N° 486

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIème LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 octobre 2024.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324)

TOME II

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

PAR Mme Lisa BELLUCO

Députée

——

 

 Voir les numéros : 324 et 468 (Tome III, annexe 16).


SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

I. Budget 2025 : la crise environnementale attendra

A. Champ et structuration du programme

1. Un programme structuré en douze actions, essentiellement en titre 2

2. Les transferts d’emplois prévus en 2025

B. Une politique austÉritaire en matiÈre environnementale

1. Des objectifs purement budgétaires

2. Une augmentation des crédits en trompe-l’œil

3. Une rénovation nécessaire de l’immobilier ministériel

C. UNE PARALYSIE DES effectifs cohÉrente avec l’absence de politique environnementale du Gouvernement

II. Un malaise social aggravÉ parmi les agents du pÔle ministÉriel

A. LA LENTE PRÉCARISATION DES AGENTS DU POLE MINISTÉRIEL

B. Une dÉtÉrioration inquiÉtante des conditions de travail

C. Une perte de sens au travail

III. Des autoritÉs administratives indÉpendantes aux missions croissantes mais aux dotations stagnantes

A. La Commission nationale du débat public fragilisée

1. Une institution indispensable à la démocratie participative

2. Un budget stable face à une activité en hausse

B. Une AutoritÉ de contrÔle des nuisances aÉroportuaires paralysÉe depuis plusieurs mois

1. Une autorité paralysée

2. Un budget modeste, simplement reconduit

C. La Commission de rÉgulation de l’Énergie : des besoins en hausse, des moyens qui stagnent

1. Des crédits de fonctionnement stabilisés

2. Des compétences plus vastes qui requièrent des moyens nouveaux

3. Un recrutement en concurrence avec le secteur privé

IV. Un manque d’ambition pour les Écoles d’ingÉnieurs face aux besoins de formation dans la transition Écologique

A. Des moyens budgÉtaires insuffisants pour investir dans la formation ou la recherche

1. Des dotations insuffisantes qui affaiblissent l’effort de recherche

2. Un budget consommé par la rénovation énergétique des bâtiments

B. Des ressources humaines stables

C. Un renoncement gouvernemental À une politique de formation des cadres de la transition Écologique

1. Des écoles peu accompagnées pour former aux enjeux de la transition écologique

2. Une absence de vision pour l’avenir

Examen en commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 


   Introduction

Le programme 217 « conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables » constitue le programme support de la mise en œuvre des politiques publiques relevant du pôle ministériel chargé des territoires, de l’écologie et du logement.

Ce pôle regroupe actuellement le ministère du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, le ministère de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques et le ministère du logement et de la rénovation urbaine ainsi que les quatre ministères délégués qui leur sont associés : celui chargé de la ruralité, du commerce et de l’artisanat, celui chargé des transports, celui chargé de la mer et de la pêche et enfin celui chargé de l’énergie. Le programme porte l’essentiel de la masse salariale des ministères précités ainsi que le financement des politiques transverses de fonctionnement et d’investissement nécessaires à la réalisation de ces politiques, qu’il s’agisse des bâtiments dans lesquels les personnels évoluent, des moyens numériques dont ils disposent ou de trois autorités administratives indépendantes concernées par ces politiques.

Les dotations demandées pour 2025 s’élèvent à 3,226 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 3,215 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit des hausses respectives de 3,96 % et de 3,87 % par rapport à la loi de finances pour 2024. Ces modestes hausses ne doivent pas tromper sur les intentions du Gouvernement qui réduit de 9,5 % en AE et 5,2 % en CP les dotations de la mission « écologie, développement et mobilités durables » dont dépend le programme 217. Interrompant la hausse des effectifs entamée par la loi de finances pour 2024 (schéma d’emplois à +307 équivalents temps plein travaillés, ETPT), le schéma d’emplois s’élève à +0 ETPT, le plafond d’emplois étant diminué de 61 ETPT à périmètre constant.

Alors que la crise environnementale constitue le défi de notre siècle, que la température moyenne de la Terre a déjà dépassé sur l’année 2023 la barre de 1,5 degré d’augmentation par rapport à la période 1850-1900, soit l’objectif de l’accord de Paris, que la planète devrait connaître une hausse de 3 degrés d’ici 2100 d’après le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), le Gouvernement et son projet de loi de finances (PLF) ne proposent aucune amorce de solution.

Alors qu’il est impératif de massifier et d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables sur l’ensemble du territoire, qu’il est indispensable de recruter pour renforcer la sécurité des installations classées et éviter un nouvel épisode comme Lubrizol, alors qu’il est capital de protéger la biodiversité qui s’effondre, qu’il est crucial de former plusieurs milliers d’ingénieurs supplémentaires pour donner à notre économie et à notre fonction publique les capacités humaines et techniques de répondre aux défis de la transition écologique, deux décennies de diminution des effectifs ministériels, réduits de plus de 8 000 agents, ont amoindri la capacité d’action du pôle ministériel.

Votre rapporteure pour avis est préoccupée par l’avenir des deux écoles d’ingénieurs du programme – l’École nationale des ponts et chaussées et l’École nationale des travaux publics de l’État – pour lesquelles la tutelle ministérielle est dépourvue de vision stratégique. Elle est également inquiète de l’avenir des trois autorités administratives indépendantes (AAI) relevant du programme 217, la Commission nationale du débat public (CNDP), l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) et la Commission de régulation de l’énergie (CRE). En effet, toutes voient leurs effectifs gelés alors qu’elles font face à un nombre croissant de missions.

Le Gouvernement n’est pas non plus à la hauteur socialement. Les coupes budgétaires et réorganisations administratives permanentes génèrent un mal-être au travail aggravé par les risques auxquels les agents font face (agents des directions interdépartementales des routes victimes d’accidents professionnels, explosion des locaux d’une direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, menaces contre les agents de l’Office français de la biodiversité). Le Gouvernement, face au malaise de ses propres agents est absent, le dialogue social s’apparentant à une simple information des personnels, et non à de véritables échanges.

Rappelons enfin que la préparation du présent rapport pour avis a été marquée par les conditions inadmissibles de l’examen du projet de loi de finances pour 2025 (PLF). En l’absence de Gouvernement pendant deux mois, puis en raison du dépôt très tardif du PLF, les délais d’auditions des opérateurs du programme 217 et des autorités administratives indépendantes ont été très courts, et de nombreuses informations budgétaires manquaient. À la date du 21 octobre 2024, seulement 25 % des réponses au questionnaire budgétaire avaient été envoyés.

Votre rapporteure pour avis ne peut que s’alarmer de constater que les questions écologiques sont traitées comme une variable d’ajustement budgétaire. Le manque d’ambition du programme 217 et l’absence de réponse à la crise sociale que traverse le personnel du pôle ministériel la conduisent à proposer à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire d’émettre un avis défavorable aux crédits de la mission « écologie, développement et mobilité durables ».


I.   Budget 2025 : la crise environnementale attendra

A.   Champ et structuration du programme

Le programme 217 constitue le programme support des politiques publiques du pôle ministériel précité, gérées de manière commune pour leurs dépenses de personnel et leurs dépenses supports (immobilier, juridique, informatique) via un secrétariat général unique.

Le programme 217 porte les crédits :

– des effectifs des ministères précités, à l’exception de ceux de la direction générale de l’aviation civile (DGAC) inscrits au budget annexe « contrôle et exploitation aériens », de ceux de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) inscrits au programme 235 « sûreté nucléaire et radioprotection » et de ceux inscrits dans la mission « cohésion des territoires » ;

– des crédits de fonctionnement et d’investissement de l’administration centrale pilotés par le secrétariat général ;

– les emplois et crédits de trois autorités administratives indépendantes (AAI) : la Commission de régulation de l’énergie (CRE), la Commission nationale du débat public (CNDP) et l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) ;

– une partie du financement de deux opérateurs : l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC), aussi dénommée École des ponts ParisTech, et l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE).

1.   Un programme structuré en douze actions, essentiellement en titre 2

Le programme 217 est composé de douze actions, la maquette budgétaire étant inchangée par rapport à 2024 :

– l’action 07 « pilotage, support, audit et évaluations » regroupe depuis le projet annuel de performances de 2021 les crédits en titre 2 des effectifs transverses du pôle ministériel, c’est-à-dire essentiellement ceux rattachés au secrétariat général, ainsi que l’intégralité des crédits hors titre 2 du programme, à l’exception de ceux destinés aux AAI. Elle rassemblera 28,6 % des crédits du programme en 2025.

Les crédits hors titre 2 de l’action 07 sont divisés en huit sous-actions : fonction juridique ; fonctionnement de l’administration centrale et des services rattachés ; immobilier de l’administration centrale et des services rattachés ; services numériques – fonctionnement des infrastructures et évolution des systèmes d’informations ; moyens hors titre 2 consacrés aux ressources humaines (action sociale, formation) ; actions nationales et internationales en faveur du développement durable ; fonctionnement courant de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) ; moyens consacrés à l’ENTPE et à l’ENPC ;

– les actions 08, 11, 13, 15, 16, 23 et 28 sont des actions dites « miroirs », chacune regroupant les crédits de personnel consacrés à une politique publique dont les crédits de fonctionnement, d’investissement et d’intervention sont regroupés dans les autres programmes de la mission écologie.

L’action 08 correspond aux crédits de personnel du programme 203 « infrastructures et services de transports » (soit ceux de la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) et de ses services déconcentrés). L’action 11 porte les crédits de personnel du programme 205 « affaires maritimes, pêche et aquaculture » (soit ceux de la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA), de ses services déconcentrés ainsi que de deux services à compétence nationale). L’action 13 concerne le personnel du programme 113 « paysages, eau et biodiversité » (c’est-à-dire essentiellement les effectifs de la direction de l’eau et de la biodiversité (DEB) et de ses services déconcentrés). L’action 15 comprend les crédits de personnel de deux programmes de la mission « cohésion des territoires », le programme 109 « aide à l’accès au logement » et le programme 135 « urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » (soit, pour l’essentiel, le personnel de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) et de ses services déconcentrés, notamment en direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) et en direction départementale des territoires, DDT). L’action 16 regroupe les crédits de personnel œuvrant pour le programme 181 « prévention des risques » (avant tout les effectifs de la direction générale de la prévention des risques (DGPR) et ceux de ses services déconcentrés). L’action 23 porte les crédits de personnel des programmes 174 « énergie, climat et après-mines » et 345 « service public de l’énergie » ainsi que ceux du compte d’affectation spéciale « financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » (soit essentiellement le personnel de la direction générale de l’énergie et du climat, DGEC). L’action 28 correspond aux crédits de personnel du programme 159 « expertise, information géographique et météorologie », notamment ceux du commissariat général au développement durable (CGDD) ;

– l’action 22 prend en charge les crédits de personnel des effectifs transférés aux collectivités territoriales jusqu’à l’exercice de leur droit d’option vers un cadre d’emploi de la fonction publique territoriale ;

– les actions 25 à 27 concernent les dépenses de personnel et de fonctionnement des trois AAI rattachées à ce programme.

Le programme 217 porte ainsi la quasi-intégralité des effectifs de la mission « écologie, développement et mobilité durables », à l’exception, comme précédemment indiqué, des effectifs de l’ASNR.

Présentation du programme 217 par action

Numéro et intitulé de l’action

Part dans la totalité
des crédits de paiement

07 – Pilotage, support, audit et évaluations

28,6 %

08 – Personnels œuvrant pour les politiques de transport

18,7 %

11 – Personnels œuvrant pour les politiques du programme « affaires maritimes »

7,2 %

13 – Personnels œuvrant pour la politique de l’eau et de la biodiversité

8,5 %

15 – Personnels œuvrant pour les politiques du programme « urbanisme, territoires et aménagement de l’habitat »

21,6 %

16 – Personnels œuvrant pour la politique de la prévention des risques

9,0 %

22 – Personnels transférés aux collectivités territoriales

1,5 %

23 – Personnels œuvrant pour les politiques de l’énergie et du climat

2,3 %

25 – Commission nationale du débat public (CNDP)

0,1 %

26 – Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA)

0,1 %

27 – Commission de régulation de l’énergie (CRE)

0,8 %

28 – Personnels œuvrant dans le domaine de la stratégie et de la connaissance des politiques de transition écologique

1,7 %

Source : projet annuel de performance

2.   Les transferts d’emplois prévus en 2025

Si son périmètre est stable, le programme 217 enregistre des transferts d’emplois. Pour 2025, le solde de ces transferts s’élève à -193 ETPT.

Transferts entrants (+8 ETPT) :

3 ETPT sont inscrits au bénéfice de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal) au sein de l’action 15 en provenance du programme 216 « conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » du ministère de l’intérieur dans le cadre de la commission interministérielle pour le logement des populations immigrées (Cilpi).

4 ETPT sont transférés à l’action 11 « personnels œuvrant pour les politiques du programme affaires maritimes » en provenance du programme 212 « soutien de la politique de la défense » du ministère des armées dans le cadre de l’armement du centre opérationnel de surveillance et de sauvetage (COSS).

Enfin a été acté le transfert d’un ETPT à l’action 7 « pilotage, support, audit et évaluations » depuis le budget annexe « contrôle et exploitation aériens » dans le cadre de l’extension du comité médical du pôle ministériel.

Transferts sortants (-201 ETPT) :

L’essentiel des transferts sortants sont destinés au programme 156 « gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local » correspondant au budget de la direction générale des finances publiques (DGFiP). D’une part, 103 ETPT issus de l’action 07 (secrétariat général) sont transférés à la suite de la création des centres de gestion financière, résultant de la fusion des centres de prestations comptables mutualisés et des services facturiers. D’autre part, le transfert de 78 ETPT issus de l’action 15 (DHUP) correspond à la poursuite du transfert de la liquidation des taxes d’aménagement et d’urbanisme après le transfert de 243 ETPT l’an dernier.

Le transfert de 20 autres ETPT à d’autres programmes est également acté. 9 ETPT sont notamment destinés au programme 212 « soutien de la politique de la défense » du ministère des armées pour participer au financement des postes vacants des ouvriers des parcs et ateliers mis à disposition dans le cadre de la création du service infrastructure de la défense (SID). 6 ETPT sont transférés au programme 129 « coordination du travail gouvernemental » pour permettre le pilotage de la feuille de route numérique de France Nation verte par le Secrétariat général de la planification écologique (SGPE).

B.   Une politique austÉritaire en matiÈre environnementale

1.   Des objectifs purement budgétaires

Le Gouvernement annonce, dans son projet annuel de performance, un unique objectif pour le programme 217 dans le cadre du PLF pour 2025 : « être une administration exemplaire (…) dans la maîtrise des moyens de fonctionnement » avec deux indicateurs concernant l’efficience de la gestion immobilière et de la fonction achat. Certes est mentionnée, dans le cadre du schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI), la circulaire de la Première ministre du 21 novembre 2023 relative à l’engagement pour la transformation écologique de l’État mais aucun indicateur chiffré ne concerne l’environnement, même au ministère qui en est pourtant chargé.

Le Gouvernement insiste principalement sur le nouveau SPSI comme priorité, lequel poursuit trois grands objectifs. Premièrement, comme chaque ministère, le pôle ministériel est chargé de mettre en œuvre les objectifs de sobriété énergétique et de sobriété foncière définis dans le cadre de la planification écologique. Deuxièmement, il s’agit de faire des économies immobilières en profitant de la généralisation du télétravail et de l’expansion du travail collaboratif. Troisièmement, les locaux doivent être rendus plus accueillants et plus confortables pour les agents.

2.   Une augmentation des crédits en trompe-l’œil

Si les dotations du programme 217 pour 2025 sont en hausse de 3,96 % en autorisations d’engagement (AE) et de 3,87 % en crédits de paiement (CP), cette augmentation est en trompe-l’œil. Elle masque, d’une part, la stabilisation des effectifs du pôle ministériel avec un schéma d’emplois nul et, d’autre part, la baisse des crédits globaux de la mission écologie – à laquelle est rattaché le programme 217 – de plus d’1 milliard d’euros en CP et de plus de 2 milliards d’euros en AE, à rebours des impératifs écologiques.

La très légère hausse des crédits du programme 217 est concentrée en titre 2, qui progresse de 109 millions d’euros en CP (soit +3,8 %) tandis que le titre 3 (crédits de fonctionnement) augmente de 29 millions d’euros (soit +14 %) et que le titre 5 diminue de 52 millions d’euros à 35 millions d’euros, soit une baisse de 33 % du budget d’investissement dont s’émeut votre rapporteure pour avis.

Le budget du programme 217 est marqué par un manque d’ambition qui se traduit par sa grande stabilité, à l’exception de l’action 22 « personnel transféré aux collectivités territoriales » qui passe de 9,8 millions d’euros à 46,6 millions d’euros du fait de la mise en œuvre de la loi dite 3DS et du transfert de la gestion d’une partie du réseau routier non concédé et donc d’une partie des effectifs des directions interdépartementales des routes (DIR).

Après un exercice 2024 marqué par une hausse du plafond d’emplois du pôle ministériel de 307 unités, rompant avec des années d’amputation des effectifs, le projet de loi de finances pour 2025 marque le retour de l’austérité, interrompant brusquement cette remontée des effectifs, comme si la crise environnementale avait été mise en pause. Pire, à périmètre constant, le plafond d’emplois baisse de 61 unités, de 35 268 à 35 207 ETPT. Comme un PLF prévoit des plafonds d’emplois qui peuvent ne pas être atteints en gestion, une régulation infra-annuelle pourrait notamment conduire à une réduction nette des effectifs alors même que les besoins d’investissement et de personnel dans la transition écologique sont croissants.

Votre rapporteure pour avis est spécialement préoccupée par la stagnation des crédits car il s’agit, comme pour les emplois, de plafonds d’autorisations. Or une régulation infra-annuelle serait d’autant plus problématique que la masse salariale ne couvre déjà pas l’intégralité du plafond d’emplois

Votre rapporteure pour avis constate avec regret et colère que les crédits de la mission écologie constituent les premières victimes des politiques de régulation austéritaires, loin des préoccupations de la représentation nationale, des Françaises et des Français. En effet, l’intégralité de la réserve de précaution votée dans le PLF 2024 pour le programme 217, soit 13 millions d’euros, a été annulée par le décret n° 2024-124 du 21 février 2024, l’écologie ayant été le budget le plus fortement affecté. Puis un surgel de crédits de près de 4 millions d’euros a été appliqué avant que 6 millions d’euros d’AE (1 million d’euros de CP) ne soient transférés par le décret n° 2024-285 du 26 juin 2024. Au total, ce sont donc plus de 23 millions d’euros qui ont été amputés, soit près de 9 % des autorisations d’engagement hors titre 2. La soutenabilité du programme n’est assurée, selon le Gouvernement, qu’en décalant des opérations et en priorisant les dépenses, autrement dit soit en masquant les déficits, soit en renonçant aux quelques traces de volonté écologique du budget 2024.

3.   Une rénovation nécessaire de l’immobilier ministériel

Si l’administration du pôle ministériel est largement déconcentrée – pour plus de 80 % des agents, soit environ 28 000 ETPT – le programme 217 porte les dotations de fonctionnement et d’investissement de l’administration centrale. Les dépenses immobilières et de fonctionnement des services déconcentrés sont en effet financées par le programme 354 « administration territoriale de l’État », piloté par le ministère de l’intérieur.

Le bâtiment représente 16 % des émissions de gaz à effet de serre en France et il doit faire partie des priorités de la planification écologique. À ce titre, l’État, qui possède près de 200 000 bâtiments, soit près de 100 millions de m2 de surface utile brute (SUB), dont 3,7 millions pour le pôle ministériel de l’environnement et des territoires, doit se montrer exemplaire en matière de rénovation et de travaux énergétiques.

Au-delà du plan conjoncturel de sobriété adopté lors de la crise énergétique, qui a permis une réduction de 11 % de la consommation en jouant sur les comportements des agents et le pilotage des installations, il est élémentaire que le pôle ministériel se dote d’une stratégie structurelle ambitieuse. Le schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) vise une plus grande sobriété patrimoniale et énergétique des bâtiments de l’administration centrale, dont le coût de la rénovation énergétique est estimé à 92 millions d’euros.

Le premier objectif de ce SPSI est de diminuer les surfaces occupées par l’administration centrale afin de réduire son empreinte foncière, pour un gain énergétique estimé à 4 GWh par an. L’évolution des modalités de travail – recours à la visioconférence, fonctionnement en mode projet avec des espaces collaboratifs de travail – et la généralisation du télétravail – 88 % des agents bénéficiant d’une convention de télétravail en 2023, en général pour deux jours par semaine – libèrent en effet des espaces.

Cette stratégie d’aménagement des espaces concerne particulièrement les immeubles de La Défense. Ainsi, le ministère souhaite optimiser l’occupation de ses surfaces dans la Grande Arche en passant de 1 350 à 2 200 résidents, soit une augmentation de 63 % du nombre d’agents accueillis qui permet de tendre vers le ratio d’occupation cible de 16 m2 SUB/résident. Cette opération est estimée à environ 15 millions d’euros.

Dans un second temps est envisagée une opération analogue de densification dans la tour Séquoia pour un coût similaire. La réalisation de ces deux opérations de densification conduirait à libérer environ 13 étages de la tour Séquoia, qui en compte 32, ce qui doit permettre d’accueillir des opérateurs du pôle ministériel ou d’autres services ministériels, comme le médiateur national de l’énergie. Y ont déjà été installées l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) ou la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal), ainsi que des associations comme l’Association mondiale de la route.

Le second objectif du SPSI se concentre sur la réduction de la consommation énergétique de l’immobilier ministériel, à travers trois leviers : l’optimisation de l’exploitation des équipements, la réalisation de travaux de rénovation énergétique et l’évolution du comportement des agents. Le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019, complété par la circulaire de la Première ministre du 8 février 2023 sur l’occupation des immeubles tertiaires de l’État, fixe ainsi une obligation de réduction de la consommation énergétique d’au moins 40 % en 2030 par rapport à 2010.

La rénovation énergétique de la tour Sequoia, notamment de sa façade, qui souffre d’importants problèmes d’étanchéité et dont les performances thermiques sont médiocres, est à l’étude et constitue le projet prioritaire de ce SPSI. Le coût en est estimé à 51 millions d’euros. Est également envisagée la rénovation du centre interministériel de valorisation des ressources humaines à Toulouse.

Votre rapporteure pour avis ne peut qu’approuver la réalisation de tels travaux de rénovation énergétique. Mais ils ne peuvent être réussis qu’en prenant en compte les observations des agents, via un véritable dialogue social, aujourd’hui insuffisant.

En dépit de cette priorité affichée d’investissements immobiliers, les crédits d’investissement immobilier sont en baisse de 37 %, ce qui interroge sur l’avenir de ces travaux pourtant capitaux.

C.   UNE PARALYSIE DES effectifs cohÉrente avec l’absence de politique environnementale du Gouvernement

Alors que le budget 2024, avec la création de 307 ETPT, avait marqué une inflexion, bien que palliative, de la politique anti-écologique menée depuis 2017 qui a conduit à une forte réduction des effectifs du programme 217, passés en six ans de plus de 40 000 ETPT à moins de 35 000, le PLF pour 2025 vient rompre la faible dynamique en cours.

Après ces six années marquées par un réflexe pavlovien de « simplification » et de « rationalisation », le budget 2024 avait très légèrement rehaussé le plafond d’emplois relevant du programme 217. Mais, témoignage d’une politique environnementale velléitaire, le Gouvernement interrompt brutalement cette hausse et annonce un gel des effectifs dans le projet de loi de finances pour 2025 alors que le rapport Pisani Ferry-Mahfouz publié en 2023 et commandé par le Gouvernement, estime entre 25 et 34 milliards d’euros les besoins annuels d’investissements publics supplémentaires pour faire face au défi climatique.

En plus de la nécessité d’investir et de recruter pour répondre directement à la crise environnementale, il est crucial de répondre à la crise de confiance de nos concitoyens dans les institutions. Il est donc primordial de donner plus de moyens aux Dreal afin de renforcer les services publics de proximité, d’améliorer la qualité du service à l’usager ainsi que la transparence des processus. Alors que le Gouvernement s’était engagé en 2023 à renforcer les Dreal, leurs effectifs sont tout juste stabilisés par ce PLF, dans la droite ligne de plusieurs années de rigueur budgétaire, au détriment de l’écologie. Le tableau ci-dessous présente, par action, les coupes successives dans les effectifs du pôle ministériel inscrites en projets de lois de finances de 2018 à 2025 :

Évolution du plafond d’emplois relevant du programme 217 (en etpt)

Actions

2018

Réalisation RAP

2019

Réalisation RAP

2020

Réalisation RAP

2021

Réalisation RAP

2022

Réalisation
RAP

2023

Réalisation
RAP

2024

Prévision
LFI

2025

Prévision
PAP

Action 7

8 267

8 056

7 620

6 114

5 473

5 416

5 481

5 443

Action 8

10 141

10 053

9 717

9 455

9 145

9 200

9 021

8 747

Action 11

2 780

2 540

2 475

2 437

2 647

2 801

2 943

2 941

Action 13

4 027

3 833

3 863

3 781

3 372

3 518

3 242

3 239

Action 15

9 163

9 315

8 934

8 743

9 039

8 567

8 971

8 903

Action 16

3 254

3 239

3 495

3 480

3 317

3 394

3 345

3 366

Action 22

316

275

255

303

352

248

350

731

Action 23

774

704

779

772

774

807

851

857

Action 25

13

12

10

13

13

11

11

11

Action 26

12

14

12

16

13

13

11

11

Action 27

143

147

153

158

159

167

160

160

Action 28

644

626

606

587

585

578

605

603

Total

40 302

38 812

37 919

35 859

35 224

34 720

34 990

35 014

Source : pôle ministériel

À schéma d’emplois nul, le Gouvernement prévoit autant de sorties, soit 3 269 – un chiffre stable par rapport à 2024 et qui inclut 1 035 départs en retraite – que d’entrées, dont 2 361 primo recrutements. Le plafond d’emplois est également stable, sauf pour le recrutement de quelques inspecteurs des installations classées, en raison de l’effet année pleine du schéma d’emplois positif de 2024.

Le pôle ministériel rencontre des difficultés à maintenir ses effectifs en dépit de leur décrue massive. L’importante classe d’âge née à la fin des années 1950 et au début des années 1960 arrivant en fin de carrière, les départs en retraite ont été nombreux ces dernières années, mais diminuent. En outre, les métiers liés au climat figurant parmi les plus fortement en tension, l’État rencontre les mêmes difficultés à recruter que le secteur privé. Ces difficultés sont encore renforcées par la perte d’attractivité liée à la baisse des rémunérations, aux conditions de travail et à la perte de sens dans le secteur public.

Le secrétariat général du pôle ministériel a conscience du problème et a adopté une feuille de route. Elle se fonde sur une amélioration de la détection des profils pertinents, sur le développement de la notoriété des ministères et sur l’accueil des nouveaux agents, avec une attention particulière portée à l’égalité entre les femmes et les hommes.

En revanche, les lois de décentralisation successives – de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales à la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 dite « 3DS » en passant par la loi n° 2009-1 291 du 26 octobre 2009 relative au transfert aux départements des parcs de l’équipement et à l’évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers et la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace – ont conduit à créer un régime complexe de mise à disposition des agents. Les agents titulaires de l’État mis à disposition des collectivités territoriales dans le cadre de transferts de compétences disposent d’un droit d’option. Entre 2010 et 2016, près de 2 800 agents de l’État, principalement des ouvriers des parcs et ateliers, ont sollicité leur intégration dans la fonction publique territoriale. En plus des 161 agents récemment transférés à la Collectivité européenne d’Alsace, le PLF pour 2025 prévoit de transférer au moins 275 ETPT supplémentaires aux collectivités territoriales au titre de la loi 3DS, mais l’ampleur du mouvement risque d’être encore plus importante, le projet annuel de performance précisant que le Gouvernement relèvera ce chiffre par voie d’amendement. En plus de son inquiétude sur le fond de ces transferts, votre rapporteure pour avis s’interroge sur la sincérité d’un PLF dont le Gouvernement annonce dès son dépôt qu’il ne s’agit que d’une ébauche.

II.   Un malaise social aggravÉ parmi les agents du pÔle ministÉriel

Votre rapporteure pour avis a souhaité s’intéresser particulièrement aux conditions de travail et à l’état psychologique des agents du pôle ministériel. La situation sociale est particulièrement dégradée par la réduction constante des effectifs et par des réorganisations en série qui désorientent les agents. Votre rapporteure a notamment été consternée de découvrir un dialogue social au point mort, l’ancien ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ne rencontrant les représentants du personnel qu’une fois par an à l’occasion du comité social d’administration budgétaire, ne déléguant même pas de membres de son cabinet lors des autres comités d’administration.

D’après les organisations syndicales auditionnées par votre rapporteure, ces comités sociaux d’administration (CSA), ainsi que leurs groupes de travail, sont devenus de simples chambres d’enregistrement de textes déjà arrêtés par une autorité politique peu soucieuse de leur impact sur les agents. Les organisations syndicales regrettent d’ailleurs la création de ces CSA, qui ont finalement réduit leur capacité à influer sur les décisions concernant directement les agents, notamment en matière d’hygiène, de santé et de conditions de travail.

Signe de plus, s’il en était besoin, que le dialogue social est peu considéré par les autorités politiques du pôle ministériel, il a été refusé d’instituer des CSA « de réseau », c’est-à-dire par direction, contrairement à la plupart des autres ministères. Conséquence additionnelle de ce refus qui éloigne le CSA des préoccupations des agents, il est étouffé par un nombre bien trop élevé de dossiers.

A.   LA LENTE PRÉCARISATION DES AGENTS DU POLE MINISTÉRIEL

Tout aussi inquiétant que l’atonie des recrutements du pôle ministériel évoquée plus haut, le PLF pour 2025 prévoit une baisse de la rémunération des agents en valeur. Si les crédits du titre 2 inscrits dans le projet de loi de finances sont en augmentation de 109 millions d’euros, seuls 24 % de cette hausse sont consacrés aux rémunérations, lesquelles progressent donc de 1,5 % (de 1,689 milliard d’euros à 1,705 milliard d’euros), soit une évolution plus faible que l’hypothèse d’inflation de 1,8 % retenue par le Gouvernement pour 2025.

Comme l’ensemble de la fonction publique, la rémunération des agents du pôle ministériel a déjà souffert de gels successifs du point d’indice qui ont dévalorisé leur rémunération de 30 % par rapport aux salariés du secteur privé en 15 ans. Et alors que seulement quelques centaines d’agents tout au plus étaient concernés chaque année par la garantie individuelle du pouvoir d’achat (gipa), attribuée aux agents dont la rémunération a progressé plus lentement que l’indice des prix à la consommation sur quatre ans, plus de 4 000 l’ont touchée en 2022, signe d’une précarisation massive.

En plus de cette évolution, la pyramide des rémunérations s’est considérablement aplatie, sauf pour sa pointe, au point qu’il devient contre-productif financièrement pour certains agents de passer de la catégorie C à la catégorie B.

À l’inverse, la réforme de la haute fonction publique, en alignant les rémunérations des administrateurs de l’État vers le haut, a conduit à l’ouverture d’une enveloppe annuelle supplémentaire de plusieurs milliers d’euros par fonctionnaire concerné. Un alignement est en cours pour l’ensemble des fonctionnaires A+ du ministère. Tous ces changements creusent donc les inégalités de revenu et sapent la cohésion au sein du ministère.

La gestion des personnels se traduit également par un recours croissant aux agents contractuels, dont la part parmi les effectifs du pôle ministériel a crû de manière substantielle en 2024 – de 7 % à 10 % en un an – dans un contexte de stagnation des plafonds d’emplois. Cette contractualisation induit une perte de mémoire collective des expériences acquises par les agents du pôle ministériel.

Les agents du pôle ministériel sont en outre bloqués dans leur progression de carrière par les promotions très compliquées entre catégories, de l’aveu même du ministère. Si un plan de requalifications a été mis en œuvre pendant trois ans, il ne s’est agi que de mesures palliatives, d’ailleurs déjà révolues. Cette cristallisation de la structure hiérarchique, qui décourage les agents, est d’autant plus problématique que nombre d’entre eux occupent des postes de catégories supérieures sans avoir de reconnaissance statutaire ou financière.

B.   Une dÉtÉrioration inquiÉtante des conditions de travail

La dégradation des conditions de travail est avant tout le fait de la réduction des effectifs (-5 000 ETPT depuis 2017) alors même que les missions, notamment des agents des services déconcentrés, croissent avec les dernières lois en matière environnementale, notamment la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Au sein de certains opérateurs, comme Météo France ou le Cerema, les effectifs ont été diminués d’un tiers. La charge de travail figure d’ailleurs en première position parmi les difficultés mentionnées par les agents, dans le baromètre social d’Ipsos de 2023 sur les agents du pôle ministériel. Et plus de 60 % ont l’impression de devoir souvent effectuer leur travail dans l’urgence.

En outre, avec un contexte social marqué par la crise agricole, plusieurs directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) et directions départementales des territoires (DDT) ont été recouvertes de fumier ; une Dreal a même été victime d’une explosion. À cela s’ajoute l’exposition physique des agents des directions interdépartementales des routes (DIR) dont plus de 70 sont victimes chaque année d’accidents du travail lors d’opérations.

Votre rapporteure pour avis s’émeut que les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) n’aient pas été soutenus par leurs ministres de tutelle pendant la crise agricole alors que l’OFB et leur travail ont été remis en cause publiquement.

C.   Une perte de sens au travail

Tandis que le sens de l’intérêt général et du service public constitue un élément moteur de la motivation des agents, le baromètre social Ipsos de 2023 indique que seuls 29 % d’entre eux sont dans un état d’esprit positif, notamment parce que 42 % des agents du pôle ministériel ont l’impression que leur emploi n’a pas d’impact positif sur l’environnement.

La perte de sens au travail apparaît réelle et tire son origine de la succession des réorganisations ministérielles : réforme de l’administration territoriale de l’État de 2007, réforme de l’organisation territoriale de l’État de 2020, mais aussi refonte du secrétariat général et du périmètre des administrations centrales, création de divers services à compétence nationale, etc. Ces réorganisations ont désorienté les agents.

À ces réformes s’ajoute un rétrécissement progressif des missions environnementales de l’État. Votre rapporteure pour avis est doublement préoccupée par cette évolution, à la fois pour le bien-être des agents et pour le renoncement écologique qu’elle sous-tend.

Ces réformes administratives engendrent également un coût pour l’administration avec une perte de compétence marquée, notamment dans les directions interdépartementales des routes, la privatisation de l’entretien des routes ayant conduit à leur dégradation, la France étant passée de 2012 à 2019 du premier au dix-huitième rang mondial pour la qualité de ses routes d’après le forum économique mondial. La culture ministérielle disparaît et avec elle les compétences et la motivation des agents.

III.   Des autoritÉs administratives indÉpendantes aux missions croissantes mais aux dotations stagnantes

Le budget de trois autorités administratives indépendantes (AAI) relève du programme 217 : la Commission nationale du débat public (CNDP), l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) et la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Si ces trois AAI ont des missions et des défis très différents, elles sont dans une situation similaire : des tâches en augmentation, au cœur du défi climatique, mais un budget et des effectifs qui stagnent.

A.   La Commission nationale du débat public fragilisée

Créée par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, la CNDP est devenue une AAI à la suite de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Elle a pour objet de garantir le droit constitutionnel du public à être informé et à participer aux décisions ayant un impact sur l’environnement, conformément à la convention d’Aarhus et à l’article 7 de la Charte de l’environnement. Elle intervient en amont, éclairant le maître d’ouvrage au stade de l’élaboration du projet, lorsqu’il est encore possible d’y renoncer. La compétence de la CNDP est obligatoire pour certains projets comme les plans nationaux ou des projets d’ampleur mais elle est facultative pour d’autres, sur saisine soit du porteur du projet, soit, via un droit d’initiative, d’élus, d’associations ou de citoyens. Ne se prononçant pas sur le fond des projets, plans ou programmes, la CNDP organise le débat public ou la concertation, veille à leur bonne tenue et rend compte des débats. À travers ces missions, elle assure la transparence, l’impartialité, l’égalité de traitement du débat et recherche une inclusion maximale des publics fragiles.

Pour remplir ces tâches, la CNDP établit une liste nationale de 266 garants du débat public qu’elle forme et rémunère lorsqu’elle fait appel à eux, à raison du nombre d’heures de mobilisation. Elle gère les marchés publics relatifs à l’organisation des débats publics et fournit des conseils et avis méthodologiques aux collectivités et autres personnes publiques.

1.   Une institution indispensable à la démocratie participative

Le rôle essentiel de la CNDP est d’apaiser les conflits en intervenant en amont de la procédure : 66 % des projets faisant l’objet d’une concertation ou d’un débat sont modifiés. À l’inverse, les enquêtes publiques mobilisent peu et votre rapporteure pour avis déplore qu’elles soient souvent instrumentalisées par des groupes organisés, hostiles aux énergies renouvelables. Elle se demande s’il ne serait pas pertinent de permettre à la CNDP d’intervenir également au stade de l’enquête publique, pour revaloriser cette phase. Témoignage du succès de la participation citoyenne, la CNDP trouve très facilement des garants et en a renouvelé 60 en 2024.

En 2024, les concertations préalables ont ainsi permis la réduction de 90 % de la consommation d’eau de la future usine Prologium à Dunkerque ou bien l’abandon du projet de barrage Rhonergia.

À revers de cet intérêt de nos concitoyens pour le débat public, toutes les lois que les Gouvernements successifs ont fait voter en matière d'aménagement ou d’environnement depuis 2017 ont visé à le limiter, comme s’il était trop complexe et inutile de les consulter. Ainsi, la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, dite loi Asap, a réduit le délai du droit d’initiative de quatre à deux mois, rendant ce droit inutilisable en pratique. La loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables a autorisé une concertation unique sur les projets d’éoliennes en mer, par façade maritime, mutualisée avec celle sur les documents stratégiques de façade. Les seuils budgétaires rendant une concertation obligatoire ont également été revus. Cette vision, faisant de la concertation un obstacle, est fâcheuse alors même que, réalisée très en amont, la concertation améliore les projets et conduit souvent, in fine, à les accélérer.

La réduction des délais de nombreuses procédures de concertation ou de débat depuis 2017 contribue par ailleurs à mettre les équipes de la CNDP sous pression, avec des délais trop resserrés et ne permettant pas un dialogue serein.

Votre rapporteure pour avis est fortement préoccupée par la volonté de plusieurs responsables politiques de priver la CNDP de certaines compétences – le précédent Premier ministre avait rédigé un projet de décret pour retirer les projets industriels du champ des concertations préalables obligatoires, alors que les 19 projets actuellement concernés représentent un investissement total de 33 milliards d’euros dont une fort part issue de subventions – voire, pire encore, de supprimer la CNDP, risque qui subsiste. Elle regrette que certains sujets, comme l’eau, ou des projets de très grande ampleur, comme les installations des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de 2030, ne soient pas soumis à un débat public.

2.   Un budget stable face à une activité en hausse

Les dotations de la CNDP dans le PLF pour 2025 sont identiques à l’euro près à celles du budget 2024, soit 4 207 508 euros, aussi bien en AE qu’en CP. 77 % concernent le titre 2, qui permet de rémunérer le président, les vice-présidents, les autres membres, les 11 ETPT (stables depuis trois ans) ainsi que d’indemniser les garants. Le budget de fonctionnement stagne également, à 964 149 euros. Grâce à l’adossement de fonctions support à celles du pôle ministériel qui, notamment, héberge la CNDP à titre gracieux, le budget de fonctionnement peut se recentrer à un tiers sur l’exécution de ses missions, à un tiers sur la communication et à un tiers sur le reste des fonctions support.

Conformément au code de l’environnement, les coûts d’organisation des débats publics sont assumés par le maître d’ouvrage. Celui-ci met les sommes à disposition de la CNDP – via un fonds de concours si le maître d’ouvrage est privé – qui lui restitue le reliquat non utilisé. Cette règle explique le financement original de la CNDP qui a perçu 5,4 millions d’euros de fonds de concours en 2024 en CP, soit 130 % de ses dotations.

Bien que ses moyens soient maigres et stables, l’activité de la CNDP est en forte hausse, en particulier depuis la hausse de ses compétences par l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.

En 2023, 27 concertations préalables ont été terminées, sur des projets très diversifiés, qui concernent aussi bien l’eau, l’énergie, les mobilités ou encore les équipements culturels, 12 missions de conseils lancées et en tout 107 procédures de participation entamées. De même, le nombre de concertations continues augmente régulièrement : 21 en 2018, 56 en 2023 et plus de 70 à la fin septembre 2024.

Face à cette activité, la dotation en titre 2 s’est avérée insuffisante en 2024 et la CNDP a demandé une rallonge de 465 656 € au pôle ministériel pour indemniser des garants ainsi que des membres de commissions particulières du débat public (CPDP).

Cette stagnation des dotations est également dommageable car elle empêche la CNDP d’augmenter ses effectifs et de diversifier les compétences de ses agents, notamment pour exploiter les données croissantes qu’elle recueille et qui nécessiteraient l’embauche d’un analyste des données.

B.   Une AutoritÉ de contrÔle des nuisances aÉroportuaires paralysÉe depuis plusieurs mois

Créée par la loi n° 99-588 du 12 juillet 1999, l’ACNUSA, assume trois missions principales :

– elle définit des normes en matière de nuisances ainsi que des normes techniques concernant les outils de mesure du bruit ou de suivi des trajectoires dont elle procède à l’homologation. L’ACNUSA s’assure corrélativement du respect par l’exploitant aéroportuaire de ses prescriptions dans le domaine des nuisances sonores et dispose d’un pouvoir de mise en demeure et d’exécution forcée aux frais de l’exploitant en cas de non-conformité. Elle améliore les connaissances en veillant à la publicité des données et en réalisant des études ;

– elle est consultée par les collectivités territoriales, les gestionnaires d’aéroports, les compagnies aériennes ou les services de la direction générale de l’aviation civile à la fois pour prévenir les manquements aux règles environnementales et pour donner un avis sur certains documents d’urbanisme ;

– elle dispose d’un pouvoir d’instruction – à partir de procès-verbaux dressés et transmis par la direction de la sécurité de l’aviation civile – et de sanction des compagnies aériennes, par décision collégiale et au terme d’une procédure contradictoire, s’appliquant aux aéroports soumis aux règles édictées par le ministre chargé de l’aviation civile.

L’ACNUSA est donc une AAI essentielle. Son indépendance favorise une meilleure application du droit ainsi qu’un contrôle impartial des compagnies aériennes, tout en garantissant une transparence accrue de ses activités et de ses actions. En outre, l’ACNUSA peut engager des poursuites à la suite de courriers de riverains cherchant des explications ou dénonçant des nuisances aéroportuaires excessives. Alors que les nuisances liées au trafic aérien sont multiples et profondes, une telle administration doit être renforcée.

1.   Une autorité paralysée

Le trafic aérien ayant retrouvé son niveau d’avant la pandémie, les infractions à la réglementation sonore et environnementale se multiplient. En 2023, le nombre d’amendes prononcées a augmenté de plus de 80 %, pour un montant moyen lui-même passé de 13 055 euros par amende en 2022 à 18 359 euros en 2023 (+41 %), le montant total des amendes étant passé de 4,6 millions d’euros à 11,7 millions d’euros en un an.

Or le Gouvernement a bloqué les activités juridictionnelles de l’ACNUSA. En effet, le mandat de son président est arrivé à échéance en avril dernier, échéance prévisible au terme d’un sextennat non renouvelable, et le code des transports ne prévoit pas de présidence intérimaire. En conséquence, le collège ne se réunit plus pour décider de sanctions et plusieurs centaines de dossiers s’accumulent, réduisant l’effet dissuasif des sanctions éventuelles et générant un sentiment d’impunité chez les compagnies aériennes. Votre rapporteure pour avis est fortement choquée de l’indifférence avec laquelle le Gouvernement traite cette question, alors que le bien-être de milliers de riverains est en jeu.

L’immobilisme dans lequel est plongée, contre son gré, l’ACNUSA risque d’être davantage prolongé par l’échéance du mandat de trois membres de son collège à l’automne 2024, le réduisant à six membres, le quorum étant fixé à cinq.

En outre, les sanctions sont plafonnées à 20 000 euros pour les mouvements diurnes et à 40 000 euros pour les mouvements nocturnes, des montants bien trop faibles pour être dissuasifs, en témoignent les nombreux débordements répétitifs de vols en soirée, en particulier par les compagnies à bas coût.

2.   Un budget modeste, simplement reconduit

La dotation de l’ACNUSA dans le PLF pour 2025 s’élève à 2,04 millions d’euros en AE comme en CP, soit une reconduction des crédits de 2024. Toutefois, l’adossement progressif aux fonctions support du pôle ministériel – hébergement, ressources humaines, télécommunications – permet de libérer une partie des crédits de fonctionnement.

Ces crédits sont à 75 % destinés au titre 2 (1,5 million d’euros, en légère augmentation de 2 %) afin d’assurer la rémunération du président, des neuf autres membres du collège, qui ne sont toutefois mobilisables qu’à hauteur de 35 jours par an, et des douze collaborateurs permanents de l’autorité.

Ce faible effectif s’avère bien léger face à l’accroissement de la charge de travail de l’ACNUSA. En effet, les aéroports dépassant le seuil de 20 000 mouvements annuels d’aéronefs de plus de 20 tonnes sont soumis à un contrôle spécifique par l’ACNUSA et doivent élaborer un plan de gêne sonore (PGS) qui détermine le champ des riverains éligibles aux aides à l’insonorisation financées par la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), prélevée par la direction générale de l’aviation civile (DGAC) sur les compagnies aériennes. Actuellement, douze aéroports français sont concernés auxquels s’ajoutent quatre aérodromes spécifiques déterminés par arrêté ministériel. L’aéroport de Lille-Lesquin a récemment dépassé le seuil et Montpellier-Méditerranée devrait prochainement le rejoindre, augmentant la charge de travail de l’ACNUSA, à effectifs constants.

Depuis la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite Grenelle II, l’ACNUSA ne se limite pas au constat des nuisances sonores mais est compétente pour d’autres pollutions. Cependant, son manque de moyens humains la conduit à prioriser certaines missions et notamment à renoncer à effectuer les études qu’elle envisagerait. Il paraît donc nécessaire de rehausser les capacités humaines de l’ACNUSA, en relevant son plafond d’emplois à 14 ETPT.

En titre 3, les crédits sont, après plusieurs années de baisse, gelés depuis quatre ans à 509 158 euros, en AE comme en CP. Un abondement exceptionnel dans l’objectif de moderniser la procédure de sanction et de créer un outil numérique de téléprocédure a cependant été accordé en cours de gestion en 2024, à hauteur de 280 000 euros en AE et 218 600 euros en CP.

Ces crédits de fonctionnement sont répartis en deux grands blocs : en plus du développement des systèmes d’information, à hauteur de 302 000 euros en CP, la couverture des frais d’avocats assurant la défense de l’État lors des recours devant le juge administratif contre les décisions du collège de l’autorité est estimée à quelque 163 000 euros. Ce montant est relativement faible lorsqu’il est mis en relation avec le taux de confirmation des décisions de l’ACNUSA – supérieur à 90 % – et avec les recettes issues des amendes administratives qu’elle prononce, à près de 11,5 millions d’euros en 2023. Votre rapporteure pour avis regrette toutefois que ces recettes ne soient pas directement affectées à la lutte contre les nuisances aéroportuaires ou, au minimum, à la mission écologie.

C.   La Commission de rÉgulation de l’Énergie : des besoins en hausse, des moyens qui stagnent

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) est une AAI créée par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. Elle est chargée du bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz depuis leur ouverture à la concurrence au début des années 2000. Elle appuie son fonctionnement sur deux organes indépendants : le collège de la commission, composé de cinq commissaires, et le comité de règlement des différends et des sanctions, comprenant quatre magistrats.

1.   Des crédits de fonctionnement stabilisés

Pour 2025, la dotation budgétaire de la CRE est stabilisée à 21,95 millions d’euros en AE et 24,51 millions d’euros en CP, comme en loi de finances pour 2024 alors que la direction souhaitait, face à ses nouvelles missions, voir cette dotation progresser de 200 000 euros. Cette stabilisation semble d’autant plus injustifiée qu’en 2023, la CRE a consommé 100 % de sa dotation en AE et 98 % de sa dotation en CP.

Les crédits sont répartis à 70 % en dépenses de personnel (16,98 millions d’euros) et à 30 % en dépenses de fonctionnement (7,53 millions d’euros). Ces dépenses de fonctionnement sont de quatre ordres principaux :

 Dépenses spécifiques liées à l’activité de la CRE

D’un montant de 1,48 million d’euros en CP, les crédits financent le recours à l’expertise externe dans des domaines dans lesquels la CRE ne dispose pas de moyens pour exercer ses missions de contrôle et d’audit. Ils permettent notamment de réaliser les études et les enquêtes liées à la surveillance des marchés de l’électricité et du gaz ainsi que les études communes réalisées avec les autres régulateurs européens. Une partie de ces audits est remboursée par les entreprises régulées conformément à l’article L. 134-18 du code de l’énergie. Les dépenses concernent aussi les activités internationales de la CRE, qui joue un rôle central dans les instances européennes pour la définition des règles du marché européen de l’énergie. D’autres dépenses de fonctionnement sont également incluses : communication, frais de déplacement, formation du personnel, etc.

– Dépenses liées à l’immobilier

D’un montant de 4,39 millions d’euros en CP, elles comprennent les charges locatives et la maintenance du siège de la commission, ainsi que les dépenses relatives à la sécurité, l’accueil, l’entretien, etc. La CRE escompte par ailleurs une recette commerciale de 625 000 euros de son siège dans la mesure où elle en sous-loue une partie à des sociétés privées.

– Dépenses d’informatique

D’un montant très élevé de 1,2 million d’euros en CP, comme en 2024, ces dépenses se justifient par les contraintes de sécurité liées à la certification opérateur de services essentiels (OSE) dans le cadre de la directive européenne 2022/2555 du 14 décembre 2022 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union, dite directive NIS2, car la CRE est victime de cyberattaques quotidiennes, particulièrement depuis l’invasion russe de l’Ukraine. Cette certification exige des investissements dans le domaine des réseaux informatiques et des matériels.

– Dépenses de fonctionnement courant

D’un montant de 420 000 euros en CP, elles concernent les matériels et fournitures de bureau, les dépenses informatiques et de téléphonie, les prestations d’action sociale, etc.

2.   Des compétences plus vastes qui requièrent des moyens nouveaux

Le champ d’activités de la CRE s’est considérablement élargi depuis sa création, la commission ayant hérité de près de 80 nouvelles compétences depuis 2013 : proposition des tarifs réglementés de vente, tarification des réseaux et des infrastructures d’électricité et de gaz, renforcement de son rôle dans les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, mission de régulation du stockage pour le gaz, encadrement de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique pour les fournisseurs alternatifs, surveillance des marchés de gros et de détail de l’électricité et du gaz, expérimentations relatives aux smart grids et aux services de flexibilité locale, accompagnement de la transition énergétique dans les zones non interconnectées, etc. En dépit de ces besoins de recrutement constamment à la hausse, le plafond d’emplois de la CRE a été gelé de 2017 à la crise énergétique, à 155 ETPT.

La gestion du bouclier tarifaire et de l’amortisseur pendant la crise énergétique a nécessité la mise en place d’une équipe spécifique, composée de cinq agents, ce qui a été permis par le relèvement du plafond d’emplois à 160 ETPT grâce à un amendement au PLF pour 2023. À cette crise ont succédé la réforme du marché européen du gaz et de l’électricité, l’édiction de lignes directrices pour les fournisseurs sur le marché de détail, l’accélération des appels d’offre pour l’installation de sources de production d’énergie renouvelables ; autant de missions qui, à leur tour, ont augmenté la charge de travail de la CRE sans, cette fois-ci, que de nouveaux effectifs ne lui soient accordés.

Au-delà des compétences nouvelles ou des besoins conjoncturels – parfois très aigus – la CRE voit sa tâche structurellement alourdie par l’électrification de l’économie et de la société. L’électrification de notre système énergétique nécessite un redimensionnement du réseau pour supporter de plus hauts voltages, un maillage plus fin du territoire, une augmentation du nombre de points de livraison du fait de la décentralisation des énergies renouvelables. Tout ceci engendre un accroissement des tâches de la CRE et exige un renforcement de ses effectifs. À défaut, elle risque de retarder l’instruction de certains dossiers et de renoncer aux tâches les moins urgentes.

La direction de la commission de régulation a calculé qu’il lui manquait 16 ETPT dont 12 ETPT pour remplir pleinement ses priorités de niveau 1, c’est-à-dire des postes sans lesquels elle n’est pas en mesure d’exécuter les missions qui lui ont été nouvellement confiées. Le ministère avait implicitement reconnu ce manque d’effectif, abondant en gestion à la fin de 2023 la masse salariale de la CRE pour les projets de contribution au service public de l’électricité et photovoltaïque. En l’absence de rehaussement de son plafond d’emplois, la CRE estime qu’elle risque de devoir ralentir le développement des installations photovoltaïques et des infrastructures d’électrification, deux priorités de la transition énergétique.

Le PLF pour 2025 prévoit pourtant de poursuivre le gel des effectifs avec un schéma d’emplois nul, maintenant un plafond d’emplois de 160 ETPT, soit les cinq membres du collège et les 155 collaborateurs. Ceci est d’autant plus problématique que la CRE a dû, afin de rester dans les crédits de personnel qui lui ont été notifiés, déclencher des actions de freinage de la consommation de sa masse salariale : reports de recrutements à 2025, gel provisoire de l’indemnisation des comptes épargne-temps.

3.   Un recrutement en concurrence avec le secteur privé

Le PLF pour 2025 prévoit une stagnation à 16,98 millions d’euros des crédits de titre 2, ce qui, en valeur, revient à une baisse après prise en compte de l’inflation et risque de bloquer les revalorisations salariales.

Cette évolution risque d’affecter l’attractivité de la CRE. En effet, sur 160 emplois, 150 correspondent à la catégorie A, dont 21 A+. Ces agents très qualifiés et dotés d’une expertise en ingénierie, économie ou droit sont fréquemment spécialistes de l’énergie et la CRE se retrouve en concurrence avec les principales entreprises d’énergie pour les recruter. Du fait de la grande technicité des missions et de la rareté, voire de l’absence, dans la fonction publique, des profils recherchés, les effectifs sont composés à 93 % de contractuels de droit public (les 7 % de fonctionnaires sont en position de détachement mais sur contrat de droit public), conformément à la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. Votre rapporteure pour avis regrette notamment que le ministère ne recherche aucune synergie avec l’École nationale des ponts et chaussées, pourtant sous sa tutelle, et qu’il ne donne pas les moyens à la CRE de faire face, via cette école, à une part de ses besoins en ressources humaines.

La CRE effectue cependant un intense travail d’attractivité, à la fois externe, en ayant obtenu l’affectation en premier poste d’un ingénieur des ponts, des eaux et des forêts, et en interne, réduisant de manière substantielle la rotation élevée de ses effectifs (30 à 40 départs chaque année, ce qui est également lié à l’âge des équipes, de 28 ans en moyenne), grâce à une stratégie de progression de carrière, un dialogue social renouvelé et l’institution, avec la crise énergétique, d’un baromètre social qui s’est accompagnée de mesures de prévention des risques psychosociaux, comme la reconnaissance d’un droit à la déconnexion.

IV.   Un manque d’ambition pour les Écoles d’ingÉnieurs face aux besoins de formation dans la transition Écologique

Deux écoles d’ingénieur sous la tutelle du ministère du partenariat avec les territoires et de la décentralisation sont rattachées au programme 217 du budget général : l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC) et l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE).

La formation d’ingénieurs nombreux et sensibilisés aux questions environnementales est indispensable à la transition écologique, parce que la recherche doit apporter sa contribution mais surtout pour intégrer le défi environnemental dans l’ensemble des secteurs clefs : industrie, énergie, génie civil, etc. Les écoles d’ingénieurs, et particulièrement celles sous la tutelle du pôle ministériel de la transition écologique, ont donc un rôle de premier plan dans la lutte contre les changements climatiques et la protection de l’environnement. Ce rôle est triple : former un maximum d’ingénieurs face aux besoins croissants de recrutement dans le privé, recruter des ingénieurs fonctionnaires dans les corps du pôle ministériel et sensibiliser tous les ingénieurs aux enjeux environnementaux.

Or, comme l’ont souligné France Stratégie et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) dans leur rapport intitulé « Les Métiers en 2030 : quelles perspectives de recrutement en région ? » publié l’an dernier, la France connaît un déficit annuel de formation de plus de 15 000 ingénieurs par rapport aux besoins de recrutement. Un rapport de 2022 de l’observatoire des métiers du numérique, de l’ingénierie, du conseil et de l’événement (Opiiec) sur « Les Métiers et les compétences de l’ingénierie face à l’enjeu du climat » estimait, quant à lui, à 8 500 les besoins annuels supplémentaires de recrutements d’ingénieurs dans la seule transition écologique.

Ce déficit de formation d’ingénieurs et d’investissement en capital humain se traduit par des milliers de postes non pourvus par les entreprises des secteurs de la transition et notamment par un goulot d’étranglement dans la rénovation énergétique, ralentissant le rythme des travaux, donc la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le Gouvernement ne peut pas prétexter d’un côté couper drastiquement les crédits de MaPrimeRénov’ au nom d’un marché sous tension sans, de l’autre côté, augmenter les effectifs des écoles d’ingénieurs spécialisées dans l’environnement. Il ne fait même pas semblant de s’attaquer structurellement à la crise environnementale. Ses atermoiements coupables coûtent de précieuses années. Il faut recruter des ingénieurs dès maintenant et donc former au plus vite.

Votre rapporteure pour avis regrette ainsi fortement la stagnation des crédits de l’ENPC et de l’ENTPE, qui manquent cruellement de moyens pour apporter leur contribution à la transition écologique.

A.   Des moyens budgÉtaires insuffisants pour investir dans la formation ou la recherche

L’ENPC et l’ENTPE font face à des dépenses croissantes : augmentation limitée de leurs effectifs d’étudiants, développement des activités de recherche, concurrence française et internationale pour attirer les doctorants et enseignants, rénovation énergétique de leurs bâtiments mal isolés, etc. Pourtant, pendant une quinzaine d’années, l’État a réduit les subventions pour charges de service public (SCSP) qui constituent le cœur du financement de ces écoles. Et la stabilisation des crédits, pour la deuxième année consécutive, fait obstacle à tout projet d’ampleur.

1.   Des dotations insuffisantes qui affaiblissent l’effort de recherche

L’évolution des ressources de l’ENPC est retracée dans le tableau suivant :

Crédits de paiement

(en milliers d’euros)

ENPC

Subvention pour charges de service public

Taxes affectées

Autres subventions

Ressources propres

Total

Fonds de roulement

2022

27 311

664

4 754

15 394

48 122

13 775

2023

28 487

619

10 902

13 115

53 124

10 819

2024

29 902

600

5 720

17 134

53 356

5 524

Source : pôle ministériel

Pour 2025, la SCSP de l’ENPC au titre du programme 217 s’élève à 30,16 millions d’euros en AE et en CP, soit exactement le même montant qu’en 2024. 2,2 millions d’euros de subventions pour charges d’investissement (SCI) sont également prévus en CP, après ouverture de 6 millions d’euros en AE dans la loi de finances pour 2024, au titre de la participation de l’État pour les travaux inscrits dans le contrat de plan État-région (CPER) et prévus dans le schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) 2021-2027.

La priorité pour l’école semble être une augmentation de ses dotations, plus que de ses effectifs. La SCSP finance tout juste les dépenses de titre 2 au plafond mais aucune dépense de fonctionnement, ce qui entraîne un sous-financement structurel et les travaux immobiliers consomment l’intégralité du fonds de roulement qui se retrouve réduit à quelques centaines de milliers d’euros. En effet, la SCSP est revalorisée – ou non – chaque année à partir d’une base ancienne et ne correspond plus aux besoins réels de financement de l’ENPC, l’école ayant chiffré la différence à près de 3 millions d’euros par an. Cette faiblesse du fonds de roulement conduit à grever considérablement le développement de la recherche, variable d’ajustement d’un budget trop restreint. Cette conséquence est d’autant plus dommageable que l’ENPC tire environ 40 % de ses revenus de ses ressources propres, essentiellement la recherche, et qu’il existe donc un fort effet de levier de chaque euro marginal de subvention accordé à l’école.

Comme l’ENPC, l’ENTPE voit sa SCSP stabilisée à 24,4 millions d’euros et sa SCI également stable à 1 million d’euros, conformément aux engagements de participation de l’État dans le CPER 2021-2027. Le tableau ci-dessous retrace l’évolution de ses dotations depuis 2022 :

Crédits de paiement

(en milliers d’euros)

ENTPE

Subvention pour charge de service public

Taxes affectées

Autres subventions

Ressources propres

Total

Fonds de roulement

2022

20 006

0

4 467

1 590

26 064

4 879

2023

21 662

0

2 450

1 419

25 531

8 188

2024

23 967

0

2 959

1 616

28 542

7 633

Source : pôle ministériel

La hausse marquée de la SCSP de l’ENTPE les deux dernières années correspond à des revalorisations liées à l’inflation mais surtout au transfert de moyens à hauteur de 1,75 million d’euros à la suite de l’intégration d’une partie du personnel et des formations de l’ancienne École nationale des techniciens de l’équipement (ENTE) qui était située à Valenciennes et dont les activités ont cessé en septembre 2023. Les SCSP ont augmenté en 2023 puis 2024 – moins vite que l’inflation – après plusieurs années d’une forte baisse et sont aujourd’hui insuffisantes, en témoigne un taux de consommation des crédits de plus de 97 % en 2024.

Conséquence de cette sous-dotation, le nombre d’élèves à l’ENTPE a baissé chaque année depuis 5 ans, sauf en 2022 avec le transfert d’une partie de l’ENTE, et est passé de 916 à la rentrée 2019 (dont 723 ingénieurs) à 842 à la rentrée 2023 (dont 654 ingénieurs).

Conséquence également d’une politique de gestion purement budgétaire de la part du ministère, sans vision d’avenir, les écoles ont dû mettre en place des stratégies de développement de leurs ressources propres pour compenser la baisse de leurs subventions – de l’ordre de 10 % dans les années 2010. La recherche de ressources propres risque de conduire les écoles à augmenter les frais de scolarité, grevant plusieurs années de salaires pour les jeunes diplômés et risquant de décourager les étudiants issus de milieux défavorisés à entamer de longues études.

Il paraît donc essentiel que l’État réinvestisse dans ses écoles d’ingénieurs d’excellence, formidable levier environnemental, économique mais aussi social.

2.   Un budget consommé par la rénovation énergétique des bâtiments

Comme tous les opérateurs de l’État, et particulièrement du fait de leur engagement dans la transition écologique, l’ENTPE et l’ENPC doivent se montrer exemplaires en matière de rénovation énergétique. Or les besoins financiers sont extrêmement élevés.

Les bâtiments de l’ENTPE datant des années 1970, ils ont été construits juste avant les premières normes environnementales et ont donc une dépense énergétique très forte. Alors que le budget de fonctionnement est déjà réduit à la portion congrue, cette fragilité a été exposée en 2022-2023, lorsque l’ENTPE a vu sa facture de chauffage doubler en dépit d’un plan de sobriété qui a réduit de plus de 30 % la consommation énergétique. Les rénovations énergétiques sont donc urgentes à moins de mettre en péril l’avenir de l’école.

Le SPSI 2016-2023 de l’ENTPE prévoit 2,2 millions d’euros de travaux en 2023-2024, dont 1,8 million d’euros par autofinancement.

Plus de 10 millions d’euros de travaux sont prévus jusqu’en 2027. Inscrits au CPER, ces travaux sont financés grâce à un apport de la région et de la métropole de Lyon, à 2,5 millions d’euros chacune, ainsi qu’à travers 2,8 millions d’euros de SCI de l’État auxquels s’ajoutent des financements du plan de relance, du fonds vert et du programme 348 « performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs ». Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit, comme en 2024, 1 million d’euros de CP pour apporter sa part, traduite par l’ouverture de 3 millions d’euros en AE dans la loi de finances pour 2024 (0 euro en AE dans le PLF pour 2025).

Enfin, l’ENTPE a fait preuve d’une ingénierie financière innovante en utilisant le dispositif « intracting », en lien avec la Caisse des dépôts et la banque des territoires, qui lui fait bénéficier d’une avance remboursable financée par les économies d’énergie et d’eau attendues sur 10 à 13 ans. Elle doit présenter à l’automne 2024 son nouveau SPSI devant le conseil d’administration.

Ces travaux ont permis de baisser la consommation de chauffage urbain de 3,5 GWh en 2021 à 1,5 GWh en 2024 et la consommation d’électricité de 1,6 GWh en 2021 à moins de 1,3 GWh en 2024.

Les besoins de rénovation énergétique de l’ENPC sont encore plus importants, le bâtiment Carnot-Cassini, principal bâtiment de l’école, construit en verre, ayant une empreinte énergétique majeure.

Or le fonds de roulement de l’école est en diminution constante, les prévisions partagées à votre rapporteure pour avis l’estimant, avant dépenses immobilières, à moins de 6 millions d’euros fin 2024 contre 10,8 millions d’euros fin 2023 et encore 14,7 millions d’euros fin 2021, ce qui ne permet plus de financer les travaux immobiliers indispensables à l’école. L’ENPC a même commencé à demander à ses élèves d’inventer des projets afin de réduire son empreinte, via le programme « Envelop’Ponts ».

Mais, à terme, les travaux sont estimés à 50 millions d’euros. Le SPSI 2020-2024 permet déjà un grand nombre de travaux, pour un montant total de 34 millions d’euros, dont 3,2 millions d’euros d’apport de la région (finançant un tiers de l’extension du bâtiment Coriolis mais aucun autre des travaux de rénovation ou d’agrandissement) et 19,5 millions d’euros de l’État dans le cadre du CPER. Le coût total des opérations s’établit ainsi :

Coût des travaux énergétiques de l’ENPC

(En millions d’euros)

Opérations

Reste à engager pour 2025 et années suivantes (variations par rapport au PLF 2024)

Extension bâtiment Coriolis et aire de démonstration

8,1 (-1,5)

Rénovation bâtiment Carnot Cassini

5 (+0,7)

Rénovation thermique bâtiment Carnot Cassini

2,5 (-1)

Construction bâtiment Palaiseau

9,5 (+0,3)

Autres rénovations

0,6 (-0,3)

Total

25,9 (-2,3)

Source : pôle ministériel

B.   Des ressources humaines stables

Après un schéma d’emplois négatif de 2017 à 2020 (-10 ETPT sous plafond à l’ENPC et -7 à l’ENTPE), les deux écoles connaissent une stabilisation de leurs effectifs. Les effectifs de l’ENPC évoluent ainsi depuis 2023 :

 

2022

2 023

2024

2025

Total tous emplois

497

489

510

511

Total emplois rémunérés par l’ENPC

473

465

510

511

Dont emplois sous plafond

307

309

311

311

Dont emplois hors plafond

166

156

199

200

Source : pôle ministériel

Le schéma d’emplois de l’ENPC est nul en 2025 et les emplois sous plafond sont stabilisés à 311, comme en loi de finances pour 2024. L’école bénéficiera tout juste d’un ETPT supplémentaire hors plafond, passant de 199 en 2024 à 200 en 2025.

Pour l’ENTPE, les effectifs ont évolué comme indiqué dans le tableau suivant :

 

2022

2023

2024

2025

Total tous emplois

221

235

220

235

Total emplois rémunérés par l’ENTPE

187

206

220

235

Dont emplois sous plafond

158

167

185

185

Dont emplois hors plafond

29

39

35

50

Source : pôle ministériel

Le nombre d’emplois sous plafond est également stable après deux années de hausse très modérée (+ 2 ETPT) après correction des transferts issus de l’ENTE. Hors plafond, le nombre d’emplois progressera de plus de 40 %, de 35 à 50, sous forme de contrats à durée déterminée, pour développer les ressources propres.

En-deçà d’un taux d’encadrement des élèves par le corps enseignant et administratif, l’excellence académique des deux écoles ne pourra plus être assurée. L’ENPC indique d’ailleurs qu’elle a uniquement fait reposer la hausse incrémentale du nombre d’élèves depuis quelques années sur l’accroissement de la taille des classes mais que cette logique est parvenue à son terme et qu’à moins de réduire la maquette pédagogique, elle ne peut pas recruter plus d’élèves. Elle estime ses besoins à plus de 900 000 euros de SCSP supplémentaires afin de former 40 à 50 ingénieurs de plus par an comme évoqué dans le contrat d’objectif et de performance 2022-2026. Quant à l’ENTPE, la hausse envisagée de 13 % de ses effectifs étudiants à l’horizon 2027 nécessite près de 700 000 euros de SCSP en plus, bien loin de la stabilisation à laquelle procède le PLF pour 2025.

  1.   Un renoncement gouvernemental À une politique de formation des cadres de la transition Écologique

1.   Des écoles peu accompagnées pour former aux enjeux de la transition écologique

En plus de l’enjeu de massification de la formation d’ingénieurs face aux besoins croissants de recrutement, il est primordial que ces ingénieurs soient formés spécifiquement aux enjeux environnementaux, comme l’a souligné le rapport de Jean Jouzel à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche en février 2022.

D’une part, cette sensibilité est nécessaire pour améliorer les projets d’ingénierie civile. D’autre part, les métiers de l’écologie souffrent aujourd’hui de difficultés d’attractivité, notamment salariale, ce qui en fait les premières victimes du déficit d’ingénieurs. Une plus grande attention dans leurs études à ces sujets peut contribuer à orienter plus d’étudiants vers les filières vertes.

L’ENPC et l’ENTPE ont placé l’environnement au cœur de leur identité et de leurs maquettes pédagogiques. Les directions développent un discours nouveau pour l’ingénierie verte qui est à saluer. L’ENTPE était déjà chargée de former les ingénieurs des anciennes directions départementales de l’équipement et a une forte fibre environnementale. Elle a, depuis deux ans, lancé un « cycle transitions » étudiant, à travers plus de 200 heures de formations, les aspects systémiques des enjeux environnementaux et, en 2023, a créé un bachelor « transition écologique et territoires ». L’ENPC a, en outre, signé avec le ministère un contrat d’objectifs et de performance pour accompagner la décarbonation de l’économie et organise désormais une journée de présentation des métiers du pôle ministériel.

2.   Une absence de vision pour l’avenir

Votre rapporteure pour avis regrette que l’État partage une vision anachronique de l’ingénierie. La loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte prévoit bien d’augmenter de 2 000 unités les effectifs d’étudiants dans les écoles sous la tutelle du ministère de l’économie – ce dont se réjouit votre rapporteure pour avis – mais rien pour les écoles sous tutelle du ministère de la transition écologique. Le maître mot de l’industrie verte est donc « industrie » plus que « verte ».

Non seulement l’ENPC et l’ENTPE n’ont pas de perspectives de développement mais elles n’ont aucune visibilité sur leur avenir. Tandis que les projets annuels de performance doivent désormais présenter les montants de crédits envisagés sur trois ans, il est regrettable que les écoles ne bénéficient d’aucune vision pluriannuelle de leur budget, alors que les formations qu’elles proposent sont pluriannuelles par essence et que toute stratégie d’accompagnement de la recherche nécessite de la visibilité. Si l’ENPC et l’ENTPE signent avec leur autorité de tutelle des contrats d’objectifs et de performance, il ne s’agit jamais de contrat d’objectifs, de moyens et de performance.


   Examen en commission

Après avoir auditionné Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques, le 16 octobre 2024, et M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports, le 22 octobre 2024, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » le mardi 22 octobre 2024 après-midi et soir et le mercredi 23 octobre 2024 matin et après-midi (voir le tome X de l’avis n° 486 : https://assnat.fr/XlYRCY).

À l’issue de cet examen, elle a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission.

 

*

*       *

 

 

 


   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(Par ordre chronologique)

École nationale des ponts-et-chaussées

M. Anthony Briant, directeur

M. Gilles Robin, directeur adjoint

École nationale des travaux publics de l’État

Mme Cécile Delolme, directrice

M. Xavier Olagne, directeur adjoint

Mme Anne Beaume, secrétaire générale

M. Eric Favier, directeur du budget et des finances

M. Sébastien Roy, agent comptable

Commission nationale du débat public

M. Marc Papinutti, président

Mme Ilaria Casillo, vice-présidente

M. Floran Augagneur, vice-président

M. Patrick Deronzier, directeur

Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires

M. Philippe Gabouleau, secrétaire général

M. Arnaud Beck, secrétaire général adjoint

Force ouvrière, Fédération équipement, environnement, transports, services

M. Laurent Janvier, secrétaire fédéral

Mme Malvina Caubère, secrétaire de la formation spécialisée santé, sécurité et conditions de travail (SSCT) ministérielle

M. François Maurice, secrétaire national du syndicat national des ingénieurs des travaux publics de l’État et des collectivités territoriales (SNITPECT)

Commission de régulation de l’énergie

M. Rachid Bouabane-Schmitt, secrétaire général

M. Alexis Vialle, directeur des ressources humaines

M. Aodren Munoz, chargé des relations institutionnelles

Secrétariat général du pôle ministériel

M. Vincent Moreau, directeur des affaires financières

M. Jacques Clément, directeur des ressources humaines

Confédération française démocratique du travail

M. Dominique Vincent, secrétaire fédéral de la fédération générale des transports et de l’environnement (FGTE-CFDT) et secrétaire général de l’Union fédérale de l’environnement, des territoires, des autoroutes et de la mer (UFETAM-CFDT)

M. Rémi Hutinet, membre du bureau national de l’UFETAM-CFDT

M. Éric Tavernier, membre du bureau national de l’UFETAM-CFDT