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N° 524

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 octobre 2024.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2025,

 

 

TOME III

 

 

TRAVAIL, EMPLOI ET ADMINISTRATION DES MINISTÈRES SOCIAUX

 

 

PAR M. Didier LE GAC,

 

Député.

——

 

 

 

 

 

 

 

Voir les numéros : 324, 468 (annexe : 46).

 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

PremiÈre partie : la mission travail, emploi et administration des ministÈres sociaux contribue À l’effort financier

I. Le programme 102 accÈs et retour À l’emploi

II. Le programme 103 Accompagnement des mutations Économiques et dÉveloppement de l’emploi

III. Le programme 111 AmÉlioration de la qualitÉ de l’emploi et des relations du travail

IV. Le programme 155 SOUTIEN DES MINISTÈRES SOCIAUX

seconde partie : le contrat d’engagement jeune (cej), un dispositif innovant et personnalisÉ d’accompagnement des jeunes vers l’emploi

I. Un dispositif bien ciblÉ et de premiErs rÉsultats encourageants en matiÈre d’insertion professionnelle

A. De la garantie jeunes au contrat d’engagement jeune (CEJ) : un dispositif d’accompagnement intensif des jeunes ÉloignÉs de l’emploi

B. Les jeunes peu diplômÉs sont les premiers bÉnÉficiaires du CEJ

1. Les deux tiers des bénéficiaires ont un niveau de diplôme inférieur ou équivalent au CAP ou BEP

2. Des jeunes plus précaires et éloignés du marché du travail en mission locale

3. « Aller vers » les publics les plus en difficultés ou en marge des services publics

C. Un accÈs À l’emploi encourageant bien qu’encore mal mesurÉ

1. À la sortie du CEJ, environ un quart des bénéficiaires en mission locale est en emploi durable

2. Quelques mois après la sortie du CEJ, des taux croissants d’accès à l’emploi

II. adapter le contrat d’engagement jeune au plus prÈs des besoins des jeunes suivis

A. renforcer la qualitÉ des accompagnements proposÉs

1. Développer l’offre de services destinée aux jeunes dans tous les territoires

2. Un besoin de simplification administrative : libérer du temps pour un accompagnement plus personnalisé et qualitatif

3. Adapter les « 15-20 heures » aux situations spécifiques et réformer le système de sanctions

B. le cej, une opportunitÉ de renforcer les coopÉrations entre les acteurs Œuvrant pour l’insertion des jeunes

1. Améliorer la coordination entre les missions locales et France Travail

2. Renforcer les partenariats avec des structures d’accueil externes

C. Des moyens pérennisés dans le plf 2025

Travaux de la commission

1. Réunion du mercredi 6 novembre 2024 à 17 heures

2. Réunion du mercredi 6 novembre 2024 à 21 heures 30

Annexe : liste des personnes entendues par le rapporteur

 


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   Introduction

L’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 s’inscrit dans un contexte économique particulier. La situation dégradée de nos finances publiques implique un effort partagé de redressement budgétaire. La mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux y contribue nettement avec un recul de ses crédits de 1,48 milliard d’euros par rapport à l’année 2024.

Cette consolidation est rendue possible car notre pays connaît l’un des taux de chômage les plus faibles de son histoire. Les efforts financiers doivent désormais être prioritairement orientés vers les personnes les plus éloignées de l’emploi, notamment par un soutien accentué à l’insertion par l’activité économique. La maîtrise de nos dépenses publiques ne doit toutefois pas se faire au détriment des politiques de l’emploi dont le succès n’est plus à démontrer à l’instar de l’apprentissage. Un recalibrage apparaît certes nécessaire mais la dynamique de ces dernières années ne doit pas être enrayée.

Nous ne devons pas non plus renoncer à l’objectif du plein emploi. À compter du 1er janvier 2025, toutes les personnes éloignées de l’emploi, notamment les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) devront être inscrites auprès de l’opérateur France Travail afin qu’elles puissent bénéficier d’un suivi renforcé. Aussi, les moyens financiers accordés à l’opérateur seront-ils maintenus pour l’année 2025.

Le rapporteur pour avis a souhaité évaluer plus précisément les effets sur l’insertion socio-professionnelle des jeunes ainsi que les modalités de déploiement du contrat d’engagement jeune (CEJ). Mis en œuvre depuis le 1er mars 2022 par les missions locales et France Travail, le CEJ s’est substitué à l’ancienne garantie jeunes et constitue aujourd’hui le principal dispositif d’accompagnement destiné aux jeunes éloignés de l’emploi.

Dans cette perspective, ont été auditionnés des chercheurs, le Conseil d’orientation des politiques de la jeunesse (COJ), l’Union nationale des missions locales (UNML), la mission locale de Brest, France Travail, la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), les représentants de plusieurs structures d’accueil dont l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (Epide), l’Agence du service civique et l’École de la deuxième chance (E2C).

Plus de deux ans après le lancement de ce dispositif qui se singularise par sa logique contractuelle ainsi que le caractère intensif et individualisé de l’accompagnement proposé – quinze à vingt heures d’activités minimum par semaine et un suivi hebdomadaire par un conseiller référent unique –, le bilan apparaît globalement positif et engageant. Près de 800 000 jeunes ont signé un CEJ entre mars 2022 et septembre 2024. L’analyse des profils des jeunes bénéficiaires suggère que le dispositif atteint bien sa cible ; les deux tiers des entrants présentent un niveau de diplôme inférieur ou équivalent au CAP ou BEP et près de 80 % perçoivent l’allocation mensuelle versée sous conditions de ressources ([1]). Le volet « Jeunes en rupture » qui a mobilisé 268 porteurs de projets en 2022 et 2023 a également permis de toucher les publics les plus en difficulté et/ou en marge des services publics. Le taux d’accès à l’emploi durable, estimé par l’administration à 33,5 % six mois après la sortie du CEJ, confirme l’intérêt du dispositif au bénéfice de jeunes très éloignés de l’emploi.

Dans ce contexte, le rapporteur se félicite du maintien des objectifs fixés pour 2025 – 200 000 jeunes accompagnés par les missions locales et 85 000 par France Travail – et de la stabilité des crédits prévus au titre de l’allocation CEJ à hauteur de 786 millions d’euros. Ces moyens permettront de pérenniser le dispositif en 2025.

Le présent rapport esquisse plusieurs pistes pour améliorer le dispositif et renforcer l’efficacité de l’accompagnement innovant qu’il propose. Plusieurs évolutions sont particulièrement attendues concernant l’allégement de la charge administrative des conseillers en mission locale, la révision du système de sanctions, le développement d’une offre diversifiée d’activités ainsi que le renforcement des partenariats entre les missions locales, France Travail et l’ensemble des acteurs privés et publics qui œuvrent en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes dans les territoires.

 


   PremiÈre partie : la mission travail, emploi et administration des ministÈres sociaux contribue À l’effort financier

Alors que notre pays connaît l’un des plus bas taux de chômage depuis quarante ans, le projet de loi de finances (PLF) pour l’année 2025 porte l’ambition d’atteindre le plein emploi. Finançant le déploiement progressif du nouvel opérateur du service public de l’emploi, France Travail ([2]), le PLF 2025 poursuit également l’objectif d’accompagner davantage les publics les plus éloignés de l’emploi, notamment par le biais du contrat d’engagement jeune (CEJ) et de l’insertion par l’activité économique (IAE). Le soutien à l’apprentissage dont la dynamique est incontestable sera quant à lui davantage rationalisé en 2025 afin de contribuer au nécessaire redressement des comptes publics.

Au total, les crédits de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux diminuent de 1,47 milliard d’euros (– 6,43 %) en autorisations d’engagement et de 1,02 milliard d’euros en crédits de paiement (– 4,49 %) pour atteindre 21,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 21,6 milliards d’euros en crédits de paiement en 2025.

Ce constat ne doit cependant pas occulter des évolutions contrastées des dotations des programmes qui composent la mission.

Le programme 102 voit, en effet, ses autorisations d’engagement et ses crédits de paiement augmenter pour s’établir respectivement à 7,8 et 7,2 milliards d’euros.

Le programme 103 voit ses autorisations d’engagement diminuer de 19,41 % tandis que ses crédits de paiement baissent de 13,91 %, s’établissant respectivement à 11,7 milliards et 12,3 milliards d’euros.

Le programme 111 voit ses autorisations d’engagement nettement décroître, de 76,04 % pour s’établir à 44,2 millions d’euros et ses crédits de paiement diminuer de 24,04 % pour s’établir à 83,6 millions d’euros. Cette baisse est largement portée par la très forte diminution des crédits consacrés à l’action Dialogue social et démocratie sociale.

Enfin, le programme 155, désormais dénommé Soutien des ministères sociaux, voit ses autorisations d’engagement et ses crédits de paiement très significativement augmenter de 181,8 % et 194,2 % pour atteindre environ 2 milliards d’euros. Cette hausse est due à la fusion, à compter de 2025, des programmes 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires sociales, antérieurement rattaché à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances et 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail, déjà rattaché à la mission Travail et emploi.

RÉCAPITULATION DES CRÉDITS DE LA MISSION tRAVAIL ET EMPLOI PAR PROGRAMME

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programmes

LFI
2024

PLF
2025

LFI
2024

PLF
2025

102 – Accès et retour à l’emploi

7 536,87

7 773,61

7 543,18

7 208,71

103 – Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

14 544,91

11 721,83

14 308,73

12 318,67

111 – Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

184,62

44,23

110,04

83,58

155 – Soutien des ministères sociaux

(anciennement Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail)

688, 55

1 940,26

687,28

2 022,03

TOTAL

22 954,94

21 479,93

22 649,22

21 632,99

Source : projet annuel de performances de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux annexé au projet de loi de finances pour 2025.

I.   Le programme 102 accÈs et retour À l’emploi

Portant la mise en œuvre de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, le programme 102 a pour objectif l’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi pour favoriser leur retour plus rapide vers l’emploi et le soutien aux publics les plus éloignés du marché du travail dans leur démarche de retour à l’emploi.

Dans le contexte d’un taux de chômage historiquement bas, ce programme a vocation à soutenir les efforts de remobilisation et d’accompagnement des publics les plus fragiles, notamment via l’insertion par l’activité économique (IAE).

Les autorisations d’engagement du programme 102 sont ainsi en hausse de 236,8 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024 (+ 3,14 %). Quant aux crédits de paiement, ils sont en légère baisse de 4,43 %.

● L’action 1 Indemnisation des demandeurs d’emploi, qui a pour objet de financer les allocations versées aux demandeurs d’emploi et intégralement financées par l’État, est en légère hausse de 4,12 % pour des raisons conjoncturelles. Toutefois, tendanciellement, le nombre de demandeurs d’emploi en fin de droits ne cesse de diminuer ces dernières puisqu’ils étaient 779 000 en 2021 contre 568 000 en 2023 ([3]).

● L’action 2 Structures de mise en œuvre de la politique de l’emploi est en légère baisse de 2,33 % en autorisations d’engagement et de 7,53 % en crédits de paiement.

– La sous-action 1 Financement du service public de l’emploi porte les crédits accordés à France Travail. En 2024, l’opérateur a bénéficié d’une subvention pour charge de service public à hauteur de 1,35 milliard d’euros, en hausse de 100 millions par rapport à 2023. Conformément à la convention tripartite 2024-2027 liant France Travail et ses deux financeurs, l’État et l’Unedic, il est prévu de reconduire le même montant de 1,35 milliard d’euros en 2025. La stabilisation de ce montant permettra d’assurer non seulement l’orientation de tous les demandeurs d’emploi signataires du nouveau contrat d’engagement – dont les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) – et de surcroît de conduire une mission d’appui et de soutien aux instances de gouvernance du nouveau réseau.

Tandis que Pôle emploi avait bénéficié de 300 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) supplémentaires en 2024 pour faire face au déploiement du nouvel opérateur, le plafond d’emplois de l’opérateur a été revu à la baisse de 500 ETPT en 2025. Le rapporteur tient à souligner que France Travail s’est engagé dans un plan d’efficience visant au moins 2 900 ETPT d’ici 2027 dont 1 200 ETPT en 2025 à travers l’automatisation de certaines tâches et un redéploiement des effectifs dans l’accompagnement des usagers. Dans ce contexte, l’effort demandé – s’il n’est pas négligeable – semble cohérent avec la trajectoire attendue.

La sous-action porte également les dépenses liées à la contractualisation insertion-emploi avec les départements pour l’accompagnement des bénéficiaires du RSA qui se traduit notamment par l’inscription automatique de tous les demandeurs du RSA à France Travail à compter du 1er janvier 2025 et par l’intensification de l’accompagnement requérant, sous certaines conditions, un minimum de quinze heures d’activités hebdomadaires. Les crédits prévus, à hauteur de 168 millions d’euros en autorisations d’engagement sont presque constants par rapport aux 170 millions ouverts en 2024.

Enfin, la sous-action soutient les crédits dévolus aux missions locales qui bénéficient d’un financement en faible décroissance de l’État de 598,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 492 millions en crédits de paiement (635,4 et 632,7 millions d’euros étaient prévus par la LFI 2024). Ces crédits permettent de mettre en œuvre l’inscription à France Travail des jeunes en recherche d’emploi qui les sollicitent à compter du 1er janvier 2025 dans le cadre du nouveau contrat d’engagement.

– La sous-action 2 Financement des organismes supports de la politique de l’emploi voit ses autorisations d’engagement et ses crédits de paiement légèrement reculer de 3,21 %, notamment en raison de la diminution de près de 3 millions d’euros des crédits alloués à l’Agence de services et de paiement (ASP).

● L’action 3 Accompagnement des personnes les plus éloignées du marché du travail - Fonds d’inclusion dans l’emploi connaît un regain de 336 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 13,54 %) lié à un ajustement technique du pilotage des crédits alloués à l’insertion par l’activité économique et à l’inclusion dans l’emploi des personnes en situation de handicap.

 La sous-action 1 Insertion dans l’emploi au moyen de contrats aidés connaît une baisse assez nette de 42,73 % en autorisations d’engagement et de 41,23 % due au choix fait par le Gouvernement, dans la continuité des années 2023 et 2024, de recentrer davantage les contrats aidés sur les publics les plus éloignés de l’emploi et de prioriser le secteur non marchand. Ainsi, le nombre d’entrées en contrats aidés sera réduit en 2025 à 50 000 nouvelles entrées en parcours emploi compétences (PEC) contre 66 700 en 2024. Dans le contexte de l’arrêt du plan « 1 jeune, 1 solution », le dispositif de contrats initiative emploi jeunes (CIE Jeunes) est progressivement mis en extinction. Seules 158 nouvelles entrées seront financées avant application de la mise en réserve de précaution.

L’action 3 finance également :

– l’insertion par l’activité économique (sous-actions 2 et 3), dont le montant des crédits qui s’élève à 1,52 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,5 milliard en crédits de paiements est quasiment stable par rapport à l’année 2024. Les différentes expérimentations en IAE (Convergence, Premières heures en chantier, SEVE, Tapaj) seront amplifiées en 2025 dans le cadre du pacte des solidarités.

ÉVOLUTION DU FINANCEMENT prÉvisionnel DES MESURES EN FAVEUR DE L’INSERTION
PAR L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE ENTRE 2024 et 2025

(en millions d’euros)

 

PLF 2024

(en CP)

PLF 2025

(en CP)

Évolution

(en %)

Associations intermédiaires (AI)

30,4

29,3

  3,62

Ateliers et chantiers d’insertion (ACI)

1 053,2

1 036,3

  1,6

Entreprises d’insertion (EI)

277,6

266,2

  4,11

Entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI)

82,4

79,8

  3,16

Entreprises d’insertion par le travail indépendant (EITI)

13

12,8

  1,54

Expérimentations

18,8

23,7

+ 26,06

Aides à la création d’activité

25

24

  4

TOTAL

1 500,4

1 472,1

  1,89

Source : projets annuels de performances de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux annexés aux projets de loi de finances pour 2024 et 2025.

Depuis 2018, les résultats de l’IAE en matière d’accès à l’emploi et à l’emploi durable sont assez identiques avec des sorties dynamiques autour de 44 % en 2023 ([4]) ;

– la sous-action 4, relative à l’inclusion dans l’emploi des personnes en situation de handicap, en hausse de 124,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et 37 millions d’euros par rapport à la LFI 2024. La quasi-totalité des crédits ouverts sont destinés au financement de l’aide au poste dans les entreprises adaptées (591,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 503,8 millions d’euros en crédits de paiement). Ces crédits sont par ailleurs complétés par une contribution de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph), d’un montant de 50 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ;

– l’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée (ETCLD), financée par la sous-action 5 à hauteur de 80,55 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement (+ 17 %) afin de financer la montée en charge du dispositif dans les territoires expérimentateurs. En effet, l’expérimentation s’est poursuivie en 2024 puisque 75 territoires sont habilités à conduire l’expérimentation depuis la publication du décret en Conseil d’État du 5 juillet 2024. Au 2 septembre 2024, 3 168 personnes étaient salariées en entreprise à but d’emploi. Le rapporteur souhaiterait, pour sa part, que la participation de l’État reste stable par rapport à l’année 2024, à hauteur de 68,63 millions d’euros.

● L’action 4 Insertion des jeunes sur le marché du travail - Contrat d’engagement jeune est plus particulièrement dédiée au financement du contrat d’engagement jeune (CEJ), qui a remplacé la garantie jeunes depuis 2022 ([5]).

Mis en œuvre par les missions locales et Pôle emploi, le CEJ peut ouvrir, sous conditions, le bénéfice à une allocation pour les jeunes accompagnés pouvant s’élever jusqu’à 552,29 euros par mois. Ce montant est revalorisé le 1er avril de chaque année en fonction de l’inflation. Un montant de 786,03 millions d’euros – en légère baisse de 1,37 million d’euros par rapport à 2024 du fait de l’actualisation des paramètres de budgétisation – en autorisations d’engagement et en crédits de paiement est prévu pour le financement de cette allocation en 2025.

II.   Le programme 103 Accompagnement des mutations Économiques et dÉveloppement de l’emploi

Les crédits du programme 103 ont pour objectifs d’anticiper et d’accompagner les conséquences des mutations économiques sur l’emploi, de prévenir le licenciement et le reclassement des salariés. Ils visent à améliorer la reconnaissance des compétences et des qualifications à travers le déploiement du plan d’investissement dans les compétences (PIC).

Ce programme connaît une baisse réelle, les autorisations d’engagement diminuant de 2,82 milliards d’euros, soit une baisse de 19,41 %, tandis que les crédits de paiement baissent de 2 milliards d’euros, soit une diminution de 13,91 %.

● Cette contraction est notamment due à la baisse des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de l’action 1 Développement des compétences par l’alternance qui décroissent respectivement de 1,4 milliard d’euros (– 19,41 %) et de 755 millions d’euros (– 13,91 %).

 La sous-action 1 Dispositifs de soutien au déploiement de l’apprentissage connaît une forte baisse de 97 % en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Elle finance désormais :

Le dispositif « Prépa apprentissage », qui représentait un coût de 68 millions d’euros en autorisations d’engagement et 70,2 millions d’euros en crédits de paiement, n’est plus financé.

– La sous-action 2 Aides aux employeurs d’apprentis connaît également une dynamique baissière de 16,73 % en autorisations d’engagement et 1,55 % en crédits de paiement.

La montée en puissance incontestable de l’apprentissage

Porté par les évolutions de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et par la mise en place le 1er juillet 2020 des aides exceptionnelles, le nombre d’entrées en apprentissage a connu une hausse substantielle entre 2019 et 2023.

 

CONTRATS D’APPRENTISSAGE COMMENCÉS DANS L’ANNÉE ET EN COURS AU 31 DÉCEMBRE ENTRE 2013 et 2023

Source : Dares, Système d’information sur l’apprentissage (SIA), extraction du 28 juin 2024.

Pour la première fois, en octobre 2023, l’objectif de plus d’un million d’apprentis en formation a été atteint.

S’agissant du profil des apprentis, le nombre d’entrées augmente particulièrement pour les apprentis préparant un diplôme de niveau bac+5 ou plus (+ 5,1 %) et, dans le secondaire, pour ceux préparant une mention complémentaire. S’agissant des entreprises, le nombre d’entrées baisse dans les entreprises de moins de dix salariés (– 2,4 %) qui emploient toutefois 42,9 % des apprentis. Les entreprises de plus de 250 salariés connaissent, en revanche, une nette hausse de 8,9 % mais ne représentent que 4,5 % des entrées en contrats d’apprentissage (1).

(1)    Annexe au projet de loi de finances pour 2025, « Formation professionnelle », p. 114.

Depuis le 1er janvier 2023, une aide financière de 6 000 euros maximum au titre de la première année du contrat d’apprentissage a succédé à l’aide exceptionnelle mise en place dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution » du plan de relance et remplace l’aide unique à l’embauche d’apprentis. Elle est versée aux employeurs d’alternants de moins de 30 ans, préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle jusqu’au niveau master. Les entreprises éligibles sont celles de moins de 250 salariés, ou comptant plus de 250 salariés mais respectant un taux minimal de contrats favorisant l’insertion ([6]).

Pour l’année 2025, le principe d’une aide financière aux employeurs est maintenu mais connaît une baisse de 651 millions d’euros en autorisations d’engagement et 55 millions en crédits de paiement par rapport à 2024. S’il n’est pas illégitime dans un contexte de consolidation budgétaire de rationaliser les aides à l’apprentissage, le rapporteur est attaché à ce que la dynamique de ce dispositif ne soit pas enrayée, notamment pour les diplômés de l’enseignement supérieur. Alors que l’image de l’apprentissage évolue et n’est plus cantonnée aux seules formations infra-bac, il serait regrettable de limiter l’aide aux niveau 3 et inférieurs. Le rapporteur serait davantage favorable à une modulation reposant sur la taille de l’entreprise. Si la modulation devait porter sur le niveau d’études, le rapporteur est attaché à ce qu’elle ne concerne pas les diplômes inférieurs à bac +3. En tout état de cause, le rapporteur regrette que les arbitrages n’aient pas encore été pris par l’exécutif alors que la modulation entrera en vigueur au 1er janvier 2025 et génère de l’incertitude pour les entreprises.

– La sous-action 3 Exonérations liées à l’apprentissage est dotée de 1,3 milliard d’euros, soit une baisse de 22,82 % par rapport à l’année 2024. Pour rappel, les exonérations spécifiques de cotisations sociales dont bénéficiaient les contrats de professionnalisation ainsi que les employeurs privés d’apprentis ont été supprimées au 1er janvier 2019, au profit d’allégements généraux, compensés à la sécurité sociale par voie fiscale.

– La sous-action 4 Financement des contrats de professionnalisation dans le cadre d’une formation continue diminue drastiquement du fait de l’extinction à compter du 1er mai 2024 de l’aide financière aux employeurs de salariés en contrat de professionnalisation qui s’élevait à 299 millions d’euros en autorisations d’engagement et 269,13 millions en crédits de paiement en 2024.

● L’action 2 Formation professionnelle des demandeurs d’emploi est en recul de 18,68 % en autorisations d’engagement et 24,92 % en crédits de paiement.

– La sous-action 1 Formation des demandeurs d’emploi aux métiers recrutant sur le marché du travail finance l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) dont la subvention pour charges de service public de l’État s’élève à 115 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une hausse de 5 millions d’euros alors que ce montant n’avait pas varié depuis 2018.

Elle porte également les crédits du plan d’investissement dans les compétences (PIC) à hauteur de 573,73 millions d’euros en autorisations d’engagement et 669,42 millions d’euros en crédits de paiement. Le volet national du PIC soutient notamment le nouveau dispositif d’« aller vers » défini à l’article 7 de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi mis en œuvre par les organismes publics et privés chargés du repérage et de la remobilisation des personnes les plus éloignées de l’emploi. S’y ajoutent d’autres dispositifs déployés par France Travail tels que la préparation opérationnelle à l’emploi collective (POEC) et individuelle (POEI), la formation à distance (FOAD), le SI Ouiform, l’apprentissage des savoir-être via « Valoriser son image pro » (VSI) et les formations numériques.

Le volet régional du PIC, les pactes régionaux d’investissement dans les compétences (PRIC), implique une participation de l’État aux côtés des régions pour développer l’offre de formations au bénéfice des publics prioritaires et des besoins de recrutement des entreprises à hauteur de 249,27 millions d’euros en autorisations d’engagement (– 37,7 % par rapport à loi de finances pour 2024) et 370,79 millions d’euros en crédits de paiement (– 45,1 %).

● L’action 3 Anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l’emploi est en recul de 44,20 % en autorisations d’engagement et 35,16 % en crédits de paiement. En effet, depuis le 1er janvier 2023, il n’est plus possible pour une entreprise de mettre en place un dispositif d’« activité partielle de longue durée » (APLD) déployé dans le cadre du plan de relance pour faire face à la crise, en complément du dispositif de droit commun. Seuls les dispositifs mis en place avant le 1er janvier 2023 peuvent continuer à s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2026 au plus tard. Logiquement, le montant inscrit diminue donc de 55,62 millions d’euros pour s’établir à 102,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

La sous-action 4 Évaluation et certification des compétences finance les dispositifs de validation des acquis de l’expérience (VAE), conjointement avec les conseils régionaux. La loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a profondément rénové le dispositif de la validation des acquis de l’expérience avec la création d’un service public de la VAE. Après un triplement du budget consacré à la VAE en 2024 à hauteur de 3 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, il est prévu une reconduction de ce même montant pour assurer le déploiement de ce service public.

● L’action 4 Financement des structures de la formation professionnelle et de l’emploi qui soutient les crédits de l’opérateur France compétences est en baisse de 21,84 % en autorisations d’engagement et 21,62 % en crédits de paiement. Le soutien financier à l’opérateur en 2025 s’élèvera à 2,026 milliards d’euros contre 2,5 milliards accordés en loi de finances pour 2024. Cette baisse s’inscrit logiquement dans la régulation envisagée en matière d’apprentissage.

Cette action finance également les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ) qui font partie intégrante du champ de l’inclusion par le travail au même titre que l’insertion par l’activité économique (IAE). Les GEIQ organisent, en effet, dans le cadre du contrat de professionnalisation ou du contrat d’apprentissage, des parcours d’insertion et de qualification pouvant bénéficier d’une aide de l’État lorsque ces parcours sont réalisés au profit de personnes rencontrant de fortes difficultés d’insertion. Le rapporteur tient à souligner que le montant de 12,5 millions d’euros inscrit en PLF 2025 semble insuffisant au regard de l’accompagnement proposé par les GEIQ, déjà fragilisés par la suppression des aides à l’embauche des jeunes de moins de 30 ans en contrat de professionnalisation depuis le 1er mai 2024.

● Enfin, l’action 5 Actions pour favoriser la mise en activité professionnelle des demandeurs d’emploi porte notamment les crédits :

– de la déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires (Tepa), en baisse de 110 millions d’euros pour atteindre 860 millions d’euros (sous-action 2) ;

– des exonérations visant à favoriser le recrutement de demandeurs d’emploi de zones géographiques en difficulté (sous-action 3), à hauteur de 88,8 millions d’euros (+ 20,67 %) ;

– des mesures d’accompagnement à la création d’entreprises pour un montant de 19,5 millions d’euros (sous-action 5) ;

– des exonérations de soutien à la création d’entreprise finançant l’aide aux créateurs ou repreneurs d’entreprise (Acre) pour 386,9 millions d’euros
(sous-action 6) ;

– des mesures pour favoriser le recrutement par des particuliers employeurs (sous-action 7), en hausse de 6,06 %, portant les crédits à hauteur de 2,47 milliards d’euros.

Cette action portait également le dispositif des emplois francs dont l’expérimentation sera mise en extinction à partir du 1er janvier 2025 du fait d’effets d’aubaine pointés notamment par une évaluation de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) de septembre 2023 selon laquelle 77 % des embauches auraient eu lieu même en l’absence du dispositif d’emplois francs ([7]).

III.   Le programme 111 AmÉlioration de la qualitÉ de l’emploi et des relations du travail

Les crédits ouverts au titre du programme 111, qui a pour objectif l’amélioration des conditions d’emploi et de travail des salariés du secteur concurrentiel, baissent de 140,4 millions d’euros en autorisations d’engagement (– 76,04 %) pour s’établir à 44,2 millions d’euros et en crédit de paiement, atteignant 83,6 millions d’euros (– 24,04 %).

Le programme 111 connaît des cycles dans ses besoins de crédits qui correspondent au renouvellement des conventions pluriannuelles et à l’évolution des besoins de financement pour les projets de mesure d’audience, et à la variation des crédits alloués pour la mise en œuvre des réformes.

● L’action 1 Santé et sécurité au travail voit ses crédits reculer de 7,64 % en autorisations d’engagement pour atteindre 24,9 millions d’euros et de 5,49 % en crédits de paiement à 25,3 millions d’euros. Ces crédits sont essentiellement consacrés au financement quasi constant de l’activité de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) à hauteur de 8 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement et de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) (11,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement).

● L’action 2 Qualité et effectivité du droit voit ses crédits diminuer de 20,91 % pour atteindre 13,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ces crédits sont dédiés au financement :

– de la formation des conseillers prud’hommes (10,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) ;

– des fonctions exercées par les conseillers du salarié et des subventions au bénéfice d’associations conduisant des actions dans le domaine du droit du travail (0,82 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) ;

 des défenseurs syndicaux (0,9 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement en quasi constance avec les crédits de l’année 2024).

 L’action 3 Dialogue social et démocratie sociale, qui traduit la contribution de l’État au dispositif de financement des organisations syndicales et patronales, voit ses crédits substantiellement décroître. Ceux-ci baissent en effet de 95,64 % en autorisations d’engagement pour s’établir à 6,14 millions d’euros et de 32,26 % en crédits de paiement pour s’établir à 45,2 millions d’euros. Cette baisse s’explique par la fin du cycle quadriennal de mesure des représentativités patronale et syndicale 20212024 et notamment l’organisation du scrutin TPE en fin d’année 2024.

IV.   Le programme 155 SOUTIEN DES MINISTÈRES SOCIAUX

Le PLF 2025 entérine la fusion des programmes 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales, jusqu’alors rattaché à la mission Solidarités, insertion et égalité des chances, et le programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail rattaché à la mission Travail et emploi, désormais intitulé Soutien des ministères sociaux.

Par conséquent, le périmètre élargi de ce programme, qui prévoit, par seize actions distinctes, les dépenses de personnel et de fonctionnement des ministères sociaux et de ses services déconcentrés à l’ensemble des champs d’activité des administrations en charge des affaires sociales implique une hausse significative des crédits à hauteur de 1,94 milliard d’euros (+ 181,79 %) en autorisations d’engagement et 2,02 milliards d’euros en crédits de paiement (+ 194,21 %).

Le plafond d’emplois du programme est fixé pour 2025 à 12 758 équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit une baisse de 103 ETPT par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Ce recul se fonde sur les baisses suivantes :

– 11 ETPT au titre de l’impact des schémas d’emploi 2024 et 2025 ;

– 89 ETPT au titre d’une correction technique du plafond d’emploi qui couvre le retrait d’emplois autorisés pour les jeux Olympiques de 2024 ;

– 3 ETPT au titre des transferts entre programmes.

Le programme finance, pour 55 % de ses crédits, les dépenses de personnel, qui atteignent 1,1 milliard d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

Aux dépenses de personnel s’ajoute le financement des dépenses de fonctionnement liées aux études, à la recherche, aux évaluations, à la communication et aux systèmes d’information. Pour l’année 2025, les crédits accordés à la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) sont maintenus afin de permettre la production récurrente de statistiques et d’évaluation des politiques de l’emploi, du travail et de la formation professionnelle qui présentent par nature un caractère pluriannuel.

S’agissant des mesures de communication, le Gouvernement indique que les campagnes de communication en 2025 devraient porter comme en 2024 sur la promotion des mesures en faveur de l’emploi et de la formation des jeunes, la prévention des accidents du travail graves et mortels, la valorisation des moyens d’accès au droit et de protection des travailleurs, notamment via le code du travail numérique et le recrutement annuel des inspecteurs du travail ([8]).


   seconde partie : le contrat d’engagement jeune (cej), un dispositif innovant et personnalisÉ d’accompagnement des jeunes vers l’emploi

I.   Un dispositif bien ciblÉ et de premiErs rÉsultats encourageants en matiÈre d’insertion professionnelle

A.   De la garantie jeunes au contrat d’engagement jeune (CEJ) : un dispositif d’accompagnement intensif des jeunes ÉloignÉs de l’emploi

L’article L. 5131-3 du code du travail prévoit un « droit à un accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, organisé pour l’État » au bénéfice des jeunes âgés de 16 à 25 ans en difficulté et confrontés à un risque d’exclusion professionnelle. Déployé depuis mars 2022, le contrat d’engagement jeune (CEJ) constitue actuellement le principal dispositif qui traduit ce droit au bénéfice des jeunes les plus éloignés de l’emploi.

Il remplace l’ancienne garantie jeunes mise en œuvre par les missions locales dans le cadre du parcours d’accompagnement contractualisé vers l’emploi et l’autonomie (Pacea) et se substitue également à l’accompagnement individualisé des jeunes (AIJ) proposé par France Travail.

Généralisée à l’ensemble du territoire à compter du 1er janvier 2017 par la loi n° 2016‑1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, la garantie jeunes s’adressait aux jeunes de 16 à 25 ans ni en études, ni en emploi, ni en formation (NEET) et en situation de précarité ([9]). Le dispositif associait un accompagnement assuré par les missions locales dans le cadre du parcours d’accompagnement contractualisé vers l’emploi et l’autonomie (Pacea) au versement d’une allocation mensuelle.

Au 31 décembre 2021, 160 500 jeunes bénéficiaient de la garantie jeunes, soit une hausse de 83 % par rapport à fin 2020 sous l’effet du plan « 1 jeune, 1 solution » ([10]). Le CEJ s’y est progressivement substitué depuis le 1er mars 2022. Le Pacea est devenu un dispositif distinct et autonome du CEJ.

Codifié à l’article L. 5131-6 du code du travail par la loi n° 2021‑1900 de 30 décembre 2021 de finances pour 2022 (article 208), le CEJ s’adresse aux jeunes âgés de 16 à 25 ans – jusqu’à 29 ans pour ceux dont la qualité de travailleur handicapé est reconnue – « qui rencontrent des difficultés d’accès à l’emploi durable, qui ne sont pas étudiants et qui ne suivent pas une formation ». À la différence de la garantie jeunes, le dispositif n’est pas réservé aux jeunes en situation de précarité. Il est conçu comme un contrat auquel des droits et des obligations sont associés : « son bénéfice est conditionné au respect d’exigences d’engagement, d’assiduité et de motivation » (article précité).

L’accompagnement est également plus intensif et mis en œuvre non seulement par les missions locales mais également France Travail. Il intègre un suivi régulier par un conseiller référent unique et la réalisation de quinze à vingt heures d’activités minimum par semaine. Ces activités, individuelles ou collectives, encadrées ou réalisées en autonomie, sont définies de façon personnalisée pour répondre au mieux aux besoins du jeune concerné. La durée du contrat peut s’étendre jusqu’à douze mois et peut être exceptionnellement prolongée jusqu’à dix-huit mois « au regard des besoins du jeune » (article R. 5131-16).

Enfin, la signature du contrat ouvre droit à une allocation mensuelle dégressive en fonction de l’âge du jeune et de ses ressources ou celles de son foyer. Son versement est conditionné au respect des engagements du contrat et peut être suspendu en cas de manquement. Son montant, fixé par le décret n° 2022-199 du 18 février 2022 et revalorisé chaque année en fonction de l’inflation, s’élève au 1er avril 2024 à :

– 552,29 euros pour un jeune majeur qui constitue ou est rattaché à un foyer fiscal non imposable à l’impôt sur le revenu (IR) ;

– 331,37 euros pour un jeune majeur qui constitue ou est rattaché à un foyer fiscal imposable à la première tranche de l’IR ;

– 220,92 euros pour un jeune mineur qui constitue ou est rattaché à un foyer fiscal non imposable ou imposable à la première tranche (article D. 5131-19 du code du travail).

L’allocation se distingue du « RSA jeune actif » ouvert aux jeunes âgés de 18 à 25 ans qui justifient de deux années en emploi à temps complet sur les trois dernières années ([11]).

La circulaire n° DGEFP/MAJE/2022/45 du 21 février 2022 relative à la mise en œuvre du CEJ précise les critères d’éligibilité, les modalités de contractualisation avec les jeunes bénéficiaires, les modalités de versement de l’allocation, les régimes de sanctions, de pilotage et de gouvernance du dispositif.

B.   Les jeunes peu diplômÉs sont les premiers bÉnÉficiaires du CEJ

1.   Les deux tiers des bénéficiaires ont un niveau de diplôme inférieur ou équivalent au CAP ou BEP

La population des jeunes ni en emploi, ni en formation, ni en études dit « NEET » constitue la cible du CEJ. En 2021, en France, leur nombre est estimé à 1,4 million soit 12,8 % des jeunes de 15 à 29 ans. Cette proportion croît fortement avec l’âge et atteint 18,3 % à 24 ans. Les NEET représentent près d’un jeune sur cinq après 25 ans.

D’après les données de l’enquête Emploi de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), il s’agit le plus souvent d’une situation subie : les NEET au chômage (45 %) font face à des difficultés d’insertion sur le marché du travail ; ceux ne souhaitant pas travailler (31 %) invoquent des contraintes familiales (garde d’enfants par exemple) ou de santé (problèmes de santé ou handicap) ([12]). Cette catégorie recoupe toutefois des situations économiques et sociales très hétérogènes en termes de ressources financières et de niveau de diplôme notamment et in fine de perspectives en termes d’insertion professionnelle ([13]).

L’insertion des jeunes sur le marché du travail selon le niveau de diplôme

Le taux d’emploi des jeunes âgés de 15 à 24 ans continue d’augmenter depuis la crise sanitaire et atteint au premier trimestre 2024 son plus haut niveau (35,3 %) depuis 1990. L’emploi en alternance a nettement contribué à cette hausse ([14]). Le taux de chômage des 15-24 ans s’élève à 18,1 %.

Ces tendances masquent toutefois des disparités importantes au sein de la jeunesse. L’accès à l’emploi dépend notamment fortement du niveau de diplôme : parmi les jeunes sortis de formation initiale depuis un à quatre ans, les diplômés du supérieur ont un taux de chômage plus de deux fois inférieur aux diplômés d’un baccalauréat, CAP ou BEP, et près de cinq fois inférieur aux non diplômés.

Entre mars 2022 et septembre 2024, 792 000 jeunes ont signé un CEJ dont deux tiers en mission locale et un tiers à France Travail. En 2023, le réseau des missions locales a accompagné plus de 210 000 jeunes (pour une cible établie à 200 000 par le ministère du travail). En moyenne, les parcours durent sept mois ; quel que soit l’opérateur, environ quatre jeunes sur dix restent au moins sept mois, et trois sur dix, au moins dix mois.

nombre de bÉnÉficiaires du cej en fin de mois en 2022 et 2023

Source : Dares, juillet 2024.

L’analyse des caractéristiques des jeunes en CEJ suggère que le dispositif atteint sa cible et touche effectivement une partie de la population des jeunes NEET :

– 48 % des jeunes suivis en 2022-2023 ont un niveau de diplôme inférieur au CAP ou au BEP à leur entrée en CEJ (contre 18 % des 16-25 ans sortis de formation initiale) et 13 % ont un niveau CAP ou BEP ;

– un jeune sur cinq vit dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) ;

– 13 % habitent dans une zone de revitalisation rurale (ZRR) ([15]).

D’après les entretiens et observations de terrain réalisés dans le cadre d’un projet de recherche actuellement en cours et dont les conclusions paraîtront au printemps 2025, les jeunes suivis en CEJ apparaissent fréquemment isolés ; ils entretiennent un rapport ambivalent, voire négatif, à l’institution scolaire et expriment de fortes inquiétudes vis-à-vis de leur orientation. Ces jeunes peuvent rencontrer des problématiques de santé mentale et/ou de handicap.

À l’image de la population des jeunes NEET, leur éloignement commun du marché du travail masque également des situations sociales et matérielles pouvant être contrastées en termes d’accès au logement, de ressources financières, de situation dans l’emploi des parents ou encore de maîtrise du français ([16]).

2.   Des jeunes plus précaires et éloignés du marché du travail en mission locale

Les profils des jeunes accompagnés par les missions locales diffèrent de France Travail. Ils sont en moyenne plus jeunes (26 % sont âgés de 22 à 25 ans contre 44 % à France Travail), moins diplômés (52 % ont un niveau de diplôme inférieur au CAP ou au BEP contre 36 % à France Travail), plus fréquemment résidant en QPV et beaucoup plus rarement titulaires du permis de conduire.

caractéristiques des entrants en cej entre mars 2022 et Septembre 2024

(en %)

 

France Travail

Missions locales

Ensemble

Sexe

Femme

48

47

47

Homme

52

53

53

Age

16-17 ans

1

13

9

18-21 ans

55

61

59

22-25 ans

44

26

32

Diplôme

Inférieur au CAP ou BEP

36

52

46

Niveau CAP ou BEP

13

13

13

Niveau baccalauréat

32

29

30

Diplôme du supérieur

19

6

11

Lieu d’habitation

Résident en QPV

13

20

19

Résidant en ZRR

14

12

13

Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH)

2

4

3

Nombre d’entrées

270 655

521 488

792 143

Source : DGEFP.

À une échelle territoriale plus fine, la mission locale de Brest, auditionnée par le rapporteur, confirme ces tendances nationales : l’antenne a accueilli en 2022 et 2023, 2 245 jeunes en CEJ dont le profil type serait « un jeune homme de 19 ans (53 %), résidant en ville (70 %), sans permis de conduire (74 %) et dont le niveau de diplôme est inférieur au baccalauréat (64 %) » ([17]).

La plus grande précarité du public accompagné en mission locale se traduit par un accès différencié à l’allocation, dont le versement est conditionné aux ressources du jeune ou de son foyer : 96 % des jeunes suivis en mission locale en 2022 et 2023 perçoivent au moins une fois une allocation durant leur parcours contre 60 % à France Travail. L’allocation moyenne versée en mission locale s’élève à 436 euros contre 391 euros à France Travail ([18]). Du point de vue des missions locales, cette allocation est essentielle pour sécuriser les parcours des jeunes en situation de précarité et contribuer à lever des freins périphériques à l’accès à un emploi (logement, mobilité, santé, etc.).

3.   « Aller vers » les publics les plus en difficultés ou en marge des services publics

  1.   Les limites d’un ciblage systématisé

Pour l’année 2024, France Travail et les missions locales ont reçu pour instruction du ministère du travail de cibler davantage les jeunes résidant dans un QPV. Ces publics représentent ainsi une proportion croissante des jeunes entrés en CEJ à France Travail : respectivement 25 %, 43,1 %, 42,2 % en mai, juin et juillet 2024 ([19]).

Le réseau des missions locales a néanmoins souligné, lors de son audition, les limites de ce ciblage qui tend à exclure les jeunes en difficultés issus de territoires ruraux et ultramarins. À l’échelle de la Bretagne, l’antenne locale de Brest a regretté un redéploiement des crédits des missions locales situées dans les zones rurales vers les missions locales implantées dans les grandes villes où se situent plus souvent les QPV. Le rapporteur recommande à ce titre de ne pas hiérarchiser les territoires et de soutenir au même niveau les jeunes issus des milieux urbains et ruraux.

Si les premiers bénéficiaires du CEJ sont des jeunes peu diplômés, les opérateurs identifient également sur le terrain des profils de jeunes diplômés du supérieur (11 % des jeunes entrants en CEJ depuis 2022, 19 % à France Travail et 6 % en mission locale) qui rencontrent des difficultés d’insertion dans l’emploi et financières et qui ont un réel besoin d’accompagnement notamment dans un contexte de décrochage à l’université ([20]). Il apparaît ainsi pertinent et nécessaire que le CEJ demeure un dispositif ouvert aux jeunes quel que soit leur niveau de diplôme.

  1.   Le volet « Jeunes en rupture » du CEJ a permis d’atteindre de nouveaux publics

Plus des deux tiers des bénéficiaires du CEJ étaient déjà pris en charge en mission locale ou à France Travail avant leur engagement. Le dispositif peinerait ainsi à atteindre de nouveaux publics et a fortiori les jeunes en marge des services publics et/ou pouvant cumuler des difficultés sociales multiples (logement, santé, mobilité, précarité financière, isolement, défiance vis-à-vis des institutions, etc.).

Dans cette perspective, un volet « Jeunes en rupture » a été adjoint au CEJ en 2022 et en 2023 pour répondre aux besoins de ces jeunes susceptibles de rester exclus de l’offre existante. Il n’est pas directement mis en œuvre par les missions locales ou France Travail et prend la forme d’appels à projets (AAP) régionaux adressés à des porteurs de projets privés ou publics en capacité de :

– repérer les publics ciblés ([21]) ;

 de les co-accompagner avec la mission locale avant, pendant et éventuellement après la contractualisation en CEJ, par l’intermédiaire d’un « référent CEJ-JR » ;

– et de proposer des actions complémentaires à l’offre de service existante visant à répondre aux difficultés rencontrées par ces jeunes en matière de logement, de santé ou de mobilité.

schÉmatisation du parcours cej-jr

Source : Fédération des acteurs de la solidarité (FAS).

Deux vagues d’AAP ont permis de sélectionner 185 opérateurs en 2022 et 83 nouveaux lauréats en 2023. Au 31 juillet 2024, les données font état de 20 886 jeunes repérés grâce au dispositif dont 35 % résidents en QPV et 7 % en ZRR. Près de la moitié ont indiqué être ou avoir été en décrochage scolaire et plus de 80 % sont peu ou pas qualifiés. Ces données suggèrent que le dispositif a atteint sa cible.

Les travaux d’évaluation du CEJ-Rupture, menés par la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) ([22]), auditionnée par le rapporteur, souligne les effets positifs du dispositif pour l’insertion des jeunes les plus en difficultés et le renforcement des partenariats au niveau local au bénéfice de ces mêmes jeunes.

Leur rapport relève toutefois plusieurs manquements et pistes d’amélioration. D’une façon générale, les acteurs consultés regrettent un défaut de cadrage et de pilotage du dispositif au niveau national et territorial qui a pu donner lieu à des interprétations variables entre les territoires et les acteurs concernés. Les besoins de clarification concernent notamment les critères d’entrée en parcours CEJ-Rupture et les modalités concrètes de la mise en œuvre du « co-accompagnement » prévu entre le porteur de projet et la mission locale. Les rôles et périmètres d’intervention respectifs des conseillers en insertion et référents CEJ‑Rupture ont pu être mal compris sur le terrain.

En particulier, le critère d’une absence de contacts « substantiels » avec les missions locales ou France Travail dans les cinq mois précédant l’intégration des jeunes en CEJ-Rupture a posé des difficultés d’application. De nombreux porteurs de projet soulignent que ce critère exclut les jeunes pour qui le CEJ-Rupture constituerait une réponse pertinente ; c’est notamment le cas de jeunes très en rupture qui cumulent d’importantes difficultés, ont des besoins d’accompagnement renforcés mais qui sont également souvent bien connus des acteurs institutionnels locaux.

Le déploiement du CEJ-Rupture a également souligné les limites de l’accompagnement proposé pour les jeunes les plus en difficultés. L’obligation de quinze à vingt heures d’activités hebdomadaires peut ne pas être adaptée à ces profils de jeunes. La durée limitée de l’accompagnement (un an) peut également être très insuffisante au regard de l’ampleur des freins à lever.

  1.   Garantir la continuité des actions du CEJ-Rupture dans le cadre de la nouvelle offre de repérage et de remobilisation

Le CEJ-Rupture n’est pas reconduit pour 2025 et a vocation à s’inscrire dans le cadre de la nouvelle offre dite de repérage et de remobilisation issue de l’article 7 de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023. L’article L. 5316-1 du code du travail, introduit par la loi précitée, reconnaît à ce titre que « des organismes publics ou privés peuvent être chargés [...] du repérage des personnes les plus éloignées de l’emploi ou qui ne sont pas inscrites dans un parcours d’insertion suivi par un autre membre du réseau pour l’emploi ainsi que de la remobilisation et de l’accompagnement socio-professionnel de ces personnes ».

Les actions déployées par ces nouveaux opérateurs de repérage, de remobilisation et d’accompagnement reconnus s’inscrivent en complémentarité avec celles mises en œuvre par le réseau pour l’emploi (France Travail, missions locales, Cap emploi, etc.) ([23]) sur chaque territoire.

Le dispositif est opérationnel depuis la publication de ses textes d’application dont le décret n° 2024-584 du 24 juin 2024, deux arrêtés ([24]) et la circulaire n° DGEFP/DS/2024/131 du 30 juillet 2021. Son déploiement est piloté au niveau régional par les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) et prend actuellement la forme d’appels à manifestation d’intérêt (AMI) – dont les dates de clôture communiquées par la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) se situent entre le 7 septembre et le 15 octobre 2024 selon les territoires. Les AMI précisent le calendrier de mise en œuvre et les besoins non couverts sur le territoire en termes de repérage et de remobilisation des publics cibles (qui ne sont donc pas uniquement les jeunes).

Les crédits prévus pour ce nouveau dispositif d’« aller vers » sont estimés à 67 millions d’euros pour 2024 et intégrés au volet national du plan d’investissement dans les compétences (PIC) lui-même doté de 770 millions euros pour 2024.

La DGEFP a indiqué une poursuite des projets engagés dans le cadre du CEJ‑Rupture jusqu’au terme des conventions conclues avec les opérateurs concernés, soit en 2024 ou 2025. Par la suite, sous réserve de répondre au nouveau cahier des charges, les anciens lauréats du CEJ-Rupture pourraient candidater aux AMI déployés dans le cadre de la nouvelle offre de repérage et de remobilisation. Ils n’ont néanmoins pas de garanties quant au renouvellement de leur financement et de leur conventionnement.

Le montant des crédits spécifiquement dédiés au repérage des jeunes au sein de l’enveloppe globale prévue demeure également incertain. Le rapporteur souligne la nécessité de maintenir une offre équivalente au CEJ-Rupture dont le bilan apparaît positif et d’assurer une continuité des actions mises en œuvre depuis 2022.

C.   Un accÈs À l’emploi encourageant bien qu’encore mal mesurÉ

1.   À la sortie du CEJ, environ un quart des bénéficiaires en mission locale est en emploi durable

À la sortie du CEJ, 24 % des jeunes suivis par une mission locale entre le 1er mars 2022 et le 31 décembre 2023 sont en emploi durable (c’est-à-dire en CDI ou en CDD de plus de six mois) ; près de 10 % ont un CDD d’une durée inférieure à six mois ou un contrat aidé et 8 % sont en formation ([25]). La mission locale du pays de Brest, auditionnée par le rapporteur, estime à 20 % les sorties dites « positives » le jour de la fin du contrat CEJ (en CDI, CDD de plus de six mois, en formation initiale ou en alternance).

L’évaluation d’étape du CEJ réalisée par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) ([26]) souligne toutefois que ces données sont à interpréter avec précaution. Dans le système d’information des missions locales « i-Milo », plus de la moitié des sorties du CEJ sont en effet justifiées par l’arrivée à terme du contrat d’engagement ou d’autres motifs de rupture (abandon ([27]), sanctions, déménagement, rupture d’un commun accord, accès à l’autonomie, etc.) sans précisions concernant la situation du jeune dans l’emploi ou dans les études (hors situation d’emploi durable).

situation des jeunes suivis par les missions locales
entre le 1er mars 2022 et le 31 décembre 2023 à la sortie du CEJ

 

Nombre de sorties

Proportions

Emploi durable (CDI, CDD de plus de six mois)

61 536

24,0 %

Scolarité

7 500

2,9 %

Contrat aidé

7 000

2,7 %

CDD de moins de six mois

17 223

6,7 %

Formation

20 696

8,1 %

Autre

142 098

55,5 %

Total

256 053

100,0 %

Source : Union nationale des missions locales (UNML), d’après le système d’information « i-Milo ».

L’Igas relève à ce titre qu’il « est quasiment impossible de tirer des conclusions robustes d’un tableau dont la moitié des effectifs sont dans la catégorie "autres" ». Plus d’un an après la publication du rapport de l’Igas, le rapporteur aboutit aux mêmes conclusions d’après les données qui lui ont été transmises par les missions locales.

Lors de son audition, la mission locale de Brest regrette par ailleurs que certains motifs de sortie ne soient pas comptabilisés comme des sorties « positives », en particulier : la formation continue ; les contrats aidés et les missions d’intérim renouvelables sur une longue période. Les critères d’appréciation d’une sortie « positive » pourraient également être élargis à d’autres dimensions de l’accès à l’autonomie comme l’obtention du permis de conduire ou encore l’accès au logement.

2.   Quelques mois après la sortie du CEJ, des taux croissants d’accès à l’emploi

Quelques mois après leur sortie du CEJ, les parcours d’insertion professionnelle des jeunes demeurent également mal connus alors même que ces informations sur le temps long sont essentielles pour évaluer l’efficacité du CEJ.

Le réseau des missions locales dispose notamment de peu d’outils de suivi des jeunes. La mission locale de Brest a indiqué au rapporteur que son système d’information ne permettait pas de suivi de cohortes à la sortie du CEJ. France Travail dispose de davantage de données mais celles-ci sont calculées sur la base des jeunes inscrits comme demandeurs d’emploi, ce qui exclut les jeunes suivis en CEJ par les missions locales et non inscrits à France Travail. Or, les profils des jeunes suivis par France Travail sont plus diplômés et proches de l’emploi. L’obligation d’inscrire les jeunes accueillis en mission locale à France Travail, à compter du 1er janvier 2025, prévue à l’article 1er de la loi pour le plein emploi, devrait permettre une amélioration du suivi statistique.

L’opérateur souligne toutefois de premiers éléments de bilan encourageants : au sixième mois suivant la sortie du dispositif, 35,7 % des jeunes entrés en CEJ et inscrits à France Travail entre mars 2022 et novembre 2023 sont en emploi durable. Le suivi par cohorte des jeunes entrés en CEJ en mars 2022 indique que 82 % ont accédé à l’emploi dans les treize mois qui ont suivi leur entrée en CEJ dont 53 % vers un emploi durable.

D’après les données transmises par la DGEFP, parmi les jeunes entrés en CEJ entre mars 2022 et juin 2023 à France Travail et dans les missions locales, 55 % sont en emploi et 33,5 % sont en emploi durable six mois après leur sortie du dispositif.

Ces ordres de grandeur tendent à confirmer l’intérêt d’un dispositif qui bénéficie à des jeunes en moyenne peu diplômés et éloignés de l’emploi. D’après les travaux menés par l’opérateur France Travail, le CEJ serait un peu plus efficace que l’accompagnement de droit commun dit « renforcé » et améliorerait le taux de retour à l’emploi de 2,5 points huit mois après l’entrée dans le dispositif. Toutefois, le rapport de l’Igas précité souligne les limites de cette évaluation.

Les conclusions d’une étude de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) visant à mieux apprécier l’impact du CEJ sur les trajectoires socio-professionnelles des jeunes sont attendues pour 2025.

II.   adapter le contrat d’engagement jeune au plus prÈs des besoins des jeunes suivis

A.   renforcer la qualitÉ des accompagnements proposÉs

1.   Développer l’offre de services destinée aux jeunes dans tous les territoires

La circulaire relative à la mise en œuvre du CEJ prévoit l’élaboration conjointe par le conseiller référent et le jeune bénéficiaire d’un « plan d’action » intégrant quinze à vingt heures d’activités minimum par semaine. Ce volume horaire obligatoire traduit le caractère « intensif » de l’accompagnement. Des rendez-vous hebdomadaires sont également prévus entre le jeune et son conseiller « pour sécuriser et encourager [...] vérifier le respect du plan d’action, l’adapter et apprécier l’engagement [du jeune] » ([28]).

Les activités sont réalisées de manière individuelle ou collective, en autonomie ou encadrées et définies en fonction des besoins du jeune et de l’offre de service disponible localement. Elles peuvent concerner des domaines variés : la recherche d’emploi, la recherche d’information sur une formation ou un projet professionnel mais également la psychologie, la santé, le logement, la mobilité (la préparation du permis de conduire par exemple), la réalisation de démarches administratives, etc. La circulaire précitée précise les différents types activités qui doivent a minima pouvoir être proposées par les opérateurs du CEJ (encadré ci‑dessous).

Référentiel d’activités d’accompagnement défini par la circulaire relative à la mise en œuvre du CEJ

– « Approfondir le diagnostic » : tests de compétences, informations collectives sur les actions structurantes, etc.

– « Lever les freins périphériques » : santé, mobilité, logement, budget, garde d’enfants, citoyenneté et accès aux droits, maîtrise de la langue, équipement et habillement, etc.

– « Prendre confiance et se mobiliser » : connaissance et image de soi, séjour européen court, activités sportives, bénévolat, soutien psychologique, etc.

– « Construire son projet professionnel » : élaboration du projet professionnel, découvertes des métiers et des opportunités d’emploi locales, périodes de mise en situation en milieu professionnelle (PMSMP), etc.

– « Développer ses compétences » : remises à niveau, formations diverses (outils numériques, sécurité, permis, communication), expériences professionnelles rémunérées (contrats courts, intérim, emplois saisonniers ou stages), service national universel (SNU), préparation du brevet d’aptitude aux fonctions d’animation (Bafa), etc.

– « Préparer sa candidature » : préparation du CV et d’une lettre de motivation, etc.

– « Rechercher des solutions d’emploi » : organisation de sa recherche d’emploi, découverte des solutions d’activité (alternance, stage, immersion, etc.), rencontre et démarchage d’entreprises, etc.

– « Créer son entreprise » : élaboration d’un projet, démarches administratives, recherche de financement, etc.

À titre illustratif, la mission locale du pays de Brest anime des ateliers dits de « remobilisation » (par exemple autour de la construction d’un projet professionnel), des ateliers d’appui aux démarches (emploi, logement, impôts, etc.) et des ateliers de gestion du stress. Elle propose également des ateliers thématiques animés par des partenaires (activités sportives, bilan de santé, gestion du budget, etc.) ainsi que des informations collectives et des événements sur la découverte des métiers et des formations.

La capacité des opérateurs à proposer une offre d’activités diversifiée et adaptée aux différents profils et besoins des jeunes engagés détermine en grande partie l’efficacité du CEJ par rapport à d’autres dispositifs d’accompagnement vers l’emploi comme l’était la garantie jeunes. Le déploiement du dispositif a de ce point de vue mené les missions locales et France Travail à adapter et enrichir fortement leur offre interne de services et à développer de nouveaux partenariats.

L’offre d’ateliers et d’activités apparaît toutefois encore hétérogène d’un territoire à l’autre. Les contraintes de mobilité rencontrées par les jeunes et majorées dans les territoires périurbains et ruraux peuvent également constituer un frein important pour accéder à l’ensemble de l’offre proposée localement.

En particulier, les entreprises apparaissent encore trop faiblement mobilisées dans le cadre du CEJ. L’offre effective de stages et de périodes de mise en situation professionnelle est faiblement développée alors même que la multiplication des expériences professionnelles est déterminante pour faciliter à terme l’accès des jeunes à l’emploi. La DGEFP a indiqué à ce sujet avoir élaboré une feuille de route partagée à l’ensemble des parties prenantes du CEJ. Il est également attendu de la réforme de France Travail un renforcement des démarches de prospection des entreprises. Le rapporteur recommande de favoriser un contact plus systématique des bénéficiaires du CEJ avec des situations professionnalisantes.

Enfin, la recherche qualitative sur le CEJ souligne les difficultés à proposer à certains jeunes quinze à vingt heures d’activités pertinentes d’autant plus que le temps consacré à une recherche d’emploi ou la construction d’un projet n’est pas toujours quantifiable (se renseigner, discuter avec des pairs ou des relations, construire son réseau, etc.) de même que certains éléments de la vie privée des jeunes. L’obligation de quantifier et de consigner sur un tableau de bord les activités réalisées peut aller de pair avec des « stratégies de remplissages des agendas » qui n’apparaissent pas toujours constructives.

2.   Un besoin de simplification administrative : libérer du temps pour un accompagnement plus personnalisé et qualitatif

D’une manière générale, le dispositif bénéficie de bons retours de la part des jeunes et des conseillers interrogés. Les jeunes rencontrés dans le cadre de la mission menée par l’Igas soulignent le lien de proximité et de « confiance » entretenu avec leur conseiller grâce à l’entretien hebdomadaire et leur disponibilité. Les conseillers valorisent de la même manière le caractère individualisé et personnalisé de l’accompagnement qui donne du sens à leur métier.

L’une des critiques principales formulées par les personnes auditionnées concerne toutefois la charge administrative importante liée au CEJ. Celle-ci est chronophage et contraignante pour les conseillers en insertion, en particulier dans les missions locales et peut également constituer un frein à l’accès au dispositif pour certains jeunes.

L’inscription au CEJ nécessite en effet de la part du jeune concerné de renseigner divers formulaires et de transmettre plusieurs pièces administratives (pièce d’identité, RIB, avis d’imposition). Ces formalités obligatoires qui ne sont ni dématérialisées ni communes à d’autres demandes d’aides sociales peuvent constituer une source de complexité, voire de conflictualité pour les jeunes bénéficiaires et leurs familles.

Du côté des conseillers et conseillères, l’intensité et le poids de l’administratif sont également unanimement soulignés en particulier dans les missions locales. Outre l’accompagnement intensif (contact hebdomadaire avec chaque jeune, animation d’ateliers, gestion de thématiques périphériques liées au logement, à la santé, aux mobilités, etc.), le suivi d’un jeune en CEJ implique de nombreuses tâches standardisées de contrôle et de saisine informatique dont le contrôle et l’archivage des pièces administratives, le contrôle de l’assiduité aux ateliers et le suivi des engagements du jeune, le relevé des ressources financières pour déclencher la mise en paiement de l’allocation, etc. « Les professionnels se sentent particulièrement sollicités, jonglant avec une multitude d’informations et de saisies informatiques, car selon l’adage souvent répété ce qui n’est pas noté n’est pas fait. » ([29]) Cette surcharge administrative tend à empiéter sur le temps disponible pour accompagner les jeunes d’une manière plus personnalisée et qualitative.

Le rapporteur rejoint à ce titre les recommandations des rapports d’évaluation de l’Igas et du Conseil d’orientation des politiques de la jeunesse (COJ) ([30]) sur la nécessité de simplifier les démarches administratives, de faire évoluer en profondeur le système d’information des missions locales et d’alléger plus généralement le travail des conseillers en insertion en mission locale.

3.   Adapter les « 15-20 heures » aux situations spécifiques et réformer le système de sanctions

Les jeunes en CEJ au troisième trimestre de l’année 2023 suivaient en moyenne 16,2 heures d’activités. Le rapport d’évaluation du Conseil d’orientation des politiques de la jeunesse (COJ) ([31]) relève toutefois des problèmes d’assiduité et d’absentéisme ainsi que la difficulté pour les conseillers à contrôler les activités réalisées en autonomie qui représentent en moyenne la moitié du volume hebdomadaire. Ces manquements peuvent recouper des problématiques diverses et appeler des réponses à différents niveaux.

Les personnes auditionnées ont notamment souligné plusieurs cas de jeunes pour lesquels le volume hebdomadaire d’activités exigé peut être difficile à suivre. Le rapporteur recommande de rendre l’accompagnement plus progressif si nécessaire et de permettre une progressivité des activités dans le temps, voire une modulation du volume horaire selon la situation du jeune et le niveau de ses difficultés d’insertion dans l’emploi (handicap, problématiques de logement, de mobilité, etc.).

De manière générale, la qualité et les types d’activités proposées aux jeunes influencent également leur engagement et leur adhésion au contrat. Le COJ relève à ce titre que la mise en œuvre d’ateliers permettant d’identifier et de formuler ses aspirations professionnelles et personnelles en début de parcours favorise le maintien des jeunes dans le programme.

Les problèmes d’assiduité et d’absentéisme soulèvent enfin la question de l’opportunité et de l’efficacité du système de sanctions prévu à l’article R. 5131‑18 du code du travail et introduit par le décret n° 2022-199 du 18 février 2022. Celui-ci définit des sanctions graduelles en cas de manquement du bénéficiaire aux obligations prévues par son contrat impliquant :

– une réduction du quart du montant de l’allocation versée au premier manquement ;

– une suppression de l’allocation pour un mois au second manquement ;

– la suppression définitive de l’allocation et la rupture du contrat d’engagement au troisième manquement.

L’adaptation et la portée dissuasive de ce système de sanctions sont toutefois débattues. Le CEJ étant conçu pour « aller vers » des jeunes qui entretiennent souvent un rapport de défiance vis-à-vis des institutions, des sanctions trop strictes sont susceptibles de les décourager et d’entraîner rapidement leur décrochage du dispositif. Pour les jeunes qui rencontrent des difficultés spécifiques pouvant justifier une présence aléatoire aux activités, une application rigide des sanctions apparaît inadaptée et contre-productive. Enfin, plusieurs conseillers ont également jugé ce système de sanctions difficilement applicable dans la durée du CEJ en raison de sa complexité et de la longueur des procédures.

Le rapporteur recommande ainsi de faire évoluer le système de sanctions de façon à l’adapter davantage à la situation de chaque jeune et prévenir un décrochage systématique avec un allégement du formalisme de la procédure et une redéfinition de la progressivité des sanctions. La DGEFP a indiqué au rapporteur que des travaux de niveau réglementaire étaient en cours à ce sujet.

B.   le cej, une opportunitÉ de renforcer les coopÉrations entre les acteurs Œuvrant pour l’insertion des jeunes

À plusieurs égards, la mise en œuvre du CEJ anticipe les évolutions portées par la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi : le dispositif expérimente une logique contractuelle avec les bénéficiaires du service public de l’emploi et un accompagnement de type intensif qui nécessite une coordination renforcée entre les acteurs, en particulier France Travail et les missions locales mais également d’autres structures d’accueil telles que l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (Epide), les Écoles de la deuxième chance (E2C) ou l’Agence du service civique.

1.   Améliorer la coordination entre les missions locales et France Travail

La mise en œuvre du CEJ a de fait incité les deux opérateurs à développer leurs partenariats locaux, en particulier à travers la mise en place d’ateliers partagés à destination des jeunes en CEJ. À titre illustratif, la mission locale de Brest organise, en coordination avec l’agence locale de France Travail, un atelier intitulé « Une filière, un métier, # pourquoi pas moi ! » visant à favoriser la découverte et l’accès à des filières et des métiers pouvant être méconnus par les jeunes comme par exemple les métiers des industries de la mer.

Toutefois, d’après le rapport d’évaluation précité de l’Igas, le dynamisme de ces partenariats demeure inégal d’un territoire à l’autre et l’offre d’activités n’est pas systématiquement mutualisée entre les deux opérateurs. L’Igas regrette également que le dispositif ait pu générer une mise en concurrence qui s’est notamment traduite par la forte diminution du nombre de jeunes réorientés par France Travail vers les missions locales.

La collaboration entre France Travail, anciennement Pôle emploi, et le réseau des missions locales repose sur un accord-cadre signé pour la période 2015-2017 et renouvelé par voie d’avenant chaque année depuis 2018. Le dernier avenant a été signé le 6 mars 2024. Dans le cadre de cet accord, 49,2 millions d’euros sont versés chaque année par France Travail aux missions locales pour assurer le suivi et l’accompagnement des jeunes inscrits à France Travail et orientés vers les missions locales.

Les observations de terrain soulignent des modalités d’organisation et de déploiement du CEJ très différentes d’un réseau à l’autre en termes de nombre de jeunes suivis par conseiller (31 jeunes en moyenne par conseiller à France Travail et entre 20 et 50 dans les missions locales), de disponibilité des conseillers ou encore d’intensité et de variété des activités proposés. Les systèmes d’information et outils de suivi utilisés ne sont également pas communs aux deux réseaux.

Évolution du nombre moyen de jeunes suivis par les conseillers de France travail depuis le lancement du cej

Source : France Travail.

L’accompagnement d’un jeune en CEJ varie ainsi fortement d’un réseau à l’autre sans que ces divergences ne soient bien évaluées et nécessairement justifiées par les besoins spécifiques des publics accompagnés.

Dans cette perspective, la mise en place de France Travail et du réseau pour l’emploi, visé à l’article L. 5311-7 du code du travail et créé par la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, doit être l’occasion d’améliorer la coordination entre les deux opérateurs au bénéfice des jeunes accompagnés en CEJ. Un nouvel accord-cadre est également actuellement en cours de discussions pour 2025-2027. Parallèlement, les deux réseaux ont lancé un projet de convergence de leurs systèmes d’information qui devrait aboutir à l’horizon 2026. À compter du 1er janvier 2025, l’inscription comme demandeur d’emploi à France Travail devient notamment un préalable à l’entrée dans le CEJ et le Pacea. Les missions locales auront ainsi la responsabilité d’inscrire les jeunes qu’ils accueillent à France Travail.

2.   Renforcer les partenariats avec des structures d’accueil externes

  1.   L’Epide : une solution structurante pour les jeunes les plus vulnérables

L’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (Epide) a accueilli en 2023 3 879 jeunes dont 33 % sont issus des QPV ([32]). Cet établissement s’adresse prioritairement à des jeunes qui rencontrent d’importantes difficultés sociales et personnelles. La moitié des volontaires à l’insertion cumulerait ainsi au moins quatre facteurs de vulnérabilité parmi les facteurs suivants : ne pas savoir comment trouver un emploi ; ne pas trouver de l’aide dans son entourage ; avoir déjà renoncé à se nourrir ; avoir déjà renoncé à se soigner ; ne pas avoir su où dormir le soir ; avoir eu des comportements à risque ([33]).

Créé par l’ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 et régi par le code de la défense et le code du service national, l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (Epide) est un établissement public de l’État ayant pour objet l’insertion sociale et professionnelle des jeunes de 17 à 25 ans révolus, sans diplômes ni qualification professionnelle ou en « en voie de marginalisation sociale » (article L. 3414-1 du code de la défense).

Les jeunes volontaires sont hébergés cinq à sept jours par semaine dans l’un des vingt centres répartis sur le territoire métropolitain. Ils bénéficient d’une allocation mensuelle (article L. 130-3 du code du service national) ainsi que d’un accompagnement structuré visant à la remise à niveau des compétences fondamentales (lecture, écriture, calcul), au développement des compétences sociales et civiques et à la construction d’un projet professionnel. Le cadre de vie et d’apprentissage proposé au sein de l’Epide se distingue par une exigence de discipline d’inspiration militaire qui se traduit notamment par le port d’un uniforme obligatoire. Le taux de sorties positives en 2023 (emploi de plus de deux mois ou formation qualifiante) est évalué à 47 %.

L’Epide bénéficie d’un financement de 84,32 millions d’euros en AE et en CP dans le PLF 2025 (crédits inscrits à l’action 4 du programme 102). Son plafond d’emplois est stable par rapport à 2024 à hauteur de 1 142 ETPT. Son contrat d’objectifs et de performance (COP) est en cours de révision pour la période 2025-2027.

Lors de leur audition, les représentants de l’Epide ont globalement souligné les retombées positives du CEJ sur leur partenariat avec les missions locales et France Travail ([34]). À Bordeaux, le centre constate que les orientations des missions locales d’Aquitaine ont plus que doublé en lien avec la mise en œuvre du CEJ. Le centre de Langres déclare avoir retissé des liens avec certaines missions locales et le Pôle emploi du secteur. Entre 2021 et 2024, les admissions de jeunes orientés par les missions locales ont ainsi significativement augmenté de 600 jeunes orientés en 2021 à plus de 1 000 jeunes en 2024. Environ un quart des jeunes admis à l’Epide sont actuellement recrutés par une mission locale. Bien que ces estimations restent à consolider, l’Epide évalue à environ 80 % la part de ces jeunes en CEJ.

L’intérêt de renforcer les partenariats avec l’Epide dans le cadre du CEJ se mesure à plusieurs niveaux :

– l’Epide peut constituer une solution dite structurante ([35]) pour les jeunes les plus en difficultés et dont les besoins correspondent à l’accompagnement rigoureux et intensif qui y est proposé ;

– l’Epide peut également constituer une ressource pour les missions locales et les agences de France Travail dans la planification des quinze à vingt heures d’activités hebdomadaires ; les activités organisées par l’Epide pouvant être ouvertes ponctuellement aux jeunes en CEJ (actions citoyennes, activités sportives, ateliers numériques, etc.) ;

– du point de vue de l’Epide, le CEJ est également une opportunité pour construire des parcours d’insertion dit sans coutures avec la possibilité d’un retour en CEJ à l’issue du passage par l’Epide. Ce retour n’est toutefois pas toujours possible lorsque la durée du CEJ a été dépassée ; à ce titre, il pourrait être envisagé que le parcours en Epide ouvre droit à une suspension du CEJ.

  1.   Un partenariat à construire avec les Écoles de la deuxième chance (E2C) et l’Agence du service civique

En 2023, les Écoles de la deuxième chance (E2C) ont accueilli 16 879 jeunes (+ 12,5 % par rapport à 2022) au sein de 159 lieux d’activité permanents. Les parcours de formation proposés dans ces structures s’adressent tout particulièrement à des jeunes en décrochage scolaire sans diplôme ni qualification : 78 % des jeunes accueillis en 2023 n’ont pas de diplôme et 90 % n’ont pas d’expérience professionnelle.

Si les E2C sont reconnus comme une « action structurante » du CEJ et correspondent aux besoins d’une partie du public en CEJ, elles apparaissaient encore insuffisamment mobilisées dans ce cadre. Lors de leur audition, les représentants des E2C ont estimé à 10 % la proportion de jeunes en CEJ inscrits dans leurs établissements soit une proportion relativement faible alors même que plus de la moitié des jeunes accueillis dans les E2C viennent des missions locales (+ 32 % en 2023).

Les Écoles de la deuxième chance (E2C), créées en 1996 et mentionnées à l’article L. 214-14 du code de l’éducation, proposent un parcours de formation personnalisé aux jeunes de 16 à 25 ans sortis du système scolaire sans diplôme ni qualification et aux jeunes diplômés de niveau 4 (baccalauréat) dépourvus d’expérience professionnelle et présentant un risque de non insertion dans l’emploi. Le dispositif repose sur une pédagogie individualisée incluant une remise à niveau dans les matières fondamentales ainsi que des stages en entreprise représentant en moyenne 30 % du temps de formation. Les jeunes bénéficiaires perçoivent une indemnité à la charge des régions. En 2024, le réseau des E2C compte 159 sites implantés dans 12 régions, 68 départements et cinq territoires ultramarins. Un partenariat a été signé entre l’Union nationale des missions locales (UNML) et le réseau E2C pour 2022-2024 ; un accord-cadre entre Pôle emploi et les E2C couvre la période 2022-2025.

Le ministère du travail et de l’emploi contribue au financement des E2C à hauteur de 29,5 millions d’euros en AE et en CP dans le PLF 2025 (crédits inscrits à l’action 4 du programme 102).

De même, l’Agence du service civique a estimé, lors de son audition, à environ 10 % la proportion de jeunes accueillis en service civique dans le cadre d’un CEJ soit environ 7 000 jeunes. Ses représentants appellent à sensibiliser davantage les conseillers en insertion à l’intérêt de proposer un service civique dans le cadre d’un CEJ et de mieux structurer leur partenariat avec les missions locales et en particulier France Travail.

Le service civique, créé par la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010, permet aux jeunes de 16 à 25 ans de s’engager dans une mission d’intérêt général pour une durée de six à douze mois. Il a « pour objet de renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale » (article L. 120-1 du code du service national) et ouvre droit au versement d’une indemnité de service civique pouvant être cumulée sous certaines conditions avec l’allocation du CEJ. Il est reconnu comme une action structurante par la circulaire relative à la mise en œuvre du CEJ.

C.   Des moyens pérennisés dans le plf 2025

En 2024, les missions locales ont reçu pour instruction du ministère du travail de ne pas dépasser la cible établie à 200 000 jeunes par an. Le nombre d’entrées en CEJ pour France Travail a également été ajusté de 100 000 à 85 000 jeunes. Ces objectifs sont maintenus dans le PLF 2025.

Dans le PLF 2024, le coût du CEJ était évalué à 864 millions d’euros, dont 788,38 millions d’euros dédiés au paiement de l’allocation financière. La revue de dépenses de l’Igas et de l’Inspection générale des finances (IGF) ([36]) met en évidence quatre paramètres de calcul : le volume des entrées, le montant moyen de l’allocation versée (418,35 euros au 1er avril 2024), le pourcentage de jeunes percevant l’allocation (78,38 %) et la durée mensuelle moyenne de versement d’allocation (9,5 mois).

Source : Revue de dépenses de l’Igas et de l’IGF, 2024.

Ces moyens sont stabilisés pour 2025 :

– un montant de 786,03 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) est dédié dans le PLF 2025 au financement de l’allocation CEJ dont 643,66 millions d’euros pour les jeunes accompagnés en mission locale et 142,38 millions d’euros pour les jeunes accompagnés par France Travail ;

– au titre de l’accompagnement des jeunes en CEJ, 14,35 millions d’euros sont prévus en AE et en CP pour le financement de prestations mises en œuvre par France Travail (action 4 du programme 102) ;

– les moyens de fonctionnement des missions locales ([37]), comprenant entre autres la mise en œuvre du CEJ, s’élèvent à 598,45 millions d’euros en AE et 491,95 millions d’euros en CP (action 2 du programme 102). La baisse en CP correspond à une mesure de trésorerie qui impactera le rythme de versement des crédits en 2025 et 2026.

Évolution des crédits, en LFI et en exécution

(en millions d’euros)

 

2020

2021

2022

2023

LFI 2024

PLF 2025

 

LFI

Exécutés

LFI

Exécutés

LFI

Exécutés

LFI

Exécutés

Allocation CEJ

 

 

 

 

 

746,8

867,1

782,3

787,4

786,0

Dont missions locales

 

 

 

 

 

636,4

713,9

631,0

628,1

643,7

Dont France Travail

 

 

 

 

 

110,3

153,2

151,3

159,3

142,4

Allocation Pacea

65,0

67,1

104,0

115,3

120,0

111,2

120,0

88,3

101,0

43,8

Allocation garantie jeunes

364,5

406,2

555,4

519,2

809,0

98,5

21,1

 

 

 

Source : DGEFP.

Les moyens dédiés à l’insertion des jeunes sur le marché du travail, inscrits à l’action 4 du programme 102 du PLF 2025, incluent également l’allocation ponctuelle versée aux jeunes dans le cadre du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (Pacea). Les crédits prévus au titre de cette allocation – dont le montant maximum est de 552,29 euros par mois – s’élèvent à 43,81 millions d’euros en AE et en CP dont 42,81 millions d’euros pour les jeunes accompagnés par les missions locales et 1 million pour les jeunes accompagnés par France Travail.

Le Pacea, créé par l’article 46 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, est un dispositif d’accompagnement géré par les missions locales et destiné aux jeunes de 16 à 25 ans (révolus) confrontés à un risque d’exclusion professionnelle. Il est composé de phases d’accompagnement pouvant varier dans leur durée et leur intensité, dans la limite de vingt‑quatre mois d’accompagnement consécutifs au total.

Depuis le 1er janvier 2017, date d’entrée en vigueur de la Pacea, jusqu’au 31 juillet 2024, 2 035 284 jeunes sont entrés en Pacea dont 265 611 en 2023. Ce parcours ouvre également droit à une allocation financière, plafonnée à 552,29 euros par mois et à six fois ce montant mensuel par an, et cumulable avec d’autres revenus sous conditions ([38]). En 2023, 154 232 jeunes ont touché au moins une fois une allocation dans l’année.

 

Dans le cadre de la mise en œuvre de France Travail, les contrats d’engagement pour les jeunes entrés en CEJ et en Pacea seront harmonisés à compter du 1er janvier 2025. L’inscription en tant que demandeur d’emploi à France Travail devient un préalable à l’entrée dans l’un de ces deux parcours (article 1er de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi).

L’action 4 du programme 102 inclut également le financement de l’Epide (84 millions d’euros en AE et en CP), des Écoles de la deuxième chance (29,5 millions d’euros) ainsi que des actions de parrainage ([39]) (4,54 millions d’euros) et de mentorat ([40]) (1,38 million d’euros) menées auprès de jeunes.

 


   Travaux de la commission

1.   Réunion du mercredi 6 novembre 2024 à 17 heures

Lors de sa première réunion du mercredi 6 novembre 2024 à 17 heures, la commission auditionne Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi. ([41])

M. le président Frédéric Valletoux. Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi de finances (PLF) en accueillant Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi, qui nous présentera les crédits de la mission, avant que nous n’entendions l’avis de notre rapporteur, Didier Le Gac.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi. Je concentrerai mon propos sur les programmes 102 et 103, qui réunissent les principaux crédits d’intervention de mon ministère sur les quatre qui composent la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux. Sur les 21,5 milliards d’euros inscrits sur la mission, le périmètre de ces deux programmes représente 19,5 milliards, en diminution par rapport à la loi de finances initiale (LFI) 2024 de 12 % pour les autorisations d’engagement et de 11 % pour les crédits de paiement. Il s’agit d’une baisse non négligeable, c’est indéniable, mais je voudrais la mettre en perspective avec deux éléments qui ont compté dans l’élaboration de ce budget.

Dans une perspective historique, d’abord, les crédits d’intervention pour 2025 restent élevés puisqu’ils étaient, en moyenne, inférieurs à 15 milliards d’euros au cours des dix dernières années. En 2015, le budget de la mission Travail et emploi représentait 3 % du budget général de l’État contre 4 % aujourd’hui, ce qui signifie que les dépenses de cette mission ont progressé plus rapidement que le budget général.

Ensuite, et c’est peut-être le plus important, le succès du ministère et des politiques de l’emploi doit être jugé à l’aune de leur efficacité, en particulier les dispositifs d’insertion dans l’emploi durable, à six ou douze mois. Il faut systématiser l’évaluation de ces actions, avec les parlementaires, à partir de données totalement transparentes.

Le budget a été construit en cohérence avec la feuille de route du Gouvernement, en suivant quatre priorités : continuer à promouvoir activement l’accès à l’emploi, parce que la bataille du plein emploi est toujours devant nous ; garantir que le travail paie, avec notamment les dispositions de l’article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et celles relatives aux heures supplémentaires ; traduire notre esprit de responsabilité en matière budgétaire ; soutenir le dialogue social.

Dans un contexte budgétaire contraint, le plein emploi reste un défi à relever. Cela demande de sanctuariser autant que possible les outils en faveur de l’emploi des jeunes, des seniors et des personnes qui en sont le plus éloignées.

Le premier de ces outils est France Travail, que la loi de décembre 2023 place au cœur du réseau pour l’emploi. L’opérateur doit davantage aller à la fois vers les demandeurs d’emploi, en particulier les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), et vers les entreprises, qui ne sont que 25 % à recourir à ses services, avec la nouvelle offre France Travail Pro. En 2025, la subvention pour charges de service public (SCSP) que l’État verse à France Travail est maintenue au même niveau qu’en 2024, à 1,35 milliard d’euros alors que la contribution de l’Unedic devrait augmenter. La stabilité de la SCSP s’accompagne d’un effort demandé sur les effectifs, qui connaîtront une diminution de 500 équivalents temps plein (ETP), soit moins de 1 % de l’ensemble, après avoir augmenté de plus de 10 % entre 2019 et 2024. Des gains d’efficience devront donc être envisagés par l’opérateur avec le souci constant de préserver ses missions prioritaires.

Un autre levier de l’accès à l’emploi est l’insertion par l’activité économique (IAE). Les financements consacrés aux aides au poste seront stabilisés à 1,5 milliard d’euros, un niveau deux fois supérieur à celui de 2018 qui devrait apporter de la lisibilité au secteur. Le fort investissement dont celui-ci fait l’objet depuis six ans a permis de développer le nombre des structures et d’accroître de manière substantielle le temps de travail en insertion. Nous devons désormais être plus attentifs aux résultats produits par ces parcours, au regard de la professionnalisation dans l’accompagnement et de la proximité du monde de l’entreprise, pendant les parcours et à l’issue de ceux-ci, bref évaluer plus fortement les dispositifs d’insertion.

Les moyens de la politique d’emploi des personnes en situation de handicap sont également à notre disposition. Les crédits destinés aux entreprises adaptées, engagées elles aussi dans une transformation de leur modèle, ainsi que la subvention à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées devraient rester dynamiques. Au-delà de l’aspect budgétaire, à la suite de la Conférence nationale du handicap, des chantiers ont été engagés pour explorer toutes les possibilités d’insertion en milieu ordinaire des personnes en situation de handicap. On parle beaucoup des actions que va mener, à partir de 2025, France Travail vis-à-vis des bénéficiaires du RSA, mais l’opérateur se met aussi au service des demandeurs d’emploi en situation de handicap que, par défaut, nous souhaitons orienter vers le milieu ordinaire.

Le budget 2025 concerne également les missions locales. Nous stabilisons à 200 000 les entrées en contrat d’engagement jeune (CEJ), soit le double du nombre de garanties jeunes recensées en 2020, ce qui montre que la dynamique se poursuit. Il faut y ajouter les 85 000 entrées en CEJ réalisées auprès de France Travail, qui a son propre dispositif en faveur des jeunes. Le budget prévoit une baisse modérée, de l’ordre de 6 %, des crédits des missions locales, ainsi qu’une mesure en trésorerie sur laquelle je serai très vigilante. Nous travaillons avec le réseau à l’application de ces mesures ; j’ai d’ailleurs participé, il y a quelques semaines, à la réunion nationale des missions locales, au Havre. Les moyens de fonctionnement du réseau restent près de deux fois supérieurs au niveau qui était le leur avant la crise sanitaire – en 2019, ils s’élevaient à 350 millions d’euros, contre 600 millions aujourd’hui. Là aussi, je souhaite que l’on se préoccupe de l’efficience de la dépense publique, ce qui implique de regarder si, en sortie de dispositif, les bénéficiaires occupent un emploi et, le cas échéant, s’il s’agit d’un emploi durable ou d’une formation.

La formation professionnelle est un autre des volets de l’accès à l’emploi. La subvention accordée à l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) est stable, à 115 millions d’euros. Par ailleurs, l’enveloppe budgétaire prévue en faveur des pactes régionaux d’investissement dans les compétences (Pric) garantira l’application en 2025 des conventions signées en 2024. L’État sera donc au rendez-vous.

La deuxième priorité, celle du travail qui doit payer, est assurée, parallèlement à l’article 6 du PLFSS, par l’enveloppe, stable par rapport à 2024, de 0,9 milliard d’euros destinée à financer la déduction des cotisations patronales au titre des heures supplémentaires.

S’agissant de la responsabilité budgétaire, la troisième priorité, notre ministère participe à l’effort de redressement des comptes publics sans casser ce qui marche. Nous proposons ainsi une baisse de 1,2 milliard d’euros du montant des aides à l’embauche d’un apprenti, ce qui ne remet nullement en cause cette priorité politique et révolution culturelle lancée en 2017. Il s’agit simplement de prendre en compte l’évolution intervenue depuis 2019 : avant cette date, la prime ne concernait que les entreprises employant moins de 250 personnes ; depuis 2019, elle concerne l’ensemble des entreprises. La diminution de la prime se fera par la voie réglementaire. Nous cherchons quel critère assurera le meilleur équilibre possible – niveau de diplôme, taille de l’entreprise –, à moins que l’on ne privilégie une baisse linéaire. Nous en discuterons.

Les efforts budgétaires se traduisent aussi par la suppression des emplois francs, dont l’efficacité était limitée. La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) estime que le dispositif était utilisé à 78 % par effet d’aubaine, ce qui se traduisait par un coût unitaire de l’emploi très élevé. Nous préférons donc mettre le paquet sur ce qui marche, à savoir le contrat d’engagement jeune, les écoles de la deuxième chance et les écoles de production – ces deux dernières voyant leurs crédits augmenter.

Enfin, pour dire un mot de la quatrième priorité malgré sa faible incidence budgétaire, les services de l’État, notamment les opérateurs spécialisés, vont continuer à financer le dialogue social et local, notamment dans les TPE.

M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis. Je vous présente mon rapport pour avis sur la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux dans un contexte économique et politique contrasté. D’un côté, la situation particulière de nos finances publiques implique un effort de redressement budgétaire auquel contribue fortement la mission, avec un recul de ses crédits de 1,48 milliard d’euros par rapport à 2024. De l’autre côté, l’embellie sur le front de l’emploi ne faiblit pas – pas encore –, le taux de chômage demeurant historiquement bas dans notre pays.

Les efforts financiers doivent désormais être prioritairement orientés vers les personnes les plus éloignées de l’emploi, et la maîtrise des dépenses publiques ne doit pas se faire au détriment des politiques de l’emploi ambitieuses que nous menons depuis plusieurs années. Nous ne devons pas non plus renoncer à l’objectif du plein emploi. Conformément à la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, toutes les personnes éloignées de l’emploi, notamment les bénéficiaires du RSA, devront être inscrites à compter du 1er janvier 2025 auprès de l’opérateur France Travail afin de bénéficier d’un suivi renforcé.

Le programme 102 Accès et retour à l’emploi met en œuvre les dispositions de la loi précitée de 2023 et est destinataire des crédits accordés à France Travail. En 2024, l’opérateur a bénéficié d’une SCSP de 1,35 milliard d’euros, en hausse de 100 millions par rapport à 2023. Conformément à la convention tripartite 2024-2027 liant France Travail à ses deux financeurs, l’État et l’Unedic, il est prévu de reconduire en 2025 ce même montant de 1,35 milliard. La stabilisation de ces crédits permettra non seulement d’assurer l’orientation de tous les demandeurs d’emploi signataires du nouveau contrat d’engagement, dont les bénéficiaires du RSA, mais aussi de conduire une mission d’appui et de soutien aux instances de gouvernance du nouveau réseau.

Alors que Pôle emploi avait bénéficié de 300 ETP supplémentaires en 2024 pour faire face au déploiement du nouvel opérateur, le plafond d’emplois de France Travail a été réduit de 500 ETP pour 2025. Si l’effort demandé n’est pas négligeable, il me semble néanmoins cohérent avec la trajectoire attendue et déjà amorcée par l’opérateur, qui s’est engagé dans un plan d’efficience concernant au moins 2 900 ETP à l’horizon 2027.

Dans la continuité des années précédentes, le Gouvernement fait le choix, auquel je souscris, de diminuer le nombre d’entrées en contrats aidés afin de les recentrer sur les publics les plus vulnérables.

Le programme 103, qui vise à accompagner les mutations économiques et le développement de l’emploi, connaît une baisse de l’ordre de 2,82 milliards d’euros. Cette contraction est due au recul des moyens consacrés à l’apprentissage.

Alors que l’objectif d’un million d’apprentis a été atteint en octobre 2023, je tiens à rappeler mon attachement à ce dispositif et à mettre en garde contre un possible enrayement de la dynamique observée depuis 2018. S’il n’est pas illégitime de rationaliser les aides à l’apprentissage dans un contexte de consolidation budgétaire, la modulation ne doit pas se faire au détriment des petites entreprises ni des personnes titulaires d’un diplôme inférieur à bac + 3, alors même que l’image de l’apprentissage évolue et n’est plus cantonnée aux seules formations infra‑bac. Par ailleurs, les entreprises de plus de 250 salariés sont déjà éligibles à ces aides sous certaines conditions : elles ne peuvent embaucher un nouvel apprenti que si elles comptent au moins 5 % de leurs effectifs en alternance ou 3 %, avec une dynamique de 10 % au cours de l’année écoulée.

Les critères de la modulation sont certes fixés par la voie réglementaire mais je regrette que nous ayons cette discussion sans connaître les arbitrages de l’exécutif. Cette incertitude nourrit l’inquiétude des entreprises alors que les nouvelles règles entreront en vigueur dans moins de deux mois.

Les crédits du programme 111 Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail financent notamment l’activité de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, à hauteur de 8 millions d’euros, et de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, pour 11,3 millions.

Concernant le programme 155 Soutien aux ministères sociaux, qui entérine la fusion du programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales, jusqu’alors rattaché à la mission Solidarités, insertion et égalité des chances, et de l’ancien programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail, le périmètre élargi implique une hausse significative des crédits, de près de 2 milliards d’euros.

Telles sont les remarques que je souhaitais faire sur l’évolution des crédits, auxquels je donne un avis favorable.

J’ai choisi, dans le cadre de la partie thématique de cet avis, d’évaluer le contrat d’engagement jeune (CEJ), qui est mis en œuvre, en remplacement de l’ancienne garantie jeunes, par les missions locales et France Travail depuis le 1er mars 2022, ce qui nous offre un peu de recul. Il constitue désormais le principal, si ce n’est le seul, dispositif d’accompagnement adressé aux jeunes éloignés de l’emploi, pour un coût estimé à 864 millions d’euros en 2024.

Les auditions que j’ai menées permettent de dresser un bilan globalement positif du CEJ et encourageant pour l’avenir.

Le CEJ se singularise par l’accompagnement intensif et personnalisé qu’il propose aux jeunes âgés de 16 à 25 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation. Les jeunes signataires du contrat bénéficient de points d’étape réguliers avec un conseiller référent unique et ont l’obligation d’effectuer des activités, de manière encadrée ou autonome, durant, au minimum, quinze à vingt heures par semaine. Le contrat ouvre droit au versement d’une allocation mensuelle dont le montant maximal s’élève à 552 euros pour les jeunes majeurs rattachés à un foyer fiscal non imposable à l’impôt sur le revenu.

Le dispositif a rencontré son public : entre mars 2022 et septembre 2024, 792 000 jeunes ont signé un CEJ, dont deux tiers en mission locale et un tiers à France Travail. Près de 80 % des signataires du CEJ perçoivent l’allocation.

Les jeunes peu diplômés sont les premiers bénéficiaires du dispositif. Or on sait que le niveau de diplôme détermine encore en grande partie l’insertion dans l’emploi. Plus des deux tiers des jeunes suivis en 2022 et en 2023 ont un niveau inférieur ou égal au certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou au brevet d’études professionnelles. Un jeune sur cinq vit dans un quartier prioritaire de la politique de la ville et 13 % habitent dans une zone dite de revitalisation rurale.

Les retours de terrain décrivent des jeunes bénéficiaires souvent isolés, qui entretiennent un rapport négatif à l’école et expriment de fortes inquiétudes vis-à-vis de leur orientation. Le CEJ leur offre un cadre structurant et une relative sécurité financière favorables à la redéfinition de projets professionnels cohérents.

La mise en œuvre du volet Jeunes en rupture du CEJ (CEJ-JR) par 263 porteurs de projet a également permis d’élargir les publics ciblés et de repérer près de 21 000 jeunes en difficulté. Le CEJ-JR intégrera la nouvelle offre de repérage et de remobilisation, dite O2R, qui est issue de l’article 7 de la loi pour le plein emploi. Il est essentiel d’assurer la continuité des actions du CEJ-JR dans le cadre de cette nouvelle offre, car il répond aux besoins d’un public en grande difficulté.

Les premiers éléments d’évaluation du CEJ en matière d’accès à l’emploi sont encourageants : six mois après être sortis du dispositif, 55 % des jeunes entrés en CEJ entre mars 2022 et juin 2023 sont en emploi et 33,5 %, en emploi durable – c’est-à-dire en contrat à durée indéterminée (CDI) ou en contrat à durée déterminée (CDD) de plus de six mois. Des évaluations plus approfondies de l’incidence du CEJ sur les trajectoires des jeunes sont attendues en 2025.

Plus de deux ans après le lancement du dispositif, il y a donc lieu de se féliciter de sa capacité d’adaptation aux besoins des jeunes en difficultés ainsi que du sens qu’il contribue à redonner au métier de conseiller en mission locale et à France Travail. Jeunes et conseillers valorisent unanimement les liens de proximité et de confiance qui peuvent se nouer dans le cadre d’un suivi en CEJ.

Il ressort des auditions menées que le dispositif peut néanmoins être amélioré à plusieurs niveaux.

J’ai noté un besoin de simplification administrative, particulièrement en mission locale ; on m’a signalé que l’outil informatique est encore très compliqué.

Le système de sanctions défini par voie réglementaire semble trop strict et inadapté : il n’incite pas les jeunes à suivre le programme et est impuissant à prévenir le décrochage. Sa révision est en cours, d’après les informations transmises par les services du ministère.

L’accent doit être également mis sur le développement et la qualité de l’offre d’activités proposées aux jeunes. La capacité des opérateurs à proposer une offre d’activités diversifiée et adaptée aux profils des jeunes suivis détermine en effet en grande partie l’efficacité du CEJ par rapport à d’autres dispositifs d’accompagnement. Cette offre doit être développée de façon plus homogène entre les territoires et mutualisée entre les deux opérateurs. En outre, elle mobilise encore insuffisamment les entreprises locales, si bien que l’offre de stages et de périodes de mise en situation professionnelle demeure parfois limitée.

Enfin, le développement des coopérations et des partenariats entre les acteurs locaux et nationaux œuvrant pour l’insertion des jeunes est un réel levier d’amélioration du CEJ. À ce titre, une attention particulière doit être portée au renforcement de la coordination entre les missions locales et France Travail, mais également avec d’autres structures d’accueil comme l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi, les écoles de la deuxième chance ou encore l’Agence du service civique.

Les moyens alloués au CEJ dans le PLF 2025 permettront de pérenniser le dispositif. Les objectifs d’entrées en CEJ sont maintenus en 2025 à hauteur de 200 000 jeunes en mission locale et 85 000 jeunes à France Travail. Les crédits sont stabilisés à hauteur de 786 millions d’euros.

Je me réjouis de ces arbitrages qui consolident un dispositif d’accompagnement innovant, intensif et personnalisé au bénéfice des jeunes les plus éloignés de l’emploi.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Avant de poser la question du retour à l’emploi, il faut commencer par observer l’état de l’emploi. À cet égard, le bilan économique d’Emmanuel Macron nous montre dans une situation difficile. Tous les voyants sont au rouge. La part de l’industrie dans le PIB stagne depuis sept ans, à un niveau de 11 %. Au cours des six premiers mois de l’année, il y a eu plus de fermetures que d’ouvertures d’usines. On annonce des licenciements économiques chez Auchan et Michelin, qui affecteraient, respectivement, 2 400 et 2 300 emplois ; par ailleurs, 10 000 emplois sont menacés chez Milee, ex‑Adrexo. Le contexte macroéconomique rend notre tâche d’autant plus difficile qu’il se complique encore d’un endettement massif et de la nécessité de redresser les comptes publics.

Pour qu’il y ait retour à l’emploi, encore faut-il qu’il y ait de l’emploi stable et de qualité. Le PLF ne présente pas de véritable solution en la matière ; le Gouvernement semble chercher à faire des économies de bouts de chandelle, à porter des coups de rabot par‑ci, par‑là, s’en tenant, finalement, à ses engagements de réduction du déficit sans mener de politique volontaire en faveur du retour à l’emploi. Nous l’avions déjà relevé dans le cadre de l’examen du PLFSS, au sujet de la réduction de l’exonération des cotisations sociales sur les contrats d’apprentissage. Le PLF s’inscrit dans la même ligne, en privilégiant la diète sur la chasse aux dépenses qui sont sources d’effets d’aubaine ou simplement inefficaces.

Nous vous proposerons des solutions spécifiques dans nos amendements, notamment pour revaloriser l’apprentissage dans le secteur industriel et les secteurs qui assurent la productivité de notre pays ou pour rendre leur argent aux Français – un leitmotiv de notre groupe. En effet, plusieurs aides à la formation professionnelle et au retour à l’emploi sont à destination, non pas de nos compatriotes, mais des réfugiés et des migrants. À un moment où l’on demande toujours plus d’efforts budgétaires, ne faudrait-il pas que l’État agisse en priorité en faveur des Français ?

Se pose aussi la question de l’efficacité de notre politique. Plutôt que de réduire de façon générale les crédits pour l’apprentissage, le Gouvernement ne pourrait-il pas cibler prioritairement son action sur des secteurs, des entreprises d’une certaine taille et des types de formation ? Par ailleurs, qu’en est-il de l’aide à la mobilité ? Dans certains territoires ruraux, l’offre de services publics ne permet pas aux plus jeunes d’accéder aux formations proposées dans les bassins d’emploi.

Mme Christine Le Nabour (EPR). Nous ne pouvons que nous satisfaire des résultats en matière d’emploi depuis 2017 : le chômage est passé de 9,5 % à 7,5 % et celui des jeunes a baissé de 6,6 % ; nous avons créé 2 400 000 emplois, rapprochant le pays du plein emploi. Ces résultats sont à attribuer aux réformes audacieuses des gouvernements précédents : le développement de l’apprentissage, la réforme de l’assurance chômage ou la loi pour le plein emploi, dont les dispositions offrent de nouveaux outils en cohérence avec l’objectif fixé par le Président de la République d’atteindre l’emploi pour tous et partout. Nous avons la conviction que personne n’est inemployable.

La coordination des acteurs sur le territoire, la qualité de l’accompagnement et de la formation sont des préalables indispensables. C’est pourquoi je m’étonne et ne peux me satisfaire d’un tel rabot budgétaire. Cette baisse de quasiment 10 % n’est pas à la hauteur de notre ambition initiale. Avec un tel taux de chômage, nous devons aller chercher ceux qui sont éloignés voire très éloignés de l’emploi, ce qui passe par du repérage, de la remobilisation et des accompagnements plus longs et plus intensifs. Outre l’emploi, ces publics cumulent les difficultés, de logement, de santé ou de mobilité, qui entravent leur insertion professionnelle. Le réseau pour l’emploi a un rôle à jouer pour inclure ceux que la vie a éloignés du marché du travail. Si des choix doivent être faits, les personnes accompagnées ne doivent pas en pâtir.

Dans un contexte économique difficile où l’on demande un effort collectif, il est temps de revoir notre politique d’insertion dans l’emploi puis, après évaluation des dispositifs existants, notre politique d’insertion dans son ensemble. Les acteurs et les dispositifs sont très nombreux mais sont-ils tous efficaces ? Sont-ils efficients ? Ne sont-ils pas en concurrence les uns avec les autres ? Dans un second temps, il faudra harmoniser les critères d’éligibilité aux dispositifs, revoir les modalités de gouvernance, de pilotage et de financement de ceuxci, ainsi que les critères de sortie dynamique et de suivi de l’accompagnement tout au long des parcours et même au-delà.

Le bon déploiement du réseau pour l’emploi sera un pilier pour atteindre le plein emploi. Son efficacité repose, entre autres, sur la préservation des outils qui font leur preuve et des moyens. Aussi, comment mieux accompagner avec moins de moyens ?

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Alors que j’entends critiquer les coups de rabot sur le budget du ministère, je veux vous apprendre une bonne nouvelle ! Hier soir, en commission des finances, nous avons voté un très bon budget en augmentation de 5 milliards d’euros. Veuillez donc, madame la ministre, accepter notre argent !

Si l’on a inventé le ministère du travail en 1906, c’est mû par la conviction que le travail n’est pas une marchandise. Le travail, c’est la manière dont des êtres humains agissent pour se rendre utiles aux autres. Le travail ne se stocke pas, ne se met pas en réserve, à moins de priver les gens de revenus et de les faire dépérir. Le travail est une norme sociale, un sujet politique et un sujet d’émancipation. On ne crée pas de travail. Les êtres humains, qui naissent et grandissent, on les crée pour les aimer. Le travail n’est que la conséquence de l’existence des êtres humains, qui s’organisent collectivement et souhaitent œuvrer ensemble à un bien commun fixé politiquement.

Le travail est d’autant moins une marchandise qu’il ne s’achète pas et ne se vend pas librement. On n’a pas le droit, par exemple, d’acheter vingt-deux heures du travail quotidien de quelqu’un. Si les employeurs peuvent se retenir d’acheter pendant quelque temps du travail, les travailleurs ne peuvent pas se retenir de vendre leur force de travail. Il n’y a pas de marché du travail mais un rapport de force entre le capital et le travail. Ce rapport de force démarre dès l’âge de 16 ans pour les plus vulnérables, accueillis dans des missions locales qui sont dépouillées depuis des années. C’est la raison pour laquelle le budget voté hier soir ajoute 9 millions d’euros pour revaloriser le point d’indice des agents qui y exercent, 140 millions pour conduire des projets utiles et 775 millions pour maintenir les contrats aidés.

Si ces mêmes individus arrivent plus tard à France Travail, leur conseiller ou plus souvent leur conseillère aura au moins 400 personnes à accompagner. Comment connaître toutes ces personnes, organiser leur parcours et les accompagner vraiment ? Et encore j’ai retenu l’hypothèse la plus favorable : je suppose que le conseiller n’est pas une personne au chômage en service civique qui accompagne des personnes au chômage sans la moindre formation. Nous avons remis hier 1,5 milliard d’euros dans le budget de France Travail. Cela permettra d’éviter la suppression des 500 postes, d’en ouvrir de nouveaux, de réduire le nombre de chômeurs suivis par conseiller et d’instaurer une équipe chargée du contrôle de la conformité des offres d’emploi – une proposition votée à l’unanimité dans l’hémicycle en 2023 que M. Dussopt avait fait retirer en commission mixte paritaire en magouillant avec deux ou trois sénateurs. Madame la ministre, pourquoi ne voulez-vous pas de cette légère rallonge ?

Votre ministère concerne aussi les entreprises. En France, ce ne sont pas des seigneuries de droit divin. Elles sont soumises à des règles dont le respect est garanti par une administration, l’inspection du travail. Or on assiste, d’un côté, au démantèlement du code du travail et, de l’autre, à la saignée de l’inspection du travail. Hier soir, nous avons mis 20 millions d’euros supplémentaires dans l’inspection du travail pour recruter 400 personnes et atteindre le même taux d’encadrement que dans des pays éminemment bolcheviques comme la Pologne et la Tchéquie. Pour que le travail soit fait dans de bonnes conditions, nous avons voté 7 millions d’euros pour augmenter les salaires, 13 millions pour gérer les demandes de matériel qui sont transférées en préfecture et 10 millions pour le contrôle des plateformes ubérisées.

Madame la ministre, je vous espère enthousiaste et reconnaissante à l’idée de ces légères hausses budgétaires.

Mme Océane Godard (SOC). Le gouvernement Barnier nous avait annoncé de la nuance pour rompre avec une forme de brutalité à l’œuvre depuis 2017. Il nous avait annoncé être à l’écoute et au service de toutes et tous. Force est de constater que le compte n’y est pas et que le PLF 2025 se construit sur le dos des demandeurs d’emploi, des personnes fragiles, des allocataires du RSA, toujours considérés comme la source des dysfonctionnements du marché de l’emploi.

On tente de nous faire croire que la politique de l’emploi érigée depuis le début du macronisme serait efficace, que le taux de chômage au plus bas serait le fruit des réformes courageuses des gouvernements Philippe, Borne et Attal, ce qui justifierait des économies sur le budget du ministère du travail. Il n’en est rien. Le taux de chômage ne dit rien de la demande d’emploi qui ronge notre pays et de son évolution ces dernières années. En réalité, il y a toujours plus de demandeurs d’emploi de longue durée, toujours plus de seniors au chômage, de femmes notamment, toujours plus d’actifs occupant des contrats courts, toujours plus de précarité pour les jeunes peu qualifiés, très qualifiés ou issus de milieux modestes. Je vous invite également à regarder les déclarations uniques d’embauche et la réalité du marché du travail : 40 % de CDD, 50 % d’intérim et 10 % de CDI. Cela nous impose de réfléchir à de nouvelles formes de sécurité professionnelle.

Nous regrettons le manque d’écoute des plus fragiles, d’abord à travers l’assèchement des ressources humaines de France Travail : 500 ETP en moins, alors que 1 200 000 nouveaux inscrits seront attendus sur les listes des demandeurs d’emploi après la réforme du RSA et que 40 000 personnes sont accompagnées aujourd’hui. Les missions locales, auxquelles le président Macron a demandé d’ouvrir le robinet du CEJ en 2022, doivent maintenant réduire la voilure, en dépit des besoins des jeunes en difficulté. Quid des intermédiaires de l’emploi dans les territoires, tels que les plans locaux pour l’insertion et l’emploi qui produisent un travail d’une grande qualité ? On sous‑traite l’accompagnement au secteur privé ; on supprime les moyens dévolus à la généralisation de France Travail, qui coûterait 10 milliards d’euros ; on réduit les autorisations d’engagement de 76 % sur la santé au travail – un choix qui interroge à l’heure où la France voit exploser les maladies professionnelles et que la moitié des travailleurs est en grande souffrance.

Au premier coup de sifflet du lobby patronal, on revient sur l’une des rares annonces qui aurait mérité d’être creusée – la baisse des exonérations des cotisations patronales pour désmicardiser le pays, comme le disait notre précédent Premier ministre – et on ressort le vieux cheval de bataille du macronisme et des Républicains : l’augmentation du temps de travail. Or une plongée dans des données de qualité sur la réalité du temps de travail en France permet de constater que les Françaises et les Français n’ont pas à rougir du temps qu’ils passent au travail.

Pour accroître la productivité, réfléchissons à une politique de soutien plus ciblée en direction de l’apprentissage et qui ne fasse pas reposer la croissance de l’emploi sur un mirage. Nous serons force de proposition pour innover en matière de sécurisation professionnelle, de renforcement du dialogue social ou d’expérimentation par les régions de la compétence de l’emploi, ce qui serait une vraie solution. Nous avons des propositions à court et à moyen terme pour une nouvelle politique de l’emploi.

Mme Sylvie Bonnet (DR). L’enveloppe de crédits alloués à la mission Travail et emploi n’est pas épargnée par le contexte d’économies budgétaires. Avec 21,35 milliards d’euros, la mission subit une baisse de près de 10 %. Si nous souscrivons à la plupart des mesures d’économies, notamment concernant la fin de l’expérimentation des emplois francs, des points de vigilance demeurent. Je pense notamment à l’apprentissage, auquel nous sommes très attachés. Il n’est plus cantonné aux formations de niveau infra-bac et attire de plus en plus de jeunes, en particulier des milieux fragiles, grâce au soutien financier des entreprises qui diminue nettement le coût des études. Le dispositif actuel fonctionne bien, avec plus d’un million de contrats en cours au 31 décembre 2023, mais nous craignons que la baisse des aides aux employeurs ne casse cette dynamique positive.

Le groupe Droite Républicaine rend hommage aux entreprises qui, en s’impliquant dans la formation des apprentis, participent à leur insertion professionnelle, et s’inquiète de la baisse du soutien à l’apprentissage de 651 millions d’euros. Le principe d’une aide financière aux employeurs est certes maintenu, mais nous souhaiterions avoir davantage de précisions sur la manière dont le Gouvernement compte rationaliser celle-ci. Avec Thibault Bazin, nous proposons de rendre le système dégressif, en partant d’une aide de 6 000 euros pour le premier apprenti, de 4 500 euros pour le deuxième et de 3 000 pour le troisième. Cet ajustement permettrait de préserver le réseau des entreprises qui s’impliquent dans l’apprentissage, notamment nos petites et moyennes entreprises (PME) et nos artisans.

Plus globalement, s’il nous faut adapter les politiques de l’emploi aux impératifs de maîtrise de la dépense publique, nous ne devons pas renoncer à l’objectif du plein emploi. Aussi nous réjouissons-nous que ce PLF consacre les travaux menés par notre groupe à l’occasion de l’examen du projet de loi pour le plein emploi – je pense notamment à l’accompagnement des bénéficiaires du RSA qui devront effectuer un minimum de quinze heures d’activité hebdomadaire. Notre groupe en est convaincu, le travail doit toujours payer, plus que l’assistanat. Il faut encore plus encourager et soutenir ceux qui travaillent, qui cherchent activement un emploi ou se forment. Notre système social doit chercher à ramener les gens au travail et retrouver une vraie culture de l’accompagnement à l’emploi. Ce budget saura, je le crois, y contribuer.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Pour notre groupe, ce budget est un renoncement à accompagner les personnes qui en ont besoin. Alors que le taux de chômage réduit à 7,3 % masque la précarité d’un nombre immense de personnes qui voudraient travailler davantage – ma collègue socialiste l’a très bien démontré – et que le chômage des jeunes est très élevé, à plus de 18 %, ce budget austéritaire ne répond pas aux besoins de la population.

Vous laissez tomber les plus éloignés de l’emploi et les chômeurs, en diminuant de 25 % le budget de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi. Les crédits de la formation aux compétences numériques et aux compétences clés sont supprimés pour être intégrés à ceux du plan d’investissement dans les compétences, dont le budget même est en baisse. Vous baissez de 500 ETP le plafond d’emplois de France Travail, qui est soumis à un yo‑yo incessant entre hausses et baisses d’effectifs. Les conseillers ont des portefeuilles de plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de demandeurs d’emploi. Et vous financez le service public de l’emploi en ponctionnant l’Unedic et en l’obligeant à baisser leurs indemnisations. Ce sont celles et ceux qui sont privés d’emploi qui doivent payer le service public de l’emploi – une aberration.

Vous n’accompagnez pas non plus les jeunes. Le budget des missions locales est en baisse de 6 % et celui des CEJ également, qui étaient censés répondre à la revendication du RSA jeune. Nous sommes évidemment bien loin du compte, alors qu’il y a 1 400 000 jeunes en grande précarité. Je ne reviens pas sur la baisse du budget du parcours contractualisé d’accompagnement adapté vers l’emploi et l’autonomie (Pacea).

Enfin, vous ne protégez pas les salariés, avec un nombre d’inspecteurs du travail très nettement insuffisant par rapport aux besoins. Ces inspecteurs, qui étaient 2 250 en 2010, ne sont plus que 1 700. Vous êtes même en dessous de l’objectif déjà indigne de Mme Pénicaud qui voulait 1 inspecteur pour 10 000 salariés. Les crédits de la santé et de la sécurité au travail enregistrent une baisse de 5,5 %, alors que les indemnités journalières ont augmenté de 50 % depuis 2015. Ce n’est pas à cause de la feignardise des salariés mais de l’intensification du travail et de l’absence de politique de prévention. Il y a un million d’accidents du travail par an, dont plusieurs centaines sont mortels, et une augmentation importante du nombre de maladies professionnelles, pourtant sous-évaluées. Autant de sujets qui ne sont pas traités ! Nous regrettons très fortement cet abandon des salariés, des jeunes et des demandeurs d’emploi. Si ce budget reste en l’état, nous y serons défavorables.

M. Philippe Vigier (Dem). Ces sujets sont d’une telle importance qu’il faut éviter de tomber dans les lieux communs. Je suis un peu surpris d’entendre la charge de notre collègue Dussausaye expliquant que Michelin et Auchan licencient. Reconnaissez, si vous êtes honnête et objectif, que ces dernières années on a plutôt créé des emplois qu’on n’en a détruit. Rappelez‑vous que l’on s’adresse à des femmes et à des hommes qui cherchent du travail, à des chefs d’entreprise qui tous les jours se lèvent et prennent des risques.

La collègue socialiste n’y est pas allée avec le dos de la cuillère. Je me souviens pourtant d’un ancien Président de la République, qui nous fait l’honneur de siéger avec nous, qui avait déclaré son intention d’être de nouveau candidat à la présidence s’il voyait la courbe du chômage s’inverser. On a attendu, cette inversion n’est jamais venue. De tels résultats invitent à une très grande modestie.

De la même façon, je suis heureux de voir qu’il y a des ambassadeurs de l’apprentissage. En 2017, il y avait 285 000 apprentis ; nous en sommes à 1 million. Tout n’est pas formidable, mais voyons aussi ce qui va bien. On ne peut pas rayer d’un trait de plume les avancées. On a presque l’impression que ces résultats vous gênent. Pendant trente ans, on a comparé la France avec l’Allemagne et le jour où l’on touche enfin au but, on s’en étonne et on chipote.

Je remercie Hadrien Clouet pour sa générosité. Néanmoins, avec 17 milliards d’euros de taxes supplémentaires, il y aura peut-être un peu plus de charges, un peu moins de résultats fiscaux et peut-être un peu moins d’investissements.

Comme nos collègues de la Droite Républicaine, nous sommes très attachés à l’équilibre des finances publiques. Si chacun doit y participer, il ne faudrait pas pour autant casser les outils du ministère alors que l’on va certainement vivre bientôt des moments plus compliqués en matière d’emploi. Les moyens dont nous disposons sont-ils adaptés pour y faire face ?

Concernant l’apprentissage, nous ne souhaitons pas établir la dégressivité suggérée par notre collègue. Un boulanger qui a trois apprentis, si vous lui donnez moins d’argent pour le deuxième, vous allez le pénaliser. Au contraire, je ne suis pas persuadé qu’une très grande entreprise de 1 000 salariés serait pénalisée par une baisse des exonérations. Je ne suis pas complètement persuadé non plus qu’un bac + 12 ait besoin de passer par l’apprentissage.

Avec une réduction de 500 ETP à France Travail et une baisse des crédits de 10 %, arriverez-vous à accompagner ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi, à un moment où la situation économique risque de se retourner ?

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Dans un contexte de réduction des dépenses publiques, les crédits de cette mission connaissent une baisse de 6 % en autorisations d’engagement et de 4 % en crédits de paiement. Notre groupe tient à rappeler son attachement à l’équilibre des comptes et à l’efficience de la dépense publique. Ce serait en effet les plus fragiles qui verraient leurs conditions de vie se dégrader à terme si l’État ne parvenait pas à maîtriser ses dépenses et à se réformer. Si notre groupe soutient en responsabilité dans leur globalité le PLF et le PLFSS dans leur version présentée par le Gouvernement, nous restons néanmoins très attentifs à ce que les mesures d’économies garantissent la justice sociale dans l’effort budgétaire actuel.

La baisse des crédits de cette mission se concentre essentiellement sur celle des aides à l’apprentissage. La prime à l’embauche d’un apprenti passerait de 6 000 à 4 500 euros par contrat. Cette réduction, couplée à la réforme des exonérations des cotisations sociales pour les employeurs d’apprentis, devrait permettre de dégager 1,2 milliard d’euros. France compétences, qui gère le financement de l’apprentissage et de la formation professionnelle, verra également sa subvention réduite de 500 millions d’euros. Si je suis convaincue de la nécessité que chacun participe à l’effort de réduction de la dépense publique, il est néanmoins souhaitable que la baisse des aides à l’apprentissage prenne en considération la taille de l’entreprise et le niveau de qualification de l’apprenti.

Par ailleurs, certaines aides sont maintenues, notamment l’allocation de solidarité spécifique (ASS) destinée aux chômeurs en fin de droits, pour un budget de 1,8 milliard d’euros. Or ses conditions et ses montants sont extrêmement proches de ceux du RSA. La supprimer constituerait une mesure de simplification mais également une source d’économies. En effet, à la différence du RSA, l’ASS permet de valider des trimestres pour le régime général de retraite, ce qui représente un coût d’environ 1 milliard par an et constitue une situation d’iniquité majeure par rapport aux autres minima sociaux. Quelle est votre position à ce sujet ?

M. Stéphane Viry (LIOT). On connaît les conditions de préparation de ce PLF. Vous avez eu très peu de temps pour y mettre votre patte. Je ne vous reconnais d’ailleurs pas vraiment dans plusieurs arbitrages un peu trop techniques, oublieux de l’aspect humain. Facialement, la baisse des crédits dévolus à votre action est incontestable, si bien que l’on en vient à s’interroger sur la capacité de votre ministère à agir pour le plein emploi, alors que notre taux de chômage est supérieur à celui des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Il faut donc encore faire plus car la bataille de l’emploi ne va pas de soi. Or vouloir la gagner avec moins de crédits est plutôt paradoxal !

On tape sur France Travail au moment où il doit pleinement devenir l’opérateur public que l’on a voulu. Je ne comprends pas ce sous-financement ni la suppression des 500 ETP. Qu’on lui demande d’être efficient, soit, mais je ne voudrais pas que l’on perde dès à présent la chance qu’il peut représenter, en le privant des ressources humaines qu’il lui faudra pour mieux accompagner les demandeurs d’emploi, dont le nombre va considérablement croître le 1er janvier. Il faut réfléchir aussi à une manière différente d’accompagner les seniors.

Les crédits de l’IAE restent stables, mais on ne sent aucun souffle ni la moindre volonté de tendre la main à celles et ceux qui sont durablement éloignés de l’emploi et de leur tracer un parcours individualisé. Il faut veiller à envoyer un message aux acteurs de l’IAE, car je n’en vois aucun dans les chiffres.

Autre carence du budget de la mission, on laisse les conseils départementaux seuls alors qu’ils devront se mobiliser, dans le cadre de la réforme de France Travail, pour la prise en charge, à hauteur de quinze heures hebdomadaires, des bénéficiaires du RSA.

Il faut sans doute éliminer les effets d’aubaine du dispositif sur l’apprentissage, mais je m’interroge sur la vision et l’ambition du Gouvernement. La bataille a été gagnée et il serait regrettable de casser la dynamique. Il convient d’envoyer un message aux jeunes, à leur famille et aux entreprises, car la question dépasse celle de l’aide financière.

Je pourrais dresser le même constat sur les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes. Vous l’avez dit tout à l’heure lors des questions au Gouvernement, l’accès à l’emploi d’une partie des jeunes pose problème. Les missions locales ont vocation à les accompagner et à les aider : en amputant leurs crédits de 140 millions d’euros, vous envoyez un message que je ne comprends pas.

Le programme 111 Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail peut paraître accessoire, mais il ne l’est pas. Je connais votre engagement en faveur de la démocratie sociale et je sais que vous souhaitez donner la parole aux salariés et revaloriser la question du travail par des améliorations internes aux entreprises. Par conséquent, je peine à comprendre la baisse assez forte des crédits du programme 111. Alors que la qualité de l’emploi et les relations au travail devraient être améliorées et que vous avez énormément travaillé sur le sujet avant d’entrer au Gouvernement, on ne voit pas votre patte sur le budget – sans doute parce que vous n’avez pas eu votre mot à dire sur la ventilation des crédits entre les programmes. Il faudrait donner des moyens au dialogue social de terrain, car des avancées peuvent se produire à l’échelle des entreprises.

Mme la ministre. Il est vrai que la situation économique se durcit à cause du contexte international et du coût de l’énergie qui n’a pas retrouvé son niveau d’avant la guerre en Ukraine. Le nombre de plans sociaux augmente nettement depuis 2023, même dans les régions traditionnellement dynamiques, comme l’Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes ou la Bretagne. Le nombre de défaillances d’entreprise revient à son niveau de 2008 : toutes les entreprises concernées ne sont pas jeunes, loin de là, et tous les secteurs sont touchés.

Il convient de mettre les chiffres en perspective : le taux d’activité est de 74 %, niveau historiquement élevé pour la France mais inférieur au taux allemand de 81 % et néerlandais de 83 %. L’écart s’explique par une sous-performance française dans trois populations : les jeunes, car beaucoup ne sont ni dans un emploi ni dans une formation – on les nomme les Neet selon l’acronyme anglais –, les seniors, sur la situation desquels les partenaires sociaux négocient en ce moment, et les personnes durablement éloignées de l’emploi.

J’ai entendu des critiques sur la qualité des emplois créés. Elles sont injustes, car le nombre de CDI reste élevé. Quant aux secteurs, nous revenons de loin sur la part de l’emploi industriel dans l’emploi total, car celle-ci était deux fois plus élevée au début des années 1990. La chute a été bien plus forte en France qu’en Italie ou en Allemagne. Actuellement, cette part s’établit entre 11 % et 12 % et elle se stabilise. L’Observatoire compétences industries a montré que, ces dernières années, les ouvertures de site ont été plus nombreuses que les fermetures et que la création d’emplois industriels a progressé. Il faut faire de la réindustrialisation un défi national que nous devrions tous, de manière transpartisane, vouloir relever. Il faut porter une attention particulière à l’attractivité des investissements industriels dans notre pays et à la capacité de monter en compétences pour que les hommes et les femmes trouvent des emplois dans cette branche.

Environ 875 000 jeunes sont actuellement en apprentissage ; ce nombre a presque triplé au cours des dernières années. D’un montant de 6 000 euros, le financement public par apprenti équivaut à celui de la Suisse et dépasse celui de l’Allemagne – cela donne une idée de l’effort accompli, car ces deux pays sont les mieux-disants en Europe. L’aide ne dépend ni du niveau de qualification de l’apprenti ni de la taille de l’entreprise qui l’accueille, sachant que 35 % des entreprises de plus de 250 salariés n’ont pas le droit d’embaucher des apprentis. Ces derniers travaillent, pour 60 % d’entre eux, dans des structures de moins de 50 salariés.

La modulation de l’aide à l’apprentissage doit-elle se faire par niveau de qualification ? Cette option n’a pas ma préférence, car certaines fédérations professionnelles, comme la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, m’ont demandé de ne pas toucher aux apprentis ayant un diplôme de niveau 6 et 7 afin de montrer que l’apprentissage est une voie royale pour tous les niveaux de qualification et pas une voie de garage. L’apprentissage est un ascenseur social pour des jeunes de notre pays, certains d’entre eux finançant, grâce à leur contrat, leurs études en licence et en master. Grâce à l’apprentissage aussi, les TPE et les PME commencent à recruter des profils plus qualifiés. J’y suis très sensible, car nous avons besoin d’augmenter le niveau de qualification dans l’ensemble des entreprises, en particulier les TPE et les PME.

La modulation pourrait également se faire par la taille des entreprises. Il faut étudier cette possibilité, car 60 % des apprentis se trouvent dans des structures de moins de 50 salariés. Ces structures sont plus sensibles au coût des apprentis que les plus grandes entreprises. Aucun arbitrage n’a encore été rendu sur une telle mesure, qui relève du pouvoir réglementaire et qui doit être précédée d’une concertation avec l’enseignement supérieur, l’éducation nationale et l’artisanat. Nous trancherons très rapidement, afin de donner une visibilité, indispensable, aux entreprises.

Outre l’aide à l’embauche, nous devons nous soucier de la qualité de la formation dispensée par les centres de formation d’apprentis (CFA), que ceux-ci soient publics ou privés. Nous travaillerons sur ce dossier avec les partenaires sociaux dès la fin de l’année, une fois que le projet de loi de finances aura été adopté. Je veux être en mesure de donner aux apprentis et à leur famille de la visibilité sur les taux d’insertion, la rémunération et la qualité des emplois que l’on peut espérer en choisissant tel ou tel CFA, mais également sur les taux d’abandon et de rupture, car ces deux ratios indiquent la capacité du CFA d’être en lien avec le monde des entreprises. Il faut également examiner les règles de financement des CFA, ceux-ci retenant une comptabilité analytique sans doute quelque peu inflationniste.

De manière plus générale, il va falloir porter sur la formation professionnelle un regard territorialisé quant aux besoins de main-d’œuvre, car 550 000 emplois ne sont pas pourvus dans notre pays. L’effort de financement public des formations professionnelles doit être davantage différencié et cibler les compétences utiles dans les métiers en tension. Il faut rompre l’inadéquation entre le financement public de la formation professionnelle et les besoins du marché de l’emploi.

S’agissant des CEJ, vous avez tout à fait raison, monsieur le rapporteur pour avis, de parler de simplification, notamment pour le premier entretien, lequel donne lieu à un rapport d’une heure et demie, aussi long que l’entrevue. L’Inspection générale des affaires sociales a pointé l’excès de rigidité des sanctions, que nous cherchons à assouplir : l’engagement est de faire quinze heures par semaine, mais cette durée pourrait être entendue comme une moyenne à atteindre sur deux semaines.

Vous l’aurez compris, je souhaite mettre l’accent sur l’efficacité des dispositifs. L’un d’entre eux, Avenir’Pro, a été expérimenté par France Travail dans certaines régions : il s’adresse aux jeunes titulaires d’un bac professionnel ou d’un CAP, et le taux d’insertion de ceux qui y sont inscrits est très intéressant. Il repose sur trois entretiens annuels entre un agent de France Travail et le bénéficiaire du programme ; son impact est réel et la qualité de l’insertion élevée. Je vous invite à lire une étude de l’Institut des politiques publiques sur le sujet, qu’a rédigée Pierre Cahuc. Je souhaite assurer la pérennité, en lien avec France Travail, de ce type d’instrument. Nous devons nous focaliser sur les dispositifs de droit commun dont l’efficacité a été démontrée par des évaluations. Je participe demain à une réunion du Comité national pour l’emploi, structure du nouveau réseau national en voie de constitution : il importe qu’à tous les échelons de celui-ci, les agents qui se trouvent en première ligne aient une vision claire de l’efficacité des dispositifs vers lesquels ils envoient leurs publics, bénéficiaires du RSA ou jeunes. Je suis surprise par l’hétérogénéité des niveaux de performance qu’a mise en lumière une étude de la Dares de janvier dernier : la qualité de l’insertion de publics d’âge et de niveau de qualification identiques diffère sensiblement selon l’entreprise d’insertion, l’association ou le chantier de prise en charge. France Travail, les missions locales et Cap emploi doivent disposer de ces informations pour orienter vers les dispositifs efficaces et augmenter ainsi les taux d’insertion.

Il s’agit d’un changement de paradigme. Je ne viendrai pas devant vous et devant les Français pour me vanter d’être une bonne ministre de l’emploi sous prétexte que mes crédits budgétaires sont en hausse et qu’une loi porte mon nom. Ma mission est de préserver l’emploi dans le contexte économique difficile qui est devant nous et d’améliorer la qualité de l’emploi de ceux qui travaillent dur.

Madame Godard, vous caricaturez le budget ou alors vous ne l’avez pas lu : contrairement à ce que vous dites, il n’y a pas d’assèchement de France Travail puisque sa subvention dépasse 1,25 milliard d’euros. La suppression de 500 ETP doit être rapportée aux 55 000 ETP de l’établissement et à l’augmentation de 10 % des effectifs depuis 2019. Les mots et les chiffres ont un sens ! Nous ne fermons pas le robinet des CEJ : nous maintenons leur nombre à l’échelle des missions locales et de France Travail. La ligne budgétaire pour les entreprises d’insertion s’élève à 1,5 milliard, ces crédits ayant doublé depuis 2018. Là aussi, j’ai l’impression que nous ne lisons pas le même budget.

Il ne s’est pas passé une semaine depuis ma nomination sans que des inspecteurs du travail soient agressés ou insultés dans l’exercice de leur mission, ce phénomène rencontrant une tolérance dans l’opinion publique que nous n’acceptons pas. Le nombre d’inspecteurs du travail a bien diminué dans les services déconcentrés depuis 2017, sous l’effet des départs en retraite et des moindres entrées sur concours – les places étaient ouvertes mais les candidats étaient moins nombreux. La situation se redresse progressivement grâce à la très forte hausse des places offertes au concours, à un large recours au détachement et à des actions visant à accroître l’attractivité du métier d’inspecteur. Je vous transmettrai les chiffres sur les prévisions d’effectifs en 2026 et en 2027 : dans ce domaine, nous tentons actuellement de rattraper le retard qui s’est accumulé.

J’ai entendu l’expression d’inquiétudes légitimes sur la réforme du RSA qui doit entrer en vigueur le 1er janvier prochain. La loi prévoit que seuls les entrants dans le RSA seront inscrits d’office à France Travail et non l’ensemble des 1 800 000 bénéficiaires. Dans la petite quarantaine d’expérimentations conduites dans les départements, les taux d’insertion dans une occupation durable sont bons, puisqu’ils atteignent 42 % au bout d’un semestre et 30 % après un an. Nous tirerons les enseignements des expérimentations, notamment au Comité national pour l’emploi de demain, où le sujet figure à l’ordre du jour.

Lorsque j’ai été nommée ministre du travail et de l’emploi, j’ai insisté pour maintenir l’ASS, car cette allocation est perçue par 300 000 personnes, dont plus de la moitié a plus de 55 ans. Sa suppression aurait fait augmenter le taux de pauvreté national de 0,15 point, preuve que la population touchant l’ASS est très pauvre. L’âge moyen des bénéficiaires nous renseigne sur l’échec des politiques visant à assurer aux seniors une place au travail et à traiter l’inaptitude professionnelle des ouvriers non qualifiés de la manutention ou du bâtiment et des travaux publics, des aides-soignantes et des auxiliaires de vie : ces personnes peuvent partir entre 51 et 59 ans. Je préfère trouver d’autres solutions que de toucher maintenant à ce dispositif.

Dans le même temps, je suis très attachée au chantier que veut lancer le Premier ministre sur l’allocation sociale unique (ASU), car l’existence de quinze minima sociaux, chacun assis sur sa propre base de ressources, crée une grande complexité. À la faveur des allégements de cotisations patronales et des mécanismes de soutien aux faibles revenus d’activité, politiques légitimes déployées depuis une trentaine d’années, nous avons créé des trappes à pauvreté, à bas salaires et à inactivité. Sur ce point, une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques publiée il y a trois semaines montre que le cocktail des allégements généraux et des minima sociaux fait que pour accroître de 100 euros le revenu d’activité d’une femme percevant le Smic, élevant seule deux enfants, n’étant pas propriétaire et percevant une aide au logement, son employeur doit l’augmenter de 770 euros afin de pallier la baisse de la prime d’activité et de l’aide au logement – sans même prendre en compte les aides communales légitimes pour le centre aéré et la cantine. Il faut inscrire l’ASS dans une perspective globale et traiter la question des seniors au travail, car cette allocation est perçue par des personnes qui n’arrivent plus à trouver un emploi.

La baisse des crédits alloués à la démocratie sociale correspond à l’absence de cycle électoral en 2026. Les crédits étaient élevés en 2024 à cause des élections dans les TPE et les PME.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Sophie Delorme (EPR). Dès 2017, l’ancienne majorité s’était fixé comme objectif d’atteindre le plein emploi. Ce dessein reste la priorité, comme en atteste le projet annuel de performances (PAP) de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux pour 2025.

Le salarié en emploi doit pouvoir exercer celui-ci en toute sécurité et sans dommage pour sa santé. La sécurité au travail est primordiale. Dans le cadre de la réforme de la santé au travail, l’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020 a créé le Comité national de prévention et de santé au travail. Les missions principales de cet organisme sont la définition du socle de l’offre de services de prévention et de santé au travail, la proposition des référentiels et des principes de certification des services de prévention et de santé au travail et la détermination des modalités de déploiement du passeport de prévention.

Ce dernier a pour but de recenser toutes les formations suivies par le salarié en matière de santé et de sécurité au travail et d’en assurer la traçabilité. Certaines d’entre elles, couvrant les risques les plus importants, peuvent être amenées à expirer ; pouvoir en informer le salarié et l’employeur est primordial. Accessible aux salariés depuis le 1er octobre 2022, le passeport de prévention devait également être ouvert aux employeurs et aux organismes de formation en 2024, mesure reportée à ce jour. Pouvez-vous nous confirmer que cette extension du passeport de prévention aura lieu en 2025 ?

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Nous avons changé l’image de l’apprentissage auprès des parents et des enseignants. Néanmoins, les aides n’étant pas limitées dans le temps, nous devons réfléchir à leur révision, notamment pour les grandes entreprises et les jeunes venant d’obtenir leur bac, principalement ceux qui se reconvertissent au cours de leur première année d’études supérieures.

Après de nombreuses années de plans sociaux et de licenciements, il convient de poursuivre l’effort qui a conduit à ce que 60 % des seniors aient un travail. Des négociations sont en cours avec les partenaires sociaux, mais un point d’achoppement est apparu sur le contrat de valorisation de l’expérience : quelle est votre position sur ce contrat ? Ne faudrait-il pas cibler notre effort sur la prévention et privilégier les consultations au milieu de la carrière pour envisager un reclassement et une reconversion ?

Le taux de chômage s’établit à 4 % dans ma circonscription. Tous les secteurs recherchent de la main-d’œuvre : France Travail fait un effort sur la démarche de l’aller vers les entreprises et les salariés. Cet exercice demande plus de temps et d’accompagnement : comment concilier cette tâche avec la diminution des effectifs de l’établissement public ?

M. Thibault Bazin (DR). De nombreuses entreprises formatrices sont engagées dans nos territoires pour accueillir des jeunes : l’apprentissage est un formidable vecteur d’insertion professionnelle. Il nous semble essentiel de continuer à soutenir l’apprentissage, notamment dans l’artisanat.

Nous avançons une contre-proposition destinée à préserver le soutien aux très petites entreprises (TPE) formatrices sans menacer la maîtrise des finances publiques. Nous défendrons un amendement visant à maintenir le soutien actuel à l’apprentissage en adaptant l’aide à l’embauche au nombre d’apprentis recrutés et à leur niveau d’études. L’aide maximale serait garantie pour le premier apprenti ayant bénéficié d’une formation initiale courte. Cette modulation a pour objet d’éviter que les artisans et les TPE ne se détournent du recrutement d’apprentis en raison d’une réduction trop brutale des aides à l’embauche. Nous souhaitons ainsi maintenir un soutien aux entreprises qui s’investissent dans la formation.

Dans quelle mesure êtes-vous prête à corriger concrètement le projet du Gouvernement en la matière ?

M. Arthur Delaporte (SOC). Vous nous expliquez depuis le début de votre audition que les plafonds d’emplois ont augmenté à France Travail depuis 2019, mais le problème n’est pas le passé, c’est le futur. Or votre majorité a voté une loi qui prévoit l’entrée en vigueur le 1er janvier prochain d’une réforme qui inscrira 1 500 000personnes supplémentaires à France Travail.

La France compte 1 salarié du service public de l’emploi pour 97 demandeurs d’emploi, le ratio étant de 1 pour 37 en Allemagne. Votre ministère est celui qui subit, par rapport à son plafond d’emplois, la coupe la plus drastique de ses effectifs. Comment peut-on accepter cette situation alors que les besoins sont criants et que des réformes vont accroître le travail des salariés du service public de l’emploi ? La suppression des 500 ETP n’a aucun effet sur le budget, puisque celui-ci reste relativement stable : la seule conséquence sera le transfert de 500 emplois vers le secteur privé – car on va devoir externaliser. Or on sait que l’externalisation dégrade la qualité de l’accompagnement.

Ne pensez-vous pas nécessaire de revenir sur la perte de 500 postes dans le service public de l’emploi afin d’assurer une meilleure prise en charge des demandeurs d’emploi et de garantir la justice ?

M. Hendrik Davi (EcoS). Monsieur le rapporteur pour avis, vous vous réjouissez que la baisse du chômage permette l’économie de 1,48 milliard d’euros prévue pour cette mission budgétaire. Toutefois, une récente étude décennale de la Dares montre qu’entre 2014 et 2024, le nombre de chômeurs de catégorie A a bien connu une baisse historique en passant de 3,7 millions à 2,8 millions, mais que le nombre total des chômeurs, catégories A, B et C confondues, a, lui, augmenté, de 5 millions à 5,1 millions. Cette hausse s’explique par l’augmentation de 1 million du nombre de chômeurs de catégorie B et C, c’est-à-dire des demandeurs d’emploi qui exercent une activité à temps partiel. Que prévoyez-vous pour ce halo du chômage ?

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les mots ont un sens, avez-vous dit, madame la ministre, mais l’arithmétique semble rester très mystérieuse. À dix-sept heures trente, vous évoquiez 500 000 emplois non pourvus ; à dix-huit heures seize, 550 000. C’est une variation très rapide ! Le Medef mentionne, quant à lui, 400 000 emplois non pourvus et Le Figaro, organe assez proche, 300 000.

Levons une confusion. Les statistiques publiques ne mentionnent pas les emplois non pourvus. La Dares calcule, en revanche, le nombre d’emplois vacants, c’est-à-dire « des postes libres, nouvellement créés ou inoccupés, ou encore occupés et sur le point de se libérer ». Ce que vous appelez des emplois non pourvus sont ainsi, pour partie, des emplois qui n’existent pas encore !

En outre, selon la Dares le taux de vacance de l’emploi en France se situe dans la moyenne européenne, à 2,8 %, derrière la Belgique, à 4,5 % et la Norvège, à 4 %. Ce taux indique en fait la dynamique de création d’emploi. Zéro emploi vacant signifierait zéro création d’emploi. Ce serait un objectif politique curieux !

M. Nicolas Turquois (Dem). Votre ministère peut résoudre l’équation des finances publiques, car davantage d’emplois signifie davantage de cotisations et moins de prestations. Vous soulignez que la réduction de 500 ETP à France Travail, soit moins de 1 % des effectifs, fait suite à l’accroissement de 10 % des effectifs de cette structure entre 2019 et 2024. Certes, mais, au sein de la structure, ces emplois en moins feront perdre en sérénité et créeront des tensions.

J’étais le porte-parole de mon groupe pour le projet de loi pour le plein emploi. Pour accompagner les personnes les plus éloignées de l’emploi, qu’elles soient jeunes, âgées, ou en situation d’inactivité prolongée, c’est l’accompagnement humain qui est approprié.

Des économies seraient en revanche possible sur les ruptures conventionnelles, qui sont utilisées par certains publics comme des congés payés, ou sur l’indemnisation des chômeurs transfrontaliers, notamment ceux ayant travaillé en Suisse.

Mme Josiane Corneloup (DR). Nous devons certes adapter les politiques de l’emploi aux impératifs de maîtrise de la dépense publique, mais en soutenant les petites et moyennes entreprises, qui forment les deux tiers des apprentis et constituent le poumon économique de nos territoires.

Je vous entends avec plaisir évoquer un ciblage des entreprises de moins de cinquante salariés ; c’est essentiel. Tout aussi essentiel est le maintien de l’aide à l’embauche maximale à 6 000 euros pour le premier apprenti, devenant dégressive à partir du deuxième.

La prépa-apprentissage, financée par le plan d’investissement dans les compétences, permet à des jeunes de 16 à 29 ans insuffisamment préparés de réussir leur entrée en apprentissage. Ses bienfaits sur l’insertion professionnelle des jeunes les plus éloignés de l’emploi, notamment les personnes handicapées, sont incontestables, 85 % des élèves achevant leur parcours et 63 % réussissant une sortie positive en emploi. Pourquoi supprimer ce dispositif ?

Quant à la suppression de l’aide à l’embauche pour les contrats de professionnalisation conclus à compter du 1er mai 2024, elle suscite l’inquiétude des partenaires sociaux, mais aussi des très petites et moyennes entreprises.

M. Jérôme Guedj (SOC). Le projet d’ASU, que vous avez évoqué, est apparu sous ce nom dans le pacte législatif d’urgence des Républicains, sous celui de versement social unique lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2017 et sous celui de solidarité à la source dans des réflexions récentes. Ce projet s’inscrit-il dans votre champ ministériel ou dans celui du ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes ? Envisagez-vous d’associer les parlementaires à la réflexion ou le Parlement découvrira-t-il un texte brut de décoffrage, dans quelques mois ? Pour notre part, nous souhaitons surtout travailler sur le non-recours aux droits.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Vous évoquez la possibilité de moduler les aides à l’apprentissage selon le niveau de qualification des apprentis. En fait, la majorité des centres de formations, par exemple le pôle de formation de l’Union des industries et métiers de la métallurgie de Saint-Dié-des-Vosges, proposent des formations de niveau 6 ou 7 par souci d’attractivité, pour rassurer les parents sur les possibilités offertes. En réalité, ces certifications concernent très peu d’apprentis.

Les aides à l’apprentissage bénéficient majoritairement à des entreprises de moins de cinquante salariés ; ce sont précisément celles qui s’inquiètent de la réforme envisagée par le Gouvernement, notamment les boulangers et les bouchers.

Mme Océane Godard (SOC). Un rapport non divulgué dresse un bilan mitigé de l’expérimentation menée dans le cadre de la réforme du RSA. Il faudra prendre le temps de l’évoquer.

Les mots ont un sens, dites-vous, mais les silences aussi. Vous n’avez pas répondu à mes questions sur la structuration du marché de l’emploi et la qualité de l’emploi. Même si je comprends votre propos, la discussion ne peut pas se limiter à des chiffres sur la demande d’emploi et le taux de chômage.

Mme la ministre. Madame Delorme, le passeport de prévention sera rendu accessible aux employeurs et aux organismes de formation, avec un déploiement progressif de toutes les fonctionnalités.

Madame Dubré-Chirat, France Travail se penche sur son lien avec les entreprises. Le service public de l’emploi français se distingue de ce point de vue‑là aussi dans la comparaison des performances avec les mieux-disants européens : 50 % des TPE-PME, mais seulement 25 % des entreprises y font appel.

Les recrutements de personnels de sécurité auxquels France Travail a dû procéder pour différents sites olympiques ont été l’occasion d’organiser, en partenariat avec des entreprises, des immersions professionnelles ou des formations avant embauche dont le taux d’insertion est très élevé. Pour déployer ce type de solutions, il est indispensable d’établir un lien de confiance et que les entreprises surmontent leur réticence – selon les mots de son directeur général, Thibaut Guilluy – à faire appel à France Travail.

Quant au travail des seniors, il fait l’objet de négociations entre les partenaires sociaux. J’espère une issue favorable pour mi-novembre.

Il y a deux aspects à cette question. L’un est le maintien en emploi des salariés les plus âgés, auquel participe l’entretien dans les deux mois qui suivent la visite médicale de mi‑carrière. À cette occasion, une évaluation 360 permet d’envisager des aménagements de poste et des reconversions.

L’autre aspect est le recrutement des seniors au chômage. Selon la Défenseure des droits, l’âge est le premier motif de discrimination sur le marché du travail. Les personnes âgées de 55 ans ou plus ont trois fois moins de chance d’être convoquées à un entretien d’embauche que les autres actifs. À cet égard, le contrat de valorisation de l’expérience dont discutent actuellement les partenaires sociaux me paraît une manière intelligente de favoriser le recrutement des seniors.

Une réflexion est également menée sur la fin de carrière et les moyens qui permettraient de donner plus de flexibilité et de souplesse. Je m’en réjouis car, lors de la dernière réforme des retraites, je comptais parmi les parlementaires poussant à un développement de la retraite progressive et à une simplification des cumuls emploi-retraite et emploi-chômage.

Monsieur Bazin, madame Corneloup, merci d’avoir rappelé l’importance de l’apprentissage pour les entreprises de moins de cinquante salariés. Celles-ci concentrent effectivement 60 % des apprentis. La réforme de l’aide à embauche d’un apprenti pourrait reposer sur différentes clefs de segmentation des entreprises. Le tout est que le dispositif reste lisible, car les patrons veulent pouvoir faire tourner la boutique, sans trop de complexités administratives. La raison du succès de l’aide actuelle à l’embauche est ainsi sa simplicité : 6 000 euros sont versés, quels que soient le niveau de qualification de l’apprenti et la taille de l’entreprise.

Monsieur Delaporte, vous pointez à juste titre qu’en France, le portefeuille moyen est de 97 demandeurs d’emploi par agent du service public de l’emploi, alors qu’il est de 37 en Allemagne ou au Danemark, pays où le taux de chômage est plus bas. Cela pose en effet question. Toutefois, les effectifs de France Travail ont déjà augmenté de plus de 10 % ces dernières années.

Oui, la loi pour le plein emploi prévoit l’inscription automatique de tous les demandeurs du RSA à France Travail. Cette agence proposera obligatoirement un accompagnement aux nouveaux entrants dans le dispositif l’année même du premier versement de l’allocation. Quant à ceux qui bénéficiaient déjà du RSA, ils recevront un accompagnement dans les deux ans.

Monsieur Clouet, je reconnais votre rigueur académique. Effectivement, j’aurais dû parler de 551 700 emplois vacants plutôt que de 500 000 postes non pourvus. Ces chiffres indiquent en tout cas que les entreprises peinent à recruter les profils désirés, parfois par manque de qualification. C’est un vrai problème pour les employeurs.

Monsieur Turquois, l’indemnisation des 77 000 chômeurs transfrontaliers coûte 800 millions d’euros à la France chaque année. C’est un gisement d’économies immense. Jusqu’à présent, nous avons cherché des solutions dans le cadre d’accords bilatéraux avec les pays voisins. Nous avons également poussé à la révision des règlements européens, qui implique l’unanimité des États membres et demandera donc du temps. Je poursuivrai les efforts de mes prédécesseurs au ministère du travail en la matière.

En attendant qu’ils aboutissent, nous pouvons travailler à l’échelon national. En France, après deux refus d’une offre raisonnable d’emploi – soit une offre en adéquation avec la qualification, le métier et le salaire passé –, une personne peut être radiée de la liste des demandeurs d’emploi ou voir ses droits diminuer. Or, en l’état actuel du droit, ce cadre juridique permet à un ancien travailleur transfrontalier de refuser sans pénalité plusieurs offres en France pour des fonctions similaires à celles qu’il a exercées à l’étranger, au motif que la rémunération est moindre dans notre pays. Le critère de rémunération des offres raisonnables d’emploi devra donc être redéfini à partir du contexte salarial français aux cours des prochains mois.

Rappelons que les demandeurs d’emploi ayant exercé en Suisse perçoivent en moyenne des indemnités mensuelles supérieures de 1 300 euros à celles des autres demandeurs d’emploi ; pour ceux qui ont travaillé au Luxembourg, l’écart est de 1 000 euros. Nous travaillons avec dix-neuf agences transfrontalières de France Travail, essentiellement situées près de nos frontières orientales, notamment celles avec le Luxembourg et la Suisse, et qui traitent 70 % des dossiers d’anciens travailleurs transfrontaliers. Ceux-ci doivent bénéficier d’un accueil spécifique et d’un accompagnement renforcé pour reprendre un emploi. La situation actuelle est injuste et déséquilibre les comptes de l’Unedic. Les partenaires sociaux ont choisi d’inclure cette question dans la feuille de route de leurs négociations.

Monsieur Guedj, le chantier de l’ASU sera piloté par Paul Christophe. Le travail commencera sans doute par les trois principaux minima sociaux – prime d’activité, RSA et aides au logement –, qui concernent un Français sur trois et représentent 80 % de l’ensemble des prestations. Une première étape pourrait consister dans le préremplissage des formulaires. L’établissement d’une base de ressources unique prendra plus de temps, en raison des rattachements informatiques, notamment à la Caisse nationale des allocations familiales. En tout état de cause, nous serons amenés à travailler ensemble car mettre fin aux trappes à inactivité et aux trappes à bas salaires nécessite de produire un effort global, combinant et la réforme de l’ASU et les propositions du rapport Bozio-Wasmer.

 

La commission examine, pour avis, les crédits de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux (M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis).

Article 42 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AS95 de Mme Ségolène Amiot

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous proposons de revaloriser l’allocation de solidarité spécifique, une prestation versée aux chômeurs en fin de droits au nom de la solidarité nationale. On sait que la privation de revenus, notamment au terme d’une carrière professionnelle, accroît le risque d’accidents vasculaires cérébraux et de troubles anxieux, entre autres problèmes de santé publique.

M. le rapporteur. La ministre a rappelé l’importance qu’elle attachait à l’ASS. La dotation actuelle, de 1,8 milliard d’euros, suffit à financer le versement de cette allocation, dont le montant a été revalorisé de 4,6 % le 1er avril 2024. J’émets donc un avis défavorable à son doublement.

M. Fabien Di Filippo (DR). Je suis effaré, quoique pas vraiment surpris par cet amendement, qui prévoit 2 milliards d’euros de dépenses – ce n’est pas une paille.

Pour le Nouveau Front Populaire, tout doit être fait pour maintenir nos concitoyens dans l’inactivité. Plutôt que de développer les vecteurs de réinsertion professionnelle, vous choisissez de doubler les aides pour qu’ils se maintiennent dans l’oisiveté, avec toujours une bonne excuse – c’est tantôt la macroéconomie, tantôt les risques psychosociaux du chômage. Ce n’est pas rendre service à nos concitoyens que de les présenter comme des victimes.

Pour revaloriser le travail, qu’il paye mieux et que davantage de Français s’y investissent, il faut avoir le courage de geler les minima sociaux, ce qui permettrait d’augmenter le montant des salaires nets. Voilà la logique qu’il faut suivre, si l’on veut redresser la France.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Peut-être vouliez-vous parler de « Macronie », plutôt que de « macroéconomie » ? Si vous souhaitez creuser l’écart entre les allocations et les salaires, il suffit d’augmenter les salaires.

En outre, vous oubliez que les allocations sociales ne sont pas des trous noirs. Même les grands bourgeois qui siègent au Gouvernement ont maintenu l’ASS, car ils savent que cet argent permet aux chômeurs de se rendre au forum de l’emploi, de régler le reste à charge de leurs formations, de faire le plein de leur voiture pour se rendre à un entretien d’embauche, de s’acquitter de leur facture internet pour envoyer leur CV. En somme, elle leur permet de faire les démarches pour retrouver un emploi. Votre position n’a aucun sens.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AS29 de Mme Sylvie Bonnet, II-AS142 de M. Didier Le Gac et IIAS54 de Mme Océane Godard (discussion commune)

Mme Sylvie Bonnet (DR). La loi pour le plein emploi prévoit la généralisation de la contractualisation avec les départements pour l’insertion et l’emploi en 2025. Or la ligne budgétaire allouée à ces contrats est quasiment stable, avec 168 millions d’euros en autorisations d’engagement et 162, 2 millions d’euros en crédits de paiement. Si la situation des finances publiques commande une baisse des dépenses, celle prévue ici nuit aux départements et aux politiques d’insertion. Nous demandons donc une enveloppe supplémentaire de 400 millions d’euros, afin d’assurer la montée en charge progressive du dispositif.

M. le rapporteur. Je partage l’esprit des amendements. Le transfert de nouvelles compétences aux départements a eu lieu quasiment à enveloppe constante, au détriment des départements et des politiques d’insertion. J’en demande toutefois le retrait au profit du mien, qui est plus précis, plus technique, et a été négocié avec le Gouvernement. Il permettra de rehausser les crédits à hauteur de 400 millions d’euros de sorte à mieux accompagner les départements dans ce transfert.

Mme Océane Godard (SOC). Mon amendement conduirait également à porter l’enveloppe à 400 millions d’euros. Les départements font face à une injonction paradoxale : ils doivent participer à la contractualisation, sans disposer des moyens nécessaires.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AS60 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-AS123 de M. Laurent Panifous, II-AS90 de M. Hadrien Clouet, II-AS91 et II-AS93 de Mme Ségolène Amiot, II-AS127 de M. Nicolas Turquois et II-AS39 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Mon amendement vise à octroyer davantage de moyens à France Travail. M. Dussopt avait promis que le passage de Pôle emploi à France Travail se traduirait par un accompagnement intensif, un saut qualitatif et des moyens extraordinaires – on allait voir ce qu’on allait voir. On voit : c’est 500 ETP de moins.

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’amendement II-AS123 vise à préserver les 500 ETP de France Travail que le PLF prévoit de supprimer. Alors qu’on vient de lui demander d’accomplir de nouvelles missions, notamment de s’occuper des bénéficiaires du RSA, il faut maintenir ses moyens.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Mon amendement tend à rétablir pour France Travail les dotations supprimées depuis 2022, à savoir 600 millions d’euros. Cela permettra de conserver les 500 postes que vous prévoyez d’annuler, privant des milliers de personnes d’un conseiller référent, et de lui donner les moyens de mener à bien des projets et de rénover ses locaux, bref de faire son boulot correctement. Même la direction générale le demande.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Par l’amendement II-AS91, nous proposons d’augmenter les moyens alloués au service public de l’emploi, en particulier à France Travail, son principal opérateur. Son portefeuille va s’étoffer de 1 500 000 bénéficiaires du RSA ainsi que de leurs conjoints. Il faudra bien accueillir toutes ces personnes et traiter leurs dossiers : cela nécessite des moyens et du personnel.

Avec l’amendement II-AS93, il est question de réorienter l’argent. Une partie des crédits de cette politique va à des entreprises privées chargées de ramener à l’emploi les personnes les plus faciles à replacer. Au regard du nombre de bénéficiaires, ce dispositif coûte « un pognon de dingue ». Nous proposons donc de faire revenir cet argent dans le service public afin que les opérateurs disposent des moyens nécessaires pour aider les privés d’emploi.

M. Nicolas Turquois (Dem). J’entends que les conditions budgétaires ne permettent pas d’augmenter les postes de France Travail, mais il ne faut pas reculer : en supprimant 1 % des postes, on mettra inutilement les effectifs sous pression et un effet de souffle important. Mon amendement vise donc à affecter 25 millions d’euros supplémentaires au programme Accès et retour à l’emploi pour préserver ces 500 ETP.

M. Arthur Delaporte (SOC). Même si France Travail n’aura pas à accueillir 1 500 000 personnes supplémentaires dès le 1er janvier, il faudra des personnes pour répondre au téléphone. Les crédits globalement stables ou en hausse suivent la trajectoire annoncée par le ministre Olivier Dussopt lors du débat sur la loi pour le plein emploi – 350, 500, 750 millions, puis 1 milliard en 2027 –, mais ils doivent s’accompagner d’une augmentation des plafonds d’emploi de l’opérateur. Leur baisse est donc contradictoire avec votre politique. Mon amendement vise à éviter une casse de l’opérateur, qui se traduira par une externalisation croissante et donc une déstabilisation massive du service public de l’emploi.

M. le rapporteur. Le montant des subventions à France Travail, à savoir 1,35 milliard d’euros, ne baisse pas : il est stable. Le plafond d’emplois est abaissé de 500 ETP, sur 55 000, soit 1 %. L’effectif a augmenté de 10 % depuis 2019, dont 300 ETP en 2024. Surtout, France Travail a déployé un plan d’efficience visant à réduire son personnel de 2 900 ETP, dont 1 200 dès 2025, en recourant à l’automatisation de certaines tâches et en redéployant les effectifs vers l’accompagnement des usagers, dont le nombre diminue avec celui des demandeurs d’emploi.

Avis défavorable sur tous les amendements.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Étant donné l’inflation, un budget qui n’est pas augmenté diminue de fait. Avec l’arrivée des bénéficiaires du RSA et de leurs conjoints, le portefeuille de France Travail va gonfler jusqu’à 3 millions de personnes supplémentaires, et l’activité augmenter de manière indéniable. En moyenne, chaque agent accompagne déjà 400 bénéficiaires, parfois 1 000, alors que les recommandations en fixent le nombre à 350. Si l’on veut que les gens retrouvent un emploi, il faut les accompagner sans faire semblant, en disant que France Travail aura deux ans pour les prendre en charge.

M. Arthur Delaporte (SOC). Dans le cadre de l’accompagnement renforcé, un agent du service public de l’emploi peut s’occuper de 170 personnes ; davantage lorsqu’il pratique un accompagnement guidé ; pour le suivi simple, on monte jusqu’à 1 000. Est‑ce acceptable ? En ratio, la France fait deux à trois fois moins bien que l’Allemagne. Le gain de 2 900 postes que la direction annonce serait plus utile en redéploiements, surtout si l’on considère le nombre d’agents nécessaires pour mener les expérimentations en cours. Si l’on généralise le niveau d’accompagnement aux allocataires à venir, il faudra 18 000 ETP supplémentaires.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). En maintenant le budget alors que les missions sont étendues, notamment avec l’inscription généralisée des bénéficiaires du RSA, on suscite de l’inquiétude chez les agents de France Travail. Je la partage. Néanmoins, certains amendements tendent à augmenter très fortement les crédits – de 2,5 milliards d’euros par exemple. Dans le contexte économique que nous connaissons, on peut s’interroger sur la faisabilité de cette mesure, même si je comprends l’objectif.

Mme Christine Le Nabour (EPR). Le contexte économique impose des efforts généralisés. Le directeur général de France Travail n’a pas jugé négativement le montant de la subvention, puisqu’il est maintenu. Toutefois, en votant la loi pour le plein emploi, nous avons confié à cet opérateur des missions supplémentaires, de coordination du réseau. Je soutiens donc l’amendement II-AS127, qui vise à lui accorder 25 millions d’euros supplémentaires, afin de rétablir les 500 ETP supprimés.

M. Nicolas Turquois (Dem). Si les deux agences de ma circonscription accompagnaient 1 000 personnes, elles s’occuperaient de tout le monde, des nourrissons aux personnes âgées ! Il faudrait renforcer l’accompagnement, c’est certain, mais, compte tenu du contexte budgétaire, la voix de la raison devrait conduire à simplement maintenir le plafond d’emploi. Ce serait un signal positif pour les acteurs du service public de l’emploi.

M. le rapporteur. Avant même l’annonce de la diminution proposée par le Gouvernement, l’opérateur s’était dit capable de supprimer 2 900 ETP. Il peut donc tout à fait absorber la baisse de 500.

La commission rejette successivement les amendements II-AS60, II-AS123, II-AS90, II-AS91 et II-AS93.

Puis elle adopte l’amendement II-AS127.

En conséquence, l’amendement II-AS39 tombe.

Amendement II-AS61 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le présent amendement vise à rendre à l’Unedic ce qui appartient à l’Unedic, donc aux salariés. Le Gouvernement se livre à un véritable braquage en lui laissant le financement du service public de l’emploi, dont il se désengage, au détriment des personnes en recherche d’emploi et de tous les salariés. Comme la Cour des comptes, nous demandons que l’État assure le financement du service public de l’emploi.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Je ne suis pas choqué que l’Unedic participe à l’effort financier aux côtés de l’État, surtout en période de contrainte budgétaire. Les recettes de l’assurance chômage croissent ; selon les prévisions de l’Unedic publiées en octobre, elles s’élèveront en 2024 à 45,3 milliards d’euros. J’ai auditionné ses représentants, ils objectent qu’ils rembourseront moins vite leur dette. C’est vrai, mais tout le monde doit consentir un effort.

M. Nicolas Turquois (Dem). L’État a accompagné les politiques de l’emploi, avec un effet très positif sur les finances de l’Unedic : les cotisations ont nettement augmenté et l’Unedic a versé moins de prestations. Il est donc logique qu’elle participe à l’effort, car cela contribue à lutter contre le chômage, donc à diminuer ses besoins de financement.

Par ailleurs, il faut continuer à réformer les droits au chômage. Certaines personnes sont très employables et il n’est pas nécessaire que les droits soient ouverts aussi longtemps pour tous.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). On répète qu’en raison de la dette que l’Unedic doit rembourser, il faut baisser les indemnités des demandeurs d’emploi ; on met des gens en grande difficulté, notamment ceux qui travaillent de manière fractionnée. Depuis des années, les droits ne font que baisser, entraînant de nombreuses personnes dans la précarité. On fait jusqu’à 4 milliards d’euros d’économies sur l’Unedic et, en même temps, on la ponctionne pour financer le service public de l’emploi. C’est irrespectueux des salariés, qui cotisent pour avoir des droits en cas de chômage. La Cour des comptes elle-même souligne qu’il revient à l’État de financer le service public de l’emploi, et pas aux salariés, car il s’agit d’une politique nationale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS92 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement tend à financer la création d’un service de contrôle de la légalité des offres d’emploi de France Travail. Beaucoup en effet n’affichent pas la réalité du poste, contreviennent au code du travail ou ne renseignent pas toutes les informations requises.

Je renvoie M. Turquois à la page http://statistiques.pole-emploi.org/indicateurs/, qui recense toutes les agences de France et précise la taille moyenne de leurs portefeuilles. Près de chez moi, à Toulouse-Jolimont, il atteint 766 demandeurs d’emploi ; 902 à Toulouse-Cartoucherie ; 828 à Toulouse-Saint-Michel. C’est mieux dans la Vienne : le portefeuille moyen de Montmorillon est de 469 demandeurs, celui de Poitiers-Gare 478 ; mais plus au nord, à Saint-Cyr-sur-Loire, le chiffre monte à 612. La situation est assez grave pour justifier qu’on vote les amendements visant à donner de vrais moyens à France Travail.

M. le rapporteur. Le code du travail est clair est précis quant à la rédaction des offres d’emploi. France Travail prend la question très au sérieux et veille à détecter les annonces illégales, en particulier celles qui proposent des salaires inférieurs au Smic. Il n’y a pas besoin de prévoir 10 millions d’euros supplémentaires.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). La loi n’est pas toujours appliquée. Puisqu’il existe des annonces illégales, il faut prévoir des moyens de contrôle. M. Clouet a souligné la taille des portefeuilles : des besoins spécifiques sont nécessaires. Nous sommes comptables de l’application de la loi.

M. le rapporteur. Le contrôle s’effectue déjà. En 2024, un audit indépendant a estimé que 7 % des annonces étaient illégales. C’est 7 % de trop, mais le travail est fait ; France Travail est très mobilisé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS10 de M. François Ruffin

M. Hendrik Davi (EcoS). Pour que les demandeurs reviennent à l’emploi, il faut une adéquation entre leur formation, leurs souhaits et les offres. Or certains métiers s’inscrivent dans un écosystème spécifique. Souvent, par exemple, les conseillers de France Travail ne disposent pas de tous les éléments spécifiques aux assistantes maternelles. Le présent amendement tend à spécialiser les conseillers dans ce domaine – il faudrait généraliser le principe.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La proposition est pertinente, mais pourquoi se limiter aux assistantes maternelles ? De nombreux autres métiers pourraient être concernés. Par ailleurs, cela relève de l’organisation interne de France Travail, qui peut spécialiser des conseillers dans ses agences, en fonction du marché du travail local.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). D’autres métiers sont spécifiques, c’est vrai ; les assistantes maternelles ont la particularité d’avoir toujours plusieurs employeurs et des contrats qui s’arrêtent et se chevauchent. Le calcul des indemnités, notamment, est complexe ; il le sera encore davantage avec l’application des réformes récentes. Pour les métiers caractérisés par une pluralité d’employeurs, il faut renforcer l’accompagnement du service public de l’emploi.

M. Nicolas Turquois (Dem). Au troisième trimestre 2024, en France métropolitaine, 5 123 700 personnes étaient au chômage, dans les catégories A, B et C. France Travail emploie 50 000 personnes : même si tous les agents ne s’occupent pas de l’accompagnement, le ratio est de 100 demandeurs d’emploi pour un collaborateur. Il faut encore ajouter les missions locales et tous les autres dispositifs. Soit les statistiques de M. Clouet prennent en compte des recoupements, certains demandeurs dépendant de plusieurs collaborateurs, soit il y a un problème.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AS52 de M. Dominique Potier et II-AS79 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement II-AS52 vise à rétablir les crédits des maisons de l’emploi, qui ont disparu du projet annuel de performances. Pour 2024, ils atteignaient 5 millions d’euros. Les maisons de l’emploi, créées en 2005 et ancrées localement, sont un acteur essentiel et original des politiques publiques de l’emploi et de la formation professionnelles.

M. le rapporteur. Il est vrai qu’elles ont joué un rôle important dans les territoires, où elles se situent au plus près des entreprises et des demandeurs d’emploi. Néanmoins, leurs missions ont été beaucoup resserrées depuis 2005, justifiant une réduction progressive des financements de l’État. En revanche, elles sont incitées à répondre aux appels à projets qui relèvent de leur champ de compétences.

L’amendement II-AS79 est retiré.

La commission rejette l’amendement II-AS52.

Amendements II-AS112 de M. Raphaël Arnault, II-AS124 de M. Laurent Panifous, II-AS62 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-AS111 de Mme Ségolène Amiot (discussion commune)

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendements II-AS112 a pour objet de fournir des moyens supplémentaires aux missions locales, tandis que l’amendement II-AS111 vise simplement à rattraper l’inflation.

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’amendement II-AS124 vise à s’opposer à la baisse de 140 millions d’euros prévue dans l’enveloppe allouée aux missions locales.

M. le rapporteur. Cela va vous étonner, mais les missions locales, lorsque je les ai auditionnées, n’ont pas demandé d’augmentation de leur budget. De plus, il ne s’agit pas d’une baisse des crédits mais d’une mesure de trésorerie, qui ne concernera que le rythme de versement des crédits en 2025 et en 2026. Je rappelle, en outre, que le budget consacré par l’État aux missions locales a quasiment doublé depuis 2019, passant de 350 millions à 600 millions d’euros.

Mme Christine Le Nabour (EPR). L’Union nationale des missions locales (UNML) ne remet pas en cause la baisse de 5,8 % compte tenu de la forte augmentation des crédits intervenue ces dernières années – + 52 % entre 2019 et 2024. L’État a donc conforté les missions locales dans leur rôle essentiel d’accompagnement des jeunes vers l’emploi.

Les missions locales demandent surtout de conserver les 200 000 CEJ. Même s’ils sont désormais contingentés, ces contrats sont bien maintenus. La ministre et le réseau travaillent main dans la main pour répartir la baisse de 5,8 % sans fragiliser les structures.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). J’étais présent à l’audition organisée par le rapporteur et je n’ai pas entendu la même chose que lui. La baisse des dotations existe bel et bien et est même la cause de mouvements de grève dans différentes missions locales. Elle n’est pas égale partout parce que le réseau est fragmenté et que les dotations évoluent de manière distincte selon les missions. En l’état, il n’est pas vrai de dire que les moyens ont augmenté partout.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). La forte augmentation est liée à la mise en place du CEJ. Les missions locales sont fragilisées par une bureaucratisation importante. Pour ces associations, qui voient leurs fonds structurels baisser, l’augmentation des fonds de projet rend le travail particulièrement difficile. Les directeurs des missions locales souffrent beaucoup de la situation parce que l’énergie qu’ils devraient déployer pour les jeunes est aspirée par des tâches bureaucratiques, qui seront encore accentuées par le rapprochement avec France Travail.

Les missions locales sont des acteurs de terrain essentiels. Elles gèrent les CEJ dont le nombre est d’ores et déjà insuffisant pour accompagner les jeunes en grande précarité – les fameux Neet. Elles vont jusqu’à débloquer des crédits pour donner à manger à ceux qui ont faim. Si leurs dotations sont réduites, elles ne pourront peut-être même plus apporter cette aide. Et si elles ne sont pas soutenues, les collectivités seront appelées à compenser ; or nombre d’entre elles ne le pourront pas.

M. Arthur Delaporte (SOC). Le plafonnement à 200 000 du nombre de CEJ renforcera les inégalités entre territoires et pénalisera les missions locales qui ont mené une politique dynamique en la matière il y a trois ou quatre ans, à qui l’on refusera de nouveaux contrats même si les besoins croissent. Puisque cette politique fonctionne, il faut la développer plutôt que de plafonner le dispositif.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AS64 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-AS140 de M. Didier Le Gac (discussion commune)

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il s’agit d’augmenter les crédits alloués au Pacea.

M. le rapporteur. Après une forte baisse du budget du Pacea ces dernières années, nous proposons, en concertation avec le ministère et l’Union nationale des missions locales, de porter cette enveloppe à 60 millions d’euros, soit une augmentation de 18 millions. Je souhaite donc le retrait de l’amendement II-AS64 au profit du mien.

La commission rejette l’amendement II-AS64.

Puis elle adopte l’amendement II-AS140.

Amendements II-AS118, II-AS117 et II-AS110 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Lors des Rencontres nationales du réseau des missions locales, la ministre du travail et de l’emploi a déclaré : « Un effort sera demandé aux missions locales. Je me battrai pour qu’il soit acceptable. » Un effort a bien été demandé.

L’amendements II-AS110 vise à rétablir le financement des contrats aidés afin de soutenir les populations les plus vulnérables qui en étaient les bénéficiaires.

L’amendement II-AS117 vise à rattraper la hausse du coût de la vie pour les professionnels des missions locales en revalorisant le point d’indice, qui accuse un retard de 32 % sur l’indice des prix à la consommation de février 2001 à juillet 2021.

Enfin, l’amendement II-AS118 vise à créer une Agence nationale pour l’accompagnement et l’insertion des jeunes. Elle résulterait de la fusion de l’ensemble des missions locales. En cas de mobilité professionnelle au sein des missions locales, l’ancienneté est maintenue grâce à la convention collective mais cela ne concerne ni le poste ni l’indice professionnel. Une agence nationale permettrait d’organiser les parcours professionnels des agents.

M. le rapporteur. L’amendement II-AS118 aurait pour conséquence de recentraliser les missions locales, alors que le réseau a fait ses preuves et assure une grande souplesse d’organisation et d’adaptation au niveau local. C’est donc un modèle à préserver. Il ne faut surtout pas créer un grand machin en fusionnant toutes les missions locales de France. Avis défavorable.

L’amendement II-AS117 ne relève pas du législatif. La fixation des salaires se fait dans le cadre de la négociation annuelle et de la convention collective des missions locales. Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur le montant de la revalorisation de leur point d’indice. Avis défavorable.

Enfin, l’amendement II-AS110 relatif aux contrats aidés coûterait – tenez-vous bien ! – 776 millions d’euros. Nous avons là un vrai désaccord idéologique : je fais partie des gens qui se réjouissent de la diminution du nombre d’emplois aidés, qui concernaient 500 000 personnes en 2017. Il s’agit de contrats très précaires, avec un taux de sortie vers l’emploi très faible ; ils doivent être recentrés sur les publics les plus éloignés de l’emploi. Avis défavorable.

Mme Christine Le Nabour (EPR). La particularité du réseau des missions locales est d’être constitué d’associations autonomes ; elles sont structurées ; il faut les laisser s’organiser. Il n’y a pas de raison de les fusionner. De même, concernant le point d’indice, c’est aux missions locales d’organiser le dialogue social avec les partenaires sociaux. L’UNML est aussi un syndicat d’employeurs. Le législateur n’a pas à décider du point d’indice des missions locales.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Si vous avez une solution pour que le poste et l’indice soient maintenus en cas de mobilité d’une mission à une autre, je suis prêt à retirer mon amendement.

En 2023, lors de la dernière négociation, les salaires dans les missions locales ont augmenté de 3,9 % alors que les prix prenaient 4,9 % : les agents perdent donc bien de l’argent en travaillant. Vous dites que ce n’est pas à nous d’intervenir, mais si ; il appartient bien au législateur de fixer l’échelle mobile des salaires et de décider l’indexation des salaires sur les prix. En l’occurrence, nous proposons seulement une dotation supplémentaire de 9 millions d’euros pour qu’il y ait de l’argent dans les caisses et que les partenaires sociaux puissent négocier librement le niveau du point d’indice, le classement et le rapport entre les différents échelons.

La commission rejette successivement les amendements.

2.   Réunion du mercredi 6 novembre 2024 à 21 heures 30

La commission poursuit l’examen, pour avis, des crédits de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux (M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis). ([42])

Article 42 et état B (suite) : Crédits du budget général

Amendement II-AS36 de Mme Valérie Rossi

Mme Chantal Jourdan (SOC). Le projet de loi de finances (PLF) ne prévoit aucune dotation pour le fonds de développement de l’inclusion. Ce fonds est pourtant indispensable pour le soutien et le développement des structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) telles que les ateliers et chantiers d’insertion (ACI) ou les associations intermédiaires. Il mène différents types d’actions d’aide au démarrage d’une structure nouvelle ou de soutien au développement. Cet amendement vise donc à le doter de 40 millions d’euros.

M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis. Les SIAE accomplissent un travail nécessaire et remarquable. Vous proposez de leur accorder 40 millions d’euros. Or la ministre du travail et de l’emploi a rappelé que les crédits dédiés à l’insertion par l’activité économique (IAE) ont doublé en moins de dix ans et restent stables pour 2025 au niveau très élevé de 1,5 milliard. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, il n’est pas raisonnable de les augmenter.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AS68 de M. René Lioret et II-AS34 de Mme Océane Godard (discussion commune)

M. René Lioret (RN). Mon amendement vise à réduire de 20 % en autorisations d’engagement les crédits dédiés aux migrants et aux demandeurs d’asile de la sous-action 02 Insertion par l’activité économique de l’action 03 du programme 102.

Selon des études menées par France terre d’asile et l’Office français de l’immigration et de l’intégration, 15 à 25 % de ces crédits sont dédiés exclusivement aux réfugiés et aux migrants.

Parmi les programmes financés par cette sous-action, je citerai le programme Seve Emploi, qui s’adapte aux besoins des réfugiés et des migrants ; les ateliers et chantiers d’insertion qui leur proposent des parcours adaptés, incluant des formations linguistiques et un accompagnement pour surmonter les obstacles culturels et administratifs ; le programme collectif vers l’accompagnement global (CVG) destiné aux réfugiés et aux demandeurs d’asile, qui peuvent rencontrer des obstacles liés à leur statut administratif, et aux migrants vulnérables, souvent confrontés à des difficultés d’intégration sociale et professionnelle.

Dans un contexte de crise des finances publiques, alors que de trop nombreux Français qui cherchent un emploi attendent une aide efficace et un véritable soutien, comment justifier que 15 à 25 % des programmes soient destinés aux personnes de nationalité étrangère ?

M. Arnaud Simion (SOC). Par l’amendement II-AS34, nous proposons pour notre part un mouvement de crédits en vue de créer 2 270 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires dans les ACI, qui permettront d’accompagner 3 000 personnes en parcours d’insertion. Les ACI proposent des solutions adaptées aux publics les plus éloignés de l’emploi – la moitié de leurs bénéficiaires perçoivent le revenu de solidarité active (RSA).

Or les moyens qui leur sont dédiés stagnent pour 2025, le nombre d’ETP restant identiques à celui de 2024 et même 2023. Par ailleurs, sur les 42 257 ETP prévus, il faut savoir que seuls 40 500 sont concrètement déployables dans les territoires.

M. le rapporteur. Monsieur Lioret, les programmes que vous visez ne concernent pas exclusivement les réfugiés ou les demandeurs d’asile, mais les personnes en situation de grande exclusion, confrontées à de multiples freins à l’emploi. Par ailleurs, je suis très favorable aux dispositifs d’intégration par le travail de tous les publics, notamment des personnes qui arrivent sur le territoire. Le travail est la meilleure façon de s’intégrer.

Quant à l’amendement qui veut abonder les crédits de l’IAE, ceux-ci ont été préservés dans le PLF et restent à un niveau élevé.

Avis défavorable sur ces deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AS40 de Mme Valérie Rossi

Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements II-AS41 de Mme Valérie Rossi et II-AS37 de Mme Chantal Jourdan

Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement II-AS41 est défendu.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Mon amendement vise à bonifier de 10 % l’aide au poste versée aux SIAE dans les territoires d’outre-mer, pour un montant de 8 millions d’euros.

Les territoires ultramarins ont des spécificités qui rendent l’accès au marché de l’emploi difficile, ce qui rejaillit sur la misère sociale. Les SIAE jouent un rôle fondamental dans ces territoires, mais l’aide au poste qu’elles perçoivent est équivalente à celle des territoires métropolitains. Nous proposons, avec cette bonification, de concrétiser un engagement du pacte d’ambition pour l’IAE remis au Gouvernement lors du précédent quinquennat.

M. le rapporteur. C’est vrai, les dispositifs d’IAE ont fait leurs preuves, mais l’enveloppe budgétaire de 1,5 milliard d’euros prévue devrait suffire pour accompagner les publics les plus éloignés de l’emploi.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AS46 de Mme Valérie Rossi

Mme Sandrine Runel (SOC). Il s’agit de porter l’aide au poste versée aux associations intermédiaires de 1 598 à 3 176 euros, pour un montant total d’à peine 30 millions d’euros.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS108 de M. Hadrien Clouet, et amendements II-AS107 de Mme Ségolène Amiot et II-AS73 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement II-AS108 vise à augmenter les crédits alloués au projet Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), créé par la loi, qui fait l’objet d’une expérimentation dans ma circonscription, en Loire-Atlantique. La réduction des crédits qui lui sont alloués ferait peser une menace sur ce projet qui pourtant porte ses fruits.

L’amendement II-AS107 vise à renforcer encore ce dispositif très efficace, qui permet d’accompagner au mieux les personnes les plus durablement éloignées de l’emploi  souvent pour des raisons indépendantes de leur volonté –, y compris en créant des emplois sur mesure. C’est l’un des objectifs de la ministre du travail et de l’emploi.

M. Hendrik Davi (EcoS). La hausse de 1,15 % des crédits alloués à cette expérimentation est très insuffisante, eu égard à l’augmentation du nombre de personnes en très grande pauvreté et de chômeurs de longue durée. Par l’amendement II‑AS73, nous proposons donc d’augmenter ces crédits de 9 millions d’euros.

M. le rapporteur. Avis défavorable aux trois amendements.

Les deux premiers visent à augmenter de 34 millions d’euros les crédits consacrés à l’expérimentation TZCLD, qui suivent déjà une trajectoire exponentielle puisqu’ils sont passés de 15 millions en 2017 à 80 millions en 2024. Le Gouvernement a très largement soutenu ce dispositif, qui porte ses fruits, mais pour un coût par salarié très élevé. C’est pourquoi le PLF prévoit de stabiliser la dotation, qui avait été augmentée de 10 millions l’an dernier à la suite de certaines actions menées pour sensibiliser les députés à ce dispositif.

M. Fabien Di Filippo (DR). L’augmentation des moyens ne serait pas forcément une mauvaise chose, à condition qu’elle s’accompagne d’une réforme de l’assurance chômage aboutie, qui permettrait de faire des économies du côté indemnisation et aurait un effet incitatif pour les personnes les moins éloignées de l’emploi.

Par ailleurs, Mme Amiot a dit que les personnes étaient souvent au chômage pour des raisons indépendantes de leur volonté. Son inconscient a parlé : au fond, elle considère bien, comme nous, que certaines personnes restent volontairement au chômage ! Nous devons lutter en priorité contre ces situations.

Mme Christine Le Nabour (EPR). Une nouvelle étude doit permettre d’en savoir un peu plus sur l’efficacité de ce dispositif, mais elle ne sera rendue qu’en 2025. Vous proposez d’augmenter les moyens qui lui sont consacrés sans en attendre les conclusions, alors qu’il a déjà été largement soutenu.

Je constate que le dispositif TZCLD touche à peu près le même public que l’IAE – on avait d’ailleurs envisagé d’intégrer l’un dans l’autre. Or son coût est de 22 000 euros par an et par personne, alors qu’on sait que si le nombre de chômeurs de longue durée a baissé, c’est grâce à l’accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA. Il me semble donc que nous avons intérêt à tout remettre sur la table : les acteurs sont nombreux, les dispositifs aussi et nous avons besoin de les analyser en profondeur pour savoir ceux qui sont efficaces. Arrêtons de continuer à augmenter les moyens d’office et faisons cette évaluation.

M. Hendrik Davi (EcoS). Les chômeurs de longue durée ont souvent des revenus inférieurs à 1 000 euros. Je vous invite à essayer de vivre avec cela dans la plupart des villes : vous verrez que ce n’est pas par plaisir que les gens sont au chômage.

M. Fabien Di Filippo (DR). Ne faites pas ce procès, qui n’apporte rien sur le fond, entre ceux qui connaissent les difficultés des gens et ceux qui les ignorent et qui vivent dans les palais dorés de la République. J’ai vécu avec moins de 1 000 euros par mois.

Vous ne rendez pas service aux gens en soutenant de telles mesures d’excuse sociale. D’où vient l’argent qui finance ces dispositifs ? Soit des entreprises qui créent de la richesse – et alors elles ne pourront pas augmenter les salaires, comme vous le désirez –, soit de l’endettement, à crédit sur la production de richesse de nos enfants. Personne, et surtout pas Emmanuel Macron, ne peut échapper à cette vérité intemporelle. Nous constatons les conséquences sur notre économie de la politique menée durant ces sept dernières années.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement IIAS109 de Mme Ségolène Amiot

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS143 de M. Didier Le Gac

M. le rapporteur. Cet amendement vise à allouer une enveloppe supplémentaire de 3 millions d’euros aux entreprises adaptées, afin de les aider à faire face à la récente réforme des congés payés qui leur impose des charges supplémentaires en rendant rétroactifs les droits des salariés ayant quitté l’entreprise. Le modèle des entreprises adaptées, qui requiert un effectif plus important, est d’autant plus vulnérable à ces charges additionnelles.

La commission adopte l’amendement.

Amendements II-AS114 de M. Louis Boyard et II-AS63 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune), amendements identiques II-AS4 de Mme Estelle Mercier et IIAS25 de Mme Marie-Charlotte Garin et amendements II-AS115 et II-AS116 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Par l’amendement II-AS114, nous souhaitons augmenter le budget des contrats d’engagement jeune (CEJ). La coupe de 100 millions d’euros les concernant ayant été jugée pour le moins inappropriée par les personnes auditionnées par le rapporteur, je ne doute pas que celui-ci sera d’accord.

M. Arnaud Simion (SOC). L’amendement II-AS4, travaillé avec la Fédération des acteurs de la solidarité, propose de conserver le CEJ-jeunes en rupture (CEJ‑JR), qui doit être remplacé en fin d’année par l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) issu de l’article 7 de la loi plein emploi. Cet AMI qui n’en est peut-être pas un risque d’entraîner une rupture d’adhésion des jeunes qui sont en cours d’accompagnement et de compromettre le travail mené sur le terrain.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je défends les amendements II‑AS63 et II‑AS25. Le passage par des AMI génère toujours beaucoup de bureaucratie.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement II-AS115 vise à limiter à un an la durée pendant laquelle un débiteur peut demander le remboursement des sommes indûment versées à un allocataire du CEJ. C’est parfaitement faisable au niveau administratif.

L’amendement II-AS116 vise à abonder un nouveau fonds pour mettre fin aux effets de seuil détestables liés au rattachement du jeune à un foyer fiscal imposable – quelques euros d’impôt peuvent faire perdre une grande partie de l’allocation. Et il faudra réfléchir à faire disparaître ces effets de seuil dramatiques.

M. le rapporteur. Ces amendements concernent tous le CEJ. Vous savez tout le bien que je pense de ce dispositif, qui est presque le seul à accompagner les jeunes très éloignés de l’emploi.

Avis défavorable sur les amendements II-AS114 et II-AS63, qui demandent une augmentation de 100 millions d’euros ! Les moyens alloués au CEJ sont reconduits dans le PLF, à hauteur de 786 millions, dont 643 millions pour les jeunes accompagnés en mission locale. Les objectifs d’entrée sont également stables, à 200 000 jeunes par an en mission locale et à 85 000 à France Travail. Le PLF assurant la pérennité d’un dispositif qui a fait ses preuves, il n’y a pas lieu d’augmenter les crédits.

Avis défavorable sur les amendements II-AS4 et II-AS25. Si le CEJ‑JR disparaît sous sa forme actuelle, il s’inscrira dans la nouvelle offre de repérage et de mobilisation. Les projets engagés pourront donc se poursuivre par le biais des appels à manifestation d’intérêt qui sont en cours.

Demande de retrait ou avis défavorable sur l’amendement II-AS115, parce qu’il est de nature réglementaire. Mais sur le fond, vous avez raison : au cours de mes travaux sur le CEJ, j’ai également pu constater l’inadaptation du système de sanctions prévu en cas de manquement. Une réforme est en cours, comme la ministre l’a annoncé tout à l’heure. Mais aucun organisme ne m’a alerté sur le cas spécifique que vous décrivez.

Avis défavorable enfin sur la proposition d’universalisation des aides de l’amendement II-AS116. Vous refusez de tenir compte des revenus du foyer fiscal dans lequel le jeune vit ; nous trouvons normal de le faire.

Mme Christine Le Nabour (EPR). Il n’est pas question de supprimer le CEJ‑JR, même s’il ne fonctionne pas forcément bien partout. On passe simplement d’un appel à projets à un AMI. Ce dernier ouvre l’éligibilité au privé comme au public. Les projets qui étaient efficaces dans le repérage et la remobilisation des jeunes sont maintenus.

Par ailleurs, l’Union nationale des missions locales collabore étroitement avec le Gouvernement : ils pourront travailler sur les effets de seuil et les indus.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AS106 de M. Hadrien Clouet, II-AS105 de Mme Ségolène Amiot et II-AS120 de M. Gaëtan Dussausaye (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les amendements II-AS106 et II-AS105 visent à récupérer un petit peu de la somme excessive versée aux employeurs d’apprentis. Toutes aides cumulées, on atteint un montant de 25 milliards d’euros, ce qui revient à un coût d’investissement par apprenti supérieur à celui d’un étudiant à l’université. Ces aides sont souvent légitimes quand l’employeur forme réellement le jeune, mais pas dès lors qu’il n’assure ni le tutorat, ni la formation, ni la protection contre les accidents du travail.

Nous faisons donc deux propositions. L’une vise à récupérer l’ensemble des crédits pour les reverser aux centres de formation d’apprentis publics et aux lycées professionnels. L’autre, de repli, consiste à récupérer 470 millions d’euros à destination des employeurs qui méritent réellement cette enveloppe.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Autant l’amendement II-AS105 me semble plutôt bienvenu, autant le II-AS106 jette l’opprobre sur l’intégralité des employeurs, dont beaucoup n’ont pas que des mauvaises intentions à l’égard des apprentis. Pour notre part, nous proposons de concentrer les efforts d’économies sur les niveaux de qualification 6 et 7 et sur les entreprises de plus de 250 salariés, afin d’éviter les effets d’aubaine. L’apprentissage a remporté la bataille de l’attractivité ; il doit désormais gagner celle de l’efficacité.

M. le rapporteur. Nous sommes très fiers que l’apprentissage ait enfin trouvé son public. Le nombre d’apprentis a triplé depuis 2017 et atteint pour la première fois le million. Nous considérons que c’est un bon moyen d’insertion, d’intégration et de valorisation du travail. C’est parfois même un ascenseur social.

Avis défavorable sur l’amendement II-AS106 qui veut supprimer, si ce n’est l’apprentissage, du moins toutes les aides.

Concernant les deux autres amendements, comme le disait la ministre, une réflexion est en cours pour redéfinir les critères d’accès aux aides, autour de la taille de l’entreprise et du niveau de diplôme. Je vous invite à soumettre vos propositions par courrier. Les arbitrages se feront dans les prochaines semaines. Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). L’apprentissage mériterait un grand débat national. L’an dernier, j’ai fait un rapport pour la commission des affaires culturelles sur l’explosion du privé lucratif dans le supérieur, pour partie liée à l’apprentissage. Il existe des effets d’aubaine pour les entreprises, mais aussi pour des boîtes comme Galileo qui font leur beurre sur la formation dans le supérieur. Cela pose un vrai problème, notamment en diluant la nécessaire réflexion sur la distinction entre compétence et qualification : beaucoup de jeunes pensent posséder un savoir parce qu’ils sont passés dans une entreprise.

Le premier amendement va trop loin, car nous avons besoin d’apprentissage pour les premiers niveaux de qualification – je suis plus dubitatif pour les niveaux 6 et 7. Mais je suis favorable à l’amendement II-AS105.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je rejoins totalement ces propos. Les effets d’aubaine concernent d’abord les entreprises – les plus grosses pourraient recruter plutôt que d’embaucher des apprentis – mais aussi les formateurs, surtout au niveau master, qui proposent parfois des formations sans réel fondement ni traduction concrète dans le monde du travail.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je signale que France compétences est en déficit, de près de 10 milliards d’euros. La question de la viabilité du système se pose bien.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AS69 de M. René Lioret et II-AS122 de M. Gaëtan Dussausaye (discussion commune)

M. René Lioret (RN). Nous proposons de supprimer les crédits de trois dispositifs publics, à commencer par le programme Entrepreneuriat quartiers 2030, dont peu de données démontrent qu’il a apporté une amélioration significative de l’activité économique locale.

Le second est le programme Hébergement orientation parcours vers l’emploi (Hope), qui vise à favoriser l’intégration des réfugiés et demandeurs d’asile dans le marché du travail, pour un coût annuel de 23 millions d’euros, alors que la priorité devrait être de garantir des emplois aux Français les plus en difficulté, y compris s’ils sont sans emploi depuis longtemps.

Enfin, le programme 100 % inclusion, qui coûte chaque année 100 millions d’euros, prétend soutenir l’insertion professionnelle des personnes éloignées de l’emploi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), mais il souffre des mêmes lacunes que le précédent en misant sur des zones et des populations ciblées de manière artificielle, sans réelle stratégie d’ensemble.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Le dispositif Hope, qui vise à favoriser l’intégration des réfugiés et des demandeurs d’asile dans le marché du travail, produit des résultats : le taux de sorties en emploi en fin de parcours est de 72,5 % ; 56 % des bénéficiaires sortent même du dispositif dès six mois et sont, pour 40 % d’entre eux, en contrat à durée indéterminée. On peut discuter de la politique migratoire, mais le travail est vraiment un facteur d’intégration des personnes étrangères : lorsqu’on travaille, on paie des cotisations, des impôts, et on fait partie d’une entreprise.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je m’étonne que M. Lioret ait évoqué la question de la nationalité à propos d’un programme tel qu’Entrepreneuriat quartiers 2030, qui concerne les QPV : quel est le rapport avec le fait d’être un étranger ?

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je vous remercie de me permettre de préciser les choses. Comme d’autres mécanismes d’aide à la formation et à l’apprentissage, celui que vous citez cache, en fait, un dispositif à destination de personnes de nationalité étrangère qui n’a précisément rien à voir avec les QPV. Là est le problème : tout n’est pas parfaitement transparent ! C’est pourquoi nous nous attaquons, non pas à l’intégralité du dispositif, mais à la partie consacrée aux personnes de nationalité étrangère. Nous estimons, en effet, que la solidarité doit d’abord être nationale – mais je sais que nos conceptions diffèrent à ce sujet.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AS35 de Mme Océane Godard

Mme Sandrine Runel (SOC). Le Gouvernement, qui avait déjà réduit de 10 millions d’euros le financement du plan d’investissement dans les compétences IAE (PIC IAE) en 2024, prévoit de l’amputer à nouveau de 15 millions en 2025. Nous proposons donc de transférer 25 millions du programme 155 vers le programme 103 afin de rétablir la dotation du PIC IAE à son niveau de 2023.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Je rappelle que, dans le PLF 2025, les crédits en faveur de l’IAE sont stabilisés à un niveau de 1,5 milliard d’euros, après avoir doublé en quelques années. Par ailleurs, les expérimentations dans le domaine de l’IAE – Convergence, Premières heures en chantier... – seront poursuivies et amplifiées dans le cadre du pacte des solidarités, grâce à un budget, en progression, de 23,7 millions. L’enveloppe allouée à l’insertion par l’activité économique me paraît donc réaliste et toujours ambitieuse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS104 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement, qui a été rejeté à une voix près par la commission des finances, vise à instaurer, moyennant la modique somme de 12 millions d’euros, un conseil de la qualification professionnelle qui serait chargé de formuler des propositions sur la manière dont on peut organiser les parcours professionnels et la formation pour faire face au grand défi environnemental que nous avons à relever.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

D’une part, la somme dont vous parlez n’est pas si modique. D’autre part, votre demande me paraît satisfaite puisque la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) produit déjà ce type de travaux. Je pense, par exemple, à son étude sur les métiers en 2030, rendue l’année dernière, ou à la grande conférence annuelle qu’elle organise sur les enjeux liés à l’emploi et aux compétences nécessaires à la planification écologique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS141 de M. Didier Le Gac

M. le rapporteur. Cet amendement, adopté par la commission des finances, vise à augmenter de 1 million d’euros l’enveloppe budgétaire allouée aux groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification, ce qui ne fera que réduire sa baisse dans le PLF. Je rappelle que ces associations accomplissent un travail remarquable, très près du terrain, avec les entreprises et les organismes de formation, pour insérer professionnellement les publics fragilisés.

Mme Sandrine Runel (SOC). Nous allons soutenir cet amendement et, par voie de conséquence, les personnes qui ont besoin de ce dispositif.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AS78 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Hendrik Davi (EcoS). Le fonds de cohésion sociale, qui intervient soit directement en garantie, soit en dotant des fonds de garantie préexistants, a pour mission de garantir des prêts accordés à des personnes à faibles revenus. Compte tenu de son utilité, nous proposons de lui allouer 24 millions d’euros supplémentaires.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Votre amendement ferait plus que doubler les crédits affectés au fonds de cohésion sociale. Nous sommes, quant à nous, partisans d’une baisse. Le PLF lui alloue 16 millions d’euros, contre 21 millions l’année dernière. Dans un contexte de restrictions budgétaires, il ne semble pas opportun d’engager des dépenses supplémentaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AS65 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-AS70 de M. René Lioret (discussion commune)

M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement II-AS65 est défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Le Gouvernement a décidé de supprimer le dispositif des emplois francs, lequel n’a pas trouvé, et je le regrette, son public dans les QPV.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AS74 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-AS101 de Mme Ségolène Amiot (discussion commune)

M. Hendrik Davi (EcoS). J’ai été choqué en découvrant, dans le rapport de M. Le Gac, que les crédits alloués au programme 111 Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail baissaient de 76 %. Faut-il rappeler qu’on a dénombré, en 2023, plus de 600 000 accidents de travail, qui ont fait près de 660 morts, classant la France au quatrième rang des pays européens ayant le plus d’accidents mortels ? Pour cette raison, nous proposons par l’amendement II-AS74 d’allouer 2 millions d’euros supplémentaires au programme 111.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement II‑AS101 est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AS12 de M. François Ruffin

M. Hendrik Davi (EcoS). Il s’agit là encore d’abonder le programme 111, mais uniquement de 500 000 euros. C’est peu, au regard de la baisse prévue !

M. le rapporteur. Avis défavorable. Il ne s’agit pas vraiment d’une mesure de nature budgétaire.

M. Fabien Di Filippo (DR). Je veux bien reconnaître que la médecine du travail, comme les autres spécialités médicales, connaît des problèmes d’ordre démographique, mais qu’espérez-vous faire avec 500 000 euros ? À part provoquer une discussion, cet amendement n’aura aucun effet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS77 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Hendrik Davi (EcoS). Il s’agit, là encore, d’un amendement d’appel : 1 euro symbolique ! Nous souhaiterions que soit reconnu le syndrome d’épuisement professionnel, qui fait partie des risques psychosociaux liés au travail.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS14 de M. François Ruffin

M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements II-AS75 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-AS103 de Mme Ségolène Amiot (discussion commune)

M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement II‑AS75 est défendu.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous proposons par l’amendement II‑AS103 d’abonder de 7 millions d’euros les crédits de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). Après les réductions budgétaires qu’elle a subies au cours des dernières années, ces crédits lui permettraient de mener des travaux sur les sujets qu’elle souhaite approfondir, notamment les effets du développement de l’intelligence artificielle sur le travail, et d’assumer sa mission de prévention des risques professionnels.

M. le rapporteur. Avis défavorable : le budget de l’Anact est maintenu en 2025.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques II-AS13 de M. François Ruffin et II-AS76 de Mme Sophie Taillé-Polian, amendement II-AS102 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)

M. Hendrik Davi (EcoS). Les amendement II-AS13 et II‑AS76 visent à augmenter les crédits du programme Soutien des ministères sociaux afin de recruter des inspecteurs du travail, dont le nombre a été ramené de 2 249 à 1 700 entre 2010 et 2024, soit une perte sèche de 550 agents. S’il y a moins d’inspecteurs du travail, les contrôles sont moins nombreux et les problèmes augmentent forcément dans les entreprises. Pour améliorer la qualité de vie au travail, il est donc judicieux d’augmenter le nombre des inspecteurs du travail.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement II-AS102 vise également à rétablir les effectifs de l’inspection du travail. Ceux-ci ont baissé de 16 % en deux décennies, plaçant la France, en nombre d’inspecteurs du travail rapporté au nombre des salariés, derrière la Barbade, la République tchéque ou la Pologne. Dans certaines sections, un nombre important de postes ne sont pas pourvus – les deux tiers dans l’Oise, un quart à Paris, 43 % dans le Val‑de‑Marne... – si bien que se développent de véritables zones de non-droit du travail.

Ni le nombre de postes ouverts ni les mobilités internes proposées au sein de l’administration ne sont suffisants, alors que les défis sont considérables : ubérisation, nouveaux procédés de production industrielle... Il faut permettre aux inspecteurs du travail de faire leur boulot convenablement.

M. le rapporteur. Je rejoins vos préoccupations quant à l’état de l’inspection du travail. Toutefois, la ministre du travail et de l’emploi est décidée à inverser la tendance à la baisse des effectifs – un concours sera ouvert en 2025 pour 200 postes – et un plan national d’action a été élaboré pour la période 2023-2025, avec pour priorité la hausse des interventions sur les lieux de travail, dans les entreprises et sur les chantiers.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AS100 de Mme Ségolène Amiot

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La rémunération réelle des inspecteurs et contrôleurs du travail, qui tient compte de l’inflation, est en baisse depuis plusieurs années. Leur salaire démarre quelques centaines d’euros au-dessus du Smic, ce qui peut expliquer les difficultés rencontrées pour attirer les candidats. Nous proposons donc des moyens supplémentaires pour que les inspecteurs du travail soient rémunérés correctement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements II-AS96 et II-AS98 de Mme Ségolène Amiot (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement II-AS96 vise à restituer à l’inspection du travail le contrôle de ses moyens matériels, qu’une réforme récente a transféré, ainsi que d’autres missions, aux préfectures. En effet, entre des agents de corps différents qui ne partagent pas la même culture, la communication n’est pas aisée.

Quant à l’amendement II-AS98, il tend à revenir sur un autre aspect de cette réforme, à savoir le regroupement des fonctions support des services départementaux au sein de secrétariats généraux communs, de manière à rétablir un lien étroit entre l’action des inspecteurs sur le terrain et la capacité à répondre à leurs besoins.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Ces deux amendements ne sont pas de nature budgétaire puisqu’ils visent à revenir sur l’organisation des directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (Ddets) créées en 2021.

Mme Sandrine Runel (SOC). Vous ne pouvez pas vous voiler la face : l’inspection du travail n’a pas les moyens d’accomplir ses missions. Son budget est certes maintenu, mais il reste insuffisant alors que les besoins augmentent et que les salaires ne suivent pas l’inflation. La ministre aura beau annoncer des concours et des recrutements, il faut deux ans pour former un inspecteur avant qu’il puisse intervenir seul sur le terrain. Dans le département du Rhône par exemple, la Ddets, qui a récupéré la gestion des sections, n’a ni la culture ni les moyens d’animer les inspecteurs. Des postes sont vacants. On reçoit vingt signalements par jour et aucun n’est honoré. J’espère que nous aurons ce débat politique en séance.

M. le président Frédéric Valletoux. Cela pourrait faire l’objet d’une mission d’information ou d’une mission « flash ».

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AS71 de M. René Lioret

M. René Lioret (RN). Il s’agit d’annuler les 10,2 millions d’euros de l’action 01 Soutien au plan d’investissement dans les compétences du programme 155 Soutien des ministères sociaux. Ce budget est destiné à des prestations d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la numérisation des formations professionnelles et le contrôle de la politique de formation des salariés en insertion par l’activité économique. À première vue, ces missions peuvent sembler justifiées pour accompagner la transformation numérique des organismes de formation ; mais à y regarder de plus près, elles consistent essentiellement en des prestations de cabinets privés dont le coût et l’efficacité sont souvent opaques. Elles pourraient être réalisées par nos propres administrations. Ces dépenses manquent de transparence, et nous souhaitons tourner la page de l’époque McKinsey.

M. le rapporteur. Il faut être vigilant dans le recours à des prestataires, mais certaines missions de conseil ou d’étude ne peuvent pas être menées en interne. Cette ligne de crédits doit donc être conservée.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AS72 de M. René Lioret et II-AS119 de M. Yoann Gillet (discussion commune)

M. René Lioret (RN). Mon amendement propose de supprimer les agences régionales de santé (ARS), qui coûtent très cher : elles reçoivent chaque année 623 millions d’euros pour leur seul fonctionnement, sans compter les aides et subventions destinées aux programmes de soins et aux études, audits et missions de conseil. Mieux vaut confier les responsabilités aux médecins et aux élus locaux et régionaux.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Dans la même ligne, l’amendement II-AS119 présente le double intérêt de trouver plus de 60 millions d’euros d’économies et d’ouvrir le débat sur la suppression des ARS, qui allient bureaucratisation et déresponsabilisation et nuisent à l’accès à la santé.

M. le rapporteur. Les ARS ne sauraient être supprimées par de simples amendements, même si leur fonctionnement est certainement perfectible. Avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo (DR). Personne n’est satisfait de la manière dont sont gérées la santé et les ARS. Les effectifs et le coût de fonctionnement de ces agences sont bien trop élevés, alors que la situation des hôpitaux se dégrade. Cela mérite une réflexion de fond. Mais si nous supprimons les ARS, que faire ensuite ? En revanche, le second amendement, qui vise à réduire leur budget de 10 %, me semble intéressant. Nous le constatons tous dans nos territoires : certains agents des ARS, dont nous ne connaissons pas bien la fonction, diligentent des études de conseil pour prendre des décisions – et ainsi se couvrir. Il faut siffler la fin de la récréation.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AS94 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Vous avez reconnu l’utilité de la Dares, monsieur le rapporteur pour avis. Cet amendement vise justement à rattraper les moyens qu’elle a perdus ces dernières années du fait de l’inflation.

M. le rapporteur. Les moyens de la Dares sont maintenus, à 8 millions d’euros. Il n’est pas nécessaire de les augmenter. Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Lors d’une audition consacrée au fonctionnement des universités, le ministère de l’enseignement supérieur a reconnu ne pas pouvoir répondre à certaines questions, faute de moyens humains consacrés aux études et aux statistiques. Le besoin est donc réel.

Le débat démocratique doit se fonder sur des constats rigoureux réalisés par des institutions comme la Dares, sans quoi nous laisserons le champ libre aux fake news. Préservons ces outils fondamentaux pour notre État. J’ajoute que quand les budgets sont constants alors que l’inflation atteint 1,8 %, ils diminuent en réalité.

M. le rapporteur. Je ne remets pas en cause l’utilité de la Dares. Son budget, stabilisé à 8 millions d’euros, lui permettra d’entreprendre de nouveaux travaux en 2025 : la nouvelle édition de l’enquête sur les conditions de travail et les risques psychosociaux, une opération de testing pour mesurer les discriminations à l’embauche à l’encontre des seniors, et la préparation de l’enquête sur la surveillance des expositions des salariés aux risques professionnels.

Mme Sandrine Runel (SOC). Quand j’ai présenté mon rapport pour avis sur la mission Régimes sociaux et de retraite, on m’a reproché de me fonder sur une enquête de la Dares datant de 2015 ; c’était pourtant la plus récente sur le sujet ! Il ne serait pas extravagant d’accorder des moyens supplémentaires à la Dares.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Le dimensionnement d’un budget s’apprécie par rapport aux coûts supportés et à l’inflation. Vous pouvez défendre une diminution, mais ne prétendez pas que le budget de la Dares est maintenu ! S’il n’a pas augmenté depuis 2022 alors que l’inflation a progressé, c’est qu’il a régressé.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-AS97 de Mme Ségolène Amiot

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement d’appel, à 1 milliard d’euros, insiste sur la nécessité de compenser la baisse des salaires réels par rapport à l’inflation. Les rémunérations ont en réalité diminué de 3 % en 2022 puis de 1,8 % en 2023 – encore ces estimations sont-elles prudentes, puisque le poids de l’inflation diffère selon la classe sociale, le lieu de vie, l’environnement familial, etc.

M. le rapporteur. Vous souhaitez augmenter les salaires pour 1 milliard d’euros : cette proposition n’a pas sa place dans cette mission. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS99 de M. Louis Boyard et amendements II-AS21 et II-AS26 de Mme Marie-Charlotte Garin

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les crèches privées, qui malheureusement, assurent largement le service de la petite enfance, accordent une part insuffisante de leurs recettes aux salaires. Le personnel n’est pas assez nombreux, ce qui explique aussi que nombre d’enfants de moins de 3 ans n’aient pas de mode d’accueil. Les salariés de ces structures touchent une rémunération extrêmement faible, voire travaillent gratuitement puisque toutes leurs heures supplémentaires ne sont pas payées. Par l’amendement II‑AS99, nous demandons qu’ils soient augmentés.

Le Gouvernement a beau avoir annoncé en avril que les salaires du secteur seraient revalorisés, les collectivités ne peuvent pas suivre, puisque leurs ressources ont elles aussi été réduites. Nous vous donnons ici cet argent sur un plateau.

M. Hendrik Davi (EcoS). L’accueil de la petite enfance est très problématique. Dans le secteur privé lucratif en particulier, l’encadrement est tellement insuffisant que la sécurité des enfants n’est pas assurée – le scandale grossit. Par les amendements II‑AS21 et II‑AS26, nous proposons de créer 500 000 nouvelles places dans les crèches publiques en cinq ans.

M. le rapporteur. Ces amendements ne relèvent pas de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux. Je vous propose de les représenter mardi prochain lors de l’examen des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, dont Mme Le Nabour est la rapporteure pour avis.

Mme Christine Le Nabour (EPR). La difficulté d’accès à des modes de garde est certes un frein à l’accès à l’emploi, mais je vous confirme que ces amendements ont plutôt leur place dans la mission Solidarité, insertion et égalité des chances Je vous invite à lire la récente interview de Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance, dans laquelle elle évoque la compensation financière des communes – en particulier des plus petites – et le lancement d’un groupe de travail sur les modes de financement de l’accueil du jeune enfant. L’objectif est bien d’augmenter les places de garde et de mieux contrôler les conditions d’accueil.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AS22 de Mme Marie-Charlotte Garin

M. Hendrik Davi (EcoS). Il s’agit de consacrer des crédits à l’allongement de la durée du congé de parentalité.

M. le rapporteur. Ce sujet relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement II-AS11 de M. François Ruffin

M. Hendrik Davi (EcoS). Les associations jouent un rôle essentiel dans les territoires ; c’est une chance pour notre pays que d’avoir un tissu associatif aussi riche et vivant. Il est pourtant en difficulté, notamment parce que les bénévoles sont de plus en plus âgés. Nous proposons de créer 5 000 emplois d’utilité citoyenne en 2025, qui seraient mis à disposition des associations reconnues d’utilité publique.

M. le rapporteur. L’exposé sommaire de l’amendement dénonce une « casse » des contrats aidés, qui sont pourtant, je le rappelle, des contrats précaires. Je me félicite au contraire que nous en ayons réduit considérablement le nombre – on en comptait près d’un demi‑million en 2017.

Avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo (DR). Je ne nie pas que la suppression des contrats aidés ait été douloureuse pour les collectivités et les associations, qui ont dû remettre en question leurs habitudes de fonctionnement, ni que ces contrats aient permis à des jeunes de s’insérer. Toutefois, ils créaient une économie artificielle.

Cet amendement me pose un problème d’ordre philosophique. Le bénévolat, c’est‑à‑dire l’engagement gratuit, désintéressé, passionné de certains de nos concitoyens dans un projet collectif, doit être défendu, encouragé, récompensé, sous toutes ses formes. Mais ce n’est pas en lui substituant un système du tout-salariat que vous y parviendrez : ce serait au contraire un enterrement de première classe.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous ne proposons pas de remplacer tous les bénévoles par des salariés, mais simplement de financer 5 000 postes salariés. Cela permettrait de rémunérer les 5 à 10 % des effectifs – peut-être un peu plus dans les petites structures – qui permettent aux autres bénévoles de s’engager, ceux dont les fonctions s’apparentent à celles de salariés et méritent donc un salaire, ceux dont l’absence condamnerait l’association à disparaître. Je pense typiquement aux fonctions de secrétariat.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-AS113 de Mme Ségolène Amiot

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur pour avis, vous conviendrez du moins que cet amendement nous place au cœur de la question du travail – tant pis pour celle de l’emploi.

Nous proposons des crédits supplémentaires pour que l’inspection du travail lutte contre le travail illégal dans le secteur des plateformes numériques. Jusqu’à présent elle est assez peu intervenue dans ce secteur ubérisé, faute d’un droit adapté – techniquement, les travailleurs de ces plateformes avaient le statut d’indépendants, alors qu’ils subissaient un salariat déguisé à des fins de dumping social.

Depuis, l’Union européenne a permis que leur contrat de travail soit requalifié. Ils sont désormais présumés salariés, à charge pour les plateformes de prouver le contraire. Mais il nous manque encore les moyens pour veiller au respect du code du travail, alors que certains de ces salariés déguisés n’ont pas vu d’inspecteur du travail en dix ou quinze ans.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Le programme 155 prévoit déjà des crédits pour la rémunération des agents qui participent à la lutte contre le travail illégal, y compris dans le secteur des plateformes numériques. Il n’est donc pas nécessaire de créer un programme supplémentaire de 10 millions d’euros.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS31 de Mme Colette Capdevielle

Mme Sandrine Runel (SOC). Le meilleur pour la fin : nous proposons ici un dispositif innovant et peu coûteux ! Alors que chaque année, 30 000 entreprises ferment, nous proposons de créer un fonds, doté de 5 millions d’euros, pour faciliter le rachat ou la reprise d’une entreprise par les salariés qui le souhaitent.

M. le rapporteur. Mon avis est défavorable, car la loi favorise déjà la reprise des entreprises par les salariés. Une information préalable sur les modalités possibles de reprise est obligatoire. Si les fonds des salariés sont insuffisants, un mécanisme de rachat spécifique peut être instauré.

La création d’une garantie par l’État, outre qu’elle serait très coûteuse, ne serait pas la solution la plus efficace pour inciter à la reprise d’entreprises par leurs salariés. Quoi qu’il en soit, cette proposition devrait plutôt être défendue en commission des affaires économiques.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur pour avis, le programme 155 mentionne-t-il spécifiquement la lutte contre le travail illégal dans le secteur des plateformes numériques ? Si c’était le cas, cela me donnerait une raison de voter pour ce projet de budget !

Mme Sandrine Runel (SOC). Monsieur le rapporteur pour avis, deux régions dont l’exécutif doit vous être plus cher qu’à moi, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur, ont créé un fonds dédié à la création et à la reprise d’entreprises similaire à celui que nous proposons. Les autres régions devraient pouvoir en bénéficier !

M. le rapporteur. Vous auriez parlé de la Bretagne, mon avis aurait peut-être été différent !

Monsieur Clouet, je n’ai pas prétendu qu’il existait un programme spécifique de lutte contre le travail illégal dans le secteur des plateformes numériques. J’ai simplement indiqué que le programme 155 finance la rémunération des agents qui participent à la lutte contre le travail illégal, ce qui inclut par définition le travail illégal dans le secteur des plateformes numériques.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux modifiés.

Article 45 et état G : Liste des objectifs et des indicateurs de performance

Amendement II-AS121 de M. Gaëtan Dussausaye

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Les crédits du FNE-Formation, l’aide à la formation du Fonds national de l’emploi, sont passés de 7,2 millions d’euros en 2019 à 958 millions en 2021 et 2022. Ses missions se sont diversifiées : alors que les aides étaient destinées à l’origine aux entreprises en mutation économique, elles ont permis d’accompagner les salariés en activité partielle pendant la crise du covid et les transitions écologiques et numérique, et couvrent désormais l’employabilité des seniors.

La multiplication de ces missions interroge sur la bonne utilisation des fonds. Nous proposons donc d’ajouter un indicateur au sein du projet annuel de performances pour connaître le nombre de seniors ou retraités bénéficiant de cette aide.

M. le rapporteur. Il ne serait pas inintéressant de connaître le profit des bénéficiaires du FNE-Formation, mais la Dares a déjà pour rôle de l’étudier. En décembre 2023, elle a par exemple publié une étude sur l’articulation entre l’activité partielle et la formation par la FNE-Formation. Faisons-lui confiance, d’autant que la création d’un nouvel indicateur ne permettrait pas d’obtenir d’éléments qualitatifs.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Après l’article 64

Amendements II-AS80, II-AS82, II-AS83 et II-AS84 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement II-AS80 a pour objet la production d’un rapport sur l’opportunité de faire figurer parmi les risques professionnels mentionnés dans le code du travail ceux liés à un environnement physique agressif – avec la présence d’agents chimiques, de poussières ou de fumées – ou à l’exercice d’activités en milieu hyperbare ou sous des températures extrêmes. Ce dernier point est important, au vu du changement climatique.

Le rapport prévu à l’amendement II-AS82 permettrait de faire le point sur la démographie des médecins du travail. Celui prévu à l’amendement II-AS83 permettrait d’évaluer France compétences, même si la Cour des comptes s’est déjà penchée sur la question.

Quant à l’amendement II-AS84, il prévoit un rapport d’évaluation des dispositifs d’apprentissage, afin d’identifier le niveau de formation des jeunes qui en bénéficient. Je connais pour ma part de nombreux étudiants qui suivent des masters en apprentissage alors qu’ils devraient plutôt être formés en master à l’université avec des stages en entreprises.

M. le rapporteur. Avis défavorable sur les quatre amendements, car les rapports demandés feraient doublon. La Dares et l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles sont déjà compétents pour étudier les risques professionnels et formuler des recommandations.

Par ailleurs, la pénurie de médecins du travail a déjà été longuement évoquée. Des mesures ont été prises, au titre de la loi du 2 août 2021. Le Gouvernement étudie en outre les manières de simplifier la reconversion en médecine du travail.

Quant à France compétences, il produit déjà un bilan d’activité annuel, qui semble suffisant. Enfin, l’apprentissage fait l’objet d’évaluations très régulières par la Dares.

La commission rejette successivement les amendements.

 

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*     *


Annexe :
liste des personnes entendues par le rapporteur

(par ordre chronologique)

 

 

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) – M. Éric Chevée, vice-président, Mme Gwendoline Delamare Deboutteville, directrice des affaires sociales, Mme Karine Jan, responsable « Formation » de la CPME, et M. Adrien Dufour, responsable des affaires publiques

Table ronde :

– Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Olivier Guivarch, secrétaire national responsable de la politique de l’emploi, et Mme Patricia Ferrand, responsable du service « Emploi et sécurisation des parcours professionnels »

– Confédération générale du travail (CGT) – M. Denis Gravouil, secrétaire confédéral, et M. Jean-Philippe Revel, animateur du collectif professionnel « Missions Locales »

– Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC)  MM. Bertrand Mahé, délégué national en charge de l’emploi, et Johaquim Assedo, conseiller technique en charge de l’emploi

 Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) M. Frédéric Belouze, chef de file « Emploi  Chômage » et Mme Audrey Iacino, conseillère technique

Conseil d’orientation des politiques de la jeunesse (COJ)  M. Antoine Dulin, conseiller technique auprès du président et Mme Naouel Amar, adjointe au secrétaire général

Audition conjointe :

– Union nationale des Missions Locales (UNML)  M. Ahmed El Khadiri, délégué général, et M. Jean-Marc Delahaye, responsable des relations institutionnelles

– Mission locale de Brest – Mme Bernadette Abiven, présidente, et Mme Christelle Kerdraon, directrice

France travail  M. Thibaut Guilluy, directeur général, Mme Charlotte Bertin, conseillère et M. Eudes de Morel, chargé des relations institutionnelles

Mouvement des entreprises de France (MEDEF)  M. Philippe Hedde, membre du Conseil d’Administration de France Travail), Mme France Henry-Labordère, responsable du Pôle social du Medef, M. Pierre-Matthieu Jourdan, directeur des relations sociales et de la politique de l’emploi) et M. Adrien Chouguiat, directeur adjoint du Pôle affaires publiques)

Audition conjointe :

 Mme Florence Ihaddadene, maîtresse de conférences à l’université Picardie Jules Verne

 M. Michaël Segon, ingénieur d’études au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq)

Table ronde :

 Établissement pour l’insertion dans l’emploi (EPIDE)  M. François-Xavier Pourchet, directeur général adjoint

 Agence du Service civique  M. Gregory Cazalet, directeur général

 École de la deuxième chance (E2C) France  M. Cyrille Cohas-Bogey, directeur général, et M. Sébastien Kiss, secrétaire général

Audition conjointe :

 Fédération des entreprises d’insertion  M. Luc de Gardelle, président, et Mme Mathilde Ausort, responsable plaidoyer et communication

 Fédération des acteurs de la solidarité  M. Emmanuel Bougras, responsable du service stratégie analyse des politiques publiques, Mme Coline Derrey, chargée de mission Emploi – IAE, et Mme Margaux Schwindt, chargée de mission Jeune/Justice

 Union nationale des associations intermédiaires (UNAI) – MM. Christian de Brunier, président, et Christophe Cevasco, délégué national

Direction générale du Travail  Mme Nathalie Vaysse, cheffe de service, et M. David Saffroy, chef du bureau du pilotage budgétaire et du contrôle de gestion

UNEDIC  M. Jean-Eudes Tesson, président, Mme Patricia Ferrand, vice-présidente, M. Christophe Valentie, directeur général, et Mme Clémence Taillan, cheffe de cabinet

Association Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD)* –MM. Laurent Grandguillaume, président, et Sébastien Turcat, directeur général

 

Ministère du travail et de l’emploi  Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)  M. Fabrice Masi, délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle, Mme Cécile Charbaut, sous-directrice en charge des parcours d’accès à l’emploi et M. Maxime Ghizzi, chef de la mission financement et modernisation

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 


([1]) Dares, « Qui sont les bénéficiaires du contrat d’engagement jeune ? », Analyses n° 46, juillet 2024.

([2]) Créé par la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.

([3]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([4]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([5]) Voir développement en seconde partie.

([6]) Les entreprises de plus de 250 salariés doivent respecter l’une des deux conditions suivantes pour bénéficier de l’aide : atteindre au moins 5 % de contrats favorisant l’insertion professionnelle dans l’effectif salarié total annuel ou atteindre au moins 3 % d’alternants et avoir connu une progression de 10 % d’alternants au 31 décembre 2024, comparativement à l’effectif salarié annuel.

([7]) DARES Analyses, « Les emplois francs incitent-ils à embaucher des personnes résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ? », Analyses n° 52, septembre 2023.

([8]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([9]) Dans le cadre de la garantie jeunes, les jeunes considérés en situation de précarité sont ceux qui ne sont pas soutenus financièrement par leurs parents et dont les revenus appréciés sur les trois ou six mois précédant l’entrée dans le dispositif ne dépassent pas en moyenne le montant forfaitaire du revenu de solidarité active (RSA) pour une personne seule, déduction faite du forfait logement, soit 497,50 euros par mois au 1er janvier 2022.

([10]) Drees, Minima sociaux et prestations sociales, édition 2023, fiche « La Garantie jeunes ».

([11]) Le RSA jeune actif concerne un faible nombre de foyers bénéficiaires (580 en 2023). Le montant des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2025 à ce titre s’élève à 3,3 millions d’euros.

([12]) F. Vuillier-Devillers, « Après un pic dû à la crise sanitaire, la part des jeunes NEET repart à la baisse », Insee Focus n° 285, janvier 2023.

([13]) Étude de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep), « Les « NEET », des ressources et des conditions de vie hétérogènes », Analyses & synthèses n° 31, janvier 2020.

([14]) « L’emploi des jeunes continue d’augmenter fortement, le chômage recule de nouveau », Insee première, n° 1941, mars 2023.

([15]) Dares, « Qui sont les bénéficiaires du contrat d’engagement jeune ? », Analyses n° 46, juillet 2024.

([16]) D’après l’audition de Mme Florence Ihaddadene et M. Michaël Segon, coordonnateurs du projet de recherche portant sur les usages, les pratiques et les pratiques d’accompagnement autour du CEJ, financé par la Dares (ministère du travail).

([17]) D’après l’audition de la mission locale de Brest.

([18]) Dares, ibidem.

([19]) D’après les données communiquées par France Travail.

([20]) D’après les repères et références statistiques (RERS) publiés par le ministère de l’éducation nationale (édition 2023), deux entrants sur dix en première année de l’enseignement supérieur en 2021-2022 interrompent leurs études en France de manière provisoire ou définitive et 15 % se réorientent vers une autre filière.

([21]) La circulaire interministérielle du 22 avril 2022 relative à la mise en œuvre du contrat d’engagement jeune pour les jeunes en rupture identifie parmi les publics cibles : les jeunes sans domicile fixe ou ne disposant pas d’un logement stable les jeunes sans soutien familial, sortis de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et/ou anciennement suivi par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), les jeunes sortant de prison, les mineurs non accompagnés (MNA) ou bénéficiaires d’une protection internationale (BPI), les situations d’illettrisme, les jeunes rencontrant des problématiques d’addictions et de santé, etc.

([22]) Rapport intermédiaire de la recherche-action du CEJ-JR menée par la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), février 2024.

([23]) Article L. 5311-7 du code du travail.

([24]) Arrêté du 26 juin 2024 relatif aux modalités de publication de la liste mentionnée à l’article D. 5316-8 du code du travail ; arrêté du 4 juillet 2024 relatif aux organismes chargés du repérage et de l’accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l’emploi.

([25]) D’après le système d’information des missions locales (i-Milo).

([26]) Rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) n° 2022-071R, Évaluation d’étape de l’accompagnement des jeunes dans le cadre du contrat d’engagement jeunes, mars 2023.

([27]) La part des abandons constatés, tout opérateur confondu, s’élève à 5 % soit près de 27 000 jeunes bénéficiaires du CEJ au 8 novembre 2023.

([28]) Extrait de la circulaire relative à la mise en œuvre du CEJ.

([29]) D’après l’audition de Mme Florence Ihaddadene et M. Michaël Segon, coordonnateurs du projet de recherche portant sur les usages, les pratiques et les pratiques d’accompagnement autour du CEJ.

([30]) Rapport d’étape réalisé par la commission de l’insertion des jeunes du conseil d’orientation des politiques de la jeunesse (COJ), « Le contrat d’engagement jeune. Suivi et évaluation de sa mise en œuvre dans les territoires », adopté le 6 février 2024.

([31]) Ibid.

([32]) D’après les données du PAP.

([33]) D’après l’audition des représentants de l’Epide.

([34]) France Travail a renouvelé le 9 décembre 2022 son accord-cadre national avec l’Epide pour une durée de trois ans.

([35]) L’accompagnement dans le cadre du CEJ peut intégrer des solutions dites structurantes listées dans la circulaire du 21 février 2022 relative à la mise en œuvre du CEJ. Elles correspondent à des périodes d’accompagnement et d’activité intense (formation, Epide, E2C, service militaire, service civique, service national universel, etc.).

([36]) Igas-IGF, « Revue de dépenses : dispositifs de soutien à l’emploi et à l’accompagnement des demandeurs d’emploi », avril 2024.

([37]) En 2023, les missions locales ont accueilli 410 183 nouveaux jeunes (+ 5,9 % par rapport à 2022) dont 84,2 % de jeunes NEET, 17,8 % issus de QPV et 10,6 % issus de ZRR. Elles ont reçu 1 030 537 jeunes en entretien.

([38]) Voir les décrets n° 2016-1855 du 23 décembre 2016 et n° 2020-1783 du 30 décembre 2020.

([39]) Environ 30 000 personnes bénéficient du parrainage chaque année auprès de 400 structures dont une majorité de missions locales. Source : programme annuel de performances annexé au PLF 2025.

([40]) Au 1er juillet 2024, 32 000 jeunes ont bénéficié d’une action de mentorat auprès des 75 associations qui déploient le dispositif.

([41])  https://assnat.fr/qZDY8X

([42])  https://assnat.fr/s6thv5