N° 486

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIème LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 octobre 2024.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324)

TOME I

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT
ET PRÉVENTION DES RISQUES

PAR M. Vincent THIÉBAUT

Député

——

 

 Voir les numéros : 324 et 468 (Tome III, annexes 15 et 16).


SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

I. Une LÉGÈre diminution des crédits du programme 181

A. Une Évolution peu marquÉE des crÉdits

B. une stabilité des effectifs

C. Un programme EN PARTIE CONSACRÉ à la prévention des risques TECHNOLOGIQUES

1. La prévention des risques technologiques et des pollutions

2. Le financement de l’Ineris

II. La prévention des risques naturels et hydrauliques

A. Les deux actions du programme consacrées à la prévention des risques naturels voient leurs crédits maintenus

B. La gestion du risque inondation : une problématique de plus en plus importante pour l’État et les collectivités

III. La gestion et la prÉvention des risques liÉs à l’exploitation du sous-sol

A. La prÉvention des risques liÉs aux anciens sites miniers

B. La connaissance des risques liÉs à l’exploitation de nouvelles ressources du sous-sol

IV. LE BUDGET DE L’ADEME Et LA nÉcessitÉ de favoriser les Énergies renouvelables dans le mix Énergétique grÂce aux aides publiques

A. Une probable Évolution À la baisse de la capacitÉ de financement de l’Ademe

B. Le soutien À la chaleur renouvelable : une nÉcessitÉ pour la transition Écologique

V. Le financement de L’agence de sÛretÉ nuclÉaire et de radioprotection À travers le nouveau programme 235

A. Une fusion de deux entitÉs qui doit Être menÉe dans un dÉlai contraint

B. Les moyens de la future agence de sÛretÉ nuclÉaire et de radioprotection

C. De nombreux dÉfis se posent dans un avenir proche à la nouvelle ASNR.

Examen en commission

liste des personnes auditionnÉes

 


   Introduction

Le programme 181 « Prévention des risques » est consacré à la prévention de nombreux risques, qu’ils soient naturels, technologiques, industriels, nucléaires ou miniers. Il apporte également un soutien à l’économie circulaire et au développement des énergies renouvelables, à travers le financement de l’Agence de la transition écologique (Ademe).

Le risque industriel, tout d’abord, reste présent sur notre territoire. L’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen en septembre 2019 ou l’explosion d’une usine classée « Seveso » à Bergerac en août 2022 nous rappellent la nécessité de contrôler ce type de site pour éviter que surviennent des événements préjudiciables pour la santé et l’environnement. Les risques liés à la pollution de l’air, à la présence de substances chimiques nouvellement identifiées, les risques liés à l’exploitation du sous-sol comptent aussi parmi les risques technologiques qu’il est important de connaître et de prévenir.

Le changement climatique tend par ailleurs à accroître la fréquence et l’intensité des risques naturels, alors que la densification des populations sur les littoraux, et plus généralement dans des zones potentiellement exposées à des aléas, renchérit les coûts humains et économiques des catastrophes naturelles. Tous les ans, le territoire français est touché par des aléas climatiques. L’année 2024 a commencé entre autres avec le passage d’un très fort ouragan sur l’île de La Réunion et entre l’hiver 2023 et le début de l’année 2024, plusieurs départements français ont été touchés par des inondations importantes. La pluviométrie plus abondante cette année ne doit pas non plus faire oublier les risques de sécheresse et de canicule, qui ont des conséquences négatives sur les milieux aquatiques, l’agriculture et le niveau des nappes phréatiques.

Le programme 181, par la diversité des risques qu’il entend identifier, prévoir et prévenir, constitue une source de financement essentielle. Ce programme est doté de 1 311,73 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 1 308,66 millions d’euros en crédits de paiement (CP) dans le projet de loi de finances pour 2025.

L’avis rendu cette année sur le sujet de la prévention des risques présente une nouveauté dans la mesure où parallèlement au commentaire et à l’analyse du budget du programme 181, sera aussi analysé le nouveau programme 235 consacré à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, apparu dans la maquette budgétaire du projet de loi de finances au sein de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».


I.   Une LÉGÈre diminution des crédits du programme 181

A.   Une Évolution peu marquÉE des crÉdits

Le tableau ci-dessous présente l’évolution des crédits du programme 181 par action, entre la loi de finances initiale (LFI) pour 2024 et le projet de loi de finances (PLF) pour 2025.

Évolution des crédits par action du programme 181

(en millions d’euros)

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

Action 01 – Prévention des risques technologiques et des pollutions

70,52

65,32

- 7,4 %

72,46

67,26

- 7,18 %

Action 09 – Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

71,62

0

-

74,99

0

-

dont titre 2

53,79

0

-

53,79

0

-

Action 10 – Prévention des risques naturels et hydrauliques

37,80

37,80

+ 0 %

37,80

37,80

+ 0 %

Action 11 – Gestion de l’après-mine et travaux de sécurité, indemnisation et expropriations sur les sites

42,07

42,90

+ 2,00 %

42,07

42,90

+ 2,00 %

Action 12 – Agence de la transition écologique

879,00

908,15

+ 3,3 %

879,00

908,15

+ 3,3 %

Action 13 – Institut national de l’environnement industriel et des risques

32,07

32,57

+ 1,5 %

32,07

32,57

+ 1,5 %

Action 14 – Fonds de prévention des risques naturels majeurs

225,00

225,00

+ 0 %

220,00

220,00

+ 0 %

Total

1 356,95

1 311, 73

- 3,3 %

1 358,58

1 308,66

- 3,7 %

Source : direction générale de la prévention des risques et projet annuel de performances.

Les crédits du programme 181 connaissent une légère diminution entre la LFI pour 2024 et le PLF pour 2025. Ils passent ainsi de 1 356,95 millions d’euros à 1 311,73 millions d’euros en autorisations d’engagement (- 3,3 %) et de 1 358,58 millions d’euros à 1 308,66 millions d’euros en crédits de paiement (- 3,7 %).

Une évolution importante du périmètre du programme 181 est à signaler. L’action 09 « Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection » n’apparaît plus dans le programme 181 de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ». Cette action qui contenait les dotations réservées à la rémunération des agents de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), ainsi que des crédits nécessaires à son fonctionnement, disparaît dans la mesure où ces crédits sont intégrés au sein du nouveau programme budgétaire, le programme 235 consacré à la nouvelle Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) (cf. infra).

La diminution de 3,7 % des crédits de paiement sur l’ensemble du programme tient principalement :

– à la disparition des crédits, notamment de personnel, inscrits à l’action 09

– à une diminution des crédits inscrits à l’action 01 « Prévention des risques technologiques ».

L’évolution des crédits par titre de dépenses met en lumière des évolutions contrastées.

Évolution des crédits par titre du programme 181

(en millions d’euros)

Titres

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

Titre 2 – dépenses de personnel

53,79

0

- 100 %

53,79

0

- 100 %

Titre 3 – dépenses de fonctionnement

1 052,72

1 072,38

+ 1,9 %

1 050,47

1 077,79

+ 2,6 %

Titre 5 – dépenses d’investissement

13,24

4,99

- 62,31 %

15, 94

17,29

+ 8,47 %

Titre 6 – dépenses d’intervention

233,95

234, 35

+0,17 %

235,14

213,59

- 9,16 %

Total

1 356,94

1 311,73

- 3,3 %

1 358,58

1 308,66

- 3,7 %

Source : direction générale de la prévention des risques et projet annuel de performances.

La part prépondérante des dépenses de fonctionnement (titre 3) provient des subventions pour charges de service public (SCSP) inscrite au programme 181, notamment celle versée à l’Agence de la transition écologique (Ademe). Elles représentent ainsi 81,75 % des AE et 82,36 % des CP dans le PLF pour 2025, contre 79,3 % des AE et 79 % des CP dans la LFI pour 2024.

La disparition des crédits de titre 2 s’explique par la suppression de l’action 09 qui portait les crédits de personnel de l’Agence de sûreté nucléaire.

Aux titres 5 « Dépenses d’investissement » et 6 « Dépenses d’intervention » l’écart entre les autorisations d’engagement inscrites en LFI pour 2024 et dans le PLF pour 2025 et entre les crédits de paiement inscrits en LFI pour 2024 et dans le PLF pour 2025 est également lié à l’évolution de la dotation du FPRNM ; le transfert des digues domaniales de l’État aux collectivités territoriales diminue effectivement le besoin d’AE de titre 5 et augmente celui de titre 6. Par ailleurs, il reste des engagements à effectuer en 2025 dans le cadre du plan séisme Antilles (PSA). Les paiements pour honorer les engagements pris antérieurement maintiennent globalement les besoins en crédits de paiement.

B.   une stabilité des effectifs

Les crédits nécessaires à la rémunération des personnels chargés du pilotage et de la conduite de la prévention des risques sont inscrits à l’action 16 du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables », qui est le programme support de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Cette action regroupe les personnels œuvrant pour le programme 181, affectés tant en administration centrale que dans les services déconcentrés.

Le plafond d’emplois prévu dans le PLF pour 2025 au titre de l’action 16 s’établit à 3 366 emplois en équivalent temps plein annuel travaillé (ETPT), soit une augmentation de 19,65 ETPT par rapport au PLF pour 2024.

Les plafonds d’emplois d’opérateurs compétents en matière de prévention des risques qui ne dépendent pas – ou pas essentiellement – du programme 181, comme le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), Météo‑France ou le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) sont inscrits dans les programmes finançant ces établissements publics. D’après les projets annuels de performance, les effectifs des opérateurs cités ci-dessus sont stables. Parmi les trois opérateurs mentionnés ci-dessus, seul le plafond d’emplois du BRGM est augmenté de 7 ETPT ([1]).

C.   Un programme EN PARTIE CONSACRÉ à la prévention des risques TECHNOLOGIQUES

1.   La prévention des risques technologiques et des pollutions

La prévention des risques technologiques et des pollutions, dont les crédits sont inscrits à l’action 01 du programme 181, comprend un nombre étendu de mesures. L’objectif général est celui d’une maîtrise de la pollution et de la réduction de l’exposition de la population et de l’environnement à des substances nocives.

Parmi ces mesures, l’élaboration de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et la mise en œuvre de la politique de contrôle de ces installations tiennent une place importante. L’ensemble des crédits consacrés à cette politique, en dehors des crédits de personnels permettant de rémunérer les inspecteurs des installations classées, est inscrit à l’action 01.

Le nombre d’inspections d’ICPE est en hausse par rapport à 2020 où il avait chuté en raison de l’épidémie de covid‑19. 24 232 inspections ont été menées en 2023, 22 852 l’avaient été en 2022. Ce dernier nombre est inférieur à l’objectif fixé en 2019 par la ministre de l’environnement dans les « orientations stratégiques pour l’inspection des installations classées à l’issue de la période 2019‑2022 ». En 2022, 27 300 auraient dû être réalisées. Néanmoins, le nombre d’inspecteurs des installations classées a pour sa part légèrement augmenté entre 2023 et 2024 passant en équivalent temps plein travaillé à 1 568 agents.

Si en 2023, tous les établissements Seveso « seuil haut » ont été visités au moins une fois (soit 686 sites), le chiffre de 24 232 inspections conduit, de fait, à ce que de nombreux sites ne soient pas inspectés pendant plusieurs années. Pour rappel, on dénombre en France 450 000 ICPE soumises au régime de la déclaration, environ 23 000 soumises au régime de l’enregistrement et 19 500 soumises au régime de l’autorisation. Les associations environnementales, notamment France Nature Environnement, ont alerté votre rapporteur sur la faiblesse du nombre des inspections et sur le danger de ne pas avoir une vision exhaustive des risques technologiques.

L’action 01 finance également l’élaboration des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Ces plans sont des documents de planification visant à prévenir les risques associés à certaines installations classées présentant des dangers particulièrement importants pour la sécurité et la santé des populations voisines et pour l’environnement. Ils peuvent prescrire des mesures relatives à la constructibilité et imposer des aménagements à des constructions à venir. Actuellement, 387 PPRT sont en vigueur. Les dépenses liées à ces plans concernent le fonctionnement des commissions de suivi de sites, qui sont des instances d’information et d’accompagnement des populations dans le périmètre des PPRT.

La politique en matière de santé environnementale (stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, nanomatériaux, biocides, produits phytosanitaires…) entre aussi dans le champ de la prévention des risques technologiques et des pollutions. La mise en œuvre du 4e plan national Santé Environnement pour la période 2021-2025, ainsi que le pilotage et la mise en œuvre de certaines actions du plan d’action interministériel du 17 janvier 2023 visant à réduire les risques liés aux substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS) font partie des politiques publiques financées par l’action 01.

Lors du vote de la loi de finances pour 2024, le programme 181 avait été entre autres abondé de dix millions d’euros au profit des crédits de l’action 01 et de l’action 13 pour financer les actions du plan d’action interministériel contre les PFAS. Seuls 5 millions d’euros, et non 10 millions d’euros, ont à nouveau été inscrits dans les crédits du programme pour 2025, expliquant la baisse des crédits de paiement et des autorisations d’engagement de 5 millions d’euros sur l’action 01.

Au total, au titre de l’action 01, le présent projet de loi de finances prévoit 65,32 millions d’euros en autorisations d’engagement et 67,26 millions d’euros en crédits de paiement. Ces montants connaissent une baisse de 3,7 % en crédits de paiement par rapport à ceux prévus par la LFI pour 2024.

2.   Le financement de l’Ineris

L’action 13 porte, depuis la loi de finances de 2021, la subvention pour charges de service public de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris). L’Ineris est un établissement public à caractère industriel et commercial qui développe une expertise sur tous les risques naturels et technologiques, hormis le risque nucléaire et la radioprotection.

L’établissement mène des travaux d’appui aux politiques publiques, principalement dans le cadre des programmes suivants :

– le programme 181, pour la majorité de ses travaux. La SCSP provenant du programme 181 représentait, en 2024, 32,066 millions d’euros ;

– en outre, pour cofinancer ses activités de recherche, l’Ineris perçoit une subvention au titre du programme 190, soit 6,3 millions d’euros en 2024, qui cofinancent environ 50 % de la recherche de l’Ineris. Cette somme est maintenue dans le projet de loi de finances pour 2025.

– le programme 174 « Énergie et après-mine » finance également le budget de l’Ineris pour les travaux liés à la qualité de l’air, réalisés par le laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air (LCSQA). La SCSP provenant du programme 174 s’élevait en 2024 à 4,3 millions d’euros et à 5,60 millions d’euros dans le PLF pour 2025.

Pour la dernière année consolidée, en 2023, le budget total de l’Ineris s’élevait à 65,3 millions d’euros, dont 43 % venait de la SCSP prévue au programme 181.

La subvention pour l’Ineris inscrite dans le programme 181 s’élève dans le PLF pour 2025 à 32,1 millions d’euros (en AE et en CP). Ce montant représente une hausse de 500 000 euros par rapport aux montants prévus en LFI pour 2024.

Le plafond d’emplois exprimé en ETPT est augmenté de 5 ETPT dans le projet de loi de finances pour 2025, pour atteindre 494 ETPT.

L’activité de l’Ineris se répartit entre ses différentes missions : pour un quart, l’Ineris conduit et participe à des travaux de recherche, pour un autre quart, il fournit des prestations à des entreprises et propose des services de certification et pour la moitié restante, il exerce sa mission d’appui aux politiques publiques.

L’Ineris voit ses activités d’expertise augmenter. L’ensemble des travaux et des services rendus sont organisés autour des trois axes définis dans le contrat d’objectifs et de performance 2021-2025, à savoir : la maîtrise de la transition énergétique et de l’économie circulaire, la compréhension et la maîtrise des risques à l’échelle d’un site industriel et d’un territoire et la caractérisation des dangers des substances et leurs impacts sur l’homme et la biodiversité.

Lors de l’audition du directeur de l’Ineris et dans les réponses fournies à votre rapporteur pour avis par l’établissement, l’importance du maintien de la capacité à mener des recherches et à participer à des programmes de recherche a été soulignée, dans un contexte où la subvention venant du programme 190 a été nettement diminuée.

L’Ineris ne disposera pas de moyens budgétaires accrus pour son budget de l’année 2025, les 500 000 euros supplémentaires couvrant les coûts liés à l’inflation.

II.   La prévention des risques naturels et hydrauliques

A.   Les deux actions du programme consacrées à la prévention des risques naturels voient leurs crédits maintenus

La politique de prévention des risques naturels et hydrauliques vise à préparer les territoires et leurs habitants à faire face aux aléas naturels inévitables, afin de réduire leur vulnérabilité et d’améliorer leur résilience, c’est-à-dire de limiter les dommages sur les populations, les activités, les biens et l’environnement.

L’action 10 « Prévention des risques naturels et hydrauliques » concerne la connaissance et la surveillance des aléas, l’information du public, la sécurité des ouvrages hydrauliques ainsi que la préparation à la gestion de crise. Cette action dispose dans le PLF pour 2025 d’un budget de 37,8 millions d’euros en AE et 37,8 millions d’euros en CP. Les crédits sont stables par rapport à la LFI pour 2024.

Cette politique s’articule autour de plusieurs leviers d’action complémentaires : l’amélioration de la connaissance des risques, la prévision et prévention des crues et des inondations grâce à des dispositifs comme Vigicrues et Vigicrues flash, l’information du public et le développement de la culture du risque, l’élaboration de plans de prévention des risques naturels (PPRN) et la promotion auprès des collectivités territoriales d’actions de réduction des risques. Le contrôle de la sécurité des ouvrages hydrauliques fait également partie de la politique de prévention des risques naturels. L’essentiel de ces actions sont réalisées au niveau local par les administrations déconcentrées de l’État, qui travaillent elles-mêmes pour un grand nombre de sujets en coopération avec des opérateurs nationaux ayant une expertise technique approfondie.

L’action 14 « Fonds de prévention des risques naturels majeurs » (FPRNM), qui regroupe les crédits du fonds dit Barnier, est dotée de 225 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 220 millions d’euros en crédits de paiement dans le PLF pour 2025. Les montants sont constants par rapport à la LFI pour 2024 ([2]). Le FPRNM, qui a été intégré au budget général de l’État en 2021, représente une source de financement pour l’État lui-même pour des actions particulières mais aussi et majoritairement pour les collectivités territoriales. Sur les 220 M€ de crédits de paiement inscrits en 2025, 60,8 % sont reversés aux collectivités, comme le montre le tableau ci-après.

 

Prévision 2025

AE

CP

Transfert (subvention) aux collectivités territoriales

169 700 000 

133 900 000 

Source : PAP et réponses transmises au rapporteur pour avis.

Le FPRNM intervient sur les axes suivants : amélioration de la connaissance des risques, information de la population et renforcement de la culture du risque, maîtrise de l’urbanisation, réduction de vulnérabilité de l’existant, mise en place ou renforcement d’ouvrages de prévention et de protection. Des mesures d’acquisition ou d’expropriation de biens à usage d’habitation gravement menacés ou sinistrés peuvent également être conduites lorsqu’aucune solution de protection ou de sauvegarde n’est possible techniquement ou est financièrement plus coûteuse.

La politique de prévention des risques via le FPRNM se décline à l’ensemble des risques naturels susceptibles de survenir de manière soudaine : inondations, submersions marines, mouvements de terrain, avalanches, feux de forêt, séismes, éruptions volcaniques, cyclones et tempêtes.

B.   La gestion du risque inondation : une problématique de plus en plus importante pour l’État et les collectivités

L’actualité de ces deux dernières années, outre celle hélas très récente des deux dernières semaines où des épisodes de pluie très intenses ont provoqué des inondations en Ile-de-France, dans la Loire et en Ardèche, nous rappelle l’importance de l’exposition du territoire français au risque d’inondation et de submersion marine.

Depuis de nombreuses années, les politiques publiques sont conjointement conduites par l’État et les collectivités territoriales. Les dotations du programme 181 permettent tout à la fois de financer les actions de l’État et aussi un certain nombre d’actions portées par les collectivités territoriales.

L’État continue d’être la personne publique chargée d’élaborer les plans de prévention des risques naturels. En août 2024, un tiers des communes françaises dispose d’un plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), soit 10 825 communes couvertes par un PPRI opposable et 1 389 par un plan prescrit ([3]). S’agissant des risques littoraux, on compte 541 communes couvertes par un plan et 63 pour lesquelles un plan est prescrit. Ces plans, élaborés par les directions départementales des territoires ou par les directions départementales des territoires et de la mer et approuvés par les préfets, sont essentiels pour déterminer l’exposition aux aléas d’un territoire, les politiques d’aménagement et la constructibilité des terrains ([4]). Ils ne représentent néanmoins qu’un outil dans un ensemble plus large.

Les Programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI) sont devenus depuis plus d’une dizaine d’années un outil essentiel et le support de l’action des collectivités territoriales en matière de prévention du risque inondation. Ils établissent la programmation sur plusieurs années d’actions de prévention et donc des travaux et des aménagements aptes à prévenir le risque de crue et à renforcer la protection des populations contre les inondations et d’actions d’adaptation à l’échelle d’un bassin ou d’un cours d’eau. De plus en plus d’intercommunalités ou de syndicats regroupant des collectivités mettent en place des PAPI. Selon des données communiquées au Sénat par la direction générale de la prévention des risques, de 2011 à 2022, 132 PAPI ont été labellisés au total, pour un montant d’investissement de 3,3 milliards d’euros, avec une contribution de l’État à hauteur de 1,3 milliard d’euros ([5]). Au 1er décembre 2023, 245 projets labellisés couvrent environ 16 500 communes : 121 concernent des programmes d’études préalables (1ère phase du PAPI) et 124 concernent des PAPI aboutis, selon le ministère de la transition écologique ([6]).

La mise en place d’un PAPI permet de mobiliser les ressources du FRPNM. La procédure conduisant à la labellisation de ces programmes par le préfet coordonnateur de bassin est relativement longue. Elle a été récemment modifiée sans pour autant que les délais soient nettement raccourcis. La démarche de l’établissement public porteur du programme comprend deux étapes que les services de l’État suivent et instruisent également : la première étape consiste à établir un programme d’études préalables et à réaliser ces études après une évaluation environnementale, la deuxième étape consiste à déterminer les actions du programme lui-même qui conduira à la labellisation du programme. Le PAPI peut ensuite produire ses effets.

Les aides du fonds Barnier mobilisables dans la politique de prévention
des risques d’inondation et de submersion

– Les études et actions de prévention ou de protection contre les risques naturels des collectivités territoriales : cette mesure, qui bénéficie aux collectivités territoriales, vise à améliorer la sécurité des personnes face aux risques naturels et à réduire les dommages aux biens assurés.

– Le relogement temporaire des personnes exposées ou sinistrées : cette mesure, à destination de tous (collectivités territoriales et particuliers) finance les dépenses de prévention liées aux évacuations temporaires et au relogement des personnes exposées à un risque naturel menaçant gravement leur vie. Il s’agit d’une mesure temporaire qui peut être mobilisée dans l’attente de la mise en œuvre d’une solution durable pour remédier au risque (acquisition du bien, travaux…) ;

– Les études et travaux de réduction de la vulnérabilité imposées par un plan de prévention des risques naturels prévisibles : cette mesure, à destination des particuliers et des entreprises de moins de 20 salariés, vise à financer les travaux rendus obligatoires par un PPRN ;

– Les diagnostics et travaux de réduction de la vulnérabilité inscrits dans un programme d’action de préventions des inondations : cette mesure, à destination des collectivités, des particuliers et des entreprises de moins de 20 salariés, vise à financer, dans les zones couvertes par un PAPI, des diagnostics (réalisés par les collectivités) et des travaux de réduction de la vulnérabilité aux inondations ;

– Les études et travaux de mise en conformité des digues domaniales de protection contre les crues, qui apportent une contribution financière aux digues domaniales dont la gestion a été transférée aux collectivités le 28 janvier 2024 : cette mesure est à destination des collectivités territoriales et des établissements publics ;

– Les dépenses afférentes aux actions d’information préventive de la population sur les risques majeurs ;

– L’expropriation ou l’acquisition amiable de biens exposés ou sinistrés : ces mesures, à destination des collectivités pour des situations particulières, sont appréciées au cas par cas.

Pour les services déconcentrés de l’État auditionnés, il n’est pas dommageable que les procédures soient exhaustives et donc potentiellement longues en amont de la mise en œuvre du programme. Comme l’a souligné le directeur de la Dréal Grand Est, le temps pris pour mener des études préalables et des études sur les conséquences des ouvrages et des travaux est nécessaire et garantit la cohérence de la politique dans le long terme. Une réflexion d’ensemble est souhaitable pour prendre en compte l’amont et l’aval des cours d’eau, et ne pas reporter le problème vers les exutoires de ces cours d’eau et vers le littoral.

Ces programmes sont liés à la compétence qui a été transférée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à partir de 2018, conformément aux lois de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles et portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République, à savoir la compétence de gestion des milieux aquatiques et prévention du risque inondation (GEMAPI) (voir l’article L. 211-7 du code de l’environnement) ([7]). Ce transfert de compétences est presque entièrement achevé, les autres échelons de collectivités n’ayant plus la responsabilité de ces sujets.

La prise en charge de la compétence GEMAPI

Dans de nombreux territoires existaient des syndicats mixtes gérant des bassins versants (parfois sur des territoires plus grands que les territoires des actuels EPCI). Ceux-ci ont souvent été maintenus tout en devenant les entités en charge de la GEMAPI. D’autres EPCI se sont regroupés pour créer des établissements publics territoriaux de bassins (EPTB) ou des établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau (EPAGE) tandis que certains EPCI gèrent en propre la compétence GEMAPI. Cette diversité des structures juridiques s’explique en partie par la nature des enjeux compris dans la GEMAPI, qui peuvent dépasser le territoire d’un EPCI. Il n’est pas rare que certains établissements publics ne reprennent qu’une partie de la compétence, à savoir par exemple la prévention des inondations.

Comme l’ont exposé plusieurs rapports au cours de ces dernières années, la prise en charge par les EPCI ou des établissements publics spécialisés de cette compétence a représenté un défi important ([8]). Ce n’est que depuis 2024 que la responsabilité des ouvrages de protection contre les inondations et donc la maîtrise d’ouvrage sur ces ouvrages sont entièrement transférées aux établissements publics ou syndicats exerçant la compétence GEMAPI. Ces établissements se voient donc chargés des ouvrages à la fois pour leur entretien courant, comme pour leur renforcement ou leur extension. Le transfert de la responsabilité des digues appartenant aux collectivités territoriales a précédé le transfert des digues domaniales aux établissements dits « gémapiens ». S’agissant des digues domaniales, l’État conserve la propriété des digues, mais a accompagné le transfert d’un versement immédiat ou s’est engagé à transférer les subventions nécessaires à l’entretien de ces digues à travers des conventions ([9]). Les subventions seront elles‑mêmes financées par le FPRNM dans des proportions définies dans les conventions (cf. supra). Pour citer l’exemple de la région Grand Est, toutes les digues domaniales ont été transférées et des conventions ont été signées qui prévoient une prise en charge des travaux par le FRPNM à hauteur de 80 %.

Mobilisation du fonds Barnier (FPRNM) pour l’entretien et
la consolidation des digues

            La mesure du FPRNM, dénommée Études et actions de prévention ou de protection contre les risques naturels des collectivités territoriales (EAPCT), permet le financement des travaux de confortement des digues non domaniales ainsi que les études associées.

Cette mesure est destinée exclusivement aux collectivités territoriales.

Pour être éligibles à ce financement, les études et travaux doivent concerner des communes couvertes par un PPRN prescrit ou approuvé ou bénéficier à des communes couvertes par ce type de plan.

Le taux d’intervention du FPRNM est de 50 % pour les études et de 25 % à 40 % en fonction du statut du PPRN (approuvé : 40 % ; prescrit : 25 %).

Ces études et travaux de confortement de digues doivent normalement s’inscrire dans le cadre d’un PAPI pour obtenir le financement du FPRNM. Toutefois, il existe une exception permettant le financement de ces actions par le FPRNM hors démarches PAPI de manière dérogatoire. Celle-ci concerne les études de dangers des systèmes d’endiguement ainsi que les travaux de confortement sans hausse du niveau de protection et d’un montant inférieur à 2 millions d’euros hors taxe

            La mesure Études et travaux de mise en conformité des digues domaniales de protection (ETDD) permet de financer les études et travaux sur les systèmes d’endiguement domaniaux et sur les digues dont la gestion a été transférée de l’État à une collectivité, sous réserve que l’engagement juridique ait été pris par l’État avant le 31 décembre 2027.

Par ailleurs, les digues font partie des ouvrages inclus dans un ensemble plus large, les systèmes d’endiguement qui ont été redéfinis par le décret n° 2015‑526 du 12 mai 2015 ([10]). Ce sont les établissements en charge de la GEMAPI qui doivent estimer le niveau de protection des ouvrages et donc la catégorie dans laquelle entre un système d’endiguement, déterminée notamment en fonction du nombre d’habitants protégés. La prise en compte de la protection en fonction du type de crues (décennale, trentennale, centennale) n’est pas à proprement parler un critère de classement du système d’endiguement.

Plusieurs des personnes auditionnées ont souligné les coûts croissants de la politique de prévention des inondations en terme d’entretien des ouvrages, de constructions nouvelles et d’ingénierie. La consommation des crédits du FPRNM, de même que les niveaux de prélèvement de la taxe GEMAPI par les EPCI le démontrent. Si l’ensemble des travaux prévus par les PAPI prescrits ou labellisés étaient menés à bien, le niveau crédit du FPRNM serait insuffisant, tandis que l’aide complémentaire apportée par le fonds vert pourrait diminuer.

En outre, tant les deux élus locaux auditionnés représentant l’Association des maires de France et l’Association des communautés de France que les Dréal ont aussi souligné que la prévention des inondations était une politique plus large que la seule gestion des ouvrages. En effet, la gestion des cours d’eau, les aménagements tels que les zones d’expansion des crues, la sensibilisation de la population sont d’autres éléments qui concourent à mieux gérer les crues et leurs conséquences.

Le champ d’intervention géographique des EPTP ou des syndicats est parfois trop restreint alors qu’il faudrait envisager la gestion des crues dans un bassin plus large, en fonction des aléas et non en fonction des limites géographiques des EPCI.

Par ailleurs, une politique de prévention efficace ne peut se faire sans sensibiliser la population aux risques mais aussi sans une certaine acceptation des contraintes engendrées par les aménagements nécessaires. Votre rapporteur pour avis a été alerté sur le problème de l’accessibilité et la disponibilité du foncier. Les personnes publiques qui souhaitent mettre en œuvre des actions prévues dans les PAPI peuvent avoir du mal à acquérir les terrains nécessaires et se retrouvent partagées entre plusieurs usages des sols et de l’espace. De plus, certains ouvrages doivent être construits dans des zones où le risque d’inondation est faible pour protéger des zones en aval. C’est pourquoi l’acceptation par la population des aménagements nécessaires et des dépenses afférentes représente un enjeu dans les politiques de prévention du risque d’inondation.

Des phénomènes climatiques plus fréquents et plus violents en intensité interrogent également sur les aménagements nécessaires. Les inondations par ruissellement de l’eau de pluie peuvent par exemple provoquer des dégâts importants indépendamment de la montée des cours d’eau ou plus rapidement. Les démarches pour modéliser cet aléa commencent à émerger. Ainsi, le Cerema accompagne la métropole d’Aix-Marseille-Provence dans un partenariat de recherche et développement portant sur la modélisation semi-automatisée des inondations par ruissellement et la cartographie des zones inondées par ruissellement lors de pluies diluviennes.

III.   La gestion et la prÉvention des risques liÉs à l’exploitation du sous-sol

A.   La prÉvention des risques liÉs aux anciens sites miniers

Au titre de l’action 11 « Gestion de l’après-mine et travaux de mise en sécurité, indemnisation et expropriations sur les sites », le PLF pour 2025 a prévu une dotation de 42,89 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, en hausse de 220 000 euros par rapport à la LFI pour 2024.

L’action 11 a pour but d’assurer la sécurité des personnes et des biens et la protection de l’environnement après la disparition des exploitations minières. À cette fin, l’État s’appuie notamment sur :

– le groupement d’intérêt public Geoderis, créé par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et l’Ineris avec la DGPR pour évaluer les risques présentés par les anciennes exploitations minières. 6,5 millions d’euros financent le GIP Geoderis. Cette somme est stable par rapport à la LFI pour 2024 ;

– le département de prévention et de sécurité minière (DPSM), département spécifique créé au sein du BRGM, pour maintenir les installations de sécurité et procéder à des travaux de mise en sécurité, qui devrait disposer en 2025 de crédits à hauteur de 33,8 millions d’euros en 2025 (25,8 millions d’euros de la subvention pour charges de service public et 8 millions d’euros pour les dépenses d’investissement). Le budget total a été estimé par le BRGM en octobre 2024 à 33,4 millions d’euros pour l’année en cours.

Les activités du DPSM ont été étendues au fil des années, au fur et à mesure de l’arrêt des travaux miniers. Depuis 2017 et jusqu’à l’horizon 2025 environ, de nouvelles surveillances lui ont été ou seront transférées, du fait de la fin des concessions dites « perpétuelles ». Cet accroissement de la charge de travail et l’augmentation des coûts de l’énergie ne se sont pas traduits pour 2025 par une hausse des crédits de l’action 11 significative, la dotation ayant davantage progressé de 2023 à 2024.

Le département de prévention et de sécurité minière a la maîtrise d’ouvrage pour le compte de l’État et doit réaliser ou faire réaliser les travaux nécessaires à la mise en sécurité des anciens sites miniers ([11]). Il doit également faire fonctionner et maintenir les installations et dispositifs de sécurité transférés à l'État par les anciens opérateurs miniers dont la liste est publiée tous les ans par décret ministériel (2 000 « objets » surveillés en 2024). Les travaux ont principalement pour finalité de prévenir les mouvements de terrains, les remontées de nappes et de minimiser la pollution de l’environnement. Comme l’indique le responsable du programme 181 dans le projet annuel de performance « la chronologie des travaux à réaliser et la volumétrie des coûts attendus sont en très nette augmentation à compter de 2025. Cette évolution s’explique par la réévaluation des besoins opérationnels à la suite de l’élaboration des plans de conception de travaux ou d’audits des vieillissements d’ouvrage (gestion de la remontée de la nappe des Grès du Trias inférieur dans le bassin houiller lorrain, sécurisation des puits du bassin houiller du Nord-Pas-de- Calais, travaux dans la vallée du Grésillou à Salsigne). »

De son côté, l’Ineris apporte un appui technique à Geoderis pour l’évaluation des aléas et des risques liés à l’après-mine et met à sa disposition une dizaine d’experts dans le domaine de la géotechnique, de l’environnement et du gaz de mine. Dans ce cadre, l’Ineris a d’abord fourni un appui méthodologique (hiérarchisation des aléas) et installé des réseaux de surveillance microsismique dans les zones d’aléa présentant des enjeux, prioritairement au droit du bassin ferrifère lorrain et du bassin houiller de Provence.

Au cours des dix dernières années, l’Ineris a poursuivi son appui à Géoderis sur ses thématiques historiques (géotechnique et gaz) tout en élargissant son intervention aux problématiques environnementales devenues particulièrement sensibles. L’appui de l’Ineris a également consisté en la réalisation de nombreuses études d’aléas (mouvements de terrain sur près de 1 800 communes) des sites miniers sur tout le territoire métropolitain.

Comme l’a précisé le BRGM lors de son audition, les risques liés à la fin de l’exploitation des mines sont bien documentés et maîtrisés dans la mesure où les agents des deux opérateurs principalement concernés par ce sujet ont développé des compétences approfondies. À l’inverse, il n’y a pas eu de la part de l’État les investissements nécessaires, dans la recherche sur l’exploitation des ressources minérales nouvelles. La poursuite d’une meilleure connaissance du sous-sol, préalable indispensable à d’éventuelles exploitations souterraine, est un des nouveaux axes de recherche de certains opérateurs, et notamment du BRGM.

B.   La connaissance des risques liÉs à l’exploitation de nouvelles ressources du sous-sol

D’autres motifs d’exploitation des sous-sols émergent, concomitamment à la fermeture des sites miniers, qui posent de nouvelles questions et demandent de développer une expertise. C’est le cas de la géothermie profonde, et cela pourrait être le cas à l’avenir si d’autres ressources comme le lithium ou l’hydrogène étaient extraits des sous-sols français. Des enjeux d’autonomie et de disponibilité de ressources se posent dans un contexte où certaines d’entre elles sont essentielles pour favoriser la transition écologique et pour la fabrication de certains produits.

Le projet d’exploitation d’une mine de lithium dans l’Allier, qui en est à un stade préparatoire, a permis à l’Ineris d’être sollicité dans le cadre de l’enquête publique. Interrogé par votre rapporteur pour avis sur les risques spécifiquement liés à l’extraction de lithium, l’Ineris a apporté la réponse suivante : « Pour l'exploitation souterraine (ou à ciel ouvert selon le gisement) de lithium, au-delà des risques miniers classiques identifiés et qui peuvent être maîtrisés en cours d'exploitation (effondrement, ventilation incendie, poussières...), la transformation du minerai jusqu'à la production du lithium métal générera des déchets miniers de différentes natures. Ces volumes de déchets, plus ou moins importants, doivent être caractérisés, valorisés en partie (selon dangerosité) et stockés dans les règles pour éviter tout impact environnemental à long terme. […] ».

Le BRGM a la charge de la réalisation du projet d’inventaire des ressources minérales qui vise, sur les cinq prochaines années à analyser, dans cinq zones cibles du territoire (Massif central, Pyrénées Orientales Cévennes, Morvan - Brévenne, Vosges et Sillon nord Guyanais), la prédisposition de présence de gisements métalliques, notamment profonds. Comme l’indique l’établissement, la démarche consistera à croiser des données géophysiques, géochimiques et géologiques en s’appuyant sur des technologies innovantes, notamment d’intelligence artificielle.

Le BRGM travaille également en partenariat avec la direction générale du Trésor pour soutenir des projets d’exploitation de ressources minérales, en particulier sur le continent africain. L’objectif est d’accompagner certains États à mieux connaître leur sous-sol et les ressources minérales qui y sont présentes (Cameroun, République démocratique du Congo, Tchad, etc.). Le BRGM réalise également, pour le compte de partenaires industriels, des synthèses sur l’existence (à des échelles nationales, communautaire ou internationale) de gisements de substances indispensables aux procédés industriels concernés. De telles synthèses peuvent déboucher sur des expertises concrètes d’évaluation du potentiel de certains de ces gisements.

IV.   LE BUDGET DE L’ADEME Et LA nÉcessitÉ de favoriser les Énergies renouvelables dans le mix Énergétique grÂce aux aides publiques

A.   Une probable Évolution À la baisse de la capacitÉ de financement de l’Ademe

L’Agence de la transition écologique (Ademe) joue un rôle particulier dans le programme 181 puisque la prévention des risques ne constitue pas sa première mission. Acteur essentiel de la transition énergétique et écologique, l’agence soutient le développement des énergies renouvelables et des économies d’énergie, notamment par l’intermédiaire du fonds chaleur, et celui de l’économie circulaire grâce au fonds dit « économie circulaire ».

Les recettes de l’agence sont constituées de ressources budgétaires, issues de la loi de finances et qui prennent la forme d’une subvention pour charges de service public, de ressources propres (ventes de biens et services : formations, colloques, éditions, et produits divers de gestion) et de recettes fléchées, issues des conventions partenariales avec des tiers financeurs, pour lesquelles l’Ademe reçoit des fonds et les redistribue sous forme de subventions.

Le financement apporté par l’État à l’Ademe provient pour une part importante de la SCSP inscrite à l’action 12 du programme 181. Cette subvention s’élève, dans le PLF pour 2025, à 908,15 millions d’euros en AE et en CP, soit une augmentation de 3,3 % par rapport à la LFI pour 2024 (789 millions d’euros étaient inscrits au programme 181). Conformément aux règles comptables de l’État, les SCSP constituent des recettes dans le budget des établissements publics administratifs et il est obligatoire que le montant des autorisations d’engagement soit équivalent au montant des crédits de paiement dans la mesure où cette subvention constitue une recette de fonctionnement pour l’établissement public.

En pratique, cette SCSP, qui constitue une recette dans le budget de l’Ademe, permet à l’établissement d’honorer les paiements prévus en 2025 pour des dépenses déjà engagées pour l’essentiel.

Si la SCSP du programme 181 constitue une grande partie des recettes de l’Ademe, d’autres recettes viennent abonder le budget de l’établissement. Le tableau ci-dessous retrace les différentes sources de recettes en crédits de paiement.

 

Recettes prévues pour 2024

En millions d’euros

SCSP Prog. 181

839

Plan de relance

173

Recettes propres

82

SCSP du fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires (fonds vert) (Prog. 380)

37

Subventions contractualisées avec l’Union européenne, l’État ou les collectivités territoriales.

18

Total

1 149

Recettes gérées pour compte de tiers

En millions d’euros

France 2030

803

Fonds décarbonation de l’industrie

128

Contrats européens

1,5

Source : Ademe et réponses transmises au rapporteur pour avis

 

Le budget de l’Ademe

La capacité d’action de l’Ademe est déterminée par le volume de nouveaux projets et les montants disponibles en année n sur son budget d’intervention propre (appelé « budget incitatif » exprimé en AE). Ce niveau d’autorisations d’engagement n’est pas directement voté par le Parlement, mais est inscrit dans le budget voté par le conseil d’administration de l’Ademe en général en décembre de l’année n-1. Le montant notifié par le Gouvernement à l’Ademe pour 2025 s’élève à ce stade à 900 millions d’euros, soit une baisse de 35 % par rapport à 2024 (1,4 milliard d’euros). Le budget incitatif et donc le montant exact des autorisations d’engagement ne sera connu qu’en décembre. L’État, représenté en particulier par le ministère de tutelle, est majoritaire au conseil d’administration et dispose d’un droit de véto s’il estime que le budget voté n’est pas conforme au montant en AE notifié.

C’est ce budget incitatif qui va permettre de déterminer le niveau des autorisations d’engagement que l’Ademe pourra prendre en l’occurrence en 2025 pour les années suivantes, notamment au sein des Fonds chaleur et Fonds économie circulaire.

En dehors de son budget d’intervention, les dépenses de l’Ademe portent sur :

 Sa masse salariale et sa gestion courante (« budget de moyens ») représentant des dépenses de fonctionnement ;

 Ses dépenses d’investissement (notamment immobilier et numérique).


Pour 2024, le budget global de l’Ademe se présente ainsi :

Les 11 millions d’euros pour les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) correspondent à des autorisations de dépenses pour le budget annexe consacré à l’instance de supervision des filières REP. Le fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, dit fonds vert, est géré par l’Ademe au titre de trois des axes de développement : le tri des biodéchets, le fonds friches (appelé « Recyclage foncier ») et les mesures dans le cadre du programme « Territoires d’industrie en transition écologique ». Ainsi, 220 millions inscrits à son budget pour 2024 correspondent aux engagements que l’Ademe peut prendre pour financer des projets éligibles au fond vert.

La baisse globale du budget incitatif en 2025 aura pour conséquence une diminution des engagements pouvant être pris par les deux principaux fonds que l’Ademe gère, à savoir le fonds chaleur et le fonds économie circulaire.

S’agissant du personnel, pour 2025, les effectifs sous plafond de l’agence restent relativement stables par rapport à 2024.

Évolution du plafond des autorisations d’emploi

 

Équivalent temps plein travaillé

Plafond en ETPT - LFI 2024

 

1 065

Évolution par rapport à la LFI 2024 :

+4

dont Personnel pour la définition de l’éco-score des pompes à chaleur

+2

dont transfert du programme 217

+2

Effet du schéma d’emploi sur 2025

+31

Plafond ETPT - PLF pour 2025

 

1 100

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Ademe et projet annuel de performance.

Le plafond des autorisations d’emploi de l’Ademe pour 2025 est relevé de 31 ETPT par rapport au plafond voté en LFI pour 2024 qui était de 1 069 au total.

B.   Le soutien À la chaleur renouvelable : une nÉcessitÉ pour la transition Écologique

Le fonds chaleur, dont l’Ademe a la charge, a été institué par l’article 19 de la loi n° 2009‑967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Son objectif principal est de financer et d’inciter au financement de la production de chaleur à partir d’énergies renouvelables.

Les engagements pris par l’Ademe pour aider les personnes porteuses des projets de développement de production de chaleur renouvelable et de développement de réseaux de chaleur urbain ont constamment augmenté depuis la création du fonds.

Dans un passé récent, le budget du fonds chaleur, qui s’établissait initialement à 520 millions d’euros puis à 595 millions dans le projet de budget rectificatif pour 2023, a été porté à 820 millions d’euros dans le budget pour 2024.

La sélection des bénéficiaires du fonds chaleur repose sur deux modes d’intervention : d’une part les bénéficiaires sont identifiés par le fonds chaleur régionalisé, géré par les directions régionales de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ou bien par les régions à qui des crédits sont délégués, d’autre part pour les installations de biomasse de grande taille, les bénéficiaires sont identifiés par l’appel à projet national annuel « Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire » (BCIAT) qui vise plutôt le développement des besoins de l’industrie.

L’action du fonds est importante dans un contexte où la production de chaleur représente 43 % de la consommation d’énergie en France, et que seulement environ 29 % des sources de chaleur sont d’origine renouvelable ([12]). A contrario les énergies fossiles, notamment le gaz, représentent encore 75 % de l’énergie fournissant de la chaleur à des réseaux. La décarbonation des sources de production de chaleur peut passer par l’électrification mais la source peut être renouvelable dès l’origine : c’est le cas de la biomasse, de la géothermie, du solaire thermique, du biogaz et du biométhane méthanisation, des pompes à chaleur, de la récupération de chaleur fatale, de la valorisation énergétique des déchets…

Promouvoir les énergies renouvelables pour la production de chaleur est de plus une nécessité par rapport à la trajectoire que s’est donnée la France en terme de décarbonation à travers l’adoption de la loi pour la transition énergétique et la croissance verte et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Ainsi selon la PPE présentée en 2020, la consommation de chaleur renouvelable aurait dû être de 196 TWh en 2023, et devrait se situer entre 218 et 247 TWh en 2028. Ces cibles représentent une augmentation de 25 % en 2023 et entre 40 et 60 % en 2028 par rapport à la consommation de chaleur renouvelable de 2017 (154 TWh). En terme de réalisation, en 2021, la consommation finale brute de chaleur renouvelable a atteint 178 TWh, et en 2022 174 TWh. La consommation finale brute d’énergies renouvelables pour la chaleur et le froid s’élève à 187 TWh en 2023 et augmente de 5 % par rapport à 2022.

Le soutien au développement de la chaleur renouvelable a également comme objectif la stabilité des prix pour le consommateur, par rapport à des sources d’énergie comme le gaz dont le prix peut fortement varier. Un des critères de financement de la production d’énergie renouvelable et de construction de réseaux de distribution est donc le prix, avec comme objectif un prix inférieur au gaz naturel.

Parmi les installations de production et de distribution de chaleur renouvelable se trouvent les réseaux de chaleur, ou réseaux de chaleur urbains. Ces derniers peuvent transporter et distribuer de l’énergie d’origine fossile comme renouvelable pour un réseau d’habitation. En 2021 ([13]), les 833 réseaux de chaleur ont livré 29,8 TWh de chaleur (nette) dont 62 % à partir d’énergies renouvelables et de récupération, soit 18,5 TWh. Comparé à 2012 (7,9 TWh), ce chiffre a plus que doublé. L’Ademe a indiqué à votre rapporteur pour avis qu’en 2024, la part des énergies renouvelables et de récupération dans les réseaux urbains est de plus de 66 %, dont 30 % de récupération de chaleur des installations de valorisation énergétique des déchets (UVE), 25,5 % par de la biomasse, 5,5 % par de la géothermie et 1,1 % par de la chaleur fatale industrielle.

Le verdissement du mix des réseaux de chaleur a essentiellement été tiré par le développement massif de la biomasse en substitution des énergies les plus carbonées (charbon et fioul).

Les aides apportées par le fonds chaleur ont prouvé leur efficacité à plusieurs égards.

Sur la période 2009-2023, l’Ademe a engagé 4,28 milliards d’euros (y compris pour des actions d’accompagnement) pour soutenir plus de 8 500 opérations qui ont généré un montant d’investissement de 14 milliards d’euros et une production de 45,4 TWh/an.

Les émissions évitées grâce aux nouvelles installations aidées par le fonds chaleur en 2023 sont estimées à environ 629 000 tonnes de CO2 par an. Pour l’ensemble des installations accompagnées par le fonds chaleur entre 2009 et 2023, ces émissions évitées sont estimées à 10 millions de tonnes de CO2 par an.

Les aides de l’Ademe dans ce cadre représentent un levier d’investissement important. Il est estimé que pour un euro de financement de l’Ademe, 3 à 4 euros vont être dépensés par les collectivités publiques. Le graphique ci-dessous présente les sommes investies par l’Ademe ainsi que par les budgets du fonds de décarbonation de l’industrie (FDI), du plan de relance et France 2030, depuis 2009 par type de projets soutenus ([14]). Le soutien au développement de réseaux de chaleur existe indépendamment de la source de chaleur renouvelable utilisée par le réseau. En effet, parmi les critères d’éligibilité aux aides du fonds chaleur, figure le taux d’énergie renouvelable et de récupération dans le mix d’approvisionnement du réseau de chaleur, qui doit être d’au moins 65 %.

Aides À l’investissement du fonds chaleur et des appels À projet BCIAT/BCIB par type de projet soutenu

Une image contenant texte, capture d’écran, diagramme, Police

Description générée automatiquement Source : Ademe

En 2023, le budget du fonds chaleur était de 601 millions d’euros, en hausse de près de 15 % par rapport à l’année précédente. Le fonds chaleur a soutenu, en 2023, 1 400 projets, pour un montant d’investissements d’environ 1,7 milliard d’euros, qui généreront 2,8 TWh/an de production prévisionnelle supplémentaire d’énergies renouvelables et de récupération. Sur 601 millions, 536,1 millions finançaient des aides à l’investissement, et 64,7 millions d’autres actions (des actions d’accompagnement telles que des schémas directeurs, études de faisabilité et campagne de communication ; et le fonds air bois).

Le graphique ci-dessus expose les sommes dépensées cumulées depuis 2021 répartis par type d’énergie renouvelable et pour les réseaux de chaleur du seul fonds chaleur.

RÉpartition des aides du fond chaleur selon les thÉmatiques depuis 2021

Source : Ademe

Le fonds chaleur est également le dispositif le plus efficace en terme de coût de tonne de carbone évitée. 36 euros d’investissement public suffisent à éviter l’émission d’une tonne de CO2 (en incluant les dispositifs biomasse BCIAT et BCIB du plan de relance/France 2030), et 48 euros si l’on considère uniquement le fond chaleur. Cette somme, aussi appelée coût d’abattement, a tendance à être en légère augmentation, les projets les plus rentables en terme d’investissement ayant déjà été financés. C’est un montant beaucoup plus faible que pour d’autres types d’aides publiques. Ainsi, dans le rapport produit par France Stratégie pour l’évaluation de la première phase du plan de relance, un calcul équivalent a été réalisé pour le dispositif « Ma PrimeRénov’ » qui a abouti à 70 euros investis pour une tonne de CO2 évitée ([15]).

Plusieurs des auditions conduites par votre rapporteur pour avis ont permis d’être alerté sur les conséquences d’une diminution des engagements que pourra prendre le fonds chaleur en 2025 pour les années suivantes.

Si les autorisations d’engagement ne s’élevaient qu’à 500 millions d’euros en 2025, cela ne permettrait que de couvrir les engagements nécessaires pour le démarrage, en 2025 ou ultérieurement, de projets, dont les dossiers ont déjà été étudiés, sans que l’aide ait encore été contractualisée. Aucun projet nouveau ne pourrait être financé.

Il a été calculé par l’Ademe et le ministère de la transition écologique que 330 millions d’euros en autorisations d’engagement seraient nécessaires pour permettre la prise en charge des projets déjà étudiés en 2024 et qui n’avaient pas encore reçus de financement. À cela s’ajouteraient les délégations de budget aux régions qui en ont fait la demande et le financement des contrats territoriaux d’énergie renouvelable (dits CCRT), qui lie l’Ademe avec des établissements publics de coopération intercommunale ou des syndicats d’énergie. À ce double titre, 170 millions d’euros ont déjà été contractualisés pour l’année 2025. L’addition de ces engagements à venir représenterait donc à elle seule 500 millions d’euros, soit la prévision de budget d’engagement du fonds en 2025.

Il serait, comme l’ont également indiqué les directions du ministère de la transition écologique auditionnées, dommageable néanmoins qu’aucun projet nouveau ne reçoive de financement en 2025 et préjudiciable en terme de dynamique de production de chaleur renouvelable que 2025 constitue une année blanche. La nécessité de prioriser les projets a donc été soulignée par plusieurs des personnes auditionnées. La direction générale de l’énergie du climat (DGEC) tout comme l’Ademe ont indiqué lors de leur audition que le taux d’aide ou plus généralement les aides apportées à l’extension de réseaux de chaleur existants pourraient être revus à la baisse. L’extension d’un grand réseau de chaleur déjà existant serait rentable sans aide de l’Ademe. À l’inverse, dans les territoires ruraux, sans aide du fonds chaleur, de nouveaux projets ne seraient pas financés.

Ainsi pour la DGEC et l’Ademe, le financement des projets dits multi ENR pourrait être priorisé par rapport à l’extension de réseau de chaleur existant. Une autre piste évoquée pourrait être la baisse du taux de soutien aux projets ([16]), mais cela impliquerait un plus grand effort des porteurs de projets pour trouver des co‑financements.

En outre, une réflexion devrait être menée sur la variété des sources d’énergie renouvelables mobilisables. Si la biomasse a connu un grand succès, la France est importatrice nette de cette ressource qui a elle-même différents usages (valorisation énergétique mais également source de production de carburants durables). Ainsi, il ne s’agit pas d’une ressource illimitée pour la production de chaleur. C’est pourquoi l’Ademe a généralisé en 2024 la démarche « EnR Choix » visant à systématiser l’étude de sources d’approvisionnements alternatives à la biomasse et à les prioriser dès que cela est techniquement et économiquement possible. Dans cette perspective, l’agence est notamment en charge de la mise en œuvre du plan d’action national géothermie et a lancé l’élaboration d’une feuille de route sur le solaire thermique

La mise en œuvre opérationnelle du plan d’action national géothermie

Ce plan vise à accélérer le déploiement des moyens consacrés à la géothermie et à son fort potentiel (géothermie profonde et de surface). Dans ce cadre, la direction générale de l’énergie et du climat contractualise avec le BRGM pour que celui-ci mène des travaux en vue de développer de nouveaux projets de géothermie profonde, via des financements « études ENR » du programme 174, pour :

– la réalisation de l’inventaire national caractérisant la ressource géothermique à l’échelle régionale (géothermie profonde), à partir de l’analyse des données géologiques, géophysiques, hydrogéologiques, structurales, géométriques, pétrophysiques existantes ;

– le financement de nouvelles acquisitions géophysiques permettant de caractériser les aquifères cibles sur des zones en manque de données et à fort potentiel de développement)

V.   Le financement de L’agence de sÛretÉ nuclÉaire et de radioprotection À travers le nouveau programme 235

A.   Une fusion de deux entitÉs qui doit Être menÉe dans un dÉlai contraint

Conformément à la loi n° 2024‑450 du 21 mai 2024 relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, une nouvelle autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection doit entrer en fonction le 1er janvier 2025. Elle reprendra l’intégralité des fonctions de l’actuelle Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et la majorité des activités de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Un des objectifs de la fusion, dont le principe a été approuvé par le Parlement, est de réunir les activités de recherche, d’expertise et de contrôle tant dans le domaine du nucléaire civil, c’est-à-dire des installations électronucléaires et du cycle du combustible, que dans les domaines de la radioprotection et de l’exposition aux rayons ionisants.

À la suite de la promulgation de la loi, le rapprochement des deux organismes a été organisé. La fusion de deux entités aux activités différentes et au statut juridique différent représente un défi pour la future autorité. Celle-ci aura le statut d’une autorité administrative indépendante et ne disposera pas en conséquence de la personnalité morale. Étant un démembrement de l’État, elle fonctionnera essentiellement selon les règles budgétaires applicables à l’État.

Seules deux activités anciennement exercées par l’IRSN ne feront plus partie des activités de l’ASNR : l’activité de dosimétrie passive qui consiste à fabriquer des dosimètres à fournir les entreprises ou organismes qui en ont besoin et à lire les dosimètres ([17]) et l’expertise nucléaire de défense, c’est-à-dire les missions relevant de l’expertise de la sûreté des installations de défense ainsi que de l’expertise de la sécurité des installations civiles, sont transférées au ministère des armées.

Le terme « d’expertise nucléaire de défense » recouvre plusieurs activités distinctes. En effet, jusqu’ici, l’IRSN apporte son appui technique ;

1) à l’autorité de sûreté nucléaire de défense (ASND), s’agissant de la sûreté et de la radioprotection des installations et activités relevant de la défense (sous-marins nucléaires, porte avion, installations nucléaires de base secrètes…) ;

2) aux services du haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, autorité en charge de la sécurité (prévention contre les actes de malveillance) des installations nucléaires civiles ;

3) aux autorités françaises chargées de la mise en œuvre des engagements nationaux en matière de non-prolifération nucléaire et chimiques, respectivement le Comité technique Euratom et le haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de l’industrie. Cette activité concerne des activités et installations civiles.

Ces missions qui étaient réunies à l’IRSN au sein de la direction de l’expertise nucléaire de défense et de sécurité vont être transférées au ministère des armées via le CEA qui mettra le personnel à disposition du ministère des armées. De même que le CEA prendra en charge l’activité liée à la dosimétrie.

Par ailleurs, la nouvelle autorité se voit confier une mission de recherche, en application de l’article L. 112-6 du code de la recherche en ce qui concerne les établissements publics ([18]). Elle pourra conduire des travaux de recherche en propre, participer à des programmes de recherche et former des chercheurs comme le fait l’actuel IRSN.

Le processus juridique, budgétaire et organisationnel de fusion est en cours. Pour organiser la suppression de l’IRSN en tant qu’établissement public industriel et commercial et le transfert du personnel vers la nouvelle autorité, des décrets en Conseil d’État doivent être publiés avant le 1er janvier 2025. L’IRSN étant notamment lié à différentes institutions publiques et privées françaises et internationales, le transfert des contrats doit également être organisé ([19]). Un décret doit également être pris pour instituer les nouvelles instances représentatives du personnel. Un autre décret devra déterminer les conditions dans lesquelles l’ASNR mettra en œuvre des activités rémunérées auprès de tiers. Au total, le Conseil d’État doit se prononcer sur sept projets de décret d’ici la fin de l’année ([20]).

Une première organisation de la future autorité a été dessinée pour garantir le fonctionnement dès le 1er janvier 2025 de l’autorité. Ainsi, les directions dites « métiers » de l’ASN et de l’actuel IRSN seront superposées et continueront à exercer leurs fonctions dans des conditions à peu près identiques à aujourd’hui. Une intégration plus importante des fonctions « support » est prévue afin d’unifier le fonctionnement, notamment les systèmes informatiques, la gestion des ressources humaines et de la paie, la gestion budgétaire et comptable, les achats et la gestion immobilière, etc… Environ 300 personnes de deux organismes sont donc dans l’immédiat concernées par une réorganisation des services et de leurs activités. Le directeur général de l’IRSN et le président de l’ASN, auditionnés par votre rapporteur pour avis et en commission du développement durable ont tous deux indiqué qu’environ 30 personnes sur ces 300 personnes ne retrouveraient pas les mêmes fonctions.

Pour garantir un fonctionnement efficace dès le 1er janvier 2025 et pouvoir répondre, comme cela est le cas aujourd’hui, à un accident nucléaire ou radiologique, l’ASN et l’IRSN ont déjà testé une organisation de crise commune.

L’organisation transitoire (et éventuellement de plus long terme) de l’ASNR a été présentée début octobre par le collège de l’ASN à l’ASN et à l’IRSN. En parallèle, douze groupes de travail ont été mis en place avec des personnels des deux entités pour discuter des différents aspects de la fusion et de l’organisation de la future autorité. Pour l’IRSN plusieurs questions se posent qui ne sont pas encore résolues. Parmi les sujets importants, on compte celui des règles de déontologie qui organiseront la séparation des activités d’expertise de celle de contrôle et instructions des dossiers en vue de la prise de décision. Le principe de la séparation est inscrit dans la loi du 21 mai 2024 précitée mais les règles de fonctionnement de l’ASN et de l’IRSN sur ce point particulier sont différentes ([21]). Un autre sujet est celui des politiques d’ouverture à la société et des sciences participatives. Dans la future autorité, ces démarches devraient faire partie des missions de la direction de la communication alors que pour l’IRSN il s’agit de démarches pour faire participer les citoyens aux processus de recherche scientifique et pour renforcer la transparence des études et des décisions.

Des questions davantage liées au devenir de certaines directions se posent également, le conseil social et économique de l’établissement public, de même que le directeur général de l’établissement défendant le maintien d’une direction de la stratégie transversale autonome qui permettrait de programmer les activités nombreuses et variées de la future ASNR ([22]). À l’IRSN, cette direction permet de proposer à la direction générale une affectation globale des moyens tant humains que techniques et d’avoir une vision pluriannuelle des moyens budgétaires nécessaires pour l’accomplissement de toutes les missions de l’établissement notamment en accord avec la stratégie scientifique.

Votre rapporteur pour avis souhaite rappeler qu’avant même des réflexions sur l’organisation à plus long terme de l’ASNR, la fusion d’une autorité et d’un établissement public dans un délai très court a un coût qu’il est important de prendre en compte tant sur le plan financier qu’humain.

B.   Les moyens de la future agence de sÛretÉ nuclÉaire et de radioprotection

Afin que la nouvelle autorité fonctionne, un nouveau programme a été créé, le programme 235 au sein de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ». Il est doté de 365,19 millions d’euros en crédits de paiement et de 360,49 millions d’euros en autorisation d’engagement.

Une grande partie des crédits inscrits au programme 235 sont des crédits de personnels. Les crédits de titre 2 s’élèvent à 226,42 millions d’euros pour 2025. L’autre partie correspond à des crédits nécessaires au fonctionnement de l’autorité et aux investissements, ces crédits s’élevant à 138,72 millions d’euros en crédits de paiement et 134 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Le tableau ci-dessous présente par nature de dépenses les crédits de paiement du programme 235.

 

 

 

Présentation du programme par nature de dépenses

                 (en euros)

Action/sous action

 

PLF 2025

Titre 3

Dépenses de fonctionnement

Titre 6

Dépenses d’intervention

Titre 2

Dépenses de personnel

Titre 5

Dépenses d’investissement

Totaux

01 – Personnels œuvrant pour la politique en matière de sûreté et de
radio-protection

 

0

 

0

 

226 472 116

 

0

 

226 472 116

02 - Sûreté nucléaire et radio-protection

 

119 827 108

 

1 595 000

 

0

 

17 300 000

 

138 722 108

Totaux

119 827 108

1 595 000

226 472 116

17 300 000

365 194 224

Source : projet annuel de performance – PLF 2025

L’apparition de ce nouveau programme a plusieurs conséquences sur les programmes existants. L’action 09 qui contenaient les crédits de personnel de l’ASN est supprimée du programme 181. L’action 11 du programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » qui abritait une grande partie de la subvention pour charges de service public de l’IRSN voit ces crédits disparaître.

Le budget de la nouvelle autorité a été construit quant à lui après une évaluation de la dotation budgétaire de l’ASN et du budget de l’IRSN tels qu’ils devraient se présenter pour l’année 2024.

En loi de finances initiale pour 2024, l’ASN bénéficiait de ressources budgétaires à hauteur de 74,99 millions d’euros en crédits de paiement, dont 57 millions de dépenses de personnels, provenant du programme 181. Après prise en compte de différentes mesures d’actualisation (mise en réserve, transfert vers un autre programme, et la fongibilité de 8 millions de dépenses de personnel vers les crédits hors titre 2), les ressources disponibles s’établissent pour 2024 à :

– 48,75 millions en AE et CP au titre 2 ;

– 18,15 millions en AE et 22,62 millions en CP hors titre 2, soit un total disponible de 71,37 millions d’euros.

Son plafond d’autorisations d’emplois a été définitivement fixé à 472 ETPT. Ce plafond d’emploi se traduira à la fin de décembre 2024 par un effectif de 530 agents, dont 55 sont mis à disposition de l’ASN par d’autres organismes et 475 sont des agents de l’ASN.

En ce qui concerne l’IRSN, l’évaluation du budget de l’établissement public et de son devenir dans le nouveau programme demande une analyse plus détaillée.

Le budget de l’IRSN était constitué jusqu’ici de subventions pour charges de service public venant essentiellement du programme 190 et en petite partie du programme 212 « Soutien à la politique de défense ».

L’établissement bénéficiait également du produit d’une taxe affectée, la contribution versée par les exploitants d’installations nucléaires de base (installations civiles placées sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire). Cette contribution a été instaurée par la loi de finances rectificative pour 2010 dans son article 96, modifié par la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

L’établissement percevait également des ressources propres tirées des financements versés par des organismes pour des activités de recherche et des ressources tirées d’activités rémunérées.

Ressources de l’IRSN au cours des cinq dernières années

Ressources en CP

Exécution

Exécution

Exécution

Exécution

Budget initial.

2020

2021

2022

2023

2024

SCSP P190

166,5

167,2

167,4

175,1

177,9*

SCSP P212

4,1

4,1

4,2

4,2

4,3

Plan de relance

 

8,0

0

10,0

7,1

Autres subventions

2,5

3,2

5,0

4,3

4,2

Contribution exploitants INB

62,1

61,4

61,1

61,1

60,7

Recettes propres (cofinancements de recherche et prestations)

36,9

35,8

33,7

38,9

34,7

TOTAL

272,1

279,7

271,4

293,6

288,9

 (En millions d’euros)

Source : réponses au questionnaire budgétaire - * La somme inscrite en LFI pour 2024 était de 182,61 millions. Elle est, après une mise en réserve, de 177,90 millions dans le budget initial de l’IRSN.

Parallèlement, dans la mesure où l’IRSN disposait d’un budget avec des charges et des produits, l’établissement a pu présenter un budget en déséquilibre temporaire pour l’année 2024. Le budget initial de l’établissement adopté à la fin de décembre 2023 a été adopté avec un déficit de 10 millions d’euros, les ressources annoncées ne couvrant pas les dépenses inscrites au budget. À ces 10 millions se sont ajoutés 2 millions également non prévus mais nécessaire à l’anticipation de la fusion avec l’ASN ([23]). Les 12 millions non couverts par les ressources de l’établissement à la fin de l’année 2024 représentent un déficit structurel, essentiellement dû aux effets de l’inflation et à l’évolution de la masse salariale. Si la trésorerie restante de l’IRSN ne permet pas de couvrir entièrement cette somme à la fin de l’année, le déficit sera transféré au budget général de l’État au 31 décembre 2024.

La taxe sur les INB affectée à l’IRSN est supprimée, la nouvelle autorité ne pouvant recevoir le produit d’une taxe affectée. Son produit était de 61 millions d’euros en 2023. En parallèle le produit de l’ensemble des taxes sur les INB qui alimentent le budget de l’État va augmenter d’environ la même somme, à la suite d’une réforme de l’architecture et des modalités de calcul des taxes ([24]).

En ce qui concerne les personnels de l’IRSN, l’autorisation d’emplois s’établissait à la suite de l’adoption de la loi de finances pour 2024 à 1 758 ETPT, comprenant une augmentation de 5 ETPT décidée en loi de programmation des finances publiques 2023-2027, et tenant compte d’un transfert de 4 ETPT vers l’ASN (diminution des postes mis à disposition par l’IRSN). Cette autorisation d’emploi se décompose en 1 653 ETPT sous plafond et 105 ETPT hors plafond.

Le budget rectificatif de l’IRSN, adopté au cours de l’année 2024, a conduit à une modification des autorisations d’emploi, fixée à 1 717 ETPT, en deçà de 41 ETPT du nombre total d’emplois autorisés. Cette sous-réalisation est la conséquence de la difficulté à recruter constatée dès 2021, qui perdure à un niveau élevé et ne permet pas pour l’IRSN de résorber le retard pris les années passées. Les causes de ces difficultés de recrutement restent identiques aux années précédentes, à savoir une tension forte sur le marché de l’emploi (dans les métiers du nucléaire mais aussi certains métiers fonctionnels tels que ceux liés à l’informatique et au numérique par exemple), pour des raisons de disponibilité de compétences et de niveau de rémunération.

Les budgets de l’autorité et de l’établissement public ayant été précédemment présentés, le tableau ci-après présente les sommes transférées vers le nouveau programme 235. En ce qui concerne le transfert des moyens du programme 181 comprenant jusqu’ici les crédits de l’ASN, 17,56 millions d’euros ont été ajoutés aux crédits de personnel par rapport à la dotation budgétaire du programme 181 pour 2024 et 20,3 millions pour les autres dépenses.

En ce qui concerne la subvention pour charges de service public de l’IRSN sur le programme 190 : il a été décidé qu’aux 182,60 millions inscrits dans la LFI pour 2024 devaient être ajoutés 20 millions afin de remédier en partie aux besoins budgétaires de l’IRSN, absorbé dans la nouvelle autorité (notamment pour compenser l’inflation et une hausse des coûts salariaux). Cette somme de 202,60 millions a été transférée vers différents programmes : 13,85 millions ont été transférés au CEA (programme 212), 192 000 euros au ministère des finances pour le transfert de l’agent comptable de l’IRSN, et le reste à la nouvelle autorité via le programme 235, soit 188,50 millions d’euros (les montants étant arrondis).

Le programme 235 voit aussi dans son budget l’ajout de 2,5 millions d’euros correspondant à la compensation de la perte de l’activité de dosimétrie passive par la nouvelle autorité, et qui générait un bénéfice pour l’IRSN.

Les coûts liés à la fusion ont été évalués de 6 à 6,5 millions d’euros et ont été répartis entre l’exercice 2024 et la nouvelle dotation budgétaire pour 2025.

Les sommes totales exprimées en AE et CP représentent une fraction des sommes présentées dans le premier tableau retraçant l’ensemble des crédits du programme 235. Exprimés en crédits de paiement, la différence entre les 304,1 millions d’euros en transfert entrant et les 365,2 millions d’euros inscrits au total correspond à la budgétisation de la contribution sur les installations nucléaires de base (environ 61 millions d’euros).

Récapitulatif des transferts vers le programme 235

(En euros)

 

Pro. source

Total crédits de personnel

AE hors crédits de titre 2

CP hors crédits de titre 2

Total des AE

Total des CP

Transferts entrants

 

226 472 116

72 966 908

77 666 908

299 439 024

304 139 024

Transfert du P181 vers le P235

P181

74 612 316

33 753 740

38 453 740

108 366 056

113 066 056

Transfert en base IRSN vers le P235

P190

151 859 800

36 713 168

36 713 168

188 572 968

188 572 968

Transfert des crédits découlant de la récupération par le CEA de la dosimétrie passive

P172

0

2 500 000

2 500 000

2 500 000

2 500 000

Source : projet annuel de performance – PLF 2025

Parallèlement à ces dépenses et aux budgets constatés, l’ASN comme l’IRSN ont évalué les besoins de financement supplémentaires nécessaires à la poursuite de leurs activités. Les deux institutions ont estimé conjointement qu’un budget total de 388 millions d’euros, et hors crédit de personnel de 158 millions d’euros serait nécessaire au bon fonctionnement de la future autorité et lui permettrait de continuer à mener toutes leurs activités actuelles. L’expression de ce besoin couvre les dépenses de personnel incluant les revalorisations salariales intervenues en 2024, de 15 millions d’euros et 0,7 million d’euros, les dépenses de fonctionnement, le paiement de la TVA et la nécessité de couvrir le déficit anciennement présenté par l’IRSN. Comme le souligne l’ASN dans ses réponses aux questions de votre rapporteur pour avis : « Ces crédits sont essentiels au bon fonctionnement de l’Autorité dès la première année de sa création ».

Ainsi, si l’on compare cette somme aux 138,72 millions d’euros inscrits dans le programme 235, 19,3 millions apparaissent manquants. Néanmoins, les dépenses de l’ASNR pourraient être moindres que prévues selon le régime fiscal qui sera appliquée à la future AAI. La direction de la législation fiscale du ministère des finances doit se prononcer sur une demande de rescrit fiscal comprenant plusieurs sujets : le régime de TVA, l’acquittement ou non de taxes foncières, l’acquittement ou non de la taxe sur les salaires, etc. La question du régime de TVA applicable est importante dans la mesure où l’IRSN récupérait la TVA acquittée sur ses achats, alors que l’ASN la payait de manière définitive ([25]). Dans le cas le plus favorable, l’ASNR serait dispensée du paiement de 20 à 22 millions d’euros, ce qui représenterait une ressource supplémentaire.

En ce qui concerne les dépenses de personnel et les autorisations d’emploi : l’IRSN est un établissement public qui emploie 1 800 personnes, essentiellement des salariés de droit public, et l’ASN une autorité qui emploie environ 530 agents, dont une très grande partie sont des agents publics (fonctionnaires ou contractuels de droit public). La future ASNR permettra à l’ensemble des agents de conserver leur statut actuel s’ils le souhaitent et organisera des concours pour les personnes souhaitant intégrer la fonction publique. Néanmoins, malgré la diversité des statuts l’ensemble des personnels seront compris dans le plafond des autorisations d’emploi déterminé en loi de finances et voté par le Parlement et la rémunération des personnels se fera via les crédits de titre 2 du programme 235. Ces crédits et le plafond d’emplois s’élèvent à 226,42 millions et à 2 027 ETPT en 2025.

Le nombre d’ETPT venant de l’ASN, c’est-à-dire budgétairement du programme 181, est évalué à 470 dans le projet annuel de performance. Le nombre d’ETPT venant de l’IRSN, c’est-à-dire budgétairement du programme 190, est évalué à 1 481, les autres salariés de l’IRSN étant répartis dans d’autres programmes, notamment dans celui portant les crédits du Commissariat à l’énergie atomique. La différence pour atteindre 2 027 ETPT correspond à un plafond supplémentaire de 75 ETPT, dus à des régularisations et des mesures de périmètre.

Cela représente en terme d’emplois un gain de seulement 3 ETPT par rapport aux plafonds d’emplois de 2024 des deux organismes pris séparément. C’est moins que ce qui était souhaité par l’IRSN et l’ASN, qui estimaient leurs besoins supplémentaires conjoints à 19 ETPT pour atteindre 2 046 ETPT. Les deux entités avaient également estimé en terme de crédits de personnel que 230 millions d’euros seraient nécessaires, à autorisation d’emploi identique, pour couvrir ce même schéma d’emploi et surtout pour prendre en charge la revalorisation en 2024 des contractuels de l’ASN, la prime d’accompagnement des fonctionnaires de l’ASN, l’accroissement structurel de la masse salariale et les mesures d’accompagnement dans le cadre de la fusion.

Au titre des activités de défense, un transfert des autorisations d’emplois à hauteur de 131 ETPT va être réalisé au bénéfice du CEA sur le programme 212 ainsi que le transfert de 13,85 millions d’euros. Le CEA devrait prendre en compte en dépenses le montant d’enveloppe de personnel correspondant et percevra un montant de recettes équivalent du ministère des armées. Un autre transfert de 38 ETPT va être réalisé concomitamment au transfert de l’activité de dosimétrie au CEA.

C.   De nombreux dÉfis se posent dans un avenir proche à la nouvelle ASNR.

L’autorité fera face à une activité croissante en ce qui concerne le parc des réacteurs nucléaires et les nouvelles technologies dans le domaine du nucléaire civil, en terme d’inspection, de contrôle et d’autorisation. Elle devra aussi poursuivre son activité relative au cycle du combustible et aux installations de stockage des déchets. Elle devra gérer cette charge croissante dans un contexte de réorganisation interne.

Parallèlement, en particulier à l’IRSN, des personnels ont démissionné au cours des derniers mois alors que des postes étaient déjà vacants. Depuis le 1er janvier 2024, 53 salariés de l’IRSN ont donné leur démission, et une projection donne 71 départs sur l’année 2024. Les profils scientifiques et techniques sont les plus représentés (89 % des démissionnaires), et plus particulièrement ceux exerçant des missions d’expertise sur les installations nucléaires civiles (36 % des démissionnaires), le devenir de ces missions soulevant des questions chez les salariés.

L’ASNR devra donc faire un effort de recrutement dans un environnement compétitif alors même que la future organisation de l’autorité n’est pas encore définie. Si des efforts en terme de rémunération ont été accomplis en 2024 pour les personnels des deux entités, le contexte de la réorganisation peut constituer un frein aux candidatures et précipiter certains départs ([26]). Il est apparu important tant pour le directeur général de l’IRSN que pour le président de l’ASN que la nouvelle autorité soit attractive en terme d’activités et de rémunération afin que l’ASNR dispose de personnels compétents et en nombre suffisant.

L’IRSN alerte également sur la nécessité de maintenir les activités de recherche au niveau actuel au sein de l’établissement public, qui consacre 40 % de son budget à la recherche dans de nombreux domaines. La force de l’ASNR, seule autorité de sûreté nucléaire dans le monde qui sera un organisme de recherche en propre, reposera notamment dans sa capacité à pouvoir participer à des programmes de recherche internationaux, voire qu’elle puisse être parmi les organismes pilotes de certains programmes.

De nombreuses missions qui vont se prolonger ou débuter en 2025 pour l’ASNR

L’ASNR fait face à un accroissement de son activité pour plusieurs raisons :

– Le démarrage du programme de construction des nouveaux réacteurs nucléaires, acté par le vote de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. La gestion de ces constructions en termes de sûreté nucléaire s’inscrit dans le cadre habituel des procédures mises en œuvre par l’autorité ; les deux premiers réacteurs pour lequel une demande d’autorisation de création va commencer à être étudiée sont ceux de Penly.

– L’ASN a créé en 2023 un nouveau service, la Mission des réacteurs innovants (MRI). Plusieurs projets de petits réacteurs modulaires vont entrer dans une phase de pré-instructions auprès de la future ASNR.

– L’ASNR devra poursuivre le programme des 4ème visites décennales des réacteurs de 900 mégawatt/h pour autoriser leur fonctionnement au-delà de 40 ans, et démarrer le programme des 4ème visites décennales des 20 réacteurs de 1 300 mégawatt/h après avoir pris position sur le programme de réexamen d’EDF.

– L’ASNR devra démarrer les 3ème visites décennales des réacteurs les plus récents et suivre le fonctionnement de l’EPR de Flamanville

– L’ASNR devra poursuivre les études nécessaires pour envisager le fonctionnement du parc existant au-delà de 50 ans ou de 60 ans et pour déterminer quels sont les composants des réacteurs qui peuvent être ou non remplacés.

– L’ASNR devra poursuivre ses activités sur le cycle du combustible, avec d’un côté le réaménagement des installations d’entreposage des déchets et de l’autre la poursuite de la procédure pour le projet Cigéo.

– Les conséquences du changement climatique sur la sûreté des centrales nécessitent une meilleure prise en compte des risques liés et une réflexion sur le fonctionnement des réacteurs en termes de prélèvement sur la ressource en eau et sur les rejets radioactifs, chimiques et thermiques.

 


   Examen en commission

Après avoir auditionné Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques, le 16 octobre 2024, et M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports, le 22 octobre 2024, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » le mardi 22 octobre 2024 après-midi et soir et le mercredi 23 octobre 2024 matin et après-midi (voir le tome X de l’avis n° 486 : https://assnat.fr/XlYRCY).

À l’issue de cet examen, elle a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission.

 


   liste des personnes auditionnÉes

(par ordre chronologique)

Table ronde

– Fédération nationale des activités de la dépollution et de l’environnement (FNADE) *

Mme Muriel Olivier, déléguée générale

Mme Lucie Muniesa, directrice développement durable et affaires institutionnelles chez PAPREC, présidente de la commission « relations institutionnelles »

M. Thomas Sauvaget, responsable des relations institutionnelles

– Fédération des services énergie environnement (FEDENE) *

M. Pascal Olivier, président

M. Paulo Cameijo, premier vice-président

Mme Marion Lettry, déléguée générale

M. Nicolas Trouvé, associé cofondateur CILAB

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

M. Jean-Christophe Niel, directeur général

M. Patrice Deschamps, directeur adjoint de la stratégie

M. Olivier Mauny, adjoint au directeur de la stratégie

Mme Emmanuelle Mur, responsable des relations institutionnelles

Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS)

M. Raymond Cointe, directeur général

Mme Laurène Zanatta, chargée de mission

Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Mme Catherine Lagneau, présidente

Agence de la transition écologique (Ademe)

Mme Patricia Blanc, directrice générale déléguée

Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

M. Bernard Doroszczuk, président

M. Jean-Patrick Goudalle, secrétaire général

M. Olivier Gupta, directeur général

Association des maires de France (AMF)

M. Sébastien Leroy, maire de Mandelieu-La Napoule et co-président du groupe de travail « Risques » de l’AMF

Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL)

– DREAL Grand Est

M. Marc Hoeltzel, directeur

M. Nicolas Ponchon, chef de service prévention des risques naturels

– DREAL Hauts-de-France

M. Julien Labit, directeur

Mme Florence Clermont-Brouillet, directrice adjointe

M. François Clerc, chef du pôle de prévision des crues et hydrométrie au service risques

Mme Marie Gruet, adjointe au chef du service Risques

M. François Filior, chef du pôle des risques naturels au service eau nature

Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

M. Cédric Bourillet, directeur général

Mme Régine Engström, adjointe au directeur général

Mme Véronique Lehideux, cheffe du service des risques naturels

M. Christophe Josseron, chef du département des affaires générales et des SI

Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

Mme Sophie Mourlon, directrice générale

Alexandre Dozières, directeur adjoint, direction du climat, de l’efficacité énergétique et de l’air

 

Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema)

M. Pascal Berteaud, directeur

Mme Catherine maligne, directrice de cabinet

Association des communautés de France (AdCF)

M. Régis Banquet, président de la communauté d’agglomération de Carcassonne

Audition conjointe

– France nature environnement (FNE)

Mme Axèle Gibert, animatrice du réseau risques et impacts industriels

– Zero Waste

Mme Marine Bonavita, chargée de plaidoyer

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 


([1]) Cf. Programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».

([2]) Le budget du fonds Barnier avait été abondé par voie d’amendement de 20 millions d’euros, les montants inscrits dans le PLF pour 2024 étaient de 205 et 220 millions d’euros.

([3]) Un plan de prévention des risques prescrit correspond à la première phase de l’élaboration de ce document. Les zones soumises aux phénomènes sont connues mais les zones de risques ne sont pas encore parfaitement délimitées. Un PPR approuvé correspond au document achevé ; il comporte la délimitation des zones à risques qui font l’objet d’une réglementation. Le PPR peut être appliqué par anticipation dans certaines situations, c’est-à-dire avant l’enquête publique, la consultation des conseils municipaux et son approbation définitive, afin d’éviter toute nouvelle implantation dangereuse.

([4]) Les plans de prévention des risques naturels sont des servitudes d’utilité publique annexés aux documents d’urbanisme.

([5]) Rapport d’information n° 775  des commissions des finances et du développement durable du Sénat, par la mission de contrôle conjointe relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l’année 2024, déposé le 25 septembre 2024.

([6]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-risques-naturels-2023/18-programmes-dactions-de-prevention-des

([7]) Loi no 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

([8]) Voir notamment le rapport n° 775 du Sénat précédemment cité et le rapport public thématique de la Cour des comptes sur la gestion publique des risques, juin 2023.

([9]) Dans la région Grand Est, deux digues domaniales ont été transférées aux autorités en charge de la GEMAPI avec des crédits à hauteur de 8,80 millions d’euros et 4,60 millions d’euros.

([10]) Décret n° 2015-526 du 12 mai 2015 relatif aux règles applicables aux ouvrages construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations et aux règles de sûreté des ouvrages hydrauliques.

([11]) Comme le précise le projet annuel de performance du programme 181, le territoire français a été couvert par environ 5 000 concessions minières.

([12]) En 2021, la part de chaleur renouvelable dans la consommation finale de chaleur était de 24,3 %. https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/les-energies-renouvelables-en-france-en-2023-dans-le-cadre-du-suivi-de-la-directive-ue-20182001-0

([13]) Source : enquête des réseaux de chaleur et de froid, FEDENE-SNCU, édition 2022.

([14]) Les aides du FDI et de France 2030 concernent les énergies dites BCIAT/BCIB.

([15]) https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2024-rapport-france_relance_volume_ii_0.pdf

([16]) Pour l’instant, le taux moyen d’aide de l’Ademe est de 30 %.

([17]) L’IRSN assure la fabrication de 1,5 million de dosimètres par an pour 25 000 clients, puis la lecture de ces dosimètres dans des machines spécialisées.

([18]) L’ASNR est assimilée à un établissement public pour se voir appliquer les dispositions de l’article L. 112-6 qui permet au ministère de la recherche de confier par décret des missions de recherche à un établissement public. En l’occurrence cette mission lui est confiée par le législateur.

([19]) Soit 1 000 à 1 500 contrats.

([20]) Voir en particulier le rapport du Gouvernement au Parlement sur l’avancement des travaux préparatoires à la création de l’Autorité de sûreté nucléaire ainsi que la conduite du changement dans le cadre de cette réforme – P. 31.

([21]) Cf. Article 2 de la loi du 21 mai 2024 précitée.

([22]) Le Conseil social et économique de l’IRSN s’est prononcé dans un avis publié le 12 septembre 2024 sur le projet de décision relative à l’organisation et au fonctionnement des services de l’ASNR et sur ses impacts concernant les activités, les conditions de travail et les conséquences en matière environnementale.

([23]) Parallèlement 11 autres millions d’euros de dépenses d’investissement ont été couverts par le fonds de roulement de l’IRSN.

([24]) C’est l’objet de l’article 5 du projet de loi de finances pour 2025.

([25]) Le régime de TVA applicable n’est a priori pas dépendant du statut juridique de la future autorité mais de la nature des activités réalisées.

([26]) L’article 15 de la loi n° 2024-450 du 21 mai 2024 relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection a prévu une augmentation de la masse salariale de l’IRSN à hauteur de 15 millions d’euros, ainsi qu’une prime accordée aux agents contractuels de l’ASN à hauteur de 0,7 millions d’euros. Le décret n° 2024‑758 du 6 juillet 2024 a institué une prime pour les fonctionnaires de l’ASN au titre de la fusion (prime mensuelle plafonnée versée jusqu’en 2032 aux personnels titulaires en fonction au 1er novembre 2024).