.

La deuxième bonne nouvelle concerne l’annulation des 204 millions d’euros prévus en début d’année, qui ne figurent plus dans ce projet de loi de finances (PLF). Ce texte prévoit donc une hausse des moyens du ministère de 206 millions d’euros par rapport à cette année, nous permettant de préserver l’action du ministère dans tous les secteurs.

Concernant la mission Culture, dans le secteur de la création artistique, les crédits sont intégralement préservés à hauteur de 1,04 milliard d’euros, dont 550 millions d’euros consacrés aux secteurs subventionnés en région. Comme je m’y étais engagée lors des annulations de crédits en février dernier, aucun euro n’a manqué en région. Je m’en assure personnellement lors de mes déplacements hebdomadaires dans les territoires.

L’État a tenu ses engagements et soutenu ces structures. Les crédits consacrés aux spectacles vivants, hors opérateurs nationaux, sont en hausse de 45 millions d’euros entre 2022 et 2024, dont près de 9 millions d’euros en 2024 dans le cadre du plan Mieux produire, mieux diffuser.

La philosophie de ce plan vise à répondre aux enjeux majeurs du secteur : améliorer la circulation des œuvres et inciter les collectivités à accroître leur participation financière. Le bilan de la première année s’avère très positif, avec 9 millions d’euros du ministère de la culture ayant entraîné une participation des collectivités territoriales de 12,5 millions d’euros, permettant la concrétisation de nombreux projets vertueux.

Nous poursuivrons cet effort collectif en optimisant la production par des mutualisations et en améliorant la diffusion, notamment via des séries plus longues pour consolider certains modèles économiques du spectacle vivant. Nous renforçons notre collaboration avec les élus locaux et les parlementaires, notamment à travers les contrats de territoire pour la création artistique. J’ambitionne d’étendre ce dispositif au-delà du spectacle vivant, comme l’illustre l’accord signé en Charente-Maritime.

Ces dernières années, l’État a assumé seul l’augmentation continue des soutiens. Dans un contexte difficile, je préserve le budget dédié à la création artistique, mais cela ne suffira pas. Il est impératif de convaincre les collectivités de maintenir leur engagement et d’inciter le secteur à explorer de nouveaux leviers, tels que la politique tarifaire. Bien que je sois attachée à des tarifs très bas pour certains publics, cela étant un pilier de la démocratie culturelle, nous devons mener une réflexion globale sur le modèle économique du spectacle vivant pour assurer sa pérennité.

Les moyens alloués aux festivals sont reconduits en 2025, avec un total de 32 millions d’euros. Je suis disposée à aborder ce sujet plus en détail, notamment avec Monsieur Balanant, pour qui je sais que c’est une préoccupation majeure.

Concernant la démocratisation culturelle et l’accès aux métiers de la culture, ces priorités restent au cœur de mon action. Je reconnais une baisse de 17 millions d’euros du budget dédié à la démocratisation culturelle, principalement sur le soutien à l’éducation artistique et culturelle. Cependant, il convient d’analyser cette baisse en tenant compte du pass culture et de sa part collective, dont la mise en œuvre rencontre des obstacles, notamment de mobilité. Malgré les contraintes budgétaires, je reste déterminée à préserver ce dispositif essentiel.

Quant à la réforme du pass culture, j’avais pressenti que sa part individuelle favorisait la reproduction sociale. En effet, son utilisation nécessitait une certaine familiarité avec les structures culturelles. L’objectif du pass culture doit être de faciliter l’accès à la culture pour les personnes les plus éloignées, que ce soit en milieu rural ou dans les quartiers prioritaires de la ville. Les chiffres sont éloquents : en zone rurale, la mobilité constitue un obstacle majeur, tandis que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, notamment en région PACA et en Île-de-France, la part individuelle reste faiblement mobilisée malgré une offre culturelle dense, suggérant que la mobilité n’est pas le seul facteur en jeu. Je m’engage à réformer en profondeur la part individuelle du pass culture, qui ne doit plus être un simple instrument de consommation culturelle ou de reproduction sociale. Dès ma prise de fonction en janvier dernier, j’ai lancé un plan ruralité financé à hauteur de 34 millions d’euros, répartis entre cette fin d’année et l’année prochaine, dont une grande partie provient du plan France 2030. La ruralité a trop longtemps été négligée dans nos politiques culturelles. Lorsqu’on évoquait l’accès à la culture ou la démocratie culturelle, on se concentrait sur les quartiers populaires, oubliant les 22 millions de nos compatriotes vivant en zone rurale. Le plan que j’ai élaboré suite à une large consultation répond à plusieurs problématiques : la diffusion du spectacle vivant dans les zones sous-équipées, l’accompagnement des élus pour la préservation et l’utilisation du patrimoine, le renforcement de l’action nationale de nos établissements publics et l’adaptation des horaires d’ouverture, notamment des petites médiathèques. Ce plan se traduit par un budget de 14 millions d’euros pour 2025, s’ajoutant aux 20 millions mobilisables dès cette année.

Le patrimoine demeure une priorité claire de ce budget, avec une légère augmentation de 7 millions d’euros, portant l’enveloppe à plus de 1,2 milliard d’euros. Nous poursuivons ainsi les grands chantiers engagés, notamment pour des raisons de sécurité et de mise aux normes. Je citerai la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul à Nantes (6 millions d’euros), l’extension du site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine (17,7 millions d’euros) et la restauration du Centre Pompidou (29 millions d’euros dès l’an prochain). Nous lançons également des projets importants pour la revitalisation de nos territoires, tels que la reconversion de l’ancienne abbaye-prison de Clairvaux (14,3 millions d’euros) et la valorisation du château de Gaillon en Normandie (4,3 millions d’euros). Le projet de Clairvaux est particulièrement urgent, car l’inaction nous coûte 3 millions d’euros par an en frais de sécurisation.

Néanmoins, le budget alloué à la restauration des monuments historiques connaît une légère baisse. Les besoins de notre patrimoine dépassent notre dotation budgétaire, malgré sa stabilisation à un niveau historique. Nous faisons face à un mur d’investissement, aggravé par l’inflation. Les besoins dans les territoires sont insuffisamment couverts, comme j’ai pu le constater lors du lancement du plan ruralité et de mes déplacements.

En résumé, le point noir que j’identifie dans la mission Culture concerne le patrimoine. Malgré un budget à son plus haut niveau historique, nous ne sommes pas en mesure de répondre à une situation exceptionnelle qui nécessiterait une mesure véritablement exceptionnelle. Le patrimoine reste un élément fort de cohésion pour tous, transcendant les jugements individuels.

J’ai fait du patrimoine une priorité, tant dans les projets à réaliser que dans les investissements et le fonctionnement. Car si investir est important, le fonctionnement l’est davantage. La question du patrimoine en France concerne principalement les usages. Trop longtemps, nous avons restauré et protégé sans considérer l’utilisation, ce qui nous contraignait à refinancer lors de dégradations ou de catastrophes. Je souhaite donc que nous élaborions ensemble une nouvelle politique patrimoniale.

Concernant la mission Média, livre et industries culturelles, je poursuivrai l’accompagnement des acteurs de ce secteur en pleine mutation. Les industries culturelles affrontent en première ligne les grandes mutations numériques, et nos politiques soutiennent la diversité et le renouvellement de la création.

Pour le cinéma, l’efficacité de nos modalités de soutien est reconnue, comme en témoigne l’absence de plafonnement des taxes du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui conservera l’intégralité de ses moyens opérationnels, soit 780 millions d’euros en 2025. En janvier, la pérennité de ce modèle de financement n’était pas assurée. Ce budget, entièrement alimenté par une surfiscalité prélevée sur les entreprises du secteur, a bénéficié ces dernières années des contributions des plateformes américaines. Cela permettra de financer les mesures en faveur de la diffusion, comme je l’ai annoncé récemment à Lyon. Le CNC ne se limitera plus à la production, mais s’engagera désormais dans la diffusion, une mission que j’ai évoquée lors du festival de Cannes et qui a déjà débuté.

Je me réjouis que ce texte préserve les différents crédits d’impôt pour le cinéma, l’audiovisuel, les tournages internationaux et les jeux vidéo. Malgré les débats sur les crédits d’impôt et les niches fiscales, ce secteur génère plus de revenus qu’il n’en coûte : 6 à 7 euros d’activité en France pour 1 euro de dépenses fiscales. C’est un secteur d’attractivité, un vivier d’emplois, un pilier culturel important pour la France, mais aussi une véritable industrie.

Nous recherchons également une plus grande cohérence dans nos politiques. Nous ne pouvons pas investir 300 millions d’euros de France 2030 dans nos studios, comme à Coulommiers, sans soutenir la production locale. Je vous rappelle que le film d’Audiard, Emilia Pérez, qui semble tourné en Amérique du Sud, a été intégralement réalisé dans les studios à Bry-sur-Marne. Nous investissons également dans nos écoles, comme la CinéFabrique à Marseille et à Lyon, pour éviter la délocalisation des tournages.

Concernant la presse et les médias, l’État maintient son soutien de 365,7 millions d’euros et préserve les crédits de 26 millions d’euros alloués au pluralisme, ainsi que le fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité. Le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale subit une baisse de 10 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale de 2024. J’ai rencontré les représentants du secteur et je me suis engagée à trouver des solutions. Ces radios locales associatives sont essentielles car, dans certaines régions, elles constituent presque le seul accès à la culture. Nous y sommes tous très attachés et je pense que nous trouverons une solution ensemble.

Quant à l’audiovisuel public, je regrette l’interruption de la réforme de sa gouvernance, car les raisons qui la motivaient demeurent. Je vous le dis clairement, le statu quo n’est pas envisageable pour l’audiovisuel public, indépendamment de nos différences politiques ou idéologiques.

Je suis profondément attaché à l’audiovisuel public. J’ai toujours affirmé, même avant d’être ministre de la culture, que pour une partie de nos compatriotes, il représente le premier accès à la formation, à la culture, à la liberté, à l’émancipation, voire à la cohésion. Cependant, ce secteur ne se réforme pas. Je dois vous avertir qu’il risque de s’affaiblir, voire de disparaître. Je pense que nous pourrions avancer sur cette réforme de la gouvernance de manière concertée.

Dans le projet de loi de finances 2025, le financement de l’audiovisuel public est prévu par le biais du budget général. Une proposition de loi organique sera examinée demain au Sénat pour sanctuariser l’affectation d’un montant de TVA au financement de l’audiovisuel public. L’enjeu consiste à garantir la pérennité et la prévisibilité du financement du secteur, tout en encourageant sa réforme.

Concernant le budget de l’audiovisuel public, il est maintenu au niveau de 2024, malgré certaines affirmations contraires. Il apparaîtra en retrait par rapport à la trajectoire des contrats d’objectifs et de moyens, avec un écart d’environ 80 millions d’euros. Cette différence s’explique notamment par les 50 millions de crédits de transformation, destinés à favoriser les coopérations et à amorcer la réforme de la gouvernance. Le report de la réforme entraîne logiquement un décalage des crédits associés. Il convient de remettre tout cela en cohérence.

Abordons maintenant la question du patrimoine, qui suscite de réelles préoccupations. Nous préservons l’essentiel dans ce projet de budget, atteignant même un niveau historiquement élevé. La lettre-plafond que j’avais reçue cet été était difficilement défendable, mais nous avons démontré la nécessité de sauvegarder cette mission culturelle.

Nous sommes conscients que la légère augmentation de 7 millions d’euros des crédits patrimoine ne permet pas de répondre pleinement à nos ambitions et aux attentes des Français. Le patrimoine n’a jamais été autant plébiscité, comme en témoigne l’affluence croissante aux journées du patrimoine. Pourtant, nous le laissons se dégrader en partie, agissant souvent dans l’urgence, comme l’illustrent les fonds débloqués par le président de la République pour le plan incendie ou le plan de mise aux normes, dont Notre-Dame est l’exemple le plus emblématique.

L’année prochaine concentre de nombreux enjeux. La concertation sur la ruralité a révélé que le patrimoine de proximité constituait souvent le seul équipement culturel local, insuffisamment entretenu ou exploité. Ce constat rejoint les conclusions de la mission Bern, qui a mis en lumière la dégradation de certains joyaux de notre patrimoine faute de financements dans les schémas classiques.

Nous souhaitons que 2025 soit l’année d’une prise de conscience et d’une mobilisation exceptionnelle autour du patrimoine, avec une attention particulière portée à la ruralité. Je tiens à ce que nos actions bénéficient aux 22 millions de nos compatriotes vivant dans ces territoires. Le Premier ministre partage ce constat et, avec son accord, j’ai convaincu le ministre du budget de faire un geste exceptionnel pour le patrimoine l’an prochain. Cette mesure sera annoncée dans le cadre du débat parlementaire par un amendement du Gouvernement, pour lequel je solliciterai votre soutien.

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Mme la présidente Fatiha Keloua-Hachi. Madame la ministre vient d’éveiller notre curiosité. Nous en venons à la discussion générale sur les crédits de la mission Culture. Je vais à présent donner la parole aux rapporteurs pour avis, en commençant par celui qui est en charge des programmes Création, transmission des savoirs et démocratisation de la culture.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis de la mission Culture (Création, transmission des savoirs et démocratisation de la culture). Les crédits consacrés à la création artistique, à la transmission des savoirs et à la démocratisation culturelle ainsi qu’aux fonctions de soutien du ministère de la culture connaissent une hausse, ce dont je me félicite dans le contexte budgétaire actuel. Les trois programmes concernés par mon avis bénéficient d’une légère augmentation par rapport à la loi de finances pour 2024, avec une progression de 3,2 % des autorisations d’engagement et de 0,25 % des crédits de paiement. Ces montants répondent aux défis auxquels font face les différents secteurs culturels depuis 2017. L’État tient ses engagements, avec une augmentation de plus de 1 milliard d’euros pour le ministère de la culture depuis 2017, tant pour soutenir le spectacle vivant et les artistes que pour assurer sa mission de démocratisation culturelle.

Cette hausse s’inscrit néanmoins dans un contexte d’inflation persistante, particulièrement marquée dans le domaine du spectacle vivant. Les augmentations de crédits prévues pour cet exercice budgétaire seront partiellement absorbées par la hausse des prix.

Le programme Création s’élève à plus de 1 milliard d’euros, soit une progression de 3,24 % par rapport à 2024. Il vise à soutenir le spectacle vivant, les arts visuels et les professions artistiques. Cette augmentation est bienvenue face à la crise que traverse le milieu culturel. Le programme financera notamment trois mesures du nouveau plan Culture et ruralité à hauteur de 4,6 millions d’euros. Cependant, l’accès à la culture en zone rurale nécessite également un plan de soutien à la création pour accompagner les compagnies et les auteurs dans cette transformation. L’évolution des attentes du public appelle à réfléchir au développement de dispositifs de médiation adaptés.

Les mesures engagées l’an dernier sont reconduites le plan Mieux produire, mieux diffuser (9 millions d’euros) et le plan de soutien aux métiers d’art (3 millions d’euros). Les festivals bénéficieront de plus de 32 millions d’euros, un soutien attendu alors que la filière traverse une crise profonde de son modèle économique.

Concernant le soutien à l’emploi et aux artistes-auteurs, 72 millions d’euros seront déployés, dont 39 millions pour le fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps). Les grands projets d’investissement mobiliseront 79 millions d’euros pour poursuivre les travaux de rénovation et créer un établissement public consacré aux métiers d’art au 1er janvier 2025.

Le programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture verra ses crédits s’élever à 857 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une hausse de 3,4 % par rapport à 2024. Les efforts envers l’enseignement supérieur culturel sont maintenus, ce qui est essentiel au vu des difficultés rencontrées par les écoles nationales supérieures d’architecture et les écoles supérieures d’art territoriales. Il convient de poursuivre les concertations et de mettre en œuvre les préconisations du rapport Oudart de 2023 pour pérenniser ces établissements.

L’engagement en faveur de l’objectif 100 % éducation artistique et culturelle (EAC) est maintenu, avec une augmentation des crédits en faveur de l’éducation artistique et culturelle à l’école et hors temps scolaires. Le plan d’éducation aux médias et à l’information est reconduit, tout comme les actions en faveur de la formation.

La majeure partie des crédits du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture finance le volet individuel du pass culture, renouvelé à hauteur de 210 millions d’euros pour 2025. Ce dispositif connaît une appropriation croissante par les jeunes. Une réforme prochaine du pass culture a été annoncée, visant à encourager davantage la fréquentation du spectacle vivant. Je soutiens l’idée de réserver une partie des crédits à ce secteur, tout en insistant sur l’importance de maintenir l’universalité du dispositif, clé de sa réussite.

Enfin, je déplore la baisse des crédits alloués à la recherche, qui envoie un signal négatif. La recherche contribue à la vitalité de la création en développant de nouveaux procédés et matières. Le patrimoine revêt une importance capitale, comme vous l’avez souligné, Madame la ministre. La création actuelle constituera le patrimoine de demain, et nous devons la préserver avec soin.

Les crédits du programme de soutien à la politique du ministère s’élèveraient à 871 millions d’euros en autorisations d’engagement et 869 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 3 % par rapport à 2024. Ces crédits couvrent l’action internationale du ministère et ses fonctions support. Le plafond d’emploi du ministère demeurerait stable pour 2025, avec une légère baisse de deux équivalents temps plein.

Pour le volet thématique de cet avis budgétaire, j’ai choisi d’analyser les enjeux liés à la situation du spectacle vivant face aux contraintes économiques post-crise sanitaire. Bien que célébré lors des cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, le secteur du spectacle vivant, tant privé que public, traverse une période délicate. Les festivals, en particulier, connaissent une véritable crise de leur modèle économique, qui devra probablement être repensé pour garantir la pérennité de la filière.

Les Jeux olympiques et paralympiques ont offert une vitrine exceptionnelle au modèle français de création artistique. J’ose affirmer que la France peut être considérée comme l’une des premières puissances culturelles mondiales, voire la première. Ce succès repose sur l’existence d’une filière structurée qui a produit de véritables prodiges, à l’instar de Thomas Jolly. Par exemple, trois compagnies de danse étaient présentes lors de la cérémonie d’ouverture, et de nombreux intermittents du spectacle ont participé aux festivités. L’Olympiade culturelle a également mis en lumière la création française, avec de nombreux projets fleurissant sur tout le territoire, jusque sur la colonnade de notre Assemblée.

L’année 2024, et plus particulièrement les deux années précédentes, a été éprouvante pour le secteur. Si l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, anticipée par les acteurs de la filière, a eu moins de répercussions que prévu — à l’exception notable du Festival d’Avignon qui a rencontré de réels problèmes dus aux changements de dates —, la dissolution de l’Assemblée nationale et l’organisation des élections législatives ont constitué un facteur de perturbation majeur pour le spectacle vivant. Une grande partie des organisations auditionnées ont signalé une baisse importante de fréquentation pendant cette période, se répercutant naturellement sur leurs recettes.

À ces difficultés temporaires s’ajoutent des problèmes structurels qui méritent notre attention. Les acteurs du spectacle vivant souffrent toujours de l’augmentation des coûts de l’énergie, des matières premières, des contrats de cession et des charges salariales, consécutive à des revalorisations de salaires nécessaires et attendues. Bien que ces revalorisations soient positives, ces coûts ne peuvent pas toujours être répercutés sur le prix des billets. Les festivals pâtissent davantage de cette inflation en raison de la structure de leur modèle, leur activité étant concentrée sur quelques jours.

Les directeurs de festivals rencontrés font état d’un changement préoccupant dans les comportements des consommateurs. Les jeunes délaissent progressivement les festivals au profit d’expériences immersives proposées dans de grandes salles autour d’un seul artiste. La concurrence de ces espaces fait craindre une concentration de la création artistique et un déclin des festivals. Une telle évolution limiterait l’émergence de nouveaux talents et le brassage des populations, pourtant essentiels à la vitalité de l’écosystème culturel français.

Une mutation du modèle des festivals pourrait être envisagée. Une moindre concentration sur la période estivale permettrait de proposer une offre culturelle tout au long de l’année. De plus, développer une politique d’aller-vers serait l’occasion de se rapprocher des publics les plus éloignés ou les plus sensibles à la concurrence des arenas.

Le spectacle vivant doit également faire face au défi du changement climatique. Les événements en plein air sont directement affectés par l’intensification des aléas météorologiques qui dissuadent parfois le public. La filière doit aussi participer à la réduction de son empreinte carbone et amorcer une mutation de ses pratiques.

Une réflexion peut être engagée concernant certains dispositifs fiscaux et de financement relatifs au spectacle vivant, notamment l’allongement à trois ans de la temporalité des campagnes d’appels à projets, l’extension au champ chorégraphique du crédit d’impôt pour le spectacle vivant, l’évolution des taxes sur la billetterie perçues par l’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) et le Centre national de la musique (CNM). Ces avancées, réclamées par le secteur, garantiraient une meilleure visibilité pour les structures et une plus grande acceptabilité de ces dispositifs.

En conclusion, ce budget répond aux enjeux auxquels le monde de la culture a été confronté dans un contexte de tensions budgétaires accrues. Sous réserve des amendements qui pourraient être adoptés, je donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Culture.

Mme Rachida Dati, ministre. Concernant votre rapport, Monsieur Balanant, j’ai bien conscience des enjeux que vous avez soulevés, notamment sur les spectacles vivants et les festivals. C’est pourquoi le budget du programme Création est entièrement préservé. Il est même supérieur à celui de l’année précédente, les annulations n’étant pas reconduites, ce qui permet de compenser l’effet de l’inflation.

Lors des annulations de crédits de février dernier, nous avons utilisé tous les leviers à notre disposition, notamment les réserves de précaution, pour atténuer fortement leur impact. L’effort résiduel sur le programme Création s’est finalement limité à une vingtaine de millions d’euros au lieu des 95 millions initialement prévus.

Concernant le financement des festivals, je confirme que l’aide de l’État est maintenue. Nous sommes aux côtés des festivals dans tous les cas de figure, comme le confirme le plan ruralité. J’avais d’ailleurs affirmé qu’il ne manquerait pas 1 euro en territoire pour les festivals.

Vous avez évoqué à juste titre que certains festivals, notamment ceux de taille intermédiaire, souffrent beaucoup. Leur modèle économique est fragilisé. Il ne suffit plus de remplir les salles pour être rentable. J’ai rencontré les organisateurs de festivals, qu’ils soient célèbres ou moins connus, et nous avons abordé les problématiques liées aux tourneurs et aux cachets. Certains festivals ont atteint un plafond de verre, remettant en question leur modèle même de fonctionnement.

L’État répond présent, mais le soutien public ne peut pas être illimité. Nous pouvons être un catalyseur, impulser des initiatives, mais cela ne peut se faire indéfiniment. La contrainte budgétaire nous rappelle à cette réalité et à notre responsabilité.

Durant la crise sanitaire, l’État a soutenu les festivals avec un fonds exceptionnel initialement doté de 10 millions d’euros, rapidement porté à 30 millions, incluant le soutien du Centre national de la musique aux festivals de musique. Nous avons mis en place une nouvelle politique en faveur des festivals avec des moyens supplémentaires pérennisés. Le nombre de festivals du champ de la création soutenus par les Drac est passé de 169 à 772 entre 2019 et 2023, soit une augmentation de 362 %. Les crédits alloués sont passés de 10,6 millions à plus de 20,2 millions d’euros. Le Centre national de la musique a également soutenu 250 festivals en 2023 pour un montant d’environ 8 millions d’euros.

L’État est prêt à accompagner les professionnels dans la réflexion sur leur modèle économique. J’annoncerai prochainement une réflexion sur la pérennité du spectacle vivant en France, élément essentiel de notre identité culturelle. Des grands festivals aux petits événements en milieu rural, il est crucial de réfléchir à leur viabilité à long terme.

J’ai entendu vos remarques sur la baisse des dotations aux collectivités territoriales. Cependant, les contrats que j’ai pu établir avec les élus locaux, qu’ils soient régionaux, départementaux, communaux ou de communauté de communes témoignent d’un engagement fort pour la culture. Nous poursuivrons ce travail partenarial.

Monsieur le rapporteur Patrier-Leitus, je suis d’accord avec vous sur l’importance des points d’amélioration que vous avez soulevés dans les différents programmes. Je suis prêt à apporter des précisions si vous le souhaitez, mais je partage globalement l’ensemble de vos observations.

Dans le cadre du plan pour le patrimoine, un amendement gouvernemental sera proposé, couvrant les différentes demandes formulées. Je compte sur votre soutien, comme vous l’avez fait jusqu’à présent.

Concernant le fonds incitatif et partenarial, je reconnais que son efficacité varie selon les régions, principalement en raison d’une méconnaissance du dispositif. Je veillerai à le rappeler aux Drac, notamment pour l’outre-mer, qui ne sera pas oublié ni dans mon programme ni dans mon plan d’action, comme je l’ai systématiquement annoncé. Le plan ruralité intègre également l’outre-mer.

Quant au périmètre de ce fonds, j’approuve l’idée de l’élargir pour inclure le mobilier religieux, souvent négligé lors de la restauration des édifices. Je suis favorable à l’étude d’une augmentation de ce fonds, compte tenu de son efficacité avérée. Je soutiendrai l’amendement que vous proposerez à ce sujet.

Pour le musée Notre-Dame, bien qu’un arbitrage soit encore en cours, je suis personnellement favorable à sa création. Il me semble cohérent de compléter la renaissance de cette magnifique cathédrale, pari audacieux mais réussi du président de la République, par l’établissement de ce musée.

Concernant les radios associatives, je m’engage à trouver une solution, comme je l’ai mentionné dans mon propos liminaire. Le débat parlementaire nous aidera à y parvenir.

Sur la privatisation de France Télévisions et de Radio France, nous convenons que le statu quo n’est pas envisageable. Je penche pour une réforme de la gouvernance, sujet que nous pourrons approfondir ultérieurement.

Je ne partage pas votre opinion selon laquelle il faudrait réduire drastiquement les budgets culturels. La culture ne contribue-t-elle pas à notre cohésion sociale ? Le patrimoine, la liberté de création, le spectacle vivant sont autant de domaines essentiels. Le ministère de la culture œuvre à réduire les fractures au sein de notre société. L’expérience montre que là où la culture recule, le niveau d’éducation diminue, entraînant un recul de l’humanité et de la civilisation.

J’ai pris mes responsabilités en réduisant certaines dépenses, tout en préservant les missions fondamentales du ministère. Je ne pense pas que nous soyons en désaccord sur les priorités à maintenir.

Enfin, je tiens à souligner que, en février 2024, j’ai signé un contrat de territoire dans votre circonscription, lié à la lecture, pour un montant de 30 000 euros sur trois ans. Je présume que cette initiative rencontre votre approbation.

Je souhaite préserver les crédits alloués au soutien du patrimoine des monuments historiques, car j’estime que c’est primordial. Particulièrement dans votre territoire, Madame Parmentier, l’accès à la culture se révèle être un enjeu majeur, notamment dans les zones rurales ou défavorisées. C’est pourquoi j’insistais précédemment sur l’importance de ne pas toujours favoriser les mêmes bénéficiaires.

Le plan ruralité, que vous avez souligné comme prioritaire, bénéficie d’un financement sanctuarisé pour les trois prochaines années. Cela nous permettra d’en dresser un bilan et d’évaluer sa pérennité, comme pour les festivals évoqués avec Monsieur Balanant.

Ce plan ruralité financera plus de 200 événements et résidences d’artistes en territoires ruraux. Concernant la mission patrimoine, nous abordons la question des unités départementales de l’architecture et du patrimoine (Udap) dans les régions, où les architectes des bâtiments de France interviennent. Le plan ruralité offrira une assistance aux communes rurales pour la protection et la valorisation de leur patrimoine, ainsi que pour la conception d’équipements culturels pérennes.

Vous avez mentionné l’importance des artothèques. Je souhaite généraliser cette expérimentation qui rencontre un vif succès auprès des habitants.

Quant aux radios associatives, nous trouverons une solution. J’ai rencontré leurs représentants et je m’engage à collaborer avec les parlementaires pour résoudre la question de leur financement.

Dans le Finistère, région pilote pour le pass culture, 84 % des jeunes y ont recours. Cependant, ce chiffre masque des disparités : en région Paca et en Île-de-France, moins de 60 % des jeunes utilisent la part individuelle. En janvier, j’ai été applaudie pour avoir souligné que le pass culture favorisait la reproduction sociale. Aujourd’hui, je propose des mesures pour corriger ces inégalités.

Concernant la part collective du pass culture, qui représente près de 60 millions d’euros, je m’adresse aux parlementaires de gauche qui m’ont interpellée. Remettre en cause cette part collective signifierait priver de nombreux enfants de leur seul accès à la culture. Je vous invite à considérer cette réalité au-delà du prisme parisien.

Lorsque vous interrogez les enfants, en leur demandant si c’est la première fois qu’ils vont au musée, au cinéma ou au théâtre, 90 % d’entre eux lèvent la main pour indiquer que c’est effectivement une première. Lorsqu’on leur demande si leurs parents les y emmènent, ils répondent systématiquement non, car leurs parents n’y pensent pas ou ne peuvent pas le faire. Je tiens à souligner l’importance de cette dimension collective et je m’engage à la renforcer. Certains pourraient dire que ces crédits sont gaspillés puisqu’ils ne sont pas entièrement utilisés ; cependant, ce n’est pas un gaspillage mais plutôt un problème de mobilité.

Je me suis penchée sur cette question avec des élus concernés par ce sujet. Madame Hervieu et Madame Legrain, j’aimerais vous rencontrer pour discuter de propositions visant à améliorer la mobilité afin de faciliter l’accès culturel collectif. Les enseignants se plaignent souvent du temps nécessaire pour organiser des sorties culturelles, soit deux mois pour trouver un spectacle et six mois pour organiser le transport. Cette situation est inacceptable car elle prive les enfants d’une avancée démocratique majeure dans l’accès à la culture.

En ce qui concerne le pass culture individuel évoqué par Madame Melchior, il est essentiel que nous comprenions son fonctionnement actuel. En janvier dernier encore, cet outil ressemblait davantage à un guide parisien nécessitant déjà une connaissance préalable des lieux comme la Comédie Française.

Madame Legrain a critiqué le pass culture en affirmant qu’il était inefficace ; pourtant en janvier dernier il manquait même une fonctionnalité basique telle que la géolocalisation. De plus, concernant l’éducation populaire et les médiateurs, cela faisait quarante ans que leurs représentants n’avaient pas été reçus au ministère. Récemment, j’ai signé avec eux une charte intégrant désormais ces structures dans le pass culture et incluant 100 postes dédiés financés par 3 millions d’euros.

Enfin, concernant le supposé rabot budgétaire, 96 millions d’euros était le chiffre annoncé initialement Bercy qui n’a jamais été appliqué. Aucun euro n’a manqué sur les territoires.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Concernant la médiation, je maintiens qu’il n’est nullement nécessaire de recourir au pass culture, dispositif que je juge défaillant dès sa conception et inadapté pour défendre les médiateurs et l’éducation populaire. Si votre objectif est de les soutenir, vous pouvez le faire sans pérenniser le pass culture, sur lequel vous avez vous-même émis des réserves.

Quant aux réductions budgétaires, j’insiste sur le fait que lorsque vous touchez aux structures nationales, cela impacte l’ensemble des équipes. Les syndicats, tant ceux des employés que ceux des employeurs de théâtre public et du spectacle vivant, soulignent les répercussions de ces coupes sur les équipes et sur l’intégralité du secteur. Cette crise préexistait aux restrictions budgétaires.

Vous tentez de nous convaincre qu’en réinjectant des fonds, vous annulez l’effet des coupes. Pourtant, le secteur demeure en crise, comme en témoignent ses représentants, et exprime la nécessité d’une augmentation des crédits alloués à la création.

Mme Rachida Dati, ministre. J’ai reçu les syndicats du spectacle vivant et des théâtres nationaux suite à leurs revendications. Concernant la médiation, j’ai intégré cette dimension au pass culture à la demande des acteurs de l’éducation populaire. Leur objectif est de favoriser l’accompagnement des enfants vers les théâtres, l’opéra et les spectacles vivants, particulièrement dans certains territoires. Je souhaite renforcer la place du spectacle vivant dans le pass culture, car elle est actuellement insuffisante.

Je soutiens les acteurs de l’éducation populaire car ils contribuent à la construction civique et à l’émancipation. C’est un vecteur de réduction des inégalités. Sauf si vous me présentez des exemples précis, Madame Legrain, j’affirme avoir corrigé les problèmes que vous évoquez. Je m’y suis engagée et je poursuivrai dans cette voie. Je suis prête à me rendre partout en France pour constater la situation sur le terrain. Mon rôle de ministre est de changer concrètement la vie des gens, notamment en matière d’accès à la culture. Je suis déterminée à y parvenir.

Concernant le prétendu coup de rabot, il n’a pas eu lieu. J’ai au contraire mobilisé et préservé les crédits. Ce secteur est essentiel pour éviter les fractures sociales évoquées précédemment.

S’agissant des écoles d’art, l’État apporte son soutien. Si certaines écoles connaissent encore des difficultés, précisez-moi lesquelles. Certains établissements relèvent des collectivités territoriales. L’État ne peut pas tout assumer seul. Là où il intervient, toutes les écoles sont soutenues. Je n’ai jamais parlé de supprimer quoi que ce soit. Cependant, lorsque des millions d’euros sont investis dans des écoles n’offrant pas de débouchés et inaccessibles aux étudiants boursiers, cela pose question. L’entre-soi n’est pas ma conception de l’éducation.

L’accès aux métiers de la culture doit être ouvert au plus grand nombre. Certaines formations contraignent les étudiants à s’endetter ou à travailler, compromettant ainsi leur scolarité. Ce n’est pas ma vision de l’accès à la culture ni aux professions culturelles.

Un autre enjeu concerne l’accès aux responsabilités au sein du ministère de la culture. J’ai réformé le programme La Relève pour constituer un vivier permettant de diversifier les profils à la tête d’institutions comme l’Opéra de Paris, la Comédie-Française ou le musée d’Orsay. C’est ma feuille de route pour favoriser l’accès aux métiers de la culture, aux postes à responsabilité et à la culture dans son ensemble.

En réponse à Madame Hervieu, je vous mets au défi de citer un seul établissement parisien dont les crédits ont diminué. Pour Beaubourg, ce sont plus de 200 millions d’euros qui seront alloués. Les budgets du Louvre, d’Orsay et du Quai Branly n’ont pas baissé. L’amendement gouvernemental sur le patrimoine permettra de financer d’importantes restaurations. J’annoncerai prochainement un projet ambitieux pour le Grand Musée du Louvre, qui doit devenir le plus prestigieux au monde. Les conditions d’exposition de ses chefs-d’œuvre — La Joconde, la Victoire de Samothrace et la Vénus de Milo — méritent d’être améliorées. Ma politique pour les musées parisiens, notamment en faveur du mécénat, vise à les renforcer, ce dont nous devrions nous réjouir ensemble.

Je rejoins Monsieur Patrier-Leitus sur les défiscalisations pour les propriétaires privés de patrimoine historique ouvert au public. Nous devons simplifier les contraintes administratives ou favoriser un dispositif fiscal avantageux. Comme pour le crédit d’impôt, chaque euro investi rapporte entre 6 et 7 euros.

Concernant le patrimoine religieux, je m’engage pleinement en sa faveur car il est constitutif de l’identité française. Je souhaite restaurer largement le petit patrimoine religieux et j’ai une idée de financement innovant à développer, sous réserve de certains arbitrages. Le président de la République avait lancé une souscription pour ce patrimoine, mais son succès a été mitigé. Les Français préfèrent connaître la destination précise de leurs contributions, comme le prouve le succès du Loto du patrimoine. Nous devons donc repenser cette souscription et trouver de nouveaux dispositifs de financement.

Mme la présidente Fatiha Keloua-Hachi. Nous allons maintenant procéder aux questions d’une minute, auxquelles Madame la ministre apportera ses réponses.

Mme Rachida Dati, ministre. Monsieur Balanant, vous m’aviez interrogé sur les crédits alloués à la recherche. Ils n’ont absolument pas diminué. J’ai fait vérifier et le budget du projet de loi de finances pour 2025 reste supérieur à 9 millions d’euros.

M. Bertrand Sorre (EPR). Je souhaite attirer votre attention, Madame la ministre, sur les fragilités qui pèsent sur l’établissement public national du Mont-Saint-Michel, une structure appelée de leurs vœux par l’État et les collectivités depuis plusieurs années. La question préoccupante du plafond d’emplois mérite, à mon sens, d’être portée à votre connaissance.

Connaissant votre sensibilité aux actions déconcentrées de l’État dans le domaine culturel, notamment dans le secteur rural comme c’est le cas dans le département de la Manche et au Mont-Saint-Michel, je me permets de vous solliciter. Selon mes informations, environ dix emplois supplémentaires seraient nécessaires pour soutenir cet établissement public encore très récent.

Cette problématique s’inscrit pleinement dans les orientations et l’impulsion bénéfique que vous avez données au ministère de la culture, à savoir le soutien aux structures présentes dans les territoires ruraux pour garantir un accès à la culture pour tous.

Ainsi, Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer si ce budget vous permettra d’augmenter le nombre d’emplois au sein de l’établissement public national du Mont-Saint-Michel ?

M. Aly Diouara (LFI-NFP). Madame la ministre, lors de votre intervention dans l’émission du DVM Show le 12 février dernier, vous avez affirmé, à juste titre, être la ministre de toutes les cultures, incluant notamment les cultures urbaines et populaires. Je souhaite donc vous interroger sur la pluralité et la pertinence de l’offre culturelle dans les quartiers populaires, élément essentiel à la cohésion sociale.

Vous vous étiez alors engagée à soutenir les cultures populaires et à les rendre plus accessibles. Cependant, en examinant le projet de budget de votre gouvernement, force est de constater l’absence de mesures spécifiques, notamment concernant les maisons des jeunes et de la culture, pourtant primordiales pour la vitalité culturelle des quartiers populaires.

Le sentiment qui prédomine est celui d’un sacrifice de la pluralité culturelle, de la démocratisation et de l’accès à la culture pour tous, particulièrement dans les quartiers populaires où les aspirations des habitants sont fréquemment négligées.

Je m’interroge donc sur votre méthode et sur vos intentions pour promouvoir cette offre culturelle plurielle. Comment envisagez-vous de permettre aux habitants des zones prioritaires et rurales d’en bénéficier ?

Mme Virginie Duby-Muller (DR). L’annonce en juillet d’un plan sans précédent de 98 millions d’euros vise à renforcer l’offre culturelle pour 22 millions de Français. J’ai eu l’opportunité de vous remettre un rapport sur l’ingénierie des collectivités en milieu rural, et je constate avec satisfaction que ce plan culture et ruralité s’inscrit dans la durée à travers ce budget.

Connaissant votre détermination à démocratiser l’accès à la culture, je souhaite attirer votre attention sur l’avenir de l’Orchestre des Pays de Savoie. Cet ensemble remplit pleinement sa mission de diffusion culturelle en zone rurale, tout en bénéficiant d’un rayonnement qui dépasse les frontières régionales. La sénatrice Catherine Morin-Desailly, en sa qualité de présidente de l’Association française des orchestres, est intervenue cet été auprès des présidents des deux départements concernés.

Je vous sollicite donc, dans le cadre des moyens alloués par le budget du ministère de la culture, pour obtenir un soutien à cet orchestre. Je vous invite également, par votre intermédiaire ou celui des directions régionales des affaires culturelles, à rassembler les acteurs susceptibles de trouver une solution pérenne pour l’Orchestre des Pays de Savoie.

Mme Violette Spillebout (EPR). Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation financière préoccupante des centres sociaux et maisons de quartier, ainsi que de l’ensemble du secteur de l’éducation populaire, qui ont lancé une alerte fin mars 2024. Dans ma circonscription à Lille, une vingtaine de ces structures, qui jouent un rôle essentiel dans la médiation culturelle et artistique, sont concernées.

Vous avez récemment exposé dans une tribune publiée dans Le Monde votre volonté de développer la diversification et l’accompagnement de la part individuelle du pass culture. Cette orientation découle de votre constat d’une consommation culturelle trop passive et d’une reproduction sociale persistante.

À cet égard, je souhaiterais obtenir des précisions sur deux points. Premièrement, envisagez-vous, dans la proposition budgétaire, d’augmenter les fonds alloués collectivement aux centres sociaux et maisons de quartier, comme vous l’avez évoqué pour les Maisons des Jeunes et de la Culture ? Deuxièmement, prévoyez-vous d’intégrer les frais de transport et de mobilité dans les dispositifs du pass culture ?

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Aujourd’hui, dans notre pays, la liberté de création et la programmation sont menacées. Nous assistons au retour de la censure et de l’autocensure. La censure émane principalement de groupuscules d’extrême droite qui vont jusqu’à empêcher physiquement la tenue de certaines représentations qui les dérangent. L’autocensure, quant à elle, se manifeste par une baisse d’un quart du nombre de représentations prévues pour 2024-2025.

Cette réduction du nombre de spectacles incite les programmateurs à privilégier des œuvres plus consensuelles. Bien que cette logique soit compréhensible, elle engendre un repli. Or, le service public a pour vocation de présenter des œuvres qui peuvent bousculer, susciter des émotions et faire évoluer les consensus ou les débats dans notre société.

Comment pouvons-nous enrayer cette diminution alarmante de la diversité et de la pluralité de la création du spectacle vivant, soumise à cette double pression ? Vous avez exhorté les collectivités territoriales à assumer leurs responsabilités. Je considère que cette approche est quelque peu simpliste, surtout lorsque le gouvernement s’apprête à leur retirer plusieurs milliards d’euros, alors qu’elles ont déjà subi une inflation considérable. Nous avons constaté que de nombreux établissements culturels se trouvent dans une situation financière très précaire.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Je souhaite vous interroger sur les bâches publicitaires apposées sur les monuments nationaux lors de travaux de rénovation. La loi de finances de 2007 a instauré une dérogation à l’interdiction d’affichage publicitaire sur les monuments historiques, permettant l’installation de bâches publicitaires sur les échafaudages durant les travaux extérieurs. Cette dérogation, soumise à autorisation, génère des recettes affectées au financement des travaux, pouvant constituer une ressource financière substantielle pour certains monuments. Quelle est votre position quant à la mise en œuvre de cette dérogation ?

Par ailleurs, je tiens à souligner l’importance de mettre en place des mesures de protection provisoire, notamment pour le petit patrimoine rural, telles que le bâchage et la mise hors d’eau. Ces dispositions préventives permettent d’éviter ultérieurement des coûts de réparation excessifs. On constate trop fréquemment, en particulier dans les zones rurales, une dégradation des bâtiments sur plusieurs décennies avant qu’une intervention ne soit entreprise.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Situé dans ma circonscription du Puy-de-Dôme, le site de Gergovie a marqué l’histoire de notre nation. Cette terre volcanique fut le théâtre d’un épisode majeur de la guerre des Gaules, avec la victoire de Vercingétorix sur Jules César. Nous avons récemment célébré le cinquième anniversaire de l’ouverture du musée archéologique de la bataille de Gergovie, inaugurant une nouvelle phase de valorisation de ce site exceptionnel appartenant à l’État.

Le projet Gergovie, la cité des Gaulois, porté conjointement par la région, le département, les EPCI et les communes du territoire, s’inscrit dans cette dynamique. Les échanges avec les services de l’État s’avèrent très fructueux. Néanmoins, deux points demeurent en suspens, sur lesquels je souhaite attirer votre attention.

Premièrement, pouvons-nous espérer une confirmation du partenariat du ministère de la culture via la signature de la convention entre le musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye et le groupement d’intérêt public (GIP) Gergovie ?

Deuxièmement, est-il envisageable de finaliser le partenariat entre le ministère de la culture et le GIP Gergovie afin d’optimiser la gestion du site ?

Mme Pascale Bay (DR). L’objectif numéro 4 de la mission culture du PLF 2025 vise à promouvoir un accès équitable à la culture, notamment par le biais du développement de l’éducation artistique et culturelle. La politique 100 % EAC à l’école bénéficie d’un financement de 31,96 millions d’euros. Le budget 2025 fixe comme objectif que 80 % des enfants scolarisés en école primaire ou au collège se voient proposer une action d’éducation artistique et culturelle pendant le temps scolaire.

Néanmoins, malgré les financements alloués et la diversité des actions envisagées, force est de constater que 20 % des élèves demeurent privés d’accès à l’EAC. De plus, l’objectif initialement fixé pour 2024 a été revu à la baisse pour 2025, passant de 85 % à 80 %.

Face à ce constat, j’aimerais vous interroger sur les obstacles que vous avez identifiés dans le déploiement de l’EAC. Quelles mesures envisagez-vous pour accompagner les enseignants dans la mise en œuvre de tels projets ?

Mme Prisca Thevenot (EPR). Je souhaite souligner l’importance du jeu de société comme alternative aux écrans, favorisant la création de liens intergénérationnels et entre les jeunes. Sa pratique se développe dans les écoles et les tiers-lieux, et les jeux sont disponibles à la vente dans les librairies et grandes surfaces. La France, reconnue pour ses créateurs de jeux, pourrait considérer le jeu de société comme un objet culturel et l’intégrer à l’offre du pass culture.

Le pass culture, outil remarquable d’accès à notre culture et notre patrimoine, connaît un succès croissant chaque année. Il pourrait ainsi contribuer à faire connaître cette nouvelle forme de culture et de création artistique. Je propose donc d’élargir le pass culture aux jeux de société, sans coût supplémentaire pour l’État. Cette solution simple et efficace pourrait être mise en œuvre rapidement.

La réunion, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.

M. Philippe Fait (EPR). Les fanfares, danses et jeux traditionnels qui composent notre patrimoine immatériel incarnent toute la diversité de la richesse culturelle de la France et renforcent les liens sociaux, particulièrement dans nos territoires ruraux. Malheureusement, les moyens actuels ne suffisent pas à assurer la transmission de ce patrimoine aux générations futures car, bien souvent, ces pratiques sont portées par des associations aux faibles moyens. Dans le cadre du PLF pour 2024, mes collègues et moi-même avions proposé que le plan Fanfares du ministère de la culture soit renforcé et élargi aux autres expressions artistiques traditionnelles. Le nouveau plan Fanfares évoluerait ainsi vers un vaste programme « arts et traditions » qui inclurait fanfares, harmonies, danses et jeux traditionnels.

Malgré une adoption unanime par notre commission l’an dernier, cette proposition ne s’est finalement pas concrétisée. Je reviens à la charge cette année, en soulignant l’urgence d’une mobilisation pour préserver notre patrimoine et nos traditions.

En janvier dernier, madame la ministre, lors de vos vœux aux acteurs culturels, vous disiez que vous vouliez faire de la ruralité la priorité du début de votre mission. Vous avez réaffirmé ce soir que vous y teniez. J’ai donc l’intime conviction que nous pourrons compter sur votre soutien pour cette proposition, fortement soutenue dans nos territoires ruraux. Quelle est votre position ?

Mme Rachida Dati, ministre. Monsieur Sorre, le ministère de la culture a consacré seize équivalents temps plein à l’établissement public du Mont-Saint-Michel. Il s’agit des seuls effectifs qui ont été ajoutés. Lorsque je me trouvais sur place pour le passage de la flamme olympique, on m’a saisie de la question du modèle économique, qui s’essouffle un peu, certaines collectivités souhaitant se désengager. Le ministère de la culture reste très engagé sur ce dossier, tandis que le conseil régional de Bretagne a confirmé sa décision de sortir de la gouvernance du projet en 2025, en supprimant le financement correspondant. Il nous faut donc revoir cette gouvernance. Toujours est-il que le ministère de la culture tient ses engagements. Je souhaiterais que les collectivités tiennent les leurs, sachant que, comme nous nous le sommes déjà dit, le Mont-Saint-Michel est fortement fragilisé.

Monsieur Diouara, pour ce qui concerne les cultures urbaines, j’ai reconduit 2,6 millions d’euros de crédits pour les MJC (maisons des jeunes et de la culture) et nous avons augmenté les crédits consacrés aux cultures urbaines et populaires. À Paris, Blanca Li relance à la Grande halle de la Villette un grand plan dans ce domaine.

L’orchestre dont a parlé Mme Duby-Muller n’est pas labellisé car il ne remplit pas tous les critères requis, notamment s’agissant de ses emplois permanents. Le ministère de la culture ajoute néanmoins 50 000 euros aux 600 000 euros qu’il lui apportait déjà.

Je remercie par ailleurs Mme Duby-Muller pour avoir mené dès février, avec la sénatrice Frédérique Espagnac, la mission consacrée à l’ingénierie culturelle des collectivités territoriales en milieu rural. Le plan Culture et ruralité repose sur les vingt-trois recommandations qu’elles avaient formulées.

Madame Spillebout, la part collective du pass culture relève de l’éducation nationale. Quant à augmenter cette part collective, il se trouve que les crédits qui lui sont consacrés ne sont pas entièrement utilisés : il faudrait donc commencer par cela. Cette question est liée à celle de la mobilité. Lorsque nous nous étions rencontrées à propos du plan Culture et ruralité, nous avions évoqué la possibilité d’intégrer le montant des transports dans la part collective. Je n’y étais alors pas favorable, car cela réduisait d’autant la part consacrée à l’action culturelle proprement dite. Depuis lors, des partenariats avec des collectivités nous ont permis de trouver des dispositifs permettant de faciliter cette mobilité. Ainsi, le transport scolaire assuré par la collectivité en milieu rural – voire parfois dans des zones urbaines – pour déposer les enfants le matin et les ramener le soir peut être utilisé en journée pour les conduire à des activités culturelles. Des expérimentations en ce sens seront généralisées, à l’instar du dispositif Caravelle, dans l’est de la France, que nous voudrions étendre dans le Nord.

Madame Taillé-Polian, vous dites que l’extrême droite empêche la liberté de la création. J’ajouterai, sans vouloir polémiquer, que l’extrême gauche le fait aussi, selon les informations qui remontent jusqu’à moi depuis certaines Drac (directions régionales des affaires culturelles) et certains préfets. Une conjonction des deux peut advenir dans le cas de manifestations liées à l’écologie, se traduisant par des entraves dont pâtissent certains spectacles ou animations culturelles.

M. Aymeric Caron (LFI-NFP). Donnez des exemples !

Mme Rachida Dati, ministre. Cela a été le cas dans la Creuse, à Lille, dans le Nord, ou à la Sorbonne. (Protestations parmi les députés du groupe LFI-NFP.) Vous voulez qu’on dise que tout va bien, que seule l’extrême droite empêche des manifestations ? Mais il faut que nous puissions parler de cela entre nous ! En tant que ministre, je ne peux pas nier les informations qui remontent jusqu’à moi.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Arrêtons là cet échange, mes chers collègues. Vous pourrez le reprendre après notre réunion. Seule Mme la ministre a la parole.

Mme Rachida Dati, ministre. Il n’y a aucune volonté de polémique de ma part. Bien sûr que la ministre de la culture est informée quand une activité, un festival, un spectacle ont été empêchés. Quelle qu’en soit l’origine, je suis pour la liberté de création et vous me trouverez à vos côtés pour la défendre. C’est ce que j’ai fait y compris pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, qui a suscité quelques polémiques. Avec nos différences, nous pouvons, sans nous affronter, avoir des échanges et des débats. Mais vous pouvez être assurés que je défends la liberté et la diversité de la création, qui ne subit du reste aucune réduction budgétaire, en particulier pour le spectacle vivant.

Quant aux collectivités, partout où je me suis rendue, les élus que je rencontre, quelle que soit leur couleur politique – car je reçois tout le monde – donnent la priorité à la culture. L’engagement culturel est très fort.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il y a un quart de représentations en moins, madame la ministre !

Mme Rachida Dati, ministre. Cela ne s’explique pas uniquement par la censure, mais par la fragilisation des structures. J’annoncerai prochainement que j’ai chargé Christopher Miles, directeur général de la création artistique, d’une mission sur le spectacle vivant et sur la création, afin de voir comment les soutenir. Sur cette question, je suis très au clair.

Madame Bannier, je suis d’accord sur les bâches publicitaires. Mais une fois qu’on les enlève, à la fin des travaux, on se dit que cela valait le coup ! L’École militaire et les Invalides sont absolument magnifiques. L’hôtel de la Marine a, lui aussi, bénéficié d’un financement publicitaire. Pourquoi s’en priver ? J’admets que les bâches ne sont pas bien belles, mais certaines commencent tout de même à avoir un caractère artistique assez réussi.

Pour ce qui est du patrimoine rural, je suis d’accord avec vous.

Madame Lingemann, le nouveau projet du musée de Gergovie n’est pas encore totalement circonscrit. Je vous confirme néanmoins que le partenariat avec l’Institut national de recherches archéologiques préventives et le Musée d’archéologie nationale est validé et que la convention va être signée. Il n’y a pas de problème quant à l’engagement du ministère sur ce projet.

Madame Bay, les objectifs de l’éducation artistique et culturelle ont en effet été revus à la baisse, en raison du temps de formation nécessaire. De fait, l’éducation artistique et culturelle obligatoire à l’école, annoncée par le Président de la République, suppose que les enseignants soient formés en conséquence – lorsqu’ils ne le sont pas, certains établissements recourent à des animateurs. En tout cas, partout où je vais, tout le monde est favorable à l’éducation artistique et culturelle obligatoire dans les établissements. Il faut maintenant que le nombre d’enseignants et de formations suive.

Madame Thevenot, votre proposition d’intégrer les jeux de société au pass culture est intéressante. En milieu hospitalier, en pédopsychiatrie ou en psychiatrie, le recours à ces jeux s’est beaucoup développé – il ne s’agit plus seulement du jeu de l’Oie ou du Monopoly ! Ils ont des effets très bénéfiques, notamment en termes d’éveil et de socialisation ou face à certaines pathologies touchant les adolescents. Je ne suis donc pas opposée par principe à cette démarche. La question est de savoir comment la concrétiser. Je saisis cette occasion d’annoncer que les lycées agricoles, qui n’avaient jusqu’ici pas accès au pass culture, seront désormais intégrés au dispositif, auquel je souhaite également intégrer les instituts médico éducatifs. Il serait bon d’y relier votre idée.

Quant au plan Fanfares, monsieur Fait, lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai adoré cette idée proposée par un membre de mon ministère, fou de fanfares. Il a élaboré un plan doté maintenant de 1,7 million d’euros, qui s’inscrit pour partie dans le plan Culture et ruralité, à travers les projets Villages en fête. Cet été déjà, cette activité s’est fortement développée – comme les majorettes, elle revient à la mode. Le plan Fanfares continuera à s’amplifier en 2025. Nous y avons affecté des crédits.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Merci, madame la ministre. On voit l’étendue de la culture en France !

*

 


II.   Examen des crédits

1.   Réunion du mardi 22 octobre 2024 à 21 heures 30

La commission examine, pour avis, les crédits de la mission Culture (M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis sur Création, transmission des savoirs et démocratisation de la culture et M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis sur Patrimoines) ([47]).

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à l’examen des amendements, en commençant par ceux qui portent sur la mission Culture.

Article 42 et État B

Amendement II-AC81 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Cet amendement symbolique, qui tend à doubler les crédits du programme 131 Création, a pour objet d’alerter sur la crise structurelle du secteur, qui fait en outre l’objet de coupes budgétaires.

Nous nous étonnons de voir les crédits du pass culture être épargnés par la saignée budgétaire alors qu’il reste de l’argent dans les caisses. Le pass culture n’a que peu d’effets sur la création, notamment sur le spectacle vivant, et il n’est pas le meilleur outil pour favoriser la transmission artistique et culturelle. Celle-ci dépend d’abord de la diversité des genres et des lieux de la création.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis (Création, transmission des savoirs et démocratisation de la culture). Depuis 2017, le budget de la culture a augmenté de 1 milliard d’euros, même si cette augmentation n’est peut-être pas suffisante pour rattraper les déficits d’investissement antérieurs.

L’annulation de crédits sur le programme 131 a été de 75 millions d’euros après réception du virement de solidarité. Ce sont les opérateurs disposant de fonds de roulement qui ont supporté la majeure partie de ces annulations, à hauteur de 14,5 millions, après l’annulation des réserves de précaution.

La situation du spectacle vivant est certes difficile, mais l’État a été présent.

Le doublement des crédits proposés me semble déraisonnable dans le contexte budgétaire actuel. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC68 de M. Raphaël Arnault

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Nous proposons la création d’un fonds de soutien à la bifurcation écologique pour le secteur des arts et de la culture. Le plan Mieux produire, mieux diffuser devait notamment répondre à ces enjeux, mais son efficacité suscite des interrogations au regard des coûts écologiques et énergétiques élevés du secteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. L’État est fortement engagé aux côtés des opérateurs – théâtre de Chaillot, Centre national de la danse, écoles d’art – pour financer d’importants chantiers de rénovation thermique. Les collectivités le sont également, mais la transition pose un vrai problème de coût. Cela dit, le montant que vous proposez n’est pas raisonnable. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur la politique culturelle des collectivités.

Amendement II-AC66 de M. Raphaël Arnault

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). On a beaucoup entendu dire qu’il faudrait se réjouir du budget de la culture, qui aurait été sauvé, mais l’effort de 5 milliards d’euros demandés aux collectivités aura un impact faramineux sur la vie culturelle. Nous proposons donc la création d’un fonds de soutien aux collectivités territoriales.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Cet amendement est cocasse de la part de votre groupe : vous proposez de prélever 500 millions d’euros sur le budget de l’État pour financer les missions territoriales des collectivités. Il ne peut pas se substituer aux collectivités, auxquelles il revient de faire des choix de politique locale, ce qui peut, il est vrai, poser problème quand certaines choisissent de se désengager de certains projets culturels pour des raisons idéologiques. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC235 de M. Steevy Gustave

M. Steevy Gustave (EcoS). Face à la hausse du prix de l’énergie, qui affecte les dépenses de fonctionnement des collectivités, et aux baisses drastiques de leur dotation de fonctionnement depuis des années, le risque de voir les collectivités réduire leurs budgets dédiés à la culture est réel. Cet amendement propose donc de créer un fonds d’aide, qui devra être territorialisé afin que les budgets soient équitablement répartis sur l’ensemble du territoire national.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Votre amendement est financièrement plus raisonnable que le précédent, mais mes arguments, et donc mon avis, restent les mêmes.

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur la médiation culturelle dans les établissements publics.

Amendement II-AC76 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Pour démocratiser la culture, ainsi que le souhaite la ministre, il faut recruter davantage de médiateurs culturels. Cette médiation humaine, qui ne peut être remplacée par des algorithmes, est la seule à même d’emmener ses bénéficiaires vers des œuvres dont ils n’avaient pas connaissance, alors que le pass culture ne fait que reproduire des pratiques culturelles.

Mme Graziella Melchior (EPR). Cet amendement, comme la plupart de ceux que vous proposez, n’est pas sérieux dans le contexte actuel : vous prenez des centaines de millions d’euros d’un programme, sans même un début de réflexion sur les conséquences, pour les attribuer à un autre dans le seul but de plaire à votre électorat. Au total, ce sont 3 milliards de transferts ou de crédits supplémentaires alors que le budget du ministère de la culture est de 4,5 milliards d’euros !

Je m’exprime au nom de mon groupe pour dire que nous ne soutiendrons aucun des amendements de La France insoumise.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Nous n’avons aucune leçon à recevoir : nous avons trouvé 60 milliards d’euros de recettes en commission des finances en taxant les plus riches et les profits des grandes entreprises. Votre gouvernement préfère faire les poches des classes populaires et casser les services publics, notamment de la culture, de l’hôpital ou de l’école. Vous avez perdu le débat budgétaire en commission des finances et nous l’avons gagné !

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Je suis d’accord, il faut développer la médiation. Cela tombe bien, le programme 361 affecte des crédits à la formation des acteurs de l’éducation artistique et culturelle (EAC). Je ne sais pas s’ils sont suffisants, mais ils existent. Nul besoin donc d’un nouveau programme. Je note en outre que les crédits à destination de l’EAC pendant le temps scolaire sont en hausse.

La médiation et le pass culture sont complémentaires. Les bénéficiaires du pass culture, dont l’appétence pour la culture a été développée à l’école, sont autonomes dans leur consommation de culture, notamment des livres et du spectacle vivant.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC78 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Quand on voit les sommes qui partent dans le pass culture de façon obscure – des articles de presse font état du train de vie des dirigeants de la société privée chargée de le gérer –, il ne me semble pas déraisonnable de proposer un amendement chiffrant précisément le recrutement de postes de médiateurs.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur les crédits alloués au pass culture.

Amendements II-AC158 de Mme Soumya Bourouaha, II-AC9 de M. Philippe Fait, II-AC219 de Mme Violette Spillebout et II-AC17 de M. Emmanuel Grégoire

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Le pass culture ne permet pas de réduire les inégalités sociales et territoriales d’accès à la culture – l’application de géolocalisation de l’offre culturelle conçue pour les 15-18 ans a majoritairement été téléchargée par ceux dont les parents sont diplômés. Nous proposons donc de maintenir la partie collective du pass, mais de réaffecter les crédits de la partie individuelle au programme de création.

Mme Violette Spillebout (EPR). La part individuelle du pass culture ne répond pas à son objectif. Cet amendement d’appel invite le Gouvernement à la revoir, voire à la supprimer, pour redistribuer les 210 millions d’euros qui lui sont affectés vers l’éducation populaire, l’Éducation nationale et les mairies.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). La part collective souffre d’une insuffisance structurelle majeure. Elle ne permet pas, par exemple, de prendre en charge le transport. Nous souhaitons, par cet amendement, appeler l’attention sur un rééquilibrage entre la part collective et la part individuelle.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Nous voterons en faveur de ces quatre amendements. Deux sont issus du Nouveau Front populaire, mais les deux autres ont été déposés par la prétendue majorité et celui de M. Fait – je regrette qu’il ne l’ait pas défendu – propose de retirer 100 millions d’euros du pass culture pour les affecter la création. C’est exactement ce que nous proposons, car la part individuelle ne fait que nourrir les mêmes acteurs de l’industrie culturelle. Le groupe EPR votera-t-il pour ses propres amendements ?

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Nous ne devons avoir ni totem ni tabou sur le pass culture. Je n’y étais d’ailleurs moi-même pas le plus favorable à l’origine. J’y vois aujourd’hui plusieurs avantages, mais je pense aussi qu’il doit être amélioré.

Il favorise les enfants des familles, non pas forcément les plus riches, mais qui ont une appétence pour la culture.

Concernant le transport, c’est une compétence des collectivités locales.

Je note que le taux de pénétration du pass culture n’est pas uniforme : il est beaucoup plus important dans les départements et les régions pilotes. Je pense que les autres départements combleront leur retard.

La ministre a proposé de sanctuariser une partie de la part individuelle vers le spectacle vivant, c’est une bonne chose. Il faut maintenir l’universalité du pass culture, qui attribue la même somme à tous les enfants de notre pays. Il ne stigmatise personne et favorise leur autonomie.

Avis défavorable à tous ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur la transformation de la société privée chargée de la gestion du pass culture en opérateur de l’État.

Amendements II-AC30 de Mme Soumya Bourouaha et II-AC231 de M. Steevy Gustave.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Le modèle de gestion actuelle – une société privée réalisant une mission d’intérêt général – n’est pas efficace, d’autant que son financement est entièrement public. La Cour des comptes l’a d’ailleurs souligné dans un rapport publié en 2023, pointant un recours excessif à des consultants extérieurs. Le pass culture doit être géré par un opérateur de l’État.

M. Steevy Gustave (EcoS). Je reprends à mon compte les arguments de Mme Bourouaha pour défendre l’amendement.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Le pass culture souffre d’un péché originel, dont il ne se remettra pas : sa gestion a été confiée à l’entreprise créée par Éric Garandeau, ancien président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). L’État s’est ainsi retrouvé dépouillé de ses compétences et de ses moyens au profit d’une sorte de start-up. On en voit aujourd’hui les résultats : doutes sur le financement des postes affectés à cette entreprise et scandale, révélé par un article de presse, sur le train de vie des gestionnaires.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Question candide : quelle est la justification de cet abondement de 10 000 euros ? Est-il destiné à accompagner la transformation de la société par actions simplifiée (SAS) en opérateur d’État, évolution dont on pourrait discuter dans un autre cadre que cet avis budgétaire ?

Quant au recours à des consultants extérieurs, la Cour des comptes a bien souligné dans son rapport qu’il est intervenu dans la phase préliminaire à la création de la SAS.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC185 de Mme Caroline Parmentier

Mme Caroline Parmentier (RN). En cette période de désastre budgétaire, les Français ne comprendraient pas que chaque ministère ne fasse pas d’économies. Ce doit être aussi le cas pour celui de la culture. Nous appelons à rationaliser les dépenses, notamment en réduisant de 137 millions d’euros l’action 01 Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Nous n’avions pas encore entendu les députés frontistes. Voici donc leurs propositions : moins de théâtre, moins d’opéra, moins de culture. J’espère que vous assumerez devant les Français ce choix d’accompagner le gouvernement Barnier dans son budget d’austérité. Vous êtes le parti de la désertification, de la réduction des services publics. Cet amendement nous rappelle qui vous êtes : les plus grands ennemis de la culture, cet instrument d’émancipation et de lien social. Vous représentez un véritable danger pour la société !

Mme Graziella Melchior (EPR). Cette coupe dans les dépenses de fonctionnement ravira sans doute les opéras et théâtres, tout comme les agents du musée du Louvre et du musée des Arts décoratifs, auxquels vous voulez retirer 27 millions d’euros de budget, et ceux du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l’industrie, avec la baisse de 10 millions des dépenses consacrées à la recherche culturelle et scientifique que vous envisagez. Au total, vous prévoyez une réduction de 300 millions d’euros pour les agents et opérateurs de l’État et pour des établissements représentant notre pays à l’étranger, comme la Villa Médicis.

Nos musées, nos théâtres, nos instituts font rayonner la France à travers le monde. Ils mettent en valeur l’extraordinaire richesse de notre patrimoine, la formidable diversité de nos pratiques artistiques et contribuent à faire de notre pays la première destination au monde.

La culture comme variable d’ajustement budgétaire : voici la vision du Rassemblement national. Mon groupe votera contre tous les amendements de ce groupe et soutiendra le budget proposé par la ministre, qui s’est battue pour qu’il soit préservé.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Avis défavorable. N’oublions pas que la culture d’aujourd’hui, c’est le patrimoine de demain et rappelons que le répertoire classique français, dont je pensais que vous étiez des grands défenseurs, vit dans les théâtres et les opéras dont vous voulez couper les budgets !

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur le soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant.

Amendements identiques II-AC20 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC55 de M. Raphaël Arnault et II-AC227 de M. Steevy Gustave

Mme Céline Hervieu (SOC). Il s’agit d’attribuer 100 millions d’euros supplémentaires au spectacle public vivant. La coupe de 96 millions dans le programme 131 affecte directement les théâtres nationaux à Paris et en province et affaiblit des réseaux entiers faisant vivre troupes et intermittents.

M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Nous souhaitons soutenir le spectacle vivant qui traverse une crise sans précédent. Les collectivités territoriales remettent en cause leurs engagements en faveur de la culture alors que l’inflation et la crise énergétique font exploser les coûts de fonctionnement. Cette paupérisation a des conséquences sur leur attractivité et provoque de grandes difficultés de recrutement. Ces dernières années, ce secteur non lucratif a connu des déficits inédits et les budgets consacrés à la programmation et à la production ont baissé dans des proportions allant de 25 % à 50 %. D’après le syndicat Les forces musicales, à l’issue de cette saison fantôme, 150 000 spectateurs auraient été perdus et 2 000 emplois artistiques auraient été supprimés.

Dans le même temps, les crédits du pass culture ne font qu’augmenter. Nous ne pouvons pas nous contenter de cette offre consumériste de biens et services culturels déclinée à travers un catalogue algorithmique. Nous voulons redonner des moyens au secteur de la création et aux politiques d’éducation artistique et culturelle.

M. Steevy Gustave (EcoS). Nous proposons de prélever 100 millions d’euros sur la part individuelle du pass culture, dispositif que des rapports de l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac) ou de la Cour des comptes ont épinglé, pour les redéployer au profit du spectacle vivant, insuffisamment soutenu alors qu’il a subi les effets de crises successives.

M. Bertrand Sorre (EPR). Je tiens à rappeler l’attachement de notre groupe au spectacle vivant. Nous l’avons aidé à traverser la crise du covid, notamment en soutenant les intermittents du spectacle. Toutefois, nous ne voterons pas en faveur de ces amendements identiques, car nous nous refusons à voir diminués les crédits du pass culture, utile à tous les jeunes partout sur le territoire, y compris dans les zones rurales, je peux en témoigner.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Les représentants du syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), que nous avons auditionnés à de multiples reprises, sont conscients du fait que l’État n’a pas failli et que les problèmes budgétaires sont aussi parfois le résultat du désengagement des collectivités.

Il ne faut toutefois pas se voiler la face, le spectacle vivant, spécialement dans les théâtres nationaux, est confronté à des mutations qu’il nous faut accompagner au-delà du strict cadre financier. Je vous invite à y réfléchir.

Enfin, je souligne que sur l’application du pass culture, le spectacle vivant est bien mis en avant, non par l’algorithme mais par les équipes éditoriales qui l’animent. C’est une erreur d’opposer les deux. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement II-AC42 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). La ministre a insisté sur son action en faveur de l’accès à la culture, que ce soit dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou les zones rurales. Cette action doit, pour ce faire, s’appuyer aussi sur le maillage des lieux intermédiaires et indépendants, qui sont les parents pauvres de la politique culturelle, du fait de la logique de concentration des financements publics.

Prenons l’exemple du plan Mieux produire, mieux diffuser. Censé favoriser une diffusion sur l’ensemble du territoire, il a principalement bénéficié aux scènes nationales et labellisées. Il faut défendre l’infusion sur les territoires, chère au syndicat national des arts vivants (Synavi).

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Rappelons que 31,7 millions d’euros, soit 30 % de plus que l’année dernière, ont été consacrés au soutien aux établissements non labellisés. On ne peut donc pas dire qu’ils sont abandonnés.

Une solution les aiderait beaucoup, qui ne coûterait pas un centime : faire passer le rythme des appels à projets d’un an à trois ans, afin qu’ils puissent avoir une plus grande visibilité sur leur production de spectacles.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC214 de Mme Caroline Parmentier

Mme Caroline Parmentier (RN). Sept ans de macronisme ont mis la France à genoux avec 1 000 milliards d’euros de dette. Les Français ne comprendraient pas que les ministères ne se serrent pas la ceinture et qu’ils soient les seuls à qui l’on fait les poches.

Par cet amendement, nous entendons réduire de 42 millions les crédits de soutien au spectacle vivant.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Nous avons examiné attentivement les divers amendements du Rassemblement national. Nous voyons bien qu’ils correspondent à ce que Barnier a rêvé de faire, puisqu’ils vont plus loin encore que le Gouvernement dans les coupes budgétaires. Alors même que vous êtes membres de la commission des affaires culturelles, vous vous montrez incapables de défendre la culture : tous vos amendements suppriment des crédits dans le budget du service public de la culture comme si cet argent était destiné à des privilégiés.

Dans cet amendement même, vous ciblez le spectacle vivant alors que nous savons qu’il traverse une crise profonde, perceptible dans chacun de vos territoires. Honte à vous !

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC38 de M. Frédéric Maillot

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Il vise à abonder de 1 million d’euros les crédits destinés à la création artistique à La Réunion, territoire dont l’insularité expose ses artistes à des difficultés particulières. Ils font face, par exemple, à des coûts exorbitants pour organiser des tournées. Il importe donc de favoriser la diffusion des œuvres réunionnaises.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, qui est limité à La Réunion, alors qu’il nous faudrait avoir une réflexion globale sur la place spécifique à faire dans le programme 131 au soutien à la création dans les outre-mer. Peut-être pourrions-nous en discuter avec les services du ministère de la culture.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC228 de M. Steevy Gustave

M. Steevy Gustave (EcoS). Les cultures urbaines comme le DJing, le street art ou la breakdance ont acquis une place importante au sein de la scène artistique et jouent un rôle clé dans l’expression culturelle des jeunes et des moins jeunes. Cependant, ces pratiques restent sous-financées et, malgré leur impact social et culturel, ne bénéficient pas du soutien nécessaire pour renforcer leur développement et leur diffusion.

Nous proposons de dégager 10 millions d’euros de crédits pour créer un fonds qui leur serait dédié.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Les cultures urbaines peuvent bénéficier de financements existants. Leur dédier un fonds reviendrait à les stigmatiser par rapport à d’autres expressions culturelles. Nous devons soutenir la culture française dans sa pluralité et sa diversité. Évitons toute logique de silos.

M. Steevy Gustave (EcoS). Je ne suis pas d’accord avec vous. Il importe de reconnaître les cultures urbaines en leur dédiant un financement spécifique. Elles couvrent un champ large et ne se réduisent pas aux quartiers. Nous les voyons présentes dans de multiples domaines. La breakdance, devenue discipline olympique, est enseignée avec la hipe et le lock dans les écoles de danse, des graffiteurs sont exposés dans des musées, le rap est le premier genre musical en France devant le rock, la mode s’empare de ces cultures et pourtant, elles ne sont toujours pas reconnues. Je sais de quoi je parle, je viens de cet univers.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC75 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Céline Hervieu (SOC). Il s’agit d’accroître le soutien de l’État aux quatre-vingt-treize structures labellisées Scène de musiques actuelles (Smac) en augmentant les crédits qui leur sont consacrés de 3,4 millions d’euros. Nous comblerions ainsi la part qui manque dans leur financement, évalué l’année dernière à 6,8 millions. Ces scènes qui s’autofinancent ont fait face à des crises successives et il importe de les préserver, elles qui contribuent à la diversité de l’offre artistique et jouent un rôle essentiel, à travers le maillage territorial, en matière de création, de diffusion et d’éducation artistique et culturelle.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il convient en effet de soutenir les Smac, structures d’une grande fragilité remplissant des missions essentielles sur les territoires. L’année dernière, une majorité s’était d’ailleurs dégagée au sein de la commission pour augmenter leurs crédits.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Les Smac restent fragiles, malgré une bonne fréquentation du public et des recettes propres élevées : la majorité d’entre elles étaient en déficit fin 2023. Le soutien supplémentaire qui leur a été apporté en 2024 est pérennisé pour 2025, ce dont on peut se féliciter dans un contexte budgétaire tendu. Leurs crédits augmentent même de 14 à 18 millions.

Ajoutons que les musiques actuelles peuvent bénéficier d’autres aides, notamment de la part du Centre national de la musique (CNM). Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC35 de M. Frédéric Maillot

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Les musiques actuelles n’ont que très peu profité du plan Mieux produire, mieux diffuser lancé en 2024, car les directions régionales des affaires culturelles (Drac) ont considéré qu’elles n’étaient pas prioritaires, compte tenu du coup de pouce donné aux Smac. Elles n’ont reçu que 400 000 euros sur les 10 millions dont est doté ce plan. Nous entendons flécher 600 000 euros vers elles.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Je n’ai pas eu d’information au sujet du choix fait par les Drac. Les musiques actuelles bénéficient de plusieurs aides mais je veux bien examiner votre demande d’ici à la séance. Pour l’heure, ce sera une demande de retrait.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC63 de M. Idir Boumertit

M. Idir Boumertit (LFI-NFP). La politique de gratuité des musées lancée depuis plus de vingt ans remporte succès sur succès, depuis 1996 et l’institution de la gratuité un dimanche par mois au musée du Louvre. À chaque étape de l’élargissement de celle-ci aux musées et monuments nationaux ainsi que de la Ville de Paris, la fréquentation des musées a augmenté, montrant l’engouement du public pour la culture.

L’accessibilité de la culture s’inscrit dans un mouvement historique, né d’une volonté de partage, d’apprentissage et d’émancipation sociale. Dans un esprit d’universalité et d’égalité, notre groupe propose d’étendre la gratuité à tous les visiteurs venant d’un pays de l’Union européenne un dimanche par mois dans les musées et monuments publics.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. De multiples initiatives existent déjà. Est-il pertinent de rendre toutes les entrées gratuites ? N’oublions pas que les entrées payantes de visiteurs étrangers constituent des ressources pour financer la médiation et améliorer la présentation des œuvres. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC83 de M. Idir Boumertit

M. Idir Boumertit (LFI-NFP). Par cet amendement de repli, nous proposons d’instaurer des tarifs progressifs pour permettre aux familles des classes populaires et moyennes d’accéder aux musées et lieux culturels publics. La culture est un outil d’émancipation, vital pour la formation de chaque citoyen. Les politiques culturelles successives ont facilité dans notre pays la démocratisation de l’accès à la culture dans son ensemble. Toutefois, elles n’ont pas permis de réduire les inégalités sociales. L’accès à la culture mobilise une part importante du budget de nombre de nos concitoyens. En période d’inflation, ce poste de dépenses est sacrifié et la pratique culturelle n’est maintenue qu’au sein des classes plutôt aisées. Une étude de l’Observatoire des inégalités révèle que 62 % des cadres supérieurs se rendent au musée au moins une fois par an contre 18 % des ouvriers et employés.

Cette mesure d’équité s’inscrit dans la politique de démocratisation menée par le ministère de la culture.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC64 de M. Raphaël Arnault

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Il vise à instaurer la gratuité des prêts de livres dans les bibliothèques et médiathèques municipales et intercommunales. En effet, 12,5 % seulement de la population ayant accès à une bibliothèque a effectué au moins un emprunt dans l’année précédente, or l’expérience d’autres pays, comme les États-Unis, montre que la gratuité donne un plus grand accès aux livres. L’amendement tend également à créer un fonds de soutien destiné aux collectivités qui auraient des difficultés financières pour assumer cette gratuité.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Le choix de la gratuité du prêt des livres appartient aux collectivités territoriales ; il faut le leur laisser – du reste, le sujet devrait plutôt être abordé dans le programme dédié au livre et aux bibliothèques. Le maire d’une commune ayant un projet de médiathèque a longtemps pu obtenir près de 80 % de subvention – c’est un peu moins aujourd’hui. Les collectivités ont créé des plans lecture et des politiques publiques assez importantes, de telle sorte que le projet de fonds de soutien aux bibliothèques est déjà satisfait par l’effort consenti par l’État pour soutenir la création des médiathèques. Avis défavorable.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Le budget prévoit 5 milliards d’euros de coupes pour les collectivités territoriales : il est étonnant que vous jugiez superflu un fonds de soutien à ces mêmes collectivités. En période d’austérité et de coupes drastiques dans les budgets des collectivités, les maires ont moins de choix. L’amendement vise donc à permettre aux collectivités d’assumer la gratuité.

Les objections que vous souleviez à propos des musées ne tiennent pas pour ce qui concerne les bibliothèques municipales et intercommunales. Les touristes, que vous vouliez faire contribuer, les fréquentent peu. Il est dommage que vous ne laissiez pas les collectivités aller dans le sens de l’accès au livre, a fortiori en sachant que mon amendement ne coûte que 25 millions d’euros, soit rien ou presque, au budget de l’État.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC82 de M. Idir Boumertit

M. Idir Boumertit (LFI-NFP). Trop souvent, la logique d’appel à projets nuit à la production et à la diffusion de l’art par gaspillage de temps et de moyens. Artistes, institutions, musées et associations mobilisent leurs ressources pour cocher les cases donnant droit à financements. Il est temps de changer de paradigme en octroyant des moyens supplémentaires stables au soutien de la production culturelle et artistique française : les enveloppes budgétaires doivent assurer un financement pérenne, à l’inverse des appels à projets fluctuant chaque année. Cela favorisera la créativité et la diversité culturelle par l’affranchissement des artistes et des équipes indépendantes des contraintes liées à la recherche de budget.

Un fonds de soutien aux expressions culturelles non académiques permettrait aux acteurs du monde culturel de se rapprocher des citoyens les plus éloignés de la culture et de développer un style, une vision de la culture pleinement émancipatrice et populaire.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Il ne vous aura pas échappé que je ne suis pas le ministre de la culture et ce n’est pas moi qui fais le budget. La difficulté de l’exercice, c’est qu’on prend à Paul pour habiller Jacques. Je souscris à votre idée de mener une réflexion avec les services du ministère de la culture pour adopter, sur certains projets, une logique pluriannuelle. Pour autant, cela justifierait-il 52 millions d’euros supplémentaires ? Je ne le crois pas. Depuis 2017, nous avons augmenté de 1 milliard le budget de la culture. L’augmentation est certes moins forte cette année que les précédentes, mais il s’agit d’une année particulière, après la crise du covid et la guerre en Ukraine. Et je rappelle aux collègues du Rassemblement national, que sur tous les derniers budgets, ils réclamaient 100 milliards d’euros de dépenses supplémentaires. Nous pouvons travailler collectivement pour avancer sur le sujet.

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur les artistes-auteurs.

Amendement II-AC65 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Les artistes-auteurs sont parmi les grands perdants des sept années de pouvoir d’Emmanuel Macron ; ils n’ont jamais vu leurs revendications, qui figuraient notamment dans le rapport Racine, suivies d’effet. Ils nous alertent sur l’état de précarisation qui caractérise leur situation et sur les dangers que fait peser l’intelligence artificielle sur leurs revenus. Leur revendication est finalement assez simple : voir reconnaître leur travail d’artistes-auteurs et bénéficier d’une protection sociale, d’élections professionnelles qui leur permettent d’être représentés ainsi que d’une continuité de revenus. Je vous renvoie à cet égard à la proposition de loi transpartisane pour une continuité de revenus des artistes-auteurs, qui a reçu de nombreux soutiens dans le secteur, mais qui n’a obtenu aucune réponse et sur laquelle on n’a vu aucune tentative d’avancer. Il faut absolument mettre en place ce plan pour les artistes-auteurs et reconnaître qu’il existe bien un travail de l’art et qu’il doit être rémunéré à sa juste valeur.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. J’ai du mal à comprendre pourquoi Emmanuel Macron se serait acharné sur le sort des artistes-auteurs. Le Président de la République a eu plusieurs gouvernements, qui ont augmenté de 1 milliard d’euros le budget de la culture, ce qui soutient directement ou indirectement les artistes-auteurs en élargissant la capacité de commande des acteurs de la filière.

Les syndicats d’artistes-auteurs que nous avons auditionnés ne sont pas tous pleinement en phase avec la proposition de loi de M. Dharréville, que j’avais d’ailleurs cosignée. Peut-être faut-il que nous nous remettions collectivement autour de la table pour y travailler.

Un chantier est en cours et la protection des artistes-auteurs face à des menaces technologiques nouvelles comme l’intelligence artificielle doit nous interroger. Nous devons nous questionner aussi à propos de la chaîne de la valeur afin que les auteurs soient bien rémunérés quand leurs œuvres rapportent de l’argent. Nous devons, enfin, nous poser la question très importante du respect des règles, en matière par exemple de délais de paiement, car les auteurs d’une prestation artistique sont parfois payés avec six mois ou un an de retard. Ce sont là de vraies questions.

La situation des artistes-auteurs pourrait, du reste, mériter une mission flash ou une mission d’information de notre commission.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je vous ai entendu, monsieur le rapporteur.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Vous dites que les syndicats ne sont pas tous d’accord entre eux et trouvez qu’ils devraient se mettre autour de la table.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Vous aussi avec eux !

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Avec 50 millions d’euros, le coût de cet amendement n’est pas si important – même si, je le sais bien, le Rassemblement national veut supprimer tout le budget de la culture et vote contre la moindre recette dès qu’il s’agit de toucher les poches des plus riches. Des élections professionnelles sont indispensables pour la protection des artistes-auteurs, qui doivent pouvoir être représentés et entendus. Ce n’est pas contradictoire avec ce que vous dites, bien au contraire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC154 de Mme Soumya Bourouaha

Mme Soumya Bourouaha (GDR). J’ai récemment redéposé sur ces questions une proposition de loi précédemment déposée par mon collègue Pierre Dharréville. Cet amendement d’appel vise à préfigurer la création d’un revenu de remplacement pour les artistes-auteurs. Les artistes sont en effet des travailleurs, car la création d’une œuvre artistique est un véritable travail. Cependant ces artistes ne gagnent de l’argent que lorsque leurs œuvres sont diffusées et les droits d’auteur qui constituent leur rémunération ne reflètent que le succès ou la diffusion de celles-ci. En revanche, le travail créatif qui précède la diffusion n’est le plus souvent pas rémunéré. Ainsi, quand un artiste auteur n’a pas d’activité rémunérée, il ne perçoit aucun revenu en dehors des aides sociales minimales, ce qui le place dans une situation encore plus précaire que de nombreux autres travailleurs, car il doit continuer à créer tout en faisant face à ses besoins de base et aux coûts liés à son activité professionnelle, comme l’achat de matériel et de fournitures, la recherche de diffuseurs ou la location d’ateliers.

Le groupe GDR défend depuis plusieurs années l’idée d’une loi qui créerait un revenu de remplacement pour ces artistes. Le dispositif proposé est technique, mais ce serait un formidable tsunami que nous votions tous cet amendement.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. J’ai déjà dit ce que j’en pensais. Nous devons avoir cette réflexion importante. Des pistes d’amélioration existent pour les auteurs et il serait bon que notre commission se penche sur le sujet, avec l’aide du Gouvernement. Avis défavorable, mais je soutiens l’examen de cette question.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC189 de Mme Caroline Parmentier

Mme Caroline Parmentier (RN). Pendant que vous jonglez avec les centaines de millions et que vous vous faites plaisir avec l’argent des Français, nous nous efforçons de réparer le désastre budgétaire, dans lequel nous ne portons aucune responsabilité. Cet amendement propose de réduire de 50 millions d’euros les crédits accordés à l’action Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels du programme Création.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). En réalité, vous portez une responsabilité. Voilà encore dix minutes ou un quart d’heure, dans l’hémicycle, vous avez rejeté, avec le socle du gouvernement Barnier, l’augmentation de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui aurait permis au budget de l’État d’engranger des sommes nécessaires pour les services publics et les politiques de service public. J’ai l’impression d’assister à un sketch, malheureusement devenu réalité, du président argentin Javier Milei, qui s’affichait tronçonneuse à la main : Afuera ! Dehors, les ministères et les services publics ! Vous n’avez pas la tronçonneuse, mais la même ambition de jeter aux orties l’ensemble des politiques culturelles.

M. Laurent Croizier (Dem). Je suis étonné, surpris, abasourdi par cet amendement. La culture, c’est ce qui forge la citoyenneté, l’appartenance à une nation, nos traditions, nos savoir-faire et notre art de vivre à la française, et vous voulez baisser les crédits qui lui sont alloués ? C’est irresponsable et totalement contraire à ce que vous racontez depuis toujours. Cet amendement d’opportunité est très malvenu et manque complètement sa cible.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Je suis surpris que vous ne vous cachiez pas de vouloir faire ce qui est le réflexe de tous les régimes illibéraux : commencer par tailler à la tronçonneuse les budgets de la culture. D’ailleurs, qu’est-ce qui vous déplaît au palais de Tokyo, et pourquoi les métiers d’art, qui sont les métiers de la culture et des traditions millénaires de la France ? Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur les enseignements artistiques.

Amendement II-AC72 de M. Raphaël Arnault

M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Il tend à renforcer la place des enseignements artistiques dans les lycées où, marginalisés par le nouveau baccalauréat, ils sont en train de disparaître. Les dernières réformes ont institué une école dans laquelle les contenus, options et spécialités proposés varient d’un établissement à l’autre, et les enseignements artistiques en font les frais. Les réformes successives du lycée professionnel ont, par exemple, réduit les enseignements permettant aux élèves de disposer d’une culture commune. Derrière l’illusion de liberté que confèrent aux lycées les réformes de l’enseignement, le résultat est la marginalisation des matières jugées moins essentielles ou moins utiles. Dans le cas des options artistiques, il revient au lycée de décider s’il en proposera parmi les parcours d’enseignement : l’option artistique devient alors un simple bonus. La disparition progressive de ces enseignements au lycée a pour conséquence directe le renforcement des inégalités d’accès à la culture. Cet amendement propose donc d’augmenter de 50 millions d’euros le soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. C’est là une préoccupation que nous partageons tous. Toutefois, les crédits alloués à l’enseignement artistique et culturel dans le temps scolaire sont déjà en augmentation de 8 millions d’euros cette année, ce qui permet la réalisation de politiques nouvelles. Dans cette période de tensions budgétaires, on pourrait s’en féliciter. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC18 de Mme Céline Hervieu

Mme Céline Hervieu (SOC). Il vise à corriger la baisse de 10 millions d’euros des crédits en faveur de l’éducation artistique et culturelle. S’il existe des dispositifs politiques qui permettent la démocratisation de la culture et la transmission des savoirs, ce sont bien ceux de l’EAC. Nous ne comprenons pas comment on peut, d’un côté, défendre le 100 % EAC et la garantie que tous les enfants pourront en bénéficier et, de l’autre côté, constater une baisse de 5 % des élèves de primaire et de collège qui en bénéficient par rapport à 2024. Pourquoi la part de ces crédits censée être dirigée vers les territoires prioritaires est-elle en baisse de 2 % par rapport à 2024 ? Nous proposons donc de rétablir ces 10 millions d’euros pour l’éducation artistique et culturelle.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Nous n’avons pas tout à fait les mêmes chiffres : le mien est d’un peu moins de 5 millions d’euros, et non pas 10. Je répète que, pour les temps scolaires, les crédits de l’EAC augmentent de 8 millions et, pour le temps hors scolaire, de 9 millions, avec 2 millions supplémentaires pour une action menée dans les conservatoires : cela témoigne d’un soutien à l’EAC. Je ne suis personnellement pas opposé à l’idée de lui allouer plus de moyens mais, dans une période de budget contraint, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, avis défavorable.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Il est assez pénible de vous entendre invoquer les contraintes budgétaires alors que, dans le même temps, vous rejetez dans l’hémicycle tout le budget que nous pourrions récupérer. Cela ne coûterait pas grand-chose d’aller récupérer quelques sous en taxant les superprofits et les superdividendes. Personne n’a jamais dit que l’éducation artistique et culturelle devait diminuer et on voit bien qu’il faut augmenter ces budgets : il en est d’autant plus regrettable, monsieur Balanant, alors même que votre groupe vote parfois en faveur d’augmentations de recettes, que vous adhériez au logiciel austéritaire selon lequel, même quand une idée est bonne, on n’a pas les sous pour la payer.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. D’abord, je ne suis pas dans l’hémicycle, mais ici. Vous avez eu l’honnêteté de relever que mon groupe, le Mouvement démocrate, réclame depuis sept ans quelques ajustements fiscaux, même s’ils ne vont pas dans le sens de ce que vous préconisez, qui est parfois caricaturalement fort. Ne nous faites pas de procès d’intention, car je note avec satisfaction que, globalement, le budget de la culture augmente encore cette année de 3,8 %, après une augmentation de 30 % depuis 2017. Dire que je soutiens une politique austéritaire est donc un peu caricatural. Je le dis d’autant plus que je connais votre attachement pour ces questions et que nous partageons parfois certaines convictions –  comme, je l’espère, la plupart des membres de cette commission – quant au développement de la culture. Si nous voulons progresser, il faut être juste et reconnaître ce qui a été fait.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC32 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Il vise à affecter la modique somme de 2 millions d’euros à l’éducation à l’image, qui est un enjeu fondamental pour la jeunesse. Cette éducation repose aujourd’hui sur des dispositifs auxquels je suis personnellement très attachée, en tant qu’ancienne professeure, pour y avoir eu recours. J’ai vu, en effet, les résultats produits en emmenant des classes d’élèves au cinéma voir, selon une programmation choisie, des films qu’ils ne seraient pas allés voir spontanément, et en dispensant aux enseignants des formations leur permettant d’accompagner ce rapport au cinéma.

Le département du Nord a récemment annoncé qu’il renonçait au programme Collège au cinéma en raison des coupes budgétaires qui l’obligeaient à choisir entre cette activité et la protection de l’enfance. Ce renoncement, dramatique en termes d’égalité entre les élèves sur l’ensemble du territoire, montre aussi l’impact des baisses des budgets des collectivités territoriales sur la politique culturelle. Nous devons soutenir ces dispositifs, qui ne doivent pas en faire les frais. J’ajoute que les réformes en cours dans l’éducation nationale, avec le pacte enseignant, ne favorisent pas le recours à ce dispositif.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Le débat est le même que pour l’amendement précédent. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur l’éducation critique aux médias et à l’information.

Amendements identiques II-AC26 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-AC73 de M. Raphaël Arnault

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’amendement II-AC26, travaillé avec l’association Jets d’encre, propose un plan d’investissement de 3 millions d’euros dans l’éducation aux médias, à l’image et à l’information. Il est essentiel pour notre démocratie d’aider les jeunes à y voir plus clair dans la masse d’informations ou de désinformations qui circulent sur l’ensemble des moyens de communication, que ce soit sur certaines chaînes de télévision du secteur privé ou sur les réseaux sociaux. Il est très important d’instaurer ce parcours citoyen. En outre, avec des crédits qui ne sont pas à la hauteur, les entreprises du service public de l’audiovisuel risquent d’avoir plus de difficultés à participer à ces actions.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Comme pour l’éducation artistique et culturelle, il y a consensus sur le fait que la jeunesse est exposée à des images, et à des contenus médiatiques qu’elle doit être capable d’analyser. L’adoption de cet amendement à 3 millions serait, pour l’Assemblée nationale, une façon de montrer qu’il faut renforcer les moyens en ce sens. Vous avez déjà refusé de soutenir les programmes permettant d’emmener lycéens et collégiens au cinéma, alors que nous savons à quel point le secteur, que nous avons auditionné, demande le renforcement de ce dispositif qui fonctionne bien, mais auquel certaines collectivités renoncent, faute de budget. On voit en tout cas que l’argument selon lequel nous serions déraisonnables et demanderions des sommes hallucinantes est un argument bidon, car il ne s’agit ici que de sommes très raisonnables pour des sujets qui font consensus.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Ce que vous réclamez existe déjà : il s’agit de la sous-action 01 de l’action 02 du programme 361, dotée de 3,77 millions d’euros. Votre amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Nous n’allons pas retirer des amendements dont vous n’assumez pas le rejet. Vous ne voulez même pas lâcher 3 millions d’euros pour l’éducation aux médias !

La commission rejette les amendements.

Amendement II-AC221 de Mme Violette Spillebout

Mme Violette Spillebout (EPR). Comme mes collègues, je soulignerai l’importance de l’éducation aux médias et à l’image, à l’école et dans d’autres structures, comme les bibliothèques, les médiathèques, les centres sociaux et les maisons de quartier, dont certaines ont conclu des conventions avec les caisses d’allocations familiales ou peuvent avoir des budgets à cette fin, même si cela reste insuffisant. Il existe aujourd’hui un budget de 3,77 millions d’euros, qui est maintenu pour 2025.

Cet amendement vise toutefois à ajouter 500 000 euros pour l’éducation critique aux médias, afin de lutter contre la désinformation et d’accompagner les jeunes et les moins jeunes pour leur permettre d’exercer leur esprit critique dans tous les domaines, en particulier dans les espaces numériques, en partenariat avec les associations d’éducation aux médias et de journalisme, dont Mme Taillé-Polian a souligné le rôle et dont une grande partie intervient bénévolement dans les classes.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Lorsque j’ai dit que 3,77 millions d’euros y étaient déjà consacrés, je n’ai pas eu le temps de dire que ce chiffre pourrait légèrement augmenter. Avis favorable, donc.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC69 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Il vise au financement d’un plan de lutte contre les violences et le harcèlement sexistes et sexuels, et de défense de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les arts et la culture. J’espère, monsieur Balanant, qu’en tant que rapporteur fraîchement élu de la commission d’enquête sur les violences sexistes et sexuelles (VSS), vous n’oserez pas, cette fois, émettre un avis défavorable à un amendement dont chacun comprendra l’importance. Quasiment tous les jours, nous recevons des alertes concernant des agresseurs circulant dans les milieux des arts et de la culture, milieux encore très masculins et cultivant le huis clos, propices aux violences et à l’emprise. Il nous faut donc absolument renforcer ce combat, ce qui ne passe pas seulement par des mots et des lois, mais aussi par du budget. Cet amendement répond, pour la part du budget de la culture, aux demandes des associations d’une somme de 2,6 milliards d’euros à l’échelle de tout le budget pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Dans de nombreux domaines, ce n’est pas seulement avec plus d’argent qu’on traite les problèmes. Pour ce qui est, par exemple, de l’éducation aux médias, les acteurs de l’audiovisuel public pourraient fort bien mener des actions plus substantielles. Il ne s’agit pas seulement ici d’évoquer en termes budgétaires des questions qui nous paraissent collectivement importantes, car tout ne se résout pas avec de l’argent supplémentaire. Nous devons aussi être responsables collectivement.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Vous irez expliquer cela aux associations féministes, qui disent précisément que, dans le combat contre la culture du viol et les violences faites aux femmes, la dimension budgétaire est essentielle pour la formation. Pour écouter les femmes – car ce sont essentiellement les femmes qui sont victimes –, qui parlent de plus en plus, pour les entendre et les accompagner, il faut des budgets.

Il est hallucinant, alors que vous êtes rapporteur pour avis sur le budget du patrimoine, que vous nous expliquiez que ce n’est pas parce qu’on examine le budget qu’il faudrait faire des dépenses, et qu’on peut s’arranger. Votre réponse me choque, car une importante documentation atteste de l’importance de la part budgétaire. Vous avez mal choisi votre moment pour intervenir.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. M. Patrier-Leitus est membre de la commission et, à ce titre, il a droit à la parole.

Mme Graziella Melchior (EPR). Notre groupe partage la cause de la lutte contre les violences et le harcèlement sexistes et sexuels et j’y suis moi-même très engagée, comme vous. Cependant, nous avons repris aujourd’hui même les travaux de la commission d’enquête consacrée à ce sujet et pensons qu’il conviendrait que cette commission d’enquête mène ses travaux à terme avant de faire de telles recommandations. Nous nous abstiendrons donc sur votre amendement.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je suis, moi aussi, choquée par certains propos. Des pays comme l’Espagne, que l’on cite souvent en exemple, montrent qu’il faut des moyens pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles et contre les discriminations liées au genre. On ne peut pas lutter contre ces violences uniquement avec de bons sentiments. Il faut des moyens d’accompagnement et les victimes doivent pouvoir être écoutées. Il faut aussi des mesures de prévention permettant que tout se passe bien sur les tournages.

Dans le cadre de la discussion budgétaire, nous considérons qu’il faut consacrer des moyens à ce problème. Les réactions que nous entendons m’étonnent d’autant plus que nous avons voté à l’unanimité la création de cette commission d’enquête, ce qui montre que nous considérons qu’il s’agit d’un sujet majeur et qu’il faut agir. Peut-être faudra-t-il affiner ce plan sur la base des résultats de la commission d’enquête, mais nous savons dès aujourd’hui qu’il faut débloquer des moyens.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Il est évident qu’il faudra que nous consacrions des moyens à cette cause. Même s’ils sont insuffisants, il en existe déjà pour des plans de prévention et des accompagnements. Une commission d’enquête a été créée parce que des faits graves nous ont été révélés, qui ne remontent du reste pas seulement au mois de mai 2024 mais, en réalité, à une vingtaine d’années. À l’issue de cette commission d’enquête présidée par Mme Sandrine Rousseau, dont vous avez rappelé que je viens d’être nommé rapporteur, et où siégeront bon nombre des membres de notre commission, nous procéderons à des évaluations et à des constats. J’espère aussi que nous établirons une stratégie, un plan de lutte, que nous chiffrerons ensemble. À un moment donné, nous demanderons des moyens supplémentaires.

Ne nous donnez pas de leçons dans ce domaine ; je m’y suis impliqué et je continue à le faire. Du reste, peut-être constaterons-nous qu’il faut plus que les 30 millions d’euros que vous demandez – peut-être 50 millions d’euros, je n’en sais rien. À ce stade, faisons travailler la commission d’enquête que nous avons installée et qui a fait l’objet d’un consensus. Allons jusqu’au bout de ce travail, après quoi nous pourrons réfléchir à l’argent qu’il faudra mettre, autant que nécessaire, pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans l’intégralité du monde de la culture – et nous savons qu’elles existent aussi dans toute notre société. Je ne peux pas donner un avis défavorable, mais je demande le retrait de cet amendement, car nous ne savons pas combien coûteront ces mesures et il faut travailler pour le savoir.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). J’ai bien compris le sens de vos propos : il est urgent d’attendre. Je suis membre de cette commission d’enquête, et je pense en effet qu’elle émettra des préconisations, y compris sur le plan législatif. Cependant, depuis le début de ses travaux – j’y inclus ceux qui ont été réalisés avant qu’elle soit relancée –, toutes les personnes auditionnées faisaient état de besoins en termes de formation. Les victimes étant de plus en plus nombreuses à parler, il est, mathématiquement, de plus en plus nécessaire de disposer de budgets pour les accueillir les écouter et les entendre. Quelles que soient les décisions que nous pourrions prendre en termes de normes et de droit, tout le monde souligne le besoin de budgets.

Jamais je ne retirerai un amendement qui propose du budget contre les VSS. Il n’est pas audible qu’il faudrait attendre la fin de la commission d’enquête, c’est-à-dire avril prochain, pour ajouter du budget alors que nous apprenons tous les jours qu’un rappeur par-ci, un réalisateur par-là, y compris dans l’audiovisuel public, commettent des violences. Il n’est pas audible qu’il serait urgent d’attendre pour mieux évaluer des besoins qui pourraient se révéler supérieurs à ce qui est demandé aujourd’hui.

La commission adopte l’amendement.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur le fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps).

Amendement II-AC230 de M. Steevy Gustave

M. Steevy Gustave (EcoS). Cet amendement vise à augmenter de 19 millions d’euros le financement affecté au Fonpeps, qui a fait ses preuves dans la résorption de la précarité de l’emploi dans le secteur culturel. Le fonds retrouverait ainsi sa dotation initiale de 90 millions.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Pour 2025, les crédits du Fonpeps, dispositif efficace et apprécié par les acteurs du secteur, sont renouvelés à l’identique, soit 39 millions d’euros. En pratique, le ministère de la culture a toujours pourvu aux besoins de financement du fonds lorsque son budget était épuisé. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC238 de M. Steevy Gustave

M. Steevy Gustave (EcoS). Il s’agit d’un amendement de repli, élaboré avec le Synavi : il tend à affecter au Fonpeps un financement de 6,5 millionsd’euros afin de financer les évolutions de celui-ci.

Il a également pour but de revenir à la condition initiale d’éligibilité, à partir de deux artistes en plateau, et d’ajouter une clause pour les salles de petite jauge et les lieux non dédiés. Cette proposition permettrait de couvrir environ 40 % des coûts artistiques et techniques directement supportés par une compagnie, autorisant des petites communes à accueillir pour quelques centaines d’euros des spectacles qui seraient, sinon, inaccessibles.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Jusqu’ici, le ministère de la culture a en effet pourvu aux besoins de financement du Fonpeps autant que de besoin, mais le rapporteur pour avis ne cesse de nous dire que 2025 est une année particulière, qui demanderait d’être particulièrement raisonnable. Quelle assurance avons-nous que cette pratique sera maintenue en 2025 ? Avant le prochain coup de tronçonneuse contre le Fonpeps suggéré par le Rassemblement national, nous devons affirmer notre volonté de réduire la précarité dans le monde du spectacle.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Je n’ai pas dit qu’il fallait être raisonnable : en matière de culture, il ne faut jamais l’être ! Pour autant, les augmentations que vous appelez de vos vœux me semblent trop fortes, et quel qu’en soit le montant, mon avis reste le même : demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC186 de Mme Caroline Parmentier

Mme Caroline Parmentier (RN). Cet amendement vise à réduire de 20 millions d’euros les crédits accordés à l’action 06 Soutien à l’emploi et structuration des professions du programme 131 Création. Nous continuons de faire en sorte de ne pas creuser le déficit, de réduire l’imposition des Français et d’accentuer la baisse de la dépense publique.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Massacre à la tronçonneuse, épisode 4 ! Voilà encore un amendement du Rassemblement national qui ne propose aucune politique culturelle. On a bien compris qu’il n’aime pas la culture et sa puissance émancipatrice. Il en a même un peu peur puisqu’il veut bien la soutenir, mais seulement si elle est neutre – c’est-à-dire s’il peut la contrôler. En commission, vous cherchez à raboter les budgets et, parallèlement, dans l’hémicycle, vous votez contre les recettes qu’on pourrait piocher dans les superprofits des entreprises et les poches des plus riches. Nous avons bien compris que tout ce que vous voulez faire, ce sont des coupes, des coupes, des coupes, comme Emmanuel Macron.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Madame Parmentier, je viens de vous entendre dire « vous allez mettre la France à genoux ». En l’occurrence, ce sont les artistes que vous voulez mettre à genoux ! Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur les écoles d’art territoriales.

Amendements identiques II-AC19 de Mme Fatiha Keloua Hachi et II-AC237 de M. Steevy Gustave et amendement II-AC53 de Mme Sarah Legrain (discussion commune)

Mme Céline Hervieu (SOC). L’amendement II-AC19 vise à réévaluer la dotation de trente-trois écoles territoriales d’art à hauteur de 16 millions d’euros. Avec l’Association nationale des écoles supérieures d’art, nous donnons l’alerte depuis deux ans sur la situation dramatique de ces établissements, dont nous souhaitons réévaluer les dotations pour établir une équité de traitement avec les écoles nationales. Cela permettrait de financer notamment l’accroissement des missions de fonctionnement, les conséquences de l’inflation et de l’évolution du point d’indice, ainsi que l’exonération des frais d’inscription des étudiants boursiers.

L’État n’a pas fait évoluer la dotation structurelle de ces écoles territoriales depuis près de douze ans. En euros constants et en tenant compte de l’inflation, cela correspond à une diminution réelle de plus de 14 %. Ces établissements, en grande difficulté, sont en train d’épuiser leurs fonds de roulement. Ils ont besoin de soutien de toute urgence.

M. Steevy Gustave (EcoS). Cet amendement identique a pour but de débloquer 16 millions d’euros pour les écoles d’art territoriales, dont la situation est dramatique ; certaines d’entre elles sont menacées de fermeture. Constituées en établissements publics de coopération culturelle (EPCC), ces trente-trois écoles délivrent des diplômes nationaux du ministère de la culture – licences et masters. Le financement de l’État ne représente que 10 % de leur budget, en moyenne, l’essentiel provenant des collectivités territoriales déjà lourdement affectées par la crise.

Cette aide de 16 millions avait été approuvée par nos collègues du Sénat dans le cadre du PLF pour 2024, mais elle a été victime du 49.3. Elle vise à rétablir une équité de traitement entre les EPCC et les écoles nationales, qui délivrent les mêmes diplômes.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Nous avons reçu le groupement des écoles d’art territoriales et nous avons identifié plusieurs sujets à traiter. Le financement de l’État présente des asymétries, allant de 3,8 % à 40 %. Toutefois, le rééquilibrage ne devrait pas pénaliser les écoles qui sont les mieux financées.

Les écoles territoriales, comme leur nom l’indique, relèvent de la responsabilité des collectivités dans lesquelles elles sont implantées, notamment en matière de financement. Celles-ci doivent s’engager auprès des écoles, qui participent à l’attractivité des territoires ; certaines subventions sont insuffisantes.

Par ailleurs, je souhaite appeler l’attention du ministère de la culture sur la nécessaire poursuite de l’application des recommandations du rapport très complet de M. Pierre Oudart.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC156 de Mme Soumya Bourouaha

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Nous souhaitons donner l’alerte sur la situation difficile des écoles d’art territoriales, qui font face à de graves problèmes financiers. En 2023, la précédente ministre de la culture avait débloqué une aide de 2 millions d’euros ; plus récemment, l’actuelle ministre leur a octroyé une aide de 3 millions. Cet amendement vise à les compléter par une nouvelle aide de 3,6 millions.

En effet, ces aides n’ont pas suffi à compenser le retrait progressif de l’État. Ces écoles sont majoritairement financées par les collectivités locales, à hauteur de 75 %, tandis que l’État ne contribue qu’à hauteur de 11 % en moyenne. Cette situation risque d’empirer en 2025 puisque le Gouvernement demande aux collectivités de réduire leurs dépenses de 5 milliards d’euros, ce qui risque de diminuer le budget en faveur de la culture, et donc, des écoles d’art territoriales. D’après l’Association nationale des écoles d’art, les subventions de l’État ont déjà diminué de 14 % si l’on tient compte de l’inflation.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC234 de M. Steevy Gustave

M. Steevy Gustave (EcoS). Les enseignants des trente-trois écoles d’art territoriales ont le statut de professeur d’enseignement artistique de la fonction publique territoriale, c’est-à-dire le même que les enseignants des pratiques amateurs et conservatoires. Or ils délivrent des diplômes de licence ou de master, et leur statut doit être réformé en conséquence. Toutefois, cette réforme indispensable ne peut être prise en charge par les seules collectivités territoriales. Cet amendement a pour but de dégager 2 millions d’euros pour contribuer à sa concrétisation.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Cette réforme est légitime, mais mérite de faire l’objet d’une discussion entre le ministère de la culture, les collectivités territoriales, les instances représentatives du personnel et la direction des écoles, afin de trouver la bonne clé de répartition. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-AC291 de M. Erwan Balanant et II-AC233 de M. Steevy Gustave

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. L’amendement vise à octroyer 1,6 million d’euros aux écoles territoriales d’art et de design pour exonérer les étudiants boursiers des frais d’inscription. J’ai appris récemment qu’il existait une différence de traitement entre les étudiants boursiers des écoles nationales d’art et ceux des écoles territoriales d’art, alors qu’ils obtiennent les mêmes diplômes après avoir suivi des enseignements similaires : les premiers bénéficient d’une exonération complète de leurs frais de scolarité, contrairement aux seconds.

Lorsque nous avons reçu en audition les représentants de ces écoles, j’ai considéré que cette revendication était justifiée : la différence de traitement n’est ni juste, ni valorisante pour ces établissements d’excellence.

La commission adopte les amendements.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur les écoles nationales supérieures d’architecture (Ensa).

Amendement II-AC59 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). L’amendement est défendu.

Amendement II-AC36 de M. Frédéric Maillot

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Cet amendement a été élaboré en collaboration avec le collectif pour les conditions dignes et égalitaires des enseignants contractuels en écoles d’architecture. Il vise à aligner les rémunérations des professeurs contractuels sur celles des titulaires, parce qu’il n’est pas acceptable de ne pas percevoir le même salaire pour le même travail. Un amendement similaire au PLF pour 2023 avait été adopté, mais il a été victime du recours au 49.3.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. L’année dernière, les crédits destinés aux charges de fonctionnement des Ensa ont fortement augmenté, afin de les aider à surmonter la crise qui les touchait. D’un montant de 56 millions d’euros, ils ont été reconduits dans le PLF pour 2025. Avis défavorable sur l’amendement II-AC59.

L’évolution visée par l’amendement II-AC36 serait louable, mais elle doit faire l’objet d’une concertation entre l’État, les Ensa et les instances représentatives du personnel. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC52 de Mme Céline Hervieu

Mme Céline Hervieu (SOC). Cet amendement vise à corriger la baisse des subventions allouées aux Ensa. Ces vingt écoles ont des missions cruciales en matière de formation initiale et continue des professionnels de l’architecture, de recherche en architecture, de diffusion de la culture architecturale et de rayonnement international. Leur situation financière s’est fortement dégradée et nous contestons la baisse des subventions, qui représente 700 000 euros.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. En tant qu’amoureux de l’architecture, je devrais être favorable à votre amendement, sauf qu’un effort notable a été réalisé l’année dernière, comme je l’ai rappelé. La nette hausse des crédits pour 2024 ayant été reconduite dans le PLF pour 2025, il ne s’agit donc pas d’une simple réaction pour éteindre un incendie, mais d’un véritable engagement.

Nous devons cependant rester vigilants quant à la situation des Ensa, dont l’importance est cruciale, en témoignent les nombreux architectes français qu’elles ont formés et qui sont mondialement reconnus pour leurs qualités et leur expertise. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur l’accessibilité de la culture aux personnes en situation de handicap.

Amendements II-AC34 de M. Frédéric Maillot et II-AC165 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Le financement de l’accessibilité de la culture aux personnes en situation de handicap est déjà pris en charge dans la sous-action Participation à la vie culturelle de l’action 02 du programme 361. En outre, les crédits dédiés au handicap ont augmenté de 8 % en 2024 ; ce n’est peut-être pas suffisant pour un enjeu de cette importance, mais il ne me semble pas pertinent de créer un nouveau programme. Demande de retrait.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-AC126 de Mme Sophie-Laurence Roy.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur les maisons des jeunes et de la culture (MJC).

Amendement II-AC232 de M. Steevy Gustave

M. Steevy Gustave (EcoS). Cet amendement a pour objet l’augmentation du financement dédié aux MJC. Parce qu’elles agissent pour l’éducation populaire, l’accès à la culture et l’émancipation de la jeunesse, elles sont essentielles à la vie des quartiers populaires et à la démocratisation culturelle. Nous souhaitons soutenir le développement d’un fonds de soutien aux MJC et aux associations culturelles dans les quartiers populaires et dans les zones rurales, projet que la ministre affectionne particulièrement.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. La ministre de la culture a en effet lancé une réflexion à ce sujet, reconnaissant que les MJC ne sont sans doute pas suffisamment soutenues. En attendant l’examen de ce sujet en séance, où elle pourra nous en dire davantage, je vous invite à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement II-AC220 de Mme Violette Spillebout

Mme Violette Spillebout (EPR). Le présent amendement vise à affecter 1 million d’euros supplémentaire à l’éducation artistique et culturelle dispensée par les structures de l’éducation populaire. Le budget prévu dans le PLF pour 2025 s’élève à 1,74 million, ce qui semble bien peu au regard du nombre de structures concernées. Cet ajout nous semble conforme aux déclarations de la ministre, qui a exprimé à plusieurs reprises le souhait de renforcer les moyens des MJC. Celles-ci rencontrent en effet d’importantes difficultés financières, comme elles l’ont exprimé lors des manifestations du mois de mars.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Avis favorable. Non seulement le montant proposé est raisonnable, mais cet amendement ne peut qu’encourager la réflexion nécessaire sur les MJC et leur avenir.

La commission adopte l’amendement.

 

2.   Réunion du mercredi 23 octobre 2024 à 9 heures 30

La commission poursuit l’examen, pour avis, des crédits de la mission Culture ([48]).

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen des crédits de la mission Culture.

Article 42 et état B (suite) : Crédits du budget général

Amendement II-AC188 de Mme Caroline Parmentier

Mme Caroline Parmentier (RN). Votre gouvernement, qui a mis la France à genoux et devra en répondre devant une commission d’enquête, contraint les ministères à des économies que nous refusons de faire supporter aux Français. Nous proposons de réduire de 10 millions les crédits accordés à l’action 04 Recherche culturelle et culture scientifique et technique du programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture.

 

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis (Création, transmission des savoirs et démocratisation de la culture). Sur cet amendement comme sur les autres amendements de rabot des crédits du ministère de la culture, j’émets un avis défavorable. La recherche en culture est essentielle. La création d’aujourd’hui est le patrimoine de demain.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-AC292 de M. Erwan Balanant et II-AC77 de Mme Céline Hervieu

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Lors de l’audition de Mme la ministre, j’ai fait observer que le budget de la recherche culturelle diminue de 1 million d’euros, ce qui me semble regrettable, tant celle-ci est fondamentale. Les services de Mme la ministre m’ont indiqué hier qu’il s’agissait d’une erreur d’imputation au sein du projet annuel de performances (PAP). Par prudence, je propose d’adopter ces amendements, et nous demanderons des précisions en séance publique.

Mme Céline Hervieu (SOC). Une fois n’est pas coutume, j’approuve – et le groupe Socialistes et apparentés avec moi – les propos de M. le rapporteur pour avis. Il faut soutenir la recherche culturelle.

La commission adopte les amendements.

Amendement II-AC229 M. Steevy Gustave

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il vise à créer une commission nationale d’indemnisation des acteurs culturels impactés par les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, dotée de 10 millions d’euros.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Les Jeux ont certes eu un impact, mais pas celui redouté il y a deux ans, lorsque l’on annonçait la suppression de presque tous les festivals. Tout a été très bien organisé. La ministre Rima Abdul-Malak et ses équipes, celles du ministère de l’intérieur et la filière ont réussi à se coordonner pour éviter les annulations. Très peu de festivals ont été annulés.

L’impact des Jeux est en cours de chiffrage ; un fonds de compensation est prévu. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC43 Mme Sarah Legrain

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Le fonds « festivals » a été largement abondé. Son montant demeure inchangé pour l’année 2025, à 32 millions d’euros, ce qui pérennise la hausse de 12 millions d’euros décidée pour 2024. Nous n’en devons pas moins surveiller ce sujet, qui fait l’objet de la partie thématique de mon rapport, comme le lait sur le feu.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC191 et II-AC190 de Mme Caroline Parmentier (discussion commune)

Mme Caroline Parmentier (RN). La France a été mise à genoux par ce gouvernement, qui devra en répondre devant une commission d’enquête, je le disais. Nous ne pouvons pas laisser supporter aux seuls Français le poids de cette dette. Les ministères doivent continuer à faire des efforts, au moins ponctuels. Nous proposons de réduire les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) prévus à l’action 06 Action culturelle internationale du programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture.

L’amendement II-AC191 vise à lui allouer un budget identique à celui du projet de loi de finances pour 2023, soit 8 millions d’euros ; l’amendement de repli II-AC190 vise à lui allouer un budget identique à celui du projet de loi de finances pour 2024, ce qui représente une économie de 1,5 million d’euros. Il ne s’agit pas de s’opposer à l’action culturelle internationale mais de faire preuve d’une exigence accrue dans l’octroi des crédits.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Que le Rassemblement national souhaite freiner l’action culturelle internationale et le rayonnement de la France me surprend ! Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis de M. le rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement II-AC74 de Mme Sarah Legrain.

Amendement II-AC79 de Mme Sarah Legrain

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Défendre la liberté d’expression, c’est ce que nous faisons depuis 2017, notamment en augmentant de 1 milliard d’euros le budget du ministère de la culture. S’agissant de la concentration des médias, évoquée dans l’exposé sommaire, elle relève d’une autre mission. Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je soutiens l’amendement. Les attaques à la liberté de création et à la liberté de programmation se multiplient, quand bien même le budget du ministère de la culture a augmenté. Il importe que le ministère puisse approfondir sa réflexion à ce sujet avec les acteurs de terrain et se doter d’outils pour que la liberté de création, qui est au fondement de notre politique culturelle, soit sauvegardée, ainsi que la liberté de programmation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC166 Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Cet amendement inspiré des travaux de Michèle Victory vise à créer un fonds pour le financement de la programmation d’œuvres écrites par des femmes doté de 1 million d’euros, ce qui reste modeste à l’aune du budget du ministère de la culture. En dépit d’une forte et notable prise en compte de cette question, dont nous nous réjouissons, grâce à laquelle la situation des autrices s’améliore, le chemin encore à parcourir reste long. La proportion des femmes parmi les artistes programmés et aidés est de deux sur dix. Il convient de mettre en œuvre une politique volontariste.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Je souscris à l’esprit de l’amendement. La somme de 1 million d’euros est raisonnable. Elle permettra d’amorcer une réflexion. Être auteur est difficile, être autrice l’est plus encore. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC1 de M. Philippe Fait

M. Philippe Fait (EPR). Le plan « fanfare » est une réussite. L’amendement vise à y inclure les jeux traditionnels et les danses folkloriques, dont la pratique irrigue nos territoires, notamment nos territoires ruraux, grâce à des associations aux moyens très limités. Il s’agit de leur venir en aide, à hauteur de 500 000 euros, pour préserver notre patrimoine.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Le plan « fanfare » est soutenu par le ministère de la culture à hauteur de 1,5 million d’euros par an. Il a été pérennisé en 2025. L’amendement est intéressant, mais il me semble satisfait, sans préjudice de ce que la ministre pourrait en dire dans l’hémicycle. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC164 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Cet amendement vise à créer un fonds dédié à la production des auteurs et autrices de textes francophones dans le spectacle vivant. La francophonie permet le dialogue, l’échange et le mélange des cultures, grâce à cet outil commun qu’est la magnifique langue française. Nous souhaitons promouvoir l’usage de notre langue dans le plus grand nombre de pays possible, donc les auteurs et autrices francophones, avec la participation du ministère de la culture.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Le budget de l’action 03 du programme 361, placé sous la tutelle de la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), est pérennisé pour 2025. Dans le contexte actuel, il faut s’en féliciter. L’amendement me semble satisfait. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à la discussion des crédits relatifs au patrimoine, en commençant par une discussion thématique des crédits alloués aux monuments historiques.

Amendement II-AC104 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). En février 2024, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, publiait un décret d’annulation de crédits qui a fait perdre 99 millions d’euros au programme 175 Patrimoines. Cette année, l’action 01 Monuments historiques et patrimoine monumental perd 15 millions d’euros en crédits de paiement.

Cette baisse a de quoi inquiéter, à l’heure où nous sommes confrontés à un mur d’investissement pour restaurer les 23 % de monuments historiques considérés comme en mauvais état ou en péril. Ils doivent être sauvegardés, d’autant qu’ils sont essentiels pour nos territoires et qu’ils permettent de développer l’emploi non délocalisable.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis (Patrimoines). Je rappelle que, lors de l’examen du programme 131 Création, nous avons ponctionné de 3,7 millions d’euros les crédits du programme Patrimoines. Il ne faut pas oublier que les diminutions et les augmentations de crédits que nous votons ont des conséquences.

Le présent amendement vise à augmenter les crédits du programme Patrimoines. Tout en y étant favorable en principe, je rappelle que Mme la ministre a indiqué qu’elle défendrait dans l’hémicycle un amendement visant à les augmenter de façon substantielle. Je propose, plutôt que ponctionner de près de 37 millions d’euros d’autres crédits du ministère, d’attendre la présentation de cet amendement. Nous pouvons faire confiance à Mme la ministre pour faire ce qu’elle a annoncé devant nous.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). J’ai pris note des propos de Mme la ministre, mais un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Voter mon amendement et demander à la ministre de lever le gage me semble être la meilleure façon de procéder.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC85 de M. Christophe Proença

M. Christophe Proença (SOC). Nous proposons de rétablir les crédits de l’action 01 Monuments historiques et patrimoine monumental. Notre rapporteur pour avis a évoqué un héritage commun et une unité de destin, rappelant que le patrimoine fait lien et fait nation. Il a raison. Nous sommes soumis à une obligation morale de transmission.

Toutefois, le budget prévoit une baisse des crédits de 3,5 %. L’amendement vise à rétablir les crédits votés l’an dernier en effaçant la baisse prévue de 18 millions d’euros. Quant aux autorisations d’engagement, elles sont en baisse de près de 40 millions d’euros, ce qui inquiète pour les prochaines années : tous les crédits du programme Patrimoines stagnent ou sont appelés à diminuer dans les années à venir.

Par ailleurs, la baisse des crédits des départements aura des conséquences sur le patrimoine, notamment sur le petit patrimoine de proximité, essentiel aux Français. Dans le département du Lot, le budget que nous examinons induira une baisse de 8 millions d’euros. La mise en difficulté des métiers de la restauration qui découlera de la réduction du nombre de chantiers aura un impact économique non négligeable. Le patrimoine est un bien commun. Nous devons agir.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. L’amendement II‑AC104, que nous venons d’adopter, prévoit d’augmenter de plus de 36 millions d’euros les crédits du programme Patrimoines. Tout amendement dont l’objet est d’augmenter ces crédits me semble satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement II-AC160 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Aucun des 12 000 musées que compte la France sur son territoire n’aborde de façon exclusive l’histoire de la colonisation, pourtant partie intégrante de l’histoire de notre pays. Cette part de notre histoire reste un sujet tabou au cœur de notre République. Nous avons besoin de faire face à notre passé, de le connaître, de le comprendre, pour mieux construire l’avenir par des actes forts.

La création d’un musée national de l’histoire de la colonisation améliorerait la connaissance et la compréhension de notre passé. Il permettrait de donner du sens à cette part de notre histoire. Cet exercice mémoriel est capital pour comprendre comment la France s’est construite, jusques et y compris lors des épisodes récents de la décolonisation, et d’analyser la relation entre ce contexte historique et le racisme si présent dans notre société.

Un tel musée répondrait à l’appel de nombreuses voix d’universitaires qui se sont élevées au cours des dernières années pour demander la création d’un tel lieu de savoir et de culture comme il en existe chez nos voisins qui furent des puissances coloniales. Sa création est également défendue par des femmes et des hommes politiques de tous bords. Elle fait notamment partie des recommandations du rapport d’information sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Nous avons pérennisé les crédits de la mission dont je suis chargé. Je ne souhaite pas que l’on dépouille une mission pour habiller une autre. Je connais les contraintes de l’exercice ; je sais que rien n’exclut que Mme la ministre lève des gages. Les transferts de crédits en faveur du programme Patrimoines avoisinent les 80 millions d’euros. J’appelle l’attention sur ce point. Il serait regrettable que nous déplumions un budget que nous avons réussi à pérenniser.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

Le montant est inadapté. La création d’une institution culturelle est normalement précédée d’une mission de préfiguration, chargée de mener des études et de rédiger un rapport. Tel a récemment été le cas en vue de la création du musée de l’Œuvre de Notre-Dame de Paris. Ces 50 millions d’euros de crédits ne seraient pas consommés en 2025. À l’heure où les finances publiques sont très contraintes, nous devons collectivement veiller à bien calibrer les budgets.

Sur le fond, j’ai des réserves, à titre personnel, sur la création d’un musée national de l’histoire des colonisations. C’est à tous les musées de France, me semble-t-il, qu’il incombe de traiter ce sujet dans le cadre de leurs collections et de leurs expositions. Au demeurant, le musée du quai Branly, qui n’a pas à proprement parler été conçu à cette fin, offre souvent des éclairages en la matière par le biais de ses expositions et devient un lieu ressource. Tout récemment, le musée d’Art moderne de Paris a proposé une exposition intitulée « Art moderne et décolonisation. Paris 1908-1988 ». Je recommande de confier cette mission à toutes les institutions muséales de France.

Mme Violette Spillebout (EPR). Que le groupe écologiste propose de créer un nouvel équipement culturel m’étonne. Sur le fond, il va de soi que toutes les questions d’histoire doivent être traitées, mais elles peuvent l’être dans les musées de nos territoires.

La culture durable suppose de prendre en compte les frais d’investissement et les coûts non seulement budgétaires mais aussi en émissions carbone. Compte tenu, de surcroît, des besoins de médiation culturelle et d’accompagnement humain, il est plutôt nécessaire de renforcer les structures qui se trouvent dans les territoires, dans les quartiers, dans la ruralité, plutôt que créer de nouveaux équipements, dans les métropoles le plus souvent, ce qui suscite des mobilités et ne va pas dans le sens de ce que nous devrons faire demain pour la culture en France.

De nombreuses structures de nos territoires sont fragiles financièrement. Mieux vaut les accompagner. Je voterai contre l’amendement.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). S’il y a des lacunes comme celle-là, il faut créer de nouveaux équipements. Bien sûr, ils doivent s’intégrer à un maillage des initiatives qui visent à faire exister l’histoire de la colonisation et de ses retentissements toujours d’actualité dans notre société.

Mais il nous manque un musée consacré à ce sujet. La communauté universitaire en convient ; le rapport d’information sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme, cosigné par l’ancien député de la majorité Robin Reda, proposait d’en créer un. Par ailleurs, notre vision profondément écologiste de la culture ne nous amène pas à refuser la création des équipements qui s’avèrent nécessaires, ce qui est le cas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC213 de Mme Caroline Parmentier

Mme Caroline Parmentier (RN). Cet amendement vise à appeler l’attention de Mme la ministre de la culture sur les dotations allouées à plusieurs musées français. Depuis plusieurs années, des communications insistent sur la valorisation économique dont ils peuvent faire l’objet – la ministre de la culture en a parlé lors de son audition – et qui permettrait de réduire leur dépendance financière envers l’État. Nous suggérons que la ministre présente son plan pour accentuer l’autonomie financière de plusieurs musées et fixer des objectifs précis et chiffrés.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Avis défavorable. N’étant pas ministre de la culture, je vous suggère, chère collègue, de poser à Mme la ministre une question orale ou écrite. Plus sérieusement, je propose dans mon rapport des pistes de développement des ressources propres des opérateurs en vue d’augmenter leur autonomie financière.

Par ailleurs, j’appelle votre attention – je ne vous prends pas en traître, car nous en avons parlé hier en commission – sur le fait que notre collègue Tanguy, qui est membre de votre groupe, a présenté en commission des finances un amendement, qui a été adopté, visant à interdire les bâches publicitaires recouvrant les monuments historiques pendant leur restauration. Or celles-ci sont une manne financière pour les opérateurs culturels. Si l’on veut accroître leur autonomie et développer leurs ressources propres, il ne faut pas, alors même que les budgets publics diminuent, empêcher la mobilisation de fonds privés. Je ne méconnais pas, cependant, les enjeux de pollution visuelle et de type d’affichage. J’aimerais que nous traitions cette question par une mission de la commission, madame la présidente.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie de mettre en lumière les incohérences du Rassemblement national, en rappelant qu’il ne faut pas, si l’on veut assurer l’autonomie des établissements, s’en prendre aux bâches publicitaires. Vous n’en faites pas moins preuve d’une convergence de vues sur le dogme selon lequel les établissements, dans un cadre où le budget serait forcément contraint, doivent aller chercher des ressources propres en s’inscrivant dans des logiques de mécénat et de financement privé sur lesquelles nous devrions pourtant nous interroger s’agissant du service public de la culture.

Cette logique – également appliquée aux universités, entre autres – consistant à demander aux établissements, au nom d’une soi-disant autonomie, de trouver eux-mêmes leurs ressources, va-t-elle dans le sens de l’intérêt général ? Si ces établissements exercent une mission de service public relevant de l’intérêt général, s’ils nous appartiennent à toutes et tous, alors on ne doit pas leur dire en même temps qu’on ne leur donne pas les budgets nécessaires et qu’ils doivent se débrouiller pour trouver de la publicité et se financer. Je suis absolument opposée à cet amendement, qui est une nouvelle démonstration des convergences de vue idéologiques et économiques entre les macronistes et le Rassemblement national.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Sans vouloir polémiquer, je pense avoir démontré, dans mon parcours politique et professionnel, mon attachement aux opérateurs publics. Il n’en reste pas moins que le mécénat permet, vous le savez très bien, d’élargir le périmètre des missions qui leur sont confiées. Le dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale (Démos), intégralement financé par des mécènes privés, permet ainsi de financer des orchestres à l’école. Si les groupes scolaires franciliens peuvent accéder au château de Versailles le lundi, c’est grâce au mécénat.

Les ressources des opérateurs publics sont composées à hauteur de 85 % de subventions pour charges de service public. Si les 15 % restants, obtenus grâce au mécénat, à la location d’espaces et aux ressources propres, permettent d’augmenter le périmètre de leurs missions, notamment d’élargir leurs publics, cela me semble de bonne politique. Il ne faut pas opposer ces deux modes de financement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC44 de Mme Céline Hervieu

Mme Céline Hervieu (SOC). Il vise à corriger la baisse des subventions d’investissement. Contrairement à ce qu’a affirmé hier Mme la ministre, certaines diminuent significativement, notamment celles de la Cité de l’architecture et du patrimoine, du musée du quai Branly – contrairement à ce qui a été dit hier – et du château de Fontainebleau, ainsi que celle du musée et domaine du château de Versailles, à hauteur de près de 16 millions d’euros.

Ces établissements sont des lieux incontournables de notre patrimoine commun. Chacun, dans son domaine et à sa manière, concourt à l’émancipation grâce à un accès offert à tous à la connaissance des arts et de l’histoire. Nous proposons de maintenir les subventions d’investissement votées pour 2024.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Vous avez raison : nos opérateurs culturels, nos grands monuments, ont besoin d’investissements.

Toutefois, sur la forme, vous visez l’action 03 Patrimoine des musées de France alors que le château de Versailles relève de l’action 01 Monuments Historiques et patrimoine monumental.

Sur le fond, le programme Patrimoines inclut quatorze autres opérateurs que ceux que vous mentionnez, dont le besoin d’investissement n’est pas moindre. Pourquoi soutenir les uns et pas les autres ? Mme la ministre de la culture a dit hier devant nous qu’elle présentera une grande ambition pour le patrimoine lors de l’examen du budget de la culture dans l’hémicycle, en présentant un amendement abondant de façon substantielle les crédits de nos opérateurs afin de les aider à affronter le mur d’investissement qui les attend.

Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur le soutien aux collectivités pour l’entretien et la rénovation de leur patrimoine.

Amendement II-AC103 Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je le disais, 23 % de nos monuments historiques sont en mauvais état, voire en péril. Ce sont les collectivités locales qui sont en première ligne pour les restaurer, et il faut leur apporter le soutien de l’État, compte tenu de la baisse drastique de leur capacité d’action – 5 milliards d’euros – proposée par le Gouvernement. Il y a fort à parier que le patrimoine en subira les conséquences. Cela doit nous appeler à la raison.

Le présent amendement vise donc à soutenir les collectivités locales. Étant donné que nous venons de voter un budget significatif pour le patrimoine et que je ne souhaite pas, comme M. Balanant, vider les enveloppes consacrées aux autres actions du ministère de la culture, je suis prête à le retirer. Mais nous devons être clairs : nous ne pouvons pas laisser les collectivités sur le bord du chemin. L’État doit être à leurs côtés s’agissant du patrimoine comme de tout autre service public local.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Vous avez raison. J’appelle votre attention et celle de nos collègues sur le fonds incitatif pour le patrimoine (FIP), auquel j’ai consacré la partie thématique de mon rapport. Ce fonds important est méconnu des élus locaux. Soyons-en des ambassadeurs auprès d’eux ! Il permet de financer l’entretien et la restauration des monuments historiques classés et inscrits des petites communes rurales de moins de 2 000 habitants sur le territoire métropolitain et de moins de 20 000 habitants dans les outre-mer. Il marche très bien.

Toutefois, le doublement du FIP, actuellement doté de 20 millions d’euros, ne pourrait pas être absorbé par les directions régionales des affaires culturelles (Drac), pour des raisons d’ingénierie et de ressources humaines. Je proposerai de l’augmenter par amendement de 10 %, soit 2 millions, ce qui en augmentera la capacité. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement II-AC60 de M. Raphaël Arnault

M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Nous proposons la création d’un fonds de 6 millions d’euros afin de soutenir les collectivités territoriales dans l’entretien et la valorisation du patrimoine local. Les communes sont les premières propriétaires de biens immobiliers culturels. En 2019, elles détenaient 41 % des monuments historiques protégés. Il s’agit en grande majorité de petites communes, souvent confrontées à des manques de moyens financiers pour entretenir leur patrimoine historique.

De plus, les Drac manquent de moyens humains pour accompagner les collectivités, notamment en matière d’ingénierie. Elles ont pourtant une mission de conseil et d’expertise scientifique et technique ainsi que d’assistance à maîtrise d’ouvrage. Ne laissons pas nos élus locaux observer la lente dégradation du patrimoine local, et agissons pour répondre en urgence aux difficultés rencontrées par les collectivités territoriales pour le sauvegarder.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Comme je l’ai rappelé, le FIP fonctionne très bien. Je proposerai de l’abonder par amendement de 2 millions d’euros supplémentaires. En créer un autre – nous aimons, en France, réinventer ce qui fonctionne – me semble inutile, voire contre-productif.

Par ailleurs, le financement et l’entretien du patrimoine non protégé ne figurent plus depuis 2004 dans le périmètre des responsabilités confiées à l’État par la loi. Ils incombent aux collectivités locales, qui en sont propriétaires. Les dispositifs d’aide dont elles peuvent bénéficier pour ce faire ne relèvent pas du programme Patrimoines.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Il y a six mois, j’ai demandé à chaque commune de ma circonscription de me transmettre des informations concernant les travaux entrepris dans les églises. L’argent manque partout. Quand le budget de la commune est de 300 000 euros et que la restauration de l’église et de ses vitraux du XIVe siècle est estimée à 1,4 million d’euros, comment fait-on ? Il serait bon que ces communes aient accès à des financements.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Je n’ai pas dit que les budgets prévus étaient suffisants ! Mais le fonds incitatif existe, et j’ai un amendement pour l’abonder davantage que ce qui est prévu. Concentrons nos efforts sur ce dispositif, qui mérite d’être élargi.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC167 de M. Jérémie Patrier-Leitus

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. C’est l’amendement dont je parlais : il vise à augmenter de 2 millions d’euros le budget du FIP pour le porter à 22 millions d’euros, hausse qui, elle, peut être absorbée par les Drac.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Dans ma seule circonscription, les besoins s’élèvent à 30 millions d’euros pour cinquante-huit communes.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC41 de M. Raphaël Arnault.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). L’archéologie préventive, sur laquelle Mme Dati a ironisé, est essentielle pour le patrimoine et la culture. Nous souhaitons soutenir les 62 collectivités habilitées à réaliser des diagnostics archéologiques, dont les coûts peuvent être élevés.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. C’est là un enjeu important. L’augmentation que vous proposez, de 70 %, est toutefois excessive. En 2023, les montants ont déjà été revalorisés, à la suite notamment de demandes présentées par Départements de France.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC67 de M. Raphaël Arnault.

M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). En l’absence de hausse de son budget, il sera impossible à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) de remplir correctement ses missions alors même que la ministre semble avoir placé la préservation du patrimoine au cœur des priorités du Gouvernement. La majorité de ses archéologues, embauchés au moment de sa création, il y a vingt ans, vont partir à la retraite. Pour lui permettre de procéder à de nouveaux recrutements, nous proposons d’augmenter de 5 millions d’euros sa subvention pour charges de service public.

Cet amendement avait été adopté l’an dernier, avant d’être balayé par le 49.3.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Je vous rejoins sur l’importance du rôle de l’Inrap, dont j’ai pu constater le remarquable travail sur le chantier de Notre-Dame de Paris. Toutefois, votre argument relatif au renouvellement des générations ne tient pas : l’établissement a engagé 300 archéologues en trois ans précisément pour cette raison et envisage même d’organiser de prochains recrutements. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique consacrée à la recherche de provenance.

Amendements II-AC163 de Mme Sophie Taillé-Polian, amendement II-AC224 de M. Christophe Marion, amendement II-AC161 et II-AC162 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Ces amendements visent à développer les missions d’identification au sein des collections publiques, d’une part, des biens culturels ayant fait l’objet d’une appropriation illicite avant 1970 et, d’autre part, des restes humains en vue d’une restitution aux États étrangers – amendements II-AC163 et II-AC161 – ou aux territoires ultramarins – amendement II-AC162 – en ayant fait la demande.

À la suite de la loi relative à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 et de celle relative à la restitution de restes humains appartenant aux collections publiques, et dans l’attente de la future loi relative à la restitution des biens spoliés pendant la période de la colonisation, notre groupe souhaite accompagner la dynamique des restitutions. Il convient notamment de renforcer les moyens pour l’identification, en particulier des restes humains présents en grand nombre dans nos collections.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Il importe de distinguer les recherches concernant les biens culturels de celles portant sur les restes humains.

Deux types de crédits soutiennent les premières : les crédits du fonds franco-allemand, doté de 300 000 euros ; les crédits généraux des opérateurs. Le musée du quai Branly a ainsi financé sur ses crédits les recherches ayant accompagné la restitution de vingt-six œuvres au Bénin. Le musée d’Orsay a annoncé récemment le déploiement sur quatre ans d’un plan de réparation des spoliations. Quant au ministère de la culture, il a recruté sur ses crédits une conservatrice qui se consacrera à ces questions. L’augmentation que vous demandez ne paraît donc pas fondée.

S’agissant des restes humains, une mission a été confiée par le Premier ministre à notre collègue Christophe Marion et je souhaiterais connaître ses conclusions avant de me prononcer sur les implications financières des restitutions.

Avis défavorable.

M. Christophe Marion (EPR). Mon amendement est similaire à ceux de Mme Taillé-Polian. Je ne manquerai pas de formuler des préconisations dans mon rapport que je remettrai le 15 décembre prochain.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Avis défavorable également.

La commission rejette l’amendement II-AC163.

Elle adopte l’amendement II-AC224 et rejette successivement les amendements II-AC161 et II-AC162.

Amendement II-AC215 de Mme Mereana Reid Arbelot

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Une proposition de loi a été déposée au Sénat au début du mois d’octobre 2024 afin que soient déclassés les restes humains kali’na et qu’ils soient restitués à la collectivité de Guyane à des fins funéraires. Cet amendement vise à créer un fonds destiné à la prise en charge des frais qui en découleront : frais de douane, transports, construction d’un monument funéraire et frais annexes.

Rappelons que ces dépouilles, aujourd’hui conservées au musée de l’Homme, sont celles de personnes appartenant au peuple kali’na, mortes en France hexagonale alors qu’elles étaient exhibées dans des zoos humains.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Je vous remercie de mettre en lumière ces opérations de restitution. Néanmoins, le musée de l’Homme relève non de la mission Culture mais de la mission Recherche et enseignement supérieur. Je suis donc contraint de donner un avis défavorable.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Cet amendement ayant été déclaré recevable, et notre rapporteur n’y semblant pas hostile, il me semble plus sûr de le voter dans le cadre de l’examen des crédits de cette mission, quitte à l’examiner à nouveau quand nous aborderons ceux de la mission Recherche et enseignement supérieur.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC134 de M. Bruno Clavet.

M. Bruno Clavet (RN). Dans un contexte où chaque euro compte, il est de notre responsabilité de donner la priorité aux actions qui bénéficient directement à nos concitoyens. Cet amendement propose donc de réduire les crédits alloués aux actions culturelles internationales. Elles ont mobilisé plus de 10 millions d’euros en 2023, or leurs résultats en termes de rayonnement et d’influence de notre pays sont malheureusement invisibles pour les Français. Nos musées régionaux, comme le Louvre-Lens, sont insuffisamment soutenus alors qu’ils jouent un rôle central dans la valorisation de notre patrimoine et le développement économique local. Ils permettent à des milliers de Français, notamment en milieu rural, d’accéder à la culture. Le Louvre-Lens comme tant d’autres offre ainsi des expositions gratuites pour les jeunes, des ateliers pour les scolaires et des programmes pour des publics éloignés de la culture. Soutenons une culture de proximité qui profite directement à nos concitoyens les plus fragilisés.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Il ne faut pas opposer l’ambition de rayonnement international de notre politique culturelle à l’accès des habitants des territoires ruraux à la culture : ce sont deux dimensions que nos opérateurs culturels peuvent parfaitement allier. Ainsi le Centre Pompidou, dont j’ai été administrateur, a-t-il développé des antennes partout dans le monde mais aussi un musée mobile, le MuMo, camion qui circule dans tous les territoires.

En outre, l’exemple que vous avez choisi ne me paraît pas pertinent. Le Louvre-Lens est un établissement public de coopération culturelle dont le financement est entièrement assuré par la région, le département et la communauté d’agglomération.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Je salue, ironiquement, le premier amendement du Rassemblement national qui propose d’allouer des crédits au lieu d’en supprimer. Mais si on l’examine bien, on s’aperçoit qu’il vise à transférer des crédits destinés au rayonnement culturel de la France. Votre racisme et votre xénophobie vous poussent à penser que ces actions internationales nuisent aux Français car pour vous, c’est : « Les Français d’abord ! » Vous êtes ridicules !

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Pendant la rédaction de mon rapport, j’ai été attentif à la consommation des crédits : les musées territoriaux sont loin de les utiliser en totalité. J’aurais été prêt à soutenir votre amendement si un besoin financier existait mais comme ce n’est pas le cas, j’émettrai un avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC37 de M. Frédéric Maillot.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). L’amélioration de l’accès des personnes en situation de handicap à la culture est un objectif qui devrait tous nous réunir. En 2022, 52 % d’entre elles déclaraient éprouver des difficultés, ce qui est un véritable signal d’alarme.

Nous proposons d’abonder de 500 000 euros l’action Patrimoine des musées de France afin de développer la traduction en français facile à lire et à comprendre (Falc) des documents de présentation. Les plus petits établissements n’ont pas toujours les moyens de le faire.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Si le Louvre a pu créer dès 1995 une galerie tactile pour le public malvoyant et non-voyant, les établissements plus petits peinent à assurer cette accessibilité, qui constitue pourtant un enjeu majeur. Mon avis sera favorable mais je suggère que les sommes ainsi dégagées alimentent le fonds d’accessibilité des œuvres mis en place par le ministère de la culture en 2018. Sa dotation de 1 million d’euros lui permet de financer des achats de matériels et de signalétiques spécifiques.

Mme Graziella Melchior (EPR). L’enquête de 2022 que vous avez citée, madame Bourouaha, a montré que la perception de l’accès à la culture par les personnes en situation de handicap s’était nettement améliorée par rapport à l’enquête précédente, en 2017. Parmi les pistes d’amélioration, 40 % des personnes interrogées évoquaient en premier lieu l’accessibilité.

Les ministres de la culture successifs ont pris ce sujet à bras-le-corps et le nouveau plan Culture et ruralité allouera des fonds à la réhabilitation des musées ruraux. Nous faisons confiance à la ministre, raison pour laquelle nous nous abstiendrons même si nous sommes nous aussi déterminés à faire avancer les choses.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC193 de Mme Caroline Parmentier

Mme Caroline Parmentier (RN). Cet amendement d’appel invite la ministre de la culture à reconstituer la Maison de l’histoire de France, dissoute en 2012, en reprenant l’ambition de « rendre accessible à tous la connaissance de l’histoire de France en constituant dans ce domaine un pôle national de référence ».

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Je vous invite à interroger Mme la ministre à travers une question orale ou écrite. Précisons que cet établissement n’a jamais été créé car il a été renoncé en raison de son coût de 80 millions d’euros. Avis défavorable.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Je suis choqué de lire dans l’exposé sommaire de votre amendement une citation du général de Gaulle, quand on sait le passé collaborationniste de l’extrême droite française et le plan élaboré par Jean-Marie Le Pen pour faire évader Bastien-Thiry après sa tentative d’assassinat du président de Gaulle.

Cet amendement est l’occasion de rappeler la tradition de violence dans laquelle s’ancre l’extrême droite et le danger qu’elle représente pour notre pays. Si une Maison de l’histoire de France voyait le jour, nul doute qu’elle consacrerait certaines de ses salles à la collaboration, aux origines politiques de l’extrême droite actuelle et aux menaces qu’elle a toujours fait peser sur la République et la démocratie.

La commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Culture modifiés.

Avant l’article 60

Amendement II-AC40 de Mme Sarah Legrain.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Il s’agit de demander un rapport sur le plan Mieux produire, mieux diffuser. Il a été vanté comme permettant de faire face à la crise de la diffusion, laquelle renvoie en réalité à une crise plus large de la création. Ses effets sont peu connus mais d’après le peu d’éléments dont je dispose, une grande partie des fonds seraient allés à l’opéra – je n’ai évidemment rien contre l’opéra, mais il n’était pas la cible première. Il semblerait même qu’il tendrait à conforter des phénomènes de concentration, notamment dans le financement par les collectivités territoriales, alors que l’un de ses objectifs est la diversification et l’accompagnement des mutations dans les systèmes de production et de diffusion.

Il convient donc de l’évaluer en vue de déterminer ses dotations dans le budget de l’année prochaine.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis. Cette évaluation est certes nécessaire mais n’oublions pas que ce plan a été lancé en 2024, année particulière marquée par les Jeux olympiques. Laissons-lui le temps de s’épanouir afin d’estimer quels bénéfices il apporte à toute la filière. Il importe de voir comment les acteurs vont se saisir de ces 9 millions d’euros supplémentaires pour s’organiser, créer et imaginer de nouvelles méthodes de production. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

 

 


Annexe :
liste des personnes entendues par le rapporteur pour avis

(par ordre chronologique)

 

       Audition commune :

– M. Laurent Roturier, président de l’association des directeurs régionaux des affaires culturelles

– M. Jean-Michel Knop, directeur régional des affaires culturelles de Normandie

       Table ronde des associations :

 Sites et monuments  M. Julien Lacaze, président

 La demeure historique – Mme Alexandra Proust, juriste

– Vieilles maisons de France (VMF)  M. Xavier Marin, président

– Sauvegarde de l’art français – M. Damien Bigot, directeur du développement

       Groupement des entreprises de restauration de monuments historiques  M. Richard Boyer, président

       Table ronde opérateurs :

– Établissement public des Musées d’Orsay et de l’Orangerie-Valéry Giscard d’Estaing  Mme Julia Beurton, administratrice générale

– Établissement public du Château de Versailles  M. Pierre-Emmanuel Lecerf, administrateur général

– GrandPalaisRmn  M. Christophe Chauffour, directeur général délégué, et M. François-Stéphane Hamon, responsable des relations institutionnelles et du développement territorial

– Musée du Louvre  M. Kim Pham, administrateur général, et Mme Marie Lacambre, directrice financière, juridique et des moyens

– Centre des monuments nationaux  M. Kévin Riffault, directeur général, et M. Tristan Frigo, conseiller spécial de la Présidente, responsable des relations institutionnelles et politiques

       Table ronde des élus locaux :

– Association des maires ruraux de France (AMRF)  M. François Descoeur, maire de la commune d’Anglards-de-Salers

– Départements de France – Mme Véronique Veau, vice-présidente du département de la Seine-et-Marne en charge de la culture et du patrimoine, M. Paul-Etienne Kauffmann, conseiller Éducation, Jeunesse, Culture, Patrimoine, Tourisme, Sports et JO Paris 2024, et M. Brice Lacourieux, conseiller Relations avec le Parlement

       Fondation du patrimoine – M. Alexandre Giuglaris, directeur général, et Mme Julie James, responsable de programmes et de partenariats

       Direction générale des patrimoines et de l'architecture (DGPA) – M. Jean-François Hébert, directeur général, Mme Sonia Bayada, sous-directrice des affaires financières et générales, et Mme Marie-Hélène Da Silva, adjointe au chef du bureau de la programmation budgétaire

       Réponse à un questionnaire

– Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap)


([1]) Ces 18 opérateurs sont : la Cité de l’architecture et du patrimoine, le Centre des monuments nationaux, le centre national d’art et de culture Georges Pompidou, l’établissement public du musée du quai Branly – Jacques Chirac, l’établissement public du Mont-Saint-Michel, l’établissement public du palais de la porte dorée, l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, l’établissement public du musée et du domaine national de Versailles, l’établissement public du château de Fontainebleau, l’Institut national de recherches archéologiques préventives, le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, l’établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie – Valéry Giscard d’Estaing, le musée des arts décoratifs, le musée du Louvre, le musée Guimet, le musée Henner – Moreau, le musée Picasso et la Réunion des musées nationaux – Grand palais. Parmi ces opérateurs, deux sont dans une situation particulière :

([2]) Les monuments historiques occupés par des ministères autres que le ministère de la culture sont par exemple entretenus et restaurés sur les crédits de ces ministères. En 2022, la Cour des comptes a relevé qu’« on peut estimer a minima à 47,5 millions d’euros l’enveloppe consacrée aux monuments historiques en 2021, répartie entre les ministères de la justice, des armées, de l’intérieur, de la transition écologique, des outre-mer, le Conseil d’État et les autres juridictions administratives » (Cour des comptes, La politique de l’Etat en faveur du patrimoine monumental, pages 31-32, juin 2022). Il en va de même concernant les dépenses fiscales puisque les dépenses fiscales relatives aux dons aux œuvres, dont les dons réalisés en faveur du patrimoine, sont associées au programme 163 Jeunesse et vie associative de la mission Sport, jeunesse et vie associative.

([3]) Ministère de la culture, Patrimostat 2024, septembre 2024, page 27.

([4]) Assemblée nationale, XVIIe législature, session ordinaire de 2024-2025, séance du mardi 1er octobre 2024.

([5]) Ministère de la culture, direction générale des patrimoines, État sanitaire des immeubles inscrits et classés au titre des monuments historiques, bilan 2012-2018, mars 2019, page 45.

([6]) Le rapporteur pour avis précise que, lors de la précédente législature, il a été nommé par la commission des affaires culturelles et de l'éducation au poste d’administrateur du centre national d’art et de culture - Georges Pompidou.

([7]) Dans le PLF, le centre national d’art et de culture - Georges Pompidou ne bénéficie plus que de 88,67 millions d’euros en AE, soit un montant en retrait de 228,95 millions d’euros par rapport à 2024.

([8]) Ministère de la culture, direction générale des patrimoines, État sanitaire des immeubles inscrits et classés au titre des monuments historiques, bilan 2012-2018, mars 2019, page 45. Les proportions indiquées ont été calculées à partir de l’analyse de 39 233 des 44 292 immeubles alors protégés au titre des monuments historiques.

([9]) Voir la déclaration de Mme Rachida Dati, ministre de la culture, en date du 24 septembre 2024.

([10]) Décret n° 2018-861 du 8 octobre 2018.

([11]) Conseil d’analyse économique, Valoriser le patrimoine culturel de la France, Mme Françoise Benhamou et M. David Thesmar, 2011. Recommandations n° 4 - Encourager une tarification plus flexible par les musées et monuments historiques, par exemple : doubler les tarifs d’entrée des visiteurs hors Union européenne dans les musées nationaux.

([12]) Conseil constitutionnel, décision n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023, loi de finances pour 2024.

([13]) Assemblée nationale, proposition de loi n° 2593 relative au financement des travaux des bâtiments culturels, XVIème législature, n° 2593, déposée par M. Alexandre Holroyd et Mme Véronique Louwagie, 2 mai 2024.

([14]) La Tour Saint-Nicolas à La Rochelle a dû fermer au public en juillet 2024 en raison de difficultés structurelles. Le CMN lancera en 2025 les travaux de consolidation de la tour pour une durée prévisionnelle de 4 ans et un coût total estimé à 29 millions d’euros. Le PLF ouvre ainsi environ la moitié des financements nécessaires à la réalisation de cette opération.

([15]) Réponse au questionnaire du rapporteur pour avis.

S’agissant des besoins en matière d’investissement, le CMN a mentionné :

Le Panthéon, qui « a bénéficié de la restauration de son dôme et de son tambour entre 2013 et 2015, n’est pas en situation de péril mais nécessiterait encore des travaux importants ».

([16]) Ces treize établissements nationaux sont le centre national d’art et de culture Georges Pompidou, l’établissement public du musée du quai Branly, l’établissement public du château de Fontainebleau, l’établissement public du palais de la porte dorée - musée national de l’histoire de l’immigration, l’Institut national d’histoire de l’art, le musée des arts décoratifs, le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, le musée Guimet, le musée Henner-Moreau, le musée du Louvre, l’établissement public administratif du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie – Valéry Giscard d’Estaing, le musée Picasso et la Réunion des musées nationaux – Grand-Palais.

([17]) Ces douze services à compétence nationale sont le musée du Moyen Âge – Thermes et hôtel de Cluny, le musée d’archéologie nationale (Saint Germain-en-Laye), le musée de la Renaissance (Écouen), le musée des châteaux Malmaison, l’Île d’Aix et la maison Bonaparte (Ajaccio), le musée de la préhistoire (Les Eyzies de Tayac), le musée du château de Pau, le musée Magnin (Dijon), le musée Clemenceau et de Lattre de Tassigny (Mouilleron en Pareds), le musée du château de Compiègne / musée franco-américain (château de Blérancourt), les musées du XXe siècle, le Centre de recherche et de restauration des musées de France et le service des bibliothèques, des archives et de la documentation générale.

([18]) Ainsi, l’établissement public du musée du Louvre, l’établissement public du musée du quai Branly - Jacques Chirac et l’établissement public du palais de la porte dorée doivent consacrer 20 % du produit annuel du droit d’entrée dans leurs collections permanentes à cet objectif. Ce taux est en revanche de 16 % pour l’établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie - Valéry Giscard d’Estaing.

([19]) En application de l’article 238 bis-0 A du code général des impôts, « les entreprises imposées à l'impôt sur les sociétés d'après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt égale à 90 % des versements effectués en faveur de l'achat de biens culturels présentant le caractère de trésors nationaux ayant fait l'objet d'un refus de délivrance d'un certificat d'exportation par l'autorité administrative ». Cette réduction ne peut cependant pas être supérieure à 50 % du montant de l'impôt dû par l'entreprise au titre de l'exercice au cours duquel le don a été réalisé. En 2022 et 2023, cette procédure a par exemple permis l’entrée de trois chefs d’œuvre dans les collections du Louvre (La Dérision du Christ de Cimabue (vers 1240 1302) et Marine Terrace, un dessin de Victor Hugo (1802 1885) et du musée d’Orsay (Partie de bateau ou Canotier au chapeau haut de forme, de Gustave Caillebotte).

([20]) Au-delà de 1 000 euros, le taux de réduction d’impôt de droit commun (66 %) s’applique.

([21]) Ministère de la culture, réponse au questionnaire budgétaire.

([22]) De 2019 à 2022, le rapporteur pour avis a exercé les fonctions de directeur au sein de l’établissement public chargé de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

([23]) Ministère de la culture, réponse au questionnaire budgétaire.

([24]) Sénat, délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, rapport d’information n° 693 (2023-2024) relatif à l’ingénierie des petites communes, M. Daniel Gueret et Jean-Jacques Lozach, juin 2024.

([25]) Réponse au questionnaire du rapporteur pour avis.

([26]) Sénat, commission de la culture, de l’éducation et de la communication, rapport d’information n° 765 (2021-2022) sur l’état du patrimoine religieux, M. Pierre Ouzoulias et Mme Anne Ventalon, juillet 2022, page 9.

([27]) Idem, pages 9 et 10.

([28]) Comme le rappelle le rapport du Sénat précité :

« La propriété publique significative des édifices de culte est un héritage de l’histoire […] [qui] résulte de la Révolution française au cours de laquelle les biens du clergé ont été nationalisés et du Concordat qui l’a suivie. Le régime de propriété des lieux de culte institué par la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État prévoit que les édifices mis à la disposition de la Nation en 1789 "sont et demeurent la propriété de l’État, des départements, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale ayant pris la compétence en matière d’édifices des cultes" (article 12). L’appartenance d’un grand nombre d’édifices aux communes est également liée à l’attitude des catholiques face au régime de séparation mis en place en 1905. En effet, cette loi prévoyait le transfert de propriété des lieux de culte qui appartenaient, avant 1905, aux établissements publics du culte (fabriques, menses, conseils presbytéraux, consistoires...) aux associations cultuelles créées pour les remplacer (article 4). Si la constitution de telles associations cultuelles par le culte protestant et le culte juif a rendu possibles ces transferts de propriété, le refus du culte catholique de s’organiser en associations cultuelles a conduit à transférer aux communes les églises qui avaient appartenu aux établissements publics du culte catholique. Dans un premier temps, la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes a prévu qu’à défaut d’affectations cultuelles, les édifices restaient affectés de manière perpétuelle, gratuite et exclusive à l’exercice du culte qui s’y tenait (article 5). Puis, la loi du 13 avril 1908 a organisé le transfert de propriété de ces édifices aux communes sur le territoire desquelles ils étaient situés (article 9 de la loi de 1905, tel que modifié par la loi du 13 avril 1908). […] En Alsace-Moselle, où ne s’appliquent ni la loi de 1905, ni celle de 1907, ni celle de 1908, le régime concordataire est toujours en vigueur. Les édifices des cultes statutaires reconnus (catholique, réformé, luthérien et juif) appartiennent soit aux communes, soit aux établissements publics du culte » (page 9).

([29]) Lettre du 26 janvier 2018 du directeur général des patrimoines aux préfets de région et aux directeurs régionaux des affaires culturelles.

([30]) Ministère de la culture, Stratégie et financement des MH par les régions en 2016, non publié.

([31]) Ministère de la culture, Stratégie et financement des MH par les départements-Évolution du niveau d’aides financières apportées, non publié.

([32]) Idem, page 107.

([33]) Sénat, réponse du 11 juin 2020 de M. le ministre de la culture à la question écrite n° 14 687 de Mme Françoise Gatel.

([34]) Lettre du 26 janvier 2018 du directeur général des patrimoines aux préfets de région et aux directeurs régionaux des affaires culturelles.

([35]) Le IV de cet article disposait que « Dans les conditions prévues par la loi de finances, les crédits mis en œuvre par l'Etat pour la conservation du patrimoine rural non protégé sont transférés aux départements ».

Le ministère de la culture a rappelé qu’« à compter de cette date, le ministère de la Culture n’a donc plus accordé de subventions aux propriétaires de ce patrimoine, considérant que ces aides relevaient désormais des Départements. […] L’État conserve toutefois la possibilité d’aider les propriétaires de patrimoine rural non protégé, notamment celui des communes, à travers la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), dont l’attribution ne relève pas du ministère de la Culture, ni de ses services déconcentrés » (réponse au questionnaire du rapporteur pour avis).

([36]) L’article L. 4424-7 du code général des collectivités territoriales confie la responsabilité du patrimoine protégé à la collectivité territoriale de Corse. Le I de cet article dispose ainsi que : « La collectivité territoriale de Corse définit et met en œuvre la politique culturelle en Corse en concertation avec les communes, et après consultation du conseil économique, social, environnemental et culturel de Corse. En concertation avec la collectivité territoriale de Corse, l’État peut accompagner des actions, qui, par leur intérêt ou leur dimension, relèvent de la politique nationale en matière culturelle. La collectivité territoriale de Corse peut être chargée par convention de leur mise en œuvre ou de leur accompagnement. »

([37]) Ces éléments reprennent ceux figurant sur la page « Les immeubles : subventions, dépenses éligibles et non éligibles » du site du ministère de la culture.

([38]) Pour pallier l’absence de participation de la région Normandie au dispositif, le ministère de la culture a mis en place (dès 2021), de manière dérogatoire, des « FIP départementaux » dans cette région.

([39]) Réponse au questionnaire du rapporteur pour avis.

([40]) Interrogé sur la différence de consommation entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, M. Jean-François Hébert, a souligné la complexité des opérations d’entretien et de restauration des monuments historiques (tout chantier est sujet à des aléas) et plus particulièrement celles conduites par des collectivités à faibles ressources peu dotées en personnel. Comme l’a rappelé M. Hébert lors de son audition, « un chantier monument historique, ce n’est pas une dépense de guichet ». La DGPA a en outre indiqué que les données fournies « dépendent par ailleurs de la complétude des informations renseignées par les DRAC dans les outils de gestion financière, en indiquant systématiquement pour les opérations concernées la mention du FIP. Cette mention (typage) n’est dans les faits pas systématiquement réalisée. L’exécution réelle est par conséquent supérieure aux données extraites ci-dessus » (réponse au questionnaire du rapporteur pour avis).

([41]) Cour des comptes, La politique de l’État en faveur du patrimoine monumental, réponse du Premier ministre, juin 2022, page 143.

([42]) Ministère de la culture, État sanitaire des immeubles inscrits et classés au titre des monuments historiques, bilan 2013-2018, mars 2019, page 23.

([43]) Ces résultats sont obtenus en rapportant le nombre d’opérations du FIP en métropole (840) avec le nombre de monuments historiques recensés en 2018 dans les communes de moins de 2 000 habitants et de moins de 10 000 habitants en métropole. Ce résultat doit être interprété comme un simple ordre de grandeur. Une mesure plus fine aurait conduit à comparer le nombre d’opérations du FIP par tranches de commune avec le nombre de monuments historiques dans ces mêmes tranches. Ce calcul n’a cependant pas pu être effectué en raison de l’absence de données portant sur la décomposition des interventions du FIP par tranches démographiques.

([44]) Interrogée sur ce sujet, la DGPA a souligné que « les demandes de protection au titre des monuments historiques étant soumises à des instances consultatives (commissions régionales du patrimoine et de l’architecture-CRPA et leurs délégations permanentes et, le cas échéant, Commission nationale du patrimoine et de l’architecture-CNPA), les résultats de cette campagne ne peuvent encore être complètement évalués ». Néanmoins, « sur les 85 immeubles déjà inscrits en 2024 (à la date du 25 septembre) au titre des monuments historiques, 16 sont des édifices religieux, dont deux datent du XIXe siècle » (réponse au questionnaire du rapporteur pour avis).

([45]) Amendement n° AC 167.

([46])  https://assnat.fr/uHB0UF

([47]) https://assnat.fr/7kKGTE

([48]) https://assnat.fr/JlYlrV