N° 527

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 octobre 2024

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2025 (n° 324)

 

 

TOME II

 

 

 

 

DÉFENSE

 

 

 

Environnement et prospective de la politique de défense

PAR Mme Anne LE HÉNANFF

Députée

 

 

 

Voir le numéro : 324


SOMMAIRE

___

 Pages

Introduction

Première partie : un budget ambitieux en conformité totale avec les engagements pris dans la loi de programmation militaire 2024-2030

I. Un effort financier maintenu au profit de nos services de renseignement

A. La DGSE voit ses crédits augmenter, essentiellement dédiés au projet de nouveau siège au Fort Neuf de Vincennes

1. L’année 2025 verra débuter les travaux pour la construction du nouveau siège du Service au Fort Neuf de Vincennes

2. Quel bilan provisoire pour la réorganisation de la DGSE mise en place au 1er novembre 2022 ?

B. 2025 sera un tournant pour la direction centrale de la DRSD avec le parachèvement de son projet immobilier

1. La DRSD poursuit sa remontée en puissance

2. Le nouveau siège de la direction centrale de la DRSD sera achevé en 2025

3. La DRSD est également investie dans la numérisation de ses outils

4. Un nombre toujours plus important d’enquêtes et d’inspections

a. Les enquêtes

b. Les inspections

II. Les crédits de la prospective de défense sont portés par le budget dédié à l’innovation de défense, confortée à un milliard d’euros en crédits de paiement

A. Un budget d’un milliard d’euros au profit de l’innovation de défense

B. Un effort financier maintenu au profit des quatre écoles et des deux opérateurs sous tutelle de la DGA

1. L’École Polytechnique et l’Institut polytechnique de Paris

2. L’ENSTA Paris et l’ENSTA Bretagne

3. ISAE-Supaéro

4. L’ONERA

5. L’ISL

III. L’augmentation des crédits dédiés à la diplomatie de défense et aux relations internationales Est liée essentiellement à la hausse de la contribution au profit de DJibouti

A. Les négociations relatives au renouvellement du traité de coopération en matière de défense entre la France et djibouti ont abouti

B. L’agence européenne de défense

Deuxième partie : le ministère des Armées face à la révolution copernicienne de l’intelligence artificielle de défense

I. Un effort prioritaire a été consenti dans le cadre de l’actualisation annuelle de la programmation militaire au profit de l’IA de défense

II. L’Agence ministérielle pour l’IA de défense a vocation à jouer le rôle de pilote de la politique du ministère en matière d’IA

A. Le rôle, les moyens et les missions de l’Agence

B. Une agence structurée autour de deux pôles : le pôle « Recherche » et le pole « Technique »

1. Le pôle « Recherche »

2. Le pôle « Technique »

C. Un rôle et des missions complémentaires avec ceux de l’Agence de l’innovation de défense

III. Le supercalculateur de Suresnes constitue sans doute le projet le plus emblématique dans le cadre de la stratégie minsitérielle relative à l’IA de défense

IV. Deux exemples de cas d’usage de l’IA à des fins militaires : la cyberdéfense et le quantique

A. Des cas d’usage déjà concrets dans le domaine de la cyberdéfense

B. Des cas d’usage encore prospectifs dans le domaine des technologies quantiques

Liste des recommandations de la rapporteure pour avis

Travaux de la commission

I. Audition de Mme Alice Rufo, directrice générale des relations internationales et de la stratégie

II. Examen des crédits

Annexe 1 :  Travaux de la rapporteure pour avis

1. Auditions

2. Déplacements

3. Contributions écrites

Annexe 2 :  Glossaire des principaux acronymes

 


   Introduction

 

Cette année encore, le budget dédié au programme 144 s’inscrit dans la continuité, en cohérence parfaite avec les engagements pris dans la LPM 2024-2030. Au titre du PLF pour 2025, les crédits du programme 144 s’élèvent à 2,173 milliards d’euros en AE et 2,076 milliards d’euros en CP, soit une hausse de 109 millions d’euros en CP par rapport à la LFI pour 2024. Ce niveau de crédits inédit permettra au ministère des Armées et des Anciens combattants, dans un contexte international caractérisé par le durcissement de la conflictualité comme l’illustrent l’éclatement de la guerre en Ukraine et de la guerre à Gaza et au Liban, de traduire et d’atteindre les objectifs ambitieux fixés dans la LPM 2024-2030 en investissant dans le développement de démonstrateurs ambitieux dans les nouveaux espaces de conflictualité, en renforçant les capacités de nos services de renseignement et en développant nos capacités de recherche et d’analyse stratégiques.

L’année 2025 se caractérise par plusieurs échéances d’envergure pour les entités relevant du programme 144 :

1/ le lancement des travaux relatifs au projet de nouveau siège au Fort Neuf de Vincennes de la DGSE ;

2/ l’emménagement des agents de la DRSD dans les locaux de la nouvelle direction centrale à Malakoff ;

3/ la concrétisation du projet de fusion de l’ENSTA Paris et de l’ENSTA Bretagne ;

4/ et le renouvellement du TCMD entre la France et Djibouti.

Au titre de la partie thématique de son rapport, la rapporteure pour avis a choisi de se consacrer à l’IA de défense. Il s’agit d’un thème majeur pour l’avenir de nos armées, et plus généralement de l’ensemble des états-majors, directions et services du ministère.

Au-delà de l’analyse budgétaire et thématique réalisée dans le cadre de ce rapport, la rapporteure pour avis déplore les retards dans la transmission des réponses écrites au questionnaire budgétaire envoyé en juillet dernier. Ces retards n’ont pas été sans conséquences pour la rédaction de ce rapport. Elle formule le vœu que ces difficultés, essentiellement liées au contexte politique, ne se reproduiront pas l’année prochaine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


—  1  —

 

 

   Première partie : un budget ambitieux en conformité totale avec les engagements pris dans la loi de programmation militaire 2024-2030
 

Au titre du PLF pour 2025, les crédits du programme 144 s’élèvent à 2,173 milliards d’euros en AE et 2,076 milliards d’euros en CP, soit une hausse de 109 millions d’euros en CP par rapport à la LFI pour 2024. Le tableau ci-dessous présente la répartition des crédits du programme par actions :

Répartition des crédits du programme 144 par actions

 

 

Présentés sous la forme de catégories de dépenses, les crédits du programme 144 sont ainsi répartis :

Répartition des crédits du programme 144 par catégories de dépenses

Toutefois, cette présentation demeure technique, souvent difficile à appréhender et ne rend qu’imparfaitement compte de la répartition des budgets entre les principaux programmes, entités ou catégories de dépenses qui relèvent du programme 144. À cette fin, le tableau ci-après présente la répartition des budgets en question, en millions d’euros, hors dépenses de personnel.


—  1  —

 

 

Répartition et évolution des budgets, en millions d’euros, entre les principaux programmes, entités ou catégories de dépenses relevant du programme 144, en AE et en CP, entre la LFI pour 2024 et le PLF pour 2025

 

Entités, programmes ou catégories de dépenses (en millions d’euros, hors T2)

Autorisations d’engagement dans la loi de finances pour 2024

Crédits de paiement dans la loi de finances pour 2024

Autorisations d’engagement dans le projet de loi de finances pour 2025

Crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2025

Évolution des autorisations d’engagement entre 2024 et 2024

Évolution des crédits de paiement entre 2024 et 2025

DGSE

509

425,3

405,9

479,6

-20%

13%

DRSD

31,7

51

28,5

28,5

-10%

-44%

EPS et PES

4,3

4,3

4,6

5,2

7%

21%

Observatoires et contrats-cadres

4,5

4

5,9

4,9

31%

23%

Consultances

0,25

0,25

0,6

0,9

140%

260%

PAD

0,3

0,3

0,3

0,3

0%

0%

Subvention à la recherche stratégique

0,4

0,4

0,4

0,4

0%

0%

Club Phoenix

0,02

0,02

0,02

0,02

0%

0%

IRSEM

0,4

0,4

0,4

0,4

0%

0%

EOTO

27,5

27,5

28,6

28,5

4%

4%

RAPID

35

44

22

29

-37%

-34%

Definvest

10

10

10

10

0%

0%

Fonds Innovation Défense

0

20

0

20

0%

0%

ASTRID

14

8

10

10

-29%

25%

ASTRID Maturation

5

4

4

5

-20%

25%

ONERA

146,8

146,8

129,4

129,4

-12%

-12%

ISL

23,2

23,2

25,5

25,5

10%

10%

École Polytechnique

127,4

127,4

136,2

136,2

7%

7%

Institut Polytechnique de Paris

4,4

4,4

4,5

4,5

2%

2%

ENSTA Paris

21,2

21,2

23,7

23,7

12%

12%

ENSTA Bretagne

21

21

22,2

22,2

6%

6%

ISAE-Supaéro

49

49

54,3

54,3

11%

11%

AED

8,2

8,2

8,7

8,7

6%

6%

FFDj

26,5

26,5

85

85

221%

221%

PMG7

1,3

1,3

0,1

0,1

-92%

-92%

Forum international de Dakar

0,7

0,7

NC

NC

Forum de la paix de Paris

0,3

0,3

NC

NC

Dépenses des missions de défense et des représentations militaires auprès des organisations internationales

3,1

3,1

2,1

1,7

-32%

-45%

 


—  1  —

 

 

I.   Un effort financier maintenu au profit de nos services de renseignement

A.   La DGSE voit ses crédits augmenter, essentiellement dédiés au projet de nouveau siège au Fort Neuf de Vincennes

Le budget de la DGSE, dont les crédits sont rattachés à la sous-action 3.31, voit sa ressource diminuer de 20,3 % en AE et augmenter de 12,8 % en CP. La diminution de la ressource en AE s’explique par l’engagement du marché du nouveau siège du Service au Fort Neuf de Vincennes.

Plus généralement, le budget de la DGSE lui permettra de maintenir ses capacités, et plus précisément dans deux domaines :

1/ un effort financier au profit de ses capacités de renseignement, et en particulier dans les domaines de la cyberdéfense, y compris dans le cadre des grands programmes mutualisés au profit de la CNR ;

2/ et un effort financier pour le renforcement de la résilience et la sécurité des SI du Service (parc de centres de données, moyens de communication), la DGSE ayant des surcoûts spécifiques pour la sécurité liée à son cœur de métier.

1.   L’année 2025 verra débuter les travaux pour la construction du nouveau siège du Service au Fort Neuf de Vincennes

Le projet immobilier de la DGSE vise à la construction d’un ensemble immobilier d’environ 130 000 mètres carrés de surface de plancher. Il permettra d’accueillir 6 000 postes de travail ainsi que les équipements nécessaires aux missions du Service et à la vie des agents. Au-delà des besoins de la DGSE, le nouveau siège permettra une amélioration globale de la fonction renseignement, tant au profit des armées que de toute la CNR.

Le marché a été notifié le 22 mars 2024 au groupement Vinci, au terme d’une consultation lancée à l’été 2021. Les prestations du marché ont démarré le 29 avril 2024, pour une durée de 102 mois, dont 78 mois pour la partie conception-réalisation.

Les opérations liées à la libération du Fort Neuf de Vincennes, actuellement occupé par des unités du ministère des Armées et des Anciens combattants, sont pilotées par le SGA. La libération du Fort Neuf de Vincennes par les armées s’effectuera en deux temps :

1/ à partir de mai 2024, les armées libéreront au fur et à mesure les emprises du fort et conserveront le quart nord-ouest pour accueillir des unités de l’opération Sentinelle. À ce jour, 7 bâtiments ainsi que les douves sud ont été libérés et mis à la disposition de Vinci. Ces mises à disposition se termineront à l’été 2025 ;

2/ et après 2031, les armées libéreront le quart nord-ouest, qui sera intégré à l’emprise du nouveau siège.

L’emménagement de la DGSE dans ses nouveaux locaux est prévu à l’horizon 2030-2031, selon le calendrier ci-dessous :

 

Date

Étape

22 mars 2024

Notification du marché principal

2024-S1 2026

Études de conception

Fin 2024-Début 2025

Démarrage des travaux préparatoires (curage, désamiantage, démolitions…)

2026-2030

Chantier

2030

Réception

2030-2031

Déménagements

2030-2032

Exploitation-maintenance

Après 2031

Libération par les armées du quart nord-ouest et intégration de cette parcelle à l’emprise du nouveau siège

2.   Quel bilan provisoire pour la réorganisation de la DGSE mise en place au 1er novembre 2022 ?

Alors que la dernière grande réorganisation de la DGSE remonte à 1989, la réforme engagée au 1er novembre 2022 avait pour objectif de moderniser et de transformer le Service afin qu’il soit en mesure de mieux répondre aux défis actuels et émergeants. Afin de permettre au Service de répondre pleinement aux attentes des autorités politiques et de généraliser une culture d’efficience et de responsabilité en son sein, l’effort a porté sur la transformation de sa gouvernance, de son organigramme et de ses processus.

Près de deux ans après l’entrée en vigueur de cette réforme, qui ne portera toutefois tous ses fruits qu’au bout de plusieurs années, un premier bilan peut être dressé :

1/ une appréciation positive formulée par les partenaires nationaux du Service (Élysée, Matignon, ministères, autres services de renseignement), notamment en ce que la réforme a permis d’améliorer la qualité et les temps de réponse du Service ;

2/ une organisation favorisant davantage la prise d’initiative et la responsabilisation à tous les niveaux ;

3/ une optimisation accrue de l’allocation des ressources au sein du Service en fonction des objectifs stratégiques assignés ;

4/ et une forte adhésion des personnels à la réorganisation, qui apprécient la clarification des domaines de recherches et des axes d’effort ainsi que la simplification des processus et la diminution du nombre d’échelons de validation interne.

Il sera toutefois nécessaire de poursuivre les efforts pour améliorer la performance du Service dans les trois prochaines années. La comparaison avec les réformes similaires engagées par les services de renseignement américain et britannique confirme qu’une telle mutation nécessite 4 à 5 ans pour arriver au niveau de performance souhaité.

B.   2025 sera un tournant pour la direction centrale de la DRSD avec le parachèvement de son projet immobilier

1.   La DRSD poursuit sa remontée en puissance

La DRSD voit sa ressource diminuer de 10 % en AE et de 44 % en CP. Cette évolution à la baisse est principalement liée à la fin des travaux de construction du nouveau bâtiment de la nouvelle direction centrale du Service. Engagée en 2021, l’opération s’achèvera par la livraison du bâtiment prévue début 2025.

Les autres dépenses de la DRSD seront consacrées à des acquisitions et au MCO de logiciels, notamment de recherche de renseignement en sources ouvertes ou de défense cyber. Le service poursuit également l’acquisition d’équipements liés à des changements de standards tels que le passage à la 5G. Un investissement pour la modernisation des processus de contrôle et de veille sera également réalisé.

2.   Le nouveau siège de la direction centrale de la DRSD sera achevé en 2025

La DRSD a conduit un vaste chantier de transformation pour répondre à ses missions en matière de protection et de renseignement. Parmi les actions menées, une priorité forte a été donnée à la restructuration immobilière afin que le Service puisse accueillir ses nouveaux agents et disposer d’une infrastructure optimisant et accélérant le cycle du renseignement. La capacité d’accueil et les fonctionnalités doivent évoluer de pair avec les renforts en effectifs accordés dans le cadre de la LPM 2024-2030.

Au sein de la direction centrale, le nouveau bâtiment, nommé « 2 bis » en hommage au 2 bis avenue de Tourville, siège historique du contre-espionnage militaire, réunira les experts et les opérationnels, aujourd’hui dispersés. Cela permettra de créer de nouvelles proximités fonctionnelles entre les différentes entités, aujourd’hui pénalisées par leur dispersion au sein du Fort de Vanves afin de favoriser la circulation de l’information et de faciliter le décloisonnement des activités.

L’année 2025 permettra de finaliser le projet avec une dernière allocation financière de 1,77 million d’euros en AE et 1,93 million d’euros en CP. Le tableau ci-dessous présente le financement du projet immobilier depuis 2021 :

Financement pluriannuel du projet immobilier de la DRSD

3.   La DRSD est également investie dans la numérisation de ses outils

Au-delà du projet immobilier, la DRSD consacre une part importante de son budget à la numérisation de ses missions. Le tableau ci-après présente les objectifs et les budgets dédiés de plusieurs projets poursuivis par la DRSD :


—  1  —

 

 

Objectifs et budgets des projets numériques de la DRSD

 

Sigle

Nom complet

Objectif

Budget en AE en 2025

Budget en CP en 2025

SOPHIA

Synergie pour l’optimisation des procédures d’habilitation de l’industrie et des administrations

Partage des informations de façon dématérialisée dans le respect du besoin d’en connaître pour ce qui concerne les demandes d’habilitation, les demandes d’accès en zone protégée, en zone à régime restrictif et les demandes d’accès aux SI protégés

150 000 euros

150 000 euros

SIRCID

Système d’information de renseignement de contre-ingérence de défense

Nouvelle base de souveraineté pour le stockage et l’exploitation du renseignement

3,07 millions d’euros

4,7 millions d’euros

SPECTRE

Système paramétrable d’examen des critères de traitement pour la réalisation d’enquêtes administratives

Discrimination des dossiers de candidature à l’habilitation et aux contrôles élémentaires sur la base des vulnérabilités déclarées par le candidat et identifiées à travers l’analyse des informations contenues dans sa notice individuelle de sécurité et sur le retour de fichiers tiers

228 000 euros

228 000 euros

ENF

Empreinte numérique finalisée

Faire ressortir l’empreinte numérique d’un individu dans le cadre des enquêtes administratives

600 000 euros

600 000 euros

OPTIMAL CIP

Optimisation des processus et techniques d’inspection pour moderniser et améliorer la contre-ingérence protection

Numérisation des processus d’inspection des sites de défense et cartographie en temps réel des vulnérabilités dans les locaux desdits sites

0 euros

0 euros

CERT-ED

Centre de veille, de sensibilisation, d’alerte et d’assistance cyber – entreprises de défense

Veille, conseil et analyse des vulnérabilités cyber au profit des TPE/PME de la BITD

787 650 euros

787 650 euros

4.   Un nombre toujours plus important d’enquêtes et d’inspections

a.   Les enquêtes

La DRSD est le premier service enquêteur de France. Il est le service enquêteur du ministère des Armées et des Anciens combattants pour le personnel civil ou militaire, le personnel militaire de la Gendarmerie nationale, les organismes relevant du champ d’attribution du ministère et leurs personnels (à l’exception de ceux de la DGSE) ainsi que pour les auditeurs de l’IHEDN.

En 2023, le nombre de demandes d’enquêtes était de près de 115 000 (+26% par rapport à 2022). Au premier semestre de 2024, près de 58 000 demandes d’enquêtes ont été effectuées, en très légère augmentation par rapport à la même période en 2023.

Au sein du Service, c’est le centre national des habilitations de défense (CNHD) qui est en charge de ces enquêtes. Il procède en particulier aux enquêtes d’habilitation du niveau Secret et Très Secret. L’instruction interministérielle n° 1300 du 13 novembre 2020 relative à la protection du secret de la défense nationale fixe à 90 jours la durée de l’enquête au niveau Secret et à 180 jours au niveau Très Secret.

La durée moyenne en jours des enquêtes d’habilitation en fonction du milieu et du niveau de classification se décline ainsi pour le milieu étatique :

Pour le milieu industriel, la déclinaison est la suivante :

Même si ces délais respectent les limites fixées par l’instruction précitée, la DRSD a pris des mesures organisationnelles, techniques, logiques et humaines pour réduire cette durée tout en veillant au maintien de la qualité des enquêtes.

En matière organisationnelle, le CNHD poursuit sa transformation interne, par le renforcement de ses recrutements et par l’optimisation des processus de travail. En matière technique et logique, le CNHD travaille à l’évolution continue de ses outils informatiques pour accélérer et fluidifier les processus.

b.   Les inspections

En outre, la DRSD effectue des inspections dans deux domaines, qui relèvent d’équipes distinctes :

1/ la protection physique et la protection du secret ;

2/ et la protection cyber.

Le tableau ci-dessous présente le nombre d’inspections effectuées pour la protection physique et la protection du secret :

La DRSD constate, sur ces 10 dernières années, un nombre de sollicitations en constante augmentation. Elles concernent aussi bien les emprises étatiques que les sites de la BITD. La DRSD réalise également des inspections à la demande de l’EMA et de la DGRIS sur des emprises du ministère des Armées et des Anciens combattants à l’étranger. Enfin, la DGA a sollicité la DRSD en 2023 et en 2024 pour réaliser des audits de sûreté des sites sensibles spécifiquement liés à l’économie de guerre. Ces demandes expliquent l’augmentation du nombre d’inspections en 2024.

Le tableau ci-après présente le nombre d’inspections effectuées pour la protection cyber :

Dans le domaine cyber, la baisse du nombre d’inspections entre 2023 et 2024 s’explique par un renouvellement des effectifs et leur montée en puissance progressive, portée notamment par le CERT-ED.

II.   Les crédits de la prospective de défense sont portés par le budget dédié à l’innovation de défense, confortée à un milliard d’euros en crédits de paiement

Les crédits de l’action 7 « Prospective de défense » concernent principalement les études amont (sous-action 7.3) et les opérateurs de la DGA (sous-action 7.4). En 2025, l’effort est poursuivi en faveur de l’innovation, conformément à la LPM 2024-2030.

A.   Un budget d’un milliard d’euros au profit de l’innovation de défense

Le budget de la sous-action 7.3 « études amont » finance 4 catégories de programmes d’innovation gérés par l’Agence de l’innovation de défense :

– les projets de technologies de défense, qui correspondent aux projets structurant les capacités futures dans le cadre de l’innovation planifiée ;

– les projets d’accélération de l’innovation, qui correspondent aux projets qui ont pour objectif de soutenir les projets innovants pour leur permettre de passer plus rapidement à maturité ;

– les projets d’innovation participative, pour soutenir les innovateurs internes du ministère des Armées ;

– et les projets de recherche, pour explorer les technologies d’intérêt de défense dans une logique de long terme.

S’agissant des trois dernières catégories de projets, ils s’articulent entre plusieurs dispositifs :

– le programme ASTRID, d’un montant de 10 millions d’euros, dont l’objectif est le soutien des projets duaux de recherche exploratoire et d’innovation de haut niveau, à un niveau de maturité technologique allant de 1 à 4, de type mixte entre les organismes de recherche et les entreprises, qui traitent des problématiques de recherche d’intérêt pour le secteur de la défense ;

– le programme ASTRID Maturation, d’un montant de 5 millions d’euros, qui vise à valoriser les travaux scientifiques duaux financés par la défense et qui permet notamment de mettre en avant les projets développés avec succès dans le cadre du programme ASTRID, dans le cadre d’un partenariat entre un organisme de recherche et une entreprise, jusqu’à un niveau de maturité supérieur ou égal à 5 ;

– le dispositif RAPID, d’un montant de 29 millions d’euros, mis en place en 2009, qui subventionne des projets d’innovation d’intérêt dual portés par des PME ou des ETI de moins de 2 000 salariés, seules ou en consortium avec un ou deux partenaires. Ces partenaires peuvent être des laboratoires, des organismes de recherche publics, des associations ou d’autres entreprises ;

– le fonds Definvest, d’un montant de 10 millions d’euros, qui correspond à un fonds d’investissement pour le soutien du développement des PME stratégiques pour le secteur de la défense par des prises de participations au capital des entreprises technologiques du secteur de la défense, aux côtés d’investisseurs financiers et industriels. L’objectif est de permettre à ces entreprises de se développer en toute autonomie grâce à l’augmentation de leurs fonds propres ;

– et le Fonds Innovation Défense, d’un montant de 20 millions d’euros, qui permet la prise de participations dans des entreprises innovantes en phase de croissance (PME, ETI, start-ups) et qui développent des technologies duales et transverses intéressant le monde de la défense. Il permet de compléter l’action publique et l’investissement privé de soutien aux entreprises innovantes présentant un intérêt pour la défense. Il est ainsi complémentaire du fonds Definvest, plus centré sur le soutien des entreprises de la BITD.

Les crédits octroyés au profit de la sous-action 7.3 « études amont » relative à l’innovation de défense permettront de poursuivre les priorités définies en LFI pour 2024 et l’intégration de nouvelles priorités :

1/ les études contribuant à la préparation des évolutions du Rafale et du SCAF, qui intègrent les travaux sur les technologies de rupture tels que l’hypervélocité, l’intelligence artificielle, les systèmes autonomes, la guerre électronique étendue et la furtivité ;

2/ les études en lien avec les grands démonstrateurs de la LPM 2024-2030 dans les domaines énumérés dans le rapport annexé (cf. infra) ;

3/ et les études intégrant les enjeux de souveraineté technologique et de soutien dans la durée à la BITD.

Le tableau ci-après dresse les correspondances entre les objectifs budgétaires de la sous-action, les AE et les CP en euros associés à chaque objectif budgétaire dans le PLF pour 2025, les catégories de projets qui en relèvent ainsi que les domaines d’innovation de l’édition 2024 du DROID et/ou les dispositifs associés :

La répartition des technologies des montants strictement liés aux démonstrateurs prioritaires identifiés dans le rapport annexé de la LPM 2024-2030 sont présentés dans le tableau ci-après :

À titre d’exemple, en 2024, un démonstrateur opérationnel de laser anti-drone déployé pour la protection des JOP 2024 ainsi qu’un premier démonstrateur d’arme électromagnétique ont été produits au titre des armes à énergie dirigée.

S’agissant des trois nouveaux espaces de conflictualité identifiés dans la LPM 2024-2030, le budget qui leur sera dédié en 2025 au titre des études amont se répartit ainsi :

Au total, l’AID comprend 139 ETP, dont 14 réservistes, 51 personnels militaires ressentiment issus du corps des ingénieurs de l’armement de la DGA et 74 personnels civils essentiellement sous statut de contractuels de catégorie A.

B.   Un effort financier maintenu au profit des quatre écoles et des deux opérateurs sous tutelle de la DGA

1.   L’École Polytechnique et l’Institut polytechnique de Paris

La SCSP au profit de l’École Polytechnique au titre du programme 144 du PLF pour 2025 s’élève à 111 millions d’euros, tandis que la SCSP de l’IPP au titre du PLF pour 2025 s’élève à 4,5 millions d’euros en CP.

2.   L’ENSTA Paris et l’ENSTA Bretagne

Le financement apporté à l’ENSTA Paris au titre du programme 144 du PLF pour 2025 s’élève à 23,7 millions d’euros, dont 22,2 millions d’euros au titre de la SCSP et 1,5 million d’euros au titre de la SCI.

La subvention de l’ENSTA Paris inclut la prise en compte des besoins liés à la fusion des ENSTA, prévue au 1er janvier 2025. Cette fusion a pour objectif de doter le ministère des Armées et des Anciens combattants d’une grande école des souverainetés de taille critique. La nouvelle école ainsi créée conservera le statut d’établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel. Elle comprendra deux campus : un à Brest, et un à Palaiseau, où sera fixé son siège. Comme l’ENSTA Paris actuellement, elle sera une école composante de l’IPP. En termes de calendrier, le projet de décret modifiant le code de la défense portant les statuts du nouvel établissement, validé par les CA des deux écoles au début de l’été, sera examiné à l’automne 2024 par le Conseil d’État. Une entrée en vigueur le 1er janvier 2025 est visée pour permettre une rentrée de la première promotion d’élèves ingénieurs « fusionnée » en septembre 2026.

Le financement apporté à l’ENSTA Bretagne au titre du programme 144 du PLF pour 2025 s’élève à 23,7 millions d’euros, dont 22,2 millions d’euros au titre de la SCSP et 1,5 million d’euros au titre de la SCI.

3.   ISAE-Supaéro

Le financement apporté à ISAE-Supaéro au titre du programme 144 du PLF pour 2025 s’élève à 54,3 millions d’euros en CP, dont 45,6 millions au titre de la SCSP et 9,7 millions au titre de la SCI.

4.   L’ONERA

Le financement apporté à l’ONERA au titre du programme 144 du PLF pour 2025 s’élève à 129 millions d’euros en CP, dont 118 millions au titre de la SCSP et 11,7 millions au titre de la SCI.

5.   L’ISL

Le budget prévisionnel de l’ISL a été porté à 65 millions d’euros pour l’année 2025 (contre 61 millions d’euros en 2024). Cette hausse est principalement liée au relèvement d’un complément de budget pour la réalisation de travaux de réhabilitation de bâtiments scientifiques du site de Saint-Louis, ainsi qu’à des dépenses de personnel.

III.   L’augmentation des crédits dédiés à la diplomatie de défense et aux relations internationales Est liée essentiellement à la hausse de la contribution au profit de DJibouti

Les crédits de l’action 8 « Relations internationales et diplomatie de défense » enregistrent une hausse importante de 122 % en AE et en CP. Cette hausse est principalement due à la hausse de la contribution forfaitaire qui sera versée à la République de Djibouti et, dans une moindre mesure, à la hausse de la contribution versée à l’Agence européenne de défense.

A.   Les négociations relatives au renouvellement du traité de coopération en matière de défense entre la France et djibouti ont abouti

La France était redevable d’une contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d’euros au Gouvernement de la République de Djibouti en compensation de l’implantation des FFDj, en vertu du TCMD signé en décembre 2011 et entré en vigueur en mai 2014. Selon les modalités d’application du traité, la partie djiboutienne s’engage à déduire de la contribution forfaitaire de 30 millions d’euros tout impôt, taxe, droit de douane, redevance ou prélèvement supplémentaire de la contribution française.

Conclu pour une durée de 10 ans, le TCMD est arrivé à échéance le 30 avril 2024. Le traité renégocié a été signé par les deux chefs d’État le 24 juillet 2024 à Paris. Ce renouvellement prévoit une augmentation de 55 millions d’euros du montant de la contribution forfaitaire française au profit de Djibouti, soit une contribution totale de 85 millions d’euros. Ce futur traité permettra d’ancrer et de préserver un partenariat dense et privilégié pour les 20 prochaines années.

Cette évolution se justifie à plus d’un titre. Le montant de 30 millions d’euros n’avait jamais été réévalué depuis la négociation du premier TCMD et n’était plus cohérent avec le dispositif des FFDj implanté sur son territoire, ni avec les facilités qui leur sont accordées. De plus, la présence des FFDj s’inscrit dans un contexte de compétition internationale intense sur le sol djiboutien, avec la présence de bases militaires chinoise, américaine, italienne et japonaise.

Pour la France comme pour Djibouti, ce partenariat revêt une importance capitale. Le renouvellement du partenariat entre les deux pays participe de la sécurisation de cette zone hautement stratégique, aussi bien sur le plan continental que sur le plan maritime. Elle permet aux FFDj de disposer d’une capacité de réaction avec des forces de présence, des capacités logistiques d’accueil portuaires et aéroportuaires, des capacités de projection opérationnelle vers l’Indopacifique, au profit de la France mais également de l’UE dans le cadre des opérations Atalante et Aspides chargées de la sécurisation des flux maritimes et des voies d’approvisionnement dans la région. Les FFDj assurent également l’accompagnement des Djiboutiens dans la sécurisation de leur territoire et leur participation aux OMP.

Le TCMD renégocié et signé par les Présidents français et djiboutien le 24 juillet 2024 s’inscrit dans la continuité du précédent à plusieurs titres :

1/ pérennisation de la présence des FFDj à Djibouti ;

2/ renouvellement de l’engagement de la France à garantir l’intégrité territoriale du pays ;

3/ pérennisation des points d’appui maritimes et aériens qui représentent des facilités d’accès pour les FFDj, essentiels à l’autonomie stratégique de la France sur le continent africain et dans l’Indopacifique ;

4/ conservation des accès exclusifs ;

5/ maintien du dispositif fiscal lié au versement de la contribution.

Il se distingue toutefois du précédent sur les points suivants :

1/ la durée de validité du nouveau TCMD, qui passe de 10 à 20 ans ;

2/ le montant de la contribution ;

3/ et le montant de premiers et deuxièmes acomptes.

Les prochaines perspectives sont celles de la contresignature par le Premier ministre et le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, puis la ratification par le Parlement.

B.   L’agence européenne de défense

La contribution de la France au budget de fonctionnement de l’AED s’élève à 8,7 millions d’euros, en hausse de 6 % par rapport à la LFI pour 2024. Cette hausse a pour objet le financement d’un « hub » pour l’innovation de défense, qui était une priorité de la PFUE.

L’AED est un acteur important du processus capacitaire communautaire. Elle détermine et priorise les besoins militaires des États membres en matière de matériel, d’exercices et de technologies. Cette agence intergouvernementale, au sein de laquelle les États membres de l’UE sont représentés par leurs ministères chargés de la Défense, constitue un canal précieux de coordination des États pour exprimer leurs besoins en matière de défense.

L’AED s’est également vu confier, depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, de nouvelles missions, parmi lesquelles l’achat conjoint de matériels de défense aérienne et de munitions. Elle conseille également la BEI pour ses investissements dans le domaine de la défense.

Enfin, l’AED sera probablement amenée à jouer un rôle important dans le futur programme européen d’investissement dans le domaine de la défense (EDIP), qui vise à renforcer les capacités européennes de production d’armement.

Ce sujet a fait l’objet d’une question dans le questionnaire budgétaire envoyé au ministère des Armées et des Anciens combattants en application de l’article 49 de la LOLF. La rapporteure regrette de ne pas avoir reçu la réponse demandée.

 

 

 

 

 


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   Deuxième partie : le ministère des Armées face à la révolution copernicienne de l’intelligence artificielle de défense
 

L’émergence du logiciel à base d’IA dénommé ChatGPT en 2023, créé par l’entreprise américaine OpenAI, a produit l’effet d’un électrochoc dans le monde entier. Le ministère des Armées et des Anciens combattants, même s’il avait déjà développé des logiciels à base d’IA avant cet événement, n’était pas en reste.

Mais si les technologies d’IA joueront un rôle de premier plan dans la supériorité opérationnelle future, elles ne constituent pas pour autant une fin en soi pour les armées mais bien un moyen de continuer à remplir ses missions : garantir à la France, aujourd’hui et demain, sa capacité à assumer ses responsabilités pour la paix et la sécurité dans le monde, assurer la protection du territoire national, de ses concitoyens et de ses intérêts, tout en agissant dans le strict respect du droit international humanitaire et sans exposer inutilement la vie de ses soldats.

De ce point de vue, les armées françaises ne sauraient se tenir à l’écart des développements dans ce domaine, sous peine de manquer un tournant technologique majeur et de perdre la supériorité opérationnelle qui est la leur aujourd’hui. Dans le cadre de la stratégie nationale voulue par le président de la République en 2018, le ministère des Armées et des Anciens combattants avait publié dès 2018 une feuille de route relative à l’IA.

Mais le tournant qu’a constitué l’émergence de ChatGPT a été à l’origine de la création de l’Agence ministérielle pour l’IA de défense, dans le cadre de la nouvelle stratégie ministérielle pour l’IA de défense présentée en février 2024. La création de cette agence marque un tournant dans l’appropriation de l’IA par le ministère des Armées et des Anciens combattants.

Le ministère des Armées et des Anciens combattants fait face à une révolution copernicienne qui pourrait, à terme, révolutionner la façon dont il remplit ses missions. Une telle formulation ne relève pas de l’emphase ou de l’exagération. Comme l’a dit le ministre des Armées et des Anciens combattants, « soit l’armée française prend date, soit elle décroche ». L’enjeu sera effectivement pour elle de ne pas décrocher face à une nouvelle technologie extrêmement évolutive, dont la maitrise implique de la réactivité, de l’audace et de l’efficience à tous les niveaux, sous peine, en effet, de décrocher. Tout le monde doit prendre conscience de l’enjeu, au sein du ministère des Armées et des Anciens combattants mais également au sein de la classe politique.

Le présent rapport pour avis ambitionne de contribuer à la réflexion globale sur ce sujet complexe en proposant des recommandations pour renforcer la politique d’IA de défense du ministère des Armées et des Anciens combattants. Le traitement du sujet se heurtant toutefois aux limites imposées par la protection du secret de la défense nationale, les développements descriptifs quant à la politique du ministère en matière d’IA de défense sont volontairement succincts.

I.   Un effort prioritaire a été consenti dans le cadre de l’actualisation annuelle de la programmation militaire au profit de l’IA de défense

Le rapport annexé de la LPM 2024-2030 ciblait différents efforts sur des domaines capacitaires précis tels que l’innovation, l’espace, les drones ou encore la défense sol-air. Si le recours à l’IA pouvait être évoqué, de manière incidente, dans certaines parties du rapport annexé, ce n’est qu’à l’occasion de l’A2PM qu’un effort prioritaire a été consenti au profit de l’IA.

Dans le cadre de la stratégie ministérielle relative à l’IA de défense de 2024, un effort d’accélération au profit de l’IA prévoit l’intégration de l’IA dans les capacités opérationnelles des armées et se concrétise par la création de l’Agence ministérielle pour l’IA de défense (AMIAD) et la montée en puissance des centres de service et de la donnée des armées.

Cette généralisation de l’IA dans les systèmes de commandement et les systèmes de combat a pour objectif de démultiplier les performances et l’efficacité de ces systèmes, tout en favorisant leur coopération dans une logique multi champs et multi domaines. Dans un souci de cohérence d’ensemble, cet effort intègre un volet relatif aux données, volet primordial pour que l’IA puisse déployer au plus tôt sa pleine puissance au service du ministère.

Ces investissements supplémentaires constituent une programmation adaptée et cohérente selon plusieurs volets :

1/ un volet organisationnel, avec la création de l’AMIAD ;

2/ un volet relatif aux infrastructures, avec la construction d’un bâtiment modulaire à Bruz pour accueillir le pôle technique de l’AMIAD d’une part, et avec la construction du futur supercalculateur ASGARD ([1]) à Suresnes d’autre part ;

3/ un volet relatif aux calculateurs, relatif à l’acquisition de capacités de calcul souveraines et de GPU ;

4/ un volet dédié à l’IA à proprement parler, avec l’élaboration d’une doctrine en matière d’IA embarquée, d’IA des opérations et d’IA de l’organique, et notamment des cas d’usage au profit des EMDS du ministère ;

5/ et un volet relatif aux données, avec une accélération de la stratégie Move to Cloud ainsi que des travaux de valorisation des données.

Au total, l’effort budgétaire consenti par le ministère des Armées et des Anciens combattants dans le domaine de l’IA de défense et de la donnée s’élève à près de 2 milliards d’euros sur la période 2024-2030.

II.   L’Agence ministérielle pour l’IA de défense a vocation à jouer le rôle de pilote de la politique du ministère en matière d’IA

A.   Le rôle, les moyens et les missions de l’Agence

Créée dans le cadre de la stratégie ministérielle pour l’IA de défense de février 2024, l’AMIAD aura vocation à jouer le rôle de pilote de la politique du ministère en matière d’IA de défense. Il ne s’agira toutefois pas d’une agence qui sera en surplomb et qui dictera aux autres services du ministère la façon dont ils doivent conduire leurs politiques en matière d’IA : l’AMIAD a vocation, comme le fait l’AID dans le domaine de l’innovation de défense, à fédérer les initiatives et à servir de référence technique au profit des EMDS du ministère. Ces derniers ont vocation à interagir avec l’Agence, sans que celle-ci n’interfère outre mesure sur les choix et les initiatives que ces EMDS pourront prendre, dans la limite de la cohérence globale de l’action du ministère en ce domaine.

Ainsi, la mission et le rôle de l’AMIAD sont multiples :

1/ la mise en œuvre de la politique ministérielle en matière d’IA ;

2/ le pilotage et la conduite des projets ministériels en matière d’IA ;

3/ endosser le rôle d’autorité technique en matière d’IA pour le ministère ;

4/ faire la promotion de l’IA de défense et de ses savoir-faire auprès des EMDS du ministère et en dehors ;

5/ conduire et coordonner les travaux de recherche académique en matière d’IA ;

6/ et mettre en œuvre les partenariats et les coopérations nécessaires avec les acteurs publics et privés.

La compétence de l’AMIAD s’exerce ainsi sur l’ensemble du champ de l’IA, c’est-à-dire de l’IA organique (IA du quotidien pour les administrations du ministère), de l’IA des opérations et jusqu’à l’IA embarquée. Au titre de ses missions et de ses compétences, l’AMIAD s’articule ainsi avec les armées, la DGA et le SGA dans le cadre de leurs missions respectives pour la mise en œuvre de la politique ministérielle en matière d’IA, dans une collaboration étroite lorsque cela est nécessaire et en interface avec les centres de service de la donnée des EMDS.

Le budget total de fonctionnement de l’AMIAD est de l’ordre de 2 millions d’euros en 2025. La trajectoire prévisionnelle des effectifs de l’AMIAD est de 200 ETP en 2025, pour atteindre 300 personnes en 2026 et en régime permanent.

Le graphique ci-dessous présente l’organisation de l’AMIAD :