N° 527
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 octobre 2024
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),
TOME I
ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION
PAR M. Laurent JACOBELLI
Député
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Voir le numéro : 324.
SOMMAIRE
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Pages
A. Les grands Équilibres du programme 169 : un budget stable
1. Évolution des crédits du programme 169
2. La nécessité d’une revalorisation du « point de PMI »
B. PMI, droits et soutiens aux invalides
1. Les droits liés aux pensions militaires d’invalidité
a. Les droits dérivés liés à l’invalidité
b. Le remboursement des réductions sur les transports
c. Le régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre
2. Pensions militaires d’invalidité et allocations rattachées
3. Subvention de l’Institution nationale des Invalides
C. Reconnaissance envers le monde combattant : solidaritÉ et allocation de reconNaissance
1. Action sociale et solidarité en faveur du monde combattant
2. L’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG)
3. L’allocation de reconnaissance du combattant – anciennement retraite du combattant
D. Les actions en faveur des harkis et des rapatriÉs
1. Les crédits inscrits en PLF 2025
2. Mise en œuvre de la loi du 23 février 2022
E. Les liens entre la jeunesse et les ArmÉes
1. La journée défense et citoyenneté
2. La poursuite du déploiement du service militaire volontaire sur le territoire national
1. La nécessité de promouvoir le « travail de mémoire »
b. Les actions pédagogiques du ministère des Armées
2. L’entretien et la valorisation des lieux de mémoire
G. L’effort fiscal et social de l’État en faveur du monde combattant
A. L’indemnisation des orphelins de la dÉportation et des victimes de spoliations
1. L’indemnisation des orphelins
2. L’indemnisation des victimes de spoliations
3. Bilan d’activité de la CIVS
b. Les biens culturels spoliés
B. L’indemnisation des victimes d’actes de barbarie
Seconde partie : LA REFONTE DE LA JOURNée défense et citoyenneté
2. De nombreuses évolutions successives donnant l’impression d’un sentiment d’inachevé
1. Une séquence consacrée aux enjeux de défense trop restreinte
2. Des résultats limités en termes de recrutement pour les armées
3. Un suivi lacunaire reposant entièrement sur le volontariat
b. La place renforcée des réservistes
c. Un besoin de financement important nécessaire à la réalisation du projet
2. La persistance de points d’attention qui doivent constituer autant d’axes d’efforts
a. Pour une JDC véritablement universelle
b. Pour un recensement pleinement utile aux armées
c. Des conditions sine qua non pour la réussite du projet
B. La clarification des possibilités d’engagement offertes aux jeunes s’impose
I. Auditions devant la commission
2. Audition d’associations d’anciens combattants
Annexe : Auditions et dÉplacement dU rapporteur pour avis
Alors que l’année 2024 a été rythmée par le cycle des commémorations des 80 ans de la Libération et des débarquements, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est plus que jamais nécessaire pour assurer la pérennité du travail de mémoire et la transmission entre les générations.
En 2025, le projet de budget de la mission s’élève à près de 1,9 milliard d’euros en crédits de paiement (CP), en légère diminution par rapport à la loi de finances pour 2024 (-1,11 %).
La relative stabilité du projet de budget ne doit pas masquer la baisse plus importante des actions budgétaires consacrées à la reconnaissance et la réparation en faveur du monde combattant. Ainsi, les crédits finançant les pensions militaires d’invalidité (PMI) connaissent une baisse de 4,09 % en CP (action 02-24), par rapport à la LFI 2024, de même que les montants alloués à l’allocation de reconnaissance du combattant à hauteur de -5,85 % (action 03-38). Si cette diminution constitue principalement le reflet de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires de la dette viagère – pensions militaires d’invalidité et allocations de reconnaissance du combattant – alors que l’immense majorité d’entre eux a combattu durant la Guerre d’Algérie il y a plus de soixante ans, elle résulte également de l’absence de revalorisation suffisante des dispositifs au regard de l’inflation.
Lors de ses auditions, votre rapporteur s’est vu saisir de plusieurs points de vigilance, qu’il développe dans son avis.
D’une part, la valeur du point PMI continue de présenter un retard conséquent par rapport à l’indice des prix à la consommation. Votre rapporteur appelle de ses vœux une revalorisation supplémentaire du point de PMI au 1er janvier 2025, du montant de l’inflation, soit 2,3 % sur un an en juillet 2024, selon les données de l’INSEE relatives à l’évolution de l’indice des prix à la consommation (IPC) ([1]). Les moindres dépenses résultant de la baisse tendancielle du nombre de bénéficiaires doivent ainsi être mises à profit en faveur du monde combattant.
D’autre part, le montant du droit à réparation pour les Harkis prévu dans le PLF 2025 à hauteur de 70,04 millions d’euros s’avère insuffisant pour faire face aux conséquences du jugement de la CEDH pour l’affaire Tamazount, tout en continuant l’examen des dossiers des autres demandeurs, décalant mécaniquement et de manière préjudiciable les délais de traitement des dossiers des Harkis et de leur famille jusqu’en 2028/2029. Ce défaut de prise en compte dans le projet de budget aura pour effet d’accroître la pression exercée sur les services l’ONaCVG, déjà très fortement mobilisés par l’instruction des nouveaux dossiers.
Votre rapporteur s’avère par ailleurs très préoccupé par le fait que les prévisions indicatives de crédits figurant dans le projet annuel de performance pour les exercices 2026 (-7,03 %) et 2027 (-10,48 %) se caractérisent par une trajectoire anticipée de baisse drastique du montant de la mission. Votre rapporteur s’opposera à ce que la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires de la mission s’accompagne systématiquement d’une simple réduction des crédits. Les moindres dépenses doivent au contraire permettre de financer de nouveaux droits ou d’amplifier les dispositifs existants.
Enfin l’un des points saillants de ce projet de budget concerne la refonte de la « journée défense et citoyenneté », qui se voit doter de 15 millions d’euros supplémentaires en 2025. Votre rapporteur a souhaité consacrer la partie thématique de son avis budgétaire à l’évaluation de ce projet et plus largement à la cohérence d’ensemble des dispositifs d’engagement dédiés à la jeunesse.
Le rapporteur pour avis avait demandé que les réponses à ses questionnaires budgétaires lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2024, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette date, 0 réponse sur 80 lui était parvenue du ministère des Armées (programme 169), soit un taux de 0 %.
PremiÈre partie :
les crÉdits de la mission « anciens combattants, mÉmoire et liens avec la nation » proposÉs pour 2025
Depuis 2022, la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation comprend deux programmes : le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation » et le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale ».
Évolution quinquennale des crÉdits de la mission
(en millions d’euros)
(hors contribution de l’État au CAS Pensions) |
LFI 2021 |
LFI 2022 |
LFI 2023 |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Plafond des CP |
2 089 |
2 085 |
1 931 |
1 927 |
1 905 |
Source : PAP 2025.
A. Les grands Équilibres du programme 169 : un budget stable
Le projet de budget du programme 169 s’élève à 1,82 milliard d’euros en crédits de paiement (CP), soit une diminution de 19 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, correspondant à une baisse de 1,02 %.
Il convient de noter que la maquette budgétaire a connu plusieurs évolutions significatives dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, au premier rang desquelles la scission en deux actions distinctes des crédits dévolus aux PMI, droits et soutiens aux invalides de ceux dévolus à l’allocation de reconnaissance du combattant, anciennement retraite du combattant, autrefois regroupés dans une action unique « Administration de la dette viagère ».
1. Évolution des crédits du programme 169
Évolution des crÉdits du programme 169 (hors Fdc et AdP)
Mission « Anciens combattants » |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
||||
AE |
CP |
AE |
CP |
|||
|
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|||||
Action 2 |
PMI, droits et soutiens aux invalides |
826 074 042 |
835 234 042 |
|
|
|
Sous‑action 21 |
Droits dérivés liés à l’invalidité |
38 761 732 |
38 761 732 |
40 300 000 |
40 300 000 |
|
Sous‑action 22 |
Rembt transport SNCF |
1 680 000 |
1 680 000 |
1 665 000 |
1 665 000 |
|
Sous‑action 23 |
Rembt prestations SÉCU |
80 849 642 |
80 849 642 |
80 799 643 |
80 799 643 |
|
Sous‑action 24 |
PMI et allocations rattachées |
690 347 441 |
690 347 441 |
662 080 762 |
662 080 762 |
|
Sous‑action 25 |
Institution nationale des invalides : subventions |
14 435 227 |
23 595 227 |
21 639 000 |
25 729 000 |
|
|
||||||
Action 3 |
Reconnaissance envers le monde combattant |
823 365 041 |
823 365 041 |
812 332 430 |
812 332 430 |
|
Sous‑action 31 |
Maj. Rentes mutualistes |
194 955 926 |
194 955 926 |
211 506 262 |
211 506 262 |
|
Sous‑action 32 |
Subventions associations |
360 000 |
360 000 |
360 000 |
360 000 |
|
Sous‑action 33 |
Indemnités, pécules et voyages |
50 000 |
50 000 |
50 000 |
50 000 |
|
Sous‑action 34 |
Action sociale ONAC |
29 000 000 |
29 000 000 |
29 000 000 |
29 000 000 |
|
Sous‑action 35 |
Subventions ONAC |
62 560 485 |
62 560 485 |
66 366 169 |
66 366 169 |
|
Sous-action 38 |
Allocation de reconnaissance du combattant |
536 438 630 |
536 438 630 |
505 049 999 |
505 049 999 |
|
|
||||||
Action 7 |
Actions en faveur des rapatriés |
112 202 301 |
112 202 301 |
123 532 530 |
123 532 530 |
|
|
||||||
Action 8 |
Liens armées-jeunesse |
26 085 874 |
26 085 874 |
41 046 893 |
41 046 893 |
|
|
||||||
Action 9 |
Politique de mémoire |
42 429 366 |
42 429 366 |
33 131 785 |
33 131 785 |
|
Sous-action 1 |
Mémoire et patrimoine mémoriel |
40 690 000 |
40 690 000 |
31 392 419 |
31 392 419 |
|
Sous-action 2 |
CNC-CL subventions |
1 739 366 |
1 739 366 |
1 739 366 |
1 739 366 |
|
Total P 169 |
1 830 156 624 |
1 839 316 624 |
1 816 528 043 |
1 820 618 043 |
Source : PAP 2025.
2. La nécessité d’une revalorisation du « point de PMI »
Alerté par les associations du monde combattant constituant le « G12 », votre rapporteur souhaite que le Gouvernement s’engage à préserver le pouvoir d’achat des anciens combattants au juste niveau et dans la durée. Ces derniers ont en effet témoigné de l’insuffisance de l’augmentation du point PMI face à l’inflation, dont le niveau actuel participe à une dégradation constante du niveau de vie des anciens combattants. En particulier, les invalides de guerre et leurs ayant-causes ainsi que les anciens combattants percevant une retraite modeste sont particulièrement préoccupés par cette évolution et subissent un accroissement des difficultés matérielles rencontrées. Des mesures exceptionnelles sont réclamées pour tenter de combler ce fossé qui s’accentue.
L’augmentation de la valeur du point de point de PMI constitue une revendication de longue date des associations d’anciens combattants. Le point de PMI a une incidence sur trois dispositifs majeurs de la condition militaire ou du monde combattant : les pensions militaires d’invalidité en elles-mêmes, l’allocation de reconnaissance (anciennement retraite du combattant) et la rente mutualiste du combattant (RMC).
Le rattrapage nécessaire est estimé à 16,25 % au 1er juillet 2024 par les associations, au regard de l’écart constaté entre l’évolution des prix à la consommation hors tabac depuis 2005 (+37,35 %) et l’évolution du point de PMI sur la même période (+21,10 %). À titre d’exemple, selon les informations fournies à votre rapporteur par l’UFAC, la pension du conjoint survivant (non imposable) d’un grand invalide de guerre au 1er janvier 2024 est de 903 euros mensuels. Sans le retard constaté le montant serait de 1 006 euros mensuel, soit un gain de pouvoir d’achat de 103 euros.
Par ailleurs, l’article D. 125-5 du code des pensions militaires d’invalidité, prévoit depuis 2022 que « Le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre et le ministre chargé du budget établissent, selon une périodicité bisannuelle, un rapport comparant l’évolution constatée de la valeur du point de pension et de celle de l’indice des prix à la consommation hors tabac. Ce rapport est communiqué au Parlement ». Votre rapporteur déplore qu’en dépit des prescriptions légales aucun rapport n’ait été transmis à date, alors que la clause de revoyure aurait dû être appliquée au premier trimestre 2024.
L’actuel ministre délégué, M. Jean-Louis Thiériot, n’a pas fait part devant la commission de la défense de sa volonté de prévoir une revalorisation du point de PMI au 1er janvier 2025 pour tenir compte des évolutions intervenues en 2024. Aussi, votre rapporteur déposera-t-il un amendement visant à revaloriser le point de PMI, qu’il estime être une mesure de justice envers le monde combattant. Il convient de ne pas oublier qu’avant de constituer un droit pour ses bénéficiaires, les prestations constitutives de la rente viagère expriment avant tout le devoir de reconnaissance de la Nation envers « ceux à qui nous devons tout ».
Pour mémoire, le 1er janvier 2023, le Gouvernement avait consenti à une revalorisation anticipée par décret du point d’indice de PMI à hauteur de 3,5 %, pour un coût total de 47,69 millions d’euros (28,4 millions d’euros pour les PMI et 19,5 millions d’euros pour les allocations de reconnaissance du combattant), afin de tenir compte de la hausse du point d'indice de la fonction publique intervenue en juillet 2022 dans un contexte de forte inflation. L’arrêté du 24 mars 2023 pris en application du décret n° 2022-1649 du 23 décembre 2022 modifiant les dispositions transitoires de fixation de la valeur du point PMI a porté le point PMI à 15,63 € au 1er janvier 2023, soit une hausse du point PMI de 58 centimes. Cette initiative avait été saluée par les associations d’anciens combattants, qui déploraient le décalage injustifié existant entre, d’une part, la hausse de l’inflation et la revalorisation du point d’indice de la fonction publique de 3,5 % intervenue le 1er juillet 2022 et, d’autre part, la revalorisation du point de PMI. Ce décalage d’un an résulte des nouvelles modalités d’indexation de la valeur du point de PMI, établies par le décret n° 2022-128 du 4 février 2022, modifiant les modalités de fixation de la valeur du point de pension militaire d'invalidité, conformément à ce que prévoyait l’article 42 de la loi de finances initiale pour 2022. Le décret indique, en effet, que « la valeur du point de pension au 1er janvier 2023 est fixée en fonction de l'évolution cumulée et constatée de l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l'État des deux premiers trimestres de l'année 2022 ». Compte tenu de ce nouveau mode de calcul, la prise en compte de la hausse de l’indice de la fonction publique, ne devait intervenir qu’au 1er janvier 2025. Au 1er juillet 2023, de nouvelles mesures indiciaires sont entrées en application. Le Gouvernement a souhaité de nouveau prendre en compte l’impact de ces mesures dès le 1er janvier 2024. La période de référence transitoire pour déterminer la valeur du point de PMI a donc été modifiée pour 2024 et 2025. Le coût estimé de cette augmentation est estimé en gestion 2024 à 12,18 millions d’euros.
Votre rapporteur considère ainsi que le mode de revalorisation actuel, qui n’a d’ailleurs jamais été appliqué, a démontré son inefficacité ces deux dernières années et devra être revu pour permettre une actualisation plus réactive du point de PMI. Comme les représentants des associations l’ont porté à la connaissance de votre rapporteur, le décalage entre l’évolution du salaire des fonctionnaires et l’évolution du point de PMI peut atteindre dix-huit mois en raison du mode de calcul actuel. En effet, le point d’indice des fonctionnaires évolue principalement au troisième trimestre tandis que le décret prévoit une prise en compte du 3e trimestre de l’année n au 1er janvier de l’année n+2, soit un décalage de 18 mois.
Focus : Revalorisation de la valeur du point de pension militaire d’invalidité (PMI)
Depuis 2005, la revalorisation de la valeur du point de pension militaire d’invalidité (PMI) est réalisée en fonction de l'indice de traitement brut – grille indiciaire de la fonction publique de l'État (ITB-GI), conformément à l’article L. 125-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). Ce dernier est défini par le ministre chargé de la fonction publique et publié chaque trimestre de l’année (vers les 15 janvier, mars, juin et septembre) par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).
La valeur du point de PMI a une incidence sur trois dispositifs majeurs de la condition militaire ou du monde combattant : les PMI, l’allocation de reconnaissance du combattant (anciennement « retraite du combattant ») et la rente mutualiste du combattant (RMC).
La dernière décennie ayant été marquée par une relative stabilité de la valeur de la grille indiciaire de la fonction publique (ITB-GI ([2])), les principales associations du monde combattant considèrent que ce dispositif n’a pas permis de maintenir le pouvoir d’achat des pensionnés au cours de cette période. À noter, néanmoins, que le point d’indice des fonctionnaires a fait l’objet d’une augmentation de 3,5 % au 1er juillet 2022 et de 1,5 % au 1er juillet 2023.
Aussi, un groupe de travail (GT) tripartite a été réuni à l’initiative de la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Ce GT présidé par un conseiller d’État et composé d’une parlementaire, des représentants des principales associations d’anciens combattants, de la direction du budget et du ministère des Armées, a examiné le dispositif des PMI ainsi que l’évolution du mécanisme d’indexation du point de PMI.
Le rapport de ce GT remis à la ministre en mars 2021 a fait le constat d’un décalage entre la valeur de l’indice du point de PMI et l’indice des prix à la consommation hors tabac depuis 2005, en défaveur des bénéficiaires d’une PMI. En conclusion de ces travaux, plusieurs propositions ont été formulées et validées par la ministre dont celle du GT de conserver la grille indiciaire de la fonction publique comme valeur de référence ainsi que celle des représentants des associations de l’accompagner d’une mesure correctrice applicable dès le 1er janvier 2022.
L’article 42 rattaché au projet de loi de finances pour 2022 a donc eu pour objet de porter la valeur du point de PMI à 15,05 €, valeur qui permet de couvrir l’écart cumulé entre l’indice de traitement brut de la grille indiciaire de la fonction publique (l’ITB-GI) et l’évolution des prix à la consommation (l’IPC-HT) sur la période 2018-2021. L’article prévoit également qu'un décret en Conseil d'État fixe les nouvelles modalités d’indexation de la valeur du point de pension sur l’évolution de l’ITB-GI.
Ce décret paru le 4 février 2022 définit le principe d’une date annuelle unique pour la prise d’effet de l’actualisation de la valeur du point et détermine les modalités de fixation de la valeur du point de pension militaire d'invalidité. La valeur du point est ainsi fixée annuellement, à compter du 1er janvier 2024, par arrêté interministériel. Elle est indexée sur l'évolution cumulée et constatée de l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l'État du troisième trimestre de la pénultième année au deuxième trimestre de l'année précédente inclus. Ce décret prévoit également les modalités de fixation de la valeur du point au 1er janvier 2023 et les modalités de suivi des effets du mécanisme d'indexation dans la durée. Le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre procède au suivi régulier des effets de l'application des modalités de revalorisation du point de pension, en engageant le cas échéant des consultations préalables. Avec le ministre chargé du budget, ils établissent tous les deux ans un rapport comparant l'évolution constatée de la valeur du point de pension et l'inflation, qui est adressé au Parlement. Cette clause de revoyure sera appliquée au 1er trimestre 2024.
L’arrêté du 24 mars 2023 (pris en application du décret n° 2022-1649 du 23 décembre 2022 modifiant les dispositions transitoires de fixation de la valeur du point PMI) a porté le point PMI à 15,63 € au 1er janvier 2023, afin de prendre en compte la hausse de la valeur du point d’indice de la fonction publique de 3,5 % intervenue au 1er juillet 2022. Le coût de cette hausse du point PMI de 58 centimes est estimé à 28,40 millions d’euros pour les PMI et 19,50 millions d’euros pour les allocations de reconnaissance du combattant.
Enfin, le PLF 2025 est construit avec une hypothèse d’une valeur du point de PMI de 16,05 € au 1er janvier 2025 : le passage de 15,90 € à 16,05 € prend en compte l’évolution intervenue au premier trimestre 2024 (+1 %). Le coût de cette augmentation est estimé à 6,50 millions d’euros.
Évolution des effectifs des pensionnés et de l’allocation de reconnaissance du combattant
|
PMI |
Allocation de reconnaissance du combattant |
2013 |
266 914 |
1 200 185 |
2014 |
254 668 |
1 159 167 |
2015 |
241 360 |
1 108 925 |
2016 |
230 285 |
1 058 921 |
2017 |
216 496 |
1 000 550 |
2018 |
206 676 |
940 071 |
2019 |
196 660 |
913 012 |
2020 |
186 288 |
857 205 |
2021 |
171 750 |
797 887 |
2022 |
162 263 |
730 403 |
2023 |
153 270 |
667 229 |
2024 |
144 981 |
613 769 |
2025 (prévisions) |
137 141 |
564 592 |
Source : PAP 2025
B. PMI, droits et soutiens aux invalides
Les crédits de l’action 2 proposés par le PLF 2025 s’élèvent à 806,5 millions d’euros en AE et 810,5 millions d’euros en CP, soit une baisse de 2,37 % en AE et 2,95 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, due à la diminution des effectifs bénéficiaires de pensions militaires d’invalidité et droits dérivés correspondants. Cette action, qui représente plus de 44 % des crédits du programme 169, recouvre les dépenses relatives au paiement des pensions militaires d’invalidité des victimes de guerre (PMIVG), les droits accessoires ouverts aux titulaires d’une pension militaire d’invalidité (PMI) et les subventions et dotations allouées à l’Institution nationale des invalides (INI).
1. Les droits liés aux pensions militaires d’invalidité
Les crédits de la sous-action 21, 22 et 23 financent les droits liés aux PMI, c’est-à-dire les soins médicaux gratuits et les appareillages, en application des dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, des réductions sur les transports, ainsi que le régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre, qui prend en charge les pensionnés invalides à 85 % et plus ne détenant pas déjà la qualité d’assuré social.
a. Les droits dérivés liés à l’invalidité
Les crédits de la sous-action 21 proposés par le PLF 2025 s’élèvent à 40,3 millions d’euros, soit une hausse de près de 1,5 million d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 (+3,97 %).
Concernant les crédits relatifs aux soins médicaux gratuits et l’appareillage des mutilés, conformément aux dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre :
– l’article L. 212-1 charge en effet l’État de la prise en charge, au profit des pensionnés de guerre, des « prestations médicales, paramédicales, chirurgicales et pharmaceutiques nécessitées par les infirmités qui donnent lieu à pension, en ce qui concerne exclusivement l’ensemble des séquelles résultant de la blessure ou de la maladie pensionnée » ;
– l’article L. 213-1 précise, quant à lui, que les invalides « ont droit aux appareils, produits et prestations nécessités par les infirmités qui ont motivé leur pension ». Ajoutant que « les appareils sont fournis, réparés et remplacés aux frais de l’État dans les conditions prévues par le présent code, tant que l’infirmité en cause nécessite l’appareillage ».
En outre, la sous-action finance également les frais de gestion de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) ainsi que, depuis dix ans, les expertises médicales prescrites aux demandeurs de PMI.
La sous-action se ventile de la manière suivante :
– 19,8 millions d’euros s’agissant des soins médicaux gratuits, en augmentation de près de 1,5 million d’euros par rapport à la LFI 2024 (+8,4 %) alors que le nombre de bénéficiaires continue de diminuer (- 4,3 % pour 2025).
– 4,3 millions d’euros s’agissant des frais d’appareillage des mutilés, en baisse de 1 million d’euros (-18,9 %) par rapport à la LFI 2024. Cette dotation permet de maintenir un niveau de financement de qualité dans un contexte d’amélioration des techniques. En ce sens, la sous-action prend en charge une enveloppe budgétaire allouée à la commission des secours et prestations complémentaires (CSPC) pour le financement de prothèses de nouvelle génération. La dotation 2025 est en augmentation (+ 310 000 €) pour la prise en charge de prothèses à but exclusivement sportif et autres équipements sportifs en faveur des titulaires de PMI, qui sera imputée sur l’enveloppe, provisionnelle, de crédits attribués à la CSPC. Elles bénéficieront aux militaires pensionnés, gravement atteints dans leur intégrité physique, et pour lesquels la pratique d’un sport constitue un outil important de leur réadaptation et de leur réhabilitation. Selon les informations fournies à votre rapporteur, dans un premier temps, ces dispositions s’appliqueront prioritairement aux militaires d’active ou en position de non-activité, et en fonction de la consommation du budget dédié, elles pourront être étendues aux militaires radiés des cadres ou rayés des contrôles.
– 1,2 million d’euros pour les frais d’expertise, en baisse de 0,2 million d’euros (-14 %) par rapport à 2024. Il s’agit des frais relatifs aux expertises médicales prescrites aux demandeurs dans le cadre de l’instruction des demandes de pensions militaires d’invalidité. Les dépenses comprennent, outre l’expertise médicale elle-même, les frais de déplacement ou de transport du demandeur pour se rendre à la consultation et les examens complémentaires prescrits lors de l’expertise.
– 4,7 millions d’euros de dotation pour les dépenses de gestion de la CNMSS, en hausse de 4,4 millions d’euros par rapport à la LFI 2024, correspondant au niveau de consommation réelle constaté en 2023. Pour mémoire, les charges de personnel ont représenté en gestion 2023 plus de 90 % des dépenses de gestion de la CNMSS pour l’exécution des missions déléguées, selon les données du PAP 2025.
– 8,3 millions d’euros au titre des affections présumées imputables au service (APIAS), en hausse de 1 million d’euros par rapport à 2024.
– 2 millions d’euros au titre du dispositif de réparation intégrale, prévu par la loi de programmation militaire 2024-2030 qui vise à consolider le dispositif de réparation complémentaire et à mettre en place une réparation intégrale pour les blessures intervenues dans le cadre de missions présentant un niveau de dangerosité particulier. Ce montant est stable par rapport à 2024.
Le dispositif de réparation intégrale
L’article 21 de la loi de programmation militaire 2024-2030 fait évoluer le cadre juridique de la réparation des préjudices subis par les blessés pour consolider le dispositif de réparation complémentaire et mettre en place une réparation intégrale pour les blessures intervenues dans le cadre de missions présentant un niveau de dangerosité particulier.
Ainsi, en sus de la pension et sans avoir à démontrer une faute de l’État, les militaires concernés auront droit au versement d’une indemnité pour compenser l’éventuelle insuffisance de la pension à couvrir les préjudices de perte de revenus et d’incidence professionnelle, de déficit fonctionnel et de frais d’assistance par une tierce personne. La mesure permet ainsi d’améliorer les garanties offertes aux militaires dans le cadre de leurs missions opérationnelles (en prévoyant, pour ces activités spécifiquement militaires, un régime en apparence plus favorable que celui applicable aux agents civils mais qui vient en réalité compenser les inconvénients que peut induire le calcul forfaitaire du déficit fonctionnel permanent et du recours à la tierce personne, propre aux militaires). Cette mesure a également pour effet de ne plus contraindre le militaire blessé à devoir rechercher une faute de sa hiérarchie dans la préparation ou le déroulement d’une opération de combat pour pouvoir espérer obtenir une réparation intégrale de ses préjudices subis.
Source : Avis budgétaire sur le PLF 2024
b. Le remboursement des réductions sur les transports
La sous-action 22 soutient la prise en charge par l’État des réductions de transport ferroviaire de 50 % à 75 % pour les pensionnés dont le taux d’invalidité est supérieur ou égal à 25 % et la gratuité pour l’accompagnateur des plus grands invalides.
La dotation inscrite en PLF 2025 est maintenue à 1,7 million d’euros, comme lors de l’exercice 2024. En effet, après une consommation en forte diminution en 2020 (crise sanitaire) et maintenue à un faible niveau en 2021, les factures pour les voyages effectués à compter de 2022 se sont avérées être en forte hausse. Cette augmentation est liée à une hausse tarifaire et une hausse du trafic.
c. Le régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre
La sous-action 23 retrace les financements du régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre, qui prend en charge les pensionnés invalides à 85 % et plus qui ne détiennent pas déjà la qualité d’assuré social.
Les crédits prévus pour 2025 s’élèvent à 80,8 millions d’euros, soit un montant stable par rapport à 2024. Dans un contexte de décroissance constante des effectifs (3 297 en 2024 et 2 748 en prévision pour 2025), le montant du remboursement à la CNAM des prestations versées aux ressortissants relevant du régime d’assurance maladie des grands invalides de guerre a connu des évolutions contrastées ces trois dernières années. La facture établie en 2023 au titre des dépenses du régime en 2022 a connu une hausse inattendue et a servi de base pour fixer le niveau de dotation.
Les crédits pour 2025 comprennent par ailleurs une provision pour les victimes d’acte de terrorisme d’un montant de 500 000 euros - conformément à la nouvelle disposition mise en place dans le projet de loi de finances pour 2023.
2. Pensions militaires d’invalidité et allocations rattachées
La sous-action 24 recouvre les dépenses relatives au paiement des pensions militaires d’invalidité des victimes de guerre (PMIVG). Elles sont intégralement reversées au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, dont le programme 743 assure le règlement via les centres régionaux des pensions et le centre de la trésorerie générale pour l’étranger.
Dans le PLF pour 2025, le budget proposé pour le versement des PMI s’établit à 662,08 millions d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 28,27 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2024 (- 4,1 %), moins que proportionnelle à la diminution des effectifs pensionnés (en diminution de -5,41 % par an en moyenne). Le projet de budget s’appuie sur l’hypothèse d’un point PMI à 16,05 € au 1er janvier 2025, contre 15,90 € au 1er janvier 2024, tenant compte de l’évolution de l’ITB-GI sur la période de référence. Le nombre estimé de pensionnés au 31 décembre 2024 s’élève à 144 981 pensionnés et la prévision s’élève à 137 141 pensionnés pour 2025. La tendance à la diminution des effectifs observée les années précédentes se poursuit. En effet, il apparaît que les entrées dans le dispositif des anciens combattants des opérations extérieures ne compensent pas les sorties résultant de la disparition progressive des générations du feu précédentes, notamment des anciens combattants de la guerre d’Algérie.
Enfin, dans le cadre du plan d’accompagnement des militaires blessés et de leur famille 2023-2027, des actions visant à alléger la charge administrative pesant sur le blessé sont entreprises, comme à travers l’instauration d’une demande unique PMI et d’indemnisation complémentaire dite Brugnot ([3]), ou encore l’engagement automatique de l’instruction du renouvellement des PMI temporaires.
Les pensions militaires d’invalidité (PMI)
Définies au titre II du livre Ier du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), les pensions militaires d’invalidité sont concédées aux ayants droit – à titre militaire ou de victime civile – pour indemniser la gêne fonctionnelle consécutive aux maladies ou aux blessures reconnues imputables au service ou à un fait de guerre. De manière plus précise, ouvrent droit à pension, au titre de l’article L. 121-1 du code :
– les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’événements de guerre ou d’accidents éprouvés par le fait ou à l’occasion du service ;
– les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l’occasion du service ;
– l’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités étrangères au service ;
– les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’accidents éprouvés entre le début et la fin d’une mission opérationnelle, y compris les opérations d’expertise ou d’essai, ou d’entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service.
Les pensions d’ayants cause sont concédées, sous certaines conditions, aux conjoints survivants, orphelins et ascendants d’un militaire décédé au combat ou d’un invalide pensionné. En outre, l’article 41 du projet de loi de finances 2023 ouvre droit à une pension militaire d’invalidité à l’ensemble des victimes d’actes de terrorisme, y compris de ceux perpétrés avant le 1er janvier 1982, corrigeant ainsi les limites du droit antérieur qui n’ouvrait ce droit qu’aux victimes des attentats commis après cette date.
3. Subvention de l’Institution nationale des Invalides
La sous-action 25 retrace les crédits de la subvention allouée à l’Institution nationale des Invalides (INI).
En 2025, la subvention pour charges de service public (SCSP) de l’Institution nationale des invalides est portée à 14,44 millions d’euros, soit un montant stable par rapport à 2024.
En parallèle, la subvention pour charges d’investissement (SCI) de l’établissement s’établit en 2025 à 7,2 millions d’euros en AE et 11,29 millions d’euros en CP, soit respectivement une augmentation de 7,2 millions d’euros en AE et de 2,13 millions d’euros en CP par rapport à 2024, au titre de la participation financière de l’État au programme de travaux d’infrastructure. La SCI 2025 en AE prend en compte les dépenses nouvelles au titre du schéma directeur d’infrastructure, notamment liées à des imprévus et au contexte inflationniste qui se traduit par des augmentations.
En effet, l’Institution nationale des invalides est engagée dans une opération de réhabilitation de son infrastructure hospitalière organisée en deux tranches, pour un montant total de 62,2 millions d’euros, dont 58,2 millions d’euros pour le projet de réhabilitation de l’activité hospitalière et 4 millions d’euros pour une opération de remplacement des menuiseries. Toutefois, selon les informations fournies à votre rapporteur, les opérations de curage des ailes Nord et Sud réalisées fin 2022 ont mis en exergue de nombreuses problématiques structurelles (affaissements de planchers, hétérogénéités au niveau des sols, instabilités au niveau des poutres, amiante et plomb découverts). En conséquence, le calendrier initial des travaux et de réception des bâtiments a été retardé. Ces différents aléas, couplés à la révision des prix due à l’inflation, il a été constaté un coût supplémentaire de 8,8 millions d’euros portant le coût réévalué de l’opération à 70,96 millions d’euros. À l’issue des travaux de la tranche ferme, débutés en novembre 2020, seront engagés, à la mi-2025, contre fin 2024, les travaux de la tranche optionnelle, qui engageront la réhabilitation du bâtiment central qui abrite les pensionnaires et les lits d’hospitalisation du centre de réhabilitation post-traumatique. La poursuite des soins des pensionnaires, comme des patients hospitalisés, devra faire l’objet d’une attention toute particulière.
● Par ailleurs, il ressort des auditions de votre rapporteur que l’Institution connaît une période de tensions caractérisée par un alourdissement de ses charges, qui conduit votre rapporteur à émettre un point de vigilance sur la fin de gestion 2024. Ainsi, à l’automne 2024, l’exécution du budget de fonctionnement suivait une prévision de consommation proche de 100 % des crédits ouverts, pâtissant du contexte inflationniste (surcoûts constatés en matière de dépenses énergétiques et prestations informatiques). En dépenses de personnel, la sous réalisation ETPT 2023 est en corrélation directe avec les difficultés de recrutement des personnels soignants et le niveau de l’activité hospitalière qui n’a pas retrouvé son étiage précédent la COVID. Il est à noter que les mesures nouvelles, principalement d’ordre salarial (Ségur, revalorisation du point d’indice, etc.), d’un montant total de 640 000 euros n’ont pas fait l’objet de subvention supplémentaire et par conséquent elles ont été en totalité supportées sur les fonds propres de l’Institution.
Ces coûts supplémentaires contraignent l’INI à geler ses crédits d’investissement courant, financé directement sur ses fonds propres – à distinguer des crédits d’investissement essentiellement fléchés vers les opérations de réhabilitation de l’INI. Une partie du financement des investissements courants sur fonds propres est organisée via des conventions de soutien avec des mécènes et des soutiens ponctuels que l’INI s’efforce de rechercher au cours de la gestion. Toutefois, votre rapporteur a été alerté sur le fait que ces dispositions vertueuses d’achat et de financement ont leurs limites, surtout à l’aune du constat d’un fonds de roulement asséché par la crise COVID et de la contribution sur fonds propres que l’INI a assuré pour compléter les subventions du chantier de réhabilitation. Aussi, à titre de mesure conservatoire, les investissements inscrits au plan d’investissement hors travaux de réhabilitation ont-ils été gelés, avec un dégel au cas par cas, suivant les caractères d’urgence et de nécessité avérés en amont des validations de commandes.
● En termes de recettes, les trois centres sont confrontés à des défis spécifiques conduisant à une évolution défavorable du solde budgétaire de fin 2023 et sa poursuite en 2024.
– Il a été porté à la connaissance de votre rapporteur le fait que le centre d’études et de recherche sur l’appareillage des handicapés (CERAH) rencontre des difficultés d’ordres matériel et réglementaire. Selon l’INI, le déménagement à Créteil en 2023 a entraîné un manque à gagner immédiat puis une baisse de fréquentation liée à un accès plus difficile pour une partie des patients conduisant à une baisse nette des recettes en 2024. Par ailleurs, l’évolution mise en attente de la réglementation sur les fauteuils roulants conduit à l’attentisme une part croissante des industriels en matière de demande d’homologation de matériels et de formations spécialisées, cœur de métier de ce centre.
– De plus, le centre des pensionnaires de l’INI est confronté à une démographie défavorable, marquée notamment par la réduction du nombre de titulaires d’une pension d’invalidité remplissant l’ensemble des critères leur donnant accès au statut de pensionnaire. Une réflexion plus large sur la population concernée est en cours au niveau de la tutelle de l’Institution, notamment s’agissant des grands serviteurs de la Nation ou encore l’ouverture à d’autres ministères comme le ministère de l’Intérieur (anciens policiers). Votre rapporteur est favorable à cette évolution qui pourrait conduire à une amélioration des recettes. Dans l’attente, l’ouverture aux hébergés, ne remplissant pas toutes les conditions de prise en charges au titre du code des pensions et assumant une part plus grande du financement de leur séjour, limite l’effet pernicieux de la démographie sur les recettes du centre des pensionnaires.
– Enfin, le centre de réhabilitation post-traumatique (CRPT) est confronté aux effets délétères de la démographie soignante mais surtout médicale. Ainsi, le départ au début de l’été du spécialiste de médecine physique et réadaptation (MPR) qui le dirigeait n’a pas fait l’objet de remplacement, le service de santé des armées ne pouvant assumer son remplacement même numériquement par un praticien militaire moins qualifié. Ainsi, l’Institution, n’est pas encore parvenue, en six mois de recherche, à recruter un autre praticien MPR, faute notamment d’attractivité des conditions de rémunération vis-à-vis du secteur privé. Ce sous-effectif contraint le CRPT à des fermetures de lits et par conséquent à une sous-activité particulièrement pernicieuse pour son équilibre financier.
Plus généralement, l’INI continue de rencontrer des difficultés préoccupantes liées au recrutement et à la fidélisation des personnels civils, en partie en raison du manque d’attractivité. La fermeture des lits au sein du centre de réhabilitation post-traumatique constitue la seule « variable d’ajustement » possible car les pensionnés sont, quant à eux, hébergés en permanence dans l’institution. Cette situation, particulièrement préoccupante, partagée avec le secteur médical civil, doit conduire à intensifier les mesures visant à renforcer l’attractivité de ces professions essentielles.
Votre rapporteur réitère néanmoins l’importance du développement de la nouvelle offre de soin créée à l’INI par l’ouverture d’une unité de réhabilitation pour les militaires atteints de syndromes de stress post-traumatiques. La prise en charge des patients par ce centre, de nature médico-sociale, professionnalisée, a vocation à s’insérer entre la prise en charge des cas aigus par les hôpitaux d’instruction des armées et celle non médicalisée du dispositif ATHOS, tournée vers la réhabilitation psychosociale. L’INI agit ainsi de manière complémentaire avec le dispositif des maisons ATHOS en proposant une offre de soin sur le long terme, adaptée à cette étape de réhabilitation.
C. Reconnaissance envers le monde combattant : solidaritÉ et allocation de reconNaissance
Les crédits de l’action 3 proposés pour l’année 2025 s’élèvent à 812,3 millions d’euros en AE et en CP soit une baisse de 11 millions d’euros par rapport à la LFI 2024 (-1,34 %). Il est à noter qu’un changement de périmètre important est intervenu en 2024. L’action 3 était auparavant intitulée « Solidarité » et ne comprenait pas les crédits dédiés à l’allocation de reconnaissance, anciennement retraite du combattant.
Les crédits de l’actuelle action 3 ont vocation à financer une série de mesures en faveur du monde combattant, y compris l’action sociale en faveur du monde combattant et le montant des subventions pour charge de service public versées à l’Office national des combattants et des victimes de guerre. Cette action représente 44,7 % des ressources du programme 169 pour 2025.
1. Action sociale et solidarité en faveur du monde combattant
La mise en œuvre de la politique de solidarité revêt plusieurs modalités.
● Premièrement, il s’agit du financement des majorations légales et spécifiques des rentes mutualistes auxquelles les titulaires de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation peuvent souscrire et dont le financement est assuré par la sous-action 31.
La retraite mutualiste du combattant a été créée par la loi du 4 août 1923, qui a posé pour la première fois le principe du versement d’une majoration financée par l’État en plus de la rente normalement constituée par les anciens combattants et leurs ayants cause du conflit 1914-1918. En pratique, les contribuables anciens combattants peuvent, chaque année, déduire de leur revenu imposable, dans la limite d’un plafond, les versements effectués en vue de la constitution d’une rente donnant lieu à majoration de l’État. Cette rente bénéficie, en plus de la majoration légale attachée à toute rente viagère, d’une majoration spécifique de l’État selon l’âge et le délai de souscription. Le total formé par la rente et la majoration spéciale de l’État est limité à un plafond, dit « plafond majorable ». Le plafond donnant lieu à majoration de la retraite mutualiste du combattant est fixé à 125 points d’indice des pensions militaires d’invalidité, soit 1 987,50 euros à compter du 1er janvier 2024. En 2025, la dotation est fixée à 211,5 millions d’euros, en hausse de 16,55 millions d’euros par rapport à la LFI 2024 (+8,5 %). Selon le PAP, la hausse du taux de revalorisation des majorations légales s’est fortement accélérée avec une augmentation de 5,4 % pour les rentes servies en 2023 (+1,4 % pour les rentes servies en 2022). Ainsi, la diminution des effectifs ne permet plus d’atténuer l’effet amplificateur de la revalorisation des taux de majoration légale. Toujours selon les données du PAP, cette situation devrait se poursuivre en 2025.
● Deuxièmement, la sous-action 32 retrace le financement des subventions versées en soutien du fonctionnement des associations du monde combattant et victimes de guerre, ainsi qu’à des associations de victimes d’actes de terrorisme. Ce soutien est apporté de manière ponctuelle et non reconductible et retrace également les financements apportés au musée mémorial du terrorisme et à la fondation pour la mémoire de l’esclavage. Le montant de cette subvention, à hauteur de 360 000 euros, est maintenu par rapport à 2024.
● Troisièmement, la sous-action 33 retrace la prise en charge des frais de pèlerinage des familles sur les tombes des « Morts pour la France ». Ces prestations sont financées par l’ONaCVG qui reçoit à cet effet une subvention du ministère des Armées. La dotation a été réduite à 50 000 euros en 2018, contre 110 000 euros en 2017 en raison du niveau de dépense effectivement réalisé par l’ONaCVG à ce titre en 2016. Depuis lors, elle est maintenue à ce niveau.
● Quatrièmement, la sous-action 34 supporte la subvention d’action sociale versée par le ministère des Armées à l’ONaCVG pour remplir sa mission de solidarité envers les anciens combattants et victimes de guerre. Pour mémoire, la subvention d’action sociale de l’ONaCVG avait été abondée à hauteur de 4 millions d’euros supplémentaires en 2024 à l’issue de l’examen parlementaire du projet de loi de finances ([4]), la portant ainsi à 29 millions d’euros au profit des pupilles de la Nation et orphelins de guerre majeurs, contre 25 millions d’euros prévus initialement par le Gouvernement dans le PLF 2024. La stabilisation de cette dotation à 29 millions d’euros en 2025, permettra de poursuivre la mise en œuvre de la mission de solidarité de l’Office auprès de ses ressortissants selon les modalités suivantes :
– D’accorder une attention particulière aux ressortissants les plus isolés et les plus démunis, plus de 36 % des crédits étaient consacrés en 2023 aux aides financières allouées aux conjoints survivants des anciens combattants, essentiellement des veuves, dont les ressources sont souvent limitées à l’allocation de solidarité pour les personnes âgées (minimum vieillesse) et 28 % des crédits sont consacrés aux anciens combattants les plus démunis, dont près de 7 % aux ressortissants des OPEX ;
– De renforcer la prise en charge des victimes du terrorisme et, en particulier, des nouveaux pupilles de la Nation, dont le nombre est en augmentation sensible depuis 2015 - près de 25 % des crédits étaient consacrés aux pupilles majeures et mineures en 2023.
L’action de l’ONaCVG en faveur des pupilles de la Nation
Concernant le nombre des pupilles de la Nation, après plusieurs années de forte croissance, notamment en raison des adoptions des enfants liées aux actes de terrorisme de 2015 et 2016, le rythme des jugements d’adoptions par la Nation décroît depuis 4 ans.
En matière d'entretien et d'éducation, l'ONaCVG accorde, en complément des aides du droit commun (allocations familiales, bourses d'études) et chaque fois que la situation le requiert, des aides financières aux pupilles de la Nation, en donnant la priorité à leurs études supérieures et à la réalisation de projets personnels dans ce domaine (séjours à l’étranger, options particulières…). L’ONaCVG intervient également dans le domaine de l’emploi (aides à la reconversion, inscription aux emplois réservés, aides au premier emploi). Le suivi des pupilles de la Nation s’effectue jusqu’à leurs 21 ans et au-delà lorsque ceux-ci poursuivent leurs études. En 2022, le nombre des aides financières accordées était de 7 790 pour un montant de plus de 4,80 millions d’euros, soit une augmentation de 21 % par rapport à 2021. Pour mémoire, en 2021, le nombre de ces interventions était de 6 057, pour un montant de 4 millions d’euros. En parallèle, l’ONaCVG accompagne dans la durée les pupilles majeurs. Au 1er juillet 2024, 1 272 pupilles de moins de 21 étaient accompagnés par l’Office.
La LPM 2024-2030 permet désormais que soient adoptés en qualité de pupille de la Nation les enfants d’un parent blessé nés au plus tard dans les 300 jours suivant le constat de l’incapacité dans laquelle se trouve le parent du fait de la blessure psychique imputable au service (et non plus dans les 300 jours suivant la cessation d’activité). Par ailleurs, la LPM prévoit la levée de la forclusion qui frappait les demandes de pensions de victimes civiles de guerre du fait de dommages physiques causés par attentat ou tout autre acte de violence en relation avec la guerre d’Algérie, sur le sol algérien entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962, pour une durée de six mois à compter de sa promulgation, intervenue le 1er août 2023, pour les seules personnes ayant le statut de pupille de la Nation ([5]).
Si l’ONaCVG consacrait jusqu’à présent un million d’euros à l’aide sociale en faveur des pupilles majeures, la pérennisation de la subvention complémentaire de 4 millions d’euros est bienvenue. Selon les informations fournies à votre rapporteur, dans ce cadre, au 1er octobre 2024, environ 120 000 pupilles majeurs pouvaient prétendre à cette aide, ce qui représente à ce jour, un montant global de 2,47 millions d’euros.
En complément des aides financières, la mission de solidarité de l’Office permet également d’apporter à ses ressortissants le soutien moral et l’accompagnement social et administratif qui leur sont dus.
Enfin, votre rapporteur appelle de ses vœux la réalisation d’un geste mémoriel en direction des « Malgré-nous » et de leurs descendants, comme s’y était montrée favorable l’ancienne secrétaire d’État, Mme Patricia Mirallès. En effet, près de 100 000 Alsaciens et 30 000 Mosellans incorporés de force ont été enrôlés contre leur volonté dans la Wehrmacht, l’armée régulière allemande et d’autres organisations paramilitaires et attendent encore aujourd’hui la reconnaissance de l’État face à leur situation particulière.
2. L’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG)
Depuis le 1er janvier 2023, l’établissement est devenu l’Office national des combattants et des victimes de guerre. Au-delà du symbole, selon l’ancienne directrice générale de l’Office, Mme Peaucelle-Delelis, « il s’agit bien de démontrer à la nouvelle génération de combattants des Opex, qu’elle a toute sa place au sein de cette Institution créée à l’issue de la Première Guerre mondiale, et qui a démontré sa faculté à s’adapter et se renouveler après la Seconde Guerre mondiale puis les conflits de la décolonisation. »
La sous-action 35 retrace d’une part les crédits de la subvention pour charges de service public (SCSP), qui finance les charges de rémunération et de fonctionnement courant et, d’autre part, la subvention pour charges d’investissement (SCI) exceptionnelle allouées à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG).
– Le montant de la SCSP s’élève à 66,36 millions d’euros en 2025. La subvention pour charges de service public fait l’objet d’une mesure exceptionnelle au titre de l’exercice 2025 à travers une augmentation à hauteur de 3,2 millions d’euros, par rapport à la LFI 2024, notamment destinée à couvrir le soutien de la commission d’indemnisation des harkis, la stabilisation du dispositif de réhabilitation militaro-sociale ATHOS (1,12 million d’euros), les travaux dans les hauts lieux de la mémoire nationale (1 million d’euros), l’acquisition de nouveaux services informatiques (0,24 million d’euros) et de maintenir les effectifs afin de répondre aux nouvelles missions.
– Une subvention pour charges d’investissement est prévue de manière exceptionnelle en 2025 pour un montant de 650 000 euros. Ce montant est destiné au financement d’investissements dans le domaine de la sécurité informatique et à la mise aux normes de locaux des services départementaux.
● Si cette hausse est bienvenue, elle apparaît peu élevée au regard de l’extension continue des missions de l’ONaCVG intervenue ces dernières années, au premier rang desquelles la mise en œuvre de la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les Harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie, mais également le pilotage du dispositif ATHOS depuis le 1er juillet 2023, ou encore l’examen des mentions « Mort pour le service de la Nation » et « Mort pour le service de la République. »
En particulier, votre rapporteur a, là encore, été alerté sur les enjeux relatifs à la fin de gestion 2024. Pour l’ONaCVG, 29,20 millions d’euros ont été annulés, dont 18 millions d’euros portant sur le dispositif du droit à réparation des harkis, 3,20 millions d’euros sur les crédits de solidarité envers les ressortissants et 8 millions d’euros sur les crédits soutenant les travaux de rénovation des lieux de mémoire. L’annulation de 18 millions d’euros de crédits sur le dispositif du DAR entraîne une limitation du nombre de dossiers qui seront indemnisés en 2024.
● Alors qu’il a été porté à la connaissance de votre rapporteur que l’Office fait actuellement l’objet d’un contrôle de la Cour des comptes et tandis qu’un nouveau COP devrait être établi prochainement, votre rapporteur souhaite insister sur la nécessité de préserver le maillage territorial de l’Office, considérant qu’il est important de maintenir un maillage départemental au plus près des ressortissants, en particulier les conjoints d’anciens combattants, encore nombreux, afin de continuer à les accompagner et à les aider.
● La subvention pour charges de service public de l’ONaCVG doit permettre d’améliorer la qualité des services rendus, notamment avec l’achèvement de la dématérialisation de l’ensemble des démarches spécifiques au monde combattant.
En particulier, il convient de poursuivre l’accélération du traitement des dossiers de demande de droit à réparation en faveur des anciens supplétifs et de leur famille, réalisé notamment par le département reconnaissance et réparation de Caen, très fortement mobilisé. L’ONaCVG emploie actuellement dix ETP affectés spécifiquement à l’instruction des dossiers. Depuis la mise en œuvre de la loi de 2022, 25,4 % des dossiers traités concernent des demandeurs de la première génération. Ainsi, au cours des deux dernières commissions, 68,5 % des demandes présentées concernaient la première génération, avec une instruction étendue à l’ensemble de la famille afin d’éviter le dédoublement des délais. Au 31 juillet 2024, 35 791 demandes dans le cadre du droit à réparation avaient été réceptionnées, parmi lesquelles 5 294 concernaient la première génération. Par ailleurs, 922 demandes de la première génération, reçues en 2023 et 2024, restent encore à instruire.
● Malgré les efforts entrepris, votre rapporteur a été alerté sur le risque d’un décalage important dans le traitement des dossiers, qui pénaliserait au premier chef les demandeurs de la première génération, du fait du manque de moyens affiché par le PLF 2025 pour faire face aux conséquences de l’arrêt Tamazount, dont les modalités de financement sont évoquées ci-après, dans la section dédiée aux rapatriés. En effet, il ressort des auditions de votre rapporteur, qu’il a été demandé à l’ONACVG de prioriser les dossiers dits « Tamazount » à compter de début 2025, or au regard des moyens humains et financiers à sa disposition l’Office n’est matériellement pas en capacité de poursuivre les deux priorisations de front. Cela nécessite un retraitement important des dossiers déjà indemnisés afin de recalculer sur de nouvelles bases forfaitaires les droits des personnes passées par les camps de Bias et de Saint-Maurice l’Ardoise. Il ressort des auditions de votre rapporteur que l’ONaCVG anticipe ainsi un décalage du processus d’indemnisation des Harkis jusqu’en 2028, voire en 2029, soit trois ans après la date initialement envisagée. Alors que les populations concernées sont parfois très âgées, votre rapporteur s’élève contre cette injustice qui conduit à opposer plusieurs catégories de Harkis.
● Votre rapporteur déplore également qu’au PLF 2025, aucun emploi supplémentaire ne soit prévu au profit de l’ONaCVG. Dans le cadre du PLF pour 2024, l’ONaCVG avait fait la demande de 10 ETP supplémentaires, or cette demande n’a été couverte qu’à hauteur de 4 ETP. Malgré le schéma d’emploi nul, il est prévu une augmentation de la masse salariale en 2025 de 1,14 million d’euros principalement du fait de l’impact des mesures salariales gouvernementales ou ministérielles, ce qui pourrait conduire à accentuer les difficultés de trésorerie actuellement rencontrées par l’Office.
Point d’étape : Dispositif Maisons ATHOS – une stabilisation en 2025
Initié en février 2019 par l’armée de Terre, le projet ATHOS avait pour objectif de mettre en place des structures dédiées à l’accompagnement psychosocial des militaires blessés psychiques, en réponse à l’augmentation subite du nombre de ces blessés résultant du durcissement des combats sur les théâtres OPEX notamment d’Afghanistan, de République centrafricaine et du Mali.
Le bilan de la phase projet, conduite par l’armée de Terre en partenariat avec l’Igesa, a été indéniablement positif. En seulement deux années et demi d’activité des maisons ATHOS, cette expérimentation a pleinement atteint ses objectifs de montée en puissance et de définition doctrinale initiale.
C’est sur ce constat global que le programme ATHOS a été pérennisé, sa gouvernance élevée au niveau ministériel et son financement intégré au P169 (SCSP de l’ONaCVG). La soutenabilité budgétaire est évidemment un important point de vigilance. ATHOS est ainsi intégré à la programmation budgétaire du Plan Blessés 2023-2027 ainsi qu’aux travaux de la LPM.
Pour la période 2025-2030, une programmation a effectivement été réalisée dans le cadre des besoins de financement du Plan Blessés qui prévoit un total de 10 maisons ATHOS à l’horizon 2030, dont une à deux outre-mer.
Le développement ainsi prévu du dispositif ATHOS et l’augmentation importante du nombre de blessés psychiques devenant membres de ces maisons au fur et à mesure de leur montée en puissance, généreront mécaniquement des coûts également en augmentation. La mise en place d’un dispositif outre-mer à l’horizon 2027 viendra progressivement ajouter des coûts spécifiques encore difficiles à anticiper avec précision. La principale préoccupation porte sur les ressources humaines (recrutement, formation et fidélisation des équipes d’encadrement). Les préparatifs du premier déploiement d’un espace ATHOS outre-mer (La Réunion) imposent également de ralentir le rythme d’ouverture de nouvelles maisons, sachant que celles de Cœur de Savoie (73) et d’Auray (56) enregistrent des taux de croissance moindres que les précédentes.
Au 1er septembre 2024, le dispositif accueillait 442 membres. Une cinquième maison Lauragais Occitanie a été ouverte à cette date et va progressivement monter en puissance en déchargeant notamment la maison de Bordeaux, qui arrive en limite de capacité. Sur ces 442 membres, environ 200 parviennent en phase 3 du parcours d’accompagnement, c’est-à-dire sont en cours de réinsertion ou réinsérés. Une sixième maison devrait ouvrir ses portes dans le Grand Est fin 2024.
Le budget 2025 à travers la dotation complémentaire de 1,12 million d’euros portera à 6,08 millions d’euros le budget total du dispositif ATHOS, ce qui devrait permettre la consolidation du dispositif à six maisons et sa nécessaire stabilisation, tout en intégrant les missions exploratoires outre-mer.
Votre rapporteur sera néanmoins vigilant à ce que cette stabilisation du dispositif en 2025, ne constitue pas un préalable à une quelconque baisse d’ambition du dispositif, dont l’extension demeure indispensable pour faire face aux besoins des blessés psychiques.
● L’ONaCVG peut s’appuyer sur le fonds de dotation du bleuet de France qui a connu une transformation au 1er janvier 2023 afin de répondre à un impératif de transparence accrue envers les donateurs et afin de permettre une meilleure valorisation du dispositif et une meilleure visibilité dans l’espace public. Le transfert de la gestion du Bleuet de France à un fonds de dotation permet l’accroissement des ressources et de la notoriété de l’œuvre, attirant les grandes entreprises et les grands mécènes, tout en agissant comme structure redistributrice au profit de l’ONaCVG dans le but de poursuivre ses missions de solidarité et de transmission mémorielle. Pour autant, l’Office restant propriétaire de la marque, il poursuit la promotion du Bleuet de France en tant que symbole de la solidarité de la Nation envers les publics qu’elle lui a confiés (combattants, veuves, pupilles, victimes de guerre et d’acte de terrorisme, etc.). Chaque année, plusieurs centaines de milliers d’euros sont consacrées aux aides accordées aux pupilles de la Nation, à la solidarité avec les soldats blessés en OPEX, au maintien à domicile des ressortissants les plus âgés en situation de dépendance et à l’amélioration des conditions de séjour des anciens combattants dans les EHPAD labellisés.
Le Bleuet de France soutient aussi des projets valorisant l’histoire et la mémoire des conflits contemporains afin de promouvoir les valeurs citoyennes françaises.
Il est à noter que 1, 141 millions d’euros ont été reversés en 2024 à l’ONaCVG pour le financement de projets. Une commission spéciale a été créée au sein du conseil d’administration du fonds pour étudier les demandes de financement des projets de solidarité et de mémoire. Après présentation de ses projets, l’ONaCVG a bénéficié de :
– 430 000 € pour la solidarité (étrennes des pupilles, subventions aux EPHAD, etc.) ;
– 370 000 € pour l’accompagnement des blessés (notamment reconstruction par le sport) ;
– 272 000 € pour la mémoire et la citoyenneté (subventions aux associations, concours scolaires, etc.) ;
– 69 000 € pour les écoles de jeunes porte-drapeaux et la rénovation et la confection de drapeaux associatifs.
3. L’allocation de reconnaissance du combattant – anciennement retraite du combattant
La sous-action 38 recouvre les dépenses relatives au paiement de l’allocation de reconnaissance du combattant, nouvelle dénomination de la retraite du combattant en application du décret n° 2023-534 du 29 juin 2023. En effet, le terme de « reconnaissance » apparaîtrait plus approprié, reflétant la véritable raison d’être de ce dispositif, qui ne doit en aucun cas être perçu comme une « deuxième retraite », tant son montant demeure en réalité symbolique.
● La dotation inscrite au projet de budget pour 2025 s’élève à 505,05 millions d’euros en CP contre 536,4 millions d’euros en LFI 2024 (soit une baisse de 5,9 %), mais une évolution moins que proportionnelle à la baisse du nombre de bénéficiaires (-8 %). Ces crédits sont reversés au CAS « Pensions » relevant du programme 743 qui assure le règlement des pensions par l’intermédiaire des centres régionaux des pensions et de la trésorerie générale pour l’étranger.
Cette baisse par rapport à la LFI 2024 s’explique par la diminution ponctuelle du besoin de paiement (-36,40 millions d’euros), conséquence de la mise en conformité du processus de paiement du service de retraite de l’État avec l’article D. 321-4 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Cette mise en conformité conduit à payer le second versement après six mois échus et non plus au cours du sixième mois suivant le premier versement de l’allocation.
Pour mémoire, la carte du combattant ouvre droit, à l’âge de 65 ans, voire dès 60 ans sous certaines conditions, à l’allocation de reconnaissance combattant. Cette dernière est d’un montant annuel de 826,80 € depuis la revalorisation du point de PMI intervenue au 1er janvier 2024, correspondant à 52 points de PMI pour une valeur de point de 15,90 euros. Pour un total de 9 210 281 cartes du combattant attribuées au 1er juillet 2024, 278 798 l’ont été au titre des OPEX (soit près de 3 %).
● Concernant la prévision pluriannuelle de ce dispositif, il convient de rappeler que l’immense majorité des bénéficiaires le sont au titre de la Guerre d’Algérie, qui représentent 84,6 % des bénéficiaires de l’allocation de reconnaissance du combattant. Compte tenu de l’âge médian des bénéficiaires de l’allocation de reconnaissance du combattant, tous conflits confondus, qui est de 87 ans en 2024, la diminution de l’effectif global va inexorablement se poursuivre et s’accentuer. Si la part relative des bénéficiaires de la retraite du combattant au titre des opérations extérieures va continuer à augmenter, elle ne compensera pas dans l’absolu les décès des anciennes générations du feu. En effet, 613 769 bénéficiaires des allocations de reconnaissance du combattant étaient recensés en 2024, contre 564 592 estimés au 31 décembre 2025 (soit une diminution de 8 % sur un an).
Nombre d’allocations de reconnaissance du combattant, par tranche d’Âge, en paiement au 31 dÉcembre 2023
Tranches d’âge |
Total |
95 ans et plus |
8 662 |
de 90 à 94 ans |
69 899 |
de 85 à 89 ans |
309 460 |
de 80 à 84 ans |
249 461 |
de 75 à 79 ans |
10 306 |
de 70 à 74 ans |
8 108 |
de 60 à 69 ans |
11 333 |
TOTAL |
667 229 |
Source : DGFIP – Service des retraites de l’État.
rÉpartition par conflit des retraites du combattant versÉes
Conflits |
Nombre de bénéficiaires au 31 décembre 2021 |
Nombre de bénéficiaires au 31 décembre 2022 |
Nombre attendu de bénéficiaires au 31 décembre 2023 |
Nombre de bénéficiaires au 31 décembre 2024 (Estimation) |
Guerre 14-18 (1) |
850 |
754 |
406 |
305 |
Guerre 39-45 |
27 166 |
20 952 |
12 177 |
10 178 |
Algérie, Tunisie et Maroc |
656 429 |
602 090 |
555 898 |
515 419 |
Indochine |
5 219 |
4 440 |
3 247 |
3 461 |
Opérations extérieures |
61 808 |
62 792 |
66 975 |
69 822 |
Non déterminé (2) |
46 415 |
39 375 |
35 517 |
14 584 |
TOTAL |
797 887 |
730 403 |
674 220 |
613 769 |
(1) Les retraites du combattant de la catégorie « guerre 14-18 » comprennent toutes les opérations de guerre avant 1939.
(2) Correspond à des retraites payées dans les États ayant accédé à l’indépendance dont la nature du conflit n’est pas codifiée et des retraites du combattant versées en France pour lesquelles le conflit n’est pas renseigné.
Source : DGFIP – Service des retraites de l’État.
● Aujourd’hui, tout en poursuivant l’action au profit des combattants de 1939-1945, d’Indochine et d’Afrique du Nord et de leurs ayants cause, c’est bien la nouvelle génération du feu qu’il s’agit de reconnaître, aider et accompagner. Les ressortissants d’Opex sont – selon l’ONaCVG - bien moins engagés au sein du secteur associatif combattant que leurs aînés des précédents conflits et aussi moins prompts à se déplacer pour aller à la rencontre des agents dans les services territoriaux de l’Office, donc moins bien informés sur leurs droits. Votre rapporteur considère qu’il convient de poursuivre les actions visant à mieux intégrer la quatrième génération du feu.
D. Les actions en faveur des harkis et des rapatriÉs
L’effort de solidarité en faveur des harkis et rapatriés se poursuit et s’intensifie, en particulier, à travers le financement du droit à réparation mis en place par la loi du 23 février 2022, portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie, anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leur famille.
1. Les crédits inscrits en PLF 2025
● Avec 123,53 millions d’euros en PLF 2025, les crédits de l’action 7 sont en augmentation afin de financer les mesures en faveur des harkis et rapatriés (+11,33 millions d’euros en CP). Cet effort est entièrement justifié tant sont encore vives la souffrance endurée par les harkis et les rapatriés, et lourdes pour leurs descendants les conséquences des conditions rarement dignes de leur accueil en France.
L’enveloppe correspondant au droit à réparation (DAR) est globalement stable par rapport à 2024 et s’établit à 70, 04 millions d’euros au titre du PLF 2025, contre 69,8 millions d’euros en 2024, soit une hausse de 200 000 euros liée aux conséquences de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) du 4 avril 2024 dans l’affaire Tamazount et autre contre France et aux effets reconventionnels de cette décision.
En effet, la France a été condamnée par la CEDH le 4 avril 2024 dans l’affaire dite Tamazount, à la suite de requêtes déposées par cinq ressortissants français descendants de Harkis et relatives à leurs conditions de vie dans le camp d’accueil de Bias (Lot-et-Garonne) après leur arrivée en France en 1962 et jusqu’en 1975. Dans cet arrêt la Cour a jugé que la spécificité des conditions de vie dans le camp de Bias n’avait pas été suffisamment prise en compte par les juridictions internes pour remédier aux violations de la Convention constatées. La Cour a donc condamné la France au versement d’une somme de 4 000 € aux requérants par année passée au camp de Bias, toute année commencée étant prise en compte. La loi prévoyait, elle, une indemnisation de 4 000 € pour la première année puis 1 000 € par année supplémentaire.
● Il ressort des auditions de votre rapporteur que l’ONaVG est confronté, depuis cette décision, à un début de contentieux de masse, avec une quinzaine de recours contentieux et 41 recours gracieux. De plus, au cours de la réunion interministérielle du 22 mai 2024, il apparaîtrait selon les informations fournies à votre rapporteur, qu’il ait été proposé que la jurisprudence de la CEDH s’appliquerait à tous les ayants droit de la loi du 22 février 2023 ayant séjourné à Bias et à Saint-Maurice-l’Ardoise de 1962 à 1975. L’arrêt de la CEDH suppose ainsi la reprise de tous les dossiers concernant le site de Bias, et par extension de Saint-Maurice-l’Ardoise, créant une charge de travail supplémentaire pour l’ONaCVG.
À ce jour, si le législateur décidait d’appliquer le barème de l’arrêt Tamazount au dispositif de réparation instauré par la loi de 2022, l’impact financier serait de l’ordre de 40 millions d’euros selon les estimations fournies. Ces 40 millions d’euros soustraits, seuls 30 millions d’euros, seront disponibles pour les autres indemnisations des demandes de réparation des Harkis et leurs familles en 2025. Or, selon les estimations de l’ONaVG, le budget nécessaire pour achever les indemnisations à partir de 2025 est évalué à 200 millions d’euros, qui viendront s’ajouter aux 157 millions d’euros déjà versés de 2022 à 2024. Aussi, votre rapporteur regrette-t-il que le PLF 2025 ne prévoit pas une dotation suffisante pour permettre la résorption du stock de dossiers non encore traités, mais préfère opter pour une stratégie de lissage de la dépense jusqu’en 2028, voire 2029 pour mener à bien l’instruction des demandes, au détriment des Harkis et de leurs familles. Il convient pourtant de rappeler qu’il est illusoire, en plus d’être injuste, de réaliser des économies sur un droit et que l’enveloppe du droit à réparation devra de toutes les manières être financée par le ministère. Tandis que les délais d’examen des dossiers s’allongent, le risque de contentieux augmente, nécessitant du personnel pour les traiter et renchérissant in fine le coût du dispositif en cas de condamnation. En effet, les effectifs affectés directement aux traitements des dossiers (10 ETP) sont apparus insuffisants pour traiter l’ensemble des dossiers dans des délais raisonnables. Cette situation conduit à des recours à l’encontre des décisions implicites de rejet avec de potentielles condamnations au versement de frais irrépétibles.
● Une partie des crédits de l’action 7 est fléchée vers le financement des deux dispositifs principaux en faveur des rapatriés et des harkis, à savoir :
– l’allocation de reconnaissance, instituée par la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution en faveur des Français rapatriés, au financement de laquelle 31,13 millions d’euros sont alloués pour 2025, en augmentation de 9,4 millions d’euros par rapport à 2024 (21,8 millions d’euros), intégrant une revalorisation au 1er octobre 2024. Cette allocation est versée aux harkis rapatriés âgés d’au moins 60 ans ayant déposé leur dossier avant le 19 décembre 2014. Le dispositif comptait 3 225 bénéficiaires au 1er août 2024. Pour mémoire, avant les modifications apportées par la loi de finances initiale pour 2024, le dispositif comptait trois options : la première consistant en une rente viagère, la deuxième prenant la forme d’un capital de 20 000 euros et d’un complément de capital sous la forme d’une rente viagère et la troisième un capital de 30 000 euros.
– l’allocation viagère, créée par l’article 133 de la loi de finances initiale pour 2016, financée à hauteur de 21,65 millions d’euros dans le projet de loi de finances. Les crédits finançant l’allocation viagère sont en augmentation de 1,8 million d’euros par rapport à 2024, en lien avec la revalorisation au 1er octobre 2024 et l’effet de la levée de forclusion. Cette allocation est versée au profit des conjoints et ex-conjoints mariés survivants de harkis qui ont fixé leur domicile en France. Au 1er août 2024, 2 160 bénéficiaires étaient recensés pour l’allocation viagère et 824 pour la nouvelle allocation rente viagère. Le nombre de bénéficiaires étant en augmentation du fait des nouvelles possibilités d’indemnisation créées en LFI 2024, il est estimé à 6 335 en 2025. Toutefois, lors de ses auditions, votre rapporteur a été alerté sur le fait que l’enveloppe pourrait être sous-dimensionnée au regard du dynamisme des demandes relatives à la « nouvelle allocation viagère » créée en 2024.
Pour mémoire, ces deux allocations ont été revalorisées de 100 € par les lois de finances 2017 et 2018, de 400 € par la loi de finances 2019 et doublées par arrêtés du 21 décembre 2021. Par ailleurs, ces allocations ont été revalorisées chaque année en fonction de l’indice des prix à la consommation. Les revalorisations expliquent en grande partie les augmentations de crédits consacrés à ces deux allocations. La loi n° 2022-229 du 23 février 2022 a, en outre, levé la forclusion des demandes d’allocations viagère et étendu le bénéfice de l’allocation aux conjoints survivants résidant dans l’UE. À compter du 1er octobre 2022, l’allocation de reconnaissance option 1 et l’allocation viagère ont été portées à 8 524 € par an, l’allocation de reconnaissance option 2 à 6 198 €.
Par ailleurs, la LFI pour 2024 prévoit en son article 218 :
– d’une part, l’harmonisation des allocations de reconnaissance versées aux veuves des anciens membres des formations supplétives ou assimilés (loi n° 2005 158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés) ayant opté pour l’option 2 (capital de 20 000 € et rente) au même montant que celui de l’allocation viagère ;
– et, d’autre part, une rente viagère au profit des anciens supplétifs et conjoints et ex-conjoints ayant opté pour l’option n° 3 (capital de 30 000 €) - pour les conjoints et ex-conjoints uniquement, le montant de cette rente est égal à celui de l’allocation viagère.
Appliquée au 1er janvier 2024, la loi précitée a concerné, dans un premier temps, 1 058 veuves bénéficiaires de l’allocation de reconnaissance option 2, qui ont vu le montant de leur allocation passer de 543,83 € à 748 € par mois, entraînant un surcoût moyen de 200 000 € mensuel environ (1,6 million d’euros au 31 août 2024). Au 31 juillet 2024 et depuis la mise en place du dispositif, 1 314 demandes avaient été déposées par les bénéficiaires de l’option 3 de l’allocation de reconnaissance, 748 concernent des anciens supplétifs et 566 des conjoints et ex-conjoints. La création de la nouvelle rente viagère avait bénéficié au 31 août 2024 à 824 allocataires pour un montant total de plus de 3 792 000 €, selon les informations fournies en réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.
● L’action 7 soutient par ailleurs divers dispositifs en faveur des rapatriés, à hauteur de 0,7 million d’euros, tels que des aides à la formation professionnelle, des aides au désendettement, des aides spécifiques aux conjoints survivants, des remboursements de cotisations retraites complémentaires ou encore des mesures de sauvegarde du toit familial.
Depuis 2015, l’ONaCVG prend en charge le versement de l’ensemble des prestations en faveur des harkis et des rapatriés, et est également chargé, depuis le 1er janvier 2019, de la mise en œuvre du dispositif de solidarité envers les enfants de harkis susmentionnés.
2. Mise en œuvre de la loi du 23 février 2022
Dans la continuité des recommandations du rapport Aux harkis, la France reconnaissante rendu par le préfet Dominique Ceaux, en juillet 2018, préconisant de nouvelles mesures visant à parachever le travail de mémoire, à compléter les dispositifs de réparation, et à renforcer la solidarité à l’égard des anciens supplétifs et de leurs enfants, la loi du 23 février 2022 vise à exprimer la reconnaissance de la Nation envers les harkis, les moghaznis et les personnels des diverses formations supplétives et assimilées de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie et qu’elle a « abandonnés » lors du processus d’indépendance de l'Algérie. La loi prévoit également la reconnaissance de l’État de sa responsabilité dans les conditions indignes de leur rapatriement et de leur accueil dans des « structures de toute nature » en France, après les accords d’Évian du 19 mars 1962. La loi ouvre un droit à réparation pour les harkis et leurs familles qui ont séjourné dans des camps de transit et des hameaux de forestage entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975, dans l'une des structures destinées à les accueillir et dont la liste est fixée par décret.
La réparation prend la forme d'une somme forfaitaire tenant compte de la durée du séjour dans ces structures, versée dans des conditions et selon un barème fixé par décret. Le décret n° 2022-394 du 18 mars 2022, annexé du décret n° 2023-890 du 21 septembre 2023, fixe les modalités d’indemnisation et la liste des 134 structures concernées, dont six camps de transit, qui donnent droit à indemnisation. Une somme minimale est fixée à 2 000 euros, lorsque le demandeur a séjourné dans les structures éligibles pendant une durée inférieure à trois mois, et à 3 000 euros pour une durée supérieure. Une somme proportionnelle à la durée effective du séjour, correspond à 1 000 euros pour chaque année passée par le demandeur au sein de ces structures, toute année commencée étant intégralement prise en compte.
Dès lors, certaines associations ont fait part de leur déception quant au montant de l’indemnisation, qui ne peut excéder 16 000 euros. Toutefois, la date du 31 décembre 1975 correspond à une réalité historique objective, soit la date officielle de fermeture administrative des camps et des hameaux de forestage.
De 2022 au 31 juillet 2024, 15 133 demandes ont fait l’objet d’une décision d’attribution d’une indemnisation pour un montant de 129,4 millions d’euros. L’âge moyen des bénéficiaires de ce dispositif est de 66 ans. Durant cette même période, 2 766 dossiers (14,8 %) ont fait l’objet d’un rejet, dont 1 522 en 2024 (620 ne sont pas concernés par le dispositif, 2 052 n’ont pas séjourné en camps ou hameaux de forestage et 94 sont décédés avant la promulgation de la loi). Au 31 juillet 2024, la Commission a reçu 1 330 recours au titre de l’indemnisation. L’Office en a traité 320 en 2023 et 123 en 2024.
Enfin, la loi prévoit la création de la Commission nationale d’indemnisation des harkis (CNIH), établie auprès du Premier ministre. Cette dernière a pour mission de recueillir la parole des Harkis, leur manifester la reconnaissance de la République et leur accorder les réparations prévues par la loi. Cette commission, dont l’ambition est de contribuer à la constitution d’une mémoire commune et apaisée, peut aussi proposer au Gouvernement une évolution des dispositifs de soutien, de reconnaissance et de réparation en vigueur, en vue de les ajuster autant que nécessaire à la singularité de destin des Harkis. Elle a aussi pour objet de contribuer au travail de mémoire, afin de reconnaître à ces combattants et à leurs familles toute la place qu’ils méritent dans notre récit national.
Ainsi, votre rapporteur salue le travail réalisé par la CNIH, ainsi que l’extension de la liste des structures donnant droit à réparation à 45 nouveaux sites. Cette mesure d’extension pourrait bénéficier à 14 000 nouveaux bénéficiaires potentiels et devrait générer de l’ordre de 10 000 à 12 000 nouvelles demandes s’ajoutant à celles déjà attendues au titre de la liste initiale (20 500 qui restent à instruire en 2025 et 2026). L’extension a généré près de 9 000 nouvelles demandes en 2024, conduisant à près de 8 000 décisions favorables. Le nombre de bénéficiaires, estimé à 50 000 par l’étude d’impact de la loi du 23 février 2022, pourrait finalement s’élever à terme entre 30 000 et 40 000, selon l’actualisation réalisée par l’ONaCVG.
Ce travail s’est poursuivi en 2024, puisque l’expertise historique 2023-2024 de la CNIH a permis d’identifier des lacunes dans la liste des structures ouvrant droit à indemnisation. C’est pourquoi, après l’expertise de 92 sites, la Commission entend proposer l’ajout d’un nombre de sites similaire à l’année dernière à l’annexe du décret du 18 mars 2022. Ce travail minutieux se poursuivra lors de l’exercice suivant de la Commission. À ce jour, la liste des sites à expertiser pour 2024-2025 comprend 61 sites, dont 22 sites déjà expertisés mais placés en attente de pièces complémentaires, faute d’éléments suffisants.
Au-delà du travail d’expertise réalisé par la CNIH, commission qui a vocation à s’éteindre une fois l’ensemble des demandes examinées, votre rapporteur souhaite que soit étudiée la création d’une fondation dédiée aux Harkis et à leurs familles. Un rapport aurait d’ores et déjà été commandé par la secrétaire d’État chargée des Anciens combattants et de la Mémoire au Contrôle général des Armées, avec pour but de déterminer le coût et les modalités d’organisation potentielle d’une telle structure, ainsi que son articulation avec la fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie (FM-GAMT). Votre rapporteur souhaite que ce rapport puisse être transmis à la Représentation nationale afin que les parlementaires puissent participer à la définition des contours de cette fondation.
Par ailleurs, votre rapporteur a déposé un amendement dans le cadre de l’examen du PLF 2025 visant à ce que les sommes versées dans le cadre de la loi du 23 février 2022 puissent bénéficier d’une déduction de l’actif successoral, au même titre que les pensions militaires d’invalidité (PMI). En effet, ces sommes concernent la reconnaissance de la responsabilité de la Nation du fait de conditions de vie précaires et d’atteintes aux libertés fondamentales ayant été source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables.
Enfin, en cohérence avec les recommandations de la CNIH, et dans la lignée des recommandations du précédent avis budgétaire, votre rapporteur serait favorable à ce qu’une réflexion soit lancée autour de la reconnaissance et la mémoire des rapatriés d’Indochine. En effet, les anciens supplétifs et ou rapatriés d’Indochine ont vécu dans les mêmes conditions, ont connu la même indignité que les Harkis et sont, pour une partie d’entre eux, passés par les mêmes structures d’accueil et ou d’hébergement. Selon les chiffres transmis par le CEP-CAFI (Collectif des Eurasiens pour la Préservation du Centre d’Accueil des Français d’Indochine), à l’occasion d’un entretien avec le Secrétariat général de la CNIH en septembre 2023, l’extension de la loi concernerait 4 200 anciens rapatriés supplétifs d’Indochine et leurs familles.
E. Les liens entre la jeunesse et les ArmÉes
L’action 8 du programme 169 retrace les crédits en faveur du lien armées-jeunesse. Le budget 2025 s’établit à 41,05 millions d’euros en AE et en CP. Il marque, par rapport à 2024, une hausse de près de 15 millions d’euros, soit une augmentation significative de l’ordre de 57 %. Cette hausse des crédits est principalement destinée à financer la mesure nouvelle de refonte de la JDC « nouvelle génération », projet au sujet duquel votre rapporteur revient en détail dans la partie thématique de l’avis budgétaire.
Auparavant centrée sur le financement de la Journée de défense et de citoyenneté (JDC), cette action recouvre aujourd’hui l’ensemble des actions assurées par la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) du ministère des Armées. S’y ajoutent donc le service militaire volontaire (SMV) ainsi que des dispositifs complémentaires en direction de la jeunesse, conformément au plan Ambition armées-jeunesse 2022.
– Ainsi, la JDC voit au PLF 2025, ses crédits augmenter de façon significative, au bénéfice de la refonte de la JDC prévue pour 2025, à hauteur de 15 millions d’euros en AE et CP, portant la dotation à 37,64 millions d’euros en AE et en CP.
– Concernant le financement du SMV, les crédits sont stables à hauteur de 3,41 millions d’euros en AE et CP, dont 1,9 million d’euros au titre de la formation et 1,5 million d’euros au titre du rayonnement et du recrutement. Ils sont largement complétés par des fonds de concours.
Votre rapporteur souligne que les ressources inscrites à l’action 8 ne couvrent pas l’intégralité des coûts de ces dispositifs, la mission « Défense » intégrant des crédits de soutien – masse salariale, dépenses d’infrastructures, de santé et de systèmes d’information.
Le plan Ambition armées-jeunesse 2022 (PAAJ 2022)
Présenté par la ministre déléguée le 25 mars 2021, le PAAJ 2022 entend moderniser et réorganiser les actions conduites par le ministère des Armées en direction de la jeunesse, essentiellement afin de les intégrer aux grandes phases du service national universel (SNU) et aux étapes obligatoires prévues par le code du service national, au premier rang desquelles la JDC.
En pratique, ce plan consiste en l’élaboration d’un parcours de défense innovant, comprenant plusieurs phases à compter de 13 ans et poursuivant trois grands objectifs : attractivité ; citoyenneté ; insertion socio-professionnelle.
L’infographie ci-dessous en présente les grandes étapes.
Source : dossier de presse du ministère des Armées.
1. La journée défense et citoyenneté
La JDC est un dispositif universel, institué en 1997, poursuivant deux principaux objectifs :
– Contribuer à la mission régalienne de défense à travers l’information sur les enjeux de sécurité nationale ;
– Renforcer la cohésion nationale et l’insertion sociale des jeunes.
Au cours des années 2020, 2021 et 2022, les principales difficultés rencontrées tiennent compte des conséquences de la crise sanitaire sur la mise en œuvre de la JDC (suspension pendant les périodes de confinement, adaptation du format en période de restriction, diminution des dépenses d’alimentation et de transport) qui ont entraîné des variations importantes du coût moyen par participant.
En 2025, le coût moyen de la JDC ciblé est « inférieur à 132 € par participant », soit une légère hausse par rapport à la cible 2024 (« inférieur à 130 »). Cependant, la hausse du coût moyen par personne pour la JDC est à anticiper dans les prochaines années notamment en raison de la refonte en cours de la JDC (cible portée à 133 € en 2026 et 135 € en 2027).
Selon le PAP 2025, la JDC « nouvelle génération » vise un déroulement sur une journée complète, prioritairement sur des sites militaires, et son contenu intégrera des ateliers immersifs, ludiques et participatifs. Elle sera animée par un encadrement professionnalisé composé notamment de réservistes recrutés et formés spécifiquement. Le projet envisagé est progressivement expérimenté à compter du troisième trimestre 2024 et montera en puissance toute l’année 2025.
Convaincu que la JDC dans son format actuel ne répond ni aux attentes des jeunes, ni au besoin des armées, votre rapporteur dresse plusieurs recommandations visant à refondre la JDC dans la partie thématique de son avis budgétaire. Votre rapporteur met également en exergue la problématique soulevée par la montée en puissance du Service national universel (SNU) et surtout la permanence de deux dispositifs « JDC » et « Journée Défense et mémoire » (JDM) dans le cadre du séjour de cohésion du SNU. Plus de 136 000 jeunes ont participé à une JDM entre 2019 et juillet 2024. Au premier trimestre 2024, plus de 4 150 personnels civils et militaires de la DSNJ avaient été mobilisés. Selon les informations transmises à votre rapporteur en réponse à son questionnaire budgétaire, le coût total supporté par le ministère des Armées était de plus de 7 millions d’euros en 2023, dont 421 252 euros au titre du programme 169. La coexistence des deux dispositifs pose question en matière de soutenabilité budgétaire et de mobilisation des effectifs de la DSNJ. Votre rapporteur préconise donc une suppression de la JDM au bénéfice du renforcement de la JDC et plus largement une réduction de l’ambition du SNU, dispositif qu’il juge trop coûteux à mettre en œuvre et dont l’objectif demeure incertain.
2. La poursuite du déploiement du service militaire volontaire sur le territoire national
Le Service militaire volontaire (SMV) a été créé à titre expérimental en 2015 afin de proposer des solutions de réinsertion à une partie de la jeunesse la plus éloignée de l’emploi et de la citoyenneté. Service à compétence nationale depuis 2017 et directement rattaché à la directrice du service national et de la jeunesse (DSNJ), il est subordonné au secrétariat général à l’administration (SGA) et a été pérennisé au 1er janvier 2019 (LPM 2019-2025). Le SMV s’articule autour d’un état-major implanté à Arcueil et de cinq centres répartis sur sept lieux (Montigny les Metz avec son antenne à Châlons-en-Champagne, Brétigny-sur-Orge, La Rochelle, Ambérieu-en-Bugey et son antenne de Marseille, et Brest). Le maillage territorial est un élément prépondérant pour l’atteinte des objectifs. Toutefois, il n’est pas prévu d’ouverture de nouveau centre à ce stade.
Le SMV a permis, depuis sa création, à plus de 8 400 bénéficiaires, volontaires stagiaires et volontaires experts, de rejoindre ses rangs. Le taux d’insertion professionnelle des volontaires stagiaires est de 83 % en 2023, avec un taux de réussite au permis de conduire de 72 % malgré un taux d’illettrisme de 14 %.
Le projet de budget du SMV s’établit – hors contribution de la mission « Défense » – à 3,40 millions d’euros en PLF 2025. Les crédits contribuent à la fois aux actions de formation et de soutien à la formation (à hauteur de 1,9 millions d’euros) et au rayonnement et au recrutement (à hauteur d’1,5 millions d’euros).
Par ailleurs, au titre des fonds de concours financés par les régions Grand Est et nouvelle Aquitaine, le SMV devrait bénéficier de 1,65 million d’euros au profit du 1er régiment SMV de Montigny-lès-Metz et du 3e régiment de La Rochelle. En 2025, le fonds de concours dédié aux subventions européens au titre du Fonds social européen (FSE) devrait bénéficier d’un montant de 13 millions d’euros.
Afin d’atteindre ses objectifs de recrutement en hausse depuis 2019, mais aussi d’étendre sa notoriété dans de nouvelles zones d’intérêt auprès des acteurs économiques, éducatifs, associatifs et institutionnels locaux, le SMV a mis en place une communication régionale et nationale ciblée et innovante. À l’horizon 2027-2030, une consolidation du dispositif est à l’étude afin d’augmenter les capacités de recrutement dans les régions non couvertes par une unité de SMV. La création de nouvelles antennes entre dans le cadre d’une réflexion en termes de potentiel des bassins d’implantation, du volontariat des autorités locales et de possibilité de stationnement.
Avec 33,13 millions d’euros en AE comme en CP, la politique de mémoire représente 1,8 % des ressources du programme 169. Par rapport à 2024, l’action 9 connaît une diminution conséquente de 9,3 millions d’euros, soit une baisse de près de 22 % des crédits.
À noter également que depuis 2024, l’action connaît une évolution de périmètre. La subvention pour charges de service public du Conseil national des communes « Compagnon de la libération (CNCCL) » est déplacée de l’action 3 vers l’action 9 « Politique de mémoire ». Selon le PAP 2024, cette évolution de la maquette budgétaire doit permettre de « mieux refléter la diversité de ses missions »
Ainsi, 31,3 millions d’euros sont dédiés à la mémoire et au patrimoine mémoriel et 1,7 million d’euros sont alloués au Conseil national des communes « Compagnons de la Libération » (CNCCL), comme en 2024.
L’élaboration et la mise en œuvre de la politique de mémoire relèvent de la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) et s’appuient notamment sur l’Office national des combattants et des victimes de guerre pour l’entretien et la valorisation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale.
Afin d’organiser le cycle commémoratif du 80ème anniversaire des débarquements, de la Libération de la France et de la Victoire durant toute l’année 2024, un groupement d’intérêt public (GIP) avait été spécifiquement créé pour cette mission. La convention constitutive du groupement d’intérêt public « Mission du 80ème anniversaire des débarquements, de la Libération de la France et de la Victoire » a été approuvée par l’arrêté du 8 septembre 2023.
1. La nécessité de promouvoir le « travail de mémoire »
Outre les objets actuellement financés par l’action 9, le PAP indique que deux mesures nouvelles sont programmées en 2025 :
– les crédits finançant les commémorations de la Victoire réalisées par le GIP « Mission du 80ème anniversaire » pour un montant de 4,5 millions d’euros ;
– une mesure nouvelle exceptionnelle de 1 million d’euros pour soutenir les actions des institutions mémorielles de la Shoah.
Le budget proposé par le PLF 2025 pour l’organisation des commémorations s’établit à 10,5 millions d’euros, soit une baisse significative de près de 9 millions d’euros par rapport à 2024. La baisse enregistrée est principalement due à un retour à la normale après une année 2024 très riche en temps forts mémoriels, marquée par le 80ème anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence, de la Libération et de la Victoire et le 70ème anniversaire de la chute de Diên Biên Phu.
Le budget assurera le financement des cérémonies organisées par la DMCA (5,5 millions d’euros en 2025 contre 6 millions d’euros en 2024 : organisation logistique du défilé du 14 juillet, journées nationales commémoratives fixées par des textes législatifs ou réglementaires, célébrations liées aux thématiques mémorielles prévues en 2025) et le financement des activités du groupement d’intérêt public (GIP) Mission Libération pour un montant de 4,5 millions d’euros (contre 13,8 millions en 2024).
Pour mémoire, onze journées nationales commémoratives sont placées sous la responsabilité du ministère des Armées et des anciens combattants. Elles font mémoire de faits d’armes, de grandes figures combattantes, et des victimes civiles et militaires des guerres.
● L’année 2024 a été marquée par le 80ème anniversaire des débarquements et de la Libération de la France. En complément des actions menées par le GIP, la DMCA a proposé une série d’événements pour honorer la mémoire des résistants de l’intérieur ainsi que des combattants de l’Armée française de la Libération. Ainsi, le 20 février 2024, veille de l’entrée de Missak Manouchian et de sa femme au Panthéon, une cérémonie présidée par la secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire, a été organisée au Mont-Valérien pour commémorer l’exécution des combattants du groupe Manouchian. Le cercueil de Missak Manouchian a été déposé dans la clairière où il avait été fusillé avec ses compagnons, accompagné des portraits de tous les membres de son groupe des FTP-MOI, puis a emprunté le même chemin que celui suivi pour son exécution. À la demande du GIP, la DMCA a organisé la commémoration du massacre d’Oradour-sur-Glane le 10 juin, en présence du Président de la République et du Président allemand, Frank-Walter Steinmeier. Le 17 mai, une cérémonie commémorant les combats du Corps expéditionnaire français en Italie s’est déroulée au cimetière militaire français de Vénafro. Présidé par la secrétaire d’État, cet événement a rendu hommage aux soldats du général Juin qui ont combattu lors de la bataille de Garigliano.
Par ailleurs, le début de l’année 2024 a été marqué par le décès de l’amiral de Gaulle qui avait servi dans les forces navales françaises libres (FNFL). Un hommage national lui a été rendu dans la cour d’honneur des Invalides par le Président de la République, le 20 mars 2024.
Enfin, le 70ème anniversaire de la fin de la guerre d’Indochine a été commémoré le 11 juin au Mémorial des guerres en Indochine à Fréjus par la secrétaire d’État.
● En 2025, au-delà des onze journées, auxquelles s’ajoute la fête nationale du 14 juillet, l’année mémorielle 2025 aura pour thématique essentielle le 80ème anniversaire de la victoire des Alliés sur l’Allemagne et le Japon.
Le programme prévisionnel des commémorations pour 2025 est le suivant :
– Libération des poches de l’Atlantique, de la Manche et de la mer du Nord (avril-mai 1945) : libération de la poche de Royan le 17 avril, de Dunkerque le 9 mai, et de Lorient le 10 mai 1945 ;
– Les combats de l’Authion dans les Alpes du Sud (entre le 10 et le 28 avril 1945) ;
– La réduction de la poche de Colmar le 1er février 1945 ;
– Le coup de force japonais en Indochine le 9 mars 1945 ;
– Le retour des absents (déportés, prisonniers de guerre, STO) ;
– La capitulation du Japon (2 septembre 2025).
Le cycle des cérémonies mettra également en valeur l’action des combattants français engagés en OPEX ; ainsi, l’année 2025 marquera le 35ème anniversaire de l’opération Daguet au Koweït ainsi que le 30ème anniversaire du haut fait d’armes que constitue la reprise du pont de Vrbanja alors que la France était engagée en Bosnie-Herzégovine.
● Enfin, le ministère des Armées prend toujours plus en compte la nécessité d’adapter son offre aux publics jeunes. Aussi, l’appel à projet lancé par la DMCA nommé « Commémorer autrement » a pour but de rendre plus attrayantes les commémorations et de répondre aux attentes d’un public adepte de médias audiovisuels ou numériques. Pour cela, des projets ont été recensés pour moderniser les commémorations en renforçant leur dimension numérique, l’intégration de la jeunesse et l’ouverture au monde culturel, comme celui de la musique notamment. Compte tenu d’un premier bilan positif, l’appel à projet aura vocation à être reconduit sur un rythme bisannuel, selon un format renouvelé. De plus, le ministère des Armées a lancé un appel à projets s’inscrivant en priorité dans le cadre du cycle mémoriel 2024-2025, centré sur le 80ème anniversaire de la Libération de la France, et visant à apporter son soutien à la création de dispositifs innovants, mettant à la disposition du plus large public des données historiques et mémorielles fiables. Les projets retenus, pour un montant total de 102 500 €, reflètent la variété des initiatives mémorielles portées par différents acteurs (associations, collectivités locales) : création d’un dictionnaire biographique numérique, de chemins de mémoire associés à des applications numériques, de films, de saisons mémorielles, d’expositions vidéo.
b. Les actions pédagogiques du ministère des Armées
Pour 2025, une dotation de 0,46 million d’euros sera réservée aux publications et actions pédagogiques (stable par rapport à 2024). Elle financera principalement :
– La revue « Les chemins de la mémoire », produite à 23 000 exemplaires et disponible sous un format dématérialisé adressée aux 50 000 établissements scolaires, qui traite des grands thèmes de l’actualité mémorielle.
– Diverses actions pédagogiques en relation avec le calendrier commémoratif mises en œuvre dans le cadre du protocole interministériel développant les liens entre la jeunesse, la défense et la sécurité nationale du 20 mai 2016.
– Le dispositif « Héritiers de mémoire », mis en œuvre depuis 2016, qui finance la réalisation, avec le concours de l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD), de films documentaires retraçant l’implication de classes d’élèves dans un projet d’enseignement de défense. En 2024, les trois projets récompensés sont « Photographier et filmer la guerre dans l'ex Yougoslavie, du soldat aux médias », « Le sport, un terrain de jeu… et d'armes » et « Pierre LOTI, officier-écrivain en guerre, écrivain-officier de guerre ; des guerres coloniales à la Grande Guerre (1870-1918) ».
Pour renforcer cet enseignement, la DMCA a mis en place une nouvelle commission de subvention visant à récompenser des projets « remarquables », plus particulièrement orientée vers les lycées professionnels. Ainsi, 22 projets en 2023, et 16 projets en 2024 ont été subventionnés à hauteur de 150 000 € pour chacune des années. Cette enveloppe tripartite est abondée paritairement par la DMCA, la Fédération nationale André Maginot (FNAM) et l’Union des blessés de la face et de la tête (UBFT – dite les gueules cassées).
● Le budget des subventions et transferts diminue pour s’élever à 4,3 millions d’euros (contre 3,5 millions d’euros en 2024). Il soutient des actions de mémoire menées par des partenaires du ministère des Armées :
– 2,41 millions d’euros serviront au soutien de projets mémoriels d’intérêt national de natures diverses (commémorations, représentations théâtrales, expositions, création ou rénovation d’espaces mémoriels) réalisés par des acteurs publics ou privés (associations, fondations, collectivités territoriales, établissements d’enseignement, etc.) et d’actions d’enseignement de défense ;
– 0,35 million d’euros permettront à l’ONaCVG de poursuivre ses actions pédagogiques (participation à l’organisation dans chaque département du concours national de la Résistance et de la Déportation, pédagogie autour des cérémonies patriotiques, actions de mémoire dans les territoires rendant hommage aux combattants et victimes de tous les conflits) et d’apporter un soutien financier aux projets mémoriels d’intérêt local ;
– 0,54 million d’euros permettront d’apporter un soutien financier aux coûts de fonctionnement du GIP dédié à l’organisation du 80e anniversaire des débarquements et de la libération ;
– 1 million d’euros sera consacré au renforcement des actions conduites par les institutions mémorielles de la Shoah. Il s’agit d’une mesure nouvelle.
2. L’entretien et la valorisation des lieux de mémoire
Le patrimoine mémoriel entretenu par le ministère des Armées comprend les sépultures perpétuelles des soldats « Morts pour la France » et les 10 Hauts lieux de la mémoire nationale (HLMN). Au total, cela représente 3 400 sites en France et à l’étranger et 1,1 million de sépultures à conserver.
● Le budget 2025 pour l’entretien des sépultures de guerre et les lieux de mémoire s’élève au total à 16,63 millions d’euros, soit une légère diminution du budget par rapport à 2024 (16,90 millions d’euros), répartis de la manière suivante :
– 2,35 millions d’euros au titre de l’opération budgétaire dite « Lieux de mémoire de l’État », stable par rapport à 2024, qui retrace les crédits alloués aux actions nationales de valorisation des sites mémoriels (à hauteur de 0,25 million d’euros) – ce qui inclut, à titre d’exemple, la participation à des événements tels que le salon mondial du tourisme –, ainsi qu’à l’entretien des sépultures de guerre situées outre-mer et à l’étranger (1,9 million d’euros), au travers des missions de défense de notre réseau diplomatique.
– 14,3 millions d’euros au titre d’une opération budgétaire de « subventions et transferts », en baisse de près de 0,3 million d’euros, qui retrace les crédits destinés à l’entretien et la valorisation des sépultures de guerre et HLMN en France métropolitaine, en Algérie et au Maroc, les aides à la rénovation des monuments aux morts communaux et départementaux ainsi que les ressources allouées à l’essor du tourisme de mémoire (amélioration de la signalisation routière des nécropoles, installation de panneaux historiques sur les lieux de mémoire, etc.). L’ONaCVG est destinataire de l’essentiel de cette dotation, soit 13,4 millions d’euros, principalement pour le financement des opérations de rénovation du patrimoine de pierre (en baisse de 0,2 million d’euros par rapport à 2024). Au sein de cette dotation, 12,5 millions d’euros financeront des opérations de rénovation du patrimoine mémoriel de pierre de l’État (12,3 millions d’euros pour les HLMN et les sépultures de guerre en France métropolitaine et au Maroc et 0,2 million d’euros pour les lieux de mémoire en Algérie), 0,3 million d’euros seront consacrés à la valorisation de ces lieux de mémoire et 0,6 million d’euros contribueront au financement des travaux de rénovation des monuments aux morts.
L’enveloppe dédiée au développement des partenariats avec les territoires dans le cadre du tourisme de mémoire est fixée à 0,95 million d’euros (montant identique par rapport à 2024). Les crédits permettront de finaliser les dossiers pour lesquels l’État s’est engagé les années précédentes et de débuter quelques nouveaux partenariats avec les collectivités territoriales pour la création et surtout la rénovation d’équipements mémoriels. À titre d’exemple, en Moselle, le ministère a soutenu deux partenariats avec les territoires (PPT) ces dernières années : d’une part, la réhabilitation de la Maison forte, ouvrage avancé de la Ligne Maginot à Roussy le Village (60 000 € en 2018) et celle de la casemate A du Fort de Queuleu à Metz (262 000 € entre 2016 et 2023).
En parallèle, le ministère des Armées a fortement investi dans les hauts lieux de la mémoire nationale (HLMN), désormais accessibles gratuitement à tous les publics scolaires.
● De manière plus générale, il convient de rappeler que le programme pluriannuel de rénovation du patrimoine mémoriel pour les années 2020 à 2025 concerne tout autant les sépultures de guerre et les HLMN. Il accorde une priorité aux sites les plus dégradés, où les bâtis architecturaux sont en péril, voire où la sécurité des visiteurs est menacée, ainsi qu’à ceux concernés par les cycles mémoriels intervenant sur cette période.
D’une part, concernant les nécropoles nationales, des restaurations d’envergure auraient dû commencer en 2024 et ont dû être reportées du fait d’une annulation de crédits. En effet selon les informations fournies à votre rapporteur, le budget alloué au patrimoine de pierre – nécropoles et HLMN – a été abaissé, passant d’un montant initial de 12,95 millions d’euros à 4,95 millions d’euros en 2024, après un gel de 8 millions d’euros. Sont concernées notamment, les nécropoles de Luynes (Bouches-du-Rhône) et de Saint-Mandrier-sur-Mer (Var), la crypte-ossuaire de Champigny-sur-Marne (Val de Marne), fermée au public depuis 2020 en raison de l’état sanitaire du site, les nécropoles d’Altkirch (Haut-Rhin), Ménil-sur-Belvitte (Vosges), Sarrebourg Buhl (Moselle), Lexy (Meurthe-et-Moselle) et plusieurs carrés militaires.
En 2025, en plus des reports de 2024 qui devront être lancés et pour lesquels des crédits devront être alloués, se poursuivront des travaux de restauration du monument-ossuaire de la nécropole de Navarin (Marne), de la nécropole de Notre-Dame de Lorette (Pas-de-Calais), ainsi que des chapelles des nécropoles de Riche et de Metz-Chambière (Moselle). À l’étranger, en 2025, outre tous les travaux de restauration et les besoins d’entretien croissant des cimetières militaires, la nécessité de travaux importants a été identifiée dans les cimetières de Carnières et d’Auvelais (Belgique), ainsi que la poursuite des travaux à Venafro (Italie). Une programmation de travaux dans les cimetières militaires français en Tunisie a également été planifiée sur la période 2023-2026.
D’autre part, concernant les HLMN, en 2024, outre la poursuite du chantier du bâtiment technique de l’ancien camp de concentration du Struthof (Bas-Rhin) et la réfection des murs d’enceinte extérieurs au mémorial national de la prison de Montluc (Rhône), des opérations importantes ont été engagées, en termes d’études et de travaux, comme la rénovation complète du mémorial des guerres en Indochine à Fréjus (Var) et la restauration de la baraque-cuisine au Struthof.
L’année 2025 sera dédiée, pour le Struthof, à des travaux qui assureront un meilleur accueil du public (réparation de dégâts liés à des infiltrations importantes), et à une étude de schéma directeur englobante et prospective pour les années à venir, afin de donner à ce lieu le niveau muséographique qu’il mérite. À Montluc, des études seront également à mener pour permettre, notamment, une médiation pédagogique plus importante.
S’ajoutent à ces opérations pluriannuelles des dépenses d’entretien courant. En outre, le nombre de sites à prendre en compte est en augmentation perpétuelle. Depuis 2020, 9 nouveaux pays sont pris en charge par la DMCA (Chypre, Croatie, Tunisie, Ukraine, Érythrée, Centrafrique, Cameroun, Niger et Pakistan).
Enfin, au-delà du patrimoine de pierre national, votre rapporteur tient à souligner la nécessité de poursuivre et de renforcer les actions visant à préserver et de valoriser le patrimoine des associations du monde combattant constitué de biens matériels et immatériels qui peuvent avoir une valeur historique (archives, monuments, témoignages écrits ou enregistrés), ou symbolique (drapeaux, insignes). Votre rapporteur tient à ce titre à saluer les actions mises en place par le Souvenir français qui visent à transmettre certains drapeaux d’associations à des classes pour continuer à les faire vivre, notamment lors des cérémonies. Il espère que cette initiative vertueuse, qui permet de tisser un véritable lien entre les générations, puisse être étendue à davantage d’établissements scolaires.
G. L’effort fiscal et social de l’État en faveur du monde combattant
À l’effort budgétaire de l’État s’ajoutent nombre de dispositifs fiscaux qui permettent également de témoigner de la reconnaissance de la Nation à l’égard des anciens combattants et de leurs familles pour un montant total de 598 millions d’euros prévu en 2025.
Depuis la LFI 2023, grâce à l’impulsion parlementaire, la demi-part fiscale peut être attribuée au conjoint survivant à partir de 74 ans quel que soit l’âge du décès du conjoint titulaire de la carte du combattant. Il s’agissait d’une demande récurrente de la part des associations du monde combattant qui permet de revenir sur une injustice fiscale qui venait s’ajouter à la douleur causée par la perte du conjoint. En 2024, le nombre de ménages bénéficiaires s’élevait à 816 012 pour une dépense fiscale réalisée de 481 millions d’euros.
Quatre autres dispositifs participent à cet effort fiscal. Ces dispositifs ont été créés au profit des anciens combattants au titre du droit à réparation pour services rendus à la Nation. Il serait donc indécent d’y revenir, d’autant plus que les pensions versées par ailleurs ont des niveaux plutôt modestes. À noter que l’exonération des indemnités versées aux victimes des essais nucléaires français, anciennement rattachée au programme 169, est rattachée depuis 2022 au programme 129 de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».
DÉpenses fiscales sur impÔts d’État rattachÉes au programme 169
(en millions d’euros)
Libellé |
Chiffrage pour 2023 |
Chiffrage pour 2024 |
Chiffrage pour 2025 |
Demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 74 ans titulaires de la carte du combattant et pour les conjoints survivants de plus de 74 ans des personnes ayant bénéficié de la retraite du combattant au moment de leur décès |
488 |
481 |
481 |
Exonération des pensions servies en vertu des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, de la retraite du combattant, des retraites mutuelles servies aux anciens combattants et aux victimes de guerre, de certaines allocations servies aux anciens harkis et assimilées ou à leurs ayant droits et de certaines prestations versées aux orphelins de guerre |
93 |
92 |
90 |
Déduction des versements effectués en vue de la retraite mutualiste du combattant |
23 |
27 |
27 |
Réduction de droits en raison de la qualité du donataire ou de l’héritier |
Non significatif (<0,50 M€) |
Non significatif (<0,50 M€) |
Non significatif (<0,50 M€) |
Exonération de droits de mutation pour les successions des victimes d’opérations militaires ou d’actes de terrorisme |
Non chiffrable |
Non chiffrable |
Non chiffrable |
Coût total des dépenses fiscales |
604 |
600 |
598 |
Source : PAP 2025.
En accord avec la recommandation effectuée par Mme Valérie Bazin‑Malgras dans le cadre du précédent avis budgétaire, votre rapporteur souhaite revenir sur la question des reçus fiscaux, portée en audition par les membres des associations d’anciens combattants. Toutes les associations d’anciens combattants dites du « G12 » n’étant pas reconnues d’intérêt général par l’État, les dons ou cotisations ne sont donc pas systématiquement déductibles des impôts du contribuable. En effet, pour ouvrir droit à la réduction d'impôts, les versements effectués dans le cadre du mécénat doivent l'être au profit d'organismes d'intérêt général. Autrement dit, l'activité de ces organismes doit être non lucrative et ne pas profiter à un cercle restreint de personnes. L’article 19 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 impose ensuite aux organismes bénéficiaires de dons des particuliers ou des entreprises de déclarer les dons au titre desquels ils ont émis des reçus fiscaux indiquant aux contribuables qu’ils sont en droit de bénéficier des réductions d’impôt prévues par le régime de faveur du mécénat. Comme l’année dernière, votre rapporteur plaide en faveur d’une attribution du statut d’association d’intérêt public à ces associations d’anciens combattants, afin de maintenir le niveau de mobilisation citoyenne nécessaire à leur pérennisation. Il considère en effet que les actions de ces associations dépassent la seule défense des intérêts des anciens combattants mais contribuent également au travail de mémoire et au renforcement des forces morales de la Nation.
II. Le programme 158 « Indemnisation des victimes des persÉcutions antisÉmites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale »
Placé sous la responsabilité du Premier ministre, le programme 158 assure le financement de dispositifs d’indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie commis durant la Seconde Guerre mondiale. Trois dispositifs ont été institués en ce sens par le pouvoir réglementaire :
– le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 a créé un dispositif d’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait de législations antisémites. Si l’activité de la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) connaît un net ralentissement, de nouvelles demandes continuent néanmoins à être enregistrées et s’ajoutent aux dossiers encore à l’instruction. Ce dispositif est répertorié à l’action 01 ;
– le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 a créé un dispositif d’indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. L’activité demeure stable, et l’on constate un net ralentissement du dépôt de nouveaux dossiers. Ce dispositif est répertorié à l’action 01 ;
– le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 a créé un dispositif d’indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie. L’activité demeure soutenue, et les services enregistrent encore de nouvelles demandes. Ce dispositif est répertorié à l’action 02.
L’instruction des dossiers est réalisée par la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) pour les spoliations, et pour l’aide aux orphelins par le département reconnaissance et réparation de l’ONaCVG, situé à Caen. Les décisions accordant ou refusant des mesures de réparation financière sont prises par le Premier ministre, tandis que la mise en paiement est confiée à l’ONaCVG par les trois décrets.
En 2025, le programme 158 connaît une diminution de ses crédits, à hauteur de 3,16 %, le portant ainsi à un montant de 85,4 millions d’euros contre 88,1 millions d’euros en LFI 2024. Cette baisse est principalement tirée par l’évolution négative de la sous action 01-02 « Indemnisation des victimes d’actes antisémites » (-5,91 %), en lien avec la diminution prévisionnelle du nombre de crédirentiers prévue par l’ONaCVG (150 disparitions en 2025).
Évolution des crÉdits du programme 158 de 2023 à 2025
(en euros)
Mission |
LFI 2023 |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
||
« Anciens combattants » |
AE=CP |
AE=CP |
AE=CP |
||
P 158 |
Action 1 |
Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation |
42 659 381 |
40 092 802 |
38 782 839 |
Sous action 1 |
Indemnisation des victimes de spoliations |
11 775 745 |
10 800 846 |
11 223 071 |
|
Sous action 2 |
Indemnisation des victimes d’actes antisémites |
30 883 636 |
29 291 956 |
27 559 768 |
|
Action 2 |
Indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale |
48 891 720 |
48 048 033 |
46 571 220 |
|
Total P158 |
91 551 101 |
88 140 835 |
85 354 059 |
Source : PAP 2025.
A. L’indemnisation des orphelins de la dÉportation et des victimes de spoliations
1. L’indemnisation des orphelins
Le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 a institué une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. Ce dispositif s’adresse à toute personne, mineure de moins de 21 ans au moment des faits, dont le père ou la mère, déporté de France en raison des persécutions antisémites, est décédé ou a disparu en déportation.
Pour ces orphelins, cette mesure de réparation prend la forme, au choix du bénéficiaire, d’un capital au montant fixe de 27 440,82 euros ou d’une rente viagère mensuelle dont le montant mensuel, qui s’élève à 678,94 € en 2024, est revalorisé chaque année de 2,5 % depuis 2009 (695,91 € en 2025).
Les crédits demandés pour financer les dépenses d’intervention (titre 6) sont en baisse (- 1,73 million d’euros), passant de 29,24 millions d’euros en LFI 2024 à 27,51 millions d’euros en PLF 2025, en lien avec la diminution prévisionnelle du nombre de crédirentiers prévue par l’ONaCVG (150 disparitions en 2025).
D’octobre 2000, début de la campagne d’indemnisation, au 30 juin 2024, le service instructeur de l’ONaCVG à Caen déclare avoir enregistré 17 907 demandes. Il en résulte que 14 367 décisions ont été transmises aux services du Premier ministre, 13 664 décisions d’indemnisation ont été prises et 703 rejets ont été notifiés. Selon les vœux des bénéficiaires, sur les 13 664 indemnisations accordées, 6 661 l’ont été sous forme de capital (49 %) et 7 003 sous forme de rente viagère (51 %).
Évolution de l’indemnisation des orphelins de parents victimes de persÉcutions antisÉmites
Année |
Nombre de |
Nombre de bénéficiaires |
Coût complet en M€ |
2000 |
13 173 |
4 000 |
24,9 |
2001 |
2 592 |
7 800 |
163,4 |
2002 |
1 059 |
845 |
50,7 |
2003 |
274 |
256 |
44,8 |
2004 |
195 |
201 |
39,8 |
2005 |
122 |
125 |
37,8 |
2006 |
109 |
112 |
38,4 |
2007 |
45 |
55 |
36,9 |
2008 |
38 |
18 |
35,7 |
2009 |
39 |
35 |
36,1 |
2010 |
54 |
28 |
36,3 |
2011 |
23 |
49 |
37,2 |
2012 |
31 |
22 |
36,5 |
2013 |
22 |
25 |
36,7 |
2014 |
22 |
10 |
36,4 |
2015 |
35 |
25 |
36,6 |
2016 |
27 |
22 |
36,2 |
2017 |
11 |
8 |
35,5 |
2018 |
11 |
9 |
35,02 |
2019 |
6 |
3 |
34,34 |
2020 |
8 |
6 |
32,93 |
2021 |
7 |
4 |
31,42 |
2022 |
1 |
3 |
30,16 |
2023 |
3 |
2 |
27,25 |
2024 (au 30/06/2024) |
0 |
1 |
13,40 |
Total au 30/06/2024 |
17 907 |
13 664 |
1 004,56 |
Source : services du Premier ministre.
Le coût total des aides financières accordées aux orphelins de parents victimes de persécutions antisémites s’élève, au 30 juin 2024, à 1 004,56 millions d’euros.
Par ailleurs, un accord a été signé à Washington, le 8 décembre 2014, entre les gouvernements des États-Unis et de la France pour assurer l’indemnisation de certaines victimes de la Shoah, déportées depuis la France, mais non couvertes par les programmes français d’indemnisation. En exécution de cet accord, 60 millions d’euros ont été transférés, en novembre 2015, à partir des crédits ouverts sur le programme 158 par le décret n° 2015-1347 du 23 octobre 2015 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance. Le coût total du dispositif s’élève donc au 30 juin 2024 à 1 064,56 millions d’euros.
La quasi-totalité des dossiers a d’ores et déjà été traitée et la direction des missions de l’ONaCVG, chargée d’instruire les demandes reçues au titre du décret du 13 juillet 2000, enregistre un nombre restreint de nouvelles demandes. Ces dernières se sont élevées au nombre de 7 en 2021, 1 en 2022 et 3 en 2023.
Pour cette raison, la prévision 2025 porte sur 27,43 millions d’euros en AE et 27,48 millions d’euros en CP, soit 27,29 millions d’euros en AE et 27,34 et CP au titre de l’arrérage annuel destiné aux 3 422 crédirentiers attendus sur l’exercice, 10 000 euros au titre des décisions nouvelles attendues sur l’exercice versés sous forme de rente et 130 000 euros au titre des décisions nouvelles attendues versées sous forme de capital.
2. L’indemnisation des victimes de spoliations
Pour rappel, à la suite de la remise du rapport Mattéoli au Premier ministre en 1998, le décret du 10 septembre 1999 a institué auprès de ce dernier une commission d’indemnisation des victimes de spoliations, chargée « de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d’indemnisation appropriées ». Cette commission propose au Premier ministre les mesures de réparation, de restitution ou d’indemnisation pour des préjudices consécutifs aux spoliations de biens.
Les indemnités accordées peuvent être mises à la charge de l’État français ou, en application des accords de Washington du 21 mars 2001, imputées sur les fonds du Fonds social juif unifié lorsqu’il s’agit d’indemniser des avoirs bancaires.
Depuis octobre 2000, début de la campagne d’indemnisation, et jusqu’au 30 août 2024, 25 040 dossiers ont été transmis aux services du Premier ministre, dont 22 972 dossiers ont proposé une indemnisation mise à la charge de l’État français (92 %) et 1 996 dossiers ont porté rejet ou désistement (8 %). Au 30 août 2024, 22 923 recommandations ont été traitées par le Premier ministre et concernent, compte tenu des partages successoraux, 50 427 bénéficiaires qui ont perçu des indemnités uniquement sous la forme d’un capital.
Évolution de l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des lÉgislations antisÉmites en vigueur pendant l’Occupation
Année |
Nombre de recommandations traitées |
Nombre de bénéficiaires indemnisés |
Coût complet en M€ |
2000/2001 |
726 |
1 576 |
16,19 |
2002 |
1 883 |
4 353 |
40,17 |
2003 |
2 117 |
4 719 |
53,18 |
2004 |
1 970 |
4 465 |
46,21 |
2005 |
2 381 |
5 290 |
44,04 |
2006 |
2 560 |
5 345 |
57,4 |
2007 |
2 712 |
5 565 |
59,34 |
2008 |
1 872 |
4 119 |
51,26 |
2009 |
1 318 |
3 090 |
26,87 |
2010 |
939 |
2 104 |
14,65 |
2011 |
927 |
1 998 |
17,22 |
2012 |
974 |
2 119 |
11,7 |
2013 |
470 |
972 |
7,79 |
2014 |
333 |
728 |
7,46 |
2015 |
352 |
847 |
6,28 |
2016 |
231 |
512 |
4,7 |
2017 |
205 |
417 |
4,8 |
2018 |
184 |
443 |
8,21 |
2019 |
164 |
413 |
17,03 |
2020 |
131 |
309 |
4,32 |
2021 |
135 |
236 |
3,29 |
2022 |
171 |
413 |
2,64 |
2023 |
86 |
211 |
4,22 |
2024 (1er semestre) |
54 |
183 |
1,06 |
Total au 30/06/2024 |
22 895 |
50 427 |
510,03 |
Source : services du Premier ministre.
Le coût total des aides financières accordées aux victimes de spoliations s’élève au 30 juin 2024 à 510,03 millions d’euros.
L’activité de la commission d’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), chargée d’instruire les demandes d’indemnisation déposées par les victimes de spoliations ou leurs ayants droit, se poursuit avec de nouvelles requêtes enregistrées chaque mois, chaque requête pouvant donner lieu à l'ouverture de plusieurs dossiers (requêtes matérielles, bancaires ou mixtes), mis à la charge de la France ou du FSJU. Pour mémoire, la CIVS a enregistré mensuellement 7 nouveaux dossiers en 2020, 10 en 2021, 4 en 2022, 5 en 2023 et 7 au 31 mai 2024. La prévision pour 2025 porte sur 9,3 millions d’euros, en augmentation de 0,3 million d’euros pour les nouveaux dossiers attendus au coût moyen de 19 000 euros. Ce coût moyen prévisionnel est calculé sur les indemnités précédemment allouées, ainsi que sur les coûts prévisionnels des dossiers à forts enjeux financiers.
Toutefois, ce coût moyen traduit mal la grande diversité des patrimoines spoliés et donc, les disparités considérables entre les indemnités accordées. Il est par ailleurs difficile de déterminer la date à laquelle doit arriver à terme l’instruction de dossiers concernant des patrimoines importants, toujours pendante à la CIVS. De même, il est difficile d’évaluer la date à laquelle les parts réservées vont être levées par les bénéficiaires.
3. Bilan d’activité de la CIVS
La commission pour la restitution des biens et l’indemnisation des victimes de spoliations antisémites (CIVS), instituée par le décret n° 2024-11 du 5 janvier 2024, a notamment repris les activités de la commission instituée par le décret abrogé du 10 septembre 1999 instituant une commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation.
La CIVS examine les demandes individuelles présentées par les victimes ou par leurs ayants droit pour la réparation des préjudices consécutifs aux spoliations antisémites survenues en France entre 1940 et 1944. Depuis le 1er février 2024, elle examine aussi, sur son initiative ou sur la demande de la personne concernée, les cas de spoliations antisémites de biens culturels commises entre 1933 et 1945 dans un pays influencé par l’Allemagne nazie, lorsque le bien culturel se trouve aujourd’hui en France dans des collections publiques ou assimilées. La CIVS propose au Premier ministre les mesures appropriées de réparation, de restitution ou d’indemnisation.
Les indemnités accordées sur avis de la CIVS peuvent être mises à la charge de l’État français ou, en application de l’accord de Washington passé le 18 janvier 2001 entre le gouvernement des États-Unis et celui de la France, imputées sur des fonds alimentés par les établissements financiers lorsqu’il s’agit d’indemniser des spoliations d’avoir bancaires.
La CIVS est désormais chargée de trois missions distinctes :
– recommander les mesures de réparation des spoliations antisémites matérielles et bancaires intervenues en France entre 1940 et 1944, exclusivement sur la saisine des ayants droit ;
– recommander les mesures de réparation des spoliations antisémites de biens culturels intervenues en France entre 1940 et 1944, sur la saisine de toute personne concernée ou par autosaisine ;
– recommander la restitution de biens culturels spoliés dans le contexte des persécutions antisémites nazies, y compris hors de France, entre 1933 et 1945, lorsque ces biens sont conservés dans une collection publique ou assimilée.
a. Le bilan d’activité du dispositif d’indemnisation des victimes de spoliations matérielles et bancaires depuis le début des travaux de la CIVS
● Depuis le début de ses travaux jusqu’au 31 juillet 2024, la Commission a enregistré 30 127 dossiers : 19 919 concernent des spoliations matérielles, 10 072 des spoliations bancaires, et 136 des spoliations de biens culturels spoliés.
En 2023, 85 nouveaux dossiers ont été enregistrés : 54 dossiers matériels, 19 dossiers bancaires et 12 dossiers de biens culturels spoliés. Au 31 juillet 2024, 331 dossiers étaient en cours de traitement à la CIVS (174 dossiers concernant des spoliations matérielles, 85 dossiers concernant des spoliations bancaires et 72 dossiers concernant spécifiquement des spoliations de biens culturels).
Les avis émis par la CIVS sont adoptés par le collège délibérant réuni en séance, ou émis selon la procédure du président statuant seul. Depuis le début de ses travaux en 1999 jusqu’au 31 juillet 2024, la CIVS a émis 36 474 avis.
Durant l’année 2023, le collège délibérant a examiné 48 dossiers, et 37 dossiers ont été examinés selon la procédure du président statuant seul. 114 avis ont été émis en 2023, dont 38 avis portent sur des spoliations matérielles, 17 avis sur des spoliations bancaires et 13 avis spécifiquement sur des spoliations de biens culturels.
● Le montant total des indemnisations recommandées par la Commission depuis le début de ses travaux jusqu’au 31 juillet 2024, s’élève à 550,7 millions d’euros mis à la charge de l’État, dont 540,0 millions d’euros portaient sur des spoliations matérielles et 10,7 millions d’euros portaient sur des spoliations d’avoirs bancaires.
L’instruction des dossiers révèle régulièrement l’existence d’autres ayants droit qui ne sont pas associés à la requête, soit parce qu’ils n’ont pas souhaité donner pouvoir de représentation aux requérants initiaux soit parce que leurs identités et adresses postales sont inconnues. Le collège délibérant est donc tenu de réserver les parts d’indemnité qui reviennent à ces héritiers, à charge pour les bénéficiaires de se manifester par écrit auprès de la Commission afin de demander la levée de la réserve émise sur leur part indemnitaire en justifiant de leur identité et de leur qualité d’ayants droit. Les parts réservées dont la levée n’a pas été demandée sont conservées sans limitation de durée et dans l’attente que les ayants droit concernés se manifestent.
Depuis 2016, et dans un souci de bonne gestion publique, et rejoignant en cela les préconisations de la Cour des comptes qui relevait dès 2011 l’enjeu financier constitué par les parts réservées, la CIVS a décidé de développer la recherche des ayants droit afin de rendre effectif le versement des indemnités réservées. Ces mesures poursuivent deux finalités :
– limiter la création de nouvelles parts réservées en recherchant les ayants droit dès l’ouverture du dossier et jusqu’au terme de l’instruction ;
– lever les parts réservées en recherchant les ayants droit des dossiers ayant déjà fait l’objet de recommandations d’indemnisation.
b. Les biens culturels spoliés
● En 2018, la France a décidé de modifier son organisation publique pour renforcer la mission de restitution des biens culturels spoliés du fait du national-socialisme. Dans cette nouvelle configuration, une procédure spécifique de recherche des propriétaires ou de leurs héritiers est mise en place en vue de restituer, ou à défaut d’indemniser les biens culturels ayant été spoliés pendant l’Occupation, notamment ceux conservés par les institutions publiques.
Le dispositif instaure par principe les étapes suivantes :
– ouverture d’un dossier par la CIVS sur autosaisine, ou sur saisine d’un requérant ou à la demande de toute personne concernée, soit directement auprès de la CIVS, soit indirectement, par l’intermédiaire de la Mission ;
– instruction du cas de spoliation par la Mission ;
– proposition de restitution ou d’indemnisation par les membres du collège délibérant de la CIVS, siégeant en commission élargie à plusieurs personnalités qualifiées, afin de renforcer son expertise en la matière (les personnalités qualifiées ont été nommées par décret du 6 mai 2019, et pour trois ans supplémentaires par décret du 8 avril 2022) ;
– décision de restitution ou d’indemnisation par le Premier ministre.
Depuis le 1er février 2024 ([6]), la CIVS a vu ses missions s’étendre. Elle examine aussi, sur son initiative ou sur la demande de la personne concernée, les cas de spoliations antisémites de biens culturels commises entre 1933 et 1945 dans un pays influencé par l’Allemagne nazie, lorsque le bien culturel se trouve aujourd’hui en France dans des collections publiques ou assimilées. La CIVS propose au Premier ministre les mesures appropriées de réparation, de restitution ou d’indemnisation. Aussi, la CIVS, qui n’était compétente que pour les spoliations intervenues en France pendant l’Occupation, sera désormais conduite à examiner le cas de spoliations commises hors de France, ou commises avant la guerre. Les recherches entreprises pour documenter ces spoliations devront donc être étayées par des fonds d’archives étrangers. Il s’agit de constituer de nouveaux partenariats avec des acteurs français et étrangers de la recherche en archives, afin de pouvoir se prononcer sur l’existence de la spoliation et ses circonstances. Pour mettre en œuvre ces nouvelles missions, les effectifs de la CIVS ont été augmentés d’un ETP en 2024. L’impact sur les dépenses de personnel du programme 158 (titre 2) est de 0,1 million d’euros.
Avant la réforme de la politique de restitution des biens culturels spoliés mise en œuvre en 2019, la CIVS avait recommandé la restitution de 14 biens culturels. Depuis, la CIVS a recommandé la restitution de 84 biens culturels. Au 31 juillet 2024, la CIVS comptait parmi les dossiers en cours d’examen 72 dossiers portant spécifiquement sur des spoliations culturelles. Parmi ces 72 dossiers, 13 dossiers faisaient figurer une demande de restitution. Parmi ceux-ci, 5 dossiers faisaient apparaître des biens se trouvant dans les collections publiques ou assimilées et relevaient donc de l’application de la loi n° 2023-650 du 22 juillet 2023.
B. L’indemnisation des victimes d’actes de barbarie
L’action 2 du programme 158 couvre les dépenses relatives à l’indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale. Ce dispositif, institué par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004, prend la forme d’une aide financière versée en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins de déportés résistants et politiques morts en déportation, les orphelins de personnes arrêtées et exécutées dans les conditions définies aux articles L. 342-1 et L. 343-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, ainsi qu’aux personnes dont le père ou la mère a été déporté à partir du territoire national, durant l’Occupation et dans des conditions mentionnées aux articles L. 342-3 et L. 343-5 du même code.
Entre août 2004, qui marque le début de la campagne d’indemnisation et le 30 juin 2024, 34 799 demandes ont été enregistrées par le service instructeur de l’ONaCVG à Caen, ce chiffre incluant une reprise statistique, avec le département « Reconnaissance et réparation », de dossiers classés sans suite, désormais comptabilisés dans le total. Il en résulte que 27 199 décisions ont été transmises, 22 810 décisions d’indemnisation ont été prises et 4 389 rejets ont été notifiés.
Les bénéficiaires ont le choix entre un capital au montant fixe de 27 440,82 € ou une rente viagère dont le montant mensuel s’élève à 678,93 € en 2024. Selon les vœux des bénéficiaires, sur les 22 810 indemnisations accordées, 13 946 l’ont été sous forme de capital (61 %) et 8 864 sous forme de rente viagère (39 %).
Les montants demandés sont en légère diminution par rapport aux crédits fixés en loi de finances initiale pour 2024 : 47,96 millions d’euros, contre 46,49 millions d’euros en 2025. Le nombre de crédirentiers attendus et de décisions nouvelles diminuent. Néanmoins, de nouvelles demandes continuent d’être déposées. En parallèle, le montant des rentes est revalorisé de 2,5 % chaque année depuis le 1er janvier 2009 conformément au décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 modifié. Le montant de la rente mensuelle pour l’année 2025 s’élèvera ainsi à 695,91 € (pour mémoire l’indemnité était de 662,38 € et en 2023, 678,94 € en 2024), pour un coût d’arrérage annuel s’élevant à 8 350,92 € par crédirentier.
Évolution de l’indemnisation des orphelins dont les parents ont ÉtÉ victimes d’actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale
|
Nombre de demandes reçues |
Nombre de bénéficiaires indemnisés |
Coût complet (en millions d’euros) |
2004 |
20 606 |
1 999 |
|
2005 |
4 184 |
12 000 |
207,481 |
2006 |
2 229 |
4 736 |
190,561 |
2007 |
2 055 |
1 231 |
61,686 |
2008 |
1 095 |
496 |
56,653 |
2009 |
1 226 |
926 |
65,168 |
2010 |
812 |
507 |
55,839 |
2011 |
636 |
277 |
55,4 |
2012 |
462 |
150 |
53,734 |
2013 |
292 |
93 |
50,992 |
2014 |
348 |
54 |
51,27 |
2015 |
192 |
104 |
52,131 |
2016 |
207 |
58 |
51,616 |
2017 |
166 |
52 |
51,48 |
2018 |
139 |
32 |
50,862 |
2019 |
59 |
39 |
51,234 |
2020 |
35 |
24 |
49,899 |
2021 |
22 |
12 |
48,468 |
2022 |
12 |
4 |
47,674 |
2023 |
16 |
15 |
45,71 |
2024 (1er semestre) |
6 |
1 |
27,44 |
Total au 30/06/24 |
34 799 |
22 810 |
1 325,30 |
Source : services du Premier ministre.
Le coût total des aides financières accordées aux orphelins de parents victimes d’actes de barbarie s’élève, au 30 juin 2024, à 1 325,30 millions d’euros.
Il convient par ailleurs de noter que l’ONaCVG, chargé d’instruire les requêtes en la matière, a vu une forte diminution des nouvelles demandes depuis l’année 2020. Ces nouvelles demandes s’élevaient au nombre de 22 en 2021, 12 en 2022 et 16 en 2023.
Sur la base des dépenses prévues au titre de l’arrérage annuel destiné aux 5 702 crédirentiers vivants au 31 décembre 2023, ainsi qu’aux décisions nouvelles versées sous forme de rente et de capital attendues sur l’exercice, l’exécution 2024 devrait être de l’ordre de 46,07 millions d’euros en AE et 46,16 millions d’euros en CP.
Seconde partie :
LA REFONTE DE LA JOURNée défense et citoyenneté
Alors que le projet de budget pour 2025 propose une augmentation importante des moyens en faveur d’une journée défense et citoyenneté (JDC) « nouvelle génération », votre rapporteur a souhaité consacrer la partie thématique de son avis budgétaire à l’évaluation de ce projet et plus largement à la cohérence d’ensemble des dispositifs d’engagement dédiés à la jeunesse.
Votre rapporteur fait le constat, d’une part, de l’existence d’un profond désir d’engagement de la jeunesse, objectivé par plusieurs études ([7]) sur le renouvellement de l’engagement, et de l’autre, de la persistance des difficultés de recrutement rencontrées par les armées et du sentiment diffus que le monde de la défense et la diversité de ses métiers demeurent méconnus, voire qu’un fossé pourrait se créer entre la jeunesse et les armées depuis la fin du service national obligatoire.
Aujourd’hui, aucun dispositif ne semble répondre véritablement à la fois aux attentes de la jeunesse et des armées. Dans ce contexte, la journée défense et citoyenneté constitue un objet d’étude intéressant, puisqu’elle constitue le seul dispositif obligatoire permettant de s’adresser à l’ensemble d’une classe d’âge, soit près de 800 000 jeunes chaque année.
La JDC, ancienne Journée d’appel de préparation à la défense, a connu de nombreux projets de modernisation successifs sans rencontrer un franc succès. Trop peu centrée sur les enjeux de défense, elle doit pouvoir évoluer pour devenir un véritable « rite de passage républicain », utile pour les jeunes comme pour les armées.
Si le projet de JDC « nouvelle génération » semble aller dans le bon sens, votre rapporteur s’emploie dans son avis à dresser plusieurs axes d’amélioration, visant notamment à garantir le caractère véritablement universel de la JDC, à accompagner la refonte de la JDC d’une modernisation du recensement, à garantir l’égalité territoriale du dispositif et, enfin, à augmenter la lisibilité d’ensemble des dispositifs jeunesse du ministère.
I. Si la journée défense et citoyenneté constitue la « clé de voûte » de la politique jeunesse du ministère des Armées, elle peine actuellement à remplir ses objectifs
A. la journée défense et citoyenneté demeure le seul dispositif obligatoire à concerner l’ensemble d’une classe d’âge et constitue à ce titre l’élément central du parcours de citoyenneté
Dispositif obligatoire et universel, unique en Europe, la JDC concerne la quasi-totalité d’une classe d’âge.
Obligatoire pour les jeunes entre la date de recensement et l’âge de 25 ans, la JDC constitue la dernière étape du parcours de citoyenneté, qualifiée de « clé de voûte du service national » par le ministère des Armées. La JDC revêt deux missions principales, d’une part, la sensibilisation à l’esprit de défense et, d’autre part, la détection des jeunes en situation d’illettrisme et de décrochage scolaire.
1. De la fin de la conscription obligatoire à la création de la journée défense et citoyenneté, censée incarner le lien entre les armées et la jeunesse
● La JDC dénommée jusqu’en janvier 2011 « Journée d’appel de préparation à la défense » (JAPD) a été créée en 1997.
La réforme fait suite à la suspension du service militaire obligatoire et la transition vers une armée de métier dans l’objectif de maintenir un lien, bien que plus distendu, entre les armées et la jeunesse. Ses missions sont définies à l’article L. 111-2 du code du service national, « La journée défense et citoyenneté a pour objet de conforter l'esprit de défense et de concourir à l'affirmation du sentiment d'appartenance à la communauté nationale, ainsi qu'au maintien du lien entre l'armée et la jeunesse ».
● La JDC s’inscrit dans le cadre du parcours de citoyenneté. Depuis la suspension de l’obligation de service national en 1997, le code de la Défense prévoit en effet pour tous les jeunes Français un parcours de citoyenneté en trois étapes obligatoires. La première étape de ce parcours est l’enseignement de la défense en classe de troisième ainsi qu’en classe de première dans le cadre des cours d’éducation civique, juridique et sociale, inscrit dans le code de l’éducation, qui comprend l’éducation civique et l’enseignement des principes et organisation de la défense. La deuxième étape est le recensement obligatoire à 16 ans. La journée défense citoyenneté (JDC) constitue la troisième étape de ce parcours.
La JAPD devient la JDC en 2011 afin de refléter un changement de contenu et d'objectifs. Le but recherché était d'élargir les thèmes abordés pour mieux sensibiliser les jeunes aux enjeux de citoyenneté, de sécurité nationale, et d'engagement civique. La JDC inclut désormais des modules sur la sécurité routière et la lutte contre les violences sexistes, sexuelles et les discriminations, ajoutés à partir de 2016 pour renforcer l'éducation citoyenne des jeunes. L’article 114-3 du code du service national liste les informations dispensées lors de la JDC.
L’article 114-3 du code du service national :
« Lors de la journée défense et citoyenneté, les Français reçoivent un enseignement adapté à leur niveau de formation et respectueux de l'égalité entre les sexes, qui permet de présenter les enjeux et les objectifs généraux de la défense nationale et du modèle français de sécurité civile, les moyens civils et militaires de la défense et leur organisation, le service civique et les autres formes de volontariat ainsi que les périodes militaires d'initiation ou de perfectionnement à la défense nationale et les possibilités d'engagement dans les forces armées et les forces de réserve ou en qualité de sapeur-pompier volontaire. Ils sont sensibilisés aux droits et devoirs liés à la citoyenneté et aux enjeux du renforcement de la cohésion nationale et de la mixité sociale. La charte des droits et devoirs du citoyen français mentionnée à l'article 21-24 du code civil leur est remise à cette occasion. Ils bénéficient également d'une sensibilisation à la sécurité routière.
À cette occasion sont organisés des tests d'évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française. Il est délivré une information générale sur le don de sang, de plaquettes, de moelle osseuse, de gamètes et sur le don d'organes à fins de greffe. S'agissant du don d'organes, une information spécifique est dispensée sur la législation en vigueur, sur le consentement présumé et sur la possibilité pour une personne d'inscrire son refus sur le registre national automatisé prévu à l'article L. 1232-1 du code de la santé publique. Par ailleurs, une information est dispensée sur la prévention des conduites à risque pour la santé, notamment celles susceptibles de causer des addictions et des troubles de l'audition.
Une information consacrée à l'égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences physiques, psychologiques ou sexuelles commises au sein du couple est dispensée. »
Source : Légifrance.
2. De nombreuses évolutions successives donnant l’impression d’un sentiment d’inachevé
Le contenu et le format de la JDC ont connu plusieurs évolutions successives, tant d’ordre structurel, que conjoncturel, liées en particulier à la crise sanitaire. Aussi, l’article L. 114-3 du code du service national précité a-t-il connu pas moins de douze modifications successives depuis 1997.
Votre rapporteur estime que l’instabilité chronique du dispositif, déjà profondément affecté par la crise sanitaire, n’est pas de nature à susciter l’intérêt des jeunes pour une journée faisant l’objet d’évolutions quasi systématiques depuis 2017, engendrant une forme de confusion sur la raison d’être du dispositif.
● D’une part, la JDC a fait l’objet de plusieurs modernisations. Depuis 2017, la JDC a connu plusieurs évolutions visant à adapter les messages adressés aux jeunes. Les principales évolutions sont l’introduction de la notion de « modèle français » et une présentation systématique du thème de la laïcité. Toutefois, selon les informations fournies à votre rapporteur, en fonction des orientations définies, les centres du service national et de la jeunesse peuvent aménager ce programme lors de certaines sessions, en réalisant des JDC thématiques, faisant intervenir des partenaires sur des thèmes spécifiques tels que : le recrutement, le devoir de mémoire, l’égalité hommes-femmes ou le handicap.
De plus, en 2018, le site internet « majdc.fr » a permis d’amorcer la dématérialisation partielle des relations entre les jeunes et les intervenants à travers la mise en place d’un espace ouvert à cinq types d’usagers : jeunes, communes, partenaires ministériels et interministériels, animateurs issus des armées et de la gendarmerie, agents de la Direction du service national et de la jeunesse (DSNJ). Chacun, selon son profil, peut consulter et renseigner des informations, dialoguer avec les services de la DSNJ, éditer ou télécharger des documents et, par exemple, procéder au téléchargement de la convocation individuelle.
● D’autre part, la JDC a connu des évolutions conjoncturelles liées en particulier à la crise sanitaire de la Covid 19. Ainsi, après une suspension de mars à septembre 2020, une JDC en ligne a été développée dans l’urgence et déployée de novembre 2020 à mai 2021. Cette solution palliative a permis de maintenir la continuité du service au détriment néanmoins de l’absence de contacts directs entre les jeunes et le personnel du ministère des Armées. Selon la DSNJ, cette évolution s’est traduite par une baisse de l’intérêt des appelés, des difficultés d’accompagnement des jeunes en difficultés et l’impossibilité de réaliser des tests d’évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française. Le format en présentiel a en conséquence été rétabli dès juin 2021, sur une demi-journée. Ce format a été recentré sur les modules ayant trait à la défense et sur son rôle social, mais également autour des tests d’évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française et les entretiens individuels avec les décrocheurs scolaires. Ce format « dégradé » dit de JDC « adaptée » a été maintenu jusqu’en septembre 2022, date du retour à la journée complète.
● Enfin, au sortir de la crise sanitaire, une modernisation du contenu et des méthodes pédagogiques a été mise en œuvre en 2022 dans l’objectif de stimuler l’attention du jeune public, générer plus d’échanges avec les animateurs militaires et renforcer l’impact des messages recentrés sur la défense. La JDC est alors recentrée sur les problématiques de défense et la promotion de l’engagement, dans un format resserré de 7 h 00. Par ailleurs, depuis 2023, grâce à des dispositifs en ligne, les jeunes sont invités à consulter des informations complémentaires « jeunesse citoyenne », « dons » et « sécurité routière » relevant d’autres ministères, accessibles par QR code, inscrits sur l’ordre de convocation individuel, ainsi que sur les diapositives et affiches présentées lors de la journée.
3. Dispositif obligatoire et universel, unique en Europe, la JDC concerne la quasi-totalité d’une classe d’âge sous le statut d’appelé du service national
● Il ressort des auditions menées par votre rapporteur que le caractère universel de la JDC constitue un avantage certain et doit impérativement être préservé.
● En premier lieu, la JDC constitue l’unique occasion d’opérer une « photographie » d’une classe d’âge, ce qui permet notamment aujourd’hui de détecter les jeunes en difficulté ou en décrochage scolaire.
En effet, la JDC concerne 800 000 jeunes chaque année sous le statut d’appelés. Les Français qui participent à la journée défense et citoyenneté n’ont pas le statut militaire - le code de la défense ne leur est pas applicable - mais, en tant qu’appelés, ils sont placés sous la responsabilité de l'État pendant toute la durée de la session et sont soumis aux dispositions des articles R.* 112-1 à R.* 112-17 du code du service national, ainsi qu’à un règlement intérieur. Interrogée à ce sujet par votre rapporteur, la DSNJ a indiqué que peu d’incidents étaient recensés, les jeunes se conformant dans la grande majorité aux règles et obligations mises en place dans le cadre de la journée. Les personnes interrogées ont également fait part à votre rapporteur du sentiment d’unité permis par l’application des règles liées à la laïcité : les jeunes d’horizons différents, ne se connaissant pas, sont ainsi mis sur un même pied d’égalité face à leurs droits et devoirs en tant que citoyens français.
Volume de jeunes ayant réalisé leur JDC depuis 2018
Source : Direction du service national et de la jeunesse, octobre 2024.
Taux de jeunes en règle avec la JDC, par classe d’âge*
Source : Direction du service national et de la jeunesse, octobre 2024.
*Par année de naissance : jeunes ayant effectué leur JDC, exemptés ou décédés. Les données relatives aux années de naissance allant de 1999 à 2005 sont provisoires en raison de la non atteinte de l’âge de 25 ans pour les jeunes figurant dans ces classes d’âge.
La JDC permet de notamment de détecter les jeunes en difficulté ou en décrochage scolaire. Bien qu’il ne s’agisse pas stricto sensu d’une mission des armées, la réalisation des tests d’évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française conçus par le ministère de l’Éducation nationale est actuellement obligatoire en vertu de l’article L.114-3 du code du service national précité. 794 000 jeunes Français, âgés de 16 à 18 ans, ont participé au test de lecture lors de la JDC en 2023. Parmi eux, 11,8 % d’entre eux rencontrent des difficultés dans le domaine de la lecture. La moitié (5 % de l’ensemble des jeunes) est considérée en situation d’illettrisme. Les tests permettent de se rendre compte des disparités notamment territoriales existantes et font se rencontrer « des jeunesses » aux caractéristiques très différentes. Ainsi, les performances en lecture progressent avec le niveau d’études. Les résultats sont globalement plus élevés chez les filles que chez les garçons. Les jeunes résidant dans les départements et régions d’Outre-mer sont particulièrement concernés par les difficultés de lecture. En Hexagone, c’est dans la moitié nord et dans les départements entourant l’Ile-de-France que les difficultés de lecture sont les plus fréquentes. ([8])
● Ensuite, la JDC dans son format actuel constitue une exception française qu’il convient de revaloriser.
Comme le rapportent M. Christophe Blanchet et Mme Etienne dans leur rapport portant sur le rôle de l’éducation et de la culture dans la défense nationale ([9]) « à l’étranger, la JDC est source d’inspiration. En Finlande, les autorités envisagent de mettre en œuvre une journée de la défense nationale pour tous les jeunes de 17 ans. La participation à cette journée aurait lieu avant l’envoi de la convocation aux jeunes hommes pour la conscription obligatoire à 18 ans. Cette journée serait a priori organisée au sein des lycées et permettrait d’acculturer davantage les jeunes au modèle de sécurité globale finlandais. Les interlocuteurs finlandais rencontrés ont tous été très intéressés par la JDC française. »
B. Malgré Le taux de satisfaction élevé des participants et l’engagement des personnels encadrants, la JDC apparaît aujourd’hui inadaptée tant par son contenu que son format
Force est de constater que la satisfaction des jeunes ayant participé à la JDC se situe à un niveau élevé, compris entre 80 et 90 % et ce, en raison notamment de l’implication des personnels encadrants et des unités militaires mobilisées. Pour autant, votre rapporteur considère, d’une part, que la séquence consacrée aux enjeux de défense demeure trop restreinte et, d’autre part, que les résultats en termes de recrutement sont limités au regard du temps et des ressources investies. Enfin, les données recueillies demeurent encore trop peu qualitatives.
1. Une séquence consacrée aux enjeux de défense trop restreinte
Il existe aujourd’hui un relatif consensus pour dénoncer le caractère « fourre-tout » de la JDC, au détriment de l’enseignement des enjeux de défense. Lors de son déplacement au 40ème régiment de transmissions de Thionville, votre rapporteur a en effet directement constaté la nécessité de réduire le nombre de messages adressés aux jeunes pour y consacrer davantage de temps.
La trop faible part consacrée aux enjeux de défense avait été mise en exergue par plusieurs travaux parlementaires. Ainsi, dans le rapport de la commission de la défense précité, les rapporteurs considéraient avec justesse que « les thèmes abordés, tous légitimes et nécessaires, excèdent cependant largement le périmètre de la défense nationale. (…) Sur une durée totale de sept heures, quatre heures seulement sont aujourd’hui consacrées strictement aux enjeux de défense. » Dans un avis sur le projet de loi de finances pour 2021 ([10]), le rapporteur du Sénat appelait déjà à une rénovation en profondeur du format de la JDC, arguant qu’elle devait « s’appuyer sur les acquis du parcours scolaire obligatoire des jeunes Français pour se recentrer sur l’esprit de défense. La journée défense et citoyenneté doit véritablement réunir tous les jeunes Français. La détection des jeunes en difficulté de lecture et des décrocheurs ne doit pas se limiter à alimenter un outil statistique mais permettre la mise en place d’un suivi personnalisé. »
Si la réforme de 2014 a permis un recentrage de la journée sur les messages de défense, elle semble néanmoins s’être arrêtée au « milieu du gué », comme le rappelait la Cour des Comptes en 2016 ([11]). Toujours selon la Cour, faire connaître la défense nationale aux jeunes reste une priorité parmi d’autres, « du fait des attentes, voire des tentations, multiples dont cette journée fait l’objet, pour diffuser des messages d’intérêt général, sans doute légitimes, mais sans rapport avec son objet premier ». « Enrichi » au fil du temps, le code du service national prévoit ainsi que la journée aborde de nombreux thèmes, tels que les droits et devoirs du citoyen, les enjeux de mixité sociale, et comporte une initiation aux premiers secours (remplacée à compter de 2016 par un module sur la sécurité routière), ainsi qu’un message sur les dons de sang, de moelle osseuse, de gamètes et d’organes. En outre, un test des apprentissages fondamentaux de la langue française est organisé. À cela s’ajoutent des tests ou enquêtes plus ponctuels (numératie, usage des drogues). Il en résulte que, non seulement les appelés manquent de temps pour assimiler les séquences sur la défense et approfondir leurs échanges avec les animateurs, mais aussi qu’ils peinent à absorber véritablement les autres messages. Pour parvenir à atteindre ces multiples objectifs, le dédoublement de la journée a donc été évoqué mais il se heurte à la contrainte budgétaire.
Source : Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.
2. Des résultats limités en termes de recrutement pour les armées
Alors que les personnels des unités militaires accueillantes sont mobilisés lors des sessions, après avoir suivi une formation pour enseigner les enjeux de défense, la « contrepartie » pour les unités n’est pas toujours évidente. En conséquence, la mission peut vite être perçue comme une contrainte, tandis que le temps militaire est compté.
● Actuellement, les jeunes peuvent manifester leur intérêt pour les métiers de la défense et inscrire leurs coordonnées pour être recontactés. La DSNJ met alors des fiches de liaison à disposition des armées, directions et services du ministère des Armées ou de la Gendarmerie nationale afin d’initier un premier contact dans l’éventualité d’un recrutement. Selon les informations fournies par la DSNJ, en 2023, près de 21 % des jeunes métropolitains et 33 % des ultramarins ont demandé à bénéficier d’un deuxième contact avec l’institution militaire. Selon le RAP 2024 portant sur l’exercice 2023, le taux d’intérêt exprimé par les jeunes pour les métiers de la défense est proche de la cible définie pour 2023 (22 % pour une cible à 23 %). Dans un contexte de tension sur le marché de l’emploi depuis la sortie de crise sanitaire, le taux d’intérêt pour les métiers de la défense s’est maintenu à un niveau stable. L’écart entre l’intérêt porté par les filles et les garçons est très faible, inférieur à un demi-point. Les messages portés par la JDC relatifs aux opportunités ouvertes pour un recrutement militaire ou civil, d’active ou de réserve et aux filières d’emploi, attirent près d’un quart des participants, sans distinction décisive de genre. En 2023, cet intérêt s’est traduit par la transmission aux services de recrutement des armées et de la Gendarmerie de près de 280 000 demandes de contacts, dont 40 % au profit de l’armée de Terre.
L’intérêt des jeunes est également évalué « à froid » plusieurs mois après la JDC. Toujours selon la DSNJ, la dernière enquête annuelle réalisée en mai 2024 par un prestataire indépendant auprès de 2 908 jeunes, a montré que 69 % des répondants ont trouvé la JDC intéressante et 87 % ont affirmé qu’elle les a bien informés sur les métiers de la défense. 29 % d’entre eux ont finalement indiqué que la JDC leur a donné envie d’être recontactés par un service de recrutement.
Intérêt pour la défense des jeunes ayant réalisé leur JDC en 2022 et 2023
|
2022 |
2023 |
Taux d'intérêt des jeunes pour les métiers de la défense |
22,80% |
22% |
Nombre total de fiches mises à disposition des ADS ou de la gendarmerie nationale* |
260 100 |
279 389 |
Source : DSNJ
● Toutefois ces résultats, qui demeurent relativement limités, peuvent être mis en perspective avec le temps militaire consacré à la journée et à son coût pour le ministère des Armées.
Selon les informations fournies à votre rapporteur en réponse à son questionnaire, le coût moyen par participant de la JDC était de 128,67 € en 2023, contre 137,11 euros en 2022.
Source : Ministère des Armées en réponse au questionnaire budgétaire.
Pour mettre en œuvre la JDC, la DSNJ s’appuie sur un vivier d’animateurs militaires (près de 7 000 personnes : 80 % de personnels d’active et à 20 % de personnel de réserve) affectés au sein des armées, directions et services du ministère des Armées et de la gendarmerie nationale et formés par la DSNJ. En métropole, le réseau territorial de la DSNJ est composé de cinq établissements du service national et de la jeunesse (ESNJ) : Île de France et Picardie ; Nord-Est ; Nord-Ouest ; Sud-Est et Sud-Ouest. À ces cinq établissements sont rattachés 27 centres du service national et de la jeunesse (CSNJ), couvrant chacun un périmètre de plusieurs départements. En outre-mer, la DSNJ s’appuie sur six centres, implantés dans les départements et territoires ultramarins. Les CSNJ assurent la gestion, dans leur zone de responsabilité, d’environ 350 sites, civils ou militaires, incluant les sites mis à disposition par la gendarmerie nationale, sur lesquels la JDC est réalisée tout au long de l’année.
Aussi, la dimension de recrutement mériterait-elle d’être davantage assumée.
3. Un suivi lacunaire reposant entièrement sur le volontariat
Il ressort des auditions menées par votre rapporteur que la JDC et, en amont le recensement, ne permettent pas aux services de la DSNJ de recueillir des informations suffisamment qualitatives pour assurer un suivi personnalisé et utile du jeune. Les seules informations fournies aujourd’hui sont peu nombreuses et les données plus qualitatives reposent quant à elle sur le volontariat.
● Les données actuellement recueillies lors de la JDC sont peu qualitatives. En effet, les données recueillies au début de la journée lors de la phase dite « administrative » sont principalement des données d’état civil qui servent à actualiser les données fournies lors du recensement et à s’assurer que les données figurant sur le certificatif remis à l’issue de la JDC correspondent bien à la situation actuelle du jeune.
● S’agissant des données issues des tests de lecture, elles ne donnent pas systématiquement lieu à un suivi individualisé. Bien que les tests d’illettrisme réalisés soient transmis à l’Éducation nationale et doivent en principe permettre aux lycées de cibler les élèves en difficulté – lorsqu’ils sont scolarisés -, en pratique, les données nourrissent principalement les rapports statistiques sur l’évolution du niveau des élèves. Des progrès ont été réalisés avec la création du site ma JDC mais restent limités.
● Les jeunes effectuant leur JDC répondent par ailleurs à un questionnaire de satisfaction sur la journée. Ils ont également la possibilité de faire connaître leur intérêt pour les armées et de demander à être recontactés pour obtenir de la documentation comme évoqué supra.
La satisfaction des jeunes reçus en JDC est suivie grâce à deux indicateurs : le taux d’intérêt des jeunes pour la JDC et le taux d’impact de la JDC sur l’image des armées. Les taux sont calculés à partir des réponses au questionnaire renseigné par les jeunes à la fin de la journée. Les résultats sont situés à un niveau relativement élevé, compris entre 80 et 90 %.
Il est intéressant de noter que si le taux de satisfaction demeure relativement élevé, il connaît des variations au gré des évolutions successives du format de la JDC. En 2023, selon les informations contenues dans le rapport annuel de performance, les deux sous-indicateurs relatifs à la satisfaction du jeune au regard de la JDC présentent un résultat inférieur à la cible concernant l’intérêt des jeunes pour la JDC et stable et proche de la cible concernant l’impact de la JDC sur l’image des armées. Les résultats se maintiennent à un niveau élevé (compris dans une fourchette de 80 % à 90 %) et traduisent le degré de satisfaction des jeunes ainsi que l’impact général du dispositif sur l’image des armées. Selon le RAP, « la baisse relative d’intérêt des jeunes pour la JDC observée depuis deux ans, en partie liée aux effets de la crise sanitaire et au retour de la JDC en journée complète en septembre 2022, s’explique par un format et un contenu pédagogique qui ne sont plus suffisamment adaptés et qu’il apparaît aujourd’hui nécessaire de faire évoluer. »
Satisfaction des jeunes ayant réalisé leur JDC depuis 2018
Source : DSNJ
II. La « remilitarisation » de la journée défense et citoyenneté s’avère nécessaire mais doit s’intégrer à terme dans une stratégie d’ensemble de clarification des dispositifs jeunesse du ministère des Armées
A. Le projet de refonte de la JDC doit permettre de recentrer la journée sur les enjeux de défense, tout en AMBITIONNANT DE RENDRE les jeunes « acteurs » de LEUR journée
En novembre 2023, le ministre des Armées a chargé le directeur du service national et de la jeunesse, le général Givre, de repenser et de rénover entièrement la JDC pour pouvoir répondre à la nécessité de renforcer la cohésion et la résilience nationales. Il ressort des auditions menées par votre rapporteur, qu’un projet de JDC dite « durcie » est en cours de conception par la DSNJ.
Votre rapporteur estime qu’il est impératif d’aller au bout de la logique, sans s’arrêter au « milieu du gué », comme pour les réformes précédentes et salue la volonté du Général Givre de rendre les jeunes acteurs de cette journée et de privilégier une approche aussi réaliste que possible du métier de militaire.
À cet égard, le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2025 fait état de « l’expérimentation d’un nouveau modèle recentré sur le lien Armées-Nation et sur l’attractivité des métiers de la défense. Elle permettra à chaque appelé de devenir un acteur de sa journée de rencontre avec les armées, en reposant sur une animation plus dynamique et participative, grâce à des échanges directs avec les militaires et à des ateliers innovants. » Au regard du coût significatif de ce nouveau projet, soit une augmentation de 15 millions d’euros prévue en AE et CP par rapport à la LFI 2024, pour atteindre 37,64 millions d’euros, votre rapporteur a souhaité étudier ci-après les modalités concrètes de cette JDC dite « nouvelle génération ».
1. Un projet tourné vers le renforcement du lien Nation-armées et l’attractivité des métiers militaires à des fins de recrutement qui va dans le bon sens
a. Une refonte complète du contenu et des modalités de la JDC qui ambitionne de rendre le jeune « acteur » de sa journée, tout en assumant la dimension de recrutement
Le projet annuel de performance pour 2025 précise que la JDC se déroulera sur une journée complète, prioritairement sur des sites militaires et que son contenu intégrera des ateliers immersifs, ludiques et participatifs. Elle sera animée par un encadrement professionnalisé composé notamment de réservistes recrutés et formés spécifiquement. Le projet envisagé est progressivement expérimenté à compter du troisième trimestre 2024 et montera en puissance toute l’année 2025.
Il ressort des auditions menées par votre rapporteur que la refonte de la JDC vise, d’une part, à développer le sentiment d’appartenance à la communauté nationale – aussi, le chant de l’hymne national et la levée des couleurs à l’arrivée seront-ils systématisés – et d’autre part, à proposer une animation plus dynamique et participative grâce à des échanges directs avec les militaires dans le but de renforcer la bonne compréhension des métiers de la défense et in fine leur attractivité auprès des jeunes.
● Selon les informations fournies à votre rapporteur, le format pourrait ainsi rassembler 80 à 100 jeunes appelés par session, répartis en trois groupes, prioritairement sur des sites militaires et de la défense, en extérieur ou sous abri. Le Général Givre déjà auditionné par la commission de la défense, avait tenu à préciser que cette JDC ne requérait aucun prérequis « cette démarche est inclusive et vise à révéler des talents, quels que soient la condition physique ou le niveau intellectuel. »
● Les échanges avec les militaires interviendraient tout au long de la journée et en particulier autour d’ateliers innovants (dialogue immersif avec les armées, tir sportif, jeux de rôle). Des ateliers en immersion dans la réalité virtuelle auraient pour ambition de montrer la réalité des métiers des armées, puis une séquence de tir sportif laser serait envisagée et complétée par un jeu de rôle pour évoquer la défense – sur le modèle du jeu de plateau actuellement développé dans le cadre de la Journée défense et mémoire du SNU avec deux scénarii clés : un scénario dissuasion nucléaire pour comprendre les enjeux et un scénario d’intervention conventionnel comprenant des menaces informationnelles. En effet, selon le général Givre, « nous voulons mettre en place un atelier « métavers », afin de faire découvrir les métiers de la défense à travers des avatars ; par exemple un cuisinier dans une frégate qui double le cap Horn, un alpiniste militaire ou un pilote de chasse. » Au-delà de l’aspect ludique, la fonction éducative de l’initiation au tir a également été mise en avant par le Général Givre : « le fait de prendre une arme en main exige de la discipline et de la stabilité émotionnelle ; les jeunes apprendront à manipuler une arme de manière intelligente et en sécurité. »
Le midi, il est prévu que les participants déjeunent d’une ration de combat (adaptée au contexte), produit par l’EDA avec des produits français.
L’après-midi serait consacré à un forum des métiers organisé par l’unité militaire hôte, mais ouvert aux représentants des autres armées. Votre rapporteur souligne la nécessité de veiller à ce que la diversité des métiers de la défense, souvent méconnue, puisse être mise en valeur en faisant venir des personnels de différentes unités et spécialités (militaires, des personnels civils du ministère de la défense, direction générale de l’armement, etc.)
Selon les informations fournies par la DSNJ, la journée devrait obéir dans les grandes lignes au programme suivant :
Accueil – constitution des groupes
Couleurs – Marseillaise
Trois ateliers par rotation d’une heure :
Atelier 1 : présentation des métiers des armées en immersion virtuelle ;
Atelier 2 : tir laser sportif ;
Atelier 3 : jeu de plateau inspiré du jeu « décision défense » mis en œuvre lors de journées défense et mémoire nationales (JDM) du service national universel.
Déjeuner sur place avec l’encadrement en rations individuelles
Forum des métiers, démonstrations et témoignages organisés par les armées et services
Au revoir républicain – remise des certificats
Source : DSNJ
b. La place renforcée des réservistes
● S’agissant de l’encadrement, il est envisagé que l’accompagnement des groupes soit assuré par le personnel de la DSNJ, renforcé progressivement par 1 000 réservistes à parité hommes et femmes. L’objectif – ambitieux – poursuivi par la DSNJ est que la JDC « nouvelle génération » soit encadrée par près de 50 % de réservistes.
Ainsi, la JDC NG comportera des sessions de 80 à 100 appelés qui seront encadrés par deux agents permanents civils ou militaires de la DSNJ, deux animateurs militaires détachés par les armées, les services et la gendarmerie, selon le processus actuellement en vigueur - parmi lesquels on compte actuellement 20 % de réservistes - et trois chefs de groupe qui seront également des réservistes affectés à la DSNJ.
Rapporté au nombre de jeunes reçus en JDC, soit environ 800 000 chaque année, ce modèle suppose le recrutement et la formation d’un vivier d’environ 1 000 réservistes d’ici 2026, sous uniforme des différentes armées et services gestionnaires, dont la DSNJ sera l’employeur. La DSNJ souhaite par ailleurs que la parité hommes et femmes soit respectée. La DSNJ ambitionne de recruter des réservistes ab initio, c’est-à-dire issus du civil et sans passé militaire, principalement des étudiants de niveau BAC +2/+3, d’anciens volontaires service civique et apprentis de la DSNJ, des étudiants des universités, des grandes écoles, etc.
● Toutefois, cette ambition implique l’attribution à la DSNJ d’une enveloppe de droits de tirage en T2 des réserves pour financer leur activité.
c. Un besoin de financement important nécessaire à la réalisation du projet
Le besoin financier correspondant au développement du nouveau format de JDC a été évalué à 14,9 millions d’euros par la DSNJ. Ce besoin est couvert par l’augmentation de près de 15 millions d’euros prévue par le PLF 2025 en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
● Ainsi, la JDC est dotée de 37,64 millions d’euros en AE et en CP au titre du programme 169. Il est à noter que cette dotation ne saurait rendre compte du coût complet de la JDC également pris en compte au sein de la mission Défense, s’agissant notamment des dépenses de personnel. L’augmentation prévue concerne principalement les deux opérations budgétaires dévolues au soutien (OB « Soutien général », à hauteur de +12,33 millions d’euros) et à la mise en œuvre de la JDC (OB « Organisation, conduite et prestations JDC », en hausse de +2,51 millions d’euros). Ces crédits supplémentaires permettront de financer l’alimentation et le transport des jeunes, le transport des animateurs et des encadrants, l’achat des matériels nécessaires à la réalisation des différents ateliers innovants, la formation et l’instruction, notamment des animateurs réservistes. Au-delà de ce coût d’entrée, le coût de la nouvelle JDC dépend de nombreux facteurs restant à objectiver.
Source : Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.
● Ces investissements sont nécessaires à la réussite du projet qui ne peut être poursuivi au rabais compte tenu du format retenu. Toutefois, les crédits prévus en 2025 ne couvrent qu’une partie des financements nécessaires et lors de son audition, la DSNJ a estimé que 15 millions d’euros de plus en 2026 seraient indispensables pour passer à une année complète. La DSNJ estime qu’en régime de croisière à compter de 2029, le coût devrait être ramené à 45 millions d’euros, soit un quasi doublement du budget par rapport à la situation antérieure.
d. Un passage temporaire à un format dégradé pour préparer la transition vers la JDC « nouvelle génération » et des expérimentations engagées en vue d’une généralisation envisagée au 1er janvier 2026
● Selon les informations fournies par la DSNJ, depuis le 1er août 2024, afin de répondre aux contraintes financières, amortir les difficultés induites par la tenue des JOP 24 et permettre le développement, l’expérimentation et la montée en puissance de la JDC « nouvelle génération », la JDC est de nouveau organisée sur une demi-journée. Des économies sont ainsi réalisées notamment sur les frais de restauration des participants en l’absence de repas. Ce modèle centré sur les questions de défense, vise à préserver le lien entre les jeunes et les armées. Ce format doit se prolonger jusqu’à l’arrivée de la JDC « nouvelle génération » en cours de développement, dont la généralisation complète est prévue en 2026.
● Votre rapporteur alerte néanmoins sur la nécessité de garantir une phase transitoire la plus courte possible au regard du caractère très dégradé du format sur une demi-journée auquel il a pu assister.
● Des expérimentations ont d’ores et déjà été engagées en vue d’une généralisation envisagée au 1er janvier 2026. Le calendrier prévisionnel prévoit une phase expérimentale de juillet à décembre 2024, suivie d’une montée en puissance progressive en 2025. La généralisation du nouveau modèle étant prévue au 1er janvier 2026.
Selon les informations fournies à votre rapporteur lors de son déplacement, les expérimentations auraient déjà débuté au sein des unités du service militaire volontaire (SMV), avant d’être étendues à d’autres publics. Lors de la phase d’expérimentation actuellement en cours, menée conjointement avec les trois armées, la DSNJ organise le recrutement d’un premier contingent de 40 réservistes. Ces réservistes devront recevoir une formation en octobre pour contribuer à l’expérimentation des premières JDC NG conduites en novembre et décembre 2024. La DSNJ souhaite disposer en 2025 d’un vivier de nouveaux réservistes animateurs de 300 personnes.
● Votre rapporteur considère qu’une évaluation de l’expérimentation en vue de sa généralisation devrait être réalisée et ses résultats transmis à la Représentation nationale avant l’examen du projet de loi de finances pour 2026, afin qu’elle soit pleinement informée des résultats de cette transformation qui concerne l’ensemble d’une classe d’âge.
2. La persistance de points d’attention qui doivent constituer autant d’axes d’efforts
a. Pour une JDC véritablement universelle
De manière concomitante à la refonte du contenu de la journée défense et citoyenneté, il semble important de veiller à garantir son caractère véritablement universel ; d’une part, en mettant fin à la problématique persistante de la JDC à l’étranger et, d’autre part, en améliorant le taux de participation.
● En premier lieu, la tenue effective des JDC à l’étranger est sujette à des difficultés persistantes, sans que d’améliorations substantielles ne soient intervenues ces dernières années, tandis que la problématique est bien identifiée par le ministère des Armées et de l’Europe et des affaires étrangères. Les sessions sont organisées sous la responsabilité du chef de poste diplomatique ou consulaire compétent territorialement. L’attaché de défense participe aux sessions sous leur autorité. Interrogé à ce sujet par votre rapporteur, le général Givre a concédé qu’il ne s’agissait pas d’une priorité au regard du chantier au cours, ajoutant que les deux ministères concernés étudiaient la possibilité d’adapter le dispositif de la JDC en ligne pour les Français de l’étranger. Cette solution a minima risquerait néanmoins de créer un vrai fossé entre les jeunes français participant à la JDC rénovée à grand renfort de moyens et ceux qui se verraient cantonnés à une journée en ligne en raison du lieu de résidence de leur famille.
● Ensuite, il convient de veiller à la participation effective de tous les jeunes à la JDC, et ce, partout sur le territoire national. Si les taux de participation à la JDC demeurent élevés, il pourrait masquer en réalité des disparités territoriales importantes. C’est la problématique que la Cour des comptes avait mis en lumière dans le rapport de 2016 précité. Elle faisait le constat que « l’impact réel de la JDC est en effet limité par des lacunes dans son caractère universel. Le nombre de jeunes Français atteignant 25 ans en 2014 sans être en règle avec la JDC est de 4,1 %, mais ce taux recouvre des écarts considérables et préoccupants. Si des taux de participation approchant ou dépassant 99 % ne sont pas rares en zone rurale, et si de nombreuses zones urbaines ont des taux honorables ou élevés, l’absentéisme atteint 12,8 % à Paris, plus de 11,8 % en Seine-Saint-Denis, 10,3 % dans les Hauts-de-Seine, 10,4 % dans les Alpes-Maritimes et il dépasse également 10 % en Guadeloupe et en Guyane. » Toutefois, sollicité à ce sujet via le questionnaire budgétaire de votre rapporteur, le ministère des Armées n’a pas été en mesure de fournir des données actualisées.
b. Pour un recensement pleinement utile aux armées
Le principal défi pour le ministère des Armées consiste dorénavant à améliorer sa connaissance des jeunes et plus largement des compétences détenues par la population française.
● Il ressort des auditions menées par votre rapporteur qu’il existe un véritable besoin pour les armées de collecter des données qualitatives pour être en capacité de faire face à une crise ou un engagement majeur, qui nécessiterait le recours à des réquisitions, une mobilisation partielle voire générale. Or, le recensement dans sa forme actuelle, de même que la JDC, ne remplissent pas ce rôle. La DSNJ ne dispose que d’informations relatives à l’état civil à 16 ans que les jeunes sont tenues d’actualiser jusqu’à vingt-cinq ans. Selon les personnes auditionnées, ces données se révèlent en réalité très peu qualitatives et peu actualisées. Il est aujourd’hui très difficile, voire impossible, pour la DSNJ d’identifier des compétences particulières parmi une classe d’âge. Cette situation est particulièrement critique à l’heure où les crises se multiplient.
Pour mémoire, conformément aux dispositions du code du service national, tous les jeunes Français doivent se faire recenser auprès de leur mairie dans les trois mois qui suivent leur seizième anniversaire, soit de façon dématérialisée par le portail service public, soit en s’y déplaçant. Les données collectées par les mairies à cette occasion sont transmises trimestriellement aux organismes de la DSNJ. Une fois intégrée dans un système d’information, la DSNJ peut alors convoquer les jeunes en JDC à l’âge de 17 ans et trois mois en moyenne. Les articles L. 113-1 et L. 113-2 du code du service national prévoient que « Tout Français âgé de seize ans est tenu de se faire recenser. À l'occasion du recensement, les Français déclarent leur état civil, leur situation familiale et scolaire, universitaire ou professionnelle à la mairie de leur domicile ou au consulat dont ils dépendent. L'administration leur remet une attestation de recensement. »
● Le ministre des Armées s’est d’ailleurs déclaré favorable à une modernisation du recensement et souhaiterait faire évoluer ses modalités de mise en œuvre telles que définies actuellement par le code du service national. Cette évolution viserait à identifier et à actualiser les compétences de chaque jeune et développer, sur la base du volontariat la connaissance des jeunes, y compris au-delà de 25 ans. À l’occasion d’un entretien au journal Le Figaro, le ministre des Armées a récemment expliqué vouloir mettre en œuvre « un vrai recensement des compétences, non seulement sur une classe d’âge, autour des seize ans […] mais surtout » d’avoir « à l’heure du numérique, les moyens de faire un recensement continu régulier dans la population » de personnes qui, « sur la base du volontariat », tiendraient l'armée au courant de leurs compétences et expertises (par exemple des personnels soignants qui, le moment venu, peuvent être réservistes) ([12]).
● Selon les informations fournies à votre rapporteur, la modernisation envisagée du recensement se traduirait, dans un premier temps, par la généralisation du recensement dématérialisé dans une logique de simplification des démarches administratives pour les usagers. En effet, selon les informations fournies par la DSNJ, le déploiement du recensement en ligne serait actuellement limité en raison des coûts induits pour les communes.
Ensuite, l’enjeu est de pouvoir accéder à des informations dont ne dispose pas aujourd’hui le ministère des Armées, qui permettraient d’enrichir la base de données de son système d’information. Pour mener à bien cette évolution, la DSNJ estime qu’il conviendrait de réaliser un inventaire des donnés déjà détenues par les organismes publics ou chargés d’une mission de service public susceptibles d’intéresser le ministère et d’organiser les échanges avec ces organismes, tout en créant les conditions de sécurité nécessaires à leur transmission.
● En parallèle, la DSNJ mène un projet de transformation visant la systématisation et la simplification des interactions entre les jeunes et le ministère des Armées. Volet numérique du plan « Ambition Armées jeunesse », ce projet devrait permettre au ministère des Armées de disposer d’un système d’information (base de données, outil de suivi, de gestion et de dialogue) et d’un nouveau site jeunesse destiné à renforcer le lien armées-jeunesse, à développer l’attractivité du ministère, ainsi qu’à soutenir sa politique de recrutement et de fidélisation. Le but recherché est de renforcer la logique de parcours. Les jeunes ayant participé à des activités jeunesse pourront s’ils le souhaitent, recevoir des informations, des invitations à des évènements et des offres de stage ciblées adressées par les armées directions et services. Le futur portail devrait également délivrer un ensemble d’informations sur le recensement, la JDC, le service civique et permettre aux jeunes d’accéder plus facilement aux différents portails de recrutement des armées et offres de stage. À travers ce projet, le ministère souhaite disposer d’un vivier potentiel de jeunes intéressés par la communauté de défense et susceptibles de s’orienter vers les différentes formes d’engagement. Sur la base du volontariat, ou de manière obligatoire en cas de d’évolution du cadre juridique, ce dispositif permettrait d’identifier et de recueillir les compétences dans la durée, au fur et à mesure de leur acquisition à l’image de l’obtention de diplômes, ou de l’acquisition de connaissances linguistiques. Des informations personnalisées pourraient alors être communiquées aux jeunes, adaptées à leur âge, leur parcours et leur situation personnelle.
Si votre rapporteur comprend bien l’intérêt pour le ministère des Armées de disposer de telles informations, il est également bien conscient que ces évolutions doivent être conciliées avec les droits et les libertés garantis par la loi, notamment s’agissant de la protection des données. Bien que votre rapporteur partage l’objectif d’une meilleure identification des compétences, il estime que cette évolution nécessiterait une étude approfondie préalable, notamment concernant les modalités de stockage de ces données, dans un contexte où les attaques cyber envers les administrations se multiplient et dans lequel la préservation de notre souveraineté en la matière demeure un vrai défi. Votre rapporteur considère donc qu’une étude de faisabilité ainsi qu’une évaluation précise du coût seraient nécessaires avant toute évolution majeure.
● À titre de comparaison votre rapporteur estime que le système suédois de service militaire « sélectif », partant du besoin des armées, constitue un modèle intéressant permettant de susciter intelligemment l’intérêt des jeunes pour le monde militaire, tout étant pleinement utile aux armées. L’existence d’un questionnaire obligatoire permet notamment de mettre en place l’approche par les compétences recherchées par les armées françaises.
Focus : le système suédois
En Suède, le service militaire a été instauré en 1901, suspendu en 2010 puis rétabli en 2017. Il dure entre neuf et quinze mois. Le service militaire suédois est sélectif ; les armées définissent leurs besoins. L’agence de conscription et d’évaluation de la défense est spécialement chargée de l’évaluation des candidats, de l’enrôlement et de la formation de base des conscrits. Elle tient à jour le registre des citoyens mobilisables en temps de guerre. L’ensemble d’une classe d’âge reçoit un formulaire d’enrôlement. Les 100 000 jeunes suédois de 18 ans ont l’obligation de répondre à ce formulaire dans un délai de deux semaines. Les questions sont divisées en différentes sections : santé, physique, scolarité, personnalité et rapport à la loi. Si un citoyen ne répond pas ou s’il répond délibérément de manière incorrecte, une amende lui est infligée.
Sur la base du questionnaire d’enrôlement, les jeunes citoyens suédois sélectionnés et appelés sont informés en avril ou en mai (objectif de 28 000 jeunes sur 100 000 en 2024). Les jeunes sont réunis dans trois lieux de rassemblement (Stockholm, Göteborg, Malmö) pour une à deux journées d’évaluation (tests psychologiques, bilan de santé, test de vision, test auditif, test de force, vélo d’essai, entretien avec un psychologue) conclue par un entretien d’enrôlement. Si un citoyen ne répond pas à la convocation d’enrôlement, il risque une peine d’amende pour manquement au devoir de défense et une mention dans son casier judiciaire pendant cinq ans.
Une fois que les jeunes ont réussi le processus d’enrôlement et qu’une place est disponible pour eux (objectif de 8 000 jeunes en 2024), ils sont enrôlés et reçoivent un avis de placement préliminaire à l’instruction militaire de base. Ils sont soumis à une enquête de sécurité. À partir des résultats obtenus lors de leur évaluation, les jeunes enrôlés sont orientés vers l’instruction militaire la plus adaptée. Le fait de refuser de servir la défense totale est puni d’une amende et d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an (quatre ans en cas d’état d’urgence).
Les jeunes non-appelés à l’enrôlement peuvent faire, de leur propre chef, une demande pour recevoir l’instruction militaire de base. Il existe une « réserve de formation » dans laquelle sont inscrits d’office les jeunes ayant réalisé leur enrôlement mais n’ayant pas obtenu d’instruction militaire de base ; l’inscription court jusqu’à l’âge de 30 ans ; en revanche, si les jeunes n’ont pas reçu de formation militaire de base avant leurs 24 ans, ils n’ont plus de raison d’être convoqués plus tard, sauf en situation de crise.
Source : Rapport de M. Blanchet et Mme Etienne portant sur le rôle de l’éducation et de la culture dans la défense nationale, commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, 2023.
c. Des conditions sine qua non pour la réussite du projet
Si votre rapporteur estime que le projet ambitieux porté par la DSNJ va dans le bon sens, il souhaite revenir ci-dessous sur plusieurs conditions qu’il estime clé pour la bonne réussite du projet.
● D’une part, il apparaît nécessaire d’associer les unités militaires en amont et de convaincre du bien-fondé du projet car la charge risque d’être plus lourde pour les unités accueillantes (notamment l’après-midi lors du forum des métiers). Or la qualité de la JDC est fortement corrélée à l’investissement des animateurs. Il faudra donc veiller à ce que les armées obtiennent des retombées concrètes en termes de recrutement et de sensibilisation aux possibilités d’engagement, au risque que l’exercice soit progressivement perçu comme une contrainte supplémentaire.
● D’autre part, il convient de veiller à l’égalité territoriale du dispositif, en particulier dans les zones s’apparentant à « des déserts militaires » qui ne doivent pas être désavantagées. Lors de son audition en commission le général Givre avait indiqué que « la première étape consistera à rassembler les participants dans une enceinte militaire, sauf dans les « déserts militaires », où nous devrons aller à la rencontre des jeunes. » Toutefois, votre rapporteur conçoit mal comment la JDC « nouvelle génération » et, notamment son volet immersif et tir sportif, pourra être facilement délocalisable.
● Enfin, votre rapporteur tient à souligner que les cibles de recrutement de réservistes de la DSNJ pour assurer l’encadrement de la JDC apparaissent très ambitieuses et supposent que des moyens financiers soient mobilisés, alors que le reste des armées ne semble pas aujourd’hui disposer des ressources suffisantes pour financer l’activité des réservistes et encore moins les équiper, ni d’un budget (BOP) clairement identifié pour les réserves. Au-delà du recrutement, l’enjeu de la fidélisation est primordial. Les nouveaux personnels encadrants devront également faire l’objet d’une formation pour éviter toute dérive ou trop grande disparité entre les formations reçues. Afin de rendre cette expérience attractivité auprès des étudiants, il sera également nécessaire de pouvoir valoriser les missions réalisées auprès de l’enseignement supérieur.
B. La clarification des possibilités d’engagement offertes aux jeunes s’impose
Votre rapporteur rejoint le constat dressé par M. Blanchet et Mme Etienne en conclusion de la mission d’information sur l’éducation et la culture de défense : le ministère des Armées souffre de dispositifs d’éducation à la défense éclatés, souvent méconnus et bénéficiant à trop peu de jeunes citoyens.
● Malgré les efforts entrepris à travers notamment la création du plan « Ambition armées-jeunesse » (PAAJ), la multiplicité des dispositifs continue de nuire à la lisibilité d’ensemble de l’action du ministère. Hors JDC et JDM, près de 86 000 jeunes ont pris part à une activité jeunesse relevant du PAAJ en 2023. C’est moins de 10 % des jeunes touchés par la JDC chaque année. Votre rapporteur préconise la réalisation d’études d’évaluation des objectifs et de la performance de chaque dispositif dans une logique à terme de rationalisation.
● À titre principal, votre rapporteur estime qu’il doit être mis fin à la coexistence entre la JDC et la journée défense et mémoire (JDM) du séjour de cohésion du SNU, qui pèse actuellement sur les services de la DSNJ. La coexistence des deux dispositifs pose question au regard de la lisibilité des actions du ministère des Armées en faveur de la jeunesse, auprès des citoyens.
La participation à la JDM, dans le cadre du SNU, avait vocation à se substituer à terme à la participation à la JDC, pour les jeunes concernés. ([13]) Néanmoins, alors qu’il apparaît de moins en moins probable que le SNU soit généralisé en 2026, la coexistence des deux dispositifs pose question en matière de soutenabilité budgétaire et de mobilisation des effectifs de la DSNJ. Selon les informations transmises à votre rapporteur en réponse à son questionnaire budgétaire, le coût total supporté par le ministère des Armées était de plus de 7 millions d’euros en 2023, dont 421 252 euros au titre du programme 169. En effet, la JDM est organisée par le ministère des Armées au profit d’un nombre croissant de jeunes de 15 à 17 ans, inscrits sur la base du volontariat hors temps scolaires, ou depuis 2024, dans le cadre des « classes et lycées engagés » (CLE). Le coût supporté par la DSNJ est en augmentation notamment s’agissant du transport des jeunes et des encadrants, tandis que le nombre de jeunes participant aux séjours de cohésion du SNU devrait croître en 2025. Selon les informations fournies par la DSNJ, depuis 2019, plus de 1 100 JDM ont été organisées au profit de plus de 136 000 jeunes. De janvier à juillet 2024, 47 373 jeunes en ont bénéficié. Les JDM sont encadrées par des animateurs militaires affectés dans les armées, directions et services du ministère des Armées mais aussi par des intervenants civils affectés à la DSNJ. Ces agents, préalablement formés à l’animation des modules JDM étaient près d’une centaine en 2024. Au premier trimestre 2024, plus de 4 150 personnels civils et militaires de la DSNJ avaient été mobilisés depuis 2019. Cette hausse d’activité, qui rend plus complexe la programmation des sessions JDC et JDM, est intervenue dans un contexte de baisse des effectifs de la DSNJ et d’absence de crédits dédiés à la JDM depuis le lancement du SNU.
Enfin, le ministère des Armées contribue également à la marge aux missions d’intérêt général (MIG), qui constituent la phase 2 du SNU, en offrant des places aux jeunes volontaires au sein de préparations militaires.
● Plus largement, votre rapporteur s’estime favorable à une réduction de l’ambition du SNU, qui, bien que louable à l’origine, ne remplit pas l’objectif qui lui a été assigné ni de familiarisation avec la vie militaire, ni de cohésion sociale, puisqu’il ne concerne que des jeunes volontaires. Il constitue ainsi un « objet non identifié » à la visée incertaine mais au coût certain pour les finances publiques. Ainsi, en s’appuyant sur le récent rapport de la Cour des comptes portant sur le bilan du dispositif du SNU ([14]), une généralisation présenterait un coût exorbitant pour nos finances publiques, la rendant de facto irréalisable dans le contexte budgétaire actuel. La Cour estime ainsi que le coût du SNU qui connaît une trajectoire ascendante (de 30 millions d’euros en 2020 à 160 millions d’euros en 2024 en loi de finances initiale, pour un coût estimé à 2 300 euros par jeune) est largement sous-estimé. Et la Cour d’ajouter qu’en cas de généralisation « malgré toutes les incertitudes liées aux estimations actuelles, (…) il est davantage probable que les coûts de fonctionnement annuels du séjour de cohésion (soit la phase 1 du dispositif) se situent aux environs de 2,5 Md€, ce qui porterait le coût de fonctionnement annuel du dispositif (3 phases) à un total de 3,5 à 5 Md€, sans compter les coûts d’investissement à venir dans les centres d’hébergement, les éventuels surcoûts liés au changement d’échelle et les coûts portés par les autres financeurs publics. »
Le SNU étant actuellement dans une phase transitoire et faisant toujours l’objet d’une réflexion, dans l’attente d’une décision ferme quant à son évolution, votre rapporteur propose donc de diminuer les crédits concourants au SNU du montant nécessaire à la revalorisation du point de PMI au 1er janvier 2025.
I. Auditions devant la commission
1. Audition de Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des Armées et des Anciens combattants
La commission a entendu M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des Armées et des Anciens combattants sur le projet de loi de finances 2025(n° 324), mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », sur le projet de loi de finances 2025 au cours de sa réunion du lundi 14 octobre 2024 :
M. le président Jean-Michel Jacques. Monsieur le ministre délégué auprès du ministre des Armées et des anciens combattants, c'est avec un grand plaisir que nous vous accueillons dans cette commission que vous connaissez bien. Il serait utile que vous précisiez votre champ de compétences, qui devrait être plus large que celui de votre prédécesseure.
Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit pour la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation un budget relativement stable avec 1,91 milliard d'euros de crédits contre 1,93 milliard dans la loi de finances initiale pour 2024. Au cours de cette audition, nous aurons à cœur de vous entendre sur les grandes priorités que cette enveloppe permettra de financer. Cette mission incarne la solidarité de la nation envers les militaires et les anciens combattants en raison de leur engagement et de leur sacrifice au service de la France. Elle s'adresse également à une nouvelle génération de combattants qui ont servi la France, la quatrième génération du feu.
J’énumérerai quatre points d'attention chers à notre commission.
Le premier est la revalorisation du point de pension militaire d'invalidité (PMI) au regard de l'inflation. Quelles actions ont été engagées cette année afin de garantir le maintien du pouvoir d'achat et la juste reconnaissance des personnes concernées ?
Quelles sont ensuite les implications budgétaires de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) le 4 avril dernier dans l'affaire Tamazount ?
Par ailleurs, l'année 2024 a été marquée par la tenue du cycle des commémorations du quatre-vingtième anniversaire du débarquement et de la libération. Quel en est le bilan et quelles commémorations sont prévues en 2025 ?
Le dernier point concerne le lien entre les armées et la jeunesse et les moyens qui lui sont consacrés. L'année dernière le général Givre, directeur du service national et de la jeunesse, nous avait présenté le projet de réforme de la journée défense et citoyenneté (JDC). Quelles suites envisagez-vous de donner à ce projet ?
M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des Armées et des anciens combattants. La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation incarne la solidarité de la nation envers les soldats et les anciens combattants de toutes les générations du feu, en raison de leur engagement au service de notre pays. Elle est essentielle car elle nous rappelle l’engagement de ceux qui se battent pour la France pour quelque chose qui les dépasse, avec la mort comme seule hypothèse de travail
La confirmation du retour des engagements de haute intensité a changé la nature des opérations et des menaces auxquelles sont confrontés nos soldats. Elle modifie également la nature des mesures de solidarité, de réparation et de transmission des valeurs de notre défense.
Le souhait partagé du Président de la République et du Premier ministre, soutenu par le ministre des Armées et des anciens combattants, de créer un ministère délégué aux anciens combattants, à la mémoire et à d’autres compétences témoigne de cette évolution majeure de la conflictualité. Sébastien Lecornu a tenu à me confier la mission de resserrer les liens entre passé, présent et avenir en les élargissant aux questions internationales ainsi qu’à l’industrie et aux finances de guerre. Notre ambition est d’assurer la réparation et la transmission et de préparer notre jeunesse aux défis difficiles de la résilience.
La réalisation de la maquette budgétaire s'est faite dans des conditions difficiles : la situation de nos finances publiques est grave et le Premier ministre a choisi de nous engager tous sur le courageux chemin du redressement. Des efforts significatifs de maîtrise de la dépense sont donc demandés pour l'ensemble des budgets ministériels. Ces réductions doivent entrer en résonance avec certains engagements pris et avec les exigences du temps, en premier lieu celles du champ régalien, mais aussi avec ce que nous devons à ceux qui ont porté les armes de la France. Le ministère des Armées et des anciens combattants est relativement épargné car la conflictualité du monde est toujours aussi menaçante.
J’étais au congrès de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (Fnaca) hier au Havre et je recevrai l’ensemble des associations à la fin du mois. Je sais combien la revalorisation du point de PMI est une demande récurrente et juste, mais il n’y a pas de politique en dehors des réalités budgétaires. L’arrêt Tamazount oblige la France à réévaluer de manière importante le montant des indemnisations versées aux harkis. Celles-ci sont légitimes – la France ne s’est pas couverte de gloire dans ce domaine – mais la décision de la CEDH a des implications financières très lourdes qui se chiffrent probablement à plus de 40 millions et nous devons en tirer les conséquences. Le budget comprend déjà cette somme, mais il n’est pas possible d’aller plus loin en l’état des arbitrages.
Sans cette jurisprudence, les revalorisations du point de PMI et de l'allocation de reconnaissance du combattant (ARC) pourraient être traitées plus facilement selon les désirs largement exprimés. Nous sommes toutefois au début du marathon budgétaire et des arbitrages peuvent encore être pris.
Je sollicite votre indulgence : cela ne fait que dix-sept jours que je suis arrivé au ministère. Sur certains points, je ne pourrai donc vous répondre que de manière différée. J’ajoute que mon cabinet a déjà reçu plus de 200 questions de parlementaires : nous allons essayer d’y répondre au plus vite.
Lors de son discours de politique générale le Premier ministre a déclaré que « face à ces conflits, face à l’instabilité persistante et grave tout autour de nous, face à toutes les menaces hybrides, l’effort de défense est évidemment nécessaire et doit être poursuivi. » La légère baisse du budget proposée par le Gouvernement marque un double mouvement, connu et anticipé : la diminution démographique tendancielle du nombre des ayants droit et des ayants cause, qui se traduit par une très légère contraction des crédits – compensée dans certains cas par l'augmentation de droits et l’extension de l'éligibilité des bénéficiaires – et l'atterrissage budgétaire de la fin des commémorations de 2024, qui ont demandé l’an dernier un bond de 15 millions des crédits du volet mémoire. Cette légère baisse en volume n’est en rien une marque de désintérêt du Gouvernement pour le monde combattant, qui reste au cœur de la société.
Nos services ont fait un effort de sincérisation des comptes afin de prendre en compte l’effet prix à son juste niveau. Nous avons également veillé à la performance des programmes. Ainsi, le programme 169 se compose de six objectifs et de dix indicateurs qui prennent désormais en compte le taux d’insertion professionnelle des volontaires stagiaires du service militaire volontaire (SMV) et le taux des volontaires ayant achevé leur parcours SMV.
Je souhaite par ailleurs mettre en valeur certaines dispositions de ce budget.
Il pérennise l’ensemble des mesures financées en 2024 dans le cadre du plan Blessés. Les actions au titre des droits dérivés liées à l'invalidité augmentent de 1,5 million par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 pour atteindre 40 millions. Le budget permet également d’accompagner la montée en puissance de certains dispositifs nouveaux, comme celui finançant intégralement les prothèses de nouvelle génération, y compris pour la pratique du sport santé, des militaires blessés et handicapés inscrits dans un parcours de réinsertion ou de maintien dans l'emploi. J’ai tenu, lors de mon premier déplacement en tant que ministre délégué, à rencontrer des blessés et des pensionnaires du centre de réhabilitation post-traumatique et du centre d'études et de recherches sur l'appareillage des handicapés au sein de la magnifique Institution nationale des Invalides.
Les maisons Athos – dispositif de réhabilitation psychosociale dédiée à l'accompagnement des militaires blessés psychiquement – sont déjà présentes dans cinq régions et accueillent plus de 400 personnes, qui bénéficient d’une prise en charge individualisée plaçant le blessé au centre de son parcours de reconstruction. Une sixième maison ouvrira aux alentours de Colmar en 2025 : c’est une étape supplémentaire vers les dix maisons prévues. Je souligne le rôle important que joue l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG) et de l’Institution de gestion sociale des armées (Igesa) dans la gestion et la conduite au quotidien de ces maisons.
S’agissant des rapatriés, je souhaite d’abord rendre hommage à ma prédécesseure, Patricia Mirallès, et vous assurer de la totale continuité de l'action de l’État en la matière. Après la promulgation de la loi portant reconnaissance de la nation envers les harkis, ce sont plus de 11 millions de crédits supplémentaires qui ont été inscrits dans le PLF 2025 pour financer différentes mesures en faveur des rapatriés et des supplétifs – moghaznis et harkis – et de leurs veuves.
Les commémorations du quatre-vingtième anniversaire de l’année 1944 se sont échelonnées sur plusieurs mois, des plages du débarquement en Normandie au port de Toulon, en passant par la ville de Paris, sans oublier l'hommage rendu à notre corps expéditionnaire en Italie. Après cette année particulière, le budget des actions mémorielles du ministère des Armées revient à son niveau antérieur. Il baisse donc de 10 millions ; l’enveloppe globale de 14,8 millions permettant de poursuivre sur le long terme les actions conduites par la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) sans compromettre les manifestations de la commémoration de l’année 1945.
Je souhaite associer les collectivités et l’éducation nationale, en partenariat avec les trinômes académiques, à nos actions de transmission de la mémoire, qui seront marquées en 2025 par un engagement fort contre l’antisémitisme au profit du Mémorial de la Shoah. Cette mémoire est d'abord celle des rescapés, en particulier de celles et ceux qui sont encore parmi nous et dont le témoignage est précieux. Elle nous rappelle que la haine raciste et antisémite persiste et qu'elle prend de nouveaux visages.
Le cycle des commémorations sera marqué par l’anniversaire de la libération des camps du Struthof et d'Auschwitz et par celui du retour des déportés en France, avec la lente prise de conscience de l'horreur du projet nazi d'extermination des Juifs, des Tziganes et des homosexuels.
La mémoire des génocides est aussi un instrument de renforcement de notre démocratie. Selon la direction nationale du renseignement territorial du ministère de l'intérieur, les faits antisémites ont augmenté de 192 % au cours du premier trimestre 2024 par rapport au premier semestre 2023. Le soutien au Mémorial de la Shoah lui permettra notamment de mener des actions territorialisées, comme l'ouverture d'une antenne à Nice, afin d'intensifier son travail pédagogique au plus près du terrain.
Les crédits du programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre, dont la responsabilité incombe aux services du Premier ministre, restent stables pour les victimes de spoliation intervenues du fait des législations antisémites comme pour les ayants droit.
À la demande du ministre des Armées, je développerai une diplomatie mémorielle militaire : les combats du présent et de l'avenir se bâtissent dans le souvenir du passé. L’avenir de l'Europe face à la puissance révisionniste russe se joue dans les pays de l’ancien bloc de l’Est, avec lesquels nous avons tissé des liens particuliers. Je pense notamment à la Pologne, à la Roumanie ou à la République tchèque. Nous avons beaucoup à faire pour rappeler combien cette Europe que nous bâtissons aujourd'hui est aussi une Europe forgée par des combats communs du passé.
Chaque année, près de 1 million de jeunes entre 13 et 25 ans bénéficient d'une activité dispensée par les armées. La Journée Défense et Citoyenneté (JDC) est essentielle à la relation entre les armées et la nation.
Troisième et dernière étape du parcours de citoyenneté, clé de voûte du service national, la JDC est obligatoire pour les garçons et les filles ; elle doit être effectuée entre la date de leur recensement et l’âge de 25 ans. Ce rendez-vous majeur de la résilience nationale doit permettre une réelle information sur l’état du monde et les possibilités d’engagement, ainsi que la nécessaire édification des forces morales.
En 2025, l’expérimentation d’un nouveau modèle de JDC, recentré sur les menaces, les enjeux militaires et l’attractivité du métier des armes, se poursuivra avec un soutien financier renforcé de 15 millions d’euros. Chaque jeune pourra devenir un acteur de sa journée de rencontre avec les armées, grâce à une animation plus dynamique et plus participative, à des échanges directs avec des militaires et à des ateliers innovants.
Ce format repensé avait été évoqué par le général Givre, directeur du service national et de la jeunesse du ministère des Armées, lors de son audition par votre commission, en mars 2024. Des annonces précises seront faites, à brève échéance, par le ministre.
Le plan Ambition armées-jeunesse, qui concerne 10 % d’une classe d’âge, est maintenu. On dénombre ainsi 19 000 jeunes répartis dans 767 classes de défense, 17 000 participants aux Journées sport armée jeunesse et 13 000 stagiaires au ministère des Armées.
Ces actions ciblées entretiennent activement le lien armée-nation et diffusent la connaissance du monde militaire auprès des jeunes.
À cet égard, le service militaire volontaire (SMV) est un acteur reconnu et durable de l’insertion socioprofessionnelle des jeunes Français les plus éloignés de l’emploi ; il a atteint sa maturité et continue de se développer dans les bassins d’emploi locaux, en lien avec les besoins des entreprises. Je suis particulièrement fier des résultats de ce dispositif, dont les objectifs ont été dépassés puisque le taux d’insertion à la sortie du SMV, qui avait été fixé à 75 % par le projet annuel de performances (PAP), atteint 83 %. Comme quoi, cela marche ! Mais ce succès s’explique, ne l’oublions jamais, par le fait que les jeunes concernés sont volontaires.
Le budget affecté aux armées, aux anciens combattants, à la mémoire et au renforcement des liens avec la nation est au plus près des enjeux liés aux anciens comme à notre jeunesse. Le Gouvernement est déterminé à protéger ces belles missions. Un très grand nombre d’entre vous soutiendront, je le sais, ce budget dédié à la réparation et à la mémoire, comme la cohorte des anciens combattants et de leurs familles nous soutiendra pour que soient tenus les engagements pris à leur égard.
Je serai particulièrement attentif aux propositions que vous soumettrez au débat budgétaire, tout en rappelant le cadre contraint de nos finances publiques et les règles de compensation entre les actions et les programmes. J’ai confiance dans le travail qui sera accompli ; nous ne sommes qu’au début de l’exercice.
Il reviendra à la représentation nationale de décider si elle partage les priorités exposées par le Gouvernement et aux députés qui y souscrivent de s’en faire les ambassadeurs au-delà de cette commission. Je sais combien chacun d’entre vous est conscient des enjeux. L’Assemblée compte 577 députés ; rien ne leur interdit d’être les messagers de cette bonne parole. De fait, il ne s’agit pas uniquement de lignes budgétaires, mais aussi et d’abord de valeurs humaines qui se traduisent par une exigence de loyauté, de reconnaissance et de justice.
Tous mobilisés, nous resterons unis pour ce combat qui nous oblige et dont le triple objectif est la réparation, la transmission et la préparation de la jeunesse.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux orateurs des groupes.
M. Frank Giletti (RN). Le 4 avril dernier, dans son arrêt Tamazount, la CEDH a condamné notre pays au titre des préjudices matériel et moral subis par les descendants des harkis ayant séjourné au camp d’accueil de Bias pour méconnaissance des articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 1er du protocole n° 1 annexé. S’étant reconnu compétent pour les années 1974 et 1975, le juge européen demande à la France de verser aux individus concernés la somme de 4 000 euros par année passée au sein du camp susmentionné, toute année commencée étant intégralement prise en compte.
Le groupe Rassemblement national, qui s’est toujours tenu aux côtés des harkis et les a défendus en toutes circonstances, soutient vivement cette décision, qui n’est pas pour autant et ne peut pas être – nous en conviendrons tous ici – à la hauteur du sacrifice consenti en faveur de notre pays. Les harkis ont choisi la France ; ils font partie intégrante de son histoire. Or ne l’oublions jamais, elle les a accueillis dans des conditions déplorables, parfois inhumaines et, malgré les dédommagements qui leur ont été accordés, elle n’a pas été suffisamment reconnaissante à leur égard.
Il est légitime que nous vous interrogions sur cette charge supplémentaire : l’arrêt étant intervenu en début d’année, a-t-il été pris en compte dans l’élaboration du budget annuel ? Nous n’ignorons pas les nombreuses dépenses incombant à la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ; je pense notamment à la préservation des tombes de ceux qui sont morts pour la France et, par exemple, aux frais de pèlerinage de leurs familles ou au fonctionnement de l’ONaCVG.
Comment avez-vous intégré cette nouvelle donnée à votre réflexion ? Comment et selon quel calendrier pourront être dédommagées les familles de harkis concernées par cette jurisprudence ?
Enfin, vous n’avez pas répondu à la question de notre président : pouvez-vous nous donner quelques précisions sur le périmètre de vos prérogatives ministérielles ?
M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué. Je vous rassure : nous avons bien intégré dans la maquette budgétaire de 2025 les conséquences financières de la jurisprudence Tamazount, à la hauteur d’une quarantaine de millions d’euros, sachant que sont également pris en compte les dossiers qui ne nous ont pas encore été transmis.
Cela dit, toute réparation pécuniaire de la tragédie des harkis est nécessairement insuffisante. Même si cela n’est pas politiquement correct – mais, après tout, Nicolas Sarkozy l’a élevé au grade de grand-croix de la Légion d’honneur –, je m’autorise, car c’est sincère, à citer Hélie de Saint Marc, lequel disait qu’il n’avait pu se résoudre, après avoir dû abandonner les populations des hauts plateaux d’Indochine, à abandonner à leur tour les harkis. Le gaulliste que je suis, et que j’assume d’être, ne les oublie pas. Leur indemnisation n’est, ma foi, que justice.
Quant au périmètre de mes attributions, il n’est pas encore définitivement arrêté. Je peux néanmoins vous indiquer que les anciens combattants et la mémoire sont au cœur de mes missions et que s’y ajouteront des questions internationales qui restent à définir et une partie des enjeux liés à l’industrie de défense.
M. Sylvain Maillard (EPR). Je salue votre soutien au mémorial de la Shoah.
L’année 2024 est riche en commémorations et en rendez-vous mémoriels importants. Les cérémonies des 80 ans du Débarquement et de la Libération de Paris ont permis à la nation de rendre un hommage vibrant au monde combattant et d’honorer le devoir de mémoire qui incombe à chaque citoyen.
Cette année, l’État a également réaffirmé son soutien constant à nos anciens combattants en mettant en œuvre le plan « Blessés » 2023-2027, qui vise un double objectif : la simplification des démarches et le renforcement de l’accompagnement des blessés militaires et de leurs familles, impulsé dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030. Comme le souligne le dernier rapport pour avis relatif à la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, ce plan figure parmi les nombreuses avancées décidées sous la dernière législature afin de répondre aux demandes formulées de longue date par les associations combattantes, qu’il s’agisse de la revalorisation anticipée de 3,5 % de la PMI ou de l’élargissement de la demi-part fiscale à tous les conjoints survivants des anciens combattants titulaires de la carte du combattant.
Pour les députés du groupe EPR, il est impératif de préserver cette dynamique positive. Le budget qui nous a été présenté s’inscrit dans la continuité des actions passées en faveur des anciens combattants, de la mémoire et du lien armées-nation.
Je relève l’effort particulier consenti au bénéfice de la jeunesse, notamment dans le cadre de la journée de défense et de citoyenneté et du service militaire volontaire. Ma question porte sur la poursuite, en 2025, de l’expérimentation d’un nouveau modèle de la JDC, recentré sur lien armées-nation et l’attractivité des métiers de la défense. Quelle est l’articulation prévue entre cette journée et le service national universel (SNU) ? Quels retours le ministère a-t-il sur la pertinence du dispositif pour préserver le lien entre la jeunesse et le monde combattant ?
M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué. S’agissant de la JDC, nous allons poursuivre le test conçu dans l’esprit de la maquette présentée par le général Givre au mois de mars. Les financements sont disponibles, à hauteur de 37 millions, soit une augmentation de 15 millions. Ce dispositif relevant à la fois de mon ministère délégué et du ministère de plein exercice, je ne veux pas m’avancer : l’annonce des modalités de sa généralisation interviendra dans les semaines qui viennent.
Quant au SMV, nous continuons à le soutenir en portant ses crédits de 3,4 millions à 3,5 millions, l’objectif étant de maintenir le même taux d’emploi et de satisfaction. Merci pour le soutien que vous apportez à ce combat de longue haleine !
La réunion est suspendue de dix-huit heures cinq à dix-huit heures vingt-cinq.
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Monsieur Thiériot, il est difficile de savoir à qui, du vice-président de la commission de la défense ou du membre du Gouvernement, je m’adresse. La première contrôlant le second, le respect de la séparation des pouvoirs impose que cette situation ubuesque prenne fin au plus vite.
Dans la nuit du 12 au 13 février 1943, un groupe de dix-huit jeunes Alsaciens, principalement originaires de Ballersdorf, située dans le sud de la région, tente de fuir vers la Suisse pour se soustraire à leur incorporation de force dans les armées allemandes. Des garde-frontières les interceptent et des échanges de tirs éclatent, sous lesquels trois Alsaciens périssent. Un seul d’entre eux parvient à s’échapper et à passer en Suisse ; les quatorze autres sont arrêtés et seront fusillés entre le 17 et le 24 février au camp de concentration du Struthof, près de Strasbourg. Par ailleurs, toutes les familles des fusillés sont emprisonnées au camp de Vorbrück-Schirmeck, non loin du Struthof, avant d’être déportées en Allemagne en tant que travailleurs forcés.
Ainsi se déroulait l’incorporation de force. De force et non de gré, car c’est malgré elles et eux que 145 000 ressortissantes et ressortissants d’Alsace et de Moselle furent enrôlés par le IIIe Reich. En cas de refus ou de fuite, les familles, enfants compris, étaient expropriées et incarcérées dans des camps, voire déportées.
Dans quelques semaines, le Président de la République doit se rendre en Alsace pour commémorer les 80 ans de la Libération. Le temps est venu des mots et des actes qui soignent. On pourrait ainsi décorer les derniers malgré-nous survivants pour que cette plaie toujours béante puisse enfin se refermer. Je sais que votre audition porte sur le budget, mais cette mesure ne coûterait rien. Appuierez-vous cette demande ?
Enfin, hier, le cimetière militaire des Vallons, à Mulhouse, a été odieusement profané : l’Action française y a érigé une stèle censée rendre hommage aux Français qui seraient morts de l’immigration…
M. le président Jean-Michel Jacques. Merci, mon cher collègue.
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). J’aurais aimé achever mon propos : les faits que j’évoque sont graves !
M. le président Jean-Michel Jacques. Il est de mon devoir de faire respecter par chacun des orateurs de groupe le temps de parole de deux minutes.
M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué. Toute profanation d’un cimetière, militaire ou non, est d’une extrême gravité. Il va de soi que le Gouvernement partage votre émotion.
L’exemple que vous avez cité illustre la tragédie des malgré-nous. Encore une fois, il y a seulement dix-sept jours que j’ai pris mes fonctions et, à ce jour, je n’ai pas été saisi de cette question spécifique. Je l’examinerai néanmoins avec la plus grande attention, dans un souci de justice. Mais vous savez que le processus de reconnaissance mémorielle, en particulier l’attribution d’une décoration de quelque nature qu’elle soit, ne relève pas de la décision du seul ministre.
M. Didier Lemaire (HOR). Je vous souhaite, au nom de mon groupe, d’accomplir vos missions avec succès. Il est à cet égard encourageant de commencer par aborder avec vous le budget de votre ministère, qui comprend l’Office national des combattants et des victimes de guerre, l’Institution nationale des Invalides et, de manière générale, les opérateurs de l’État qui agissent en faveur du monde combattant.
Vos crédits restent relativement stables, malgré les efforts budgétaires consentis pour 2025, et consacrent le maintien des actions en faveur des blessés physiques et psychiques, des harkis et de leurs familles et de la reconnaissance du monde combattant dans sa diversité. Ce budget, qui s’élève à 1,8 milliard d’euros, permettra également d’envisager, après une année riche en commémorations de la Libération, une fête nationale d’ampleur pour célébrer les 80 ans de la victoire du 8 mai 1945.
J’insiste enfin sur le lien armées-jeunesse, action qui bénéficie d’une attention toute particulière dans ce budget, ses crédits augmentant de plus de 50 % afin de financer notamment la transformation de la journée de défense et de citoyenneté en une JDC de nouvelle génération, plus immersive, ludique et participative. Comment l’expérimentation sera-t-elle conduite et quels sont les principaux critères d’évaluation retenus en vue de la généralisation de la nouvelle formule à l’ensemble du territoire en 2025 ?
Puisque M. Fernandes a évoqué les malgré-nous, je confirme que cette tragédie a bien laissé une cicatrice, mais je comprends qu’en dix-sept jours, vous n’ayez pas eu le temps de vous pencher sur cette question. Je suis cependant certain que nous y reviendrons.
M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué. Encore une fois, je ne veux pas déflorer les annonces que Sébastien Lecornu et moi-même ferons dans les semaines à venir. Je peux toutefois vous indiquer qu’il s’agit d’en finir avec une JDC fourre-tout, qui comprend un peu d’alphabétisation, un peu de formation à la citoyenneté, à la transition écologique… Lorsqu’on veut tout faire, on ne fait rien correctement.
Cette journée devra être centrée sur la conscience de la menace et l’esprit de défense et revêtir un caractère plus militaire, afin de mieux faire connaître à la jeunesse les enjeux de défense et les possibilités d’engagement dans nos armées. Car, à côté de ceux qui mettent le bazar – et nous les connaissons tous –, il y a, dans nos circonscriptions, une jeunesse qui a envie de servir. Or elle pense rarement aux armées, car certains territoires sont désormais dépourvus de régiments ou d’unités militaires. C’est le cas, par exemple, en Seine-et-Marne, dont je suis l’élu et où ne sont implantés que l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) – celle-ci est, certes, de nature militaire, et c’est un trésor, mais ce n’est pas l’armée au sens classique –, un site nucléaire, à Sainte-Assise – qui n’est pas ouvert au public pour des raisons de sécurité –, et un petit site du service de l’énergie opérationnelle.
Organiser concrètement la rencontre de la jeunesse avec nos armées en présentant à celle-ci des matériels ou d’autres jeunes qui servent dans des unités, cela permettra à ceux qui ont la vocation ou qui pourraient l’avoir de les rejoindre. Il ne s’agit pas d’être des sergents recruteurs mais de montrer à ceux qui le souhaitent comment ils peuvent servir leur pays sous le drapeau français.
M. Matthieu Bloch (UDR). Les conventions de partenariat signées entre le ministère des Armées et les collectivités territoriales avaient pour objet de favoriser l’attractivité d’un territoire en soutenant la vie des militaires et de leurs familles, de développer la force morale de la jeunesse, d’entretenir le lien nation-armée et de contribuer à la diffusion de l’esprit de défense. Est-il prévu d’allouer les crédits nécessaires à leur exécution ?
Par ailleurs, les anciens combattants de la seconde guerre mondiale et des guerres d’Indochine et d’Algérie nous quittent tour à tour. Dès lors, les soldats des récentes opérations extérieures (Opex) qui appartiennent à ce que l’on appelle la quatrième génération du feu, sont le visage contemporain de l’engagement. Il est donc essentiel que leur mémoire soit intégrée de manière forte dans la politique de mémoire nationale, car la mémoire, c’est aussi ne pas se détourner du présent.
Ces hommes et ces femmes risquent leur vie pour défendre nos valeurs et leur reconnaissance doit être à la hauteur de leur service. Comment peut-on mettre davantage à l’honneur ceux qui sont tombés au combat au service de la France ? Leurs noms ne figurent pas sur les monuments aux morts, où ils ont pourtant tout autant leur place que leurs aïeux. Les poilus ayant tous disparu, peut-être pourrait-on leur réserver une place particulière lors des commémorations du 11 novembre.
M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué. Les conventions conclues entre le ministère des Armées et les collectivités territoriales sont non seulement utiles mais nécessaires et doivent donc être renforcées. Mais à quel type de conventions précisément faites-vous allusion ? S’agit-il de celles qui visent à favoriser la réserve – question qui excède légèrement mes attributions ? De celles qui visent à favoriser l’accès aux crèches ? Quoi qu’il en soit, ces conventions ne relèvent pas du programme 169, à l’exception de celles qui portent sur le volet mémoire. C’est donc une question que vous pourriez poser au ministre des Armées.
Toujours est-il que, pour ce qui est du travail du mémoire, je souhaite renforcer les partenariats avec les collectivités. À titre d’exemple, nous souhaitons relancer – j’y suis très attaché – le projet de musée d’arme de l’infanterie de l’armée de terre, pour lequel il nous faut trouver un site et une collectivité locale partenaire.
La quatrième génération du feu a une importance particulière. Non seulement nous devons lui témoigner notre gratitude mais, cette génération étant assez jeune, elle peut porter de manière charnelle la mémoire de nos combats, donc les valeurs à transmettre à nos concitoyens. Un monument aux soldats tombés en Opex a été édifié à Paris. Par ailleurs, ces derniers ont droit au titre de mort pour la France ; c’est aux familles et aux ayants droit d’en faire la demande. Enfin, une ligne budgétaire, dont j’ai obtenu l’augmentation, a pour objet d’aider les petites communes à rénover leurs monuments aux morts. Il va de soi que ces rénovations sont l’occasion de graver le nom de ceux des nôtres qui sont tombés au combat.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Christophe Bex (LFI-NFP). En préambule, je tiens à saluer la mémoire du tirailleur Addi Bâ, volontaire pendant la seconde guerre mondiale et héros de la Résistance dans les Vosges, dont la stèle a été la cible de tirs de fusil le mois dernier.
Le 1er septembre 1944, au camp militaire de Thiaroye, au Sénégal, des tirailleurs africains ont été tués par les troupes françaises alors qu’ils réclamaient simplement leur dû. Officiellement, on a dénombré 35 morts et 46 blessés, mais ces chiffres sont contestés, de sorte qu’on ignore le véritable nombre de morts et de blessés.
À la suite de l’identification de six d’entre eux, la France a-t-elle transmis au Sénégal, plus à même de faire la lumière sur cette affaire, l’ensemble des documents dont elle dispose, notamment les archives intermédiaires et les dossiers conservés aux archives nationales d’outre-mer (Anom) ainsi que ceux de la justice militaire ? Êtes-vous prêt à aider techniquement et financièrement le Sénégal à exhumer les corps des trois fosses communes identifiées pour enfin établir le nombre exact des victimes ? Enfin, pour réhabiliter leur mémoire et celle de leurs familles, êtes-vous prêt à reconnaître officiellement la responsabilité de la France et à réviser le procès des tirailleurs condamnés ? Morts pour la France, morts par la France…
Mme Catherine Rimbert (RN). Les veuves d’anciens combattants bénéficient d’une demi-part fiscale additionnelle à partir de 74 ans, quel que soit l’âge auquel leur conjoint est décédé. Nombre d’entre elles vivent cependant dans la précarité notamment à cause des crises inflationniste et énergétique que nous traversons. Nous demanderons, à l’occasion de l’examen du PLF, la rédaction d’un rapport étudiant l’abaissement du seuil d’âge à 65 ans, afin de leur apporter un soutien fiscal plus précoce.
Le Gouvernement envisage-t-il une telle mesure, qui ne figure pas dans le PLF ? Comment pourrait-on l’intégrer dans la politique de soutien aux veuves d’anciens combattants vivant dans la précarité ?
M. Julien Limongi (RN). J’appelle votre attention sur le sort des sépultures des soldats morts pour la France durant la grande guerre, qui se trouvent dans les cimetières communaux. Certaines tombes de poilus dépérissent faute de moyens pour les entretenir. Pire, par manque d’information ou par négligence, certains conseils municipaux déclarent parfois, ces concessions abandonnées et lancent alors des procédures de reprise, notamment pour les combattants morts pour la France enterrés dans des caveaux familiaux. Le risque est que ces soldats qui ont consenti le sacrifice ultime pour la patrie, finissent dans un ossuaire, anonymes et oubliés de tous, y compris de la nation pour laquelle ils se sont sacrifiés. Nous refusons une telle indignité, car ils incarnent notre histoire : il est urgent d’agir pour préserver leur mémoire.
C’est un devoir non seulement moral mais légal : la loi du 29 décembre 1915 leur garantit une sépulture perpétuelle et un hommage éternel de la nation. Je ne veux plus voir ces tombes abandonnées, chez nous en Seine-et-Marne, dans le Provinois, les plaines de la Brie, la Bassée-Montois, la vallée du Grand ou du Petit-Morin, ou dans n’importe quel endroit de France.
Le ministère des Armées et des anciens combattants prendra-t-il des mesures concrètes pour protéger ces sépultures et garantir leur pérennité ?
M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué. Toutes les archives concernant la mort des tirailleurs ont été scannées et transmises au gouvernement sénégalais. Rien ne prouve à ce jour l’existence de fosses communes. Le gouvernement sénégalais a créé une commission mais n’a transmis aucune demande financière à la France. Quant à la reconnaissance officielle de la responsabilité de la France, le Président de la République François Hollande l’a faite en 2014 à Dakar, en rendant hommage à ces tirailleurs.
Il serait souhaitable et juste d’étudier les conséquences de l’abaissement de l’âge à partir duquel les veuves d’anciens combattants bénéficient d’une demi-part fiscale supplémentaire, cela doit en outre se mettre en perspective avec un déficit budgétaire de 6 % du PIB.
La garantie d’une sépulture perpétuelle et entretenue pour les soldats morts pour la France est en effet une obligation légale. Les communes doivent agir pour que les sépultures ne soient pas abandonnées. Je suis très attentif au sujet, même si nous ne pouvons pas nous substituer aux maires. Notre ministère aide, notamment financièrement, le Souvenir français, association formidable qui fait vivre la mémoire des soldats des conflits passés. Nous devons tous sensibiliser les élus locaux, dans chaque circonscription, à l’enjeu de la conservation des sépultures des soldats morts pour la France. Certains maires n’ont même pas le réflexe de contacter le Souvenir français lorsqu’une cocarde se trouve sur une tombe du cimetière de leur commune. Cette question rejoint celle du rôle des correspondants défense dans les communes, que je souhaite renforcer. Certaines communes n’en désignent pas alors qu’elles y sont tenues. Avant la remontée en puissance de 2017, on considérait parfois que sa seule tâche consistait à recevoir les publications du service d’information et de relations publiques des armées (Sirpa). C’est à nous de rendre les fonctions de ce correspondant plus attractives. Grâce au dynamisme du délégué militaire départemental (DMD) ou de son adjoint, des actions sont lancées, celles-ci ne coûtant pas forcément d’argent. Dans le département de Seine-et-Marne dans lequel j’ai été élu, qui compte 509 communes, le DMD a invité les correspondants défense à venir écouter, à l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN), un préfet du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) exposer les différentes menaces, un général faire un point de la situation et votre serviteur présenter la LPM, 350 correspondants défense étaient présents. Il faut placer les correspondants défense en première ligne pour rappeler aux communes leurs obligations et leur indiquer les aides qu’elles peuvent recevoir pour les remplir.
Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Le PLF pour 2025 réduit drastiquement le budget de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) et prévoit, d’ici à 2027, la suppression de vingt postes sur les soixante et onze que compte l’Institut soit près d’un tiers des effectifs : dès janvier 2025, cinq postes disparaîtront, suivis de dix autres l’année suivante puis de cinq autres. Ces coupes budgétaires, ajoutées à celles des années passées, risquent de compromettre sérieusement ses missions de formation et de rayonnement international de la France dans le domaine de la défense.
Vous qui avez été auditeur de la soixante-douzième session de l’IHEDN – la meilleure étant la soixante-seizième… –, comment justifiez-vous de telles réductions budgétaires alors que les tensions internationales et les risques géopolitiques s’accroissent et que le budget de la défense progresse, conformément à la LPM ? Quelles garanties pouvez-vous apporter pour que ces coupes n’affectent ni la qualité ni le nombre des formations proposées par l’IHEDN ? Je sais que le budget de l’Institut relève du Premier ministre, mais il concerne la défense, donc le ministère des Armées et des anciens combattants ne peut pas ne pas réagir.
Mme Michèle Martinez (RN). Le Gouvernement a relancé le projet de création d’une fondation pour les harkis lors de la Journée nationale du 25 septembre 2023. Votre prédécesseure, Patricia Mirallès, a lancé une réflexion qui s’est traduite par la commande d’un rapport dont les conclusions n’ont pas été rendues publiques. Une telle fondation répondrait à une urgence et à une nécessité. En effet, la plupart des harkis sont morts et ont emporté avec eux leur témoignage : il convient de recueillir rapidement les souvenirs de ceux qui sont encore parmi nous. En outre, malgré quelques documentaires, livres ou productions audiovisuelles, l’histoire des harkis reste méconnue et souffre d’un manque de promotion. Une fondation ferait vivre cette mémoire par des travaux de recherche, des expositions et des aides à des productions. Son statut lui donnerait accès aux financements publics mais aussi privés nécessaires à son fonctionnement.
Êtes-vous favorable à ce projet ? Les Pyrénées-Orientales, qui comptent d’anciens camps de harkis et hameaux de forestage, seraient honorées d’héberger cette fondation.
M. Thibaut Monnier (RN). Je déplore l’absence des oubliés de la nation dans le PLF pour 2025 comme dans les lois de finances des années précédentes. Les 130 000 militaires décédés accidentellement en service dans le territoire national doivent bénéficier d’une juste reconnaissance. Dans mon département de la Drôme, j’ai rencontré une veuve en colère, qui m’a profondément ému. Solène Grève était l’épouse du commandant Sébastien Grève, membre du quatrième régiment d’hélicoptères des forces spéciales et mort, comme quatre de ses frères d’armes, le 2 février 2018 dans une tragique collision d’hélicoptères dans le Var. Pour l’administration militaire, le commandant Grève est simplement « mort en service ». Depuis ce tragique accident, cette femme courageuse, mère de quatre enfants qui ne sont pas reconnus pupilles de la nation, doit vivre, ou plutôt survivre, avec la moitié de la solde de son mari, sans pouvoir bénéficier de la carte du combattant.
Serez-vous celui qui rétablira l’honneur du combattant Grève et de tous les oubliés de la nation ? Accorderez-vous le statut de « mort pour le service de la nation » à tous les militaires décédés accidentellement en service et apporterez-vous à leur famille la juste reconnaissance du sacrifice consenti ?
M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué. Madame Lepvraud, vous évaluez les mérites respectifs des promotions de l’IHEDN avec une totale impartialité... Plus sérieusement, vous avez répondu à votre question : l’Institut dépend du secrétariat général du Gouvernement (SGG), donc du Premier ministre ; son budget est inscrit au programme 129 Coordination du travail gouvernemental. J’y suis aussi attentif que vous, mais ce dossier ne relève pas du ministère des Armées et des anciens combattants.
L’étude lancée par Patricia Mirallès sur le projet d’une fondation sur les harkis est toujours en cours. Toutes les initiatives mémorielles sont les bienvenues. Il existe déjà une fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie, la FMGACMT, donc la question de la création d’une fondation tournée exclusivement vers la mémoire des harkis se pose mais elle mérite de l’être. Une réunion a été organisée avec l’ONaCVG en juin dernier. Plusieurs services contribuent à la mémoire de ce conflit, dont la DMCA et l’ONaCVG, ainsi que de nombreuses associations. Réfléchissons à ce projet avec eux, mais pour l’heure je n’ai pas d’annonce à faire.
Le sujet des militaires morts accidentellement en service est évidemment très douloureux. Je pense à tous les noms inscrits sur les monuments aux morts : la mention « mort pour la France » possède une signification mémorielle et symbolique particulière, ce qui ne diminue en rien la tragédie de ceux qui sont morts « en service commandé ». Je ne connais naturellement pas le cas particulier que vous avez évoqué, mais il existe depuis 2021 un statut de « mort pour le service de la République ». Vous pouvez saisir mon cabinet du cas de la veuve du commandant Grève pour voir si nous pouvons faire quelque chose mais dans un cadre différent du statut de « mort pour la France » car chaque appellation doit conserver sa symbolique propre.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie.
2. Audition d’associations d’anciens combattants
La commission a entendu des représentants d’associations d’anciens combattants, sur le projet de loi de finances au cours de sa réunion du mardi 29 octobre 2024 :
La commission de la Défense nationale et des forces armées a auditionné des représentants d’associations d’anciens combattants, sur le projet de loi de finances 2025.
Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
La commission a examiné, pour avis, sur le rapport de M. Laurent Jacobelli, les crédits de la mission « anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », pour 2025, au cours de sa réunion du 30 octobre 2024.
M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle l’examen des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, de la mission Défense et du programme Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Je tiens à remercier les personnes auditionnées, notamment le personnel de la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ), le 40e régiment de transmissions de Thionville, les responsables d’associations patriotes et d’anciens combattants.
Selon la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF), nous aurions dû recevoir le 10 octobre des réponses au questionnaire budgétaire, mais nous n’avons à cette date obtenu aucune réponse à l’ensemble de nos questions. Compte tenu du caractère tardif de la mise en place du gouvernement, le ministre actuel des anciens combattants n’est évidemment pas responsable, mais il n’en demeure pas moins que ceux qui ont prononcé la dissolution et ont trop tardé à nommer le gouvernement portent une part de responsabilité.
Alors que l’année 2024 a été rythmée par les commémorations des 80 ans de la Libération et des débarquements, la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation est plus que jamais nécessaire pour assurer la pérennité du travail de mémoire et la transmission entre les générations. Avec près de 1,9 milliard d’euros proposés en crédits de paiement en 2025, les crédits alloués à la mission connaissent un relatif équilibre (en légère diminution de 1,1 %), ce qui est notable en cette période de coupes budgétaires.
Le projet de budget permettra, dans l’ensemble, de préserver l’existant. Parmi les points positifs, figurent notamment la consolidation du dispositif ATHOS ; la préservation des crédits de la subvention d’action sociale versée à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), à hauteur de 29 millions d’euros, pour remplir sa mission de solidarité envers les anciens combattants et victimes de guerre, notamment les pupilles de la nation et les orphelins de guerre majeure ; ou encore les efforts conséquents (15 millions d’euros supplémentaires) en faveur du projet de journée défense et citoyenneté nouvelle génération.
Toutefois, la relative stabilité du projet de budget ne doit pas masquer la baisse plus importante des actions budgétaires consacrées à la reconnaissance et à la réparation en faveur du monde combattant. Ainsi, les crédits finançant les pensions militaires d’invalidité (PMI) connaissent une baisse de près de 4 % en crédits de paiement, de même que les montants alloués à l’allocation de reconnaissance du combattant, à hauteur de 5,85 %. Si cette diminution constitue principalement le reflet de la diminution naturelle et regrettée du nombre de bénéficiaires de la dette viagère alors que l’immense majorité d’entre eux a combattu durant la guerre d’Algérie, il y a plus de soixante ans, elle résulte également du manque d’ambition de ce budget, marqué notamment par l’absence de revalorisation suffisante des dispositifs au regard de l’inflation.
Je souhaite en particulier revenir sur deux points de vigilance principaux : la valeur du point de PMI d’une part et le montant du droit à réparation prévu pour les harkis d’autre part, qui constituent pour moi autant de lignes rouges. D’une part, la valeur du point PMI continue de présenter un retard conséquent par rapport à l’évolution de l’indice des prix à la consommation. Le rattrapage nécessaire, calculé par un certain nombre d’associations, est estimé à un peu plus de 16,25 % au 1er juillet 2024, au regard de l’écart constaté avec l’évolution des prix à la consommation hors tabac depuis 2005. En particulier, les invalides de guerre, ainsi que les anciens combattants percevant une retraite modeste sont particulièrement préoccupés par cette évolution et voient leurs difficultés matérielles s’accroître. Par conséquent, j’ai déposé un amendement d’appel, pour l’instant, prévoyant une revalorisation supplémentaire du point de PMI au 1er janvier 2025, à hauteur du montant de l’inflation, soit 2,3 % sur un an en juillet 2024, selon les données de l’Insee relatives à l’évolution de l’indice des prix à la consommation (IPC).
En effet, il n’est que justice que les moindres dépenses résultant de la baisse tendancielle du nombre de bénéficiaires soient mises au profit du monde combattant, au moins en partie. Il convient de ne pas oublier qu’avant de constituer un droit pour ses bénéficiaires, les prestations constitutives de la rente viagère expriment avant tout le devoir de reconnaissance de la nation envers « ceux à qui nous devons tout ». La reconnaissance ne doit pas diminuer avec le temps. J’ajoute à ce sujet que le code des pensions militaires d’invalidité prévoit depuis 2022 que le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre et le ministre chargé du budget établissent, selon une périodicité bisannuelle, un rapport comparant l’évolution constatée de la valeur du point de pension et de celle de l’indice des prix à la consommation hors tabac. Ce rapport doit être communiqué au Parlement, mais nous ne l’avons pas reçu. Finalement, ce sont nos anciens combattants qui paieront les conséquences de ces retards et imprécisions.
D’autre part, l’effort de solidarité en faveur des harkis et rapatriés n’est pas à la hauteur. Le montant prévu de l’enveloppe pour financer le droit à réparation dans le projet de loi de finances (PLF) 2025, s’élève à un peu plus de 70 millions d’euros ; il est à peu près stable par rapport à l’année dernière. Cependant, il s’avère insuffisant pour faire face aux conséquences de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) rendu le 4 avril 2024 dans l’affaire dite Tamazount, tout en continuant l’examen des dossiers des autres demandeurs. Cela conduit à décaler mécaniquement et de manière préjudiciable les délais de traitement des dossiers des harkis et de leurs familles jusqu’en 2028, voire en 2029. L’impact financier anticipé de cet arrêt Tamazount serait de l’ordre de 40 millions d’euros supplémentaires, selon les estimations fournies. Ces 40 millions d’euros soustraits, seuls 30 millions d’euros, seront disponibles pour les autres indemnisations des demandes de réparation des Harkis et leurs familles en 2025.
Or, selon les estimations de l’ONaCVG, le budget nécessaire pour achever les indemnisations à partir de 2025 est évalué à 200 millions d’euros, conduisant nécessairement à un décalage. L’enveloppe du droit à réparation devra néanmoins être financée par le ministère. Tandis que les délais d’examen des dossiers s’allongent, le risque de contentieux augmente, nécessitant du personnel pour les traiter et renchérissant in fine le coût du dispositif en cas de condamnation. Ce défaut de prise en compte dans le projet de budget aura par ailleurs pour effet d’accroître la pression exercée sur les services de l’ONaCVG.
Par ailleurs, je tiens à vous faire part de ma préoccupation concernant la trajectoire envisagée pour le budget de la mission. Les prévisions indicatives de crédits figurant dans le projet annuel de performance pour les exercices 2026 (-7 %) et 2027 (-10 %), se caractérisent par une baisse importante du montant de la mission. Or, comme je l’ai déjà mentionné, je considère que les moindres dépenses doivent au contraire permettre de financer de nouveaux droits ou d’amplifier les dispositifs existants.
S’agissant de la partie thématique, j’ai choisi de me concentrer sur la refonte de la journée défense et citoyenneté (JDC). En effet, le projet de budget pour 2025 propose une augmentation de 15 millions d’euros des moyens en faveur de cette JDC nouvelle génération, qui concerne 800 000 jeunes à peu près chaque année. Je me suis également intéressé à la cohérence d’ensemble des dispositifs d’engagement dédiés à la jeunesse.
La JDC a connu de nombreux projets de modernisation successifs sans rencontrer un grand succès. Elle apparaît aujourd’hui inadaptée, tant par son contenu que son format, trop peu centré sur les enjeux de défense. Je rappelle aujourd’hui qu’elle est réduite à un format dégradé sur une demi-journée. Elle ne permet pas non plus de contribuer suffisamment à la manœuvre de recrutement des armées, ni de recueillir des informations personnalisées qui seraient utiles sur les jeunes présents. Elle doit pouvoir évoluer pour devenir plus utile, pour les jeunes comme pour les armées.
Si le projet de JDC nouvelle génération semble aller dans le bon sens, notamment en assumant la dimension de recrutement et en prévoyant de rendre le jeune acteur de sa journée à travers des propositions innovantes et immersives, ou encore en renforçant le lien numérique existant entre les jeunes et le ministère des Armées, je m’emploie dans mon avis à dresser plusieurs axes d’amélioration.
Il s’agit notamment de garantir le caractère véritablement universel de la JDC, d’accompagner sa réforme d’une modernisation du recensement, de garantir l’égalité territoriale du dispositif et, enfin, d’augmenter la lisibilité d’ensemble des dispositifs jeunesse du ministère. À titre principal, j’estime qu’il doit être mis fin à la coexistence entre la JDC et la journée défense et mémoire (JDM), module organisé au cours du séjour de cohésion du service national universel (SNU), dont l’organisation pèse actuellement sur les services de la DSNJ.
En l’état, je ne peux qu’exprimer, et je le regrette, un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation pour 2025, un avis que j’espère provisoire. J’espère que le ministre délégué auprès du ministre des Armées et des anciens combattants entendra l’appel des associations, du rapporteur et d’un certain nombre de parlementaires, notamment pour la revalorisation du point PMI, qui est un point crucial dans ce budget.
M. Christophe Blanchet (Dem). Je partage votre point de vue sur la refonte nécessaire de la JDC, déjà évoquée dans le rapport que nous avions rendu avec Martine Étienne. En revanche, je ne comprends pas bien vos propos, lorsque vous indiquez la nécessité de garantir le caractère « universel » de la JDC. En effet, elle concerne déjà l’ensemble d’une génération, soit 800 000 jeunes. Comment comptez-vous renforcer son universalité, dans la mesure où elle est obligatoire pour l’ensemble une classe d’âge ?
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Je sais que vous êtes particulièrement intéressé par cette question. Les jeunes Français établis à l’étranger sont souvent tenus à l’écart du dispositif. Cette faiblesse a été identifiée par le ministère des Armées et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Ils étudient ainsi la possibilité d’adapter ce dispositif avec un système en ligne pour nos jeunes compatriotes à l’étranger. Pour notre part, nous estimons qu’un système n’est universel que si aucun des jeunes Français n’est tenu à l’écart.
Mme Michèle Martinez (RN). Monsieur le rapporteur, quel est votre point de vue sur les demandes émanant d’associations de harkis, qui réclament depuis de nombreuses années la création d’une fondation en faveur des harkis ? Selon vous, ce projet est-il viable ?
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Ceux qui ont fait le choix de la France doivent faire l’objet d’une reconnaissance et de réparations, dans la mesure où ils ont été traités d’une manière indigne d’une grande nation, alors même qu’ils ont voulu contribuer au récit national. Ceci passe à la fois par des indemnisations, mais aussi par une accélération du délai de traitement des cas et des litiges, qui est impossible en l’état actuel du nombre d’employés des services.
À ce titre, une fondation pourrait constituer une marque de respect et de gratitude. Ce projet avait d’ailleurs été évoqué par Mme Mirallès lorsqu’elle était ministre et avait obtenu un écho favorable auprès d’un certain nombre d’associations de harkis. Au moment où l’on parle souvent de mémoire, et où il est question de célébrer ceux qui ont participé à l’histoire de notre pays, cela constituerait un bon moyen de les intégrer dans le récit national de manière définitive et d’envoyer un signe positif à ceux qui, trop souvent – malheureusement à raison – se sentent délaissés et écartés d’un certain nombre de processus. À titre personnel, j’y suis favorable et nous avons les moyens d’y parvenir. Ce projet est sensé et viable.
M. Frédéric Boccaletti (RN). La subvention pour charges de service public, qui finance les charges de rémunération et de fonctionnement courant de l’ONaCVG, s’élèvera légèrement au-dessus de 66 millions d’euros en 2025. Vous avez évoqué à juste titre la très forte mobilisation des services de l’Office, notamment dans le cadre de l’examen des dossiers relatifs aux demandes des harkis et de leurs familles. Pourriez-vous revenir sur l’évolution de la dotation prévue dans le PLF 2025 au profit de l’ONaCVG et nous indiquer si elle vous semble suffisante ?
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Ce montant de 66,3 millions d’euros est en hausse d’un peu plus de 3 millions d’euros par rapport à 2024. Cette somme servira principalement à soutenir la commission d’indemnisation des harkis et à stabiliser le dispositif de réhabilitation des maisons ATHOS. Une subvention pour charges d’investissement de 650 000 euros a en outre été prévue en 2025, pour le financement d’investissements dans le domaine de la sécurité informatique et la mise aux normes des locaux des services départementaux.
Malheureusement, cette hausse semble peu élevée au regard de l’expansion continue des missions de l’ONaCVG. Malgré les efforts entrepris pour accélérer le traitement des dossiers d’une manière générale, le manque de personnel est patent. En outre, les demandes de type Tamazount seront traitées en priorité, ce qui reportera le traitement des dossiers dits classiques. Malheureusement, le PLF 2025 ne prévoit malheureusement aucun emploi supplémentaire au profit de l’ONaCVG.
M. Pascal Jenft (RN). Pourriez-vous revenir davantage sur l’évolution des crédits alloués à l’allocation de reconnaissance du combattant et aux pensions militaires d’invalidité ? Que préconisez-vous face au mécontentement des associations du monde combattant, qui demandent aujourd’hui une revalorisation de leur pouvoir d’achat, afin de leur garantir un niveau de vie décent face à l’inflation ?
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. La question du point PMI retient effectivement l’attention des différentes associations que nous avons pu rencontrer, notamment sur deux points particuliers. Le premier concerne la base du calcul de l’évolution du point, selon qu’elle se fonde sur le traitement de la fonction publique ou sur la solde des sous-officiers. Le deuxième porte sur l’accroissement de l’écart entre l’inflation et la revalorisation du point de PMI, qui est de plus de 16 %. Selon moi, nous devons proposer une revalorisation « exceptionnelle » au 1er janvier 2025, qui pourrait s’établir autour de 2 % pour ne pas que l’écart se creuse. Selon les différentes associations, Mme Mirallès leur avait d’ailleurs indiqué que la revalorisation s’effectuerait en deux temps : +2 % en 2025 et +2 % en 2026. Si ma proposition était acceptée, elle entraînerait un surcoût de près de 15 millions d’euros, soit 0,8 % du budget de 1,9 milliard d’euros.
Mme Caroline Colombier (RN). Vous évoquez des pistes pour la refonte de la JDC, dispositif essentiel pour le lien entre les armées et la jeunesse. Pourriez-vous revenir plus en détail sur vos propositions ? Quel poids l’organisation de la journée défense et mémoire fait-elle effectivement peser sur les services de la DSNJ ?
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Laissez-moi vous raconter une anecdote. J’ai assisté à une JDC au 40e régiment de transmissions de Thionville. Il a notamment été demandé à ces jeunes pourquoi, selon eux, le drapeau français était bleu-blanc-rouge. Un silence pesant s’en est ensuivi, avant qu’une jeune fille pleine d’allant lève la main pour répondre : « Je pense qu’on a repris les mêmes couleurs que celle du PSG, le club de football de la capitale ».
Si cette anecdote n’est évidemment pas révélatrice du niveau général, elle veut bien dire qu’il est fondamental de donner une instruction et d’organiser une journée de transmission des valeurs patriotiques. Aujourd’hui, la JDC, qui ne dure qu’une demi-journée, est une forme de « fourre-tout », avec un personnel par ailleurs parfois peu formé.
La refonte en cours nous semble aller dans le bon sens. D’abord, la JDC serait à nouveau « remilitarisée ». Elle durerait une journée entière et le contenu militaire serait assumé, notamment avec la levée des couleurs et assumé avec une dimension de recrutement dans les armées, dont on présenterait la diversité des métiers. En résumé, nous proposons de refondre les dispositifs dans une JDC « musclée », « regonflée » et plus utile.
Mme Anna Pic (SOC). Le budget afférent à la mémoire et aux commémorations va diminuer de 9 millions d’euros. Cependant, pouvez-vous m’indiquer les angles saillants de la commémoration du quatre-vingtième anniversaire de l’année 1945 et notamment du 8 mai 1945 ?
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Nous déplorons effectivement une baisse de crédits de 9 millions d’euros. Cependant, les cérémonies seront quand même financées, à hauteur de 5,5 millions d’euros, ainsi que les activités du groupement d’intérêt public (GIP) Mission Libération pour un montant de 4,5 millions d’euros. Si le budget diminue, l’ambition demeure et la bonne volonté de nos associations et de nos collectivités sera certainement sollicitée. Il s’agit, là aussi, d’un point de vigilance, que vous avez raison d’évoquer.
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La commission en vient maintenant aux interventions des groupes politiques.
M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle la suite de l’examen pour avis des missions « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », « Défense » et « Sécurités ».
Nous commençons par les interventions des orateurs des groupes avant le vote sur les amendements et les crédits de ces trois missions.
Mme Caroline Colombier (RN). J’ai une pensée pour les hommes et les femmes engagés sous nos drapeaux, qu’ils soient militaires, civils de la défense, membres des forces de l’ordre ou anciens combattants. Par-delà les chiffres, ils sont au cœur des missions budgétaires dont nous allons débattre. Nous devons être collectivement à la hauteur de leur engagement, présent ou passé, qui peut aller jusqu’au sacrifice ultime.
Notre groupe d’opposition ne manquera pas d’interroger les ministres sur les manques et les incohérences des budgets présentés – c’est le jeu démocratique. Mais n’oublions pas l’essentiel : par-delà les clivages, nous parlons pour le même pays, la même nation, le même drapeau et pour tous ceux qui les défendent. Les ministres des armées et des anciens combattants représentent les armées d’une France qui tient encore son rang dans le concert des nations, grâce notamment à sa puissance militaire.
Celle-ci est cependant limitée. Notre armée n’a pas la masse critique – thème cher au général Burkhard – pour affronter un conflit de haute intensité. Elle est sous-dimensionnée pour protéger le deuxième domaine maritime du monde, avec seulement une centaine de navires. Les récents exercices Orion ont montré que beaucoup reste à faire dans le domaine des satellites. Son service de santé, pourtant le meilleur au monde, ne peut prendre en charge que huit blessés en urgence absolue en cas d’engagement majeur.
L’armée britannique qui, comme la nôtre, fut un temps incontestée, fait face aux mêmes défis. La question est de savoir si nous sommes prêts à aller vers la guerre, selon le titre du dernier livre du ministre des Armées, comptable des moyens mis en œuvre dans ce domaine. Il faut bien constater qu’il existe un écart entre l’autosatisfecit auquel il s’est livré et la réalité.
La hausse de 3,3 milliards des crédits de la mission Défense prévue pour 2025 par la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (LPM 2024 – 2030) n’est qu’une façade. Si l’on tient compte du surcoût des opérations extérieures (Opex), qui atteint 2 milliards et pour lequel aucune solidarité ministérielle n’est à attendre, et de la hausse de l’aide à l’Ukraine par le biais du recomplètement des matériels et des fonds alloués à la Facilité européenne pour la paix (FEP), la marche budgétaire est en réalité un faux plat. Si l’on ajoute à tout cela les gels et les surgels de crédits, dont le montant s’élève à 2,6 milliards pour 2024 et qui ne manqueront pas de se reproduire en 2025, on constate que le projet de loi de finances pour 2025 ne prévoit aucune hausse du budget de nos armées.
Dans le détail, on y retrouve les lubies macronistes qui font tant de mal à nos armées : 813 millions sont prévus pour le système de combat aérien du futur (Scaf) et 97,6 millions affectés au programme système principal de combat terrestre (MGCS) – deux projets qui s’enlisent et sont voués à l’échec. Le Scaf va à l’encontre de tous les fondamentaux de la coopération industrielle : ni doctrine d’emploi commune, ni coopération commune, ni spécification commune. Le MGCS est affecté des mêmes tares, que confirme le lancement par l’Allemagne et l’Italie d’un projet concurrent.
Pourtant, le Gouvernement persévère, au détriment des intérêts de notre pays et de toute logique industrielle. Certes, il faut un char du futur. Certes, il faut un avion du futur. Certes, la coopération est souhaitable, à condition qu’elle soit réellement utile et non destinée à satisfaire des chimères européistes qui ne mènent à rien – la référence gaulliste n’échappera pas à nos ministres.
Concernant la mission Défense, les amendements du groupe Rassemblement national s’attacheront à préserver une armée souveraine, plus humaine et plus innovante. Nous proposerons la réallocation des moyens dévolus à des programmes ou à des structures inutiles à des segments de nos armées qui en ont bien besoin. Nous défendrons une augmentation des moyens pour le cadre de travail et de vie de nos militaires et de leurs familles. Nous proposerons des amendements permettant d’innover et de rester dans la course avec nos compétiteurs, notamment dans le domaine spatial.
Les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation sont stables, à hauteur de 1,9 milliard. Toutefois, nous dénonçons avec force les économies réalisées sur le dos du monde combattant par le biais de la stagnation de la pension militaire d’invalidité (PMI). L’an dernier, devant cette commission, la secrétaire d’État Patricia Mirallès s’était engagée à faire progresser le point d’indice de la PMI de 4 % en deux ans. Tel ne sera pas le cas.
Faire des économies sur les anciens combattants en leur accordant une aumône n’est pas acceptable ! Notre groupe défendra une hausse du point d’indice de la PMI alignée sur le taux d’inflation de 2024. Sans vouloir polémiquer, chacun sait quelle mauvaise gestion a durablement affecté nos finances publiques. Faire des économies d’accord, mais pas au détriment de nos anciens combattants !
Par ailleurs, nous aurons à cœur de défendre le patrimoine du monde combattant, sans lequel la mémoire ne repose sur rien, par le biais d’amendements relatifs à la préservation des drapeaux, des stèles et des plaques commémoratives. Nous aurons également à cœur de défendre les moyens accordés aux associations et à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG). Enfin, nous défendrons une extension de la demi-part fiscale accordée aux veuves d’anciens combattants.
Concernant la mission Sécurités, dont les crédits relèvent du ministère de l’intérieur, nous tiendrons compte des observations du major général de la gendarmerie nationale (MGGN). L’un de nos membres, ancien gendarme, aura à cœur de défendre ses frères d’armes.
Notre vote sur les trois missions qui nous sont soumises pour avis dépendra du sort réservé à nos amendements. Nous sommes un parti d’opposition responsable. Nous espérons que le Gouvernement le sera à l’identique pour aboutir à un budget acceptable par tous.
M. Yannick Chenevard (EPR). 50,5 milliards de crédits : telle est l’enveloppe qui sera consacrée à notre défense en 2025, soit 3,3 milliards de plus qu’en 2024, ce qui est conforme à la trajectoire fixée par la LPM 2024 – 2030. Cela représente 18 milliards de plus qu’en 2017. L’effort est colossal, d’autant qu’il a été engagé après des décennies de coupes budgétaires et de baisses drastiques. Ce que je qualifiais ce matin de saignées a été rappelé en chiffres par le ministre devant notre commission : disparition d’un régiment sur deux de l’armée de terre ; fermeture de onze bases aériennes ; réduction de 135 à 85 du nombre de bâtiments de combat. Le budget soumis à notre examen pour avis est donc une étape essentielle. Pour la huitième année consécutive, le budget de la défense augmente ; il aura doublé en 2030, à l’issue de l’application de la LPM 2024 – 2030.
Pour nos armées, la nation consent un effort financier inédit, qui doit être particulièrement salué dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Chaque euro doit être optimisé. Le respect de la trajectoire de la LPM 2024 – 2030 permettra à la France de poursuivre la préparation et la transformation de son armée, et de tenir son rang ainsi que ses engagements dans un contexte de durcissement de la conflictualité.
Ces crédits contribueront à financer les priorités retenues. Une attention particulière sera portée à la modernisation de notre dissuasion nucléaire. Dans son rapport, notre collègue François Cormier-Bouligeon salue l’investissement massif prévu par le projet de finances pour 2025 en faveur de notre dissuasion. L’année 2025 sera notamment celle du lancement de la réalisation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G), et du renouvellement des missiles de nos composantes océanique – M51 – et aéroportée – ASN4G.
Ce budget garantit également d’autres investissements, qui participent au renforcement de notre autonomie stratégique, notamment dans les domaines de l’espace, des fonds marins, du cyber, du renseignement, de la sphère informationnelle et de l’innovation, afin de donner à nos armées les capacités de renseignement, d’analyse et d’action dans les champs hybrides, matériel et immatériel.
Le budget 2025 profitera directement à nos militaires, dans leur quotidien. Des moyens seront mis en œuvre pour parfaire l’équipement du combattant, la préparation opérationnelle et les conditions d’entraînement, pour renforcer le plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires, dit plan « famille », et pour améliorer la politique salariale. Outre répondre aux besoins essentiels de nos armées, ce budget permettra de soutenir notre tissu économique et d’ancrer progressivement notre industrie de défense dans une logique d’économie de guerre.
Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation, le projet de loi de finances prévoit un budget stable, ce dont nous nous réjouissons. L’enveloppe du programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation permettra notamment de financer l’ouverture d’une nouvelle maison Athos, à Colmar. S’agissant de la transmission de la mémoire, l’enveloppe concrétisera notamment un engagement fort contre l’antisémitisme au profit du Mémorial de la Shoah. Quant à la gendarmerie, son budget est porté à 6,9 milliards, ce qui permettra notamment de créer quatre-vingts brigades et sept escadrons de gendarmerie mobile.
Ce budget est à la hauteur des enjeux et des menaces. Il s’agit d’un effort colossal, que la nation consent dans un contexte budgétaire resserré, pour assurer la défense de ce que nous sommes : une nation libre. Notre groupe votera les crédits des missions.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Dans le contexte d’austérité massive et de matraquage social qu’incarne le budget 2025, la mission Défense fait figure d’exception. De là à dire qu’elle a été sanctuarisée et que la marche de 3,3 milliards prévue par la LPM 2024 – 2030 est pleinement respectée, il y a un pas que je ne franchirai pas.
Le groupe La France insoumise est obligé de faire part de ses réserves pour trois raisons : l’insincérité, l’insoutenabilité et – pour la rime – la naïveté.
L’insincérité tient au fait que figurent au budget des armées des dépenses qui ne devraient pas y figurer. Le ministre a eu beau nous dire que l’exécution de la loi finances pour 2024 n’est pas achevée et qu’il ne désespère pas d’éviter des annulations de crédits ou l’imputation de dépenses exceptionnelles à son ministère, nous n’en croyons rien. Il est évident que les dépenses plus ou moins imprévues engagées dans le soutien à l’Ukraine, dans l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (JOP) et dans le déploiement d’effectifs en Nouvelle-Calédonie/Kanaky auront un impact sur l’exécution du budget 2024 et engendreront des reports de charges. Ainsi, même si la somme allouée semble facialement conforme à la LPM 2024 – 2030, il faudra payer plus avec la même somme. La baisse effective est donc incontestable.
Au demeurant, le ministre en a convenu à demi-mot lorsqu’il a affirmé que, avec le projet de budget 2025, la « programmation physique » ne sera pas affectée. Cette idée de programmation physique, dont l’usage n’est guère courant, nous fait comprendre sans peine qu’il existe au sein du ministère une programmation non physique qui, elle, sera affectée. On devine ce qu’elle désigne. C’est principalement la préparation opérationnelle qui fera les frais de cette insincérité, ce qui n’est pas acceptable.
En matière d’insincérité, un autre point noir persiste, alors même qu’il a été signalé par le rapporteur pour avis Bastien Lachaud : le flou entourant les définitions respectives des missions extérieures (Missops) et des Opex, qui non seulement permet de contourner le Parlement, mais a des conséquences financières que le rapporteur pour avis a eu le loisir de présenter ce matin.
Le deuxième sujet de préoccupation est la soutenabilité de la trajectoire que dessine ce projet de budget. Même si l’on peut se féliciter qu’il confirme le lancement de programmes à effet majeur (PEM) structurants pour nos armées et pour notre base industrielle et technologique de défense (BITD), parmi lesquels le porte-avions de nouvelle génération (PANG) est peut-être le plus important, il n’en demeure pas moins que nous voyons s’édifier un véritable mur des restes à payer après 2027, qui a de quoi nous inquiéter. Il est logique que le décalage entre autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP) s’accroisse notablement en cette deuxième année d’application de la LPM 2024 – 2030. Nous sommes au début d’un cycle, j’en conviens.
Il n’en reste pas moins que l’explosion des crédits à ouvrir après 2027 obérera toute marge de manœuvre pour le prochain Président de la République – si tant est que nous devions attendre cette date pour en élire un –, ce qui soulève des interrogations du point de vue démocratique. On m’objectera qu’il s’agit de la contrepartie de l’idée même de programmation. Quoi qu’il en soit, la trajectoire des crédits à ouvrir année après année est inquiétante. Les dépenses qui devront être engagées après 2027 pour honorer des AE ouvertes dès à présent sont vertigineuses ; elles risquent fort d’empêcher tout nouvel investissement.
J’en viens à la naïveté, qui caractérise sans discontinuer les choix du Gouvernement en matière de coopération. Le choix d’écarter Atos du marché du supercalculateur qui équipera l’Agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense (Amiad) est présenté comme technique. Il demeure incompréhensible, surtout si l’on prétend sauver cette entreprise.
Quant à l’obstination du Gouvernement à poursuivre les programmes franco-allemands Scaf et MGCS, nous donnons l’alerte depuis plusieurs années sur l’absence totale de fiabilité du partenaire allemand. Au fil des ans, les faits – hélas ! – nous donnent raison.
Ce mois-ci, nous avons successivement appris que l’Allemagne s’engage avec le Royaume-Uni pour le développement d’un drone de combat, dont on voit mal comment il n’aurait pas vocation à s’intégrer au Scaf, et, plus inquiétant, que Rheinmetall, qui est déjà le passager clandestin du MGCS, s’engage dans un projet de char avec l’Italien Leonardo. La démonstration que j’ai faite à plusieurs reprises est plus que jamais pertinente : tandis que le MGCS devient l’unique option de Nexter, il devient parfaitement rentable et avantageux pour les Allemands d’en partir au dernier moment : ils seront alors sans concurrent européen sur le marché et nous n’aurons plus qu’à acheter allemand, au nom de la préférence européenne que nous promouvons par ailleurs.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas approuver ce budget.
Mme Anna Pic (Soc). Dans un contexte d’austérité budgétaire généralisée, la mission Défense du projet de loi de finances pour 2025 est l’une des seules à être préservée. Ses crédits augmentent de 3,3 milliards pour atteindre 50,5 milliards, comme prévu par la LPM 2024 – 2030. Compte tenu des besoins de nos armées, nous nous en réjouissons.
Si cette augmentation correspond à l’euro près aux engagements que nous avons votés, diverses raisons incitent à croire que, par-delà les aspects budgétaires, nous ne serons pas en mesure d’appliquer les dispositions adoptées il y a un an et demi, et à remettre en cause la sincérité des éléments qui nous sont présentés.
Le déploiement significatif de militaires dans le cadre des JOP sera vraisemblablement pris en charge dans sa totalité par le ministère des Armées. Il s’agit de dépenses déjà engagées dont le ministère ne pourra s’exonérer. Par effet de substitution, certains programmes – lesquels ? – en pâtiront.
Le même raisonnement peut s’appliquer au financement des Opex, dont les provisions étaient insuffisantes, d’autant que le flou subsiste concernant leur qualification et leur intégration dans le budget dédié. Il en va de même s’agissant du soutien à l’Ukraine, qui n’est pas au niveau attendu, en plus d’être particulièrement flou, comme l’a rappelé Thierry Sother lors de l’audition du chef d’état-major des armées (Cema), qu’il a interrogé sur les crédits alloués à la FEP.
En outre, le financement de la mobilisation de nos armées en soutien aux forces ukrainiennes ne doit pas être intégré – la LPM 2024 – 2030 l’indique clairement – à la trajectoire budgétaire que nous avons adoptée. Par ailleurs, comme le rappelle Isabelle Santiago dans son rapport sur avis sur le budget des forces terrestres au sein du programme Préparation et emploi des forces, de fortes inquiétudes subsistent sur la fin de l’exercice budgétaire en cours, au point de compromettre la capacité de ces forces à atteindre les objectifs fixés par la LPM 2024 – 2030, notamment sur les gels et surgels survenus en cours d’année.
Nous défendrons plusieurs amendements illustrant nos diverses interrogations sur le projet de budget 2025. L’un d’eux visera à abonder à hauteur de 200 millions le fonds de soutien à l’Ukraine, dont l’adoption permettrait à la France de se conformer aux engagements pris, dans les cadres national et bilatéral, avec le gouvernement ukrainien. Compte tenu de la rapidité de l’évolution du contexte géopolitique et géostratégique et des menaces qui en découlent pour la France et l’Europe, nous donnerons l’alerte sur la nécessité, pour le ministère des Armées, de mettre l’accent sur le renseignement et sur la recherche stratégique, en vue d’anticiper les menaces.
Si l’annonce du ministre Lecornu relative au lancement du PANG est la bienvenue du point de vue du respect du calendrier, nous appelons l’attention de l’Assemblée nationale sur les conséquences qui en résulteront sur le financement des autres équipements de la Marine nationale, qui ne sont pas moins nécessaires. Dans un contexte de multiplication de l’emploi des forces maritimes, les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2025 risquent fort d’être insuffisants.
Par ailleurs, plusieurs de nos amendements viseront à la remise d’un rapport, pour évaluer notamment la poursuite du plan « famille 2 », la mise en œuvre du dispositif d’économie de guerre et l’équilibre entre rémunération indiciaire et rémunération indemnitaire, dont nous débattons chaque année.
Dans le cadre de l’examen de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous présenterons deux amendements portant sur des mesures que nous avons défendues l’an dernier, en espérant que le nouveau gouvernement fera davantage preuve d’esprit d’ouverture que le précédent. Il s’agit d’accorder une réparation, aussi légitime que dérisoire du point de vue strictement financier, aux membres rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun de la guerre d’Algérie. Cette demande de réparation ayant été explicitement reconnue par le rapport annexé de la LPM 2024 – 2030, il est plus que temps de confirmer le financement correspondant, soit 92 290 euros. L’Assemblée nationale doit rendre justice aux vingt-deux derniers survivants avant qu’il ne soit trop tard.
La situation budgétaire de la France et les dépenses contraintes précédemment évoquées obligeront le ministère à faire des sacrifices. Au groupe Socialistes et apparentés, nous sommes ouverts à l’idée de prendre position sur les choix opérés par l’exécutif ; encore faudrait-il que nous soyons en mesure de les apprécier pleinement. Aussi aimerions-nous savoir où sont les coupes cachées avant de nous prononcer. En fonction du sort qui sera réservé à nos amendements et des réponses que nous attendons, notre groupe se prononcera favorablement ou s’abstiendra lors du vote des crédits des trois missions.
Mme Valérie Bazin-Malgras (DR). Notre commission est privilégiée : deux des trois budgets que nous examinons – la mission Défense et le programme Gendarmerie nationale – sont en augmentation. En cette période difficile pour nos finances publiques, il convient de le rappeler.
Le groupe Droite républicaine votera les crédits de la mission Défense, en prenant acte du respect intégral de la LPM 2024 – 2030. La tentation a été grande de faire participer la défense à l’effort budgétaire important que notre pays doit consentir, mais les crédits annoncés sont bel et bien là, et la cible d’augmentation nette des effectifs prévue par la LPM 2024 – 2030 est maintenue. Dès le mois de juillet, lors de la présentation de notre pacte législatif, notre groupe a classé le respect de la LPM 2024 – 2030 parmi ses lignes rouges.
Toutefois, comme nous l’avons rappelé à M. le ministre lors de son audition, plusieurs points appellent notre vigilance. Le premier est le gel des crédits, qui prendra dans les mois à venir une importance majeure : il s’agira d’éviter que Bercy prenne ce qu’il n’a pu obtenir lors de la présentation du budget. Plusieurs de nos rapporteurs pour avis se sont exprimés ce matin sur ce point.
Le deuxième est le financement des Opex et des opérations intérieures (Opint), qui est en baisse par rapport à la programmation, pour les raisons objectives que nous connaissons tenant à la situation en Afrique saharo-sahélienne. Toutefois, la hausse de la conflictualité, largement décrite par les chefs d’état-major devant notre commission depuis plusieurs années, exclut que nous baissions la garde – les tensions graves au Proche-Orient nous le rappellent chaque jour.
Quant à l’amplification des Opint, elle est aussi source d’inquiétude. Si celles menées dans le cadre des JOP étaient prévues et connues, les événements dramatiques survenus en Nouvelle-Calédonie ne manquent pas de nous inquiéter s’agissant de leurs répercussions budgétaires. S’agissant de l’aide, essentielle, à l’Ukraine, nous sommes attachés à son financement interministériel.
Nous nous opposerons aux amendements visant à remettre en cause l’équilibre, que nous savons fragile, de la LPM 2024 – 2030. Battons-nous ensemble, comme nous l’avons fait lors de son examen, pour nous assurer qu’elle est exécutée à l’euro près !
Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous partageons certaines craintes exprimées par notre rapporteur pour avis, mais nous comptons particulièrement sur la ténacité de notre nouveau ministre délégué pour faire avancer les questions qui nous tiennent à cœur, telles que la revalorisation de la retraite des combattants. Nous n’oublions pas ce que nous leur devons.
Nous prenons acte de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sur l’indemnisation des harkis. Nous regrettons qu’il ait fallu une décision de justice pour qu’ils obtiennent gain de cause – ultime symbole de cette douloureuse question ! Concernant la jeunesse, nous soutenons la volonté du Gouvernement de revoir en profondeur la journée défense et citoyenneté (JDC), qui ne répond plus à sa vocation première.
Dans un contexte budgétaire difficile et contraint, le budget Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation permet de maintenir les droits, d’avancer sur de nombreux sujets et d’instaurer une juste indemnisation de nos compatriotes harkis. Notre groupe votera ses crédits.
Au sein de la mission Sécurités, les crédits du programme Gendarmerie nationale augmentent de plus de 500 millions. Nous saluons cet effort. Cependant, son schéma d’emploi nul fait peser des menaces sérieuses sur l’exécution des engagements de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) en matière de création de brigades. Le déploiement de nouvelles brigades en est un engagement essentiel. Nos concitoyens l’attendent. Quant à la montée en puissance de la réserve, pilier essentiel de la gendarmerie, elle suscite aussi des inquiétudes justifiées. En raison de ces interrogations légitimes et en attendant le sort fait à nos amendements ainsi que les réponses du Gouvernement, le groupe Droite républicaine s’abstiendra sur les crédits du programme Gendarmerie nationale.
M. Damien Girard (EcoS). Ce budget est utile et globalement adapté à notre armée et à l’environnement stratégique. L’augmentation du montant des crédits des quatre programmes de la mission Défense est nécessaire pour respecter le cadre fixé par la LPM 2024 – 2030 et accompagner l’adaptation de notre armée aux tensions géopolitiques, au retour de la haute intensité sur notre continent et aux conséquences du péril écologique.
Le renforcement des moyens concourant aux exigences d’une dissuasion nucléaire robuste et crédible ainsi que la poursuite de la modernisation des équipements sont vitaux pour notre sécurité et pour celle de l’Europe. Les efforts en matière de remise à niveau des infrastructures, de maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels et d’investissement des nouveaux champs de conflictualité, au premier rang desquels les fonds marins, sont réels et contribuent à notre préparation.
Toutefois, ce budget n’est pas à la hauteur des ambitions que nourrit la France et des responsabilités qu’elle assume. Le domaine maritime en témoigne. Notre marine a dû recourir à un bricolage provisoire pour maintenir l’activité de quinze frégates de premier rang en attendant la livraison des frégates de défense et d’intervention (FDI). Cette rupture capacitaire démontre que l’objectif de quinze frégates de premier rang est insuffisant pour assumer les responsabilités de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) du monde et la protection de nos nombreux territoires dits d’outre-mer.
À titre comparatif, l’Italie vise seize frégates de premier rang, alors que sa zone d’intérêt maritime est plus réduite. Le retour au format qui prévalait avant la publication du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, soit dix-huit frégates de premier rang, est un minimum.
Certes, les navires de second rang sont plus nombreux. Ils sont capables d’assurer certaines missions. Néanmoins, ils demeurent complémentaires des frégates de premier rang et ne disposent pas des mêmes capacités face aux enjeux de haute intensité caractérisant la nouvelle donne géopolitique. Évacuation des ressortissants français des pays en tension ; lutte contre les trafics illicites, notamment dans l’océan Indien et dans les Caraïbes ; protection de notre ZEE, notamment dans l’océan Pacifique ; soutien à la liberté de navigation ; mise en œuvre de la dissuasion ; participation aux exercices, notamment dans le cadre de l’Otan : notre marine est partout et tout le temps. Elle doit être dotée correctement pour assurer sa mission.
Plus généralement, la stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique doit s’appuyer une réalité capacitaire, notamment maritime, sous peine d’être une ambition de feuille de papier. Notre marine aurait pu être mieux dotée, à un coût réduit, sans les décalages et les réductions de séries ayant affecté certains programmes, notamment celui des frégates multimissions (Fremm).
Les ressources humaines du ministère des Armées demeurent en tension, qu’il s’agisse de l’accompagnement des conjoints, de la revalorisation salariale ou de l’amélioration de la condition des militaires. Les marges de progression sont réelles. L’effort ne doit pas être relâché. Le taux de rotation élevé du personnel, provoqué par une insuffisante fidélisation, engendre concrètement des coûts supplémentaires de recrutement et de formation.
À cet égard, la réserve opérationnelle est un outil précieux, dont la montée en puissance doit continuer à être accompagnée. La sanctuarisation des moyens qui lui sont attribués est nécessaire. Pourtant, le rapport pour avis sur le programme Gendarmerie nationale indique que le projet de loi de finances pour 2025 remet directement en cause les engagements de la Lopmi sur la montée en puissance des réserves de la gendarmerie. La réserve doit être soutenue dans son ensemble, de façon constante et programmée. L’Assemblée nationale doit y être attentive.
Le groupe Écologiste et social votera ce budget, dont les imperfections ne font pas oublier l’essentiel : une adaptation budgétaire réelle de notre armée à un contexte international plus que dégradé. J’émets toutefois une réserve sur son orientation générale. Ni la LPM 2024 – 2030 ni le projet de loi de finances pour 2025 n’effectuent de véritable priorisation stratégique de nos forces armées. Enjeu méditerranéen, positionnement face à la Russie, stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique, préservation de notre capacité à entrer en premier sur un théâtre d’Opex, maintien de l’effectivité de notre dissuasion : vous conviendrez que l’augmentation du budget, bien réelle, est insuffisante compte tenu de ces multiples objectifs, dont je pourrais ajouter qu’ils sont très ambitieux à l’aune de notre situation budgétaire.
Une priorisation des enjeux donnant à notre flanc sud-est l’importance qu’il mérite permettrait de rationaliser les dépenses prévues par la LPM 2024 – 2030. La construction d’une sécurité européenne prise en main par les Européens est un enjeu de long terme, au sein duquel la France doit être capable d’humilité dans son rapport à ses partenaires et d’ambition dans sa contribution à la défense collective de notre continent.
Mme Josy Poueyto (Dem). En votant la LPM 2024 – 2030, nous nous sommes fixé l’objectif de transformer nos armées. Après des années de sous-investissement, face à un environnement stratégique chaque année plus dégradé, il était temps de renforcer et de moderniser notre modèle d’armée. Je salue le travail de notre ministre des Armées, Sébastien Lecornu, qui a engagé cette réforme d’ampleur et continue de veiller à son déploiement.
Avec un budget de 50,5 milliards, soit une hausse de 3,3 %, les crédits de la mission Défense sont ambitieux. Ils respectent la trajectoire votée par le Parlement, ce dont dépend sa crédibilité. Nous avons choisi de privilégier la cohérence et l’efficacité à la masse. L’entraînement et l’équipement de nos militaires sont donc particulièrement importants. En 2025, 10 milliards seront investis dans les équipements et leur MCO, et près de 8 milliards seront consacrés à la préparation et à l’emploi des forces. Nous n’ignorons pas la nécessité de nous adapter aux nouvelles menaces et d’anticiper des sauts technologiques pour avoir une guerre d’avance plutôt qu’une guerre de retard. L’innovation sera l’une des priorités pour 2025, ce dont nous nous réjouissons.
Le cyber, le renseignement, les drones et l’intelligence artificielle sont des domaines stratégiques pour nos trois armées. Ils deviennent indispensables pour les guerres de demain. Nous saluons ce budget, qui alloue plus de 1 milliard à l’innovation, 300 millions au cyber et 450 millions aux drones. Un effort supplémentaire de 100 millions par rapport aux 200 millions prévus par la LPM 2024 – 2030 pour l’intelligence artificielle doit nous permettre d’acquérir un supercalculateur pour nos armées dès l’année prochaine.
Cette transformation de nos armées vise à renforcer notre autonomie stratégique et à maintenir la France au rang des grandes puissances. En augmentant de 8 % le budget de la dissuasion, nous pouvons engager la modernisation de ses deux composantes et la construction du PANG, assurant notre posture de nation-cadre auprès de nos alliés comme de nos adversaires.
De tels objectifs sont hors d’atteinte si nous ne disposons pas des ressources nécessaires. Nous nous félicitons de la montée en puissance de nos armées, nourrie par la poursuite de l’effort en faveur de la réserve opérationnelle, qui bénéficiera de la création de 700 équivalents temps plein (ETP) et de plus de 27 000 recrutements. Ces emplois seront les bienvenus dans le renseignement, le cyber et l’intelligence artificielle, secteurs d’avenir pour nos armées.
Deux autres éléments s’avèrent cruciaux pour nos militaires et leurs familles : l’amélioration de leurs conditions de vie en emprise et la reconnaissance de leur engagement au service de la nation. Notre groupe a toujours été particulièrement attentif à l’accompagnement des familles de nos militaires, qui subissent elles aussi les contraintes de cet engagement. Nous saluons le déploiement du plan Fidélisation 360, qui vise à améliorer le quotidien des militaires dans les emprises.
En 2025, ces mesures permettront la rénovation du parc immobilier de nos armées, qui se trouve parfois dans un état de vétusté avancée. J’appelle l’attention de la commission sur les casernes de gendarmerie dont la rénovation est attendue de longue date par nos gendarmes, comme l’a rappelé Valérie Bazin-Malgras ce matin. Nous sommes également très attachés au plan « famille 2 », qui sera doté de 51 millions pour augmenter l’offre de garde de jeunes enfants, construire des crèches et étendre la prestation de soutien en cas d’absence prolongée du domicile.
Notre reconnaissance pour le sacrifice de nos militaires doit être sans faille, notamment lorsqu’ils sont blessés ou deviennent anciens combattants. Nous espérons que la promesse de construction de nouvelles maisons Athos en 2025 sera suivie d’effets, tant ces structures sont importantes pour la guérison.
Le groupe Les Démocrates salue l’effort budgétaire consenti dans le projet de loi de finances pour nos armées. Les crédits de la mission Défense, de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation et du programme Gendarmerie nationale traduisent notre volonté de poursuivre la transformation de nos armées, de soutenir au mieux nos soldats ainsi que leurs familles et d’honorer la mémoire de ceux qui se sont battus pour la France. Notre groupe votera ces crédits.
Mme Lise Magnier (HOR). Le groupe Horizons & indépendants soutient les efforts nécessaires consacrés à la réduction des dépenses publiques et au redressement des comptes publics. Il ne nous semble pas moins nécessaire de préserver les trajectoires des lois de programmation dans les domaines régaliens, pour nos armées, pour nos policiers, pour nos gendarmes, pour notre sécurité civile et pour notre justice.
S’agissant de la mission Défense, notre groupe salue l’augmentation continue du budget alloué à nos armées. Notre pays évolue dans un monde dangereux, caractérisé par des rivalités entre puissances et des menaces hybrides émanant d’acteurs étatiques et non étatiques – un monde dans lequel nos intérêts doivent être protégés. Nous saluons le choix de préserver et de confirmer les engagements pris dans le cadre de la LPM 2024 – 2030.
Il faut toutefois bien constater que, depuis son adoption, l’environnement stratégique de la France est en constante évolution. En 2023, la guerre en Ukraine entrait dans sa deuxième année et les Ukrainiens pouvaient encore compter sur l’engagement résolu de l’Europe et des États-Unis. La perspective d’une victoire électorale de Donald Trump bouleverse la donne. Par ailleurs, les tensions au Proche-Orient n’avaient pas atteint les sommets actuels. Le dispositif militaire français en Afrique entamait tout juste sa transformation, qu’il a fallu accélérer au lendemain du coup d’état au Niger. Le tournant de l’intelligence artificielle, qui n’était pas complètement intégré dans les efforts prioritaires identifiés par la LPM 2024 – 2030, est désormais bien pris en compte, comme le montre l’excellent rapport d’Anne Le Hénanff.
Le groupe Horizons & indépendants soutient les quatre inflexions stratégiques du budget des armées : le nouvel effort prioritaire sur l’intelligence artificielle ; la fidélisation de nos soldats ; le rééquilibrage stratégique en Afrique et sur le flanc est de l’Europe ; l’accélération de l’effort d'acquisition de munitions. Il veillera à préserver ce qu’il considère comme des fondamentaux : la dissuasion nucléaire comme pilier de notre souveraineté ; la place de la France dans l’Alliance atlantique et son action pour la défense européenne ; l’action du ministère des Armées en faveur de la qualité de vie de nos soldats et de leurs familles. Notre groupe votera les crédits de la mission Défense.
S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, notre groupe salue la relative stabilité des crédits qui lui sont alloués. Ce budget consacre le maintien des efforts pour nos blessés, pour les harkis et leurs familles en tenant compte de la décision de la CEDH du 4 avril 2024, et pour la reconnaissance envers le monde combattant dans toute sa diversité. Le montant de 1,8 milliard permettra aussi, après une année riche en commémorations de la Libération, d’envisager une fête nationale d’ampleur pour les 80 ans de la victoire du 8 mai 1945.
Le lien armées-jeunesse bénéficie d’une attention particulière : les crédits qui y sont consacrés augmentent de plus de 50 %. Nous appelons de nos vœux la transformation de la JDC et souhaitons qu’elle devienne enfin une journée d’intérêt national pour les jeunes citoyens. Nous voterons les crédits de la mission.
Concernant le programme Gendarmerie nationale, nous saluons l’augmentation générale allouée au budget de la mission Sécurités. Il est indispensable que l’effort budgétaire pour la création de 239 brigades de gendarmerie se poursuive. Si quatre-vingts brigades ont été créées, le maillage territorial doit s’intensifier. La gendarmerie est présente sur 95 % du territoire national et assure la protection de plus de la moitié de nos concitoyens. Nos gendarmes méritent toute notre attention et, surtout, les moyens d’exercer leurs missions. Si l’ordre dans les comptes est une priorité pour le groupe Horizons & indépendants, il ne doit pas être obtenu au détriment de l’ordre dans la rue, indispensable à notre cohésion sociale. Notre groupe votera les crédits de la gendarmerie nationale.
M. David Habib (LIOT). Le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation est stable. Il aurait été judicieux de consacrer son évolution à la revalorisation du point d’indice de la PMI. Notre groupe signale à l’attention l’insuffisante reconnaissance de celles et ceux qui ont combattu pour notre pays et méritent notre respect ainsi que notre accompagnement.
S’agissant de la gendarmerie nationale, j’ai été satisfait, comme d’autres ici, de la décision prise dans le cadre de la Lopmi de créer 239 brigades d’ici 2027. Depuis ma première élection en 2002, quatre gendarmeries ont été fermées dans ma circonscription. Grâce à la Lopmi, nous avons enregistré, pour la première fois, la création d’une brigade mobile, qui fait particulièrement bien son travail. Un engagement est pris pour 2025 ; toutefois, la question des effectifs obère la capacité à créer des brigades de gendarmerie. Déshabiller Pierre pour habiller Paul n’est pas une stratégie de maillage territorial. Ce questionnement devra obtenir réponse de la part du Gouvernement au cours de l’exercice budgétaire.
Concernant les 50 milliards inscrits au budget la mission Défense, nous saluons le respect de la LPM 2024 – 2030. Nous avons trois sujets de préoccupation. Le premier est le financement des Opex, qui suppose une solidarité des autres ministères. Nous avons conscience qu’elle a des limites. Le deuxième est la capacité à consommer les crédits d’armement – 20 milliards de commandes pour nous faire entrer dans l’économie de guerre –, qui suppose que les 200 000 salariés des quelque 4 000 industries concernées soient informés et formés, en capacité d’être recrutés, et connaissent suffisamment à l’avance les demandes du ministère des Armées. Le troisième est l’application du plan « famille 2 », qui se heurte à la question de la mobilité. Face à tout cela, nous appelons à un effort de déconcentrations des pouvoirs, tout en étant conscient qu’elle n’est pas, en Macronie, la préoccupation première. Le local est capable d’apporter des réponses là où l’échelon national est ankylosé.
Ne pas voter ce budget serait étrange – j’en ai voté de moins bons. Nous le voterons avec les réserves que je viens d’énumérer.
M. Édouard Bénard (GDR). De 2017 à 2024, les crédits de la mission Défense ont augmenté de 46 %. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une nouvelle augmentation de 3,3 milliards, qui en porterait le budget à 50,5 milliards, soit une hausse de 7,5 %, au moment même où le Gouvernement entend tailler dans grand nombre de dépenses publiques. Cette hausse s’inscrit dans le cadre plus général de la LPM 2024 – 2030, à laquelle ce budget est conforme.
Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont voté contre la LPM 2024 – 2030. Ils ne sont pas opposés aux investissements matériels permettant de renouveler et moderniser l’équipement de nos forces armées en tant que tels, mais considèrent que certains axes d’investissement retenus par la LPM 2024 – 2030 et leur déclinaison dans le projet de loi de finances pour 2025 intriguent du point de vue des évolutions technologiques et de la réalité de leur caractère opérationnel.
L’année 2025 sera celle du lancement officiel du PANG, grâce à un budget de 224 millions. Nous avons eu l’occasion de formuler nos réserves sur le chantier d’un nouveau porte-avions nucléaire. Nous nous interrogeons toujours sur sa pertinence et sur son coût, s’agissant d’un outil particulièrement coûteux à l’intérêt stratégique limité. Lorsque la France s’est engagée contre l’État islamique, 80 % des frappes aériennes ont été effectuées au départ de la Jordanie, contre 20 % depuis le Charles de Gaulle. Par ailleurs, l’emploi d’un porte-avions ne dispense pas de l’autorisation de survoler l’espace aérien d’États tiers pour mener à bien les missions confiées aux avions embarqués, comme d’ailleurs celles des avions de l’armée de l’air et de l’espace (AAE), ce qui limite l’intérêt du PANG.
Certains experts militaires affirment que notre pays doit augmenter le nombre de Fremm, pour assurer des missions diverses plus importantes et quotidiennes telles que la surveillance maritime, l’écologie marine et la lutte contre les trafics. Notre pays n’a pas les capacités financières nécessaires pour mener de front ces deux chantiers. Il ne peut en choisir un qu’au détriment de l’autre.
Les moyens significatifs consacrés à la dissuasion nucléaire, notamment sa composante sous-marine qui bénéficiera de 752 millions en 2025 pour financier les SNLE 3G, dans le cadre d’une enveloppe globale de 5,8 milliards, ne nous intriguent pas moins. Le retour d’expérience (Retex) du conflit russo-ukrainien démontre les limites de la dissuasion.
Concernant la seule dissuasion nucléaire sous-marine, son intérêt stratégique tient à la mobilité des sous-marins et à la difficulté, pour la partie adverse, de les localiser. Le progrès continu de l’intelligence artificielle allié au réseau de surveillance satellitaire et aux dispositifs de surveillance sous-marine tels que les réseaux de balises dérivantes, les radars et les sonars haute fréquence, pourraient remettre en question, dans un avenir proche, le caractère furtif des SNLE, qui fait tout leur intérêt stratégique.
Ainsi, le budget consacré à la dissuasion nucléaire, appelé à monter en charge dans le cadre des engagements pris dans le cadre de la LPM 2024 – 2030, cannibalise des moyens qui pourraient être plus judicieusement employés à l’équipement et à l’entraînement de nos forces armées conventionnelles pour assurer la sécurité du territoire. Alors même que l’objectif de 185 Rafale à l’horizon 2030 est considéré comme le minimum nécessaire par l’état-major de l’AAE, le budget consacré à la dissuasion nucléaire en 2025 permettrait à lui seul d’en acquérir soixante. Or ces chasseurs peuvent, avec l’appui d’avions ravitailleurs, être projetés en quarante-huit heures partout sur le territoire français, sans avoir besoin d’un groupe aéronaval (GAN).
S’agissant de la partie recettes du budget, l’ampleur des commandes d’équipements et de services du ministère des Armées auprès d’entreprises à capitaux français nous autorise à nous interroger sur le niveau de retour de recettes dans le budget de l’État. À titre d’exemple, la décision du groupe industriel KNDS – réunissant dans une holding le français Nexter, issu de la privatisation de GIAT Industries privatisé, et l’armurier allemand Krauss-Maffei Wegmann – d’implanter son siège aux Pays-Bas pour des raisons d’optimisation fiscale intrigue, d’autant que son capital est détenu à 50 % par l’État français. Ce sont autant de rentrées fiscales manquantes à l’heure où nous cherchons des recettes supplémentaires, pouvant notamment servir à abonder le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, en particulier pour revaloriser plus substantiellement la valeur du point d’indice de la PMI, qui sert au calcul de la PMI et de l’allocation de reconnaissance du combattant.
À défaut d’une réécriture profonde des orientations de la mission Défense du projet de loi de finances élaboré par le Gouvernement, en cohérence avec notre vote sur la LPM 2024 – 2030, les députés de la Gauche démocrate et républicaine n’approuveront pas les crédits.
M. Matthieu Bloch (UDR). Au nom du groupe UDR, je rends hommage aux femmes et aux hommes engagés – militaires, gendarmes et réservistes – qui protègent nos compatriotes au quotidien, parfois au péril de leur vie. Ils font partie de ceux pour lesquels l’engagement, la patrie et le sacrifice ont un sens. Nous leur devons reconnaissance.
Notre position est claire : seule une grande ambition en matière de défense permettra à la France d’assurer son indépendance. Face à la résurgence des foyers de tension dans le monde, notamment à l’est de notre continent, au Proche-Orient et dans le Caucase, où l’Azerbaïdjan multiplie les agressions contre le peuple arménien, la France n’a plus le choix. Elle doit se maintenir parmi les grandes puissances dans le concert des nations, à l’heure où cette place lui est plus que jamais contestée.
Concernant la mission Défense, nous reconnaissons la nette augmentation des efforts pour l’équipement de nos forces, à hauteur de près de 6 milliards pour notre dissuasion et de 1,9 milliard pour nos Rafale, et pour la mise en marche du PANG, que nous soutenons.
Toutefois, nul ici n’est naïf : cette hausse de crédits ne pourra être que d’apparence, en raison du gel de crédits par Bercy sur l’exercice 2024, de l’ordre de 2,6 milliards. Les quelque 570 millions prévus pour les Opex ne permettront pas, comme chaque année, d’assumer les surcoûts induits par le déploiement de nos soldats. J’ai une pensée particulière pour ceux mobilisés au Proche-Orient, en Méditerranée et dans le cadre des opérations Aigle en Roumanie et Lynx en Estonie. Si la France doit se maintenir comme grande puissance militaire, il faudra envisager une plus grande ambition financière sur ce point.
Par ailleurs, l’objectif de relocalisation de notre production d’équipements militaires est évoqué sans être concrétisé. Ce budget aurait dû être l’occasion d’engagements forts. Nous devons assurer le maintien de la France parmi les fleurons industriels de l’armement. Nous sommes aux prémices de potentielles dépendances industrielles à l’échelon européen, sans objectif militaire et géopolitique commun, et nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Au groupe UDR, nous souhaitons que les missions régaliennes de l’État soient exercées d’abord au service du peuple français. Dans ces circonstances et compte tenu des crédits proposés, il s’abstiendra sur la mission Défense.
Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, nous faisons le vœu d’une revalorisation forte du point d’indice de la PMI pour permettre aux invalides de procéder aux soins de kinésithérapie ou de rééducation fonctionnelle dont ils ont besoin, et surtout d’obtenir des prothèses et divers équipements partiellement remboursés par la sécurité sociale. Nous nous opposons à la baisse de l’allocation de reconnaissance du combattant alors même que le Gouvernement prévoit 14 millions supplémentaires pour le lien armées-jeunesse, avec des objectifs bien minces de refonte de la JDC. Il est invraisemblable que le Gouvernement fasse le choix de faire des économies sur nos héros de guerre. Le groupe UDR votera contre les crédits de cette mission.
Enfin, la hausse envisagée des crédits de la mission Sécurités ne nous semble pas à la hauteur des enjeux. D’abord, les crédits de 173 millions consacrés à l’exercice des missions militaires sont relativement faibles. Ensuite, les signaux rouges sont nombreux en matière de maintien de l’ordre public dans notre pays. Lundi dernier encore, le ministre de l’intérieur a rappelé le niveau très élevé de la menace terroriste, en demandant une plus grande sécurisation des lieux de culte chrétiens pour la Toussaint. Il y a quelques jours, le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a décidé de prolonger le couvre-feu dans l’archipel jusqu’au 4 novembre. Quel message ce budget enverra-t-il à nos gendarmes ? Des mesures fortes s’imposent, au premier rang desquelles une véritable revalorisation des conditions de vie et d’exercice opérationnel de nos gendarmes. Le groupe UDR votera contre les crédits de la mission Sécurités présentés par le Gouvernement.
M. le président Jean-Michel Jacques. Merci à tous les orateurs de groupe. Nous allons passer maintenant à l’examen des amendements déposés devant notre commission avant de voter sur les crédits des trois missions dont nous sommes saisies.
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La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».
M. le président Jean-Michel Jacques. La commission a été saisie de quarante-cinq amendements, dont deux ont été retirés avant discussion et cinq ont été déclarés irrecevables, parmi lesquels deux au titre de l’article 40 de la Constitution et trois faute de s’inscrire dans le champ de saisine de la commission.
Article 42 et État B : Crédits du budget général
Amendement II-DN154 de M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à créer un nouveau programme dans la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, qui en compte aujourd’hui deux – Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation et Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale.
Ce troisième programme, intitulé Lien entre la Nation et son armée et créé à périmètre financier constant, présente deux avantages : améliorer la lisibilité des actions financées par la mission en répartissant mieux ses crédits, ce qui permettra de connaître le détail de ceux qui sont alloués au lien entre la nation et son armée, conformément au vœu de nombreux membres de la commission ; offrir la possibilité de procéder à des transferts de crédits vers le programme Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation sans amputer le budget du programme Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale. Plusieurs propositions ne sont pas formulées pour éviter de modifier cette ligne budgétaire, même en demandant la levée du gage, ce qui pose toujours problème.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN91 de Mme Zahia Hamdane
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement vise à allouer 10 millions au programme Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation pour garantir l’indemnisation des harkis à la hauteur des besoins. Au cours des dernières années, de nombreux dossiers n’ont pas été instruits dans de bonnes conditions. Certains sites où des harkis ont vécu après leur rapatriement n’ont pas été identifiés comme tels.
Plusieurs cas, autour d’Amiens dans la circonscription de Zahia Hamdane et ailleurs, sont en attente de reconnaissance. Si l’amendement est adopté, nous appelons le Gouvernement à lever le gage, que les règles de recevabilité budgétaire nous imposent de faire porter sur le programme 158 dont nous n’avons pas l’intention de diminuer les crédits.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Certains dossiers sont en retard, en raison du nombre de recours et de la faiblesse des effectifs du personnel qui en est chargé. L’exposé sommaire de l’amendement évoque une « discrimination arbitraire » et une « opacité persistante », jetant une forme d’opprobre sur les personnels de la Commission nationale indépendante des harkis (CNIH) et sur ceux de l’ONaCVG, ce qui n’est pas acceptable. En dépit de motifs de fond avérés, ces critiques infondées m’amènent à émettre un avis défavorable.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit de voter des crédits, pas de se prononcer sur un exposé sommaire, toujours sujet à interprétation. En aucun cas il n’est question de mettre en cause les personnels de l’ONaCVG ni ceux de la CNIH. Il s’agit d’évoquer les difficultés à obtenir des réponses, qui peuvent être dues au manque de personnel. Ce que nous qualifions d’arbitraire n’est pas une éventuelle mauvaise volonté des personnels, mais l’absence d’instruction de dossiers déposés par des personnes pensant en toute bonne foi relever de ce cadre de financement et d’indemnisation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN126 de M. Guillaume Garot
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Cet amendement est satisfait par l’article 218 de la loi de finances pour 2024.. Sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN62 de M. Daniel Grenon
M. Daniel Grenon (NI). Engagés auprès de la France durant la guerre d’Algérie, les harkis et leurs familles ont fait preuve de dévouement, souvent au péril de leur vie et au prix de nombreux sacrifices. Ils sont le témoignage vivant d’une résilience hors du commun, d’une fierté intacte et d’une profonde appartenance à la France. À leur arrivée en métropole, beaucoup ont dû faire face à des épreuves et ont connu des conditions de vie difficiles, le plus souvent dans des camps de transit et des hameaux de forestage.
La loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français a ouvert un droit à réparation à ceux qui y ont séjourné de 1962 à 1975. Or de nombreuses familles y ont vécu et souffert jusque dans les années 1980. Cet amendement d’appel vise à alerter le Gouvernement à ce sujet.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Dans la mesure où il s’agit d’un amendement d’appel et où les historiens ont défini la date limite au 31 décembre 1975, je vous propose de retirer l’amendement. Je m’engage à écrire à M. le ministre pour l’alerter sur la situation particulière des cas que vous évoquez. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Daniel Grenon (NI). J’écrirai à M. le ministre.
L’amendement est retiré.
Amendement II-DN34 de Mme Michèle Martinez
Mme Michèle Martinez (RN). Cet amendement appelle l’attention sur une page sombre de l’histoire des harkis des Pyrénées-Orientales. Il vise à relancer les fouilles dans l’ancien camp de Rivesaltes, où seraient ensevelis des dizaines de corps d’enfants. De 1962 à 1964, de nombreux enfants y seraient décédés de faim ou de malnutrition. Ils sont le symbole des souffrances et de l’injustice subies par les harkis.
Six décennies plus tard, il est inconcevable qu’une sépulture décente ne leur soit pas offerte. En 2023, le Gouvernement s’est engagé à procéder à des fouilles, mais cette promesse n’a pas été tenue. Le présent amendement appelle à engager au plus vite des recherches, en allouant les moyens nécessaires à cette triste entreprise. Les harkis nous regardent ; les morts ont droit au respect.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Plus qu’un amendement d’appel, c’est un amendement de rappel, au Gouvernement, de respecter sa parole d’engager des fouilles. Avis favorable.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Ce sujet me tient à cœur. J’ai grandi à quelques kilomètres du camp de Rivesaltes dans lequel ont été parqués successivement des républicains, des étrangers, des Juifs, des harkis. Il est un symbole de ce que le XXe siècle a produit de pire en France.
Je ne comprends pas que le rapporteur pour avis ne soit pas en mesure de faire autre chose que produire des chiffres, ni que son groupe se contente d’un amendement d’appel. Estimer un coût et l’inscrire dans une fourchette n’a rien de très compliqué. Tandis que nous venons de rejeter des crédits de 10 millions pour indemniser certains harkis et réinstruire des dossiers oubliés ou mal considérés, en constatant qu’ils se contentent d’un amendement d’appel à 1 euro pour expliquer qu’il y a urgence, je suis un peu chagrin.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Il va de soi que nous n’estimons pas le coût de l’action proposée à 1 euro. Par principe, nous avons décidé de n’inscrire aucun montant autre que symbolique en face de la ligne budgétaire du programme Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale, pour éviter d’envoyer un signal négatif tandis que davantage de fonds sont alloués à la lutte contre l’antisémitisme. Nous avons opté pour un amendement d’appel afin d’appeler l’attention sur le sujet sans envoyer un signal négatif à une partie de la population.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN35 de Mme Michèle Martinez
Mme Michèle Martinez (RN). Il vise à appeler à la mobilisation pour la création d’une fondation pour la mémoire des harkis. Ce projet a été relancé par le Gouvernement lors des commémorations du 25 septembre 2023. Patricia Mirallès, alors secrétaire d’État aux anciens combattants, a initié une réflexion qui a donné lieu à un rapport dont les conclusions n’ont pas été rendues publiques. Une telle fondation répondrait à une urgence et à une nécessité, en permettant de faire vivre la mémoire des harkis par des activités de recherche, d’exposition et de soutien à des productions sur les harkis. Son statut lui permettrait de recueillir les financements publics et privés nécessaires à son fonctionnement.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Nous demandons que le rapport nous soit transmis, au moins en partie. Cet amendement d’appel prévoit des crédits de 1 euro pour les raisons que je viens de détailler. Nous sommes attendus par les harkis sur ce sujet. Une piste a été ouverte par l’ancienne ministre. Nous devons continuer à la suivre et envoyer un signal en ce sens.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN41 de M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Il a été souvent examiné et porte sur les vingt-deux anciens supplétifs de statut civil de droit commun de la guerre d’Algérie ne pouvant prétendre à aucune mesure de reconnaissance. Il s’agit de reconnaître leur action par le versement d’une somme unique de 4 195 euros par personne, soit 92 290 euros en tout, ce qui est très peu à l’aune du budget de l’État, mais serait un signe important.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN125 de M. Guillaume Garot
Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à traiter la situation des membres rapatriés des forces supplétives du statut civil de droit commun. Mme Mirallès souhaitait avancer sur ce sujet ; il est temps de concrétiser les choses, en confirmant, dans le projet de loi de finances pour 2025, un financement de 92 290 euros pour vingt-deux personnes, soit 4 195 euros par personne. Il est temps de répondre à cette attente, discutée depuis plusieurs années.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN88 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Il vise à nous assurer que les places disponibles dans les maisons Athos seront offertes à tout militaire blessé psychique qui en aurait besoin. En 2024, il était prévu d’ouvrir trois nouvelles maisons Athos. Nous proposons de garantir les fonds pour l’ouverture d’une nouvelle maison Athos. Le nombre de blessés psychiques dans nos armées ne cesse de croître. Ce n’est pas parce que le nombre d’engagements de nos armées diminue, ce qui reste à prouver, que le besoin diminue aussi. Ces troubles et ces maladies peuvent se développer plusieurs années, voire plusieurs décennies après le fait générateur.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Le dispositif Athos est en cours de consolidation, après une progression rapide. La maison Cœur de Savoie et celle d’Auray enregistrent des taux de croissance moindre que les plus anciennes. Par ailleurs, l’ouverture d’une maison Athos outre-mer est prévue. En outre, l’amendement est financé par un prélèvement sur le programme Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale. Le soutien aux maisons Athos s’impose. Je suggère donc le retrait de l’amendement au profit de l’amendement DN4 de M. Tonussi, qui est un amendement d’appel, et émets à défaut un avis défavorable.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Voter un budget supplémentaire de 1,5 million est plus utile que voter un budget de 1 euro. Si l’amendement est adopté, je n’imagine pas que le Gouvernement réduise les crédits de l’indemnisation des victimes des persécutions nazies. Le gage serait levé. Au demeurant, le rapporteur pour avis et le reste de son groupe ont voté l’amendement II-DN125, gagé sur cette ligne budgétaire. Soyons cohérents et votons des crédits supplémentaires de 1,5 million pour nos blessés psychiques.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN4 de M. Romain Tonussi
M. Romain Tonussi (RN). Cet amendement d’appel vise à développer les dispositifs de réhabilitation pour les militaires souffrant de blessures psychiques et psychologiques. Lors de son discours de politique générale, M. le Premier ministre a exprimé son intention de faire de la santé mentale la grande cause nationale pour l’année 2025. Celle de nos militaires ne doit pas être oubliée, malgré les efforts déjà consentis. En outre, l’augmentation des crédits permettrait de développer la reconstruction psychique par le sport, comme le demandent de nombreux militaires.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Avis favorable.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je suis stupéfait de cette forme d’obstination à ne pas peser dans le rapport de force avec le Gouvernement. Lorsque nous proposons un crédit de 1,5 million pour garantir l’ouverture d’une maison Athos, nous nous entendons répondre qu’il est plus simple de débloquer 1 euro et d’attendre du Gouvernement qu’il consente à sécuriser le financement d’une maison Athos. Une telle position est difficilement tenable. Je ne peux m’empêcher de rappeler que l’extrême-droite démontre une fois de plus qu’elle est une béquille du Gouvernement, refusant de le contraindre à tout le moins à tenir parole.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN156 de M. Laurent Jacobelli
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Il s’agit de revaloriser le point d’indice de la PMI de 2,3 % au 1er janvier 2025, compte tenu de l’écart de 16 à 17 points que présente sa revalorisation avec l’augmentation du coût de la vie hors tabac. Le coût afférent, de 15 millions, ne saurait être supporté par les crédits du programme Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale. Le Gouvernement peut revoir sa copie. Nous donnons l’alerte. Cette revalorisation est attendue par toutes les associations que nous avons auditionnées – il s’agit même de leur préoccupation majeure. Nous ne pouvons pas rester sourds à leur demande.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN92 de M. Christophe Bex
M. Christophe Bex (LFI-NFP). Cet amendement d’appel vise à revaloriser le point d’indice de la pension militaire d’invalidité et des victimes de guerre (PMIGV), dont le nombre de bénéficiaires s’élevait à 151 000 en 2022. Depuis 1994, la trop faible évolution du point d’indice des fonctionnaires a provoqué une érosion du pouvoir d’achat des pensions militaires. En trente ans, le point d’indice a progressé de 24 %, contre 58 % pour l’inflation. Cet écart de 34 points équivaut à une perte de quatre mois de pension.
Nous demandons une revalorisation de 18,17 euros pour compenser cette perte et garantir une couverture suffisante. Cela représente un effort de 93 millions. Pour des raisons de recevabilité financière, nous proposons de redéployer 1 euro symbolique vers l’action PMI, droits et soutien aux invalides du programme Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation en provenance du programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale. Nous appelons le Gouvernement à lever le gage.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Je suis par-delà la perplexité. Vos collègues d’extrême-gauche ont voté contre l’amendement II-DN156, pourtant identique au vôtre. Comment pourraient-ils voter le vôtre ? Vous n’avez donc d’autre solution que de le retirer.
En outre, cet amendement d’appel prévoit un crédit de 1 euro, ce qui, dixit M. Saintoul, est la marque d’un petit joueur complice du Gouvernement. J’en tire la conclusion que vous êtes complice du Gouvernement et que vous ne voulez pas augmenter le point de PMI. Je ne vois pas comment émettre un avis devant tant de sectarisme et d’ambivalence. Les bras m’en tombent !
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Le rapporteur pour avis fait fausse route. S’il considère que ce sont les mêmes amendements, il lui revient d’expliquer la divergence de ses avis. S’agissant du montant de 1 euro et du choix d’un amendement d’appel, nous n’avons pas les services d’une administration ni mêmes d’un rapporteur. Nous nous sommes donc abstenus de chiffrer précisément notre amendement, d’autant que le budget du programme que nous visons est insuffisant.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN105 de M. Frédéric Boccaletti
M. Frédéric Boccaletti (RN). Cet amendement d’appel vise à rappeler au Gouvernement la nécessité d’augmenter les crédits destinés aux conjoints survivants d’anciens combattants. Depuis le 1er janvier 2021, celles et ceux ayant perdu un proche en raison de son engagement pour la nation peuvent bénéficier d’une demi-part fiscale supplémentaire. L’âge plancher de 74 ans ne semble plus justifié. Nous proposons d’étendre ce bénéfice aux conjoints survivants dès l’âge de 70 ans, pour leur permettre de faire face à l’inflation et à la baisse du pouvoir d’achat.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN90 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Il vise à abonder de 1 million les crédits destinés aux veuves d’anciens combattants, pour rendre immédiatement effective la volonté du législateur de leur permettre de bénéficier systématiquement, quel que soit l’âge de décès de leur conjoint, d’une demi-part fiscale supplémentaire, sans devoir atteindre la limite d’âge de 74 ans. Nous demandons au Gouvernement de lever le gage si l’amendement est adopté. Les veuves d’anciens combattants ne peuvent pas se permettre d’attendre un an de plus pour bénéficier de cette mesure de justice fiscale.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Sur le fond, vous avez raison. Cependant, votre amendement prévoit non une dépense supplémentaire mais l’amoindrissement d’une recette de l’État, ayant vocation à être examiné dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances, contrairement à l’amendement d’appel II-DN105. Même si nous l’adoptions, il ne passerait pas la barre. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Cet amendement a été jugé recevable par le président de la commission des finances.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN89 de M. Emmanuel Fernandes
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Il y a quelques semaines, je publiais sur les réseaux sociaux la question que j’ai posée au ministre délégué chargé des anciens combattants au sujet des Malgré-nous, ces incorporés de force d’Alsace-Moselle. Cette vidéo a suscité de nombreux commentaires, parmi lesquels je citerai celui d’Alain : « Mon oncle a été incorporé de force dans l’armée allemande et, comme il a refusé, le jour où des soldats sont venus le chercher, les soldats allemands ont placé devant la grange mes grands-parents, ma mère et ma tante. Trois soldats allemands les ont mis en joue et ont reposé la question à mon oncle, qui n’avait plus le choix et a dû partir comme incorporé de force. »
En tout, 145 000 personnes ont été contraintes de faire la guerre dans les armées ennemies ou d’intégrer des structures ennemies. Le décret n° 2004-751 institue une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie durant la Seconde guerre mondiale. L’incorporation de force relève de tels actes. Cette commission s’honorerait à reconnaître enfin ce drame à la hauteur de ce qu’il a été et à instituer cette indemnité pour les orphelins.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Étant mosellan, je suis sensible aux arguments de notre collègue, qui a eu en outre la sagesse de créer un troisième programme pour éviter d’amputer les crédits du programme Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN21 de M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis
Mme Gisèle Lelouis (RN). Il vise à créer un programme dédié à la comptabilisation et à l’indemnisation des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre. Il répond à une demande urgente et légitime de nombreuses associations œuvrant pour la reconnaissance de ces victimes trop souvent oubliées. Lors de l’examen du rapport présenté au Parlement l’an dernier, il est apparu clairement qu’aucune directive n’a été adoptée pour décompter ces pupilles et envisager leur indemnisation. En réaffectant 300 000 euros des crédits du programme Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation, le présent amendement permettra de donner enfin une voix à ces enfants victimes de conflits.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN155 de M. Laurent Jacobelli
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. De nombreuses associations d’anciens combattants manquent de bénévoles pour maintenir leur présence sur les lieux de commémoration. Cet amendement d’appel vise à prendre en compte la question de la préservation des drapeaux qu’elles détiennent et à encourager les initiatives telles que celle du Souvenir français favorisant la transmission des drapeaux à des classes.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN31 de M. Julien Limongi
M. Julien Limongi (RN). Il vise à donner l’alerte sur les équipements des associations patriotiques et du souvenir. Dans mon département de Seine-et-Marne, j’en rencontre qui n’ont pas les moyens de payer des baudriers ou des hampes.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Cet amendement est plus complet que l’amendement II-DN155. J’appelle à oublier les querelles partisanes, car nous entretenons tous un lien avec le Souvenir français. Adopter cet amendement enverrait un signal auquel les associations seraient sensibles.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN52 de Mme Stéphanie Galzy
Mme Stéphanie Galzy (RN). Il touche au cœur de notre identité nationale et à la fierté de nos traditions. Nos porte-drapeaux, ces hommes et femmes dévoués, sont les gardiens de notre mémoire collective et les symboles vivants de notre histoire. Ils portent haut les couleurs de la Nation lors de cérémonies et d’événements rappelant les sacrifices et les valeurs qui nous unissent.
Il est déplorable de constater qu’ils manquent cruellement de moyens pour renouveler leurs drapeaux, emblèmes sacrés qui se détériorent avec le temps. Nos traditions ne doivent pas être sacrifiées sur l’autel de la rigueur budgétaire. Les drapeaux qu’ils brandissent ne sont pas de simples morceaux de tissu, mais le reflet de notre histoire, de notre fierté et de notre unité. Ne laissons pas les décisions politiques priver nos porte-drapeaux de leur dignité et de leur capacité à représenter fièrement notre nation.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN30 de M. Julien Limongi
M. Julien Limongi (RN). Il vise à appeler l’attention sur l’intérêt de lancer une campagne nationale de recrutement et de communication pour encourager les jeunes à rejoindre les associations patriotiques. Les réservistes citoyens jouent un rôle remarquable de sensibilisation en se rendant dans les écoles, et de lien entre celles-ci et les associations patriotiques et du souvenir. Dans les municipalités, les conseillers défense s’efforcent tant bien que mal de créer du lien.
Tandis que les porte-drapeaux sont vieillissants, il n’est pas absurde de considérer qu’il incombe désormais à l’État de susciter des adhésions en menant une campagne d’information et de sensibilisation pour en recruter. Nous le devons à notre histoire et aux futures générations.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN53 de Mme Stéphanie Galzy
Mme Stéphanie Galzy (RN). Je le présente avec une profonde conviction et un espoir sincère. Notre mission est de construire un avenir dans lequel nos enfants comprennent, respectent et honorent les sacrifices de ceux qui ont défendu notre liberté. Le présent amendement vise à obtenir un financement pour développer des partenariats pédagogiques entre les associations d’anciens combattants et nos écoles. Leurs récits empreints de courage, de sacrifice et de résilience sont des leçons précieuses pour nos jeunes générations.
En collaborant avec les écoles, ces héros peuvent transmettre leur expérience, leur sagesse et leurs valeurs aux élèves, créant ainsi un lien intergénérationnel fort et enrichissant. En allouant des financements dédiés, nous pouvons assurer que chaque enfant aura la chance de rencontrer ces héros et d’apprendre d’eux. Ces interactions ne forment pas seulement de futurs citoyens responsables, elles enracinent en eux le respect pour notre histoire et nos valeurs nationales. Ce n’est pas uniquement une question de financement. Il y va de la préservation de notre mémoire collective et de la transmission de valeurs essentielles à nos enfants.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Les expériences de tels partenariats fonctionnent bien. Je suis favorable à leur généralisation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN16 de Mme Catherine Rimbert
Mme Catherine Rimbert (RN). Cet amendement d’appel vise à ouvrir un débat sur le symbole fort et l’emblème de mémoire et de solidarité nationale qu’est le bleuet de France. Chaque année, il incarne notre hommage à ceux qui se sont battus pour notre liberté et témoigne de notre soutien aux blessés et aux familles de disparus. Pourtant, ce symbole reste trop méconnu du grand public, notamment par comparaison avec le coquelicot au Royaume-Uni.
Il s’agit de faire état de notre volonté de soutenir le bleuet de France et d’encourager sa visibilité, notamment par le biais des programmes de reconnaissance et de réparation. En ajustant symboliquement les crédits du programme Reconnaissance et réparation du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation, nous envoyons un message fort d’attachement aux valeurs de mémoire et de reconnaissance et affirmons de soutenir effectivement le bleuet de France.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN32 de M. Julien Limongi
M. Julien Limongi (RN). Il vise à inciter le Gouvernement à augmenter le budget de l’association du Souvenir français pour soutenir l’entretien des tombes de soldats morts pour la France durant la Première guerre mondiale, dont 230 000 sépultures se trouvent dans des cimetières communaux. De nombreuses tombes sont menacées de tomber en déshérence ou sous le régime de la concession, ou d’être versées dans des ossuaires communaux.
La loi du 29 décembre 1915 concernant les lieux de sépulture à établir pour les soldats des armées françaises et alliées décédés pendant la durée de la guerre prévoit un hommage éternel à ceux qui sont morts pour la France. La situation est de plus en plus critique, d’autant que l’État ne contribue qu’à hauteur de 1,50 euro par tombe à leur entretien.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une demande des associations. L’effort n’est pas démesuré. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN55 de Mme Stéphanie Galzy
Mme Stéphanie Galzy (RN). Nous avons la responsabilité d’honorer et de préserver la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour notre liberté et notre pays. Les monuments aux morts de nos communes, notamment en milieu rural, sont les gardiens de cette mémoire collective. Ils sont le témoignage silencieux de sacrifices immenses et d’un courage inébranlable.
Cependant, de nombreuses petites communes, notamment celles de moins de 10 000 habitants, manquent de moyens pour les entretenir. Nous devons corriger cette injustice. Chaque monument aux morts est un rappel de notre histoire, de notre héritage et de l’importance du souvenir. En négligeant leur entretien, nous risquons d’effacer des fragments essentiels de notre passé.
Il ne s’agit pas uniquement d’une question de financement. Il y va du respect de ceux qui sont tombés et de la transmission de notre histoire aux générations futures. Nous devons veiller à faire en sorte que chaque monument aux morts continue à honorer dignement nos héros. Il y va du bien de nos communes, de la mémoire de nos disparus et des honneurs que nous rendons à notre nation.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN14 de Mme Florence Goulet.
Amendement II-DN120 de M. Frédéric Boccaletti
M. Frédéric Boccaletti (RN). Cet amendement d’appel vise à alerter sur le manque de crédits relatifs à la rénovation et à l’évolution des sépultures militaires dont certaines, inscrites au patrimoine de l’Unesco, doivent adapter leurs infrastructures d’accueil à un flux inhabituel de visiteurs. Le projet de loi de finances pour 2025 doit – nous l’avons proposé l’an dernier – mieux tenir compte de ces changements et prévoir des crédits supplémentaires en conséquence.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN121 de M. Frédéric Boccaletti.
Amendement II-DN40 de M. Thibaut Monnier
M. Thibaut Monnier (RN). Cet amendement d’appel vise à appeler l’attention sur la nécessité de revoir l’architecture des mentions honorifiques posthumes, afin de reconnaître la spécificité du sacrifice d’un militaire évoluant dans des conditions très proches de la guerre et exerçant des missions de préparation qui l’exposent à la mort. La mention « Mort pour le service de la nation » a été instituée par la loi du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme. Elle donne accès à des compensations, notamment le versement d’une pension de réversion à taux plein et l’octroi du statut de pupille de la nation aux enfants du militaire décédé.
De 2012 à 2015, des militaires décédés en service sur le territoire national ont été reconnus morts pour le service de la nation. Cette parenthèse a été refermée par le décret du 18 mars 2016, qui a restreint l’octroi de ce statut. Depuis 2017, plus de 130 militaires décédés accidentellement en entraînement ou en mission d’Opex en ont été exclus. Il est temps de faire évoluer ce statut et de rendre justice à nos militaires morts pour le service de la nation ainsi qu’à leurs familles.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une mesure de justice. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN13 de Mme Florence Goulet.
Après l’article 59 :
Amendement II-DN1 de M. Jean-Michel Jacques
M. le président Jean-Michel Jacques. Il vise à renforcer la reconnaissance de la nation pour les équipages des SNLE. Ces sous-mariniers sont garants, en permanence, de la crédibilité de notre dissuasion nucléaire. Ils travaillent jusqu’à quatre-vingts jours d’affilée, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sur tous les océans et sur toutes les mers. Ils participent pleinement à notre dissuasion nucléaire. Ils se tiennent prêts, en ultime recours, à engager, sur ordre du Président de la République, le feu nucléaire. Il s’agit d’obtenir un rapport sur l’extension à ces sous-mariniers du dispositif de reconnaissance applicable aux opérations.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Nous sommes très sensibles à ce sujet, sur lequel notre collègue Boccaletti a beaucoup travaillé. Avis favorable.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Ce sujet est important. L’an dernier, notre collègue Lepvraud a présenté un amendement au projet de budget visant à revaloriser la pension de ces sous-mariniers. Je m’étonne que le président de la commission de la défense nationale et des forces armées doive demander un rapport au ministère pour obtenir un simple chiffre. Un courrier au ministre aurait suffit et nous aurait permis d’adopter d’emblée un amendement chiffré. Nous voterons cet amendement, en espérant l’adoption de l’amendement II-DN70 aux crédits de la mission Défense.
M. Yannick Chenevard (EPR). En 2022, j’ai posé une question écrite à ce sujet à la secrétaire d’État Patricia Mirallès. Nous devons collectivement souscrire à cette proposition. Il est inique que nos sous-mariniers, qui concourent à la dissuasion nucléaire, ne puissent pas bénéficier de la carte du combattant et des avantages afférents au même titre que leurs camarades en surface ou à terre. La reconnaissance pleine et entière de la nation leur est également due.
Mme Isabelle Santiago (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés votera l’amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN96 de Mme Stéphanie Galzy
Mme Stéphanie Galzy (RN). C’est avec un devoir d’empathie pour les enfants de nos militaires décédés que je défends cet amendement, qui demande au Gouvernement de produire un rapport sur la revalorisation de la pension d’orphelin versée à ces enfants. Nous avons l’obligation morale de les soutenir, non seulement en reconnaissance des sacrifices de leurs parents, mais également pour leur assurer un avenir digne.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN124 de M. Frédéric Boccaletti.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation modifiés.
Annexe : Auditions et dÉplacement dU rapporteur pour avis
(Par ordre chronologique)
Mme Françoise Dumas, présidente de la Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les Harkis ;
Médecin général inspecteur Sylvain Ausset, directeur de l’Institution Nationale des Invalides (INI) ;
Table ronde réunissant les représentants des associations d’anciens combattants comprenant :
le lieutenant-colonel Laurent Attar‑Bayrou, président national de la Fédération nationale des anciens des missions extérieures et OPEX (FNAME-OPEX) ;
M. Serge Auffredou, secrétaire général de la Fédération nationale des combattants prisonniers de guerre et combattants d’Algérie, Tunisie, Maroc (FNCPG-CATM) ;
le contrôleur général des armées (2s) Serge Barcellini, président général du Souvenir Français, représentant Le Souvenir Français ;
le général de corps d’armée (2S) Philippe Bonnet, président de la Fédération Nationale des anciens d'Outre-mer et des anciens combattants des troupes de marine (FNAOM-ACTDM) ;
M. Raymond Casal, président national de l’Association nationale des plus grands invalides de guerre (ANPGIG) ;
le colonel (h) Christian Châtillon, Délégué national de l'Association Soutien à l’armée française (ASAF) ;
M. Paul Dodane, représentant le Comité d’entente des Grands invalides de Guerre (CE-GIG), la Fédération nationale André Maginot (FNAM) et l’Union des Blessés de la Face et de la tête, « Les Gueules Cassées » (UBFT) ;
le général de corps d’armée aérienne Hervé Longuet, administrateur national de l’Union Nationale des Combattants (UNC) ;
le général de division (2S) Jean-Paul Martial, président de l'Association Nationale des Combattants des OPérations EXtérieures (ANOPEX) ;
M. Luc Plessier, président de l’Union française des associations de combattants et victimes de guerre (UFAC) ;
M. José-Miguel Real, président général de la Société nationale d’entraide de la médaille militaire (SNEMM) ;
Mme Liliane Rehby, secrétaire nationale de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC).
M. le Général de corps d’armée (GCA) Pierre-Joseph Givre, directeur de la Direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) du ministère des Armées ;
M. Evence Richard, directeur de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) du ministère des Armées ;
M. le général Éric Maury, directeur général adjoint de l’ONaCVG
Mme Anne Muxel, directrice déléguée du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF)
Déplacement :
Visite du 40ème régiment de transmissions de Thionville pour assister à une journée défense et citoyenneté.
([2]) Selon la définition donnée par l’INSEE, l'indice de traitement brut - grille indiciaire (ITB-GI) vise à mesurer les évolutions du traitement brut des agents de la Fonction publique de l'État, pour chaque catégorie (A, B et C). Le traitement brut d'un agent est le produit de son indice par la valeur du point Fonction publique.
([3]) Ce régime d’indemnisation découle de la décision du Conseil d’État du 1er juillet 2005, Brugnot (n° 258208). Il vise à réparer, même en l’absence de faute de l’État, les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux certains, nés de l'accident ou de la maladie reconnue imputable au service et non réparés par la PMI : souffrances physiques et morales endurées avant consolidation, préjudice esthétique, préjudice d'agrément, préjudice d’établissement, préjudice sexuel notamment. Cette indemnisation peut bénéficier au militaire, qu’il perçoive ou non une PMI. Les ayants droit d’un militaire décédé peuvent également demander l’indemnisation de leur préjudice moral.
([4]) Amendement relatif aux pupilles de la Nation majeurs et orphelins de 4 millions d’euros.
([5]) LPM, article 15 modifiant le dernier alinéa de l’article L. 113-6 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG).
([6]) Depuis l’entrée en vigueur, le 1er février 2024, de la loi n° 2023-650 du 22 juillet 2023 relative à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945, et de son décret d’application n° 2024-11 du 5 janvier 2024 instituant une commission pour la restitution des biens et l'indemnisation des victimes de spoliations antisémites et pris en application des articles L. 115-3, L. 115-4 et L. 451-10-1 du code du patrimoine.
([7]) Anne Muxel, Les jeunes et la guerre – Représentations et dispositions à l’engagement, Étude 116, IRSEM, avril 2024. https://www.irsem.fr/media/5-publications/etude-116-muxel-les-jeunes-et-la-guerre.pdf
([8]) Giraudeau-Barthet H., 2024, "Journée défense et citoyenneté 2023 : un jeune Français sur vingt en situation d’illettrisme", Note d'Information n° 24.32 ; DEPP. https://doi.org/10.48464/ni-24-32
([9]) M. Blanchet et Mme Etienne, rapport d’information en conclusion des travaux d’une mission d’information portant sur le rôle de l’éducation et de la culture dans la défense nationale réalisé au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, mai 2024.
([10]) M. Marc Laménie, Projet de loi de finances pour 2021 : Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation.
([11]) Cour des comptes, la journée défense et citoyenneté, communication à la commission des finances du Sénat, janvier 2016.
([12]) Le Figaro, « Lecornu veut « remilitariser » le recensement et la Journée défense et citoyenneté », 12 avril 2024.
([13]) Si la JDC est obligatoire, le code du service national précise toutefois (article R.112-21) que la participation à la JDM peut dispenser de participation à la JDC. Selon les chiffres fournis par la DSNJ, depuis 2019, 58 666 jeunes ayant participé à la JDM ont été exemptés de participation à la JDC.
([14]) Cour des comptes, Le service national universel, septembre 2024.