N° 472
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2024.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2025,
TOME VII
RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
RECHERCHE
Par M. Alexis CORBIÈRE,
Député.
——
Voir les numéros : 324, 468 (annexe n° 36).
— 1 —
___
Pages
premiÈre PARTIE : PrÉsentation des crÉdits en faveur de la recherche
II. Programme 172 : Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
III. Programme 150 : Formations supÉrieures et recherche universitaire
IV. Programme 193 : Recherche spatiale
V. D’importants crÉdits additionnels
seconde PARTIE : le crÉdit d’impÔt recherche, le statu quo n’est plus tolÉrable
A. La France se distingue par une importante aide publique À la recherche et À l’innovation privée
b. L’effort de recherche et développement par les entreprises
c. Les personnels affectés à la recherche et développement dans les entreprises
2. Un dispositif fiscal parmi les plus généreux au monde pour les entreprises
b. Le crédit d’impôt recherche constitue une créance sur l’État à l’endroit des entreprises
3. Une dépense fiscale élevée pour le budget de l’État, et en hausse continue depuis 2008
1. Un contrôle reposant initialement sur le dossier justificatif transmis par le déclarant
a. Le MESR intervient en soutien de l’administration fiscale
b. Le MESR s’appuie sur un vivier d’experts scientifiques
c. Une sollicitation du MESR par l’administration fiscale relativement limitée
B. quelques caractÉristiques des contrÔles du crÉdit d’impÔt recherche
1. Des points de vigilance spécifiques et des outils adaptés
a. Des points de vigilance spécifiques
b. Le recours au data-mining pour améliorer le ciblage des contrôles du CIR
c. Des catégories d’entreprises plus spécifiquement ciblées en raison des enjeux financiers
A. Les objectifs du CrÉdit d’impÔt recherche
2. Accroître la compétitivité de l’appareil productif français en diminuant la pression fiscale
3. Partager avec la puissance publique les risques et les bénéfices de la recherche
1. Une littérature foisonnante fait du crédit d’impôt recherche un objet extrêmement documenté
2. Des évaluations scientifiques dont les résultats semblent encore sujets à caution
a. Un dispositif fiscal désormais évalué par des études économétriques…
b. … que la Cour des comptes recommande néanmoins de compléter
2. L’absence d’effets réels sur les grands groupes
3. Des résultats insatisfaisants au regard de l’effort budgétaire de la nation
A. La rÉvision du crÉdit d’impÔt recherche : UNE MENACE POUR LA RECHERCHE FRANçAISE ?
1. Modifier les paramètres de calcul du crédit d’impôt recherche
1. L’obstacle du cadre européen
2. Mieux réguler les cabinets de conseil intervenant sur le crédit d’impôt recherche
1. Réunion du mercredi 23 octobre 2024 à 16 heures 30
2. Réunion du mercredi 23 octobre à 21 heures
Annexe : liste des personnes entendues par le rapporteur pour avis
premiÈre PARTIE : PrÉsentation des crÉdits en faveur de la recherche
Le budget de la recherche s’inscrit pour l’année 2025 dans une trajectoire en trompe-l’œil. S’il est d’apparence ascendante par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2024, il est en réalité bien en-deçà des objectifs budgétaires inscrits dans la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 (LPR).
À ce titre, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 marque une rupture quant au respect de la trajectoire inscrite dans la LPR, les crédits attendus pour sa cinquième année d’application n’étant pas au rendez-vous. Dans les faits, il est également en rupture avec les propos du Premier Ministre Michel Barnier du 12 septembre 2024, lorsqu’il déclarait que « L’innovation, l’expertise, l’intelligence, la recherche sont clefs de la réindustrialisation de la France, le réarmement industriel de la France ».
Pour comprendre, il faut observer qu’à périmètre constant, il est prévu que le budget du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR), tous programmes confondus, augmente de 89 millions d’euros par rapport à 2024, hors financements issus du Plan de relance et de France 2030. Cette hausse est à mettre en comparaison avec l’augmentation des crédits ouverts pour 2024, supérieure de plus de 790 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.
Les crédits alloués à la recherche s’élèveraient ainsi à 12 979,32 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 12 538,03 millions d’euros en crédits de paiement (CP), répartis entre l’action 17 Recherche du programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire, pour 4 278,22 millions d’euros en AE et CP, et le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, à hauteur de 8 701,10 millions d’euros en AE et 8 259,81 millions d’euros en CP. Mais, à ces montants, il convient d’ajouter les moyens nouveaux relatifs à la mise en œuvre du protocole Ressources Humaines de la LPR (RH-LPR) ([1]), à hauteur d’environ 70 millions d’euros, répartis sur les autres actions du programme 150.
Pour le rapporteur pour avis, cette trajectoire budgétaire traduit la volonté de l’actuel Gouvernement de combler en majeure partie le déficit budgétaire par une diminution des dépenses publiques, y compris celles nécessaires à l’avenir de la nation, au risque d’accroître le retard français sur les autres grandes nations scientifiques que sont l’Allemagne, la Chine, la Corée du Sud ou les États-Unis. Faut-il le rappeler : les dépenses engagées dans l’enseignement supérieur et la recherche sont des investissements.
Le rapporteur pour avis constate avec regret que les engagements de la LPR en matière de hausse des crédits alloués au service public de la recherche ne sont pas respectés, alors que le financement public de la recherche privée est en hausse constante, via un crédit d’impôt en faveur de la recherche à destination des entreprises, dont le coût pour le budget de l’État, quasiment hors de contrôle, avoisine désormais les 7 milliards d’euros chaque année. La recherche publique, qui a trop longtemps pâti de sous-financements, fait de nouveau les frais d’un contexte budgétaire tendu et de choix politique favorisant toujours plus le privé, que ce soit dans la recherche, le médical ou encore l’école.
Le rapporteur pour avis note néanmoins que, dans ce contexte, le PLF pour 2025 s’efforce de sauvegarder tant bien que mal les trajectoires budgétaires définies dans le cadre des contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) conclus avec les opérateurs de recherche quant au protocole RH de la LPR, ainsi que l’essentiel de France 2030.
Au final, ce projet de budget n’est manifestement à la hauteur ni des besoins et des ambitions de la recherche française, ni des efforts à réaliser au regard des enjeux à venir. De fait, il ralentit la dynamique qui a prévalu depuis la mise en œuvre de la LPR de 2020.
Par conséquent, le rapporteur pour avis émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur du projet de loi de finances pour 2025.
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, 85 % des réponses étaient parvenues.
I. Une TRAJECTOIRE DE CRÉDITS allouÉs À la recherche POUR 2025 qui ne permet ni le RESPECT DES ENGAGEMENTS AU TITRE DE LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE ni la compensation intÉgrale des surcoÛts supportÉs par les opÉrateurs de recherche
La mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (Mires) connaîtrait une baisse de crédits de 1,97 % en AE et 1,74 % en CP, soit respectivement une diminution de 635,57 et 553,44 millions d’euros. Bien que l’évolution des crédits entre 2024 et 2025 affecte à des degrés divers les programmes de la mission et, au sein de chaque programme, les différentes actions, le rapporteur pour avis ne peut que constater ‒ et regretter ‒ un infléchissement net des crédits alloués au secteur de la recherche.
Alors que, pour la Mires, la loi de finances (LFI) pour 2024 s’inscrivait dans une dynamique haussière (+ 3,55 % en AE et + 3,2 % en CP, soit une hausse de plus de 1,1 milliard d’euros en AE et 1 milliard d’euros en CP), le PLF pour 2025, pour la première fois depuis la mise en œuvre de la LPR, ne permet pas de respecter pleinement les engagements pris dans le cadre de celle-ci.
Le rapporteur pour avis reconnaît toutefois que, parmi les arbitrages opérés, le Gouvernement paraît avoir maintenu la priorité aux mesures portant sur l’attractivité des carrières mises en œuvre dans le cadre de l’accord relatif à l’amélioration des rémunérations et des carrières ([2]), signé en octobre 2020 par le ministère chargé de la recherche et les principales organisations syndicales (protocole RH de la LPR ([3])). Néanmoins, un tel choix s’opère nécessairement au détriment des moyens budgétaires alloués à d’autres secteurs de la recherche tout aussi nécessaires.
Le rapporteur pour avis observe par ailleurs la poursuite du plan d’investissement France 2030, lequel contribue au financement d’un nombre important de projets de recherche. Si ces dernières années, le financement de la recherche publique en France a sans conteste été renforcé par ces crédits d’investissement (programmes d’investissement d’avenir, mission ministérielle Investir pour la France de 2030), le rapporteur pour avis s’interroge sur la pertinence et la légitimité du choix politique consistant à soustraire des milliards d’euros du budget de la mission Recherche pour les ouvrir au sein de missions ad hoc non pérennes.
Dans ce contexte, le rapporteur pour avis appelle à ne pas casser la dynamique des hausses de crédits prévues par la LPR et à respecter la programmation budgétaire en faveur de la recherche publique.
RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMMEs en autorisations d’engagement pour 2024 et 2025
(en millions d’euros)
Numéro et intitulé du programme et du titre |
Autorisations d’engagement |
|||
Ouvertes en LFI pour 2024 |
Demandées pour 2025 |
Variation annuelle (en %) |
Écarts en valeur |
|
150 - Formations supérieures et recherche universitaire |
15 277,05 |
15 217,01 |
‒ 0,39 |
‒ 60,04 |
231 - Vie étudiante |
3 357,40 |
3 280,40 |
‒ 2,29 |
‒ 77,00 |
172 - Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
8 642,70 |
8 701,11 |
+ 0,68 |
+ 58,41 |
193 - Recherche spatiale |
1 900,18 |
1 915,68 |
+ 0,82 |
+ 15,50 |
190 - Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
1 888,58 |
1 638,61 |
‒13,24 |
‒ 249,97 |
192 - Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle |
678,14 |
367,16 |
‒ 45,86 |
‒ 310,98 |
191 - Recherche duale (civile et militaire) |
150,02 |
150,02 |
|
|
142 - Enseignement supérieur et recherche agricoles |
445,10 |
433,620 |
‒ 2,58 |
‒ 11,48 |
TOTAL |
32 339,18 |
31 703,61 |
‒ 1,97 |
‒ 635,57 |
Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Recherche et enseignement supérieur.
RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMMEs en crédits de paiement pour 2024 et 2025
(en millions d’euros)
Numéro et intitulé du programme et du titre |
Crédits de paiement |
|||
Ouverts en LFI pour 2024 |
Demandés pour 2025 |
Variation annuelle (en %) |
Écarts en valeur |
|
150 - Formations supérieures et recherche universitaire |
15 180,79 |
15 279,68 |
+ 0,65 |
+ 98,99 |
231 - Vie étudiante |
3 326,64 |
3 249,64 |
‒ 2,31 |
‒ 77,00 |
172 - Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
8 201,40 |
8 259,81 |
+ 0,71 |
+ 58,41 |
193 - Recherche spatiale |
1 900,18 |
1 915,68 |
+ 0,82 |
+ 15,50 |
190 - Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
1 948,48 |
1 628,20 |
‒ 16,44 |
‒ 320,28 |
192 - Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle |
688,64 |
371,16 |
‒ 46,10 |
‒ 317,48 |
191 - Recherche duale (civile et militaire) |
150,02 |
150,02 |
|
|
142 - Enseignement supérieur et recherche agricoles |
443,01 |
431,53 |
‒ 2,59 |
‒ 11,48 |
TOTAL |
31 839,15 |
31 285,71 |
‒ 1,74 |
‒ 553,44 |
Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Recherche et enseignement supérieur.
A. Des crÉdits ouverts AU TITRE DE LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE qui n’en respectent pas la trajectoire votÉe par le parlement
La loi de programmation de la recherche de 2020 prévoit, entre 2024 et 2025, un accroissement – une « marche » – de 501 millions d’euros, répartis comme suit :
‒ + 346 millions d’euros pour le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ;
‒ + 124 millions d’euros au titre des mesures de la LPR sur le programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire ([4]) ;
‒ + 31 millions d’euros pour le programme 193 Recherche spatiale.
Or, dans leur globalité, les crédits inscrits au PLF pour 2025 atteindraient environ le tiers seulement de la « marche » budgétaire ainsi définie, soit moins de 169 millions d’euros répartis comme suit :
‒ pour le programme 172 : + 58,4 millions d’euros, soit 16,9 % de la revalorisation prévue ([5]) ;
‒ pour le programme 150 : + 94,5 millions d’euros, soit environ 76 % de l’augmentation prévue ([6]) ;
‒ pour le programme 193 : + 15,5 millions d’euros, soit 50 % de la majoration prévue.
Sur les 469 millions d’euros initialement prévus sur les deux programmes du MESR (programmes 150 et 172), les crédits ouverts pour 2025 et correspondant aux moyens déterminés dans le cadre de la LPR atteindraient en réalité à peine 153 millions d’euros, soit environ un tiers seulement de l’effort annoncé et consacré dans la loi votée par le Parlement.
Si le ralentissement de la progression budgétaire ne permettra pas de réaliser l’intégralité des objectifs 2025 de la LPR, il semble néanmoins que les moyens nouveaux aient été principalement orientés vers les mesures de revalorisation salariale et les carrières, ce que le rapporteur pour avis, dans un tel contexte budgétaire, ne peut qu’approuver.
Ces crédits doivent notamment permettre de préserver la mise en œuvre du protocole d’accord RH-LPR relatif à l’amélioration des rémunérations et des carrières. Ils devraient notamment financer :
‒ le nouveau régime indemnitaire des personnels chercheurs et enseignants-chercheurs (près de 68 millions d’euros) ;
‒ les repyramidages des corps et des grades des enseignants-chercheurs, des personnels des bibliothèques, ingénieurs ainsi que des personnels administratifs, techniques et sociaux et de santé (10 millions d’euros) ;
‒ la convergence indemnitaire entre les personnels ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation (ITRF) des universités et les ingénieurs, techniciens et personnels administratifs (ITA) des opérateurs de recherche (16 millions d’euros) ;
‒ les primes des personnels enseignants du second degré exerçant dans le supérieur (ESAS) (5 millions d’euros) ;
‒ l’augmentation de la rémunération minimum des contrats doctoraux (22 millions d’euros) ;
‒ une mesure d’attractivité en faveur des personnels des établissements publics industriels et commerciaux (12 millions d’euros) ;
‒ une mesure d’attractivité en faveur de diverses catégories de personnels du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche : contractuels, revalorisation statutaire des jeunes chercheurs (12 millions d’euros).
Les responsables des organismes nationaux de recherche (ONR) ont confirmé au rapporteur pour avis que les subventions pour charges de service public annoncées pour 2025 respectent quasiment la programmation LPR au regard des dispositions des contrats d’objectifs, de moyens et de performance ([7]).
Néanmoins, dans ce contexte de réduction des moyens nouveaux, certaines mesures feront nécessairement l’objet d’un financement moins élevé qu’initialement prévu. Le décrochage de la LPR fragilise fatalement des financements attendus en complément des dotations « socles » (subvention pour charges de service public) avec, potentiellement, des conséquences directes sur les laboratoires ou les projets de recherche.
À l’instar de dirigeants d’opérateurs de recherche, le rapporteur pour avis exprime sa vive inquiétude s’agissant notamment de la sécurisation effective du financement de certaines grandes infrastructures de recherche ([8]), et du respect du schéma d’emplois, en particulier pour le dispositif des professeurs de chaire junior.
B. Des moyens nouveaux qui ne permettent pas de compenser les surcoÛts structurels des opÉrateurs de recherche
Le rapporteur pour avis constate que les moyens nouveaux alloués aux opérateurs universitaires et de recherche ne prennent que partiellement en compte différents surcoûts liés tant aux mesures salariales qu’aux effets de l’inflation. Or ces surcoûts, qui s’analysent comme des « restes à charge » en partie incompressibles pour les opérateurs, n’ont, par construction, pas été pris en compte dans l’évolution programmée des crédits issue de la LPR de 2020.
Ainsi, comme pour 2024, seule la moitié du surcoût lié aux mesures de revalorisation indiciaires intervenues pour les fonctionnaires en 2023 et 2024 (dites mesures « Guérini » ([9])) semble compensée. Par ailleurs, l’évolution des subventions pour charges de service public demeure insuffisante pour absorber intégralement les effets du glissement vieillesse-technicité (GVT) ([10]) et de l’inflation, qu’il s’agisse de la garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa) ([11]) indexée sur l’inflation ([12]) ou, notamment pour certains opérateurs de recherche très consommateurs de fluides, des coûts énergétiques ([13]).
Le rapporteur pour avis s’étonne de la non prise en compte réelle des mesures de revalorisation et s’inquiète fortement de la probable absence de compensation par l’État du relèvement de 4 points, au 1er janvier 2025, du taux de la contribution employeur au titre des fonctionnaires civils (versements au compte d’affectation spéciale ‒ CAS ‒ Pensions), lequel viendrait considérablement alourdir le surcoût pour les opérateurs ([14]). Cette augmentation interviendrait en effet dans un contexte financier déjà tendu pour de nombreux opérateurs de recherche, en raison des mesures insuffisamment compensées les années antérieures.
Si les mesures « Guérini » et l’augmentation de la contribution au CAS Pensions concernent l’ensemble des employeurs publics de fonctionnaires, elles ont un impact fort pour les universités et les organismes de recherche ayant un important volume d’emplois ([15]). Leur masse salariale, dont ils ont la maîtrise, dépend pour son financement des subventions pour charges de service public allouées par l’État ([16]), qui ne sont pas réévaluées en conséquence. Si la portée des surcoûts liés à l’inflation, notamment les coûts énergétiques, peuvent être en partie amortis par les opérateurs (baisse de consommation des fluides, mesures de sobriété énergétique, etc.), tel n’est pas le cas pour les mesures générales liées à la masse salariale ([17]), sauf à restreindre le volume des emplois, notamment de chercheurs.
Ainsi, le déficit de financement pour 2025 est estimé à 15 millions d’euros (dont 8,5 millions au titre du CAS Pensions) pour l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), ce qui pourrait conduire ce dernier à envisager des mesures d’économie ayant un impact direct sur les recherches menées dans ses laboratoires (non-remplacement de personnels et/ou réduction des crédits de fonctionnement des laboratoires). L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) connaît une problématique similaire, aggravée, du fait de la spécificité de l’activité de cet opérateur, par les surcoûts induits par la hausse des prix de l’énergie. Son « reste à charge » est ainsi estimé à environ 23 millions d’euros, dont plus de la moitié au titre de sa seule contribution renforcée au CAS Pensions.
Au total, les opérateurs sont donc contraints de mobiliser leur trésorerie pour compenser des mesures imposées et insuffisamment compensées par l’État. Si un recours ponctuel et encadré aux fonds de roulement est envisageable pour faire face à ce surcoût en 2025, cette solution n’est pas viable à moyen terme pour l’équilibre financier des organismes et leur activité.
Le rapporteur pour avis déplore que la demande d’« effort en responsabilité » ‒ selon l’expression employée par le Gouvernement à l’époque ‒ adressée aux opérateurs en 2024, initialement annoncée comme provisoire, prenne la voie d’une pérennisation progressive. Les réserves financières et les fonds propres des organismes de recherche et des universités, qui ne sont pas illimités, ont vocation à couvrir d’autres dépenses que des coûts structurels.
II. Programme 172 : Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Le PLF pour 2025 prévoit au titre du programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires 8 701,10 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 8 259,80 millions d’euros en crédits de paiement (CP).
Par rapport à la LFI pour 2024, les crédits du programme 172 progresseraient en AE et en CP de 58,40 millions d’euros, soit respectivement une hausse de 0,68 % et de 0,71 %.
Cette augmentation est dix fois inférieure environ à celle de l’année précédente. La revalorisation opérée entre la LFI 2023 et le PLF 2024 atteignait en effet 551,89 millions d’euros (soit 6,84 %) en AE, et 347,87 millions d’euros (soit 4,44 %) en CP.
Ces moyens nouveaux permettront de financer des mesures d’attractivité salariale pour les métiers de la recherche ainsi que les actions ciblées et prévues dans les COMP des organismes de recherche.
Évolution des autorisations d’engagement et de crÉdits de paiement inscrits au programme 172 de la mission recherche et enseignement supérieur entre 2024 et 2025
(en millions d’euros)
Nature et intitulé du programme |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||||||
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Écart en valeur entre 2024 et 2025 |
Variations entre 2024 et 2025 (en %) |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Écart en valeur entre 2024 et 2025 |
Variations entre 2024 et 2025 |
|
172 – Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
8 642,70 |
8 701,10 |
58,40 |
+ 0,68% |
8 201,40 |
8 259,80 |
58,40 |
+ 0,71% |
01 – Pilotage et animation |
463,68 |
332,89 |
– 130,79 |
– 28,21% |
346,08 |
315,29 |
– 30,79 |
– 8,90% |
02 – Agence nationale de la recherche |
1 349,70 |
1 469,70 |
120,00 |
+ 8,89% |
1 086,00 |
1 086,00 |
0,00 |
|
11 – Recherches interdisciplinaires et transversales |
82,76 |
83,84 |
1,08 |
+ 1,30% |
82,76 |
83,84 |
1,08 |
+ 1,30% |
12 – Diffusion, valorisation et transfert des connaissances et des technologies |
171,52 |
175,30 |
3,78 |
+ 2,20% |
171,52 |
175,30 |
3,78 |
+ 2,20% |
13 – Grandes infrastructures de recherche |
377,70 |
377,70 |
0,00 |
|
317,70 |
337,70 |
20,00 |
+ 6,30% |
14 – Moyens généraux et d’appui à la recherche |
1 140,06 |
1 152,84 |
12,78 |
+ 1,12% |
1 140,06 |
1 152,84 |
12,78 |
+ 1,12% |
15 – Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé |
1 364,71 |
1 367,98 |
3,27 |
+ 0,24% |
1 364,71 |
1 367,98 |
3,27 |
+ 0,24% |
16 – Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l'information |
1 103,56 |
1 123,27 |
19,71 |
+ 1,79% |
1 103,56 |
1 123,27 |
19,71 |
+ 1,79% |
17 – Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l'énergie |
899,55 |
897,48 |
– 2,07 |
– 0,23% |
899,56 |
897,48 |
– 2,08 |
– 0,23% |
18 – Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l'environnement |
1 238,45 |
1 264,19 |
25,74 |
+ 2,08% |
1 238,45 |
1 264,19 |
25,74 |
+ 2,08% |
19 – Recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sciences sociales |
450,98 |
455,91 |
4,93 |
+ 1,09% |
450,98 |
455,91 |
4,93 |
+ 1,09% |
Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Recherche et enseignement supérieur.
Le programme P172, qui ne contient pas de crédits de titre 2 (dépenses de personnel), comporte onze actions.
● L’action 1 Pilotage et animation finance l’administration centrale du ministère qui élabore la politique de l’État en matière de recherche, de développement technologique et d’innovation, dans le secteur public comme dans le privé, et assure la tutelle de l’ensemble des opérateurs de recherche du programme. Ses crédits en AE et en CP connaîtraient une baisse substantielle de 130,79 millions d’euros (‒ 28,21 %) en AE et de 30,79 millions d’euros (‒ 8,9 %) en CP.
Après une décroissance en PLF pour 2023 (‒ 9,35 % en AE et ‒ 13,34 % en CP), cette action a connu une importante revalorisation en LFI pour 2024 avec des hausses de presque 55 % en AE et 20 % en CP correspondant à des besoins de financement spécifiques ([18]). La variation dans le PLF pour 2025 résulte principalement des effets de la programmation de crédits associés au projet PariSanté Campus, opération qui doit se traduire par la signature d’un contrat de concession en 2026 et dont le financement est assuré en grande partie par des crédits ouverts lors des exercices précédents, ce qui explique la moindre baisse des crédits en CP par rapport à celle touchant les AE.
La sous-action 3, consacrée au soutien à la recherche, représente environ un tiers des crédits alloués à cette action (111,12 millions d’euros en AE et 108,27 millions d’euros en CP). Les deux autres volets les mieux dotés sont la sous-action 7 – dispositifs d’aide aux jeunes scientifiques, à travers les conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre), à hauteur de plus de 70 millions d’euros – et la sous-action 6 relative au soutien à l’innovation, dotée d’environ 65 millions d’euros ([19]).
● L’action 2 Agence nationale de la recherche (ANR) regroupe les crédits budgétaires qui permettent à celle-ci de financer les établissements de recherche par appels à projets. En l’état actuel, l’ANR a une double mission : soutenir des projets pour produire de nouvelles connaissances et savoir-faire, et favoriser les interactions entre les laboratoires publics et les laboratoires privés, en développant des collaborations. L’ANR est l’opérateur principal des appels à projets (AAP) nationaux ou internationaux ; elle assure également la gestion des AAP émis dans le cadre de France 2030. L’agence est une structure légère, avec un niveau de dépenses de fonctionnement modeste (40 millions d’euros) au regard de ses dépenses d’intervention (1 430 millions d’euros).
Comptant désormais pour presque 17 % de la totalité du programme 172 en AE, il s’agit de la première dotation budgétaire du programme. Les crédits de l’ANR seraient cette année en augmentation d’environ 120 millions d’euros s’agissant des AE et atteindraient presque 1 470 millions d’euros, soit une hausse de 8,89 % par rapport à la LFI pour 2024, mais resteraient constants pour les CP (1 086 millions d’euros).
Le rapporteur pour avis tient à préciser qu’il partage la critique portée par de nombreux acteurs de la recherche sur la pertinence de l’ANR qui, dans les faits, organise une compétition généralisée entre les chercheurs, les équipes et les établissements et participe à l’asphyxie des laboratoires. Le mécanisme des appels à projets accroît ainsi les disparités entre les unités de recherche et aboutit à un système à deux vitesses, uniquement basé sur la compétition. De plus, afin d’obtenir ces financements, les scientifiques sont contraints de passer beaucoup de temps à répondre à des demandes de projets et ne peuvent donc se concentrer sur la recherche pure. Or, dans leur grande majorité, les réponses obtenues sont finalement négatives.
Le décrochage constaté entre les AE et les CP, s’il n’est pas apparu à l’occasion de ce budget, s’est considérablement accru dans le PLF pour 2025. Ainsi, l’écart en valeur entre les AE et les CP avoisinerait désormais les 400 millions d’euros, ce qui n’est pas sans poser un certain nombre de difficultés pour le financement des projets de recherche engagés les années précédentes. Si une telle tendance devait se confirmer, elle pourrait avoir à court terme des conséquences négatives sur le volume des projets de recherche financés par l’ANR, celle-ci ne pouvant raisonnablement engager des financements sans être assurée de pouvoir respecter les versements par la suite.
Il serait fortement préjudiciable que le taux de succès des projets présentés à l’ANR ‒ qui se situe actuellement dans les standards internationaux, autour de 25 % ([20]), pour une cible à 30 % ‒ subisse les conséquences de cette attrition des crédits de paiement. De même, il ne serait pas opportun que, pour la même raison, l’ANR soit amenée à réduire le montant du préciput versé aux établissements gestionnaires et hébergeurs des projets sélectionnés, correspondant aujourd’hui à 30 % du coût de financement des projets de recherche sélectionnés.
En l’espèce, à défaut d’obtenir une rallonge budgétaire en CP pour 2025, l’ANR sera vraisemblablement contrainte de reporter certains versements aux ONR, lesquels, dans un contexte budgétaire déjà sous tension, devront une fois encore mobiliser leur trésorerie.
● L’action 11 Recherches interdisciplinaires et transversales est destinée à soutenir la dynamique interdisciplinaire, caractéristique majeure de la recherche scientifique du XXIe siècle. Représentant environ 1 % de la totalité des AE du programme, ces crédits, d’un montant de 83,84 millions d’euros environ (AE = CP), connaîtraient une hausse de 1,3 % et bénéficient exclusivement au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), pour respectivement 59,3 millions d’euros et 24,52 millions d’euros au titre des subventions pour charges de service public qui leur sont versées.
● L’action 12 Diffusion, valorisation et transfert des connaissances et des technologies verrait son budget croître de 2,2 % en AE et en CP par rapport à la LFI pour 2024, soit une hausse de 3,78 millions d’euros, inférieure de moitié à la revalorisation opérée l’année précédente.
Cette action finance notamment le deuxième Plan national pour la science ouverte ([21]). Une partie du budget abonde également le Fonds national pour la science ouverte (FNSO) ainsi que l’entrepôt pluridisciplinaire Recherche Data Gouv. Via des subventions pour charges de service public, elle participe également au financement des nombreux opérateurs du programme, parmi lesquels le CNRS pour 59,31 millions d’euros, l’Institut de recherche pour le développement (IRD) pour 32,16 millions d’euros ou l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique ([22]) pour 20,99 millions d’euros.
● L’action 13 Grandes infrastructures de recherche finance des structures dont le premier objectif est de mener une recherche d’excellence et d’assurer une mission de service pour une ou plusieurs communautés scientifiques. Ces infrastructures constituent des outils de recherche mutualisés dont l’importance du coût de construction et d’exploitation justifie des processus de décision particuliers.
Pour 2025, les crédits de cette action seraient constants en AE, après une très forte hausse en 2023 (46,56 %), mais augmenteraient de 6,3 % (soit 20 millions d’euros) en CP pour atteindre 377,71 millions d’euros. L’importante variation des AE d’une année sur l’autre s’explique par la nature même de la dépense, qui nécessite d’importantes ouvertures de crédits en AE, dont la consommation s’étale sur plusieurs années.
Les crédits programmés correspondent à :
‒ des dépenses de fonctionnement, sous forme de subventions pour charges de service public, au bénéfice d’opérateurs de recherche ‒ CNRS, CEA, Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), etc. ‒ pour un montant total de 241,78 millions d’euros (en AE et en CP) ;
‒ des dépenses d’investissement, sous forme de subventions pour charges d’investissement (120 millions d’euros en AE et 80 millions d’euros en CP). Ces crédits couvrent la deuxième année de financement de la deuxième vague d’opérations (2024-2027) de la mesure « LPR équipement » permettant des investissements dans des infrastructures d’importance stratégique nationale ([23]) ;
‒ des dépenses d’intervention (transfert à d’autres collectivités) pour un peu moins de 16 millions d’euros ([24]).
● L’action 14 Moyens généraux et d’appui à la recherche concerne les moyens que les organismes de recherche doivent administrer afin de gérer et d’optimiser leurs processus de production de connaissances et de technologies.
Les crédits inscrits à cette action augmenteraient de 1,12 % en AE et en CP, s’établissant à 1 152,84 millions d’euros. Ils prennent la forme de subventions pour charge de service public versés aux ONR (par exemple, le CNRS pour 533,83 millions d’euros, ou encore l’Inrae pour 208,82 millions d’euros).
● L’action 15 Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé connaîtrait pour 2025 une légère hausse de ses crédits : 0,24 %, soit 30,2 millions d’euros, pour s’établir à 1 367,98 millions d’euros.
Après l’action 2 Agence nationale de la recherche, cette action représente, s’agissant des AE, la seconde action la plus dotée du programme. Elle finance principalement la recherche des opérateurs en ce domaine à hauteur de 1 254,06 millions d’euros. Si le CNRS (593,14 millions d’euros), l’Inserm (545,16 millions d’euros) et le CEA (112,81 millions d’euros) constituent les principaux opérateurs bénéficiaires de ces crédits, d’autres acteurs de la recherche en santé se voient attribuer des financements à ce titre, notamment certaines fondations ou associations (Institut Pasteur, Institut Curie, etc.).
● L’action 16 Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l’information a pour but d’intensifier des recherches fondamentales et appliquées en mathématiques, en sciences et techniques de l’information, en développement technologique, jusqu’à leur application et leur transfert par différents acteurs du monde socio-économique, industriel ou opérationnel. Cette action concourt également au développement des méthodes, techniques et infrastructures numériques, mises au service de toutes les communautés scientifiques.
Ses crédits passeraient de 1 103,57 millions d’euros à 1 123,27, en AE comme en CP, soit une hausse de 1,79 %. Ils financent la recherche dans ce domaine, principalement à travers des subventions pour charges de service public (1 122,65 millions d’euros) versées à quelques opérateurs : le CEA, le CNRS et l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique.
● L’action 17 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie finance la recherche des opérateurs dans ce domaine. Cette action a pour objectif le développement des connaissances sur les lois fondamentales dans les sciences de la matière et sur les procédés, ainsi que leurs applications dans les domaines des énergies alternatives, des technologies bas carbone, de l’ingénierie des nouveaux matériaux, des systèmes et des interfaces notamment avec les biotechnologies et la chimie. Elle prépare les ruptures technologiques de demain.
Ses crédits baisseraient légèrement de 0,23 % en AE et CP pour s’établir à 897,48 millions d’euros. L’opérateur principal est le CNRS, avec un budget de 326,23 millions d’euros, en hausse de 3,28 millions d’euros. Ces crédits permettent également de financer la contribution de la France à des organisations ou projets scientifiques internationaux, à hauteur de 471,78 millions d’euros, notamment l’organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern) ou le réacteur thermonucléaire expérimental international (Iter).
● L’action 18 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement finance les disciplines qui coopèrent pour comprendre le fonctionnement du système Terre et des écosystèmes et s’attachent à répondre aux problématiques du développement durable liées à l’évolution climatique, aux risques naturels, aux dynamiques des biosphères, à la biodiversité, à l’hydrologie et aux pollutions et pressions anthropiques et aux relations avec la santé.
Cette action verrait ses crédits augmenter en 2025 de 2,08 % en AE et en CP, soit une hausse supérieure à celle de l’année précédente (1,75 %), ce qui représenterait un budget de 1 264,19 millions d’euros. La majeure partie des crédits (1 190,40 millions d’euros) sont des subventions pour charges de service public, au bénéfice d’organismes de recherche comme l’Inrae, avec 565,55 millions d’euros (budget en hausse de 7,34 millions d’euros) ou le CNRS (266,91 millions d’euros). Le reste des crédits (73,79 millions d’euros) finance la contribution française à des organisations ou projets scientifiques internationaux.
● L’action 19 Recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sciences sociales permet notamment le développement de recherches dans de nouvelles matières telles que les « humanités numériques » qui se trouvent à la croisée des sciences humaines et sociales et de l’information. L’action serait en hausse de 1,09 % en AE comme en CP, à comparer avec les 2,28 % d’augmentation de l’année précédente. Le budget pour 2025, de 455,91 millions d’euros, finance principalement le CNRS (355,89 millions, soit + 3,58 millions d’euros par rapport à 2024) et l’Inrae (52,20 millions d’euros).
RÉCAPITULATIF DES crÉdits allouÉs aux opÉrateurs de la mission Recherche et enseignement supÉrieur
(en euros)
|
LFI 2024 |
PLF 2025 |
||
Opérateur financé (Programme chef de file) Nature de la dépense |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Opérateurs de soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche (P150) |
10 305 000 |
10 305 000 |
10 305 000 |
10 305 000 |
Subventions pour charges de service public |
10 305 000 |
10 305 000 |
10 305 000 |
10 305 000 |
Académie des technologies (P172) |
1 359 000 |
1 359 000 |
1 359 000 |
1 359 000 |
Subventions pour charges de service public |
1 359 000 |
1 359 000 |
1 359 000 |
1 359 000 |
ANR - Agence nationale de la recherche (P172) |
1 349 700 000 |
1 086 000 000 |
1 469 700 000 |
1 086 000 000 |
Subventions pour charges de service public |
40 000 000 |
40 000 000 |
40 000 000 |
40 000 000 |
Transferts |
1 309 700 000 |
1 046 000 000 |
1 429 700 000 |
1 046 000 000 |
BRGM - Bureau de recherches géologiques et minières (P172) |
54 950 000 |
54 950 000 |
57 270 000 |
57 270 000 |
Subventions pour charges de service public |
54 950 000 |
54 950 000 |
57 270 000 |
57 270 000 |
CEA - Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (P172) |
742 973 779 |
742 973 779 |
754 269 000 |
754 269 000 |
Subventions pour charges de service public |
539 556 000 |
539 556 000 |
549 096 000 |
549 096 000 |
Transferts |
203 417 779 |
203 417 779 |
205 173 000 |
205 173 000 |
Cirad – Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (P172) |
138 660 000 |
138 660 000 |
141 510 000 |
141 510 000 |
Subventions pour charges de service public |
138 660 000 |
138 660 000 |
141 510 000 |
141 510 000 |
CNRS – Centre national de la recherche scientifique (P172) |
3 122 522 260 |
3 122 522 260 |
3 163 224 560 |
3 163 224 560 |
Subventions pour charges de service public |
3 032 527 000 |
3 032 527 000 |
3 062 299 000 |
3 062 299 000 |
Dotations en fonds propres |
0 |
500 000 |
0 |
500 000 |
Transferts |
89 995 260 |
89 995 260 |
100 925 560 |
100 925 560 |
Genopole (P172) |
2 942 000 |
2 942 000 |
2 942 000 |
2 942 000 |
Subventions pour charges de service public |
2 942 000 |
2 942 000 |
2 942 000 |
2 942 000 |
Ifremer – Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (P172) |
186 369 000 |
203 488 355 |
194 709 000 |
194 709 000 |
Subventions pour charges de service public |
186 369 000 |
186 369 000 |
194 709 000 |
194 709 000 |
Dotations en fonds propres |
|
17 119 355 |
0 |
0 |
Ined – Institut national d’études démographiques (P172) |
19 382 000 |
19 382 000 |
19 216 000 |
19 216 000 |
Subventions pour charges de service public |
19 382 000 |
19 382 000 |
19 216 000 |
19 216 000 |
Inrae – Institut national pour la recherche en agriculture, alimentation et environnement (P172) |
858 781 000 |
858 781 000 |
870 081 000 |
870 081 000 |
Subventions pour charges de service public |
858 781 000 |
858 781 000 |
870 081 000 |
870 081 000 |
Inria – Institut national de recherche en informatique et en automatique (P172) |
196 431 000 |
196 431 000 |
210 191 000 |
210 191 000 |
Subventions pour charges de service public |
196 431 000 |
196 431 000 |
210 191 000 |
210 191 000 |
Inserm – Institut national de la santé et de la recherche médicale (P172) |
726 860 000 |
726 860 000 |
736 705 000 |
736 705 000 |
Subventions pour charges de service public |
726 860 000 |
726 860 000 |
736 705 000 |
736 705 000 |
Ipev – Institut polaire français Paul-Émile Victor (P172) |
15 201 000 |
15 201 000 |
17 201 000 |
17 201 000 |
Subventions pour charges de service public |
15 201 000 |
15 201 000 |
17 201 000 |
17 201 000 |
IRD – Institut de recherche pour le développement (P172) |
228 060 000 |
228 060 000 |
229 730 000 |
229 730 000 |
Subventions pour charges de service public |
228 060 000 |
228 060 000 |
229 730 000 |
229 730 000 |
Total |
7 654 496 039 |
7 408 415 394 |
7 878 412 560 |
7 494 712 560 |
Total des subventions pour charges de service public |
6 051 383 000 |
6 051 383 000 |
6 142 614 000 |
6 142 614 000 |
Total des dotations en fonds propres |
0 |
17 619 355 |
0 |
0 |
Total des transferts |
1 603 113 039 |
1 339 413 039 |
1 735 798 560 |
1 352 098 560 |
Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Recherche et enseignement supérieur.
III. Programme 150 : Formations supÉrieures et recherche universitaire
● Les crédits du programme 150 sont répartis au sein de neuf actions :
– les actions 1 à 3 regroupent les crédits attribués au financement des formations supérieures et portent respectivement sur la licence, le master et le doctorat ;
– l’action 4 est relative au soutien public apporté aux établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig) et aux associations assurant la formation initiale des enseignants des établissements scolaires privés ayant conclu un contrat d’association avec l’État ;
– l’action 5 concerne le financement des bibliothèques universitaires et de la politique en matière de documentation scientifique ;
– l’action 13 comporte des crédits concernant les musées scientifiques nationaux et la numérisation de leurs collections ;
– l’action 14 correspond à la politique immobilière des opérateurs du programme ;
– l’action 15 rassemble les crédits concernant le pilotage et le support du programme ;
– l’action 17 est consacrée à la recherche.
Seule cette dernière action, destinée au financement de la recherche universitaire, est rattachée au périmètre du présent avis budgétaire sur la recherche, les autres actions relevant de l’avis budgétaire sur l’enseignement supérieur.
Cependant, le rapporteur pour avis note que l’ensemble des crédits relatifs au protocole d’accord relatif à l’amélioration des rémunérations et des carrières des personnels de la recherche mis en œuvre dans le cadre de la LPR (protocole RH-LPR) ont été répartis sur les diverses actions du programme 150 ([25]) au prorata des crédits de masse salariale pour chacune des actions, et que les crédits portant sur la revalorisation des contrats doctoraux ont été intégralement imputés sur l’action 3 (« Formation initiale et continue de niveau doctorat »).
Par rapport à la LFI pour 2024, les crédits du programme 150 passeraient de 15 277,05 millions d’euros à 15 217, 01 millions d’euros en AE, soit une baisse d’environ 60 millions d’euros (‒ 0,39 %). Les CP, en revanche, connaîtraient une hausse de près de 99 millions d’euros, passant de 15 180,78 millions d’euros à 15 279,67 millions d’euros, soit une augmentation de 0,65 % ([26]).
Évolution des autorisations d’engagement inscrites au programme 150 de la mission recherche et enseignement supérieur entre 2024 et 2025
Numéro et intitulé de l’action concernée |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Variations constatées entre 2025 et 2024 (en %) |
(nomenclature 2024) |
(en millions d’euros) |
(en millions d’euros) |
|
01 – Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence |
3 920,78 |
3 956,34 |
+ 0,91 |
02 – Formation initiale et continue de niveau master |
2 969,35 |
2 755,56 |
+ 2,20 |
03 – Formation initiale et continue de niveau doctorat |
494,29 |
521,44 |
+ 5,50 |
04 – Établissements d’enseignement privés |
94,9 |
94,90 |
‑ |
05 – Bibliothèques et documentation |
481,84 |
493,49 |
+ 2,42 |
13 – Diffusion des savoirs et musées |
133,67 |
142,19 |
+ 6,38 |
14 – Immobilier |
1 368,91 |
1 248,75 |
‒ 13,36 |
15 – Pilotage et support du programme |
1 769,70 |
1 788,79 |
+ 1,08 |
17 – Recherche |
4 316,63 |
4 278,22 |
‒ 0,89 |
Total |
15 277,05 |
15 217,01 |
‒ 0,39 |
Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Recherche et enseignement supérieur.
Contrairement à 2024 où le budget consacré à la recherche universitaire avait augmenté de plus de 2 % par rapport à la LFI pour 2023, le PLF pour 2025 prévoit une diminution de la dotation de l’action 17 de l’ordre de 0,89 %, avec des crédits passant de 4 316,63 millions d’euros à 4 278,22 millions d’euros (AE = CP), soit une baisse en valeur de plus de 38 millions d’euros. À l’exception de l’action 14 Immobilier, en baisse depuis plusieurs années, le volet Recherche du programme 150 est d’ailleurs la seule action à connaître une diminution de ses crédits. Presqu’un quart de la réduction des AE du programme 150 concerne l’action 17.
Évolution des baisses des autorisations d’engagement inscrites au programme 150 entre 2024 et 2025
Numéro et intitulé de l’action concernée |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Variations constatées entre 2025 et 2024 |
Écart en valeurs entre 2025 et 2024 |
Part de la baisse |
(nomenclature 2023) |
(en millions d’euros) |
(en millions d’euros) |
(en %) |
(en millions d’euros) |
(en %) |
14 – Immobilier |
1 368,91 |
1 248,75 |
‒ 13,36 |
‒ 120,16 |
76 |
17 – Recherche |
4 316,63 |
4 278,22 |
‒ 0,89 |
‒ 38,41 |
24 |
Total |
5 685,54 |
5 526,97 |
|
‒ 158,57 |
|
Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Recherche et enseignement supérieur.
Les crédits de l’action 17 destinés à la recherche représenteraient désormais 28,1 % du programme 150, contre 28,3 % dans la LFI pour 2024. Pour rappel, la part de ces crédits dans l’ensemble du programme 150 était de 28,6 % en 2023 et de 29 % en 2022. On assiste donc à une lente érosion de cette action, avec une baisse de presque un point en cinq années budgétaires. Toutefois, l’action Recherche demeure toujours le premier budget du programme 150, devant l’action Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence (26 %).
Le PLF pour 2025 prévoit une diminution des dépenses de titre 2 (dépenses de personnel) de l’ordre de 57 %, passant de 110,60 millions d’euros à 47,35 millions d’euros, soit une baisse de plus de 63 millions d’euros en valeur (en AE = CP). Le MESR indique que les crédits concernés ont en fait été répartis sur d’autres actions du programme, notamment les actions 1,2 et 3.
Passant de 4 205,5 millions d’euros en LFI pour 2024 à 4 230,35 millions d’euros, les crédits de titre 3 (dépenses de fonctionnement) augmenteraient d’environ 25 millions d’euros, soit 0,59 %, en raison de l’accroissement des subventions pour charge de service public. Pour mémoire, il était prévu 86,4 millions d’euros de nouveaux moyens dans la LFI pour 2024 et 159,4 millions d’euros en LFI pour 2023, au titre des subventions pour charges de service public.
Les crédits mobilisés pour le financement de la totalité de la masse salariale destinée aux personnels en charge de la recherche au sein des établissements ayant accédé ou non aux responsabilités et compétences élargies (RCE) représentent 95 % des subventions pour charges de service public.
● Les moyens nouveaux alloués au titre de la LPR
Pour 2025, les crédits nouveaux portant mise en œuvre des dispositions relatives aux ressources humaines prévues au titre de la cinquième annuité de la LPR se répartiraient comme suit au sein du programme 150 :
‒ hors titre 2 (subventions pour charges de service public) : + 19,4 millions d’euros imputés sur l’action 1 ; + 13,3 millions d’euros imputés sur l’action 2 ; + 23,3 millions d’euros imputés sur l’action 3 ; + 1,8 million d’euros imputés sur l’action 5 ; + 0,3 million d’euros imputés sur l’action 13 ; + 2,41 millions d’euros imputés sur l’action 14 ; + 7,3 millions d’euros imputés sur l’action 15 et + 21,1 millions d’euros imputés sur l’action 17 ;
‒ titre 2 (dépenses de personnels) : + 2,1 millions d’euros.
Ces crédits nouveaux portent sur la poursuite du déploiement du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (Ripec), la mise en œuvre des mesures statutaires en faveur des jeunes chercheurs, les repyramidages des corps des personnels enseignants-chercheurs, des personnels des bibliothèques et des ingénieurs techniques, et financent la revalorisation de la rémunération des contrats doctoraux à compter du 1er janvier 2025.
IV. Programme 193 : Recherche spatiale
Par rapport à la LFI pour 2024, les crédits du programme 193 ([27]) passeraient, dans le PLF pour 2025, de 1 900,80 millions d’euros à 1 915,80 millions d’euros en AE et en CP, soit une hausse de 15,5 millions d’euros et de 0,82 %. Comme évoqué supra, une telle évolution correspond à 50 % de la « marche » budgétaire prévue dans la LPR. Pour mémoire, la revalorisation intervenue entre 2023 et 2024 était de 1,85 %. Comme pour l’année précédente, mais à un degré moindre, on observe une grande variété des évolutions budgétaires selon les actions qui s’échelonnent d’une baisse de 14,56 % à une hausse de 6,53 %.
Évolution des crédits (AE = CP) inscrits au programme 193 de la mission recherche et enseignement supérieur entre 2024 et 2025
Numéro et intitulé de l’action concernée (nomenclature 2023) |
LFI 2024 (en millions d’euros) |
PLF 2025 (en millions d’euros) |
Variations (en %) |
01 – Développement de la technologie spatiale au service de la science |
287,34 |
287,06 |
‒ 0,09 |
02 – Développement de la technologie au service de l’observation de la terre |
362,54 |
341,48 |
‒ 5,81 |
03 – Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en sciences de l’information et de la communication |
113,15 |
118,69 |
+ 4,89 |
04 – Maîtrise de l’accès à l’espace |
615,89 |
656,12 |
+ 6,53 |
05 – Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique |
273,42 |
290,31 |
+ 6,18 |
06 – Moyens généraux et d’appui à la recherche |
184,26 |
157,44 |
‒ 14,56 |
07 – Développement des satellites de météorologie |
63,58 |
64,58 |
+ 1,57 |
Total |
1 900,18 |
1 915,68 |
+ 0,82 |
Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Recherche et enseignement supérieur.
Le 7 octobre 2022, l’État et le Centre national d’études spatiales (Cnes) ont conclu un contrat d’objectifs et de performance pour la période 2022-2025, structuré autour de quatre priorités :
– utiliser toutes les potentialités du secteur spatial comme vecteur de croissance économique, de compétitivité industrielle et de développement d’un nouvel écosystème ;
– maintenir et développer l’autonomie stratégique de la France et de l’Europe ;
– maintenir l’excellence scientifique du secteur spatial français et amplifier son rayonnement ;
– être à l’avant-garde du développement durable du spatial.
Les investissements continus de la France dans sa politique spatiale en font aujourd’hui le premier pays européen en termes d’activités et de compétences. Le rapporteur pour avis se réjouit de la poursuite de cette politique publique qui constitue un véritable exemple de réussite française. La recherche y est considérée comme faisant partie d’un ensemble plus grand, allant jusqu’à l’application industrielle et la croissance économique, sans oublier l’impératif d’autonomie stratégique.
Les crédits demandés au titre du programme 193 se répartissent en sept actions. Pour ce programme, les AE sont identiques aux CP.
● L’action 1 Développement de la technologie spatiale au service de la science finance les programmes spatiaux d’étude et d’exploration de l’univers, ceux de la physique fondamentale et des sciences de la vie et de la matière ainsi que des activités relevant des sciences humaines et sociales. Elle vise à contribuer à l’avancement des connaissances scientifiques et à permettre de développer et de tester des technologies spatiales innovantes.
Ses crédits seraient en baisse légère de 0,09 % (soit ‒ 0,27 million d’euros) après une hausse importante l’année précédente (18,36 %).
● L’action 2 Développement de la technologie spatiale au service de l’observation de la Terre contribue à l’avancement des connaissances scientifiques et à préparer les outils spatiaux destinés aux politiques nationale et européenne d’observation. Un des axes forts de cette thématique porte sur la compréhension et le suivi du changement climatique. La France et le Cnes exercent une forme de prééminence au niveau des agences spatiales sur la mobilisation de ces observations pour lutter contre les conséquences du changement climatique, avec notamment la mise en place d’un Space Climate Observatory, auquel adhèrent près de quarante organismes et agences spatiales au niveau international.
Les crédits de l’action 2 connaîtraient une baisse significative de 5,81 % (soit – 21,05 millions d’euros) après une très légère hausse l’année précédente (+ 0,58 %). Avec 341,49 millions d’euros, cette action demeure, après l’action 4 (cf. infra), le deuxième budget du programme en termes de dotations (17,8 % des crédits du programme).
● L’action 3 Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en sciences de l’information et de la communication concerne les programmes spatiaux de télécommunications et de navigation-localisation-synchronisation. Elle permet de préparer, développer et tester des technologies et des systèmes spatiaux destinés à des utilisations opérationnelles. Ces domaines possèdent un fort caractère dual, les travaux de recherche pouvant trouver des applications tant civiles que militaires. L’effort technologique entrepris permet également de renforcer la position de l’industrie française sur le principal marché spatial commercial viable aujourd’hui, à savoir celui des télécommunications, en pleine révolution au niveau des usages comme des technologies.
Après une forte baisse en 2024 (‒ 24,88 %), les crédits pour 2025 seraient en hausse de 4,89 %.
● L’action 4 Maîtrise de l’accès à l’espace concerne les programmes de lanceurs spatiaux et des infrastructures associées (centre spatial guyanais de Kourou). Elle a pour but de préparer, de développer et de qualifier les systèmes de lancement assurant à l’Europe l’autonomie d’accès à l’espace au meilleur coût. En réponse à une diversification des besoins de lancement (mini et micro-lanceurs), la réhabilitation de l’ancien pas de tir Diamant se poursuit pour le transformer en un ensemble multi-lanceurs ([28]) ; elle bénéficie notamment du soutien du volet spatial de France 2030.
Cette action est la plus importante du programme : elle représente 32,4 % de ses crédits, soit 656,12 millions d’euros pour 2025, bénéficiant d’une augmentation à hauteur de 6,53 %, après une baisse significative de 7,40 % dans le PLF pour 2024.
● L’action 5 Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique finance la station spatiale internationale (ISS), la conception et le développement de plateformes de mini, micros et nano‑satellites, la conception, le développement et la mise en œuvre de ballons atmosphériques destinés à des missions scientifiques d’observation, des activités de recherche relatives à l’amélioration des performances des satellites, ainsi que le développement d’applications utilisant les capacités et les données spatiales dans de nombreux domaines. Hormis l’ISS, qui est un programme international auquel la France contribue principalement au travers de l’Agence spatiale européenne ([29]), les travaux sont menés essentiellement dans un cadre national.
Contrairement à la LFI pour 2024 qui consacrait des crédits en baisse (‒ 3,38 %), le PLF pour 2025 prévoit une hausse du budget de cette action (+ 6,18 %), qui atteindra 290,31 millions d’euros.
● L’action 6 Moyens généraux d’appui à la recherche porte notamment sur le fonctionnement général du Cnes et les investissements associés.
Après une hausse considérable des crédits en 2024 (+ 88,53 %), l’action régresserait de 14,56 %, pour se stabiliser pour l’année 2025 à 157,44 millions d’euros.
● L’action 7 Développement des satellites de météorologie concerne la contribution française aux programmes de satellites météorologiques développés par l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (Eumetsat). Ces opérations d’investissement lourdes sont partagées entre les 30 États membres, dont la France. Les moyens mis en place sont coordonnés à l’échelle mondiale, principalement avec les partenaires américains et japonais, ce qui permet d’avoir accès aux données recueillies par leurs satellites. Les États contribuent au prorata de leur produit national brut. Les industriels français sont particulièrement bien placés sur les nouvelles générations de satellites en cours de développement. Le Cnes exerce la maîtrise d’ouvrage d’un sondeur atmosphérique dont une partie du développement a été financée par sa programmation budgétaire propre, couverte par les crédits du programme 193.
Cette action, en hausse de 1,57 %, est la plus modeste du programme, regroupant 3,3 % des crédits, soit 64,58 millions d’euros.
V. D’importants crÉdits additionnels
Aux moyens prévus dans la mission Recherche et enseignement supérieur s’ajoutent, d’une part, les crédits issus de la mission Plan de Relance, et, d’autre part, ceux ouverts sur les PIA, ensuite intégrés à la mission Investir pour la France de 2030, destinés aux projets de recherche, d’innovation et de formation.
● La mission Plan de Relance
Cette mission comporte deux programmes en activité : le programme 362 Écologie et le programme 363 Compétitivité ([30]). Comme le PLF pour 2024, le PLF pour 2025 ne prévoit aucun engagement nouveau (AE), la mission ministérielle Plan de Relance étant par nature temporaire. Seuls sont ouverts des CP, en forte baisse, passant de 1,4 milliard d’euros à 169 millions d’euros, la plupart des actions étant clôturées. Ces CP servent à financer des engagements antérieurs, conformément à la nature même des projets qui justifient des décaissements sur plusieurs années. Le niveau d’ouverture, extrêmement faible en comparaison des années précédentes, reflète l’achèvement presque complet de l’effort de relance ([31]). Les crédits ouverts au titre de cette mission vont poursuivre leur décroissance, et devraient représenter 100 millions d’euros en 2026 et 2027.
● La mission Investir pour la France de 2030
Ce plan d’investissement s’inscrit dans la lignée du plan France Relance. Il vise à permettre de rattraper le retard de la France dans certains secteurs historiques, et à créer de nouvelles filières industrielles et technologiques. Cette mission regroupe désormais les PIA 3 et 4 et les complète, permettant de soutenir l’ensemble du cycle de vie de l’innovation jusqu’à son déploiement et son industrialisation, étapes qui n’étaient traditionnellement pas prises en charge par les investissements d’avenir.
Cette mission est déclinée en cinq programmes, dont la plupart – les programmes 421 Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche, 422 Valorisation de la recherche, 424 Financement des investissements stratégiques et 425 Financement structurel des écosystèmes d’innovation – affectent directement la recherche française.
Le PIA 4 étant désormais intégré à France 2030, 54 milliards d’euros au total sont inscrits au titre de la mission Investir pour la France de 2030 (34 milliards d’euros votés en loi de finances initiale pour 2022 et 20 milliards d’euros du PIA 4). Les programmes 421 à 423 permettront d’achever la mise en œuvre du PIA 3, tandis que le PIA 4 relève plus particulièrement des programmes 424 et 425. Pour la mise en œuvre du plan Investir pour la France de 2030, l’État s’appuie sur les quatre opérateurs historiques des PIA, dont l’ANR.
Comme pour la mission Plan de Relance, le PLF pour 2025 ne prévoit aucune AE pour la mission ministérielle Investir pour la France de 2030, seuls des CP étant ouverts. Alors que ces derniers avaient progressé de 2023 à 2024 de plus de 29 %, le PLF pour 2025 prévoit une régression de 24,69 %, ramenant le montant des crédits ouverts à 5,8 milliards d’euros pour 2025.
Un des indicateurs de cette mission consiste en l’augmentation de l’effort national de recherche et développement (R&D), en mesurant les effets d’entraînement de la R&D des PIA et de France 2030 sur la R&D privée.
Au 30 juin 2024, plus de 32,7 milliards d’euros avaient fait l’objet d’un engagement formel sur plus de 4 300 projets.
RÉCAPITULATIF DES CP de la mission Investir pour la France de 2030
POUR 2024 et 2025
Programme / Action |
LFI 2024 (en euros) |
PLF 2025 (en euros) |
Variations entre 2024 et 2025 (en %) |
421 – Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche |
255 000 000 |
219 000 000 |
‒ 14,12 |
01 – Nouveaux cursus à l’université |
25 000 000 |
25 000 000 |
|
02 – Programmes prioritaires de recherche |
40 000 000 |
40 000 000 |
|
03 – Équipements structurants de recherche |
50 000 00 |
31 000 000 |
‒ 38 |
04 – Soutien des grandes universités de recherche |
90 000 000 |
80 000 000 |
‒ 11,11 |
05 – Constitution d’écoles universitaires de recherche |
30 000 000 |
30 000 000 |
|
07 – Territoires d’innovation pédagogique |
20 000 000 |
13 000 000 |
‒ 35 |
422 – Valorisation de la recherche |
88 200 000 |
243 000 000 |
+ 175,74 |
02 - Fonds national post-maturation « Frontier venture » |
0 |
100 000 |
|
03 – Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition |
60 000 000 |
115 000 000 |
+ 91,67 |
05 – Accélération du développement des écosystèmes d’innovation performants |
28 200 000 |
28 200 000 |
|
423 – Accélération de la modernisation des Entreprises |
14 260 000 |
185 760 000 |
+ 1 202,66 |
01 – Soutien à l’innovation collaborative |
0 |
71 500 000 |
|
02 – Accompagnement et transformation des filières |
9 660 000 |
9 660 000 |
|
04 – Adaptation et qualification de la main d’œuvre |
4 600 000 |
4 600 000 |
|
09 – Grands défis |
100 000 000 |
100 000 000 |
|
424 – Financement des investissements Stratégiques |
5 691 750 000 |
4 372 405 000 |
‒ 23,16 |
01 – Programmes et équipements prioritaires de recherche |
0 |
11 000 000 |
|
02 – Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche |
640 000 000 |
114 000 000 |
‒ 82,19 |
03 – Démonstration en conditions réelles, |
1 238 750 000 |
500 000 000 |
‒ 59,64 |
04 – Soutien au déploiement |
1 873 000 000 |
919 400 000 |
‒ 50,91 |
05 – Accélération de la croissance (fonds propres) |
210 000 000 |
810 005 889 |
+ 285,72 |
06 – Industrialisation et déploiement |
1 730 000 000 |
2 019 000 000 |
+ 16,71 |
425 – Financement structurel des écosystèmes d’innovation |
1 652 500 000 |
778 634 101 |
‒ 52,88 |
01 – Financements de l’écosystème ESRI et valorisation |
220 000 000 |
120 000 000 |
‒ 45,45 |
02 – Aides à l’innovation « bottom-up » (subventions et prêts) |
727 500 000 |
463 634 101 |
‒ 36,27 |
03 – Aides à l’innovation « bottom-up » (fonds propres) |
705 000 000 |
195 000 000 |
‒ 72,34 |
Totaux |
7 701 710 000 |
5 800 000 000 |
‒ 24,69 |
Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Investir pour la France de 2030.
seconde PARTIE : le crÉdit d’impÔt recherche, le statu quo n’est plus tolÉrable
Le constat que l’innovation, la recherche et le développement (R&D) sont les principales sources de gains de productivité et de croissance à long terme fait consensus dans la littérature économique.
Force est de constater qu’en France, la part des dépenses de R&D dans le PIB, stagnante à 2,2 % depuis quelques années, est très en deçà de l’objectif de 3 % fixé par la stratégie dite de Lisbonne en 2000 ([32]), et plus basse que la moyenne des pays de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) (2,4 %).
Sans surprise, cette insuffisance se retrouve pour les dépenses de R&D du secteur privé qui, de la même manière, stagnent à 1,4 % du PIB en France contre 1,8 % en moyenne dans l’OCDE. La désindustrialisation massive de notre pays n’est pas étrangère à ce constat. Pourtant, le soutien public à la R&D privée en France est un des plus importants de l’OCDE, puisque « l’État finance près de 20 % des dépenses de R&D privée à travers des incitations fiscales, contre 6 % en moyenne dans l’OCDE » ([33]).
Cet important soutien public à la recherche privée repose en majeure partie, sur des incitations fiscales, dont le crédit d’impôt recherche (CIR) constitue le principal levier. Créé en 1983, le crédit d’impôt en faveur de la recherche a été profondément réformé en 2008, à des conditions avantageuses au regard de ce qui existe chez nos voisins européens.
Alors que le CIR représente environ les deux tiers de l’ensemble des aides de la recherche-innovation, la totalité des trois volets de crédits d’impôt en faveur de la recherche représente pour 2021 une créance sur l’État de 7,25 milliards d’euros, dont 6,86 milliards d’euros pour le seul CIR-recherche.
Le présent avis budgétaire se limite au crédit d’impôt applicable à la recherche stricto sensu, dénommé ci-après « CIR » ou « créance CIR », à l’exclusion des dépenses liées au crédit d’impôt au titre des dépenses de collection (crédit d’impôt collection) et des dépenses d’innovation (crédit d’impôt innovation,
CII) ([34]). Le crédit d’impôt recherche (CIR) représente plus de 92 % des dépenses déclarées et 95 % de la créance totale des trois catégories de crédits d’impôt en faveur de la recherche (voir le tableau ci-dessous).
Entreprises déclarantes et bénéficiaires du CIR selon le type de dépenses de recherche déclarées en 2021
(en millions d’euros ; en %)
|
Dépenses déclarées (en millions d'euros) |
Répartition des dépenses |
Créance |
Répartition des créances (en %) |
Recherche |
23 652 |
92,5 |
6 859 |
94,6 |
Innovation (CII) |
1 783 |
7 |
359 |
5 |
Collection (CIC) |
141 |
0,6 |
29 |
0,4 |
Ensemble |
25 577 |
100 |
7 247 |
100 |
Source : MESR-DGRI-SITTAR, GECIR juin 2023, https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T268/le_credit_d_impot_recherche_dispositif_de_soutien_a_la_r_d_des_entreprises/#ILL_EESR17_R_48_05
Conséquence directe de la réforme libérale de 2008, le CIR est désormais la dépense fiscale la plus coûteuse ; sa pertinence ne peut, en conséquence, être appréciée qu’au regard de ses effets sur la R&D d’une part, et sur l’accroissement de la richesse nationale d’autre part. Le « rendement » du CIR doit être interrogé à l’aune de son coût budgétaire pour la nation.
Annoncé comme un élément moteur pour l’innovation et la création de richesses, le CIR, à la lumière de récents travaux d’évaluation, voit ses modalités remises en cause par nombre d’économistes et d’analystes.
Ses conditions d’octroi (déplafonnement, large assiette de calcul, taux élevés...), plus favorables que chez nos partenaires occidentaux, y compris ceux dont les ratios d’effort de recherche sont meilleurs, en font l’outil fiscal le plus avantageux de l’OCDE pour les entreprises réalisant de la R&D. Mais elles génèrent en contrepartie une dépense fiscale élevée et croissante, au risque, si cette trajectoire est suivie, de voir se croiser prochainement les courbes budgétaires du CIR et du principal programme de financement de la recherche publique ([35]).
Alors que les budgets des services publics, y compris ceux de la recherche (universités, organismes de recherche) vont être fortement sollicités dès 2025 pour contribuer à la réduction des déficits, il ne serait pas acceptable qu’un tel crédit fiscal, dont plus de 40 % de la créance alimente moins de 500 entreprises, échappe à l’effort collectif de réduction des dépenses publiques.
Le débat budgétaire récent a démontré qu’il existe un questionnement profond, de tous bords politiques, sur l’économie générale de cet outil paramétré dans l’urgence en 2008 et dont l’impact budgétaire n’avait pas été évalué à sa juste mesure. Les retombées du CIR pour la nation sont en demi-teinte. Il n’est pas aussi efficient que certains veulent le faire croire pour que rien ne change. Si les conditions du CIR devaient être modifiées, les mêmes alertent sur les risques de délocalisation à l’étranger des unités et laboratoires de recherche, qui entraîneraient d’inévitables conséquences économiques
Les récents travaux d’évaluation ont mis en lumière des effets positifs du CIR en faveur des petites entreprises, mais également des effets d’aubaine pour les grandes entreprises.
Alors que la perception de milliards d’euros de CIR ne prévient ni des délocalisations à l’étranger d’activités industrielles, y compris celles tirées de la recherche, ni de la diminution des effectifs de R&D, il est indéfendable de continuer à offrir des avantages financiers aux grands groupes sans garantie de contreparties.
Dans son état actuel, le CIR suscite deux critiques majeures portant :
– d’une part, sur la légitimité et l’opportunité de cet intense effort financier de l’État, à même d’obérer une augmentation plus sensible des crédits dévolus à la recherche publique, ne serait-ce que pour respecter la trajectoire de la loi de programmation de la recherche de 2020, votée par la représentation nationale ;
– d’autre part, sur la capacité de cet outil à atteindre les objectifs assignés pour la croissance et la localisation des dépenses de R&D.
À travers son avis, le rapporteur entend interroger l’efficacité du CIR au regard de son coût pour la nation. Si l’hypothèse de la suppression ou de la transformation radicale du CIR, par exemple en revenant au schéma antérieur à 2008, ne semble pas, à ce stade, être une option envisageable au niveau politique, la profonde révision des paramètres du CIR doit être un objectif primordial.
Pour le rapporteur pour avis, une autre voie que celle, trop libérale, de 2008, est possible. Le CIR ne doit pas être un totem. Ses conditions d’accès doivent être réformées en vue, d’une part d’une meilleure efficacité à l’égard des entreprises et des secteurs qui en ont le plus besoin, d’autre part d’une meilleure utilisation des deniers publics.
I. dispositif parmi les plus avantageux au monde pour les entreprises, le crÉdit d’impÔt recherche français est un levier du soutien public À la r&D privÉe trÈs coÛteux
A. La France se distingue par une importante aide publique À la recherche et À l’innovation privée
1. Une politique publique affirmée et continue qui place la France parmi les pays de l’OCDE ayant un des plus forts taux de soutien public à la recherche et à l’innovation
Le CIR s’inscrit dans une politique publique globale de soutien à la recherche et à l’innovation privée dont il n’est pas le seul vecteur, même s’il en constitue l’élément central et emblématique. Les aides publiques, directes et indirectes, à la R&D et à l’innovation sont estimées à 10 milliards d’euros par an en 2017, plaçant la France parmi les pays de l’OCDE ayant le plus fort taux de soutien public ([36]).
Cette politique publique a pris de l’ampleur ces dernières années, avec le renforcement de la stratégie de soutien public à l’innovation des entreprises grâce à la mise en place d’outils diversifiés, notamment sous l’impulsion des programmes d’investissement d’avenir (PIA) et plus récemment, avec la définition de priorités thématiques stratégiques et l’accent mis sur l’innovation technologique de rupture.
Selon un rapport de France Stratégie, entre 2000 et 2017, l’effort croissant de l’État en faveur de l’innovation est passé de 3,5 à 9,2 milliards d’euros, s’accompagnant par ailleurs d’une multiplication des dispositifs à destination des entreprises, qui sont passés d’une trentaine en 2000 à plus de 60 en 2020, avec des finalités centrées sur l’augmentation des capacités privées en R&D, la promotion de l’entrepreneuriat innovant ou encore le soutien au développement des entreprises innovantes ([37]). L’accompagnement de la dépense de recherche-innovation des entreprises est un des soutiens à l’innovation des entreprises ([38]) ; le CIR, depuis la réforme de 2008, en est un levier majeur.
La réforme structurelle du CIR en 2008 et le développement des premiers PIA en 2010 sont des éléments essentiels de l’appui à l’innovation des entreprises, placé au cœur de la stratégie de compétitivité économique. « Les moyens financiers consacrés par l’État à ce soutien ont été multipliés par plus de trois sur la période 2010-2018, dont les deux tiers sont consacrés au crédit d’impôt recherche » note un rapport de la Cour des comptes de 2021 ([39]).
Comme l’indiquent les économistes Philippe Aghion, Nicolas Chanut et Xavier Jaravel, la France se distingue par un financement public important de la recherche privée. « Le soutien public à la R&D privée en France est un des plus importants de l’OCDE. L’État finance près de 20 % des dépenses de R&D privée à travers des incitations fiscales, contre 6 % en moyenne dans l’OCDE (4 % aux États‐Unis) » ([40]).
Le classement de la France pour le soutien public à la recherche et l’innovation
La France (3) consacre 0,42 % de son PIB à l’ensemble des aides directes et indirectes à la R&D, ce qui la situe en 2ème position au niveau mondial.
Avec 0,28 % de son PIB consacré au soutien public indirect à la R&D des entreprises via les incitations fiscales, dont le CIR, la France se situe également à la 2ème position mondiale, derrière le Royaume-Uni mais loin devant les autres pays de l’OCDE.
En revanche, pour les seules aides directes à la R&D, la France est en 7ème position derrière les États-Unis, mais devant le Royaume-Uni et l’Allemagne.
(3) France Stratégie, « Chapitre 5 - Les soutiens à l’innovation », op. cit., novembre 2020, p. 180.
Évolution des aides gouvernementales directes et des incitations fiscales à la R&D des entreprises en 2017 et en 2006
(en pourcentage du PIB)
Source : France Stratégie, « Chapitre 5 - Les soutiens à l’innovation », in Les politiques industrielles en France, données issues de l’OCDE, 2020.
2. Mais un effort de recherche et développement en France qui stagne autour de 2,22 %, auquel le secteur privé contribue pour les deux tiers
a. L’effort de recherche et développement en France demeure en-deçà de l’objectif de la stratégie dite de Lisbonne
En 2021 ([41]), le financement de travaux de R&D par des entreprises ou des administrations françaises (dépense nationale de recherche et développement expérimental, DNRD ([42])) atteint 58,94 milliards d’euros, soit 2,36 % du PIB, en deçà de l’objectif des 3 % fixé au sommet européen de Barcelone de 2002, dans le cadre de la stratégie dite de Lisbonne de 2000.
Les travaux de R&D effectués sur le territoire national (dépense intérieure de recherche et développement expérimental, DIRD) par les secteurs public et privé représentent quant à eux une dépense de 55,5 milliards d’euros en 2021, soit 2,22 % du produit intérieur brut (PIB), dans un contexte où le PIB a fortement rebondi (+ 6,4 %).
En 2022, selon les données provisoires, la DIRD progresserait de 0,5 % en volume, en raison de la hausse des dépenses de R&D des administrations (+ 0,3 %) et de celle des dépenses des entreprises (+ 0,6 %). Le montant de la DIRD atteindrait ainsi 57,4 milliards d’euros (+ 1,9 milliard d’euros) mais, du fait de l’augmentation du PIB (+ 2,5 %) plus forte que celle de la DIRD (+ 0,5 %), l’effort de R&D diminuerait à 2,18 % du PIB.
Entre 2011 et 2021, la croissance annuelle moyenne en volume de la DIRD est de 1 %, soit une progression à peu près équivalente à celle du PIB (+ 0,8 %). Le dynamisme est plus important pour les entreprises (+ 1,2 %) que pour les administrations (+ 0,5 %) ([43]).
Avec 2,22 % du PIB consacré à la recherche intérieure en 2021, la France demeure en deçà de l’objectif de 3 % d’effort en R&D fixé par l’Union Européenne (UE) dans le cadre de la stratégie « Horizon Europe » et de la moyenne des pays de l’OCDE (2,72 %) mais au-dessus de la moyenne de l’UE des 27 (2,16 %). Elle se situe en dernière position parmi les six pays de l’OCDE les plus importants en termes de volume de DIRD, derrière la Corée du Sud (4,93 %), les États-Unis (3,46 %), le Japon (3,30 %), l’Allemagne (3,13 %) ou le Royaume-Uni (2,91 %), mais devant le Canada (1,70 %), l’Italie (1,45 %) ou l’Espagne (1,43 %).
La comparaison avec l’Allemagne ([44]) est éclairante pour mesurer l’écart avec la France, qui illustre une partie du problème français liée à la désindustrialisation. Pour la cinquième année consécutive, l’Allemagne dépasse l’objectif des 3 %, avec des dépenses de recherche représentant 3,13 % de son PIB en 2021.
b. L’effort de recherche et développement par les entreprises
L'effort de recherche est surtout le fait des entreprises qui, en 2021, exécutent près des deux tiers des travaux de R&D réalisés sur le territoire national. Les dépenses de recherche des entreprises ont progressé beaucoup plus vivement que celles du secteur public au cours des dix dernières années, à la faveur notamment de la réforme du crédit d'impôt recherche (CIR).
Or, la stratégie dite de Lisbonne fixe à chaque pays membre de l’UE un objectif d’effort de R&D de 3 % du PIB, répartis entre le secteur public et le secteur privé pour un tiers/deux tiers.
En 2021 ([45]), la part des entreprises dans l’exécution des travaux de R&D en France s’élève à 36,46 milliards d’euros ([46]) soit 1,46 % du PIB. Avec une dépense correspondant à 65,7 % de la DIRD, le secteur privé représente les deux tiers de l’effort national, conformément à l’objectif européen, et se situe par ailleurs au niveau de la moyenne des pays de l’UE27 (66 %). Pour 2022, l’effort en R&D des entreprises croîtrait de 3,61 % pour s’établir à 65,8 % de la DIRD ([47]).
En 2021, la France, avec une DIRD des entreprises (DIRDE) représentant 1,46 % du PIB, se situe devant l’Espagne (0,80 %), l’Italie (0,88 %), le Canada (0,93 %) et la moyenne de l’UE des 27 (1,41 %) mais derrière la moyenne de l’OCDE (1,99 %), le Royaume-Uni (2,07 %) et l’Allemagne (2,09 %), et les trois leaders non européens que sont les États-Unis (2,68 %), le Japon (2,59 %) et la Corée du Sud (3,9 %). En 2022, la part de la DIRD des entreprises par rapport au PIB diminuerait pour représenter 1,43 % ([48]).
Financement et exécution de la R&D en France de 2015 à 2022 : Exécution de la R&D des entreprises
Source : rapporteur pour avis, d’après les données MESR-DGESIP/DGRI-SIES, https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T027/les_depenses_interieures_de_recherche_et_developpement/, tableau. 40.01.
La répartition de la DIRDE dans les principales branches bénéficiaires de la recherche témoigne d’une concentration importante, puisque six branches de recherche sur 32 totalisent plus de 50 % de la dépense intérieure de R&D des entreprises ([49]).
Les branches des industries manufacturières représentent 66 % de la DIRDE, pour 30 % pour les branches de services, mais entre 2016 et 2021, les premières ont reculé alors que les secondes ont été très dynamiques, progressant de 6,2 % en volume en moyenne annuelle ([50]).
RÉpartition de la dirde par secteurs d’activité en 2021
|
Montant |
Répartition par branches |
Variation 2016‑2021 en volume |
Variation 2020‑2021 en volume |
Branches des industries manufacturières |
24 140 |
66 |
– 0,7 |
+ 1,2 |
Branches de services |
10 787 |
30 |
+ 6,2 |
+ 10,5 |
Primaire, énergie, construction |
1 550 |
4 |
– 1,6 |
+ 2,2 |
Dépense intérieure de R&D des entreprises |
36 478 |
100 |
+ 1,0 |
+ 3,8 |
Source : le rapporteur pour avis, d’après les données MESR-DGESIP/DGRI-SIES, 2023, https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T027/les_depenses_interieures_de_recherche_et_developpement/ tableau 40.01.
En 2021 ([51]), les grandes entreprises (GE) réalisent 54 % des dépenses intérieures de R&D des entreprises (DIRDE), les entreprises de taille intermédiaire (ETI) 25 % et les petites et moyennes entreprises (PME) réalisent 21 %, dont 3 % par les microentreprises (MIC) ([52]).
La répartition des aides directes de R&D – c’est-à-dire sous forme de subventions ou de commandes publiques et hors dispositifs d’allègements d’impôts (tel le CIR) ou de charges sociales – ne reflète pas l’investissement en R&D de chaque catégorie d’entreprises.
Le soutien public direct à la R&D, de 3,7 milliards d’euros, est réparti entre les grandes entreprises (72 %), les PME (20 %) et les ETI (8 %). Au regard de leurs dépenses de R&D, les ETI, qui comptent pour 25 % des dépenses de R&D, sont donc les moins ciblées par le soutien public direct, et les grandes entreprises celles qui le sont le plus.
La DIRDE et le soutien public direct par catégories d’entreprises
|
Micro-entreprises (MIC) |
PME (hors MIC) |
Total PME |
Entreprises de taille intermédiaires (ETI) |
Grandes entreprises (GE) |
Ensemble |
Dépenses intérieures de recherche, DIRDE (en millions d'euros) |
1 266 |
6 412 |
7 678 |
9 082 |
19 718 |
36 478 |
Dépenses intérieures de recherche, DIRDE (en % du total) |
3,5 |
17,6 |
21,0 |
24,9 |
54,1 |
100 |
Intensité de R&D (DIRDE / chiffre d'affaires, en %) |
49,7 |
8,8 |
10,2 |
1,6 |
1,2 |
1,6 |
Soutien public direct à la R&D (en millions d'euros) |
186 |
561 |
747 |
308 |
2 670 |
3 725 |
Part du soutien public direct à la R&D par catégorie d'entreprises (en %) |
5,0 |
15,1 |
20,1 |
8,3 |
71,7 |
100 |
Source : rapporteur pour avis, à partir des données MESR-DGESIP/DGRI-SIES et Insee.
Les PME, y compris les microentreprises, lorsqu’elles sont actives en R&D, sont la catégorie d’entreprises qui consacrent la part la plus importante de leur chiffre d’affaires à la R&D : 50 % pour les MIC et 9 % pour les PME hors MIC, pour moins de 2 % pour les ETI et les grandes entreprises.
Les PME consacrent 65 % de leurs dépenses aux activités de services, tandis que les grandes entreprises réalisent 73 % de leur effort dans les industries de haute et moyenne-haute technologie.
c. Les personnels affectés à la recherche et développement dans les entreprises
En 2021 ([53]), on dénombre 671 500 personnes – chercheurs et personnels de soutien confondus – se consacrant à la R&D, au moins pour une part de leur activité, ce qui représente au total 496 250 personnes en équivalent temps plein (ETP) tous secteurs confondus ([54]).
La R&D dans les entreprises mobilise 302 400 ETP dont 68 % de chercheurs ou ingénieurs de R&D. La part de chercheurs ou ingénieurs dans le personnel de R&D est plus élevée dans les grandes entreprises (74 %) que dans les PME (63 %) et les ETI (64 %) ([55]).
Les personnels de recherche ont fortement progressé dans les entreprises entre 2011 et 2021 (+ 26 %), mais sont restés stables dans le secteur institutionnel de l’État, composé essentiellement des organismes nationaux de recherche. On note qu’entre 2016 et 2021, la croissance des effectifs de recherche est essentiellement portée par les branches de services dont les effectifs (76 700 ETP en 2021) demeurent inférieurs à ceux des branches industrielles (118 530 ETP) mais progressent presque quatre fois plus vite.
En comparaison avec leurs dépenses de R&D respectives, ce sont les PME qui mobilisent le plus d’emplois car elles regroupent 30 % du personnel de R&D, alors qu’elles représentent 21 % de la DIRDE, alors que les grandes entreprises mobilisent 43 % des effectifs de recherche pour 54 % de la DIRDE.
Les effectifs de recherche par catégories d’entreprises (2021)
Source : rapporteur pour avis, à partir des données MESR-DGESIP/DGRI.
B. le crÉdit d’impÔt recherche est un dispositif avantageux pour les entreprises, coÛteux pour L’État et dont la crÉance se concentre sur les grandes entreprises
1. La réforme de 2008 permet à un grand nombre d’entreprises de bénéficier du crédit d’impôt recherche
En matière de crédit d’impôt recherche, la France se distingue par sa générosité à l’endroit des entreprises, au regard des dispositifs en vigueur à l’étranger, en particulier au sein de l’OCDE.
Cela résulte du mode de calcul du CIR, basé depuis 2008 sur une assiette reposant sur le volume des dépenses de R&D éligibles déclarées par les entreprises au titre de chaque année.
La créance de chaque entreprise sur l’État correspond à la dépense de R&D déclarée par l’entreprise, à laquelle est appliqué le taux de 30 % jusqu’à un seuil de 100 millions d’euros de dépenses R&D, et le taux de 5 % au-delà de ce seuil ([56]). Par exemple, hors les dispositions spécifiques applicables en outre-mer ([57]), une entreprise déclarant 150 millions d’euros de dépenses R&D selon les conditions de recevabilité des dépenses prévues à l’article 244 quater B du code général des impôts (CGI) aura droit à un CIR de 30 millions au titre de la fraction de dépenses jusqu’à 100 millions d’euros, et de 2,5 millions d’euros au titre de la fraction au-delà du seuil des 100 millions.
Les paramètres du CIR en font aujourd’hui un dispositif plus attractif que lorsque son calcul reposait sur la seule base de l’accroissement de la dépense en R&D d’une année sur l’autre, comme c’était le cas avant 2004.
Le tableau ci-après montre les principales évolutions intervenues depuis 1983 ([58]).
modalités de calcul du cir (plafond, taux, CONDITIONS de prise en compte des dépenses de r&d) de 1983 à aujourd’hui
Source : rapporteur pour avis.
a. Avant 2008, le crédit d’impôt recherche était exclusivement puis principalement le reflet de l’accroissement de l’investissement en R&D des entreprises
Créé en 1983 ([59]), le CIR a connu depuis sa mise en place de nombreuses évolutions paramétriques, qui ont progressivement assoupli ses conditions d’accès.
Initialement, le calcul du CIR était exclusivement assis sur l’accroissement des dépenses déclarées de R&D d’une année sur l’autre (« taux en accroissement »). Compte tenu du faible montant de l’assiette résultant de ce paramètre, le taux était en conséquence relativement élevé (50 % avant 2004).
Cependant, ce mode de calcul s'avérait, d’une part, peu incitatif pour les entreprises dont les dépenses de R&D étaient stables ou à la croissance limitée, d’autre part potentiellement dissuasif en raison de complexité ([60]) des « parts en accroissement » négatives, notamment pour les PME.
Le nombre d’entreprises concernées par le dispositif baissant depuis 1994, le CIR a connu une première évolution importante en 2004 ([61]) avec l’introduction au côté de la « part en accroissement », d’une « part en volume », dont le taux reste cependant modeste (5 % puis 10 %) jusqu’en 2008.
Source : Sénat, rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur le crédit d’impôt recherche (CIR), M. Berson, 2012.
b. La réforme de 2008 modifie l'économie générale du crédit d’impôt recherche en assouplissant ses conditions d’accès
Le changement de paradigme intervient avec la loi de finances pour 2008 ([62]), laquelle modifie l'économie générale du CIR en :
– retenant pour le calcul du CIR le critère exclusif du volume de dépenses de R&D pour chaque année, avec la suppression de la « part en accroissement » ;
– supprimant le plafond de créance pour une entreprise, lequel avait pourtant considérablement augmenté depuis 1983, passant de 460 000 euros ([63]) à 16 millions d’euros en 2007 ; le plafonnement est remplacé par un seuil de dépenses de R&D fixé à 100 millions d’euros ;
– en triplant le taux appliqué à la dépense dite en volume, l’élevant de 10 % à 30 %, ce qui en fait un des taux les plus élevés parmi les pays européens. Ce taux est même de 50 % dans les territoires ultra-marins.
Ce mode de calcul a deux conséquences :
– un aspect inflationniste inévitable comparé à l’ancien mode de calcul, tant en nombre de bénéficiaires qu’en montant de créances, entraînant mécaniquement une forte augmentation de la dépense publique en faveur de la R&D privée. Ainsi que l’observe le sénateur Gaudin dans un rapport de 2010, « sur de telles bases, la réforme ne peut faire que très peu de perdants à court terme et presque aucun au bout de plusieurs années. » ([64]) ;
– un effet mécanique de concentration d’une large partie de la créance CIR vers les entreprises qui déclarent d’importantes dépenses de R&D, c’est-à-dire les plus grandes d’entre elles. Le seuil à 100 millions d’euros et le déplafonnement tendent, en pratique, à supprimer toute modulation de l’aide en fonction de la taille de l’entreprise.
Cette réforme a augmenté le montant de la créance sur l’État. En effet, toute entreprise réalisant des dépenses R&D peut désormais prétendre au CIR, y compris si elle baisse ses dépenses de R&D. En quelques années, on est donc passé d’un régime « malthusien » pour les dépenses publiques et vertueux car incitant à l’accroissement de l’effort de recherche du secteur privé, à un régime libéral extrêmement généreux pour les entreprises privées, notamment les plus riches d’entre elles, et par conséquent très coûteux pour les finances publiques.
c. La dépense fiscale corrélée à la dépense de R&D des entreprises en volume a entraîné une hausse importante du nombre de bénéficiaires du crédit d’impôt recherche
Le tableau ci-après met en évidence la croissance du nombre des entreprises bénéficiaires du CIR ([65]), en lien avec les évolutions législatives élargissant progressivement les conditions d’accès au dispositif fiscal.
Au total, selon les données du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR), le nombre de bénéficiaires est passé de moins de 2 800 en 2003 à 16 341 en 2021 ([66]), soit une croissance de près de 500 % (c’est-à-dire une multiplication par presque 6).
On relève deux « bonds » quantitatifs importants, le premier en 2004 et 2005, quand est introduite la part « en volume » (à 5 % puis à 10 %), le second en 2008 et 2009, suite à la réforme mise en œuvre en 2008.
Si le nombre de bénéficiaires a augmenté de presque 13 800 entreprises entre 2003 et 2015, il semble avoir atteint un plafond ces dernières années. Le peu de variation du nombre de bénéficiaires depuis 2015 semble indiquer que la grande majorité des entreprises réalisant des travaux de R&D connaissent ce dispositif. Cette donnée est confirmée par les enquêtes menées par la direction générale des entreprises (DGE) du ministère chargé de l’économie. Entendu par le rapporteur pour avis, le représentant des entreprises de la deeptech a d’ailleurs affirmé que 100 % des entreprises membres de France Deeptech perçoivent le CIR.
Nombre d’entreprises bénéficiaires du CIR depuis 2003
|
Nombre d'entreprises bénéficiaires du CIR |
Variation par année (en %) |
2021 |
16 341 |
0,04 |
2020 |
16 334 |
0,46 |
2019 |
16 259 |
2,10 |
2018 |
15 924 |
– 0,27 |
2017 |
15 967 |
2,12 |
2016 |
15 636 |
– 5,37 |
2015 |
16 524 |
5,86 |
2014 |
15 609 |
2,39 |
2013 |
15 245 |
– 0,24 |
2012 |
15 281 |
– 3,11 |
2011 |
15 772 |
11,74 |
2010 |
14 115 |
9,74 |
2009 |
12 862 |
25,00 |
2008 |
10 290 |
47,17 |
2007 |
6 992 |
14,72 |
2006 |
6 095 |
9,48 |
2005 |
5 567 |
33,53 |
2004 |
4 169 |
51,22 |
2003 |
2 757 |
|
Source : rapporteur pour avis, à partir des données MESR https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/credit-d-impot-recherche-etudes-et-resultats-statistiques-46391.
2. Un dispositif fiscal parmi les plus généreux au monde pour les entreprises
Ces vingt dernières années, le développement des aides fiscales (crédit d’impôt) en faveur des dépenses de R&D des entreprises a été l’une des tendances fortes des politiques de R&D et d’innovation dans les pays de l’OCDE. En 2017, l’OCDE a ainsi recensé 30 pays membres, ainsi que d’autres pays non-membres (Chine notamment), qui se sont dotés de dispositifs fiscaux de soutien à la R&D, aux caractéristiques plus ou moins proches du CIR français ([67]).
Selon un rapport de France Stratégie consacré aux soutiens à l’innovation ([68]), la France, avec le CIR revu en 2008, possède sans conteste l’un des dispositifs les plus avantageux pour les entreprises. Le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales (dit rapport « Guillaume ») ([69]) de 2011 observe ainsi que « grâce au CIR […], la France est le premier pays de l’OCDE pour le niveau des aides fiscales et des aides publiques en général apportées à la R&D des entreprises » ([70]).
Comme d’autres pays, la France mêle des aides directes (commandes, notamment) à un soutien fiscal (crédit d’impôt recherche). Mais les paramètres du CIR français sont particulièrement avantageux comparés aux dispositifs similaires à l’étranger.
a. Par rapport aux autres nations, le crédit d’impôt recherche français se distingue par des paramètres de calcul avantageux pour les entreprises
Si la plupart des autres pays de l’OCDE ([71]), y compris l’Allemagne récemment ([72]), ont mis en place des dispositifs similaires de crédit d’impôt en faveur de la recherche, aucun, parmi les pays comparables à la France, ne semble s’être orienté vers un dispositif aussi avantageux pour les entreprises. Beaucoup de pays ont en effet prévu soit un plafond de créance pour les entreprises, soit des seuils de dépenses ou des taux moins élevés.
En Allemagne, le plafond des dépenses de R&D prises en comptes est fixé, depuis très récemment ([73]), à 10 millions d’euros par entreprise soit, avec un taux de 25 %, un crédit maximal de 2,5 millions d’euros. Par ailleurs, le montant total des avantages accordés (crédit d’impôt et éventuelles aides d’État) ne peut pas excéder 15 millions d’euros par entreprise et par projet.
Au Danemark, le montant maximum des dépenses de R&D prises en compte est d’environ 3,35 millions d’euros (25 millions de DKK), soit un crédit d’impôt maximum inférieur à 740 000 euros (5,5 millions de DKK) du fait d’un taux de 22 %.
En Espagne, le crédit d’impôt en faveur de la recherche est plafonné à 5 millions d’euros. En Italie, les plafonds annuels de dépenses de R&D varient selon le type d’activités de recherche, mais sont au maximum de 20 millions d’euros ([74]).
Le Portugal semble se rapprocher du dispositif français, avec un taux de 32,5 %, auquel s’ajoute un crédit d'impôt complémentaire, plafonné à 1,5 million d’euros, calculé sur la part « en accroissement » (50 % de la différence entre les dépenses de recherche éligibles de l'année et la moyenne des dépenses de R&D des deux années précédentes).
Par ailleurs, certains pays (Royaume-Uni, Danemark) réservent en partie le crédit d’impôt recherche aux seules entreprises déficitaires.
Bien que les dispositifs « en volume » soient la norme et ceux « en accroissement » l’exception, le rapporteur pour avis rappelle que les États-Unis, qui se sont dotés d’un dispositif de crédit d’impôt recherche dès 1981 ([75]) l’ont maintenu basé sur le seul accroissement des dépenses de R&D, contrairement à la France.
Ce constat d’un dispositif particulièrement avantageux pour les entreprises françaises a été mis en évidence par le sénateur Berson. Dans un rapport de 2012, il estime qu’en France, « un euro de dépenses de R&D correspond à une subvention fiscale de 0,425 euro, ce qui en fait le pays dont le système fiscal est le plus favorable à la R&D » au monde ([76]).
Cette politique de l’offre est un choix assumé par le gouvernement de l’époque, comme en témoigne le dossier de presse ministériel sur la réforme du CIR : « Ces modifications […] feront du crédit d’impôt recherche l’un des dispositifs les plus incitatifs parmi ceux proposés par les pays de l’OCDE ».
b. Le crédit d’impôt recherche constitue une créance sur l’État à l’endroit des entreprises
Les articles 199 ter B et 220 B du CGI régissent les règles relatives à l’imputation du CIR. Les conditions de versement du crédit d’impôt recherche diffèrent selon les pays, et ici également, la France se distingue par rapport à certains de ses voisins européens.
Le montant du CIR constitue un crédit d'impôt. À ce titre, il est imputé sur l'impôt de l'entreprise (impôt sur les sociétés, ou impôt sur le revenu de l'entreprise) qui entend en bénéficier de sorte de le réduire. L'excédent de CIR constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'État. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée. Si, au terme de ces trois années, le solde du CIR demeure supérieur à l’impôt dû, il est versé dans son intégralité à l’entreprise ([77]) la quatrième année (n+4).
Par ailleurs, certaines entreprises peuvent obtenir la restitution immédiate de l'excédent de crédit d'impôt ([78]), notamment les jeunes entreprises innovantes (mentionnées à l'article 44 sexies-0 A du CGI), les PME (y compris les micro-entreprises) ou encore les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire.
D’autres schémas existent à l’étranger. Ainsi, l’Italie ne prévoit pas le remboursement du crédit d’impôt recherche (mais il peut être imputé sur tout autre impôt ou cotisation sociale), tandis qu’en Espagne, l’entreprise peut demander un remboursement du montant des réductions d’impôt non imputables, mais elles sont alors décotées de 20 % ([79]).
3. Une dépense fiscale élevée pour le budget de l’État, et en hausse continue depuis 2008
a. Première dépense fiscale en montant de créances, le crédit d’impôt recherche équivaut à presque 45 % des crédits de l’État alloués à l’ensemble de la recherche publique
L’annexe au projet de loi de finances (PLF) pour 2025, Évaluation des voies et moyens, Tome II Dépenses fiscales prévoit un CIR à hauteur de 7,758 milliards d’euros pour 2024 et de 7,745 milliards d’euros pour 2025 ([80]).
En retenant comme valeur étalon non la prévision du PLF 2025 mais les données du MESR pour 2021, dernière année de données disponibles, le CIR tous volets confondus (CIR-recherche, CII, CIR collection) atteint un montant de créances de 7,25 milliards d’euros ([81]), dont 6,86 milliards d’euros pour le seul CIR-recherche.
Depuis l’extinction du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ([82]) et son remplacement par un allègement des cotisations sociales pour les employeurs en 2019 ([83]), le CIR est devenu la dépense fiscale française la plus coûteuse ([84]).
Ainsi, celui-ci représente presque 10 % du coût total des 474 dispositifs de dépenses fiscales, estimées à 83,3 milliards d’euros pour 2024 et 85,1 milliards d’euros pour 2025 ([85]). À lui seul, il représente plus de 80 % du total cumulé des treize dépenses fiscales que comprend la mission interministérielle de l’enseignement supérieur et de la recherche, estimé à 8,69 milliards d’euros ([86]).
À titre de comparaison, on observe :
– que, si le CIR représentait l’équivalent de 8 % du budget de la mission interministérielle de l’enseignement supérieur et de la recherche (MIRES) en 2007, et 20 % en 2010, ce taux est désormais de 23 % ;
– que le CIR représente 43 % de la totalité du budget alloué à la recherche au sein de la MIRES, prévu dans le projet de loi de finances pour 2025 autour de 17,03 milliards d’euros ([87]) ;
– que le CIR représente respectivement 83 % et 88 % des budgets alloués en autorisations d’engagement (8,70 milliards d’euros) et en crédits de paiement (8,26 milliards d’euros) pour le programme 172 ([88]) dans le PLF pour 2025, qui est. le principal programme de la MIRES consacré exclusivement à la recherche, sur lequel est affectée la majeure partie des dotations de l’État aux organismes nationaux de recherche (ONR) ([89]). À cet égard, lors des auditions, les responsables ministériels de l’administration de la recherche ont fait part de leur inquiétude face à un éventuel prochain « croisement des courbes », dès lors que le montant de la créance du CIR viendrait à dépasser le budget du programme 172 ;
– que le montant du CIR est aujourd’hui supérieur au total des subventions pour charges de service public allouées à douze organismes nationaux de recherche (ONR), parmi lesquels le centre national de recherche scientifique (CNRS), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) ou encore l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) ([90]), prévu dans le PLF pour 2025 autour de 6,09 milliards d’euros ([91]) ;
– enfin que l’ensemble de la recherche universitaire (action 17 Recherche du programme 150 ([92])), dotée de 4,28 milliards d’euros dans le PLF pour 2025, équivaut à moins de 60 % de la créance du CIR.
b. Une dépense fiscale initialement mal calibrée, et en hausse constante depuis 2008, en dépit des ajustements successifs pour tenter de contenir son coût
La dépense fiscale du CIR avant les années 2000 était sans commune mesure avec les montants atteints ces dernières années. « En moyenne, entre 1991 et 2003, la créance constituée par les entreprises était de 500 millions d’euros pour 7 200 déclarants » ([93]).
Le tableau ci-après, constitué à partir des données du MESR ([94]), montre les effets de la réforme mise en œuvre en 2008.
créances CIR depuis 2007
|
Créance CIR (en millions d'euros) |
Variation par année |
2021 |
6 859 |
4,16 % |
2020 |
6 585 |
– 3,15% |
2019 |
6 799 |
3,25% |
2018 |
6 585 |
3,08% |
2017 |
6 388 |
3,57% |
2016 |
6 168 |
2,10% |
2015 |
6 041 |
2,93% |
2014 |
5 869 |
2,28% |
2013 |
5 738 |
1,29% |
2012 |
5 665 |
6,33% |
2011 |
5 328 |
– 0,02% |
2010 |
5 329 |
10,33% |
2009 |
4 830 |
10,02% |
2008 |
4 390 |
145,94% |
2007 |
1 785 |
|
Source : rapporteur pour avis, à partir des données du MESR.
Selon les données du MESR, la créance annuelle du CIR a augmenté de presque 300 % (284,26 %) entre 2007 et 2021, passant de 1,78 milliard d’euros à 6,86 milliards d’euros.
Le saut quantitatif majeur a eu lieu dès la première année de la réforme, avec un CIR multiplié par près de 2,5. Les deux années suivantes ont vu une augmentation maintenue à un taux supérieur à 10 %, d’où résulte un CIR en 2010 établi à 5,33 milliards d’euros, soit une augmentation de 200 % par rapport à 2007 (c’est-à-dire une multiplication par presque trois).
Depuis 2010, on note certes une moindre croissance mais l’augmentation est continue (cf. graphique ci-dessous), atteignant en cumulé presque 30 % (28,71 %) sur onze années, soit 1,53 milliard d’euros de créance en sus en 2021 par rapport à 2010. Rapporté à la période, cela représente environ en moyenne une hausse de 130 millions d’euros chaque année.
Le rapporteur pour avis observe que, de 2008 à 2021, le total cumulé des effets de la réforme de 2008, en additionnant pour chaque année les créances au-delà du montant du CIR en 2007 - à savoir 1,78 milliard d’euros - s’élève à environ 57,58 milliards d’euros.
La réforme libérale de 2008 a donc coûté, en 2021, presque 60 milliards à l’État.
Évolution des créances CIR de 2007 à 2021
Source : MESR-DGRI-SITTAR, GECIR juin 2023.
Le rapporteur pour avis constate, après d’autres ([95]), que le coût prévisionnel du CIR modifié par la réforme de 2008 a été largement sous-estimé par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2008, ce qu’a confirmé en 2013 un rapport de la Cour des comptes sur les conditions d’évolution et de maîtrise du crédit d’impôt recherche ([96]). Il était en effet prévu une stabilisation de la dépense fiscale annuelle inférieure à 3 milliards d’euros.
Le tableau ci-après, extrait du rapport de la Cour des comptes de 2013, restitue les chiffrages communiqués par le Gouvernement à la commission des finances du Sénat ([97]). On y note un « régime de croisière » de dépense fiscale annuelle de 2,82 milliards d’euros, soit une augmentation en « régime de croisière » de 1,32 milliard d’euros annuels par rapport au montant du CIR antérieur à la réforme.
Source : Cour des comptes, rapport sur les conditions d’évolution et de maîtrise du crédit d’impôt recherche, 2013
Le dossier de presse associé au projet de loi de finances pour 2008 évaluait l’effort supplémentaire à 800 millions d’euros en 2009 et 1,3 milliard d’euros en régime de croisière, pour une stabilisation autour de 2,7 milliards d’euros.
Pour le sénateur Berson, si les estimations initiales du Gouvernement n’étaient pas totalement « irréalistes », elles manquaient cependant singulièrement de prudence, d’une part car « l’assiette avait été évaluée a minima », d’autre part, car « ces estimations ne prenaient pas en compte l’effet de levier du CIR sur les dépenses de R&D » ([98]). Bien que cette sous-estimation manifeste ait été mise en lumière dès l’examen du projet de loi de finances pour 2008 par le Rapporteur général de la commission des Finances du Sénat Philippe Marini ([99]), la discussion budgétaire au Parlement a souffert de reposer sur des estimations de coût très inférieures à la réalité.
Par ailleurs, selon le même rapport de la Cour de comptes de 2013, « deux rapports de référence sur le CIR incitaient plutôt à attendre que les effets du nouveau régime introduit en 2004 et 2006 se matérialisent ». Si ces deux documents estimaient positive l’introduction d’une part en volume, ils recommandaient une stabilité du dispositif et, alertant sur le fait qu’une assiette en volume est « bien plus coûteuse qu’une assiette en accroissement » ([100]), invitaient les pouvoirs publics à mieux évaluer le CIR avant la mise en œuvre d’une autre réforme.
Le rapporteur pour avis regrette en outre de ne pas être en capacité de connaître les raisons précises qui ont motivé le choix du Gouvernement d’un seuil de dépenses de R&D fixé à 100 millions d’euros, beaucoup plus élevé que les seuils, voire les plafonds, en vigueur chez la plupart de nos partenaires de l’OCDE. Les auditions n’ont pas permis d’éclairer les motifs ayant présidé à ce choix, finalement extrêmement coûteux pour les finances publiques, et qui privilégie les plus grands groupes.
Enfin, le rapporteur pour avis relève, toujours à la lecture du rapport de la Cour des comptes de 2013 ([101]), que l’annonce présidentielle de la réforme de 2008 ([102]) était singulièrement plus « ambitieuse que les préconisations des administrations centrales » compétentes, notamment celles de la direction générale du Trésor et des politiques économiques. Le ministère chargé de l’économie avait effectivement recommandé, d’une part, d’instaurer un CIR en volume mais reposant sur trois tranches de taux ([103]), d’autre part, de calculer le franchissement des seuils au niveau des groupes et non de leurs filiales.
Pour le rapporteur pour avis, il ne fait nul doute que la réforme du CIR de 2008 a été précipitée, sans que son impact majeur sur les finances publiques n’ait été évalué à sa juste mesure ([104]).
Quelques réformes sont intervenues depuis 2008, certaines assez rapidement après la mise en œuvre de la réforme. Leurs objectifs sont pour l’essentiel de procéder à des ajustements paramétriques, en intervenant notamment sur le contenu de l’assiette des dépenses éligibles, en vue de réduire le montant du CIR ou pour corriger des effets d’aubaine manifestes (voir l’encadré ci-dessous).
On notera à cet égard que l’inspection générale des finances, dans le cadre d’une revue de dépenses sur les aides aux entreprises ([105]) a rédigé une fiche technique sur le CIR dans laquelle elle identifie 400 millions d’euros d’économies possibles ([106]).
Ces « rabotages répétés », selon l’expression du Mouvement des entreprises de France (Medef) ([107]), ne remettent pas en cause l’économie générale du CIR issue de la réforme de 2008.
À ce jour, aucun des trois critères de calcul qui permettraient de réaliser des économies substantielles – le déplafonnement, le seuil à 100 millions d’euros, l’application du taux de 30 % aux dépenses de R&D inférieures ou égales à ce seuil – n’ont été concernés par ces ajustements. Si ces derniers ont pu ralentir la trajectoire de croissance du CIR, ils ne l’ont pas stoppée.
Quelques ajustements paramétriques apportés au dispostif du CIR depuis la réforme de 2008
L’article 41 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a modifié l’article 244 quater B du CGI, par deux mesures visant à réduire le montant du CIR de 176 millions d’euros en 2012 :
– le calcul forfaitaire des frais de fonctionnement, initialement de 75 % des dépenses de personnel, est ramené à 50 % des dépenses de personnel et 75 % des dotations aux amortissements ;
– les taux majorés du CIR les deux premières années, initialement de 50 % et 40 % sont ramenés à 40 % et 35 %.
En 2020 : abaissement du taux du forfait des dépenses de fonctionnement du CIR de 50 % à 43 %.
Une autre mesure a également permis de réduire l’assiette des dépenses en R&D des entreprises : la déduction de l’assiette des dépenses de la rémunération des prestations extérieures de conseil relatives à l’octroi du CIR (honoraires des cabinets de conseil).
4. La répartition du crédit d’impôt recherche par catégories d’entreprises et par secteurs d’activité
Le CIR étant générique, il peut bénéficier à toute entreprise ou société, quelle qu’elle soit, tous secteurs confondus, dès lors qu’elle déclare des dépenses de R&D éligibles au regard du droit en vigueur.
La réforme de 2008, en calculant le CIR par rapport aux dépenses de R&D en volume, a fait exploser le nombre d’entreprises bénéficiaires du CIR mais a également concentré une grande partie de la créance sur quelques entreprises.
a. La répartition par catégories d’entreprises : une grande concentration de la créance sur un petit panel de grandes entreprises et un grand panel de petites entreprises
Nombre d’entreprises bÉnÉficiaires, des dépenses dÉclarÉes et des crÉances CIR selon la catÉgorie des entreprises pour l’année 2021
Source : MESR-DGRI.
Les PME (et TPE), qui apportent 30 % du total des dépenses de R&D déclarées, constituent 84 % des 16 341 bénéficiaires et perçoivent une créance de 2,1 milliards d’euros, soit 31 % de la créance totale.
Les ETI, au nombre de 2 211 bénéficiaires, soit 13,5 %, déclarent 26 % des dépenses de R&D, et perçoivent 27 % de la créance.
Les 465 grandes entreprises (GE) bénéficiaires, soit moins de 3 % de la totalité des bénéficiaires, déclarent 44 % des dépenses de R&D et bénéficient en retour d’une créance de 2,9 milliards d’euros, soit 42 % du total.
L’infériorité du taux de créance (42 %) par rapport au taux de dépense déclarée (44 %) est la conséquence des 23 GE qui déclarent des dépenses de R&D au-delà du seuil de 100 millions d’euros, auxquelles est appliqué le taux de 5 % (au lieu de 30 %). Elles bénéficient donc d’un taux effectif moyen de CIR (montant de la créance perçue rapportée à la dépense déclarée) de 28 %.
Le mode de calcul du CIR, assis sur le volume des dépenses de R&D déclarées, conduit mécaniquement à la concentration de la créance : moins de 500 entreprises perçoivent ainsi plus de 40 % du CIR.
97 % des entreprises bénéficiaires (PME et ETI) perçoivent 57 % de la créance et participent pour moins de 56 % de la dépense en R&D. Moins de 3 % des entreprises déclarent donc 44 % de la dépense R&D française. Le CIR étant proportionnel à la dépense de R&D déclarée, il est mathématiquement logique que les grandes entreprises, qui emploient de nombreux chercheurs, perçoivent des montants de CIR élevés, d’autant que les dépenses de personnels entrent pour la moitié dans la composition de l’assiette des dépenses de R&D, et même à hauteur de 79 % de l’assiette en y ajoutant les frais de fonctionnement forfaitaires.
Au-delà de la question de la répartition de la créance du CIR, cette donnée doit attirer l’attention sur l’extrême concentration de la dépense de la R&D française, puisque 465 grandes entreprises réalisent un tiers de dépenses en R&D de plus que presque 14 000 petites et moyennes entreprises.
Sans que le CIR actuel ne soit responsable de cette extrême concentration, ancrée de longue date, force est de constater que, tel que calibré, il ne sera pas en mesure de faire évoluer la situation en faveur des petites et moyennes entreprises. En effet, un seuil de dépenses de R&D fixé à 100 millions d’euros n’a pas vocation à favoriser les PME.
b. La répartition du CIR par secteurs d’activité : les entreprises de l’industrie manufacturière sont les principales bénéficiaires de la créance mais leur trajectoire est en baisse
L’absence de sélectivité sectorielle du CIR lui permet de toucher des secteurs émergents et des secteurs qui ne sont pas particulièrement ciblés par d’autres aides à la R&D.
En 2021, les industries manufacturières reçoivent environ 60 % du CIR et les services presque 38 % (voir le tableau ci-après). À eux deux, les secteurs manufacturiers « Industrie électrique et électronique » et « Pharmacie, parfumerie et entretien » perçoivent plus du quart du CIR et près de 45 % du CIR destiné aux branches industrielles.
Si la créance de l’industrie manufacturière demeure largement prédominante, elle diminue cependant au profit de la branche des services, qui est passée de 30 % à 38 % du CIR depuis la réforme de 2008.
Le premier secteur des services – « Conseil et assistance en informatique » – cumule désormais 15,3 % de la créance CIR, soit un niveau quasi similaire à celui de l’industrie électrique et électronique, alors qu’il représentait 50 % de cette dernière en 2008. Les trajectoires actuelles du CIR présagent d’un croisement des courbes à court terme. De fait, les montants des créances CIR par secteurs sont le reflet, et l’indicateur, de la désindustrialisation du pays et de la montée en puissance du secteur des services.
Évolution de distribution de la crÉance CIR par secteurs d’activitÉ
(en %)
II. le rÉgime dÉclaratoire du crÉdit d’impÔt recherche et la complexitÉ des dossiers nÉcessitent un dispositif de contrÔle collaboratif entre les deux ministÈres concernÉs
Il n’existe pas de contrôle a priori du crédit d’impôt recherche. C’est exclusivement, a posteriori, à l’occasion des contrôles fiscaux sur la déclaration que les services du ministère chargé de l’économie procèdent aux vérifications nécessaires, visant à remédier à d’éventuelles erreurs, inexactitudes, ou incohérences et à identifier des cas de fraudes. Le CIR est un dispositif généreux ; il appelle donc une surveillance méticuleuse.
Dans le contexte d’une dépense fiscale en hausse constante, les larges conditions d’octroi du CIR, son régime déclaratoire et la complexité des dossiers techniques et/ou scientifiques en jeu exigent un système de contrôle robuste et collaboratif entre les deux ministères chargés de l’économie et de la recherche.
A. la dualitÉ des compÉtences appelle À Une procÉdure de contrÔle spécifique du crÉdit d’impÔt recherche
En contrepartie du caractère déclaratif de ce crédit d’impôt, l’administration fiscale doit s’assurer que les projets déclarés par les entreprises relèvent bien de la R&D et que les dépenses présentées sont conformes aux règles d’éligibilité. Le contrôle pouvant s’avérer complexe, en ce qu’il exige le cas échéant des connaissances scientifiques et techniques approfondies, que seuls les agents du ministère chargé de la recherche maîtrisent, ce ministère est régulièrement saisi pour des expertises complémentaires.
Le contrôle de l’administration fiscale se déroule en deux étapes. Après la vérification de l’assiette du CIR, c'est-à-dire les éléments déclarés et leur comptabilisation, l’administration contrôle le caractère scientifique des projets, à partir des éléments communiqués par l’entreprise.
1. Un contrôle reposant initialement sur le dossier justificatif transmis par le déclarant
Le dépôt de la déclaration des dépenses de R&D éligibles au CIR est relativement aisé compte tenu de sa dématérialisation. L’entreprise envoie un formulaire Cerfa sur lequel est indiqué le montant du crédit d’impôt, au moment de sa déclaration de résultat d’exercice. À sa réception, le service des impôts des entreprises peut soit valider directement le crédit d’impôt sans investiguer, soit demander des pièces complémentaires à l’entreprise.
Lorsqu’elle engage un contrôle, l’administration fiscale adresse à l’entreprise une demande de dossier et de pièces justificatives. Ce dossier comprend une description précise et scientifique des travaux de R&D et des coûts ([108]) : dossier financier, pour comprendre les étapes du calcul et vérifier le montant et la nature des dépenses valorisées, et dossier technique, pour vérifier l’éligibilité du projet au dispositif. Les entreprises doivent donc établir un dossier justificatif des dépenses de recherche exposées, dont le volume dépend de la complexité et du montant des opérations ([109]).
La transmission d’un dossier spécifique pour les déclarations de dépenses de R&D supérieures à 100 millions d’euros
L’article 244 quater B du CGI prévoit des dispositions spécifiques pour les entreprises qui engagent plus de 100 millions d'euros de dépenses de recherche. Elles doivent notamment joindre à leur déclaration de CIR un état décrivant la nature de leurs travaux de recherche en cours, l'état d'avancement de leurs programmes ainsi que les moyens matériels et humains, directs ou indirects, qui y sont consacrés.
Pour rappel, cela concerne un peu plus d’une vingtaine d’entreprises en France.
L’analyse de ces pièces est effectuée par un agent qui fait partie du pôle expertise du ministère chargé de l’économie. S’il le juge utile, il peut demander à ce qu’il soit fait appel à un expert du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) afin de l’aider à déterminer l’éligibilité technique du projet. Cet appel n’est qu’une option ; en aucun cas il n’est obligatoire.
2. La législation prévoit expressément la dualité de compétences entre l’administration fiscale et le ministère chargé de la recherche
Au titre de l’article L. 103 A du livre des procédures fiscales, « l'administration des impôts peut solliciter toute personne dont l'expertise est susceptible de l'éclairer pour l'exercice de ses missions d'étude, de contrôle, d'établissement de l'impôt ou d'instruction des réclamations, lorsque ces missions requièrent des connaissances ou des compétences particulières ».
Lors d’un contrôle du CIR, l’administration fiscale peut solliciter le MESR pour procéder à un examen scientifique des opérations de R&D déclarées et ainsi apprécier le caractère scientifique des travaux de R&D. L’intervention des agents du ministère chargé de la recherche peut aussi résulter de sa propre initiative, mais en pratique, d’après les responsables ministériels, le MESR intervient exclusivement à la suite d’une saisine de l’administration fiscale.
L’article L. 45 B du livre des procédures fiscales régit l’intervention des agents du ministère chargé de la recherche dans la procédure fiscale du CIR. « La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination » du CIR « peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. »
En matière de contrôle du crédit d’impôt recherche, le MESR intervient en appui de l’administration fiscale laquelle demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification
Le MESR a pour mission d’organiser et de réaliser, avec ses personnels d’administration centrale (direction générale de la recherche et de l’innovation, DGRI) et ceux des délégations régionales académiques à la recherche et à l’innovation, les expertises scientifiques des travaux déclarés dans le cadre du CIR, qu’il s’agisse des contrôles fiscaux mais aussi des rescrits fiscaux ([110]) et des agréments.
Les compétences des agents du ministère chargé de la recherche en matière de contrôle de la réalité des dépenses des entreprises affectées à la recherche
L’article R. 45 B du livre des procédures fiscales précise les capacités d’intervention du ministère chargé de la recherche. L’intervention des agents peut résulter soit d'une initiative de ce ministère, soit d'une demande de l'administration fiscale, dans le cadre d'un contrôle ou d'un contentieux fiscal. L’agent effectue les démarches auprès de l’entreprise concernée afin, notamment, de récupérer les documents nécessaires à l'expertise de l'éligibilité des dépenses. Il peut également effectuer des contrôles sur place, en vue de s'assurer de la réalité de l'activité de recherche à laquelle les dépenses ont été affectées.
À l’issue de ce contrôle matériel, l’agent du ministère chargé de la recherche émet un « avis sur la réalité de l'affectation des dépenses à la recherche ». Lorsque l'entreprise n'a pas répondu aux demandes d'informations ou a refusé de communiquer les pièces justificatives demandées ou n'a pas produit ces éléments en cas de visite sur place, les agents chargés du contrôle constatent que l'affectation des dépenses à la recherche n'est pas justifiée.
L'avis est notifié à l'entreprise par l’agent en charge du contrôle. Cet avis est motivé lorsque la réalité de l'affectation à la recherche de dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt est contestée.
L'avis et, le cas échéant, tout document aidant à la compréhension de sa motivation, sont communiqués à l’administration fiscale.
a. Le MESR intervient en soutien de l’administration fiscale
Dans le cas des contrôles du CIR, l’articulation entre l’administration fiscale et le MESR, prévue par la loi, est encadrée par un protocole datant de 2014. Ce protocole garantit que les contrôles sont conduits de manière harmonisée et que les experts sont impliqués lorsque cela s’avère nécessaire. L’intervention des experts du MESR vise à garantir une plus grande rigueur dans l’évaluation scientifique des projets tout en allégeant la charge des vérificateurs fiscaux, responsables à titre principal des aspects financiers et fiscaux du contrôle.
Les experts du ministère chargé de la recherche vérifient que les projets s’inscrivent effectivement dans des dépenses de R&D éligibles. L’expertise scientifique des agents du MESR est réalisée à partir du dossier scientifique et du tableau des éléments financiers fournis par l’entreprise comme justificatifs de la déclaration fiscale. Le dossier doit notamment comporter une description scientifique et technique par les personnels R&D qui ont contribué aux travaux déclarés. L’expert contrôle également la matrice du personnel par projet en vérifiant si les moyens déployés par les entreprises pour les projets sont cohérents, sans toutefois préjuger de la performance de l’entreprise en matière de recherche.
L’avis de ces experts est ensuite communiqué à l’administration fiscale, seule compétente pour des rectifications d’imposition (rehaussements), et qui n’est pas juridiquement tenue de suivre l’avis. Dans la mesure où il n’engage pas l’administration fiscale, l’avis de l’expert du MESR n’est pas susceptible de recours direct.
À la différence du contrôle par l’administration fiscale, les experts du ministère chargé de la recherche ne sont pas tenus par l’obligation de débat contradictoire, ce qui est parfois mal perçu par les entreprises, même si « en pratique une rencontre est souvent organisée avec l’entreprise en cas de rejet de certaines de ses dépenses afin qu’elle puisse présenter des justifications supplémentaires » ([111]).
b. Le MESR s’appuie sur un vivier d’experts scientifiques
Pour vérifier l’éligibilité des dépenses déclarées, le MESR dispose d’un réseau d’experts scientifiques sur l’ensemble du territoire national. Issus le plus souvent du monde académique, il s'agit de chercheurs exerçant ou ayant exercé leur activité professionnelle dans des organismes de recherche ou des établissements publics.
Pour le MESR, la difficulté est, d’une part, d’assurer la continuité de ce vivier, notamment sur des sujets de haute technicité, d’autre part, de mandater auprès de l’entreprise contrôlée, l’expert idoine, à la fois suffisamment compétent sur la thématique expertisée et suffisamment éloigné de l’entreprise concernée pour éviter toute partialité. Les experts doivent ainsi être au fait de l’état des connaissances dans les différents domaines de recherche, sans se trouver dans une situation de conflit d’intérêts. L’expertise est conduite soit en administration centrale, soit en délégation régionale académique à la recherche et à l’innovation de la région où est située l’entreprise contrôlée.
Plus de 900 experts scientifiques sont référencés au niveau national par la DGRI, qui coordonne et harmonise leur action du point de vue méthodologique. Les pratiques d’expertises sont explicitées dans le Guide du CIR, actualisé chaque année. Ces experts sont recrutés, formés et rémunérés par la DGRI.
c. Une sollicitation du MESR par l’administration fiscale relativement limitée
L’administration fiscale réalise la majeure partie des contrôles du CIR sans l’intervention du MESR, ses rectifications pouvant également porter sur le caractère scientifique des travaux ([112]). La direction générale des finances publiques (DGFiP) ne communique pas auprès du MESR sur le nombre de CIR contrôlés par les services fiscaux, mais le MESR estime que 80 % à 90 % des contrôles du CIR se font sans qu’il soit sollicité.
Les saisines du MESR par la DGFiP pour expertise scientifique se sont élevées en 2023 à environ 400 dossiers. Ce chiffre est en baisse depuis plusieurs années ; il s’élevait à 750 en 2017. Selon le MESR, cette baisse est le fait d’une moindre saisine des services fiscaux mais aussi de l’augmentation de la lourdeur des dossiers (plus d’années contrôlées, montants plus élevés, plus d’opérations de R&D à examiner, plus de travaux multidisciplinaires...) confiés aux experts du MESR, de fait moins disponibles ([113]).
Le système d’information de la DGFiP ne comptabilisant pas le nombre annuel de contrôles du CIR, les seules données disponibles concernent les dossiers qui ont abouti à une rectification du montant de l’impôt. En 2022, 143 dossiers de contrôle fiscal externe (sur 665) ont nécessité l’expertise du MESR, soit 21,5 % des dossiers ; pour 2023, ce taux était de 18 % (114 sur 632 dossiers).
B. quelques caractÉristiques des contrÔles du crÉdit d’impÔt recherche
1. Des points de vigilance spécifiques et des outils adaptés
a. Des points de vigilance spécifiques
Il ressort des auditions que les cas de fraude avérés, s’ils ne sont pas à exclure, restent globalement marginaux. L’attention du rapporteur pour avis a néanmoins été appelée sur le cas, récent, de tentatives de détournement de l’objectif de l’activité de recherche de la part de certains cabinets de conseil (cf. infra).
Les services fiscaux font cependant face à de véritables pratiques d'optimisation contraires à la volonté du législateur, par exemple :
– une répartition conventionnelle des dépenses de R&D entre un donneur d'ordre et son prestataire de service permettant d’échapper aux plafonds légaux ;
– un CIR indu ou artificiellement majoré à raison d'opérations de R&D externalisées sous couvert d'une convention de mise à disposition de personnel ;
– un CIR obtenu par deux entreprises distinctes alors qu'une seule et même dépense a été engagée.
D’après les responsables ministériels entendus par le rapporteur pour avis, ces pratiques sont connues des services mais leur détection dès le dépôt de la demande de CIR s'avère très difficile et leur neutralisation dans le cadre des opérations de contrôle a posteriori ne permet pas, dans tous les cas, de réparer le préjudice subi par le Trésor public.
Il n’existe pas de contrôles aléatoires en matière de CIR. De manière générale, quelle que soit l’imposition considérée, les entreprises soumises à un contrôle fiscal sont sélectionnées sur la base d’une suspicion préalable de l’administration. La programmation des contrôles fiscaux couvre ainsi l’ensemble du tissu fiscal et repose tant sur l’analyse et le croisement de données que sur la mobilisation et la fiscalisation de renseignements externes (police, gendarmerie, justice, affaires sociales, douane…) et internes grâce à l’exploitation de faits constatés ou d’informations transmises par différents services.
b. Le recours au data-mining pour améliorer le ciblage des contrôles du CIR
La DGFiP dispose de nouveaux outils, validés au fil des différentes lois de finances, pour améliorer ses process de contrôles fiscaux et optimiser l’efficacité de la lutte contre la fraude fiscale. Les services ont notamment recours au data-mining ([114]) pour améliorer le ciblage des entreprises percevant le CIR, au même titre que pour d’autres contrôles fiscaux ([115]).
En l’espèce, la data-mining couvre les risques associés au CIR pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI), contrôlées à la maille interrégionale par les brigades de vérification des directions spécialisées de contrôle fiscal (DirCoFi) ([116]) et les PME, contrôlées au niveau départemental par les brigades de vérification et les pôles de contrôle et d’expertise des directions départementales ou régionales des Finances publiques (DDFiP, DRFiP). Sont notamment visées les entreprises déclarant un CIR et identifiées à risque, mais également les entreprises ayant fait appel à des cabinets de conseil ou les entreprises qui déposent à tort une demande de CIR au titre de l’emploi de jeunes docteurs.
En 2023, plus de 5 400 dossiers identifiés à risque ont été envoyés dans les services locaux pour une instruction au niveau interrégional ou départemental. Les contrôles issus des listes data-mining représentent 29 % du montant des redressements en matière de CIR au niveau départemental (DDFiP, DRFiP) et 34 % au niveau interrégional (DirCoFi).
Sur la période 2022-2023, la durée moyenne d’intervention concernant des dossiers comportant des rectifications relatives au CIR est d’environ 9 mois pour un contrôle fiscal externe (CFE), et de 4 mois pour un contrôle sur pièces.
c. Des catégories d’entreprises plus spécifiquement ciblées en raison des enjeux financiers
Si les données relatives à la répartition des opérations de contrôle en fonction de la catégorie d’entreprises ne sont pas disponibles dans les systèmes d’information, il est néanmoins possible de recueillir des données en fonction de la taille des entreprises, à partir de l’organisation de l’administration fiscale et la répartition des périmètres d’intervention :
– les grandes entreprises et les groupes sont contrôlés, au niveau national, par les brigades de vérification de la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) ;
– comme vu ci-avant, les ETI sont contrôlées au niveau interrégional par les DirCoFi et les PME par les DDFiP-DRFiP.
Le tableau ci-dessous récapitule les compétences des services selon le chiffre d'affaires et l'activité exercée (vente ou prestations de service) :
|
Structures de contrôle |
Répartition des compétences en fonction du chiffre d’affaires des entreprises (en millions d’euros) |
|
Ventes |
Prestations de services |
||
National |
DVNI |
> 152,4 |
> 76,2 |
Interrégionale |
DirCoFi |
De 1,5 à 152,4 |
De 0,5 à 76,2 |
Départemental |
DDFiP ou DRFiP |
< 1,5 |
< 0,5 |
Source : ministère chargé de l’économie, direction générale des finances publiques.
Les grandes entreprises et/ou des filiales de groupes étrangers, qui correspondent majoritairement au portefeuille de la DVNI et au haut de portefeuille des DirCoFi, sont contrôlées très régulièrement, au vu des enjeux financiers, sans que la présence d’un CIR ne constitue nécessairement le motif principal de programmation de ces contrôles.
Les grandes entreprises, qui représentent moins de 3 % des entreprises bénéficiaires du CIR comptent pour 19 % du total des CFE comportant des rectifications CIR. Chaque année, sur les presque 500 grandes entreprises bénéficiaires du CIR, 122, en moyenne, font l’objet de rectifications relatives au CIR, aboutissant à un taux de rectification des grandes entreprises éligibles de 26 %.
Les PME et les ETI, qui représentent 97 % des entreprises bénéficiaires du CIR, ont fait l’objet en moyenne de 990 CSP et CFE sur la période 2022-2023, soit un taux de rectification des PME et ETI éligibles au CIR de 6,3 %.
Pour rappel, de la même manière qu’une entreprise peut revenir trois ans en arrière et déclarer rétroactivement du crédit d’impôt recherche, l’administration dispose également de trois années, suite à la déclaration de CIR par l’entreprise, pour envoyer une demande d’information et ainsi réclamer les dossiers financiers et techniques.
2. Une mobilisation des données statistiques de contrôle du crédit d’impôt recherche largement perfectible
Le rapporteur pour avis regrette l’inexistence de certaines données statistiques relatives au nombre de contrôles du CIR effectués par les services fiscaux. Deux éléments ne permettent pas d’avoir une vision globale de ces contrôles :
– d’une part, en pratique, le CIR ne fait pas l’objet d’un contrôle systématiquement exclusif mais s’effectue à l’occasion du contrôle de comptabilité par les agents de l’administration fiscale, aux côtés d’autres éléments qui ne relèvent pas du CIR ;
– d’autre part, le système d’information (SI) de la DGFiP ([117]) ne renseigne pas le nombre de contrôles intégrant l’examen d’un CIR ; l’administration est par conséquent dans l’incapacité de quantifier les contrôles se rapportant au CIR. Le SI permet uniquement de mesurer les contrôles qui ont abouti, le cas échéant, à des rectifications sur le montant du CIR, sans pouvoir distinguer si la rectification remet en cause une partie ou la totalité du crédit d’impôt.
Dès lors les statistiques présentées ci-après ne sont pas le reflet de l’étendue des contrôles menés par les services fiscaux à propos du CIR, puisque la grande majorité des contrôles ne donnent effectivement pas lieu à une rectification.
En raison de cet « angle mort » du SI, il est impossible de disposer de deux ratios, estimés utiles par le rapporteur pour avis :
– l’indicateur « nombre de rectifications/nombre de contrôles » permettrait de connaître le pourcentage de dossiers « rectifiés » par rapport au nombre de contrôles effectués, donnant une estimation de la « qualité » des dossiers déposés par les déclarants ;
– l’indicateur « nombre de contrôles/nombre de déclarants » permettrait d’estimer le pourcentage de dossiers contrôlés chaque année par rapport à l’ensemble des déclarations de CIR.
Le nombre de contrôles donnant lieu à des rectifications est relativement stable, autour de 1 000 chaque année depuis 2015, pour une moyenne annuelle d’environ 200 millions d’euros de rectifications des montants du CIR. Sur une période de dix années (hors 2021, voir tableau ci-dessous) ([118]), le montant moyen des rectifications s’élève annuellement à environ 180 000 euros par contrôle.
ContrÔles ayant donnÉ lieu À rectifications du CIR
|
Nombre de contrôles avec rectifications |
Montant des rectifications sur CIR (en euros) |
Montant moyen des rectifications par dossier de contrôle (en euros) |
2013 |
1 523 |
274 000 000 |
179 908 |
2014 |
1 460 |
218 000 000 |
149 315 |
2015 |
1 182 |
189 000 000 |
159 898 |
2016 |
997 |
220 000 000 |
220 662 |
2017 |
951 |
219 000 000 |
230 284 |
2018 |
1 136 |
199 000 000 |
175 176 |
2019 |
1 071 |
148 000 000 |
138 189 |
2020 |
858 |
146 000 000 |
170 163 |
2021 |
- |
- |
|
2022 |
1 157 |
221 000 000 |
191 011 |
2023 |
1 068 |
214 000 000 |
200 375 |
Source : rapporteur pour avis.
III. Le rendement du crÉdit d’impÔt recherche, désormais sensiblement ÉvaluÉ, est en partie contestable au regard de son coÛt pour l’État
A. Les objectifs du CrÉdit d’impÔt recherche
Le CIR répond à plusieurs objectifs, lesquels ont évolué depuis sa création.
1. Accroître la capacité d’innovation et la richesse nationale en favorisant les dépenses de R&D privées
L’objectif du CIR est d’accroître la R&D afin d’augmenter l’innovation. Les investissements en R&D améliorent les performances des entreprises : productivité, introduction de nouveaux produits etc. La capacité de croissance par l’innovation d’un pays dépend ainsi de l’intensité de l’effort de recherche des entreprises sur son territoire. Le CIR a donc pour objectif de soutenir l’effort de R&D des entreprises, avec un effet de levier.
2. Accroître la compétitivité de l’appareil productif français en diminuant la pression fiscale
Le CIR est aussi un outil pour réduire la pression fiscale sur les entreprises ([119]) en vue de corriger les écarts de compétitivité avec les pays concurrents. Les incitations fiscales sont l’un des instruments des politiques publiques de soutien à la R&D, et la plupart des pays occidentaux les ont adoptées comme des instruments généraux susceptibles d’améliorer l’environnement national pour les dépenses de R&D sans ciblage sectoriel ou technologique, contrairement aux subventions.
L’écart de pression fiscale entre la France et les pays de l’UE et de l’OCDE est le motif le plus souvent évoqué par les représentants des entrepreneurs entendus par le rapporteur pour avis pour justifier le maintien du dispositif du CIR en l’état.
Selon le Medef, le CIR réduit le coût des chercheurs de 28 % et favorise l’implantation et le maintien des centres de recherche des entreprises en France. Une remise en cause des paramètres du CIR aurait un impact sur le coût de la masse salariale et favoriserait les délocalisations dans des pays voisins à l’écosystème de recherche similaire mais au coût du travail moins élevé.
3. Partager avec la puissance publique les risques et les bénéfices de la recherche
Le CIR a une fonction mutualisatrice de « partage des risques » de la recherche entre la puissance publique et le secteur privé. L’État vient appuyer un secteur privé qui, sans cette aide, n’investirait pas spontanément autant que ce qui serait nécessaire pour la collectivité. Inscrite dans le temps long, voire très long, la recherche se caractérise en effet par l’incertitude du résultat. En matière pharmaceutique par exemple, seule une molécule sur dix arrive sur le marché de la commercialisation ([120]).
Même si la recherche aboutit, les bénéfices générés, du fait des « externalités positives » ([121]), profitent non seulement aux entreprises qui engagent ces investissements ([122]), mais également à d’autres entreprises et plus largement à l’ensemble de la société par la voie de la diffusion technologique. Les entreprises tendent par conséquent à sous-investir par rapport à ce qui serait souhaitable du point de vue de la société. En abaissant le coût de la recherche pour les entreprises, le CIR cherche donc à les inciter à accroître ou développer leurs dépenses de R&D.
Pour les acteurs de la recherche privée, il est par ailleurs légitime, dès lors que les bénéfices sont partagés, que les « risques » le soient également.
4. Accroître la compétitivité hors coût de l'appareil productif en misant sur la recherche et l’innovation, qui permet l’avancée technologique
La compétitivité d’un pays ou d’une entreprise ne dépend pas que de sa capacité à concurrencer les autres par le prix des produits. Dans les économies avancées, l’innovation est considérée comme une source essentielle de croissance et de progression du niveau de vie. Sur le plan de la compétitivité internationale, elle permet de se différencier de la concurrence autrement que par les seuls facteurs de coût (compétitivité hors coût).
Un soutien important à la recherche et à l’innovation, via le CIR, traduit ainsi l’idée que la compétitivité, notamment de l’industrie, repose principalement sur la capacité des entreprises à gagner des parts de marché, par rapport aux concurrents, en développant de nouveaux biens, services, procédés ou technologies.
B. Le CrÉdit d’ImpÔt recherche est sans doute la dÉpense fiscale actuellement la plus ÉtudiÉe et ÉvaluÉe
Selon les ministères chargés de l’économie et de la recherche, le CIR est sans nul doute le dispositif fiscal le plus évalué. Les premières évaluations du CIR ont été produites à l’initiative du MESR, qui confiait leur réalisation à des laboratoires publics. Depuis 2019, France Stratégie, avec la création de la commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (Cnepi), a pris le relais.
La littérature sur le CIR depuis 2008 est très riche. On compte de nombreux rapports d’organismes de contrôle ou d’évaluation (cour des comptes y compris le conseil des prélèvements obligatoires ([123]), inspection générale des finances, commission nationale de l’évaluation des politiques d’innovation, conseil d’analyse économique…), des rapports d’information parlementaires des deux chambres, d’analyses ministérielles (direction générale du Trésor), et d’études et notes d’organismes de recherche rattachés à des établissements d’enseignement supérieur ([124]). De nombreux économistes, certains réputés, ont signé des études sur le CIR et proposent des pistes de réformes.
Les rapports du sénateur Berson de 2012 et de la Cour des comptes de 2013, déjà mentionnés, fournissent un récapitulatif utile des nombreux rapports publiés sur le CIR entre 2008 et 2013.
Si la plupart des rapports publiés dans les années qui ont immédiatement suivi la mise en œuvre de la réforme de 2008 faisaient état d’un manque de données statistiques récentes et devaient s’appuyer sur du matériau antérieur à 2008, ce n’est plus le cas depuis quelques années, les chercheurs ayant désormais accès à des données statistiques complètes post réforme.
Outre les rapports d’information, de contrôle et de prospective (assemblées parlementaires, Cour des comptes, inspections générales), on note depuis l’orée des années 2020 un afflux d’études et avis très expertisés émanant de chercheurs et d’économistes, au sein d’organismes d’évaluation rattachés aux services du Premier ministre, plus particulièrement à France Stratégie (commission nationale de l’évaluation des politiques d’innovation, conseil d’analyse économique), qui externalise également une partie des recherches à des équipes de chercheurs de laboratoires attachées à de grandes écoles.
Une partie de ces études s’appuient sur des données économétriques, désormais permises par l’accès à des bases de données nouvelles ([125]) ; elles ont pour objet d’évaluer les effets du CIR sur la richesse nationale, l’effort de recherche ou encore les performances économiques des entreprises. Elles permettent de calculer l’effet qu’un euro additionnel d’aide publique allouée via le CIR a sur les dépenses de R&D des entreprises bénéficiaires.
Parmi tous ces travaux, il convient de mentionner les deux évaluations menées par la Cnepi ([126]) en 2019 et 2021 sur le crédit d’impôt recherche. Les conclusions de ces travaux sont en effet reprises dans le projet annuel de performances (PAP), annexe au PLF, dans la rubrique des indicateurs de mesure de l’efficacité du CIR. L’indicateur est le ratio « Dépenses de R&D privée supplémentaires par euro de crédit d'impôt recherche », lequel sert à mesurer l’impact du CIR sur l’effort de recherche en France.
Le rapporteur pour avis note avec intérêt que, malgré tous ces travaux récents, la Cour des comptes a recommandé en 2024 une évaluation des dépenses fiscales rattachées à la MIRES, et plus particulièrement du CIR en raison des importants montants en cause.
Dans son analyse de l’exécution budgétaire de la mission Enseignement supérieur et recherche pour l’année 2023 ([127]), la Cour regrette en effet que le Gouvernement n’ait inscrit, ni en 2023 ni en 2024, l’évaluation du CIR dans le programme des dépenses fiscales faisant l’objet d’une évaluation dans l’année ([128]), lequel programme figure dans l’annexe au PLF présentant les dépenses fiscales (dite Tome II. Voies et Moyens). Le rapporteur pour avis constate à cet égard que le PLF pour 2025 ne prévoit pas plus cette évaluation, laquelle n’a pas été considérée prioritaire.
On remarque dans l’avant-propos de l’avis de la Cnepi sur l’évaluation du crédit d’impôt recherche publié en 2021 un passage révélateur des difficultés auxquelles sont confrontés les chercheurs.
« La commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation achève, avec le présent avis, un long cycle d’études consacrées à l’évaluation du crédit d’impôt recherche. Cette évaluation pose des problèmes de méthode. Toute entreprise engageant des dépenses de recherche et développement éligibles peut demander à bénéficier du CIR. Il est de ce fait difficile de construire un « contrefactuel » permettant de démontrer un lien causal entre l’évolution des dépenses de R D des entreprises et le recours au CIR » ([129]).
L’évaluation de l’efficacité du CIR est en effet fragilisée par une difficulté intrinsèque à constituer ce que les économistes appellent un « contrefactuel », autrement dit un échantillon suffisamment représentatif pour servir de comparaison avec un « groupe test », dans l’objectif d’étudier les différences de comportement des acteurs. Les administrations, les représentants des entreprises et les experts entendus ont tous évoqué ce défaut d’ « effet placebo », pour reprendre un terme utilisé par un des économistes auditionnés.
Effectivement, la très grande majorité des entreprises qui engagent des dépenses de R&D percevant le CIR, il est difficile, voire impossible selon les catégories d’entreprises, de confronter le groupe d’entreprises « bénéficiaires » du CIR à un « groupe contrefactuel » d’entreprises n’en bénéficiant pas, rendant difficile la démonstration d’« un lien causal entre l’évolution des dépenses de R&D des entreprises et le recours au CIR ».
Si tous les acteurs entendus soulignent les limites des modèles d’évaluation pour les grandes entreprises, qui perçoivent toutes le CIR, cette difficulté est moindre pour les TPE et PME, dont certaines, bien que réalisant des activités de R&D, ne déclarent pas leurs dépenses de R&D. En l’occurrence, l’effet taille joue un rôle majeur ; la présence de milliers de PME facilite la mise en place d’un « contrefactuel », à l’inverse des grandes entreprises (pour rappel, seules 23 grandes entreprises déclarent une dépense de R&D supérieure à 100 millions d’euros).
Le tableau ci-après, dont les données datent de 2017, montre la part, pour chaque catégorie, des entreprises bénéficiaires du CIR par rapport à la totalité des entreprises par catégories. Moins de 7 % du total des PME bénéficient du CIR contre 74 % pour les grandes entreprises.
Source : Assemblée nationale, Rapport d’information n° 4402 (XVème législature) sur l’application des mesures fiscales, Laurent Saint-Martin, rapporteur général.
Cette question de méthode, et de ses limites, est cruciale, car elle conditionne en grande partie la reconnaissance des résultats des travaux évaluant les effets du CIR. Le rapporteur pour avis a pu constater, de la part de quelques acteurs auditionnés, une certaine critique des résultats de quelques études, en raison d’une méthodologie considérée comme originellement biaisée et non pertinente.
Ces difficultés méthodologiques, auxquelles s’ajoutent des résultats d’évaluation parfois en demi-teinte et nuancés en fonction des critères étudiés, ne facilitent pas l’émergence d’un diagnostic commun et partagé, assis sur une base scientifique indiscutable. Ce faisant, elles favorisent des logiques partisanes, proches parfois de la « profession de foi ».
Pour le rapporteur pour avis, deux axes doivent guider la réflexion sur l’évaluation du CIR.
D’une part, le bilan du CIR sur la croissance de la R&D et, au niveau macroéconomique, sur la richesse nationale, doit impérativement être apprécié au regard du coût que ce dispositif représente pour la nation. À ce titre, les sommes, considérables, affectées au CIR ont-elles un réel effet de levier, et cet investissement serait-il plus efficace s’il était orienté différemment ?
D’autre part, lié à ce bilan, mais pouvant être apprécié isolément, le dispositif du CIR conduit-il, du fait de ses mécanismes de calcul, à des effets d’aubaine, notamment pour les grandes entreprises ?
La réforme du CIR de 2008, en stimulant les dépenses en R&D des entreprises, a pour objectif de favoriser l'innovation et la productivité, facteurs clefs de la croissance et de la compétitivité à long terme.
Avec le Royaume-Uni, la France est le pays où le pourcentage du PIB consacré à la R&D est le plus élevé. En dépit de ces importants investissements publics de soutien à la recherche privée, il ressort des différentes évaluations récentes, avec toutes les réserves dues aux difficultés méthodologiques exposées ci-avant, que le bilan semble en demi-teinte, le CIR ayant au final une efficacité limitée. Tout dépend en fait des critères et des objectifs observés.
Les études existantes mettent en évidence des effets positifs de la réforme du CIR au niveau microéconomique (notamment sur les dépenses en R&D et sur la productivité des entreprises bénéficiaires).
La Cnepi, dans ses premières évaluations microéconomiques en 2019, met en avant un effet d’additionnalité du dispositif : un euro de CIR conduisant à un euro de dépense supplémentaire en R&D privée. La réforme du CIR contribuerait donc à augmenter les dépenses en R&D privée de la France.
Cependant, la Cnepi, dans un second avis en 2021, indique expressément que les « premières études ne permettaient guère de conclure si ce surcroît de dépenses conduisait à améliorer la performance économique en France pour les entreprises concernées, ni s’il en allait de même pour les entreprises n’ayant bénéficié du CIR qu’après la réforme de 2008, ni enfin si ce crédit d’impôt avait conduit à faire de la France un pays attractif pour les implantations de centres de R&D. » ([130])
Le second avis de la Cnepi en 2021 montre que les effets de la réforme de 2008 ont été variables selon la taille des entreprises ; ils apparaissent significatifs pour les entreprises de moins de 250 salariés, mais pas pour les plus grandes entreprises, qui captent pourtant la grande majorité du CIR.
La Cnepi estime l’effet d’entraînement à 1, en moyenne. Cela signifie que le CIR conduit les entreprises à accroître leur dépense interne de R&D du montant du CIR perçu. L’incidence sur les dépenses de recherche et développement est réelle, même si elle reste modeste. Car l’effet d’additionnalité constaté signifie que l’euro supplémentaire en R&D constaté est in fine payé par la dépense publique. À cette maille cependant, on n’observe pas à proprement parler d’effet d’aubaine, puisque la somme perçue via le CIR est réinvestie pour le même montant dans la R&D, et non pas conservée par l’entreprise.
Cependant, on ne constate pas de réel effet de levier, où un euro de CIR versé à l’entreprise aboutirait à plus d’un euro investi en sus par l’entreprise (effet multiplicateur).
Il ne s’agit là cependant que d’une moyenne, laquelle masque en réalité de fortes disparités entre :
‒ les entreprises de petite taille, pour lesquelles l’effet d’entraînement est estimé à environ 1,4, c’est-à-dire avec un effet multiplicateur réel. Pour un euro de CIR perçu, la (petite) entreprise ajoute 0,40 euro de dépense en R&D en plus de l’euro de CIR perçu ;
‒ et les grandes entreprises, pour lesquelles l’effet d’entraînement est estimé à environ 0,4. C’est-à-dire que la (grande) entreprise fait une dépense en R&D supplémentaire inférieure de 0,60 euro à l’euro de CIR perçu. Ce qui démontre l’existence d’un effet d’aubaine.
En rapportant ce chiffre au total de la créance CIR perçue en 2021 par les seules grandes entreprises (soit 2,9 milliards d’euros) ([131]), on constate que 1,174 milliard d’euros de CIR ne sont pas réinvestis dans la R&D. Si on étend ce raisonnement aux ETI également, on obtient, sur une créance totale de 4,73 milliards d’euros, un total de 2,84 milliards de CIR qui ne sont pas réinvestis dans la R&D.
La réforme du CIR de 2008 a eu des effets positifs et statistiquement significatifs sur les activités de R&D et le chiffre d’affaires mais pas sur la valeur ajoutée et l’investissement, à l’exception de l’investissement incorporel (acquisition de logiciels, de brevets, etc.). Plus précisément, pour les entreprises déjà bénéficiaires du CIR avant 2008, les effets identifiés sont positifs sur les PME, mais non significatifs sur les grandes entreprises, ce que des travaux de l’OCDE observent également.
Le « retour sur investissement » du CIR est deux fois plus élevé lorsqu’il est dirigé vers les TPE et PME par rapport aux grandes entreprises. Le CIR aurait un effet positif pour les petites et moyennes entreprises, avec notamment une hausse de 15 % du chiffre d’affaires induite par la réforme de 2008. Entraînant un surcroît d’investissement majeur de R&D pour les PME, il apparaît par ailleurs essentiel pour la trésorerie des start-ups, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises au rapporteur pour avis.
Au final, les PME s’affirment comme dépendantes du CIR alors que pour les ETI et les grandes entreprises, le dispositif fiscal est davantage un moyen de réduire le « coût du travail » et de conserver une partie de leurs activités de recherche en France. En 2021, un rapport parlementaire, à l’initiative des membres d’un groupe de travail de l’Assemblée nationale sur le crédit d’impôt recherche, considérait que le CIR représentait un « quasi effet d’aubaine pour les entreprises les plus grandes […] ces entreprises, dont la compétitivité au niveau mondial est très dépendante de leur capacité à innover, auraient probablement réalisé ces dépenses sans incitation fiscale » ([132]).
Une étude de Neoma Business School ([133]) montre que, malgré un CIR plus généreux que les équivalents à l’étranger, la performance des groupes français ne semble pas meilleure que celle des concurrents internationaux. « En prenant en compte le secteur et la taille de l'entreprise, les groupes français semblent connaître le même déclin relatif que les groupes des pays européens voisins. » ([134])
L’avis de la Cnepi de juin 2021 montre par ailleurs que, si les groupes multinationaux français valorisent le rôle du CIR dans la décision de localisation de l’investissement en R&D, ils valorisent tout autant l’accès au capital humain, le rôle de la propriété intellectuelle, de la recherche publique et du transfert technologique de qualité, lesquels sont tout aussi déterminants, voire plus, que le CIR ([135]). Les études suggèrent en effet « que les facteurs hors coût, plutôt que les incitations fiscales, sont les principaux déterminants du choix de la localisation R&D des grands groupes » ([136]).
Par ailleurs, le CIR n’a pas d’effet sur la localisation en France des activités de recherche des groupes étrangers, même s’il semble avoir ralenti la délocalisation des activités de recherche et développement des groupes français.
Enfin, le CIR n’a guère contrecarré la détérioration de l’attractivité du site France pour la localisation de la R&D des entreprises multinationales.
Les études récentes invitent à s’interroger sur le niveau élevé des aides fiscales à la R&D privée, notamment au bénéfice des plus grandes entreprises.
L’efficacité du CIR est notamment insatisfaisante au regard des montants en jeu, en l’absence d’effet avéré du CIR sur l’innovation pour les entreprises de taille intermédiaires et les grandes entreprises.
« Les effets du CIR sont faibles au niveau macroéconomique […] à long terme, la réforme du CIR permettrait de rehausser l’activité de 0,8 point de PIB et de créer 60 000 emplois » ([137]). Rapporté au coût du CIR pour 2021, soit 6,859 milliards d’euros, le coût annuel par emploi serait supérieur à 114 00 euros.
Cette hausse potentielle de 0,8 point de PIB à terme doit être mise en perspective avec le coût de la réforme du CIR depuis 2008 ([138]), estimée, comme vu précédemment, à presque 57,58 milliards d’euros, soit 2,30 % du PIB de 2021.
Les effets du CIR sur la recherche française sont structurellement limités par la désindustrialisation française.
L’industrie est plus intensive en R&D que les autres secteurs d’activité mais le poids de cette dernière dans l’économie française s’étant considérablement réduit du fait des politiques de délocalisation des entreprises, les effets sur l’effort national de R&D s’en ressentent.
« La France est devenue l’économie la plus désindustrialisée du G7, avec le Royaume-Uni » ([139]). La France est, parmi les grands pays industrialisés, celui qui a subi la plus forte désindustrialisation durant les dernières décennies. Depuis 1980, les branches industrielles ont perdu près de la moitié de leurs effectifs (2,2 millions d’emplois), et l’industrie ne représente plus que 10,3 % du total des emplois.
La part de l’industrie dans le PIB a reculé de 10 points sur la même période. Si elle s’établissait encore à 13,4 % en 2018 (contre 25,5 % en Allemagne, 19,7 % en Italie, ou 16,1 % en Espagne), on estime aujourd’hui que l’activité industrielle représente en France environ 11 % du PIB là où elle atteint 21 % en Allemagne, soit un
quasiment du simple au double.La désindustrialisation française résulte essentiellement de la combinaison de deux éléments :
‒ d’une part, la dégradation de la compétitivité de l’industrie française, en grande partie due, selon les experts entendus par le rapporteur pour avis, à l’importance de la fiscalité de ce secteur par rapport à d’autres secteurs d’activité. Selon France Stratégie, l’industrie en France est soumise à un taux de prélèvements obligatoires supérieur à celui qui prévaut dans les autres secteurs économiques, alors même qu’elle est pourtant exposée à une plus grande concurrence internationale. « L’ensemble des prélèvements obligatoires sur l’industrie manufacturière représentait 28 % de la valeur ajoutée brute, contre 24 % pour les autres secteurs (hors finance) » ([140]) ;
‒ d’autre part, la composition du tissu industriel français, largement fondée sur des grandes entreprises, structurellement plus en capacité de délocaliser que des PME.
Comme le tissu industriel français est composé moins qu’ailleurs (notamment en Allemagne) de PME, et de plus de grandes entreprises, ces dernières, pour maintenir leur compétitivité, ont fait le choix de la délocalisation des sites de production vers les pays à bas coûts de main-d’œuvre devenue plus accessible du fait de l’intégration de ces pays dans l’économie mondiale et dans l’Union européenne. « Les grandes entreprises françaises sont donc devenues les championnes de la délocalisation, ce qui leur a permis de maintenir leur compétitivité au niveau mondial, mais au détriment de l’emploi industriel en France », note France Stratégie.
Ainsi, par rapport aux voisins européens, l’emploi des filiales industrielles à l’étranger des groupes français correspond à 62 % de l’emploi dans le secteur industriel en France, contre 52 % au Royaume-Uni, 38 % en Allemagne, 26 % en Italie et 10 % en Espagne ([141]).
La désindustrialisation française entraîne toute une série de problèmes importants, dont l’un, notamment, est qu’elle obère en partie le développement technologique, puisque les branches industrielles sont celles qui réalisent la majeure partie de la R&D privée. En se désindustrialisant, la France perd donc de ses capacités d'innovation.
L’ensemble des acteurs et experts du tissu industriel entendus par le rapporteur pour avis (représentants des entreprises, économistes, hauts fonctionnaires) ont souligné combien la désindustrialisation explique en grande partie l’incapacité structurelle de la France à atteindre les 3 % de PIB en effort de recherche. Un économiste entendu considère à cet égard que la structure de l’économie française, de plus en plus tournée vers les services, ne permet pas, et ne permettra pas, d’atteindre cet objectif.
Selon des chercheurs auditionnés, si la France avait une activité industrielle représentant 20 % du PIB, elle atteindrait sans nul doute l’objectif d’un effort de recherche de 3 % du PIB fixé par la stratégie dite de Lisbonne, à l’instar de l’Allemagne.
IV. DE NÉCESSAIRES ADAPTATIONS : RÉFLEXIONS ET PISTES DE TRAVAIL EN VUE D’AMÉLIORER L’EFFICACITÉ DU CRÉDIT d’IMPÔT RECHERCHE ET DE RÉDUIRE SON COÛT
Les auditions se sont fait l’écho du caractère clivant du CIR. Tout d’abord avec des partisans d’un statu quo intégral du dispositif, qui l’érigent quasiment en totem, dont toute remise en cause, même modeste, apporterait le chaos. Ensuite, avec d’autres, aussi radicaux, qui, n’y voyant qu’un outil au service des grandes entreprises, en particulier des multinationales, réclament sa suppression sans concession ou, à tout le moins, sa neutralisation budgétaire.
Les premiers, globalement les représentants des entreprises, tiennent un discours alarmant, voire catastrophiste, sur les conséquences pour la recherche française, et plus généralement pour l’économie française, d’une modification, quelle qu’elle soit, des paramètres du CIR. Ils considèrent à cet égard que dans le contexte actuel (mondialisation, concurrence entre les économies nationales…), le discours ambiant sur les défauts ou les insuffisances du CIR et les velléités de révision de ses modalités seraient démobilisateurs et enverraient un mauvais signal.
Les seconds, globalement les représentants des personnels de la recherche publique, ont une vision plus ou moins sans nuance du CIR, lequel n’est, selon eux, qu’un dispositif coûteux (ce qui est largement démontré) et inutile pour la recherche, dont il faudrait reverser l’intégralité des moyens financiers à la recherche publique.
Comme souvent, la vérité est plus nuancée, même si, pour le rapporteur pour avis, elle serait beaucoup plus proche des seconds que des premiers. Les récentes études économétriques (cf. supra), tendent en effet à démontrer que, si les effets du CIR ne semblent significatifs ni sur la croissance des activités de R&D des grandes entreprises et des ETI en France, ni sur l’attractivité du « site » France, ils sont positifs, entre autres aspects, sur l’effort de recherche des PME. Le dispositif s’avère par ailleurs indispensable au financement des start-up.
La question est donc de déterminer, pour reprendre les termes de Joël Giraud, ancien rapporteur général de la commission des finances ([142]), si le CIR est « stratégique mais coûteux ». Coûteux, cela ne fait aucun doute à la lumière de la trajectoire budgétaire depuis 2008. Son impact stratégique, en revanche, est plus incertain, en demi-teinte pourrait-on dire, au vu des résultats des évaluations récentes.
C’est pourquoi le rapporteur pour avis considère que le CIR, en dépit de ses quarante ans d’existence et de son implantation dans le paysage de la recherche français, ne doit pas être sacralisé, mais apprécié au regard du service rendu et de son coût budgétaire pour la nation.
Si aujourd’hui, il apparaît prématuré de demander la suppression totale de ce dispositif, pour laquelle, d’une part, aucun consensus politique n’existe à ce stade, d’autre part, une étude d’impact préalable serait indispensable, le rapporteur pour avis, à l’instar de beaucoup d’autres observateurs du champ de la recherche, requiert une réforme profonde du CIR.
En l’état, le statu quo n’est plus possible, et une réforme s’impose. Outre les incertitudes sur l’efficacité du CIR, des éléments de contexte doivent être pris en compte :
‒ la diminution de la pression fiscale sur les entreprises, notamment des impôts de production ([143]) et du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) ([144]) ;
‒ l’aggravation du déficit public qui nécessite de mieux réguler l’argent public.
Enfin, il ne fait nul doute pour le rapporteur pour avis que le CIR, en raison des paramètres introduits en 2008, représente un effet d’aubaine pour certaines grandes entreprises, en particulier les multinationales, qu’il est impératif de stopper.
Les scénarios de réformes sont pluriels et comportent de multiples variantes et combinaisons ; la majeure partie d’entre eux ont par ailleurs déjà fait l’objet d’expertises de la part de la Cour des Comptes, de l’inspection générale des finances, ou de parlementaires.
Il n’appartient pas au rapporteur pour avis, dans le cadre de ce travail, de rentrer dans le détail technique et chiffré des scénarios de réforme. Il souhaite en revanche mettre l’accent sur quelques grands axes prioritaires, qui répondent à plusieurs objectifs :
‒ limiter les effets d’aubaine pour les grandes entreprises en introduisant des conditions plus strictes d’accès au CIR, ce qui aurait également pour effet de réduire une dépense fiscale considérablement trop élevée au regard des budgets alloués à la recherche publique ;
‒ conditionner le CIR accordé aux entreprises au maintien des emplois ;
‒ enfin, renforcer la régulation du secteur des prestataires extérieurs.
Le rapporteur pour avis a également tenu à faire un point sur le CIR « vert » dont la mise en œuvre, en l’état de l’environnement juridique, s’avère particulièrement complexe.
Les auditions ont démontré combien le CIR était un sujet particulièrement sensible pour l’ensemble des organisations patronales – des petites entreprises aux grands groupes, sectorielles ou transversales – pour lesquelles seul un statu quo du dispositif semble envisageable.
Le titre d’une brochure du Medef ([145]) est révélateur du positionnement de la majeure partie des représentants entendus : « Pour un maintien en l’état ([146]) du crédit impôt recherche pilier de l’écosystème de la R&I ». Si l’association patronale défend des mesures de simplification et d’allègement du dispositif ([147]), elle s’oppose catégoriquement à toute révision du CIR portant sur ses modalités de calcul.
Selon les représentants entendus par le rapporteur pour avis, toute réforme ayant pour effet de diminuer le montant de la créance CIR pour les entreprises représenterait « une menace pour la R&D française et l’attractivité de son écosystème » ([148]). Toute baisse du CIR serait annonciatrice d’un recul inévitable de la recherche française et, plus globalement, d’une perte de compétitivité des entreprises françaises par rapport à nos voisins européens, compromettrait les chances d’une réindustrialisation des territoires par l’innovation, et aurait des conséquences négatives sur l’activité et l’emploi tant à court terme qu’à long terme.
Selon eux, une reconsidération de l’assiette des dépenses éligibles, une baisse sensible du seuil, l’introduction d’un plafonnement ou une diminution des taux se traduiraient par :
‒ un mouvement de délocalisation à l’étranger, où la pression fiscale et le « coût du travail » sont moins élevés, des laboratoires de recherche des grandes entreprises : « Mobiles, leurs plateformes technologiques iraient investir dans d’autres territoires plus accueillants et plus proches de leur marché. » ([149]), peut-on lire dans la brochure susmentionnée ;
‒ une perte d’emplois ;
‒ la contraction des investissements en R&D, en dissuadant les entreprises d’intensifier ou même de soutenir leur effort d’investissement dans la R&D, réduisant in fine le potentiel de croissance.
Par ricochet, les conséquences affecteraient également les petites et moyennes entreprises et les start-ups, pour une partie d’entre elles sous-traitantes des grandes entreprises ou associées dans des coopérations de recherche. Elles pourraient enfin réduire les partenariats avec la recherche publique en France, mettant en péril l’ensemble de ces synergies.
Les conséquences prévisibles d’une révision des paramètres du CIR selon les entreprises interrogées (enquête du Medef)
L’enquête du Medef (1) réalisée au printemps 2023 auprès des entreprises bénéficiaires du CIR montre que tous les projets de révision de cette incitation fiscale auraient un impact négatif sur l’investissement en R&D des entreprises voire sur le maintien de leur activité de R&D en France :
‒ 62 % d’entre elles abandonneraient ou réduiraient le périmètre de plusieurs projets de recherche ;
‒ 50 % diminueraient les embauches de chercheurs, docteurs ou ingénieurs ;
‒ 35 % diminueraient leurs coopérations avec les laboratoires publics ;
‒ 29 % supprimeraient des postes de R&D.
Il convient de ne pas négliger ou minorer les risques évoqués, notamment en matière de délocalisation, les grandes entreprises ayant en effet démontré à de nombreuses reprises leur grande mobilité.
Néanmoins, ce discours très pessimiste appelle des observations de la part du rapporteur pour avis.
D’une part, cela conduit à remettre en question le degré d’attachement des grands groupes nationaux à la France, si la moindre évolution fiscale défavorable se traduit par une « fuite » à l’étranger. Se dessine un « effet cliquet », interdisant de fait tout retour en arrière, alors même que les conditions attachées au bénéfice du CIR de 2008, élaborées dans la précipitation et sans l’évaluation nécessaire, sont notoirement non seulement très avantageuses, mais aussi plus favorables que dans la plupart des pays environnants. Cela donne l’impression désagréable que la recherche française privée ne résisterait que sous perfusion de fonds publics.
D’autre part, l’aide à la R&D – et la pression fiscale plus globalement – n’est pas le seul facteur déterminant pour la localisation des activités de R&D des entreprises. D’autres éléments majeurs sont intégrés à la prise de décision d’une localisation, en premier lieu l’existence d’un écosystème local dynamique (existence de compétences, présence de personnels qualifiés, possibilités de synergies et de complémentarités avec d’autres acteurs locaux…), mais également l’environnement de travail (qualité des transports, infrastructures, équipements publics…) et culturel (cadre de vie de qualité, etc.), ou encore le degré de protection juridique et institutionnelle (respect de la propriété intellectuelle notamment).
À cet égard, l’avis de la Cnepi de 2021 sur l’évaluation du CIR suggère que « l’aide à la R&D n’est pas le facteur décisif pour la localisation des activités de R&D des firmes multinationales » ([150]). Cette même étude indique que le CIR, en dépit de ses conditions avantageuses, ne paraît pas avoir empêché la détérioration de l’attractivité du site France pour la localisation de la R&D des grands groupes. Apparemment, les dispositifs fiscaux influent moins sur le choix d’une implantation d’une unité de recherche que les talents du pays et la qualité de l’écosystème industriel.
Les propositions suivantes agissent tant sur les paramètres de calcul du CIR (seuils, plafond, taux) que sur le périmètre des dépenses de R&D. Elles répondent à plusieurs objectifs : supprimer les effets d’aubaine des grandes entreprises, réduire la dépense publique occasionnée par le CIR et favoriser les petites entreprises. Ces différentes hypothèses sont parfois exclusives l’une de l’autre, parfois conciliables.
La palette des options de réformes paramétriques du CIR est particulièrement large et a fait l’objet d’expertises nombreuses dans l’impressionnante masse de rapports parus sur le CIR.
Les propositions du rapporteur pour avis ne sont pas novatrices ; elles reprennent en grande partie des recommandations plus ou moins récentes de la Cour des comptes, de parlementaires (souvent favorables au maintien du CIR), ou encore des services du ministère chargé de l’économie.
Comme beaucoup, le rapporteur pour avis estime le seuil de dépenses de R&D de 100 millions d’euros trop élevé et dénué de toute pertinence pour les petites et moyennes entreprises, car sans lien avec la moyenne des dépenses de R&D des entreprises en France. Structurellement coûteux, ce seuil semble être de surcroît « mal né ».
Comme évoqué précédemment, les auditions n’ont pas permis au rapporteur pour avis d’identifier les raisonnements ayant conduit le Gouvernement, en 2008, à fixer un seuil de dépenses de R&D à 100 millions d’euros, et non à 50, 70 ou 80 millions d’euros par exemple. Ajouté à la sous-estimation de l’impact financier de la réforme et à la précipitation gouvernementale à engager cette dernière à rebours des scénarios proposés par l’administration, le rapporteur pour avis est enclin à penser que le chiffre de 100 millions d’euros répond moins à un raisonnement scientifique ou, à tout le moins, économique, qu’à un montant symbolique, reflet d’une volonté politique de simplification à l’excès et de mise en exergue des largesses libérales de la France d’alors.
Comme le rappelle le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) dans son rapport de 2022 ([151]), aucun pays de l’OCDE n’a instauré un seuil de dépenses aussi haut (de surcroît, combiné avec un taux élevé). L’Allemagne, dont l’effort de recherche est supérieur à celui de la France, avait fixé à 4 millions d’euros en 2020 le plafonnement de la dépense de R&D.
Sans préconiser un plafond aussi bas, les structures économiques des deux pays n’étant pas comparables (degré d’industrialisation, tissu de PME...) ([152]), le rapporteur pour avis recommande :
– une réduction drastique du seuil de dépenses, à hauteur d’au moins la moitié, voire des deux tiers ;
– la transformation du nouveau seuil en un plafond, pour supprimer le déplafonnement en vigueur depuis 2008. Cette mesure aura pour conséquence de supprimer l’actuel taux de 5 % qui, doit-on le rappeler, ne profite depuis l’origine qu’à une vingtaine de très grandes entreprises, sur les 16 400 entreprises bénéficiaires du CIR.
Le seuil de dépenses de 100 millions d’euros ne favorise en aucune manière les PME, privilégie les grandes entreprises en concentrant à leur niveau une grande partie de la créance CIR, entraîne, le cas échéant, des effets d’aubaine chez certaines grandes entreprises qui ne restituent pas l’intégralité de la somme perçue via le CIR dans une dépense de R&D additionnelle, et est structurellement très coûteux pour les finances publiques.
À elle seule, la suppression du taux de 5 % s’appliquant actuellement aux dépenses de R&D au-delà du seuil de 100 millions d’euros rapporterait, à court terme, près de 500 millions d’euros.
Cela constituerait une première étape pour réguler le niveau d’argent public distribué aux plus grands groupes afin, dans un second temps, de mieux répartir cette manne entre les entreprises qui en ont le plus besoin. Des pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni, avec des dispositifs mieux ciblés, montrent qu’il est possible de rendre ces dispositifs fiscaux plus justes et plus efficaces.
Parmi les scénarios alternatifs envisageables, le rapporteur pour avis souhaite mettre en exergue l’introduction de taux et de seuils intermédiaires, par ailleurs en partie compatible avec l’hypothèse d’une réduction du seuil mentionnée dans le premier scénario.
Cela reviendrait à substituer au dispositif actuel – constitué de deux taux (30 % et 5 %) et d’un seuil unique (100 millions d’euros) – un barème à tranches avec plusieurs seuils et plusieurs taux, ce qui en ferait un dispositif plus progressif car plus gradué.
La formule d’un barème à tranches, avec un taux dégressif à mesure que le montant global de la R&D augmente, présente deux avantages : d’une part, elle évite les effets de seuil brutaux, le taux moyen de crédit d’impôt évoluant sans à‐ coup à mesure que le budget s’accroît ; d’autre part, elle permet, en fonction du barème choisi, un ciblage fin du CIR, en lien avec les catégories d’entreprises et leurs capacités d’investissement en R&D que l’on souhaite favoriser. Un barème à tranches, aux taux décroissants, aurait le mérite de valoriser les premiers euros de dépenses de R&D, sans introduire de différences entre les catégories d’entreprises au sein d’une même tranche.
Il est par ailleurs modulable à l’envi, qu’il s’agisse des taux ou des seuils, dans la limite toutefois d’une nécessaire lisibilité. Par nature plus complexe que le dispositif actuel, dont le seul mérite est sans doute la simplicité, puisqu’il se présente pour la quasi‐totalité des entreprises comme un dispositif à taux unique (30 %) il serait sans doute moins lisible intuitivement.
Dès lors qu’il ne cible expressément ni un secteur d’activité, ni une catégorie d’entreprises, il s’inscrirait sans difficulté dans le cadre communautaire. À cet égard, ce schéma serait préférable à une modulation des taux en fonction de la catégorie d’entreprises, comme cela est parfois proposé, scénario qui exposerait sans doute le CIR à une requalification en aides d’État, exigeant en conséquence une notification préalable à la Commission européenne.
Le rapporteur pour avis constate que cette formule du barème a été proposée par l’inspection générale des finances (IGF) dans un rapport de 2010 ([153]). Selon la Cour des Comptes, c’était également un des scénarios proposés au Gouvernement par le ministère chargé de l’économie ([154]), en amont de la réforme de simplification opérée en 2008.
À défaut ou en complément d’un plafonnement bas de la dépense de R&D, tel que proposé dans le premier scénario, le rapporteur pour avis préconise, comme d’autres avant lui, de prendre en compte, pour le calcul de la dépense en R&D, le seuil au niveau de l’ensemble du groupe pour les sociétés fiscalement intégrées, et non au niveau de chaque filiale du groupe comme cela est le cas actuellement.
En l’état, pour les groupes de sociétés qui ne sont pas intégrés fiscalement, le franchissement du seuil de 100 millions d’euros est calculé société par société ; chaque société déclare et liquide son propre CIR. Les sociétés membres du groupe, y compris la société mère, bénéficient donc directement du CIR.
Pour les groupes fiscalement intégrés ([155]), le franchissement du seuil est également calculé filiale par filiale : chaque entreprise d’un groupe déclare son propre CIR, le montant des dépenses de R&D s’appréciant au niveau de chaque unité légale. Chaque filiale d’un groupe peut ainsi bénéficier du taux de CIR de 30 % jusqu’au seuil de 100 millions d’euros. En revanche, le CIR est liquidé au niveau de la société mère, seule bénéficiaire du CIR et seule redevable de l’impôt du groupe.
Ce dispositif, qui ne peut profiter qu’aux (grandes) entreprises susceptibles de déclarer au moins 100 millions d’euros de R&D, doit être revu, en raison des avantages qu’il procure aux sociétés fiscalement intégrées. Le saucissonnage de la dépense en R&D entre chaque filiale maximise mécaniquement les probabilités de présenter une dépense inférieure ou égale au seuil des 100 millions d’euros, à laquelle s’applique le taux de 30 %.
Appliqué au dispositif actuel sur la base d’un seuil de dépenses à 100 millions d’euros, un calcul du CIR par tête de groupe permettrait une réduction conséquente de la dépense publique.
Les travaux du Conseil des prélèvements obligatoires de 2022 évoquent des montants d’économies de 470 à 960 millions d’euros ([156]). Le ministère chargé de l’économie, quant à lui, estime qu’une double réforme – une consolidation de la dépense déclarée au niveau de l’intégration fiscale (tête de groupe) combinée à la suppression du taux à 5 % (plafonnement à 100 millions d’euros) – entraînerait une réduction de la créance CIR totale autour de 875 millions d’euros ([157]).
23 entreprises dépassent le seuil des 100 millions d’euros de dépenses de R&D
En 2021, 23 entreprises déclaraient plus de 100 millions d’euros de montant net total des dépenses de R&D. Ces 23 entreprises appartiennent à 17 intégrations fiscales différentes. Ce chiffre est inchangé depuis 15 ans.
En raison du taux de 5 % appliqué à la dépense de R&D au-delà du seuil des 100 millions d’euros, le taux de CIR moyen effectif est de 22,6 % (créance de CIR rapportée à la dépense de R&D déclarée).
La créance de recherche générée en 2021 par les dépenses de R&D déclarées au-delà du seuil de 100 millions d’euros (taux de 5 %) est de 48,6 millions d’euros.
Au titre de 2021, 30 intégrations fiscales cumulaient plus de 100 millions d’euros de dépenses déclarées par l’ensemble de leurs filiales et de la tête de l’intégration, que les déclarantes atteignent ou non individuellement ce plafond.
Là également, le rapporteur pour avis constate que cette mesure a été préconisée à plusieurs reprises, tant par des parlementaires que, selon la Cour des Comptes, par la direction générale du Trésor du ministère chargé de l’économie en 2010 ([158]).
Un tel scénario suscite les critiques suivantes :
– cela désavantagerait les groupes français par rapport aux concurrents étrangers implantés en France, ces derniers n’étant pas plafonnés au niveau du groupe ;
– cela conduirait à réduire l’effet du CIR pour les grandes entreprises, les plus exposées à la concurrence mondiale, incitant ces dernières à délocaliser leurs activités de R&D en dehors de France ;
– cela pourrait entraîner une incertitude juridique sur le plan constitutionnel. L’appréciation du montant des dépenses ouvrant droit au CIR au niveau du groupe fiscalement intégré serait juridiquement fragile, dès lors qu’elle créerait une rupture d’égalité entre les groupes selon qu’ils relèvent ou non du régime d’intégration fiscale ;
– cela conduirait à une complexification du contrôle fiscal (vérification de la ventilation du CIR entre les sociétés membres du groupe, fiscalement intégrées ou non), possiblement source de contentieux.
Calculer le seuil de dépenses au niveau des sièges des groupes et non des filiales soulève-t-il un risque constitutionnel ?
Selon la direction de la législation fiscale du ministère chargé de l’économie, le calcul au niveau du groupe fiscal de l’atteinte du seuil des 100 millions d’euros soulèverait des enjeux de constitutionnalité. En effet, certaines décisions du Conseil constitutionnel en matière de fiscalité des groupes suggèrent que la consolidation du calcul du CIR au niveau du groupe d’intégration fiscale présente un risque avéré de non-conformité avec la Constitution, compte tenu de la rupture d’égalité entre groupes de sociétés selon que les groupes sont intégrés fiscalement ou non.
L’attention du rapporteur pour avis a été appelée sur la forte croissance de la créance du CIR à destination du secteur des services depuis quelques années.
Sans volonté de remettre en cause le CIR pour l’ensemble du secteur des services, le rapporteur pour avis s’interroge néanmoins sur l’intérêt de la défiscalisation liée à la R&D au profit de certaines branches professionnelles, en l’espèce celles des banques et assurances, ainsi que celle du conseil et de l’assistance aux entreprises, dont l’effort de R&D ne semble guère, sous réserve d’une expertise plus poussée, conditionner la nature de leurs activités.
Le rapporteur pour avis observe que la créance à destination des sociétés de conseil et assistance aux entreprises a augmenté entre 2018 et 2021, représentant, entre ces deux dates, respectivement 1,88 % ([159]) et 2,22 % de la totalité du CIR.
D’autres parlementaires, précédemment, ont recommandé « d’exclure du bénéfice du CIR les dépenses de R&D concernant les interventions sur les marchés financiers » ([160]). Le rapporteur pour avis ne peut que s’associer à cette proposition, en y ajoutant le secteur du conseil et de l’assistance aux entreprises.
Contrairement à l’appréciation de certains ([161]) et aux propos entendus lors des auditions, une telle mesure ne se limiterait pas à son aspect symbolique. Le montant cumulé du CIR à destination des sociétés de conseil et assistance aux entreprises (2,22 %) et des banques et assurances (1,86 %), rapporté aux 6 859 millions d’euros du CIR en 2021, représente une somme supérieure à 275 millions d’euros.
Au moment où le Gouvernement opère des choix budgétaires difficiles voire douloureux, dont on sait qu’ils concerneront aussi le service public de la recherche, le rapporteur pour avis entend interroger la destination du CIR selon les branches d’activités professionnelles. Il semble nécessaire d’évaluer le rendement de chaque fraction du CIR en fonction des branches professionnelles, afin de garantir qu’il remplisse pleinement son objectif, entre le soutien à la recherche et la maximisation des retombées scientifiques et économiques.
L’exclusion de certains secteurs d’activité du bénéfice du CIR ne paraît pas contrevenir au cadre européen des aides d’État.
Le rapporteur pour avis, comme d’autres, s’interroge sur l’opportunité de réorienter une partie du CIR vers des secteurs spécifiques, par exemple en se concentrant sur ceux définis comme stratégiques, par opposition à son actuel caractère générique non ciblé.
Un ciblage plus incitatif permettrait en effet aux structures et aux secteurs qui en ont le plus besoin de mettre en œuvre des innovations de rupture qu’ils ne sont pas en mesure de réaliser aujourd’hui, dès lors qu’elles impliquent une forte mobilisation en termes de ressources humaines et des sauts technologiques importants, ce qui suppose un accompagnement financier plus poussé.
Cependant, la perte de son caractère générique et transversal ferait sans doute basculer le CIR dans le régime des aides d’État, strictement encadrées par le droit européen. Outre cet obstacle juridique majeur et les effets de bord qu’un ciblage trop précis pourrait occasionner sur le potentiel de recherche lui-même, le rapporteur pour avis estime que cette piste mériterait d’être investiguée.
Enfin, quoique convaincu de son intérêt, le rapporteur pour avis observe que les conditions – techniques, juridiques, politiques – ne semblent pas encore réunies pour faire émerger un CIR « vert » orienté vers les secteurs de la transition écologique (industrie « verte »).
Conformément à l’article 107, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), « sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».
Tout financement public remplissant les critères énoncés à l’article 107, paragraphe 1, du traité constitue une aide d’État et doit être notifié en conséquence à la Commission européenne. Toutefois, en vertu de l’article 109 du TFUE, le Conseil peut déterminer les catégories d’aides qui sont dispensées de cette obligation de notification. Le règlement (UE) n° 651/2014 (règlement général d’exemption par catégorie, RGEC) définit les conditions dans lesquelles les aides à la R&D, entre autres types d’aides d’État, sont exemptées de la notification préalable obligatoire à la Commission européenne et bénéficient dans ce cas d’une exemption par catégorie.
Dispositif générique qui profite actuellement à toutes les catégories d’entreprises et à tous les secteurs pourvoyeurs de R&D, le CIR relève actuellement de cette exemption. Au regard du cadre européen, il est considéré comme une mesure générale n’entraînant pas de distorsion de concurrence.
Dès lors, toute modification de son économie générale visant à cibler des branches professionnelles ou des catégories d’entreprises pourrait conduire la Commission européenne à un réexamen global du CIR avec un risque de requalification en aide d’État. Sans être proscrite, cette nouvelle formule du CIR devrait être au préalable notifiée à la Commission européenne, et s’inscrirait dans un cadre réglementaire autrement plus contraignant.
Le rapporteur pour avis s’est initialement interrogé sur l’éventualité d’une orientation du CIR vers certains secteurs d’activité, en vue de privilégier des secteurs de recherche paraissant par nature utiles à la nation, notamment sur le plan stratégique, par rapport à d’autres, dont les activités ne semblent pas, de prime abord, relever d’un intérêt collectif évident.
Cependant, il est ressorti des entretiens, de manière assez convergente, qu’un tel ciblage sectoriel, notamment s’il concerne le volet industriel, poserait des difficultés de plusieurs ordres, au-delà de l’obstacle du cadre européen évoqué précédemment. Sans être intégralement en phase avec l’ensemble des arguments présentés ci-dessous, le rapporteur pour avis tient à les exposer.
D’une part, il faut prendre en compte les effets de la sérendipité, qui est la capacité à faire par hasard, à l’occasion d’une recherche sur un autre sujet, une découverte inattendue d’importance ou d’intérêt égal ou supérieur à l’objet de la recherche initiale et à en saisir l’utilité scientifique ou pratique ([162]). La recherche se caractérise en effet par deux lois permanentes : si la découverte n’est jamais assurée, elle peut néanmoins surgir à tout moment là où elle n’est pas attendue.
D’autre part, un ciblage trop précis, au motif que les activités ne paraissent pas de nature à relever de l’intérêt collectif, pourrait conduire à ne pas accompagner des recherches privées qui in fine s’avèrent utiles pour le bien commun. Le secteur de la cosmétique en fournit une illustration.
Des innovations dans le secteur de la cosmétique utiles pour la santé humaine et animale
Une grande entreprise française de cosmétiques a mis au point depuis plusieurs années un procédé industriel de fabrication de tissus humains pour tester les produits cosmétiques. Si ces échantillons de peau humaine permettent de modéliser différentes fonctions physiologiques de la peau afin de mieux comprendre, par exemple, sa capacité à se pigmenter ou à se renouveler, ils peuvent également s’avérer précieux dans le domaine de la santé, afin d’analyser des phénomènes comme l’allergie ou l’irritation cutanée.
Par ailleurs, en l’espèce, les modèles de peau reconstruits offrent une solution alternative aux tests sur les animaux.
Enfin, plus largement, une telle mesure reviendrait à substituer l’État aux entreprises privées pour déterminer les secteurs d’activité qui doivent faire l’objet de financements prioritaires.
Or, compte tenu de la rapidité des évolutions technologiques et scientifiques, ainsi que de l’expertise et de la technicité requises, les entreprises privées sont manifestement plus en capacité que l’État d’effectuer les choix sectoriels et technologiques qui les concernent. L’un des principaux avantages des aides fiscales à la R&D (telles que le CIR) est précisément leur neutralité dans ce domaine, car elles laissent aux entreprises le soin d’allouer elles-mêmes les fonds aux projets qui leur semblent les plus appropriés. Rapporté à la recherche dans le secteur public, remettre en question ce postulat reviendrait, nolens volens, à revenir sur la liberté académique et de recherche des chercheurs. L’État dispose déjà d’outils, à travers les aides directes à la R&D, pour influencer la recherche de long terme et la structure productive d’une économie en ciblant les projets à fort potentiel de rendement social et/ou les PME notamment.
Dans le rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur spécial Mickaël Bouloux, regrettant que le verdissement du CIR n’ait pas été retenu par le Gouvernement, considérait à tout le moins « indispensable que le CIR ne puisse pas financer de recherches ayant un impact environnemental défavorable » ([163]).
Le rapporteur pour avis ne peut que partager ce constat, convaincu que la prise en compte des enjeux de transition écologique doit devenir un élément structurant des politiques publiques, notamment de soutien à la recherche et à l’innovation. La recherche, tant publique que privée, se doit de répondre aux enjeux contemporains, en particulier écologiques, qui déterminent nombre de problématiques actuelles (sanitaires, sécuritaires, alimentaires, etc.). Il est donc impératif que les dépenses de recherche cofinancées par l’État soient mieux orientées vers des projets de transition écologique.
À ce titre, le projet de réforme du CIR intégrant une dimension environnementale consistait en l’instauration d’un taux de 60 % pour les dépenses de R&D « vertes » sans seuil ni plafond, et prévoyait en contrepartie, pour les autres dépenses de R&D « non vertes », d’une part, une suppression du taux de 5 %, et, d’autre part, le remplacement du seuil de 100 millions d’euros par un plafond de 20 millions d’euros, le taux (30 %) restant inchangé. Cette proposition n’a pas prospéré.
Néanmoins, il ressort des auditions, des contributions des administrations concernées ([164]) et des travaux existants, qu’en l’état, du fait de réelles complexités au-delà de la seule contrainte du cadre européen en matière d’aides sectorielles, cette mesure, aussi intéressante soit-elle, ne rencontre pas des conditions propices à un déploiement rapide. Par ailleurs, elle risquerait fort de s’avérer défavorable aux PME-TPE, moins en mesure de faire face à des charges structurelles nouvelles.
Le rapporteur pour avis expose ci-après, sans nécessairement les partager toutes sur le fond, les observations émises par les différents interlocuteurs sur cette question complexe.
1° Il convient de rester vigilant vis-à-vis des effets de bords d’un renforcement des incitations à développer une R&D « verte ». En effet, le CIR garantit la compétitivité de la R&D française sur la scène internationale ; il ne faudrait pas la détériorer en introduisant davantage de conditionnalités ou de contraintes car les PME seraient sans doute les premières touchées.
2° Plus largement, il paraît difficile, dans beaucoup de circonstances, de connaître a priori l’impact favorable ou défavorable de travaux de recherche. Par ailleurs, il est nécessaire que certains secteurs investissent dans la recherche fondamentale avant de se tourner vers la R&D « verte ».
3° À ce jour, aucune méthodologie ne définit ce qui relève précisément de la R&D « verte ». Un soutien ciblé sur l’innovation « verte » nécessiterait au préalable l’élaboration d’une définition claire de cette notion, étayée par un référentiel précis, afin de sécuriser les créances fiscales, d’une part, et éviter le gonflement artificiel de l’aspect « vert » d’un projet innovant (greenwashing), d’autre part.
Par exemple, la mise en place d’un conditionnement préalable du CIR à l’obtention d’un label « vert » poserait la question de la R&D « grise », avec le risque de restreindre la R&D à des secteurs importants comme la santé par exemple, le bilan environnemental attaché à la recherche pharmaceutique n’étant pas toujours évident à évaluer.
4° La seule définition juridique actuelle de dépenses « vertes » ou « brunes » relève de la taxonomie européenne. Mais celle-ci n’a pas été pensée pour les activités de recherche ; elle n’est pas adaptée à des activités à faible maturité technologique, et compte tenu de la complexité des critères ainsi que de leur incomplétude, elle ne semble pas constituer un référentiel pertinent pour y adosser un avantage fiscal.
5° Le ciblage de la fiscalité de l’innovation sur des projets à impact environnemental positif devrait passer par la mise en place d’un système d’agrément a priori. La charge administrative supplémentaire pour les entreprises pourrait dissuader les PME de recourir au dispositif du CIR, renforçant en conséquence le poids des ETI et des grandes entreprises.
6° Le CIR, dans sa forme actuelle, répond déjà en partie à la demande en biens et services « verts ». Selon Bpifrance ([165]), le nombre de start-up Greentech, recourant au dispositif du CIR, a plus que doublé entre 2020 et 2021 (800 contre 1 800) ([166]).
7° Il existe déjà un dispositif dédié – le crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte (C3IV) – qu’il convient de mobiliser.
Si à côté des financements directs, l’outil fiscal pourrait effectivement être utilisé pour augmenter le niveau de la dépense de R&D allouée par l’ensemble des secteurs de l’économie à la protection de l’environnement, il convient donc de souligner que la mise en place d’un « CIR vert » doit au préalable non seulement surmonter des difficultés d’ordre normatif (définition de ce qui relève de la R&D verte ; vérification de la compatibilité de cet instrument avec le droit européen des aides d’État, en raison du caractère sélectif qu’il introduirait ; adaptation du contrôle fiscal afin d’intégrer cette dimension nouvelle), mais également les forces d’inertie liées aux blocages à l’acceptation de la fiscalité environnementale (existence des investissements antérieurs dans la R&D « grise », réseaux etc.).
D’autres obstacles au verdissement du CIR : le poids des investissements antérieurs dans la R&D « grise » et des effets d’apprentissage et de réseaux
Les obstacles propres au poids des investissements antérieurs dans la R&D « grise » et aux effets d’apprentissage et de réseaux expliquent la faible croissance de la R&D « verte » en France. En 2018, la recherche sur la protection de l’air ambiant et du climat, la protection de l’eau, la gestion des déchets, la protection des sols et des eaux souterraines, la réduction du bruit et des vibrations, la protection des espèces et des habitats et la protection contre les rayonnements ne représentait que 11 % de la dépense intérieure de recherche, contre 8 % en 2014. L’environnement, y compris l’énergie et les transports, pesait 6 % de la dépense intérieure totale de la R&D privée, soit 2,2 milliards d’euros.
S’il admet que la mise en place d’un CIR « vert » exige préalablement la mise en place, entre autres conditions, d’un environnement juridique adapté et sécurisé, le rapporteur pour avis invite cependant à une réflexion visant à exclure du bénéfice du CIR des industries considérées comme intrinsèquement et inévitablement polluantes, sur la base d’un référentiel commun. Pour mémoire, le rapport final de la convention citoyenne pour le climat avait proposé en 2021 ([167]) d’exclure du bénéfice du CIR « les dépenses de recherche liées à la prospection, l’exploitation, le transport, la distribution et la consommation d’énergies fossiles. »
Le crédit d’impôt constitue un type d’aides publiques à un acteur privé. En l’espèce, s’agissant de R&D, la puissance publique consent à une réduction de ses recettes dans l’objectif – ou peut-être plutôt, dans l’espoir – que ce sacrifice budgétaire fasse levier pour la création de richesses supplémentaires, excédant, dans l’idéal, le coût initial consenti par l’État.
La conditionnalité des aides publiques fait l’objet d’un débat qui resurgit régulièrement sur la scène médiatique et dans le domaine politique, notamment lorsque des grands groupes annoncent la délocalisation d’unités de production et la suppression subséquente d’emplois. L’actualité récente en a encore apporté une preuve malheureuse, avec l’entreprise Sanofi qui, après avoir divisé par deux ses effectifs en R&D il y a quelques années, a annoncé en octobre dernier se séparer de son pôle de santé grand public. Or, Sanofi a perçu plus d’un milliard d’euros d’argent public au titre du CIR en dix ans, et a versé 14 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires ces trois dernières années.
La combinaison de ces trois facteurs – suppression d’emplois, augmentation des dividendes et perception de deniers publics – n’est pas acceptable. Non seulement elle coûte cher à l’État en termes de finances publiques, mais, sur un plan démocratique, elle fragilise un acteur public dont l’impuissance à maintenir l’emploi en dépit de sa contribution financière alimente le soupçon délétère que les finances publiques servent, au final, à l’enrichissement de quelques-uns – les actionnaires –, renforçant le sentiment légitime, et potentiellement dévastateur, d’une injustice systémique.
Il est donc salutaire de réguler ce phénomène, en conditionnant le bénéfice du CIR au maintien de l’emploi, sous peine, à défaut, d’obligation pour l’entreprise de rembourser les sommes perçues.
Le rapporteur pour avis entend les critiques formulées à l’encontre d’une telle mesure, lesquelles n’ont pas manqué d’être exprimées lors des auditions, tant de la part des représentants des entreprises – ce qui peut paraître légitime – que de l’administration des Finances ([168]). Notamment, il ne néglige pas les effets négatifs que pourrait avoir cette conditionnalité sur les entreprises en souffrance, faisant face à de réelles difficultés économiques, si elle s’inscrivait dans un cadre trop rigide et trop strict, sans tenir compte des phases économiques défavorables.
Mais il existe une voie de passage réaliste entre la situation actuelle, où aucune garantie n’est demandée aux entreprises en matière de maintien de l’emploi en retour d’une aide publique, et une mesure qui aboutirait à l’inévitable faillite des entreprises.
Ainsi, il est tout à fait de prévoir des garde-fous pour exclure de cette conditionnalité, de manière provisoire, les entreprises rencontrant de réelles difficultés, précisément pour ne pas précipiter leur chute.
Une telle mesure nécessiterait de déterminer précisément les conditions dans lesquelles cette conditionnalité s’appliquerait, et les dérogations possibles, dans la recherche d’un équilibre entre la lutte contre les effets d’aubaine pour certaines entreprises et le souci de ne pas fragiliser plus encore le tissu industriel français.
Les interrogations sur les conditions d’application d’une telle mesure sont nombreuses :
– détermination des catégories d’entreprises concernées (seuil plancher d’effectifs, de chiffre d’affaires, etc.) :
– détermination des catégories d’emplois à maintenir (tous, uniquement ceux affectés à la R&D, etc.) ;
– détermination de l’unité de mesure de l’emploi concerné (masse salariale, volume d’ETP, etc.) ;
– introduction d’une éventuelle pondération : par exemple, la conditionnalité serait déclenchée si la suppression d’emplois représente un certain pourcentage par rapport à l’année précédente ou à la moyenne des années précédentes ;
– détermination de la durée de l’obligation de « sanctuarisation » de l’emploi ;
– organisation du contrôle des conditions de mise en œuvre de cette mesure, etc.
Au-delà de ces questions importantes auxquelles il serait nécessaire de répondre, le rapporteur pour avis considère que l’élément déclencheur majeur de la conditionnalité doit être le comportement de l’entreprise en matière de versement de dividendes aux actionnaires. Le CIR, c’est-à-dire l’argent du contribuable français, n’a pas vocation à financer des stratégies de croissance des dividendes.
À cet égard, toutes choses étant égales par ailleurs, le rapporteur pour avis rappelle qu’une conditionnalité existe déjà dans le droit français en matière de CIR. Ainsi, l’article 244 quater B du code général des impôts impose que la prise en compte, dans le calcul de l’assiette du CIR, des dépenses de personnel afférentes aux « jeunes » ([169]) doctorants pour le double de leur montant soit conditionnée à une absence de diminution des effectifs du personnel de recherche salarié de l’entreprise par rapport à l’année précédente.
L’attention du rapporteur pour avis a été appelée sur les activités des cabinets de conseil mandatés par des entreprises sollicitant le bénéfice du CIR. Beaucoup d’entreprises en effet, particulièrement celles dépourvues de l’ingénierie suffisante en interne, font appel à des cabinets spécialisés pour les accompagner dans la constitution du dossier de demande de CIR.
Des données obtenues par le rapporteur pour avis, il ressort qu’environ 60 % des entreprises bénéficiaires du CIR seraient actuellement concernées ; par comparaison, en 2010, un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) ([170]) mentionnait des taux de 25 % à 40 %. L’augmentation du nombre d’entreprises ayant recours à ces cabinets de conseil semble donc difficile à réfuter. Ainsi, selon certains des responsables d’associations d’entreprises entendus, la complexité croissante des dossiers de CIR, et les difficultés associées au rescrit fiscal, très peu utilisé par les entreprises ([171]), expliqueraient en partie la hausse du recours à des prestataires extérieurs.
Du point de vue des entreprises, le recours à un cabinet, outre qu’il maximise les chances de bénéficier du CIR (appel à des spécialistes de la fiscalité, accès à une expertise juridique sur le CIR que l’expert‐comptable seul ne peut maîtriser, accès aux interlocuteurs pertinents dans l’administration) permet également ne pas mobiliser les chercheurs sur d’autres tâches que leur activité de R&D. Dans les plus grandes entreprises, le cabinet de conseil assure par ailleurs l’interface entre les différents acteurs concernés (fiscalistes, financiers, juristes et responsables techniques).
Le rapporteur pour avis tient cependant à rappeler certains points.
D’une part, ainsi que le constate le rapport de l’IGF de 2010, les pratiques tarifaires sont parfois abusives. Si toutes les formules tarifaires existent, il semble que le plus courant reste la rémunération à proportion du CIR obtenu pour leurs clients ; les cabinets peuvent ainsi parfois capter jusqu’à un tiers du montant CIR ([172]), voire au-delà dans certains cas ([173]).
Outre ces marges prohibitives, la mission de l’IGF de 2010 avait également souligné l’existence de clauses contractuelles défavorables aux entreprises, telles une durée d’engagement généralement élevée, parfois jusqu’à trois ans, et des contrats ne prévoyant pas la répétition de l’indu ([174]) au profit de l’entreprise, c’est-à-dire la récupération de tout ou partie des honoraires versés, en cas de redressement fiscal au titre du CIR, ou alors conditionnant le remboursement à l’épuisement des voies de recours, rendant la clause inopérante en pratique.
D’autre part, comme dans toute profession, des entreprises sont moins scrupuleuses que d’autres. Ainsi les logiques de démarchage d’entreprises peu ou mal au fait des conditions d’approbation des dossiers de CIR doivent être dénoncées, certains de ces cabinets de conseil faisant prendre le risque aux entreprises d’une obligation de reversement à l’État de sommes indûment perçues, quand la dépense de recherche déclarée n’est pas éligible.
Par exemple, il a été rapporté au rapporteur pour avis le cas de cabinets de conseil ayant démarché des agriculteurs en amont du dépôt des demandes de CIR, pour les inciter à déclarer des dépenses de R&D sur le fondement de la mise à disposition de parcelles agricoles à des entreprises réalisant effectivement de la recherche. Les services de l’État sont intervenus auprès des chambres d’agriculture ([175]). L’analyse des dossiers rejetés a montré que les éléments d’éligibilité ont été mal évalués ou sous-estimés par le prestataire, entraînant pour l’agriculteur un risque potentiel de reversement des aides perçues ([176]).
La perpétuation de certaines pratiques abusives pose la question de la régulation des activités des cabinets de conseil. Ce sujet n’est pas nouveau et quelques avancées positives ont déjà eu lieu :
– la déduction des bases de calcul du CIR du montant des dépenses engagées par les entreprises auprès de sociétés au titre de prestations de conseil pour l’octroi du bénéfice du CIR (article 244 quater B du CGI) ;
– plus largement, l’article 1744 du CGI prévoit désormais ([177]) la pénalisation d’une infraction liée à la mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale, comptable ou financière. Cette nouvelle infraction concerne notamment les intermédiaires qui proposent des montages visant à majorer indûment les charges ou à éluder tout ou partie des recettes d’une entreprise ou la réalisation de dossiers de crédits d’impôt fictif. Ces intermédiaires peuvent être des cabinets de conseil ou des structures commercialisant des montages de défiscalisation ;
– depuis 2015, une amorce d’autorégulation du secteur des cabinets de conseil en CIR, faisant suite aux propositions de la mission IGF de 2010, même si cette régulation par les pairs semble largement insuffisante.
Estimant que la réglementation des tarifs ou la délivrance d’un label par l’administration pouvait difficilement être mise en œuvre, l’IGF a invité la profession à s’autodiscipliner, à travers :
– la mise en place d’une organisation représentative des conseils, dont le rôle serait d’édicter collectivement des règles de bonne conduite pour réguler le secteur, améliorer l’information aux entreprises et éliminer les comportements prédateurs ;
– l’élaboration par cette organisation d’un contrat type (incluant notamment une clause de répétition de l’indu) et d’une grille tarifaire indicative standard (fourchettes tarifaires moyennes en fonction de la prestation et de la taille de l’entreprise) qui informeraient les entreprises des pratiques standard.
À défaut, précise l’IGF, « si la profession ne parvenait pas à rendre public un contrat‐type satisfaisant et une grille tarifaire », le MESR pourrait s’en charger lui-même au titre de sa fonction de conseil aux PME innovantes, avec l’aide des cabinets qui, à titre individuel, seraient volontaires.
Une amorce d’autorégulation du secteur a été mise en place en 2015. Le Médiateur des entreprises ([178]) référence depuis cette date les acteurs du conseil en CIR-CII (consultants, experts, organismes et cabinets de conseils proposant des prestations de conseil et/ou d’expertise en CIR-CII) volontaires ([179]).
Afin de remédier aux difficultés constatées, une « Charte des acteurs du Conseil en CIR-CII » a été élaborée conjointement par les acteurs du conseil en CIR-CII et les entreprises clientes, avec le soutien de la Médiation des entreprises. La charte formalise des pratiques à bannir et de bonnes pratiques à encourager ; elle comprend cinq devoirs et onze engagements (voir encadré ci-après).
Ce dispositif répond à une démarche volontaire des acteurs et ne s’appuie sur aucun texte normatif. À ce titre, il ne peut être opposé à l’administration pour la remise en cause de ses conclusions lors d’opérations de vérification ou de contrôle. Il est l’expression d’une volonté positive des acteurs à mettre en pratique les principes d’actions retenus collégialement comme étant une base de pratiques recommandées et vertueuses. La portée de la charte s’applique uniquement dans le cadre de la relation contractuelle existante entre les acteurs du conseil en CIR-CII et les entreprises clientes.
La « Charte des acteurs du conseil en CIR-CII »
Devoir d’information : le signataire de la Charte s’engage à en informer ses prospects et clients et à mettre la charte à leur disposition.
Devoir de sensibilisation : le signataire de la Charte s’engage à sensibiliser ses entreprises clientes aux règles fiscales applicables au CIR et/ou CII ainsi qu’aux obligations de conformité que les prospects et clients devront satisfaire et démontrer.
Devoir d’alerte : le signataire de la Charte s’engage à alerter formellement l’entreprise cliente des risques de remise en cause du CIR et/ou du CII et de toutes leurs conséquences en cas d’insuffisances ou manquements de l’entreprise cliente dûment constatés.
Devoir de protection : le signataire de la Charte s’engage à souscrire une assurance professionnelle couvrant l’ensemble des prestations fournies aux entreprises clientes.
Devoir de communication : le signataire de la Charte s’engage à collecter et analyser toutes les informations en relation avec le bon respect de la charte et de ses pratiques afin de s’inscrire dans une dynamique de progrès continu.
Tous les acteurs adhérant aux principes de la charte peuvent se porter candidats au processus de « référencement » afin de manifester leur volonté à consolider leur engagement de progrès en matière de relations contractuelles. Pour obtenir ce référencement, le candidat est évalué sur sa capacité à respecter et à faire respecter par ses clients, de façon systématique et durable, ces exigences.
Le référencement est prononcé pour trois ans par le Médiateur des entreprises, autorité de référencement, qui agit après avoir recueilli les avis du Comité de référencement. Le Comité de référencement est composé à parts égales de représentants des acteurs du conseil, des entreprises clientes et de l’administration (deux représentants chacun).
Si le rapporteur pour avis salue cette avancée par rapport à la situation antérieure, il estime néanmoins que le cadre de régulation demeure insuffisant.
Comme l’IGF en 2010, le rapporteur pour avis ne pense pas qu’il soit réaliste d’envisager un encadrement réglementaire trop strict des activités des cabinets de conseil, notamment s’agissant de leurs honoraires.
Néanmoins, plusieurs pistes de travail pourraient être explorées pour améliorer la connaissance et la régulation de ces prestataires :
1° Faire un état des lieux des pratiques actuelles de ces cabinets (en distinguant les « référencés » et les « non-référencés ») notamment en matière de rémunérations et de clauses contractuelles (par exemple, celles prévoyant la répétition de l’indu et ses conditions opérationnelles), ce qui permettrait de mieux appréhender la réalité de leurs activités ;
2° Plus et mieux sensibiliser les entreprises, en renforçant la communication à leur endroit pour rappeler l’existence des cabinets de conseil référencés ;
3° Étudier sur les plans juridique et technique, y compris budgétaire, l’hypothèse d’une labellisation (par l’administration ou par les pairs) des cabinets de conseil ;
4° Sur le plan juridique, analyser la possibilité de consacrer une forme d’obligation de résultat – laquelle existe actuellement pour certaines prestations de services – pour les cabinets de conseil en matière de CIR, ainsi que les effets de bord potentiels d’une telle mesure. L’objectif serait d’imposer aux cabinets de conseil la rétrocession obligatoire des honoraires versés par l’entreprise en cas de redressement fiscal par l’administration d’un dossier CIR, sous des conditions à déterminer. Cela aurait pour vertu de prévenir les démarchages de la part des cabinets de conseil et d’obliger ces derniers à n’instruire que les dossiers solides.
Lors de sa réunion du mercredi 23 octobre 2024 à 16 heures 30 ([180]), la commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324 – seconde partie), M. Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous poursuivons l’examen du projet de loi de finances 2025 en abordant la mission Recherche et enseignement supérieur. Nous accueillons pour la première fois M. Patrick Hetzel, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Notre Commission a désigné trois rapporteurs pour avis sur cette mission : M. Alexis Corbière pour la partie recherche, et Mmes Virginie Duby-Muller et Frédérique Meunier pour la partie enseignement supérieur et vie étudiante.
Les rapporteurs ont transmis hier la partie budgétaire de leurs avis aux membres de la Commission. Ils ont également consacré une part importante de leurs travaux à des thèmes spécifiques : le crédit d’impôt recherche pour M. Corbière, et la précarité étudiante pour Mmes Duby-Muller et Meunier.
Monsieur le ministre, quels sont vos projets concernant la réforme des bourses, dont la deuxième phase devait être mise en œuvre à la rentrée prochaine ? Par ailleurs, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour renforcer l’efficacité de la lutte contre la précarité étudiante, notamment en matière de restauration et de logement ?
M. Patrick Hetzel, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je suis heureux de vous retrouver dans le cadre de mes nouvelles fonctions.
Ma priorité sera d’adapter l’offre de formation supérieure pour mieux garantir les débouchés professionnels. La réussite étudiante doit être académique, mais aussi tournée vers l’insertion professionnelle, en intégrant les enjeux majeurs des transitions écologiques, numériques, sociétales et industrielles. Cela implique d’améliorer l’information des étudiants et lycéens dans leurs choix d’orientation, de piloter l’offre de formation et d’inciter les établissements à la transformer.
Ensuite, je vise une nouvelle phase d’autonomie des établissements d’enseignement supérieur, associée à un effort de simplification, de transparence et d’évaluation de la qualité de l’offre. La loi « liberté et responsabilité des universités » (LRU), vieille de 17 ans, a produit des évolutions qu’il convient de poursuivre. Une large réflexion sur cette nouvelle phase d’autonomie sera prochainement lancée. J’en préciserai prochainement les modalités de mise en œuvre. Avant d’aller plus loin, il est nécessaire de bien poser les enjeux pour la nation qui fournit un effort très important pour l’enseignement supérieur et la recherche.
L’offre de formation est abondante : 130 000 places restent disponibles à l’issue du processus Parcoursup. Il est légitime de s’interroger sur l’adéquation entre ces formations, les aspirations des jeunes et les besoins des milieux socio-économiques.
Mon troisième axe prioritaire consiste à renforcer l’investissement public et privé dans la recherche pour préserver la compétitivité de la France. Un véritable pacte pour la recherche sera élaboré avec tous les acteurs concernés. Les découvertes scientifiques issues de la recherche académique française alimentent un flux constant de transferts de connaissances vers le monde socio-économique, générant des innovations majeures dans des domaines tels que le quantique, l’hydrogène, les énergies vertes ou les biothérapies, qui contribuent à la richesse et au dynamisme de la France. Ce n’est pas un tabou : l’enseignement supérieur et la recherche contribuent au développement de la richesse de notre nation.
Le budget 2025 pour l’enseignement supérieur et la recherche a été élaboré dans un contexte contraint, tout en préservant le financement des priorités. Il s’inscrit dans la feuille de route gouvernementale visant à réduire le déficit budgétaire à 5 % du PIB en 2025, puis à le ramener sous les 3 % d’ici 2029.
Le budget du ministère s’élèvera à 26,8 milliards d’euros, répartis entre trois programmes : 15,3 milliards d’euros pour les formations supérieures et recherches universitaires (programme 150), 8,3 milliards d’euros pour la recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire (programme 172), et 3,2 milliards d’euros pour la vie étudiante (programme 231). Ce budget progresse de 89 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.
Sur le long terme, le budget du ministère a augmenté de 4,3 milliards d’euros entre 2017 et 2025, dont 2,7 milliards d’euros depuis l’adoption de la loi de programmation de la recherche (LPR). Cela témoigne de l’engagement important consenti par la nation pour cette politique publique essentielle à la préparation de notre avenir.
Le budget 2025 se concentre sur quatre priorités essentielles. Premièrement, nous voulons renforcer l’attractivité des carrières scientifiques et l’investissement dans la recherche. Deuxièmement, nous cherchons à améliorer la réussite des étudiants par une politique sociale ambitieuse, incluant l’amélioration de l’offre de logement, une restauration à tarifs modérés et des bourses sur critères sociaux. Troisièmement, nous souhaitons accroître la performance des établissements d’enseignement supérieur grâce à des contrats d’objectifs et de moyens pour un pilotage plus efficace. Enfin, nous poursuivrons la transformation du parc immobilier des établissements, notamment par la rénovation énergétique du parc universitaire et du réseau des Crous (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires). Des échanges sont en cours avec ma collègue Valérie Létard pour examiner la manière dont des immeubles de bureaux pourraient être transformés en logements pour étudiants.
Concernant l’attractivité des carrières scientifiques et l’investissement dans la recherche, le budget 2025 sanctuarise le cœur de la mise en œuvre de la LPR. Nous allouons 91 millions d’euros supplémentaires au programme 150 et 67 millions d’euros au programme 172. Ces fonds permettront de respecter le protocole d’accord signé le 12 octobre 2020, garantissant ainsi l’attractivité des métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche et le respect de la parole publique.
Le budget de l’Agence nationale de la recherche (ANR) est maintenu pour financer les projets de recherche dans des domaines stratégiques, tout en revalorisant l’abondement financier destiné aux établissements pour soutenir les laboratoires et les unités de recherche. De plus, le plan France 2030 investit 13 milliards d’euros, soit un quart de son enveloppe totale de 54 milliards d’euros, au profit des acteurs de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation sur la période 2020‑2027. De nouvelles actions sont en cours de mise en place pour un montant de 650 millions d’euros, destinés à un programme « recherche à risque » et au financement d’équipements, les PEPR (programmes et équipements prioritaires de recherche).
Pour améliorer la réussite et les conditions de vie des étudiants, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 renforce le soutien financier au réseau des œuvres universitaires. La subvention augmentera de 30 millions d’euros, permettant de faire face à la hausse de fréquentation des restaurants universitaires avec 2 613 places supplémentaires, tout en améliorant la qualité des repas, malgré la hausse du coût des denrées alimentaires.
Le PLF maintient également la subvention en faveur des logements du réseau des œuvres. Depuis 2018, cette dynamique a permis la création de près de 30 000 logements sociaux étudiants, dont 12 000 directement gérés par le réseau des œuvres.
Enfin, le PLF pour 2025 réaffirme son engagement envers les étudiants les plus précaires en maintenant le dispositif de repas à 1 euro, non seulement pour les étudiants boursiers, mais aussi pour ceux en situation précaire qui ne bénéficient pas du système de bourses.
Entre 2022 et 2024, le nombre de repas servis à tarif social a connu une augmentation de 17 %, révélant une problématique significative. Le total de repas pour 2024 atteint désormais 42,5 millions, contre 22 millions en 2023. Cette tendance montre un quasi-doublement, qui sera dépassé d’ici la fin de l’année.
La loi du 13 avril 2023, dite loi Lévi, assure à tous les étudiants l’accès à une offre de restauration à tarif modéré à proximité de leur lieu d’étude. Cette initiative vise à garantir une bonne couverture territoriale. Une enveloppe supplémentaire de 13 millions d’euros est prévue en 2025 pour ce dispositif, permettant à des milliers d’étudiants l’accès à des repas équilibrés à un tarif avantageux, favorisant ainsi leur réussite académique.
Nous poursuivrons le déploiement des dispositifs en faveur de l’égalité des chances. Le budget permet de poursuivre une politique d’octroi de bourses sur critères sociaux, facilitant l’accès à l’enseignement supérieur pour les étudiants les moins favorisés. Nous continuerons à financer les initiatives contribuant à la réussite et à l’insertion des étudiants, telles que les cordées de la réussite, les prêts garantis et les diplômes universitaires passerelles. L’effort pour rendre les universités plus inclusives se poursuit, notamment en matière de handicap.
L’année 2025 marquera le lancement de la troisième vague de négociation contractuelle autour des contrats d’objectifs et de moyens auprès de 55 établissements d’enseignement supérieur. Le ministère pérennise une enveloppe de 35 millions d’euros pour cette vague de contractualisation. Ces contrats offriront aux établissements davantage de latitude pour innover et répondre aux grands défis éducatifs et scientifiques de demain. Cette troisième vague sera également l’occasion d’une démarche de simplification, conformément au discours de politique générale du Premier ministre.
L’accompagnement des établissements dans leurs projets immobiliers de rénovation et de transformation constitue une autre priorité. Le ministère poursuivra son soutien aux investissements immobiliers, en mettant l’accent sur la rénovation énergétique du parc universitaire et des Crous. Cet accompagnement s’articule autour de trois dispositifs principaux : le déploiement des contrats de plan État-région, avec un investissement du ministère de 1,2 milliard d’euros ; le plan pluriannuel pour la transition écologique des bâtiments de l’État ; les dotations du plan Campus, représentant plus de 200 millions d’euros par an.
Ce projet de budget répond à une double exigence : préparer l’avenir tout en contribuant à la maîtrise des finances publiques. Bien que certains points puissent encore faire l’objet d’ajustements, nos politiques publiques sont d’ores et déjà sécurisées. Dans un contexte de raréfaction du financement public, les impulsions enclenchées par la LPR sont maintenues, même si la marche initialement prévue ne sera pas respectée en raison du nouveau contexte budgétaire. Je suis pleinement conscient de l’importance de cette question, ayant siégé parmi vous et plaidé pour un effort accru en début de période de la LPR. Cependant, il convient de replacer ces enjeux dans le contexte budgétaire actuel.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis de la mission Recherche et enseignement supérieur (Enseignement supérieur et vie étudiante). Dans un contexte budgétaire contraint, les crédits de la mission concernant l’enseignement supérieur et la vie étudiante sont globalement préservés. Je tiens à exprimer ma gratitude envers les services du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que les opérateurs, associations et acteurs auditionnés pour leur précieuse contribution à l’analyse de l’effort consenti par la nation à ce secteur si déterminant pour l’avenir de notre pays.
Deux programmes relèvent de notre avis : le programme 150 Formation supérieure et recherche universitaire et le programme 231 Vie étudiante.
Le programme 150 comporte 15,22 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 15,28 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). Par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, on constate une légère baisse en AE – 60 millions d’euros – mais une hausse plus marquée en CP – 99 millions d’euros. Cet écart s’explique par la politique immobilière menée, les investissements immobiliers nécessitant une mobilisation initiale en AE, dont le montant diminue ensuite au profit des CP lors de la réalisation des projets. Ce point est d’autant plus important que nous sommes conscients des enjeux d’entretien, de rénovation énergétique et d’investissement dans le bâti universitaire, face auxquels tous les opérateurs de l’enseignement supérieur ne sont pas égaux.
Malgré les contraintes, ce budget témoigne d’un effort significatif du Gouvernement, affirmant l’importance de l’enseignement supérieur pour notre pays. La formation des étudiants n’est nullement sacrifiée. De nombreuses actions voient même leurs crédits augmenter, notamment les formations au niveau doctorat, ce dont nous nous félicitons.
Ces crédits permettent de poursuivre le financement de certaines mesures prévues par la LPR de décembre 2020. Bien que la trajectoire initiale ne soit pas parfaitement respectée, des moyens nouveaux sont alloués pour mettre en œuvre le volet ressources humaines de cette loi, ce qui mérite d’être souligné.
Néanmoins, nous avons relevé quelques points d’alerte. L’augmentation des crédits sera en partie absorbée par l’inflation, estimée à 1,8 % en 2025, ainsi que par l’augmentation de 1 % du nombre d’étudiants, même si les établissements privés supportent une grande partie de cette dynamique. Plus qu’à une augmentation nette, le PLF pour 2025 devrait donc conduire à une stabilité des crédits de nombreuses actions.
Le budget prévoit de solliciter les opérateurs, notamment via leurs fonds de roulement, pour financer certaines mesures non compensées. L’augmentation de la contribution employeur au compte d’affectation spécial (CAS) Pensions a notamment suscité l’inquiétude des universités. Cette idée de faire contribuer les opérateurs n’est pas dénuée de fondement. Dans un contexte de détérioration des finances publiques, chacun doit participer au redressement, et cette participation constitue la contrepartie nécessaire de l’autonomie des établissements. Cependant, cette contribution ne doit en aucun cas fragiliser davantage une situation financière déjà précaire pour un nombre croissant d’universités. Cela nécessitera donc un suivi attentif en gestion de la part du Gouvernement et le Parlement devra également rester vigilant.
Concernant le programme 231, le bilan apparaît plus mitigé. Avec 3,28 milliards d’euros en AE et 3,25 milliards d’euros en CP, les crédits de ce programme diminuent de 77 millions d’euros en AE et CP, soit environ 2,3 % du total inscrit en loi de finances initiale pour 2024. Nous regrettons cette réduction, qui intervient heureusement après plusieurs années d’augmentation.
Dans le détail, tous les crédits du programme ne sont pas en baisse. Nous saluons les moyens supplémentaires alloués au financement des aides indirectes, c’est-à-dire au logement et à la restauration. Ces nouveaux moyens permettront de poursuivre nos efforts pour offrir aux étudiants la possibilité de s’alimenter sainement, en réponse notamment à l’augmentation constante de la demande de repas à 1 euro observée par le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) depuis la mise en place du dispositif. Ils permettront également la mise en œuvre effective de la loi dite Lévi de 2023, qui bénéficiera particulièrement aux étudiants ruraux, souvent éloignés des services de vie étudiante et longtemps privés d’accès à une restauration à tarifs modérés. Enfin, ces moyens permettront de poursuivre les réhabilitations et la construction de logements, bien que, sur ce point, il ressorte de nos auditions qu’un investissement plus conséquent est attendu par une majorité d’acteurs.
La baisse de crédits provient entièrement de la réduction des moyens alloués aux aides directes, c’est-à-dire aux bourses universitaires, notamment celles sur critères sociaux. Leurs crédits passeraient de 2,66 milliards d’euros à 2,54 milliards d’euros, soit une diminution de 120 millions d’euros. Nous ne pouvons pas nous en réjouir et nous comprenons que le Gouvernement anticipe une baisse du nombre de boursiers en raison de l’inflation. Nous soulignons néanmoins que cette diminution du public boursier n’est ni certaine – elle pourrait être compensée par la baisse prévisible du nombre d’apprentis dans l’enseignement supérieur – ni forcément souhaitable si elle résultait artificiellement de la seule non-indexation des barèmes. Nous attendons donc le projet de réforme des bourses, en espérant qu’il permettra d’atténuer les conséquences négatives de cette baisse de crédits.
En conclusion, le budget que nous vous présentons n’est pas parfait, aucun ne l’est. Il traduit l’effort nécessaire et responsable qu’il convient de consentir collectivement sans pour autant compromettre l’avenir de nos étudiants, tout en continuant à investir dans ce domaine essentiel qu’est l’enseignement supérieur.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis de la mission Recherche et enseignement supérieur (Enseignement supérieur et vie étudiante). Nous avons traité la question de la précarité étudiante sous l’angle des réponses apportées par les pouvoirs publics.
Les résultats du deuxième baromètre annuel sur les conditions de vie des étudiants, publiés jeudi dernier, révèlent une précarité alimentaire profondément ancrée dans la population étudiante. En 2024, plus d’un tiers des jeunes interrogés déclarent sauter des repas faute de moyens financiers.
Nos auditions ont confirmé la spécificité de cette précarité étudiante et l’importance de l’engagement de l’État, des opérateurs, des organisations et des associations dans la lutte contre ce phénomène. Bien que la précarité étudiante ne soit pas nouvelle et que les données montrent une certaine stabilité dans le temps, elle est de plus en plus identifiée par les pouvoirs publics, ce qui constitue une avancée positive. La question de la santé mentale s’est notamment révélée centrale lors des auditions et fait l’objet de mesures à saluer.
Des mesures exceptionnelles ont été mises en œuvre pendant la crise pour aider les étudiants précaires. Bien que nécessaires, leur coût invite aujourd’hui à en dresser le bilan. L’effort le plus significatif concerne probablement la restauration, et je me réjouis des nouveaux moyens prévus par le PLF pour 2025.
Concernant les bourses, nous estimons que la meilleure réponse aux interrogations légitimes serait la poursuite de la réforme entreprise en 2023. Le bilan de sa première étape est positif, ayant permis d’augmenter de 30 000 le nombre de boursiers, de soutenir les étudiants ultramarins et d’améliorer la prise en compte du handicap dans le calcul des bourses. Cependant, le système reste marqué par des effets de seuil et un manque de lisibilité qui nuisent à son efficacité. Nous accueillons favorablement les annonces du ministre concernant une deuxième phase de la réforme, dont nous attendons de connaître les contours.
D’autres pistes de réflexion émergent de notre travail. L’accès aux aides s’avère souvent difficile pour les étudiants, notamment en raison de la complexité de la gouvernance des dispositifs. Nous approuvons la réflexion sur la mise en place d’un guichet unique des aides, sans pour autant soutenir l’idée d’une solidarité à la source qui rendrait automatique le versement des aides et déresponsabiliserait les étudiants.
Nous avons également souhaité approfondir la question des différences territoriales dans le système d’aides et l’animation de la politique de vie étudiante. Trop souvent, les services de vie étudiante, financés par tous, bénéficient peu aux étudiants ruraux et défavorisés. La loi dite Lévi offre un exemple de prise en compte des inégalités territoriales en matière de restauration. Des efforts supplémentaires pourraient cependant être réalisés, notamment en matière de logement ou de transport, en collaboration avec l’opérateur du réseau des œuvres universitaires et scolaires, ainsi qu’avec les bailleurs et les collectivités territoriales.
La mobilité croissante des étudiants, en particulier entre la licence et le master, nous incite à réfléchir aux moyens de l’accompagner plus efficacement.
En conclusion, bien que ce projet de budget soit marqué par la contrainte budgétaire, nous pouvons nous féliciter que l’enseignement supérieur soit largement préservé des baisses de crédits. Les crédits augmentent même parfois significativement, comme pour l’action réservée au financement des doctorats. Nous avons exprimé nos réserves sur la baisse des crédits affectés aux bourses, mais nous sommes rassurés par l’engagement du ministre à poursuivre la réforme du système pour le rendre plus juste, plus accessible et plus lisible.
Pour toutes ces raisons, et sous réserve des amendements qui pourraient être adoptés ultérieurement, nous émettons un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur.
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis de la mission Recherche et enseignement supérieur (Recherche). Mon analyse se concentre sur les programmes relevant du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche : le programme 172 Recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire, le programme 150 Formation supérieure et recherche universitaire et son action 17 consacrée à la recherche. Il convient de noter que la majorité des crédits liés au protocole RH de la LPR ont été répartis sur d’autres actions du programme 150.
Mes observations s’appliquent à l’ensemble des crédits de la mission interministérielle de recherche et d’enseignement supérieur (Mires). Le point essentiel est la diminution de ses crédits pour 2025 de plus de 635 millions d’euros, soit une baisse de 2 % par rapport à la loi de finances initiale 2024.
Le Premier ministre a déclaré le 12 septembre dernier que l’innovation et la recherche étaient les clés de la réindustrialisation de la France et que nous devions redevenir une terre de production industrielle avec des ouvriers, des ingénieurs et des chercheurs. Cependant, la réalité budgétaire contredit ces ambitions.
Le budget de la recherche pour 2025 affiche une augmentation en trompe-l’œil, très faible, presque insignifiante. Le programme 172 connaîtrait une hausse maximale de 0,68 %, soit environ 58 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2024. La comparaison avec le budget 2024 est édifiante : entre 2023 et 2024, ce même programme avait augmenté de 6,84 %, soit plus de 550 millions d’euros – dix fois plus que ce qui est proposé pour 2025.
L’action 17 du programme 150 baisse en valeur nominale de 0,89 %, soit environ 38 millions d’euros. Il s’agit donc d’une baisse réelle. La recherche n’apparaît pas comme une priorité, mais plutôt comme la cible de restrictions budgétaires.
La LPR est compromise. Contrairement aux affirmations du Gouvernement, la programmation budgétaire inscrite dans la LPR n’a pas été respectée. Pour le programme 172, la LPR prévoyait entre 2024 et 2025 une marche de croissance de 346 millions d’euros. La hausse actuelle de 58 millions d’euros dans le PLF ne représente que 17 % de la marche prévue. Même en retenant le chiffre de 67 millions d’euros avancé par le ministère, nous n’atteignons que 20 % de l’objectif initial de la LPR.
Cette situation n’est pas propre au programme 172. Le programme de recherche spatiale, bien que ne relevant pas de la compétence du ministre de l’enseignement supérieur, illustre également ce décalage : sur les 31 millions d’euros prévus par la LPR, seuls 15 millions d’euros sont budgétés, soit 50 %.
Au total, sur les 501 millions d’euros prévus par la LPR pour les trois programmes au titre de l’année 2025, moins de 169 millions d’euros ont été inscrits dans le PLF, soit environ un tiers de l’effort annoncé et voté par le Parlement. Ce décrochage par rapport à la LPR menace le financement de projets de recherche, d’infrastructures, de matériel et d’emplois.
Un autre point préoccupant, déjà soulevé dans des rapports précédents, concerne les problèmes structurels des opérateurs de recherche. Comme en 2024, seuls 50 % du surcoût lié aux mesures de revalorisation indiciaire – dites mesures Guerini – sont pris en compte dans le budget. Ces mesures ne sont pas compensées dans le cadre des subventions pour charges de service allouées aux opérateurs de recherche. Bien que nécessaires, ces revalorisations non intégrées contraignent les acteurs de la recherche à réduire leurs engagements, voire à puiser dans leur trésorerie, ce qui n’est pas viable à long terme.
Les responsables d’opérateurs de recherche auditionnés ont clairement indiqué que l’absence de compensation pour 2025 entraînerait inévitablement des mesures d’économies affectant directement la recherche menée dans les laboratoires.
Cette pression budgétaire sur les opérateurs publics de la recherche est d’autant moins acceptable que parallèlement la nation rétrocède plus de 7 milliards d’euros à la recherche privée sous la forme du crédit d’impôt recherche (CIR), en particulier aux plus grandes entreprises.
Dans mon avis budgétaire, j’ai en effet souhaité me concentrer sur le crédit d’impôt recherche, une dépense fiscale parmi les plus coûteuses pour l’État. Selon les dernières données, 7,25 milliards d’euros y seraient consacrés, pour les trois dispositifs qui le composent. Le CIR, créé en 1983, représente 95 % des créances, tandis que le crédit d’impôt innovation (CII) et celui portant sur les dépenses de collection dans le textile et l’habillement (CIC) ne représentent que quelques dizaines de millions d’euros.
Dans le contexte budgétaire tendu actuel, cette niche fiscale doit être remise en question, voire supprimée ou réorganisée. Je ne suis pas le seul à m’interroger sur sa pertinence et son rééquilibrage : une quarantaine d’amendements sont prévus en Commission des finances visant à la réformer ou à la supprimer. De nombreux organismes publics et des économistes l’ont critiquée, notamment France Stratégie, l’Inspection générale des finances ou encore l’Assemblée nationale.
Le coût du CIR pour l’État est considérable, atteignant près de 7 milliards d’euros aujourd’hui, contre seulement 2 milliards d’euros avant la réforme de 2008. L’État finance plus de 20 % des dépenses de la R&D privées via des incitations fiscales, contre 6 % en moyenne au sein de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). À titre de comparaison, le programme 172, principal budget de la recherche publique, s’élève à 8,26 milliards d’euros en crédits de paiement dans le PLF pour 2025.
La répartition de la créance entre les entreprises soulève des questions. Sur les 16 500 entreprises bénéficiaires, moins de 500 accaparent 40 % de la créance. Cette concentration est liée au volume d’investissement en R&D, l’assiette étant principalement basée sur la masse salariale des chercheurs.
La réforme de 2008 a modifié le calcul de l’assiette, passant de la croissance des dépenses en R&D d’une année sur l’autre à la prise en compte du volume total d’investissements. Cette réforme a introduit des paramètres généreux : un taux de 30 % appliqué à l’assiette retenue et un plafond de dépenses en R&D de 100 millions d’euros. En comparaison, l’Allemagne a fixé ce plafond à 4 millions d’euros.
Des amendements proposent la suppression du CIR, mais des solutions intermédiaires pourraient corriger les effets d’aubaine actuels, comme la baisse du plafond des dépenses, l’introduction d’une « barémisation » ou la régulation de l’activité des cabinets de conseil.
Au vu de ces éléments, je donne un avis défavorable sur le projet de budget de la recherche pour 2025.
M. Pierre Henriet, rapporteur spécial de la mission Recherche et enseignement supérieur (Recherche). Je souhaite présenter les premières observations que mon collègue co‑rapporteur, Mickaël Bouloux, et moi-même tirons de l’examen du PLF pour 2025 concernant les programmes 172, 190, 193 et 142 de la Mires. Le total des dotations demandées par le Gouvernement s’élève à 13,2 milliards d’euros en AE et 12,7 milliards d’euros en CP. Comparé à 2024, cela représente une baisse de 3,6 % des AE et de 4,3 % des CP.
Cette diminution s’explique principalement par deux mesures. D’une part, une mesure de périmètre avec la suppression de la dotation du programme 190 pour l’Institut de de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui fusionnera en 2025 avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour former l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). D’autre part, la suppression du dispositif Jeune entreprise innovante pour lequel le programme 192 versait une compensation de 300 millions d’euros à la Sécurité sociale.
J’attire votre attention sur le programme 172, en légère augmentation par rapport à 2024. Avec 8,7 milliards d’euros demandés pour 2025, ce programme constitue le principal vecteur de financement de la recherche publique en France. Les crédits de ce programme font l’objet d’une loi de programmation, la LPR, qui a établi un cadre légal de revalorisation des carrières des chercheurs et d’augmentation pluriannuelle du budget de l’ANR.
Le PLF pour 2025 prévoit une augmentation des crédits du programme 172 de 67 millions d’euros à périmètre constant. Cette hausse, bien que positive, reste inférieure à ce que l’annuité 2025 de la LPR prévoyait, à savoir une augmentation de 346 millions d’euros. Ces nouveaux crédits, entièrement destinés aux organismes de recherche, permettront de poursuivre les mesures de revalorisation salariale prévues par la LPR et de mettre en œuvre les contrats d’objectifs, de moyens et de performance des organismes. Cependant, ils représentent une progression moindre par rapport à la LPR.
Cette progression réduite affecte principalement le budget de l’ANR. La LPR prévoit une trajectoire dynamique de cette dotation afin d’atteindre un taux de sélection de 30 % sur ses appels à projets à l’horizon 2027. Cette trajectoire a été construite de façon pluriannuelle pour que les AE soient plus importantes que les CP. Le PLF pour 2025 maintient la progression des AE, bien qu’à un niveau inférieur de 30 millions d’euros à ce que prévoit la LPR, mais les crédits de paiement prévus en 2025 restent inchangés par rapport à 2024.
En conséquence, j’attire votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que l’ANR devra puiser dans sa trésorerie, déjà réduite par le décret d’annulation de février 2024, pour honorer les AE passées. L’agence pourrait être contrainte de reporter – voire d’annuler – une partie de ses appels à projets. Nous nous inquiétons des répercussions potentielles de ce report, alors que la France peine à maintenir sa position parmi les pays leaders en matière de recherche et d’innovation.
Plus largement, le PLF pour 2025 suscite des craintes quant à une remise en cause durable de la LPR. L’augmentation limitée des crédits imposera un pilotage rigoureux des organismes de recherche, les exposant à des aléas conjoncturels comme ceux rencontrés en 2023 face à l’inflation ou à la non-prise en compte de la participation au CAS Pensions.
Pour 2026 et 2027, le PLF pour 2025 prévoit des hausses respectives de 198 et 172 millions d’euros, correspondant à de nouvelles demi-marches de la LPR. Si cette tendance se confirmait, l’effort prévu par la LPR serait sérieusement compromis, contraignant les organismes nationaux de recherche (ONR) à réduire leur trésorerie et à reporter des projets de recherche et des recrutements de chercheurs.
En 2025, hormis l’Institut national d’études démographiques (Ined), tous les organismes de recherche du programme 172 bénéficieront d’une dotation stable ou en légère hausse. Les augmentations les plus significatives concernent les principaux opérateurs : Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Institut national de la recherche agronomique (Inrae) et Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). Ces hausses visent principalement à mettre en œuvre les mesures relatives aux ressources humaines de la LPR pour renforcer l’attractivité des carrières.
Concernant les autres programmes, le programme 193 Recherche spatiale progresse de 15 millions d’euros, soit une demi-marche par rapport à la trajectoire fixée par la LPR qui prévoyait 31 millions d’euros. La subvention totale allouée au Centre national d’études spatiales (Cnes) via ce programme s’élève à 797 millions d’euros, soit une augmentation de 27 millions d’euros par rapport à 2024.
Le programme 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité subit une forte baisse, expliquée aux trois quarts par la sortie de l’IRSN, et pour le quart restant par la réduction des crédits de l’action 16 affectant la dotation du CEA.
Le programme 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle connaît la baisse la plus importante, sa dotation étant divisée par deux. Cette diminution résulte de la suppression des exonérations sociales pour les jeunes entreprises innovantes, représentant 300 millions d’euros, ce qui affectera considérablement l’innovation en France.
Enfin, le programme 191 Recherche duale demeure stable.
En conclusion, mon co-rapporteur et moi-même soulignons que ce PLF pour 2025 marque une rupture dans la progression du budget de la recherche. Si le secteur de la recherche doit contribuer à l’effort de redressement des comptes publics, nous espérons que les avancées de la LPR seront pérennisées, notamment la revalorisation des carrières et l’augmentation des financements de l’ANR.
M. Arnaud Sanvert (RN). La précarité étudiante est devenue une réalité alarmante. Près de 56 % des étudiants indiquent ne pas manger à leur faim et 19 % d’entre eux sont contraints de sauter régulièrement des repas. La mesure des repas à 1 euro est salutaire pour les étudiants boursiers, mais elle ne concerne qu’une partie de la population étudiante. À l’heure où le coût de la vie pour un étudiant dépasse souvent 1 000 euros par mois, les difficultés deviennent insupportables.
Le logement, véritable gouffre financier, ne fait qu’accentuer cette précarité. Avec 250 000 logements manquants, nombreux sont ceux qui sont dans des situations précaires ou contraints de payer des loyers exorbitants dans le parc privé. Malheureusement, le PLF pour 2025 ne prévoit pas de solution suffisante pour combler ce déficit.
Sur le plan de l’excellence, nos universités continuent de reculer dans les classements internationaux. Il devient de plus en plus évident que le budget consacré à la recherche et à l’enseignement supérieur en France est insuffisant. Le PLF pour 2025 prévoit une augmentation minimale des crédits, loin de compenser les besoins en infrastructures et en ressources humaines, alors même que des pays voisins investissent massivement dans ces secteurs.
La sécurité dans nos universités est un enjeu majeur qui ne peut être ignoré. En 2024, des étudiants ont rapporté des agressions physiques et verbales. De plus, les violences sexuelles et sexistes continuent d’affecter gravement les campus, des enquêtes révélant qu’un étudiant sur dix en a été victime. Il devient urgent de renforcer les systèmes de sécurité sur les campus, avec l’installation de caméras, le déploiement de dispositifs de sécurité humaine et, surtout, la mise en place d’un cadre juridique plus strict pour protéger les étudiants.
L’essor des réseaux de harcèlement et des conflits idéologiques, parfois soutenus par des syndicats d’étudiants radicaux, doit également être pris en compte. L’université doit rester un lieu de savoir où la sécurité de chacun est garantie.
Monsieur le ministre, nos grandes écoles, telles que Sciences Po, bénéficient de financements considérables, mais sont également au cœur de polémiques grandissantes sur le communautarisme et les idéologies de certains syndicats étudiants d’extrême gauche. Ces établissements, qui devraient être les fleurons de notre enseignement supérieur, sont accusés de promouvoir des visions partisanes et de favoriser un repli idéologique.
Face à cette violence, quelles mesures comptez-vous prendre contre les groupes qui gangrènent ces universités et ces écoles ?
Enfin, une réflexion doit être menée sur les filières universitaires, dites saturées, qui n’offrent que peu ou pas de débouchés. En 2023, des secteurs essentiels, comme les technologies de pointe, par exemple Framatome en Saône-et-Loire, spécialiste du nucléaire, ou la transition énergétique, manquaient cruellement de jeunes talents.
Pourquoi continuez-vous à ouvrir autant de places dans des filières sans avenir professionnel, alors que des secteurs d’avenir sont en pénurie de main-d’œuvre ?
M. Bertrand Sorre (EPR). Monsieur le ministre, à l’occasion de votre première audition par notre Commission, je tiens, au nom du groupe EPR, à vous souhaiter une pleine réussite à la tête de ce grand ministère.
La mission Recherche et enseignement supérieur représente pour 2025 un des plus importants budgets de l’État, avec 31,3 milliards d’euros, malgré une très légère diminution de ses crédits par rapport à la loi de finances pour 2024 –31,43 milliards d’euros.
Cette mission budgétaire poursuit deux objectifs. Le premier est l’accompagnement, la réussite et l’amélioration de la vie étudiante. À cet effet, le budget consacré aux établissements d’enseignement supérieur voit ses crédits augmenter de 100 millions d’euros par rapport à la loi de finances précédente, pour un budget porté à 15,8 milliards d’euros.
Le dispositif de repas à 1 euro pour les étudiants précaires et boursiers sera maintenu. Le nombre de repas servis ayant augmenté pendant l’année universitaire précédente, 2023-2024, vous avez choisi d’augmenter la subvention versée aux Crous. Une enveloppe de 38 millions d’euros doit permettre à tous les étudiants de bénéficier, à proximité immédiate de leur lieu d’études ou de formation, de services de restauration aidés et à un prix modéré.
L’amélioration de la vie étudiante passe également par le bien-logement. Nous notons avec une certaine satisfaction la perspective de cette réhabilitation de douze mille places d’hébergement étudiant.
Le second objectif est la poursuite de la montée en charge de la LPR prévue entre 2021 et 2030. Après un effort budgétaire cumulé de 1,8 milliard d’euros entre 2020 et 2024, ce budget poursuit bien sa montée en charge, avec des moyens supplémentaires, par exemple pour la revalorisation nécessaire de l’indemnité annuelle à destination des personnels de recherche. L’année 2025 est donc la cinquième année de la LPR voulue par le Président de la République.
L’objectif visé est de donner à la recherche les leviers nécessaires pour relever les principaux défis scientifiques de demain dans les domaines de la transition écologique, du numérique, du spatial ou de la santé publique. Ces crédits doivent permettre de continuer à renforcer le rôle de la France dans le domaine de la recherche au niveau international.
Comment entendez-vous concilier ces investissements ambitieux avec la nécessaire maîtrise des finances publiques, alors que certaines missions, comme le soutien à l’innovation scientifique ou la recherche sur les risques nucléaires, subissent des baisses ?
Comment l’enveloppe de 38 millions d’euros sera-t-elle déployée pour que les étudiants boursiers ou précaires qui ne peuvent pas se restaurer dans des restaurants universitaires trop éloignés géographiquement puissent bénéficier du service de restauration aidé à un prix modéré ?
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Monsieur le ministre, ce n’est pas un hasard si vous êtes devant nous aujourd’hui. Vous êtes le fossoyeur des universités ; vous, le maître d’œuvre de la LRU, le promoteur de la collusion entre les entreprises et les universités, le défenseur de la sélection ; vous, le sceptique de la science, prêt à défendre l’usage de l’hydroxychloroquine pendant le covid-19, alors même que la science le réfute ; vous, le censeur en chef, parti en croisade contre la liberté d’expression face aux étudiants et aux chercheurs qui défendent simplement la paix en Palestine et la liberté académique.
Votre premier geste envers les étudiants : vous afficher fièrement au congrès de l’Union nationale inter-universitaire (UNI), ce groupe identitaire, régulièrement dénoncé pour ses accointances avec le Rassemblement national et des mouvements plus violents encore.
Monsieur le fossoyeur de l’université, vous aimez à présenter la recherche comme un investissement. Votre expérience dans le marketing n’est pas suffisante pour cacher l’austérité que vous organisez consciencieusement. Vous annoncez un budget en hausse. Or, c’est faux : vous manipulez sciemment les crédits alloués aux programmes.
Le budget réel de l’enseignement supérieur et de la recherche est en baisse de 553 millions d’euros, soit l’équivalent du budget de deux grosses universités. En prenant en compte les effets de l’inflation, la baisse serait de 1,3 milliard en euros constants.
Que proposez-vous pour l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche ? Toujours plus de libéralisation en concentrant les moyens en fonction de quelques critères de performance inutiles, au détriment des étudiants, des personnels et de la recherche ?
Soixante universités annoncent aujourd’hui être en déficit. Elles étaient quinze en 2022. Désormais, 31 % des cours sont assurés par des vacataires précaires et les chercheurs perdent un temps précieux à répondre aux interminables appels à projets. Les coûts supplémentaires qu’ils induisent rendent le système de mise en concurrence absurde, puisque les universités doivent dépenser 1,50 euro pour obtenir à peine 1 euro de financement, aberration libérale !
Les étudiants payent le prix fort : sélection accrue, suppression d’heures de cours, travaux dirigés (TD) surchargés, baisse du nombre de boursiers et reproduction sociale.
Votre budget n’annonce rien de bon pour la suite. Vous proposez un horizon de misère et d’effondrement du service public, tandis que le mien est celui d’une université émancipatrice, où la recherche est au service de l’intérêt commun et où l’enseignement supérieur est un droit et non un privilège.
C’est dans cette philosophie que s’inscrivent nos amendements qui construisent un enseignement supérieur et une recherche où les universités seront financées de façon pérenne et suffisante, où les fonctionnaires seront payés et disposeront des moyens de mener en profondeur leurs recherches, où les vacataires et les contractuels seront titularisés, tandis que les doctorants seront protégés et les étudiants auront les moyens, grâce à la garantie d’autonomie, de suivre des enseignements de qualité dans la filière de leur choix, sans se préoccuper de leurs conditions matérielles d’existence.
Monsieur le fossoyeur de l’université, vous n’êtes pas là par hasard, mais pour achever l’université une bonne fois pour toutes et laisser place propre au privé lucratif.
Nous ne vous laisserons pas faire. Ce que vous détruisez aujourd’hui, nous le reconstruirons demain, car vous ne serez bientôt plus là.
M. Pierrick Courbon (SOC). Il aurait sans doute été utile, monsieur le ministre, de vous entendre en amont de la présentation du budget, mais votre nomination tardive et le calendrier bousculé d’élaboration de ce PLF ne l’a pas permis, d’autant plus qu’à la représentation nationale vous avez préféré d’autres interlocuteurs, réservant votre première sortie de ministre à un syndicat étudiant d’extrême droite, ce qui restera une tache indélébile sur votre ministère.
Comme notre rapporteur pour avis le signale, les crédits en faveur de la recherche marquent une rupture par rapport à la trajectoire inscrite dans la LPR. Si le Parlement ne réussissait pas à inverser le texte, la LPR serait la seule loi de programmation non respectée. Vous dites que vous préservez le cœur de cette loi mais, par définition, quand on préserve le cœur on ne se soucie pas des autres organes.
Un tel choix risque d’accroître le retard français sur les autres nations scientifiques, tandis que la recherche privée, en particulier via le CIR non ciblé, va continuer, sans réelle évaluation, à bénéficier de 7 milliards d’euros, pour des effets scientifiques incertains selon la Cour des comptes. Nous déposerons donc des amendements afin de corriger les orientations inquiétantes de ce programme.
Concernant l’enseignement supérieur et la vie étudiante, nous constatons également que les crédits sont largement insuffisants au regard des besoins. Ils ne prennent en compte ni l’inflation ni l’augmentation de la population étudiante qui dépassera 3 millions à la rentrée 2025.
La situation budgétaire de nos universités est alarmante, j’ai eu l’occasion de le dire au directeur général de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip) la semaine dernière. Nombre d’entre elles sont déjà en situation de déficit. Après un gel des crédits inédits opérés en 2024, les nouvelles augmentations de charges non compensées représentent plus de 500 millions d’euros en 2025 et excèdent largement la capacité budgétaire et financière de l’immense majorité des établissements. La non-compensation des mesures dite Guérini représente 130 millions d’euros, le relèvement de quatre points du taux du CAS Pensions 180 millions d’euros.
Cette situation intenable conduira des établissements à effectuer des coupes drastiques, soit dans les ressources humaines, soit dans leurs investissements, voire à fermer des sites universitaires dans les territoires. Nous proposerons des amendements afin de défendre concrètement nos universités.
L’hypothèse évoquée par certains d’augmentation des frais de scolarité est absolument inenvisageable pour nous.
Enfin, sur la situation de nos étudiants, le diagnostic est connu et partagé, mais le compte n’y est pas en termes d’accès au logement, d’accès à une alimentation de qualité, d’accès aux soins, au service de la santé physique et mentale des jeunes.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de la mission.
Mme Pascale Bay (DR). Monsieur le ministre, nous vous sommes reconnaissants d’avoir obtenu une hausse de presque 100 millions d’euros de crédits en faveur du financement des établissements d’enseignement supérieur, mais les prévisions sont moins satisfaisantes pour le programme vie étudiante.
La réduction du budget de 2,3 %, résultant notamment de la non-indexation du plafond de revenus donnant droit à une bourse par rapport à l’inflation, suscite des inquiétudes, particulièrement au regard des conditions de vie précaires de nos étudiants.
Concernant les crédits alloués à la recherche, nous constatons une baisse budgétaire et un non-respect des trajectoires prévues par la LPR. Toutefois, le rapporteur Corbière reconnaît que le Gouvernement semble avoir maintenu la priorité sur l’attractivité des carrières. Nous approuvons cette décision de revalorisation salariale.
Par ailleurs, nous partageons les préoccupations du rapporteur quant à la pression de l’inflation et des coûts salariaux sur les opérateurs publics de recherche. Nous veillerons à ce que l’inflation n’affecte pas excessivement nos organismes de recherche.
J’aimerais vous interroger sur vos projets futurs pour l’université et la recherche. Vous avez identifié l’enjeu majeur que représente la précarité étudiante. Une étude Ifop publiée le 17 octobre dernier révèle une situation alarmante pour la rentrée 2024 : précarité alimentaire, méconnaissance des aides, problèmes de logement et de santé mentale. À titre d’exemple, près d’un quart des étudiants a consulté un psychologue au cours de l’année écoulée, mais seuls 37 % ont eu recours aux dispositifs santé-psy étudiant. La lutte contre le non-recours et la méconnaissance des dispositifs étatiques doit donc être prioritaire. Ces conditions de vie précaires entravent la formation sereine des étudiants. Comment envisagez-vous de remédier à ces situations ?
L’insertion professionnelle occupe une place centrale dans votre projet. Vous proposez de développer l’orientation et l’information des étudiants en impliquant des acteurs du monde professionnel, d’offrir une aide à l’insertion et de financer une enquête sur le sujet.
Malgré des indicateurs d’insertion professionnelle encourageants, des améliorations restent possibles. La recherche d’emploi post-études demeure un parcours complexe dans lequel de nombreux jeunes se retrouvent isolés. De plus, face aux tensions dans certains secteurs, le Gouvernement doit œuvrer pour une meilleure orientation et insertion des étudiants dans les métiers en demande.
Dans un contexte de contraintes budgétaires, quelles mesures ou réformes envisagez-vous, monsieur le ministre, pour accroître le taux d’insertion professionnelle et accompagner les jeunes dans leur recherche d’emploi ?
M. Alexis Corbière (EcoS). Monsieur le ministre, le 10 octobre dernier, vous avez qualifié ce budget d’exemplaire puisqu’il répondait à la double exigence de préparer l’avenir, tout en contribuant à la maîtrise des finances publiques. La réalité est assez éloignée. Malheureusement pour nos étudiants, l’enseignement supérieur n’échappe pas à la purge budgétaire que vous imposez à l’ensemble de nos concitoyens et qui affecte en particulier nos services publics. L’augmentation de 0,65 % du budget que vous nous présentez est en réalité bien en deçà du taux d’inflation et insuffisante au regard du manque d’investissement de nos universités depuis des années. C’est un trompe-l’œil. C’est votre prédécesseur qui en parle le mieux en le qualifiant d’irréaliste, voire de dangereux.
Je dénonce ce coup d’arrêt à la réforme des aides sociales étudiantes alors que, depuis 2017, le coût de la vie a augmenté de 25,5 % pour les étudiants. Les 38 millions d’euros alloués au financement de la restauration étudiante, que vous présentez comme une avancée significative, s’avèrent en réalité largement insuffisants face à l’absence de revalorisation des montants des bourses et des barèmes de calcul.
Le budget des bourses accuse une baisse de 120 millions d’euros, ce qui risque d’aggraver la crise sociale, sachant que seuls 37,7 % des étudiants éligibles sont couverts par le système des bourses, qu’un étudiant sur cinq a recours à l’aide alimentaire et que 27 % disposent de moins de 50 euros pour vivre. Les Crous ne peuvent héberger qu’un quart des 615 000 étudiants boursiers, tandis que les loyers du parc privé ont augmenté de près de 160 % depuis 1990.
Vous ne prévoyez que le maintien des crédits pour la rénovation de 12 000 logements Crous. Le budget d’investissement immobilier a diminué, alors que l’insalubrité des résidences universitaires et la dégradation générale des universités constituent des problèmes urgents. La promesse du président Macron de créer 60 000 logements d’ici 2022 n’est réalisée qu’à hauteur de 5 %. Le désengagement total de l’État aggrave la dégradation du bâti universitaire.
En février dernier, 900 millions d’euros de crédits destinés à l’enseignement supérieur ont été annulés. Le financement insuffisant prévu par le budget place la majorité des universités dans une situation critique. Sur 74 universités, 60 se déclarent en déficit. Cette défaillance économique ouvre parfois la porte à l’intrusion de lobbys, comme cela a failli être le cas avec LVMH.
Votre politique renforce les mécanismes de sélection sociale, notamment à travers Parcoursup ou Mon Master, alors que le taux de réussite en première année de licence est passé de 55 % en 2020 à seulement 44,1 % aujourd’hui. Votre budget va accentuer la détérioration de l’enseignement supérieur. Je considère que les études ne doivent pas devenir un privilège réservé à une minorité. S’engager dans des études supérieures devient de plus en plus ardu, et votre budget ne fera qu’aggraver la situation de nos étudiants. C’est pourquoi le groupe Écologiste et social votera contre ce budget.
Mme Delphine Lingemann (Dem). Le budget 2025 alloue à la mission Recherche et enseignement supérieur 33,3 milliards d’euros dans sa dimension interministérielle, dont 26,8 milliards d’euros pour le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, en hausse de 89 millions d’euros par rapport 2023. Nous saluons cette augmentation.
Malgré un contexte budgétaire contraint, ces moyens permettront d’améliorer la réussite et les conditions de vie des étudiants, ainsi que de poursuivre l’accompagnement financier des établissements dans leurs projets immobiliers de rénovation et de transformation.
Notre groupe souhaite néanmoins souligner trois points de vigilance. Premièrement, la trajectoire de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche ne conserve qu’un tiers de sa marche initiale, alors qu’un seuil de 3 % du PIB dédié à la recherche, dont 1 % pour la recherche publique, avait été fixé. Dans la continuité des travaux menés par notre collègue Philippe Berta sous la précédente législature, nous regrettons que cette trajectoire ne soit pas respectée.
La situation budgétaire de nos universités s’avère préoccupante, avec de nouvelles augmentations de charges non compensées s’élevant à plus de 300 millions d’euros, notamment la revalorisation du point d’indice et le relèvement du taux du CAS Pensions. Ces difficultés budgétaires risquent d’affecter le maillage territorial des sites universitaires, pourtant essentiels à l’égalité des chances.
La question de la réforme des bourses demeure en suspens. Des évolutions du système de bourse sur critères sociaux sont attendues par les étudiants. Un premier acte de la réforme des bourses a été réalisé en 2023, avec 500 millions d’euros pour augmenter leur montant et rehausser le barème des revenus de référence. Cependant, le volet structurel de la réforme n’a pas encore vu le jour.
Concernant cette nécessaire réforme des bourses, alors que nous devons apporter des réponses à la précarité des étudiants, pouvez-vous nous présenter votre feuille de route sur le fond et selon quel calendrier ?
Quant au modèle économique de nos universités, quels sont les autres leviers financiers envisageables ?
Enfin, sur le volet de la programmation de la recherche, dans un environnement international compétitif où l’innovation dépend de l’excellence de notre recherche universitaire, quelles garanties pouvez-vous apporter à nos chercheurs pour les soutenir dans leur mission ?
Mme Isabelle Rauch (HOR). Je remercie mes collègues Virginie Duby-Muller, Frédérique Meunier et Alexis Corbière pour leurs travaux.
Nous partageons la conviction que l’enseignement supérieur constitue un pilier de notre société et la clé de voûte de notre avenir commun. Son rôle s’avère central face aux défis actuels et futurs.
La mission Recherche et enseignement supérieur représente l’un des budgets les plus conséquents de l’État, avec près de 32 milliards d’euros de crédits prévus pour 2025. Cependant, nous sommes confrontés à un exercice exigeant qui requiert un sens collectif des responsabilités. Les contraintes budgétaires nous imposent de nous concentrer sur certains fondamentaux.
Je considère comme essentielles la dynamique des crédits en corrélation avec la démographie étudiante selon les niveaux d’études, ainsi que l’amélioration des rémunérations des doctorants. La vie des campus me semble également primordiale, notamment les moyens déployés en faveur du logement et de la restauration étudiante, afin de répondre à la demande croissante et aux besoins sociaux.
Dans un contexte budgétaire contraint, vous avez dû effectuer des arbitrages. Lorsque des économies s’imposent, il est logique, à l’instar d’un ménage, de différer certains investissements importants. Je comprends la nécessité d’investir massivement dans le bâti universitaire, notamment pour maîtriser les coûts énergétiques. Il me paraît raisonnable de reporter certaines opérations, tout en veillant à ce que ce délai ne soit pas excessif, particulièrement dans une période où les charges pesant sur les établissements universitaires seront conséquentes.
En revanche, avec mes collègues du groupe Horizon et indépendants, nous souhaitons, à l’instar des rapporteures Virginie Duby-Muller et Frédérique Meunier, vous alerter sur la nécessité de finaliser, dès que possible, la refonte du système des bourses sur critères sociaux. Il s’agit d’un engagement majeur envers notre jeunesse, au même titre que la garantie d’un repas à 1 euro et l’indexation des aides directes sur l’inflation.
Enfin, nous croyons au respect de la parole donnée. À cet égard, nous constatons que le projet de loi de finances maintient partiellement la trajectoire de la loi de programmation pour la recherche, dont l’objectif est de doter la recherche française des moyens nécessaires pour relever les défis scientifiques des prochaines décennies. Cependant, le PLF 2025 prévoit un ralentissement de l’augmentation des crédits alloués à cette mission, en deçà de la trajectoire votée en 2020. Ainsi, nous souhaitons que soient présentées en détail les justifications de ces choix budgétaires, dont dépendra notre vote sur cette mission budgétaire.
M. Joël Bruneau (LIOT). Concernant l’évolution des crédits alloués à la recherche, il convient de souligner que la recherche publique et la recherche privée doivent progresser de concert. Si la recherche privée se focalise principalement sur la recherche appliquée, seule la recherche publique peut assurer le développement de la recherche fondamentale. Au cours de la dernière décennie, les crédits dédiés à la recherche publique ont augmenté de 20 % en France, contre 40 % en Allemagne. Cette différence soulève la question de la relation entre le soutien à la recherche et la performance industrielle d’un pays.
Par ailleurs, la situation des étudiants en matière d’orientation et d’insertion professionnelle soulève des interrogations. Je m’interroge notamment sur l’efficacité du passage du diplôme universitaire de technologie (DUT) au bachelor universitaire de technologie (BUT) en trois ans en termes d’insertion sur le marché du travail.
De plus, comment expliquer que le taux d’obtention d’une licence en trois ou quatre ans demeure inférieur à 50 % ?
Enfin, concernant le statut des universités ayant opté pour la dévolution du patrimoine, cette mesure peut permettre à certains établissements de valoriser celui-ci pour financer des investissements liés à la réussite étudiante ou au soutien à la recherche. Cependant, les conditions de cette dévolution diffèrent selon les vagues de mise en œuvre. La première vague a bénéficié d’un soutien de l’État, contrairement à la seconde. De plus, les laboratoires de recherche ne sont pas éligibles à ce système et les universités ayant bénéficié de cette dévolution ne peuvent pas accéder au fonds de compensation de la TVA ni déléguer la maîtrise d’ouvrage à une collectivité pour leurs investissements. Ces disparités méritent une attention particulière.
M. Frédéric Maillot (GDR). Je souhaite exprimer mon inquiétude concernant le projet de loi de finances 2025, en particulier pour la mission Enseignement supérieur et recherche. Bien que vous affirmiez préserver le financement des priorités, ce budget s’avère le plus faible depuis deux décennies. Il est notamment préoccupant de constater que le programme Vie étudiante, relevant du ministère de l’enseignement, subit une réduction de 77 millions d’euros.
La diminution des bourses étudiantes m’interpelle. En tant que représentant des étudiants réunionnais, dont la majorité se situe aux échelons 6 et 7 – témoignant d’un taux de précarité élevé – je m’interroge sur la pertinence de cette mesure. Le budget alloué aux bourses sur critères sociaux passe de 2,4 milliards d’euros en 2024 à 2,3 milliards d’euros cette année, soit une baisse d’environ 120 millions d’euros. Ces économies affectent directement des étudiants déjà en difficulté financière.
Pour améliorer véritablement la situation des étudiants, je vous invite à soutenir nos amendements visant à revaloriser les bourses, ainsi que notre amendement d’appel pour l’instauration d’un revenu étudiant garantissant leur autonomie.
Ces restrictions budgétaires semblent inopportunes, d’autant plus que nous faisons face à des défis majeurs, notamment en matière de logement étudiant. À La Réunion, par exemple, nous recensons chaque année 5 000 demandes de logement étudiant, alors que le Crous n’offre que 1 300 places. J’ai donc sollicité une accélération de la construction en outre-mer. Votre soutien à cet amendement démontrerait votre engagement à améliorer les conditions de vie étudiante.
Des solutions alternatives existent, telles que le logement intergénérationnel, jamais expérimenté à La Réunion, une option que Mme Bénédicte Durand, présidente du Cnous, considère favorablement.
Certains pourraient être tentés de souligner que le budget des aides indirectes a augmenté de 8 millions d’euros. Certes, la rénovation est importante, mais la construction l’est tout autant.
Ce budget n’épargne pas non plus les professeurs, dont le point d’indice reste inchangé malgré l’inflation.
Enfin, les étudiants réunionnais pâtissent du manque de places dû à Parcoursup. Certains étudiants métropolitains postulent à La Réunion par simple amusement, comme en témoignent des vidéos. Il est urgent d’ouvrir des places en licence et en master pour éviter que nos étudiants se retrouvent sans formation à chaque rentrée.
Si les économies vous semblent incontournables, elles ne devraient pas se faire au détriment du bien-être étudiant. Votre leitmotiv semble être : économies, économies, économies. Nous y opposons : avenir, jeunesse et réussite.
M. Maxime Michelet (UDR). Le contexte budgétaire actuel nous contraint à optimiser nos ressources et à dépasser l’idée que seuls les moyens déterminent l’efficacité des politiques publiques. Ce budget, en baisse ou stagnation, soulève des interrogations concernant la vie étudiante et les programmes de recherche économique et industrielle, pourtant essentiels à l’innovation dont notre économie a besoin.
Nous estimons que d’autres options sont envisageables. Face à la complexité excessive de l’enseignement supérieur et de la recherche, véritable mille-feuille administratif, nous aurions pu réaliser des économies par un effort de rationalisation.
L’utilisation des moyens s’avère aussi importante que leur volume. Nos enseignants-chercheurs en sont pleinement conscients, eux qui consacrent une part considérable de leur temps à des tâches administratives au détriment de l’enseignement et de la recherche. Ils doivent assumer la direction de formations, d’unités de formation et de recherche (UFR), d’écoles doctorales, participer à des conseils, des commissions, des comités de suivi ou de sélection, organiser le recrutement en licence ou en master, les soutenances de M1, M2 ou de thèse. Ces responsabilités s’ajoutent à la publication d’articles, à la préparation de colloques, parfois d’une habilitation à diriger des recherches, et bien sûr, à la préparation de leurs cours.
Ayant terminé mon doctorat il y a trois mois, je tiens à saluer le professionnalisme et le dévouement de ces enseignants-chercheurs aux emplois du temps surchargés. Il est manifeste que notre enseignement supérieur et notre recherche bénéficieraient d’une politique de simplification.
En 2016, le projet de simplification n’a abouti qu’à davantage de complications, comme c’est souvent le cas lorsque l’État tente de simplifier. En juin 2023, le professeur Philippe Gillet a remis un rapport sur l’écosystème de recherche et d’innovation en France. Le 7 décembre suivant, le président de la République accordait 18 mois aux organismes de recherche pour mener une révolution de simplification. Il reste donc sept mois pour accomplir cette révolution. Pouvez-vous nous informer de l’avancement de ce processus de simplification ? Cette démarche pourrait permettre à l’enseignement supérieur et à la recherche de gagner en efficacité, sans augmentation des coûts, dans un contexte budgétaire contraint.
M. Patrick Hetzel, ministre. Je remercie les rapporteurs pour leurs analyses, leurs commentaires et leurs recommandations.
Un projet de réforme des bourses est à l’étude pour parvenir à une linéarisation et une plus grande justesse du système, afin de supprimer les effets de seuil actuels. Le budget 2025 ne permettra pas de mettre en œuvre l’intégralité de cette réforme, qui s’inscrira dans une perspective pluriannuelle.
Le budget alloué aux bourses est effectivement en baisse. Après l’augmentation observée en 2024, nous prévoyons une diminution du nombre de boursiers en 2025 en raison de l’augmentation du nombre d’étudiants en apprentissage. Nous avons demandé une vérification de ces projections aux services compétents.
S’agissant des aides aux étudiants, le développement de l’offre de logements constitue une priorité fixée par l’État dans la contractualisation avec le réseau des Crous. Je rappelle que les Crous ne gèrent qu’une partie des logements étudiants, une part importante étant mise à leur disposition par des bailleurs sociaux ou des associations spécialisées.
Cette priorité est partagée avec le ministère du logement et je travaille avec Valérie Létard sur la précarité étudiante. Nous sommes confrontés à un véritable défi concernant le foncier dans certaines métropoles universitaires densément peuplées. Nous avons sollicité les recteurs et les préfets pour examiner la question du foncier universitaire constructible. Je vous invite à me faire part directement de toute idée de foncier disponible dans vos territoires respectifs.
Quant aux moyens attribués au réseau des œuvres universitaires, le projet de loi de finances réaffirme le soutien de l’État.
Certains d’entre vous ont parlé de « budget de misère ». Cette qualification me semble excessive, considérant l’effort considérable consenti par la nation, avec plus de 30 milliards d’euros alloués à la Mires. Certes, le système est sous tension et les deniers publics ne sont pas illimités, mais il importe de prendre conscience collectivement de l’ampleur de cet effort national.
Les enveloppes attribuées au réseau des œuvres visent notamment à réhabiliter en priorité 12 000 logements et à en construire de nouveaux.
Monsieur Corbière, vous avez mis l’accent dans votre rapport pour avis sur le CIR. C’est un débat légitime, la nation investissant des sommes considérables dans ce dispositif, avoisinant le budget du programme 172. Pour le Gouvernement, le CIR constitue un levier essentiel du dynamisme de la recherche française qu’il convient de préserver.
Les organismes internationaux, lorsqu’ils évaluent les budgets de recherche, considèrent conjointement la recherche privée et publique. Les évaluations, y compris celles de la Cour des comptes, démontrent un effet de levier : 1 euro investi en CIR génère au moins 1 euro supplémentaire de dépenses en R&D. Le CIR demeure donc un élément déterminant de l’attractivité de la recherche française.
Je prévois d’élaborer un pacte pour la recherche, impliquant tous les acteurs et responsabilisant le secteur privé quant au retour sur investissement attendu de cet effort considérable de la nation.
83 % des 15 800 entreprises bénéficiaires du CIR sont des PME. Elles représentent 29 % du CIR et 20 % de la R&D française. Vous ne pouvez donc pas affirmer que ce dispositif ne leur bénéficie pas.
Je ne m’étendrai pas sur le modèle économique des établissements car une mission d’inspection est en cours et rendra ses conclusions en décembre. Je tiens cependant à souligner qu’il existe un large éventail d’actions possibles en termes de ressources propres, au-delà de la seule augmentation des droits d’inscription. Le rapport Germinet sur la formation tout au long de la vie offre des pistes d’expertise que les établissements pourraient approfondir.
Quant à la situation financière des établissements, nous y accordons une attention toute particulière. France Universités a évoqué le chiffre de 60 établissements en difficulté, mais les informations dont nous disposons actuellement indiquent plutôt une diminution du nombre d’établissements concernés fin 2024 par rapport à 2023. J’énonce cela avec prudence, mais la tendance semble aller dans ce sens. Il convient de rappeler que la trésorerie disponible des établissements et de l’ensemble des opérateurs s’élève au minimum à un milliard d’euros. Je ne nie pas les difficultés existantes, mais cette situation rend les discussions avec Bercy complexes.
Concernant la sécurité sur les campus, de nombreux travaux ont déjà été réalisés et les établissements ont procédé à des mises aux normes importantes. Ce processus doit se poursuivre. Un chantier important reste à mener pour améliorer l’accueil des étudiants en situation de handicap.
La dévolution immobilière s’inscrit dans la logique d’autonomie des établissements prévue par la LRU. Cette démarche vise une gestion minutieuse du patrimoine. Tous les établissements n’ont pas obtenu la dévolution car il faut s’assurer qu’ils soient suffisamment équipés pour y faire face. Le sujet reste ouvert à la discussion. Vous avez évoqué le cas d’une université retenue pour une vague de dévolution, qui s’est conclue par la signature de plusieurs transferts. Pour d’autres, le processus est encore en cours.
Enfin, je tiens à souligner que nous ne sommes nullement dans une logique d’abandon. Entre 2017 et 2025, 4,7 milliards d’euros supplémentaires ont été alloués au périmètre de la Mires. Ce n’est pas négligeable. On peut toujours considérer que le verre est à moitié vide, mais les efforts consentis par la nation, dans le contexte actuel, démontrent une volonté de préserver l’enseignement supérieur et la recherche. Je suis conscient que la marche LPR représente un tiers de ce qui était envisagé initialement. Cependant, personne n’aurait pu prévoir la situation budgétaire dans laquelle notre pays se trouve aujourd’hui. J’appelle donc au sens de la responsabilité collective et vous en remercie sincèrement.
M. Roger Chudeau (RN). Je vous souhaite, monsieur le ministre, la bienvenue dans cette commission. Notre groupe reconnaît et respecte la force de vos convictions.
Cependant, nous considérons que votre budget manque d’ambition, bien qu’il préserve l’essentiel. Il ne répond pas aux défis majeurs auxquels nous sommes confrontés. Il n’apporte aucune solution à l’échec massif des étudiants en première année, qui touche 50 % d’entre eux, ni au faible taux de réussite en licence, avec seulement 44 % des étudiants obtenant leur diplôme en trois ou quatre ans.
De plus, nous déplorons l’absence d’ambition en matière de recherche. La France stagne à 2,2 % du PIB consacré à ce domaine, tandis que l’Allemagne dépasse largement les 3 %. Le livre blanc sur la recherche de 2017 fixait pourtant un objectif de 3 %, mais aucun nouveau livre blanc n’a été publié en 2022.
Nous comprenons votre souci de respecter les équilibres budgétaires. Cependant, un simple budget de routine s’avère insuffisant. Notre enseignement supérieur et notre recherche nécessitent un budget ambitieux. Pouvons-nous espérer une rupture annoncée par le Premier ministre dans ce domaine ?
Mme Graziella Melchior (EPR). Je salue la légère hausse du budget de votre ministère, tout en déplorant que la trajectoire votée dans LPR ne soit pas pleinement respectée, contrairement aux autres lois de programmation. Bien que nous devions modérer la dépense budgétaire pour garantir notre souveraineté nationale, nous ne pouvons faire l’économie des investissements dans la recherche actuelle, car ils façonneront la souveraineté nationale de demain. Je pense notamment à la recherche médicale, écologique et énergétique.
Je souhaite vous interroger sur l’amendement que j’ai déposé et que nous examinerons ultérieurement. L’État a annoncé une augmentation du taux du CAS Pensions pour les universités, le faisant passer de 74 % à 78 %. Cette hausse engendre une charge additionnelle de 180 millions d’euros pour l’ensemble des universités, et atteint 270 millions d’euros si l’on inclut des organismes tels que le CNRS, l’Inserm et l’Inrae. Le problème réside dans le fait que cette augmentation soudaine ne sera pas compensée par l’État. Vous n’ignorez pas que les universités se trouvent déjà dans une situation budgétaire précaire. Comment envisagez-vous de compenser cette augmentation de la contribution au CAS Pensions ?
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Vous affichez avec fierté, monsieur le ministre, une augmentation du budget alloué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Cependant, l’analyse du PLF révèle qu’en tenant compte de l’inflation, le budget subit en réalité une diminution de 1,3 milliard d’euros. Depuis l’adoption de la LPR, les crédits destinés à la recherche s’amenuisent face à l’inflation. Le secteur de la recherche demeure bien en deçà de l’objectif de 3 % du PIB fixé par les directives européennes.
Vous privilégiez le financement de l’ANR, dont les ressources sont majoritairement captées par les vingt universités les plus prestigieuses et sélectives du pays. L’ANR, qui représente un huitième du programme 172, n’a cessé de démontrer son inefficacité au fil des années. C’est pourquoi je préconise sa suppression.
Vous consacrez chaque année davantage au CIR, avec 7,6 milliards d’euros en 2025. Son incapacité à stimuler une R&D performante a été maintes fois établie. Il s’agit d’un gaspillage manifeste.
La recherche pâtit d’une perte d’attractivité croissante. Les chercheurs, démoralisés, finissent par quitter leur poste ; j’en connais personnellement un certain nombre au CNRS. La souffrance au travail s’intensifie également dans les universités et les laboratoires, tout comme la multiplication des heures supplémentaires. Ces phénomènes ont été amplement documentés.
Quand allez-vous enfin investir de manière adéquate pour renforcer la recherche publique, titulariser le personnel, reconstruire et rénover les infrastructures ?
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Je souhaite exprimer ma profonde inquiétude concernant le budget que vous présentez. Celui-ci est en complet décalage avec la trajectoire définie par la LPR puisque seuls 158 millions d’euros sur les 501 millions d’euros prévus y figurent actuellement.
En 2020, France Universités soulignait déjà que la durée de programmation de dix ans représentait un délai conséquent pour combler notre retard et atteindre l’objectif de 3 % du PIB consacrés à la recherche. L’effort financier prévu pour 2025 dans le domaine scientifique ne répond pas aux attentes, faisant peser un risque majeur de décrochage de la recherche française.
Par ailleurs, le budget 2025 des universités fait apparaître de nouvelles augmentations de charges non compensées, s’élevant à plus de 500 millions d’euros. Cette somme dépasse largement la capacité d’absorption budgétaire des établissements, compromettant de fait leur mission fondamentale de transmission du savoir et de développement de la recherche.
Cette diminution sans précédent des moyens publics alloués à l’université contraindra les établissements à procéder à des coupes drastiques, tant en matière de ressources humaines que d’investissements.
Avec ce budget, vous prenez le risque d’entraver la capacité des universités à remplir leur mission essentielle et universelle. Assumeriez-vous de voir des universités contraintes de renoncer à leurs activités de recherche, voire de fermer certains de leurs sites, pour compenser ces baisses budgétaires ?
M. Thierry Perez (RN). L’Institut de recherche pour le développement (IRD) consacre une part substantielle de ses ressources à des projets d’aide au développement des pays du Sud. Néanmoins, dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, cet organisme fait l’objet de critiques pour l’allocation de fonds à des thématiques telles que la valorisation des théories du genre ou la réduction des inégalités, qui paraissent s’écarter des priorités stratégiques de la France. En 2021, un rapport de la Cour des comptes a également mis en lumière des dysfonctionnements en matière de gouvernance et de dispersion des moyens.
Face à cette situation, j’ai proposé un amendement au PLF 2025 visant à réduire de 15 millions d’euros les crédits de l’IRD, afin de réorienter ces fonds vers des enjeux nationaux. Quelle est votre position concernant cet amendement ? Plus généralement, comment percevez-vous le rôle actuel de l’IRD et envisagez-vous une éventuelle fusion de cet institut avec le CNRS ?
Mme Violette Spillebout (EPR). Je souhaite vous interroger sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme à l’université, particulièrement après les événements violents survenus à l’université de Lille en 2024.
Un réseau de 140 référents spécialisés aurait été instauré en 2015 dans le cadre d’une mobilisation pour les valeurs de la République. Cependant, les informations disponibles sur le site du ministère n’ont pas été actualisées depuis 2019. Par ailleurs, bien qu’un plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme existe, le poste de délégué de la Dilcrah (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT) demeure vacant.
Je salue votre prise de position ferme dans la circulaire d’octobre, où vous réaffirmez votre soutien aux présidents d’université dans leur combat contre ces fléaux. Pouvez-vous nous éclairer sur les moyens budgétaires prévus pour animer ce réseau de référents et pour épauler les dirigeants et le personnel universitaire, qui se trouvent souvent démunis face à la recrudescence des actes violents liés à ces problématiques dans nos établissements d’enseignement supérieur ?
M. Paul Vannier (LFI-NFP). L’université française repose sur des principes fondamentaux tels que la liberté d’enseignement, de discussion, de recherche et de publication, ainsi que sur le pluralisme et la liberté d’expression. Ces principes, protégés par la loi, constituent le socle de la production du savoir et de la connaissance, et s’opposent à toute tentative de mise sous tutelle politique.
Il y a quelques mois, lorsque vous étiez encore député, vous avez proposé la création d’une commission d’enquête relative à l’entrisme idéologique et aux dérives islamo-gauchistes dans l’enseignement supérieur. Cet intitulé évoque une atmosphère maccarthyste, s’éloignant de la rigueur scientifique et s’apparentant à une forme d’obscurantisme. De plus, il semble nier à la jeunesse étudiante de notre pays le droit de s’élever contre les événements tragiques qui se déroulent actuellement à Gaza.
Envisagez-vous de vous engager dans une chasse aux sorcières contre un prétendu wokisme ? Avez-vous l’intention de remettre en question les libertés académiques ?
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Je m’adresse à vous, monsieur le ministre, pour évoquer vos premières semaines à la tête de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour décrire la situation actuelle, je reprendrai les termes employés par votre prédécesseur, Mme Sylvie Retailleau : irréaliste et dangereuse. Cependant, contrairement à elle, je ne fais pas référence au budget, mais à votre nomination.
Votre nomination apparaît comme une menace pour les libertés, en particulier les libertés académiques, mais également pour la liberté d’expression que vous remettez en question en vous opposant à des rassemblements pacifiques dans votre circulaire du 4 octobre. Elle semble également menacer la démocratie lorsque vous encouragez et légitimez un syndicat d’extrême droite par votre présence ostensible. Votre nomination semble dangereuse pour la science. Vouloir faire disparaître des prises de position éloignées de la rationalité scientifique de votre page Wikipédia n’efface pas les propos tenus pendant la crise sanitaire ou lors du dernier PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale). Enfin, elle est dangereuse pour les universités et leurs étudiants dans un contexte déjà particulièrement préoccupant : 553 millions d’euros de coupes budgétaires, non-respect de la LPR, diminution de plus de 5 % du budget alloué aux bourses, etc.
Ainsi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer ? Ces premiers signaux laissent en effet craindre une croisade idéologique plutôt qu’une véritable ambition pour l’enseignement supérieur et la recherche.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Nous sommes préoccupés par la situation financière précaire des universités françaises. Les mesures sociales dites Guerini engendrent des dépenses additionnelles de 130 millions d’euros, qui ne sont pas intégralement compensées par l’État. L’inflation a durement affecté les établissements universitaires, s’ajoutant aux augmentations de charges, notamment le relèvement du taux de CAS Pensions.
À l’échelle locale, pour Le Mans Université, ces accroissements de charges devraient atteindre près de 2,7 millions d’euros en 2025, suscitant des inquiétudes quant à l’offre de formation qui pourra être maintenue en Mayenne et dans la Sarthe.
En outre, l’abandon de la trajectoire prévue par la LPR compliquera la création de chaires de professeurs juniors ou l’augmentation du nombre de contrats doctoraux financés par l’État.
M. Laurent Croizier (Dem). J’ai été profondément ému par le cas de Tom, étudiant à Besançon, hospitalisé en urgence le jour de ses épreuves écrites du brevet de technicien supérieur (BTS) et contraint au redoublement en raison de l’absence de session de remplacement pour ce diplôme.
Alors que les examens du baccalauréat, du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ou du brevet professionnel prévoient des sessions de rattrapage, une absence à une épreuve de BTS, même pour un motif impérieux, se traduit par l’attribution d’un zéro.
J’ai récemment déposé une proposition de loi visant à instaurer des sessions de remplacement pour tous les examens menant à l’obtention d’un diplôme national. Monsieur le ministre, vous disposez du pouvoir réglementaire pour remédier à cette inégalité. Puis-je compter sur vous et sur ce budget pour corriger cette injustice ?
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Le 19 mars 2018, Édouard Philippe, alors Premier ministre, présentait un plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Ce plan prévoyait notamment la création d’un réseau de référents racisme et antisémitisme. Au vu des nombreux événements survenus l’année dernière dans nos universités et de la recrudescence de l’antisémitisme – phénomène que certains semblent nier – je souhaiterais connaître les modalités de mise en œuvre de ces réseaux de référents.
Je tiens à souligner que nos présidents d’université se trouvent parfois démunis face à cette montée idéologique au sein de nos établissements.
M. Patrick Hetzel, ministre. Je tiens à clarifier ma position concernant les libertés académiques. Ces libertés sont garanties par la Constitution, et il n’est pas question de les remettre en cause. Le débat qui a eu lieu résulte d’un glissement sémantique opéré par certains. La circulaire évoquée ne visait pas à s’opposer à la liberté académique, mais simplement à rappeler le droit en vigueur.
En tant que ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, je ne peux tolérer que des étudiants, notamment juifs, se rendent sur les campus avec appréhension. Mon objectif est de garantir à tous les étudiants une réelle liberté d’aller et venir dans les établissements d’enseignement supérieur. Je m’étonne d’ailleurs que le simple rappel de la loi républicaine ait pu susciter certaines critiques.
Concernant la réussite étudiante, je reconnais que la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Cette question doit nous mobiliser collectivement, au-delà des clivages idéologiques. Je présenterai prochainement une feuille de route comportant diverses propositions, tout en restant à l’écoute de toutes les suggestions constructives.
Quant au risque de décrochage de la recherche française, il est réel. Avec 2,2 % du PIB consacré à la recherche, contre 3,1 % en Allemagne, l’écart en valeur absolue entre les deux pays est considérable, du simple au double. Pour y remédier, nous devons nous montrer proactifs, notamment en captant davantage de financements européens. Un véritable pacte pour la recherche, impliquant également le secteur privé, s’impose.
J’ai bien conscience des difficultés liées à la non-compensation relative au CAS Pensions. Dans un contexte budgétaire contraint, cette réalité ne peut être niée. Ma prédécesseure avait d’ailleurs alerté le Premier ministre à ce sujet. Nous travaillons actuellement sur cette question, en veillant à ne pas laisser les établissements seuls face à ce défi. J’ai notamment demandé aux recteurs de suivre attentivement la situation et d’envisager des solutions si nécessaire.
Concernant le crédit d’impôt recherche, je prends acte de nos divergences de vues. Je défends la position du Gouvernement sur ce dispositif, tout en entendant les arguments opposés.
Je ne partage pas votre analyse concernant l’ANR. Le taux de succès, autrefois problématique entre 12 et 15 %, atteint désormais 25 %. Cela signifie qu’un projet sur quatre est retenu, nous plaçant dans la moyenne internationale.
Quant au risque de décrochage évoqué par Mme Herouin-Léautey, nous y sommes très attentifs. La fermeture de sites universitaires, mentionnée par France Universités, s’oppose fondamentalement aux missions de l’enseignement supérieur qui doit irriguer nos territoires. Je pense notamment aux bassins comme Brive.
Monsieur Perez, les interrogations sur une fusion de l’IRD avec le CNRS ne sont pas nouvelles. Je n’ai pas encore suffisamment étudié ce sujet pour apporter une réponse éclairée.
Madame Spillebout, votre question sur l’animation des réseaux est essentielle. Dans notre contractualisation avec France Universités, nous considérons que cela doit se faire en coordination avec les établissements, respectant ainsi leur autonomie. Il faudra veiller à ce que chaque établissement dispose de référents. Nous examinerons avec France Universités comment assurer une animation efficace de ce réseau, car c’est devenu un enjeu majeur.
Madame Bannier, les mesures dites Guerini ont été compensées à 50 %. Nous examinerons la situation pour éviter des difficultés insurmontables, notamment dans le cadre de nos discussions régulières sur divers sujets comme le glissement vieillesse-technicité.
Monsieur Croizier, vous soulevez un point important : l’absence actuelle de session de remplacement pour les BTS. Mon cabinet et les services du ministère étudieront des solutions, tout en respectant le cadre national et l’équité entre candidats. Nous devons traiter cette question avec humanité. Je comprends la frustration d’un jeune contraint d’attendre un an pour repasser ses examens. En tant que ministre, je suis sensible à cet argument et reste à votre disposition pour avancer sur ce sujet.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je vous remercie.
1. Réunion du mercredi 23 octobre 2024 à 16 heures 30
La commission examine, pour avis, les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324 – seconde partie) (Mmes Virginie Duby-Muller et Frédérique Meunier, rapporteures pour avis sur Enseignement supérieur et vie étudiante ; M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis sur Recherche) ([181]).
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à l’examen des amendements, au nombre de 105, se rapportant aux crédits de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-AC105 de M. Arnaud Saint-Martin
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Cet amendement a pour objet d’augmenter de 15 % la subvention pour charges de service public des universités afin de remédier à la baisse constante du budget qui leur est alloué. De fait, 60 universités sur 74, soit quatre sur cinq, annoncent être en déficit ; elles n’étaient qu’une quinzaine en 2022.
Les universités sont asphyxiées par des années d’austérité qui mettent en péril l’émancipation et la formation de plusieurs générations d’étudiants et de professionnels de l’enseignement supérieur et de la recherche. Bien que l’augmentation de la démographie étudiante ait été anticipée, l’État n’a pas voulu en tirer les conséquences : entre 2013 et 2024, la dépense moyenne par étudiant est passée de 12 430 euros à 10 270 euros.
Notre amendement ne permettrait même pas de combler le retard pris par la France dans le financement des travaux universitaires et la formation de sa jeunesse, mais c’est le minimum que l’on puisse faire pour éviter l’extinction de l’université publique.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis (Enseignement supérieur et vie étudiante). Cette mesure, au coût de 2 milliards, serait en tout état de cause incompatible avec la contrainte budgétaire et augmenterait d’autant la dépense publique si, comme vous le demandez, le Gouvernement levait le gage. Du reste, je ne sais pas comment vous êtes parvenus à cette somme : pourquoi pas la moitié ou le double ? Quoi qu’il en soit, il semble que, pour vous, la dette publique ne soit pas déjà suffisamment importante. Avis défavorable.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis (Enseignement supérieur et vie étudiante). Si un tel amendement était adopté, leurs auteurs seraient les fossoyeurs de nos finances publiques, sans parler de leur comportement outrancier, qui contribue au délitement de la fonction parlementaire.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Ces 2 milliards correspondent, je l’ai dit, à une augmentation de 15 % de la subvention pour charges de service public des universités.
Au motif qu’il faut réduire la dépense publique, vous décidez de couler l’université, au lieu de proposer de nouvelles recettes. Il y va de la vision que l’on a de l’université : voulons-nous un véritable service public ou la privatisation ? Tel est le véritable enjeu.
Enfin, je note que, tout à l’heure, vous avez défendu le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui a pourtant évité de me répondre alors que mon propos était clair.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC120 de Mme Marie Mesmeur
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement, rédigé en concertation avec de nombreux chercheurs, syndicalistes et étudiants, vise à favoriser la bifurcation écologique dans et par l’enseignement supérieur en créant de nouvelles filières pour former des étudiants dans les domaines des énergies renouvelables, de la gestion de l’eau ou de la souveraineté alimentaire par exemple. Il s’agit notamment d’adapter chaque corps de métier au changement profond des modes de production et de consommation.
Nous proposons donc de créer un conseil national de la qualification professionnelle, qui aurait pour mission d’élaborer et de réviser le cadre national des diplômes et des certifications. Il pourrait proposer des formations dans la décarbonation du secteur des transports par exemple, ou pour la reconversion des ouvriers des centrales nucléaires. Ce faisant, nous vous soumettons un plan cohérent sur le long terme pour que l’enseignement supérieur soit en phase avec les besoins de la bifurcation écologique.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Le montant proposé, 700 millions, n’est absolument pas réaliste. Compte tenu de la contrainte budgétaire, l'essentiel des moyens de l'enseignement supérieur doit être concentré sur la formation des étudiants et non sur l'écologie, qui bénéficie par ailleurs de crédits et de nombreuses instances dédiés. En outre, nous ne partageons pas certains des sous-jacents du plan proposé, comme la formation de 5 000 ouvriers spécialisés pour démanteler les centrales nucléaires, car celles-ci contribuent à la décarbonation. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC118 de Mme Marie Mesmeur
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Il s’agit de créer 130 000 places en licence afin d’abolir la sélection à l’université et de permettre à chacun d’étudier dans la filière de son choix.
Depuis sa création, Parcoursup est une machine à exclure : en 2024, plus de 85 000 candidats se sont retrouvés sans affectation malgré l’obtention du bac, qui devrait être la seule condition requise pour accéder à la filière de son choix. Outre qu’il trie, exclut et accroît les inégalités sociales et géographiques, ce dispositif contribue à abaisser le niveau de qualification des jeunes. La restriction de l’accès à l’éducation est non seulement une injustice sociale et une mesure anticonstitutionnelle, mais aussi une erreur économique.
Il est donc urgent d’abroger Parcoursup et de réinvestir dans l’enseignement supérieur et la recherche pour garantir une place à tous les bacheliers. L’université est un lieu d’émancipation et un combat pour l’égalité ainsi que pour l’avenir de notre pays.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. L’augmentation continue depuis des décennies des effectifs de licence traduit un véritable effort des pouvoirs publics. Cependant, l'université n'a pas vocation à absorber l'intégralité de l'augmentation de la démographie étudiante : pour certains, une orientation vers d'autres filières est plus pertinente. Du reste, les filières professionnelles correspondent parfois mieux aux besoins auxquels fait face notre pays.
Outre le fait qu'elle n’est pas nécessairement souhaitable, la création de 130 000 places serait trop coûteuse compte tenu de la situation des finances publiques, et ne correspond pas même au nombre d'étudiants sans affectation, qui était de 85 000.
Enfin, lors de leurs auditions, les syndicats étudiants n’ont jamais demandé la suppression de Parcoursup.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC272 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). La production et le partage du savoir scientifique sont une chance pour notre pays. Le savoir est émancipateur et utile pour relever les défis, notamment écologique et énergétique. C’est pourquoi il est nécessaire de reconnaître le droit à la poursuite des études : chaque titulaire du baccalauréat doit avoir une place dans l’enseignement supérieur, notamment en licence.
Or, lors de la dernière rentrée universitaire, 90 000 candidats n’ont pas obtenu la formation qu’ils souhaitaient. Il convient donc de créer de nouvelles places en licence et, à cette fin, d’augmenter le budget alloué aux formations universitaires et à la recherche de 357 millions. Cette somme est le produit du coût moyen d’un étudiant multiplié par le nombre de ceux qui n’ont pas obtenu de place dans l’enseignement supérieur.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. L’augmentation continue des effectifs inscrits en licence traduit un véritable effort des pouvoirs publics. Au demeurant, l'université n'a pas vocation à absorber l'intégralité de l'augmentation de la démographie étudiante. Une orientation vers les filières professionnelles peut correspondre mieux aux besoins de formation auxquels fait face notre pays. Enfin, la création de places est coûteuse et incompatible avec la contrainte budgétaire actuelle. Avis défavorable.
M. Hendrik Davi (EcoS). Tout d’abord, il existe des formations professionnalisantes à l’université, notamment les bachelors universitaires de technologie (BUT). La dichotomie que vous évoquez n’est donc pas exacte. Ensuite, les formations proposées en dehors de l’université sont très onéreuses, y compris pour le contribuable. En effet, la formation professionnelle coûte près de 20 milliards à France Compétences parce que l’État sur-subventionne les grandes entreprises, telles que Galileo, qui proposent ce type de formations.
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Prétendre que l’université n’a pas vocation à absorber l’intégralité de l’augmentation démographique étudiante, c’est pratiquer un tri social qui est d’une violence inouïe. Il faut offrir aux étudiants ce moment d’émancipation et d’épanouissement qu’est l’université et supprimer les obstacles qui empêchent d’y entrer.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis Frédérique Meunier, la commission rejette l’amendement II-AC178 de Mme Soumya Bourouaha.
Amendement II-AC127 de Mme Marie Mesmeur
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Nous proposons, cette fois, de créer 27 000 places en master. La sélection à l’entrée de celui-ci est en effet une véritable attaque contre la démocratisation de l’université : elle renforce les inégalités sociales en favorisant les étudiants issus de milieux privilégiés. La plateforme Mon Master est, à l’instar de Parcoursup, une machine à trier les étudiants, faute de places en nombre suffisant.
Ainsi, en 2024, le ministère dénombre 958 000 étudiants en licence, contre seulement 598 000 en master. Ce tri social va à l’encontre des valeurs républicaines d’égalité et de justice sociale et, surtout, du droit à poursuivre ses études. Sélectionner, c’est accroître les déterminismes sociaux.
Non seulement cette logique dévalorise la licence, perçue comme le diplôme final de ceux qui n’ont pas pu accéder au master, mais elle mine également la crédibilité des diplômes nationaux, qui deviennent un simple outil de tri au lieu de marquer la reconnaissance collective de compétences. De plus, la sélection prive l’université de sa mission d’accueil universel et de formation du plus grand nombre. En augmentant la pression dès la licence, on décourage des étudiants qui auraient pu s’épanouir en master. En sélectionnant, on ne fait que renforcer les inégalités préexistantes, sans offrir de solutions aux étudiants issus des classes populaires.
La sélection à l’entrée du master est une régression sociale majeure et doit être abolie.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, les moyens alloués aux masters augmentent de 2,2 %. Cet effort est significatif au regard de la contrainte budgétaire. Du reste, la croissance du nombre de places en master a été soutenue au cours des dernières décennies. D'autres types de formations, plus spécialisées ou professionnalisantes, sont également recherchés par les entreprises, comme en témoigne l’existence de métiers en tension.
Le fait que certains étudiants n'aillent pas en master ne relève donc pas du tri social, mais de leur intérêt et de celui du pays. Ils peuvent s'épanouir et mettre à profit leurs compétences dans d'autres cursus ou en travaillant plus tôt. Avis défavorable.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Il ne nous revient pas de choisir la formation que vont suivre les étudiants en fonction de leur milieu d’origine ! Chacun doit être libre de poursuivre ses études dans la filière de son choix. Au demeurant, l’université offre des formations professionnelles, lesquelles ont d’ailleurs été un peu saccagées par la réforme du BUT.
M. Laurent Croizier (Dem). Je suis gêné par les propos de notre collègue, qui donne le sentiment que les personnes issues d’un milieu social défavorisé ne pourraient pas réussir à l’université. Je m’inscris en faux : ces personnes ont toutes les capacités pour faire des études longues, même si ce n’est pas forcément facile. Arrêtons de raisonner avec de tels plafonds de verre.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC271 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Les industriels que nous rencontrons dans nos circonscriptions disent manquer d’ingénieurs, mais aussi de titulaires de masters. Or de nombreux diplômés en licence qui souhaitent poursuivre leurs études ne le peuvent pas, faute de places en nombre suffisant.
Si nous insistons sur la situation des catégories populaires, c’est parce que le système actuel les défavorise : un étudiant parisien issu des classes populaires à qui la plateforme Mon Master propose un master à Nice, par exemple, n’aura pas les moyens de poursuivre ses études. L’augmentation du nombre des places en master est la seule possibilité d’augmenter le niveau de qualification de l’ensemble de la population.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Il s’agit d’un dialogue de sourds : notre avis ne peut être que le même, dès lors que vous répétez toujours la même chose. Il faut vraiment que vous sortiez de vos a priori. Il n’y a pas de tri social. Les étudiants qui ont le plus de difficultés sociales peuvent accéder à toutes les formations. Bien souvent, ils sont d’ailleurs les plus soutenus et les plus favorisés. Avis défavorable.
M. Hendrik Davi (EcoS). Des étudiants qui n’ont pas de place en master dans l’université où ils ont obtenu leur licence, on en rencontre par dizaines ! Je peux vous citer le cas d’une étudiante qui avait obtenu sa licence de psychologie avec la mention très bien. Vous me répondrez qu’il n’y a pas de débouchés en psychologie, mais c’est faux : on manque de psychologues partout !
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Vous avez des a priori.
M. Hendrik Davi (EcoS). C’est vous qui avez des a priori ! Je connais bien le milieu universitaire, j’y ai travaillé pendant vingt ans. Le tri social est aussi un manque à gagner pour la société, laquelle se prive ainsi de talents qui auraient pu avoir de brillants parcours.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Avant d’être élue, j’étais en doctorat de sociologie. J’ai donc passé de longues années à l’université, où je défendais les étudiants : j’ai bien conscience de ce qu’ils vivent. Les études coûtent cher. Or 80 % des étudiants sont sous le seuil de pauvreté et 30 % d’entre eux ont recours aux banques alimentaires. Parmi les doctorants, dont beaucoup ne mangent pas à leur faim, on compte seulement 4 % d’enfants d’ouvriers : ne me dites pas que le tri social n’existe pas ! Le capital symbolique, social, financier et culturel a une valeur académique. C’est de cela que nous parlons, pas du cerveau des étudiants. Lisez Marx !
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC179 de M. Frédéric Maillot
M. Frédéric Maillot (GDR). Si on demande de l’argent, ce n’est pas pour le plaisir, c’est parce que les étudiants en ont besoin pour réussir leurs études. Si vous vous contentez de nous opposer des avis défavorables sans qu’aucun débat soit possible, dites directement au Premier ministre qu’il peut renouer avec la méthode de la précédente législature et écraser la démocratie à coups de 49.3 !
Encore une fois, nous ne disons pas que les personnes issues d’un milieu défavorisé sont moins intelligentes, mais que pour elles, la situation est socialement plus compliquée. Les chiffres ne sont ni de droite ni de gauche, et ils attestent que certains étudiants sont régulièrement obligés de sauter un repas. Comment voulez-vous qu’ils n’arrêtent pas leurs études plus tôt que les autres ? C’est pourquoi je propose de créer 12 500 places en master.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Il ne nous paraît pas possible d’accepter votre amendement, pour des raisons de coût et d’opportunité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC204 de M. Pierrick Courbon
M. Pierrick Courbon (SOC). Cet amendement d’appel a pour objet de souligner les défaillances de la plateforme Parcoursup. Madame Meunier, nous n’avons pas dû auditionner les mêmes syndicats étudiants. Pour notre part, nous les avons entendus se dire unanimement et légitimement outrés par ce dispositif de tri social, qui est une source de stress pour les familles. Là encore, les chiffres ne mentent pas : en deux ans, le nombre de néo-bacheliers qui ne reçoivent aucune proposition à l’issue du premier tour de Parcoursup a crû de 1,5 point et le nombre de ceux qui se retrouvent sans affectation au terme du processus a augmenté de 10 000, pour s’établir à 45 000.
Ce dispositif est un véritable cache-misère. La réalité est que la demande est plus importante que l’offre. Nous proposons qu’à tout le moins, la procédure soit plus transparente.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Il me semble que nous avons bien assisté, l’un et l’autre, à l’audition des syndicats étudiants. Lorsque la question leur a été posée, ils ont très clairement répondu que le problème n’était pas Parcoursup – mais on entend ce que l’on veut bien entendre. J’ai moi-même critiqué le dispositif naguère, mais des améliorations ont eu lieu. Il reste de toute façon préférable au tirage au sort. Certes, l’attente du résultat est stressante pour les familles, mais l’attente des résultats d’un examen l’est tout autant et l’on n’envisage pas pour autant de supprimer ces derniers !
En définitive, si ni les étudiants ni leurs syndicats ne critiquent Parcoursup, c’est peut-être que les importants efforts consentis ont porté leurs fruits. Avis défavorable.
M. Pierrick Courbon (SOC). Parcoursup n’est pas un examen ! Et la véritable demande des étudiants n’est pas qu’on le supprime pour le principe, mais qu’il y ait davantage de places dans l’enseignement supérieur. Le fait est que ce dispositif trie les étudiants selon des critères dont nous contestons la légitimité et qu’il demeure donc le principal obstacle à la poursuite des études.
M. Hendrik Davi (EcoS). J’ai déposé une proposition de loi qui vise à abroger Parcoursup, mais je suis le premier à dire qu’il ne faut pas se focaliser sur ce dispositif : le véritable problème est le manque de places – peut-être est-ce ce que vous ont dit les syndicats étudiants.
Néanmoins, Parcoursup est bien un des éléments du problème, pour au moins deux raisons. Premièrement, il accroît le stress et l’angoisse des élèves, et ce dorénavant dès la troisième ! Ensuite, c’est une vitrine pour l’enseignement supérieur privé lucratif, dont l’offre a explosé tant et si bien que même le Gouvernement a reconnu la nécessité de légiférer dans ce domaine. Il faut donc le supprimer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC132 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Il s’agit de lancer un plan de construction et de rénovation des laboratoires ainsi que des lieux d’enseignement et de vie étudiante. Dans l’université de 2024, des étudiants suivent leurs cours en doudoune et des chercheurs travaillent dans des conditions impossibles. Toilettes condamnées, chauffage hors service, plafonds qui tombent, chaises bancales, humidité, voire amiante : selon la CGT, 60 % du parc universitaire est délabré. L’État se décharge de ses responsabilités et pousse les universités à recourir à l’endettement et aux partenariats public-privé, lesquels se traduisent fréquemment par un gaspillage d’argent public dans des travaux de mauvaise qualité.
La rénovation des infrastructures est une nécessité pour garantir des conditions d’étude dignes, diminuer la souffrance des personnels, mettre les bâtiments aux normes, notamment énergétiques, et absorber l’augmentation des effectifs.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Nous sommes très sensibles à la question du patrimoine immobilier des universités, dont nous connaissons et identifions les besoins. Nous savons également combien de tels investissements peuvent être vertueux, notamment en matière de performance énergétique. Mais le montant proposé, 1,4 milliard, nous oblige à écarter votre amendement, trop coûteux au regard de la situation des finances publiques. Par ailleurs, le ministre l’a rappelé, le foncier est rare et cher en zone urbaine et en zone tendue. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC208 de M. Pierrick Courbon
M. Pierrick Courbon (SOC). Nous plaidons pour un grand plan immobilier en faveur des universités. L’enjeu est stratégique pour l’accueil des étudiants et les conditions de travail des personnels. Il est tout aussi important pour l’État, qui est propriétaire de 82 % du parc immobilier universitaire, dont un tiers est dans un état jugé peu ou pas satisfaisant et ne correspond pas aux critères de sobriété énergétique. Ainsi la Cour des comptes souligne-t-elle, dans un rapport de 2022, l’urgence de l’adaptation du patrimoine immobilier aux besoins de l’enseignement et à la démographie étudiante.
Le montant de 1 milliard que nous proposons d’allouer à ce plan peut paraître important, mais France universités estime le coût d’une rénovation totale à 15 milliards. Lors de l’adoption de la loi de programmation de la recherche, nous avions regretté que celle-ci ne prévoie pas d’investissements dans l’immobilier universitaire. Cet amendement vise à réparer cet oubli.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Vous avez raison, l’état de certaines universités justifie la réalisation de travaux. Mais où allons-nous trouver le milliard que vous proposez d’y affecter ? Au demeurant, ne faudrait-il pas commencer par réhabiliter les bâtiments avant d’augmenter le nombre de places, comme vous le proposez par ailleurs ?
Avis défavorable.
M. Hendrik Davi (EcoS). C’est l’autonomie des universités qui empêche l’établissement d’un état des lieux global et du coût total de la rénovation, ce qui suffit à démontrer la nécessité d’en finir avec la mauvaise réforme qui l’a instaurée. Pour financer ces travaux, plusieurs solutions existent, dont la plus symbolique consisterait à revenir sur le crédit d’impôt recherche. Chaque année, on donne à ce titre près de 7,6 milliards aux entreprises, sans contreparties ni appels d’offres, et on cherche 1 milliard pour rénover les bâtiments universitaires ?
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). L’argument comptable ne tient pas : il y a de l’argent ! On pourrait parfaitement réaffecter une bonne partie des crédits investis à perte dans l’Agence nationale de la recherche, par exemple, au financement de la rénovation des bâtiments universitaires. J’ajoute que, parmi ces derniers, beaucoup de constructions neuves, par exemple sur le plateau de Saclay, s’effondrent déjà parce qu’elles ont été conçues n’importe comment – je pourrais donner des noms. Non seulement il faut rénover, mais il faut le faire dans de bonnes conditions. Ainsi, nous investirions pour l’avenir.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques II-AC101 de Mme Marie Mesmeur et II-AC273 de M. Hendrik Davi
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Nous proposons d’accélérer la construction et la rénovation des logements universitaires. En cette rentrée, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) ont augmenté leurs loyers, gelés depuis 2020, de 4,5 %. Cette augmentation, qui pèse sur des étudiants en situation précaire, a rapporté au Centre national des œuvres universitaires 20 millions d’euros, qui devaient financer la rénovation des logements insalubres et vétustes. Or cette promesse n’a pas été tenue. À ce jour, aucun plan de rénovation n’a été présenté bien que la Cour des Comptes estime qu’un tiers des logements des Crous devraient être rénovés.
Par ailleurs, sur les 60 000 logements étudiants dont Emmanuel Macron avait promis la construction en 2022, 36 000 seulement ont vu le jour. On compte un logement Crous pour dix-sept étudiants, contre un pour trois il y a soixante ans. Ainsi, moins de 6 % des étudiants sont logés dans une résidence du Crous tandis que les prix du privé explosent, comme la précarité étudiante.
Il est urgent de mener une véritable politique du logement pour offrir les meilleures chances de réussite et d’émancipation à tous les étudiants. C’est pourquoi nous proposons la construction de 15 000 logements universitaires supplémentaires par an ainsi que la rénovation des logements existants.
M. Hendrik Davi (EcoS). J’appelle votre attention sur la situation sociale dramatique des étudiants. Les cas que je vais citer sont peut-être extrêmes, mais ils sont révélateurs : la presse parle d’étudiants logés dans des hébergements d’urgence à Lyon, tandis que d’autres dorment sous une tente à Toulouse, dans des campings à Rennes ou dans des appartements loués par des marchands de sommeil à Marseille.
Nous en sommes là parce qu’au cours des soixante dernières années, pendant que le nombre des étudiants décuplait, celui des logements n’a fait que doubler. Encore une fois, Emmanuel Macron n’a pas respecté ses engagements : il n’a construit qu’un peu plus de la moitié des 60 000 logements dont il avait annoncé la construction. Je sais qu’une des difficultés est de trouver du foncier, mais ce n’est pas tant un problème d’argent que de volonté politique.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Nous soutenons bien sûr la construction et la rénovation de logements pour les étudiants, qui doivent être une des priorités du Gouvernement. Les crédits de l'action qui les financent sont d’ailleurs en légère hausse, même si l'essentiel de cette augmentation est absorbé par la restauration. Mais encore une fois, les montants proposés – plus de 1 milliard, soit près d'un tiers des crédits dédiés à la vie étudiante – sont incompatibles avec la contrainte budgétaire à laquelle nous faisons face. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement II-AC205 de M. Pierrick Courbon
M. Pierrick Courbon (SOC). Mes collègues ont rappelé qu’en matière de logement étudiant, les promesses n’ont pas été tenues, que ce soient celles du Président de la République ou celles d’Élisabeth Borne, qui évoquait en 2023, en présentant le pacte des solidarités, 30 000 logements supplémentaires d’ici à la fin du second quinquennat. De fait, 2 605 logements seulement ont été construits.
En nous opposant des refus, vous contribuez non seulement à aggraver les difficultés sociales des étudiants, mais aussi, dans les zones tendues, à soutenir les marchands de sommeil que vous prétendez combattre par ailleurs.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Abonder les crédits destinés à la construction de logements étudiants de 500 millions, soit un doublement, paraît irréaliste tant sur le plan budgétaire, compte tenu de la situation de nos finances publiques, que sur le plan matériel, dans la mesure où la réalisation de tels travaux ne se décrète pas. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC283 de M. Alexis Corbière
M. Alexis Corbière (EcoS). L’an dernier, le Gouvernement a promis la construction de 35 000 logements sociaux étudiants supplémentaires d’ici à 2027. Cependant, aucun crédit additionnel n’est prévu à cette fin dans le PLF. Cet amendement vise donc à mobiliser 100 millions afin d’atteindre cet objectif auquel il semble que nous soyons davantage attachés que ceux qui l’ont présenté aux électeurs.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Les crédits dédiés au logement étudiant sont en légère hausse, mais nous sommes conscients de la nécessité d’investir davantage afin de pouvoir proposer une solution à tous les étudiants. Le montant ici proposé paraît excessif, mais compte tenu de l’importance de l’enjeu, nous nous en remettrons à la sagesse de la commission. Rappelons simplement que d’autres solutions existent pour financer le logement étudiant, comme la contractualisation avec des bailleurs privés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC285 de M. Arnaud Sanvert
M. Arnaud Sanvert (RN). Cet amendement vise à affecter 100 millions au programme 231 Vie étudiante afin de financer la construction de logements étudiants gérés par les Crous. Cette somme proviendrait pour 70 millions du programme 172 et pour 30 millions du programme 150, et ce en ne prélevant que sur des dépenses de gestion administrative, de communication et de mutualisation des services, sans porter atteinte aux capacités de recherche.
Avec un manque d’environ 250 000 logements, trois étudiants sur quatre rencontrent des difficultés. Actuellement, seuls 6 % des 2,9 millions d’étudiants bénéficient d’une habitation gérée par les Crous. Le coût moyen de construction d’un logement étant estimé à 100 000 euros, cet amendement permettrait d’accroître notre objectif de construction de 1 000 unités et de commencer à combler le retard accumulé.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Même position que précédemment : sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC258 de M. Jean-Claude Raux
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Sur 175 000 logements relevant des Crous qui nécessitent une rénovation, seuls 4 000 ont fait l’objet de travaux. Pour 2025, 12 000 nouvelles rénovations sont prévues. Il est impératif de tenir cette trajectoire malgré l’austérité qui nous est imposée, d’autant plus que, comme l’a rappelé Arnaud Saint-Martin, les étudiantes et les étudiants contribuent directement aux frais, ayant vu leur loyer augmenter. En accord avec les préconisations de l’Union étudiante, nous souhaitons qu’un audit énergétique du logement étudiant soit mené et qu’il soit suivi d’un plan massif de rénovation. Pour ce faire, cet amendement vise à réaffecter 75 millions d’euros.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Même si la somme envisagée est élevée et si nous estimons que les moyens doivent être prioritairement affectés à la construction, nous reconnaissons que la rénovation est nécessaire pour que les étudiants aient des hébergements décents. Comme précédemment, nous nous en remettons donc à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC187 de Mme Marie Mesmeur
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). La contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) est une taxe injuste, supportée uniquement par les étudiants, pour qui chaque centime compte. Elle est en augmentation constante depuis sa création, en 2019, et représente désormais 103 euros, soit trente repas au Crous pour les non-boursiers. Ce n’est ni aux étudiants, ni aux Crous de compenser les effets d’une politique d’austérité qui frappe de plein fouet les universités et le réseau des œuvres universitaires, dont le financement devrait être assumé par l’État. Plutôt que de taxer les étudiants, il est nécessaire de réfléchir à une réforme structurelle du financement des établissements publics d’enseignement supérieur, afin de garantir une éducation réellement publique, gratuite et accessible à tous. Nous proposons donc de compenser la disparition de la CVEC par une dotation équivalente, soit 178 millions, de l’État.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Si la commission des finances a bien adopté un amendement visant à supprimer la CVEC, le rejet de l’ensemble de la première partie du texte a annulé cette abrogation. Le présent amendement, qui vise à compenser son produit, est donc caduc.
Plus généralement, nous sommes défavorables à la suppression de cette contribution qui finance des initiatives dans les domaines de la santé, de la culture ou du sport et qui soulage le budget des opérateurs, qu’il s’agisse du réseau des œuvres universitaires et scolaires ou des établissements eux-mêmes. Nous reconnaissons toutefois qu’une plus grande transparence dans son usage accroîtrait sa légitimité et son acceptabilité.
Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Certes la CVEC permet d’investir dans la santé universitaire ou dans la qualité des bâtiments, mais elle n’en repose pas moins sur les seuls étudiants. Ce que nous souhaitons, c’est que l’État prenne la mesure de l’enjeu et finance lui-même ces éléments importants que sont la culture, le sport, les services universitaires ou les bureaux de la vie étudiante.
La CVEC n’est autre qu’une augmentation cachée des frais de scolarité. Son montant est passé de 90 à 103 euros, ce qui est tout de même énorme.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC257 de M. Jean-Claude Raux
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Pour la deuxième année consécutive, mon amendement visant à supprimer la CVEC a été adopté par la commission des finances en première partie du PLF. Cela confirme que, non, les étudiants n’ont pas à payer pour étudier, ni à financer de leur poche les universités et les Crous. Il est évident que l’enseignement supérieur public doit être financé par des fonds également publics. Cela étant, afin de ne pas porter préjudice à la vie étudiante et au fonctionnement des Crous et des universités, qui font déjà l’objet de 500 millions de coupes budgétaires, nous proposons de compenser le produit de cette contribution, à hauteur de 176 millions d’euros.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Même avis que précédemment. Je précise simplement que plusieurs des personnes que nous avons auditionnées pour l’élaboration de notre rapport pour avis ont insisté sur la pertinence de ce dispositif pour le financement de certaines initiatives.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC207 de Mme Fatiha Keloua Hachi
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Je me permets d’enfoncer le clou une troisième fois. La CVEC souffre des mêmes limites que les bourses. Les boursiers en sont exonérés, mais pas les autres étudiants, qui souffrent pourtant eux aussi de la précarité. Il est si difficile de se loger, de se chauffer, de manger et de se soigner qu’il ne leur reste rien pour s’acquitter de la CVEC. Nous proposons donc que l’État compense la suppression de cette contribution à hauteur de 170 millions, afin de rendre réellement accessible l’enseignement supérieur à l’ensemble des étudiants. Je me doute de votre réponse, madame la rapporteure pour avis, mais les chiffres relatant les difficultés étudiantes sont têtus.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Les faits juridiques sont également têtus, chère collègue. Le rejet de la première partie du PLF pour 2025 par la commission des finances rend caducs tous ces amendements, qui devraient être retirés.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. En tant que première signataire de cet amendement, je tiens à ajouter que la CVEC est un dispositif illisible et que son produit n’est pas utilisé de la même manière par les différents Crous. Non seulement son montant est très difficile à assumer, mais les étudiants ne savent pas ce qu’il advient de leur argent, ce qui me semble gravissime dans un pays démocratique. De la même manière que les étudiants savent à quoi servent les frais d’inscription, ils devraient savoir où va leur contribution.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Nous examinerons tout à l’heure un amendement relatif à la transparence de la CVEC, pour lequel nous nous en remettrons à la sagesse de la commission.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques II-AC84 de Mme Marie Mesmeur et II-AC276 de M. Hendrik Davi
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Il s’agit d’appliquer la Constitution, plus précisément l’alinéa 13 du préambule de la Constitution de 1946, selon lequel « la nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État. »
Pourtant, un étudiant paye 175 euros pour s’inscrire en licence, 250 euros en master et 391 euros en doctorat. Ces frais d’inscription ne représentent que 2 % des ressources des universités : ils ne sont donc pas un levier de financement important. Alors qu’ils étaient gelés depuis 2020, la ministre démissionnaire de l’enseignement supérieur Sylvie Retailleau les a augmentés en juillet, au mépris des difficultés avérées des étudiants pour vivre – sans parler de l’augmentation cachée que constitue la hausse de 14,4 % de la CVEC en cinq ans. Bref, il est clairement demandé aux étudiants de pallier le désengagement de l’État.
Le but est bien d’opérer un tri social et de fermer l’accès de l’enseignement supérieur et de la recherche aux plus pauvres, alors que la gratuité, au contraire, permettrait aux jeunes de poursuivre leurs études.
M. Hendrik Davi (EcoS). Il y a trois bonnes raisons d’adopter ces amendements.
La première est symbolique. Comme l’a dit Marie Mesmeur, la Constitution dispose que l’école et l’enseignement supérieur sont gratuits. Ce serait un geste très fort de réaffirmer que la France est le pays du savoir, le pays de Pasteur.
Deuxièmement, la gratuité serait une mesure sociale. Elle soulagerait les étudiants, mais serait facilement supportable pour l’État puisque les frais d’inscription ne rapportent que 319 millions : on ne peut pas dire qu’ils soient un pilier du financement des universités.
Enfin, je rappelle que certaines universités relèvent du statut « grand établissement », qui leur permet de déroger aux règles et de commencer à faire flamber le montant des frais d’inscription. Nous voyons bien que l’actuel ministre de l’enseignement supérieur pourrait être tenté d’augmenter ces frais. On se rapprocherait du modèle anglais, avec les frais d’inscription de 6 000 ou 10 000 euros et les prêts étudiants qui vont avec. Ce serait une catastrophe.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. La suppression des frais d’inscription ne nous paraît évidemment pas opportune. Une telle mesure risquerait de fragiliser le budget des établissements, certains d’entre eux étant déjà en déficit. De plus, cette contribution des étudiants est modique, surtout au regard de ce qui se pratique dans d’autres pays européens et dans le monde. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement II-AC95 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). « Bienvenue en France » : voici un dispositif qui porte particulièrement mal son nom, étant donné qu’il consiste à empêcher les plus précaires des étudiants extra-européens d’accéder aux universités françaises. Depuis 2019, le Gouvernement a multiplié par seize les frais d’inscription les concernant, ceux-ci atteignant désormais 2 850 euros en licence et 3 879 euros en master. Pour quelle raison les étrangers, déjà exclus du système des bourses, devraient-ils payer tellement plus que les Français ou Européens ? L’association France Universités l’affirme : il s’agit d’une « insulte aux Lumières », ce type de dispositifs ne faisant que « renforcer la marchandisation de l’enseignement supérieur français et accentuer la précarité financière de nos étudiantes et étudiants internationaux ».
C’est bien un tri raciste et xénophobe qui est organisé : les statistiques relatives aux arrivants en attestent. Le pays des droits de l’homme choisit ses étudiants selon leur pays d’origine, au détriment du partage des savoirs, de la recherche et de l’attractivité de nos universités. Les étrangers représentaient 40 % des doctorants il y a quelques années, 34 % aujourd’hui et leur nombre ne fait que chuter, notamment en raison de ce dispositif injuste que cet amendement tend à supprimer.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Si la stratégie « Bienvenue en France » permet la différenciation des frais d’inscription, leur montant pour les étudiants extra-européens demeure largement en deçà du coût réel des formations délivrées. Par ailleurs, dans la mesure où ces étudiants n’ont pas contribué par l’impôt au financement de l’enseignement supérieur public, il apparaît légitime de leur demander des frais d’inscription plus élevés. Rappelons enfin que les plus fragiles d’entre eux peuvent bénéficier d’une exonération sous conditions. Notre avis est donc défavorable.
M. Hendrik Davi (EcoS). L’université d’Aix-Marseille, dans ma circonscription, accueille énormément d’étudiants étrangers. Pendant plusieurs années, son président est parvenu à ne pas leur appliquer cette disposition injustifiée et cynique – appeler le dispositif « Bienvenue en France », il fallait oser !
L’importance du partage du savoir, le fait qu’il ne s’agit pas d’une marchandise : peut-être n’adhérez-vous pas à cela, mais essayez au moins de comprendre que les étudiants étrangers dont nous parlons, qui ont de hauts niveaux de qualification, conserveront un lien privilégié avec la France quand ils retourneront dans leur pays. Nombreux seront ceux qui créeront des entreprises, en Chine ou en Afrique par exemple, et seront autant de partenaires commerciaux potentiels pour la France. Ainsi, même quand on est pro-business, il est intéressant de proposer une université gratuite. Cela a longtemps été un avantage comparatif de la France, sur lequel nous revenons bêtement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-AC98 de Mme Marie Mesmeur, II-AC182 de Mme Soumya Bourouaha, II-AC202 de M. Pierrick Courbon et II-AC270 de M. Hendrik Davi
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Mon amendement tend à instaurer une garantie d’autonomie pour les jeunes en formation. Selon les chiffres du ministère, depuis vingt ans, la population étudiante a augmenté de 650 %. Or, étude après étude, toutes les données quantitatives et qualitatives montrent les dégâts de la précarité étudiante, avec 85 % des inscrits vivant sous le seuil de pauvreté.
Vous semblez fermer les yeux devant les images des distributions alimentaires qui explosent et les chiffres des étudiants qui échouent. Un sur deux doit travailler en parallèle de ses études pour survivre, c’est-à-dire pour payer son loyer et se nourrir. C’est une injustice sociale, car ils n’ont pas le même temps que les autres pour réviser et pour vivre sereinement. Même le Sénat a reconnu, en mai 2021, que les étudiants qui travaillent en parallèle de leurs études ont un taux de réussite plus faible, ce qui tend à allonger leurs cursus et à multiplier les décrochages.
Le montant maximal d’une bourse s’élève à 633,50 euros par mois, quand le coût de la vie étudiante dépasse largement les 1 000 euros. Voilà pourquoi La France insoumise et le Nouveau Front populaire demandent l’instauration d’une garantie d’autonomie supérieure au taux de pauvreté. De cette manière, nous rendrions aux étudiants leur dignité, tout en faisant preuve de responsabilité et d’ambition politique.
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Depuis plusieurs années, le groupe GDR défend la création d’un revenu étudiant, objet de mon amendement. Il prendrait la forme d’un versement mensuel à tous les étudiants du supérieur, quels que soient l’établissement de rattachement, la filière et la situation familiale, afin de leur permettre de subvenir à leurs besoins, à savoir se loger, se nourrir, s’habiller, acheter du matériel scolaire, mais aussi accéder aux loisirs.
Cette proposition répond à un besoin matériel identifié chez des dizaines de milliers d’étudiants actuellement contraints de travailler en parallèle de leurs études. Pour différentes raisons, les familles ne peuvent pas toujours aider. Il faut donc apporter à ces jeunes une autonomie financière et reconnaître leur travail ainsi que leur apport à la société. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous ne parlons pas d’allocation, mais de revenu, avec tout ce que cela comporte.
M. Pierrick Courbon (SOC). Par l’amendement d’appel II-AC202, le groupe socialiste propose également d’introduire une aide inconditionnelle aux étudiants, afin de réduire la précarité. Mesdames les rapporteures, vous savez que plusieurs organisations étudiantes défendent une telle mesure, mais c’est aussi le cas de la présidente de la Sorbonne et du président de l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne, qui, dans une récente tribune, ont plaidé pour le « versement d’une allocation dès l’inscription dans l’enseignement supérieur ou professionnel, et sans condition de revenu », afin de favoriser l’autonomie.
Par cette proposition, nous questionnons la place des jeunes dans la société et dénonçons le système de dépendance financière et morale dans lequel ils se trouvent vis-à-vis de leurs familles. Cette question ne saurait donc se résumer à une simple divergence partisane.
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Cela a été dit et répété, la précarité étudiante explose. Selon une étude récente de l’association Cop1-Solidarités étudiantes, 36 % des étudiants ont déjà sauté des repas par manque d’argent, un sur dix le font souvent, et 65 % ont recours à l’aide alimentaire régulièrement ou fréquemment. Je suppose que vous êtes nombreux à avoir vu les images des distributions alimentaires à Montpellier, mais les mêmes existent dans les autres villes universitaires.
Le coût de la vie étudiante continue de progresser, en raison de la hausse des frais d’inscription, du coût de l’énergie, des charges locatives – dans et hors des Crous – ainsi que des prix alimentaires. Pour en finir avec la précarisation grandissante des conditions de vie et de formation des étudiantes et étudiants, le groupe Écologiste et social appelle le Gouvernement à instaurer une garantie d’autonomie de 1 216 euros par mois pour les jeunes détachés du foyer fiscal de leurs parents.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements. Cette mesure démagogique fait partie du programme de gouvernement du Nouveau Front populaire, qui n’a pas été plébiscité par les électeurs. (Exclamations.)
Précisons qu’une garantie d’autonomie pour les jeunes aurait un coût incompatible avec la situation budgétaire dégradée que nous connaissons. Notre pays offre d’ailleurs déjà une myriade d’aides. Celle que vous proposez aurait un effet déresponsabilisant, d’autant qu’elle serait décorrélée des revenus. En quoi un élève issu d’un milieu favorisé devrait-il bénéficier de la solidarité nationale ? Enfin, il serait injuste qu’une simple inscription à l’université suffise pour toucher 1 200 euros, un montant proche du Smic et que de nombreux travailleurs ne perçoivent pas.
Nous sommes nombreux à venir d’un milieu modeste. Pour ma part, j’ai travaillé plusieurs étés dans un Ehpad ou à l’usine et j’y ai survécu. J’invite donc à prendre un peu de hauteur et à sortir d’une vision égalitariste, dont on voit où elle nous mènerait.
M. Pierrick Courbon (SOC). Je conçois que vous vous opposiez aux propositions du NFP, madame la rapporteure pour avis, mais celle-ci est également défendue par deux présidents d’université, qui ne sont ni des irresponsables, ni de dangereux gauchistes partisans d’une vision égalitariste de la société. Si vous n’avez pas de considération pour nous, ayez-en au moins pour eux. Que répondez-vous à leur cri du cœur ?
M. Laurent Croizier (Dem). Nous sommes d’accord sur la nécessité de s’attaquer à la précarité étudiante. Cependant, je suis choqué par cette idée d’une allocation étudiante sans condition de revenus. Je ne comprendrais pas que des enfants de députés touchent une telle aide, alors que notre indemnité est élevée. Vous ne proposez rien de moins qu’une allocation étudiante pour les familles de riches ! Les aides pour les étudiants en rupture familiale ou simplement dépourvus de ressources, cela existe déjà : cela s’appelle les bourses, et l’éligibilité dépend bien des revenus du foyer. Chers collègues du Nouveau Front populaire, quand cesserez-vous d’instrumentaliser la précarité étudiante ? (Exclamations.) Cet après-midi, comme depuis des années, vous entretenez l’illusion du tout-gratuit.
M. Hendrik Davi (EcoS). Contrairement à ce qui a été dit, cette mesure, comme tant d’autres, a bien été plébiscitée par les Français, dans la mesure où nous sommes arrivés en tête du second tour des élections législatives. De plus, elle est défendue par des présidents d’université ainsi que par l’ensemble des syndicats étudiants.
Cette proposition a évidemment un coût, mais elle pourrait être financée par un prélèvement sur les héritages supérieurs à 12 millions d’euros. Elle ferait de la France la nation du savoir.
Quant aux riches, dès lors qu’ils payent leurs impôts et qu’ils participent davantage, comme la commission des affaires sociales l’a approuvé, au financement de la sécurité sociale, je suis favorable à ce que leurs enfants puissent étudier gratuitement. C’est cela la République, madame la rapporteure pour avis !
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Je trouve humiliant et déplacé, madame la rapporteure pour avis, que notre proposition ait été qualifiée de démagogique. Elle est plébiscitée aussi bien par les universitaires que par les étudiants et leurs parents et nous assumons justement qu’il s’agisse d’une mesure égalitaire.
Pour avoir été prof, je peux témoigner de l’importance cruciale d’aider les étudiants à réussir. Je peux vous assurer que ceux qui travaillent jusqu’à minuit ou une heure du matin ne sont jamais réveillés le lendemain pour assister à leur cours de huit heures. Travailler empêche de réussir ses études. Voilà pourquoi instaurer un revenu étudiant est si important.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Cela ne m’étonne pas que vous refusiez d’ouvrir les yeux sur l’ampleur de la précarité étudiante, comme sur les résultats des élections. C’est d’ailleurs aussi pour cette raison que les jeunes votent en majorité pour le Nouveau Front populaire et donc en faveur de la garantie d’autonomie. (Exclamations.)
Vous qualifiez cette mesure de démagogique, mais elle est chiffrée et financée, en l’occurrence grâce à une taxe sur les héritages supérieurs à 12 millions. Qui a une telle somme à transmettre à ses enfants peut en effet contribuer à permettre à tous les enfants de France d’étudier sereinement. J’ajoute qu’une condition d’éligibilité est bien prévue : celle d’être détaché du foyer fiscal de ses parents.
Voir la jeunesse d’une manière universelle, monsieur Croizier, permet de ne pas infantiliser les jeunes, ni de ne les considérer que comme des « enfants de ». Le versement d’une allocation à tous éviterait à certains de se voir imposer un avenir tout tracé sous peine de se faire couper les vivres. Tous les jeunes seraient émancipés et libres d’accéder aux études de leur choix, indépendamment des souhaits de leurs parents.
M. Pierrick Courbon (SOC). Vous avez indiqué, madame la rapporteure pour avis, avoir très bien supporté de travailler certains étés, mais il y a une grande différence avec le fait d’occuper un emploi de plusieurs heures par semaine tout au long de l’année universitaire. Toutes les statistiques le prouvent : quand il est continu et parallèle aux études, le travail étudiant est l’un des principaux facteurs qui nuisent à la réussite académique.
Par ailleurs, si vous vous opposez à notre remède, je remarque que vous adhérez au diagnostic. Alors, que proposez-vous ? Que répondez-vous aux files d’attente devant les banques alimentaires, images que nous pensions appartenir à l’histoire ? Qu’envisagez-vous pour les étudiants qui dorment dans la rue, dans leur voiture ou au camping ?
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Je n’ai pas de leçon à recevoir sur la terminologie que j’emploie de la part des membres du Nouveau Front populaire, coutumiers des outrances, en commission comme dans l’hémicycle.
Quant à la précarité étudiante, vous avez pu constater que Frédérique Meunier et moi-même consacrons à cette question la seconde partie de notre rapport pour avis, après avoir entendu les inquiétudes des différentes associations que nous avons auditionnées.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Hors micro, M. Corbière nous interpelle et nous met en cause directement. Qu’il soit d’abord assuré que je suis moi aussi un enfant de la République et que les miens iront à l’école publique quand ils en auront l’âge. Je note d’ailleurs que ce n’est pas le cas d’un député comme M. Caron, qui emmène ses enfants dans une école privée de Versailles, puisque nous en sommes aux attaques personnelles.
M. Alexis Corbière (EcoS). C’est n’importe quoi ! Nous avons autre chose à faire que d’écouter de telles bêtises !
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Quant à la précarité étudiante, je rappelle que c’est sous la présidence d’Emmanuel Macron que les fonds alloués aux bourses ont augmenté de 500 millions (Exclamations) et que les repas sont passés à 1 euro pour certains étudiants. La situation est loin d’être parfaite, parlons-en, mais jamais la gauche n’a pris de telles mesures.
La commission rejette successivement les amendements.
2. Réunion du mercredi 23 octobre à 21 heures
La commission poursuit l’examen, pour avis, des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur du projet de loi de finances pour 2025 ([182]).
Article 42 et état B (suite) : Crédits du budget général
Amendement II-AC135 de M. Arnaud Saint-Martin
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Cet amendement vise à augmenter le montant des bourses afin que celles-ci s’échelonnent entre le revenu de solidarité active (RSA) et le seuil de pauvreté. Il s’agit là d’une revendication étudiante. Selon une enquête de l’association Linktree, 77 % des étudiants interrogés ont un reste à vivre de moins de 3,33 euros par jour. Comment peut-on réussir ses études le ventre vide ? Quand ils ne renoncent pas, ils sacrifient leur alimentation, leur santé, leur logement, tout cela en raison du caractère injuste et insuffisant du système de bourses, qui est de surcroît infantilisant.
Le montant maximum des bourses reste deux fois inférieur au seuil de pauvreté, leur montant moyen est à peine de 350 euros par mois. C’est la première cause d’échec en licence. L’exclusion des jeunes de moins de 25 ans du RSA ne laisse aux étudiants précaires que le salariat en parallèle des études pour survivre. Soyons cohérents : nous voulons des futurs professionnels formés, capables de répondre, notamment, aux enjeux écologiques et industriels. Si les étudiants abandonnent leurs études ou échouent, nos investissements publics dans l’avenir auront été vains.
Et, pour en revenir à une discussion que nous avons eue tout à l’heure, vérification faite, les syndicalistes ont bien demandé en audition la suppression de Parcoursup. La vidéo est disponible.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis (Enseignement supérieur et vie étudiante). Cet amendement très intéressant nous coûterait la bagatelle de 1,584 milliard d’euros, étant rappelé que notre dette excède 3 000 milliards d’euros. Pouvez-vous me préciser comment vous financeriez cette mesure ?
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Les transferts de crédits sont détaillés dans l’amendement. En tout état de cause, la taxation des héritages supérieurs à 12 millions d’euros permettrait de financer un projet politique. Nous devons avoir la cohérence de nos ambitions : si nous voulons combattre la crise écologique, industrielle, sociale et démocratique, il faut investir dans la jeunesse.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Vous proposez donc une taxation, qui s’ajouterait aux impôts que l’on a payés tout au long de son existence, sur des héritages qui sont le fruit d’économies d’une vie. C’est ce que l’on appelle une taxe sur la mort.
En outre, il serait injuste que des étudiants boursiers perçoivent jusqu’à 1 216 euros par mois, soit un montant proche du Smic, alors que des salariés qui se lèvent tôt le matin et qui n’ont que cinq semaines de vacances par an peinent parfois à atteindre ce niveau de rémunération. Privilégier de la sorte les étudiants sur les actifs serait une réelle injustice sociale – mais il semble que cette iniquité ne soit pas votre problème. Avis défavorable.
M. Pierrick Courbon (SOC). La taxation des héritages supérieurs à 12 millions n’est pas une taxe sur la mort. Un patrimoine de ce montant n’est pas le fruit du travail d’une vie, ce n’est pas l’héritage de M. et Mme Tout-le-Monde.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. C’est le principe qui compte, peu importe le montant. Vous taxez des contribuables qui ont déjà payé des impôts toute leur vie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC141 de M. Arnaud Saint-Martin
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Ne mélangeons pas tout : le fait que le Smic ne paie plus et que le seuil de pauvreté soit un peu au-dessus de 1 200 euros est un autre problème. Je souhaite évidemment que les travailleurs vivent mieux mais, dans le cadre de l’examen de ces crédits, nous parlons des étudiants. Nous vous demandons de les protéger, ce qui paraît la moindre des choses, dans un contexte de crise, face à l’allongement des files d’attente devant les centres de distribution alimentaire et alors qu’un doctorant sur quatre peine à se nourrir. C’est devenu un problème de santé publique. La question est de savoir ce que l’on veut pour notre jeunesse et les travailleurs de demain. Nous demandons, par cet amendement, qu’à tout le moins l’ensemble des bourses soient revalorisées de 200 euros.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Une réforme des bourses est impérative pour les rendre plus justes et mieux accompagner les étudiants qui en ont besoin. Cela étant, le moment est-il bien choisi pour y consacrer 1,3 milliard d’euros, comme vous le proposez ? Si l’on devait dépenser tous les milliards que vous demandez depuis le début de l’examen de cette mission, on se trouverait dans l’état où était la Grèce il y a quelques années, on ne pourrait plus payer quoi que ce soit et on finirait par tout perdre ! Il faut vraiment trouver un juste équilibre. Votre intention est toujours louable, mais on pourrait tout perdre à cause de vous. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC99 de Mme Marie Mesmeur
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Il s’agit de verser les bourses sur douze mois plutôt que sur dix. En effet, durant l’été, les étudiants sont privés de ressources alors qu’ils continuent la plupart du temps de payer un loyer. On ne comprend pas vraiment la raison de la suspension du versement, d’autant que certains rattrapages ont lieu très tard au cours de l’été et que les cours reprennent parfois dès le mois d’août. Imaginerait-on priver les salariés de leur rémunération pendant les congés d’été ? La plupart des étudiants doivent se salarier pendant l’été et ne peuvent donc partir en vacances ; 56 % d’entre eux doivent assumer un job à côté de leurs études compte tenu de l’insuffisance des bourses. Le faible montant de celles-ci explique la moitié des échecs à l’université.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. L’annualisation des bourses existe déjà pour soutenir les étudiants les plus fragiles, soit les étudiants d’outre-mer, réfugiés ou bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance. Cela doit être salué. En revanche, la généralisation de cette mesure ne semble pas opportune, le versement devant être lié à la poursuite des études, qui sont par définition suspendues pendant les vacances. Cette mesure représenterait en outre, même si je sais que ce n’est pas un problème pour vous, un coût de 532 millions d’euros, soit un cinquième du budget des aides directes. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-AC256 de M. Jean-Claude Raux est retiré.
Amendement II-AC255 de M. Jean-Claude Raux
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Nous proposons d’annuler la baisse des crédits alloués aux bourses.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC265 de Mme Fatiha Keloua Hachi
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Il s’agit d’indexer le montant des bourses sur l’inflation.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Alors ça, je pense que ce serait une bonne chose. Si le budget des bourses est en baisse de 100 millions d’euros, ce n’est parce qu’il y a moins d’étudiants concernés, mais parce que les bourses ne sont pas indexées. La réforme du système des bourses, en 2023, n’est pas revenue sur ce principe. Je pense qu’il faut passer à l’indexation. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Contre l’avis de la rapporteure pour avis Frédérique Meunier, la commission adopte successivement les amendements II-AC100 de M. Arnaud Saint-Martin et II-AC277 de M. Hendrik Davi.
L’amendement II-AC96 de M. Arnaud Saint-Martin est retiré.
Amendement II-AC201 de Mme Fatiha Keloua Hachi
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Cet amendement vise à étendre le repas à 1 euro à tous les étudiants. C’est un combat mené depuis de longues années, et une mesure attendue par les étudiants. Elle soulagera nombre d’entre eux et lèvera un certain nombre de barrières sans créer d’effet d’opportunité.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Depuis la crise sanitaire, des efforts ont été accomplis, qui ont permis d’offrir l’accès au repas à 1 euro à l’ensemble des étudiants boursiers et des étudiants non boursiers précaires. Le périmètre de ce dispositif n’a pas vocation à être élargi. Cette extension serait de nature à fragiliser le réseau des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), qui fait face à un afflux de demandes. Les étudiants plus aisés, qui sont en mesure de contribuer davantage que les étudiants précaires, bénéficient déjà d’un tarif social à 3,30 euros. N’oublions pas que la gratuité a toujours un coût. Pour les cantines scolaires, les collectivités territoriales ont institué des barèmes correspondant aux revenus, mais qui dépendent de leurs moyens. Dans ma commune de 8 000 habitants, où vivent 700 enfants, le premier prix, à la cantine, est de 80 centimes par repas. Peut-être devrions-nous engager une réflexion à ce sujet, mais votre solution me paraît mal adaptée. Avis défavorable.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Comme nous venons d’adopter l’amendement II-AC277, qui instaure la gratuité des repas dans les Crous, cet amendement est satisfait, de même que les autres portant sur le même sujet. Mais je tiens quand même à dire que la cantine scolaire et le restaurant universitaire renvoient à des problématiques très différentes. Dans nos collectivités, nous nous efforçons tous de trouver le juste prix du repas, en fonction du quotient familial. À l’université, le problème vient du fait que les Crous sont saturés et sous-abondés. Dans de nombreux Crous, un jeune en situation de précarité aiguë rencontre des difficultés folles avant de pouvoir bénéficier du repas à 1 euro. Sans compter que, de manière générale, les étudiants recourent moins aux aides que le reste de la population, sachant que le taux moyen de non-recours en France est déjà de 40 %. Ces différents facteurs conjoncturels expliquent que les jeunes aient faim. Il faut trouver une solution : ce n’est ni une lubie, ni un sujet de politique politicienne, mais un impératif.
L’amendement est retiré.
Les amendements II-AC97 de Mme Marie Mesmeur et II-AC259 de M. Jean-Claude Raux sont retirés.
Amendement II-AC91 de M. Pierrick Courbon
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis (Enseignement supérieur et vie étudiante). Si la non-compensation de l’inflation est une question qui doit retenir notre attention, il paraît nécessaire que les opérateurs de l’enseignement supportent, conformément à l’autonomie qui leur est reconnue, une partie des coûts qui lui sont liés, notamment en ayant recours à leur fonds de roulement. Comme nous l’avons rappelé à maintes reprises, le contexte budgétaire n’est pas propice à l’augmentation des subventions pour charges de service public. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC284 de M. Alexis Corbière
M. Alexis Corbière (EcoS). Il s’agit de dégager 127 millions d’euros pour compenser l’augmentation des coûts de fonctionnement des universités, due en particulier à la hausse du prix de l’énergie.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis Virginie Duby-Muller, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC109 de M. Arnaud Saint-Martin
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Nous proposons d’augmenter de 308 millions d’euros le budget des universités afin de compenser les mesures salariales appliquées à l’ensemble de la fonction publique.
Il s’agit d’abord des mesures dites Guerini : la revalorisation de 1,5 % du point d’indice en 2023, qui n’a pas été compensée par l’État, et celle de 2024, soit 5 % sur les bas salaires, qui ne l’a été que partiellement. En 2023 et en 2024, ces mesures ont représenté, respectivement, 140 et 123 millions d’euros. Elles creusent les budgets propres des universités, ce qui les empêche d’accueillir les étudiants et d’investir dans la recherche, l’innovation et les équipements. À l’université de Nantes, par exemple, ces mesures non compensées pèsent à elles seules 4 millions d’euros dans le budget.
À cela s’ajoute le fameux glissement vieillesse technicité, qui n’est pas non plus compensé par l’État et qui ampute de 45 millions d’euros, en 2024, le budget des universités. La moindre des choses à attendre de l’État est tout de même qu’il paye ses fonctionnaires.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Si la non-compensation du glissement vieillesse technicité est une question qui requiert l’attention, il paraît tout de même nécessaire, conformément au principe d’autonomie, que les opérateurs de l’enseignement supérieur supportent une partie des coûts en question, par exemple en recourant à leur fonds de roulement. La situation budgétaire de l’État rend difficile un abondement plus important des subventions pour charges de service public. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC92 de M. Pierrick Courbon
M. Pierrick Courbon (SOC). Il s’agit de compenser totalement l’augmentation du coût du glissement vieillesse technicité pour nos universités, Selon France Universités, depuis 2012, un peu plus de 700 millions d’euros n’ont pas été compensés, ce qui correspond à plus de 520 emplois de maîtres de conférences.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis Frédérique Meunier, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC89 de M. Pierrick Courbon
M. Pierrick Courbon (SOC). Plusieurs universités accusent un déficit, et cette situation va prendre de l’ampleur en 2025. Cela s’explique par la non-compensation d’un certain nombre de mesures, en particulier le relèvement du taux des cotisations employeur au compte d’affectation spéciale Pensions. C’est ce que cet amendement propose de corriger.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Si cette hausse constitue effectivement un point d’alerte, sa compensation constituerait une charge pour l’État difficile à envisager dans le contexte actuel.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC262 de M. Jean-Claude Raux
M. Jean-Claude Raux (EcoS). La non-compensation du relèvement de 4 points du taux de la contribution employeur au compte d’affectation spéciale Pensions est une mauvaise mesure pour la santé financière des universités, déjà fragilisée. En 2023, 30 % des universités accusaient un déficit financier ; une trentaine pourraient être concernées d’ici à la fin 2024 et plus d’une soixantaine en 2025. La hausse de cette contribution représente 180 millions d’euros par an, que les établissements devront financer soit par un prélèvement sur leur fonds de roulement, soit par la réduction de leur campagne d’emploi. Cette somme leur permettrait de recruter 2 080 maîtres de conférences. Leur situation a déjà des conséquences sur leurs missions de formation, de recherche et d’innovation, ainsi que sur leur capacité à investir et à conduire des projets de décarbonation. Cet amendement demande la compensation intégrale de cette dépense.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis Frédérique Meunier, la commission rejette l’amendement.
L’amendement II-AC290 de Mme Graziella Melchior tombe.
Amendement II-AC90 de M. Pierrick Courbon
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. La non-compensation des mesures Guerini est en effet préoccupante mais, compte tenu du principe d’autonomie, il paraît légitime que les opérateurs participent au financement de mesures bénéficiant à leur personnel. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-AC250 de M. Alexis Corbière est retiré.
Amendement II-AC288 de M. Hendrik Davi
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Avis défavorable car le statut des vacataires a déjà connu des évolutions récentes, notamment la mensualisation, qui était inscrite dans la loi de programmation de la recherche. La priorité nous paraît être d’appliquer cette loi de programmation, comme s’y emploie le projet de loi de finances (PLF), en dépit d’une légère sous-dotation par rapport à la trajectoire initialement prévue.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC289 de M. Hendrik Davi
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Cet amendement de repli, qui vise à augmenter de 50 % la rémunération des vacataires, représenterait un coût supplémentaire de 110 millions d’euros : à croire que la France en a les moyens ! Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC197 de M. Emmanuel Grégoire
M. Arthur Delaporte (SOC). Nous venons d’obtenir la revalorisation des vacataires à hauteur d’au moins 1,5 Smic. C’est une forme de reconnaissance pour les soutiers de l’enseignement supérieur qui, pour le moment, travaillent presque gratuitement – en tout cas en dessous du Smic horaire.
L’amendement est retiré.
Amendement II-AC110 de M. Arnaud Saint-Martin
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Le coût de cet amendement, qui vise à revaloriser de 15 % les fonctionnaires au sein des universités, ne serait supportable ni pour les opérateurs, déjà fragilisés par les mesures de revalorisation salariale engagées ces dernières années, ni pour l’État. Alors que 60 des 74 universités sont déjà déficitaires, on dirait que vous voulez leur faire mettre la clef sous la porte ! Parce que je suis responsable, contrairement à vous, j’émets un avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC274 de M. Hendrik Davi
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement qui a pour objet de mettre en œuvre un plan de titularisation des contractuels : ce serait vraiment trop coûteux compte tenu de nos contraintes budgétaires.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC252 de M. Alexis Corbière
M. Alexis Corbière (EcoS). Même plume, même oiseau : cet amendement demande la titularisation de 5 800 contractuels mais je vais le retirer puisque le précédent a été adopté.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Oui, les contractuels sont tous titularisés et les universités sont ruinées !
L’amendement est retiré.
Les amendements II-AC128 de Mme Marie Mesmeur et II-AC102 de M. Arnaud Saint-Martin sont retirés.
Amendement II-AC93 de Mme Marie Mesmeur
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Vous voulez glisser 804 millions d’euros supplémentaires dans la hotte du père Noël. Le 24 décembre se rapproche, certes, mais mon avis est défavorable.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-AC278 de M. Hendrik Davi est retiré.
Amendement II-AC117 de Mme Marie Mesmeur
M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit d’exonérer de frais d’inscription les doctorants qui travaillent pour l’enseignement supérieur et la recherche, donc pour l’intérêt général. Ce ne sont pas des étudiants comme les autres.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Les frais d’inscription sont une source de revenus pour les établissements d’enseignement supérieur. Il est vrai que ce n’est pas votre préoccupation – et si les universités mettent la clef sous la porte, il n’y aura, de toute façon, plus d’étudiants ni de vacataires. J’ajoute que le public visé bénéficie des services des universités. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC206 de M. Pierrick Courbon
M. Pierrick Courbon (SOC). Il a été question de l’immobilier des universités tout à l’heure : n’oublions pas les infrastructures sportives. La pratique du sport à l’université est un enjeu de santé publique. Notre amendement vise à lancer un grand plan de construction d’infrastructures sportives.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. L’objectif est louable et noble mais le coût serait, là encore, exorbitant. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC245 de Mme Céline Hervieu
Mme Céline Hervieu (SOC). Mesdames les rapporteures pour avis, les étudiants en situation de handicap et ayant des besoins spécifiques auront peut-être raison de votre vision purement comptable. Nous avons besoin de crédits supplémentaires pour eux. Ils sont 47 000 à être inscrits à l’université et nous devons leur permettre d’accéder à l’enseignement : c’est un droit.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Je m’en remets à la sagesse de la commission. Permettre aux étudiants en situation de handicap d’étudier dans des conditions dignes va dans le bon sens.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC246 de Mme Céline Hervieu
Mme Céline Hervieu (SOC). Nous proposons de créer treize services de santé étudiante supplémentaires pour garantir l’accès aux soins à tous les étudiants, dans tous les lieux d’études et de vie. Je rappelle que 13 % des étudiants renoncent à des soins pour des raisons financières. Il faut que les pouvoirs publics soient au rendez-vous.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Le décret du 13 mars 2023 relatif aux services universitaires et interuniversitaires de santé étudiante rend déjà obligatoire la mise en place d’un tel service dans chaque université. Avis donc défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Les amendements II-AC210 de Mme Céline Hervieu, II-AC260 de M. Jean‑Claude Raux et II-AC129 de M. Arnaud Saint-Martin sont retirés.
Amendement II-AC244 de Mme Céline Hervieu
Mme Céline Hervieu (SOC). Cet amendement tend à créer dans chaque faculté de médecine, au niveau de la licence, trois postes d’enseignant-chercheur en pédopsychiatrie. Une proportion importante de jeunes sont en grande souffrance psychique et nous avons vraiment besoin de renforcer cette discipline.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Sagesse. La pénurie de pédopsychiatres est une question récurrente et le coût de votre proposition paraît raisonnable au vu du besoin.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-AC209 de Mme Céline Hervieu est retiré.
Amendement II-AC275 de M. Hendrik Davi
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Même avis de sagesse. Le nombre d’assistantes sociales et d’assistants sociaux au sein des Crous paraît insuffisant compte tenu du nombre d’élèves en situation de précarité.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC266 de Mme Fatiha Keloua Hachi
Mme Céline Hervieu (SOC). Cet amendement d’appel, qui revient sur des transferts de crédits, tend à rappeler que le combat contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) doit être mené partout et à chaque instant. Il y a beaucoup de victimes de ces violences dans le monde étudiant – le chiffre officiel, de 10 %, est a priori fortement sous-évalué.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Avis défavorable, car les moyens du programme 150 ont vocation à rester centrés sur la formation et les savoirs. Les initiatives contre les violences sexistes et sexuelles peuvent être financées par d’autres crédits, notamment ceux du programme 231, Vie étudiante. La lutte contre ces violences, qui peuvent bien sûr faire l’objet d’actions de prévention, relève également de la répression judiciaire, et les établissements d’enseignement supérieur n’ont pas vocation à se substituer à la justice.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Ces crédits existent : on se demande simplement pourquoi le PLF pour 2025 veut les déplacer.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC261 de M. Jean-Claude Raux
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Prévention, formation, signalement et accompagnement doivent être les maîtres mots de la politique de lutte contre les VSS. Trois ans après le lancement d’un plan national par le Gouvernement, le bilan est bien maigre : 45 % des étudiants et étudiantes interrogés par l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur n’ont pas accès au dispositif. C’est la preuve de l’insuffisance des moyens alloués. Notre amendement tend donc à augmenter ces crédits et à compenser le transfert de 1,7 million d’euros réalisé l’année dernière pour financer des emplois de référents dans les rectorats.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Cet amendement est satisfait.
L’amendement est retiré.
L’amendement II-AC123 de Mme Marie Mesmeur est retiré.
Amendement II-AC203 de M. Pierrick Courbon
M. Pierrick Courbon (SOC). Nous proposons de rétablir les crédits enlevés au programme Vie étudiante – les 77 millions d’euros qui sont pris sur le dos des étudiants.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Nous comprenons la baisse de ces crédits, toutes les administrations publiques devant s’astreindre à faire des économies. Par ailleurs, on ne sait pas à quoi seraient affectés les crédits que vous demandez. S’agit-il d’augmenter le montant des bourses ou le nombre de boursiers ? Pour quels types de bourses ? Faute d’éléments supplémentaires, avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC247 de M. Pierrick Courbon
M. Pierrick Courbon (SOC). Cet amendement vise à soutenir les étudiants en créant un fonds d’amorçage pour la mise à disposition d’une licence globale en matière d’outils bureautiques.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Vous proposez de renforcer l’action 1 du programme 231, consacrée aux différents types de bourses, afin de donner à tous les étudiants un accès aux outils bureautiques nécessitant une licence. Le problème ne nous a pas été signalé par les organisations étudiantes, ni par aucun acteur lors des auditions. Par ailleurs, votre proposition est coûteuse. Il n’est pas certain qu’elle ait sa place au sein des aides directes et elle manque de détails à ce stade. Elle pourrait aussi produire un effet d’aubaine pour l’entreprise Microsoft, qui pourrait facturer plus cher sa licence. C’est exactement ce qui s’est passé lorsque mon conseil départemental a voulu aider à l’achat de poêles de chauffage avec une aide de 300 euros : tous les installateurs ont augmenté leur facture d’autant. Bref vous voulez financer Microsoft. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC280 de M. Christophe Marion
M. Christophe Marion (EPR). Cet amendement vise à dégager des crédits pour amplifier l’offre de formation en master et en doctorat sur la recherche de provenance des biens culturels, et pour accroître les moyens de recherche du Muséum national d’histoire naturelle et du musée du Quai Branly. L’université de Nanterre a créé à la rentrée 2022-2023 un diplôme universitaire « Recherche de provenances des œuvres : circulations, spoliations, trafics illicites, restitutions », mais de tels exemples restent rares. Or la France se doit de former davantage de spécialistes en recherche de provenances, notamment pour honorer ses engagements récents en matière de restitution – dont la loi relative à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites et la loi relative à la restitution de restes humains appartenant aux collections publiques.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Avis défavorable. L’action 13, sur laquelle porte l’amendement, connaîtra déjà une évolution significative, avec 142,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement – soit une hausse de 6,4 % – destinés à soutenir le Muséum national d’histoire naturelle, confronté à des difficultés financières. Plus généralement, il ne revient pas à la loi de finances de flécher des crédits pour ouvrir des postes de doctorants dans tel ou tel domaine.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC116 de M. Arnaud Saint-Martin
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. L’amendement prévoit des crédits pour créer plusieurs formations en Guyane dans des domaines tels que l’électricité, la foresterie et l’efficacité énergétique. Le besoin de formations et de compétences dans ce territoire, composé à presque 90 % de forêt, est bien identifié. Il importe d’encourager l’emploi local compte tenu des difficultés que connaît la Guyane. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC113 de M. Arnaud Saint-Martin
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à renforcer le contrôle des établissements privés et à mettre fin à leurs financements publics.
Si des dérives peuvent être observées, de nombreux contrôles existent déjà, dans le cadre de Qualiopi, du Hcéres (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) ou de France Compétences. Au niveau sectoriel, des contrôles sont exercés par la commission des titres d’ingénieur ou encore par la commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion. Enfin, les établissements procèdent à des contrôles de qualité internes.
Par ailleurs, les crédits de l’action 4, Établissements d’enseignement privés, du programme 150 ne financent pas les établissements privés à but lucratif. Ils sont alloués aux établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général et aux associations concourant à la formation initiale des enseignants des établissements scolaires privés. Quant aux crédits relatifs à l’apprentissage, également évoqués dans l’exposé des motifs, ils relèvent du programme Travail, emploi et administration des ministères sociaux. Les crédits affectés à l’apprentissage dans l’enseignement supérieur privé devraient, du reste, être réduits.
Pour ces différentes raisons, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC58 de M. Arnaud Saint-Martin
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Le Hcéres, créé en 2013, a fait la preuve de son utilité. Il est indispensable d’avoir une autorité indépendante pour évaluer l’écosystème de la recherche. De plus, le coût mentionné dans l’exposé sommaire est surévalué : ces 32 millions d’euros financent également d’autres organisations, comme l’Institut de France. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement II-AC269 de M. Hendrik Davi est rejeté.
Amendement II-AC122 de Mme Marie Mesmeur
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Il est défendu.
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis (Recherche). Madame la présidente, je tiens à dire que nos conditions de travail ne sont pas tolérables : nous sommes appelés à voter en même temps dans l’hémicycle et en commission. Cela ne doit pas se banaliser.
Avis favorable à cet amendement qui vise à créer un plan d’investissement de 2 milliards d’euros pour la recherche française.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC268 de M. Hendrik Davi
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis. Je suis favorable à cet amendement qui tend à redéployer des crédits de l’ANR (Agence nationale de la recherche).
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC51 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis. Il s’agit là aussi de redéployer des crédits de l’ANR, à hauteur de 1 milliard d’euros, vers un nouveau programme. Favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC199 de M. Pierrick Courbon
M. Pierrick Courbon (SOC). Il s’agit, cette fois encore, de redéployer des crédits de l’ANR. Nous contestons la logique consistant à financer la recherche par des appels à projets.
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis. Je partage cet esprit, avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC251 de M. Alexis Corbière
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis. Cet amendement, pour lequel je demanderai au Gouvernement de lever le gage, vise à mettre en cohérence le projet de loi de finances pour 2025 avec la trajectoire prévue en 2020 par la loi de programmation de la recherche (LPR). Je propose notamment le redéploiement de 320 millions d’euros du programme 193.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC88 de M. Emmanuel Grégoire
M. Pierrick Courbon (SOC). L’amendement vise à rétablir les crédits prévus dans la LPR, seule loi de programmation dont la trajectoire budgétaire ait subi des coupes.
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis. Je déplore moi aussi le manque d’ambition des crédits alloués à l’enseignement supérieur et à la recherche, et particulièrement le non-respect de la trajectoire de la LPR. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC196 de M. Emmanuel Grégoire
M. Pierrick Courbon (SOC). Cet amendement prévoit une revalorisation indemnitaire des personnels de la recherche publique de 250 millions d’euros pour 2025 : 80 % seront consacrés à la revalorisation des chercheurs et enseignants-chercheurs, le reste à celle des personnels de soutien.
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis. Je précise que ces crédits seraient redéployés à partir de la dotation de l’ANR. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC198 de M. Emmanuel Grégoire
M. Pierrick Courbon (SOC). Rapporté au nombre d’étudiants, les enseignants-chercheurs sont bien moins nombreux en France que dans d’autres pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). L’écart avec la Belgique, par exemple, est significatif. Cet amendement vise donc à recruter davantage d’enseignants-chercheurs.
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis. Ces crédits seraient redéployés à partir de la dotation de l’ANR. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC200 de M. Emmanuel Grégoire
M. Pierrick Courbon (SOC). Il vise à redéployer des crédits de l’ANR pour augmenter le nombre d’ingénieurs et techniciens de recherche et de formation.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC267 de M. Hendrik Davi
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Quinze années de politique destructrice ont profondément affaibli la capacité de l’État à répondre aux enjeux de recherche. Pourtant il y a urgence, car le savoir scientifique est une des clés du progrès humain ; urgence car le développement et le rayonnement scientifiques de la France sont l’un des principaux moteurs pour assurer notre indépendance et l’épanouissement de toutes et tous ; urgence car notre pays et l’humanité tout entière font face au plus grand défi qu’ils aient jamais eu à affronter : le changement climatique.
Pour répondre à cette urgence, l’amendement vise à augmenter de 10 % la subvention pour charges de service public du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis. Lors des auditions, ces six organismes de recherche m’ont effectivement fait part de leurs inquiétudes. Je suis donc tout à fait favorable à l’augmentation de 10 % de leur budget, grâce au redéploiement de 495 millions d’euros depuis les programmes 150 et 193.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC80 de Mme Marie Mesmeur
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Cet amendement tend à augmenter de 15 % la subvention pour charges de service public du CNRS, fleuron de la recherche fondamentale française.
Le 7 décembre 2023, Emmanuel Macron regrettait la dégradation du lien entre recherche et innovation : s’il en avait les moyens, le CNRS pourrait être le garant de la qualité de ce lien et jouer le rôle d’ambassadeur de la France pour faire rayonner notre pays en matière de recherche et d’innovation.
Il faut vraiment donner à cet institut historique les moyens de fonctionner et de faire face à l’inflation.
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis. Le CNRS est un fleuron de dimension internationale dont les missions, comme celles de tous les organismes de recherche, sont fondamentales. Très inquiets, ces organismes ne cessent d’alerter, en multipliant tribunes et prises de position, sur leur manque de moyens, en particulier pour faire face à la grande bifurcation écologique dont nous avons tant besoin. Comment ne pas les soutenir ? Avis très favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC176 de Mme Soumya Bourouaha
Mme Soumya Bourouaha (GDR). La loi du 21 mai 2024 prévoit la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) au 1er janvier 2025, entraînant de fait la suppression des crédits de l’IRSN.
Mais des incertitudes subsistent quant à l’avenir des activités de recherche et l’intersyndicale, qui estime que la transition a été préparée trop précipitamment, craint des dysfonctionnements de nature à compromettre les missions de sûreté nucléaire et de radioprotection. Elle appelle donc au report de cette fusion au 1er janvier 2026.
En conséquence, nous proposons de reconduire les crédits de l’IRSN pour 2025.
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis. Je partage votre intention et je soutiens les personnels mobilisés contre cette fusion. Néanmoins, les crédits de l’IRSN ne relèvent pas des crédits pour lesquels la commission est compétente. Sans rien minimiser de la gravité de la situation sur laquelle vous m’alertez, je m’en tiendrai à un avis de sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC264 de M. Thierry Perez
M. Thierry Perez (RN). La réduction de 10,56 % des crédits de soutien aux activités nucléaires du CEA pourrait affaiblir les efforts français en matière de recherche et développement dans le nucléaire, un domaine stratégique et essentiel pour garantir la souveraineté énergétique de la France et pour contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique.
Cet amendement vise à compenser cette baisse par un transfert de crédits équivalent, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, depuis le programme 172.
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis. Cela ne relève toujours pas des crédits des programmes pour lesquels la commission est compétente. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC263 de M. Thierry Perez
M. Thierry Perez (RN). Orienté vers l’aide au développement des pays du Sud, l’IRD consacre une part significative de ses ressources à des thématiques qui ne correspondent pas aux priorités actuelles de la France, comme la recherche en sciences humaines et sociales sur des sujets tels que « Explorer et valoriser les genres, les corps et les subjectivités ».
Cet amendement vise donc à diminuer les crédits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement de cet organisme et à les réorienter vers le CNRS.
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis. Cet amendement est choquant et, d’un point de vue éthique, tout à fait contestable : on ne peut pas supprimer des crédits uniquement parce qu’on n’approuve pas les sujets de recherche qu’ils peuvent financer. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC279 de M. Hendrik Davi
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à créer un service public de publications scientifiques, financé par le redéploiement de 80 millions d’euros depuis le programme 150. Au regard des bénéfices colossaux que font les éditeurs scientifiques, c’est une proposition tout à fait pertinente. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC286 de M. Gilles Thiébaut
M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis. Il s’agit de la lutte contre les cancers pédiatriques.
Nous sommes évidemment tous sensibles à la souffrance engendrée par cette maladie, en particulier lorsqu’elle touche un enfant. Je rappelle qu’un enfant qui en est atteint sur cinq en meurt. La recherche en matière de cancer pédiatrique est donc essentielle. Nous avions d’ailleurs l’année dernière augmenté de 10 millions d’euros le budget de l’Institut national du cancer en faveur de la recherche en cancérologie pédiatrique.
Personne ne peut donc s’opposer à une telle intention mais, comme je l’ai déjà dit, je trouve qu’il ne nous appartient pas d’imposer les sujets de recherche que les crédits doivent financer. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur modifiés.
Article 45 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
Amendement II-AC287 de M. Arnaud Sanvert
M. Arnaud Sanvert (RN). La CVEC, dont tous les étudiants doivent s’acquitter, est censée financer l’accompagnement social et sanitaire des étudiants, ainsi que des activités culturelles et sportives. Mais l’utilisation de ces fonds reste opaque et soulève des critiques, en particulier au regard de la précarité étudiante actuelle. Les subventions sont parfois accordées à des événements ou associations aux positions politiques controversées.
Les étudiants n’ont pas à payer pour des événements qui ne correspondent pas forcément à leurs propres convictions politiques. Cet amendement vise donc à créer un indicateur de performance relatif à la transparence des financements issus de la CVEC, afin d’en évaluer l’utilité.
Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Le manque de transparence et de lisibilité de la CVEC, encore souligné dans un rapport sénatorial de 2021, participe de son rejet par les étudiants. Si, dans la majorité des cas, elle semble utilisée à bon escient, pour financer des initiatives culturelles, sportives ou de lutte contre la précarité étudiante, il serait regrettable qu’elle finance des événements partisans nourrissant les dérives wokistes que connaissent nos établissements d’enseignement supérieur, étant donné que tous les étudiants doivent s’en acquitter.
Cet amendement permettra peut-être d’accroître à la marge la transparence dans l’usage de ces fonds, mais en la matière, les indicateurs de performance ne sont pas le levier le plus déterminant. Sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Après l’article 60
Amendement II-AC254 de M. Jean-Claude Raux
Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.
Annexe : liste des personnes entendues
par le rapporteur pour avis
(par ordre chronologique)
Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche – Direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) – MM. Nicolas Jeanjean, directeur général par intérim, Guilhem de Robillard, chef du service de la performance, du financement et de la contractualisation avec les organismes de recherche, et Mme Estelle Dhont-Petrault, cheffe du service de l’innovation, du transfert de technologie et de l’action régionale
M. Evens Salies, économiste au département innovation et concurrence de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)
Table ronde :
– Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT)*– Mme Clarisse Angelier, déléguée générale
– France Innovation – M. Jérôme Billé, délégué général de France innovation et de l’association des sociétés de recherche sous contrat (ASRC)
– France Industrie* – MM. Marko Erman, senior vice president (SVP), chief scientific officer de Thales, président du comité sur l’intelligence artificielle, et Jean-Philippe Thierry, directeur innovation et industrie du futur
– France Deeptech – MM. Michel de Lempdes, président, et Romain Roullois, directeur général
Audition commune :
– Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie – Inspection générale des finances (IGF) – M. Marc Auberger, inspecteur général des finances, et Mme Louise Anfray, inspectrice des finances
– France Stratégie – Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation – MM. Mohamed Harfi, expert référent en charge des questions d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation, et Rémi Lallement, chef de projet
Table ronde :
– Syndicat national des chercheurs scientifiques (SNCS-FSU) – M. Boris Gralak, secrétaire général, et Mme Rachel-Laure Ebelle Nyame, membre du secrétariat
– SUP Recherche-Union national des syndicats autonomes (SUP Recherche-UNSA) – Mme Virginie Saint-James, secrétaire générale, et M. Arab Alicherif, secrétaire national
– Syndicat général de l’éducation nationale-Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT) – MM. Nicolas Holzschuch, secrétaire fédéral, et Christophe Bonnet, secrétaire national en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche publique
– Syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique-Confédération générale du travail (SNTRS-CGT) – Mme Josiane Tack, co-secrétaire générale, et M. Patrick Boumier, co-secrétaire général
Table ronde :
– Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)* – MM. Jean-Lou Blachier, secrétaire confédéral, Gérard Orsini, président de la commission fiscale, et Jérôme Normand, économiste
– Association française des entreprises privées (Afep)* – Mme Stéphanie Robert, directrice générale, et M. Bruno Clément-Ziza, directeur général adjoint
– Les Entreprises du médicament (Leem)* – Mme Ségolène Seguineau, conseillère juridique et fiscale, et M. Noah Gaoua, directeur fiscal de Roche France
– Comité Richelieu – M. Philippe Bouquet, président
– Mouvement des entreprises de France (Medef)* – MM. Laurent Gouzenes, directeur scientifique de Pacte Novation, Patrick Schmitt, directeur Recherche-Innovation, et Mme Charlotte Dronneau, chargée de mission senior au pôle affaires publiques
– Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti)* – M. Alexandre Montay, délégué général, et Mme Florence Naillat, déléguée générale adjointe
Audition commune des directions du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie :
– Direction générale des entreprises (DGE) – Mme Orianne Chenain, cheffe du service de la compétitivité, de l’innovation et du développement des entreprises (SCIDE), et M. Jérôme Gazzano, sous-directeur de l’innovation
– Direction générale des finances publiques (DGFiP) – M. Frédéric Iannucci, chef du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal
– Direction de la législation fiscale (DLF) – M. Laurent Martel, directeur
MM. Arthur Guillouzouic et Clément Malgouyres, économistes à l’Institut des politiques publiques, PSE-École d’économie de Paris
Table ronde :
– Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) – Pr Didier Samuel, président-directeur général, M. Damien Rousset, directeur général délégué à l’administration, et Mme Anne-Sophie Etzol, responsable des relations institutionnelles
– Agence nationale de la recherche (ANR) – Mmes Claire Giry, présidente-directrice générale, et Cécile Schou, conseillère relations institutionnelles
– Institut national de la recherche agronomique (Inrae) – MM. Louis-Augustin Julien, directeur général délégué aux ressources, Jean-Baptiste Hervouet, directeur des financements et des achats, et Marc Gauchée, conseiller parlementaire et institutionnel
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
([1]) Accord relatif à l’amélioration des rémunérations et des carrières, signé en octobre 2020 par le ministère chargé de la recherche et les principales organisations syndicales.
([2]) https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2024-10/dossier-de-presse---projet-de-loi-de-finances-2025-pour-le-mesr-34911.pdf
([3]) Cet accord comporte trois axes d’amélioration : revalorisation indemnitaire ; nouvel équilibre des corps et des grades des enseignants-chercheurs et des chercheurs ; repyramidage des emplois de la filière des ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation.
([4]) Cf. article 2 de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur : P172, écart entre 1 455 millions d’euros et 1 109 millions d’euros ; P193, écart entre 138 millions d’euros et 107 millions d’euros ; P150, écart entre 589 millions d’euros et 445 millions d’euros.
([5]) Hors prise en compte des transferts et des mesures de périmètre, le montant de la hausse est de 67 millions d’euros.
([6]) Le dossier de presse (https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2024-10/dossier-de-presse---projet-de-loi-de-finances-2025-pour-le-mesr-34911.pdf), p. 7, mentionne le chiffre de 91 millions d’euros, lequel ne prend vraisemblablement pas en compte les 3,5 millions d’euros au titre du financement de la filière innovation créée au sein de l’Institut universitaire de France (IUF).
([7]) Pour l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l’écart est de ‒ 2,2 millions d’euros (pour un budget supérieur à 1 200 millions d’euros, tous financements compris) ; pour l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), l’écart avoisine les ‒ 3 millions d’euros, pour un budget proche.
([8]) Par exemple, les laboratoires de type P4, lesquels correspondent au plus haut niveau de sécurité sanitaire, car hébergeant des micro-organismes très pathogènes, caractérisés par leur haute dangerosité (mortalité très élevée, absence de vaccin protecteur, absence de traitement médical efficace, transmission par aérosol). À ce jour, trois laboratoires de ce type existent en France.
([9]) Du nom de l’ancien ministre de la transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guérini.
([10]) Le GVT correspond à la variation de la masse salariale compte tenu de certains facteurs dont, par exemple, l’ancienneté des personnels en poste (composante « vieillesse ») ou encore les effets des promotions (composante « technicité »), lesquels se traduisent par une augmentation des rémunérations associées.
([11]) Prime versée aux fonctionnaires éligibles pour limiter leurs pertes de rémunération liées à l’inflation.
([12]) Par exemple, pour 2025, l’Inserm évalue le surcoût de la Gipa à 2,1 millions d’euros, et l’Inrae à 4,5 millions d’euros.
([13]) Les universités et certains opérateurs de recherche, comme l’Inrae par exemple, sont très consommateurs d’énergie en raison de leurs importantes emprises immobilières ou des caractéristiques de leurs infrastructures de recherche (serres, animaleries, etc.).
([14]) À ce jour, le décret n’a pas encore été publié.
([15]) Par exemple, l’Inrae compte 8 016 agents titulaires.
([16]) Les crédits de masse salariale des opérateurs sont des crédits de fonctionnement dans le budget de l’État (titre 3).
([17]) Outre les mesures « Guérini » et les versements au CAS Pensions, les plus importantes sur le plan budgétaire, peuvent être également mentionnées la hausse du remboursement des abonnements de transport, la revalorisation du remboursement des jours du compte épargne-temps, etc.
([18]) Projet ParisSanté Campus (projet de campus de santé numérique lancé en décembre 2021), et la mesure « relais PIA ».
([19]) Financement des Sociétés d’Accélération du Transfert de Technologies (SATT), d’une partie des Pôles universitaires d'innovation (PUI), des dispositifs de soutien aux incubateurs, etc.
([20]) Environ un quart des projets présentés à l’ANR obtient un financement par l’agence. Ce taux était inférieur à 10 % avant la LPR.
([21]) Ce plan s’organise autour de quatre axes : généraliser l’accès ouvert aux publications ; structurer, partager et ouvrir les données de la recherche ; ouvrir et promouvoir les codes sources produits par la recherche ; transformer les pratiques pour faire de la science ouverte le principe par défaut.
([22]) Également appelé Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA).
([23]) Par exemple, le projet Infrastructure de recherche - Infrastructure Nationale des Aéronefs Instrumentés pour la Recherche (IR* INAIR) au titre du projet Anvole ‒ nouvel avion pour l’observation à long rayon d’action de l’environnement (CNRS), pour 41 millions d’euros en AE.
([24]) Par exemple, le GENCI (Grand Équipement National de Calcul Intensif), infrastructure de recherche détenue par l’État français (représenté par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche), le CEA, le CNRS, France Universités etc., met à disposition ses très gros calculateurs, à destination des scientifiques français académiques et industriels afin qu'ils réalisent des travaux de pointe nécessitant l'utilisation de la simulation numérique et du calcul intensif.
([25]) À l’exception de l’action 4 Établissements d’enseignement supérieurs privés.
([26]) L’écart entre AE et CP au niveau du programme est exclusivement la conséquence de l’écart constaté à l’action 14 portant sur l’immobilier, où les crédits inscrits en AE sont de 5 % environ inférieurs aux CP. Pour l’ensemble des autres actions, les AE sont identiques aux CP.
([27]) Depuis l’été 2020, la compétence de la politique de l’espace, confiée jusqu’alors au MESR, a été attribuée, au sein du ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la direction générale des entreprises, responsable du programme. Cependant, compte tenu de l’intérêt de la Commission pour celle-ci, le rapporteur pour avis continue d’analyser les crédits correspondants.
([28]) https://centrespatialguyanais.cnes.fr/fr/centre-spatial-guyanais/lanceurs-et-installations/les-ensembles-de-lancement
([29]) Ou European Space Agency ‒ ESA
([30]) Un troisième programme – le programme 363 Cohésion – est clôturé dans le PLF pour 2025.
([31]) À l’exception des commandes militaires, dont les CP ont triplé.
([32]) La stratégie dite de Lisbonne de 2000 avait pour but de faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » ; dans ce cadre, le sommet européen de Barcelone énonce que l'effort global en matière de R&D et d'innovation dans l'Union européenne doit être fortement stimulé. En conséquence, le Conseil européen « considère que l'ensemble des dépenses en matière de R&D et d'innovation dans l'Union doit augmenter, pour approcher 3 % du PIB d'ici 2010. Les deux tiers de ce nouvel investissement devraient provenir du secteur privé » cf. https://www.consilium.europa.eu/media/20935/71026.pdf
([33]) Conseil d’analyse économique (CAE), Focus n° 090‐2022, Renforcer l’impact du Crédit d’impôt recherche, Philippe Aghion, Nicolas Chanut et Xavier Jaravel, septembre 2022, https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae_Focus090.pdf
([34]) Les trois types de dépenses éligibles au CIR sont les dépenses de recherche (CIR-recherche) depuis 1983, les dépenses de collection (crédit d’impôt collection) dans les secteurs du textile, de l’habillement et du cuir depuis 1992, et les dépenses d’innovation, via le crédit d’impôt innovation (CII) ouvert aux seules PME depuis 2013.
([35]) Le programme 172 de la mission interministérielle Enseignement supérieur et de la recherche.
([36]) Donnée issue du rapport de France Stratégie, « Chapitre 5 - Les soutiens à l’innovation », in Les politiques industrielle en France, novembre 2020, p. 180 ; https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2020-rapport-politique_industrielle-chapitre-5.pdf. Ce chiffre a été repris par le rapport de la Cour des Comptes, Les aides publiques à l'innovation des entreprises, mai 2021, p. 19.
([37]) France Stratégie, « Chapitre 5 - Les soutiens à l’innovation », op. cit., p. 185.
([38]) Les deux autres sont le soutien à la création et au développement d’entreprises innovantes et l’incitation aux coopérations entre acteurs pour accroître les retombées économiques de la recherche publique.
([39]) Cour des Comptes, Les aides publiques à l'innovation des entreprises, mai 2021, p. 19.
([40]) CAE, op. cit., septembre 2022, p. 1.
([41]) Les données (2021) sont issues du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, DGRI-DGESIP, État de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en France, n° 17, Édition 2024.
([42]) Des indicateurs sont utilisés pour mesurer les dépenses globales de recherche et développement expérimental (R&D). L’un, appelé « dépense nationale de recherche et développement expérimental » (DNRD) mesure les financements des activités de R&D par l’ensemble des acteurs publics et privés, que ces activités soient ou non exécutées sur le territoire français. L’autre, appelé « dépense intérieure de recherche et développement expérimental » (DIRD) évalue les dépenses liées aux activités de R&D exécutées par les acteurs publics et privés sur le territoire français, quelle que soit la source de financement (nationale ou en provenance de l’étranger). Le présent avis s’intéresse pour l’essentiel à la DIRD.
([43]) Depuis 1995, la contribution des entreprises au financement de la R&D est supérieure à celle des administrations. L’écart d’évolution entre les entreprises et les administrations est moindre s’agissant de l’évolution de la DNRD avec, pour les entreprises, une progression de 1,4 % en moyenne annuelle, contre 1,1 % pour les administrations.
([44]) La comparaison entre les efforts de recherche n’est pas systématiquement pertinente, à l’aune de l’effet taille des pays : ainsi, l’effort en R&D de la Belgique, de la Suède, de l’Autriche ou de la Finlande avoisinent ou dépassent les 3 % du PIB mais leur portée sur l’effort de recherche européen reste limitée en raison du poids économique limité de ces pays dans l’UE des 27.
([45]) https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/EESR17_R_40/l_effort_de_recherche_et_developpement_en_france/#ILL_EESR17_R_40_01. Voir le graphique 40.05.
([46]) Celle des administrations (dépense intérieure de recherche et développement des administrations, DIRDA) s’élève à 19 milliards d’euros.
([47]) En 2021, le financement de travaux de R&D par des entreprises (DNRDE) atteint 60 %, soit 35,34 milliards d’euros sur les 58,94 milliards d’euros de dépenses au niveau national.
([48]) La hausse de la DIRD des entreprises n’est pas à la hauteur de la croissance du PIB.
([49]) Activités spécialisées, scientifiques et techniques ; industrie automobile ; construction aéronautique et spatiale ; activités informatiques et services d’information ; industrie pharmaceutique ; industrie chimique.
([50]) https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T027/les_depenses_interieures_de_recherche_et_developpement/
([51]) https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T093/la_r_d_dans_les_pme_les_eti_et_les_grandes_entreprises/, voir le tableau 44.01
([52]) Le décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 définit la notion d’entreprise comme la plus petite combinaison d'unités légales qui constitue une unité organisationnelle de production de biens et de services jouissant d'une certaine autonomie de décision. Depuis 2008, l’entreprise est définie à partir de critères économiques et non plus juridiques. Le décret fixe 4 catégories d'entreprises : la microentreprise (MIC), qui appartient à la catégorie des PME, occupe moins de 10 personnes et a un chiffre d'affaires (CA) annuel ou un total de bilan n'excédant pas 2 millions d'euros ; la petite et moyenne entreprise (PME) occupe moins de 250 personnes et a un CA n'excédant pas 50 millions d'euros ou un bilan n'excédant pas 43 millions d'euros ; l’entreprise de taille intermédiaire (ETI) n'appartient pas à la catégorie des PME, occupe moins de 5 000 personnes et a un CA n'excédant pas 1 500 millions d'euros ou un bilan n'excédant pas 2 000 millions d'euros ; la grande entreprise (GE) est une entreprise qui n’est pas classée dans les catégories précédentes.
([53]) https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/EESR17_R_35/les_moyens_humains_de_la_recherche_et_developpement/#ILL_EESR17_R_35_01
([54]) Si l’on rapporte le nombre de chercheurs à la population active, la France, avec 11,08 chercheurs pour mille actifs en 2021, se place derrière la Corée du Sud ou le Danemark, mais devant l’Allemagne, le Japon et les États-Unis.
([55]) https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T093/la_r_d_dans_les_pme_les_eti_et_les_grandes_entreprises/
([56]) Article 244 quater B du code général des impôts (CGI) : « Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles […] peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant ».
([57]) En outre-mer, le taux « commun » de 30 % est élevé à 50 %.
([58]) Les changements paramétriques d’une période sur l’autre sont indiqués en gras.
([59]) Loi de finances pour 1983 n° 82-1126 du 29 décembre 1982.
([60]) L’argument de l’improductive complexité fut retenu pour justifier la réforme de 2008 par le Président de la République : « Je me suis d'ailleurs intéressé au système qui existait avant, j'ai compris pourquoi cela ne marchait pas. Il faut être polytechnicien, sorti dans la botte, pour comprendre les dépenses qui étaient éligibles de celles qui ne l'étaient point. Désormais, c'est simple, tout sera éligible. », Déclaration de M. Sarkozy, Président de la République, sur les priorités en matière de politique économique et européenne en faveur de la croissance économique et du plein emploi, à Jouy-en-Josas le 30 août 2007, https://www.vie-publique.fr/discours/167594-declaration-de-m-nicolas-sarkozy-president-de-la-republique-sur-les-p
([61]) Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, article 87.
([62]) Article 69 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.
([63]) 3 millions de francs.
([64]) Sénat, rapport d'information n° 493 (2009-2010) sur le bilan de la réforme et l’évaluation de la politique du crédit d’impôt recherche, Christian Gaudin, 2010, p. 16.
([65]) Bénéficiaire : entreprise bénéficiant effectivement du CIR. Il s'agit de l'entreprise déclarante lorsque l'entreprise est indépendante, et de la mère du groupe lorsque le groupe est fiscalement intégré. Dans ce dernier cas, les filiales du groupe déclarent le CIR chacune de leur côté et la mère bénéficie du CIR consolidé de l'ensemble du groupe.
([66]) https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T268/le_credit_d_impot_recherche_dispositif_de_soutien_a_la_r_d_des_entreprises/, tableau 48.02. On notera par ailleurs que l’annexe au projet de loi de finances pour 2025, Évaluation des voies et moyens, Tome II Dépenses fiscales, p. 104, retient un nombre de bénéficiaires de 15 507, sans qu’on sache précisément à quel exercice est rattaché ce nombre (réalisation 2023 ou prévisionnel 2024 ou 2025).
([67]) France Stratégie, « Chapitre 5 - Les soutiens à l’innovation », op.cit., p. 180.
([68]) Ibidem.
([69]) Du nom de l’inspecteur général des finances Henri Guillaume, Président du Comité.
([70]) Rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, H. Guillaume et M. Ohier, juin 2011, p. 69.
([71]) Les données relatives aux pays européens sont issues d’une contribution écrite du ministère chargé de l’économie, direction de la législation fiscale.
([72]) Le pays a attendu 2020 pour mettre en place un dispositif de crédit d’impôt recherche.
([73]) Depuis le 27 mars 2024 ; auparavant le plafond de dépenses était de 4 millions d’euros par an.
([74]) Le plafond annuel est fixé :
– pour la recherche fondamentale, la recherche industrielle et le développement expérimental, à 5 millions d'euros ;
– pour les activités d'innovation technologique, de design et de conception esthétique ou pour l'innovation numérique et la transition écologique, à 2 millions d'euros ;
– pour les activités de R&D visant à la production de médicaments, y compris les vaccins, à 20 millions d'euros.
([75]) Le CIR français a été créé sur un mode très proche de celui instauré aux États-Unis deux années auparavant.
([76]) Sénat, rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur le crédit d’impôt recherche (CIR), M. Berson, 2012, p. 49.
([78]) Voir le II de l’article 199 ter B du CGI.
([79]) Contribution écrite du ministère chargé de l’économie, direction de la législation fiscale.
([80]) Cf. Annexe au projet de loi de finances pour 2025, Évaluation des voies et moyens, Tome II Dépenses fiscales, p. 104 et p. 222. Ce montant comprend les estimations du CIR-recherche et du CIR au titre des dépenses de collection, mais pas celles au titre des dépenses d’innovation (CII).
([81]) https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T268/le_credit_d_impot_recherche_dispositif_de_soutien_a_la_r_d_des_entreprises/#ILL_EESR17_R_48_05
([82]) Estimée dans le projet de loi de finances pour 2021 à environ 8 milliards d’euros.
([83]) Devant le crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile, estimé pour 2025 à 6,856 milliards d’euros.
([84]) En 2012, le CIR était la cinquième dépense fiscale la plus coûteuse, cf. Annexe des « Voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2012.
([85]) Ces dépenses fiscales sont par ailleurs très concentrées puisque les quinze les plus coûteuses d’entre elles représentent plus de 50 % de la totalité de la dépense fiscale (plus de 470 dispositifs).
([86]) En montant, la deuxième dépense fiscale de la MIRES la plus coûteuse est le crédit d’impôt innovation (CII), avec une estimation pour 2025 à 344 millions d’euros.
([87]) Consolidation des crédits de paiement des programmes 142, 172, 190, 191, 192, 193 et de l’action 17 (Recherche) du programme 150.
([88]) Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires.
([89]) Par exemple, le centre national de recherche scientifique (CNRS), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) etc.
([90]) En plus de ceux mentionnés, il s’agit de l’Académie des technologies, du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), du Génopole, de l’Institut national d’études démographiques (Ined), de l’Institut polaire français Paul-Émile Victor (Ipev) et de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria).
([91]) Cf. Projet annuel de performances 2025 de la mission Recherche et enseignement supérieur.
([92]) Formations supérieures et recherche universitaire.
([93]) Cour des comptes, rapport sur les conditions d’évolution et de maîtrise du crédit d’impôt recherche, établi à la demande du président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, 2013, p. 19.
([94]) https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T268/le_credit_d_impot_recherche_dispositif_de_soutien_a_la_r_d_des_entreprises/#ILL_EESR17_R_48_05, tableau 48.03.
([95]) Voir notamment le rapport du sénateur Berson de 2012, déjà cité, pp. 17 et 55.
([96]) Cour des comptes, rapport sur les conditions d’évolution et de maîtrise du crédit d’impôt recherche, établi à la demande du président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, 2013, p. 20.
([97]) Les données du rapport de la Cour des comptes sont extraites du rapport général n° 91 (2007-2008) tome III, sénateur Philippe Marini, novembre 2007.
([98]) Rapport Berson, op cit., pp. 56 et 57.
([99]) Dans son commentaire de l’article 39 du projet de loi de finances pour 2008, le Rapporteur général considérait cette estimation par le Gouvernement « très probablement sous-estimée. En effet, elle repose sur une base statique, c’est-à-dire sur l’évolution de la dépense fiscale associée aux seules entreprises bénéficiant déjà du CIR. […] Le niveau « de croisière » du montant de cette dépense fiscale devrait donc plus vraisemblablement s’établir au sein d’une fourchette de 3,5 à 4,5 milliards d’euros ».
([100]) Cour des comptes, op. cit., juillet 2013, p. 20.
([101]) Cour des comptes, idem, p. 21.
([102]) https://www.vie-publique.fr/discours/167594-declaration-de-m-nicolas-sarkozy-president-de-la-republique-sur-les-p
([103]) 30 % jusqu’à 2 millions d’euros de dépenses de R&D, puis 15 % jusqu’à 160 millions d’euros, et 8 % au-delà de ce second seuil.
([104]) Le changement de régime du CIR dans le projet de loi de finances pour 2008 est antérieur à l’obligation de réaliser des études d’impact à l’appui des textes législatifs (prévue par la loi organique n° 2009-45 du 15 avril 2009). Le projet de loi de finances pour 2008 n’en comporte donc pas.
([105]) Inspection générale des finances. Rapport confidentiel n° 2023-m-105-03, Revue de dépenses : les aides aux entreprises, M. Auberger, C. Bayé, L. Anfray, avril 2024, voir la fiche n° 7
([106]) À partir de trois mesures : 1) application du référentiel OCDE pour la définition des dépenses éligibles ; 2) suppression du doublement de l’assiette pour le dispositif « jeunes docteurs » ; 3) baisse de l’assiette des dépenses de fonctionnement éligibles (passage de 43 % à 40 % pour le forfait fonctionnement)
([107]) https://www.innover-en-france.fr/wp-content/uploads/2024/07/FICHE_Plaidoyer-pour-le-CIR_juillet-2024_MEDEF.pdf
([108]) Pour l’élaboration du dossier justificatif, les entreprises disposent d’un modèle mis à disposition par le ministère chargé de la recherche.
([109]) Les pièces étant à envoyer dans un délai assez court, il est préférable que l’entreprise les ait préparées en amont. La préparation du dossier peut en effet être chronophage lorsque l’entreprise le constitue au moment du contrôle et non au fur et à mesure de l’exécution des opérations de R&D.
([110]) Voir l’article L 80 B du Livre des procédures fiscales. Pour l'examen des demandes de rescrits fiscaux, « l'administration des impôts sollicite l'avis des services relevant du ministre chargé de la recherche lorsque l'appréciation du caractère scientifique et technique du projet de recherche présenté par l'entreprise le nécessite. »
([111]) Assemblée nationale, Rapport d’information n° 4402 (XVème législature) sur l’application des mesures fiscales, Laurent Saint-Martin, rapporteur général, juillet 2021, p. 42.
([112]) La DGFiP a les moyens d’intervenir sur la partie scientifique grâce à la brigade de vérification des comptabilités informatisées (BVCI).
([113]) Contribution écrite de la DGRI (MESR).
([114]) Le data mining (ou exploitation de données) est une méthode permettant d'analyser des données de masses (big data) sous le prisme d'algorithmes et de l'intelligence artificielle afin d'identifier des caractéristiques de fraudes complexes.
([115]) La part des contrôles ciblés par intelligence artificielle (IA) et le data mining s’élève à 56 % en 2023, en hausse de 25 % par rapport à 2021. Les montants mis en recouvrement suite à un contrôle fiscal connaissent de fortes progressions ces dernières années, en grande partie grâce au recours au data mining, optimisé avec l’utilisation de l’intelligence artificielle.
([116]) Directions spécialisées des Finances publiques chargées du contrôle fiscal au niveau d'un territoire pouvant regrouper plusieurs régions. On en compte 8 sur le territoire national.
([117]) Application ALPAGE
([118]) Les données des années 2013 à 2020 sont issues du rapport d’information n° 4402 de l’Assemblée nationale sur l’application des mesures fiscales, op. cit., p. 42, et celles des années 2022 et 2023 sont issues des contributions écrites du ministère chargé de l’économie.
([119]) L’accroissement de la compétitivité de l'appareil productif français est expressément mentionné par les instructions fiscales du ministère chargé de l’Économie et des Finances comme un objectif du CIR. Voir notamment l’instruction fiscale publiée au Bulletin officiel des finances publiques-impôts (bofip) n°BOI-BIC-RICI-10-10 du 09/10/2013 BIC - Réductions et crédits d'impôt - Crédit d'impôt recherche ; https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/4678-PGP.html/identifiant%3DBOI-BIC-RICI-10-10-20131009.
([120]) Contribution écrite du syndicat professionnel du milieu pharmaceutique, Les Entreprises du médicament (Leem).
([121]) Une externalité positive se produit lorsque l’activité d'un agent économique entraîne des bénéfices pour d’autres agents économiques, sans qu’une transaction ne se produise entre eux.
([122]) Même si des droits de propriété intellectuelle efficaces (brevets etc.) peuvent réduire les externalités, les entreprises ne peuvent s’approprier tous les bénéfices de leur activité de R&D et d’innovation.
([123]) Rattaché à la Cour des comptes.
([124]) On peut citer par exemple, l’observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) rattaché à SciencesPo, ou l’Institut des politiques publiques (IPP) auprès de l’École d’économie de Paris (PSE).
([125]) Les données des déclarations fiscales du CIR sont mises à disposition des chercheurs via le centre d’accès sécurisé du Conseil national de l'information statistique (Cnis) et sont très utilisées par les laboratoires de recherche.
([126]) France Stratégie, Cnepi, L’impact du crédit d’impôt recherche, mars 2019 ; France Stratégie, Cnepi, Évaluation du crédit d’impôt recherche, juin 2021, Évaluation du Crédit d’impôt recherche - Rapport CNEPI 2021 | France Stratégie.
([127]) Cour des Comptes, Analyse de l’exécution budgétaire 2023, mission EST, avril 2024, pp. 79 et 102.
([128]) L’article 51 de la Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (modifié par l’article 25 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publique) indique que l’annexe explicative analysant les prévisions de chaque recette budgétaire et présentant les dépenses fiscales, comporte, pour les dépenses fiscales, « la liste de celles qui feront l'objet d'une évaluation dans l'année ».
([129]) France Stratégie, Cnepi, Évaluation du crédit d’impôt recherche, juin 2021.
([130]) France Stratégie, Cnepi, Évaluation du crédit d’impôt recherche, juin 2021, p. 3.
([131]) L’estimation de 0,4 est aussi une moyenne qui ne préjuge pas du comportement « individuel » de chaque entreprise.
([132]) Assemblée nationale, Rapport d’information n° 4402 (XVème législature) sur l’application des mesures fiscales, Laurent Saint-Martin, rapporteur général, juillet 2021, p. 29.
([133]) Lhuillery S., Menu S., Tellechea M., S. Thiéry, « La R&D des groupes français et le CIR », Document de travail, cité par Direction générale du Trésor, n° 290, septembre 2021, Évaluation de la réforme du Crédit d’Impôt Recherche de 2008, C. Le Gall, W. Meignan, G. Roulleau.
([134]) Direction générale du Trésor, n° 290, septembre 2021, Évaluation de la réforme du Crédit d’Impôt Recherche de 2008, C. Le Gall, W. Meignan, G. Roulleau.
([135]) France Stratégie, Cnepi, op. cit., 2021, p. 83.
([136]) CAE, op. cit., 2022, p. 9.
([137]) CAE, idem, p. 3.
([138]) En additionnant pour chaque année les créances au-delà du montant du CIR en 2007 (1,78 milliard d’euros).
([139]) France Stratégie, Les politiques industrielles en France. Évolutions et comparaisons internationales, Note de synthèse, V. Aussilloux, P Frocrain, R Lallement, G. Tabarly, M. Harfi, décembre 2020, p. 4. https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2020-ns-politiques-industrielles-decembre.pdf
([140]) France Stratégie, op. cit., décembre 2020, p. 5.
([141]) Ibidem.
([142]) Assemblée nationale, Rapport d'information n° 1172 (XVème législature) sur l'application des mesures fiscales, juillet 2018.
([143]) Suppression de plus de 10 milliards d’euros d’impôts de production depuis 2021 : baisse de la cotisation foncière des entreprises, de la taxe foncière sur les propriétés bâties, et division par deux de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
([144]) En 2020, le taux « commun » de l’IS était de 28 %, de 26,5 % en 2021, et de 25 % depuis 2022.
([145]) https://www.innover-en-france.fr/wp-content/uploads/2024/07/FICHE_Plaidoyer-pour-le-CIR_juillet-2024_MEDEF.pdf
([146]) Souligné par le rapporteur pour avis.
([147]) https://www.ayming.fr/insights/avis-dexpert/controle-du-cir-le-medef-propose-4-axes-damelioration/
([148]) https://www.innover-en-france.fr/wp-content/uploads/2024/07/FICHE_Plaidoyer-pour-le-CIR_juillet-2024_MEDEF.pdf, p. 4.
([149]) Idem, p. 5.
([150]) France Stratégie, Cnepi, op. cit., 2021, p. 83.
([151]) Conseil des prélèvements obligatoires, Redistribution, innovation, lutte contre le changement climatique : trois enjeux fiscaux majeurs en sortie de crise sanitaire, 2022, p. 62.
([152]) Le taux d’industrialisation entre les deux pays, du simple au double au profit de l’Allemagne, ne permet pas une réelle comparaison, et explique en grande partie le décrochage de la France par rapport à son voisin d’outre-Rhin en matière d’effort de recherche.
([153]) Inspection générale des finances, rapport n° 2010m03502, Mission d’évaluation sur le crédit d’impôt recherche, 2010, p. 54.
([154]) Cour des Comptes, op. cit., 2013, p. 21 : « La direction générale du Trésor et des politiques économiques avait, quant à elle, proposé d’instaurer un CIR en volume reposant sur trois tranches de taux : 30 % jusqu’à 2 millions d’euros de R&D, puis 15 % jusqu’à 160 millions d’euros et 8 % au-delà. »
([155]) Le régime de l’intégration fiscale est défini à l’article 223 A du CGI. Ce régime, optionnel, permet à une société mère d’intégrer dans le calcul de son bénéfice fiscal les bénéfices de ses filiales détenues à plus de 95 %. La société mère paye alors l’impôt sur les sociétés pour l’ensemble de ses filiales intégrées.
([156]) CPO, op. cit., 2022, p. 61. L’écart réside dans les taux de détention de la filiale par la société mère. Le calcul de la dépense de R&D au niveau du groupe plutôt qu’au niveau des filiales, avec comme critère 95 % de détention par la société mère, revient à 470 millions d’euros, et à 960 millions d’euros en cas de détention par la société mère à hauteur de 50 %.
([157]) Calcul réalisé à partir des données 2021 provisoires, additionnées au niveau de chaque intégration fiscale.
([158]) Cour des Comptes, op. cit., 2013, p. 21 : « La direction générale du Trésor et des politiques économiques […] recommandait de calculer le franchissement de ces seuils au niveau des groupes et non de leurs filiales. »
([159]) France Stratégie, Cnepi, op. cit., juin 2021, p. 23.
([160]) Cf. Sénat, rapport Berson, op. cit., 2012, p. 130. Voir la proposition n° 5, p. 28.
([161]) Voir notamment le rapport Berson, op. cit., 2012, p. 130.
(1) Un des exemples les plus connus de la sérendipité est la découverte accidentelle de la pénicilline en 1928 par Alexander Fleming.
([163]) Assemblée nationale, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2023 n° 273 (XVIème législature), annexe n° 37, Recherche et enseignement supérieur, p. 40.
([164]) La piste du « verdissement » du CIR a été expertisée par la DGE, la DLF et la direction générale du Trésor, mais les réflexions conjointes se sont heurtées à d’importantes difficultés.
([165]) https://presse.bpifrance.fr/bpifrance-et-france-industrie-presentent-la-premiere-edition-du-mapping-des-startups-deeptech-engagees-pour-la-decarbonation-et-la-reindustrialisation
([166]) Medef, https://www.innover-en-france.fr/wp-content/uploads/2024/07/FICHE_Plaidoyer-pour-le-CIR_juillet-2024_MEDEF.pdf, p. 7.
([167]) https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/pdf/ccc-rapport-final.pdf
([168]) Contribution du ministère chargé de l’économie : « Une telle mesure ne semble ni efficace, ni opportune ».
([169]) Cette mesure n’est ouverte que pour la période des 24 premiers mois suivant le premier recrutement du doctorant.
([170]) Inspection générale des finances, rapport n° 2010m03502, Mission d’évaluation sur le crédit d’impôt recherche, 2010.
([171]) Rescrit fiscal : les entreprises peuvent solliciter l’accord préalable de l’administration fiscale pour s’assurer de l’éligibilité de leurs dépenses de recherche au crédit d’impôt. Cette demande d’avis préalable (appelée rescrit fiscal) doit être transmise au moins 6 mois avant la date de limite de dépôt de la déclaration spéciale ou de la première déclaration spéciale lorsque le projet de recherche est pluriannuel auprès de l’administration fiscale ou du ministère de la recherche.
([172]) Rapport au Premier ministre, Les entreprises de taille intermédiaire au cœur d’une nouvelle dynamique de croissance, B. Retailleau, sénateur, février 2010, p. 46.
([173]) Inspection générale des finances, op. cit., 2010.
([174]) En droit, la répétition de l’indu est définie comme la procédure qui permet à une personne (le solvens) d’obtenir le remboursement ou la restitution d’un bien dont une autre personne (l’accipiens) s’est injustement enrichie à ses dépens en le recevant par erreur.
([175]) https://po.chambre-agriculture.fr/actualites/detail-de-lactualite/actualites/credit-impot-recherche-attention-aux-conditions-deligibilite/
([176]) Si les entreprises agricoles ne sont pas exclues du bénéfice du CIR, leurs activités doivent, comme pour les autres entreprises, participer d’une démarche de recherche effective visant à produire de nouvelles connaissances. Ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
([177]) Article 113 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
([178]) https://www.economie.gouv.fr/mediateur-des-entreprises/referencement-des-acteurs-conseil-en-cir-cii
([179]) En juillet 2024, une cinquantaine d’entreprises sont référencées à ce titre.. https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/mediateur-des-entreprises/PDF/4_INNOVER_ENSEMBLE/Liste_apha-cabinets-r%C3%A9f%C3%A9renc%C3%A9s_10-07-2024.pdf?v=1671454930