N° 486

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIème LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 octobre 2024.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324)

TOME VII

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

 

AFFAIRES MARITIMES

PAR M. Jimmy PAHUN

Député

——

 

 Voir les numéros : 324 et 468 (Tome III, annexe 15).


SOMMAIRE

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Pages

Introduction

premiÈre partie : un budget en baisse

I. le programme 205

A. L’action 1 « Surveillance et sÛRETÉ maritimes »

1. Surveillance du trafic maritime (8 millions d’euros en AE et 10,2 millions d’euros en CP)

2. Signalisation maritime (15,2 millions d’euros en AE et 12,9 millions d’euros en CP)

3. Système d’information « Surveillance maritime » (1,8 million d’euros en AE et 1,8 million d’euros en CP)

4. Capitainerie des ports (275 000 euros en AE et CP)

B. L’action 2 « Emplois et formations maritimes »

1. Financement de la formation initiale des marins

a. Subvention à l’ENSM

b. Lycées professionnels maritimes et autres centres de formation

2. Aide et protection du monde maritime

C. L’action 3 « Innovation et flotte de commerce »

D. L’action 4 « Action interministÉrielle de la mer »

E. L’action 5 « Soutien et systÈmes d’information »

F. L’action 7 « Pêche et aquaculture »

G. L’action 8 « Planification et Économie bleue »

II. L’action 43 DU programme 203

DeuxiÈme partie : bilan de la fermeture spatio-temporelle des zones de pêche du golfe de gascogne et ses perspectives

I. Pourquoi une telle mesure de fermeture spatio-temporelle ?

A. Le golfe de gascogne, une zone maritime À fortS enjeux, environnementaux et Économiques

1. Un état de conservation défavorable de la population de petits cétacés du golfe de Gascogne

2. Un secteur de la pêche sous tension fragilisé par des crises successives

B. Les actions de protection des cÉtacÉs engagées par la France dans le golfe de gascogne sont contestées tant pour leur efficacité que pour leur légitimité

1. La France est soumise à une obligation de moyens en matière de protection des espèces protégées

a. Au titre du droit de l’Union européenne

b. Au titre du droit interne

2. Le déploiement de dispositifs de prévention des captures accidentelles et de contrôle en mer n’offre pas de résultats encore satisfaisants

3. La décision de fermeture temporaire hivernale des zones de pêche du golfe de Gascogne est une mesure d’urgence prévue en droit et l’aboutissement d’une procédure contentieuse

II. Les conséquences socio-Économiques de la fermeture sur le secteur de la pêche dans le golfe de gascogne

A. quelles ont été les conséquences directes sur l’activité pêche et sur les pêcheurs ?

1. Le bilan du nombre de navires restés à quai

2. Le bilan de l’impact sur le chiffre d’affaires des entreprises de pêche concernées

3. La reprise de l’activité de pêche suite au mois de fermeture

B. quelles ont été les conséquences de la fermeture sur les filières aval ?

1. Les halles à marée

2. Le mareyage

3. Les entreprises de l’économie portuaire

4. Les autres conséquences sur la filière des produits de la mer

C. le bilan des mesures d’indemnisation mises en place par l’état

1. Bilan de l’indemnisation des entreprises de pêche

2. Bilan de l’indemnisation des entreprises de mareyage

III. Le bilan environnemental de la mesure de fermeture

A. le suivi de la mesure

B. le Bilan sur les échouages de cétacés

C. Quelles Perspectives pour les années à venir ?

Examen en commission

liste des personnes auditionnÉes

 


   Introduction

Votre rapporteur pour avis a souhaité s’intéresser à la fermeture, cet hiver, du golfe de Gascogne en dressant un premier bilan de la mesure, tant sur le plan environnemental que sur le plan économique et social. Votre rapporteur pour avis a également voulu comprendre les raisons qui ont amené le juge administratif à ordonner cette décision de fermeture ; les raisons donc de l’insuffisance de la politique de lutte contre les captures accidentelles de cétacés et, notamment, de l’échec du dialogue entre le monde de la pêche et celui de la science.

Cette problématique ne peut être étudiée isolément des autres défis auxquels fait face le secteur de la pêche en France. La pêche française va de crises en crises. Les pêcheurs ont ainsi le sentiment de subir ces aléas économiques et les exigences nouvelles liées à la protection de la biodiversité et à la lutte contre le changement climatique.

Ce dont la pêche française a besoin, c’est d’une vision à long terme, d’un projet d’avenir, d’une refonte globale qui lui permette de perdurer et même de prospérer dans un monde en constante mutation. Ce dont elle n’a pas besoin, ce sont des discours qui la souhaitent figée dans ses pratiques, qui survalorisent ses habitudes récentes, et qui l’imaginent en forteresse assiégée. Bien accompagnés, tant par leurs instances représentatives que par les pouvoirs publics, les pêcheurs sauront s’adapter au monde de demain.

La fermeture du golfe de Gascogne à la pêche du 22 janvier au 20 février 2024, en quelques chiffres, ce sont :

● 338 navires restés à quai, soit 30 % des navires en activité dans le Golfe, pour moitié des fileyeurs ;

● 22,4 millions d’euros de perte de chiffre d’affaires pour les pêcheurs, selon le Comité national des pêches ;

● - 24 % en janvier et - 47 % en février de quantités débarquées par rapport à 2023. Un rebond aux mois de mars et avril qui demeure toutefois moindre ;

● - 1 200 tonnes de volume à la criée de Lorient, soit 350 000 euros de pertes pour 25 navires arrêtés sur 100 ;

● + 5% de hausse en volume des importations ;

● + 15 % de hausse des prix en Bretagne.

● 288 entreprises de pêche indemnisées pour un total de 16,3 millions d’euros, soit 56 000 euros perçus en moyenne par entreprise ;

● Diminution d’un facteur de 5 entre décembre 2023 et mars 2024 du nombre d’échouages, pour s’élever à près de 1 400 échouages de petits cétacés.
 

De ce premier bilan, votre rapporteur pour avis tire plusieurs enseignements. D’abord, il faut rétablir les conditions du dialogue et de la confiance entre pêcheurs, ONG et scientifiques pour assumer une politique proactive et quitter le terrain judiciaire qui ne fait qu’accroître l’incompréhension et les tensions. Il faut ensuite continuer à tester les alternatives à la fermeture, comme la généralisation de « pingers ». Il faut enfin produire une évaluation exhaustive des effets économiques, directs et indirects, de la mesure sur l’ensemble de la filière afin d’objectiver les conséquences sur l’ensemble de l’année civile.


   premiÈre partie : un budget en baisse

I.   le programme 205

Le programme 205 permet de financer des actions relatives à la politique de sécurité et de sûreté maritimes civiles (actions 1 et 4), à la régulation sociale de l’emploi maritime (formation, hygiène, santé, conditions de travail), qui est au cœur de l’action préventive en matière de sécurité maritime (action 2), au soutien à la qualité et au développement du pavillon français (action 3), à la participation à la protection de l’environnement marin et littoral (action 4), à la mise en œuvre de la politique des pêches maritimes et de l’aquaculture (action 7) ainsi qu’à des politiques transversales (action 8).

Les crédits du programme 205 pour l’année 2025 sont en baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, en particulier en autorisations d’engagement (AE) mais également en crédits de paiement (CP).

(En millions d’euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

AE

350

245

-30 %

CP

312

261

-16 %

Les principaux mouvements à la baisse des crédits s’expliquent par :

– la non-reconduction du dispositif de soutien aux entreprises d’armement maritime (SEAM) qui avait été mis en place pour trois ans, de 2022 à 2024. Les crédits ouverts en PLF pour 2025 sont destinés à couvrir uniquement des dépenses engagées au second semestre 2024 ;

–   la baisse des exonérations de charges patronales : en 2025, seuls les navires de transport de passagers bénéficieront de la totalité des exonérations des contributions patronales, les autres segments de la flotte bénéficieront de la seule exonération des cotisations patronales « vieillesse et prévoyance ».

– la suppression du Fonds d’intervention maritime (FIM) pour 2025.

A.   L’action 1 « Surveillance et sÛRETÉ maritimes »

Les crédits de l’action 1 représentent 13,5 % des crédits du programme 205.

(En millions d’euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

AE

40,8

33,2

-18,6 %

CP

36,2

33,1

-8,5 %

Ils sont en baisse par rapport à 2024. Cette baisse s’explique par :

– les investissements sur la surveillance du trafic maritime (CROSS) : 5 millions d’euros en AE, programmés en 2024 pour financer l’opération pluriannuelle de rénovation de la tour du Stiff à Ouessant, ne sont pas reconduits pour 2025. Une enveloppe de 2,5 millions d’euros en CP est néanmoins ouverte pour 2025 pour couvrir les paiements afférents ;

– l’enveloppe de subvention allouée à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) : le montant de la subvention est revu à la baisse pour 2025 passant de 10,5 millions d’euros en 2024 à 7,85 millions d’euros programmés pour 2025. Les ressources de la SNSM seront toutefois complétées par des ressources affectées notamment une fraction de la taxe annuelle sur les engins maritimes à usage personnel et de la taxe sur les éoliennes maritimes.

Le budget de l’action 1 permet à la France d’exercer trois types de missions :

– en tant qu’État du pavillon, garantir le respect des normes internationales requises à bord des navires battant pavillon français ;

– en tant qu’État du port, contrôler les navires de commerce étrangers faisant escale dans ses ports ;

– en tant qu’État côtier, assurer l’organisation et la coordination de la recherche et du sauvetage maritimes le long des côtes françaises ainsi que la sécurisation des routes et des accès portuaires.

Cette dernière mission recouvre : l’organisation et la coordination de la recherche et du sauvetage maritime ; la surveillance de la circulation maritime dans les zones de séparation de trafic ; l’information des capitaines, patrons et skippers sur l’environnement et la situation nautique ; la sécurisation des routes et des accès portuaires avec le balisage maritime.

1.   Surveillance du trafic maritime (8 millions d’euros en AE et 10,2 millions d’euros en CP)

La surveillance du trafic maritime, qui recouvre essentiellement le financement des sept CROSS de métropole et d’outre-mer ainsi que des deux centres spécialisés du Pacifique, reçoit 4,6 millions d’euros en crédits de fonctionnement pour 2025. Ces crédits financent le maintien en état opérationnel du réseau public des quatre-vingts sites opérés par les CROSS. Dans le cadre du projet « CROSS Nouvelle génération », une expérimentation sera lancée en 2025 pour réorganiser la restauration des CROSS avec une enveloppe spécifique de 500 000 euros.

Les crédits d’investissement sont en baisse en 2025 pour les AE comme mentionné ci-dessus. Ces crédits servent principalement à financer la rénovation de la tour radar du Stiff sur l’île d’Ouessant qui constitue l’unique moyen de surveillance et de communication au large de la pointe du Finistère pour garantir la sécurité de la navigation.

2.   Signalisation maritime (15,2 millions d’euros en AE et 12,9 millions d’euros en CP)

L’essentiel des crédits consacrés à la signalisation maritime finance le service d’armement des phares et balises (APB) qui assure l’ensemble des opérations de transport et de manutention pour les établissements de signalisation maritime (ESM) en mer.

Les crédits de fonctionnement financent notamment le maintien en conditions opérationnelles des 6 100 établissements de signalisation maritime ainsi que la formation des agents. Il s’agit également dans certains cas précis d’opérations patrimoniales sur les phares et maisons feux, notamment les grands phares du littoral, pour assurer leur préservation, leur transfert et leur reconversion. En 2025, une enveloppe de 1 million d’euros en AE et CP sera consacrée à la poursuite du remplacement des soubassements à mercure des phares par des systèmes innovants.

Les crédits d’investissement financent les travaux de « gros entretien », par exemple le carénage et la rénovation des motorisations. Dans le cadre du plan de modernisation des affaires maritimes, un volet important est consacré au renouvellement des moyens nautiques de l’APB, comme par exemple le remplacement de dix‑sept unités par neuf navires polyvalents, plus performants sur les plans technique et environnemental. En 2025, les opérations de renouvellement de la flotte des affaires maritimes se poursuivront avec le renouvellement d’un nouveau baliseur côtier (Saint-Malo – Granville) à hauteur de 5,6 millions d’euros.

3.   Système d’information « Surveillance maritime » (1,8 million d’euros en AE et 1,8 million d’euros en CP)

0,78 million euros de crédits de fonctionnement sont destinés à assurer le maintien en conditions opérationnelles des systèmes d’information relatifs à la surveillance maritime, au suivi des matières dangereuses et à l’échange de données avec d’autres États.

Près de 1 million d’euros de crédits d’investissement sont consacrés à la mise en place du guichet unique maritime et portuaire (GUMP) laquelle est un chantier majeur de simplification administrative afin d’améliorer la compétitivité des ports et l’efficience du transport maritime. Les travaux de conception et de développement du GUMP, qui a vocation à être l’interface entre le navire et le port pour l’accomplissement des obligations déclaratives d’entrée et de sortie du port, se poursuivront en 2025.

4.   Capitainerie des ports (275 000 euros en AE et CP)

Avec la création en 2022 de la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA), l’organisation et le fonctionnement des capitaineries ont fait l’objet d’un transfert au profit de cette nouvelle direction. Les vingt-huit capitaineries concernées perçoivent 275 000 euros de crédits de fonctionnement « métiers » pour financer leurs 177 agents en charge des missions de sécurité et de police portuaire.

B.   L’action 2 « Emplois et formations maritimes »

Les crédits de l’action 2 représentent 14,5 % des crédits du programme 205 et leurs montants sont relativement stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, comme l’illustre le tableau ci-dessous :

(En millions d’euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

AE

35

35,5

+ 2,5 %

CP

36,5

37

+1,3 %

Ils assurent le financement de la formation initiale des marins dispensée dans les douze lycées professionnels maritimes (LPM), dans les centres agréés en outre-mer et à l’École nationale supérieure maritime (ENSM). Ils financent aussi une action sociale et médicale en faveur des marins et futurs marins.

1.   Financement de la formation initiale des marins

a.   Subvention à l’ENSM

L’ENSM, unique opérateur du programme, reçoit une subvention pour charges de service public (SCSP) de 25,24 millions d’euros, revalorisée de 190 000 euros par rapport à 2024, destinée essentiellement au financement de la masse salariale.

En sus de cette subvention, l’ENSM bénéficie d’une subvention d’investissement de 0,5 million d’euros en AE et de 2 millions d’euros en CP pour atteindre l’objectif de doublement du nombre d’officiers de la marine marchande fixé lors du Fontenoy du maritime.

b.   Lycées professionnels maritimes et autres centres de formation

Les douze lycées professionnels maritimes reçoivent une subvention de 5,3 millions d’euros, soit une hausse de 450 000 euros par rapport à 2024, pour assurer le face-à-face pédagogique et le financement de la mise en œuvre des stages professionnels destinés aux élèves et rendus obligatoires pour assurer la sécurité à bord des navires.

En complément de cette subvention, 1 million d’euros de crédits servira à nouveau en 2025 à financer la gratification des périodes de stage mise en place dans le cadre de la réforme des lycées professionnels.

Une aide aux élèves des LPM est également prévue à hauteur de 0,85 million d’euros pour financer les bourses qui leur sont attribuées dont la proportion dépasse régulièrement les 50 % dans l’enseignement maritime secondaire, contre environ 36 % dans les établissements d’enseignement dépendant du ministère de l’Éducation nationale.

2.   Aide et protection du monde maritime

Une part des crédits de l’action 2, à hauteur de 1,6 million d’euros en AE et en CP, est consacrée au financement du service de santé des gens de mer, qui assure la médecine de santé au travail des marins et qui a la responsabilité de délivrer les certificats d’aptitude pour embarquer ainsi qu’à celui du centre de consultations médicales maritimes (CCMM). Le CCMM permet de mettre à disposition un service permanent et gratuit pour les navigants, de consultations et d’assistance télé-médicales pour tout navire en mer.

L’action 2 assure aussi le soutien financier aux dispositifs d’aide pour les marins sans emploi.

C.   L’action 3 « Innovation et flotte de commerce »

Les crédits de l’action 3 représentent 33 % des crédits du programme 205.

Ils sont en baisse de 20 % dans le projet de loi de finances pour 2025, comme l’illustre le tableau ci-dessous :

(En millions d’euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

AE

105,3

80,7

-20 %

CP

105,3

80,7

- 20 %

Cette baisse de crédits s’explique par :

– une baisse des crédits consacrés aux dispositifs d’exonération de charges « prévoyance-vieillesse », « allocations familiales » et « cotisations chômage » (cf. voir ci-dessous)

– la budgétisation d’un seul semestre du dispositif de soutien aux entreprises d’armement maritime contre deux semestres en loi de finances initiale pour 2024 (cf. ci-dessous).

Les crédits de l’action 3 servent en effet à financer :

– la contribution de l’État à la prise en charge des pensions et retraites de la Compagnie générale maritime et financière (CGMF). Ces crédits baissent chaque année du fait de la diminution progressive du nombre des ayants droit puisque ce régime n’admet plus de nouveaux pensionnaires ;

– le dispositif de soutien à la flotte via des exonérations de cotisations patronales et le remboursement de cotisations salariales pour les entreprises employant des gens de mer affiliés à l’Établissement national des invalides de la marine (ENIM). À partir de 2025, seuls les navires de transport de passagers bénéficieront de la totalité des exonérations, les autres segments de la flotte bénéficiant de la seule exonération des cotisations « prévoyance – vieillesse » ;

– le dispositif de soutien aux entreprises d’armement maritime (SEAM) ([1]) effectuant du transport international de passagers mis en place pour trois ans de 2022 à 2024. Selon le programme annuel de performance (PAP) pour 2025, « ce dispositif, dont les versements se font à terme échu, ne sera pas reconduit au-delà du 31 décembre 2024. Les crédits inscrits en PLF pour 2025 sont destinés à couvrir uniquement les dépenses engagées au second semestre 2024. »

– depuis 2023, le contrôle des navires au titre de l’État du port (auparavant porté par l’action 1) doté de 1,1 million d’euros alloués aux centres de sécurité des navires (CSN) chargés d’inspecter les navires et de contrôler leur conformité à la réglementation en vigueur.

D.   L’action 4 « Action interministÉrielle de la mer »

Les crédits de l’action 4 représentent 5,7 % des crédits du programme 205 et sont en forte baisse pour les autorisations d’engagements et en légère hausse pour les crédits de paiement dans le PLF pour 2025 par rapport à la LFI pour 2024, comme l’illustre le tableau ci-dessous :

(En millions d’euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

AE

38,9

13,9

- 64 %

CP

18,3

23,3

+27 %

La baisse des autorisations d’engagement s’explique par la budgétisation en LFI pour 2024 de 25 millions d’euros pour le patrouilleur des affaires maritimes, non reconduite dans le PLF pour 2025. La hausse des crédits de paiement s’explique par une budgétisation de 10 millions d’euros pour couvrir les paiements 2025 du nouveau patrouilleur hauturier des affaires maritimes financé en 2024 et destiné à remplacer le patrouilleur des affaires maritimes (PAM) IRIS désormais obsolète.

Les crédits de cette action servent à financer l’action civile de l’État en mer (AEM). Les quarante-cinq missions assignées à l’AEM sont prises en charge par une dizaine de ministères. Le ministre chargé de la mer participe à plus de quarante missions et en coordonne une quinzaine. Dans ce cadre, les services des affaires maritimes mettent en œuvre les politiques relatives :

– au contrôle et à la surveillance des affaires maritimes : les affaires maritimes sont habilitées au titre des polices spéciales en mer ;

– au contrôle de l’environnement marin ;

– au contrôle et à la surveillance des pêches maritimes : depuis ces dernières années avec la montée en puissance de l’Agence européenne de contrôle des pêches (AECP) et compte tenu des exigences européennes de plus en plus importantes, la mission de contrôle des pêches s’est renforcée.

Dispositif de contrôle et de surveillance des affaires maritimes (DCS) ([2])
(9,3 millions d’euros en AE et 19,3 millions d’euros en CP)

Les personnels et unités du DCS sont des acteurs indispensables du contrôle des pêches en particulier pour la mise en œuvre des plans de contrôle conjoint européens (par exemple pour le cabillaud ou le thon rouge) sous l’égide de l’AECP.

Le dispositif de contrôle et de surveillance s’articule autour :

– d’un dispositif hauturier composé à partir de 2022 de cinq patrouilleurs dont un basé à La Réunion pour surveiller les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) ;

– d’un réseau d’unités littorales des affaires maritimes qui participent au contrôle des activités maritimes côtières.

L’ensemble des contrôles est organisé par ciblage grâce à deux centres opérationnels : le centre national de surveillance des pêches (CNSP) et le centre d’appui au contrôle de l’environnement marin (CACEM).

E.   L’action 5 « Soutien et systÈmes d’information »

Les crédits de l’action 5 représentent 5,5 % du programme 205 et sont en légère hausse dans le projet de loi de finances pour 2025 comme l’illustre le tableau ci‑dessous :

(En millions d’euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

AE

11

13,5

+  23 %

CP

11,6

14

+ 20 %

Ces crédits comprennent essentiellement le budget relatif au fonctionnement de l’administration centrale et des services déconcentrés. À noter qu’une enveloppe de 0,6 million d’euros est prévue pour financer l’organisation de manifestations liées à l’Année de la Mer et qui s’inscrivent dans le cadre de la Conférence sur les Océans des Nations Unies (UNOC) qui se tiendra à Nice en juin 2025.

Ils comprennent également des crédits pour les systèmes d’information. L’action participe au financement de la démarche de transformation numérique entamée en 2021. Celle-ci vise notamment à transformer les relations avec les usagers internes et externes grâce à la mise en place de l’espace numérique maritime.

Cette action porte également la dotation budgétaire du Bureau d’enquêtes sur les évènements en mer (BEA-mer), auparavant portés par l’action 1. Il s’agit d’un service à compétence nationale placé auprès de l’Inspecteur général des affaires maritimes. Ce service doit rechercher et déterminer les causes techniques des accidents, afin d’en tirer les enseignements pour l’amélioration de la sécurité maritime.

F.   L’action 7 « Pêche et aquaculture »

L’action 7, qui apparaît pour la troisième fois dans le programme 205, représente 26,6 % des crédits. Ces crédits sont en nette baisse par rapport à la LFI pour 2024 :

(En millions d’euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

AE

87,9

65, 3

- 25 %

CP

84,6

59

+ 30 %

Selon les données du ministère, cette évolution des crédits s’explique par des mouvements à la baisse :

– de la contribution de l’État à la caisse de garantie contre les intempéries et avaries (CGIA) de 2,5 millions d’euros, soit 3 millions d’euros programmés pour 2025 contre 5,5 millions d’euros en LFI pour 2024. Cette enveloppe de 3 millions d’euros correspond à l’exécution constatée en 2022 et 2023.

Votre rapporteur pour avis tient à souligner l’importance du maintien de cette caisse pour les marins-pêcheurs. Ce système de garanties financières, ouvert à tous les marins salariés embarqués à bord d’un navire de pêche, fonctionne de la manière suivante : si un marin décide de cotiser à la caisse, l’État verse en contrepartie une aide d’un montant équivalent au montant de la cotisation payée par l’adhérent, dans la limite d’un forfait maximal équivalent à 40 jours de navigation. Une indemnité est versée aux pêcheurs en cas d’intempéries les empêchant de sortir en mer afin d’éviter que les marins prennent des risques pour exercer leur métier en cas de mauvais temps.

– des aides de crise de la filière pêche programmées à hauteur de 10 millions d’euros pour 2025 contre 37,4 millions d’euros en LFI pour 2024.

Il est à souligner une augmentation de 1 million d’euros de la subvention pour charges de service public (SCSP) attribuée à l’Ifremer pour 2025, soit un total de 3,4 millions d’euros contre 2,4 millions d’euros en LFI pour 2024.

Les crédits de l’action 7 financent l’acquisition de connaissances scientifiques et de données qui conditionnent la mise en œuvre de la politique commune de la pêche (PCP) ainsi que les moyens spécifiques au contrôle des pêches, en particulier en matière de systèmes d’information.

 5,6 millions d’euros de crédits de fonctionnement en AE et CP sont consacrés à assurer le suivi des ressources halieutiques dans les conditions exigées par la règlementation européenne par la collecte de données et les expertises scientifiques. Cette ligne de dépense porte la subvention pour charges de service public versée à l’Ifremer de 3,4 millions d’euros ;

Même si l’essentiel de la dotation de l’Ifremer ne relève pas du programme 205 mais de la mission « Recherche et enseignement supérieur », votre rapporteur pour avis tient à souligner l’importance de l’expertise de l’Ifremer pour la France, notamment pour maintenir sa position stratégique dans les négociations européennes sur les quotas grâce aux données fiables et reconnues de l’Ifremer. Pour cela, il est essentiel de maintenir la dotation et les moyens financiers et humains de l’institut afin notamment de lui permettre de poursuivre son activité de conseil scientifique auprès de la DGAMPA.

– 7,8 millions d’euros de crédits financent le pilotage du contrôle des pêches par la DGAMPA, notamment les systèmes d’information de gestion des pêches et de l’aquaculture pour répondre aux obligations règlementaires en matière de connaissance et de suivi des stocks halieutiques.

– 16 millions d’euros de crédits d’intervention en AE et CP servent à financer les études scientifiques et à assurer la collecte de données avec l’appui de l’Ifremer. Ces études sont régies par des conventions entre l’État et Ifremer permettant à la France de s’appuyer sur des données scientifiques actualisées et une connaissance approfondie du milieu, afin de mener les négociations au niveau européen. Ces crédits permettront également le financement des dispositifs d’accompagnement de la filière pêche liés à la fermeture hivernale du golfe de Gascogne dans le cadre du « plan cétacés ».

G.   L’action 8 « Planification et Économie bleue »

L’action 8 représente 1,2 % du programme 205. Elle est dotée de 2,86 millions d’euros en AE, contre 31,2 millions d’euros en LFI pour 2024, et de 13,5 millions d’euros en CP, contre 19,6 millions d’euros en LFI pour 2024, soit des crédits en baisse par rapport à la LFI pour 2024.

Les crédits de l’action 8 sont en nette diminution en raison de :

– la non-reconduction du fonds d’intervention maritime (FIM) en 2025. Pour rappel, 16 millions d’euros, en AE et en CP, avaient été attribués au FIM en LFI pour 2024 ;

– l’absence d’AE complémentaires pour le « Plan tourisme » dont les engagements se sont terminés en 2024. Ce plan avait bénéficié de 11,5 millions d’euros d’AE en LFI pour 2024.

L’essentiel des crédits est consacré à la sous-action « Plaisance et littoral » qui est dotée de 1,9 million d’euros en AE et de 6,5 millions d’euros en CP. Les crédits servent notamment au financement de l’observatoire des ports de plaisance, du site du guichet unique fiscalité plaisance de Saint-Malo ou encore à la poursuite de la modernisation du système d’immatriculation des navires dans le cadre du portail « démarches plaisance ». Six millions d’euros de CP de dépenses d’intervention couvriront les engagements passés du FIM.

II.   L’action 43 DU programme 203

Si la plus grande partie du programme 203 n’entre pas dans le périmètre du présent avis car ce programme est surtout consacré aux infrastructures ferroviaires, routières et aéroportuaires, il convient toutefois d’évoquer ici les crédits de l’action 43, seule action relative aux ports, qui représentent 1,9 % des crédits du programme.

Les crédits programmés pour 2025 sont stables par rapport à la LFI pour 2024 avec 92,4 millions d’euros en AE et CP.

L’essentiel des crédits de cette action sert à financer l’entretien des accès et des ouvrages d’accès des grands ports maritimes notamment les opérations de dragage. L’augmentation de la dotation à partir de 2019 a permis de répondre au sous-financement chronique des opérations de dragage des grands ports maritimes (GPM) qui sont déterminantes pour la capacité d’attractivité et de compétitivité des GPM.

Votre rapporteur pour avis tient à souligner la poursuite de l’effort d’investissement de l’État dans le cadre de la stratégie nationale portuaire adoptée en 2021, en faveur notamment de l’électrification à quai dans les ports qui participe à l’atteinte de l’objectif de décarbonation des transports maritimes. Votre rapporteur pour avis se félicite des réalisations concrètes qu’ont permis ces investissements, notamment pour le port de Marseille-Fos. Marseille est ainsi devenu le premier port connecté en Europe en ayant atteint l’objectif de 100 % d’électrification à quai pour les ferrys. L’objectif pour le port de Marseille-Fos est d’être le premier port 100 % électrique d’ici 2028. Pour rappel, un navire branché à quai n’émet plus de particules fines et réduit d’un quart ses émissions de CO2 selon les données de la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM).


   DeuxiÈme partie :
bilan de la fermeture spatio-temporelle des zones
de pêche du golfe de gascogne et ses perspectives

I.   Pourquoi une telle mesure de fermeture spatio-temporelle ?

Alors que le nombre de décès de petits cétacés par captures accidentelles liées aux activités de pêche ne cesse d’augmenter chaque hiver depuis 2016 dans le golfe de Gascogne et que le secteur de la pêche fait face à une succession de crises fragilisant la filière, l’enjeu dans cette zone maritime est de parvenir à concilier et à faire cohabiter les deux ambitions suivantes :

– assurer une gestion durable des activités de pêche pour maintenir l’équilibre socio-économique de la filière pêche française ;

– préserver le milieu marin, en particulier la population de petits cétacés, des conséquences des activités de pêche.

A.   Le golfe de gascogne, une zone maritime À fortS enjeux, environnementaux et Économiques

Le golfe de Gascogne couvre une superficie de plus de 220 000 km2. La zone commence au nord de la péninsule ibérique et longe l’ouest de la France jusqu’à la pointe de la Bretagne.

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Source : Conseil international pour l’exploitation de la mer

Selon l’observatoire Pelagis et le CNRS, auditionnés par votre rapporteur pour avis, cette zone maritime présente la plus grande variété de cétacés au monde ainsi que la plus forte abondance de ressources halieutiques des eaux européennes.

La richesse de l’écosystème du Golfe de Gascogne en fait une zone à forts enjeux stratégiques tant du point de vue de la préservation de l’environnement et de la biodiversité que du point de vue de la gestion des activités de pêche.

Cette zone maritime est emblématique de la rencontre et de la cohabitation de deux réalités :

– un écosystème marin unique au monde mais fragile et fragilisé, notamment du fait des activités humaines ;

– des ressources halieutiques abondantes, indispensables à la santé économique de la filière de la pêche française.

1.   Un état de conservation défavorable de la population de petits cétacés du golfe de Gascogne

Le golfe de Gascogne regroupe trois espèces protégées de petits cétacés : le dauphin commun, qui est l’espèce la plus abondante, le grand dauphin et le marsouin commun.

  1.   Recueillir des données sur la population de cétacés et son état de conservation
    1.   De la difficulté à estimer la population de cétacés dans le golfe de Gascogne

Comme le souligne la Fondation Nature Environnement (FNE), auditionnée par votre rapporteur pour avis, le golfe de Gascogne étant un espace maritime ouvert, il est structurellement très difficile de calculer le nombre de cétacés présents car ces derniers y entrent et en sortent en permanence. Pour ce faire, l’abondance de cétacés dans le golfe de Gascogne est estimée sur la base de campagnes de survol aérien ou d’observation à bord de navires. Le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) ([3]), dans son avis rendu le 26 mai 2020, estime ainsi la population de dauphins communs aux alentours de 630 000 individus dans le golfe de Gascogne.

Toujours selon le CIEM, si la densité de dauphins observés ne montre pas de signes d’une diminution du nombre d’individus, leur espérance de vie est en baisse. L’Observatoire Pelagis, auditionné par votre rapporteur pour avis, relève également que la taille des cétacés observés dans le Golfe de Gascogne est de plus en plus petite. Cette réduction de la taille des cétacés pourrait indiquer un changement de la structure démographique de la population peu rassurante pour son bon état de conservation.

Une première difficulté que relève votre rapporteur pour avis est qu’en mer, les pêcheurs reportent régulièrement une présence de plus en plus importante de dauphins communs dans les zones qu’ils fréquentent. Si cette donnée observable peut être liée à un changement de distribution géographique des dauphins davantage qu’à une augmentation de la population, elle rend plus difficilement acceptable toute mesure coercitive visant à protéger ces mêmes dauphins.

  1.   De la difficulté à estimer le taux de mortalité des cétacés résultant de captures accidentelles

Selon l’inventaire national du patrimoine naturel, les trois espèces de cétacés que l’on retrouve dans le golfe de Gascogne, à savoir le grand dauphin, le dauphin commun et le marsouin commun, sont dans un état de conservation défavorable, le dauphin commun et le marsouin commun faisant même face à un danger sérieux d’extinction, au moins régionalement.

Parmi les facteurs à l’origine du mauvais état de conservation de la population de cétacés, le CIEM pointe la hausse du nombre de captures accidentelles de cétacés dans le golfe de Gascogne qui est passé de 4 000 à 9 000 individus capturés par an en moyenne depuis 2016. Toujours selon le CIEM, ces niveaux de capture seraient actuellement supérieurs à la limite du prélèvement biologique potentiel (PBR) entendu comme le niveau maximal de captures accidentelles au-delà duquel la population risque de ne pas atteindre les objectifs de conservation.

S’il existe plusieurs méthodes pour estimer le taux de mortalité lié aux captures accidentelles, l’appréhension de ce phénomène reste un exercice délicat à plusieurs titres. Les estimations disponibles procèdent par extrapolation à partir des échouages recensés par le Réseau national Échouages (RNE) ([4]). Or les causes des échouages de cétacés sur le littoral sont multiples. Elles peuvent être liées à des causes naturelles, à des causées pathologiques, à une capture accidentelle ou d’autres causes anthropiques. Par ailleurs, les échouages dépendent de divers paramètres, en particulier des conditions météorologiques qui peuvent favoriser l’éloignement des carcasses de cétacés vers le large par conditions de vent de terre par exemple.

La méthode dite par « dérive inverse » développée par l’Observatoire Pelagis qui permet d’estimer les mortalités en mer à partir des échouages ainsi que les zones de mortalité ([5]) est fortement contestée par certains professionnels de la pêche, en particulier par l’Union française des pêcheurs artisans (UFPA), qui remettent en question sa rigueur scientifique ([6]).

Un enjeu de connaissances des interactions entre cétacés et engins de pêche

Comme le souligne la rapporteure publique du Conseil d’État, Mme Marie-Gabrielle Merloz, dans ses conclusions du 24 février 2023 : « La principale difficulté vient de ce que les données disponibles sont lacunaires et imprécises et ne portent pas toujours sur les mêmes zones ou la même population. » Le CIEM reconnaît également, dans son avis du 26 mai 2020, qu’il se « heurte à des niveaux élevés d’incertitude, qu’il s’agisse de la connaissance du niveau de cette population, de sa distribution ou de l’ampleur et l’origine des captures accidentelles.

La difficulté à obtenir des données et informations à la fois exhaustives, fiables et consensuelles est l’un des principaux obstacles à la mise en œuvre de mesures de protection des cétacés efficaces et surtout acceptées par tous.

Votre rapporteur pour avis regrette que l’incertitude entourant les données disponibles alimente la méfiance à la fois sur le bien-fondé des mesures de protection prises pour préserver les populations de petits cétacés ainsi qu’à l’égard des pêcheurs et de leurs navires malgré leurs efforts pour empêcher les captures accidentelles.

Votre rapporteur pour avis plaide ainsi pour un maintien des moyens alloués à la collecte et au traitement des données disponibles afin de pouvoir établir un constat partagé et mener une action commune et concertée avec l’ensemble des parties prenantes : marins-pêcheurs, scientifiques, représentants d’ONG, observateurs, administration maritime…

À cet effet, il convient de poursuivre le projet Delmoges qui est un projet collaboratif porté par La Rochelle Université, le CNRS et l’Ifremer en partenariat avec le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) et avec le soutien des ministères chargés de l’environnement et de la pêche. Lancé en mars 2022 pour une durée de trois ans, ce projet vise à apporter de nouvelles connaissances sur les mécanismes à l’origine des captures accidentelles de dauphins communs dans le golfe de Gascogne.

Toutefois, comme le rappelle le Conseil d’État dans sa décision du 20 mars 2023 ([7]), « Si ne sont connus avec certitude ni le niveau de la population de petits cétacés dans leur aire de répartition naturelle de l’atlantique nord, ni le nombre exact de décès causés par des captures accidentelles dans le cadre des activités de pêche dans la zone du golfe de Gascogne, la mortalité causée par ces captures accidentelles est avérée et constitue (…) un facteur déterminant permettant de conclure à l’existence d’une menace grave pour la conservation des espèces de petits cétacés protégés. »

  1.   Un phénomène préoccupant de pic de surmortalité hivernal des cétacés par captures accidentelles
    1.   Un nombre de dauphins échoués en hausse chaque hiver

Depuis la fin des années 1980, un phénomène périodique de pic d’échouages de cétacés traduisant des surmortalités s’observe certains hivers sur le littoral de Gascogne. Jusqu’au milieu des années 2010, ces pics de surmortalité augmentaient sur une période pour ensuite retomber à des niveaux soutenables pour la population de cétacés.

Depuis 2016, le nombre d’échouages de petits cétacés sur les côtes du golfe de Gascogne a fortement augmenté, atteignant des niveaux jamais observés en quarante ans. Ces pics d’échouages surviennent majoritairement en hiver, entre les mois de décembre et de mars. La plupart des cétacés échoués morts sont des dauphins communs.

Source : données de l’Observatoire Pelagis

Selon l’Ifremer, les dauphins échoués présentent des traces de capture, à savoir des lésions externes et internes causées par des engins de pêche, dans environ 70 % des échouages et jusqu’à plus de 90 % lors de certains pics hivernaux.

D’après les données récoltées par les observateurs scientifiques à bord des navires, les captures accidentelles de cétacés ont lieu avec plusieurs types d’engins : des filets fixes calés au fond, des chaluts pélagiques tractés en pleine eau et des chaluts de fond à grande ouverture verticale.

Selon l’Observatoire Pelagis et le CNRS, les raisons de ce pic d’échouages en hiver sont multifactorielles :

– une modification de l’aire de distribution du dauphin commun avec un rapprochement vers la bande côtière. La population du dauphin commun se retrouverait ainsi dans des habitats se situant dans l’aire d’activité des pêcheurs côtiers augmentant le risque de capture accidentelle ;

– une modification des pratiques et captures de pêche : les données disponibles ne permettent cependant toujours pas une compréhension fine des circonstances et engins causant le plus de captures accidentelles.

2.   Un secteur de la pêche sous tension fragilisé par des crises successives

Selon les dernières données du Commissariat général au développement durable (CGDD), le secteur de la pêche maritime représente un chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros en 2020 et s’appuie sur 12 400 marins pêcheurs et 6 223 navires, dont 86 % ne dépassent pas 12 mètres. Parmi ces navires, 36 % se situent sur la façade atlantique. Les navires utilisant des engins de pêche actifs, tels que les dragues, chaluts et sennes, représentent 28 % de la flotte active et se trouvent principalement sur la façade atlantique.

Ces dernières années, le secteur de la pêche a dû faire face à une succession de crises qui ont fragilisé l’ensemble de la filière :

– Tout d’abord, l’annonce du Brexit suite au référendum de 2016 puis la conclusion de l’accord entre l’Union européenne et le Royaume-Uni le 24 décembre 2020 a profondément affecté la filière de la pêche française.

– En parallèle, la crise sanitaire liée au covid-19 n’a pas épargné le secteur de la pêche en mettant les navires à l’arrêt temporaire, emportant des conséquences sur toutes les filières aval telles que les criées, les mareyeurs, les transporteurs etc.

– À partir de 2022, la hausse du prix du carburant dans le contexte de la guerre en Ukraine a mis en difficulté la rentabilité de la filière, les navires de pêche étant de gros consommateurs de gasoil.

À ces crises conjoncturelles s’ajoutent par ailleurs des difficultés plus structurelles qui pèsent sur l’avenir de la filière : la baisse d’attractivité des métiers, le recul des volumes de vente ainsi que le moindre renouvellement de la flotte ([8]). Selon les données de la DGAMPA, alors que la France comptait plus de 9 000 navires au début des années 1990, en 2023, la flotte française était composée de 4 256 navires dans l’hexagone et 1 924 dans les départements et régions d’outre-mer (DROM).

Les aides conjoncturelles aux pêcheurs

La filière de la pêche et de l’aquaculture reçoit deux types d’aides :

– des aides structurelles à la transformation et à l’adaptation des filières aux différents défis qu’elles rencontrent, tels que l’adaptation au changement climatique, la gestion de la ressource, les contraintes énergétiques, qui sont principalement financées dans le cadre du Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (FEAMPA) ;

– des aides conjoncturelles pour aider les entreprises de pêche à faire face aux différentes crises conjoncturelles auxquelles elles font face. Ces aides sont financées sur des crédits nationaux ou européens.

Pour faire face à la crise sanitaire liée au covid-19, des mesures spécifiques ont été mises en œuvre pour le secteur de la pêche. Ce sont 30 millions d’euros d’aides publiques qui ont été mobilisées et déclinées en aides à l’arrêt temporaire des navires à hauteur de 20 millions d’euros, en aides au stockage pour 745 000 euros et, pour les régions ultrapériphériques, en compensation des surcoûts et des pertes subies du fait de la crise pour 283 000 euros.

Pour aider la filière à faire face à la crise du Brexit, des mesures de court et long terme ont été mises en place avec la réserve d’ajustement Brexit de la Commission européenne :

– un dispositif d’arrêt temporaire destiné aux entreprises de pêche pour compenser une partie des pertes de chiffre d’affaires des navires contraints à l’arrêt. En 2021, ce sont 347 entreprises indemnisées pour un montant d’aide total de 26,5 millions d’euros ;

– deux dispositifs d’indemnisation de la perte de chiffres d’affaires pour les entreprises de pêche et de mareyage ont été ouverts sur le premier semestre de 2021. Ces aides visaient les entreprises dépendantes des eaux du Royaume-Uni. Au total, ce sont 12 entreprises qui ont été indemnisées pour un montant d’aide total de 580 000 euros et 4 entreprises de mareyage pour 240 000 euros.

– un dispositif de long terme avec le plan d’ajustement individuel (PAI) pour compenser l’arrête définitif de l’activité de pêche de certaines entreprises du fait de conséquences structurelles du Brexit. Ce sont 86 navires qui ont bénéficié du PAI pour un montant d’aide total de 58 millions d’euros.

Face à la hausse du prix du carburant en 2022, un dispositif d’aide à l’achat de carburant a été mis en place. Cette aide a été accordée à l’ensemble des entreprises du secteur selon des critères d’éligibilité liés à leur situation administrative sans distinction selon les segments de flotte ou le type d’engin de pêche. Au total à la fin août 2024, ce sont près de 60 millions d’euros d’aides qui ont été versés à ce titre.

B.   Les actions de protection des cÉtacÉs engagées par la France dans le golfe de gascogne sont contestées tant pour leur efficacité que pour leur légitimité

1.   La France est soumise à une obligation de moyens en matière de protection des espèces protégées

a.   Au titre du droit de l’Union européenne

La France, en tant qu’État membre de l’UE, est soumise à une obligation de moyens quant à la préservation de l’environnement et de la biodiversité à double titre : sur le fondement de la politique commune de la pêche et sur celui du droit européen de l’environnement, en particulier de la directive « Habitats » ([9]).

La politique commune de la pêche (PCP) s’est fixée comme objectif de garantir que la gestion des activités de pêche soit durable à long terme sur le plan environnemental tout en tenant compte des enjeux économiques et sociaux de la filière.

– L’article 4 du règlement « PCP » du 11 décembre 2013 ([10]) prévoit que la politique commune de la pêche met en œuvre « l’approche écosystémique de la gestion des pêches » afin de réduire au minimum les incidences négatives des activités de pêche sur l’écosystème marin ;

– Le règlement PCP ([11]) énumère ainsi les mesures de conservation servant cet objectif, notamment les restrictions d’accès aux zones de pêche ou encore la réduction des captures accidentelles ;

– L’article 11 du règlement PCP permet par ailleurs aux États membres de prendre des mesures nationales complémentaires ou plus strictes pour atteindre les objectifs qu’il fixe. Parmi ces mesures, figure la possibilité de mettre en place « sur la base des meilleurs avis scientifiques disponibles (…) des mesures d’atténuation ou des restrictions relatives à l’utilisation de certains engins de pêche (…) afin de réduire au minimum et, si possible, éliminer les captures d’espèces » d’intérêt communautaire protégées au titre de la directive « Habitats ».

Au titre du droit européen de l’environnement, l’article 2 de la directive « Habitats » exige que les États membres prennent des mesures afin d’« assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire » tout en tenant compte des « exigences économiques, sociales et culturelles ». L’article 12 prescrit ainsi aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales d’intérêt communautaire, dont les cétacés font partie, telle que la mise en place d’un « système de contrôle des captures et mises à mort accidentelles ».

b.   Au titre du droit interne

Le code rural et de la pêche maritime (CRPM) s’inscrit dans le cadre des principes et règles de la politique commune de la pêche. L’article L. 911-2 du CRPM rappelle ainsi l’objectif « d’exploiter durablement (…) les ressources halieutiques (…) dans le cadre d’une approche écosystémique afin de réduire au minimum les incidences négatives sur l’environnement ».

La partie règlementaire du CRPM ([12]) fixe les mesures techniques de protection pouvant être prises par arrêté ou par délibération, rendue obligatoire en application de l’article L. 921-2-1 du CRPM, du comité national ou des comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins. La mise en place de restrictions spatiales et temporelles afin d’assurer une bonne gestion des ressources halieutiques fait partie des mesures pouvant être adoptées.

2.   Le déploiement de dispositifs de prévention des captures accidentelles et de contrôle en mer n’offre pas de résultats encore satisfaisants

  1.   Prévenir les captures accidentelles de cétacés par des engins de pêche dans le golfe de Gascogne
    1.   Une obligation règlementaire pour les chaluts pélagiques de s’équiper d’un dispositif de dissuasion acoustique

Dans le cadre du plan national de lutte contre les captures accidentelles de petits cétacés, un premier volet des mesures règlementaires applicables au golfe de Gascogne vise à limiter les captures accidentelles de cétacés par les navires de pêche par l’installation d’équipements de dissuasion acoustique à bord des navires.

Un arrêté du 26 décembre 2019 ([13]) rend obligatoire l’utilisation des dispositifs actifs de dissuasion acoustique, aussi appelés « pingers », aux navires français de plus de douze mètres pêchant au chalut pélagique, dans le golfe de Gascogne entre le 1er janvier et le 30 avril de chaque année, afin de limiter l’entrée des cétacés dans les chaluts pélagiques. Un arrêté du 27 novembre 2020, portant modification de l’arrêté du 26 décembre 2019, étend l’obligation sur trois points : elle est désormais valable toute l’année, elle s’applique également aux chaluts pélagiques en paire et le seuil de taille des navires concernés est supprimé.

Une convention a été signée à cet effet entre la DGAMPA et le Comité national des pêches pour financer l’équipement des navires en dispositifs de dissuasion acoustique avec un total de 2,2 millions d’euros de financement public. Le Comité national des pêches, auditionné par votre rapporteur pour avis, a demandé une reconduction du dispositif pour 2025.

Par ailleurs, un arrêté du ministère chargé de la mer du 29 décembre 2022 prévoit l’expérimentation, à partir de fin 2023 jusqu’en 2025, de dispositifs de dissuasion acoustique pour les navires français utilisant des filets maillants et emmêlants les plus actifs dans le golfe de Gascogne.

  1.   Quel bilan dresser de l’équipement des navires de dispositifs de dissuasion acoustique ?

Selon les données fournies par l’administration, seuls 87 navires seraient équipés d’un dispositif de dissuasion acoustique. Comme vu précédemment, l’obligation ne porte que sur les chaluts, seuls ou en paire, soit une part minoritaire des pêcheries responsables des captures accidentelles. Comme l’a souligné l’observatoire Pelagis, auditionné par votre rapporteur pour avis, le vrai défi concerne l’équipement des navires fileyeurs dont les dispositifs d’effarouchement n’en sont qu’au stade expérimental.

Or, comme l’ont souligné les associations de défense de l’environnement, lors de leur audition, il y a un manque d’évaluation de l’efficacité des dispositifs de dissuasion acoustique de type « pinger ». Il n’existe à ce jour qu’une seule étude expérimentale analysant l’utilisation des pingers à cétacés pour les activités de pêche au chalut pélagique dans le golfe de Gascogne. Cette étude, dite « PIC » menée en 2017 par l’Ifremer, l’Observatoire Pélagis et l’organisation professionnelle Les Pêcheurs de Bretagne et dont les conclusions ont été rendues en 2019, conclut à une réduction de 65 % des captures accidentelles de dauphins communs grâce à ce dispositif.

  1.   Améliorer les connaissances sur les causes des captures accidentelles par des engins de pêche

Malgré les efforts entrepris, des lacunes de connaissances demeurent en particulier pour expliquer finement les pratiques et identifier les engins de pêche qui conduisent aux captures. Or, c’est en comprenant mieux comment et pourquoi les dauphins et autres petits cétacés sont capturés que les mesures proposées seront les plus proportionnées et adaptatives.

● Les déclarations de captures accidentelles par les capitaines de navire

Un arrêté du 1er juillet 2011, modifié par un arrêté du 6 septembre 2018, dispose que « À des fins de connaissance scientifique, tout mammifère marin capturé accidentellement dans un engin de pêche doit faire l’objet d’une déclaration par les capitaines de navires de pêches. » Depuis le 1er janvier 2019, tous les pêcheurs professionnels sont ainsi obligés de déclarer les captures accidentelles.

Malgré leur caractère obligatoire, les déclarations de capture par les pêcheurs restent largement insuffisantes selon l’Ifremer, du fait d’une sous-déclaration de la part des capitaines de navire. La réticence des professionnels peut être pour partie liée à une peur de l’exposition publique et nominative de ceux qui déclareraient.

Selon l’Union française des pêcheurs artisans (UFPA), si les déclarations de captures accidentelles sont indispensables, leur mise en œuvre actuelle serait « totalement inadaptée et inefficace ». L’UFPA propose la mise en œuvre d’une application numérisée pour l’identification des captures accidentelles ainsi que pour les autres données qui pourraient enrichir les connaissances des scientifiques.

Votre rapporteur pour avis note que l’obligation de déclaration des captures accidentelles est accueillie avec une certaine méfiance parmi les professionnels de la pêche. Ces derniers s’interrogent sur la finalité de l’analyse des données recueillies et s’inquiètent de la mise en place d’un système de sanction ou de malus lié aux déclarations de captures. Il est indispensable de rappeler que l’obligation de déclaration ne vise pas à stigmatiser le secteur de la pêche mais à enrichir les connaissances scientifiques en matière de captures accidentelles de cétacés. Restaurer la confiance et la coopération de tous les acteurs est aujourd’hui indispensable pour partager une compréhension commune des mécanismes conduisant à ces captures accidentelles.

● Les moyens d’observation en mer

Les moyens de surveillance en mer s’appuient, d’une part, sur le déploiement d’observateurs embarqués et, d’autre part, sur l’équipement de navires en caméras embarquées.

Une des mesures d’amélioration des connaissances s’appuie sur l’embarquement d’observateurs scientifiques à bord des navires de pêche en interaction avec les cétacés, en particulier les chalutiers pélagiques et les fileyeurs. Cette mesure fait partie du programme Obsmer mis en œuvre par la DGAMPA et cofinancé par l’Union européenne. Elle répond à l’obligation communautaire de collecter des données sur les captures accidentelles de mammifères marins. Ainsi, un arrêté du 27 décembre 2022 ([14]) rend obligatoire l’observation embarquée pour les navires de plus de 15 mètres sous pavillon français.

Les observateurs embarqués sont chargés de compter et d’identifier les espèces de mammifères marins capturés accidentellement et de renseigner le contexte de l’action de pêche, à savoir l’engin de pêche utilisé, la zone de pêche ainsi que le poisson ciblé. Ces données permettraient d’améliorer les connaissances sur les causes précises des captures accidentelles de cétacés qui sont actuellement encore trop incomplètes ou imprécises.

Selon l’observatoire Pelagis, 3 à 5 % seulement de la pêcherie de plus de 12 mètres serait suivie, sur la base du bénévolat des patrons de pêche concernés. Selon les données de l’administration, en 2021-2022, la présence d’observateurs embarqués sur les navires a permis l’observation de 7,5 % des jours de mer tous navires confondus. Par exemple, à l’échelle de l’organisation des producteurs (OP) de Vendée, auditionnée par votre rapporteur pour avis, ce sont deux observateurs embarqués à l’année et quatre en hiver sur les quelque 123 navires membres de cette OP.

Quant au déploiement de caméras embarquées, un arrêté du 29 décembre 2022 ([15]) prévoyait l’équipement progressif de 100 navires fileyeurs actifs dans le golfe de Gascogne d’ici la fin de l’année 2023. En 2024, un budget de 17 millions d’euros a été attribué à l’Office français de la biodiversité (OFB) par la DGAMPA et la direction de l’eau et de la biodiversité (DEB) pour financer le déploiement des caméras sur trois ans. Selon les données de l’observatoire Pelagis, en septembre 2024, seule une vingtaine de caméras ont été déployées à bord des navires concernés.

Au regard de ces données, ces mesures n’ont pas encore produit leurs effets escomptés. Votre rapporteur pour avis soutient ainsi la poursuite de leur déploiement, notamment la présence d’observateurs scientifiques embarqués afin d’accroître les échanges entre les professionnels de la pêche et la communauté scientifique.

3.   La décision de fermeture temporaire hivernale des zones de pêche du golfe de Gascogne est une mesure d’urgence prévue en droit et l’aboutissement d’une procédure contentieuse

La Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction contre la France en 2020 ([16]) en raison d’un manquement général à ses obligations concernant les captures accidentelles issues de la pêche de dauphins communs et d’autres espèces marines protégées. Ce précontentieux vise à inciter la France à mettre en place des mesures de réduction des captures accidentelles de cétacés.

Dans ce contexte, trois associations de défense de l’environnement ont saisi le Conseil d’État de la décision du 18 janvier 2021 par laquelle la ministre de la mer a rejeté la demande d’adopter des mesures complémentaires visant à réduire les captures accidentelles de dauphins communs dans le golfe de Gascogne pour l’hiver 2020-2021.

Dans sa décision rendue le 20 mars 2023, le Conseil d’État ordonne au Gouvernement de prendre des mesures, dans un délai de six mois, pour limiter les captures accidentelles de petits cétacés par les activités de pêche dans le golfe de Gascogne. Le Conseil d’État relève que les mesures de dissuasion mises en place, notamment l’équipement des navires de pêche en dispositifs de dissuasion acoustique, ne permettent pas de garantir un état de conservation favorable des petits cétacés. Il estime donc nécessaire de prendre des mesures plus efficaces. C’est pourquoi il ordonne au Gouvernement de prendre des mesures de fermeture de la pêche appropriées sous six mois en complément des dispositifs de dissuasion acoustique.

Le Conseil d’État par cette décision fait application de l’obligation de moyen de garantir un état de conservation favorable des espèces protégées à laquelle sont soumis les États membres de l’UE en application des obligations issues du droit européen de la pêche et de la directive « Habitats » de 1992.

En conséquence, par un arrêté du 24 octobre 2023, le secrétaire d’État chargé de la mer a interdit dans le golfe de Gascogne, du 22 janvier au 20 février pour les années 2024 à 2026, l’usage par les navires de pêche d’une longueur supérieure ou égale à 8 mètres de plusieurs engins de pêche à risque dont le chalut pélagique et le filet maillant. Cette décision constitue une mesure d’urgence prévue par le droit de l’Union européenne dans le cadre de la politique commune de la pêche (PCP).

Pour 2024, des dérogations étaient prévues pour les navires équipés de dispositifs de dissuasion acoustique ou de caméras embarquées ainsi que des assouplissements en cas de défaillance de ces dispositifs ou pour les armateurs qui se sont engagés à s’en équiper. Selon l’administration, ces dérogations avaient pour but de permettre la collecte de données utiles à l’évaluation des dispositifs techniques pendant la période d’interactions fortes entre les engins de pêche et les cétacés, tout en responsabilisant la profession face aux mesures nécessaires pour réduire ces captures accidentelles.

Saisi en urgence par plusieurs associations de défense de l’environnement de l’arrêté du 24 octobre 2024, le juge des référés du Conseil d’État ([17]) suspend les dérogations prévues pour l’année 2024 à l’interdiction de la pêche dans le golfe de Gascogne entre le 22 janvier et le 20 février et l’exclusion des sennes pélagiques ([18]) du champ de cette interdiction.

La mesure de fermeture spatio-temporelle du golfe de Gascogne

1/ Base juridique

– Arrêté du 24 octobre 2023 établissant des mesures spatio-temporelles visant la réduction des captures accidentelles de petits cétacés dans le golfe de Gascogne pour les années 2024, 2025 et 2026 ;

– Ordonnance du Conseil d’État du 22 décembre 2023 suspendant l’article 2, les 2 et 3 de l’article 4, le 2 de l’article 5 et l’article 7 de l’arrêté susmentionné ;

– Arrêté du 17 janvier 2024 établissement des mesures spatio-temporelles pour les navires battant pavillon étranger, visant la réduction des captures accidentelles de petits cétacés dans le golfe de Gascogne pour l’année 2024.

2/ Durée de la fermeture

La fermeture est prévue du 22 janvier au 20 février inclus.

3/ Navires et engins de pêche concernés

Les navires d’une longueur supérieure ou égale à 8 mètres utilisant les engins de pêche à risque suivants dans le golfe de Gascogne :

– le chalut pélagique en paire (aussi appelé chalut bœuf pélagique) ;

– le chalut de fond en paire (aussi appelé chalut bœuf de fond) ;

– le chalut pélagique à panneaux ;

– le filet trémail ;

– le filet maillant calé.

4/ Moyens de contrôle

55 jours effectifs de mer dans la zone concernée dont 27 assurés par les moyens des affaires maritimes.

II.   Les conséquences socio-Économiques de la fermeture sur le secteur de la pêche dans le golfe de gascogne

A.   quelles ont été les conséquences directes sur l’activité pêche et sur les pêcheurs ?

Le ressenti qui semble être partagé par les professionnels du secteur de la pêche est la « brutalité » de la décision de fermeture, terme employé par les organismes concernés par la fermeture et auditionnés par votre rapporteur pour avis, pour qualifier les conditions de sa mise en œuvre. Tous ont également relayé les difficultés engendrées par le délai extrêmement court entre l’annonce définitive de la mesure de fermeture, à savoir à partir de l’ordonnance du Conseil d’État rendue le 22 décembre 2023, et sa mise en œuvre, un mois plus tard pour s’y préparer.

Votre rapporteur pour avis tient néanmoins à souligner que si l’ordonnance du Conseil d’État, qui a eu pour effet de supprimer les dérogations initialement assorties à la mesure de fermeture, a été rendue tardivement en raison d’une saisine contentieuse en décembre 2023 ([19]), l’arrêté de fermeture a quant à lui été publié le 24 octobre 2023, soit trois mois avant la fermeture effective du golfe de Gascogne.

Au regard de ce contexte, l’établissement d’un bilan des conséquences directes sur l’activité des marins-pêcheurs affectés par la mesure de fermeture paraît indispensable, notamment pour préparer et anticiper au mieux les prochaines fermetures hivernales.

1.   Le bilan du nombre de navires restés à quai

Selon les données du Comité national des pêches, ce sont 338 navires qui ont dû rester à quai pendant la période de fermeture, à savoir du 22 janvier 2024 au 20 février 2024 inclus. Si l’on estime entre 1 100 et 1 200 le nombre de navires actifs sur la zone entre Brest et Hendaye ([20]), cela représente 30 % du total des navires en activité dans le golfe de Gascogne. Pour rappel, pendant la période de fermeture seuls les navires de moins de 8 mètres et les chalutiers de fond ont pu poursuivre leur activité ainsi que les navires visés par la fermeture s’ils ne faisaient pas usage de l’engin à risque en question.

Le nombre de navires concernés par l’arrêt temporaire recouvre, d’une part, les navires ayant fait une demande d’indemnisation et, d’autre part, les navires de plus de 8 mètres ayant habituellement comme engin principal un engin à risque et n’ayant pas déclaré de ventes dans un port du golfe de Gascogne durant la période d’interdiction de pêche. En effet, si l’armateur du navire a mis à profit la période de fermeture pour effectuer des travaux d’entretien ou de réparation, celui-ci ne peut pas faire de demande d’indemnisation.

L’étude d’impact économique de la fermeture réalisée à la demande du Comité national des pêches et des élevages marins (CNPEM) a mis en avant que parmi les navires restés à quai, les navires fileyeurs représentent plus de la moitié (56 %) des navires concernés, à savoir 188 navires fileyeurs sur le total de 338 navires à l’arrêt.

À l’échelle de l’organisation de producteurs de Vendée par exemple, sur les 123 navires adhérents à l’OP, 31 navires ont été touchés par l’interdiction de pêche. Pour le port de Lorient, la fermeture a concerné 25 navires sur les 100 navires que compte le port.

2.   Le bilan de l’impact sur le chiffre d’affaires des entreprises de pêche concernées

Selon les données de l’étude d’impact du Comité national des pêches, la fermeture spatio-temporelle de l’hiver 2024 a représenté une perte de 22,4 millions d’euros de chiffre d’affaires pour les entreprises de pêche concernées ([21]). La catégorie la plus impactée par la fermeture est celle des navires fileyeurs de plus de 12 mètres.

À l’échelle de l’OP de Vendée, l’arrêt de 31 de ses navires a représenté une perte de 450 tonnes de produits débarqués, soit une perte sèche de 2,3 millions d’euros.

Votre rapporteur pour avis a interrogé d’autres organisations de producteurs sur les pertes de chiffre d’affaires de leurs entreprises de pêche affectées par l’arrêt temporaire dans le golfe de Gascogne sans obtenir d’éléments chiffrés.

3.   La reprise de l’activité de pêche suite au mois de fermeture

L’Association nationale des organisations de producteurs (ANOP), auditionnée par votre rapporteur pour avis, a souligné les difficultés de redémarrage de l’activité de pêche suite à un arrêt d’un mois à la fois pour les équipages mais également en termes de coût d’entretien des navires restés à quai dont l’impact reste toutefois difficilement quantifiable.

B.   quelles ont été les conséquences de la fermeture sur les filières aval ?

La filière pêche ce ne sont pas seulement des pêcheurs. Pour un emploi en mer, il faut compter trois emplois à terre. Au-delà de la filière amont, ce sont toutes les filières aval qui ont été affectées par la décision de fermeture : les criées, les mareyeurs, les transporteurs, les coopératives maritimes…

1.   Les halles à marée

Une halle à marée ou « criée » est le lieu de première mise sur le marché des produits de la pêche maritime et de l’aquaculture marine en vue de leur vente en gros. Les criées sont donc directement tributaires des quantités de poissons débarquées par les pêcheurs chaque jour.

La zone du golfe de Gascogne comprend 17 halles à marée :

Arcachon

Lorient

Concarneau

Noirmoutier

Ile d’Yeu

Oléron

La Rochelle

Quiberon

La Turballe

Royan

Le Croisic

Saint-Gilles Croix de Vie

Le Guilvinec

Saint-Guenolé

Les Sables d’Olonne

Saint-Jean de Luz

Loctudy

 

France AgriMer, auditionné par votre rapporteur pour avis, a observé une baisse importante des quantités débarquées dans ces criées sur la période de fermeture du golfe de Gascogne par comparaison avec les deux années précédentes. Toutefois, la reprise de l’activité en mars et avril s’accompagne d’une hausse des quantités par rapport à 2022 et 2023.

 

 

Évolution des quantités débarquées en criée dans le golfe de Gascogne entre 2023 et 2024

Janvier

- 24 %

Février

- 47 %

Mars

+ 6 %

Avril

+ 20 %

Mai

- 10 %

Juin

- 16 %

France AgriMer a également analysé les effets de la fermeture sur les quantités débarquées et sur les prix de vente de deux espèces de poissons plus particulièrement ciblées par les engins de pêche interdits, à savoir le merlu et la sole :

Conséquences quantitÉs / prix pour les espèces les plus touchées
par l’interdiction

 

Évolution des quantités sur la période janvier – février (2024/2023)

Évolution des prix sur la période janvier – février (2024/2023)

Merlu

- 64 %

+ 57 %

Sole

- 50 %

+ 19 %

Au regard des données sur le premier semestre de l’année 2024, votre rapporteur pour avis estime qu’il serait opportun de mener une évaluation sur l’ensemble de l’année civile d’un éventuel rattrapage des pertes, par la hausse des quantités débarquées sur les mois suivant la fermeture et par la hausse des prix de vente observés.

Comme l’a rappelé France Filière Pêche, auditionnée par votre rapporteur pour avis, les halles à marée n’ont pas été indemnisées du préjudice subi du fait de la fermeture du golfe de Gascogne. Or, certaines criées ont été très fortement touchées par la mesure de fermeture. Au regard de la production réalisée durant les années de référence (de 2019 à 2023) par les navires concernés par l’arrêt temporaire, les criées les plus concernées en valeur sont les suivantes :

Nom de la criée

CA des transactions réalisées par les navires concernés par l’AT durant la période de fermeture

Part du CA de la période de fermeture réalisé par les navires concernés par l’AT

Royan

782 000 €

91 %

Noirmoutier

1 691 000 €

83 %

Arcachon

977 000 €

88 %

La Rochelle

398 000 €

70 %

Saint-Gilles Croix de Vie

606 000 €

66 %

Saint-Jean de Luz

1 611 000 €

66 %

Source : Comité national des pêches

Au port de Lorient, avec 25 navires sur 100 à l’arrêt pendant la fermeture, la SEM Lorient Keroman, entendue par votre rapporteur pour avis, a enregistré les pertes suivantes pendant l’arrêt temporaire « cétacés » dans le golfe de Gascogne :

● -124 tonnes de produits côtiers provenant des navires fileyeurs ;

● -242 tonnes de produits pélagiques, essentiellement du merlu ;

● -800 tonnes de produits débarqués à Lorient pour les ventes extérieures.

Au total, cela a représenté une baisse de volume débarqué de près de 1 200 tonnes, soit 57 % de l’activité de la criée sur la période de fermeture avec une perte estimée de chiffre d’affaires de l’ordre de 350 000 euros. Une légère hausse est observée en mars 2024 à la criée de Lorient mais qui ne s’expliquerait pas entièrement par la reprise de l’activité de pêche selon la SEM Lorient Keroman.

2.   Le mareyage

L’activité de mareyage fait le lien entre la pêche et la distribution c’est-à-dire entre l’amont et l’aval de la filière des produits de la mer. Les entreprises de mareyage sélectionnent et achètent les produits de la mer pour leurs clients, assurent une activité de transformation, de préparation et de conditionnement des produits et organisent la logistique d’acheminement des produits en partenariat avec des transporteurs. Le mareyage est un maillon essentiel de la filière des produits de la mer.

Selon les données de l’Union du mareyage français (UMF), la diminution des volumes débarqués a entraîné une forte baisse du volume d’affaires des entreprises de mareyage. 33 % des entreprises interrogées ([22]) par l’UMF estiment leur perte de chiffre d’affaires supérieure à 30 % sur la période de fermeture du golfe de Gascogne. Sur cette période, seuls 24,2 % des interrogés ont été en mesure de renforcer leurs importations pour compenser les moindres apports en criée.

Selon l’UMF, cette baisse d’activité met en évidence la difficulté pour le mareyage à réorganiser ses circuits d’approvisionnement dans un délai si rapide ainsi que sa dépendance à la production française.

3.   Les entreprises de l’économie portuaire

● La Coopération maritime, auditionnée par votre rapporteur pour avis, a mis en avant l’absence des coopératives maritimes d’avitaillement du périmètre du dispositif d’indemnisation prévu (voir ci-dessous) alors que celles-ci ont été également affectées par la fermeture. La Coopération maritime fédère l’essentiel des structures coopératives de la pêche artisanale française dont des organisations de producteurs, des comptoirs de la mer ou encore des coopératives d’avitaillement. Selon les données remontées par onze coopératives adhérentes à la Coopération maritime, le mois de fermeture aurait engendré une perte de chiffre d’affaires de 1,3 million d’euros, perte qualifiée de « significative » par les coopératives.

● Le Comité national des pêches a estimé le préjudice direct sur l’ensemble des trois filières du secteur à 32,8 millions d’euros : 19 millions d’euros pour les producteurs, 7,5 millions d’euros pour les fournisseurs de biens et services portuaires et 6,3 millions d’euros pour la branche aval, notamment les magasins de marée.

La fermeture des activités de pêche du golfe de Gascogne a eu des répercussions sur toute l’économie des services portuaires : des mécaniciens au service de réparation navale en passant par les transporteurs et les chaudronniers. Si ces entreprises ont dû réduire leur activité du fait de la fermeture, leur préjudice n’a pas encore pu être chiffré.

4.   Les autres conséquences sur la filière des produits de la mer

● Sur le niveau d’importation

Selon les données de France AgriMer, les importations ont augmenté de 5 % en volume sur le mois d’arrêt temporaire et de 1 % en valeur.

L’appréciation subjective par les professionnels de la pêche sur les conséquences de la fermeture sur le niveau des importations semble différer des données recueillies par l’administration. L’Union française des pêcheurs artisans (UFPA), dans sa contribution écrite, souligne que le manque d’apports en criée pour les mareyeurs et les grossistes « a été compensé par des importations massives, nous faisant perdre irrémédiablement des marchés même sur le long terme. »

Selon votre rapporteur pour avis, ce décalage entre l’appréciation subjective sur le terrain et les données chiffrées plaide pour qu’une évaluation exhaustive par l’administration des effets économiques, directs et indirects, de la mesure de fermeture sur l’ensemble de la filière soit menée afin d’en objectiver les conséquences sur l’ensemble de l’année civile.

● Sur le prix de vente du poisson

D’après les données recueillies par l’Union du mareyage français (UMF), si les prix moyens à la première vente sur la période de fermeture sont à la hausse – + 15 % en Bretagne et + 8 % sur l’arc atlantique – ces augmentations restent contenues. Selon l’UMF, cela témoignerait de la difficulté pour les premiers acheteurs à répercuter des hausses sur leurs prix de ventes ([23]) .

● Sur le niveau de consommation de poissons des ménages

Selon France AgriMer, sur la période de fermeture, les ménages français ont globalement diminué leur achat de poissons frais ciblés tels que le merlu ou la sole comme l’illustrent les graphiques ci-dessous :

 

 

La consommation de bar et de loup s’est quasiment maintenue pendant la période avec une légère hausse du prix moyen d’achat comme l’illustre le graphique ci-dessous :

Malgré le maintien des arrivages de poissons et de produits de la mer chez les poissonniers et dans la grande distribution pendant la période de fermeture, la mauvaise communication auprès des consommateurs français peut expliquer ce recul de la consommation de poissons sur la période. Votre rapporteur pour avis plaide ainsi pour une meilleure communication auprès des consommateurs sur la vente et la disponibilité du poisson lors de la prochaine fermeture à la pêche du golfe de Gascogne.

C.   le bilan des mesures d’indemnisation mises en place par l’état

Pour compenser les préjudices liés à l’arrêt temporaire pendant un mois de certaines activités de pêche dans le golfe de Gascogne, l’État a mis en place des mesures d’indemnisation à destination des armateurs de navires restés à quai pendant la période de fermeture et des entreprises de mareyages affectées.

1.   Bilan de l’indemnisation des entreprises de pêche

Le montant de l’enveloppe prévue pour couvrir les demandes d’indemnisation était de 30 millions d’euros. Le dispositif a été ouvert aux demandeurs du 27 février 2024 au 17 mai 2024.

France AgriMer, l’établissement public en charge du dispositif d’indemnisation, a reçu 291 demandes d’indemnisation pour un montant de 16,6 millions d’euros. Au final, ce sont 288 navires qui ont été indemnisés pour un montant d’aide versé de 16,3 millions d’euros. Le taux de consommation de l’enveloppe initialement prévue est ainsi de 54 %.

Selon France AgriMer, auditionné par votre rapporteur pour avis, le versement des aides s’est échelonné entre le 4 avril 2024 et le 19 août 2024, ce que l’établissement estime être un délai rapide d’indemnisation. Par ailleurs, la procédure par télé-service pour déposer les demandes d’aide semble avoir bien fonctionné et ne pas avoir posé de difficultés particulières auprès des demandeurs.

Les modalités de calcul du montant de l’aide, fondées sur la moyenne des chiffres d’affaires trimestriels ou mensuels des trois années précédentes, permettent de compenser la perte de chiffre d’affaires estimée du fait de l’absence de pêche.

2.   Bilan de l’indemnisation des entreprises de mareyage

Les entreprises de mareyage ont également pu bénéficier de dispositifs de soutien de façon « très exceptionnelle » selon l’Union du mareyage français (UMF) pour compenser le préjudice lié à la baisse des volumes débarqués pendant la période de fermeture.

En premier lieu, les entreprises de mareyage ont eu recours à l’activité partielle ([24])  pendant la période de fermeture. Parmi les entreprises adhérentes à l’UMF interrogées, 36 % ont déclaré avoir eu recours à l’activité partielle pour 10 à 30 % de leurs effectifs au sein des ateliers de mareyage.

En second lieu, le secteur du mareyage a pu bénéficier d’un dispositif d’indemnisation des pertes économiques engendrées par l’arrêt temporaire des activités de pêche du golfe de Gascogne. Une enveloppe de 10 millions d’euros a été prévue à cet effet. Pour pouvoir en bénéficier, les entreprises de mareyage doivent remplir deux critères d’éligibilité : un critère de dépendance aux criées sinistrées et un critère de perte de rentabilité économique. Si l’entreprise est éligible, elle peut prétendre à une aide à hauteur de 75 % des pertes constatées.

Une procédure de télé-service a été ouverte le 2 septembre 2024 pour recueillir les demandes d’indemnisation des entreprises de mareyage. Au 16 octobre 2024, France AgriMer avait reçu sept demandes pour un total d’aide demandé de 194 782 euros. Les entreprises ont jusqu’au 31 octobre 2024 pour déposer leur demande d’indemnisation de leurs pertes économiques.

III.   Le bilan environnemental de la mesure de fermeture

A.   le suivi de la mesure

D’après la DGAMPA et le préfet maritime de l’Atlantique, auditionnés par votre rapporteur pour avis, la fermeture spatio-temporelle du golfe de Gascogne a bien été respectée par les professionnels pendant toute la période concernée. Par ailleurs, aucun navire battant pavillon étranger n’a été relevé dans la zone de pêche pendant la période de fermeture.

Un suivi a été réalisé au niveau des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) avec l’appui du Centre national de surveillance des pêches (CNSP) notamment pour le ciblage des navires à contrôler. Pour rendre ce suivi effectif, en plus des rappels règlementaires effectués par les services, un régime de sanctions pénales et administratives pouvait être appliqué.

D’importants moyens ont été engagés par les différentes administrations concernées, en particulier des affaires maritimes, pour assurer le contrôle opérationnel du respect de la mesure de fermeture en mer avec un bilan de :

– 55 jours de mer pour 65 navires contrôlés ;

– 26 jours de contrôle à la débarque pour 38 navires contrôlés ;

– 12 vols de surveillance dans le golfe de Gascogne effectués par la Marine nationale pour un total de 232 navires de pêche survolés ;

– 99 signalements réalisés par les sémaphores.

B.   le Bilan sur les échouages de cétacés

D’après les données de la DGAMPA, les premiers éléments du bilan de la fermeture pour l’hiver 2024, en termes de conservation des petits cétacés, montrent une baisse significative des mortalités par capture accidentelle pendant la période à risque grâce à la mesure de fermeture de quatre semaines.

Les chiffres des échouages permettent d’estimer que les mortalités sur l’hiver ont été réduites de 75 % par rapport à l’hiver 2023 avec une estimation totale de 1 390 dauphins communs morts par capture accidentelle entre le 1er décembre 2023 et le 31 mars 2024 ([25]) . Au vu de ces premiers résultats, la mesure est jugée efficace par le ministère chargé de la mer et de la pêche pour la protection du dauphin commun. Toutefois, il s’agit d’un bilan encore provisoire qui devra être complété et consolidé dans le courant du mois de novembre 2024.

C.   Quelles Perspectives pour les années à venir ?

En application de l’arrêté du 24 octobre 2023 ([26]), la fermeture spatio-temporelle du golfe de Gascogne sera reconduite en 2025 et en 2026 du 22 janvier au 20 février pour l’ensemble des navires de plus de 8 mètres utilisant des engins à risque, sans aucune dérogation. À l’échelle européenne, la Commission européenne a également adopté un acte délégué visant la fermeture du golfe de Gascogne du 22 janvier au 20 février 2025 à tous les navires utilisant des engins à risque actifs dans la zone, quel que soit leur pavillon.

Le dispositif d’indemnisation des navires mis à l’arrêt en raison de la fermeture sera également reconduit en 2025 avec une enveloppe évaluée à 22 millions d’euros par la DGAMPA.

Parallèlement à la fermeture spatio-temporelle du golfe de Gascogne, une expérimentation obligatoire à grande échelle sera conduite sur les fileyeurs pour tester deux dispositifs expérimentaux visant à réduire les captures accidentelles de petits cétacés pendant la période hivernale. La mise en œuvre de cette expérimentation du 1er décembre 2024 au 31 mars 2025 reposera sur :

– 90 fileyeurs équipés d’un pinger fixé à la coque PIFIL ([27])  ;

– 65 fileyeurs équipés de balise acoustique DOLPHINFREE permettant d’émettre un signal compréhensible et interprétable pour signaler la présence d’un filet ;

– 100 fileyeurs équipés progressivement de caméras embarquées pour contribuer à la collecte de données nécessaire à l’évaluation des dispositifs.

La publication de l’arrêté de fermeture et la consultation du public seront accompagnées de l’organisation de réunions de façade au plus près du terrain, avec le soutien des directions interrégionale de la mer (DIRM) et des directions départementales des territoires et de la mer.

Votre rapporteur pour avis salue cette démarche adoptée par l’administration pour préparer la prochaine fermeture du golfe de Gascogne. Il faut rétablir les conditions du dialogue et de la confiance entre les pêcheurs et l’administration, mais également avec les ONG et les scientifiques pour assumer une politique offensive et quitter le terrain judiciaire qui ne fait qu’accroître l’incompréhension et les tensions.

 

Chalut pélagique simple

https://peche.ifremer.fr/var/storage/images/_aliases/fullsize/medias-ifremer/medias-peche/photos/peche/243chalutpelagique/415391-2-fre-FR/243chalutpelagique.jpg

Source : Ifremer

 

Chalut bœuf pélagique

https://peche.ifremer.fr/var/storage/images/_aliases/fullsize/medias-ifremer/medias-peche/photos/peche/243chalutboeuf/415319-2-fre-FR/243chalutboeuf.jpg

Source : Ifremer

 


   Examen en commission

Après avoir auditionné Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques, le 16 octobre 2024, et M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports, le 22 octobre 2024, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » le mardi 22 octobre 2024 après-midi et soir et le mercredi 23 octobre 2024 matin et après-midi (voir le tome X de l’avis n° 486 : https://assnat.fr/XlYRCY).

À l’issue de cet examen, elle a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission.

 


   liste des personnes auditionnÉes

(par ordre chronologique)

Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

M. Jérôme Spitz, directeur de l’Observatoire Pelagis, La Rochelle Université

Mme Fabienne Aujard, directrice adjointe scientifique Écologie&Environnement

Mme Hélène Peltier, ingénieure de recherche, La Rochelle Université

Table ronde « professionnels du secteur »

– Union du Mareyage Français (UMF) *

M. Peter Samson, secrétaire général

– France filière pêche

Mme Hélène Keraudren, déléguée générale

– SEM Lorient Kéroman

M. Benoît Jaffré, directeur général

Organisations des producteurs

M. José Jouneau, président de l’OP Vendée

Coopération Maritime *

M. Bruno Margollé, président

M. Jean-Luc Hall, secrétaire général

Table ronde « associations »

– Défense des milieux aquatiques

M. Philippe Garcia, directeur général

– Bloom *

Dr Frédéric Le Manach, directeur scientifique

– France nature environnement (FNE) *

M. Romain Ecorchard, juriste de FNE

Mme Elodie Martini-Cousty, membre du réseau océans, mers et littoral

– Sea Shepherd *

Mme Marion Crécent

Mme Elodie Pouet

Préfet maritime de l’Atlantique

Vice-amiral d’escadre Jean-François Quérat

Comité national des pêches maritimes et des élevages marins *

M. Philippe de Lambert des Granges, directeur général

Mme Anne Chausse, chargée de projet

France AgriMer

Mme Christine Avelin, directrice générale

Mme Cécile Guillot, cheffe du service « Analyse économique des filières et observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires »

Mme Agnès Olry-Chiffoleau, cheffe de l’unité « Pêche et aquaculture »

Direction générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités (DGITM)

M. Nicolas Trift, sous-directeur des Ports

Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA)

M. Éric Banel directeur général

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 


([1]) Le SEAM est une mesure gouvernementale de compétitivité et de soutien à l’emploi, mise en place pour trois ans (2022 à 2024) au bénéfice du secteur maritime.

([2]) PAP 205 pour 2025

([3]) Le Conseil International pour l’Exploration de la Mer (CIEM) ou The International Council For the Exploration of the Sea (ICES) est un organisme inter-gouvernemental créé en 1902 qui coordonne la recherche sur les ressources et l’environnement marins dans l’atlantique nord-est.

([4]) Depuis 1972, le Réseau national Échouages (RNE), réseau de correspondants locaux coordonné par l’observatoire Pelagis, a été mis en place pour suivre les échouages de mammifères marins sur la façade maritime française. Tout échouage doit être signalé à Pelagis afin qu’intervienne le =.

([5]) https://www.observatoire-pelagis.cnrs.fr/wp-content/uploads/2023/01/Peltier_et_al_2023-Note_mortalite-2022_20230116.pdf

([6]) Plan d’actions stratégiques « Pêche accidentelle de cétacés ans le golfe de Gascogne », UFPA

([7]) https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2023-03-20/449788

([8]) En 2023, seuls 62 navires neufs ont été mis en service, soit le chiffre le plus bas depuis six ans en France.

([9]) Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages

([10]) Règlement (UE) n° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche

([11]) Article 7 du règlement

([12]) Articles D. 922-1 et suivantes

([13]) Arrêté du 26 décembre 2019 portant obligation d’équipements de dispositifs de dissuasion acoustique pour les chaluts pélagiques dans le golfe de Gascogne

([14]) Arrêté du 27 décembre 2022 relatif à l’obligation de participer à un programme d’observation embarquée des navires de pêche de plus de quinze mètres sous pavillon français

([15]) Arrêté du 20 décembre 2022 relatif à l'amélioration de la collecte de données sur les captures accidentelles d'espèces protégées et à l'expérimentation de dispositifs techniques de réduction des captures accidentelles de dauphin commun à bord de navires de pêche sous pavillon français

([16]) Procédure d’infraction ouverte par une lettre de mise en demeure du 2 juillet 2020 et poursuivie par un avis motivé du 15 juillet 2022 au titre de l’article 258 TFUE

([17]) Ordonnance n° 489926-489932-489949 du Conseil d’État du 22 décembre 2023

([18]) Filets rectangulaires utilisés en surface pour encercler des bancs de poissons.

([19]) Les requêtes des associations à l’encontre de l’arrêté du 24 octobre 2023 ont été enregistrées les 5, 12, 15 et 18 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État.

([20]) Selon les estimations du Comité national des pêches et des élevages marins (CNPEM)

([21]) L’étude d’impact a comparé le total des ventes (en valeur) pour l’année entière et le total des ventes (en valeur) pour la période d’arrêt, du 23 janvier au 21 février 2024 inclus.

([22]) L’UMF représente 430 entreprises de mareyage.

([23]) https://www.mareyeurs.org/wp-content/uploads/2024/03/1709216756402.pdf

([24]) L’activité partielle est un dispositif qui permet à l’employeur en difficulté de faire prendre en charge par l’État tout ou partie du coût de la rémunération du salarié. Le contrat de travail du salarié est alors suspendu et le salarié ne travaille plus.

([25])  https://mer.gouv.fr/fermeture-de-la-peche-dans-le-golfe-de-gascogne-communication-de-fabrice-loher-ministre-de-la-mer

([26]) Arrêté du 24 octobre 2023 établissant des mesures spatio-temporelles visant la réduction des captures accidentelles de petits cétacés dans le golfe de Gascogne pour les années 2024, 2025 et 2026 

([27]) Le projet PIngers au FILage (PIFIL) est porté depuis octobre 2021 par le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) pour acquérir des données en mer en développant un dispositif de répulsif acoustique de nouvelle génération pour les fileyeurs.