N° 527

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 octobre 2024

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),

 

 

 

TOME III

 

 

DÉFENSE

 

Soutien et logistique interarmÉes

PAR M. Bastien LACHAUD

Député

——

 

 

 

 

 Voir le numéro : 324


SOMMAIRE

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 Pages

Synthèse des propositions du rapport

Introduction

PREMIÈRE PARTIE : Les crédits relatifs au soutien et à la logistique interarmées dans le projet de loi de finances pour 2025

I. Le programme 178 « préparation et emploi des forces » relatif au soutien et à la logistique interarmées

A. L’action 1 « planification des moyens et conduite des opérations »

1. L’emploi des forces

2. Le renseignement d’intérêt militaire

3. Les systèmes d’information et de communication

4. Les infrastructures des systèmes d’information et de communication

B. L’Action 5 « Logistique et soutien interarmées »

1. Le service de santé des armées

a. De fortes attentes à l’égard des réformes de la composante formation et recherche

b. Un renforcement des composantes médecine des forces et hospitalière conditionné aux efforts de recrutement et de formation

c. Un ensemble de chantiers structurants pour les infrastructures du SSA

d. Sur le ravitaillement médical, des enjeux de modernisation et de sécurisation des achats

e. Le rôle croissant du SSA dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans les armées

2. Le service de l’énergie opérationnelle

3. Le service interarmées des munitions

4. Soutien des forces par les bases de défense

5. Le service du commissariat des armées

a. Des crédits en hausse en CP, dans un contexte de réadaptation du dispositif de soutien du SCA aux évolutions du cadre stratégique

b. Des difficultés persistantes de recrutement et de fidélisation, notamment sur les militaires du rang et les sous-officiers

c. Le service d’habillement, bien qu’en amélioration, reste un irritant chronique pour les militaires

C. Les actions 6 et 7 relatives aux surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures

II. Le programme 212 « Soutien de la politique de défense »

A. Les dépenses de personnel : l’essentiel des crédits du programme 212

1. Des difficultés de recrutement qui avaient atteint un niveau alarmant en 2023, mais qui devraient s’atténuer en 2024 et 2025

2. Des mesures « Fidélisation 360 » annoncées en 2024 pour améliorer la condition des militaires, dont plusieurs restent toutefois à déployer

3. Le Plan Famille II, mis en œuvre depuis janvier 2024 et intégré à « Fidélisation 360 », vise à améliorer la condition des militaires

4. L’accompagnement professionnel des conjoints reste perfectible, et nécessaire pour la réalisation des objectifs de fidélisation

5. L’effort de revalorisation salariale doit se poursuivre en 2025, avec l’entrée en vigueur retardée de la seconde étape de la réforme des grilles indiciaires

6. La réforme de la protection sociale complémentaire fait face à des défis d’acceptabilité auprès des militaires

7. Les limites de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM)

B. Le volet hors titre II du programme 212

1. La politique immobilière

2. La politique du logement

a. Le parc locatif

b. Le parc domanial

3. La politique d’hébergement

4. Les systèmes d’information, d’administration et de gestion (SIAG)

5. La politique culturelle et archivistique du ministère des Armées

SECONDE PARTIE : la condition des militaires français À l’Étranger

I. La grande variÉtÉ de statuts des militaires français À l’Étranger s’explique par des cadres d’emploi divers

A. Les militaires français affectÉs À l’Étranger

1. Les forces de présence à l’étranger

2. Les missions diplomatiques de défense et les représentations militaires diplomatiques (RMD)

3. Les militaires insérés dans des organisations multilatérales ou des armées étrangères

B. Les forces françaises projetÉes en opÉrations

II. La condition des militaires français À l’Étranger est marquÉe par de fortes disparitÉs de traitement dont certaines apparaissent difficiles À justifier

A. La couverture indemnitaire variable des militaires français affectés à l’étranger créé des inégalités de traitement injustifiées entre militaires

1. Établie au niveau interministériel, l’indemnité de résidence obéit à des règles de calcul complexes

a. Le positionnement du militaire au sein des groupes d’IRE

i. Des inégalités de traitement qui interpellent entre militaires

ii. Des inégalités de traitement injustifiées entre militaires et personnels civils

b. Le lieu d’affectation du militaire

2. L’IRE est complétée par un certain nombre d’autres indemnités

B. Un soutien logement très inégal selon les statuts et les affectations

1. En opérations

2. Les forces de présence

3. Les postes permanents à l’étranger

a. De plus en plus de militaires contraints de se loger dans le parc locatif privé malgré un coût souvent prohibitif

b. La réforme des réseaux à l’étranger a très sévèrement impacté les conditions de logement des attachés de défense qui sont pourtant contraints de recevoir à leur domicile

C. Des difficultés communes quel que soit le statut des forces

1. Scolarisation des enfants

2. Emploi des conjoints

3. La prise en charge des frais de santé

4. Le déménagement

5. La question des congés

a. Une application différenciée du droit au report des congés administratifs selon le lieu d’affectation

b. Les militaires affectés au tableau 1 n’ont droit qu’à un seul voyage de congé administratif sur trois ans d’affectation

c. Le droit au congé de fin de campagne (CFC) n’est ouvert qu’aux militaires affectés à l’étranger hors Europe

6. L’accompagnement des familles est lacunaire

a. Une information préalable exhaustive pour les attachés de défense

b. Une information plus sporadique dans les autres affectations

D. Une disparité des conditions de vie qui limite déjà l’attractivité de certains postes et met certains militaires en situation de vulnérabilité

III. Le statut des militaires français dÉployÉs en opÉrations est fragilisÉ par l’indÉfinition latente du rÉgime juridique applicable aux missions opÉrationnelles

A. le cadre juridique des projections de forces À l’Étranger n’est pas respecté par le gouvernement, au dÉtriment des droits du Parlement et de la condition des militaires sur place

1. Le cadre juridique des projections de force à l’étranger est rendu délibérément confus par le Gouvernement

a. La notion d’OPEX souffre d’un manque de définition légale

b. La notion de mission opérationnelle n’a aucune existence juridique

c. Le Gouvernement utilise les catégories d’OPEX et MISSOPS pour contourner la notion constitutionnelle d’« interventions à l’étranger », et ainsi s’exonérer du contrôle parlementaire

d. Les missions opérationnelles n’ont donc aucune base légale

2. La participation à une OPEX entraîne pour les militaires l’application d’un socle de droits bien plus protecteur qu’en MISSOPS

3. L’imprécision du cadre juridique applicable aux missions opérationnelles rejaillit sur le statut incomplet des militaires déployés dans ce cadre

a. La définition de la couverture indemnitaire et assurantielle des militaires déployés en MISSOPS relève d’une logique arbitraire dommageable à la prévisibilité de leur statut

b. Les modalités de reconnaissance de la participation des militaires à des opérations à l’étranger souffrent d’inconstance

B. Le non-statut des missions opÉrationnelles fragilise chaque annÉe le budget opÉrationnel des forces armÉes

C. La nÉcessitÉ de clarifier le cadre juridique applicable aux MISSOPS

Travaux de la commission

I. Auditions devant la commission

1. Audition de Sébastien Lecornu, ministre des Armées

2. Audition de membres du groupe de liaison du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM)

3. Audition de M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration

4. Audition des représentants des associations professionnelles nationales de militaires (APNM)

5. Audition des représentants de syndicats des personnels civils de la défense

II. Examen des crédits

Annexe : Auditions du rapporteur pour avis


   Synthèse des propositions du rapport

Proposition n° 1 : Organiser la diffusion et la bonne connaissance, par l’ensemble des militaires et leur commandement, des étapes du parcours complet d’accompagnement des victimes de VSS et des documents de référence produits par le SSA sur le sujet

 

Proposition n° 2 : Poursuivre la logique d’adéquation des soutiens aux besoins opérationnels dans l’armée de Terre et l’armée de l’air et de l’espace par le cumul des fonctions de commandement d’une base de défense et de commandement d’une base aérienne ou d’une brigade

 

Proposition n° 3 : Abonder les crédits Titre 2 du programme 212 à hauteur de 7,70 M€ en AE et CP, afin de remédier au décalage de deux mois de l’entrée en vigueur de la nouvelle grille indiciaire des sous-officiers supérieurs

 

Proposition n° 4 : Mettre fin à la réduction de moitié de l’indemnité de garnison (IGAR) pour les couples de militaires

 

Proposition n° 5 : Mettre fin à la fiscalisation de l’IGAR

 

Proposition n° 6 : Réétudier plus régulièrement les conventions applicables aux loyers des logements proposés dans le parc domanial et leur adéquation au niveau de tension immobilière et au prix de marché

 

Proposition n° 7 : Entretenir et mettre à la disposition des militaires affectés en poste permanent à l’étranger un parc locatif dont la gestion relèverait de la représentation diplomatique française sur place.

 

Proposition n° 8 : Augmenter la subvention accordée à l’Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) en contrepartie d’un droit d’accès prioritaire des enfants de militaires français dans ce réseau

Proposition n° 9 : Faire respecter la priorité d’accès aux lycées de la Défense pour les enfants de militaires affectés à l’étranger quand les militaires en font la demande

 

Proposition n° 10 : Relever le seuil de perception du SUFE et introduire une dégressivité du SUFE en fonction du montant de la rémunération perçue par le conjoint.

 

Proposition n° 11 : Au sein des missions de défense, augmenter la fréquence des voyages de congés administratifs des personnels militaires afin de la rapprocher de celle des personnels civils de l’ambassade

 

Proposition n° 12 : Élaborer un statut pérenne pour les militaires déployés en missions opérationnelles

 


   Introduction

Le ministre des Armées s’est félicité devant notre commission du respect, du moins sur le papier, de la trajectoire prévue par la loi de programmation 2024-2030, avec une hausse de 3,3 Md€ par rapport à l’exercice 2024, et du respect de la « programmation physique » du budget de la défense, une notion dont il est seul à comprendre les subtilités. En 2025, selon lui, le ministère des Armées serait ainsi épargné par la cure d’austérité généralisée prévue par le Gouvernement Barnier.

Les travaux de votre rapporteur montrent que ce respect facial de la programmation se fait au prix de manœuvres de gestion qui sont en pleine contradiction avec l’esprit de la LPM 2024-2030. En particulier, la gestion des surcoûts opérationnels souffre d’une insincérité chronique, au détriment de la mission constitutionnelle de contrôle du Parlement, donc de ses droits. La provision budgétaire dédiée aux opérations extérieures et intérieures (OPEX-MISSINT) sera vraisemblablement dépassée en 2024, comme les années précédentes. Ce surcoût de plusieurs centaines de millions, pourtant prévisible, devra à nouveau être compensé par un abondement ministériel de fin de gestion. Votre rapporteur déplore en outre la volonté manifeste du Gouvernement de contourner l’autorisation parlementaire prévue par l’article 35 de la Constitution en qualifiant ces opérations de renforcement du flanc Est de l’OTAN de « MISSOPS ». Le ministre des Armées, qui a reconnu l’existence d’un « sujet de lisibilité », a esquissé les orientations d’une redéfinition juridique qui ne semblent toutefois pas aller dans le sens d’une résolution de l’ambiguïté, et encore moins dans celui d’un renforcement du pouvoir de contrôle du législateur. De même, nos armées, et notamment les services de soutien, financent régulièrement sur leurs budgets propres des actions de soutien ou de cession aux forces armées ukrainiennes, sans compensation et à rebours du dispositif prévu par la LPM 2024-2030.

Les effets de cette gestion rejaillissent sur les crédits consacrés au soutien et à la logistique interarmées, qui sont au cœur de ce rapport. Les services de soutien des armées, en souffrance budgétaire et humaine depuis plusieurs années, doivent bénéficier de la hausse des dépenses prévue par la LPM 2024-2030 pour engager des réformes structurantes plus que nécessaires. Ils voient, dans la pratique, les bénéfices de cette hausse rognés par divers surcoûts opérationnels.

Le présent rapport met en exergue une embellie en matière de recrutement et de fidélisation dans les armées, appelée à se poursuivre. Il est toutefois difficile de savoir dans quelle mesure celle-ci est attribuable aux effets des politiques de fidélisation ou au relâchement conjoncturel du marché de l’emploi. Les efforts de revalorisation doivent être maintenus en 2025, et être à la hauteur des attentes des militaires. En particulier, la nouvelle politique de rémunération des militaires révèle ses limites. La fiscalisation de l’indemnité de garnison (IGAR) à partir de 2025 gommera le gain attendu pour de nombreux militaires. L’indemnité pour sujétions d’absence opérationnelle (ISAO) souffre de difficultés de calibrage et de versements. Ces difficultés doivent être traitées au plus tôt, bien avant la clause de revoyure prévue en 2026. La réforme des grilles indiciaires du ministère des Armées se poursuit, après la mise en œuvre des grilles des militaires du rang et des sous-officiers subalternes en 2023. Elle devrait concerner les sous-officiers supérieurs en décembre 2024 (en retard par rapport à la date initialement annoncée d’octobre 2024) et pour les officiers à la fin 2025. Votre rapporteur réitère ses réserves quant à la cohérence perfectible de la réforme et l’insuffisance des efforts sur les militaires du rang ; la progression du SMIC fait craindre un retassement du bas des grilles indiciaires dès 2025.

Votre rapporteur a choisi cette année de consacrer la partie thématique de son rapport au statut des militaires français à l’étranger, qui constitue un impensé des politiques récentes d’amélioration de la condition militaire. Il observe que l’accompagnement et les conditions matérielles et financières des militaires français affectés à l’étranger sont très variables, créant des inégalités de traitement injustifiées entre militaires et avec les fonctionnaires civils. Confrontés à des problématiques croissantes de logement, de hausse du coût de la vie et de scolarisation des familles, les militaires français sont de plus en plus nombreux à hésiter ou renoncer à des postes à l’étranger, suscitant un risque pour l’adéquation entre les besoins du ministère et des profils des candidats. Pour ceux qui partent, en particulier dans les destinations anglo-saxonnes et scandinaves, les auditions de votre rapporteur révèlent un sentiment de déclassement et une paupérisation des personnels dommageable pour la condition militaire, l’image de la France et la sécurité de ses intérêts. Il apparaît impératif de mettre fin aux différences de traitement injustifiées, et de renforcer l’accompagnement des militaires envoyés par la France à l’étranger, à commencer par le logement et les compensations indemnitaires.

Enfin, votre rapporteur déplore un dialogue difficile avec le ministère des Armées sur sa gestion. Il est inacceptable que les réponses au questionnaire budgétaire envoyé en juillet continuent de manquer à la fin du mois d’octobre, quand l’article 49 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit un retour au plus tard le 10 octobre. De même, votre rapporteur déplore la difficulté qu’il a pu rencontrer à obtenir des informations relatives au coût, en exécution et en prévision, des différents engagements opérationnels des armées. Il est en outre malheureux de constater que ces difficultés d’information du ministère des Armées sur ses choix budgétaires ne touchent pas que le Parlement. Selon la Direction du budget, le ministère ne détaille pas, dans son dialogue de gestion, les mesures qu’il présente en budgétisation des évolutions spontanées de la dépense des mesures nouvelles, et ce en violation des directives interministérielle. Il ne communique pas régulièrement les plans des actes de gestion, pourtant exigés de tous les ministères par le ministère des comptes publics.


   PREMIÈRE PARTIE : Les crédits relatifs au soutien et à la logistique interarmées dans le projet de loi de finances pour 2025

Le présent rapport pour avis porte sur un ensemble cohérent de crédits consacrés aux soutiens. Dans la nomenclature budgétaire, ils se répartissent entre deux programmes :

le programme 178 « Préparation et emploi des forces », pour les quatre de ses sept actions qui ne retracent pas spécifiquement des dépenses liées à la préparation et à l’emploi d’une armée (I) ;

le programme 212 « Soutien de la politique de défense », pour les dépenses afférentes à la logistique interarmées et aux soutiens (II).

 

I.   Le programme 178 « préparation et emploi des forces » relatif au soutien et à la logistique interarmées

Le programme 178 « Préparation et emploi des forces » est placé sous la responsabilité du chef d’état-major des armées (CEMA). Il constitue le cœur de la mission « Défense ». L’objet du programme est en effet de remplir les missions confiées aux armées tout en veillant au maintien d’un haut niveau de préparation opérationnelle. Sur les sept actions que comporte le programme 178, quatre retracent des dépenses transversales relevant de la planification des moyens et de la conduite des opérations, du soutien et de la logistique interarmées ou encore des surcoûts liés aux opérations intérieures et extérieures.

C’est sur ces quatre actions que porte l’avis du rapporteur, s’agissant du programme 178. Les trois autres actions retracent spécifiquement les dépenses de préparation des forces terrestres, navales et aériennes et font l’objet d’une analyse distincte par les rapporteurs pour avis désignés à cet effet.

A.   L’action 1 « planification des moyens et conduite des opérations »

L’action 1 du programme 178 regroupe les crédits concourant au financement de plusieurs missions et organismes interarmées. Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, les crédits de cette action correspondent à 1,36 milliard d’euros en autorisations d’engagement (+21,7 % en AE par rapport à la LFI pour 2024) et à 1,29 milliard d’euros en crédits de paiement (+24,4 % en CP par rapport à la LFI pour 2024).

 

Kanaky-Nouvelle-Calédonie : le coût pour les armées d’une crise politique prévisible

L’obstination gouvernementale à dégeler unilatéralement le corps électoral, en contradiction flagrante avec l’accord de Nouméa et les engagements internationaux de la France, malgré l’absence de consensus des acteurs locaux et les multiples avertissements de parlementaires, dont votre rapporteur, a provoqué en Kanaky-Nouvelle‑Calédonie une grave crise politique, économique et sociale. En conséquence, le gouvernement a décidé seul et sans discussion devant le Parlement de mobiliser les armées françaises pour renforcer les forces de sécurité intérieure en Kanaky-Nouvelle-Calédonie.

Au plus fort de la crise, 950 militaires du ministère des Armées, projetés depuis l’hexagone, sont venus renforcer les effectifs des forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC). En octobre 2024, le surcoût opérationnel lié aux déploiements exceptionnels en Kanaky-Nouvelle-Calédonie pour le ministère des Armées atteindrait 13,30 M€ pour les crédits relevant du titre 2 et près de 17 M€ pour les dépenses hors titre 2.

Les services de soutien des armées ont particulièrement été mobilisés. Notamment, le service du commissariat des armées (SCA) a dû opérer depuis la mi-2024 un soutien renforcé pour militaires relevant à la fois du ministère des Armées et de l’intérieur mobilisés en Kanaky Nouvelle-Calédonie. Ce soutien s’est en particulier traduit par le déploiement d’une vingtaine de militaires du SCA. De même, le service de santé des armées (SSA) a dû adapter son dispositif sur le territoire, avec un renforcement de +30 % de ses effectifs sur place, portant l’effectif total à plus de 50 personnes. Le surcoût non budgété dans la loi de finances initiale s’est élevé à 600 000 euros sur le budget opérationnel de programme du SSA.

1.   L’emploi des forces

La sous-action « Emploi des forces » porte le financement des activités de l’état-major des armées et des organismes et états-majors interarmées. Son périmètre recouvre essentiellement quatre domaines d’activité :

- les activités internationales des armées, notamment au profit de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et de l’Union européenne (UE), hors opérations extérieures. Elles correspondent aux contributions de la France au fonctionnement de l'OTAN, aux programmes d’investissement de l’Alliance et au budget du réseau des oléoducs de centre-Europe (CEPS). Au titre de l’UE, elles financent la contribution française au budget du centre satellitaire de l’Union européenne (CSUE) et également, depuis 2022, des mesures d’assistance de la facilité européenne de paix. Ces activités participent en outre au soutien de l’action des postes permanents à l’étranger du réseau OTAN et Union européenne, au financement des actions de coopération opérationnelle conduites par l’état-major des armées et des actions de coopération régionale menées par les forces de présence et de souveraineté ;

les actions de cyberdéfense et le développement ainsi que la mise en œuvre des systèmes d’information opérationnels et de commandement ;

le transport stratégique contractualisé au profit de l’état-major des armées, des armées, des services interarmées, pour les besoins de la préparation opérationnelle ou à destination des forces de présence et de souveraineté, hors opérations extérieures ;

les dépenses participant à la préparation et à l’emploi des forces, hors opérations extérieures.

Les crédits prévus au PLF 2025 pour la sous-action « Emploi des forces » s’élèvent à 643,10 M€ en autorisations d’engagement (AE) et 626,40 M€ en crédits de paiement (CP), contre 592,30 M€ en autorisations d’engagement (AE) et 524 M€ en crédits de paiement (CP) au titre de la loi de finances initiale (LFI) pour 2024 (respectivement +8,6 % et +19,5 %).

Ils se décomposent comme suit :

-                97 M€ en AE et 91,60 M€ en CP sont consacrés aux dépenses d’activités opérationnelles (AOP), un niveau en légère augmentation par rapport au PLF 2024 (87,80 M€ et 86,10 M€ respectivement) ; À ce titre, sont prévus :

o       30,90 M€ en AE et 31,20 M€ en CP au titre de l’activité et de l’entraînement des forces. Ils permettront principalement le financement des activités et de l’entraînement des états-majors (forces prépositionnées, zone de défense et de sécurité, état-major des armées), les actions de coopération régionale ainsi que l’organisation et le déroulement d’exercices interarmées de niveau stratégique et opératif ;

o       66,10 M€ en AE et 60,40 M€ en CP sont attribués au transport de matériel et au déplacement des personnels (un niveau stable, après respectivement 63,10 M€ et 60,30 M€ en AE et CP dans le PLF 2024) ;

-                331,30 M€ en AE (contre 269,4 dans le PLF 2024) et 324,60 M€ en CP (contre 262,80 M€ dans le PLF 2024) sont consacrés aux dépenses d’équipements d’accompagnement et de cohérence (EAC). Ils comprennent notamment les appels à contribution aux programmes d’investissement de l’OTAN, les dépenses soutenant les politiques de cyberdéfense et de cyber protection, les achats, le développement et la maintenance des systèmes d’information et de communication et les actions de coopération opérationnelle militaire de l’EMA ;

-                214,40 M€ en AE et 210,20 M€ en CP (contre 235,10 M€ en AE et 175,10 M€ en CP dans le PLF 2024) sont consacrés aux dépenses de fonctionnement et activités spécifiques (FAS) :

o       16,90 M€ en AE et 14,70 M€ en CP (contre 11,80 M€ en AE et 7,90 M€ en CP dans le PLF 2024) permettront de financer le soutien aux ressources humaines (formation), les dépenses de communication et relations publiques ainsi que des prestations intellectuelles ;

o       197 M€ en AE et 195,40 M€ en CP (contre 223,30 M€ en AE et 167,30 M€ en CP dans le PLF 2024) sont affectés aux activités de relations internationales (dont les contributions OTAN et UE).

Votre rapporteur n’a pas été en mesure de se voir communiquer les crédits affectés à la contribution à l’OTAN dans le PLF 2025, malgré l’inclusion de cette question dans son questionnaire budgétaire envoyé à l’été 2024, et les engagements du ministre des Armées d’accroître la lisibilité budgétaire sur l’engagement otanien de la France. Cette situation regrettable interroge quant au respect qu’a le Gouvernement pour les missions constitutionnelles du Parlement et de la sincérité du débat budgétaire.

2.   Le renseignement d’intérêt militaire

La sous-action 11 retrace les crédits de la direction du renseignement militaire (DRM) consacrés à l’acquisition et à l’entretien d’équipements à vocation opérationnelle ainsi qu’au soutien des principales missions de la DRM : appui aux théâtres d’opérations et échanges bilatéraux avec les partenaires étrangers. Au-delà des ressources de la sous-action 11, la DRM bénéficie également de crédits portés par d’autres entités à son profit.

Les crédits prévus en 2025 pour le renseignement d’intérêt militaire dans le cadre de la sous-action 11 s’élèvent à 84,70 M€ en AE et à 75,90 M€ en CP, contre 69,90 M€ en AE (+21,3 %) et 65,40 M€ en CP (+16,2 %) en LFI 2024.

La hausse des crédits de la sous-action 11 se poursuit, après une hausse déjà significative en LFI 2024 (+12 % en AE et +18 % en CP). Elle doit permettre de satisfaire l’objectif de doublement du budget de la DRM sur l’horizon de la LPM 2024-2030. Elle permettra aussi de soutenir le plan de transformation de la DRM, avec en particulier une organisation des activités autour de plateaux géographiques et thématiques qui doit être finalisée en 2025.

À partir de 2025, la DRM doit bénéficier de l’entrée en fonction progressive des raccordements et outils du logiciel ARTEMIS IA, architecture d’exploitation et de traitement massif de l’information multi-sources piloté par la DRM. Au terme de cette montée en puissance en 2030, la DRM disposera d’un domaine commun intégrant les données de la fonction interarmées du renseignement (FIR) et de la DRM et des solutions de traitement automatique des données par l’intelligence artificielle.

Dans le domaine spatial, la mise en orbite du troisième satellite d’observation CSO (renseignement d’origine image), régulièrement repoussée depuis 2021 faute de lanceurs, devrait pouvoir intervenir en début d’année 2025. Le succès du vol inaugural d'Ariane 6 en 2024 permet en effet d’envisager le lancement du CSO3 à cette date. Par ailleurs, le segment spatial d’observation restera complété par des offres commerciales et des partenariats, qui permettront de disposer de la revisite des sites d’intérêt et d’une couverture globale et récurrente du monde.

Comme les années précédentes, votre rapporteur rappelle la nécessité de conserver le ratio actuel d’un tiers de personnels civils et de deux tiers de personnels militaires au sein de la DRM. Il alerte sur la difficulté persistante des armées à honorer les besoins en ressources humaines militaires de la DRM.

3.   Les systèmes d’information et de communication

La sous-action 14 retrace les crédits de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense (DIRISI), qui a pour mission de gérer et de maintenir en condition les matériels de télécommunication, de communication et d’information, au profit des armées, directions et services du ministère de la défense.

Pour 2025, les systèmes d’information et de communication seront financés à hauteur de 607,80 M€ en AE et 557,40 M€ en CP, contre 434,20 M€ en AE (+39,9 %) et 416,80 M€ en CP (+33,7 %) en LFI 2024.

Cette hausse de la ressource en crédits de paiement (CP) doit permettre de soutenir plusieurs priorités pour l’année 2025, dont :

– la sécurisation des données et des systèmes d’authentification via le déploiement du projet ZT/DCS (Zero Trust et Data Centric Security) pour le réseau expérimental Mission Secret X-MS de l’exercice Olympus en octobre 2025. Ce projet vise un marquage fin des données hébergées, un accès différencié en fonction du niveau de protection des données, et l’implémentation d’un principe de non‑confiance implicite des utilisateurs (modèle zero trust) ;

– l’acquisition d’un super-calculateur pour l’IA de Défense (IAD) ;

– le lancement, en 2025, du second incrément du programme DESCARTES, initié en 2015. Il vise à rénover les infrastructures réseaux du ministère des Armées dans le domaine des réseaux de transport, de la téléphonie d’usage générale et de la téléphonie du contrôle aérien. Si le périmètre exact de cette seconde étape n’est pas encore défini, elle doit permettre de renforcer la résilience du réseau, de mieux prendre en compte les outils en interface (cloud, notamment) et enfin de moderniser les usages.

4.   Les infrastructures des systèmes d’information et de communication

La sous-action « Infrastructures SIC » définit les programmes d’infrastructure à initier et à conduire dans les établissements de la DIRISI dans l’hexagone, dans les Outre-mer et à l’étranger, ainsi que des organismes qui lui sont rattachés organiquement afin, d’une part, de répondre à l’ambition opérationnelle dans ce domaine et, d’autre part, de garantir un niveau optimal de disponibilité des installations de la DIRISI.

Pour 2025, les crédits alloués aux infrastructures SIC devraient s’établir à 27,30 M€ en AE (contre 23,80 M€ en LFI 2024) et 27,50 M€ en CP (contre 28,70 M€ en LFI 2024), soit respectivement en hausse de +14,9 % et en baisse de ‑ 4,2 %.

Au total, répartis entre les sous-actions « SIC » et « Infrastructures SIC », les CP de la DIRISI atteignent 584,80 M€ dans le PLF 2025, soit une hausse de +139,40 M€ par rapport à 2024 (445,50 M€ en CP en LFI 2024).

Le supercalculateur IA de Défense, enjeu de souveraineté

Un supercalculateur désigne un ensemble de serveurs empilés et connectés entre eux, permettant de réaliser des calculs de haute performance. Ainsi, il peut être utilisé pour entraîner et tester des modèles et solutions informatiques, rapidement et avant un déploiement à grande échelle.

La direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense (DIRISI) est chargée de l’acquisition, par voie d’appel d'offres, d'un supercalculateur IA militaire, destiné à doter l'Agence ministérielle pour l'IA de défense (AMIAD) à l’horizon 2025. Il sera installé au Mont Valérien (Suresnes).

Le déploiement d’un supercalculateur IA dédié à la Défense constitue un enjeu de souveraineté militaire : il permettra de traiter des données « secret-défense » et des données non protégées. Les forces armées, les services de renseignement et les entreprises de la base industrielle et technologique de défense y auraient accès.

Il constitue également un enjeu de souveraineté industrielle. Lors d’une audition devant la commission de la défense nationale et des forces armées le 14 octobre dernier, le ministre des Armées a soutenu que deux propositions (une proposition de l’entreprise française Atos ; une proposition du tandem franco-américain formé des sociétés Hewlett Packard et Orange) étaient à l’étude dans le cadre de l’appel d’offres dédié, dont l’une qui semble « anormalement faible » et l’autre qui serait « anormalement forte ». Il a annoncé avoir saisi le contrôle général des armées pour un examen supplémentaire de l’appel d’offres.

Le rapporteur souhaite appeler à la vigilance quant à cet appel d’offres déterminant pour le développement d’une expertise industrielle française en matière d’IA à application militaire. S’il ne nie pas l’importance de doter rapidement les forces armées de ces capacités de calcul, il s’inquiète de l’éventualité du choix d’un fournisseur étranger pour ce projet structurant et des conséquences pour notre souveraineté stratégique et notre filière industrielle.

B.   L’Action 5 « Logistique et soutien interarmées »

Le budget de l’action 5 s’élève à 2,98 Md€ en AE et à 2,87 Md€ en CP dans le PLF 2025. Il est en baisse marquée en AE (-13,1 % par rapport à la LFI 2024) et en faible hausse en CP (+ 2,6 %).

L’action 5 du programme 178 regroupe les dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention de plusieurs services de soutien spécialisés ou communs. La majorité des crédits finance le soutien de l’homme à travers le service du commissariat aux armées (SCA) et les bases de défense et concourt donc directement à l’efficacité opérationnelle, à la protection des militaires, à leur moral et à leur fidélisation. Elle vise aussi au financement du service de santé des armées (SSA), du service de l’énergie opérationnelle (SEO) et du service interarmées des munitions (SIMu).

1.   Le service de santé des armées

Deux sous-actions concourent au financement du SSA :

la sous-action 11 « Infrastructures de santé » : pour 2025, les crédits alloués aux infrastructures de santé s’établissent à 37,20 M€ en AE et 61 M€ en CP. En LFI pour 2024, les crédits dédiés aux infrastructures de santé s’élevaient à 55 M€ en AE et 65,70 M€ en CP. Cela représenterait une baisse de -32,4 % en AE et de -7 % en CP ;

la sous-action 80 « Fonction de santé » : pour 2025, les crédits alloués à la fonction santé s’établissent à 247,40 M€ en AE et à 256,80 M€ en CP. En LFI pour 2024, ils s’élevaient à 219 M€ en AE (+13 %) et à 217,80 M€ en CP (+18 %).

Ces deux sous-actions constituent l’ensemble des crédits hors titre 2 consacrés au SSA (les crédits de titre 2 étant portés par le programme n° 212 « Soutien de la politique de la Défense »). Ce volume est en hausse de +3,85 % entre la LFI 2024 et le PLF 2025.

La loi de programmation militaire 2024-2030 a initié une remontée en puissance du SSA, organisée dans une feuille de route publiée par le ministère des Armées en janvier 2024. Votre rapporteur souhaite souligner que l’effort budgétaire ne sera toutefois efficace que si maintenu sur le temps long, compte tenu notamment des délais de formation spécifiques à la médecine des armées et des délais de construction des infrastructures.

Cette remontée en puissance du SSA doit se décliner sur les 4 composantes du service : la composante médecine des forces, la composante hospitalière, la composante ravitaillement médical et enfin la composante formation et recherche.

L’engagement du Dixmude au secours des populations civiles de Gaza

Afin de porter secours aux populations civiles victimes des opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza, la France a déployé, à partir du 27 novembre 2023, le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Dixmude. Accosté au port égyptien d’El-Arich jusqu’au 27 janvier 2024, le Dixmude a installé à son bord une structure hospitalière inédite qui a permis de recevoir 124 blessés, dont 59 enfants.

Grâce à une collaboration interarmées, interministérielle, et interalliés (Belgique, Danemark, Émirats Arabes Unis, Jordanie et Singapour), le Dixmude a pu assurer plus de 360 heures de bloc opératoire et plus de 2 500 actes médicaux en bloc et hors-bloc opératoire. Pour le SSA, ce déploiement a constitué un défi capacitaire exceptionnel, nécessitant le déploiement de spécialités médicales qui ne sont pas usuellement supportées sur les navires de la Marine (ophtalmologie, infectiologie, pédiatrie, notamment). Le coût additionnel pour le SSA a atteint 3 M€ ; 500 000 € sur les dépenses de Titre 2 et 2,5 M€ sur les équipements.

Cette mission a toutefois souligné les lacunes de capacité permanente de projection de rôle 3 (hospitalisation lourde) pour le SSA, avec une capacité qui a dû être créée spécialement pour la mission et a été maintenue seulement durant deux mois. Si la doctrine et les capacités du SSA sont adaptées aux engagements actuels des armées, une évolution sera nécessaire pour soutenir une opération d’envergure.

a.   De fortes attentes à l’égard des réformes de la composante formation et recherche

Concernant la composante formation et recherche, la réforme de la formation au sein de l’école du service de santé doit permettre de renforcer les effectifs de praticiens dans les forces et la cohérence de la composante formation et recherche. L’inauguration de l’Académie du service de santé (ACASAN) en avril 2024 s’inscrit dans un tel objectif de cohérence interne et externe des capacités de formation.

Afin de renforcer les effectifs de praticiens, le SSA avait décidé en novembre 2021 d’orienter tous ses étudiants de 6ème année exclusivement vers des études de médecine générale, suivies de trois années obligatoires d’exercice dans les forces. C’est seulement à l’issue de ces trois années d’exercice dans les forces que le praticien généraliste aura la faculté de tenter un diplôme d’études spécialisées dans une spécialité hospitalière, à la condition de réussir le concours de l’assistanat, interne à l’École du Val-de-Grâce.

La hausse capacitaire des écoles de santé doit également permettre à terme de soulager les difficultés d’effectifs du service. L’effectif des promotions de médecins a augmenté et se situe autour de 70 élèves par an ; il doit atteindre 120 élèves par an en 2030. Le flux d’entrée en formation de personnel paramédical a également été augmenté à partir de la rentrée 2024, avec l’admission de 127 élèves.

En 2024, le SSA a également été mobilisé pour des actions de formation à destination des services de santé ukrainiens.

La mobilisation du SSA au profit des forces armées ukrainiennes

Cette mobilisation a porté sur trois dimensions :

- le soutien santé offert aux militaires ukrainiens en formation en France, sur les camps de Champagne et de Creuse. En 2024, le montant engagé par le SSA pour la couverture de ces soins atteindrait 173 000 € ;

- la formation à destination des services de santé des forces armées ukrainiennes et la cession de matériels. Ainsi, ce sont par exemple 16 sessions de formation pour la médecine de combat qui ont été organisées, pour un total de 192 stagiaires formés. Ces formations présentent un coût atteignant 100 000 € de matériel, 300 000 € de coût de formation sur la chirurgie à date pour 2024. Les cessions de matériel représentent 800 000 € entre janvier et octobre 2024 ;

- l’accueil de blessés ukrainiens ; 49 soldats ukrainiens sont concernés en octobre 2024, pour des séjours qui dépassent a minima les 60 jours d’hospitalisation ;

Votre rapporteur souligne que ces dépenses additionnelles sont financées sur le budget opérationnel de programme du service de santé des armées, en contradiction avec l’esprit de la LPM 2024-2030, qui prévoit un financement distinct des actions relevant de l'effort national de soutien à l'Ukraine.

b.   Un renforcement des composantes médecine des forces et hospitalière conditionné aux efforts de recrutement et de formation

Depuis plusieurs années, la structure des effectifs du SSA est devenue quantitativement insuffisante, le SSA ayant perdu 10 % de ses effectifs sur la période 2014-2021. Ces lacunes constituent un défi tout particulier pour l’organisation des composantes médecine des forces et hospitalière, car elles affectent particulièrement les effectifs de praticiens et les personnels paramédicaux :

– la composante hospitalière connaît en 2024 une tension persistante avec un déficit total de 60 praticiens militaires, et un déficit de 54 infirmiers de bloc opératoire ;

– la composante médecine des forces connaît en 2024 un déficit de 80 postes de médecins.

Outre le renforcement des recrutements en formation universitaire initiale des personnels médicaux et paramédicaux, et le recours au recrutement complémentaire de personnel contractuel, le SSA a engagé des mesures générales ou ciblées de fidélisation, notamment :

– la réduction de la durée obligatoire du « lien au service » des praticiens, opérée en 2023 ;

– la mise en œuvre d’allocations financières spécifiques de formation (AFSF) à destination des internes ou des paramédicaux sur des métiers sensibles, en contrepartie d’un engagement à souscrire un contrat pour une durée double de celle financée ;

– la refonte complète des principes de la rémunération, par l’intégration complète de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) à partir de 2023, un basculement de la population des praticiens dans le régime de la prime de performance (PERF) en 2025, ainsi que pour les militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA), le maintien d’un régime indiciaire homologue à la fonction publique hospitalière (FPH) et de la prime de permanence des soins hospitalière.

Enfin, pour pallier les vacances sur certains postes, le SSA recourt de manière croissante aux réservistes, symptôme et solution aux difficultés RH rencontrées par le service. Comme le note un récent rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM), le SSA ne pourrait fonctionner efficacement sans les réservistes ; le HCECM identifie une proportion de 55 % de réservistes par rapport aux militaires d’active du service (soit près d’un réserviste pour deux militaires d’active) ([1]).

c.   Un ensemble de chantiers structurants pour les infrastructures du SSA

Le SSA est engagé dans la préparation de la construction du futur hôpital national d'instruction des armées (HNIA) à Marseille. La phase d’analyse se poursuit jusqu’en 2025 à travers plusieurs études de faisabilité liées à la libération d’espaces en zone nord, permettant une projection d’un début de construction de l’HNIA en 2028, une livraison fin 2030 et une mise en service opérationnelle autour de 2031. Le financement de ce dernier doit par ailleurs bénéficier d’un soutien complémentaire des collectivités, de l’OTAN (car l’HIA opèrera en soutien des activités de l’Alliance dans le Sud de l’Europe), et civil (en tant que soutien de l’offre civile de santé publique à destination des populations du nord de l’agglomération de Marseille). La hausse des capacités sur le HIA de Marseille sera permise par la hausse des effectifs diplômés des écoles de santé.

En raison de reports successifs d’opérations de maintenance lourde, une part significative des infrastructures du SSA ne présente plus un état satisfaisant et nécessite des travaux et investissements importants ci-après mentionnés.

Pour la composante ravitaillement, des projets d’infrastructure sont actuellement en cours sur les deux établissements de ravitaillement sanitaire des armées à Marseille (ERSA 13) et Marolles (ERSA 51), avec en particulier la reconstruction de l’ERSA 51 à l’horizon 2028 ce qui permettra d’augmenter les capacités globales de stockage du SSA.

Pour la composante formation et recherche, l’état actuel des ouvrages et installations (notamment le Val-de-Grâce et les Écoles militaires de santé Lyon‑Bron) ne permet pas d’accompagner de manière satisfaisante la dynamique de hausse capacitaire. Une restructuration majeure du bâtiment abritant en partie l’Académie de santé des armées du site du Val-de-Grâce est engagée. Enfin, l’institut de recherche biomédicale des armées fait également l’objet de travaux d’adaptation et de maintenance lourde.

Pour la composante hospitalière, les enjeux se concentrent sur la construction de l’HNIA de Marseille, alors que l’état global des infrastructures est jugé « peu satisfaisant », avec une variabilité importante selon les sites.

Enfin, pour la composante médecine des forces, qui comprend le plus grand nombre d’implantations, de nombreuses structures de la médecine des forces (centres médicaux des Armées – CMA –, antennes médicales – AM) ont fait et font l’objet de reconstruction ou de réhabilitation sur ces dernières années, avec un parc dont l’état est globalement jugé satisfaisant.

d.   Sur le ravitaillement médical, des enjeux de modernisation et de sécurisation des achats

S’agissant des achats, le SSA poursuit une trajectoire de sécurisation des achats et des approvisionnements mise en œuvre par la plateforme achats finances santé (PFAFS). Cette structure dédiée au SSA permet une autonomie du service dans ses achats, assurant la prise en compte des spécificités du SSA et la compétitivité de ses achats. Elle passe par plusieurs actions :

– le suivi des fournisseurs stratégiques, dont les produits présentent de forts enjeux pour la continuité du soutien opérationnel, afin de prévenir d’éventuels risques de ruptures ;

– la passation de contrats directement auprès d’opérateurs économiques, permettant de faire prendre en compte les spécificités du SSA ;

– la recherche de fournisseurs nationaux ou européens dans les marchés publics du SSA, afin de soutenir une approche de résilience et de souveraineté nationale.

Sur ce dernier point, le SSA a fait part à votre rapporteur des effets limitants du code de la commande publique, qui ne permettrait pas de faire valoir la préférence d’une localisation européenne (nationalité du fournisseur ou du lieu de production) et ne permettrait pas une pleine prise en compte de l’objectif de résilience des fournitures du SSA. Nos services souffrent par-là de la concurrence internationale mise en œuvre par les institutions européennes, qui favorisent le grand déménagement du monde, et le dumping social comme environnemental. Pour exemple récent, le gouvernement continue de vouloir signer des accords de libre-échange, comme celui avec le Mercosur.

S’agissant de la fabrication, la pharmacie centrale des Armées (PCA) a acquis et mis en service une seconde ligne de conditionnement de comprimés médicaux afin d'augmenter sa capacité à fabriquer des contre-mesures médicales (CMM) contre les risques nucléaires radiologiques biologiques et chimiques (NRBC).

e.   Le rôle croissant du SSA dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans les armées

Le renforcement impératif de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans les armées

Les conclusions de la mission d’enquête sur les violences sexuelles et sexistes au sein du ministère des Armées, publiées en juillet 2024, mettent en exergue l’existence de dysfonctionnements dans la détection et le traitement des violences sexuelles et sexistes (VSS) au sein des forces armées. Votre rapporteur déplore la persistance de ces dysfonctionnements et la faiblesse des progrès accomplis en la matière, pourtant déjà relevés lors des travaux de la mission d’information sur l’évaluation des dispositifs de lutte contre les discriminations au sein des forces armées de 2019, dont il était le co‑rapporteur. Deux instructions ministérielles en date du 26 mars et du 28 juin 2024 ont vocation à mettre en œuvre un nouveau programme de lutte contre les violences sexuelles et sexistes au sein des armées.

La problématique est vive dans les armées françaises : en 2023, ce sont 226 signalements de VSS qui ont été recensés par la cellule Thémis (cellule spécialisée de vigilance et d’accompagnement) et 207 en 2022 (dont 28 signalements pour viol). Il faut ajouter à l’ensemble de ces violences signalées celles qui ne remontent pas par méconnaissance des procédures ou dysfonctionnement de la chaîne de surveillance et de commandement.

Si les auditions de votre rapporteur permettent d’apprécier la prise en compte de cet enjeu par les états-majors, la persistance de lacunes dans la prévention et le traitement des VSS n’est pas acceptable. Votre rapporteur note par exemple que le libellé des « Flash event » pour faits de VSS est parfois euphémisant, avec des titres comme « non-respect des règles de mixité ». La judiciarisation des signalements est également lacunaire : le signalement au procureur de la république au titre de l’article 40 du code de procédure pénale fait l’objet d’un usage « prudent ([2])» ou qui « n’est pas instinctif ([3]) ». Il s’agit pourtant d’une obligation légale, qui ne souffre aucune exception, et s’impose à la personne qui acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, y compris lorsqu’il y a incertitude sur la réalité des faits. Sur le volet disciplinaire, le traitement des auteurs de VSS n’est pas encadré.

Un renforcement des mesures de sensibilisation, signalement et de traitement des faits de VSS est impératif. Outre les recommandations du rapport de la mission d’enquête VSS, votre rapporteur souhaiterait relayer une proposition des représentants du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) : la possibilité pour la victime de VSS de désigner un tiers de confiance, qui l’accompagne sur l’ensemble de son parcours.

En particulier, la cellule Thémis, placée au sein du contrôle général des armées, doit voir ses moyens renforcés. La mission d’enquête VSS appelait un « dimensionnement » de la cellule à la hauteur des tâches qui lui sont confiées ; le doublement récent du nombre d’agents, pour un effectif atteignant 15 personnes en septembre 2024, s’inscrit dans cette orientation. Toutefois, ce nombre demeure largement insuffisant au vu de l’ampleur du phénomène ; les données de la mission d’enquête VSS montrent qu’un tiers des femmes militaires ont été exposées à un comportement relevant de VSS.

Il convient de souligner, s’agissant des services de soutiens, le rôle particulier du service de santé des armées (SSA) dans l’accompagnement et la détection des violences sexuelles et sexistes (VSS). Dans le cadre du programme de lutte contre les VSS, le SSA doit participer à la mise en place de plusieurs actions :

– l’organisation d’un parcours complet, coordonné et personnalisé de la victime dans les armées, allant du signalement à la réhabilitation, à l’instar du parcours des blessés avec un point de coordination au niveau de l’employeur (information, signalement, sensibilisation au recueil de la parole, accompagnement) ;

– La rédaction d’un référentiel d’accompagnement et de prise en charge des victimes en parallèle du parcours, notamment s’agissant de la prise en charge médico-psychologique (prévue d’ici la fin 2024) ;

– La rédaction d’une note technique qui intégrera la détection d’exposition à des VSS dans le suivi de santé individuel du personnel par le SSA (prévue d’ici la fin 2024).

En outre, la mission d’enquête sur les VSS au sein du ministère des Armées a souhaité que le SSA se voie confier un rôle renforcé dans l’éducation et la formation continue sur les enjeux d’éducation sexuelle et de promotion de la santé sexuelle. Le service prévoit la mise en place d’un programme de promotion de l'hygiène sexuelle et de prévention des infections sexuellement transmissibles adapté aux populations du ministère, il conviendra de s’assurer que ce programme soit relayé au sein des structures de formation initiale comme continue, et dépasse le cadre de l’hygiène sexuelle pour intégrer des modules sur la notion de consentement, l’identification et le signalement des comportements inappropriés.

Proposition n° 1 : Organiser la diffusion et la bonne connaissance, par l’ensemble des militaires et leur commandement, des étapes du parcours complet d’accompagnement des victimes de VSS et des documents de référence produits par le SSA sur le sujet

2.   Le service de l’énergie opérationnelle

Service interarmées subordonné à l’état-major des armées (EMA), le service de l’énergie opérationnelle (SEO) a pour mission historique « l’approvisionnement en tout temps et en tout lieu des produits pétroliers nécessaires aux armées ». Depuis le 1er janvier 2016, les recettes et les dépenses de la fonction pétrolière sont, par dérogation au principe d’unité budgétaire, séparées du budget général pour être retracées dans un compte de commerce n° 901, intitulé « Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires ».

Grâce à un découvert autorisé de 125 M€, ce compte de commerce apporte de la souplesse aux opérations conduites par le SEO en lui permettant d’acheter de gros volumes de carburant à tout moment. Ce mode de gouvernance budgétaire, qui isole la fonction pétrolière des autres domaines, incite également le SEO à une gestion active de la trésorerie et, pour cela, à la valorisation de ses prestations à l’égard de ses clients, dans le respect du principe d’équilibre du compte de commerce.

Le budget du service dans le PLF pour 2025 est de 78 M€, en hausse de 14,7 % par rapport au budget programmé en 2024 (68 M€).

Les investissements dans l’infrastructure pétrolière sont en hausse : le montant du plan de commande annuel (PCA) de travaux pour le SEO en 2025 est de 56,80 M€, après 35 M€ en 2024.

La construction des prévisions du projet de loi de finances initiale par le ministère des Armées se fonde sur une hypothèse de cours du baril dont la méthodologie a été revue en 2023. Jusqu’alors fondées sur les hypothèses du rapport économique social et financier annexé au PLF de l’année N-1, les prévisions du ministère s’appuient désormais sur les hypothèses du programme de stabilité, qui bénéficient d’une actualisation annuelle. Pour 2024 et 2025, celui-ci anticipe un prix moyen de 85 $/baril.

En conséquence, l’hypothèse de cours du baril retenue dans le PLF pour 2025 semble plus réaliste, et devrait permettre de limiter la consommation trop précoce des ressources budgétaires du service dans le cours de l’année, telle qu’observée en 2022 et 2023.

Toutefois, votre rapporteur réitère ses alertes sur la nécessité de fiabiliser les prévisions et le mode de tarification du SEO pour le prémunir d’éventuelles évolutions brusques des cours du pétrole qui fragilisent sa trésorerie. Pour mémoire, la différence entre l’anticipation du cours du baril de brent dans le PLF pour 2022 et son évolution réelle avait causé la consommation de deux tiers du budget du SEO à la moitié de l’année 2022. En conséquence, le compte de commerce CC n° 901 avait été abondé afin que ses ressources ne soient pas inférieures à son autorisation de découvert de 125 millions d’euros. Afin d’endiguer cette tendance, le rapporteur avait déposé trois amendements au PLF 23 afin d’abonder de 300 M€ les crédits des armées consacrés aux dépenses de carburant. Conformément aux prédictions du rapporteur, la mauvaise anticipation du cours du baril de brent dans le PLF pour 2023 a entraîné la consommation du budget du SEO à compter d’octobre 2023.

Le recours aux hypothèses du programme de stabilité, bien que plus proches dans le temps de l’année d’exercice du budget, ne saurait prémunir des effets négatifs pour la trésorerie du SEO de futures évolutions brusques du cours du pétrole. Elles témoignent d’écarts significatifs avec le cours réalisé, comme a pu le relever la Cour des comptes, qui suggère de lui préférer des documents de références plus fiables, comme le rapport mensuel de l’OPEP ou le rapport annuel de l’Agence internationale de l’énergie ([4]).

Les difficultés du service sont en outre amplifiées par la méthode de tarification des cessions du SEO, basée sur le coût unitaire moyen pondéré « CUMP ». L’effet des achats réalisés par le SEO sur les dépenses est illustré par le prix moyen d’achat (PMA). L’effet des recettes obtenues par la facturation des cessions est représenté par le coût unitaire moyen pondéré (CUMP), ou prix moyen pondéré, qui calcule un coût moyen d’acquisition du stock à chaque nouvelle entrée ou acquisition de stock. Le CUMP prend en compte tous les volumes en stock, achetés à des moments différents et donc avec un PMA différent. Le calcul du CUMP est lissé sur environ 10 mois d’acquisitions de stock.

Par exemple, à la fin de l’année 2021, sous l’effet des pénuries mondiales liées à la Covid-19, le prix moyen d’achat (PMA) et le coût global d’approvisionnement ont augmenté. Cet accroissement s’est poursuivi jusqu’au mois de juillet 2022, obligeant ainsi le SEO à vendre ses stocks à un tarif inférieur au prix d’acquisition payé par le SEO quelques mois plus tôt.

Cette situation a eu des conséquences majeures sur la trésorerie du service qui a vu son découvert s’approcher des 125 M€ autorisés lors de l’exercice 2023. Votre rapporteur continue de soutenir l’ouverture d’une réflexion sur la juste méthode de tarification des cessions du SEO.

3.   Le service interarmées des munitions

Le service interarmées des munitions (SIMu) a pour mission de mettre à disposition des forces en tous lieux et en tout temps des munitions conventionnelles en quantité et en qualité, tout en assurant la sécurité d’emploi par les utilisateurs. Ses activités consistent en conséquence en la gestion, la maintenance et la logistique des munitions de toutes natures, hors dissuasion.

Après une hausse significative en 2024, le budget du SIMu sera en baisse en 2025. Les AE diminueront de 6,2 % pour s’établir à 20,70 M€, et les CP diminueront de 4,8 % et atteindront les 20,10 M€. Ce budget visera, en particulier, à financer les dépenses relatives au stockage (11,80 M€), le démantèlement des munitions classiques et complexes (3,10 M€), le financement des transports de munitions inter dépôts (2,90 M€), ainsi que l’acquisition et la maintenance des véhicules de manutention (2,20 M€).

4.   Soutien des forces par les bases de défense

Les bases de défense (BdD) sont des organismes interarmées qui répondent aux besoins en matière d’administration générale et de fonctionnement courant émis par les unités qui leur sont rattachées. Les dépenses réalisées par les bases de défense couvrent des domaines très variés : fournitures de bureau et consommables informatiques, ameublement-couchage, mobilier de bureau, blanchissage, entretien des espaces (espaces verts, nettoyage des locaux, collecte et évacuation des déchets ménagers etc.), reprographie et téléphonie, dépenses liées au transport par véhicules non tactiques (carburant, péages, location de vecteurs, etc.), chauffage et énergies. Les 55 bases de défense (45 en métropole et 10 en outre-mer et à l’étranger) correspondent toutes à une unité opérationnelle.

En 2025, le budget des bases de défense diminuera fortement. Les AE diminueront de -33,3 %, pour s’établir à 1,27 Md € et les CP diminueront de 14,3 % pour atteindre 1,15 Md€.

En 2025, le soutien des forces par les bases de Défense sera en partie modifié afin d’accompagner la réorganisation des opérations militaires en Afrique de l’Ouest. Les unités opérationnelles correspondant au soutien des éléments français au Gabon, au Sénégal et en Côte d’Ivoire sont supprimées, au profit d’une unité opérationnelle commune pour l’ensemble du commandement de l’Afrique de l’Ouest.

Comme avait déjà pu le souligner votre rapporteur dans son avis sur le PLF 2024, l’amélioration de la réactivité et de l’adéquation des soutiens proposés par les BdD peut passer par davantage de cumuls des fonctions de commandement opérationnel et de soutien lorsque pertinent, sans remise en cause de la cartographie actuelle des bases de défense.

Une instruction ministérielle prise en mars 2024 ([5]) a visé à officialiser des pratiques, déjà souvent en place, associant plus étroitement les soutiens et réduisant la dichotomie « soutenant-soutenu » au profit du développement d’une meilleure intégration et d’un partage des tâches dès la vie courante.

L’armée de l’air et de l’espace et l’armée de Terre, en particulier, affichent l’ambition d’une « monocolorisation » de plusieurs bases de défense autour d’une armée, avec notamment la mise sous emploi des antennes des services de soutien commun auprès des commandants de formation administrative au niveau local.

Au sein de l’armée de Terre, le cumul de la fonction de commandant de la BdD (COMBDD) avec celle de commandant de brigade, par la voie de regroupement de plusieurs BdD, doit permettre de mieux lier les décisions en matière de soutien aux besoins spécifiques des forces soutenues et de mettre à disposition une assiette financière supérieure. À l’été 2024, 5 BdD sont concernés, et l’armée de Terre vise une généralisation de ce fonctionnement. Elle devra toutefois tenir compte de contraintes spécifiques de chaque territoire couvert, la coïncidence du périmètre d’une brigade n’étant pas toujours exacte avec celui de la base de défense liée.

Des cumuls similaires ont été mis en œuvre pour l’armée de l’air et de l’espace sur les bases de Nancy et Istres.

La Marine nationale est moins concernée par ce mouvement de re‑spécialisation car ses services de soutien sont resserrés géographiquement autour des bases navales, ce qui leur confère mécaniquement une forte dimension navale.

Par ailleurs, votre rapporteur rappelle ses observations formulées dans le développement thématique de son avis budgétaire sur le PLF 2024, consacré aux soutiens dans les outre-mer. En particulier, le modèle de commandement unique COMSUP/COMBdD (commandant supérieur des forces armées et commandement de la Base de défense) concentre de nombreux avantages, parmi lesquels une synergie accrue entre opérationnel et soutien. Ce modèle d’unicité de commandement entre le chef des soutiens et le chef militaire existait avant la création des bases de défense et l’interarmisation des soutiens. Il ne peut en l’état être déployé dans l’hexagone mais constitue un modèle fécond pour penser les transformations des armées.

Proposition n° 2 : Poursuivre la logique d’adéquation des soutiens aux besoins opérationnels dans l’armée de Terre et l’armée de l’air et de l’espace par le cumul des fonctions de commandement d’une base de défense et de commandement d’une base aérienne ou d’une brigade

L’expérimentation en cours dans l’armée de Terre qui vise à redonner de l’autonomie budgétaire via une « enveloppe réactivité » aux chefs de corps permet aussi d’encourager une logique de spécificité des soutiens et doit être reconduite en 2025. La vocation de ce budget est de donner des leviers au commandement local pour trouver des solutions aux irritants du quotidien et améliorer les conditions de vie et d’entraînement des soldats. En 2024, cette enveloppe atteint 100 k€ d’enveloppe réactivité par régiment. Les budgets alloués seront intégralement engagés pour des achats divers : matériel d’appoint pour la préparation opérationnelle, amélioration du cadre de vie, activités et effets de cohésion, supports et matériel de communication.

5.   Le service du commissariat des armées

Le service du commissariat des armées (SCA) est le service d'administration générale des armées et des organismes interarmées. Ses missions concernent 11 fonctions et se répartissent entre trois grands domaines d’intervention que sont le multiservices, l’administration et la logistique avec notamment l’habillement du combattant, la base vie en campagne ou encore le transport de personnels. Le SCA assure une présence dans plus de 200 implantations (dont une dizaine en Outre-Mer et à l’étranger), à travers notamment les 211 espaces ATLAS, guichet unique multiservices d'accès au soutien.

a.   Des crédits en hausse en CP, dans un contexte de réadaptation du dispositif de soutien du SCA aux évolutions du cadre stratégique

Le budget du service du commissariat des armées pour 2025 atteindra 898,90 M€ en AE, en diminution de 1,38 % par rapport à 2024, et 929,70 M€ en CP, en hausse de 10,99 %.

En 2024, le SCA a été particulièrement mobilisé pour le soutien à la force de sécurisation des Jeux Olympiques et Paralympiques, qui a compté jusqu’à 15 000 militaires, via la fourniture d’équipement, de prestations d’hébergement, d’alimentation et de mobilité (mise en place de véhicules, distribution de pass mobilité etc.).

En 2025, le SCA continuera d’accompagner les déploiements vers l’Est de l’Europe. Le service déploie 14 personnes dans le cadre de l’opération Lynx (Estonie) et 38 personnes dans le cadre de l’opération Aigle (Roumanie). Il est ainsi mobilisé pour le financement de prestations d’alimentation, entretien des véhicules légers de la gamme commerciale et mise en place de matériels SCA à hauteur des effectifs à soutenir (effets du combattant, couchage, campement, protection du personnel dans les domaines balistiques et NRBC). Le surcoût en 2024 des soutiens déployés en Roumanie atteindrait près de 40 M€.

Dans le même temps, le SCA réduit son dispositif de soutien pour les forces françaises en Afrique, dans un contexte de réorganisation des forces françaises de présence sur le continent et notamment de recentrage des éléments français du Sahel sur le Tchad.

b.   Des difficultés persistantes de recrutement et de fidélisation, notamment sur les militaires du rang et les sous-officiers

Le SCA devrait poursuivre en 2025 sa trajectoire de réduction d’effectifs, atteignant une réduction cumulée de –3457 personnels sur la période 20192025. En 2024, les effectifs du SCA sont de 21 063 agents (dont 49,3 % de personnel civil) et doivent atteindre 19 764 agents en 2025. Ainsi le SCA consentira une réduction de -1 299 agents de ses effectifs, qui suit une baisse de ‑1352 agents entre 2023 et 2024.

Le service souffre de difficultés persistantes de recrutement et de fidélisation, qui limitent sa capacité à accomplir ses missions. Si le volume d’effectif civil est à peu près satisfaisant, il manquerait près de 500 personnels militaires au SCA pour accomplir correctement l’ensemble des missions qui lui sont dévolues. Le SCA manque de militaires du rang, en particulier dans les métiers de la restauration, de sous-officiers, ainsi que de cadres dans les filières restauration, achat, finances, logistique et maintenance des équipements.

Les récentes politiques de fidélisation mises en place apparaissent encore insuffisantes pour résorber ces difficultés. Il ressort des auditions du rapporteur que la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) a affecté de manière variable les métiers du soutien. Ainsi, la prime de lien au service (PLS), visant à répondre à des besoins de fidélisation sur les métiers en tension, n’est proposée aux cuisiniers que dans l’armée de Terre, et serait inaccessible pour les cuisiniers relevant de la Marine ou de l’armée de l’air et de l’espace. La prime de commandement et de responsabilité (PCRM), dévolue aux postes de commandement, serait davantage fléchée vers les commandements opérationnels, au détriment des responsabilités dans la chaîne de soutien. En outre, la revalorisation indiciaire des militaires du rang, intervenue en 2023, n’apparaît pas avoir réduit sensiblement les difficultés sur le recrutement de militaires de cette catégorie dans les métiers du soutien. En revanche, la mise en place de la prime de performance depuis 2022 a permis de toucher largement le corps des commissaires, avec près de 90 % de commissaires bénéficiaires.

c.   Le service d’habillement, bien qu’en amélioration, reste un irritant chronique pour les militaires

En 2025, le périmètre des cinq unités opérationnelles (UO) du SCA évoluera de la manière suivante :

– la sous-action « Crédits métiers du SCA » sera abondée de 85,30 M€ en 2025 contre 81,70 M€ en 2024. Cette augmentation s’explique essentiellement par la revalorisation des indemnités de déplacement du personnel ;

– la sous-action « Habillement » sera abondée de 301,40 M€ en 2025, contre 275,90 M€ en 2024. Cette hausse s’inscrit dans les efforts prévus par la LPM 2024‑2030 sur les fournitures de protection balistique, les tenues de protection nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC), la préparation du déploiement des nouvelles tenues de combat F3 au bariolage multienvironnement (BME) et les équipements adaptés aux zones « Grand Froid » ;

Votre rapporteur souligne les progrès réalisés en matière d’habillement : le taux de rupture de stock atteindrait 1 % des références du catalogue du service en 2024, contre 2 % en 2023. Le déploiement du système d’information logistique GHECO dans les magasins de proximité permet d’améliorer la répartition des stocks et ainsi de mieux répondre à la demande (la connaissance des stocks locaux permettant de réaliser des reversements d’effets stockés inutilement en local vers l’entrepôt central de Châtres, ou des nivellements entre groupements de soutien, ce qui améliore ainsi la disponibilité). Achevé fin 2023, le déploiement du portail e‑habillement aux personnels de l’armée de Terre a permis de renforcer la réactivité et l’accès au soutien. Le portail numérique e‑habillement affichait à la mi-2024 un taux de satisfaction de 75 % auprès des utilisateurs.

Toutefois, les militaires continuent de souffrir des ruptures de stocks, notamment d’effectifs quotidiens. Votre rapporteur note par exemple que la délivrance de la « tenue blanche » en taille 45 du personnel de la Marine a été interrompue, en juin 2024, sur le port militaire de Toulon, faute de stocks ; cette tenue est pourtant d’un usage quotidien sur cette base. Dans cette situation, les outils informatiques ont montré leurs limites, car étant adossés aux stocks de l’établissement logistique du commissariat des armées (ELOCA) de Châtres, qui présentait alors un stock trop bas. Ces difficultés ne concernent pas que la Marine : le taux d’insatisfaction de l’habillement mesuré parmi le personnel de l’armée de Terre atteint 49 % à la fin 2023.

– la sous-action « Matériels de vie en campagne et vivres opérationnels » sera abondée de 72,20 M€ en 2025, contre 55,50 M€ en 2024. Cette hausse vise une recapitalisation de cette fonction en accord avec la trajectoire prévue par la LPM 2024-2030, et à renforcer la résilience du ministère dans les engagements opérationnels ;

– la sous-action « Alimentation » sera abondée de 388 M€ en 2025, contre 362,90 M€ en 2024. Cette augmentation des crédits se justifie principalement par la prise en compte de l’inflation ;

En 2025, le SCA devrait achever son schéma de concession de l’activité de restauration, et atteindre une proportion de 60 % de restaurants en régie, et 40 % de restaurants externalisés ou concédés.

En outre, en application de la LPM 2024-2030, et de l’amendement au PLF pour 2023 dont votre rapporteur avait été à l’origine, le Ministère met en place un plan d’innovation ambitieux visant à moderniser les ensembles alimentation loisirs (EAL). Le SCA est maître d’ouvrage bénéficiaire des crédits d’investissement du plan EAL inscrits sur le programme 212. Sur un plan global de 635 M€, 32 M€ en AE ont été engagés en 2024, et 43 M€ en AE doivent être engagés en 2025.

– la sous-action « Véhicules » sera abondée de 82,60 M€ en 2025, contre 61,60 M€ en 2024. La trajectoire définie par la LPM 2024-2030, initiée dès 2024, permet ainsi de maintenir un parc à 14 000 VLGC même si l’âge moyen des véhicules passera de 7 à 9 ans durant cette période. Le SCA porte par ailleurs l’objectif d’électrification de 20 % du parc d’ici 2030.

C.   Les actions 6 et 7 relatives aux surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures

En raison de leur caractère difficilement prévisible, les opérations extérieures (OPEX) font l’objet d’une provision à l’action 6 du programme 178 au titre des « surcoûts liés aux opérations extérieures ». Les surcoûts au titre des opérations intérieures (MISSINT) sont quant à eux retracés à l’action 7.

Conformément à la trajectoire fixée par la LPM 2024-2030, la provision consacrée aux OPEX et aux OPINT est en diminution de 50 M€ en 2025, et atteindra 750 M€ :

570 M€ seront provisionnés pour les OPEX, retracées à l’action 6 ;

30 M€ seront provisionnés pour les MISSINT, retracées à l’action 7 ;

150 M€ de masse salariale sont provisionnés en 2025, en diminution après 200 M€ en 2024. Ces crédits de Titre 2 sont retracés à la sous‑action 59 du programme 212, et se ventilent entre 100 M€ de crédits au titre des OPEX et 50 M€ au titre des MISSINT. En LFI 2024, la provision MISSINT visait à couvrir une partie des surcoûts T2 liés à l'organisation des JOP. Cette dépense devenant sans objet en 2025, la provision destinée aux MISSINT est réduite de 50 M€.

Il convient toutefois de s’interroger sur la sincérité de la provision OPEX-MISSINT, qui sera vraisemblablement dépassée en 2024, comme les années précédentes. La budgétisation des OPEX-MISSINT avait été dépassée en 2022 (+307,50 M€) et en 2023 (+206 M€) malgré la réduction des engagements sur le continent Africain avec en particulier la fin de l’opération Barkhane. Le surcoût définitif des OPEX‑MISSINT n’est pas encore connu pour 2024, première année d’application de la LPM. Les prévisions communiquées à votre rapporteur indiquent un coût OPEX-MISSINT (T2 et hors T2) qui pourrait s’établir près de 1 300 M€, soit un surcoût afférent de 500 M€.

En outre, ne sont pas pris en compte dans la provision OPEX-MISSINT les surcoûts liés à l’usage de munitions complexes. Ainsi, la consommation de 22 missiles Aster en Mer Rouge entre octobre et mars 2024 dans le cadre de l’opération Aspides, évoquée par le ministre des Armées, suscite mécaniquement un surcoût de reconstitution des stocks. Or, ces coûts sont supportés sur les dépenses du programme 146 « équipement des forces ». Bien qu’il soit lié à une attrition opérationnelle en OPEX, le surcoût final n’est donc pas imputé sur la provision OPEX‑MISSINT.

Le dépassement systématique de la provision OPEX-MISSINT a pour conséquence une procédure de financement interministériel en gestion dommageable pour la bonne information du Parlement dans l’élaboration des lois de Finances. L’adoption de la LPM 2024‑2030 n’a pas mis fin à une pratique d’évitement du contrôle et de la bonne information des parlementaires. Votre rapporteur regrette que le constat dressé par la Cour des Comptes dans un rapport de 2016 reste d’actualité : « Le financement interministériel massif en gestion, par décret d’avance, des surcoûts non provisionnés lors de la programmation, évite d’avoir à formuler de façon transparente, au moment de la construction de la loi de finances, la réalité des contraintes financières liées à la conduite des OPEX ([6]) ».

Votre rapporteur estime que ce mode de financement n’est légitime que lorsque les OPEX financées ont été soumises à l’information et l’autorisation du Parlement dans le cadre de la procédure prévue par l’article 35 de la Constitution. Pour les engagements opérationnels relevant de la seule décision ministérielle, il soutient qu’il doit revenir aux armées de financer les surcoûts sur leurs propres budgets.

À ces difficultés s’ajoute une problématique, régulièrement soulignée par votre rapporteur, d’ambiguïté de la qualification juridique et du traitement budgétaire des missions opérationnelles (MISSOPS). Lors de son audition sur le PLF 2025, le ministre des Armées a reconnu l’existence d’une difficulté avant d’annoncer qu’un travail de redéfinition du cadre juridique des missions opérationnelles était engagé. Votre rapporteur observe toutefois que les orientations esquissées par le ministre à cette occasion ne semblent pas aller dans le sens d’une résolution satisfaisante de l’ambiguïté et d’une information et d’un contrôle renouvelés du Parlement, dans le respect de l’article 35 de la Constitution. La seconde partie de ce rapport sera l’occasion de revenir dans le détail sur cette problématique majeure aux yeux de votre rapporteur.

II.   Le programme 212 « Soutien de la politique de défense »

Le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » regroupe les fonctions transverses de direction et de soutien mutualisés au profit du ministère des Armées. Il constitue le programme « support » du ministère. Hors dépenses de personnel (c’est-à-dire hors titre 2), le programme 212 se décompose en six actions numérotées de 4 à 11 : politique immobilière, systèmes d’information d’administration et de gestion (SIAG), politique des ressources humaines, politique culturelle et éducative, restructurations et pilotage - soutien - communication.

Depuis 2015, le programme retrace également la totalité des dépenses de personnel du ministère ainsi que les effectifs associés. Les crédits de titre 2 ne sont plus positionnés sur les actions 4 à 11 précitées, conformément à la nouvelle architecture budgétaire ministérielle.

A.   Les dépenses de personnel : l’essentiel des crédits du programme 212

Le ministère des Armées n’a pas échappé aux coupes budgétaires issues du décret de février 2024, puisqu’il a connu une baisse de 105,70 M€ de crédits, intégralement sur le volet de titre 2.

Pour absorber ces annulations, le ministère des Armées a présenté une trajectoire de diminution de dépenses, dont 38,60 M€ de dépenses documentées aux « conséquences physiques ([7]) » (une notion dont le sens exact échappe à votre rapporteur, mais dont il comprend que le reste des annulations de crédits n’a pas été lié à une moindre dépense spécifique dans le dialogue avec le Ministère des comptes publics, et plutôt absorbé sur l’ensemble de l’enveloppe des crédits de Titre 2). Ces économies ont notamment concerné :

– la non mise en œuvre du référentiel de rémunération DINUM (9,80 M€), mesure nouvelle interministérielle ;

– le recadencement des flux de militaires du rang et de sous-officiers (8,70 M€), c’est-à-dire un décalage des entrées ;

– la réduction du plan d’accompagnement aux transformations (9,50 M€).

Votre rapporteur s’inquiète de l’effet de ces mesures, qui minent la sincérité du budget voté par le Parlement en loi de finances initiale.

Pour 2025, les dépenses prévisionnelles du titre 2 (dépenses de personnel) du programme 212 sont stables et s’élèvent à 23,23 Mds€, (contre 23,21 Mds€ en LFI 2024, soit une hausse de 0,9 %). Elles intègrent en particulier :

– une prévision de 150 M€ de crédits pour les OPEX-MISSINT, en baisse de -50 M€ par rapport à ce qui avait été prévu en LFI 2024 ;

– une prévision de 9,47 Mds€ € de crédits pour le CAS pensions.

Le plafond des emplois autorisés pour 2025 s’élève à 271 117 équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit une hausse de + 563 ETPT par rapport à 2024.

Le schéma d’emplois du ministère s’établit en 2025 à +630 ETP. Ce schéma d’emplois sera décliné dans les secteurs identifiés comme prioritaires en recrutement par le ministère des Armées : renseignement, cyberdéfense, soutiens, notamment.

Tout comme en 2024, l’année 2025 devrait donc voir le schéma d’emplois s’inscrire en écart par rapport à la LPM 2024-2030. L’article 7 de la LPM 2024-2030 prévoyait en effet un schéma d’emplois de 700 ETPT en 2025 comme en 2024.

En 2025, dans la lignée des années précédentes, la hausse des emplois est concentrée sur les emplois d’encadrement et intermédiaire (catégorie A et B, officiers et sous-officiers), quand les emplois d’ouvriers et de militaires du rang sont en baisse marquée. Cette tendance s’explique, selon le ministère des Armées, par le besoin de compétences spécifiques de haut niveau.

Votre rapporteur insistera particulièrement sur les difficultés de recrutement et de fidélisation des armées (a), les mesures du plan « fidélisation 360 » (b), la déclinaison du plan Famille II (c), l’accompagnement professionnel des conjoints de militaires (d), les mesures de revalorisation salariale (e), la réforme de la protection sociale complémentaire (f) et les limites de la nouvelle politique de rémunération des militaires -NPRM (g).

1.   Des difficultés de recrutement qui avaient atteint un niveau alarmant en 2023, mais qui devraient s’atténuer en 2024 et 2025

L’ensemble des armées fait face à des difficultés structurelles de recrutement et de fidélisation - accentuées en 2023 par des tensions globales sur le marché de l’emploi -. Le recrutement des armées a largement pâti du contexte tendu sur le marché de l’emploi en 2022 et 2023 ([8]). Ces difficultés ont conduit à un schéma d’emplois réalisé inférieur aux prévisions (- 2 515 ETP au lieu de + 1 547 ETP en LFI 2023).

En particulier, les armées souffrent d’une concurrence exacerbée pour le recrutement et le maintien des emplois spécialisés et présentant de fortes interfaces avec les secteurs civils (cyber, maintenance, nucléaire, aéronautique, restauration, notamment).

En 2024 toutefois, les armées profitent d’une tendance à l’amélioration, qui devrait permettre la réalisation des schémas d’emploi, et devrait se poursuivre en 2025. Cette amélioration pourrait s’expliquer par un effet conjugué d’un relâchement du marché de l’emploi et des mesures récentes de revalorisation et de fidélisation. Ainsi, l’année 2024 a vu le retour d’un schéma d’emplois positif pour la première fois depuis 2020 (+ 456 ETP prévus en LFI 2024).

Armée de Terre : Le plafond des effectifs de l’Armée de Terre devrait être de 112 756 ETPT en 2025. Les effectifs de l’armée de Terre devraient atteindre 111 866 ETPT à fin 2024 et 111 833 ETPT en 2025.

L’armée de Terre n’avait pas été en mesure d’atteindre son schéma d’emplois en 2023, en raison notamment de difficultés de recrutement : 13 088 militaires ont été recrutés pour un objectif initial de 15 236. Les difficultés principales ont concerné les militaires du rang avec un volume global du recrutement de 85 %, soit 10 373 recrues pour 12 179 postes.

Les objectifs de schéma d’emplois devraient toutefois être atteints pour 2024, après un début d’année encourageant en matière de recrutement ; en particulier le recrutement des militaires du rang a progressé de 18 % au premier semestre 2024.

Armée de l’air et de l’espace (AAE) : Le plafond des effectifs de l’AAE devrait être de 40 935 ETPT en 2025.

En 2023, l’AAE a également souffert de difficultés de recrutement et de fidélisation. Pour 2024, l’AAE poursuit une manœuvre RH cohérente avec la trajectoire haussière prévue par la LPM 2024-2030, atteignant 3 543 personnels. Le recrutement officier devrait dépasser les objectifs, celui des sous-officiers serait satisfaisant ; seul le volet Militaire technicien/technicienne de l'air (MTA) reste plus incertain au regard de l’objectif très élevé et des difficultés à recruter ce type de population.

Les difficultés de fidélisation sont également significatives : près de 30 % des personnels de l’AAE compteraient moins de trois ans d’expérience en son sein. En particulier, l’AAE continue d’avoir des difficultés à recruter et fidéliser dans les spécialités liées aux métiers techniques et/ou soumis à forte concurrence du civil (maintenance aéronautique, SIC, aéronautique, numérique, restauration, pompier…).

Marine nationale : Le plafond des effectifs de la Marine nationale devrait être de 37 194 ETPT en 2025.

La Marine atteint globalement ses objectifs de recrutement depuis 2022. Cette situation présente toutefois des distorsions par spécialité, avec notamment des difficultés sur les spécialités RECOM (réseau communication) et MOBUREAU (bureautique).

S’agissant du recrutement par catégorie, à l’instar de ce qui est observé dans les autres armées, les principales tensions sur le recrutement sont essentiellement portées par la population des militaires du rang. La Marine constate par exemple un décalage entre l’offre de recrutement et les aspirations des candidats : alors que l’offre de recrutement des matelots est la plus importante (2 000 nouveaux matelots pour un recrutement externe non-officier total de 3 800), les cursus officiers ou école de maistrance attirent davantage les candidats. Pour le personnel officier, le point d’attention concerne le recrutement dans les filières techniques spécialisées qui souffrent d’une concurrence du marché de l’emploi civil (filière nucléaire, contrôle aérien, numérique).

Si les difficultés de recrutement s’atténuent en 2024, votre rapporteur constate que les armées continuent à éprouver des difficultés à attirer et fidéliser les militaires du rang et assimilés, et ce malgré la revalorisation de leurs grilles indiciaires intervenue en 2023. Il appelle à une revisite des dispositifs de fidélisation de ces personnels, à commencer par la politique de rémunération (voir infra).

Cet effort est d’autant plus urgent que les grilles indiciaires des militaires du rang commencent à être de nouveau rattrapées par la hausse du SMIC, faisant craindre un nouveau tassement par le bas de l’échelle indiciaire. En effet le SMIC a augmenté de 1,13 % en 2024. Cette augmentation devrait atteindre les 3,15 % eu égard aux déclarations du Premier ministre sur le relèvement de 2 % du SMIC par anticipation dès novembre 2024. À date, le SMIC brut mensuel s’élève ainsi à 1 747,24 € bruts par mois (pour une quotité de travail de 151,67 heures mensuelles) et devrait atteindre 1 802,29 € bruts par mois en fin d’année. Le plus petit échelon de la grille indiciaire des militaires du rang, celui des soldats ou matelots échelle de solde n° 2 place ces derniers à l’indice majoré 366, soit une solde, hors tout complément indemnitaire à hauteur de 1 801,14 € bruts mensuels.

2.   Des mesures « Fidélisation 360 » annoncées en 2024 pour améliorer la condition des militaires, dont plusieurs restent toutefois à déployer

En réaction aux difficultés rencontrées en 2023, le ministre des Armées a présenté en mars 2024 une série de mesures de fidélisation « 360 » destinées à améliorer l’ensemble des dimensions de la condition militaire. Portant sur des objets concrets, ce plan prévoit plusieurs mesures phares dont le calendrier de mise en œuvre est hétérogène :

– La mise en place de cautionnement et d'octroi de prêts immobiliers à des taux avantageux en lien avec les banques mutualistes. En sus des dispositifs existants relevant de l’action sociale (prêt à la mobilité, prêt personnel, prêt d’accession à la propriété, prêt pour financement de travaux), le Ministère a engagé des démarches auprès de réseaux bancaires (Crédit Agricole, Crédit Social des Fonctionnaires) pour la mise en place de convention et partenariat, qui ne sont pas encore conclus à date. En outre, en plus de la sensibilisation des personnels à l’existence de la garantie « Visale », le ministère des Armées échange avec le ministère de la justice sur le développement d’un dispositif de caution locative complémentaire, permis par la Fondation d’Aguesseau ([9]) ;

– L'intégration de certaines primes dans le calcul global des droits à pension. L’objectif de ce dispositif est d’intégrer une part de l’indemnitaire dans l’assiette de la pension, en fonction de la durée de service du militaire. Les pensions militaires sont en effet relativement basses par rapport aux niveaux de rémunération, en raison du poids important de la part indemnitaire. Or les sujétions militaires justifient la prise en compte de certaines primes dans le cadre du calcul des pensions. Il s’agit toutefois d’une mesure en cours de conception, donc le ministère des Armées envisage une prise d’effet pour les pensions versées en 2028 ;

– L'aide à la mobilité familiale et la mutation double pour le personnel civil. La « mobilité double » a été mise en œuvre en 2024 à l’occasion du plan annuel de mutation, à titre expérimental. Lorsque les deux conjoints sont ressortissants du ministère de la défense, cette demande doit permettre au couple d’obtenir une affectation préservant leur vie commune, sur la base de l’association de deux postes. Fort des enseignements tirés, elle sera généralisée à compter du plan annuel de mutation (PAM 2025) pour les civils de la Défense, conjoints de militaires ou de civils de la Défense, mutés pour nécessité de service. Ce dispositif pérenne a été présenté aux organisations syndicales et formalisé dans une note diffusée en octobre 2024 ;

– Le référencement des médecins traitants pour les personnels en mutation. La caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) est mandatée pour le recensement des médecins au profit des ressortissants militaires, avec un démarchage en cours auprès des CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) et/ou des MSP (maisons de santé pluri professionnelles), la rédaction de la charte d'entente et enfin la création d’une plateforme dédiée PASS (ligne téléphonique / adresse mail ad hoc). Depuis le 1er octobre 2024, les assurés ont la possibilité de contacter directement par mail et téléphone les conseillers de la plateforme d'accompagnement dédiée aux difficultés d'accès à un médecin traitant et aux soins urgents, et de se connecter sur le site de la CNMSS dans un espace consacré afin de localiser et contacter la structure de soins non programmés la plus proche du domicile ;

– La création d'une ligne téléphonique dédiée pour faciliter l'accès au logement dans le parc locatif privé. La proposition, qui s’inscrit dans le projet de refonte du « Portail Logement », consiste à mettre en place un centre d’appels ministériel. Ce guichet unique doit permet de prendre en compte l’ensemble des demandes d’information, de fournir aux militaires des premières clés de compréhension et d’orienter les demandes vers les chaînes d’instruction ministérielles. Une preuve de concept doit être développée en 2025, avant un déploiement plus large.

Ces mesures s’inscrivent dans une dynamique d’attention renouvelée du ministère des Armées pour des problématiques concrètes touchant les militaires (logement, accès aux soins, mobilité familiale), dont il faut se féliciter. Toutefois, plusieurs restent à développer ou généraliser, afin de ne pas s’en tenir à un seul « effet d’annonce », qui serait dommageable pour la confiance des militaires dans les politiques de fidélisation.

3.   Le Plan Famille II, mis en œuvre depuis janvier 2024 et intégré à « Fidélisation 360 », vise à améliorer la condition des militaires

Dans le but de renforcer la fidélisation du personnel militaire et civil, le ministère des Armées déploie depuis janvier 2024 le plan Famille 2, doté de 750 M€ sur l’ensemble de la programmation 2024-2030 (soit une hausse de 40 M€ par rapport au plan Famille précédent).

Le plan Famille 2 décline trois objectifs majeurs : fidéliser les militaires, améliorer la disponibilité opérationnelle et renforcer la résilience des familles. Le pilotage du plan Famille II devrait être davantage territorialisé par rapport au premier Plan Famille, afin d’assurer une meilleure adaptation aux besoins spécifiques des unités. La coordination est assurée au niveau de la direction des ressources humaines du ministère.

Au titre de l’année 2025, les crédits visant la mise en œuvre du plan Famille atteignent 90,62 M€ et se répartissent entre les programmes 178 et 212 :

 Sur le programme 212 « Soutien de la - politique de la défense » : 50,99 M€ dont 28,38 M€ sur le BOP « accompagnement de la politique ressources humaine », et 22,61 M€ sur le BOP « crédits de la politique immobilière » ;

 Sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces » : 39,63 M€ sur le BOP « soutien des forces ».

Ces crédits doivent abonder en 2025 plusieurs actions au bénéfice des ressortissants du ministère des Armées :

 La petite enfance, avec la construction de deux crèches ministérielles, accompagnement de la mise en place de deux maisons d’assistantes maternelles, réservation de 71 berceaux supplémentaires. Les armées ambitionnent la création de 16 nouvelles crèches d’ici 2030 ;

 La prise en compte des contraintes opérationnelles, avec l’adaptation des prestations horaires atypiques et prestations de soutien lors d’absence prolongée du domicile ;

 La mobilité, avec la mise en œuvre du marché « Mut’actions » d’accompagnement de la mutation des militaires (recherche de logement, d’écoles, etc.), indemnisation de la reconnaissance d’affectation du militaire en famille avec son véhicule personnel ;

 La résilience des familles, avec le développement des services de covoiturage et petites annonces au sein du réseau social Famille des armées ;

 L’accompagnement des conjoints vers l’emploi, avec la poursuite du développement des espaces de coworking en lien avec les acteurs locaux ainsi que de l’offre de service de Défense Mobilité (actions de formations, coachings et séances d’informations).

4.   L’accompagnement professionnel des conjoints reste perfectible, et nécessaire pour la réalisation des objectifs de fidélisation

Les impératifs de mobilité et de disponibilité inhérents à la carrière militaire suscitent des efforts et des préjudices financiers et sociaux pour les conjoints, en majorité des femmes. Les déménagements réguliers, absences imprévisibles, suscitent une perte de chance professionnelle qui a des effets concrets sur les carrières, la rémunération et la pension des conjoints.

La pénalisation de la carrière du conjoint constitue une « cause principale ([10]) » de difficultés quant à la mobilité des militaires. Cette dernière suscite des effets de ralentissement de la progression professionnelle du conjoint et une moindre rémunération, comme relevé par le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) ([11]). Une simulation illustrative sur 20 ans a été réalisée par l’association Women Forces, comparant une carrière « classique » avec progression régulière, à une carrière « hachée » du fait de suivis réguliers d’un conjoint militaire, et de périodes afférentes de chômage et travail à mi-temps. Sur la base d’un salaire de début de carrière de 2000 euros net, l’association aboutissait à une perte relative de revenus cumulés atteignant près de 400 000 euros sur 20 ans ([12]).

En outre, les femmes de militaires représentent 85 % des conjoints et elles affichent un taux de chômage significativement plus important que la moyenne de la population française (13 % contre 11 % en 2019) ([13]).

Dans ces conditions, l’approfondissement de l’accompagnement professionnel des conjoints est un enjeu stratégique, de fidélisation des armées comme de lutte contre les inégalités. Dans le contexte du Plan Famille, de nombreuses mesures ont visé à renforcer l’accompagnement des conjoints de militaires dans le domaine professionnel. L’élargissement des services de Défense Mobilité (DM), le service d’accompagnement à la reconversion du ministère des Armées, permet de mieux accompagner les conjoints des personnels de la défense. Le soutien de DM est également proposé pour les conjoints fonctionnaires qui souhaitent un appui dans leurs démarches d’obtention d’une mobilité géographique. L’accès à l’emploi public du conjoint de militaire a aussi été favorisé en 2022 par une convention de partenariat signée entre le ministère des Armées et le ministère de l'éducation nationale. En 2023, DM a accompagné 2 033 conjoints et en a reclassé 1 087.

Toutefois, l’accompagnement actuel ne suffit pas à compenser l’ensemble des difficultés liées à la mobilité pour la carrière des conjoints de militaires. L’accès à l’emploi reste très variable selon les bassins géographiques, et les employeurs peuvent parfois avoir des réticences à recruter un conjoint de militaire, car anticipant un départ proche lié aux futures mobilités.

Votre rapporteur soutient que l’action des armées à l’égard des conjoints doit dépasser le principe d’un simple accompagnement, pour engager une dynamique de compensation des ruptures de carrière professionnelle, en particulier en matière de retraite. L’impact de la mobilité sur la situation des femmes de militaires est direct : la part de conjointes en emploi passe de 70 % à 55 % entre l’avant et l’après mutation ([14]). Elle se traduit par une perte de trimestres de cotisations, pénalisant les conjoints en fin de carrière.

5.   L’effort de revalorisation salariale doit se poursuivre en 2025, avec l’entrée en vigueur retardée de la seconde étape de la réforme des grilles indiciaires

En 2024, l’impact budgétaire des mesures de revalorisation salariale atteindra près de 139 M€. Il se répartit de la manière suivante :

– 89 M€ au titre des mesures entrées en application en 2024, notamment la révision de la grille indiciaire des sous-officiers supérieurs, les mesures pour renforcer l’attractivité et la fidélisation des filières numérique et technique ;

– 50 M€ de mesures nouvelles entrant en application en 2025, dont 13 M€ pour la révision de la grille indiciaire des officiers et 27 M€ au profit des agents contractuels.

Le PLF 2025 doit permettre de poursuivre la réforme des grilles indiciaires, qui suscite une très forte attente de la part des militaires. Cette réforme s’opère en plusieurs étapes, sur lesquelles il convient de revenir.

– Les revalorisations des grilles des militaires du rang et des sousofficiers subalternes ont été mises en place à la fin 2023. Selon le ministère des Armées, en ajoutant l’effet des mesures interministérielles découlant des « rendez-vous salariaux » de 2023, le gain mensuel net moyen pondéré pour les militaires du rang est de 45 € au 1er novembre 2023 par rapport au 1er mai 2023 ;

– S’agissant des sous-officiers, une première mesure a visé les sousofficiers subalternes au 1er octobre 2023 afin de créer un écart de solde indiciaire entre militaires du rang et sous-officiers avec pour objectif d’inciter les promotions internes et l’accès à des responsabilités supérieures. Le gain moyen brut mensuel pour un sergent ou second maître, de 4 à 14 ans de service (échelle de solde 3), a été de 88 € ;

– La revalorisation des sous-officiers supérieurs, entrant en vigueur au 1er décembre 2024, suscite un impact budgétaire de près de 46 M€ en année pleine. Elle vise à renforcer la rémunération des sous-officiers supérieurs, dans un objectif de fidélisation, avec 34 148 ETPs concernés. À titre d’exemple, un major de 29 ans de service (échelle de solde 4) obtiendra un gain moyen brut mensuel de 218 € ;

– Le PLF 2025 prévoit 12,50 M€ de crédits pour la mise en œuvre de la nouvelle grille indiciaire des officiers, pour un coût estimé en année pleine à 75 M€. Elle concernerait 31 823 ETP, et a vocation à entrer en vigueur au 1er novembre 2025.

Initialement annoncée pour le 1er octobre 2024 dans le PLF 2024, la revalorisation de la grille des sous-officiers supérieurs a été décalée au 1er décembre 2024, suscitant un moindre gain pour les bénéficiaires, que votre rapporteur estime en agrégé à 7,70 M€.

Ce décalage n’est pas justifié, et votre rapporteur souligne l’importance d’une application fidèle de la revalorisation telle qu’annoncée, afin de ne pas décevoir les fortes attentes des militaires. Il proposera en conséquence un amendement de crédit afin d’abonder les crédits de Titre 2 du programme 212 à hauteur du moindre coût suscité par le décalage de deux mois de l’entrée en vigueur de la nouvelle grille des sous-officiers supérieurs, calculé sur la base du coût budgété en année pleine.

Enfin, les auditions de votre rapporteur ont permis de mettre en exergue les inquiétudes des militaires quant à la bonne intégration des aspirants, absents des mesures de revalorisation des grilles des sous-officiers supérieurs, dans le projet de revalorisation de la grille indiciaire des officiers prévue en 2025. Il sera vigilant à ce que cette revalorisation ne crée pas une inégalité injustifiée au sein d'une même catégorie professionnelle. Les aspirants, bien qu'en formation, contribuent déjà aux missions et à la cohésion de l'ensemble des forces.

Proposition n° 3 : Abonder les crédits Titre 2 du programme 212 à hauteur de 7,70 M€ en AE et CP, afin de remédier au décalage de deux mois de l’entrée en vigueur de la nouvelle grille indiciaire des sous-officiers supérieurs

La réforme des grilles indiciaires du ministère des Armées

Sous l’effet des relèvements successifs de l’indice minimum de traitement de la fonction publique et des mesures interministérielles de revalorisation salariale, les grilles indiciaires des militaires ont subi un phénomène de tassement, conduisant à un rehaussement des premiers indices des militaires, sans que ceux des échelons des grades supérieurs ne soient corrélativement rehaussés, minant le principe d’un « escalier social » pourtant au cœur du modèle de carrière des Armées.

Afin d’enrayer ce phénomène, l’article 7 de la LPM 2024-2030 a prévu que : « Les grilles indiciaires des militaires du rang seront révisées avant la fin de l'année 2023. Les grilles indiciaires des sous-officiers et des militaires assimilés seront révisées avant la fin de l'année 2024. Les grilles indiciaires des officiers seront révisées avant la fin de l'année 2025. »

Le ministère des Armées a prévu l’organisation de cette réforme autour de plusieurs étapes :

pour les militaires du rang, à compter du 1er octobre 2023 : à la suite de l’attribution de 1 à 9 points d’indice majoré supplémentaires, une mesure complémentaire de « détassement » de la grille indiciaire est entrée en vigueur afin de garantir et renforcer la progressivité de la rémunération des militaires du rang (suppression de l’échelle de solde n° 2 des militaires du rang et maintien des échelles de solde n° 3 et 4 permettant de rétribuer la motivation à poursuivre l’acquisition de nouvelles qualifications). Par ailleurs, afin de fidéliser une population particulièrement expérimentée possédant un niveau supérieur de qualification, 2 000 brigadiers-chefs et caporaux-chefs supplémentaires pourront bénéficier de l’échelle de solde 4. Le sommet des grilles indiciaires des MDR n’a pas été revalorisé afin de favoriser l’escalier social et d’inciter au passage vers la catégorie des sous-officiers ;

pour les sous-officiers subalternes à compter du 1er octobre 2023 : à la suite de l’attribution de 1 à 9 points d’indice majoré supplémentaires à certains échelons des premiers grades des sous-officiers, les échelons 1 et 2 des échelles de soldes 2 et 3 des sergents et les échelons 4 et 5 des sergent-chefs de l’échelle de solde 3 sont, à la suite de cette mesure, rémunérés à un même indice. En conséquence, une mesure complémentaire de « détassement » de la grille indiciaire pour les sous-officiers subalternes est également entrée en vigueur à compter du 1er octobre 2023.

– Enfin, afin de distinguer la prise de responsabilités, valoriser l’investissement, rendre le changement de catégorie attractif pour les militaires du rang et, en définitive, répondre au défi de fidélisation, une revalorisation de la grille des sous-officiers supérieurs, initialement annoncé à compter du 1er octobre 2024, est mise en place à compter du 1er décembre 2024.

– La dernière étape de la mise en cohérence d’ensemble des grilles indiciaires concerne les officiers, prévue à compter du 1er novembre 2025. Elle vise à mettre en place des parcours indiciaires différenciés en fonction des potentiels et performances constatés. Cette mesure a pour objectif de conserver, sur l’ensemble de la carrière de l’officier, une dynamique indiciaire à des fins de fidélisation. Cette nouvelle grille crée trois échelles de solde distinctes : 1ère échelle - officiers subalternes et officiers supérieurs non brevetés du grade de sous-lieutenant au grade de lieutenant-colonel ; 2e échelle - officiers brevetés de l’EMS2 (enseignement militaire supérieur) du grade de commandant à colonel – 3e  échelle : officiers colonels brevetés de l’EMS3 et généraux. Cette troisième échelle de solde permet de valoriser la reconnaissance du potentiel des colonels EMS3 ayant vocation à accéder au généralat.

Votre rapporteur réitère ses interrogations quant au bien-fondé de la méthode et du calendrier choisis pour cette révision des grilles indiciaires.

Il interroge la capacité du ministère à proposer une vision cohérente de la révision des grilles indiciaires, alors que celle‑ci est mise en œuvre sur une période couvrant plusieurs projets de loi de finances (PLF). De même, l’approche progressive, commençant par une revalorisation des militaires du rang puis des sous-officiers, suscite durant cette période de transition un effet renforcé de tassement de la progression indiciaire, à rebours de l’objectif de restauration de l’« ascenseur social » dans nos armées.

Ensuite, il s’interroge sur les montants alloués à la revalorisation des différentes catégories : avec 46 M€ en année pleine, l’effort budgétaire consenti en direction des sous-officiers supérieurs est largement inférieur à l’effort consenti en direction des officiers, prévu à 75 M€. Le coût année pleine de la revalorisation des grilles des militaires du rang et sous-officiers subalternes est de 8,30 M€, là aussi largement inférieur à l’enveloppe fléchée vers la revalorisation des officiers.

Plus largement, votre rapporteur est sceptique quant à la capacité de ces revalorisations, dénuées de mécanisme d’indexation, à éloigner durablement les phénomènes de tassement et d’« enplafonnement » qui minent l’ascenseur social des armées ; en 2024, le chevauchement des niveaux supérieurs de la grille du militaire du rang sur les premiers niveaux de la grille des sous-officiers est de nouveau une réalité.

6.   La réforme de la protection sociale complémentaire fait face à des défis d’acceptabilité auprès des militaires

La réforme de la protection sociale complémentaire entrera en vigueur en 2025 et doit fournir une couverture santé complémentaire et obligatoire à l’ensemble des militaires. Un simulateur mis en place en octobre 2024, donc tardivement pour une réforme intervenant en janvier, permet à chaque militaire d’estimer le montant dont il devra s’acquitter pour sa couverture et celle de ses ayant droits.

La couverture proposée offre un niveau de garantie satisfaisant et va dans le sens d’une meilleure protection des militaires. À l’issue d’une procédure de marché public, le ministère des Armées a retenu la mutuelle UNEO pour couvrir les frais des militaires pendant une durée de 6 ans. Le panier de soins correspond au niveau de remboursement le plus élevé des prestations actuelles proposées par les mutuelles référencées. Il est en principe plus favorable que le socle interministériel de garanties défini par l’accord du 26 janvier 2022.

Il convient de souligner que ce contrat collectif constitue un défi pour UNEO, qui proposait jusqu’ici des offres individuelles, et qu’il sera nécessaire de rester vigilant sur sa capacité de gestion.

Toutefois, la bonne réception de cette réforme par les militaires n’est pas assurée, notamment lorsqu’elle suscite une hausse nette des dépenses à la charge du militaire ou des écarts de prise en charge par l’État.

D’une part, la réforme suscite une charge supplémentaire pour les militaires qui avaient fait le choix de ne pas souscrire à une couverture santé complémentaire. En 2022, 20 % des affiliés à la caisse nationale militaire de sécurité sociale ne bénéficiaient d’aucune complémentaire santé, ce chiffre était de 18 % pour les militaires en activité et atteignait 31 % chez les moins de 25 ans ([15]). Ainsi, pour un militaire du rang précédemment non-affilié à un contrat de complémentaire santé, le passage à la cotisation obligatoire représentante une dépense mensuelle nette de 21,50 €. Pour certains publics, notamment chez les plus jeunes, le bénéfice d’une couverture sociale étendue n’est pas toujours compris, et la réforme peut être vécue comme une simple ponction de leur rémunération.

D’autre part, la participation des employeurs publics est prévue à hauteur de 50 % des cotisations destinées à couvrir les frais de santé. Toutefois, le montant de la participation est calculé en fonction d’une « cotisation d’équilibre », c’est-à-dire un montant moyenné sur l’ensemble des cotisations. Ainsi les personnels s’acquittant des cotisations les plus élevées afficheront des taux de participation inférieurs à 50 % ; un officier de carrière s’acquitterait ainsi d’une cotisation de 31,44 euros sur une cotisation totale de 54,52 euros, soit un taux de participation de l’État de près de 42 %.

En outre, la mise en place de la réforme va de pair avec la mutation d’une logique d’âge vers une logique de catégorie pour la fixation du montant de la cotisation. Les cotisations des bénéficiaires actifs seront plafonnées en fonction de la solde et ne varient pas en fonction de l’âge. Cette réforme s’avère donc en particulier défavorable pour les jeunes officiers, qui voient leur cotisation relativement augmenter par rapport à la situation précédente.

Il est donc crucial que les armées et notamment les chefs de corps et de formations administratives communiquent efficacement avec les militaires pour favoriser la compréhension et l'acceptation de la réforme.

Enfin, la réforme de la PSC serait particulièrement dommageable aux militaires affectés à l’étranger, qui voient leurs cotisations augmenter, parfois très fortement, avec le nouveau contrat. Votre rapporteur revient sur ces difficultés dans la partie thématique de ce rapport.

7.   Les limites de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM)

Votre rapporteur souhaite faire part de ses inquiétudes quant aux effets de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), dont certaines déjà formulées dans ses avis budgétaires de 2023 et 2022.

Il déplore la forfaitisation préjudiciable de certaines primes non indexées sur les soldes et l’inflation et relaie les craintes légitimes des militaires quant aux effets de seuil découlant de la fiscalisation des indemnités et du risque d’éviction du bénéfice des prestations sociales.

En particulier, le calcul et l’attribution de l’indemnité de garnison (IGAR) présentent des effets négatifs qui neutralisent les gains attendus de la réforme pour certains personnels. L’IGAR, qui indemnise le militaire pour l’impossibilité de choix de son lieu et sa durée d’affectation, a eu vocation à remplacer des primes logements existantes (notamment l’indemnité pour charges militaires - ICM), défiscalisées. Son montant fluctue selon trois paramètres : la tension immobilière observée dans le lieu de garnison (sur la base de la classification Insee) ; le grade et la situation de famille du militaire ; les modalités de logement. L’IGAR est entrée en vigueur à partir du 1er octobre 2023, avec pour certains militaires des effets contre-productifs déjà ressentis :

– Le principe d’une fiscalisation de l’IGAR devait se justifier, lors la mise en œuvre de la NPRM, par la concomitance d’un projet réforme des retraites consistant à remplacer l'actuel système par répartition par un système dit « à points ». Le projet de réforme ayant été rejeté, il apparaît d’autant plus nécessaire de revenir sur cette fiscalisation qui commencera à produire ses effets sur l’exercice 2025 pour la taxation des militaires, gommant les éventuels acquis de rémunération issus de la réforme ;

 En outre, pour les militaires bénéficiaires de prestations sociales sous condition de ressources (allocations familiales, aide personnalisée au logement), le versement de l’IGAR suscite un effet d’éviction ;

– Pour certaines garnisons isolées et ne présentant pas de bassin de logement attractif ou suffisant à proximité directe, la fixation de l’IGAR sur la base de la classification Insee du lieu de garnison plutôt que le lieu effectif de résidence suscite un décalage dommageable pour la rémunération du militaire ;

– Enfin, votre rapporteur souhaite mettre en exergue la minoration de moitié du montant de l’IGAR mise en œuvre lorsque le foyer fiscal est composé de deux conjoints militaires, discriminante et incompréhensible par les personnels concernés.

Les auditions ont également mis au jour les difficultés de gestion de l’indemnité pour sujétions d’absence opérationnelle (ISAO). Pour rappel, l’ISAO remplace toutes les primes et indemnités qui étaient attribuées dans le cadre des activités opérationnelles, à l’exception de l’indemnité de sujétions pour service à l’étranger (ISSE), qui continue à être servie pour les opérations extérieures (OPEX) et les renforts temporaires à l’étranger (RTE). Entrée en vigueur au 1er janvier 2022, elle est versée au personnel militaire d’active comme de réserve, sur le territoire national. Ces derniers ont droit au versement de l’ISAO lors de phases d’activité opérationnelle – notamment d’entraînement –, ou lors de leur participation à une mission intérieure – notamment Sentinelle.

Le versement de l’ISAO est un irritant chronique pour les militaires, en raison de délais de paiement excessifs. Il semblerait que des retards compris entre 4 et 6 mois entre le fait générateur de l’ISAO et son paiement aient été observés. À cela s’ajoute qu’à mission analogue, son taux varie selon les commandements opérationnels dont relève le militaire, une situation également source d’incompréhension.

En outre, si le budget consacré à l’ISAO augmente, le calibrage de son enveloppe reste difficile et générateur de surcoûts. Le montant annuel de l’enveloppe ISAO, qui est prévu à 372 M€ au PLF 2025, est plafonné. Or, le déclenchement du fait générateur du paiement de l’ISAO est par nature difficilement prévisible. En 2023, les crédits ouverts en LFI s’élevaient à 327 M€ pour une dépense exécutée in fine de 366 M€, soit un surcoût de 39 M€. Au 31 juillet 2024, la consommation sur cette enveloppe s’élevait à 218 M€, soit une consommation moyenne de 31,10 M€ par mois, faisant craindre à nouveau un surcoût sur l’exercice 2024.

L’ISAO ayant modifié le fait générateur des anciennes primes, la bonne évaluation de l’enveloppe budgétaire ISAO en programmation initiale reste une gageure. Votre rapporteur alerte sur la nécessité ultime d’éviter le sacrifice d’activités opérationnelles des forces au nom d’un trop juste calibrage budgétaire initial de l’ISAO.

Comme rappelé par le chef d'état-major des armées lors de son audition devant notre commission, une clause de revoyure est prévue pour 2026 pour la NPRM, c’est-à-dire un réexamen complet appuyé par un rapport remis au Parlement par le Gouvernement. Votre rapporteur estime que plusieurs limites du dispositif sont déjà identifiées, et peuvent être traitées dès l’année 2025.

Proposition n° 4 : Mettre fin à la réduction de moitié de l’indemnité de garnison (IGAR) pour les couples de militaires

Proposition n° 5 : Mettre fin à la fiscalisation de l’IGAR

B.   Le volet hors titre II du programme 212

Hors dépenses de personnel, le programme 212 se décompose en six actions numérotées de 4 à 11 : politique immobilière, systèmes d’information d’administration et de gestion (SIAG), politique des ressources humaines, politique culturelle et éducative, restructurations et pilotage - soutien - communication.

La dotation du programme dans le PLF pour 2025 s’élève, hors titre 2, à 1, 54 Md€ en AE et à 1,69 Md€ en CP, contre 1,47 Md€ en AE et 1,43 Md€ en CP en LFI 2024.

1.   La politique immobilière

Pour 2025, les dépenses prévisionnelles au titre de la politique immobilière du ministère des Armées atteignent 669,30 M€ en AE et 827,50 M€ en CP, après 637,40 M€ en AE (+5 %) et 611,50 M€ en CP (+35 %) en LFI 2024.

La direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE) du ministère des Armées est chargée de la politique immobilière du ministère – ce dernier possédant la plus grande emprise foncière de l’État avec environ 275 000 hectares. Le service d’infrastructure de la défense (SID) est le service constructeur interarmées chargé d’appliquer la politique immobilière du ministère des Armées. Le SID revêt un rôle de bâtisseur, de gestionnaire, de conseiller et de référent énergie au profit des bases de défense, des armées, des directions et services du ministère.

2.   La politique du logement

Les crédits budgétaires affectés à la politique du logement dans le PLF pour 2025 s’élèvent à 325 M€ en CP, contre 273,50 M€ en LFI 2024.

a.   Le parc locatif

– Le montant des loyers est budgété à hauteur de 75,90 M€ en CP dans le PLF 2025, dont 63 % pour des logements situés dans les Outre-mer ainsi qu’à l’étranger ;

Dans le PLF 2025, la dotation relative aux conclusions et renouvellements de conventions de réservation auprès de bailleurs représente 22 M€ en CP, contre 10,30 M€ en LFI 2024. Cette ressource permet de réserver des logements dans les zones de tension locative et de compléter l’offre du ministère.

b.   Le parc domanial

Dans l’hexagone :

Depuis le 1er janvier 2023, la maintenance du parc domanial dans l’hexagone est assurée par la société Nové dans le cadre du contrat « Ambition logement ». Inscrit dans le Plan Famille, ce projet a vocation à s’étaler sur 35 ans, et vise la rénovation du parc, ainsi que la construction de logements en zone tendue destinés aux ressortissants du ministère et à leurs familles (rénovation de 34 000 logements, construction de près de 2 800 logements neufs).

En 2024, est prévue la livraison de 10 logements neufs à Gap ainsi que de 253 logements rénovés répartis entre Versailles, Apt, Montauban, Belfort et Cité St Pierre de Brest.

En 2025, la construction de 685 logements sera lancée ainsi que la rénovation de 3 651 logements dans le cadre du contrat Ambition Logement. Parmi les grandes opérations, peuvent être citées la rénovation de logements à Brétigny-sur-Orge ou la construction de logements à Toulon-St-Roch.

Dans les Outre-mer et à l’étranger :

En 2025, la dotation de l’activité budgétaire « adapter ou construire des logements domaniaux » prévue au PLF ne concerne désormais que les outre-mer et étranger et s’élève à 3,40 M€ en AE et 10 M€ en CP. Ces crédits vont permettre de terminer des chantiers de construction en cours en Guyane, aux Antilles et en Polynésie Française.

Les auditions de votre rapporteur ont permis de mettre en exergue plusieurs difficultés :

– L’attribution du logement reste un irritant chronique des militaires. Le logement est par exemple le premier motif d’insatisfaction des militaires de l’armée de Terre, en nette chute (51 % de satisfaction en 2024 contre 60 % en 2021) ;

– Le taux de répartition en gestion libre du prestataire NOVé peut être élevé dans certaines zones attractives déjà très tendues. La gestion libre désigne un mode de gestion de logements dans le champ du contrat, restant propriété de l’État, mais que le concessionnaire peut gérer et louer librement. S’ils contribuent à l’équilibre économique de la concession, les logements en gestion libre ne font pas partie de l’offre de logement à destination des ressortissants du Ministère, limitant fortement les bénéfices du parc domanial pour ces derniers. Par exemple, à Rennes, NOVé aurait gardé 80 % des 95 constructions neuves en gestion libre ;

– Les loyers des logements proposés dans le parc domanial du ministère des Armées peuvent parfois être supérieurs au prix du marché car la convention n’a pas été révisée (exemple à Suippes, Belfort, ou Bitche). Cela est susceptible de créer un décalage avec le taux d’indemnité de garnison (IGAR), qui est calculé sur le fondement de la tension immobilière (classification Insee).

Proposition n° 6 : Réétudier plus régulièrement les conventions applicables aux loyers des logements proposés dans le parc domanial et leur adéquation au niveau de tension immobilière et au prix de marché

3.   La politique d’hébergement

Lancé en 2019, le plan Hébergement a pour objectif d’améliorer les conditions d’hébergement en enceinte militaire proposées aux militaires du rang (ayants droit) et aux cadres d’active célibataires ou célibataires géographiques (ouvrant droit) des trois armées. Ce programme prévoyait 1,2 Md€ d’engagements de travaux sur la programmation 2019-2025. Les objectifs d’engagements du programme hébergement ont jusqu’à présent été respectés.

La LPM 2024-2030 permet de poursuivre l’effort relatif à l’hébergement à hauteur de 1,2 Md€. Le PLF 2025 prévoit des crédits à hauteur de 120 M€ en AE et 144 M€ en CP pour permettre la commande de près de 2 200 places. Les livraisons attendues avoisineront les 4 100 places.

4.   Les systèmes d’information, d’administration et de gestion (SIAG)

Les grandes orientations en matière de systèmes d'information d'administration et de gestion (SIAG) sont définies par une commission dédiée, présidée par le secrétaire général pour l'administration et réunissant les représentants des grands subordonnés du ministre ainsi que la Direction générale du numérique (DGNUM).

Dans le PLF 2025, les crédits prévus atteignent 197,70 M€ en AE et 171,90 M€ en CP, contre 186,40 M€ en AE (+6 %) et 150,50 M€ en CP (+14,2 %) en LFI 2024. La hausse en AE s’explique principalement par l’engagement d’un nouveau marché pour le futur SI de gestion des exportations d’armement ainsi que de nouveaux travaux de sécurisation amont concernant le système d’information des ressources humaines (SIRH) unifié du ministère. La hausse en CP est conforme à l’échéancier de paiement des contrats engagés.

En 2025, les principaux projets en matière de SIAG sont les suivants :

– la maintenance des systèmes d'information des ressources humaines (SIRH) militaires et civils. À ce sujet, la DRH-MD pilote la maîtrise d’ouvrage d’un projet de système d’information unifié des ressources humaines du ministère des Armées, appelé à terme à se substituer aux 5 SI d’Armées vieillissants. Votre rapporteur rappelle la nécessité d’adapter ce SIRH unifié aux spécificités de chaque armée ;

 la poursuite de la réalisation de SPARTA ([16]) et l’élargissement du périmètre capacitaire de ROC ([17]) ;

 le lancement de la réalisation d’un nouveau SI consacré à la gestion des exportations d’armement, SIGALE NG ;

 la transformation numérique du SID, en finançant la refonte du SI COSI (projet COSMOS) et le déploiement du projet BIM (building information modeling) ;

 le lancement du projet ESPRIT (éco-système des pensions de retraite), prévu en 2024, a été repoussé en 2025 en raison d’un retard concernant la notification du marché ;

 le lancement de la réalisation SERES visant à mettre en place un nouveau système d’exploitation de la restauration du SCA, dont le marché a été notifié fin 2024, et qui est passé en réalisation.

5.   La politique culturelle et archivistique du ministère des Armées

La direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) est responsable du budget opérationnel de programme « ACP » (archives, culture, patrimoine). Ces crédits se décomposent entre les sous-actions 8.1 « actions culturelles et mise en valeur du patrimoine » et 8.2 « Gestion et communication des archives historiques de la défense ». Il faut ajouter enfin les crédits de Titre 2 de l’action 62, relative au personnel travaillant pour l’action « politique culturelle et éducative ».

En 2025, les crédits consacrés à la politique culturelle du ministère des Armées (hors T2) s’élèveront à 75,90 M€ en AE et 75,20 M€ en CP, contre 72,20 M€ en AE et 78,80 M€ en CP. L’essentiel des dépenses du BOP correspond aux subventions pour charges de service public (34,40 M€ en AE et en CP) et les subventions pour charges d’investissement (32,60 M€ en AE et 31,80 M€ en CP) des trois musées dotés du statut d’établissement public à caractère administratif du ministère des Armées.

Dans le détail, pour l’année 2025, ces subventions couvriront :

– Au musée national de la Marine, le lancement de la réhabilitation des sites de Rochefort et lancement de l’aménagement d’un parcours muséographique commun sur le site de la citadelle de Port-Louis avec le musée de la compagnie des Indes (Morbihan) ;

– Au musée de l’Air et de l’Espace, le projet Astréos prévoit l’ouverture d’un planétarium et de nouveaux espaces d’expositions, intégrant notamment une visite de l’airbus A380. Le projet NAVACA s’achèvera également avec l’ouverture du nouvel espace dédié à la navigation aérienne situé dans la tour de contrôle historique de l’aérogare du Bourget.

– Au musée de l’Armée, la poursuite des travaux d’infrastructure liés à l’extension du musée de l’Armée, organisée autour du projet MINERVE : nouveaux espaces d’exposition permanents dont l’ouverture est prévue entre 2028 et 2031, amélioration des conditions d’accueil du public et de visite, reconfiguration des espaces logistiques.

– S’agissant de la diversification de l’offre culturelle, la DMCA envisage de consacrer près de 3,70 M€ en 2025 pour soutenir la recherche en histoire (autour des fonds d’archives du ministère) ainsi que des acteurs du secteur culturel (coédition, coproduction audiovisuelle) et les créateurs présents au sein du ministère (peinture, musique, écriture), afin de faire de cette politique culturelle un véritable facteur d’influence.


   SECONDE PARTIE : la condition des militaires français À l’Étranger

L’action de la France dans le monde conduit ses militaires à servir fréquemment hors du territoire national. Les militaires français à l’étranger sont généralement présents dans le cadre d’une affectation (forces de présence, missions de défense, représentations militaires permanentes au sein d’organisations internationales, coopération technique) ou d’une projection de forces (opérations extérieures, missions opérationnelles, interventions ponctuelles à l’étranger sous divers mandats).

Selon ces divers cadres d’emplois, le statut et la condition des personnels militaires français à l’étranger sont très variables. Le soutien dont ils bénéficient de la part de la France est loin d’être homogène selon les affectations ou les déploiements.

I.   La grande variÉtÉ de statuts des militaires français À l’Étranger s’explique par des cadres d’emploi divers

A.   Les militaires français affectÉs À l’Étranger

1.   Les forces de présence à l’étranger

En vertu de différents accords de défense ou de partenariat, des forces de présence françaises sont stationnées de manière pérenne dans cinq États partenaires :

• les éléments français au Gabon (EFG) : près de 350 militaires ;

• les éléments français en Côte d’Ivoire (EFCI) : près de 600 militaires ;

• les éléments français au Sénégal (EFS) : près de 350 militaires ;

• les forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj) : près de 1 500 militaires ;

• les forces françaises aux Émirats Arabes Unis (FFEAU) : près de 850 militaires.

Au total, ce sont donc près de 3 650 personnels militaires qui sont affectés dans les forces de présence à l’étranger. Ces forces militaires prépositionnées sont composées de formations des trois armées placées sous le commandement opérationnel du chef d’état-major des armées. Depuis la professionnalisation des armées, une part des postes permanents des forces de présence a été transformée en postes « tournants », c’est-à-dire en « missions de courte durée » (MCD). La durée de ces projections courtes de personnels est en général de quatre mois. Cette situation est commune avec la situation observée par le rapporteur pour les forces de souveraineté dans son précédent avis budgétaire sur le PLF 2024.

Par ailleurs, en dehors du cadre stricto sensu du renfort aux forces de présence, des missions de courte durée à l’étranger peuvent être effectuées par des forces militaires françaises (en particulier les forces spéciales) en dehors des opérations extérieures mais dans le cadre d’accords de défense ou d’arrangements diplomatiques.

2.   Les missions diplomatiques de défense et les représentations militaires diplomatiques (RMD)

Le réseau bilatéral diplomatique de défense comprend à la fois :

• les missions de défense auprès des ambassades de France à l’étranger ;

• les représentations militaires diplomatiques (RMD) auprès d’instances internationales (OTAN, UE, ONU). En 2022 par exemple, 39 militaires étaient en poste à la représentation militaire de défense (RMD-OTAN).

• les 5 conseillers militaires affectés au sein de représentations françaises auprès d’organisations internationales (OI).

93 missions de défense sont aujourd’hui ouvertes. Ce réseau étend ses compétences en « non-résidence » dans près de 70 autres pays auprès desquels un attaché de défense est accrédité pour un total de 160 pays couverts. Sous l’autorité de l’ambassadeur, l’attaché de défense représente le ministre des Armées ainsi que les différentes autorités du ministère dans son ou ses pays d’accréditation. L’attaché de défense est chef de la mission de défense, laquelle est composée au minimum d’un officier et d’un sous-officier. Les attachés de défense sont en général assistés par des attachés de défense adjoints (ADA) et des assistants des attachés de défense (AAD). La mission contribue dans son ou ses pays d’accréditation à la « préservation, au développement et à la promotion des intérêts français du domaine de la défense, tant auprès des autorités locales que des représentations des pays tiers ou organisations agissant localement ([18]). »

La sélection des personnels affectés au sein du réseau bilatéral diplomatique de défense est effectuée par la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) avec le concours des autres services du ministère concernés (état-Major des Armées –EMA-, Direction du renseignement militaire –DRM-, la Direction générale de l’armement –DGA). Les personnels armant une mission de défense sont en général désignés sur leur futur poste un an avant la prise effective de fonctions. La DGRIS forme les futurs attachés de défense sur l’ensemble des aspects de leur poste dans le cadre d’un stage obligatoire s’échelonnant sur plusieurs mois.

3.   Les militaires insérés dans des organisations multilatérales ou des armées étrangères

En 2023, près de 720 militaires français étaient détachés dans des postes au sein de l’OTAN. Ces postes sont répartis sur près de 25 sites différents, essentiellement des pays européens ou nord-américains à haut niveau de vie, ce qui occasionne des problématiques de cherté de la vie sur lesquelles votre rapporteur reviendra. Les villes d’implantation des structures otaniennes ne sont pas toujours des capitales, ce qui peut entraîner un sentiment d’isolement pour les militaires y étant affectés. En raison de la nature et des missions de ces organismes, ces affectations concernent principalement des officiers et sous-officiers, mais pas exclusivement. Enfin, de nombreux postes concernent des états-majors opérationnels déployant fréquemment des personnels sur les théâtres d’opérations OTAN, ce qui conduit les militaires y servant à participer à des OPEX depuis leur affectation à l’étranger, un autre point sur lequel votre rapporteur aura l’occasion de revenir.

Le processus de recrutement des personnels militaires français affectés dans des RMD/OI est plus resserré que celui des attachés de défense et ne court que sur un an. En avril, 90 % des personnels concernés connaissent en général leur affectation au sein d’une RMD/OI à partir de juillet.

Parmi les militaires affectés à l’étranger, 65 % sont des officiers tandis que près de 28 % sont des sous-officiers. Les officiers généraux représentent près de 4 % des affectations.

 

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B.   Les forces françaises projetÉes en opÉrations

En sus des nombreux personnels militaires affectés à l’étranger, des militaires français peuvent également être projetés – parfois avec très court préavis – à l’étranger dans le cadre des opérations auxquelles participe l’armée française. 8 774 soldats sont actuellement déployés en opérations à l’étranger.

Les missions sont adaptées aux finalités de l’intervention et à l’évolution de chaque théâtre : soutien aux organisations internationales et aux forces de l’ONU, surveillance de zones démilitarisées suite à un conflit, formation de forces militaires ou de sécurité locales, contrôle de zones, missions de réassurance etc.

Incarnation de la finalité opérationnelle des armées, les opérations extérieures et missions opérationnelles se caractérisent par une projection de personnels pour des durées limitées (inférieures ou égales à un an).

Actuellement, les militaires français sont déployés en OPEX au Levant, dans le cadre de l’opération Inherent Resolve (OIR), menée en coalition sous l’égide des États-Unis. L’opération Chammal est la déclinaison française d’OIR. Cette opération vise principalement à lutter contre la résurgence de Daech en Irak et en Syrie. Les missions de la coalition ont évolué vers des activités de conseil, d’assistance et d’autonomisation. Près de 600 militaires sont mobilisés dans le cadre de Chammal, essentiellement des aviateurs projetés depuis la base aérienne projetée H5 depuis la Jordanie (BAP-H5).

Malgré la fin de l’opération Barkhane au Sahel, des éléments militaires français restent présents au Tchad (1 000 personnels), tandis que l’opération Corymbe consiste en un déploiement maritime français dans le golfe de Guinée. (450 personnels).

Les soldats français sont également déployés dans le cadre des nombreuses missions internationales auxquelles la France apporte son concours, que ces dernières relèvent de l’OTAN, de l’UE ou de l’ONU. La France déploie ainsi 700 militaires dans le cadre de l’élément de réaction rapide de la force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Ces militaires sont à l’heure actuelle particulièrement exposés alors que s’intensifient les affrontements toujours plus meurtriers entre Israël et le Hezbollah au Sud-Liban.

Sur le flan oriental de l’Europe, des militaires français sont présents en Estonie et en Roumanie, dans le cadre des missions opérationnelles Lynx en Estonie et Aigle en Roumanie. Les forces présentes sont principalement issues de l’armée de Terre.

S’agissant de la Roumanie, la force déployée a pris la forme d’un bataillon multinational depuis mai 2022 dont la France est nation-cadre. Les armées françaises y déploient également un détachement de défense sol-air MAMBA, un échelon de soutien national (ESN) et un élément avancé de niveau brigade. Au total, plus de 1 400 soldats français composent le dispositif en Roumanie.

S’agissant de la mission opérationnelle Lynx, la France contribue au bataillon multinational dont la nation-cadre est le Royaume-Uni à hauteur d’une compagnie (sous-groupement tactique interarmes renforcé) qui compte environ 350 militaires. Un échelon de soutien national, constitué d’une centaine de personnes, ainsi qu’un échelon de commandement, placé auprès des forces de défense estoniennes, complètent le dispositif.

Par ailleurs, l’armée de l’air et de l’espace est particulièrement active dans des actions permettant la sécurité de l’espace aérien de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord. Ainsi, 4 Mirage 2 000-5 ont été déployés dans le cadre des missions de police du ciel de décembre 2023 à mars 2024 en Lituanie. Ils ont effectué la surveillance de l’espace aérien des États baltes qui sont dépourvus de moyens de défense aérienne. L’an prochain, des aviateurs français seront de nouveau mobilisés dans ce cadre en Lituanie durant 4 mois.

En outre, le groupe aéronaval, déployé en Méditerranée centrale aux côtés des alliés de la France, garantit la liberté d’action et permet l’appréciation autonome par la France de la posture russe dans cette zone. Il mène également des missions d’alerte avancée et de défense aérienne, en projetant ses aéronefs au-dessus de la Pologne, de la Roumanie et de la Bulgarie.

La durée de projection à l’étranger est en moyenne de quatre à six mois, selon le théâtre. Si le temps de présence minimal en hexagone entre deux projections effectives en opération extérieure est en principe de huit mois, cette durée peut être soumise à dérogation sur décision du commandement ([19]). L’accélération générale du rythme des projections n'est évidemment pas sans conséquence sur la vie personnelle des militaires.

L’ensemble des déploiements à l’étranger des militaires français est confondu sous le vocable imprécis d’« opérations » ([20]). Il existe une confusion certaine entre toutes ces projections, certaines étant qualifiées d’OPEX, d’autres de missions opérationnelles, sans qu’il n’existe de base légale rigoureuse pour ces termes. En outre, dans une majorité de cas, aucun vote du Parlement n’a autorisé ces déploiements.

La discrimination opérée par le ministère des Armées au moment de la qualification juridique de ces opérations entraîne pourtant des conséquences significatives en termes de condition militaire pour les personnels engagés, sur lesquelles le rapporteur reviendra.

 

 

Le tableau ci-après précise les effectifs de militaires français déployés à l’étranger indépendamment du statut de la projection :

 

Missions/coalitions

Dénomination

Qualification

Effectifs

Missions ONU

FINUL

OPEX (DAMAN)

674

MINUSCA

OPEX

3

MONUSCO

OPEX

2

UNTSO

MISSOPS

1

 

Missions UE

EUNAVFOR IRINI

OPEX

10

EUNAVFOR ASPIDES

OPEX

217

EUFOR ALTHEA

OPEX

24

ATALANTA

OPEX

3

EUMAM UKRAINE

MISSOPS (en Pologne)

259

EUTM MOZAMBIQUE

OPEX

2

EUTM SOMALIE

OPEX

1

 

Missions FLANC EST

ESTONIE

MISSOPS (LYNX)

353

ROUMANIE

MISSOPS (AIGLE)

1 480

TASK GROUP 441

MISSOPS (MARCOM)

108

KFOR

OPEX

5

 

Autres coalitions

FMO SINAÏ

OPEX

1

CHAMMAL ET NMI

OPEX

1 041

HÉRACLÈS MER

OPEX

35

 

Missions nationales

SAHEL

OPEX

950

CORYMBE

OPEX

99

SENTINELLE

MISSINT

3 139

HARPIE

MISSINT

367

 

TOTAL

8 774

Source : ministère des Armées

II.   La condition des militaires français À l’Étranger est marquÉe par de fortes disparitÉs de traitement dont certaines apparaissent difficiles À justifier

La condition des militaires affectés à l’étranger semble constituer un impensé des récentes politiques d’amélioration de la condition militaire.

À la grande disparité des situations dans lesquelles peuvent se trouver placés les militaires affectés à l’étranger correspond une réglementation particulièrement complexe, souvent ancienne et fortement interministérielle.

A.   La couverture indemnitaire variable des militaires français affectés à l’étranger créé des inégalités de traitement injustifiées entre militaires

1.   Établie au niveau interministériel, l’indemnité de résidence obéit à des règles de calcul complexes

Le traitement de base des militaires affectés à l’étranger se compose de la solde de base à laquelle s’ajoute l’indemnité de résidence à l’étranger (IRE). L’article 5 du décret n° 97-900 du 1er octobre 1997 fixant les modalités de calcul de la rémunération des militaires affectés à l’étranger énonce que l’IRE est « destinée à compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions exercées, aux conditions d’exercices des fonctions et aux conditions locales d’existence ».

Le calcul du montant annuel d’IRE pour un militaire est complexe et peu lisible. Le montant d’IRE pour un personnel militaire dépend en effet : de sa zone d’affectation, de son grade, et de la nature de son poste elle-même.

a.   Le positionnement du militaire au sein des groupes d’IRE

Un arrêté interministériel fixe une liste de 18 groupes d’indemnités de résidence au sein desquels les personnels militaires et civils de l’État en service à l’étranger sont répartis ([21]). Les montants mensuels d’IRE des groupes 1 à 18 sont fixés en pourcentage par référence à un groupe pivot.

Au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), les personnels sont par exemple répartis dans les groupes d’IRE en fonction de la nature des fonctions exercées.

Au sein du ministère des Armées, la répartition des personnels militaires par groupes d’IRE est encore plus complexe, puisque le ministère a créé deux « tableaux » différents selon la nature des fonctions occupées par un même militaire. Ainsi, à grade équivalent, si le militaire occupe une fonction classée au tableau 1, il ne sera pas situé dans le même groupe d’IRE que s’il occupe une fonction classée dans le tableau 2.

Le principe d’une répartition en deux tableaux, selon la nature des fonctions exercées, est prévu depuis la mise en place initiale du régime de rémunération des militaires affectés à l’étranger par le décret n° 68-349 du 19 avril 1968. Le dispositif de 1968 distinguait déjà, pour l’appréciation des droits à l’indemnité de résidence à l’étranger (IRE), les « personnels en service dans les postes d’attachés militaires et à la mission militaire auprès de la délégation française auprès du Conseil de l’Atlantique Nord » et les « autres personnels militaires ». Cette distinction a été reconduite lors de la refondation du régime de rémunération à l’étranger en 1997.

Aujourd’hui, le tableau 1 couvre :

- les militaires affectés au sein des missions de défense en ambassade ;

- au sein des représentations permanentes de la France auprès des OI ;

- à la présidence et au cabinet des comités de l’OTAN ;

- à la présidence et au cabinet de l’union européenne ;

- le commandant suprême allié transformation (SACTI), le directeur général de l’état-major militaire de l'UE (EMUE) et les militaires de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

Le tableau 2 recouvre quant à lui tous les autres militaires qu’ils soient insérés dans les forces étrangères, affectés dans les forces de présence françaises à l’étranger, affectés à l’OTAN et à l’EMUE (hors présidence et cabinet).

Personnels militaires affectés à l’étranger relevant du « Tableau 1 »

Affectation

Effectifs (au 31/08/2024)

Mission de défense en ambassade

278

Représentation permanente en organisations internationales (OTAN, UE, ONU, autre)

66

Commandement suprême allié transformation de l’OTAN

([22])

Personnel de la DGSE affecté à l’étranger

114

TOTAL

459

Personnels militaires affectés à l’étranger relevant du « Tableau 2 » :

Affectation

Effectifs (au 31/08/2024)

Forces de présence (Gabon, Côte d’Ivoire, Sénégal, Djibouti, Émirats Arabes Unis)

1 395

Militaires insérés dans les forces étrangères

268

Militaires affectés à l’OTAN et à l’état-major de l’UE (hors présidence et cabinet de la présidence des comités militaires)

778 OTAN et 48 UE

TOTAL

2 489

Concernant les personnels civils du ministère des Armées, ces derniers sont rattachés à un groupe d’IRE en fonction de la nature de leurs fonctions : les personnels civils de la DGSE en poste à l’étranger ont leur propre répartition par groupes d’IRE, tandis que tous les autres civils de la Défense suivent leur propre répartition par groupes, quelle que soit la nature des fonctions exercées. Les civils de la DGSE sont au final ceux qui bénéficient de la répartition par groupes la plus avantageuse ; un attaché de la DGSE sera classé dans le groupe 8, tandis qu’un personnel du même grade dans une autre affectation à l’étranger sera classé dans le groupe 10. Si la coexistence de différents modes de répartition d’un même grade au sein de différents groupes entraîne des différences de traitement entre civils eux-mêmes, votre rapporteur souhaite particulièrement insister sur les disparités de traitement entre civils et militaires d’une part et militaires eux-mêmes au sein du ministère qui résultent de la coexistence de deux tableaux.

i.   Des inégalités de traitement qui interpellent entre militaires

Il est beaucoup plus avantageux pour un militaire de figurer dans le tableau 1, indépendamment du grade. En effet, le taux d’IRE servi aux personnels relevant du tableau 2 est nettement inférieur à celui servi dans le cadre du tableau 1. Le 5ème rapport du haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) avance une explication historique résidant dans la volonté de « tenir compte de la situation favorable dans laquelle se trouvaient, à l’époque, la majorité des militaires concernés (affectés en Afrique et dans les anciennes possessions françaises, ils bénéficiaient de conditions de vie avantageuses, notamment en matière de logement). La situation a évolué : des militaires, en nombre croissant, sont affectés, hors des missions militaires, dans des pays à fort niveau de vie, ce qui rend les taux d’IRE servis parfois insuffisants et oblige le ministère de la défense à rechercher des aménagements à une réglementation devenue, au fil du temps, inadaptée (cas des affectations à l’OTAN notamment). »

Ainsi, à grade équivalent, un officier général relevant en raison de son affectation du tableau 1 est classé dans le groupe 3 tandis qu’un officier général relevant du tableau 2 en raison de son affectation est classé dans le groupe 6. Un capitaine de vaisseau affecté à Londres au tableau 1 percevra 13 690 € d’IRE alors que son collègue au tableau 2 percevra 8 200 €. Dans la même ville, un sergent relevant du tableau 2 percevra 3 580 € d’IRE alors qu’un personnel de même grade relevant du tableau 1 percevra 5 260 €.

Le tableau ci-après est éloquent. Il décrit le différentiel d’IRE perçu par grade selon que le militaire occupe un poste relevant du tableau 1 ou du tableau 2. L’inégalité de traitement est particulièrement frappante pour le grade de colonel (- 40,1 % au T2) ou encore celui de caporal (-37,4 % au T2). Elle semble légèrement moins forte pour le grade de major (-19 %), sans qu’aucune de ces différences n’ait reçu une justification satisfaisante aux yeux de votre rapporteur.

 

 

T1

T2

Écart T1/T2 (%)

Officier général

3

6

-31,2

Colonel

3

7

-40,1

Lieutenant-colonel

5

9

-36,7

Commandant

6

11

-38,1

Capitaine

8

13

-30

Lieutenant-Sous-lieutenant

10

14

-21

Aspirant, major

11

15

-19

Adjudant-chef, adjudant

12

16

-19,2

Sergent-chef, sergent

12

17

-32,1

Caporal-chef

14

17

-27,9

Caporal, soldat

14

18

-37,4

Selon les tenants du statu quo, il y aurait une logique à ce que des militaires exerçant des fonctions emportant un plus haut niveau d’exposition et de responsabilité professionnelles (i.e. postes diplomatiques et au sein d’alliances internationales) bénéficient, à grade égal, de droits à l’IRE plus favorables. La majorité des auditions conduites par votre rapporteur ont cependant mis en évidence l’obsolescence de cette disparité de traitement. De nombreux militaires relevant du T2 ont de facto des responsabilités et une mission de représentation proche voire supérieure à celles dévolues à un attaché de défense. Ainsi, le « senior military representative » de l’OTAN à Naples relève du tableau 2 alors même qu’il exerce une fonction d’influence et de représentation forte. Les personnels affectés dans des états-majors de l’UE ou de l’OTAN, hors présidence et cabinet, relèvent tous du tableau 2 malgré des niveaux de responsabilité très importants.

Cette distinction entre les deux tableaux n’apparaît plus réellement justifiée par la nature des missions et les conditions concrètes de vie selon les destinations et suscite une frustration aisément compréhensible. D’autant plus que la persistance d’un tableau 2 génère des inégalités de traitement injustifiées entre militaires relevant de ce tableau et leurs collègues civils de la défense.

ii.   Des inégalités de traitement injustifiées entre militaires et personnels civils

– entre personnels militaires et personnels civils de la défense :

L’association défavorable entre grade et groupe pour les militaires relevant du tableau 2 crée des inégalités de traitement injustifiées entre militaires inscrits au T2 et personnels civils de la défense. Un capitaine perçoit une IRE similaire à celle d’un civil de catégorie C (groupe 13). Un lieutenant (groupe 14) perçoit une indemnité inférieure à celle d'un civil de catégorie C sous sa responsabilité (groupe 13). Le grade le moins élevé dans la hiérarchie de la grille des civils de la défense est rattaché au groupe 13 (-23 % d’IRE par rapport au groupe pivot), tandis qu’un militaire du tableau 2 relevant du grade de caporal est rattaché au groupe 18 (-54 % d’IRE par rapport au groupe pivot !). En résumé, aucun civil de la défense n’est rattaché à un groupe inférieur au groupe 13, tandis que les militaires du tableau 2 sont rattachés par le ministère des Armées au groupe 18, le groupe le moins-disant en termes d’IRE perçue.

 entre personnels militaires et personnels civils du MEAE :

Au sein d’une mission de défense, où l’ensemble des personnels militaires et civils du MEAE travaillent en grande proximité, les sous-officiers relèvent du tableau 1. Hors grade de major, ils perçoivent une IRE inférieure à celle des agents de catégorie C du MEAE les moins bien rémunérés. Les sous-officiers sont pourtant assimilables à la catégorie B de la fonction publique (distorsion catégorielle). Ils sont considérés comme exécutant des tâches d’un niveau moindre en étant placé sur des groupes d’IRE ne reflétant pas la réalité de leurs fonctions (distorsion fonctionnelle). Dans le cadre des travaux d’ajustement annuel de la programmation militaire (A2PM) 2024, la DGRIS a proposé une mesure d’alignement de la grille du personnel du ministère des Armées inscrit au tableau 1 sur la grille IRE du personnel du MEAE. Cette mesure avait pour objectif de faire passer les sous‑officiers (hors majors) du groupe 12 au groupe 10 (soit un gain de pouvoir d’achat moyen de 1 100 €) et les majors et lieutenants du groupe 11 au groupe 9. Cette mesure, évaluée à 1,90 M€ par an, validée lors des travaux visant l’ajustement annuel de la programmation militaire (A2PM), n’a malheureusement pas été retenue lors de la finalisation des travaux du PLF 2025.

Cette situation est génératrice d’un sentiment de « déclassement » pour les militaires concernés, notamment les sous-officiers qui sont de facto rattachés aux mêmes groupes d’IRE que les personnels civils de catégorie C du MEAE.

 La coexistence de deux tableaux pour les personnels militaires du ministère des Armées accroît ces inégalités de traitement :

Au cours de ces auditions, votre rapporteur a été frappé de constater que cette situation, aussi inique soit-elle pour les militaires concernés, semble constituer un impensé des politiques visant à améliorer la condition militaire. Plus aucune justification ne semble expliquer la coexistence d’un tableau 2.

Au sein des militaires de l’armée de l’air et de l’espace (AAE), il semblerait que le personnel relevant du « tableau 2 » détenant un grade compris entre aviateur et commandant constitue la cible principale de cette demande. La correction des écarts de traitement entre personnels civils de la défense et cette population d’aviateurs inscrits au T2 concernerait 728 militaires de l’AAE. Son impact budgétaire annuel a été estimé à 5,90 M€ pour l’AAE.

La correction de cette situation par le ministère des Armées doit être effectuée dans les meilleurs délais, afin de ne pas limiter davantage l’attractivité des postes proposés au tableau 2 et revaloriser la condition des militaires français affectés à l’étranger.

Votre rapporteur souhaite rappeler que le ministère des Armées avait conduit en 2011-2013 des travaux relatifs à la création d’un tableau intermédiaire spécifique aux militaires affectés dans les organismes de l’OTAN ou de l’UE. Ce dernier aurait complété le tableau 1, réservé aux militaires affectés dans les représentations diplomatiques, et le tableau 2, appliqué aux autres militaires affectés à l’étranger dont ceux affectés au sein de l’OTAN. Les travaux conduits entre 2011 et 2013 ont conclu à l’abandon de cette mesure, qui aurait pourtant eu l’avantage de revaloriser les montants d’IRE perçus par ces personnels exerçant des fonctions de représentation.

Afin de ne pas créer de nouveaux tableaux et rajouter de la complexité à la complexité, votre rapporteur souhaite la suppression du tableau 2, afin que les grades de l’ensemble des personnels militaires du ministère soient repositionnés dans les groupes correspondants du tableau 1, par équivalence avec ce qui est fait pour les personnels civils du ministère des Armées et du MEAE. Cette mesure visant une meilleure correspondance entre grades et groupes de rémunération doit être portée comme une mesure catégorielle majeure dans le cadre du PLF25, en complément des revalorisations indiciaires des grilles de sous-officier supérieur et d’officier.

b.   Le lieu d’affectation du militaire

Les montants annuels d’IRE sont prévus, pour chaque pays et chaque groupe, par un arrêté conjoint du ministère des affaires étrangères et du ministre chargé du budget.

À chaque pays correspond un barème spécifique d’IRE, afin de tenir compte du coût de la vie sur place. Parfois, afin de tenir compte des différentiels de coût de la vie au sein d’un État, des barèmes distincts d’IRE sont prévus par zones au sein de ces pays : ainsi, aux États-Unis, le montant mensuel d’IRE n’est pas le même selon que le militaire séjourne à Norfolk en Virginie (base navale de la Marine américaine et siège du commandement « transformation » de l’OTAN) ou à New York.

Les taux d’ajustement de l’IRE, pour tenir compte notamment des variations des changes et du coût de la vie à l’étranger, sont fixés par arrêté conjoint du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé du budget. L’IRE varie ainsi au cours de l’année en fonction de deux mécanismes : l’exercice annuel de reclassement (en fonction de l’évolution constatée des conditions et du coût de la vie de chaque zone) et l’ajustement trimestriel du change-prix. Ces ajustements trimestriels résultent du cumul de l’évolution du taux de change entre l’euro et la monnaie locale (effet change) et de l’écart d’inflation entre la France et la zone considérée (effet prix) observés entre deux trimestres donnés. Ce calcul peut conduire à des évolutions des montants de l’IRE à la hausse comme à la baisse. Lorsque le montant des IRE est réajusté à la baisse et que des versements excédentaires liés aux délais techniques de prise en compte des évolutions des taux surviennent, le recouvrement des trop-perçus est réalisé selon les conditions de droit commun de traitement des indus de rémunération.

Votre rapporteur a été alerté sur les difficultés économiques pouvant résulter de la gestion de ces trop-perçus pour les militaires, le recouvrement des indus arrivant parfois alors que le coût de la vie a déjà augmenté de nouveau localement. Si le montant du trop-perçu est inférieur à 5 % de la rémunération nette mensuelle, le recouvrement est opéré d’office en un seul versement. Si ce montant est supérieur, l’administration propose un échéancier de paiement. Le militaire peut proposer un autre cadencement, mais il semblerait que de nombreux militaires voient leur demande d’échelonnement refusée.

L’évolution des taux d’IRE n’est pas réellement anticipable par les militaires et génère des incertitudes importantes sur le montant de la solde du mois suivant. Les remontées terrain font état d’IRE souvent insuffisantes pour couvrir le coût très élevé de la vie dans certaines affectations à l’instar de Stavanger (Norvège), Hawaï, Londres, Washington etc.

2.   L’IRE est complétée par un certain nombre d’autres indemnités

Outre la rémunération principale, composée de la solde de base et de l’IRE, les militaires affectés à l’étranger peuvent notamment percevoir :

• au titre des avantages familiaux : le supplément familial ainsi que les majorations familiales pour enfant à charge sur lesquels le rapporteur reviendra peu après ;

• des indemnités forfaitaires pour rembourser des frais éventuels, notamment des frais de représentation, des frais de déplacement, l’indemnité d’état militaire, l’indemnité de mobilité géographique, l’indemnité de garnison ou encore la prime de compétences spécifiques des militaires.

Les militaires affectés à l’étranger sont soumis aux mêmes règles d’imposition que tous les Français expatriés. Ils sont en principe domiciliés fiscalement en France et leur assiette d’imposition ne comprend pas l’intégralité des revenus perçus. L’IRE n’est imposable que dans la limite de l’indemnité de résidence qu’aurait perçue le militaire s’il était affecté à Paris. La majoration familiale de traitement et le supplément familial de solde à l’étranger sont également exonérés d’impôt sur le revenu.

Votre rapporteur souhaite attirer l’attention sur le fait qu’un personnel affecté au sein des forces prépositionnées à l’étranger qui viendrait à être projeté en opération depuis son lieu d’affectation à l’étranger ne pourrait pas cumuler son IRE avec une indemnité de sujétions spéciales à l’étranger (ISSE) ou une indemnité pour sujétions d’absence opérationnelle (ISAO). Pour autant, ces deux indemnités visent à compenser l’absence du domicile en raison de contraintes opérationnelles. L’article 6 du décret du 1er octobre 1997 dispose que les militaires affectés à l’étranger ou dans une collectivité territoriale d’outre-mer « ne perçoivent pas [l’ISSE] mais conservent, lorsqu'ils sont envoyés en [OPEX ou en RTE] les émoluments qui leur sont servis dans leur pays d'affectation (…). Toutefois, lorsque le montant global des émoluments perçus dans le pays d'affectation est inférieur au montant de la solde en opération telle qu'elle serait calculée si le militaire était affecté à Paris, une somme d'un montant égal à cette différence est allouée, en compensation, au militaire ». Cette indemnité compensatrice est appelée « COMPTER ». Lors des travaux relatifs à la NPRM, le ministère aurait proposé, en marge des travaux de création de l’ISAO, de supprimer le principe de la COMPTER et de modifier la réglementation afin de permettre le cumul entre l’ISSE et le régime de solde « étranger ». Toutefois, à l’issue de discussions interministérielles, il a été convenu que la mesure de suppression de la COMPTER serait dissociée du dispositif ISAO et ferait l’objet d’un examen approfondi ultérieur. Dans l’attente de cet examen, l’impossibilité de cumul entre ISSE et IRE reste maintenue. La condition des militaires français affectés à l’étranger semble avoir été oubliée du chantier de simplification de la NPRM.

B.   Un soutien logement très inégal selon les statuts et les affectations

Les militaires affectés à l’étranger peuvent être soit bénéficiaires d’un logement fourni par l’État, soit conduits à se loger par leurs propres moyens. La première situation est schématiquement celle de tous les personnels appartenant aux forces prépositionnées, la seconde celle de la grande majorité des militaires affectés dans les missions militaires, les organismes internationaux ou les emplois de coopération et de liaison. Le soutien logement est donc très inégal selon les situations et les cadres d’emploi.

1.   En opérations

Lorsqu’ils sont projetés en opérations, la gratuité de l’hébergement et de l’alimentation est garantie à l’ensemble des militaires français.

Les modalités d’hébergement des militaires déployés en opérations varient selon les différentes phases du déploiement : généralement logés sous tentes lors de la phase initiale, les personnels bénéficient ensuite progressivement de conditions de logement pérennes offrant un degré de confort davantage compatible avec la durée du séjour et les impératifs de la protection de la force : bâtiments modulaires protégés et, lorsque la situation l’exige, constructions ou éléments de construction lourds et adaptés à la menace environnante.

Votre rapporteur avait pu constater à l’occasion d’un déplacement en février 2023 à Cincu (Roumanie) que le soutien logement des personnels militaires français projetés dans le cadre de la mission opérationnelle Aigle était perfectible. Il semblerait que les conditions d’hébergement aient été améliorées, la capacité maximale d’accueil et d’hébergement du camp Berthelot à Cincu étant néanmoins limitée à 2000 personnels (dont 200 en logements temporaires).

2.   Les forces de présence

L’attribution d’un logement par l’État (logement familial ou hébergement en enceinte militaire ou en bâtiments pour cadres célibataires) est la règle pour les militaires des forces prépositionnées. Cette règle résulte de l’obligation statutaire de servir en tout temps et en tous lieux.

Au 30 juin 2024, 899 logements gérés par la Direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE) du ministère des Armées étaient occupés par des militaires à l’étranger (forces françaises stationnées en Côte d’Ivoire, à Djibouti, au Gabon et au Sénégal).

Les bénéficiaires de logements fournis par l’État font l’objet d’une retenue sur leur rémunération principale et les avantages familiaux. Le taux de cette retenue est de 15 % pour les officiers et de 10 % pour les autres militaires. En fonction du coût du logement réellement supporté par l’administration, la retenue peut être soit augmentée d’un pourcentage du surcoût supporté (25 % pour les officiers, 15 % pour les autres militaires), soit ramenée à la valeur réellement supportée par l’administration.

Les ressortissants civils et militaires du ministère affectés dans les forces de présence bénéficient, au travers des prestations offertes par les organismes chargés du logement, d’un soutien appréciable et souvent envié par les ressortissants d’autres ministères représentés localement, même si la qualité des logements proposés est souvent inégale.

3.   Les postes permanents à l’étranger

a.   De plus en plus de militaires contraints de se loger dans le parc locatif privé malgré un coût souvent prohibitif

Des travaux ont été conduits au sein du ministère des Armées au premier semestre 2024 afin d’identifier les freins à une mutation à l’étranger. Ces travaux, qui s’inscrivent notamment dans le souhait du ministère des Armées de renforcer la présence française au sein de l’OTAN, ont permis d’identifier les principaux « irritants ».

Le logement en fait indéniablement partie. En général, les militaires affectés à l’étranger partent en famille, avec leur éventuel conjoint(e) et éventuels enfants, ce qui impose de disposer rapidement d’un logement adapté à la taille des familles.

Dans la grande majorité des cas, les militaires affectés à l’étranger dans un cadre multilatéral ne disposent pas de logements domaniaux ou pris à bail par l’État. Ils sont donc contraints de louer un logement privé par leurs propres moyens et se heurtent à un marché locatif réduit du fait de la forte concurrence avec les autres Nations. La cherté des loyers et les charges élevées liées à la faible qualité des logements constituent une difficulté supplémentaire. Il a été rapporté à votre rapporteur que depuis l’arrivée des militaires suédois et finnois sur la base otanienne de Norfolk (États-Unis), les militaires français subissent un effet d’éviction du parc locatif. En effet, l’ambassade suédoise serait en mesure d’avancer sur une année complète les loyers de ses personnels afin de convaincre les propriétaires de louer aux militaires suédois des logements jusque-là occupés par des familles françaises.

Bien souvent, sans accompagnement spécifique de la part du ministère, la famille du militaire nouvellement affecté sur un poste récupère le bail du logement occupé précédemment par la famille du militaire quittant son poste. Toutefois, cet arrangement interpersonnel ne vaut tant que la composition du foyer du militaire entrant est similaire à celle du militaire sortant.

La barrière de la langue et la complexité des réglementations immobilières locales constituent souvent un obstacle supplémentaire pour les familles dans leur recherche de logement privé. S’agissant des militaires britanniques, la cellule juridique de leur ambassade prend justement en charge les baux des personnels militaires affectés à l’étranger.

L’indemnité de résidence à l’étranger qui est servie aux militaires est destinée, entre autres objectifs, à leur permettre de faire face aux charges qui leur incombent en matière de logements. Dans de nombreux cas, et singulièrement dans les pays scandinaves et anglo-saxons, cette IRE ne suffit pas à couvrir l’ensemble des coûts de logements engagés par la famille des militaires. Cette insuffisance de l’IRE est d’autant plus avérée lorsque le militaire occupe un poste relevant du tableau 2.

Le principal problème réside dans la nécessité pour les familles des militaires de devoir s’acquitter, à l’arrivée, du paiement de plusieurs mois de loyer (voire d’une année entière comme aux États-Unis ou en Grande-Bretagne) ou d’une caution importante. En Corée du Sud, une mise sous caution de 50 à 90 % de la valeur du bien est demandée aux familles lors de la signature d’un bail locatif. En outre ; les conditions de protection du locataire varient énormément selon les pays. Dans certains cas, le bail peut être résilié à tout moment. Au Danemark, le propriétaire conserve 3,5 mois de loyer lors de la clôture du bail.

Votre rapporteur appelle de ses vœux l’entretien et la mise à disposition des militaires affectés en poste permanent à l’étranger d’un parc locatif dont la gestion relèverait de la représentation diplomatique française sur place.

Proposition n° 7 : Entretenir et mettre à la disposition des militaires affectés en poste permanent à l’étranger un parc locatif dont la gestion relèverait de la représentation diplomatique française sur place.

b.   La réforme des réseaux à l’étranger a très sévèrement impacté les conditions de logement des attachés de défense qui sont pourtant contraints de recevoir à leur domicile

L’intégralité du parc de logements relevant du périmètre des postes diplomatiques du ministère des Armées à l’étranger a été transférée au MEAE en 2019 suite à la réforme des réseaux de l’État à l’étranger. La jouissance de 36 % du parc initialement transféré (72 logements) a été perdue à la suite des cessions ou des réattributions à des personnels du MEAE. Le personnel du ministère ne bénéficie aujourd’hui plus que de 45 logements domaniaux. Le parc domanial disponible pour les militaires s’est donc réduit comme peau de chagrin, dans un contexte de flambée continue des loyers dans le parc locatif privé.

Cette attrition du parc domanial géré par le ministère des Armées pénalise notamment les personnels affectés au sein des missions de défense. Les attachés de défense doivent se loger dans le parc privé, alors même que l’ensemble des personnels militaire membres d’une mission de défense sont dans l’obligation d’être à proximité de l’ambassade et d’être disponibles sous astreinte en moins d’une heure, ce qui les oblige à se loger dans des secteurs géographiques où le coût des loyers est parfois prohibitif. En outre, la nature des fonctions d’un attaché de défense implique d’organiser des réceptions à leur domicile. Il représente en effet le ministère des Armées ; accrédité auprès des autorités du pays d’affectation, il est l’un des visages officiels de la puissance française. Or, il est de plus en plus difficile pour les attachés de défense de financer un bien à la hauteur des attendus dans certaines capitales (Londres notamment). Le montant annuel d’IRE ne suffit pas toujours à couvrir les frais de logement, même pour les personnels relevant du tableau 1. De plus en plus, les attachés de défense sont contraints de devoir demander à leur ambassadeur la possibilité de recevoir au sein même de la résidence de l’ambassade, des prestations que les ambassadeurs sont libres de facturer ou non. L’indemnité pour frais de représentations ([23]) des attachés de défense est cependant plafonnée à 20 000 euros annuels, soit près de 1 600 euros par mois, quelle que soit la zone de résidence et malgré la réforme des réseaux de l’État à l’étranger. Parce que l’enveloppe des frais de représentation s’avère souvent taillée au plus juste, il a été rapporté lors des auditions le cas de certains conjoint(e)s d’attachés de défense qui participeraient activement aux missions de réception de leur époux/épouse, bien qu’ils ne soient rétribués en aucune manière pour le faire. Votre rapporteur réprouve doublement cet état de fait qui conduit de facto une personne à occuper un emploi non rémunéré et éventuellement à dégrader l’image de la France, les conjoints n’étant que des cuisiniers par défaut faute de personnels à domicile ou prestataires spécialisés.

Bien qu’ils n’aient pas à recevoir chez eux, les attachés de défense adjoints ou assistants des attachés de défense semblent davantage encore pénalisés par la réforme. Les sous‑officiers sont ainsi contraints de se loger loin de leur lieu de travail. Par comparaison, lorsqu’ils sont encore logés dans le domanial, les attachés de défense se voient appliquer une retenue de 15 % sur leur traitement de base, cette retenue pouvant être majorée par l’administration afin de tenir compte d’un surcoût supporté par l’État. Toutefois, dans des villes comme Londres, les retenues appliquées sur la solde des attachés de défense seront probablement toujours inférieures au montant du loyer payé par les attachés de défense adjoints ou assistants contraints de loger leur famille dans le parc privé.

Auditionnée par votre rapporteur, la DGRIS a évoqué un « sentiment de déclassement » croissant parmi les personnels armant les missions de défense.

Votre rapporteur souhaite par ailleurs souligner que la nécessité pour les personnels militaires de se loger dans le parc privé peut poser des problèmes de sécurité évidents (espionnage et écoutes facilités au sein du logement lorsque le bailleur n’est pas connu). Dans certains États, il est impératif que les militaires soient logés au sein de quartiers « sécurisés » au sein desquels les loyers sont très chers. Pour autant, aucune aide ne semble avoir été proposée aux personnels pour pallier la perte des logements domaniaux transférés au MEAE.

C.   Des difficultés communes quel que soit le statut des forces

1.   Scolarisation des enfants

À l’instar des personnels civils, les militaires affectés à l’étranger perçoivent la majoration familiale à l’étranger (MFE) qui est attribuée à tout militaire ayant au moins un enfant à charge, quel que soit le lieu de résidence de cet enfant. Le montant de la MFE varie en fonction de la taille de la famille et de l’âge des enfants. Réglementairement, les majorations familiales à l’étranger (MFE) ont pour objet de compenser les frais de scolarité des établissements français d'enseignement primaire et secondaire de référence au sein du pays ou de la zone d'affectation.

La scolarisation des enfants s’appuie en général sur les structures françaises d’enseignement implantées à l’étranger. Celles-ci sont regroupées dans deux réseaux principaux :

• le réseau de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) ;

• le réseau de la mission laïque française (MLF).

Les frais de scolarité dans le réseau d’enseignement français à l’étranger sont variables selon les destinations : de manière générale, ils sont relativement modestes au Sénégal, à Djibouti et au Gabon, plus conséquents aux Émirats arabes unis et souvent beaucoup plus élevés dans les villes dans lesquelles sont implantés des organismes internationaux de type OTAN.

Le tableau ci-après établit un comparatif des frais d’écolage annuels dans le réseau français d’enseignement à l’étranger (hors frais de cantine et de transports scolaires). À l’aune de ce tableau, les frais de scolarité extrêmement élevés pratiqués dans le réseau d’enseignement français à l’étranger apparaissent difficilement surmontables pour des militaires ayant plusieurs enfants à scolariser, qui plus est quand ces militaires sont classés au tableau 2 et ne relèvent pas des grades les plus élevés. Afin de réduire les frais de scolarité acquittés par les militaires du rang ou les sous-officiers contraints de scolariser leurs enfants à l’école franco-américaine de Norfolk (EFAN), le ministère des Armées met en œuvre une aide sociale à destination de ces populations. Malgré cette contribution, la facture reste indéniablement trop élevée pour les populations concernées.

 

 

Rochambeau Washington 2024-2025

Jean Monnet Bruxelles 2024-202

EFAN NORFOLK 2023-2024

Alexandre Dumas Naples 2024-2025

Charles de Gaulle Londres 2024-2025

Maternelle

25 915 $

23 187 €

7 730 €

 

 

1 150 € inscription

+ 6 637 € scolarité

= 7 787 €

 

Élémentaire

25 915 $

23 187 

7 730 €

 

4 500 $ par officier

2 700 $ par sous-officier et homme du rang.

Après contribution du MinARM

+659 € CNED

1 150 € incription

+ 6 637 € de scolarité

= 7 787 €

8 000-9 800 £

9 536-11 682 

Collège

26 760 $

23 943 

9 120 €

4 500 $ /par officier

2 700 $ par sous-officier et homme du rang.

Après contribution du MinARM

+714 € CNED

1 150 € inscription

+ 7 512 € de scolarité

= 8 662 €

9 800 -16 800 £

11 682- 20 026 

Lycée

31 330 $

28 032 

10 110 €

4 500 $ / officier

2 700 $/ sous-officiers et hommes du rang.

Après contribution du MinARM

+ 769 € CNED

1 150 € inscription

+ 7 512 € e scolarité

= 8 662 €

9 800 – 16 800 £

11 682 – 20 026 

Parfois, il n’existe pas d’établissement français d’enseignement dans la zone d’affectation, ce qui oblige le militaire à inscrire ses enfants dans le réseau local d’enseignement ou dans des établissements internationaux. Ces deux options ne sont en pratique pas entièrement satisfaisantes : niveau scolaire insuffisant, frais de scolarité parfois exorbitants etc. Bien souvent, ce type d’établissement n’est pas reconnu au retour au France, ce qui contraindra les enfants à passer un examen de langue française à leur retour avant de pouvoir se réinscrire dans le système français.

Parfois, en l’absence d’établissements d’enseignement français, ou face à des frais de scolarité trop importants, les familles font le choix d’inscrire leurs enfants au Centre national d’enseignement à distance (CNED). Ce choix majoritairement subi implique souvent pour le conjoint de renoncer à travailler, ce qui entraîne une perte sèche de revenus pour la famille du militaire.

Si dans une grande variété de cas, les frais de scolarisation stricto sensu sont couverts par la MFE, cette indemnité ne parvient toutefois pas à couvrir l’ensemble des frais dans quelques situations, comme à New York ou à Norfolk.

Par ailleurs, les frais annexes (uniforme, transport scolaire, cantine, sorties scolaires, frais d’examens et certaines matières en option) ne sont pas pris en compte dans le calcul de la MFE. Le montant de ces frais peut parfois s’avérer dissuasif, comme à Abou Dabi (Émirats arabes unis) ou dans les pays anglo-saxons.

La MFE est calculée en multipliant la valeur de l’indice « moyen » majoré 585 par un coefficient fixé par pays ou localité et par tranches d’âge (0-9 ans / 10-15 ans / 16-20 ans). Ces coefficients sont communs avec ceux appliqués aux personnels civils. Ils sont déterminés une fois par an, généralement à la fin du mois d’août, par un arrêté interministériel du ministère des Affaires étrangères et du ministère chargé du Budget. Cette détermination se fait sur la base des frais de scolarité réels appliqués par les établissements d’enseignement primaire et secondaire référencés par un arrêté ministériel ou, dans le cas d’une affectation isolée, réellement fréquentés par les familles de militaires. Dans le cadre d’une localité avec plusieurs établissements référencés, une moyenne est faite entre ces établissements.

Votre rapporteur appelle à une meilleure prise en charge des frais de scolarité dans les établissements français à l’étranger. Il semblerait que les militaires britanniques et néerlandais voient les frais de scolarité à l’étranger de leurs enfants intégralement pris en charge. Plusieurs solutions pourraient être mises en œuvre : augmenter la MFE des militaires affectés dans les zones où la MFE ne couvre pas les frais de scolarité au sens strict, distribuer davantage d’aides MINARM comme l’aide qui semble être distribuée pour l’EFAN, ou augmenter la subvention accordée à l’Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) en contrepartie d’un droit d’accès prioritaire des enfants de militaires français dans ce réseau. Cette dernière solution a la préférence du rapporteur, dans la mesure où elle semble moins susceptible d’induire en elle-même une augmentation par ricochet des frais de scolarité demandés aux familles. En moyenne, dans les établissements en gestion directe et conventionnés par l’AEFE, le financement est assuré à hauteur de 44 % par la contribution de l'État et de 56 % par l'ensemble des frais de scolarité payés par les familles.

Il souhaite également que les enfants de militaires affectés à l’étranger se voient prioritairement attribuer une place au sein des lycées de la Défense quand les militaires en font la demande. En effet, il semblerait qu’un certain nombre de lycées français n’acceptent pas en première et terminale des enfants de militaires ayant effectué leur classe de seconde à l’étranger. Par ailleurs, par crainte d’être pénalisés sur Parcoursup, de nombreux militaires renvoient leurs enfants dans l’hexagone afin qu’ils puissent y suivre la classe de seconde, au risque d’un isolement préjudiciable des enfants. Dans les lycées de l’armée de Terre, les enfants de militaires (active, réserve, retraité, pupille de la nation, orphelin) représentent un contingent minimal fixé à 70 % des places disponibles.

Proposition n° 8 : Augmenter la subvention accordée à l’Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) en contrepartie d’un droit d’accès prioritaire des enfants de militaires français dans ce réseau

Proposition n° 9 : Faire respecter la priorité d’accès aux lycées de la Défense pour les enfants de militaires affectés à l’étranger quand les militaires en font la demande

2.   Emploi des conjoints

Si les freins à l’emploi des conjoints de militaires existent quelle que soit l’affectation du militaire, ces obstacles sont majeurs lors d’une affectation à l’étranger. Il s’explique par plusieurs facteurs :

– les spécificités des législations locales, la maîtrise de la langue, la connaissance du bassin économique ou des usages dans les entreprises ;

– la durée d’affectation des militaires qui ne facilite pas le recrutement des conjoints par des organisations implantées dans les territoires concernés ;

– l’application de mesures de protection de l’emploi local ainsi que des emplois offrant un niveau de rémunération perçu comme insuffisant ;

– les règles de l’indemnisation du chômage (France Travail) hors du territoire national ;

– surtout, les accords bilatéraux (SOFA) déterminent souvent ce que peuvent ou ne peuvent pas faire les détenteurs de passeports diplomatiques dans leur pays de résidence. Le cas échéant, les activités professionnelles d’un conjoint d’attaché de défense par exemple peuvent lui faire perdre sa couverture diplomatique. Pour ces raisons, de nombreux conjoints d’attachés de défense renoncent à exercer toute activité professionnelle. Depuis le 30 mai 2019, un accord bilatéral franco- américain facilite les modalités d’accès à l’emploi des conjoints des personnels civils et militaires de l’OTAN affectés sur le territoire de l’une ou l’autre des parties. Votre rapporteur salue cet accord et appelle la France à négocier de nouveaux accords bilatéraux similaires avec d’autres pays étrangers.

À l’ensemble de ces facteurs, votre rapporteur souhaite rajouter les effets de seuil induits par la perception du supplément familial de solde à l’étranger (SUFE). Le SUFE est attribué aux militaires mariés ou liés par un pacte civil de solidarité depuis plus de deux ans dont le conjoint n’exerce pas d’activité professionnelle, ainsi qu’aux militaires célibataires, veufs, séparés de corps ou divorcés ayant au moins un enfant à charge ouvrant droit aux majorations familiales. Cette indemnité est censée compenser la perte de revenu consécutive à la perte de l’emploi du conjoint. Le calcul du SUFE souffre deux imperfections majeures.

Tout d’abord, le montant du supplément familial est égal à 10 % de l’IRE perçue par le militaire. Ainsi, un militaire classé au tableau 2 des IRE continue de subir les effets du « mauvais positionnement » de son grade dans le « mauvais tableau », puisqu’il percevra un SUFE inférieur à celui qu’il percevrait en étant classé au tableau 1 ou s’il était un personnel civil de la Défense.

Enfin, le SUFE est perçu si le conjoint ne justifie pas d’une rémunération supérieure à l’indice 300 brut (316 majoré). Cet indice 300 a été retenu à une période où l’indice minimum de la fonction publique était à 262. Or, cet indice est à présent inférieur de 50 points à l’indice minimum de la fonction publique (366 majoré).

Cela signifie de facto qu’un militaire dont le conjoint est rémunéré même en deçà du niveau du SMIC perd le bénéfice du SUFE. Le maintien du seuil de non-perception du SUFE à un niveau aussi bas est à la fois dévalorisant et désincitatif pour les conjoints qui souhaiteraient travailler et conserver une source essentielle de revenus au sein du foyer. Il apparaît aujourd’hui urgent de relever ce seuil et d’introduire une dégressivité du SUFE en fonction du montant de la rémunération perçue par le conjoint.

Proposition n° 10 : Relever le seuil de perception du SUFE et introduire une dégressivité du SUFE en fonction du montant de la rémunération perçue par le conjoint

Par ailleurs, il semble nécessaire de développer l’offre de services de Défense Mobilité à destination des conjoints de personnels militaires affectés à l’étranger. Les auditions menées par votre rapporteur ont mis en évidence le manque d’un accompagnement vers l’emploi visant les conjoints, alors que cet accompagnement est en place dans l’hexagone et dans les Outre-mer. Pourtant, le ministère des Armées a indiqué à votre rapporteur que « cet accompagnement est accessible pour les conjoints du personnel muté à l’étranger dans le cadre du développement de l’offre du plan Famille 2, maintenant intégré dans les mesures Fidélisation 360°. » Les services ont indiqué que cet accompagnement s’effectuait principalement dans la perspective du retour en hexagone. Du fait de la dispersion des affectations dans le monde, Défense Mobilité n’a pas d’antenne permanente à l’étranger a contrario des Outre-mer. Toutefois, Défense Mobilité a mis en place plusieurs antennes en France chargées d’accompagner les conjoints selon leur affectation : ainsi, l’antenne de Metz prend en charge le périmètre OTAN, ONU et les missions de défense en Belgique, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas et Suisse. Votre rapporteur appelle le ministère à relayer cette offre auprès de l’ensemble des conjoints et associations de conjoints de militaires.

3.   La prise en charge des frais de santé

L’accès au système de santé local pour les militaires affectés à l’étranger et leurs familles est très variable selon les pays.

Les militaires affectés à l’étranger bénéficient de la couverture « assurance maladie » par la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) et peuvent bénéficier des remboursements des soins à l’étranger dans les mêmes conditions que pour les militaires affectés en France. Leurs familles en bénéficient si elles sont affiliées à la CNMSS.

Deux situations coexistent selon les lieux d’affectation des militaires. Si le militaire est affecté au sein d’une force de présence, il peut bénéficier sur place d’une offre de soins de premier recours offerte par les centres médicaux des armées dépendants du service de santé des armées sur place. Les personnels affectés à Djibouti ont la chance de bénéficier d’un centre médical et chirurgical interarmées (CMCIA). Si les besoins médicaux excèdent ce cadre, et qu’une carence locale est observée dans l’offre de soins, le militaire peut bénéficier d’une évacuation sanitaire. À l’exception des situations d’affections imputables au service, la prise en charge financière relève de l’assurance maladie au titre des soins à l’étranger et le cas échéant des complémentaires santé ou des assurances.

Si le militaire est affecté en poste isolé à l’étranger, la prise en charge médicale repose exclusivement sur le réseau de soins développé par le MEAE et les services de l’ambassade. Il dispose également d’un appui médico-administratif assuré par l’antenne médicale du service de santé des armées à Vincennes mise en œuvre 24 heures/24 et 7J/7 afin d’évaluer la gravité d’une situation médicale et proposer un soutien sous la forme d’avis médical ou de conseil. La prise en charge financière, en dehors des affections imputables au service est réalisée par les organismes locaux de sécurité sociale dans les zones suivantes : Union européenne, Espace économique européen, Suisse et Royaume-Uni. En dehors de ces zones, l’avance de frais par les militaires est systématique et les remboursements sont réalisés par la CNMSS sur la base des tarifs français de sécurité sociale.

Dans certaines zones où le militaire doit avancer ces frais de santé, les prestations santé sont considérablement plus chères que le coût comparé pour l’assuré des mêmes prestations en France. Or, la CNMSS rembourse sur la base des tarifs français de sécurité sociale, ce qui contraint les familles à souscrire une mutuelle au forfait « monde » susceptible d’offrir une couverture maximale en cas d’urgence médicale. Pour autant, en dépit du coût souvent très élevé de ces mutuelles au forfait « monde », ces dernières ne couvrent pas toujours l’intégrité des frais de santé avancés par les militaires.

La barrière de la langue est par ailleurs un facteur supplémentaire complexifiant l’accès aux soins des familles de militaires à l’étranger.

Il convient de préciser que le ministère des Armées a conclu avec certains pays des accords de défense, comportant des réciprocités en termes d’accès ou de gratuité aux soins, pouvant bénéficier aux militaires ou à leurs familles. L’assuré inscrit au régime local peut bénéficier du tiers payant (ex : hospitalisation). La prise en charge des frais de santé s’effectue dans ce cas, au choix de l’assuré, soit par l’organisme local, pour le compte de la CNMSS, soit directement par la CNMSS si l’assuré fait l’avance des frais.

Votre rapporteur a par ailleurs été alerté sur les conséquences inflationnistes pour les militaires affectés à l’étranger de la réforme de la protection sociale complémentaire des militaires qui doit entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2025. Une augmentation moyenne par militaire de 120 euros des tarifs de la mutuelle Unéo est anticipée pour les personnels à l’étranger. Au sein du réseau des missions de défense, 90 % des personnels déclarent anticiper une hausse des coûts de la mutuelle avec l’entrée en vigueur de la réforme.

Cette augmentation concernerait principalement les couples avec enfants qui seraient tous rattachés au contrat collectif de protection sociale complémentaire.

Ainsi, une augmentation de 240 % est annoncée pour une famille de trois enfants affectée en Belgique (de 254 € en 2024 à 613 € par mois en 2025). Pour un couple avec 3 enfants vivant à Londres la cotisation mutuelle passerait de 380 à 655 euros mensuels, déduction faite de la part employeur. Selon les informations remontées à votre rapporteur, seuls les célibataires géographiques et les militaires sans enfants ne verraient pas leur cotisation augmenter significativement. Cette explosion du coût de la mutuelle semble totalement disproportionnée quand bien même la qualité du panier de soins serait considérablement augmentée. Cette hausse déraisonnable des frais de santé pèsera toujours plus sur les militaires classés en bas et en milieu du tableau 2 au risque d’un « effet cocktail » rendant non supportable l’ensemble des coûts induits par une affectation à l’étranger.

Auditionné sur ce sujet, le directeur des ressources humaines du ministère des Armées a précisé que les négociations entre le ministère et les deux assureurs « Harmonie mutuelle » et « Unéo » n’étaient pas encore terminées pour l’application à l’étranger de la réforme de la protection sociale complémentaire. Il a notamment rappelé que seuls les militaires d’active affectés à l’étranger auraient l’obligation d’être affiliés au contrat collectif, leurs ayant-droits gardant la possibilité de souscrire un autre contrat éventuellement mieux-disant. Les remboursements de soins effectués à l’étranger se feront sur la base des frais réels, dans la limite d’un plafond. Certains plafonds annoncés à votre rapporteur semblent très bas au regard du coût de la vie dans certaines zones : ainsi, les consultations chez un médecin spécialiste devraient être remboursées par la complémentaire à 100 % dans la limite de 100 euros par acte.

4.   Le déménagement

Le déménagement à l’étranger peut être également source d’irritants pour les familles des militaires.

Une demande de révision à la hausse du volume maximum de cubage ouvrant droit à remboursement pour les déménagements hors hexagone a été exprimée devant votre rapporteur afin de faire face à des devis souvent supérieurs aux plafonds financiers remboursés. Des frais restent ainsi fréquemment à la charge du militaire.

Par ailleurs, les associations de conjointes de militaires ont émis le souhait de voir pris en charge une plus grande partie des frais de garde-meubles vers un lieu de « repli » lorsque le surplus des bagages ne rentre pas dans le cubage autorisé pour un départ à l’étranger. Selon les exemples portés à la connaissance de votre rapporteur, le coût du gardiennage du mobilier au bénéfice du militaire muté à l’étranger et effectuant un repli sur le territoire hexagonal serait compris entre 3 600 et 7 200 euros par an pour une famille.

5.   La question des congés

Le droit à bénéficier d’un voyage de congé administratif n’est pas mis en œuvre de manière uniforme pour l’ensemble des personnels du ministère affectés à l’étranger.

a.   Une application différenciée du droit au report des congés administratifs selon le lieu d’affectation

Le congé administratif est la situation du militaire qui bénéficie de permissions rémunérées selon le régime de solde à l’étranger. Dans cette position, le militaire continue de percevoir le régime de rémunération correspondant à son affectation à l’étranger, notamment l’indemnité de résidence à l’étranger (IRE). Le congé administratif est attribué soit en cours de séjour, soit à l’issue du séjour sur le lieu d’affectation à l’étranger ou ailleurs. L’indemnité pour frais de représentation est maintenue lorsque le congé est pris en cours d’affectation à l’étranger.

Le nombre annuel de jours de congé administratifs est égal au nombre annuel de jours de permissions auquel le militaire peut prétendre : permissions annuelles, permissions complémentaires planifiées et permissions supplémentaires pour événements familiaux. Ainsi, la durée maximale annuelle du congé administratif est de 60 jours par an, à laquelle peuvent s’ajouter les permissions pour évènements familiaux d’une durée de 3 jours par événement.

Les droits à congés administratifs sont décomptés en jours calendaires (samedi, dimanche et jours fériés inclus). Les droits non utilisés pour raison de service peuvent être reportés sur les années suivantes, dans la limite toutefois de 90 jours pour les militaires affectés dans un pays situé en Europe ou en bordure de la mer Méditerranée. Si le militaire est affecté dans un autre pays (hors Europe), les droits non utilisés peuvent être reportés sur les années suivantes dans la limite de cent trente-cinq jours. Cette application différenciée se justifie par le fait que le reliquat de congés administratifs non pris à l’issue d’une affectation hors Europe est par construction supérieur à celui d’un militaire affecté en Europe. Ce dernier, en raison d’un moindre éloignement géographique, pourra a priori plus facilement prendre des jours de congé administratifs en cours de séjour dans l’hexagone.

b.   Les militaires affectés au tableau 1 n’ont droit qu’à un seul voyage de congé administratif sur trois ans d’affectation

Le voyage de congé administratif implique la prise en charge directe par l’État des frais de transport pour un aller-retour vers la France. Avant 2006, l’ensemble des militaires affectés à l’étranger (tableaux 1 et 2) pouvaient prétendre à un voyage de congé administratif. Cependant, dans la pratique, ils ne pouvaient que très rarement en bénéficier compte tenu des conditions de délais exigées (premier droit à voyage ouvert après 30 mois d’affectation, sous réserve à cette date de disposer d’encore 10 mois d’affectation).

Afin de remédier à cette situation, le décret n° 2006-1642 du 20 décembre 2006 a instauré, au profit des seuls militaires classés au tableau 2, l’indemnité forfaitaire de congés (IFC) en remplacement du droit à voyages de congé administratif. L’IFC permet pour chaque année civile entière passée à l’étranger, une prise en charge forfaitaire des frais de voyage occasionnés par un congé administratif d’une durée au moins égale à dix jours pris en cours de séjour. L’IFC est réévaluée chaque année au vu de l’évolution du coût réel du transport entre le pays d’affectation et la France hexagonale.

Les militaires classés au tableau 1 restent quant à eux soumis au système des voyages de congé administratif, dans une logique d’uniformité de traitement avec le personnel civil diplomatique, aux côtés desquels ces militaires travaillent. Le droit au remboursement des frais occasionnés par ce voyage est ouvert après trente mois de service à l'étranger seulement. Toutefois, la durée minimale de séjour initiale de 30 mois a été abaissée (à 25, 20, 15 ou 10 mois) dans les États où les conditions d’existence sont particulièrement difficiles, sur le même modèle que celui du régime civil ([24]). La liste des pays d’affectation éligibles est fixée par arrêté.

Votre rapporteur salue l’abaissement de la durée minimale de séjour initiale pour les personnels militaires relevant du tableau 1 affectés dans des États aux conditions d’existence difficiles. Toutefois, il déplore que les personnels militaires relevant du tableau 1 sans être affectés dans un État aux conditions d’existence particulièrement difficiles (zone de guerre ou de conflit etc) reviennent moins souvent que les personnels civils de l’ambassade, dont les civils de la défense.

Proposition n° 11 : Au sein des missions de défense, augmenter la fréquence des voyages de congés administratifs des personnels militaires afin de la rapprocher de celle des personnels civils de l’ambassade

c.   Le droit au congé de fin de campagne (CFC) n’est ouvert qu’aux militaires affectés à l’étranger hors Europe

Prévu aux articles L. 4138-5 et R. 4138-27 du code de la défense, le congé de fin de campagne (CFC) est attribué au militaire à l’issue d’un embarquement ou d’un séjour de plus de onze mois consécutifs effectué en dehors des territoires, essentiellement européens, listés par arrêté conjoint du ministre de la Défense et du ministre de l’Intérieur ou dans un département ou une collectivité d’outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie, lorsqu’il était domicilié en France hexagonale avant son départ.

La durée du CFC correspond au reliquat des permissions de longue durée (PLD) statutaires de 45 jours annuels qui n’ont pas pu être prises pour raison de service au cours du séjour ou de l’embarquement. Elle se calcule en jours ouvrés, samedi, dimanche et jours fériés inclus. La durée du CFC ne peut excéder six mois. Les droits à CFC non utilisés directement à l’issue du séjour restent acquis jusqu'à la limite d'âge ou de durée des services du militaire, qui peut demander à les utiliser au cours du reste de sa carrière.

Sauf les cas prévus par instruction du ministre des Armées, le militaire jouit de son CFC sur le territoire où il était domicilié avant son départ, sur celui où se trouve sa nouvelle affectation ou sur celui de son lieu de repli.

6.   L’accompagnement des familles est lacunaire

a.   Une information préalable exhaustive pour les attachés de défense

L’accompagnement et la préparation des familles des militaires sont très variable selon les cadres d’emploi. Les militaires ne bénéficient pas tous du même degré d’information selon leur affectation et le degré de connaissances des familles quant aux conditions réelles de vie sur place est divers.

Lors d’une affectation à l’étranger pour une prise de fonction en mission de défense, la DGRIS convie le militaire à un séminaire obligatoire de longue durée visant la meilleure intégration et préparation possible du militaire à son futur poste (aspects politiques, renseignement, capacitaire, soutien export etc). Un stage s’adressant aux conjoints des attachés de défense est également organisé par la DGRIS. Lors de cette réunion d’information, divers thèmes sont abordés dans leur ensemble sans entrer dans les particularités inhérentes au pays d’accueil, les renseignements étant d’ordre général. Les conjoints sont sensibilisés aux missions d’attaché de défense, aux problématiques relatives à la sécurité, aux ingérences étrangères ainsi qu’au positionnement attendu de la part du conjoint d’un attaché de défense. Les éventuels freins ou interdictions à l’emploi des conjoints dans le pays d’affectation leur sont également signifiés à ce moment.

Le militaire quittant le poste que le nouvel attaché de défense s’apprête à prendre joue néanmoins un rôle majeur dans la transmission à la famille du militaire – parfois d’un logement – mais aussi des informations concrètes sur les conditions de vie sur place.

La nature des informations transmises aux futurs attachés de défense semble exhaustive. Le militaire qui candidate pour une affectation précise en mission de défense est normalement conscient des conditions réelles de vie sur place. Parfois, des militaires renoncent en cours de candidature confronté à une perspective économique coûts/avantages trop défavorable.

b.   Une information plus sporadique dans les autres affectations

Lorsque le militaire est affecté à l’étranger – hors missions de défense –il peut bénéficier d’une journée de formation à l’école militaire de spécialisation de l'outre-mer et de l'étranger (EMSOME). L’EMSOME forme environ 19 000 personnes par an pour les affectations dans les Outre-mer ainsi qu’à l’étranger. Le directeur des personnels de la Marine a précisé que les « journées de formation territoire » (JFT) de l’EMSOME étaient dispensées au premier trimestre de chaque année à Paris, ainsi que, pour les marins, à Brest et à Toulon : le but étant de favoriser l’acquisition des savoir-être et savoir-faire nécessaires à une bonne adaptation au futur environnement. La participation des marins mutés est obligatoire et celle des conjoints est fortement recommandée. Ces JFT sont le cas échéant complétées par des journées de formation spécialisée en fonction du cadre d’emploi du personnel concerné (OTAN, ONU, etc.). En complément, la Marine met également à disposition des marins et de leur famille des informations pratiques et des guides d'accueil relatifs aux départs à l’étranger (Emirat Arabes Unis, Sénégal, Djibouti et Côte d’Ivoire) sur son site Intranet et sur la plateforme « Familles des Armées ». Enfin, à Djibouti, la Marine dispose sur place d’un major conseiller qui est le point de contact naturel pour toutes les questions ayant trait aux conditions des marins au sens large. »

Toutefois, il semblerait que les militaires ne soient pas tous pleinement conscients des conditions de vie sur place. Un témoignage de conjoint de militaire transmis à votre rapporteur s’en fait l’écho : « La journée à l’EMSOME est là pour répondre à ces questions. J’ai eu des échos par d’autres épouses. Je n’ai malheureusement pas pu y assister car mon mari était en OPEX à ce moment-là et je ne pouvais pas laisser mes enfants seuls (…). Je pense qu’on n’insiste pas assez sur le coût de la vie sur place. On ne peut pas acheter « comme en France ». Il faut être prévenu plus clairement je pense. En ce qui nous concerne, nous avons eu suffisamment d’informations car le prédécesseur de mon mari et son épouse ont préparé notre arrivée avec nous et pour nous. »

Il a été précisé à votre rapporteur que tous les militaires pouvaient a priori simuler le montant de leur future indemnité de résidence à l’étranger en ligne via le simulateur Picasso disponible sur le portail Intradef. Toutefois, l’information sur le coût total des frais de scolarité, de logement et de santé n’est pas toujours donnée au militaire de manière parfaitement actualisée pour ce type d’affectations. Des fiches détaillant les conditions de vie dans chaque pays sont mises à jour annuellement par la DGRIS sur son portail intranet.

Au total, l’accompagnement des familles lors de la préparation de la mutation à l’étranger reste très largement perfectible. Ce sujet semble être l’un des angles morts des Plans Famille successifs.

D.   Une disparité des conditions de vie qui limite déjà l’attractivité de certains postes et met certains militaires en situation de vulnérabilité

Le statut général des militaires pose le principe général de disponibilité des militaires en tout temps et en tous lieux. En théorie, ce principe n’est pas subordonné au volontariat des personnels dans le cadre du service à l’étranger, que ce soit dans le cadre d’une affectation ou a fortiori dans celui d’un déploiement à l’étranger.

En pratique néanmoins l’affectation des militaires sur ce type d’emploi est mise en œuvre dans le cadre d’une procédure annuelle de recueil de volontariat. Cette approche entend concilier d’une part, l’intérêt du militaire pour des emplois dont les conditions d’exercice et de rémunération présentent un attrait professionnel et personnel et d’autre part l’intérêt des armées à disposer, sur des postes caractérisés par des contraintes variées, d’un personnel motivé et disponible.

Les auditions conduites par votre rapporteur ont toutes éclairé le fait que l’attractivité de certaines affectations était freinée par les difficultés plus ou moins importantes rencontrées par les familles de militaires. Ces difficultés concernent le plus souvent les conditions de logement ainsi que l’accès à un enseignement scolaire abordable et de qualité. Sont également en cause l’emploi du conjoint (reconnaissance des qualifications, préférence nationale ou interdiction d’exercer), les enjeux de santé et de protection sociale, le parcours administratif local, la garde des enfants. L’ensemble de ces différents sujets sont à relier à la question du pouvoir d’achat et à l’avance de frais en début voire en amont de l’aménagement. Il a notamment été précisé à votre rapporteur que le guide d’accueil pour Norfolk estimait que le besoin initial permettant l’installation d’une famille est de 45 000 $ le premier mois. Pour un poste d’attaché défense au Maroc, il faut compter aux alentours de 25 000  (location, école etc.) avant même d’être arrivé sur zone.

Les difficultés rencontrées au retour peuvent également être un frein. Des travaux sont actuellement menés sous le pilotage de l’EMA afin notamment d’envisager des solutions adaptées à chaque pays, l’objectif étant d’améliorer la vie quotidienne des familles et de mieux accompagner le départ et le retour en France.

Le directeur des personnels de la Marine nationale a précisé que les « affectations à l’étranger restent très attractives pour la population des officiers, quels que soient l’expérience, l’âge et la situation familiale des marins, même si les plus jeunes marins semblent moins désireux d’une affectation à l’étranger. Il est rare que des postes ne soient pas honorés. Néanmoins, certaines destinations recueillent moins de candidatures, lorsque :

• l’intégration sociale des familles est complexe, notamment le travail des conjoints (ex : Koweït) ;

• le coût de la vie est très élevé (ex : Norvège), notamment la scolarité des enfants (ex : Hawaï, Singapour, Northwood au Royaume-Uni) ;

Aucun retour anticipé, autre que pour des raisons médicales ou familiales graves, n’a cependant été opéré ».

Pour la population des non-officiers, le DPM a précisé que « la moindre attractivité est souvent liée aux conditions financières du pays. Par exemple pour l’OTAN, Naples est plus attractif que Northwood, compte tenu des coûts de scolarité et de logement. Toutefois, ces affectations restent basées sur le volontariat et les entretiens de sélection conduits avec la DGRIS permettent de s’assurer que le personnel présélectionné a bien analysé les contraintes de la destination envisagée. Dès l’instant où la structure familiale accepte l’expatriation, les marins cherchent souvent à faire d’autres séjours à l’étranger plus tard dans leur carrière. »

Le directeur des ressources humaines de l’armée de l’air et de l’espace a lui précisé que « des pays étaient généralement moins attractifs. L’Allemagne par exemple, où il existe de nombreux postes OTAN, est moins attractive que les ÉtatsUnis ou les autres États européens. Les pays moins tolérants pour les femmes, les couples non mariés ou homosexuels freinent la mobilité (Émirats arabes unis, Gabon), il en est de même pour certains pays tels que la Norvège où le coût de la vie est très élevé alors qu’il s’y trouve un état-major OTAN. »

Au global, le volontariat pour ces affectations se maintient malgré le fait que l’espérance de gain financier que les militaires estiment nécessaire pour contrebalancer des contraintes accrues soit pour certaines affectations très marginale voire nul. Afin de compenser les sacrifices parfois consentis lors d’une affectation à l’étranger, notamment pour les personnels non-officiers affectés hors ambassade et classés au tableau 2, le mode de gestion RH des militaires gagnerait à valoriser tout particulièrement une affectation à l’étranger dans le déroulement des carrières.

Votre rapporteur souhaite néanmoins alerter sur les conséquences préjudiciables des frais très élevés supportés par des militaires qui ont parfois le sentiment de « devoir payer pour travailler » :

• un vivier de candidats qui s’amenuise pour certaines affectations, au risque de ne pas pourvoir le poste ou de sélectionner une candidature de moindre qualité. Pour certaines affectations comme Hawaï, Washington ou encore la Corée du Sud, dix militaires sont parfois sollicités avant de réussir à pourvoir le poste ;

• face au coût de la vie pour les familles, les candidatures de militaires célibataires ont de facto plus de chances d’aboutir et sont moins dispendieuses pour le ministère, au risque d’une discrimination indirecte pour les militaires avec enfants ;

• le coût de la vie pour les familles pourrait également favoriser sur certaines affectations une situation subie de célibat géographique pour les militaires concernés. Ainsi, dans la Marine nationale, 74 marins affectés à l’étranger sont en situation de célibat géographique sur 441 marins mariés et pacsés ;

• un nombre croissant de retours anticipés en hexagone semblent être constatés par certains gestionnaires comme la DGRIS ;

la paupérisation réelle de certains militaires affectés à l’étranger les place en situation de vulnérabilité. Le cas d’un second maître de la Marine nationale affecté à Londres et obligé de faire de la garde d’enfants le soir afin de pouvoir subvenir à ses charges locatives a été évoqué en audition. Or, de tout temps le manque de ressources économiques constitue l’un des principaux leviers de compromission. Votre rapporteur alerte par conséquent sur la situation de vulnérabilité dans laquelle sont laissés certains personnels militaires français à l’étranger.

III.   Le statut des militaires français dÉployÉs en opÉrations est fragilisÉ par l’indÉfinition latente du rÉgime juridique applicable aux missions opÉrationnelles

Les militaires français peuvent être déployés sous divers statuts, principalement en opérations extérieures (OPEX) ou en missions opérationnelles (MISSOPS). Ces termes, notamment celui d’OPEX, sont presque entrés dans le langage commun, certains militaires présumant d’ailleurs qu’ils partent en OPEX dès lors qu’ils sont projetés à l’étranger sur une courte durée.

Aucun texte ne définit néanmoins précisément la nature d’une OPEX ni celle d’une MISSOPS, cette absence de texte entraînant une confusion préjudiciable à la fois à la condition des militaires et à la bonne information du Parlement.

Concernant la bonne information du Parlement, le cadre constitutionnel est pourtant très clair : « Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention ([25]). ». Le législateur a par ailleurs souhaité préciser le concept « d’intervention à l’étranger ([26] » dans la loi de programmation militaire pour les années 2014-2019. Dans sa volonté de contourner le Parlement, les gouvernements successifs ont multiplié les statuts et la politique du fait accompli, pour ne pas avoir à saisir le Parlement.

Concernant la condition des militaires, le socle de droits associés à une OPEX est bien plus protecteur que celui associé à une MISSOPS.

L’évolution de la conflictualité contemporaine tend à un effacement progressif des engagements expéditionnaires de type « OPEX » au profit d’une augmentation des projections préventives de forces visant à « réassurer » des alliés de type MISSOPS. Pour l’ensemble de ces raisons, votre rapporteur estime par conséquent urgent de clarifier le cadre juridique et budgétaire des missions opérationnelles.

A.   le cadre juridique des projections de forces À l’Étranger n’est pas respecté par le gouvernement, au dÉtriment des droits du Parlement et de la condition des militaires sur place

1.   Le cadre juridique des projections de force à l’étranger est rendu délibérément confus par le Gouvernement

a.   La notion d’OPEX souffre d’un manque de définition légale

Bien que le terme d’OPEX soit devenu presque courant, il n’existe pas aujourd’hui de définition légale ou jurisprudentielle d’une OPEX. Une OPEX s’appréhende aujourd’hui principalement par ses effets, c’est-à-dire par le socle juridique des droits qui lui sont associés.

Interrogé, le ministère des Armées a précisé que la notion d’OPEX s’appréhendait aujourd’hui « par ses effets qui sont précisés à l’article L. 4123-4 du code de la défense. Ceux-ci sont les plus protecteurs dont peuvent bénéficier les soldats et sont directement hérités du régime des opérations de guerre. Pour cette raison, la qualification « d’opération extérieure » est traditionnellement réservée aux projections qui présentent le plus de risques pour les militaires qui y participent. En droit par conséquent une « opération extérieure » est uniquement une opération qui a été qualifiée comme telle par l’acte réglementaire (un arrêté conjoint des ministres de la défense et du budget) prévu à l’article L. 4123-4. »

Les OPEX s’appréhendent également par leur chaîne de qualification.

La Constitution prévoit dans son article 15 que le Président de la République est le chef des armées. En cette qualité, il préside les conseils et les comités supérieurs de la défense nationale, alors même que le Premier ministre est en charge de la défense nationale selon l’article 21 de la Constitution. Les orientations en matière d’OPEX semblent pourtant être en premier lieu prises par le Président de la République puisque le code de la défense dans son article R.*1122 1 précise que « Le conseil de défense et de sécurité nationale définit les orientations en matière […] de conduite des opérations extérieures, de planification des réponses aux crises majeures ». Hors de ces cas, la responsabilité de l’emploi des forces semble relever du ministre des Armées « responsable […] de l’emploi des forces », tandis que l’article R.*3121-1 du même code précise que « le chef d’état-major des armées assiste le ministre dans ses attributions relatives à l’emploi des forces » dans les conditions prévues aux articles D. 3121- 6 et D. 3121-7 du même code. ».

Dans tous les cas, l’article 35 de la Constitution précise encore que la décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger relève du Gouvernement.

D’après le centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations (CICDE) du ministère des Armées, « est appelée opération extérieure (OPEX) toute intervention occasionnelle ou temporaire des forces armées hors du territoire national (TN) résultant d’une décision politique déclinée au niveau militaire par un ordre du CEMA ou du directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) dans un cadre national, multinational ou sous mandat international. Elle couvre une zone géographique délimitée pour une période considérée » ([27]). Le champ géographique des opérations extérieures est précisé dans le cadre d'un arrêté interministériel non publié ([28]).

b.   La notion de mission opérationnelle n’a aucune existence juridique

Le vocable de « mission opérationnelle » est quant à lui une appellation d’usage et non une catégorie juridique. A contrario de la notion d’opération extérieure, la notion de mission opérationnelle n’existe dans aucun texte de droit. Cette « appellation » recouvre en pratique l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires de droit commun ouvrant des droits aux militaires déployés en opération, à l’exception des droits dont le bénéfice est réservé aux militaires engagés en « opération extérieure » au sens de l’article L. 4123-4.

À l’instar de la méthodologie retenue pour les OPEX, le ministère des Armées appréhende donc une MISSOPS par ses effets, qui correspondent aux dispositions de droit commun s’appliquant aux militaires déployés en opération, à l’exception du socle de droits spécifiques aux OPEX. On peut donc simplifier en précisant que sont de facto qualifiés de « MISSOPS » l’ensemble des déploiements opérationnels de militaires à l’étranger n’ayant pas reçu la qualification d’OPEX.

En droit, la MISSOPS se définit donc par la négative. Les MISSOPS seraient donc ce que ne sont pas les OPEX. La qualification juridique d’une projection de forces à l’étranger relève donc d’un choix arbitraire du ministre, au cas par cas, au risque d’une négation du droit des militaires.

La France arme actuellement deux missions opérationnelles sur le flan oriental de l’Europe : des militaires français sont présents en Estonie depuis 2017 et en Roumanie depuis 2022 dans le cadre respectif des missions opérationnelles Lynx et Aigle.

Publié en juillet 2023, le dossier de presse de la mission AIGLE expose les motifs d’intervention de la France en Europe de l’Est : « Avec ce déploiement, la France renforce sa présence et son engagement auprès de ses alliés sur le flanc oriental de l’Europe. Elle démontre ainsi la capacité de réaction de ses armées et réaffirme sa solidarité stratégique envers la Roumanie et les membres de l’Alliance atlantique. Elle assume pour la première fois le rôle de nation-cadre au sein d’une mission de réassurance de l’OTAN, confirmant ainsi son statut d’allié fiable, crédible et solidaire, pleinement impliqué dans les activités opérationnelles de l’OTAN ». La mission opérationnelle Lynx s’inscrit également dans le « renforcement de la présence avancée renforcée de l’OTAN » sur le flan oriental de l’Europe, dans le cadre de la posture « dissuasive et défensive » de l’Alliance atlantique.

L’évolution actuelle de la conflictualité, la croissance des stratégies « hybrides » et la multiplication des « contestations » sous le seuil de l’« affrontement » armé pourraient donner lieu à une multiplication des missions de réassurance à moyen terme. Des missions de réassurance plus nombreuses ou mobilisant un flux croissant de militaires rendent toujours plus nécessaire la clarification du statut juridique associé aux missions opérationnelles.

c.   Le Gouvernement utilise les catégories d’OPEX et MISSOPS pour contourner la notion constitutionnelle d’« interventions à l’étranger », et ainsi s’exonérer du contrôle parlementaire

À l’occasion de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Constituant a souhaité sanctuariser l’information du Parlement par le Gouvernement en cas d’intervention des forces armées à l’étranger.

L’article 35 de la Constitution de la Vème République dispose ainsi : « La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement. Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote. Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement. Il peut demander à l'Assemblée nationale de décider en dernier ressort. Si le Parlement n'est pas en session à l'expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l'ouverture de la session suivante ».

La loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale a précisé le concept constitutionnel d’« intervention » :

« L'intervention, à l'extérieur du territoire national, vise, par la projection de capacités militaires, à protéger les ressortissants français et européens, à défendre les intérêts de la France dans le monde et à honorer nos engagements internationaux et nos responsabilités. Elle s'effectue en recherchant prioritairement un cadre multinational s'appuyant de façon privilégiée sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Elle confère à la sécurité de la France la profondeur stratégique qui lui est indispensable. Elle conforte par là même la crédibilité de la dissuasion ».

Cette définition législative de l’« intervention » est finalement très proche de la description des effets recherchés de la mission Aigle. Au nom de quels obscurs principes le Gouvernement n’a-t-il donc pas assimilé cette mission opérationnelle, comme tant d’autres OPEX avant elle, à la notion constitutionnelle d’ « intervention à l’étranger » ?

Selon le secrétaire général de l’administration (SGA) du ministère des Armées, les notions d’OPEX, de mission opérationnelle et d’« interventions à l’étranger » prévues par l’article 35 de la Constitution ne se recoupent pas, bien que la notion d’OPEX et d’intervention ne « soient évidemment pas sans lien ». Les travaux préparatoires à la révision constitutionnelle de 2008 confortent selon le SGA cette dichotomie. S’il est vrai qu’en pratique la plupart des OPEX au sens de l’article L. 4123-4 du code de la défense ont fait l’objet d’une autorisation parlementaire sur le fondement de l’article 35, le Gouvernement s’est à de nombreuses reprises assis sur le contrôle parlementaire sans recourir à l’article 35 de la Constitution quand bien même certaines opérations avaient été qualifiées d’OPEX. L’envoi de militaires français en Estonie ou en Roumanie n’a par ailleurs nullement fait l’objet d’un débat parlementaire ni recueilli l’accord du Parlement aux fins de prolonger l’intervention des forces françaises quatre mois après l’envoi des premiers soldats.

Pour justifier ce contournement manifeste et délibéré du Parlement, le SGA balaie d’un revers de main la définition de « l’intervention » retenue par le législateur en 2013, préférant s’appuyer sur sa propre exégèse des travaux préparatoires à la révision constitutionnelle de 2008 ainsi que sur les « précédents » - semblant ainsi au passage signifier que pour le ministère des Armées la pratique gouvernementale de contournement du Parlement serait l’expression la plus authentique de l’intention du Constituant de 2008 !

Ainsi, selon le SGA, un faisceau d’indices serait nécessaire pour qualifier une opération d’« intervention à l’étranger » au sens de l’article 35 de la Constitution :

un critère quantitatif : « l’envoi de militaires en corps constitués à des fins opérationnelles » avec des exceptions évoquées lors des débats (opérations spéciales, exercices, forces prépositionnées etc.) ;

un critère politique : « Une opération peut en effet ne concerner que peu d'hommes mais avoir une résonance internationale ou sur notre politique étrangère importante » ;

enfin, l’usage de la force autre que la légitime défense, en d’autres termes l’« intentionnalité de combat », ces trois critères étant cumulatifs.

Aujourd’hui, près de 1 300 militaires français sont déjà déployés dans le cadre d’Aigle et Lynx. La France est Nation-cadre d’un bataillon multinational en Roumanie. Ce contingent significatif de militaires présents sur place et la responsabilité prééminente de la France dans le cadre d’Aigle ne devraient-ils pas déjà suffire à satisfaire le critère quantitatif ?

Le critère politique semble aisément satisfait au vu du soutien moral, matériel et financier continu de la France à l’Ukraine depuis l’invasion à grande échelle par la Russie en février 2022.

Quant à la doctrine d’usage de la force, les soldats français présents en Roumanie ou en Estonie n’y connaissent pas les mêmes conditions de préparation opérationnelle qu’à Mourmelon, contrairement à ce qu’avait initialement affirmé le ministre des Armées à votre rapporteur ([29]). Lorsque le porte-hélicoptères amphibie Dixmude a été déployé en décembre 2023 à El-Arish (Egypte) afin de porter secours aux populations civiles de Gaza, le déploiement a été qualifié de mission opérationnelle. À la même période, des missiles ont frappé des villes égyptiennes situées proches de la frontière israélienne, comme El-Arish ([30]). Votre rapporteur fera utilement remarquer que cette situation n’intervient ordinairement pas à Mourmelon.

En avril 2022, le porte-avions Charles-de-Gaulle a reçu l’ordre de se positionner en mer Ionienne, localisation à partir de laquelle son groupe aérien embarqué a effectué des missions de police du ciel et de renseignement au-dessus de la mer Noire, dans une logique de signalement stratégique et de dissuasion vis-à-vis de la Russie. Selon les témoignages de marins à bord parvenus à votre rapporteur, le niveau de « stress » des militaires fut bien plus élevé qu’à l’ordinaire, les marins ne sachant pas comment ces déploiements allaient être perçus par les forces armées russes.

Aux yeux de votre rapporteur, il va sans dire que le critère de la force est manifestement rempli, dès lors que ces déploiements s’inscrivent dans le cadre de tensions aujourd’hui exacerbées entre l’OTAN et la Russie. Du jour au lendemain, les militaires déployés dans ces missions opérationnelles peuvent être confrontés au feu. Face à ce constat, il est alors opposé à votre rapporteur que la mission opérationnelle serait alors immédiatement requalifiée en OPEX. Si tant est que le Gouvernement estime alors que l’OPEX en question est une intervention extérieure au sens de l’article 35 de la Constitution, le Parlement aurait enfin une chance de pouvoir exercer ses prérogatives constitutionnelles de contrôle des projections de forces armées à l’étranger. Pour autant, quelle serait alors réellement la marge de décision d’un Parlement confronté au dilemme de maintenir des militaires français aux prises avec le feu ou d’abandonner nos alliés face à l’ennemi ? Le Gouvernement forcerait une fois de plus la main du Parlement.

d.   Les missions opérationnelles n’ont donc aucune base légale

Interrogé par votre rapporteur sur la base légale de la mission Aigle, le ministre des Armées a répondu que cette dernière n’était pas une intervention au sens de l’article 35 de la Constitution, puisque le Parlement n’a été ni informé de ce déploiement, ni n’a autorisé son prolongement au-delà de 4 mois. Il ne s’agirait pas non plus d’une OPEX, étant donné qu’aucun arrêté interministériel qualifiant cette mission d’OPEX n’a été pris.

Votre rapporteur en déduit par conséquent que nos troupes sont présentes en Roumanie en dehors de tout cadre constitutionnel et légal, hormis une décision arbitraire du ministre des Armées.

Il s’agit pourtant bel et bien d’une intervention qui a été décidée en violation flagrante de l’article 35 de notre Constitution.

Il n’existe qu’une seule solution démocratique et juridique satisfaisante : considérer le déploiement de soldats français en missions opérationnelles et en OPEX comme entrant dans le champ d’une intervention à l’étranger au sens de l’article 35 de la Constitution. À défaut d’un vote favorable du Parlement pour le maintien de toutes les interventions militaires à l’étranger en cours, celles-ci devraient cesser immédiatement conformément à la Constitution. Votre rapporteur estime donc nécessaire que le Parlement se prononce sur ces interventions afin que la Constitution soit respectée.

2.   La participation à une OPEX entraîne pour les militaires l’application d’un socle de droits bien plus protecteur qu’en MISSOPS

Les militaires engagés en OPEX ou en MISSOPS bénéficient d’un socle de droits communs applicables en toutes circonstances, qu’il s’agisse du service courant ou du service effectué dans le cadre de déploiements opérationnels, notamment à l’étranger.

En cas de déploiement présentant une intensité et/ou une dangerosité particulières, ce régime de base peut être complété par le renforcement ou l’ouverture de certains droits afin de faire bénéficier le militaire d’une protection accrue. Ainsi les militaires engagés dans une MISSOPS ou une OPEX peuvent bénéficier du même droit à la pension militaire d’invalidité ainsi qu’à la réparation complémentaire dite « Brugnot ». Ils percevront l’allocation « réforme » versée par les fonds de prévoyance militaires et aéronautiques à la suite d’une blessure. En cas de décès, le droit au transfert et à la restitution du corps est sensiblement le même », tandis que leurs ayants-cause pourront percevoir un capital décès et une pension de réversion. Ils accéderont sous conditions au dispositif des emplois réservés. Il est également possible d’ouvrir par arrêté interministériel aux militaires engagés en OPEX et en MISSOPS l’attribution du congé du blessé, de la carte du combattant et du titre de reconnaissance de la Nation. Il convient de préciser que la participation à une OPEX donne droit au bénéfice de la carte du combattant pour tout militaire qui en fait la demande, ce qui n’est pas le cas pour les MISSOPS. La carte du combattant donne elle-même accès aux droits suivants : allocation de reconnaissance du combattant, avantages procurés par la qualité de ressortissant de l’office national des anciens combattants et victimes de guerre, titre de reconnaissance de la Nation, port de la croix du combattant, majoration d'une rente mutualiste par l'État, obtention d'une demi-part supplémentaire de quotient familial pour le calcul de l'impôt sur le revenu à partir du 74ème anniversaire et droit au drapeau tricolore sur le cercueil.

Il existe néanmoins quelques droits qui sont irréductibles à la qualification « d’opération extérieure ». Il en va ainsi du bénéfice :

la délégation de solde d’office (DSO). La disparition d'un militaire participant à OPEX peut ouvrir droit, lorsque cette disparition est survenue par le fait ou à l'occasion du service, sauf faute détachable, au versement d'une délégation de solde (DSO) au profit des ayants cause du militaire disparu. La DSO est constituée de la délégation de solde d'office principale (DSOP) qui représente la rémunération perçue par le militaire et la délégation de solde d'office complémentaire (DSOC) qui correspond à un peu plus de la moitié de la DSOP. Sur demande des ayants cause, la DSOP peut être versée pendant les 3 premiers mois suivant la disparition du militaire, la DSOC pouvant être versée, quant à elle, au maximum pendant 3 ans, à compter du 1er jour du mois suivant la cessation du versement de la DSOP. La DSO n’est pas cumulable avec la perception d’une pension de réversion.

la mention « mort pour la France » ;

les secours annuels versés aux ayants cause de militaires reconnus morts pour la France ;

• l’allocation dite « blessure » versée par les fonds de prévoyance militaire et aéronautique ;

• le droit à la sépulture perpétuelle au profit des militaires « morts pour la France » ;

du bénéfice de la « campagne double ». Les bénéfices de campagne sont des bonifications qui s'ajoutent dans le décompte des trimestres liquidés pour le calcul des pensions rémunérant au moins 15 ans de services effectifs ou les pensions liquidées suite à une radiation des cadres pour invalidité. Le bénéfice de la campagne double signifie que pour un mois de campagne, une bonification de deux mois s’ajoute à la durée des services effectifs ;

• d’un renforcement de la présomption d’imputabilité au service en cas de blessure ou de maladie du militaire ;

Par ailleurs, tout militaire envoyé en OPEX bénéficie de l’indemnité de sujétions pour service à l’étranger (ISSE) sans condition de durée minimale de présence sur le théâtre d’opérations. Elle est égale à 1,5 fois la solde de base. L’ISSE n’est pas imposable à l’impôt sur le revenu. Ainsi que le notait le HCECM dans son 5ème rapport thématique précité, la rémunération brute globale perçue par le militaire en OPEX est en de 1,9 à 2,3 fois plus élevée que celle qu’il perçoit habituellement en France hexagonale.

Le socle des droits irréductibles aux OPEX est très avantageux. Le constat d’un déclin des OPEX à la suite des retraits successifs des forces armées françaises au Mali, au Burkina Faso et au Niger a pour corollaire la forte diminution des bonifications et indemnités défiscalisées perçues par les militaires. Cette diminution des OPEX révèle ainsi de manière crue le décrochage indiciaire de la solde brute et le tassement des grilles indiciaires. Sans que votre rapporteur ne déplore nullement la fin de Barkhane, cette remise en lumière du décrochage indiciaire oblige le Gouvernement à une revalorisation conséquente des grilles indiciaires et une amélioration des droits associés aux missions opérationnelles probablement appelées à se multiplier.

3.   L’imprécision du cadre juridique applicable aux missions opérationnelles rejaillit sur le statut incomplet des militaires déployés dans ce cadre

a.   La définition de la couverture indemnitaire et assurantielle des militaires déployés en MISSOPS relève d’une logique arbitraire dommageable à la prévisibilité de leur statut

Le statut des militaires déployés en MISSOPS fait l’objet d’une construction ministérielle au cas par cas selon les théâtres. Aucun statut consolidé des militaires projetés en MISSOPS n’existe puisque la notion de mission opérationnelle n’existe pas en droit.

Le bénéfice de l'indemnité de sujétions pour service à l'étranger (ISSE), a été ouvert par un arrêté de décembre 2021 ([31]) aux militaires impliqués dans les « missions de réassurance dans le cadre du Traité de l’Atlantique Nord ».

Un arrêté interministériel du 6 octobre 2022 ([32]) permet d’accorder aux militaires, ainsi qu’à leurs ayants-cause, servant dans le cadre de l’opération « Opérations en Europe orientale », du 20 février 2022 au 19 février 2024, le bénéfice de la couverture majorée des risques invalidité et décès prévue par l’article L. 4123-4 du code de la défense ([33]). Par extension, cet arrêté attribue, selon certaines dispositions, la mention « Mort pour la France » à un militaire français décédé dans le cadre de cette opération ([34]). Ainsi, certains droits irréductibles aux OPEX ont été étendus rétrospectivement aux militaires servant en MISSOPS, pour une période initiale de deux ans, dans une logique de cas par cas.

Un arrêté interministériel intervenu le 23 mai 2024 ([35]) a prolongé les effets de cette extension de couverture pour une durée de quatre ans à compter du 20 février 2022. La publication de cet arrêté prend donc acte de l’inscription dans le temps long des opérations de réassurance sur le flanc oriental de l’Europe.

Une des principales récriminations des militaires engagés dans les MISSOPS Aigle et Lynx est l’absence de perception d’une bonification pour campagne double. Le ministère des Armées décidera-t-il a posteriori d’accorder ce nouveau droit « OPEX » aux militaires projetés en MISSOPS ?

Votre rapporteur déplore cette construction erratique du statut des militaires français déployés en MISSOPS. Il considère nécessaire l’élaboration consolidée d’un statut pérenne pour les militaires déployés dans ce cadre.

Proposition n° 12 : Élaborer un statut pérenne pour les militaires déployés en missions opérationnelles

b.   Les modalités de reconnaissance de la participation des militaires à des opérations à l’étranger souffrent d’inconstance

Ainsi que le décrit le rapport du HCECM précité : « L’attribution de récompenses et de décorations est un mode de reconnaissance des mérites individuels statutaire et conforme aux traditions militaires ; les personnels y sont très attachés. Il prend naturellement une importance particulière dans le cadre des engagements opérationnels, les distinctions devenant une marque de reconnaissance de la Nation. »

Les actions menées dans le cadre d’OPEX peuvent conduire à l'octroi de décorations ou de récompenses par le ministre des Armées, le chef d'état-major des armées ou les autorités militaires du théâtre d'opérations ayant reçu délégation ainsi que par l’ONaCVG.

Dans le cadre des opérations de réassurance sur le flanc oriental de l’Europe, la mention « mort pour la France » a été accordée par l’arrêté du 6 octobre 2022 précité aux militaires décédés dans le cadre de ces opérations, bien que cette mention soit irréductible au statut OPEX. Votre rapporteur salue cette extension du périmètre de la mention « mort pour la France » aux MISSOPS Aigle et Lynx.

Les militaires ayant effectué au moins 112 jours de présence en OPEX sont éligibles au bénéfice de la carte du combattant. La liste des OPEX ouvrant droit à la carte du combattant est régulièrement mise à jour et disponible sur le site de l’ONaCVG. Dans certaines conditions, ces mêmes militaires sont aussi éligibles au titre de reconnaissance de la Nation (TRN). L’accès à ces distinctions sont des reconnaissances importantes pour les militaires ayant servi en OPEX. Elles offrent des avantages significatifs et incarnent la gratitude de la Nation pour les sacrifices consentis. Votre rapporteur souhaite rappeler que l’accord du bénéfice de ces dispositifs est fondé sur des rédactions ad hoc n’utilisant pas la catégorie juridique OPEX et laissant par conséquent à l’administration toute latitude pour les interpréter. La carte du combattant ou le TRN peuvent ainsi être demandés au titre des « opérations ou missions menées conformément aux obligations et aux engagements internationaux de la France ([36]) ». Votre rapporteur appelle donc de ses vœux une application souple de ces dispositifs au profit des militaires engagés en MISSOPS. En effet, la deuxième demande récurrente des militaires engagés dans les MISSOPS Aigle et Lynx est de pouvoir bénéficier du statut de combattant en OPEX. Une association professionnelle nationale de militaires auditionnée par votre rapporteur a déclaré : « C’est effectivement une demande récurrente des personnels engagés sur cette mission. Cela touche à la reconnaissance et suscite une incompréhension sur le sujet, les personnels ayant du mal à différencier leur engagement en Roumanie de celui sur d’autres théâtres. »

B.   Le non-statut des missions opÉrationnelles fragilise chaque annÉe le budget opÉrationnel des forces armÉes

Comme l’a de nouveau précisé cette année le ministère des Armées dans les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur, « les MISSOPS Lynx et Aigle n’ayant pas la qualification d’OPEX, les surcoûts qu’elles génèrent ne sont pas financés par la provision annuelle OPEX-MISSINT et donc par l’action n° 06 « surcoûts liés aux opérations extérieures » du programme 178. »

Le rapporteur déplore l’ambiguïté entourant la qualification juridique des missions opérationnelles. Leur non-statut fragilise chaque année le budget opérationnel des forces armées et singulièrement celui de l’armée de Terre, principale contributrice à Aigle et Lynx.

Au cours des débats relatifs à la LPM 2024-2030, le ministre des Armées avait annoncé que les « engagements assimilables aux OPEX-MISSINT » tels que les missions de réassurance sur le flanc Est de l’Europe feraient l’objet « d’un traitement spécifique en gestion ». Or, il s’avère que les surcoûts MISSOPS ont été avancés sur les BOP d’armées et des services interarmées de soutien avant de faire l’objet d’une ouverture nette de crédits au titre du collectif budgétaire de fin de gestion. Ainsi, quoique non considérées comme OPEX, les surcoûts des opérations liées au renforcement du flanc Est de l’OTAN ont été principalement financés, au vu de leur ampleur, par la solidarité interministérielle (surcoûts respectifs de 600 et 494 millions d’euros en LFR pour 2022 et 2023).

Le ministère des Armées a communiqué le surcoût prévisionnel des MISSOPS pour 2024, après toutefois plusieurs relances de votre rapporteur et un contrôle sur place au ministère des Armées. Ces difficultés de prévisions et d’information sont regrettables, car elles tendent à renforcer encore le manque de transparence du Gouvernement à l’égard du Parlement sur des engagements opérationnels susceptibles d’affecter significativement les équilibres budgétaires en fin de gestion ; en effet, il ressort des chiffres communiqués à votre rapporteur que les surcoûts MISSOPS devraient s’approcher de 450 M€ en 2024, soit des volumes proches de ceux observés en 2023, où ils avaient atteint 494 M€. Le montant substantiel de ces surcoûts non budgétés dans la programmation budgétaire initiale entache nécessairement le projet de loi de finances initiale d’insincérité. L’absence de vote initial du Parlement sur une provision pour financer en interministériel les surcoûts MISSOPS rend quasiment inexistant le contrôle parlementaire sur le financement de ces déploiements opérationnels pourtant amenés à monter en puissance.

Ainsi, en l’absence de base légale spécifique, rien n’oblige le Gouvernement à prévoir un financement interministériel des surcoûts des MISSOPS. Dans le contexte budgétaire très contraint que ne cesse de décrire le Gouvernement actuel, la possibilité pour le Gouvernement de ne pas recourir à la solidarité interministérielle en fin de gestion pour absorber les surcoûts MISSOPS est plus que jamais probable. Puisque les MISSOPS ne sont pas des OPEX, l’article 5 de la LPM 24-30 ne contraint pas le Gouvernement à financer en interministériel ces surcoûts.

Votre rapporteur souhaite ici rappeler son attachement au financement interministériel des interventions à l’étranger votées dans le cadre de l’article 35 de la Constitution.

Force est de constater que les décisions récurrentes du Gouvernement d’enfreindre l’article 35 de la Constitution rendent illégitime le financement interministériel des surcoûts MISSOPS. En effet, la représentation nationale n’ayant pas autorisé ces missions opérationnelles, rien ne l’oblige à décider d’une prise en charge interministérielle de ces mêmes surcoûts. En refusant de faire rentrer dans le champ d’application de l’article 35 les OPEX et MISSOPS, le Gouvernement est donc ainsi responsable de l’éventuel financement sur les budgets opérationnels des armées de ces surcoûts et de la non-réalisation de la LPM « à l’euro près ».

Ainsi, votre rapporteur réitère les propositions avancées dans son précédent avis sur le PLF 2024 :

il serait opportun que les surcoûts des missions opérationnelles apparaissent comme tels dans les documents budgétaires ;

– l’option la plus rationnelle et démocratique serait de qualifier juridiquement les MISSOPS du flanc oriental de l’Europe d’« OPEX » entrant dans le champ d’application de l’article 35 de la Constitution. À l’unique condition que ces interventions à l’étranger aient été autorisées par le Parlement, la conséquence immédiate de ces autorisations serait la garantie d’un financement interministériel des surcoûts ainsi qu’une sanctuarisation des BOP d’armées.

C.   La nÉcessitÉ de clarifier le cadre juridique applicable aux MISSOPS

À l’aune de l’ensemble des éléments précédemment exposés, votre rapporteur estime nécessaire d’entreprendre une clarification du cadre juridique applicable aux missions opérationnelles. Cette clarification doit avoir des conséquences à la fois budgétaires, statuaires et démocratiques en intégrant l’ensemble des OPEX et des MISSOPS dans le champ du contrôle parlementaire de l’article 35 de la Constitution.

Lors de son audition par la commission de la défense le 19 octobre 2023, le ministre des Armées avait répondu à votre rapporteur qu’il était nécessaire de clarifier la distinction entre mission opérationnelle et OPEX. Dans cette continuité, le ministre a indiqué « avoir demandé à l’EMA de me faire des propositions pour clarifier les choses sur le sujet ([37]) (…) considérant que nous sortons désormais de cette période d’urgence de traitement de ce dossier post-réassurance du flanc oriental. De fait, nous devrons nécessairement mieux clarifier les choses. »

Lors de son audition par votre rapporteur, le secrétaire général pour l’administration (SGA) a précisé qu’un « travail de recensement était en cours sur l’opportunité de systématiser la typologie des engagements extérieurs, voire de faire évoluer celle-ci dans un contexte où la présence française à l’étranger et ses modalités d’intervention est profondément renouvelée. » Contrairement à ce qu’il lui a été indiqué par le ministère des Armées, l’enjeu n’est pas uniquement sémantique puisque le socle des droits inhérents aux OPEX est bien plus avantageux que celui associé aux MISSOPS. Néanmoins, un certain nombre de droits accordés aux militaires en OPEX ont été étendus aux militaires engagés en MISSOPS (couverture majorée des risques invalidité et décès et bénéfice de l’ISSE).

Lors de son audition du 19 octobre 2023, le ministre des Armées avait précisé que la qualification d’OPEX devait être réservée aux opérations pour lesquelles les forces « combattaient ». Or, cette nécessaire présence de « combats » pour conditionner la qualification d’une opération en OPEX ne vaut pas pour l’ensemble des OPEX. Le ministre des Armées avait précisé : « avoir d’ailleurs en tête quelques cas qui m’ont dérangé dans la structure des missions. C’est typiquement le cas sur le continent africain. Au Gabon et au Sénégal, nous sommes sur un régime Opex pour des forces qui ne combattent pas et qui ne s’occupent que de formation ([38]). (…) Pour être plus direct, que fait un cavalier à Cincu si ce n’est s’entraîner avec son char Leclerc comme il l’aurait fait à Mourmelon ? Quoi qu’il en soit, la présence ou l’absence de combat est un élément qui doit nous amener à mieux différencier les choses ».

Lors de son audition par la commission de la Défense nationale et des forces armées le 14 octobre dernier, le ministre des Armées a de nouveau reconnu l’existence d’un « sujet de lisibilité » avant d’esquisser à grands traits les contours d’une redéfinition juridique du cadre OPEX/MISSOPS. Cette redéfinition a pour elle le double mérite de reconnaître in fine l’absence préjudiciable aux militaires de statut des MISSOPS et de faire progresser la réflexion en la matière.

Elle ne semble néanmoins pas résoudre l’ambiguïté entourant le statut des opérations. Trois niveaux d’engagements ont été suggérés par le ministre :

Un premier niveau « OPEX relevant de l’article 35 de la Constitution », qui désignerait les opérations à l’étranger s’inscrivant dans une conception très élargie de la légitime défense, où l’article 35 trouverait à s’appliquer. Le ministre a notamment précisé que cette configuration aurait été rencontrée si « le Président de la République avait décidé de se joindre aux Anglo-Saxons en mer Rouge pour frapper le Yémen » ;

Un second niveau « OPEX hors article 35 », qui renverrait aux engagements à l’étranger au cours desquels les militaires seraient amenés à faire usage de la force en cas de légitime défense. Pour justifier l’exclusion de ces opérations du champ d’application de l’article 35 de la Constitution, le ministre a évoqué les travaux préparatoires à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, sans toutefois éclairer votre rapporteur sur la méthodologie employée par le ministère des Armées pour faire l’exégèse de l’intention du Constituant de 2008. Votre rapporteur souligne toutefois que la lettre de la Constitution est moins subtile que le ministre en ne conditionnant l’application de l’article 35 à aucune gradation dans l’exercice de la légitime défense par les forces déployées en « intervention » à l’étranger. Le Constituant de 2008 est resté sobre dans son verbe afin de donner toute latitude au Gouvernement pour solliciter le Parlement dès lors qu’une intervention des forces à l’étranger est décidée ;

Un troisième niveau « MISSOPS » auquel correspondraient les engagements à l’étranger au cours desquels les militaires ne seraient pas dans un « engagement avéré de la force ». Cette dernière catégorie aurait notamment vocation à intégrer les opérations Lynx et Aigle. Votre rapporteur souligne toutefois que la distinction entre le second et le troisième niveau selon le critère de l’engagement de la force est inopérante, sauf à imaginer que les forces françaises déployées sur le flanc oriental de l’Europe n’aient pas le droit de faire usage de la force si elles étaient agressées et ainsi placées en situation de légitime défense. Le ministre a ainsi observé au sujet de la Roumanie lors de son audition que « nous avons un peu de temps avant que les chars russes n’entrent, étant donné leur rythme de progression en Ukraine. » Si la réassurance de notre allié roumain est inutile en l’absence de risque d’invasion par la Russie, pourquoi alors y envoyer des troupes ?

Le travail de clarification entrepris par le ministre est bienvenu. Les réponses pour le moment dessinées devant la représentation nationale ne sont pas satisfaisantes. Votre rapporteur prend au mot l’appel du ministre à co-construire ce nouveau cadre et espère que le fruit des réflexions développées dans ce nouveau rapport y sera entendu.


   Travaux de la commission

I.   Auditions devant la commission

1.   Audition de Sébastien Lecornu, ministre des Armées

La commission a entendu Sébastien Lecornu, ministre des Armées, sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324), au cours de sa réunion du lundi 14 octobre 2024.

M. le président Jean-Michel Jacques. Monsieur le ministre, je vous adresse des félicitations que je sais quasi unanimes dans cette commission pour votre reconduction à l’hôtel de Brienne. Au cours de la législature précédente, vous avez su établir avec les commissaires de la défense un dialogue à la fois franc et constructif, en acceptant la discussion, parfois la confrontation, mais aussi, assez souvent, les propositions des uns ou des autres, quelle que soit leur sensibilité. Ainsi, sur les 721 amendements discutés en commission sur la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, 229 ont été adoptés. Poursuivons dans cet esprit.

Vous nous présentez aujourd’hui la mission Défense du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, dont les crédits budgétaires s’élèvent à 50,5 milliards d’euros, soit 3,3 milliards de plus que dans la loi de finances initiale pour 2024, conformément à la trajectoire fixée à l’article 4 de la loi de programmation militaire. Le respect de cette dernière marque un choix lucide et responsable, dans un contexte géostratégique trouble où nos compétiteurs se réarment. Ces crédits sont importants, mais ils représentent le juste nécessaire. Nous veillerons à l’optimisation de chaque euro pour être à la hauteur des enjeux et faire face aux menaces.

Cette nécessité de faire face, vous l’exprimez clairement dans le livre que vous venez de publier, dont le titre, Vers la guerre ?, comme le sous-titre, « La France face au réarmement du monde », sont très explicites. Vous y évoquez l’un de vos illustres prédécesseurs, Pierre Messmer, dont la commission vient de publier le portrait sur les réseaux sociaux dans le cadre d’une série d’hommages aux députés ayant participé à la Libération.

S’agissant du PLF, deux questions me préoccupent. D’abord, l’effort national de soutien à l’Ukraine devait être financé en dehors des crédits de la mission Défense. Qu’en est-il finalement ? Par ailleurs, le marché du supercalculateur d’intelligence artificielle du ministère des Armées serait en passe d’être remporté par le duo formé par Hewlett-Packard et Orange, plutôt que par Atos, alors que l’État souhaite acquérir les actifs stratégiques de cette entreprise. Le choix d’une offre majoritairement américaine ne porterait-il pas une atteinte inquiétante à notre souveraineté ?

M. Sébastien Lecornu, ministre des Armées et des anciens combattants. Vous pouvez compter sur ma disponibilité pour poursuivre le travail commun engagé sous la précédente législature. Peu de ministères ont en miroir une commission permanente dédiée à leur champ d’action. C’est une force utile autant au travail que nous devons accomplir qu’au contrôle que vous devez exercer.

En 2017, nous avons ouvert une route qui doit mener au doublement du budget de la mission Défense. Celui-ci est passé de 32 milliards en 2017 à 41 milliards en 2022, lorsque j’ai pris mes fonctions. Les 50,5 milliards inscrits dans le présent PLF constituent une marche importante, avec un accroissement de 3,3 milliards par rapport à 2024, soit une hausse du budget annuel de plus de 18 milliards par rapport à 2017, lors de l’élection du Président de la République, et de presque 10 milliards depuis mon arrivée au ministère.

L’effort est colossal. Certains, à l'extérieur de cette commission, s’étonneront peut-être que les crédits militaires ne participent pas à l’effort de redressement des finances publiques mené par le Gouvernement. C’est que la programmation militaire obéit à des menaces extérieures qui touchent à nos intérêts vitaux. En outre, ses crédits ont déjà fait l’objet de coupes drastiques ces vingt ou trente dernières années. Rappelons-nous les décisions prises dans les années 1990, après la fin du pacte de Varsovie, et la logique des « dividendes de la paix », menée un peu trop loin dans les années 2000 : leurs effets sur nos capacités militaires ont été durables ; l’effort de réparation doit l’être tout autant.

Au sein de l’armée de Terre, un régiment sur deux a disparu depuis le début des années 1990. En vingt ans, alors que la richesse nationale augmentait de 50 % et les dépenses militaires mondiales de 18 %, les dépenses militaires nationales ont diminué de 17 % ; 54 000 postes ont été supprimés ; onze bases aériennes ont fermé. Alors que, dans les années 1980, la Marine nationale comptait 311 000 tonnes d’acier à la mer, elle n’en avait plus que 287 000 en 2019, pour la même surface de zone économique exclusive. Bref, les coupes ont déjà eu lieu ! On en connaît les effets sur les capacités militaires et de soutien – le service de santé des armées est à cet égard symptomatique – ainsi que sur la base industrielle et technologique de défense (BITD).

Ce PLF, en application de la loi de programmation militaire, est adossé à notre architecture de défense contre les différentes menaces.

Nous poursuivons d’abord une importante modernisation capacitaire de la dissuasion nucléaire, comme c’est nécessaire tous les vingt ans. S’il n’est pas facile de rendre compte précisément du budget de l’agrégat nucléaire, puisqu’une partie des informations est classifiée, celui-ci augmente de 8 %, c’est-à-dire de 508 millions d’euros, par rapport à 2024. Il faut en effet rénover toute la trame des missiles de la composante océanique, avec le missile M51 dans ses différents incréments. La direction des applications militaires mène une rénovation des têtes nucléaires. Nous finançons en outre le saut générationnel des forces aériennes stratégiques, qui seront dotées du missile ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré) rénové, ainsi que l’aventure du missile hypervéloce ASN4G (air-sol nucléaire de quatrième génération), qui équipera nos forces dès les années 2030. Les premiers travaux ont commencé sur le sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération. Mentionnons également la modernisation du Rafale, avec les standards F4 et F5. Même si cela n’a pas fait consensus sur ces bancs, l’agrégat nucléaire tient un rôle important dans notre voûte de défense, aux termes de la loi de programmation militaire. L’importance des crédits de paiement (CP) qui lui sont alloués en 2025 le reflète.

Il convient ensuite bien sûr de moderniser notre capacité expéditionnaire, comme l’importante mobilisation actuelle des forces en illustre la nécessité. Les jalons prévus pour l’armée de Terre sont la capacité de déployer deux brigades et un état-major de division en 2027 ; et la capacité de projeter seule l’équivalent d’un corps d’armée, ou du moins de fournir l’architecture nécessaire à la projection d’une telle force avec d’autres pays, membres ou non de l’Otan, en 2030. Pour y parvenir, les CP des grands programmes d’armement hors dissuasion nucléaire atteindront 10,6 milliards en 2025, soit une hausse de 16 % par rapport à 2024. Cela représente une augmentation de 1,4 milliard d’euros.

Voilà qui répond aux questions que vous posiez il y a deux ans sur les carnets de commandes de la BITD. Celle-ci livrera à l’armée de Terre 308 véhicules Scorpion, 21 chars Leclerc rénovés – nous entrons dans leur période de rénovation à mi-vie – ainsi que des équipements individuels, tels que 8 000 fusils HK416, dans le format de l’armée de Terre. La bascule vers le tout-Rafale se poursuit, avec quatorze Rafale livrés l’an prochain, ainsi qu’un A400M et une frégate de défense et d’intervention. Bref, les mesures votées ces dernières années commencent à se traduire par des livraisons, comme vous pouvez le constater dans les bassins de nos bases navales, sur le tarmac de nos bases aériennes et dans les régiments de l’armée de Terre. La mutation capacitaire est perceptible.

Les forces spéciales font également l’objet d’un travail de modernisation important. Près de 400 millions seront destinés directement aux forces spéciales du commandement des opérations spéciales (COS), un état-major qui regroupe les trois armées.

En 2025, des commandes importantes seront passées auprès de la BITD : douze systèmes de drones tactiques légers pour l’armée de Terre ; le fameux porte-avions de nouvelle génération – le programme à effet majeur débute ; une frégate de défense et d’intervention ; une infrastructure complète pour le sixième escadron de Rafale, ainsi que de nombreuses munitions complexes et des stations de communication. Vous trouverez l'ensemble des commandes dans les bleus budgétaires.

Les munitions sont un des éléments importants de ce budget, car nous avons un besoin évident de renforcement des stocks. En lien avec le délégué général pour l’armement (DGA), le chef d’état-major des armées (Cema) et les trois armées, je vous propose des crédits de 1,9 milliard pour des commandes de munitions complexes ou non, en hausse de 400 millions, soit 27 %, par rapport à 2024. L’achat de Meteor (missiles air-air à longue portée), de torpilles lourdes, de Mistral (missiles sol-air de courte portée), d’Aster, de Scalp (systèmes de croisière conventionnels autonomes à longue portée) ou d’Exocet nous permettra d’atteindre les cibles capacitaires correspondant aux contrats opérationnels annexés à la LPM.

Pour pouvoir déployer des corps expéditionnaires, nous devrons également réparer les soutiens et les infrastructures, Quelque 2,4 milliards seront consacrés à ces dernières, soit une hausse de 260 millions, ou 12 %. Ils iront au logement et à l’hébergement des familles, mais aussi à des infrastructures opérationnelles telles que des pistes de base aérienne et des bâtiments nécessaires à la « scorpionisation » des forces. Ils financeront également les travaux de modernisation de l’île Longue et ceux de la base navale de Toulon, dont le Var bénéficiera durant plusieurs années.

Le budget alloué aux soutiens poursuit sa hausse, à 2,9 milliards, soit 60 millions supplémentaires. Nous portons une attention particulière au commissariat des armées et au service de santé des armées.

Venons-en aux à notre stratégie face aux schémas de contournement de la dissuasion par le bas, notamment l’hybridité et les nouveaux champs de conflictualité. Hélas, depuis l'examen de la loi de programmation, il y a deux ans, la militarisation de l’espace s’est confirmée, au mépris du droit international. Les grandes puissances continuent, de manière plus ou moins secrète, à remettre en cause des éléments de sécurité qui avaient été préservés même pendant la guerre froide, grâce notamment aux traités signés entre l’URSS et les États-Unis dans les années 1960.

Notre effort en la matière sera donc accentué l’année prochaine, avec une hausse pour les programmes à effet majeur consacrés aux satellites de 15 %, soit 700 millions d’euros, ainsi que pour les études spatiales. Le premier succès d’Ariane 6 permet par ailleurs de définir un calendrier pour le lancement tant attendu de CSO 3 – la composante spatiale optique. Sur le plan capacitaire, l’effort global en matière spatiale sera en tout de 870 millions pour l’an prochain.

Le renseignement fera l’objet d’une transformation majeure. Je serai heureux de rendre compte de la transformation de la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure) devant la délégation parlementaire au renseignement, sous un format classifié. Le budget du renseignement atteindra 600 millions – contre 584 en 2024 –, dont 480 millions pour la seule DGSE, soit une hausse de 13 % de son budget. Ces hausses importantes s’expliquent tant par la lutte antiterroriste que par le retour de la compétition entre grandes puissances – qui affecte également le cyber, d’ailleurs.

L’enveloppe du cyber s’élèvera à 300 millions. Le patch global pour l’innovation que vous avez voté dans la LPM se traduira en 2025 par des crédits de 1,2 milliard, avec deux priorités : la maîtrise des fonds marins, objet par excellence de menaces hybrides, et les armes à énergie dirigée, afin de tenir le rythme face aux progrès de nos compétiteurs.

En matière de drones et plus globalement de robots, plutôt que de chercher à rattraper notre retard, nous visons le saut technologique avec un financement de 450 millions, en augmentation de 12,5 %. Demain, la direction générale de l’armement lancera les premiers tests d’une gamme de drones suicides, ou MTO (munitions télé opérées), qui pourront servir en Ukraine. Notons également, dans le domaine de la défense sol-air, la réussite des tests du nouveau missile Aster B1NT (Block 1 nouvelle technologie), dans le cadre du Samp-(T) NG (système sol-air de moyenne portée terrestre de nouvelle génération), programmé dans la LPM. Nous maintenons la pression sur Thales et MBDA, car la défense du ciel de l’Europe est cruciale. Nous montrerons aux pays qui cherchent à acheter des missiles Patriot américains que le Samp-(T) nouvelle génération, projet mené en partenariat avec l’Italie, est plus performant technologiquement. L’effort qui lui est consacré est important puisque les crédits passeront de 250 millions en 2024 à 500 millions en 2025.

Comme chaque année, l’ajustement annuel de la programmation militaire nous a permis de prendre en compte les retards, mais aussi les priorités des chefs d’état-major, qui sont les ordonnateurs secondaires ou délégués des dépenses. Je vous invite à les interroger sur ce point.

L’un des ajustements les plus importants concerne la fidélisation, question à laquelle vous êtes sensibles. Il est apparu qu’il fallait aller plus que loin que l’évolution de la grille indiciaire et la nouvelle politique de rémunération des militaires prévues dans la LPM. Ce sujet avait fait l’objet de débats légitimes, au vu de la sous-exécution des cibles d’emploi des deux dernières années. Nous parvenions à recruter, mais pas à fidéliser les militaires, ni même parfois les civils du ministère. Je suis heureux de vous annoncer qu’en 2024, à la suite des annonces du Plan Fidélisation 360, nous sommes en passe d’atteindre le schéma d’emploi de 456 ETP (équivalent temps plein) de la programmation militaire. Notons surtout que 1 500 départs d’officiers ou de sous-officiers anticipés par le ministère n’ont pas eu lieu. Ainsi, la stratégie de fidélisation commence à produire ses effets, grâce à nos décisions et à la mobilisation des équipes du ministère – le secrétariat général pour l’administration notamment, qui a fait un travail formidable.

En 2025, nous poursuivrons le travail de revalorisation des grilles indiciaires pour les officiers et les différentes filières de spécialité – cyber, service de santé des armées –, de la grille indemnitaire pour les civils et des filières liées au renseignement, pour 265 millions. La hausse du budget était de 89 millions cette année ; elle sera de 50 millions en 2025.

Les crédits alloués au plan « famille » et à l’action sociale augmenteront de 16 millions ; 6 millions d’euros contribueront à la création de 600 places en crèche pour les enfants des militaires ou des personnels civils du ministère. Nous allouerons en outre 52 millions pour permettre de tenir le rythme de 760 rénovations de logement et de 620 créations de logement en 2025, alors que l’espace foncier est contraint – de nombreux agents sont affectés en région parisienne ou dans d’autres territoires où la pression foncière est forte.

Nous projetons d’augmenter de 700 le nombre d’ETP en 2025, dont 194 pour l’intelligence artificielle et le numérique ; 119 pour les soutiens ; 170 pour le renseignement et le cyber, c’est-à-dire la DGSE ; et 60 pour la dissuasion, puisque la direction des applications militaires du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) avait été largement affectée par la révision générale des politiques publiques et que des besoins en personnel se faisaient sentir, y compris pour certains programmes en lien avec la partie civile du CEA.

Pour atteindre l’objectif de 3 800 réservistes supplémentaires fixé dans la LPM, l’enveloppe fléchée vers les réserves s’accroît de 26 millions. Le rythme de progression de ces derniers mois était bon ; il faudra poursuivre.

Autre point faisant l’objet d’une adaptation : l’intelligence artificielle (IA). Alors que, dans les années 1990, le développement d’internet par exemple n’avait eu qu’un impact indirect sur le monde militaire, les sauts capacitaires qu’accomplit l’IA dans le domaine civil s’imposent aux militaires – et il en est allé de même avec les drones civils. Il fallait donc adapter la LPM, qui couvre peu ces questions. Le budget fléché vers l’intelligence artificielle s'élèvera à 300 millions d’euros en 2025, soit 200 millions de plus qu’en 2024. Ce n’est pas qu’une affaire de supercalculateur. L’Amiad (Agence ministérielle pour l’IA de défense) accueillera son centième expert avant Noël ; ils devraient être entre 180 et 200 à la fin de l’année 2025.

Je terminerai avec quelques points relatifs à la construction de l’ensemble.

Un sujet cher à M. Lachaud est l’ambiguïté du découpage entre Opex (opérations extérieures), Missint (missions intérieures) et Missops (missions opérationnelles). C’est vrai, avec le temps, ces définitions se sont complexifiées et quelque chose s’est désaxé.

Le terme d’Opex a plusieurs implications. La première est budgétaire : des provisions sont prévues dans la programmation militaire pour les cas où il est nécessaire d’engager vite des forces. Si elles s’avèrent insuffisantes, c’est la solidarité interministérielle qui joue. Ce principe doit être défendu, car la sécurité du pays prime sur tout et qu’il faut pouvoir faire face aux urgences, mais il ne faut pas perdre de vue que cela revient en définitive à puiser dans d’autres budgets en dehors du seul ministère des Armées, par exemple la dotation globale de fonctionnement des communes ou dans le budget des hôpitaux et des écoles. Il faut donc maintenir une approche particulièrement rigoureuse du financement des Opex.

Deuxièmement, et cela compte pour vous, le statut constitutionnel des missions. En clair, celui de l’article 35 de la Constitution.

La troisième implication, qui prévaut largement dans l’importance que l’état-major des armées leur accorde, est que la qualification d’Opex ouvre un statut protecteur des forces. Aussi, en cas de décès, elle permet l’attribution de la mention « mort pour la France » et elle ouvre des droits spécifiques aux ayants droit. Elle a également un effet disciplinaire et un impact sur l’attribution des décorations et des primes.

Comme je vous l’avais promis, j’ai commencé le travail visant à aligner ces différentes acceptions. J’ai demandé à l’EMA, au contrôle général et au secrétaire général pour l’administration de formaliser un rapport sur ce point. Il vous sera présenté pendant cet exercice budgétaire. Il y a déjà des pistes pour clarifier tout cela, mais je veux travailler avec vous à l’architecture d’ensemble. Il faudra élaborer des catégories intelligibles – n’importe lequel de nos concitoyens doit pouvoir comprendre le statut des forces dans les différentes missions.

Concernant notre aide à l’Ukraine, depuis plus de deux ans, je veille à ce que celle-ci n’affecte pas la programmation physique, conformément à la LPM. Mentionnons que cette aide, contrairement à celle de la plupart des pays européens, ne bénéficie pas à l’industrie américaine, mais directement à notre propre industrie de défense.

Les chiffres pour 2024 ne sont pas encore consolidés. En effet, des programmes sont encore en cours de déploiement, comme celui de formation d’une brigade de l’armée ukrainienne dans l’est de la France. En outre, la date de cession des Mirage à l’Ukraine n’est pas arrêtée. Enfin, les effets de l’aide sur les autorisations d’engagement et sur les crédits de paiement sont décalés dans le temps.

De 1,7 milliard en 2022, l’aide à l’Ukraine est passée à 2,1 milliards en 2023, et il était arrêté politiquement début 2024 qu’elle pourrait atteindre les 3 milliards. Dans les faits, nous serons au-dessus de 2 milliards mais en deçà de 3 – du moins est-ce l’ordre de grandeur prévisible au moment où je vous parle. Tout dépendra de la manière dont l’agrégat se construira avec les Mirage et la brigade.

Une grande partie de l’aide à l’Ukraine repose sur les équipements anciens que nous retirons du format des armées grâce à la LPM. Nous « scorpionisons » l’armée de Terre, ce qui nous conduit à retirer des AMX-10 RC et des véhicules de l’avant blindés (VAB). Nous assurons toutefois un maintien en condition opérationnelle (MCO) élevé, ce qui nous permet de mener l’opération « brigade » puisque les formations ont lieu sur le territoire national et sur du matériel français. Grâce à la LPM, le Griffon, le Jaguar, le Serval arrivent. S’il n’y avait pas eu la guerre en Ukraine, nous aurions tout de même retiré les AMX-10 RC et les VAB, et les aurions soit détruits, soit donnés à d’autres partenaires. La sortie des matériels du format de l’armée de Terre, dont l’Ukraine bénéficiera directement, représentait un effort de 177 millions pour 2023, mais de 533 millions pour 2024 et, compte tenu de l’effet de levier lié à la marche franchie avec le présent PLF, de près de 700 millions pour 2025.

Le fonds de soutien français à l’Ukraine, qui a bénéficié, à la suite de votre vote, de deux abondements budgétaires de 200 millions, a joué un rôle d’amorçage en permettant au ministère de la défense ukrainien d’acheter des armes directement auprès de la France – au cours des dernières semaines, l’armée ukrainienne a ainsi acquis 12 canons Caesar auprès de KNDS France.

Par ailleurs, nous avions construit la LPM dans un environnement inflationniste très dégradé. Le ralentissement de l’inflation nous offre aujourd’hui des marges de manœuvre colossales, de l’ordre de 400 à 600 millions pour 2024. En effet, les Premiers ministres successifs ont décidé que le ministère des Armées conserverait le bénéfice de ces gains d’inflation et que ces derniers seraient fléchés vers l’accompagnement de l’Ukraine – donc, encore une fois, vers des commandes à nos industriels. À titre d’exemple, cela nous permettra de faire rénover des missiles complexes Aster ou Scalp par MBDA.

Nouveauté, et non des moindres : grâce à l’action de nos diplomates à Bruxelles, nous pouvons utiliser les revenus tirés des avoirs gelés russes, soit près de 300 millions en 2024, pour fournir à l’Ukraine des munitions, en particulier des obus de 155 millimètres, des canons Caesar ou encore du carburant, qui sont sortis du format des armées. Ce processus se poursuivra, mais je ne dispose pas encore des chiffres pour 2025.

J’avais obtenu l’ouverture de 1 milliard de crédits en gestion en 2022 et de 600 millions en 2023, sommes qui, évidemment, ne concernaient pas uniquement l’Ukraine. J’aurai un débat en gestion avec le ministre du budget et le Premier ministre en fin d’année, mais la priorité, jusqu’à maintenant, portait bien entendu sur la construction du PLF 2025.

Enfin, le ministère des Armées est bénéficiaire de la Facilité européenne pour la paix (FEP) pour sa part ukrainienne, à hauteur de 143 millions en 2024, mais il en est aussi un contributeur. C’est un sujet dont nous devrons encore discuter.

En conclusion, ce budget respecte la programmation militaire. J’assume les quelques adaptations proposées, principalement en matière de ressources humaines et d’intelligence artificielle. Par ailleurs, la LPM touche une matière vivante : il peut y avoir des retards, comme cela semble être le cas pour Euromale (projet européen pour le développement d’un drone volant à moyenne altitude et de longue endurance, ou Eurodrone).

Ma responsabilité, devant vous, est de m’assurer que tous ces crédits de paiement, qui ont connu une hausse colossale – quelque 10 milliards sur 3 exercices – sont bien utilisés. Cela concerne tant la répartition des crédits que la manière dont les marges des industriels sont construites et les réformes de structure du ministère. Ce dernier doit poursuivre sa modernisation. Les mesures prises au cours des années 2000 ont renforcé la dimension interarmées ; je veillerai à ce que des doublons ne réapparaissent pas dans les fonctions exercées au sein des trois armées. Je m’attacherai également à rationaliser les chantiers engagés dans le domaine numérique un peu partout, au sein de la DGA, de la DGSE, de la Dirisi (direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information) et du secrétariat général pour l’administration.

J’en viens, Monsieur le président, à votre question sur le supercalculateur d’intelligence artificielle. Il s’agit d’un marché public, avec des sommes importantes en jeu. Le marché étant en cours, il nous faut respecter le secret entourant certains aspects, liés notamment à la mise en concurrence. J’invite les parlementaires à la plus grande des prudences, notamment face aux démarches des lobbys. J’ai été frappé par l’agitation parisienne qui règne sur ce sujet. Les entreprises s’efforcent de toucher les décideurs, et certaines approches menées en direction du ministère me conduisent à m’interroger. Les marchés obéissent à des règles, qu’il faut respecter.

Sur le fond, quid de notre souveraineté en matière d’intelligence artificielle ? Pour l’instant, elle n’existe pas. Entre 90 et 95 % des GPU (unités de traitement graphique) – en gros, des puces, qui constituent l’élément essentiel de cette technologie – sont fabriquées par la société américaine Nvidia, les autres provenant d’une société américaine concurrente. Les propos selon lesquels il existerait une solution française sont dépourvus de fondement : quelle que soit l’entreprise qui se verra attribuer le marché, elle s’approvisionnera auprès des mêmes fournisseurs de GPU. Le général de Gaulle, qui ne me paraît pas une mauvaise référence en matière de souveraineté, affirmait que ce qui comptait coûte que coûte, c’était d’avoir vite la bombe, même s’il fallait l’acheter au début. Aujourd’hui, il nous faut vite acquérir cette puissance de calcul, à l’aide d’un supercalculateur classifié, avant de construire notre souveraineté en la matière.

On mélange trop les questions de souveraineté et de sécurité. Ce sont les équipes de la Dirisi qui conçoivent les marchés et il va sans dire que les mesures de sécurité, visant à nous prémunir contre l’espionnage et la copie, seront pleinement appliquées. Le supercalculateur ne sera pas connecté à un réseau. Toutes celles et ceux qui auront à en connaître devront se plier aux procédures d’habilitation habituelles liées au secret-défense. La mise en concurrence se fait sur la base d’un cahier des charges qui s’applique à tout le monde, y compris aux prestataires. Bref il en ira comme pour d’autres outils du ministère. Ainsi, les ordinateurs du ministère utilisent parfois Microsoft et Windows, mais ce n’est pas pour autant que les mesures de sécurité ne s’y appliquent pas.

J’adorerais que le France ou l’Europe produisent des GPU, mais ce n’est pas pour demain. La vraie question est de savoir si l’on fait confiance à la Dirisi, à la DRSD (direction du renseignement et de la sécurité de la défense) et à la DGA pour garantir notre cœur de sécurité – parce qu’en filigrane des propos qui peuvent fuiter ici ou là, c’est leur travail qui est remis en cause. Pour ma part, je leur accorde ma confiance et défends les équipes. On ne peut pas, d’un côté, me reprocher un excès de paperasses, de procédures et de rigidité du système – ce qui est parfois vrai – et, de l’autre, me reprocher qu’il soit trop permissif !

Concernant le marché en question, nous avons reçu une offre qui semble anormalement faible et une autre dont on peut se demander si elle n’est pas, en comparaison, anormalement forte. Pour objectiver tout cela, j’ai saisi ce matin le contrôle général des armées, qui va réexaminer l’ensemble de la procédure et apprécier, sur la forme comme sur le fond, la qualité des réponses apportées et des éléments portés à la connaissance des services. Il nous indiquera sous dix à quinze jours si tout a été fait dans les règles de l’art. Les différences entre les deux offres sont considérables et portent autant sur le prix que sur le délai, la performance et l’équipe mise à disposition.

Concernant la réflexion plus générale que cela appelle sur le plan de conquête de notre souveraineté en cette matière…

M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Il serait temps, depuis sept ans !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Cela démarre, il se passe des choses, la création de l’Amiad va dans le bon sens !

Le premier point est qu’il est urgent de disposer du supercalculateur, sous peine de décrocher en matière d’intelligence artificielle. Cette machine n’aura d’ailleurs que deux ou trois années de vie, car elle sera très vite dépassée. L’enjeu est d’être la première puissance européenne à faire tourner de l’IA sur un supercalculateur classifié. Je le dis tout de go : celles et ceux qui voudraient que l’on prenne davantage de temps afin d’obtenir un équipement parfait nous feront décrocher en matière de souveraineté sur les usages.

Une autre question est l’accompagnement de l’entreprise Atos sur ce qu’elle peut apporter en matière d’architecture globale des fonctions d’IA – je ne parle ici ni de la GPU, ni des protections cyber, ni du hardware. Nous avons besoin d’Atos pour d’autres outils de calcul, notamment au sein de la direction des applications militaires du CEA. Je suis à la disposition d’Atos pour y travailler. Toutefois, j’établis une séparation très nette entre le marché, qui obéit à une procédure particulière, et la montée en puissance d’une solution de souveraineté française. Je m’y emploie très sérieusement car sur ce sujet, on joue gros.

Lorsque la procédure sera terminée, je ferai preuve d’une transparence totale sur les offres qui ont été faites, sous réserve de la réponse du contrôle général.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes, pour deux minutes chacun.

M. Laurent Jacobelli (RN). À vous entendre, Monsieur le ministre, nous nous trouvons dans un monde budgétaire idyllique et nous apprêtons à gravir une marche de plus de 3 milliards en 2025, pour atteindre un budget de 50,5 milliards pour la défense. J’aimerais tant vous croire ! Malheureusement, il semblerait que le périmètre de ces milliards ait changé depuis le vote de la LPM. L’exercice 2024, déjà, était de mauvais augure puisque 2,6 milliards de programmes budgétaires ont été gelés – on peut d’ores et déjà les oublier. En outre, 2,4 milliards qui étaient alloués à l’Ukraine, à la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques et aux Opex ont été pris sur le budget général alors que cela n’aurait pas dû être le cas. Cela entraînera nécessairement des retards.

Vous recourez aux mêmes tours de passe-passe pour l’exercice 2025. En effet, les 50,5 milliards comprennent les montants dédiés à la Facilité européenne pour la paix alors que le rapport annexé de la LPM précise que la FEP ne sera pas financée par les crédits indiqués par la loi de programmation. Le budget présenté inclut également le recomplètement des équipements cédés à l’Ukraine et les aides à ce pays. Au total, les crédits concernés tournent autour de 3 milliards. À périmètre constant, le budget se monte donc plutôt à 47,5 milliards, ce qui signifie que des économies seront réalisées ailleurs. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où vous comptez trouver ces 3 milliards : dans les ressources humaines, les équipements, l’entretien, le MCO, l’investissement, les achats à la BITD ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Le monde n’est pas tout à fait idyllique, mais nous nous inscrivons dans une relation de confiance vis-à-vis des armées. Contrairement à ce que vous affirmez, le périmètre n’a pas changé. J’en ai apporté la démonstration au sujet de l’aide à l’Ukraine, qui n’affecte pas la programmation physique que vous avez votée. Je ne peux pas m’engager pour l’avenir, mais en l’état, la LPM n’est absolument pas affectée.

S’agissant des crédits gelés, vous omettez de rappeler que, non seulement ceux qui l’ont été au cours des années précédentes ont été dégelés par la suite, mais que des crédits ont été ouverts en gestion. D’ailleurs, je suis toujours étonné que lorsqu’on ouvre des crédits nouveaux, qui s’ajoutent à la LPM, personne n’en fasse état : il s’agit pourtant tout autant d’argent public. Je rappelle que nous avons ouvert 1 milliard en AE en 2022 pour faire la jonction entre les programmations militaires, auquel s’ajoutent les crédits supplémentaires que j’ai mentionnés tout à l’heure. Geler n’est donc pas annuler ; jusqu’à présent, en tout cas, cela n’a pas été le cas.

Les travaux avec Bercy et Matignon relatifs à la gestion n’ont pas encore commencé. Cela étant, il faudra tenir compte de l’activité soutenue qu’ont eue les forces dans le contexte des JOP. De surcroît, au sein du ministère, les AE se traduisent très vite par des CP car, sur les grands programmes, en dépit des reports de charges, le plan de charge industriel avance. La question du dégel va donc se poser assez vite.

Je vous invite, Monsieur Jacobelli, à juger à partir du réalisé. À cette aune, vous m’accorderez que, depuis 2022, la copie est bien conforme.

M. Yannick Chenevard (EPR). Il est heureux, pour nos armées et notre BITD, que, depuis 2018, la LPM soit exécutée à l’euro près. Nous croyons fermement, pour notre part, que le chemin emprunté est le bon.

L’évolution du contexte géostratégique, notamment en Ukraine et en mer Rouge, a mis en exergue le fait que nous avons besoin d’une part de produire plus de munitions et d’autre part de tester davantage de missiles et de matériels. Pouvez-vous nous dire quelques mots de la relocalisation de la production de poudre à Bergerac ainsi que du dernier essai de l’Aster 30 ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous apporter des précisions sur le plan de lutte contre les violences sexuelles et sexistes ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Cette dernière question me tient à cœur. Nous avons installé la semaine dernière le premier comité de pilotage sur les violences sexuelles et sexistes au sein du ministère. Les trois armées ont accompli un travail important. L’inspection générale des armées a été chargée d’une mission d’enquête, conduite par la médecin générale Perez et l’inspecteur général de gendarmerie Bruno Jockers – une médecin et un général –, qui ont établi un diagnostic approfondi et ont formulé un certain nombre de recommandations.

La parole se libère, depuis de nombreux mois. Le commandement militaire prend conscience de la nécessité de saisir le procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale lorsqu’il a connaissance d’un acte. C’est l’un des premiers combats que nous avons dû mener, car une part de l’institution considérait que la discipline militaire primait sur la procédure judiciaire. Or, celles-ci sont cumulables et doivent être menées de front. La méconnaissance du règlement de discipline générale militaire peut être avérée alors que le crime ne l’est pas, par exemple en cas de problème de comportement, de consommation de stupéfiants ou d’alcool.

Un autre combat a porté sur la prise en compte de la parole de la victime présumée. Parfois, on se trouve dans une situation ubuesque où l’agresseur présumé est maintenu dans son régiment tandis que la victime présumée est mutée, au motif d’assurer sa protection. Nous sommes en train de remettre les choses à l’endroit. Nous construisons des partenariats avec des associations pour offrir aux victimes un parcours adapté.

Le travail sera encore long. J’ai saisi à nouveau l’inspection générale, notamment l’inspectrice générale Monique Legrand-Larroche, au sujet des écoles militaires, qui peuvent abriter des élèves mineurs.

La réunion du comité de pilotage nous a permis de constater combien les grands chefs militaires avaient pris conscience du problème. Je suis ce sujet personnellement, car je considère qu’il y va de la réputation de l’institution et de la confiance que nos concitoyens lui vouent. Porter l’uniforme confère, à cet égard, plus de devoirs que de droits.

S’agissant des munitions, l’usine de Bergerac est en construction, l’inauguration étant prévue pour 2025. Elle est attendue avec impatience pour réaliser des coups complets, notamment pour les obus de 155 millimètres. En parallèle, nous poursuivons notre partenariat avec nos amis belges sur les munitions de petit calibre, en miroir de ce que nous faisons avec eux pour les gros équipements de l’armée de Terre en matière de capacité motorisée.

Pour ce qui est des munitions complexes, nous suivons de très près les commandes d’Aster 15 et d’Aster 30 pour la Marine. Les frégates étant largement engagées dans le cadre de l’opération Aspides, nous prêtons une attention particulière aux stocks d’Aster en défense mer-air. Nous sommes aussi en mesure de financer des briques capacitaires pour la suite. Je ne parle pas ici des armes de dissuasion, comme l’ASN4G ou l’ASMP-A rénové, mais de programmes tels que l’Aster B1NT, qui sont toujours en développement.

L’Aster B1NT, conçu pour le Samp(-T) NG, a été testé à Biscarosse le 8 octobre. C’est une arme-clé. En effet, des compétiteurs tels que la Russie, l’Iran et la Corée du Nord développent des missiles balistiques dont la portée et la vitesse ne cessent de croître – je vous renvoie au discours de Poutine sur les armes dites du Manège. Il s’agit de systèmes de missiles dotés de capacités de pénétration élevées, hypervéloces, parfois hypersoniques. L’enjeu, pour nous, est de disposer d’une défense sol-air appropriée. On note au passage que, contrairement à ce qu’elle prétend, la Russie a essuyé quelques revers dans l’emploi de certaines de ses armes en Ukraine.

Nous avons, pour notre part, le devoir de doter notre armée de l’air et de l’espace du
Samp(-T) de nouvelle génération dès 2026, ce qui explique que nous accomplissions un effort substantiel l’année prochaine. Le Samp(-T) NG, que nous développons avec l’Italie, offrira une protection à 360 degrés : il faut plusieurs Patriot pour parvenir au même résultat. Il sera en mesure d’intercepter des missiles hypersoniques, y compris en poste avancé. Il aura de surcroît des capacités de discrimination importantes – lorsque l’espace est saturé par plusieurs objets pénétrants, il est essentiel que le missile soit capable d’identifier la cible. Les premiers tests sont très concluants et ce nouveau système devrait obtenir un certain succès à l’export, contrairement, il faut bien le reconnaître, au Samp(-T).

À cet égard, j’attends beaucoup de Thales et de MBDA. Les retours d’expérience de théâtres comme l’Ukraine ou la mer Rouge sont riches d’enseignements pour une entreprise comme MBDA. Ils montrent l’importance de se doter de lignes de production capables de tenir la cadence imposée par une économie de guerre, dans un contexte d’attrition. Les missiles complexes doivent trouver un point d’équilibre entre qualité, technologie et quantité.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous aurons le temps, dans les prochaines semaines, d'examiner en détail ce budget. Pour l'heure, je suis pris d'un sentiment de vertige, un douloureux sentiment d'à quoi bon. Tant de chiffres, tant d'argent dépensé, année après année, n'a manifestement pas empêché la France de devenir inaudible. Les moyens ne sont pas en cause, mais la volonté.

En ce moment, au Proche-Orient, M. Netanyahou est en train d'anéantir un peuple et tout ce qu’il restait du droit international et de son garant, l'ONU. Depuis un an, tous les tabous ont volé en éclats. La Cour internationale de justice a plusieurs fois mis en demeure Israël d'agir afin d'éviter le génocide du peuple palestinien, sans effet. Des dizaines de milliers d'enfants ont été tués à Gaza et la stratégie criminelle adoptée ne ramènera à leur famille aucun des otages dont le Hamas s'était ignominieusement saisi le 7 octobre. Et la France a laissé faire ! Elle a donné à M. Netanyahou les moyens d'agir en fournissant du matériel utile aux munitions, aux drones et au Dôme de fer derrière lequel il parvient à faire oublier à sa population la monstruosité des crimes qu’il ordonne en son nom.

Désormais, il s'en prend au Liban et à la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Là-bas, 22 000 Français sont menacés et seront bientôt pris au piège si le Gouvernement ne fait rien ; 700 casques bleus français sont des cibles potentielles, cinq de leurs collègues ont déjà été blessés ; deux de nos compatriotes ont même été tués par l'armée israélienne ; et pourtant, quelques jours plus tard, Emmanuel Macron décidait, à la demande de M. Netanyahou, de mobiliser les moyens militaires français au Moyen-Orient afin de parer la menace iranienne. Or la France n'a pas d'accord de sécurité et défense avec Israël ; elle en a un, en revanche, avec le Liban, où nombre de nos collègues cultivent des liens d'amitié avec les chrétiens d'Orient.

Combien faudra-t-il de ses ressortissants tués pour que la France élève la voix ? Emmanuel Macron a demandé de cesser les livraisons d'armes ; presque immédiatement après, vous disiez ne pas vouloir désarmer Israël. Ce « en même temps » nous discrédite partout. Votre méthode n'a en réalité abouti à rien. La fuite en avant de M. Netanyahou n'a trouvé aucune opposition. Dès janvier, nous vous alertions sur le sort du Liban où Jean-Luc Mélenchon s'était rendu. Qu'il est loin, le temps où la diplomatie française avait un message clair !

M. le président Jean-Michel Jacques. Veuillez poser votre question, vous dépassez votre temps.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Vous qui faites profession de gaullisme, rappelez-vous quand Chirac refusait les provocations, quand Villepin refusait la guerre ! En réalité, notre armée ne sera jamais assez riche lorsque le monde… (M. le président coupe le micro de l’orateur.)

M. Sébastien Lecornu, ministre. À défaut de pouvoir répondre à la question qui n’a pas été posée, je répondrai à ce qui était sous-entendu.

Depuis un an, tous les réseaux sociaux de LFI racontent que la France vend des armes à Israël alors que nous n’en vendons aucune. C’est précisément ce qui jette le discrédit sur notre diplomatie. Vous avez parfaitement le droit de vous en prendre au Gouvernement, mais à condition de vous baser sur ce qu’il fait vraiment, pas sur des mensonges. Nous ne vendons pas d’armes à Israël. Il y a une raison évidente  : Israël est l’un des principaux concurrents des industries françaises. Tsahal n'a pas besoin des armes françaises. J’ai du respect pour votre travail, vous êtes intelligent et précis ; néanmoins, quand la présidente de votre groupe alimente la discorde et l'hystérisation sur un dossier délicat et compliqué, lorsqu’elle sous-entend dans les médias que nous vendons à Israël des armes qui sont ensuite utilisées à Gaza, ne me demandez pas pourquoi les positions françaises sont incomprises ou discréditées.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Selon vous, le magazine Disclose ment ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Des composants du Dôme de fer sont-ils vendus à Israël ? Oui. Le Dôme de fer est-il une arme agressive ?

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Est-il décisif dans le rapport de force ? Oui.

M. Sébastien Lecornu, ministre. La protection de la population civile israélienne compte autant que celle de la population civile de Gaza. Il me semble que nous pouvons nous accorder sur cette nécessité de protéger toute population civile.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Deux Français ont été tués au Liban !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Si vous étiez ministre des Armées, auriez-vous retiré la licence pour les petits composants du Dôme de fer ?

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Oui, probablement.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Vous avez l’honnêteté de répondre. Moi, je ne le ferai jamais : la défense sol-air est, par définition, une arme purement défensive dont l’usage ne peut être détourné.

Je veux prendre une seconde pour expliquer exactement à quoi correspond la mise en alerte des moyens français, car certains entretiennent l'idée que l’armée française est mobilisée dans le conflit sans accord de défense et au mépris de l’article 35 de la Constitution. Si l’on aime nos forces armées, on ne sous-entend pas qu'elles agissent hors cadre, on travaille plutôt à créer de la concorde.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Vous auriez pu venir devant nous sans attendre une audition budgétaire.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je viens quand on me convoque, et je suis toujours disponible pour répondre avec le maximum de précision aux questions qui me sont posées.

Dans les bases françaises de la région, dès que nous apprenons que des frappes de longue portée sont susceptibles d’être déclenchées, l’ensemble de nos forces sont mises en alerte de sécurité. C’est la procédure normale. Dès lors qu’une frappe se rapproche d’une de nos emprises, il est évident que nos forces ont mandat pour l’intercepter, tout simplement parce qu’elles existent généralement dans le cadre de l’opération Chammal, à laquelle le Parlement a donné son accord conformément à l’article 35 de la Constitution, et que par définition, la légitime défense sur les bases françaises n'a pas besoin d'autorisation parlementaire particulière.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous ne sommes pas dans le cadre de Chammal.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Au mois d'avril dernier, des drones tirés par l'Iran en direction d'Israël sont passés non loin d'une base française. Il est évident que la chasse française devait les intercepter ; aucun schéma militaire ne prévoit que l'armée française laisse un objet balistique passer au-dessus d’une base – et vous auriez été en droit de me poser une question au Gouvernement en cas de défaut d'interception.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Combien ont été interceptés ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je garde le chiffre pour moi, mais très peu, et uniquement des drones. Nous sommes intervenus à la demande de notre partenaire jordanien, avec lequel nous avons un accord de défense. J'espère que cette réponse éteindra la polémique ; on ne pourra pas dire que le Gouvernement n'a pas répondu au contrôle parlementaire.

Il y a dix jours, nos forces ont été mises en alerte. Elles n'ont rien intercepté car, à la différence du mois d'avril, la dernière attaque de l'Iran sur Israël ne comprenait que des missiles balistiques du haut du spectre, c'est-à-dire en cloche, hors de portée des bases françaises.

Il peut y avoir entre nous des désaccords politiques, mais je ne veux pas de quiproquo, d'ambiguïté ou d'instrumentalisation sur la question des licences d'armement et, surtout, sur le travail des forces françaises. Les pilotes de l’armée de l’air agissent dans un cadre construit, qui respecte la Constitution. Je pourrais aller plus loin dans le détail dans le cadre d’une audition non retransmise.

Mme Marie Récalde (SOC). Le groupe socialiste salue le respect de la LPM et le franchissement de cette marche de 3,3 milliards d’euros, qui permet de dépasser les 50 milliards de crédits alloués aux armées. Le Gouvernement poursuit ainsi la trajectoire budgétaire à la hausse enclenchée dès 2015. C’est important au vu du contexte géopolitique ; c'est aussi un signe de confiance envers les femmes et les hommes qui servent sous nos couleurs, tout particulièrement dans le cadre de la Finul.

Lors des débats sur la LPM 2024-2030, vous avez plusieurs fois revendiqué une sincérisation du budget. Pourtant, au cours de 2024, le ministère a vu des crédits être gelés à une échelle sans précédent. De même, des sommes directement liées aux questions de défense ont un financement incertain. Le financement des opérations sur 2024 serait également assuré par un fonds interministériel. Dans tous ces cas, le respect apparent des objectifs de la LPM est trompeur et les crédits réellement disponibles sont en dessous des attendus. La sincérité d'un budget résidant dans son exécution, et donc dans les crédits engagés, quelle est la sincérité en l’occurrence ? Et, le gel de crédits créant une incertitude, quelle est la part de crédits gelés qui viendra grever les financements réellement disponibles en 2025 ?

On connaît le contexte compliqué des finances publiques qui entoure la remontée en puissance de l'outil industriel la défense. Or certains pays ont décidé de recourir, de manière innovante, au financement privé : c'est le cas des États-Unis, qui ont récemment fait appel à un fonds d'investissement pour relancer leurs capacités de production sous-Marine. Quid de la France ? Une institution financière publique comme la Caisse des dépôts pourrait-elle jouer un rôle dans ce type de financement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Vous avez raison, les premiers efforts de réarmement ont été engagés au lendemain des attentats par Jean-Yves Le Drian, sous l'autorité du président Hollande.

Pour ce qui est du gel de crédits, je vous répondrai, comme à M. Jacobelli, que c’est à la fin du bal qu'on paie les musiciens. Depuis 2022, il n’y a pas eu d'annulation de la réserve de précaution ; au contraire, il y a eu un dégel complet, et même des ouvertures en gestion de crédits nouveaux. Je comprends votre inquiétude pour cet exercice budgétaire et je la partage, mais le dialogue se poursuit avec le ministre chargé du budget et des comptes publics pour récupérer l'intégralité de la réserve de précaution. Nous aurons sa réponse avant le passage de la mission Défense dans l'hémicycle, ce qui permettra un débat budgétaire éclairé. Jusqu’à présent, tout s’est toujours bien terminé.

S’agissant du financement de l’industrie de défense, l’ambiance aura vite changé. Quand j’ai été nommé en 2022, nous bataillions contre la Commission européenne qui voulait inclure les industries de défense dans la taxonomie, c'est-à-dire les priver de plusieurs mécanismes d'accompagnement ; trois ans plus tard, au contraire, chacun cherche des modèles de financement nouveaux. Dans un monde qui se réarme, c'est-à-dire où des marchés sont disponibles, le modèle économique de certains programmes d'armement est évident et certaines initiatives méritent d'être entretenues ou accélérées, notamment dans l'aéronautique : Tikehau Capital a monté un fonds d'investissement dans ce domaine, un autre est piloté par Serge Weinberg. Là où il y a un modèle économique avec du financement d'innovation à boucler, il y a de l'argent privé disponible.

Concernant la mobilisation de la Caisse des dépôts, c’est à son conseil de surveillance et au ministre de l’économie de répondre. Un débat a eu lieu au Sénat sur l'utilisation du Livret A, sujet sur lequel je reste prudent. Quoi qu’il en soit, la mobilisation de crédits privés pour compléter le financement de l'industrie de défense est un chantier majeur que nous lancerons dans les mois à venir. Nous ne sommes plus en période de diminution des crédits ; cela nous permet de penser différemment la gestion de la croissance du réarmement français, surtout pour des programmes qui ont essentiellement une vocation à l'export – je ne pense évidemment pas à un porte-avions ou à un sous-marin nucléaire.

Mme Alexandra Martin (DR). Dans une période de grande difficulté budgétaire pour notre pays, et alors que de nombreuses rumeurs contraires avaient circulé ces dernières semaines, on peut se féliciter du respect intégral de la LPM votée en 2023. Le groupe de la Droite républicaine y restera particulièrement vigilant : dès son adoption, à laquelle nous avons largement contribué, nous avions indiqué que la LPM était un minimum pour permettre à notre défense de se maintenir et de se moderniser afin de répondre à la hausse de la conflictualité constatée dans le monde.

Le spatial de défense y tient une place stratégique. Comme appui à la manœuvre, les satellites assurent la pérennité du lien entre les théâtres d'opérations et jouent par conséquent un rôle essentiel pour la défense de notre territoire. La loi de programmation militaire y consacre 6 milliards d'euros. Cependant, contrairement aux programmes spatiaux militaires financés par les précédentes LPM – CSO et Ceres (capacité de renseignement électromagnétique spatiale) dans le domaine du renseignement, Syracuse IV dans celui des télécommunications – aucun programme nouveau n'est réellement entré en phase de développement. Dans ces conditions, il semble difficile de préserver un outil industriel d'excellence française unique en Europe comme Thales Alenia Space, qui pourrait être démobilisé.

Il semble que le recours à la solution civile européenne Iris2 précédera, voire remplacera le développement des satellites militaires Syracuse 5. Or les communications délivrées par les constellations civiles Iris2 ne répondront pas aux critères de souveraineté que nous sommes en devoir d’exiger et ne résisteront pas au brouillage des théâtres d'opérations. Syracuse 5 est le seul système souverain de communication adapté aux conditions de guerre. Pouvez-vous confirmer que les programmes spatiaux de défense prévus dans la LPM seront lancés très rapidement et à quelle échéance ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Le retard des programmes de défense spatiale tient surtout au défaut d'accès à un lanceur : CSO 3 n’avance pas parce qu’Ariane 6 a du retard. Le premier vol de qualification d’Ariane fut le bienvenu et nous attendons impatiemment le premier vol commercial, qui doit envoyer le CSO 3. Pendant des années, nous avions un accès souverain à l'espace dont nous cherchions à financer l’usage ; désormais, nous avons l'argent pour financer des satellites courte orbite et haute orbite, mais nous sommes retardés par l'embouteillage de l'accès à l'espace.

Nous avons aussi d’autres dossiers devant nous, comme l’aventure MaiaSpace, qui développe des lanceurs réutilisables sur courte orbite dont nous aurons besoin dans le cadre du New Space.

Je confirme la poursuite de Syracuse et des autres programmes lancés dans la LPM. Néanmoins, l’avenir est à la redondance dans l’espace, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité : plutôt que de passer par un seul gros satellite, il faudra privilégier des constellations courte orbite. Nous en avons déjà débattu pendant la LPM, nous pourrons recommencer ici sous un format ad hoc, car le sujet avance vite. Nous disposons de briques de technologie. Comme vous avez cité Thales Alenia Space, qui est implanté dans votre circonscription, je citerai par souci d’équité l’autre acteur français, Airbus Defence and Space.

Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Au début de votre intervention, vous avez expliqué que le budget des armées serait conforme à la loi de programmation alors que les autres ministères connaissent des coupes sévères. Cela pose la question de l'acceptabilité sociale de cette dépense. Le Haut Conseil de finances publiques écrivait dès mars 2023, dans son avis sur la LPM, que « l'évolution des dépenses non couvertes par ces lois de programmation devrait ainsi être encore plus contrainte ». C'était une alerte extrêmement forte sur le fait que les lois de programmation, que ce soit dans le domaine militaire, de l'intérieur ou de la recherche – même si, s’agissant de cette dernière, le choix a été fait de ne pas la suivre – contraignent les autres dépenses. Vous avez dit que les dividendes de la paix ont été consommés pour l’armée, mais le sous-investissement a aussi touché l’école et la santé.

Je suis pour le moins sceptique concernant le financement privé de la défense évoqué par ma collègue socialiste ; en revanche, il y a un fort enjeu de mutualisation en Europe. À un moment où chaque pays augmente ses efforts dans le domaine militaire tout en effectuant des coupes budgétaires sur d'autres politiques, la mutualisation garantirait une meilleure interopérabilité et une plus grande coopération au niveau européen.

Pour que la dépense en faveur de nos armées soit acceptable, il faut qu’elle soit juste. Le porte-avions de nouvelle génération dont vous avez annoncé le lancement coûtera au minimum 5 milliards d'euros. Est-ce la dépense la plus pertinente ? Vous me parlerez de capacité de projection et d’interopérabilité sur les flottes de premier rang, je vous répondrai avec un taux de disponibilité autour de 60 % et un coût d'acquisition égal à huit porte-hélicoptères amphibies !

M. Sébastien Lecornu, ministre. La question de l'acceptabilité sociale des dépenses militaires est déterminante. Je connais les préoccupations de nos concitoyens ; chez moi, dans l'Eure, les gens se posent des questions. En tant que membre de la commission de la défense, vous avez accès à des informations et à des données qui expliquent pourquoi tout cela coûte aussi cher. Vouloir un modèle de défense 100 % français à bien des égards coûte nécessairement un peu plus cher, mais fixe beaucoup d'emplois aussi sur le territoire. La plupart des pays européens se réarment en achetant des armes américaines mais pour nous, c’est tout un modèle qui se manifeste à Roanne, à Bourges et dans d’autres endroits du territoire où est implantée l’industrie de défense.

Un argument que nous pouvons tous faire nôtre, quelles que soient nos opinions politiques, est que la dépense publique militaire participe à la croissance et à la souveraineté du pays par son incidence sur le domaine civil. Même s’il est maladroit, je prends l’exemple de l’atome : après tout, le CEA est un moteur qui a permis d’avancer sur l'hydrogène et le solaire !

Le deuxième argument tient aux menaces qui nous entourent. Le terrorisme est toujours là, la compétition s’accentue entre les grandes puissances. Il n’y a pas de schéma dans lequel tout cela n’est pas appelé à durer. On rêverait d'être encore dans une période de paix qui nous autoriserait à définir d'autres priorités, mais j'ai bien peur que le contexte ne se rappelle à nous.

Le troisième argument est que nos soldats nous regardent et que nous leur demandons un sacrifice d’une autre nature que celui que l’on peut exiger des autres agents du service public. Pour avoir présidé au mois d'août dernier aux honneurs funèbres militaires rendus aux deux pilotes de Rafale qui ont perdu la vie à l'entraînement, je sais qu’il n’y a pas de vol comme les autres ; pour les soldats de la Finul, qui est une mission française de longue date, il n’y a pas de routine. Au risque de ne pas être diplomatiquement correct, il faut reconnaître que notre pays a une armée d'emploi, pas seulement une armée qui fait des défilés. Il ne s’agit donc pas que d’argent, mais aussi de la manière dont la nation soutient ses forces engagées sur le terrain. Cela passe par le respect de la parole donnée dans la loi de programmation militaire.

Quant aux crédits privés, je vous rassure, il ne s’agit pas de privatiser les armées. Mais est-il normal que le contribuable finance intégralement la recherche-développement de certains programmes d'armement dont on sait qu'ils auront rapidement un grand succès à l'exportation ? N'importe quelle entreprise, quand elle croit à son succès commercial, trouve des outils de financement, comme la dette bancaire ou les levées de fonds. L’État sera toujours là en période de vaches maigres pour financer les programmes à effet majeur, mais l'industrie de défense n’est plus dans la même situation qu’il y a dix ans. Il n’est pas tabou de dire que le secteur privé peut trouver un modèle économique pour certaines catégories de matériel. C’est ce qui est arrivé avec les drones : des dronistes civils se sont lancés comme des grands dans l’aventure industrielle et ont militarisé une partie de leur offre, qu’ils ont proposée au ministère des Armées.

Mme Sabine Thillaye (Dem). Je souhaite rebondir sur la question des GPU, qui est préoccupante. A priori, il n’y aura pas d’alternative. Pourtant, la technologie évolue très vite : ces fameux processeurs graphiques qui permettent l’affichage en 2D et en 3D étaient à l'origine conçus pour les jeux vidéo, pas pour l'intelligence artificielle, et de nombreuses start-up travaillent sur des TPU, tensor processing unit, des circuits intégrés spécifiques conçus pour accélérer des systèmes d'intelligence artificielle et qui pourraient, à terme, remplacer les GPU. Finançons-nous la recherche et l’innovation dans ce domaine au niveau européen ? L’année dernière, la Commission européenne s’est penchée sur le cas de Nvidia. Ce monopole pose problème. Il n’est pas acceptable que nous soyons à ce point dépendants de deux entreprises américaines.

Ce qui m’amène à une question annexe sur l’Institut franco-allemand de recherche de Saint-Louis, qui reçoit des financements dont les répercussions sur le terrain sont peu visibles.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je ne dirais pas que le sujet est préoccupant, ou inacceptable. Il n’y a pas d’offre indienne, russe ou chinoise. C’est une technologie nouvelle sur laquelle Nvidia a pris de l'avance : que l’outil soit développé par HP, par Orange ou par Atos, les GPU viendront de Nvidia. Ce qui est préoccupant, c'est de ne pas s'organiser pour conquérir cette brique de souveraineté, qu’il s’agisse des GPU ou des architectures qui les entourent. Cela étant, la souveraineté en matière d'atome ne s'est pas construite en un jour. Nous, Français, avons déjà eu tendance à préférer ne rien avoir du tout en attendant de disposer de notre propre outil, dans vingt ans. C’est ce qui nous est arrivé avec les drones. Je ne suggère pas que nous recommencions.

Il y a bien sûr un travail à mener au niveau européen, en embarquant d’ailleurs l’IA civile, même si le militaire peut servir de locomotive. Toutefois, je suis persuadé, comme client, que l’urgence absolue est de faire tourner ces systèmes sur un supercalculateur classifié et sécurisé. Ce n’est pas le cas actuellement, ce qui nous bride dans l’usage de nombreux programmes.

M. Loïc Kervran (HOR). Au nom du groupe Horizons et indépendants, mes premiers mots vont à celles et ceux qui servent nos forces armées ainsi que notre base industrielle et technologique de défense. Le débat budgétaire que nous avons aujourd'hui, nous le leur devons, et je veux leur dire notre estime et notre respect. Vous les avez rencontrés à de nombreuses reprises dans le Cher sur la base aérienne 702 d’Avord, aux écoles militaires de Bourges, à la direction générale de l'armement Techniques terrestres, chez MBDA, chez Nexter, chez Roxel, chez ASB, chez CTAI et chez tant d'autres qui font que le Cher contribue de manière si exceptionnelle à notre défense.

En la matière, un peu de stabilité ne fait pas de mal et nous sommes très heureux de retrouver le ministre qui a défendu la LPM. Votre intervention liminaire prouve que notre confiance était bien placée, puisque vous ne serez pas celui qui défera ce que nous avons fait en commun ces derniers mois.

Pour plusieurs raisons, nous défendrons bec et ongles les crédits ouverts, qui sont conformes à ceux prévus par la LPM. D’abord, la France vit dans un monde dur et agressif, avec des menaces qui n’ont que faire de nos difficultés et qui ne s’adaptent pas à nos contraintes budgétaires. Ensuite, la condition première d’existence de notre État et de notre nation est sa capacité à se défendre. C’est elle qui nous permet de ne pas être asservis et de faire des choix politiques. Enfin, au groupe Horizons & indépendants, nous sommes très attachés aux territoires. L’argent dépensé dans le secteur de la défense bénéficie en retour aux territoires.

M. le président Jean-Michel Jacques. Veuillez poser votre question.

M. Loïc Kervran (HOR). Quel est le taux d’exécution des crédits de paiement pour 2024 ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vous remercie, la bienveillance fait aussi partie de la politique.

Vous avez insisté sur la dimension territoriale de cet argent. Tout le monde mesure qu’une part de la croissance du pays repose sur la défense. Les sommes engagées sont équivalentes à celles engagées dans les plans d’après-guerre.

L’exécution des crédits de paiement est bonne. Le taux de consommation est de 80 % et nous sommes confiants dans le dégel des crédits, sur lequel vous m’avez légitimement interpellé. La sous-chefferie Plans de l’état-major des armées, la direction des affaires financières du secrétariat général pour l’administration et la direction de la préparation de l’avenir et de la programmation de la DGA assurent, avec les industriels, cette bonne consommation des crédits. Cela étant, la programmation est dynamique : par exemple, un retard de livraison peut entraîner un décalage.

M. David Habib (LIOT). Vous avez parlé de bienveillance. C’est précisément le défi de ce budget : les autres ministres doivent être bienveillants avec vous. Ils doivent accepter d’avoir un pauvre budget qui contraint leurs ambitions, tandis que celui de la défense respectera la LPM et vous permettra de satisfaire les vôtres.

La chasse à la mauvaise dépense – les doublons, les marges des industries de l’armement réalisées sur le dos du budget et des contribuables – doit donc être menée tout au long de l’année. Je me permets de vous solliciter, Monsieur le ministre et Monsieur le président, afin que nous disposions d’éléments d’information au cours de l’année.

Alors que je prenais l’avion à l’aéroport de Pau, dans ma circonscription, 200 à 300 militaires embarquaient pour deux vols à destination de l’Afrique, dans des avions affrétés par votre ministère. Les Opex et la gestion de leurs surcoûts, encadrées à l’article 5 de la LPM, commandent la bienveillance des autres ministères. Or c’est beaucoup plus facile en période de croissance qu’en situation de crise. Quels sont les soutiens politiques dont vous disposez s’agissant des Opex ? Avez-vous déjà engagé des discussions à ce sujet avec vos collègues, notamment avec le garde des Sceaux ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Le soutien politique, c’est le Parlement qui l’apporte, notamment au cours du débat budgétaire. Tout dépend de la place que vous accorderez à la question des menaces extérieures, de la transformation de nos armées, de notre souveraineté. Lors de l’examen de la LPM, la commission de la défense, avec les convictions respectives de ses membres, a montré son intérêt pour ces sujets.

Je vous remercie de cette question relative à la bienveillance des autres ministres, qui me permet d’approfondir mon propos introductif. J’ai expliqué combien nous faisions preuve d’ingéniosité pour financer l’aide à l’Ukraine. Le premier arbitrage était différent : le ministère des Armées devait fournir l’aide à l’Ukraine, notamment en achetant des armes, et tout serait réglé au bout du compte par un financement interministériel – terme élégant pour désigner un coup de rabot donné à l’aveugle sur tous les ministères. Vous avez raison de souligner ce point : chacun de vous, une fois sorti de la commission de la défense, fait attention dans son département à la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes, au financement des hôpitaux, à l’éducation nationale.

En ma qualité d’élu, je suis mal à l’aise avec l’idée, alors que mes crédits augmentent beaucoup, d’imposer aux autres ministres un coup de rabot en plus des efforts considérables qu’ils fournissent déjà. Nous devons faire le maximum pour l’éviter, y compris en récupérant des crédits nouveaux en gestion, comme je l’ai fait jusqu’à présent. La LPM étant préservée, il est normal que repose sur mon ministère et nos industriels une saine pression. Nous avons la chance de ne pas avoir à acheter du matériel à l’étranger, et celle de pouvoir nous débarrasser de nombreux vieux équipements. J’ai donc des outils de pilotage qui me permettent de fournir une aide à l’Ukraine sur mesure. La brigade Anne de Kiev n’abîme ni le format de nos armées ni nos finances publiques : les soldats ukrainiens sont entraînés avec les nôtres et ils repartent avec le vieux matériel. C’est un bon modèle. Nous n’avons pas de pétrole, mais nous avons des idées !

Il en va de même pour les Opex. Si demain la France était en guerre, si elle devait lancer une Opex d’urgence dans le cadre de l’article 35 de la Constitution, on ne se poserait pas la question des modalités de son financement : il serait interministériel car l’Opex est prioritaire. C’est un sacro-saint principe. Mais quand on n’est pas vraiment dans le cadre d’une Opex, comme pour ce que nous faisons en Roumanie dans le cadre de la mission de réassurance de l’Otan sur le flanc est de l’Europe, il faut trouver un autre modèle, tout en donnant un statut au soldat qui est en mission opérationnelle là-bas. Je suis ouvert à une discussion avec Bercy sur ce point, car je me vois mal expliquer qu’il faut ponctionner la DGF des communes pour financer la réassurance du flanc-est. Si l’on veut défendre le principe du financement interministériel des opérations essentielles à la survie de la nation, on ne peut pas en faire le droit commun pour des missions de nature différente. Je souhaite de bonne foi faire évoluer les choses, justement pour susciter la bienveillance de mes collègues ministres.

M. le président Jean-Michel Jacques. Vous pourrez compter sur un contrôle parlementaire bienveillant, Monsieur le ministre.

M. Matthieu Bloch (UDR). Malgré le front républicain qui nous a empêchés de changer de majorité, nous nous réjouissons de votre maintien, gage de stabilité pour nos armées.

Le projet de loi de finances pour 2025, en ligne avec la LPM 2024-2030, marque notre engagement à renforcer la défense nationale face aux défis auxquels nous faisons face. Plus que jamais, une modernisation ambitieuse de nos capacités militaires et un investissement massif dans les technologies de défense sont nécessaires.

Cela étant, cet effort budgétaire, pour être efficace, doit inclure toutes les composantes de notre base industrielle et technologique de défense, en particulier les PME.

Nos PME sont des actrices cruciales de notre autonomie stratégique et de notre capacité à innover dans des secteurs critiques tels que la cybersécurité, les drones, l’intelligence artificielle et les technologies spatiales. Cependant, elles font face à des obstacles structurels pour accéder aux grands programmes d’armement, notamment aux projets phares comme le Scaf ou le MGCS (système principal de combat terrestre). La complexité des appels d’offres, le manque de visibilité sur les opportunités ainsi que des critères de sélection excessivement rigides limitent considérablement la participation des PME. Celles qui sont retenues sont souvent cantonnées à des rôles de sous-traitants. Elles jouent un rôle plus important en Allemagne, où elles concluent directement environ 20 % des contrats de défense.

Alors que les PME représentent 80 % du tissu économique de notre pays, comment leur garantir un meilleur accès au secteur de la défense ? Sachant que seules 13 % des PME françaises de défense exportent, contre 30 % aux États-Unis grâce aux programmes mis en place, quelles actions concrètes sont envisagées par l’État français et par votre ministère pour renforcer l’accompagnement à l’export des PME ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est un point clé : l’ensemble du système fait intervenir par capillarité énormément d’entreprises dans les territoires. Votre question appelle trois développements.

D’abord, comment les entreprises de la BITD peuvent-elles gérer correctement leur chaîne d’approvisionnement ? Dans le cadre de l’économie de guerre, lorsqu’on exerce une pression pour accélérer les cadences de certains programmes d’armement, se posent bien sûr les questions de l’organisation du temps de travail et des stocks, mais aussi celle de l’animation de la chaîne d’approvisionnement. J’ai demandé à chacun des grands patrons d’être vigilant sur ce sujet, car dans le cas d’un engagement majeur de l’armée française, leurs entreprises n’auront pas le temps de mobiliser les chaînes de sous-traitants. Ce travail doit être fait en amont, de manière préventive.

Ensuite, maintenant que les grandes entreprises ont de la visibilité, compte tenu des crédits inscrits dans la LPM, je leur demande clairement de donner de la visibilité à leurs sous-traitants – ce n’est pas le rôle de la DGA.

Puis, si la relation entre le ministère et ses PME s’est améliorée, nous pouvons encore faire mieux. Emmanuel Chiva, le délégué général de l’armement, a accompli un bon travail en la matière et un délégué ministériel aux PME a été nommé. On dénombre 26 000 PME et entreprises de taille intermédiaire qui ont conclu un marché avec le ministère. Il ne s’agit pas exclusivement d’armement, mais aussi de travaux publics, d’infrastructures ou de réseaux. Ma prédécesseure, Florence Parly, avait lancé le plan Action PME, qui avait créé les conditions psychologiques favorables à une bonne relation ; nous devons continuer dans cette voie. J’attends beaucoup de l’Agence de l’innovation de défense qui, grâce à sa culture et ses outils, pourra repérer de toutes petites entreprises.

Enfin, la DGA, dans le cadre de sa transformation, doit développer une solide culture des entreprises, y compris en ce qui concerne les normes, les systèmes d’essais ou les questions d’exportation. Il ne doit pas y avoir de la place que pour les grands arbres : certaines PME rencontrent de beaux succès à l’export.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Frank Giletti (RN). Le lancement des études de développement du standard F5 du Rafale et du drone de combat qui l’accompagne est une excellente nouvelle – j’avais réclamé un calendrier lors de l’examen de la LPM, dans un amendement que le Gouvernement avait repris. Pouvez-vous nous confirmer les crédits inscrits dans la LPM pour le développement ?

Par ailleurs, vous avez dénoncé à plusieurs reprises le retard accumulé par la France en matière de drones. Pourriez-vous nous rassurer quant au projet de drone Male Eurodrone et au respect des délais, des jalons de développement et des coûts ? Rappelons que tout retard du programme supérieur à treize mois devrait en principe entraîner des pénalités contractuelles. Pourriez-vous nous assurer que nous ne nous trouvons pas déjà dans cette situation ? Si tel était le cas, il conviendrait peut-être de les exiger, eu égard au contexte budgétaire actuel.

Il faudrait aussi s’interroger sur la nécessité et l’intérêt de poursuivre un programme si coûteux pour assurer un besoin capacitaire qui n’est pas confirmé au-delà de 2032. La doctrine d’emploi et les spécificités changeront sans doute d’ici là.

M. François Cormier-Bouligeon (EPR). L’économie de guerre est un enjeu décisif sur lequel vous êtes personnellement mobilisé, à la demande du Président de la République. Nous constatons les premiers résultats : de nombreuses entreprises augmentent significativement leurs capacités de production tout en réduisant leurs délais. Tel est le cas de KNDS-Nexter et de MBDA-Roxel à Bourges dans le Cher.

La DGA, sous l’impulsion du délégué Emmanuel Chiva, a également commencé sa mue pour être plus agile et davantage soutenir l’adaptation de notre BITD à l’économie de guerre, avec notamment la création de la direction de l’industrie de défense. Cependant, de nombreux efforts restent à faire, notamment dans la conduite des programmes d’armement.

C’est dans ce contexte que vous avez appelé à un choc de simplification lors du colloque « Enjeux opérationnels des défis industriels de défense » qui s’est tenu à l’École militaire le 21 mai. Pourriez-vous préciser les contours de ce choc de simplification qui paraît plus que jamais nécessaire pour relever les défis de l’économie de guerre ? Quelles sont les principales mesures que la DGA devrait appliquer pour accélérer le passage à l’économie de guerre ? Quelles sont les prochaines étapes de la transformation de la DGA ?

M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Vous nous avez promis un rapport sur les Missops et les Opex. Pour mémoire, vous nous devez toujours aussi celui sur le bilan de la réintégration du commandement intégré de l’Otan.

Selon vous, l’état-major des armées a raison de différencier les Opex des Missops. L’an dernier, vous nous avez expliqué que la différence était que, dans le cadre d’une Opex, les soldats faisaient face au feu. Pourtant, les soldats engagés dans l’opération Aspides en mer Rouge tirent, alors qu’il s’agit d’une Missop ! Le feu n’est donc pas un critère déterminant.

Par ailleurs, la notion de guerre et de paix est en train d’évoluer. Si la Roumanie, où nos soldats sont présents, devait être envahie, nous nous retrouverions de facto en guerre sans vote du Parlement, contrairement à ce que visait la réforme de 2008. En effet, vous n’avez pas utilisé l’article 35 de la Constitution car vous considéreriez qu’il s’agit d’une Missop.

M. le président Jean-Michel Jacques. Merci de conclure…

M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Nous devons reconsidérer cette question sur laquelle le Parlement doit être partie prenante, d’autant que ces opérations ont un coût.

Mme Anne Le Hénanff (HOR). Ma question porte sur l’École polytechnique, qui est une des quatre écoles sous tutelle de la DGA et qui, à ce titre, bénéficie d’une subvention versée par le ministère des Armées et des anciens combattants.

Sans céder au catastrophisme, j’ai constaté, en ma qualité de rapporteure pour avis des crédits du programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, que les choix d’orientation professionnelle des élèves ingénieurs sous statut militaire qui en sont issus témoignent d’une désaffection grandissante pour les métiers du ministère et, plus globalement, pour le secteur public.

Pour relever les défis que représentent l’émergence des nouvelles technologies et des nouveaux espaces de conflictualité, le ministère aura besoin d’ingénieurs polytechniciens. Quelle sera votre feuille de route pour renforcer tant la militarité de l’École polytechnique que l’attractivité du ministère des Armées et des anciens combattants pour ses élèves ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur Giletti, le dernier standard Rafale, le F5, et le premier Scaf cohabiteront longtemps.

M. Frank Giletti (RN). On ne sait pas vraiment ce qu’il y a derrière le Scaf.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Mais il y aura toujours un avion après le F5, qui transportera la bombe nucléaire française.

Le moment venu, nous débattrons du Scaf si vous le souhaitez. Au mois de décembre se tiendra un sommet avec l’Espagne et l’Allemagne, qui permettra de présenter le démonstrateur et de documenter la deuxième phase. Dans la LPM, le Gouvernement s’est engagé à informer le Parlement de chacune des étapes de ce programme. Je suis preneur d’un débat sous un format spécifique pour évoquer les piliers, entrer dans le détail du programme et, à huis clos, présenter le cahier des charges de l’armée de l’air. Ce débat, qui soulève des questions passionnantes relatives à l’export, à la dissuasion et à l’avenir de Dassault Aviation, permettrait de comprendre les attentes et les pressions qui s’exercent sur la « trame chasse » sur le très long terme.

S’agissant des drones, Euromale a un an de retard. La question des pénalités est donc posée. Nous ferons ce qui doit être fait. Mais comme nous ne menons pas ce projet seuls, nous devons en discuter avec nos partenaires. Enfin, nous devons nous assurer que l’objet, au moment de sa livraison, sera toujours conforme aux attentes opérationnelles. C’est la promesse de belles discussions.

Monsieur Cormier-Bouligeon, le deuxième chapitre de l’économie de guerre s’accompagnera aussi d’une réflexion sur les sujets financiers. À cet égard, je remercie Jean-Louis Thériot, qui a envie de consacrer du temps et de l’énergie à cette œuvre longue et complexe. Déjà mobilisé sur cette question en tant que député, il aura à cœur de défendre nos convictions à Bruxelles et de mobiliser le monde bancaire.

Le choc de simplification ne concernera pas la seule DGA, mais l’ensemble du ministère. L’état-major des armées n’est pas avare de prescriptions complexes, y compris sur des programmes d’armement simple. Un travail important est mené pour modifier une culture interne qui a tendance à imposer des centaines de spécifications au moindre camion-citerne de nouvelle génération, dans le souci d’avoir l’objet parfait ! Tout cela est autant incompatible avec l’économie de guerre qu’avec l’utilisation raisonnable de l’argent du contribuable.

S’agissant de l’économie de guerre, les efforts sur les munitions complexes commencent à produire leurs effets, notamment sur le missile Aster, fabriqué à Bourges. Nous devons continuer en ce sens. Le deuxième acte de l’économie de guerre nécessitera d’embarquer l’ensemble des chaînes de sous-traitants, y compris au niveau des grandes plateformes. Par exemple, vu les commandes de Rafale que nous passons et son succès à l’export, Dassault Aviation va devoir pour la première fois assurer un rythme de production soutenu. Je souhaite qu’on avance ; cela étant, des ajustements en matière de pilotage seront nécessaires. Le site de Bergerac nous permettra de nous différencier dans le secteur des poudres.

Monsieur Lachaud, le bilan de la réintégration n’a pu être dressé ni lors de la dissolution, ni durant l’été, ni pendant les Jeux olympiques et paralympiques. Je suis favorable à l’organisation au cours de la session de ce beau débat qui permettra d’examiner la question de manière objective, en évitant de dire n’importe quoi et de surfer sur un antiaméricanisme primaire. Nous pourrons ainsi montrer combien est faux le tweet de Jean-Luc Mélenchon expliquant que le Charles de Gaulle n’est plus sous contrôle français et est passé sous pavillon américain. Les bateaux mis à disposition de l’Otan restent bien entendu soumis au contrôle national du CEMA, au contrôle politique du ministre et au contrôle opérationnel du Président de la République, chef des armées. Ce genre de tweets ne participent pas à la clarté du débat.

Vous êtes mobilisé sur le statut des missions depuis le début. Le défaut de lisibilité du système vous chagrine. Nous avons des pistes pour établir une classification en trois volets, et j’espère que nous pourrons la co-construire ensemble.

Les Missops, d’abord, sont forcément menées à l’étranger, contrairement aux Missint. Je rappelle au passage que l’opération Harpie, au cours de laquelle il y a eu plus de morts que durant certaines Opex, est une Missint : il faut donc manier ces notions avec précaution.

Les Missops apporteraient tout le droit commun de la protection nécessaire au militaire, mais il ne s’agirait pas d’un cas d’engagement avéré de la force. L’exemple type est celui de la Roumanie – où nous avons un peu de temps avant que les chars russes n’entrent, étant donné leur rythme de progression en Ukraine. Surtout, en cas d’évolution de la situation sur place, il s’agirait d’un cas d’application de l’article 35 de la Constitution : je ne vois pas comment des forces prépositionnées en Roumanie pourraient se retrouver en situation de combat sans que le Premier ministre ne vienne dans les trois jours prendre la parole devant le Parlement. Il n’y a pas de fait accompli. Pendant des décennies, des forces françaises ont été présentes à Berlin Ouest sans affrontement direct avec les forces soviétiques ! C’est le principe même de la guerre froide.

Les Opex, ensuite, pourront être des opérations d’un certain niveau de dangerosité mais n’entrant pas dans le champ d’application de l’article 35 (pas de combat). L’exemple type est celui de l’opération Aspides, menée dans des eaux internationales libres. Les bateaux militaires français y ont toujours navigué ; en ce moment, ils accompagnent des bateaux civils et ne tirent que dans le strict cadre de la légitime défense. Sans aucun doute, il s’agit d’une Opex. Toutefois, cela n’appelle pas de déclenchement de l’article 35 au regard de ce que le constituant, autrement dit le parlement et le gouvernement de l’époque, a voulu mettre dans le champ de l’article 35 lors des débats de la révision constitutionnelle.

Le troisième niveau serait constitué des Opex qui entrent dans le champ d’application de l’article 35. Par exemple, si le Président de la République avait décidé de se joindre aux Anglo-Saxons en mer Rouge pour frapper le Yémen, l’article 35 aurait trouvé à s’appliquer. Il n’est qu’à regarder les cas encore en cours pour lesquels cela s’est produit : l’article 35 a été appliqué lors de la mission au Liban, compte tenu de la durée et de la dangerosité du mandat, et lors de l’opération Chammal.

Cette classification permettrait de dégager des crédits budgétaires et d’assurer une protection des soldats dans un cadre constitutionnel transparent. J’avance sur le sujet, avec la ferme intention d’aboutir à quelque chose de propre et de lisible. Les forces ont besoin d’un encadrement constitutionnel et politique clair, bien plus que d’assurances budgétaires.

Madame Le Hénanff, cela fait deux ans que je suis très mobilisé sur la question de la militarité de Polytechnique. C’est la raison pour laquelle l’ingénieure générale Laura Chaubard a été nommée directrice générale de l’institution. La militarité fait partie de la scolarité. Elle ne doit pas être une exception. Dans le passé, on a observé certains comportements incompatibles avec ce qu’est une école militaire et j’ai fait savoir que les jeunes officiers qui ne respectent pas le règlement de discipline générale s’exposent à devoir quitter l’institution. En tant que ministre des Armées, je suis responsable des crédits qui financent cette école et j’entends préserver sa militarité.

Cela étant, les grands employeurs du ministère doivent adopter une démarche plus dynamique pour aller sensibiliser les jeunes sous-lieutenants qui servent à l’École polytechnique. La DGA, sous la tutelle indirecte de laquelle est l’École, la DGSE, les forces mêmes recrutent parmi ses élèves. Un travail important est accompli depuis deux ans et les choses avancent convenablement. Il faut aussi mener une réflexion avec la BITD pour prévoir des allers-retours, en prenant en compte les questions déontologiques que cela soulève. J’ai demandé aux grands chefs militaires de passer plus de temps à Polytechnique afin de diffuser une culture géopolitique plus accentuée, notamment en matière de menaces. Cette école doit former les ingénieurs qui travaillent dans la galaxie défense, et pas exclusivement les militaires. Du reste, l’Agence pour l’intelligence artificielle de défense sera essentiellement implantée sur le campus de Polytechnique. C’est une bonne nouvelle car c’est un cercle vertueux : plus on assemblera des briques technologiques nouvelles, plus on sera pionnier dans les tâches confiées à l’École – l’intelligence artificielle est un bon exemple –, plus son recrutement et son niveau seront bons et plus elle rayonnera.

Mme Valérie Bazin-Malgras (DR). Bien que le cap des 50 milliards d’euros de crédits de paiement soit en passe d’être dépassé, avec une hausse de près de 6 % du budget de la mission Défense, certaines lignes budgétaires sont de nature à nous inquiéter. Je note une coupe de près de 20 % dans les autorisations d’engagement pour la DGSE qui augure d’une baisse future des moyens, à laquelle il faut également ajouter une baisse de 6 % pour le renseignement d’intérêt militaire. Le budget du MCO de l’armée de Terre est en baisse alors que la situation en la matière est inquiétante depuis plusieurs années. Le budget de l’armée de l’air subit également de nombreuses coupes qui interrogent. Pouvez-vous nous rassurer ?

M. Frédéric Boccaletti (RN). En 2023, le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre, avait déjà sonné le tocsin en demandant à ses subordonnés d’utiliser tous les leviers à leur disposition pour enrayer une baisse inhabituelle les effectifs globaux. En 2024, la mission est toujours la même : attirer de nouveaux talents et fidéliser les troupes. Cela passe par de multiples facteurs, dont la rémunération.

Je souhaite ainsi évoquer les primes dues à nos militaires, celles que le ministère des Armées prévoit dans les différents projets de loi de finances mais qui ne vont que de manière incertaine dans les poches des militaires. Je veux notamment parler de la prime de lien au service ou encore des primes de spécialité. Pouvez-vous nous confirmer que les décrets d’application garantiront le versement de l’intégralité des sommes dues à nos militaires cette année, en temps et en heure ?

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Ma question concerne le service de santé des armées (SSA) et la bonne application de la feuille de route 2024-2030 visant à l’adapter au conflit de haute intensité. En conformité avec cette feuille de route, vous avez suspendu la déstructuration de l’hôpital d’instruction des armées Desgenettes à Lyon pour le transformer en hôpital spécialisé, expert dans la prise en charge physique et psychique des blessés. Que pouvez-vous nous dire aujourd’hui sur l’hôpital et son fonctionnement ? Ce modèle vous semble-t-il satisfaisant ? Comment évoluera-t-il ?

Par ailleurs, le plan SSA 2030, présenté dans la feuille de route, prévoit la construction d’un nouvel hôpital national d’instruction des armées doté de 300 lits à Marseille, qui remplacera l’hôpital Laveran. Où en est ce projet et comment avance-t-il ? Les délais seront-ils effectivement tenus et surtout qu’adviendra-t-il des soignants de Laveran ?

Enfin, la feuille de route prévoyait une augmentation de 50 % du budget de fonctionnement du SSA d’ici à 2030, qui passerait de 2 à 3 milliards d’euros. Cet objectif peut-il être atteint ?

M. Alexandre Dufosset (RN). La LPM 2024-2030 a souligné la nécessité de préparer nos forces aux nouveaux enjeux et aux nouveaux espaces de conflits que sont le cyber, le spatial ou encore l’intelligence artificielle. Au cœur de ces défis immenses se trouve un équipement minuscule, mais vital : les semi-conducteurs. Ils sont présents partout, dans les systèmes de communication, le guidage des missiles et des drones, les systèmes de radars et de sonars.

À ce jour, la France n’en produit quasiment pas en vue d’un usage militaire. Elle est donc en situation de dépendance stratégique. Or ce sujet n’était abordé ni dans la LPM, ni dans la loi de finances de 2024, et ne l’est pas davantage dans le PLF pour 2025. Pourquoi la France ne semble-t-elle pas encore avoir saisi la mesure de ces défis ? Des plans sont-ils à l’étude pour renforcer l’autonomie stratégique de notre pays dans ce domaine ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Les crédits de la DGSE augmentent. La diminution des AE tient au fait qu’ils avaient fortement augmenté en 2024 pour lancer le marché du Fort Neuf de Vincennes. La trajectoire des crédits de la DGSE que je vous avais présentée est préservée. Quant aux crédits du MCO, je ne sais pas quel point de détail peut connaître une baisse. Les crédits de l’entretien programmé des matériels augmentent de 10 % pour l’année prochaine. De façon générale, comme nous franchissons une marche supplémentaire, les budgétaire ne diminuent pas. Des décalages peuvent en revanche se produire. Je suis disponible avant l’examen des crédits en séance pour vous apporter des précisions et éviter tout malentendu.

Monsieur Boccaletti, la transformation de l’armée de Terre poursuit son cours. Il serait utile que vous interrogiez les chefs militaires en audition sur cette modification importante des ressources humaines – recrutement de 10 000 militaires, évolution des formations, pyramides d’âge pour les sous-officiers. Lors de l’examen de la LPM, j’ai tenté d’expliquer le rôle que jouera dans le combat terrestre du futur la guerre électronique, la longue portée, le combat à 360 degrés. Les efforts déployés par l’armée de Terre sont historiques. C’est difficile à expliquer au grand public mais il est intéressant d’entrer dans les détails, car 2025 sera une année d’application importante. Dans certains régiments, le métier de combattant, l’infanterie évolueront beaucoup. L’exercice Orion a déjà démontré une nouvelle approche, notamment en matière de déploiement de soldats dans le cadre de l’Otan ou en dehors. Au-delà des sommes en jeu, il est important de comprendre ce qui se trame dans l’armée de Terre.

Pour vous répondre sur les indemnités, toutes les primes seront versées. Si vous demandez aux soldats de l’armée de Terre de votre circonscription s’ils ont perçu la prime du combattant terrestre, ils vous répondront que oui. S’ils vous répondent non, vous me donnerez leur nom et je vérifierai moi-même.

Monsieur Saint-Martin, les délais du programme de construction du nouvel hôpital sont tenus ; les travaux de gros œuvre ont commencé. Bien entendu, les soignants de Laveran ont vocation à y travailler. Ils l’attendent, étant donné la vétusté de l’actuel hôpital, qui assume pourtant une activité croissante. En plus d’héberger un service de médecine des forces, l’hôpital rend un grand service aux Marseillaises et aux Marseillais. À Marseille, c’est une institution.

Merci de vos mots sur l’hôpital Desgenettes, car nous partons de loin. Sa spécialisation garantira son avenir de manière irréversible. Il est nécessaire de s’inspirer de la médecine des forces, notamment des soins dispensés à l’hôpital des Invalides visant à traiter les syndromes post-traumatiques, pour pouvoir les offrir au niveau territorial, en complément des maisons Athos. Ce projet auquel je crois beaucoup permettra également de consolider des compétences sanitaires importantes. Je me rendrai à Lyon pour en suivre l’avancement. Cela vaut également pour les spécialisations des hôpitaux de Bordeaux et de Metz. L’hôpital de Brest a un statut particulier eu égard à ce qu’il apporte aux forces de dissuasion. L’hôpital de Toulon connaît une transformation importante. Au-delà de la différenciation des hôpitaux de Percy et de Bégin et après la fermeture de l’hôpital du Val-de-Grâce, les effets du SSA commencent à se faire sentir dans les hôpitaux en région et même dans la médecine des forces en Opex – vous le constaterez lors de vos déplacements.

Vous le savez, je suis très attaché à la remontée en puissance du SSA. L’ensemble des crédits sont donc préservés, y compris ceux alloués aux travaux importants, et la trajectoire budgétaire est tenue à l’euro près. Ceux d’entre vous qui se sont récemment rendus à Percy ont pu constater à quel point la modernisation des urgences avance vite désormais grâce au concours bienvenu du service d’infrastructure de la défense. Je m’en réjouis car le projet commençait à prendre du retard.

Monsieur Dufosset, la question des semi-conducteurs ne relève pas du PLF ; elle touche à la souveraineté. La DGA suit cette question de près, notamment en cas de secousses géopolitiques. En lien avec le ministère chargé de l’industrie, elle est en train d’élaborer un plan de sauvegarde des éléments critiques, soit pour les produire nous-mêmes en Europe, soit pour constituer des stocks suffisants. C’est un travail de longue haleine. Davantage que la guerre en Ukraine, le covid, durant lequel les routes maritimes ont été perturbées, a mis en évidence des liens de dépendance qui ne sont pas acceptables. Néanmoins, il existe des réalités stratégiques s’agissant de certains types de semi-conducteurs qui sont produits dans certains pays. Il vaut mieux se saisir de cet énorme enjeu au niveau européen.

M. le président Jean-Michel Jacques. Merci, Monsieur le ministre.

 


2.   Audition de membres du groupe de liaison du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM)

La commission a entendu des membres du groupe de liaison du Conseil supérieur de la fonction militaire, sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324), au cours de sa réunion du mardi 22 octobre 2024.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous accueillons aujourd'hui la délégation du CSFM, accompagnée de son secrétaire général, le contrôleur général des armées M. Christophe Jacquot, dans le cadre de notre cycle d'auditions sur le projet de loi de finances 2025.

Le CSFM, créé en 1969, est l'instance nationale de consultation et de concertation des militaires. Il s'exprime sur l'ensemble des questions liées à la condition militaire,
c'est-à-dire les sujétions propres à l'état de militaire ainsi que les compensations apportées par la nation. La loi prévoit que le CSFM soit obligatoirement saisi des projets ayant une portée statutaire, indiciaire ou indemnitaire.

Présidé par le ministre des Armées et des Anciens combattants, ce Conseil se compose de 45 membres représentant les armées dans leur diversité d'armes, de corps, de grades et de répartition territoriale. Il constitue un outil précieux de dialogue entre le ministre, l'état-major et leurs subordonnés et un interlocuteur régulier du Parlement et de notre commission.

Dans le cadre des travaux sur le projet de loi de finances 2025, nous souhaitons recueillir l'analyse du CSFM sur les enjeux de l'année à venir pour la condition de nos militaires. La loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 prévoit des efforts concernant la fidélisation et la protection de nos militaires. Nous attendons votre éclairage sur la perception de ces efforts par la communauté militaire.

Je souhaite vous faire part de trois points d’attention : premièrement, les politiques en matière de rémunération, qui ont évolué avec la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) et le chantier de revalorisation des grilles indicielles ; deuxièmement, le chantier de la protection sociale des militaires, avec la réforme de la complémentaire santé entrant en vigueur au 1er janvier 2025 ; troisièmement, les enjeux de mixité et de diversité dans les armées, ainsi que les enseignements tirés de la mission d'enquête sur les violences sexuelles et sexistes (VSS) au sein du ministère. Notre commission est particulièrement sensible à ces différents points et nous espérons que vous pourrez les aborder en détail afin d'enrichir nos réflexions.

Pour des raisons de sécurité, cette audition étant retransmise en direct, les noms des personnes auditionnées ne seront pas mentionnés mais celles-ci seront uniquement désignées par leurs grade et prénom.

M. Christophe Jacquot, secrétaire général du CSFM. Je vous remercie de cette invitation à m'exprimer devant la représentation nationale, au sein de cette commission de la défense nationale et des forces armées. Cette audition offre à la communauté militaire l'opportunité de vous rendre compte en toute transparence de ses préoccupations concernant la condition militaire, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances 2025.

Les trois points abordés dans votre introduction, Monsieur le président, sont effectivement au cœur des sujets actuels de préoccupation de la communauté militaire. Je souhaite en préambule apporter quelques précisions sur la concertation et le rôle du CSFM.

La concertation, pour les militaires, qui ne disposent pas du droit syndical, constitue un mode de dialogue spécifique avec leur commandement de proximité, leur chef d'état-major et, in fine, le ministre via le CSFM. Ce dialogue s'avère indispensable pour éclairer la prise de décision des autorités, favoriser l'adhésion à tous les échelons et contribuer au moral de chacun. Il représente un élément essentiel de la réussite opérationnelle des unités.

La condition militaire, au regard de l'article L. 4111-1 du code de la défense, englobe l'ensemble des obligations et sujétions propres à l'état militaire, ainsi que les garanties et compensations apportées en contrepartie par la nation. Comme l'a déclaré Michel Debré dans son allocution inaugurale comme premier président du CSFM en 1970, « la condition déborde le statut. Il est normal de faire en sorte que l’institution ne soit pas en retard par rapport à d’autres mais qu’elle conserve, sur certains points, une situation propre, de façon que ceux qui ont vocation à la servir en soient récompensés. »

La concertation au ministère des Armées s'organise de manière complémentaire entre une concertation non institutionnelle, portée par des associations professionnelles nationales et militaires (APNM), et une concertation institutionnelle, dont le CSFM est la pierre angulaire. Les APNM, associations récentes, défendent les intérêts de leurs adhérents et de leurs corporations respectives (armée de l'air, Marine, armement et commissariats). La concertation institutionnelle s'est développée progressivement depuis 1969. Nous célébrons cette année les 55 ans de la concertation et de l'existence du CSFM.

Cette création a été enrichie en 1990 par celle des conseils de la fonction militaire des forces armées et des services de formation rattachés, pour éviter que le CSFM ne traite de tous les sujets. Ce dispositif permet d'examiner, lors d’une concertation intermittente pour chaque armée et service, les questions spécifiques à chacun, telles que les conditions de vie, l'exercice du métier militaire ou l'organisation du travail. Il garantit également la représentativité des divers métiers et spécialités des forces et services.

Une étape majeure a été franchie en 2016 avec la professionnalisation du CSFM. Ses membres exercent désormais leur mission de concertation à temps plein pour un mandat unique de quatre ans, couvrant le vaste champ de la condition militaire. Le CSFM bénéficie ainsi d'une expérience éprouvée du dialogue et d'une légitimité fondée sur l'élection de membres permanents restant affectés au plan local. Ces derniers, élus par et parmi les conseils de la fonction militaire de leur armée ou service, acquièrent une vision interarmées et interservices de niveau ministériel tout en demeurant proches du terrain.

Aujourd'hui, le CSFM comprend quarante-cinq membres permanents issus des différentes forces armées (armée de Terre, Marine nationale, armée de l'air et de l'espace et gendarmerie nationale) et de la direction générale de l'armement et des services (en particulier le service de santé des armées, le service de l'énergie opérationnelle, le service du commissariat des armées et le service d'infrastructure de la défense). Ces militaires appartiennent à divers corps, grades et catégories, reflétant la diversité de la représentation. Parmi eux siègent trois retraités désignés par le conseil permanent des retraités militaires (CPM).

Les APNM disposent de seize sièges au CSFM, qu'elles n'occupent pas à ce jour (et pour certaines, ne le souhaitent pas) car elles ne satisfont pas le critère de représentativité fixé par le code de la défense en termes d'influence significative au regard de l'effectif de leurs adhérents, des cotisations perçues et de la diversité des groupes et grades représentés en leur sein.

En conclusion, le CSFM est l'instance nationale de concertation et de consultation des militaires, présidée par le ministre des Armées, avec deux fonctions principales. La première consiste à établir un dialogue constructif et permanent dans un cadre qui garantit aux militaires la liberté de penser et d'expression. Bien que notre ministère soit caractérisé par une certaine verticalité, le respect de la discipline, l'absence de parti pris et le sens de l'intérêt général, Michel Debré considérait la liberté totale de penser et d'expression comme la condition du succès de ce dialogue interne aux militaires. J'espère que cette délégation permettra de mettre en pratique ce principe, dont je suis le garant. Il est de la responsabilité du chef, à tous les échelons, de veiller aux intérêts de ses subordonnés, conformément au code de la défense.

Actuellement, la concertation institutionnelle fonctionne efficacement. Dans ce cadre, le CSFM informe directement et librement le ministre et la hiérarchie militaire, en complément des travaux des CFM. En tant que secrétaire général, je suis chargé de coordonner et d'assurer l'efficacité de ce dispositif, tout en proposant des évolutions, comme celle entrée en vigueur le 14 octobre 2024, visant un renouvellement progressif du CSFM tous les quatre ans. Ce dialogue s'appuie sur plus de 1 100 concertants titulaires et suppléants, et traite un large éventail de sujets liés à la condition militaire : les aspects statutaires, économiques, sociaux et culturels ; l’attractivité ; la fidélisation ; le moral ; le soutien aux malades ; la famille.

La deuxième fonction majeure du CSFM est d'ordre juridique, c'est-à-dire l’expression d’avis sur tous les sujets, hormis les questions stratégiques, politiques ou d'organisation des forces et services qui relèvent du commandement. Le CSFM est obligatoirement consulté sur les projets de textes législatifs et réglementaires concernant les questions statutaires, indiciaires et indemnitaires. Bien que consultatifs, ces avis revêtent une grande importance au ministère des Armées. Le CSFM les accompagne souvent d'observations, appréciées par le Conseil d'État.

Sous l'impulsion du ministre des Armées et des anciens combattants actuel, Sébastien Lecornu, le CSFM formule également des avis sous forme de propositions, notamment sur la militarité, le plan famille ou le plan blessés. En novembre dernier, le ministre lui a confié un mandat sur l'attractivité et la fidélisation. En quatre mois, ses membres ont visité environ 140 unités, rencontré près de 2 300 militaires et élaboré 30 préconisations. Ce livrable de 30 préconisations a été remis au ministre en juillet 2024 et l'administration s'en est saisie.

En conclusion, je souhaite insister sur deux points. Premièrement, le CSFM est à la tête d'une pyramide étendue et déconcentrée, entretenant un dialogue direct avec le ministre. Ce modèle, fort de 55 ans d'expérience, allie respect de l'autorité, sens des responsabilités, esprit critique constructif et force de proposition. Deuxièmement, ce sont les militaires qui font la réussite de cet organisme grâce à trois qualités : ils sont volontaires et représentatifs des différentes sensibilités de la communauté militaire, tout en restant affectés dans leur unité ; ils sont légitimes, élus par leurs pairs et les CFM ; enfin, ils sont compétents, expérimentés et experts, connaissant les dossiers d'administration et le vécu de leurs camarades au niveau local.

Je vous présente maintenant cette délégation interarmées et interservices du CSFM, composée des militaires suivants : la commissaire en chef de deuxième classe Agnès du service du commissariat des armées, secrétaire de la session pour six mois ; le major Jean-Philippe de l'armée de Terre ; le lieutenant-colonel Alexis de l'armée de Terre ; le capitaine de corvette Thibault de la Marine nationale ; l'infirmier en soins généraux de deuxième grade Jean-Philippe ; le major Laurent de la gendarmerie nationale ; le caporal-chef Myriam de l'armée de l'air et de l'espace.

Mme la commissaire en chef Agnès. En tant que secrétaire du CSFM, je tiens à remercier la commission pour cette audition sur les enjeux de la condition militaire, dans le cadre du projet de loi de finances 2025. Ce dernier prévoit 50,5 milliards d'euros de crédits de paiement pour la défense, soit une hausse de 3,3 milliards par rapport à la loi de finance initiale de 2024. La communauté militaire est reconnaissante de cet effort budgétaire consenti par la Nation dans un contexte contraint.

Une partie de ces crédits sera allouée à la condition militaire, élément fondamental d'une armée opérationnelle et résiliente. Ainsi, 265 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires seront dédiés à l'ambition « fidélisation 360 », visant à renforcer l'attractivité des armées et la fidélisation, en améliorant les conditions d'emploi du personnel civil et militaire du ministère.

Dans ce cadre, le CSFM s'est vu confier par le ministre des Armées un mandat sur l'attractivité et la fidélisation en novembre 2023. Nos échanges avec 2 300 militaires au sein de 140 unités ont mis en lumière les principales préoccupations de la communauté. Les insatisfactions quotidiennes érodent souvent le sens de l'engagement voire incitent les militaires à quitter l’institution. Nos priorités concernent la rémunération, l'accompagnement de la mobilité (notamment le logement), la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée, ainsi que la qualité de vie et les conditions de travail.

En ce qui concerne la rémunération, la révision des grilles indiciaires constitue la priorité absolue, conformément à l'article 7 de la LPM, qui prévoit une refonte pour les sous-officiers d'ici fin 2024 et pour les officiers d'ici fin 2025. La rémunération est cruciale pour atteindre les objectifs de recrutement et de fidélisation. Nous constatons un décrochage par rapport à la fonction publique, particulièrement pour les cadres supérieurs. Le dispositif actuel n'encourage plus la progression en raison d'un tassement général lié aux revalorisations successives des bas indices, menaçant notre modèle d'escalier social.

Cette révision des grilles indiciaires est primordiale pour la communauté militaire. Elle constitue l'un des six axes définis par le ministre dans le cadre de l'ambition « fidélisation 360 ». Il est impératif de maintenir ce chantier malgré les contraintes budgétaires actuelles, ces mesures étant très attendues depuis longtemps.

La revalorisation des grilles devra être complétée en 2026 par un bilan de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM). Des ajustements sont nécessaires rapidement, notamment concernant l'indexation sur l'inflation des primes forfaitaires, l'indemnité pour sujétion d'absence opérationnelle, la prime de compétences spécifiques et l'indemnité de garnison.

Dans les domaines sociaux, l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée occupe une place centrale dans les préoccupations. La contrainte de mobilité engendre un très fort déséquilibre et est de moins en moins bien vécue par les militaires et leurs familles. Le CSFM estime que cette question doit être examinée dans sa globalité. Dans l’attente, la mobilité nécessite un meilleur accompagnement, en accordant une attention particulière au logement du militaire et à l'emploi de son conjoint. Une politique de logement ambitieuse, à la hauteur des contraintes subies et des pertes de revenus induites par la mobilité, constituerait un levier majeur de fidélisation du personnel militaire.

Actuellement, l'accompagnement pour trouver un logement suite à une mutation demeure insuffisant. Le contrat de concession « ambition logement », visant la rénovation de l'ensemble des logements domaniaux existants et la construction de logements neufs, n'a pas encore produit tous ses effets. L'attribution des logements domaniaux et conventionnés est critiquée pour son manque de visibilité et complique l'installation des familles dans les garnisons. Une évolution de la réglementation en vigueur s'avère nécessaire.

Le plan famille 2, qui vise à accompagner la mutation du militaire et à améliorer la vie des familles, privilégie une approche territoriale pour certaines de ses mesures. Il fait écho au mandat ministériel confié au CSFM pour recueillir les bonnes pratiques locales susceptibles d'améliorer l'attractivité et la fidélisation de la communauté militaire. Dans le cadre de la mobilité, le lien entre les armées et les territoires apparaît essentiel pour améliorer la vie en garnison, notamment pour l'accueil et l'intégration du militaire et de sa famille.

Les militaires déplorent par ailleurs les difficultés de l'action sociale à fournir une offre de services répondant aux attentes des familles. Ils appellent de leurs vœux l'instauration d'un équivalent du comité social et économique des armées, pour améliorer en particulier les offres de garde d'enfants, jugées actuellement peu compétitives.

L'amélioration de la qualité de vie au travail demeure une préoccupation majeure, passant en premier lieu par l'amélioration de la vie en emprise. Il est essentiel d'investir dans les infrastructures et les conditions de travail, ce qui implique la modernisation des installations militaires et la fourniture rapide d'équipements de qualité adaptés.

Enfin, il devient impératif d'améliorer les hébergements mis à disposition des militaires dans les emprises, la dégradation constatée lors des visites étant en totale contradiction avec l'importance du budget alloué aux infrastructures dans la nouvelle LPM. La hausse de 260 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale 2024 doit permettre la réparation des infrastructures, y compris les hébergements.

Le départ anticipé des plus expérimentés et le non-renouvellement précoce des jeunes engagés créent des déficits chroniques en personnel et reportent la charge de travail sur un nombre réduit de militaires, qui ne parviennent plus à prendre l'ensemble de leurs permissions. Face à ce constat, le CSFM a proposé un dispositif de gestion des permissions non prises, cette suractivité étant mal vécue, d'autant qu'elle s'oppose aux aspirations des militaires pour mieux concilier vie professionnelle et vie privée.

Par ailleurs, les difficultés susceptibles d'entraîner une surcharge portent également sur le soutien des forces. À cet égard, l'augmentation de 60 millions d'euros prévue par rapport à la loi de finances initiale 2024 doit permettre le renforcement des soutiens, particulièrement touchés ces dernières décennies par les réductions de moyens financiers et humains. Cette remontée en puissance des soutiens constitue une réparation qui s'inscrit dans la durée, avec une attention particulière pour le commissariat et le service de santé des armées.

En effet, les armées doivent, par nature, remplir leur mission, même dans les conditions les plus dégradées. Or le manque de moyens des soutiens, conjugué à la lourdeur des démarches administratives, éloigne les militaires de leur mission première. De nombreux militaires, initialement attirés par une promesse employeur porteuse de sens, se retrouvent entravés par un excès de procédures internes. La dématérialisation des démarches ne saurait remplacer l'accueil, le conseil et le contact humain. Un renforcement des moyens s'impose pour assurer un soutien de proximité plus accessible et favoriser une démarche proactive envers les soutenus. Les militaires aspirent à une simplification des procédures et à davantage de subsidiarité.

De plus, l'obsolescence et l'insuffisance des matériels, associées à la réduction des projections, risquent de démotiver les jeunes engagés et même les militaires plus expérimentés. Cette situation les incite à quitter une institution ne leur offrant plus les moyens de se former, de s'entraîner ni d'accomplir leur mission.

Concernant la condition militaire, plusieurs points de vigilance ont été identifiés. La protection sociale complémentaire santé constitue un sujet d'attention majeur. À partir du 1er janvier 2025, un contrat collectif à adhésion obligatoire avec participation de l'État sera mis en place pour les militaires. Il leur fera bénéficier d’un panier de soins adapté à leurs besoins spécifiques. Bien que cette mesure représente une avancée, certaines catégories de militaires, notamment les célibataires, devront s'acquitter d'un montant plus élevé, suscitant une forte incompréhension. De plus, les tarifs appliqués aux conjoints et aux enfants sont jugés trop onéreux, parfois supérieurs à ceux de leurs anciens contrats référencés. Par ailleurs, les tarifs du nouveau contrat applicable à l'étranger sont considérés comme prohibitifs, en forte augmentation par rapport aux précédents, tant pour les militaires que pour leurs ayants droit.

La situation des militaires français affectés outre-mer et à l'étranger soulève d'autres préoccupations, notamment en matière de logement, de scolarité des enfants, d'emploi des conjoints et d'accès aux soins.

La réserve constitue également un sujet d'attention. L'ambition ministérielle vise à doubler le volume de la réserve opérationnelle entre 2024 et 2030, puis dans un 2ème temps à disposer d’un militaire de réserve pour deux militaires d’active en 2035. Cet objectif doit être poursuivi en complément de l'active, et non en substitution. Sa réalisation nécessitera un renforcement du format de nos armées ainsi que de leurs capacités en matière de recrutement, formation, équipement et soutien.

Dans un tout autre domaine, le CSFM accorde une attention particulière aux conclusions du rapport de la mission d'enquête sur les VSS au sein du ministère des Armées. Ce rapport a mis en lumière l'existence de VSS au sein des forces armées et a conduit à la création d'un comité ministériel de suivi du programme de lutte contre les VSS. Le CSFM suivra attentivement la mise en œuvre de ce programme, qui contribue directement à la condition du personnel militaire.

Enfin, le plan blessés 2023-2027, qui traduit la prise en compte par le ministère des besoins spécifiques des militaires dans ce domaine sensible, suscite de fortes attentes au sein de la communauté militaire et des familles. Le CSFM, qui a émis des propositions lors de l'élaboration de ce plan, continue de le suivre avec attention, notamment en participant au comité de pilotage et de suivi. Les militaires blessés méritent un parcours coordonné, optimisé et simplifié.

Tous ces éléments concourent directement à l'attractivité de nos métiers et à la fidélisation de nos soldats. Nous sommes disposés à approfondir ces points et à répondre à vos questions.

Mme Nadine Lechon (RN). Le personnel constitue l'élément central de toute armée. Sa combativité, sa motivation et son efficacité dépendent directement de la considération que l'État lui accorde. Notre groupe, attentif au bien-être des forces armées et de leurs membres, se sent particulièrement concerné par ces questions.

En 2015, un scandale a révélé les conditions de vie déplorables de nos forces armées. Un cadre de vie insalubre engendre un stress supplémentaire, affectant le moral et, à terme, l'efficacité opérationnelle. Dès 1993, un sénateur avait alerté le ministre de la défense de la désuétude des établissements militaires. Le ministère s'était alors contenté d'affirmer que la situation était maîtrisée. Plus de trente ans après, force est de constater que le problème persiste.

Certes, quelques efforts ont été entrepris. Le ministère des Armées a notamment prévu d'externaliser la gestion des logements. Bien que ces solutions présentent un intérêt, elles ne sauraient être considérées comme définitives. Il serait illusoire d'envisager une augmentation de nos effectifs si nous ne parvenons pas à loger décemment le personnel existant.

Un rapport de 2017 jugeait certaines bases inutilisables, insalubres et obsolètes. Les militaires sont confrontés à des casernes délabrées, des dortoirs inondés et des températures insupportables en période estivale. Dans leur quotidien, ils se sentent négligés. On estime qu'un militaire dépense en moyenne 401 euros par an pour compléter ou améliorer son équipement personnel. Ce n’est pas tolérable.

En résumé, le groupe Rassemblement National s'attachera à vérifier si les actes ont suivi les paroles et les promesses. Le CSFM, souvent présenté comme le syndicat des armées, joue un rôle essentiel. À ce titre, nous souhaitons appréhender au mieux les réalités du terrain afin d'agir pour qu'à l'avenir, aucun de nos soldats ne soit mal logé ou mal équipé.

M. le capitaine de corvette Thibault. Le logement et l'hébergement constituent une préoccupation majeure pour les militaires. Nos nombreuses visites dans le cadre du mandat ont révélé l'existence d'une dette grise au niveau des infrastructures, en raison d’un manque d’investissement pendant de nombreuses années. Cette dette engendre un surcoût d'entretien pour des installations usées et vieillissantes, qui n'ont pas bénéficié de rénovations ou de remplacements. Actuellement, de nombreux hébergements et infrastructures au sein de nos bases se trouvent dans un état d'insalubrité ou de vétusté avancée.

L'absence de petites réparations quotidiennes entraîne une insatisfaction et une insalubrité. Les militaires se voient contraints d'effectuer eux-mêmes ces réparations pour rendre leur quotidien vivable. La qualité de vie et les conditions de travail semblent souvent anachroniques, au regard du vote du budget historique de la LPM 2024-2030. Ce budget historique a suscité d'immenses attentes, mais les militaires ne constatent pas de changement tangible dans leur quotidien.

Une rénovation des emprises s'avère indispensable. Les militaires s'efforcent de s'organiser au mieux pour pallier ces défauts d'entretien. Il convient de souligner que les bases constituent souvent leur lieu de vie quotidien, voire unique pour certains qui travaillent et résident dans les casernes.

Nous avons identifié un certain nombre de problèmes, mais également des pratiques vertueuses. Plusieurs emprises ont mis en place des initiatives louables, que nous avons répertoriées dans le plan des trente préconisations. Par exemple, certains restaurants sont désormais ouverts jusqu'à 23 heures, tous les soirs et sept jours sur sept, répondant ainsi aux besoins opérationnels du personnel. Cependant, dans certaines unités, le personnel ne dispose toujours pas de mess pour se restaurer le soir. Des centres médicaux des armées proposent des créneaux de consultation pour les familles et envisagent bientôt d'offrir des créneaux de téléconsultation pour améliorer la prise en charge de nos militaires.

Dans le cadre du plan de fidélisation, nous avons également proposé d'améliorer l'accessibilité de nos emprises. L'enjeu ne se limite pas à la rénovation, mais implique de rendre nos emprises accessibles aux familles, d'en faire de véritables lieux où le militaire travaille et crée un espace de vie communautaire.

Des services supplémentaires doivent être mis en place. Certaines entités ont déjà instauré des services pour les militaires, tels que des conciergeries qui facilitent leur quotidien en leur permettant de gagner du temps, par exemple pour la prise de rendez-vous pour le contrôle technique, les consultations médicales ou d'optique. Ces petites attentions, peu coûteuses pour l'institution, améliorent sensiblement la vie quotidienne.

D'autres services plus coûteux nécessitent un investissement plus important, comme les crèches. Certaines unités, à l'instar de Balard, disposent de crèches répondant réellement aux besoins horaires des militaires. Malheureusement, la plupart des crèches ne s'adaptent pas à l'amplitude horaire des militaires, faute de personnel suffisant ou d'une prise en compte adéquate des contraintes professionnelles de nos soldats.

Mme Corinne Vignon (EPR). Nos forces armées sont actuellement confrontées à des défis majeurs en matière de fidélisation. Il est donc impératif d'améliorer le quotidien des militaires et les conditions de vie de leurs familles. Le 18 mars 2024, le ministre des Armées a lancé le plan « fidélisation 360 », doté de 265 millions d'euros pour 2025. Ce dispositif vise à renforcer l'attractivité et à revitaliser la condition des militaires à plusieurs égards : offrir de meilleures conditions de travail avec une rémunération plus attractive, particulièrement dans les filières en tension ; permettre une approche des métiers mieux compensée grâce à une prise en charge complète des suggestions ; proposer un accompagnement renforcé dans les parcours personnels pour les rendre plus évolutifs, notamment par un accès accru à la formation ; accompagner la mobilité des militaires et de leurs familles avec un reste à charge nul, de nouvelles places en crèche ou des facilités pour les inscriptions scolaires, grâce au renforcement du plan famille 2.

Cependant, l'accès au logement me semble être l'élément central pour accompagner cette mobilité. La construction de 2 800 logements neufs et la rénovation complète du parc domanial d'ici 2030 constituent une avancée. Néanmoins, il est nécessaire de développer l'offre privée en se rapprochant des agences immobilières, des maires et des bailleurs sociaux ainsi qu’en multipliant les conventions dans certaines régions encore peu exploitées. Il convient également de déployer le catalogue d'offres proposé par le logiciel Atrium, en multipliant les visites virtuelles et en facilitant rapidement l'accès à la propriété pour nos militaires.

Toutes ces mesures « fidélisation 360 » sont des engagements pris lors de l'adoption de la LPM 2024-2030, avec une trajectoire budgétaire respectée. Je souhaiterais connaître vos moyens d'évaluation afin de vous assurer que les crédits 2025 permettent une amélioration concrète des conditions de vie et de travail des militaires.

Mme la commissaire en chef Agnès. Le plan « fidélisation 360 » aborde différentes thématiques. La problématique du logement constitue une préoccupation majeure pour les militaires car elle impacte directement leur capacité à se concentrer pleinement sur leurs missions. La mobilité inhérente à leur profession les expose plus fréquemment que le reste de la population aux difficultés liées à la recherche d'un logement. L'offre insuffisante et la compensation indicielle inadéquate face à l'inflation ne permettent pas de répondre de manière satisfaisante à cette situation.

Une réforme en profondeur de l'instruction ministérielle 11 36, portant sur le classement, les conditions d'attribution et d'occupation des logements relevant du ministère de la défense, s'avère essentielle. Elle vise à simplifier, moderniser et améliorer la transparence du processus d'attribution. Nous souhaitons être associés à cette démarche, déjà entamée.

Actuellement, nous constatons une augmentation des doléances liées à la qualité du service rendu. Les insatisfactions concernent notamment la communication avec le bailleur, le sous-dimensionnement et la saturation du parc, les problèmes d'entretien du parc domanial, la hausse du coût des logements (liée à celle des charges locatives), ainsi que le processus d'attribution jugé insatisfaisant en termes de délais, de réactivité et de transparence.

Le contrat de concession « ambition logement », piloté par le consortium Nové, doit prendre en compte ces difficultés. Son objectif est la remise à niveau de l'ensemble des logements domaniaux existants pour les aligner sur les standards actuels de confort et de normes environnementales. Il prévoit également la construction de logements neufs. Cependant, cette remise à niveau engendre des contraintes pour les occupants actuels, parfois obligés de quitter temporairement leur logement.

Des remontées concernent également l'agence nationale du contrôle du logement social, qui impose aux bailleurs sociaux l’obligation de présenter trois dossiers de candidature pour chaque attribution, complexifiant davantage la procédure. Il conviendrait d'assouplir cette règle pour les logements réservés au ministère des Armées.

Pour pallier ces difficultés, nous proposons de développer des partenariats avec les agences immobilières et les bailleurs sociaux. Des initiatives intéressantes ont été observées sur le terrain, telles que l'organisation d’un forum du logement ou la création d’une banque de logements privés facilitant la mise en relation avec les propriétaires. Nous préconisons également une meilleure prise en compte des sujétions opérationnelles dans l'attribution des logements domaniaux. Parmi nos recommandations figurent l'évolution de l'instruction ministérielle 11 36, le développement de l'offre de logements intermédiaires, ainsi que l'inscription dans les conventions avec les bailleurs de clauses permettant, le cas échéant, de proposer un logement alternatif. Nous suggérons également de prendre en compte les logements attribués aux militaires dans le calcul des quotas imposés aux communes par la loi de solidarité et renouvellement urbain (SRU) et d'inciter les propriétaires privés à loger des militaires, notamment dans les zones tendues. Enfin, pour faciliter l'accession à la propriété, nous proposons d'accorder à chaque militaire, au moins une fois dans sa carrière, un prêt à taux zéro pour l'acquisition d'un bien immobilier, ainsi que l'exonération de la taxe d'habitation pour la résidence secondaire correspondant à leur résidence de repli.

Mme le caporal-chef Myriam. Les militaires mutés pour raison de service dans une nouvelle garnison attendent une amélioration de l'aide à la mobilité. Cette amélioration passe notamment par la mise en œuvre du plan « fidélisation 360 », en particulier avec l'instauration du zéro reste à charge pour les mutations impliquant un changement de résidence. Il serait également nécessaire de revoir le cubage alloué aux militaires divorcés et veufs car il s'avère actuellement insuffisant et inadapté à la réalité des familles recomposées. De plus, une réévaluation des délais de reconnaissance de garnison s'impose, en tenant compte des besoins spécifiques et en excluant le temps de trajet de la période. L'accueil des enfants dans les crèches ministérielles devrait être étendu à des horaires plus larges. Actuellement, les militaires sont contraints de demander des autorisations d'absence ou des aménagements d'horaires pour déposer et récupérer leurs enfants à la crèche.

Concernant le plan famille, le CSFM a apporté une contribution significative. Sur les quarante-quatre mesures proposées pour le plan famille 2, vingt et une ont été retenues. Cependant, ce plan souffre d'un manque de communication, tant sur la nature des mesures elles-mêmes que sur les avancées réalisées. Ce dispositif reste méconnu au sein de la communauté militaire, particulièrement aux échelons inférieurs. Au niveau du commandement, les préoccupations portent davantage sur le financement dans le contexte budgétaire actuel.

Malgré une volonté manifeste, le plan famille demeure sous-dimensionné. Il conviendrait d'allouer davantage de moyens financiers et humains pour développer une communication de qualité spécifique au plan famille 2, distincte des autres dispositifs. L'objectif serait de faire connaître les mesures déclinées dans le plan à tous les échelons et de diffuser les informations relatives aux actions menées. Sur le terrain, aucune réalisation concrète du plan famille n'est perceptible.

M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Je souhaite vous interroger sur deux sujets majeurs : la complémentaire santé et le traitement des VSS au sein du ministère.

Concernant la complémentaire santé, nous accueillons favorablement cette nouvelle mesure, sachant qu'environ 30 % des militaires, notamment du rang, n'en bénéficiaient pas jusqu'à présent. Cependant, des questions subsistent sur le coût, la lisibilité de cette réforme et les inquiétudes qu'elle pourrait susciter chez les militaires. Le ministère a-t-il mis en place un dispositif ou un mode de calcul simple pour évaluer les cotisations des militaires et de leurs ayants droit ? Existe-t-il un outil informatique qui permette de connaître précisément ces montants ? Le panier de soins est-il clairement défini ? Quelles informations sont-elles fournies, notamment concernant les cas d'exemption de la complémentaire santé ?

S'agissant du traitement des VSS dans le ministère, suite aux récentes affaires médiatisées, le ministre a enfin annoncé une politique de tolérance zéro, avec un signalement systématique au procureur via l'article 40. Les chiffres sont alarmants : un viol serait commis toutes les deux semaines et une agression sexuelle tous les cinq jours. Un tiers des femmes militaires ont déjà été victimes de VSS au sein du ministère. Au-delà du signalement, se pose la question des moyens alloués à la prévention et à la prise en charge des victimes. La cellule Thémis doit être renforcée ; ses moyens actuels sont manifestement insuffisants face à l'ampleur du phénomène. Selon le Conseil, quels moyens seraient nécessaires pour mettre en œuvre une véritable politique de lutte contre ces violences et assurer une prise en charge adéquate des victimes ?

M. l’infirmier en soins généraux de deuxième grade Jean-Philippe. Je souhaite aborder la question de la protection sociale complémentaire obligatoire pour les militaires, qui représente un élément important de leur condition. Sa mise en place à compter du 1er janvier 2025 constitue une avancée significative, mais la communication autour de cette mesure s'est révélée insuffisante.

Bien que les informations soient toutes disponibles sur notre site « intradef », elles sont noyées parmi d'autres contenus. La diffusion s'est principalement effectuée lors de rassemblements en garnison ou via internet, sans qu'une communication individualisée n'ait été mise en place. Chaque militaire n'a pas reçu de document écrit l'informant de ses possibilités d'exemption et des conditions à remplir. Cette lacune est regrettable, tout comme l'absence d'un droit d'option individuelle pour les militaires.

Il convient de noter que le pourcentage de militaires ne bénéficiant pas d'une protection sociale complémentaire est nettement supérieur à celui observé dans les autres secteurs, publics ou privés. Les chiffres de 2022 indiquent que 20 % des affiliés à la caisse nationale militaire de sécurité sociale ne disposaient d'aucune complémentaire santé, dont 18 % des militaires en activité. Ce taux atteint même 31 % chez les militaires de moins de 25 ans.

Concernant le calcul des cotisations, un calculateur a été mis à disposition hier sur « intradef ». Cet outil permet à chaque militaire d'estimer le montant de sa cotisation en fonction de sa solde brute, ainsi que les tarifs applicables à son conjoint et ses enfants selon leur âge. Il prend également en compte les affectations à l'étranger, avec des variations selon la zone géographique.

À titre d'exemple, pour un sous-officier de carrière affecté en métropole, la cotisation s'élèverait à environ 23 euros, tandis que son conjoint devrait verser 67 euros. Les enfants de moins de 21 ans seraient redevables de 42 euros, et ceux de plus de 21 ans de 47 euros. Certains militaires déplorent que ces montants soient parfois supérieurs à ceux des contrats référencés antérieurs. La situation est encore plus marquée pour les affectations à l'étranger. Dans la zone 3, comprenant les États-Unis, le Canada et la Chine, le même sous-officier de carrière devrait s'acquitter mensuellement d'environ 133 euros, son conjoint de 412 euros et chaque enfant de 201 euros, indépendamment de son âge. Ces montants représentent une augmentation comprise entre 60 % et 100 % par rapport aux contrats référencés précédemment à l'étranger. Le CSFM appelle de ses vœux des évolutions sur ce plan.

Le CSFM exprime en outre ses inquiétudes quant à une éventuelle hausse future de ces cotisations. Le projet de loi de finances de la sécurité sociale 2025 prévoit une modification du taux de remboursement des consultations chez le généraliste, passant de 70 % à 60 %, ce qui pourrait impacter l'équilibre du régime et, par conséquent, le montant des cotisations. Par ailleurs, une partie de la communauté militaire regrette que les cotisations des conjoints et des enfants soient parfois supérieures à celles constatées dans le secteur privé.

Il nous a été précisé que l'objectif principal de ce régime complémentaire santé était d'offrir aux militaires d'active une protection sociale de qualité. Le panier de soins proposé répond effectivement à cet objectif et a été élaboré en concertation avec le service de santé et les différents états-majors, prenant en compte les priorités de santé spécifiques aux militaires. À titre d'illustration, la prise en charge des soins dentaires est particulièrement satisfaisante, ces derniers conditionnant souvent l'aptitude du militaire.

M. le major Laurent. Le 21 février dernier, une délégation du groupe de travail mixité du Conseil a été auditionnée par la mission d'enquête sur les VSS au sein du ministère des Armées. Le rapport issu de cette mission, qui révèle l'existence de violences dans les forces armées, a engendré des réactions significatives du CSFM.

Le Conseil exprime son inquiétude quant à l'ampleur des violences. Les chiffres cités par M. Lachaud proviennent de la cellule Thémis, mais il convient de prendre en compte également les cas non signalés.

Le CSFM préconise un renforcement conséquent des mesures de prévention et de protection. Il souligne l'importance de créer un environnement sécurisant pour l'ensemble des militaires, garantissant un cadre professionnel exempt de harcèlement et de discrimination.

Il insiste également sur la nécessité d'améliorer le soutien et l’accompagnement aux victimes. Celles-ci doivent pouvoir évoluer dans un climat de confiance pour signaler les incidents et bénéficier d'un soutien psychologique et juridique efficace tout au long de leurs démarches. Une proposition consiste à permettre au militaire victime d'être accompagné par un tiers de confiance de son choix durant l'intégralité du processus, pratique déjà en vigueur pour les violences conjugales. Il apparaît également nécessaire d'instaurer une inscription au registre des constatations en cas de violence et d'octroyer la protection fonctionnelle aux militaires victimes.

Le CSFM souligne l'importance de renforcer la formation et la sensibilisation de l'ensemble du personnel militaire sur les questions de VSS. Une éducation approfondie sur ces sujets s'avère essentielle dès la formation initiale et tout au long de la carrière via la formation continue. Les référents doivent également bénéficier d'une formation plus poussée. Par exemple, un rappel sur la notion de consentement à l'ensemble des militaires s'impose.

L'amélioration des procédures de signalement et de sanction est jugée indispensable. Le Conseil plaide pour des procédures plus accessibles et efficaces, ainsi que pour des sanctions proportionnées et systématiques envers les auteurs de violences. Il estime que la tolérance zéro est fondamentale pour instaurer la confiance au sein des forces armées. L'article 40 du code de procédure pénale n'est pas instinctif au sein du ministère des Armées, bien qu'il constitue une obligation légale et non une option. Son application ne fait pas obstacle à une procédure disciplinaire interne.

Le CSFM appelle à une véritable transformation culturelle au sein des armées pour éradiquer les comportements sexistes et les violences sexuelles. Cela requiert un engagement fort de la hiérarchie militaire et des actions concrètes sur le terrain.

Enfin, le CSFM accueille favorablement les conclusions du rapport et se montre déterminé à collaborer avec le ministère des Armées pour mettre en œuvre des mesures concrètes et efficaces. L'objectif est de renforcer la prévention, le soutien aux victimes et la sanction des comportements inappropriés, tout en promouvant une culture d'égalité et de respect au sein des forces armées.

M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Le ministère des Armées a réalisé des avancées significatives en matière de mixité et de féminisation grâce au plan mixité de 2019. Actuellement, une personne sur sept dans l'armée est une femme. Bien que ce chiffre puisse paraître modeste, il positionne l'armée française avantageusement par rapport à de nombreux autres pays. Néanmoins, nous sommes encore loin de la parité souhaitée et les défis à relever restent considérables. Le « #me too » des armées a été évoqué. Une action résolue et déterminée s'impose. Vous pouvez compter sur notre soutien pour faire progresser la situation à notre niveau.

De manière plus générale, pour accroître la féminisation dans l'ensemble des corps et des grades, il apparaît nécessaire de ne plus se focaliser uniquement sur des objectifs chiffrés concernant les officiers généraux féminins, mais d'élargir les efforts aux femmes militaires du rang et sous-officiers. Chacune d'entre elles doit avoir accès aux fonctions et à la carrière correspondant à ses talents, ses compétences et ses ambitions.

Les questions d'égalité et de mixité étant des enjeux majeurs de condition militaire, pouvez-vous nous indiquer les axes d'évolution à l'étude en adoptant une approche opérationnelle de la mixité ? Dans votre travail de concertation sur le terrain, avez-vous reçu des demandes spécifiques à ce sujet ? Faudra-t-il enfin des financements complémentaires dans le projet de loi de finances 2025 pour renouveler et améliorer ce plan mixité ?

M. Christophe Jacquot. Je souhaite apporter quelques précisions concernant l'évaluation des moyens pour répondre à M. Bastien Lachaud. Actuellement, nous manquons de visibilité sur cette question. Cependant, j'ai programmé en novembre une audition des auteurs du rapport ainsi que du responsable de la cellule Thémis. Ce dernier nous présentera un bilan comparatif de la situation avant et après la mise en place des mesures. De plus, l'état-major des armées sera représenté afin d'exposer les engagements pris par le commandement pour mener à bien l'application de cette instruction.

Mme la commissaire en chef Agnès. Le CSFM n'a pas particulièrement relevé de préoccupations liées à la mixité lors de ses échanges sur le terrain, hormis celles relatives aux VSS. À l'heure actuelle, la mixité ne semble pas constituer un enjeu majeur au sein des forces armées. En revanche, nous demeurons vigilants quant aux plans mixité élaborés au niveau ministériel. Un premier plan a déjà été mis en place et nous avons connaissance de la préparation d'un second plan, auquel nous souhaitons être associés. Nous disposerons ultérieurement d'informations complémentaires, mais pour le moment, ce sujet ne fait pas l'objet d'un suivi spécifique au niveau du Conseil.

M. le capitaine de corvette Thibault. La féminisation des armées constitue un enjeu majeur de diversité et d'inclusion. L'intégration croissante des femmes à tous les échelons des forces armées envoie un signal fort. Les compétences militaires ne dépendent pas du genre, mais des aptitudes individuelles. Désormais, les femmes sont présentes sur tous les théâtres d'opérations et ont accès à l'ensemble des spécialités. Elles participent à tous types de missions, intègrent toutes les unités de combat et postes de commandement, ce depuis plusieurs années. Les sous-marins représentaient l'une des dernières composantes à ne pas accueillir de femmes. Les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) leur ont été ouverts il y a quelques années et les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de nouvelle génération permettent également leur intégration.

Cette évolution soulève néanmoins certains défis. Il est essentiel d'assurer une intégration des femmes dans les forces armées dans un cadre d'égalité effective. Cela nécessite de repenser certains aspects, notamment en matière d'infrastructures. Comme évoqué précédemment, ces dernières sont souvent vétustes, ce qui nous confronte à deux approches possibles. La première, adoptée par les Britanniques lors de la féminisation de leurs navires, consiste à procéder en une seule fois et à instaurer des sanitaires mixtes. Nous avons opté pour une autre approche, considérant qu'il convient de maintenir des sanitaires séparés pour les femmes et les hommes. Cette décision implique une révision de nos infrastructures, entraînant des besoins budgétaires pour les installations terrestres. Concernant les infrastructures en partenariat, cette problématique est déjà prise en compte. Pour les navires, cependant, les programmes s'échelonnent sur plusieurs décennies. À titre d'exemple, le SNLE 3G, dont la mise en service est prévue pour 2040, a commencé à être conceptualisé dès 2015. Par conséquent, les infrastructures doivent évoluer progressivement, nécessitant des allocations budgétaires adéquates.

M. Matthieu Bloch (UDR). L'engagement militaire, source de fierté, peut également susciter des inquiétudes quant aux difficultés de reconversion vers les métiers civils. Chaque année, 20 000 à 30 000 militaires quittent leur fonction. Parmi eux, la moitié n'a jamais connu d'expérience professionnelle hors de l'armée, avec une moyenne d'âge de 44 ans. L’agence défense-mobilité du ministère des Armées accompagne 53 % de ces militaires en transition vers un nouvel emploi, souvent difficile à pérenniser. In fine, seuls 35 % d'entre eux parviennent à sécuriser leur situation professionnelle.

Nos forces armées se composent d'hommes et de femmes dont les parcours se caractérisent par une grande mobilité, tout en maintenant un engagement sans faille. Il s'avère donc primordial d'anticiper et d'accompagner efficacement leur reconversion. À cet égard, le programme soutien à la politique de défense du projet de loi de finances prévoit une hausse de 12,4 millions d'euros des crédits de paiement dédiés à la reconversion du personnel militaire. Toutefois, l'enjeu majeur réside dans l'utilisation et le déploiement judicieux de ces crédits budgétaires. Cela nécessite notamment l'établissement de passerelles avec les filières professionnelles civiles susceptibles de bénéficier du savoir-faire militaire.

Le CSFM a-t-il émis des recommandations visant à renforcer les dispositifs de reconversion ? Ces recommandations envisagent-elles d'approfondir les partenariats avec le secteur privé, les organismes de certification et l'enseignement supérieur ?

M. le lieutenant-colonel Alexis. Concernant la reconversion des militaires, j'ai constaté lors des différentes visites ces six derniers mois que les qualités et les valeurs propres aux militaires sont particulièrement recherchées à l’extérieur. Certes, la reconversion peut s'avérer complexe pour ceux n'ayant connu qu'une carrière militaire. Toutefois, leur savoir-être est très apprécié et attendu par les employeurs civils. Les personnes en cours de reconversion témoignent que, même si l'apprentissage d'un nouveau métier peut être ardu, elles trouvent aisément leur place dans les entreprises qui les accueillent favorablement.

L'outil « défense mobilité » est mis à disposition des militaires pour leur reconversion et est en pleine évolution. Il permet un accompagnement vers le monde civil. Bien que perfectible, il ne doit pas être décrédibilisé. Malgré des difficultés en termes de ressources humaines et de moyens, ses équipes s'efforcent d'accompagner au mieux les militaires et leurs familles dans leur transition vers le civil. Il convient de souligner que « défense mobilité » aide également les conjoints dans leur recherche d'emploi.

Les partenariats avec des centres de formation existent déjà. Par exemple, le centre militaire de formation professionnelle à Fontenay-le-Comte accompagne certains militaires dans leur reconversion vers des métiers en tension ou très spécialisés, en lien avec des formations spécifiques. De plus, tout au long de sa carrière, le militaire peut bénéficier d'un accompagnement pour diverses formations. Ces passerelles sont déjà en place, même si le système reste perfectible et pourrait être davantage développé.

M. Pascal Jenft (RN). Je souhaite aborder la question de la fidélisation de nos militaires. En mars 2024, le ministre des Armées a initié le plan « fidélisation 360 », visant à améliorer les conditions de vie des militaires et de leurs familles par des mesures concrètes. Ce plan facilite notamment l'accès au logement, aux médecins traitants, l’octroi de prêts immobiliers avantageux ou une aide à la mobilité familiale.

Le projet de loi de finances 2025 semble allouer les moyens financiers nécessaires pour maintenir les effectifs militaires. À titre d'exemple, le budget consacré à l'entretien des parcs immobiliers a augmenté de plus de 15 millions d'euros, tandis que celui dédié à la fonction santé s'est accru de 20 millions d'euros.

Ces augmentations budgétaires sont-elles le signe que le plan « fidélisation 360 » a déjà produit des résultats positifs ? Ou indiquent-elles plutôt la nécessité d'intensifier nos efforts en matière de recrutement et de fidélisation au sein de nos armées ?

Mme la commissaire en chef Agnès. Nous avons déjà abordé les difficultés engendrées par la contrainte de mobilité pour le militaire et sa famille, sans remettre en question le caractère inhérent de cette mobilité à l'état du militaire. Nous avons notamment souligné les problèmes liés à la recherche de logements, en raison d'une offre insuffisante de la part des armées et d'une compensation indicielle inadéquate. Ces facteurs contribuent à l'appréhension par les militaires de la période de mutation. Face au constat d'un parc de logements encore insuffisant, nous avions préconisé le développement de l'offre, en particulier dans les secteurs conventionnés et intermédiaires, la mise en place d'accords commerciaux avec des agences immobilières pour faciliter l'accès à l'offre civile, ainsi qu'une meilleure prise en compte des contraintes opérationnelles dans l'attribution des logements domaniaux. Par ailleurs, nous avons formulé des propositions visant à faciliter l'accession à la propriété, telles que le prêt à taux zéro ou l'exonération de la taxe d'habitation pour la résidence secondaire qui servirait de résidence de repli.

Force est de constater que, malgré le plan « ambition logement », la situation du logement demeure insatisfaisante. Ce plan n'a pas encore pleinement porté ses fruits, ce qui souligne la nécessité de prendre en compte de manière effective cette contrainte liée à la mobilité du militaire.

M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Je souhaite aborder la question de la rémunération des militaires, en revenant notamment sur le bilan de la NPRM. Quelle est actuellement l'inquiétude des militaires concernant la fiscalisation de cette allocation, dont les effets se feront sentir en 2025, particulièrement en ce qui concerne les risques d’éviction des prestations familiales liées au quotient fiscal ? Une demande a-t-elle été formulée pour obtenir une estimation précise de ces impacts ?

Par ailleurs, concernant la réforme indicielle, quel est votre avis sur les grilles présentées pour les sous-officiers et les officiers ? Un budget de 75 millions d'euros est évoqué pour les officiers, contre 48 millions pour les sous-officiers et 11 millions pour les militaires du rang. Comment évaluez-vous ce différentiel important en faveur des officiers, alors que les militaires du rang sont plus nombreux ?

M. le capitaine de corvette Thibault. Dans le cadre de nos visites, la question de la rémunération des militaires a été systématiquement abordée. Dans un marché du travail très ouvert et concurrentiel, celle-ci n'est pas perçue comme compétitive, tant du point de vue indiciaire qu'indemnitaire.

Concernant la NPRM, les sentiments sont globalement mitigés. Le CSFM poursuit ses travaux pour proposer des évolutions des différentes indemnités lors de la clause de revoyure prévue en 2026, mais nous estimons d'ores et déjà ces évolutions insuffisantes au niveau budgétaire.

Deux problématiques majeures se dégagent au niveau de la NPRM : la forfaitisation et la fiscalisation. La forfaitisation des primes et indemnités, combinée à leur non-indexation dans un contexte inflationniste, entraîne mécaniquement une réduction du pouvoir d'achat des militaires. L'indexation permettrait une mise en cohérence des budgets et atténuerait les effets négatifs, notamment pour les moins rémunérés. La fiscalisation soulève également des inquiétudes. Elle augmentera les revenus imposables et, par conséquent, impactera le calcul des différentes aides. Sur la déclaration des revenus 2023, le gain annoncé par la NPRM a été partiellement neutralisé par la fiscalisation sur seulement trois mois. Nous redoutons des effets négatifs plus prononcés en 2025, particulièrement pour les bénéficiaires d'indemnités élevées.

Le secrétaire d'État auprès du ministre des Armées avait rappelé que la NPRM avait été conçue dans le cadre de la réforme des retraites à points. Bien que cette réforme ait été abandonnée, la fiscalisation de la NPRM a été maintenue, privant les militaires des avantages escomptés à long terme. L'annonce du ministre lors du plan « fidélisation 360 » concernant l'intégration de primes dans la pension est donc très attendue.

Sur le plan indemnitaire, plusieurs points suscitent des critiques. L'indemnité de sujétion d'absence opérationnelle (ISAO) est source de délais de paiement excessifs et ses taux sont jugés insuffisants. Elle génère un sentiment d'iniquité, les taux variant selon le type de commandement opérationnel. Les notions de découchés et de sujétions posent problème pour les forfaits garde et permanence.

L'indemnité de garnison (IGAR) est globalement perçue comme une avancée, sauf pour certains cas marginaux comme les familles nombreuses. Sa fiscalisation soulève des inquiétudes. Le choix du demi-taux pour les couples de militaires est incompris, de la même manière que celui de la commune d'affectation plutôt que du bassin de vie, qui crée des inégalités de traitement, notamment lors de déménagements de services.

L'indemnité d'état militaire (IEM) pose problème pour les couples de militaires qui ne comprennent pas la règle d'attribution. Bien que destinée à compenser les contraintes du statut militaire, elle n'est pas versée intégralement aux deux membres d'un couple, créant une incompréhension. Enfin, le complément de l'IEM, ancienne indemnité pour temps d’activité et d’obligations professionnelles complémentaires (ITAOPC) créée en 2001, n'a pas été revalorisé depuis sa création.

M. le président Jean-Michel Jacques. Monsieur le secrétaire général, nous sommes arrivés au terme de nos questions. Je vous invite à prendre la parole une dernière fois avant que nous ne clôturions cette audition.

M. Christophe Jacquot. Les questions que vous avez soulevées, ainsi que celles de votre commission, démontrent votre attention particulière aux enjeux cruciaux qui préoccupent actuellement la communauté militaire. Je vous remercie vivement pour votre disponibilité. Soyez assurés que nous resterons toujours à la disposition de la Commission et des rapporteurs pour échanger en toute franchise.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie, ainsi que l’ensemble de la délégation du CSFM, pour vos réponses précises et claires.


3.   Audition de M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration

La commission a entendu M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration, sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324), au cours de sa réunion du mercredi 23 octobre 2024.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous poursuivons notre cycle d'auditions sur le projet de loi de finances 2025. Nous accueillons M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l'administration du ministère des Armées depuis octobre 2022, responsable du programme 212 « soutien de la politique de la défense » et du programme 169 « reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».

Le secrétaire général pour l'administration occupe une position centrale dans la politique du ministère. Ses compétences s'étendent à l'ensemble de la chaîne de soutien et de fonctionnement : gestion financière, ressources humaines, achats hors armement, droit, accompagnement territorial, politique immobilière et de logement, infrastructures, politique environnementale, initiatives mémorielles et culturelles. Son rôle transversal dans l'utilisation des crédits du ministère est donc prépondérant.

Nous nous félicitons du respect, dans le projet de loi de finances pour 2025, de la marche de 3,3 milliards d'euros de la mission défense par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Cette progression s'inscrit dans la trajectoire de remontée en puissance prévue par la loi de programmation militaire 2024-2030.

Monsieur le secrétaire général, nous vous invitons à présenter la déclinaison prévue des actions administratives et financières du ministère sur l'ensemble des domaines d'intervention du SGA, au regard du projet de loi de finances pour 2025.

Plusieurs points retiennent particulièrement notre attention.

Premièrement, la politique des ressources humaines, notamment en matière de recrutement et de fidélisation. Ces aspects s'avèrent essentiels pour atteindre les objectifs d'effectifs fixés par la loi de programmation militaire.

Deuxièmement, l'avancement des plans « famille 2 » et « fidélisation 360 », destinés à améliorer concrètement les conditions de vie de nos soldats.

Troisièmement, les politiques d'infrastructures immobilières. Leur développement vise à garantir aux militaires des conditions de travail adaptées et des facilités en termes d'habitat. Dans ce cadre, la mise en œuvre du contrat Ambition Logement revêt une importance capitale, puisqu'elle doit permettre la rénovation du parc domanial métropolitain du ministère.

Monsieur le secrétaire général, nous vous laissons la parole pour aborder ces points et les autres politiques dont le SGA a la charge.

M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration du ministère des Armées et des anciens combattants. Je suis heureux de pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui et d'établir un dialogue franc et constructif qui nous permettra de mener un travail de qualité, notamment dans l'exercice de votre pouvoir de contrôle. Je vais vous présenter, en ma qualité de secrétaire général pour l'administration, les grandes problématiques telles qu'elles apparaissent dans le projet de loi de finances pour 2025.

Mon intervention s'inscrit dans la continuité des échanges que vous avez eus avec le ministre des Armées, M. Lecornu, et le ministre délégué, M. Thiériot, lors de leur audition devant votre commission il y a neuf jours. Le secrétariat général pour l'administration est cette charnière politico-administrative qui permet, sous l'autorité directe du ministre, de coordonner toutes les grandes fonctions administratives concourant à la politique de défense. Les directions du SGA, telles que la DAF, la DAJ et la direction des ressources humaines, irriguent l'ensemble de la politique de défense.

Mon propos s'articulera autour de cinq axes : les ressources humaines, la fidélisation, la politique immobilière et les infrastructures, la transformation et la modernisation du ministère, enfin le soutien au monde combattant et le lien armée-nation, notamment concernant la jeunesse.

Concernant les ressources humaines, clé de voûte de la montée en puissance du modèle d'armée porté par la loi de programmation militaire 2024-2030, rappelons quelques chiffres. Le ministère des Armées, composé à 75 % de personnel militaire et 25 % de personnel civil, est le premier recruteur public. Plus de 27 000 recrutements sont prévus en 2025, un objectif qui sera probablement atteint dès 2024. Cela représente un renouvellement annuel d'environ 10 % des effectifs, illustrant le modèle RH "à flux" des armées.

La période 2024-2030 verra une augmentation des effectifs, avec un objectif de 275 000 personnes et 80 000 réservistes supplémentaires d'ici 2030. L'année 2024 marque un tournant positif, avec un schéma d'emploi en augmentation de 450 équivalents temps plein, que nous sommes en passe de réaliser, voire de dépasser.

Pour 2025, cette priorité accordée au modèle RH se confirme. La masse salariale représente 35 % du budget hors cotisations au compte d'affectation spéciale des pensions, soit près de 13,7 milliards de crédits de titre 2. Le schéma d'emploi prévoit 700 ETP supplémentaires par rapport à 2024, dont 630 sur le périmètre ministériel et 70 à la direction des applications militaires du CEA.

Quant à la réserve militaire, elle vise à renforcer les capacités des forces armées et à contribuer à la cohésion nationale. Le budget 2025 prévoit une hausse de 26 millions d'euros des crédits de titre 2 pour la réserve, avec un accroissement de 3 800 réservistes. L'objectif est d'atteindre une durée moyenne d’environ 30 jours de période de réserve annuelle et 47 600 personnes dans la réserve opérationnelle de premier rang (RO1) fin 2025, marquant ainsi une trajectoire ascendante ambitieuse.

Au regard des résultats encourageants de 2024, nous amplifions certaines actions préexistantes et en lançons de nouvelles, regroupées dans une démarche « fidélisation 360 » initiée par le ministre en mars 2024. Notre but est de retenir plus longtemps nos personnels au sein du ministère de la défense.

Pour le personnel militaire, dont la majorité est sous contrat à durée déterminée, nous visons à allonger l'ancienneté au moment du départ. Pour les militaires du rang, nous souhaitons passer de 3,9 ans d'ancienneté en 2023 à 6 ans en 2030. Pour les sous-officiers, l'objectif est d'atteindre 20 ans d'ancienneté en 2030, contre 17,6 ans actuellement. Quant aux officiers, nous visons 27 ans d'ancienneté en 2030, contre 25,2 ans en 2023. Dès 2024, nous constatons un allongement pour chacune de ces catégories.

Les leviers mobilisés pour atteindre ces objectifs sont d'ordre financier, statutaire, professionnel, mais concernent également l'accompagnement des personnels et de leurs familles.

Sur le plan financier, le budget 2025 poursuit l'effort en faveur des personnels du ministère de la défense. Les mesures catégorielles s'élèveront à 139 millions d'euros, dont 89 millions d'effets complets de mesures entrées en vigueur en 2024 et 50 millions de mesures entièrement nouvelles. Ces dernières concernent notamment les grilles indiciaires des officiers et les personnels civils contractuels, qui constituent désormais la majorité des recrutements civils au ministère.

Les effets de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), désormais totalement déployée, seront à nouveau perceptibles en 2025. Cette répartition des efforts au sein de l'augmentation de 3,3 milliards du budget de la défense démontre notre attention particulière au facteur humain.

Enfin, l'amélioration des conditions de travail et des perspectives de carrière fait partie intégrante de notre stratégie de sécurisation de la politique de ressources humaines du ministère.

Nous sommes contraints d'adopter une approche plus proactive qu'auparavant dans le renforcement et la fidélisation des compétences au sein du ministère. Plusieurs axes sont déployés à cet effet. Le nouveau régime de protection sociale complémentaire obligatoire en matière de santé a donné lieu à un accord avec les organisations syndicales, permettant de sélectionner deux prestataires pour le personnel civil et militaire. Ce dispositif, dont l'entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2025, mobilisera plus de 80 millions d'euros sur les crédits de masse salariale l'année prochaine. Notre objectif est d'accroître le taux de couverture des agents, actuellement de 85 % pour les militaires.

Le deuxième levier concerne la politique de reconversion, essentielle dans un modèle RH basé sur le flux. L'attractivité du ministère repose sur la promesse faite aux recrues de les accompagner dans leur projet professionnel et leur insertion dans le monde civil à chaque fin de contrat. La structure dédiée « défense mobilité » assure cet accompagnement personnalisé via la formation professionnelle et l'aide à l'insertion. Le budget alloué l'an prochain à ces mesures, incluant le retour à l'emploi et l'accompagnement social des blessés, s'élèvera à 32 millions d'euros. En 2023, 23 000 militaires ont été accompagnés et plus de 7 000 ont été reclassés, en augmentation par rapport à l'année précédente.

La fidélisation nécessite le renforcement de la relation individualisée entre les employeurs et le personnel militaire. La prime de lien au service permet ainsi un dialogue entre le chef de corps et le militaire envisageant de partir au terme de son contrat. La discussion se traduit par une prime, dont l’objectif est de fidéliser des compétences précieuses et en tension. Au PLF 25, près de 75 millions seront consacrés à ce dispositif, bénéficiant principalement aux militaires aguerris et expérimentés, dont deux tiers sont des sous-officiers. Ce mécanisme a contribué à accroître le taux de fidélisation, notamment dans l'armée de Terre où le taux de renouvellement des contrats est passé de 32 % à 37 %.

L'allocation financière spécifique de formation, créée en 2018 et amplifiée depuis, vise à établir un lien précoce avec l'institution militaire. Cette bourse, destinée aux étudiants de tous niveaux, peut atteindre 20 000 euros par an pour les étudiants du supérieur. Elle est modulée en fonction des tensions RH spécifiques à certaines spécialités.

Le troisième levier s’attache à l'accompagnement des personnels et de leurs familles. Le plan « famille 2 », désormais intégré dans la démarche « fidélisation 360 », répond aux attentes croissantes des personnels militaires en termes de qualité de vie au travail. L'atténuation de l'impact des contraintes opérationnelles, l'amélioration du quotidien des familles dans les territoires et l'accompagnement des mutations sont aujourd'hui au cœur de la politique RH du ministère.

Le service de l'action sociale des armées apporte une contribution décisive à la prise en charge des militaires et de leurs familles. Le PLF 2025 prévoit un budget de 148 millions d'euros en autorisations d’engagement pour ce service. Ses interventions couvrent de nombreux domaines : soutien aux blessés et aux familles endeuillées, secours financiers d'urgence, accompagnement face aux difficultés financières, conjugales, familiales ou éducatives, souvent liées aux ruptures inhérentes à la vie militaire. La petite enfance constitue également un axe majeur d'intervention, avec la poursuite des efforts en matière de crèches.

Concernant l'hébergement et le logement, le programme de rénovation et de densification des logements domaniaux se poursuit. Des projets d'hébergement pour les élèves et stagiaires sont prévus en 2025, notamment à Saint-Maixent, Bron et Brest.

La politique immobilière et des infrastructures du ministère des Armées revêt une importance capitale, étant donné l'étendue du patrimoine foncier (275 000 hectares). Près de 3 milliards d'euros y sont consacrés annuellement. Les objectifs sont multiples : remise à niveau et adaptation des infrastructures opérationnelles, accompagnement des chantiers de transformation et de modernisation des armées. Un travail approfondi a été mené sur l'empreinte territoriale du service du commissariat des armées et du service de santé des armées, avec une révision complète de leurs schémas directeurs.

Une revue des infrastructures opérationnelles et technico-opérationnelles a été lancée pour dégager des marges de redéploiement au profit d'infrastructures liées à la qualité de vie en enceinte militaire, notamment pour l'armée de Terre qui connaîtra une importante réorganisation sur la période 2024-2030.

La transition écologique constitue un autre axe majeur de la politique immobilière et d'infrastructure du ministère. Des moyens substantiels y sont alloués en 2025, visant à améliorer la capacité opérationnelle des armées et à conforter l'outil de défense à court, moyen et long terme. Cela se traduit par l'accélération de la conversion ou de la modernisation énergétique de certaines emprises et par des actions concernant la gestion de l'eau.

La modernisation numérique, l'exploitation des données et l'intelligence artificielle font l'objet d'importants investissements dans le budget 2025, poursuivant les efforts engagés en 2024. La transformation du service d'infrastructure de la défense (SID) est également notable, ce service représentant la moitié des effectifs du SGA et se distinguant par ses capacités de construction d'ouvrages complexes.

Enfin, le budget 2025 prévoit des actions en matière de politique mémorielle, muséale et d'archives, de soutien aux blessés, ainsi que des mesures concernant la journée défense et citoyenneté (JDC) et l'accompagnement des différentes générations d'anciens combattants.

Mme Michèle Martinez (RN). Pour que la France puisse affronter un conflit de haute intensité, elle doit disposer d'une armée dotée d'un matériel conséquent, mais surtout d'effectifs humains suffisants. Les chefs d'état-major auditionnés la semaine dernière ont tous souligné ce défi des ressources humaines, englobant le recrutement et la fidélisation. Votre administration joue un rôle essentiel dans ce domaine, et je tiens à saluer, au nom du groupe Rassemblement national, l'ensemble du personnel sous votre autorité.

Bien que nous reconnaissions que le ministère des Armées est l'un des mieux gérés, je souhaite attirer votre attention sur certains points concernant les rémunérations. Tout d'abord, la NPRM entraîne la fiscalisation de primes auparavant non imposables. Des militaires m'ont signalé une baisse de leurs salaires. Quelle est votre position à ce sujet ?

De plus, si nous prenons acte de la revalorisation de la grille indiciaire des sous-officiers, nous nous inquiétons de celle des officiers. Pour quelques dizaines d'euros supplémentaires, certains sous-officiers pourraient refuser de devenir officiers, compte tenu des contraintes et des tâches administratives que cela implique. Observez-vous un tel effet de seuil ?

Concernant le logement, je constate avec satisfaction l'augmentation des moyens alloués. Le plan « famille 2 », doté de 47,7 millions d'euros en AE (autorisations d'engagement) et de plus de 51 millions d'euros en CP (crédits de paiement), permettra notamment la construction de crèches, un point sensible pour nos militaires et leurs familles.

J'aimerais vous interroger sur les effets du plan « fidélisation 360 », lancé en mars 2024. Quels moyens lui sont alloués dans ce PLF pour 2025 ? Quels seront ses effets pour l'année prochaine ?

Enfin, j'ai noté que 42 millions d'euros en AE et 70 millions d'euros en CP sont prévus pour les infrastructures de restauration collective et les lieux de travail. Bien que cette augmentation semble importante sur le papier, est-elle suffisante au vu des retards accumulés dans ce domaine ?

M. Christophe Mauriet. Notre communauté professionnelle des ressources humaines, au-delà de la DRH ministérielle rattachée au secrétaire général pour l'administration, se mobilise chaque année pour relever le défi d'être le premier recruteur public du pays. Cette performance implique les DRH de chaque armée, notamment de la direction générale de l'armement.

Vous évoquez un sujet qui avait été anticipé dès la conception de la NPRM : le caractère non fiscalisé de certaines composantes de la rémunération indemnitaire, reposant sur des bases textuelles parfois anciennes et fragiles. La mise au point du nouveau dispositif avec le ministère des finances a visé à régulariser ces situations, dont la justification était moins évidente dans les années 2017-2020 que dans les années cinquante ou soixante, où une simple instruction d'un chef d'état-major suffisait pour exempter d'impôt une prime.

La NPRM a largement compensé l'effet de l'inclusion de ces éléments dans la base de calcul de l'impôt. Les cas de baisse de la solde nette d'une année sur l'autre, s'ils existent, ne s'expliquent probablement pas par la fiscalisation. Le principal facteur de variation de la rémunération totale est la part indemnitaire liée à l'activité, qui fluctue significativement selon les déploiements à l'étranger ou le maintien en garnison.

Pour convertir le système complexe des primes militaires en NPRM, nous avons investi 500 millions d'euros supplémentaires, un montant considérable comparé aux plans catégoriels d’autres ministères.

Concernant l'incitation à passer les examens professionnels et à progresser dans la hiérarchie, les nouvelles grilles indiciaires pour les sous-officiers et les officiers visent à offrir une juste compensation des efforts accomplis. Elles recréent des intervalles significatifs en termes d'échelonnement indiciaire, contrebalançant la compression observée en début de carrière due aux mesures générales de la politique salariale de l'État. Il est encore tôt pour évaluer l'efficacité de ce système, mais notre analyse indique la nécessité de cette approche.

Le plan « fidélisation 360 » dépasse le cadre du plan « famille ». Nous prévoyons 265 millions de crédits pour l'année 2025, amplifiant et combinant tous les leviers évoqués précédemment pour une démarche globale.

Enfin, les ensembles d'alimentation et de loisirs constituent un aspect essentiel de la qualité de vie au travail. À la suite de la revue approfondie du service de santé des armées (SSA) et du service du commissariat des armées (SCA), une priorité nette a été accordée à ces ensembles.

M. Sylvain Maillard (EPR). Je vous remercie pour ce tableau exhaustif des missions que vous accomplissez quotidiennement, missions essentielles pour préserver la cohérence de nos armées, garantir leur attractivité et fidéliser les hommes et femmes qui les composent. Les initiatives en faveur de la jeunesse s'avèrent fondamentales à cet égard.

Je souhaite vous interroger sur les aspects de la politique de ressources humaines de la défense, qui bénéficie d'une nouvelle augmentation de ses moyens dans le projet de loi de finances 2025. Cet effort financier devrait notamment profiter à la formation continue, en renforçant les actions de formation et l'apprentissage. Le ministère des Armées est d'ailleurs devenu l'un des principaux recruteurs d'apprentis en France.

L'objectif de recrutement annuel pour l'ensemble du ministère des Armées va connaître une hausse significative dans les mois à venir, dépassant les 15 %. Il passera de 3 200 apprentis pour l'année universitaire 2024-2025 à 3 681 pour 2025-2026.

Dans ce contexte, pourriez-vous préciser la place accordée aux jeunes sous le statut d'apprenti militaire, une innovation instaurée par la loi de programmation militaire 2024-2030 ? Un an après sa création, quel bilan dressez-vous de ce nouveau statut ? Comment évaluez-vous son attractivité pour attirer de nouveaux élèves dans les établissements d'enseignement technique et préparatoire militaire, sachant que le ministère des Armées vise à doubler les effectifs de ces écoles entre 2024 et 2030 ?

M. Christophe Mauriet. Monsieur le député, la question des apprentis militaires a fait l'objet de longues discussions lors de la préparation et de l'examen de la LPM, lorsque le président Jacques en était le rapporteur. Cet axe représente un effort considérable pour le ministère, visant à revaloriser l'importance de l'enseignement technique préparatoire. Historiquement, les armées, les services et la DGA ont toujours investi dans la formation des ressources humaines spécialisées dont ils avaient besoin.

Ces dernières années, nous avons observé le développement de filières techniques au lycée militaire de Saint-Cyr-l'École, l'essor de l'école des apprentis de l'armée de l'air et de l’espace de Saintes, des initiatives similaires dans la Marine nationale, ainsi que la réouverture d'une école militaire technique pour les sous-officiers de l'armée de Terre à Bourges. Cette évolution traduit une prise de conscience : le ministère des Armées doit générer lui-même une part croissante de ses ressources humaines spécialisées, notamment dans le domaine technique, plutôt que de s'appuyer uniquement sur le système éducatif ou l'enseignement professionnel classique.

Une telle démarche marque un retour aux pratiques qui ont fait la force du ministère des Armées pendant de nombreuses années, avant d'être largement abandonnées il y a une vingtaine d'années lors des restructurations et des réductions d'effectifs survenues à la fin des années quatre-vingt-dix et au début des années deux-mille.

Concernant les apprentis militaires, les chiffres sont en progression constante. Nous devrions dépasser le seuil des 1 000 l'année prochaine, avec un objectif de 1100, alors que nous en comptons 730 en 2024. Le dispositif rencontre un véritable succès, mais il est également exigeant. La formation des apprentis nécessite la présence de maîtres d'apprentissage, impliquant une mobilisation importante du personnel existant au sein du ministère des Armées. Notre principal défi consiste donc à susciter et à organiser, sur le long terme, le développement d'un vivier de maîtres d'apprentissage.

Actuellement, cette problématique retient davantage notre attention que les crédits de rémunération à allouer. C'est sur ce point que nous concentrons nos efforts pour éviter un potentiel goulot d'étranglement.

M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Je tiens à vous féliciter, Monsieur le secrétaire général, pour votre gestion de l'exécution budgétaire 2024. Face à la décision du gouvernement Attal de réduire le budget de 10 milliards d'euros en février dernier, dont 100 millions affectant le T2 du ministère des Armées, je voulais vous féliciter pour avoir désobéi au Premier ministre et pour avoir présenté à Bercy une baisse de 35 millions, au lieu des 100 millions demandés. Cette démarche aurait dû servir d'exemple à vos homologues des autres ministères.

Cependant, je nourris de vives inquiétudes concernant l'exécution 2024. Les surcoûts liés aux missions opérationnelles, estimés à plus de 81 millions d'euros pour le T2, n'étaient pas prévus dans le budget initial. S'y ajoutent les dépenses supplémentaires engendrées par la situation en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, évaluées entre 10 et 20 millions d'euros. Au total, nous faisons face à un surcoût d'environ 100 millions d'euros.

Je souhaiterais comprendre comment vous envisagez de mener à bien cette exécution 2024 sans solliciter d'ouverture de crédits supplémentaires. Je présume que le programme 212 dégagera un excédent de 100 à 200 millions d'euros, ce qui impliquerait une ouverture nette de 200 millions d'euros. Or, il est question de ne pas débloquer certains crédits gelés pour finaliser l'exercice.

Concernant 2025, je m'interroge sur l'inscription budgétaire des surcoûts liés aux missions opérationnelles. Considérant que les forces armées françaises ne semblent pas sur le point de quitter la Roumanie, des surcoûts similaires risquent de peser sur l'exécution de la loi de programmation militaire. Pourriez-vous préciser comment ces dépenses sont anticipées dans votre budget ?

M. Christophe Mauriet. Je souhaite reformuler certains éléments de votre raisonnement qui, bien que séduisant, ne me semble pas entièrement convaincant. Le décret d'annulation a effectivement procédé à une annulation de 102 millions d'euros sur le programme 212 T2. De ce point de vue, les crédits sont bel et bien annulés.

Vous me félicitez en affirmant que Bercy aurait demandé 35 millions pour 100 millions. Permettez-moi de clarifier : Bercy a annulé 100 millions, et ces 100 millions sont effectivement annulés. L'objectif est donc atteint sans qu'il soit nécessaire de se poser des questions plus complexes. Votre raisonnement me paraît quelque peu subtil et j'éprouve des difficultés à l'appréhender pleinement.

Je tiens à souligner qu'il n'y a aucune désobéissance au Premier ministre, ni d'insoumission des fonctionnaires à l'autorité politique.

Concernant l'atterrissage 2024, notamment sur la masse salariale, un projet de loi de finances de fin de gestion est actuellement en préparation. Le conseil des ministres devrait l'adopter début novembre, comme il est d'usage. Les discussions interministérielles sont en cours, et leur issue n'est pas connue à ce stade. Nous aurons certainement l'occasion d'en reparler, mais pour l'instant, je n'ai aucune raison de m'inquiéter quant à notre capacité à couvrir l'intégralité des besoins de masse salariale du ministère pour l'exercice 2024.

S'agissant de la masse salariale et plus généralement des surcoûts engendrés par les missions opérationnelles, la loi de finances initiale prévoit depuis de nombreuses années une provision destinée à couvrir les surcoûts générés par diverses opérations ou activités des forces armées ne correspondant pas à leur service normal. Cette provision existe tant pour le titre 2 que pour le hors titre 2, et figure également dans le projet de loi de finances pour 2025.

Le ministre discute avec vous depuis plusieurs mois de la catégorisation juridique des Missops, Missint ou Opex. Mais là vous m'interrogez sur l'enveloppe budgétaire et l'exécution des crédits. Je vous précise que pour couvrir les surcoûts en cours d'année, nous suivons les règles établies pour chaque type de mission.

M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). C’est faux. Vous avez dit vous-même que le surcoût des Missint ne devrait pas être pris en compte par l’interministériel, ce qui est la règle pour les Missops ou les Opex. Une différence est donc bien faite. Il convient de noter que ni la Roumanie ni le flanc Est de l'Europe ne sont mentionnés dans le rapport annuel de performances concernant les Opex.

M. Christophe Mauriet. Cette provision, comme l'ensemble des crédits ouverts en loi de finances, peut s'avérer suffisante certaines années, parfois même excédentaire, et d'autres fois insuffisante par rapport aux besoins. C'est pourquoi il existe toujours un écart entre la prévision budgétaire et l'exécution effective du budget.

Pour déterminer si les surcoûts de titre 2 liés aux Missops seront absorbés par le budget en 2025, il faudra attendre la fin de l'exercice pour vérifier si la provision et, plus généralement, les 13,7 milliards de crédits de masse salariale prévus au PLF 2025 auront suffi à couvrir l'ensemble des besoins, tous motifs confondus. C'est la réponse la plus précise que je puisse vous apporter à ce stade, Monsieur le député.

Mme Marie Récalde (SOC). Je souhaite aborder plusieurs questions liées à l'évolution des effectifs des armées à l'horizon 2030, qui devraient atteindre 275 000 personnes, auxquelles s'ajouteront 80 000 réservistes. Ces changements soulèvent des interrogations quant à l'adaptation aux modes de vie actuels, notamment concernant les mutations.

La mutation, intrinsèque à la condition militaire, ne concerne pas uniquement le militaire mais l'ensemble de sa famille. Comment concilier cette réalité avec les aspirations contemporaines ? Le lien entre l'armée et le territoire revêt une importance capitale, particulièrement pour la question du logement.

Nous sommes conscients du manque de logements dans de nombreuses communes. Un militaire et sa famille déménagent en moyenne tous les quatre ans. Actuellement, l'État possède environ 12 000 logements, 22 000 sont réservés auprès des bailleurs sociaux et 3 500 auprès des bailleurs privés. Ces chiffres sont manifestement insuffisants.

Par ailleurs, la LPM identifie la transition écologique comme un axe structurant de la politique immobilière du ministère des Armées. Celui-ci s'engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, en intégrant les normes les plus récentes dans ses chantiers de construction et de réhabilitation. Le ministère a-t-il prévu des crédits d'investissement pour la construction des logements nécessaires, en tenant compte de cet objectif environnemental ?

Au-delà du logement, nous connaissons l'importance du secteur du bâtiment et des travaux publics dans nos territoires. Compte tenu de votre attachement aux liens entre l'armée et le territoire, comment le ministère envisage-t-il les rénovations et les nouvelles constructions ? Je pense notamment aux difficultés du HQG de Bordeaux, où il a fallu déployer des trésors d'ingéniosité pour simplement repeindre certains bureaux.

Enfin, comment le ministère compte-t-il apporter sa contribution à l'effort demandé aux collectivités locales, dans le cadre du renforcement des liens entre l'armée et le territoire ?

M. Christophe Mauriet. Dans mon exposé initial, j'ai dû aborder certains sujets de manière succincte. Je souhaite donc revenir sur les points évoqués dans vos questions.

Concernant les logements domaniaux, souvent situés sur des parcelles peu densifiées ou ne répondant plus aux normes actuelles de construction, nous avons conclu une concession avec une société regroupant des opérateurs du marché de haute qualité. Sur une période de 35 ans, cette société assurera la gestion locative du parc, qui passera d'environ 6 000 à près de 8 000 unités, ainsi que sa rénovation en profondeur et la construction de nouveaux logements sur des terrains à densifier.

Nous allouons 200 millions d'euros au budget de la concession en 2025 pour ces travaux de restructuration et de construction, ce qui représente un effort très sensible par rapport aux années précédentes. Auparavant, la gestion était assurée par une filiale de la Caisse des dépôts, avec une politique minimaliste se limitant à l'entretien et aux réparations. Nous avons désormais changé d'échelle.

Les effets de cette nouvelle politique se feront sentir progressivement. Entre la signature de la concession et l'inauguration des bâtiments neufs ou rénovés, un certain délai est inévitable, notamment pour mener les démarches administratives et urbanistiques avec les collectivités concernées. Le contrat a été conclu début 2022 et les premières livraisons sont prévues pour 2025, avec 253 logements rénovés répartis entre Versailles, Apt, Montauban, Belfort et Brest.

Notre effort financier se voudra croissant jusqu'au début de la prochaine décennie, sans possibilité d'ajustement. Nous avons pris des engagements fermes envers le concessionnaire, envers lequel nous serons très exigeants. Cette concession, ce contrat Ambition Logement, démontre que nos objectifs en matière de logement ne sont pas de vaines paroles, mais se concrétisent par des obligations contractuelles strictes.

En matière de sobriété énergétique, une forme de consensus existe au sein du ministère sur l'importance d'adopter une politique de frugalité et de minimisation de notre impact environnemental. Ce consensus n'est pas limité à certains services particulièrement sensibilisés aux questions d’environnement, mais partagé par l'ensemble de la hiérarchie militaire, y compris le chef d'état-major des armées, les chefs d'état-major d'armée et la Direction générale de l'armement.

Nous avons entrepris de rénover les systèmes de chauffage les plus polluants et de conclure des contrats de performance énergétique avec des opérateurs du secteur pour les infrastructures obsolètes. Un effort important est également consenti dans le domaine du photovoltaïque. En 2025, nous allons conclure un power purchase agreement sur le site de Salbris, en Sologne, qui devrait couvrir jusqu'à 5 % de nos besoins énergétiques totaux grâce à des dispositifs innovants, tant sur le plan technique que contractuel.

Nous développons nos compétences juridiques et financières pour mener à bien ces montages complexes. À titre d'exemple, nous avons établi une concession pour le cercle national des armées à Paris, permettant la rénovation complète d'un bâtiment centenaire sans apport budgétaire, tout en générant des revenus grâce à sa valorisation économique par le concessionnaire.

En somme, le ministère s'efforce d'être proactif et de rechercher des solutions innovantes dans la mesure du possible, tout en restant humble face aux défis à relever.

Mme Catherine Hervieu (EcoS). Je souhaite compléter et appuyer les propos de ma collègue concernant la politique immobilière, la politique de logement des familles et la politique d'hébergement, qui constituent des chantiers incontournables. Pour être attractive et opérationnelle, l'armée doit accueillir son personnel dans des lieux salubres, décents et dignes. Je pense que nous partageons tous ce constat.

L'objectif du plan Ambition Logement prévoit la construction de 228 000 mètres carrés de surface habitable. Pourriez-vous préciser quelle part de cet objectif sera réalisée d'ici 2025, sachant que le plan se projette jusqu'en 2030 ? Ce plan vise également la réhabilitation et la mise à niveau de nombreux ensembles existants, grâce à un engagement de 1,2 milliard d'euros sur la période 2019-2025. Vous avez évoqué des pistes, mais cet axe s'avère primordial pour la transition écologique et énergétique.

Nous constatons sur le terrain que les conditions de vie et d'exercice des troupes, tant sur le sol français qu'à l'étranger, sont un prérequis pour respecter les militaires et leurs familles. Or, parfois, comme nous le voyons sur nos territoires, ils vivent dans des logements mal ou pas isolés, dans des casernes très dégradées, avec des coupures de chauffage, d'eau chaude et des infiltrations. J'en ai un exemple dans ma circonscription.

Ma question est donc la suivante : les opérations de réhabilitation sont-elles à la hauteur des besoins des militaires et de leurs familles ? Atteindront-elles les objectifs de sobriété énergétique du bâti des armées ? Et surtout, quel phasage est prévu, puisqu'évidemment, tout ne peut être réalisé du jour au lendemain ?

M. Christophe Mauriet. La dernière partie de votre propos concerne, en réalité, l'hébergement et non pas les familles.

Mme Catherine Hervieu (EcoS). Je ne suis pas en mesure de détailler ici la situation, que je connais par ailleurs, mais je pourrais vous en entretenir ultérieurement. Cette question concerne également les familles.

M. Christophe Mauriet. Je tiens à préciser que lorsqu'on réside dans une caserne, il s'agit d'hébergement et non de logement familial. Cette distinction terminologique est importante. L'hébergement constitue, selon les chefs d'état-major et le CEMA, un élément déterminant de la crédibilité de nos ambitions en matière de réalisation et de maintien de notre format RH. Les conditions d'hébergement des soldats dans les enceintes militaires reflètent directement notre crédibilité en matière de ressources humaines et, par extension, en matière capacitaire.

Concernant nos objectifs pour l'année prochaine, bien qu'ils ne soient pas pleinement satisfaisants, les efforts consentis dans ce domaine demeurent soutenus et s'inscrivent dans la durée. Le budget alloué à l'hébergement prévoit 120 millions d'euros pour de nouvelles opérations, avec des crédits de paiement estimés à plus de 140 millions d'euros. Nous envisageons la commande de 2 000 places et la livraison de 4 000 places.

Parmi les projets majeurs figurent la construction d'un nouveau bâtiment de casernement pour les élèves sous-officiers d'active à Saint-Maixent et la réhabilitation complète d'un bâtiment pour les élèves et stagiaires du service de santé à Bron. Ces opérations impliquent des rénovations approfondies, au-delà d'un simple rafraîchissement.

En matière de logement, l'année 2025 sera marquée par une intensification des mises en chantier, avec le lancement de la construction de 685 logements. Concernant la rénovation, nous prévoyons d'initier plus de 3 650 rénovations. À titre d'exemple, des rénovations seront entreprises à Brétigny-sur-Orge et des constructions neuves à Toulon.

Outre ces logements familiaux appartenant à l'État, dits logements domaniaux, nous maintenons nos efforts dans un parc pour lequel nous sommes réservataires, en concluant des conventions avec divers types de bailleurs, ce qui mobilise également des ressources importantes.

Le ministère des Armées mène une politique de logement unique au sein de l'État, se distinguant des autres catégories d'agents publics. Cette politique bénéficie de moyens constants et s'appuie sur des textes autorisant des abattements allant jusqu'à 50 % sur les loyers du marché dans les zones tendues, incluant Paris, la région parisienne, mais aussi les régions bordelaise et toulonnaise.

Notre politique mobilise de nombreux leviers et ressources, reposant sur des bases juridiques spécifiques. Les efforts déployés résultent d'arbitrages budgétaires. Bien que les conditions de vie des militaires en enceinte militaire constituent une priorité, nous devons également prendre en compte les dépenses d'infrastructures technico-opérationnelles indispensables à la mise en œuvre des nouveaux équipements, qu'il s'agisse de navires, d'aéronefs ou d'engins roulants.

Nous sommes donc contraints d'effectuer un compromis. Néanmoins, je peux affirmer qu'à moyen terme, les termes de ce compromis évoluent chaque année en faveur des problématiques liées aux conditions de vie en enceinte militaire.

M. Christophe Blanchet (Dem). Dans le cadre de mes attributions, je souhaiterais aborder trois points. Premièrement, concernant les réservistes, vous avez mentionné l'objectif de 30 jours de mobilisation pour chacun d'entre eux. Je comprends que cela concerne les RO1, mais je souhaite évoquer les RO2. Le CEMAT, lors de son intervention la semaine dernière, a indiqué que les RO2 ne constituaient pas une priorité actuelle. Or, il s'agit de militaires mobilisables entre deux et cinq ans après leur mission. Un rapport antérieur soulignait que ces RO2 se sentent souvent déconsidérés, estimant ne pas être sollicités et parfois méconnus des régiments.

Ne serait-il pas pertinent d'envisager leur mobilisation, compte tenu de leurs compétences et de leur motivation potentielle à effectuer cette réserve, voire à accompagner les réservistes RO1 ? J'aimerais comprendre pourquoi cet aspect ne figure pas parmi les objectifs de la LPM actuelle.

Ma deuxième interrogation porte sur le lien armée-nation, sujet que vous n'avez pu aborder. Je préfère parler de « lien armée dans la nation », car il n'existe pas de distinction entre les deux, comme nous l'avions souligné dans un rapport présenté ici en juin. Comment envisagez-vous le développement des initiatives efficaces en la matière, notamment les cadets de la défense ? Par ailleurs, bien que cela relève moins directement de vos attributions, comment comptez-vous soutenir concrètement les classes défense ?

Enfin, puisque vous l'avez évoqué dans votre conclusion, pourriez-vous nous apporter des précisions supplémentaires concernant l'intelligence artificielle ?

M. Christophe Mauriet. La politique de développement des réserves initiée par le ministre Lecornu est multidimensionnelle. Le chef d’état-major de l'armée de Terre, lors de son audition, a probablement souhaité souligner que la priorité actuelle portait sur la RO1. Néanmoins, le ministre n'a nullement manifesté un désintérêt pour la RO2. Au contraire, il a sollicité l'ensemble des acteurs du ministère afin de mobiliser plus activement le vivier des anciens militaires ayant récemment quitté le service. Je vous invite à échanger avec les états-majors pour obtenir une vision plus précise de cette question, tout en comprenant votre inquiétude et votre insatisfaction.

Concernant les liens entre l'armée et la nation, le budget 2025 comporte des éléments intéressants, notamment sur la JDC. Sous la direction du ministre Lecornu, nous avons collaboré ces derniers mois avec le général Givre, directeur du service national et de la jeunesse, pour réformer en profondeur la JDC. L'objectif est d'en faire un rendez-vous plus marquant et significatif pour la jeunesse, qui engagera davantage l'avenir de chaque jeune citoyen, contrairement à l'expérience actuelle parfois perçue comme routinière et superficielle.

Nous visons à intensifier cette expérience pour chaque jeune et à créer une relation durable. Cela implique un renouvellement du contenu de la journée, en mettant l'accent sur les aspects liés à la défense. Une enveloppe de 15 millions d'euros est prévue, notamment pour l'acquisition de matériel, afin de confronter les jeunes aux réalités concrètes de la défense moderne. L'objectif assumé est de susciter des vocations et de nourrir un intérêt pouvant mener à diverses formes d'engagement, y compris la signature de contrats, dont les armées ont tant besoin.

Cette réforme de la JDC, qui a succédé à la JAPD il y a une quinzaine d'années, vise à redynamiser un dispositif devenu quelque peu atone. L'ambition politique est de lui insuffler une nouvelle vigueur, sans pour autant négliger d'autres initiatives. Les armées abordent la question de la jeunesse de manière proactive, y consacrant des ressources et une réflexion approfondie. La stratégie ministérielle dans ce domaine est en phase de renforcement et gagne en priorité.

Concernant l'intelligence artificielle (IA), l'année 2024 a marqué une étape importante avec la création de l'agence ministérielle de l'IA de défense (Amiad). Cette structure fédère les actions, initiatives et capacités existantes, et vise à doter le ministère de compétences fondamentales. Le ministre a évoqué la mise en place d'une capacité de calcul de premier ordre.

L'IA suscite déjà des changements dans les états-majors et les services administratifs, permettant le redéploiement et l'allègement de certaines tâches. Des cas d'usage auparavant gourmands en ressources humaines sont désormais gérés par des algorithmes. Cependant, des prérequis essentiels concernent la gestion des données, comme leur organisation ou leur classification. L'Amiad stimule cet effort de mise en ordre des données dans toutes les entités du ministère.

Des gisements considérables de données financières et RH peuvent déjà conduire à une réinvention de certaines tâches ou métiers administratifs. Nous sommes engagés dans un processus qui transformera de nombreux métiers, non seulement dans l'administration, mais aussi dans les fonctions d'état-major et potentiellement dans la préparation et la conduite des opérations. L'IA est appelée à prendre une importance majeure dans tous ces domaines.

M. Bernard Chaix (UDR). Le groupe UDR accueille favorablement l'augmentation de 3,3 milliards d'euros du budget de la mission défense. M. le ministre Lecornu avait pertinemment souligné que les réductions budgétaires des trois dernières décennies avaient entraîné la suppression d'un régiment sur deux dans l'armée de Terre. Cette diminution des effectifs a dissuadé de nombreux jeunes Français de s'engager dans une carrière militaire, perçue comme moins prometteuse.

Néanmoins, face au réarmement mondial, il est impératif d'assurer la relève de nos forces armées par les nouvelles générations. Je constate que la mission prévoit le recrutement de plus de 3 600 apprentis, un point déjà abordé auquel vous avez apporté une réponse exhaustive.

Je souhaite cependant revenir sur l'allocation de 11 millions d'euros supplémentaires à la politique des ressources humaines. Pouvez-vous confirmer que ces fonds additionnels seront consacrés à l'amélioration du recrutement et de la fidélisation de ces apprentis ? Envisagez-vous de lancer une campagne nationale de communication pour attirer ces jeunes talents ? Quelles actions concrètes comptez-vous mettre en œuvre pour atteindre cet objectif de 3 600 apprentis ?

M. Christophe Mauriet. Je suis particulièrement sensible à votre introduction. La question de la prise de conscience, de la perception et de la place de la défense, ainsi que des carrières au sein du ministère des Armées, notamment militaires, revêt une importance capitale. Chacun d'entre nous peut contribuer à cette réflexion.

Nous avons constaté ces dernières années une forme d'effacement ou d'éloignement des préoccupations du pays concernant les questions de défense. Cette phase a été suivie par les événements tragiques de la période actuelle, suscitant un regain d'intérêt et un réengagement. Il incombe à chacun d'entre nous d'alimenter et de concrétiser cette dynamique.

L'apprentissage joue un rôle prépondérant dans ce contexte. Contrairement aux idées reçues, il ne se limite pas aux formations techniques, mais s'étend aux élèves d'écoles d'ingénieurs, de commerce, d'instituts d'études politiques et de facultés de droit. Cette modalité de formation allie l'enseignement universitaire classique à une mise en situation concrète, offrant une exposition précoce à la réalité professionnelle.

Pour que cette expérience soit véritablement formatrice, l'implication d'un maître d'apprentissage s’avère indispensable. Cette responsabilité exige un investissement réel, supérieur à celui d'un directeur de thèse envers son doctorant, ce dernier jouissant d'une plus grande autonomie. Actuellement, nous nous efforçons de susciter des vocations de maîtres d'apprentissage.

Vous avez raison de souligner la nécessité d'intensifier la sensibilisation. Nous devons privilégier des moyens de communication internes au ministère plutôt que grand public. En effet, l'intérêt des jeunes pour l'apprentissage au ministère des Armées est déjà manifeste.

Aujourd'hui, un quart de nos apprentis sont recrutés dans le secteur du numérique, illustrant l'association réussie entre le ministère des Armées et l'innovation technologique. Néanmoins, l'apprentissage ne se cantonne pas aux métiers techniques. Il concerne également les relations internationales, les fonctions administratives, financières et d'achat public, qui connaissent des tensions. Les métiers de gestion administrative et de paie pour les militaires sont également concernés.

Dans l'optique de former nos propres collaborateurs, nous devons activer ce levier de l'apprentissage pour répondre aux besoins dans ces différents domaines.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous passons à présent aux questions des députés. La parole est à Mme Nadine Lechon pour la première question.

Mme Nadine Lechon (RN). Monsieur le secrétaire général, la mixité dans nos armées et l'accompagnement du personnel constituent des missions prioritaires depuis 2019 pour le gouvernement. Cette quête de mixité exige la mise en place d'infrastructures adaptées. Le projet annuel de performance exprime l'ambition d'étendre l'offre de garde d'enfants, notamment par l'édification de crèches supplémentaires. Cependant, je m'interroge sur la précision selon laquelle ces constructions s'effectueront en collaboration avec les collectivités locales.

Dans d'autres domaines, tels que le logement de nos soldats, les collectivités ont déjà été sollicitées pour participer aux efforts. Ainsi, cette volonté de coopérer avec les collectivités concernant l'accompagnement des familles de militaires manque de clarté à mes yeux. Je souhaiterais obtenir des éclaircissements sur la méthodologie concrète qui sera adoptée pour soutenir nos militaires, leurs familles et leurs enfants, particulièrement les plus jeunes. De plus, je m'interroge sur les modalités de déploiement de ces crèches et centres de vacances sur le territoire et auprès de nos forces armées.

M. Thierry Tesson (RN). Monsieur le secrétaire général, je souhaite vous interroger sur l'état préoccupant des infrastructures sportives mises à la disposition de nos soldats. J'ai personnellement constaté cette situation au 41e régiment de transmission à Douai, au cœur de ma circonscription, et d'autres témoignages ont également fait état de ces difficultés.

En 2023, la Cour des comptes a révélé que les installations sportives de Saint-Cyr Coëtquidan se trouvaient dans un état déplorable. J'espère que ce ne sont pas celles que j'ai connues lors de mon service militaire, il y a fort longtemps.

Ces infrastructures revêtent une importance capitale pour la condition physique des soldats. J'irais jusqu'à affirmer qu'elles constituent le fondement du maintien de la capacité opérationnelle de nos armées.

Concernant ces installations sportives, je vous pose donc deux questions : disposez-vous d'un inventaire détaillé de leur état sur l'ensemble du domaine foncier de la défense ? Existe-t-il un plan de rénovation, voire une ligne budgétaire spécifique ?

Mme Anna Pic (SOC). Dans le cadre des partenariats avec les collectivités territoriales, j'aimerais obtenir des précisions sur les projets cofinancés prévus pour les deux prochaines années, qui permettront de mettre en œuvre le plan « famille » récemment proposé. À Cherbourg-en-Cotentin, nous venons d'inaugurer une crèche cofinancée par la ville et les armées, ce qui constitue une excellente initiative. Cependant, certains projets ne se concrétisent pas. Or, comme nous l'avons souligné, ces partenariats représentent un élément essentiel pour la fidélisation du personnel.

Par ailleurs, la question de l'externalisation mérite notre attention. Nos bases de défense se trouvent parfois dans un état préoccupant, et de nombreux personnels civils déplorent l'impossibilité d'effectuer des travaux de maintenance mineurs sans recourir à l'externalisation, faute de budget suffisant. Des inquiétudes persistent également concernant la restauration, le soutien et la blanchisserie.

M. Christophe Mauriet. L’exemple de Cherbourg s'inscrit dans notre volonté de partenariat avec les collectivités locales. Bien que le budget des armées soit conséquent, nous préférons monter des tours de table, même si cela peut exercer une pression sur les budgets des collectivités concernées. C'est une question de choix et d'orientation à laquelle le ministre attache une grande importance.

Généralement, les collectivités locales manifestent de l'intérêt pour cofinancer des structures de type crèche ou petite enfance avec le ministère des Armées. L'institution de gestion sociale des armées (Igesa), notre opérateur, a déjà conclu cinq ou six accords-cadres avec des intercommunalités, des départements et parfois des régions sur l'ensemble du territoire national.

Nous sommes conscients que cela implique pour les collectivités locales une forme de priorisation ou de choix sous contrainte. L’an prochain, nous consacrerons 10 millions d’euros en crédits d’investissement au développement de l’offre en matière de petite enfance. Dans un contexte de marché du travail tendu pour la petite enfance, l'Igesa mène une politique salariale accommodante pour rester compétitive. En 2025, nous prévoyons la création de trois crèches à Paris (boulevard Mortier), Évreux et Varces, l'accompagnement de deux maisons d'assistantes maternelles et la réservation de 71 berceaux supplémentaires.

Concernant les installations sportives, la hiérarchisation des priorités incombe à l'armée bénéficiaire de l'infrastructure. Je suis particulièrement attentif à la nécessité de maintenir ces installations en bon état. Si des chefs d'état-major souhaitent un effort particulier dans ce domaine, ils l'expriment et obtiennent satisfaction.

Il est en effet indispensable de disposer de budgets pour des interventions de maintenance courante dans les formations administratives et les implantations locales du service d'infrastructure de la défense. La transformation du SID passe notamment par l'arrêt de la réduction des effectifs des régies. L'expérience a démontré qu'il était plus efficace et économiquement viable de conserver un contingent de collaborateurs dédiés à ces missions d'entretien, essentielles à la qualité de vie dans les corps de troupe et les établissements.

Cette orientation marque un tournant par rapport à la période précédente qui visait une externalisation quasi-totale. Nous avons mis un terme à cette approche, constatant les effets d'une politique d'externalisation probablement menée de façon excessive et trop dogmatique.

Mme Valérie Bazin-Malgras (DR). Je souhaiterais vous interroger sur le lien armée-nation, Monsieur le secrétaire général. Ayant assisté à l'exercice Orion dans les plaines du Grand Est, ma région d'origine, je m'interroge sur les moyens d'améliorer l'implication des territoires et des collectivités dans nos armées. Ne serait-il pas judicieux d'envisager la réquisition de bâtiments communaux pour optimiser les conditions d'entraînement de nos militaires sur le terrain, lorsque cela s'avère possible ?

J'ai en effet constaté un manque regrettable de coordination entre une collectivité locale et le régiment qui s'exerçait sur place. Je me demande si la réquisition de bâtiments communaux ne constituerait pas une solution bénéfique pour nos forces armées. Quel est votre avis sur cette question ?

M. Christophe Mauriet. Je ne vais pas exprimer d'opinion personnelle, mais il me semble préférable de privilégier la relation de confiance entre les élus d'un territoire et l'unité militaire en garnison avant d'envisager le recours à la réquisition, qui demeure un moyen assez brutal ou du moins relativement exorbitant du droit commun. La réquisition n'est pas illégitime en soi ; elle est prévue dans la LPM, notamment pour des questions de mobilisation économique et d'économie de guerre concernant principalement les acteurs industriels. De plus, lors des phases successives des stades de défense pouvant mener à une mobilisation générale, l'État peut être contraint, dans l'intérêt public, de procéder à des réquisitions.

Cependant, dans le cas précis que vous mentionnez où il semble exister une certaine indifférence ou mésentente préalable, j'entrevois difficilement comment éviter une dégradation ultérieure après la mise en œuvre d'une réquisition. Il est probable qu'une telle mesure aggrave encore davantage la difficulté initiale. Par conséquent, je pense qu'il serait plus judicieux que le colonel et le maire prennent véritablement le temps de faire connaissance. Mon expérience limitée montre généralement que les élus sont soucieux d'entretenir les meilleures relations possibles avec les établissements et structures relevant du ministère des Armées et vice versa.

En conclusion, bien que légale et parfois nécessaire dans certains contextes spécifiques comme ceux prévus par la LPM pour assurer l'intérêt public en période critique, la réquisition apparaît ici comme un procédé excessif par rapport aux objectifs visés.

Mme Valérie Bazin-Malgras (DR). Mon intention était simplement de mettre en lumière une proposition de loi que j'avais élaborée à la suite d'un incident spécifique. Force est de constater que les élus ne sont pas toujours en phase avec les armées, ce qui est regrettable.

M. Christophe Mauriet. Concernant le principe de l'administration et des collectivités locales, je souligne l'importance capitale de la négociation, du travail collaboratif et de la connaissance mutuelle. En effet, bien que la perfection soit inatteignable, ces éléments demeurent essentiels pour favoriser une coopération efficace entre les différents échelons administratifs et territoriaux.

M. le président Jean-Michel Jacques. Merci beaucoup, Monsieur le secrétaire général et mes chers collègues. Nous nous retrouvons à onze heures pour la prochaine audition.


 

4.   Audition des représentants des associations professionnelles nationales de militaires (APNM)

La commission a entendu les représentants des associations professionnelles nationales de militaires, sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324), au cours de sa réunion du mardi 22 octobre 2024.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/wsVtb8

 

 

5.   Audition des représentants de syndicats des personnels civils de la défense

La commission a entendu les représentants de syndicats des personnels civils de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324), au cours de sa réunion du jeudi 24 octobre 2024.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/OkIvY7


II.   Examen des crédits

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Bastien Lachaud, les crédits inscrits au programme 178 « Préparation et emploi des forces » et au programme 212 « Soutien de la politique de défense », pour les dépenses afférentes à la logistique interarmées et aux soutiens de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2025, au cours de sa réunion du mercredi 30 octobre 2024.

 

M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle l’examen des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, de la mission Défense et du programme Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. En 2025, selon le ministre des Armées, la défense serait épargnée par la cure d’austérité généralisée prévue par le Gouvernement Barnier, avec une hausse du budget qui atteindrait 3,3 milliards d’euros. Le Ministre s’est ainsi félicité devant notre commission du respect de la trajectoire prévue par la loi de programmation 2024-2030 et a assuré le respect de la « programmation physique » de celle-ci. On peut déjà s’interroger sur le sens de cette notion de programmation physique, dont il est le seul à comprendre les subtilités.

Surtout, ce respect facial de la programmation se fait au prix de manœuvres de gestion qui sont en pleine contradiction avec l’esprit de la LPM. En effet, la gestion des surcoûts opérationnels souffre d’une insincérité chronique, au détriment de la mission constitutionnelle de contrôle dévolue au Parlement.

En premier lieu, la provision budgétaire dédiée aux opérations extérieures et intérieures sera vraisemblablement dépassée en 2024, comme les années précédentes, et il en résultera un surcoût de plusieurs centaines de millions, pourtant prévisible.

En second lieu, les opérations pour renforcer le flanc est de l’OTAN ont été financées les années précédentes par des fonds interministériels, alors que ces interventions à l’étranger n’ont pas été approuvées par le Parlement, conformément à la procédure prévue par l’article 35 de la Constitution. Le Gouvernement continue de contourner l’autorisation parlementaire en appelant ces opérations des missions opérationnelles (Missops), malgré leur fonctionnement similaire aux opérations extérieures (Opex). Le ministre a d’ailleurs reconnu un problème de lisibilité. Pourtant, les solutions qu’il a esquissées devant notre commission ne sont pas satisfaisantes. Je ne pense pas qu’un « bidouillage » juridique de plus puisse aller dans le sens d’une résolution de l’ambiguïté, et encore moins dans celui d’un exercice effectif du contrôle du législateur.

Le constituant, dans sa grande sagesse, avait souhaité que le Parlement soit informé des interventions des forces françaises à l’étranger et autorise leur prolongation au-delà de quatre mois. Tel est le sens de l’article 35 de la Constitution, dont l’esprit et la lettre sont parfaitement clairs. Si la situation est aujourd’hui illisible, c’est parce que le Gouvernement s’exonère de cette obligation constitutionnelle et piétine le Parlement.

À l’heure de la simplification, je propose une solution simple : considérer l’ensemble des missions opérationnelles à l’étranger comme entrant dans le champ de l’article 35 de la Constitution. Dans le même esprit, le bénéfice du financement interministériel doit être réservé aux seules opérations qui ont fait l’objet d’une discussion et d’une autorisation parlementaires.

J’analyse, dans la première partie de mon rapport, l’évolution des crédits consacrés aux services de soutien interarmées portés par le programme 178 et le programme 212. Ces crédits sont, dans l’ensemble, annoncés en hausse dans le PLF 2025. Dans la pratique, les bénéfices de cette hausse sont rognés par divers surcoûts opérationnels. Les services de soutien des armées, en souffrance budgétaire et humaine depuis plusieurs années, doivent pourtant engager des réformes structurantes et nécessaires.

Les déploiements en Kanaky-Nouvelle-Calédonie sont à ce titre emblématiques. Le Gouvernement s’est obstiné à dégeler le corps électoral, en contradiction flagrante de l’accord de Nouméa et des engagements internationaux de la France, malgré l’absence de consensus des populations et acteurs locaux et les multiples avertissements de parlementaires, dont votre rapporteur. Il en résulte une grave crise sociale et politique qui a provoqué l’envoi de plusieurs centaines de militaires depuis l’Hexagone, toujours sans consultation ou discussion parlementaire. Le surcoût opérationnel lié à ces déploiements pour le ministère des Armées dépasse 30 millions d’euros. Le service du commissariat des armées et le service de santé des armées ont dû adapter leurs dispositifs déjà en tension et absorber des surcoûts sur un budget lacunaire.

Mon avis budgétaire analyse également l’évolution des dépenses des ressources humaines des armées, inscrites au programme 212. Nous constatons, en 2024, une embellie en matière de recrutement et de fidélisation dans les armées, appelée à se poursuivre en 2025. Mais il est difficile de savoir dans quelle mesure celle-ci est attribuable aux effets des politiques de fidélisation dans les armées ou du relâchement conjoncturel du marché de l’emploi.

Dans ce contexte, les efforts de revalorisation doivent être maintenus en 2025 et être à la hauteur des attentes des militaires. Cela concerne tout particulièrement la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), qui révèle aujourd’hui ses limites. D’abord, la fiscalisation de l’indemnité de garnison gommera en partie les bénéfices de la NPRM à partir de 2025. Cette fiscalisation suscite en effet une hausse de l’impôt sur le revenu et fera perdre à de nombreux militaires le bénéfice de certaines prestations sociales. Ensuite, le dimensionnement et le versement de l’enveloppe d’indemnité de sujétions d’absence opérationnelle (Isao) restent perfectibles. Ces difficultés doivent être traitées au plus tôt, bien avant la clause de revoyure prévue en 2026. J’insiste sur cet enjeu, qui fait l’objet d’une forte attente de la part des militaires, comme révélée lors des auditions de votre rapporteur et de notre commission. La NPRM a été présentée comme une réforme bénéfique pour les militaires et pourtant, nombre d’entre eux ont le sentiment de « s’être fait avoir », si vous me passez l’expression.

La réforme des grilles indiciaires du ministère des Armées se poursuit. Elle avait été mise en œuvre en octobre 2023 pour les militaires du rang et les sous-officiers subalternes. Elle devrait concerner les sous-officiers supérieurs en décembre 2024 et les officiers à la fin de 2025. Sur ce sujet, je tiens à formuler trois observations.

Premièrement, j’ai constaté que la mise en œuvre des grilles des sous-officiers supérieurs a été retardée de deux mois par rapport à ce qui avait été annoncé. En conséquence, je proposerai un amendement pour compenser cette perte non justifiée pour les militaires concernés.

Deuxièmement, je déplore et trouve injustifiable qu’il ne soit pas prévu à ce stade d’intégrer les aspirants à la réforme des grilles des officiers. Les aspirants, bien qu’en formation, contribuent déjà aux missions des forces.

Plus largement, je réitère mes remarques quant à la faible cohérence d’ensemble de la réforme et l’insuffisance des efforts sur les militaires du rang. Le ministère provisionne 75 millions d’euros par an pour la réforme des grilles d’officiers, 46 millions d’euros pour les sous-officiers supérieurs, alors que la revalorisation spécifique des militaires du rang et sous-officiers subalternes affichait 8,3 millions d’euros en année pleine. La progression du Smic fait craindre un rattrapage du bas des grilles indiciaires dès 2025, alors qu’elles avaient été revues en 2023. Ainsi, il n’aura fallu que deux ans pour que le phénomène de tassement de début de carrière réapparaisse, malgré les alertes de votre rapporteur.

J’ai choisi cette année de consacrer la partie thématique de mon rapport au statut des militaires français à l’étranger. Cette question constitue en effet un véritable impensé des politiques récentes d’amélioration de la condition militaire. L’accompagnement, les conditions matérielles et financières des militaires français affectés à l’étranger sont très variables. Ils créent des inégalités de traitement injustifiées, entre militaires et civils d’abord, mais aussi entre militaires, puisque le ministère met en œuvre deux tableaux de rémunération distincts selon les emplois concernés. Ainsi, entre deux militaires de même pays d’affectation et de même grade, les écarts de rémunération atteignent plusieurs centaines, voire milliers d’euros par mois. Cette distinction doit être supprimée.

Surtout, confrontés à des problématiques croissantes de logement, de hausse du coût de la vie et de scolarisation des familles, les militaires français sont de plus en plus nombreux à hésiter ou à renoncer à des postes à l’étranger, voire à y partir sans leur famille pour plusieurs années, en particulier dans les destinations anglo-saxonnes et scandinaves. Cette baisse d’attractivité constitue un risque pour l’adéquation entre les besoins du ministère et les profils des candidats.

Pour ceux qui partent, les auditions que j’ai menées révèlent un sentiment de déclassement et une paupérisation des personnels, dommageables pour la condition militaire, l’image de la France et la préservation de ses intérêts. Un militaire précaire, isolé dans un environnement étranger, est un militaire vulnérable. Il apparaît donc impératif de mettre fin aux différences de traitement injustifiées et de renforcer l’accompagnement des militaires envoyés par la France à l’étranger, à commencer par le logement et les compensations indemnitaires.

En conclusion, j’aimerais revenir sur le contexte de préparation de cet avis budgétaire. Cette année, encore plus que les autres, je déplore le dialogue difficile avec le ministère des Armées sur sa gestion. Je note par exemple que le montant de la contribution Otan, que le ministre s’était engagé à communiquer de manière plus lisible, ne m’est toujours pas parvenu à ce jour. Il m’a également été impossible d’obtenir des informations fiables relatives aux coûts, en exécution et en prévision, des différents engagements opérationnels des armées.

Plus largement, il est inacceptable que les réponses au questionnaire budgétaire, envoyé à l’été, continuent de manquer à la fin du mois d’octobre. Pour rappel, l’article 49 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit un retour des réponses au questionnaire au plus tard le 10 octobre. Qu’elle soit imputable à l’incompétence gouvernementale ou au mépris du contrôle parlementaire, cette attitude est inadmissible.

En résumé, la présentation du budget des armées est au diapason du PLF 2025, c’est-à-dire un Gouvernement qui foule les droits du Parlement pour présenter un budget insincère et austéritaire.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Défense.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Lorsque la NPRM a été lancée, il était prévu qu’elle soit implémentée en plusieurs phases, soit huit phases me semble-t-il. Or aujourd’hui, on considère que cette NPRM est finie. Dans vos fonctions de rapporteur, avez-vous pu être éclairé sur l’état final recherché de cette politique, qui n’a jamais été présentée à la représentation nationale ? A-t-il pu être atteint ?

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La NPRM a été déployée en trois phases, mais il nous a été impossible de savoir à l’avance quelles seraient précisément les réformes, d’une année sur l’autre. J’ignore donc si le ministère disposait d’une vision globale lorsqu’il a lancé les trois phases. Force est de constater que son état final n’est toujours pas connu. Un certain nombre de primes ont été fiscalisées, mais à ma connaissance, aucune simulation n’a été demandée à Bercy pour savoir quelles seraient les conséquences, notamment fiscales, pour les militaires. Parmi ses effets, la fiscalisation des primes modifie le quotient familial et donc l’accès à de nombreuses prestations sociales, ce qui constitue à ce jour un véritable « trou noir ». Nous sommes constamment renvoyés à l’année 2025, qui sera la première année où les effets fiscaux se feront sentir de manière pleine et entière.

Le ministère a prévu une clause de revoyure en 2026, qui devra être réellement mise en œuvre, non seulement pour évaluer les effets induits de cette fiscalisation sur les prestations sociales, mais aussi parce que certaines primes ne sont plus revalorisées, sauf si une décision ministérielle et des mesures catégorielles devaient être prises. Il en résulte un « grignotage » par l’inflation de ces primes.

M. Julien Limongi (RN). Ma question concerne le plan hébergement lancé en 2019. Il semble que les programmes de rénovation et de restauration des logements suivent leur cours. Cependant, l’insatisfaction demeure chez les militaires. Il me semble que le logement sur les enceintes militaires constitue le premier motif d’insatisfaction des militaires. Lors de vos auditions, avez-vous pu obtenir des informations sur ce plan hébergement ? Est-il sous-doté ? Ou répond-t-il aux besoins ?

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le plan hébergement suit le programme prévu par le ministère ; il n’y a pas de sous-dotation par rapport à la trajectoire prévue par le Gouvernement. Les livraisons avoisinent les 4 100 places, pour l’année à venir. Malheureusement, cela n’est sans doute pas suffisant, à en juger par le taux de satisfaction, notamment dans l’armée de l’air, qui a baissé de vingt points pour s’établir aujourd’hui à 38 %. Les besoins sont tels que l’offre ne suffit pas, avec des problèmes de surpeuplement. On a également un problème sur les logements affectés en gestion libre par le prestataire, qui échappent aux militaires.

Les problèmes de logement concernent également les militaires à l’étranger. Les attachés de défense représentent le ministre, au même titre que l’ambassadeur représente le Président de la République. Ils ont une mission de représentation, et peuvent être amenés à recevoir dans leur appartement, leurs homologues ou d’autres officiels. Certains d’entre eux bénéficiaient d’un logement dit « de réception ». Malheureusement, la réforme du corps diplomatique a mis en commun l’ensemble des biens gouvernementaux à l’étranger et le ministère des Armées s’est vu subtiliser une partie du parc qu’il possédait en propre par le ministère des affaires étrangères.

Les attachés découvrent parfois trois mois avant de partir à l’étranger qu’ils devront trouver un appartement dans le parc locatif du pays hôte, créant des difficultés d’installation. S’ajoute à cela l’absence de garantie sur la sécurisation des lieux qu’ils seront amenés à louer, qui ne permet pas d’écarter le risque d’un espionnage par les services de renseignement du pays hôte. De plus, un appartement de réception entraîne des coûts supplémentaires pour le locataire.

Enfin, je souhaite évoquer les problèmes rencontrés par les sous-officiers, qui sont déclassés lorsqu’ils sont en poste à l’étranger. En effet, bien que correspondant dans leur fonction à une catégorie B de la fonction publique, ils reçoivent une prime équivalente à celle d’un civil de catégorie C. Ils sont dans une situation financière parfois difficile. Nous avons même eu connaissance du cas d’un sous-officier devant faire du baby-sitting le soir pour financer son logement. Il y a là un grave problème de déclassement et de dégradation de l’image de la France à l’étranger.

M. Sylvain Maillard (EPR). Monsieur le rapporteur, je suis quelque peu surpris de vos propos particulièrement politiques dans le cadre de la présentation de votre rapport, quand il est possible de parler factuellement de ces éléments, quels que soient nos accords ou désaccords partisans. Je suis surpris de vous entendre défendre la non-fiscalisation d’une partie de la rémunération, alors que depuis sept ans, vous tenez des propos complètement opposés dans l’hémicycle. J’entends l’inquiétude sur le risque de perte de pouvoir d’achat, mais je trouve que s’opposer à la fiscalisation des primes s’oppose à tout ce que vous avez défendu jusqu’à présent. Par ailleurs, votre groupe n’a pas voté la loi de programmation militaire, qui offre pourtant des moyens supplémentaires et qui constitue une avancée pour tous. Nous essayons tous de faire face à l’ensemble des difficultés auxquels sont confrontés nos armées, et je regrette que vous ne proposiez pas une version plus constructive de la LPM.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je vous renvoie à la version papier du rapport, où vous trouverez tous les chiffres et éléments précis sur le sujet. Ensuite, sur les primes, force est de constater que les primes, qui n’étaient pas fiscalisées avant la NPRM le sont désormais, sans qu’aucune analyse ou discussion n’ait été faite sur la conséquence de cette fiscalisation. Je peux soutenir le principe d’une fiscalisation, mais j’ai besoin d’éléments sur l’état final recherché. De même, cette fiscalisation n’a pas été justifiée, notamment pour les militaires. Pour un militaire, les primes peuvent représenter presque la moitié de leurs revenus. De plus, certaines de ces primes étaient prises en compte dans le calcul de la pension, ce qui n’est plus le cas. Dès lors, les militaires se retrouvent confrontés à une forme de double peine. Dans un monde idéal, la rémunération pourrait être indiciaire et correspondre aux points de la fonction publique, et j’espère que vous partagez cette perspective.

Enfin, j’assume totalement d’avoir voté contre la LPM. Il ne s’agissait pas de voter contre des budgets supplémentaires pour nos armées, mais contre la manière dont ceux‑ci étaient déterminés et déployés. L’exercice budgétaire montre bien que dans les 3,3 milliards d’euros de hausse, figurent des éléments qui ne devaient pas être intégrés dans le budget des armées. La fable d’une LPM « respectée à l’euro près » est donc sérieusement battue en brèche. Je n’ai certes pas voté la LPM, mais d’une certaine manière, je suis plus sourcilleux qu’un certain nombre de collègues quant à son strict respect.

M. Christophe Bex (LFI-NFP). Tout le monde en conviendra, les personnels militaires connaissent la précarité, comme l’ensemble de nos concitoyens. Ma question porte sur les retraites. Quel est l’impact de la contre-réforme des retraites qui a eu lieu en 2023 sur la vie des militaires, qui est déjà difficile ? On sait qu’il faut davantage d’indiciaire dans les rémunérations. La hausse de la part d’indiciaire a par ailleurs des effets bénéfiques pour les pensions.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je serais bien en peine de vous répondre. Ce sujet figure en bonne place dans les questionnaires budgétaires que j’ai envoyés au ministère, mais nous n’avons pas obtenu de réponse. Depuis la contre-réforme des retraites que nous avons subie, nous alertons sur ses effets pour les militaires. D’ailleurs, notre commission a justement voté contre cette réforme des retraites, parce que nous étions une majorité à penser qu’elle serait négative pour les militaires.

La NPRM entraîne une perte de retraite pour les militaires, puisque les primes ne sont plus intégrées dans le calcul des pensions. À ce sujet, Monsieur le président, il serait pertinent que notre commission organise une audition sur la thématique des pensions des militaires, afin que le Gouvernement et le ministère puissent répondre devant la commission et lever les inquiétudes légitimes d’un certain nombre de nos collègues.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je souhaite revenir un instant sur la distinction entre Missops et Opex, sujet technique et délicat. Pourriez-vous l’évoquer et préciser en quoi les Missops pourraient relever de l’article 35 de la Constitution et comment cela permettrait de régler les problèmes que nous connaissons ?

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il faut en revenir aux textes. L’article 35 de la Constitution parle d’intervention à l’étranger. La loi de programmation de 2013, qui précise ce qu’est une intervention à l’étranger. Nous avons enfin le code de la défense, qui prévoit le rôle du conseil de défense dans la conduite et les orientations des Opex. Ce même code indique que les armées obéissent au ministre. En revanche, les Missops ne sont pas évoquées dans les textes de loi.

En conséquence, la question consiste à savoir à quel titre et sur quel fondement juridique le ministre a envoyé des troupes en Roumanie. Le Gouvernement a délibérément voulu restreindre la logique de l’article 35 à un certain nombre d’interventions. On pourrait imaginer qu’il souhaite restreindre aux seules opérations extérieures. Mais l’on se rend compte toutefois qu’un certain nombre d’opérations extérieures n’ont jamais été votées par le Parlement. Par exemple, nous avons appris récemment que l’opération Aspides était devenue une Opex, sans que nous n’ayons été consultés. Cela a pourtant des conséquences budgétaires. Il existe un BOP Opex, certes constamment sous-évalué par le ministère, mais dont le surcoût est assumé par l’interministériel. En revanche, nous ne savons rien sur le coût des Missops, décisions unilatérales du ministre qui viennent grever le budget. Or cela entraîne des conséquences, non seulement sur l’exécution de la LPM, mais aussi sur le quotidien de nos militaires. En effet, le statut est plus protecteur en matière d’Opex ; les militaires qui en relèvent peuvent bénéficier de la carte du combattant ou du doublement de leurs trimestres de pension. La mention « mort pour la France » est également susceptible d’être accordée.

Il y a là une volonté du ministère de nier les droits des militaires et du Parlement, pour pouvoir s’arroger seul le pouvoir d’envoyer des militaires français à l’étranger, une violation de la Constitution, en dehors de tout cadre légal. C’est la raison pour laquelle le ministre était fort embarrassé lorsque cette question a été évoquée en commission, et qu’il a essayé de nous dire qu’il allait essayer de régulariser a posteriori.

Mais cela ne peut pas être satisfaisant. Aujourd’hui, plusieurs milliers de soldats français sont présents en Roumanie. Que se passerait-il si les Russes envahissaient la Roumanie ? Nos soldats seraient immédiatement mobilisés pour faire face à cette invasion, mais le Parlement ne se prononcerait que quatre mois plus tard, placé devant le fait accompli. Les droits du Parlement seraient bafoués.

J’irai même plus loin : le ministre nous a indiqué lors de son audition que les chars russes ne sont pas prêts d’entrer en Roumanie, étant donné leur rythme de progression en Ukraine. Dans ce cas, nous pouvons nous interroger sur l’utilité même de la présence de nos troupes en Roumanie, si les Russes ne peuvent y arriver.

 

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La commission en vient maintenant aux interventions des groupes politiques.

 

M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle la suite de l’examen pour avis des missions « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », « Défense » et « Sécurités ».

Nous commençons par les interventions des orateurs des groupes avant le vote sur les amendements et les crédits de ces trois missions.

Mme Caroline Colombier (RN). J’ai une pensée pour les hommes et les femmes engagés sous nos drapeaux, qu’ils soient militaires, civils de la défense, membres des forces de l’ordre ou anciens combattants. Par-delà les chiffres, ils sont au cœur des missions budgétaires dont nous allons débattre. Nous devons être collectivement à la hauteur de leur engagement, présent ou passé, qui peut aller jusqu’au sacrifice ultime.

Notre groupe d’opposition ne manquera pas d’interroger les ministres sur les manques et les incohérences des budgets présentés – c’est le jeu démocratique. Mais n’oublions pas l’essentiel : par-delà les clivages, nous parlons pour le même pays, la même nation, le même drapeau et pour tous ceux qui les défendent. Les ministres des armées et des anciens combattants représentent les armées d’une France qui tient encore son rang dans le concert des nations, grâce notamment à sa puissance militaire.

Celle-ci est cependant limitée. Notre armée n’a pas la masse critique – thème cher au général Burkhard – pour affronter un conflit de haute intensité. Elle est sous-dimensionnée pour protéger le deuxième domaine maritime du monde, avec seulement une centaine de navires. Les récents exercices Orion ont montré que beaucoup reste à faire dans le domaine des satellites. Son service de santé, pourtant le meilleur au monde, ne peut prendre en charge que huit blessés en urgence absolue en cas d’engagement majeur.

L’armée britannique qui, comme la nôtre, fut un temps incontestée, fait face aux mêmes défis. La question est de savoir si nous sommes prêts à aller vers la guerre, selon le titre du dernier livre du ministre des Armées, comptable des moyens mis en œuvre dans ce domaine. Il faut bien constater qu’il existe un écart entre l’autosatisfecit auquel il s’est livré et la réalité.

La hausse de 3,3 milliards des crédits de la mission Défense prévue pour 2025 par la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (LPM 2024 – 2030) n’est qu’une façade. Si l’on tient compte du surcoût des opérations extérieures (Opex), qui atteint 2 milliards et pour lequel aucune solidarité ministérielle n’est à attendre, et de la hausse de l’aide à l’Ukraine par le biais du recomplètement des matériels et des fonds alloués à la Facilité européenne pour la paix (FEP), la marche budgétaire est en réalité un faux plat. Si l’on ajoute à tout cela les gels et les surgels de crédits, dont le montant s’élève à 2,6 milliards pour 2024 et qui ne manqueront pas de se reproduire en 2025, on constate que le projet de loi de finances pour 2025 ne prévoit aucune hausse du budget de nos armées.

Dans le détail, on y retrouve les lubies macronistes qui font tant de mal à nos armées : 813 millions sont prévus pour le système de combat aérien du futur (Scaf) et 97,6 millions affectés au programme système principal de combat terrestre (MGCS) – deux projets qui s’enlisent et sont voués à l’échec. Le Scaf va à l’encontre de tous les fondamentaux de la coopération industrielle : ni doctrine d’emploi commune, ni coopération commune, ni spécification commune. Le MGCS est affecté des mêmes tares, que confirme le lancement par l’Allemagne et l’Italie d’un projet concurrent.

Pourtant, le Gouvernement persévère, au détriment des intérêts de notre pays et de toute logique industrielle. Certes, il faut un char du futur. Certes, il faut un avion du futur. Certes, la coopération est souhaitable, à condition qu’elle soit réellement utile et non destinée à satisfaire des chimères européistes qui ne mènent à rien – la référence gaulliste n’échappera pas à nos ministres.

Concernant la mission Défense, les amendements du groupe Rassemblement national s’attacheront à préserver une armée souveraine, plus humaine et plus innovante. Nous proposerons la réallocation des moyens dévolus à des programmes ou à des structures inutiles à des segments de nos armées qui en ont bien besoin. Nous défendrons une augmentation des moyens pour le cadre de travail et de vie de nos militaires et de leurs familles. Nous proposerons des amendements permettant d’innover et de rester dans la course avec nos compétiteurs, notamment dans le domaine spatial.

Les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation sont stables, à hauteur de 1,9 milliard. Toutefois, nous dénonçons avec force les économies réalisées sur le dos du monde combattant par le biais de la stagnation de la pension militaire d’invalidité (PMI). L’an dernier, devant cette commission, la secrétaire d’État Patricia Mirallès s’était engagée à faire progresser le point d’indice de la PMI de 4 % en deux ans. Tel ne sera pas le cas.

Faire des économies sur les anciens combattants en leur accordant une aumône n’est pas acceptable ! Notre groupe défendra une hausse du point d’indice de la PMI alignée sur le taux d’inflation de 2024. Sans vouloir polémiquer, chacun sait quelle mauvaise gestion a durablement affecté nos finances publiques. Faire des économies d’accord, mais pas au détriment de nos anciens combattants !

Par ailleurs, nous aurons à cœur de défendre le patrimoine du monde combattant, sans lequel la mémoire ne repose sur rien, par le biais d’amendements relatifs à la préservation des drapeaux, des stèles et des plaques commémoratives. Nous aurons également à cœur de défendre les moyens accordés aux associations et à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG). Enfin, nous défendrons une extension de la demi-part fiscale accordée aux veuves d’anciens combattants.

Concernant la mission Sécurités, dont les crédits relèvent du ministère de l’intérieur, nous tiendrons compte des observations du major général de la gendarmerie nationale (MGGN). L’un de nos membres, ancien gendarme, aura à cœur de défendre ses frères d’armes.

Notre vote sur les trois missions qui nous sont soumises pour avis dépendra du sort réservé à nos amendements. Nous sommes un parti d’opposition responsable. Nous espérons que le Gouvernement le sera à l’identique pour aboutir à un budget acceptable par tous.

M. Yannick Chenevard (EPR). 50,5 milliards de crédits : telle est l’enveloppe qui sera consacrée à notre défense en 2025, soit 3,3 milliards de plus qu’en 2024, ce qui est conforme à la trajectoire fixée par la LPM 2024 – 2030. Cela représente 18 milliards de plus qu’en 2017. L’effort est colossal, d’autant qu’il a été engagé après des décennies de coupes budgétaires et de baisses drastiques. Ce que je qualifiais ce matin de saignées a été rappelé en chiffres par le ministre devant notre commission : disparition d’un régiment sur deux de l’armée de Terre ; fermeture de onze bases aériennes ; réduction de 135 à 85 du nombre de bâtiments de combat. Le budget soumis à notre examen pour avis est donc une étape essentielle. Pour la huitième année consécutive, le budget de la défense augmente ; il aura doublé en 2030, à l’issue de l’application de la LPM 2024 – 2030.

Pour nos armées, la nation consent un effort financier inédit, qui doit être particulièrement salué dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Chaque euro doit être optimisé. Le respect de la trajectoire de la LPM 2024 – 2030 permettra à la France de poursuivre la préparation et la transformation de son armée, et de tenir son rang ainsi que ses engagements dans un contexte de durcissement de la conflictualité.

Ces crédits contribueront à financer les priorités retenues. Une attention particulière sera portée à la modernisation de notre dissuasion nucléaire. Dans son rapport, notre collègue François Cormier-Bouligeon salue l’investissement massif prévu par le projet de finances pour 2025 en faveur de notre dissuasion. L’année 2025 sera notamment celle du lancement de la réalisation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G), et du renouvellement des missiles de nos composantes océanique – M51 – et aéroportée – ASN4G.

Ce budget garantit également d’autres investissements, qui participent au renforcement de notre autonomie stratégique, notamment dans les domaines de l’espace, des fonds marins, du cyber, du renseignement, de la sphère informationnelle et de l’innovation, afin de donner à nos armées les capacités de renseignement, d’analyse et d’action dans les champs hybrides, matériel et immatériel.

Le budget 2025 profitera directement à nos militaires, dans leur quotidien. Des moyens seront mis en œuvre pour parfaire l’équipement du combattant, la préparation opérationnelle et les conditions d’entraînement, pour renforcer le plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires, dit plan « famille », et pour améliorer la politique salariale. Outre répondre aux besoins essentiels de nos armées, ce budget permettra de soutenir notre tissu économique et d’ancrer progressivement notre industrie de défense dans une logique d’économie de guerre.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation, le projet de loi de finances prévoit un budget stable, ce dont nous nous réjouissons. L’enveloppe du programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation permettra notamment de financer l’ouverture d’une nouvelle maison Athos, à Colmar. S’agissant de la transmission de la mémoire, l’enveloppe concrétisera notamment un engagement fort contre l’antisémitisme au profit du Mémorial de la Shoah. Quant à la gendarmerie, son budget est porté à 6,9 milliards, ce qui permettra notamment de créer quatre-vingts brigades et sept escadrons de gendarmerie mobile.

Ce budget est à la hauteur des enjeux et des menaces. Il s’agit d’un effort colossal, que la nation consent dans un contexte budgétaire resserré, pour assurer la défense de ce que nous sommes : une nation libre. Notre groupe votera les crédits des missions.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Dans le contexte d’austérité massive et de matraquage social qu’incarne le budget 2025, la mission Défense fait figure d’exception. De là à dire qu’elle a été sanctuarisée et que la marche de 3,3 milliards prévue par la LPM 2024 – 2030 est pleinement respectée, il y a un pas que je ne franchirai pas.

Le groupe La France insoumise est obligé de faire part de ses réserves pour trois raisons : l’insincérité, l’insoutenabilité et – pour la rime – la naïveté.

L’insincérité tient au fait que figurent au budget des armées des dépenses qui ne devraient pas y figurer. Le ministre a eu beau nous dire que l’exécution de la loi finances pour 2024 n’est pas achevée et qu’il ne désespère pas d’éviter des annulations de crédits ou l’imputation de dépenses exceptionnelles à son ministère, nous n’en croyons rien. Il est évident que les dépenses plus ou moins imprévues engagées dans le soutien à l’Ukraine, dans l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (JOP) et dans le déploiement d’effectifs en Nouvelle-Calédonie/Kanaky auront un impact sur l’exécution du budget 2024 et engendreront des reports de charges. Ainsi, même si la somme allouée semble facialement conforme à la LPM 2024 – 2030, il faudra payer plus avec la même somme. La baisse effective est donc incontestable.

Au demeurant, le ministre en a convenu à demi-mot lorsqu’il a affirmé que, avec le projet de budget 2025, la « programmation physique » ne sera pas affectée. Cette idée de programmation physique, dont l’usage n’est guère courant, nous fait comprendre sans peine qu’il existe au sein du ministère une programmation non physique qui, elle, sera affectée. On devine ce qu’elle désigne. C’est principalement la préparation opérationnelle qui fera les frais de cette insincérité, ce qui n’est pas acceptable.

En matière d’insincérité, un autre point noir persiste, alors même qu’il a été signalé par le rapporteur pour avis Bastien Lachaud : le flou entourant les définitions respectives des missions extérieures (Missops) et des Opex, qui non seulement permet de contourner le Parlement, mais a des conséquences financières que le rapporteur pour avis a eu le loisir de présenter ce matin.

Le deuxième sujet de préoccupation est la soutenabilité de la trajectoire que dessine ce projet de budget. Même si l’on peut se féliciter qu’il confirme le lancement de programmes à effet majeur (PEM) structurants pour nos armées et pour notre base industrielle et technologique de défense (BITD), parmi lesquels le porte-avions de nouvelle génération (PANG) est peut-être le plus important, il n’en demeure pas moins que nous voyons s’édifier un véritable mur des restes à payer après 2027, qui a de quoi nous inquiéter. Il est logique que le décalage entre autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP) s’accroisse notablement en cette deuxième année d’application de la LPM 2024 – 2030. Nous sommes au début d’un cycle, j’en conviens.

Il n’en reste pas moins que l’explosion des crédits à ouvrir après 2027 obérera toute marge de manœuvre pour le prochain Président de la République – si tant est que nous devions attendre cette date pour en élire un –, ce qui soulève des interrogations du point de vue démocratique. On m’objectera qu’il s’agit de la contrepartie de l’idée même de programmation. Quoi qu’il en soit, la trajectoire des crédits à ouvrir année après année est inquiétante. Les dépenses qui devront être engagées après 2027 pour honorer des AE ouvertes dès à présent sont vertigineuses ; elles risquent fort d’empêcher tout nouvel investissement.

J’en viens à la naïveté, qui caractérise sans discontinuer les choix du Gouvernement en matière de coopération. Le choix d’écarter Atos du marché du supercalculateur qui équipera l’Agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense (Amiad) est présenté comme technique. Il demeure incompréhensible, surtout si l’on prétend sauver cette entreprise.

Quant à l’obstination du Gouvernement à poursuivre les programmes franco-allemands Scaf et MGCS, nous donnons l’alerte depuis plusieurs années sur l’absence totale de fiabilité du partenaire allemand. Au fil des ans, les faits – hélas ! – nous donnent raison.

Ce mois-ci, nous avons successivement appris que l’Allemagne s’engage avec le Royaume-Uni pour le développement d’un drone de combat, dont on voit mal comment il n’aurait pas vocation à s’intégrer au Scaf, et, plus inquiétant, que Rheinmetall, qui est déjà le passager clandestin du MGCS, s’engage dans un projet de char avec l’Italien Leonardo. La démonstration que j’ai faite à plusieurs reprises est plus que jamais pertinente : tandis que le MGCS devient l’unique option de Nexter, il devient parfaitement rentable et avantageux pour les Allemands d’en partir au dernier moment : ils seront alors sans concurrent européen sur le marché et nous n’aurons plus qu’à acheter allemand, au nom de la préférence européenne que nous promouvons par ailleurs.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas approuver ce budget.

Mme Anna Pic (Soc). Dans un contexte d’austérité budgétaire généralisée, la mission Défense du projet de loi de finances pour 2025 est l’une des seules à être préservée. Ses crédits augmentent de 3,3 milliards pour atteindre 50,5 milliards, comme prévu par la LPM 2024 – 2030. Compte tenu des besoins de nos armées, nous nous en réjouissons.

Si cette augmentation correspond à l’euro près aux engagements que nous avons votés, diverses raisons incitent à croire que, par-delà les aspects budgétaires, nous ne serons pas en mesure d’appliquer les dispositions adoptées il y a un an et demi, et à remettre en cause la sincérité des éléments qui nous sont présentés.

Le déploiement significatif de militaires dans le cadre des JOP sera vraisemblablement pris en charge dans sa totalité par le ministère des Armées. Il s’agit de dépenses déjà engagées dont le ministère ne pourra s’exonérer. Par effet de substitution, certains programmes – lesquels ? – en pâtiront.

Le même raisonnement peut s’appliquer au financement des Opex, dont les provisions étaient insuffisantes, d’autant que le flou subsiste concernant leur qualification et leur intégration dans le budget dédié. Il en va de même s’agissant du soutien à l’Ukraine, qui n’est pas au niveau attendu, en plus d’être particulièrement flou, comme l’a rappelé Thierry Sother lors de l’audition du chef d’état-major des armées (Cema), qu’il a interrogé sur les crédits alloués à la FEP.

En outre, le financement de la mobilisation de nos armées en soutien aux forces ukrainiennes ne doit pas être intégré – la LPM 2024 – 2030 l’indique clairement – à la trajectoire budgétaire que nous avons adoptée. Par ailleurs, comme le rappelle Isabelle Santiago dans son rapport sur avis sur le budget des forces terrestres au sein du programme Préparation et emploi des forces, de fortes inquiétudes subsistent sur la fin de l’exercice budgétaire en cours, au point de compromettre la capacité de ces forces à atteindre les objectifs fixés par la LPM 2024 – 2030, notamment sur les gels et surgels survenus en cours d’année.

Nous défendrons plusieurs amendements illustrant nos diverses interrogations sur le projet de budget 2025. L’un d’eux visera à abonder à hauteur de 200 millions le fonds de soutien à l’Ukraine, dont l’adoption permettrait à la France de se conformer aux engagements pris, dans les cadres national et bilatéral, avec le gouvernement ukrainien. Compte tenu de la rapidité de l’évolution du contexte géopolitique et géostratégique et des menaces qui en découlent pour la France et l’Europe, nous donnerons l’alerte sur la nécessité, pour le ministère des Armées, de mettre l’accent sur le renseignement et sur la recherche stratégique, en vue d’anticiper les menaces.

Si l’annonce du ministre Lecornu relative au lancement du PANG est la bienvenue du point de vue du respect du calendrier, nous appelons l’attention de l’Assemblée nationale sur les conséquences qui en résulteront sur le financement des autres équipements de la Marine nationale, qui ne sont pas moins nécessaires. Dans un contexte de multiplication de l’emploi des forces maritimes, les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2025 risquent fort d’être insuffisants.

Par ailleurs, plusieurs de nos amendements viseront à la remise d’un rapport, pour évaluer notamment la poursuite du plan « famille 2 », la mise en œuvre du dispositif d’économie de guerre et l’équilibre entre rémunération indiciaire et rémunération indemnitaire, dont nous débattons chaque année.

Dans le cadre de l’examen de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous présenterons deux amendements portant sur des mesures que nous avons défendues l’an dernier, en espérant que le nouveau gouvernement fera davantage preuve d’esprit d’ouverture que le précédent. Il s’agit d’accorder une réparation, aussi légitime que dérisoire du point de vue strictement financier, aux membres rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun de la guerre d’Algérie. Cette demande de réparation ayant été explicitement reconnue par le rapport annexé de la LPM 2024 – 2030, il est plus que temps de confirmer le financement correspondant, soit 92 290 euros. L’Assemblée nationale doit rendre justice aux vingt-deux derniers survivants avant qu’il ne soit trop tard.

La situation budgétaire de la France et les dépenses contraintes précédemment évoquées obligeront le ministère à faire des sacrifices. Au groupe Socialistes et apparentés, nous sommes ouverts à l’idée de prendre position sur les choix opérés par l’exécutif ; encore faudrait-il que nous soyons en mesure de les apprécier pleinement. Aussi aimerions-nous savoir où sont les coupes cachées avant de nous prononcer. En fonction du sort qui sera réservé à nos amendements et des réponses que nous attendons, notre groupe se prononcera favorablement ou s’abstiendra lors du vote des crédits des trois missions.

Mme Valérie Bazin-Malgras (DR). Notre commission est privilégiée : deux des trois budgets que nous examinons – la mission Défense et le programme Gendarmerie nationale – sont en augmentation. En cette période difficile pour nos finances publiques, il convient de le rappeler.

Le groupe Droite républicaine votera les crédits de la mission Défense, en prenant acte du respect intégral de la LPM 2024 – 2030. La tentation a été grande de faire participer la défense à l’effort budgétaire important que notre pays doit consentir, mais les crédits annoncés sont bel et bien là, et la cible d’augmentation nette des effectifs prévue par la LPM 2024 – 2030 est maintenue. Dès le mois de juillet, lors de la présentation de notre pacte législatif, notre groupe a classé le respect de la LPM 2024 – 2030 parmi ses lignes rouges.

Toutefois, comme nous l’avons rappelé à M. le ministre lors de son audition, plusieurs points appellent notre vigilance. Le premier est le gel des crédits, qui prendra dans les mois à venir une importance majeure : il s’agira d’éviter que Bercy prenne ce qu’il n’a pu obtenir lors de la présentation du budget. Plusieurs de nos rapporteurs pour avis se sont exprimés ce matin sur ce point.

Le deuxième est le financement des Opex et des opérations intérieures (Opint), qui est en baisse par rapport à la programmation, pour les raisons objectives que nous connaissons tenant à la situation en Afrique saharo-sahélienne. Toutefois, la hausse de la conflictualité, largement décrite par les chefs d’état-major devant notre commission depuis plusieurs années, exclut que nous baissions la garde – les tensions graves au Proche-Orient nous le rappellent chaque jour.

Quant à l’amplification des Opint, elle est aussi source d’inquiétude. Si celles menées dans le cadre des JOP étaient prévues et connues, les événements dramatiques survenus en Nouvelle-Calédonie ne manquent pas de nous inquiéter s’agissant de leurs répercussions budgétaires. S’agissant de l’aide, essentielle, à l’Ukraine, nous sommes attachés à son financement interministériel.

Nous nous opposerons aux amendements visant à remettre en cause l’équilibre, que nous savons fragile, de la LPM 2024 – 2030. Battons-nous ensemble, comme nous l’avons fait lors de son examen, pour nous assurer qu’elle est exécutée à l’euro près !

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous partageons certaines craintes exprimées par notre rapporteur pour avis, mais nous comptons particulièrement sur la ténacité de notre nouveau ministre délégué pour faire avancer les questions qui nous tiennent à cœur, telles que la revalorisation de la retraite des combattants. Nous n’oublions pas ce que nous leur devons.

Nous prenons acte de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sur l’indemnisation des harkis. Nous regrettons qu’il ait fallu une décision de justice pour qu’ils obtiennent gain de cause – ultime symbole de cette douloureuse question ! Concernant la jeunesse, nous soutenons la volonté du Gouvernement de revoir en profondeur la journée défense et citoyenneté (JDC), qui ne répond plus à sa vocation première.

Dans un contexte budgétaire difficile et contraint, le budget Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation permet de maintenir les droits, d’avancer sur de nombreux sujets et d’instaurer une juste indemnisation de nos compatriotes harkis. Notre groupe votera ses crédits.

Au sein de la mission Sécurités, les crédits du programme Gendarmerie nationale augmentent de plus de 500 millions. Nous saluons cet effort. Cependant, son schéma d’emploi nul fait peser des menaces sérieuses sur l’exécution des engagements de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) en matière de création de brigades. Le déploiement de nouvelles brigades en est un engagement essentiel. Nos concitoyens l’attendent. Quant à la montée en puissance de la réserve, pilier essentiel de la gendarmerie, elle suscite aussi des inquiétudes justifiées. En raison de ces interrogations légitimes et en attendant le sort fait à nos amendements ainsi que les réponses du Gouvernement, le groupe Droite républicaine s’abstiendra sur les crédits du programme Gendarmerie nationale.

M. Damien Girard (EcoS). Ce budget est utile et globalement adapté à notre armée et à l’environnement stratégique. L’augmentation du montant des crédits des quatre programmes de la mission Défense est nécessaire pour respecter le cadre fixé par la LPM 2024 – 2030 et accompagner l’adaptation de notre armée aux tensions géopolitiques, au retour de la haute intensité sur notre continent et aux conséquences du péril écologique.

Le renforcement des moyens concourant aux exigences d’une dissuasion nucléaire robuste et crédible ainsi que la poursuite de la modernisation des équipements sont vitaux pour notre sécurité et pour celle de l’Europe. Les efforts en matière de remise à niveau des infrastructures, de maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels et d’investissement des nouveaux champs de conflictualité, au premier rang desquels les fonds marins, sont réels et contribuent à notre préparation.

Toutefois, ce budget n’est pas à la hauteur des ambitions que nourrit la France et des responsabilités qu’elle assume. Le domaine maritime en témoigne. Notre Marine a dû recourir à un bricolage provisoire pour maintenir l’activité de quinze frégates de premier rang en attendant la livraison des frégates de défense et d’intervention (FDI). Cette rupture capacitaire démontre que l’objectif de quinze frégates de premier rang est insuffisant pour assumer les responsabilités de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) du monde et la protection de nos nombreux territoires dits d’outre-mer.

À titre comparatif, l’Italie vise seize frégates de premier rang, alors que sa zone d’intérêt maritime est plus réduite. Le retour au format qui prévalait avant la publication du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, soit dix-huit frégates de premier rang, est un minimum.

Certes, les navires de second rang sont plus nombreux. Ils sont capables d’assurer certaines missions. Néanmoins, ils demeurent complémentaires des frégates de premier rang et ne disposent pas des mêmes capacités face aux enjeux de haute intensité caractérisant la nouvelle donne géopolitique. Évacuation des ressortissants français des pays en tension ; lutte contre les trafics illicites, notamment dans l’océan Indien et dans les Caraïbes ; protection de notre ZEE, notamment dans l’océan Pacifique ; soutien à la liberté de navigation ; mise en œuvre de la dissuasion ; participation aux exercices, notamment dans le cadre de l’Otan : notre Marine est partout et tout le temps. Elle doit être dotée correctement pour assurer sa mission.

Plus généralement, la stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique doit s’appuyer une réalité capacitaire, notamment maritime, sous peine d’être une ambition de feuille de papier. Notre Marine aurait pu être mieux dotée, à un coût réduit, sans les décalages et les réductions de séries ayant affecté certains programmes, notamment celui des frégates multimissions (Fremm).

Les ressources humaines du ministère des Armées demeurent en tension, qu’il s’agisse de l’accompagnement des conjoints, de la revalorisation salariale ou de l’amélioration de la condition des militaires. Les marges de progression sont réelles. L’effort ne doit pas être relâché. Le taux de rotation élevé du personnel, provoqué par une insuffisante fidélisation, engendre concrètement des coûts supplémentaires de recrutement et de formation.

À cet égard, la réserve opérationnelle est un outil précieux, dont la montée en puissance doit continuer à être accompagnée. La sanctuarisation des moyens qui lui sont attribués est nécessaire. Pourtant, le rapport pour avis sur le programme Gendarmerie nationale indique que le projet de loi de finances pour 2025 remet directement en cause les engagements de la Lopmi sur la montée en puissance des réserves de la gendarmerie. La réserve doit être soutenue dans son ensemble, de façon constante et programmée. L’Assemblée nationale doit y être attentive.

Le groupe Écologiste et social votera ce budget, dont les imperfections ne font pas oublier l’essentiel : une adaptation budgétaire réelle de notre armée à un contexte international plus que dégradé. J’émets toutefois une réserve sur son orientation générale. Ni la LPM 2024 – 2030 ni le projet de loi de finances pour 2025 n’effectuent de véritable priorisation stratégique de nos forces armées. Enjeu méditerranéen, positionnement face à la Russie, stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique, préservation de notre capacité à entrer en premier sur un théâtre d’Opex, maintien de l’effectivité de notre dissuasion : vous conviendrez que l’augmentation du budget, bien réelle, est insuffisante compte tenu de ces multiples objectifs, dont je pourrais ajouter qu’ils sont très ambitieux à l’aune de notre situation budgétaire.

Une priorisation des enjeux donnant à notre flanc sud-est l’importance qu’il mérite permettrait de rationaliser les dépenses prévues par la LPM 2024 – 2030. La construction d’une sécurité européenne prise en main par les Européens est un enjeu de long terme, au sein duquel la France doit être capable d’humilité dans son rapport à ses partenaires et d’ambition dans sa contribution à la défense collective de notre continent.

Mme Josy Poueyto (Dem). En votant la LPM 2024 – 2030, nous nous sommes fixé l’objectif de transformer nos armées. Après des années de sous-investissement, face à un environnement stratégique chaque année plus dégradé, il était temps de renforcer et de moderniser notre modèle d’armée. Je salue le travail de notre ministre des Armées, Sébastien Lecornu, qui a engagé cette réforme d’ampleur et continue de veiller à son déploiement.

Avec un budget de 50,5 milliards, soit une hausse de 3,3 %, les crédits de la mission Défense sont ambitieux. Ils respectent la trajectoire votée par le Parlement, ce dont dépend sa crédibilité. Nous avons choisi de privilégier la cohérence et l’efficacité à la masse. L’entraînement et l’équipement de nos militaires sont donc particulièrement importants. En 2025, 10 milliards seront investis dans les équipements et leur MCO, et près de 8 milliards seront consacrés à la préparation et à l’emploi des forces. Nous n’ignorons pas la nécessité de nous adapter aux nouvelles menaces et d’anticiper des sauts technologiques pour avoir une guerre d’avance plutôt qu’une guerre de retard. L’innovation sera l’une des priorités pour 2025, ce dont nous nous réjouissons.

Le cyber, le renseignement, les drones et l’intelligence artificielle sont des domaines stratégiques pour nos trois armées. Ils deviennent indispensables pour les guerres de demain. Nous saluons ce budget, qui alloue plus de 1 milliard à l’innovation, 300 millions au cyber et 450 millions aux drones. Un effort supplémentaire de 100 millions par rapport aux 200 millions prévus par la LPM 2024 – 2030 pour l’intelligence artificielle doit nous permettre d’acquérir un supercalculateur pour nos armées dès l’année prochaine.

Cette transformation de nos armées vise à renforcer notre autonomie stratégique et à maintenir la France au rang des grandes puissances. En augmentant de 8 % le budget de la dissuasion, nous pouvons engager la modernisation de ses deux composantes et la construction du PANG, assurant notre posture de nation-cadre auprès de nos alliés comme de nos adversaires.

De tels objectifs sont hors d’atteinte si nous ne disposons pas des ressources nécessaires. Nous nous félicitons de la montée en puissance de nos armées, nourrie par la poursuite de l’effort en faveur de la réserve opérationnelle, qui bénéficiera de la création de 700 équivalents temps plein (ETP) et de plus de 27 000 recrutements. Ces emplois seront les bienvenus dans le renseignement, le cyber et l’intelligence artificielle, secteurs d’avenir pour nos armées.

Deux autres éléments s’avèrent cruciaux pour nos militaires et leurs familles : l’amélioration de leurs conditions de vie en emprise et la reconnaissance de leur engagement au service de la nation. Notre groupe a toujours été particulièrement attentif à l’accompagnement des familles de nos militaires, qui subissent elles aussi les contraintes de cet engagement. Nous saluons le déploiement du plan Fidélisation 360, qui vise à améliorer le quotidien des militaires dans les emprises.

En 2025, ces mesures permettront la rénovation du parc immobilier de nos armées, qui se trouve parfois dans un état de vétusté avancée. J’appelle l’attention de la commission sur les casernes de gendarmerie dont la rénovation est attendue de longue date par nos gendarmes, comme l’a rappelé Valérie Bazin-Malgras ce matin. Nous sommes également très attachés au plan « famille 2 », qui sera doté de 51 millions pour augmenter l’offre de garde de jeunes enfants, construire des crèches et étendre la prestation de soutien en cas d’absence prolongée du domicile.

Notre reconnaissance pour le sacrifice de nos militaires doit être sans faille, notamment lorsqu’ils sont blessés ou deviennent anciens combattants. Nous espérons que la promesse de construction de nouvelles maisons Athos en 2025 sera suivie d’effets, tant ces structures sont importantes pour la guérison.

Le groupe Les Démocrates salue l’effort budgétaire consenti dans le projet de loi de finances pour nos armées. Les crédits de la mission Défense, de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation et du programme Gendarmerie nationale traduisent notre volonté de poursuivre la transformation de nos armées, de soutenir au mieux nos soldats ainsi que leurs familles et d’honorer la mémoire de ceux qui se sont battus pour la France. Notre groupe votera ces crédits.

Mme Lise Magnier (HOR). Le groupe Horizons & indépendants soutient les efforts nécessaires consacrés à la réduction des dépenses publiques et au redressement des comptes publics. Il ne nous semble pas moins nécessaire de préserver les trajectoires des lois de programmation dans les domaines régaliens, pour nos armées, pour nos policiers, pour nos gendarmes, pour notre sécurité civile et pour notre justice.

S’agissant de la mission Défense, notre groupe salue l’augmentation continue du budget alloué à nos armées. Notre pays évolue dans un monde dangereux, caractérisé par des rivalités entre puissances et des menaces hybrides émanant d’acteurs étatiques et non étatiques – un monde dans lequel nos intérêts doivent être protégés. Nous saluons le choix de préserver et de confirmer les engagements pris dans le cadre de la LPM 2024 – 2030.

Il faut toutefois bien constater que, depuis son adoption, l’environnement stratégique de la France est en constante évolution. En 2023, la guerre en Ukraine entrait dans sa deuxième année et les Ukrainiens pouvaient encore compter sur l’engagement résolu de l’Europe et des États-Unis. La perspective d’une victoire électorale de Donald Trump bouleverse la donne. Par ailleurs, les tensions au Proche-Orient n’avaient pas atteint les sommets actuels. Le dispositif militaire français en Afrique entamait tout juste sa transformation, qu’il a fallu accélérer au lendemain du coup d’état au Niger. Le tournant de l’intelligence artificielle, qui n’était pas complètement intégré dans les efforts prioritaires identifiés par la LPM 2024 – 2030, est désormais bien pris en compte, comme le montre l’excellent rapport d’Anne Le Hénanff.

Le groupe Horizons & indépendants soutient les quatre inflexions stratégiques du budget des armées : le nouvel effort prioritaire sur l’intelligence artificielle ; la fidélisation de nos soldats ; le rééquilibrage stratégique en Afrique et sur le flanc est de l’Europe ; l’accélération de l’effort d'acquisition de munitions. Il veillera à préserver ce qu’il considère comme des fondamentaux : la dissuasion nucléaire comme pilier de notre souveraineté ; la place de la France dans l’Alliance atlantique et son action pour la défense européenne ; l’action du ministère des Armées en faveur de la qualité de vie de nos soldats et de leurs familles. Notre groupe votera les crédits de la mission Défense.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, notre groupe salue la relative stabilité des crédits qui lui sont alloués. Ce budget consacre le maintien des efforts pour nos blessés, pour les harkis et leurs familles en tenant compte de la décision de la CEDH du 4 avril 2024, et pour la reconnaissance envers le monde combattant dans toute sa diversité. Le montant de 1,8 milliard permettra aussi, après une année riche en commémorations de la Libération, d’envisager une fête nationale d’ampleur pour les 80 ans de la victoire du 8 mai 1945.

Le lien armées-jeunesse bénéficie d’une attention particulière : les crédits qui y sont consacrés augmentent de plus de 50 %. Nous appelons de nos vœux la transformation de la JDC et souhaitons qu’elle devienne enfin une journée d’intérêt national pour les jeunes citoyens. Nous voterons les crédits de la mission.

Concernant le programme Gendarmerie nationale, nous saluons l’augmentation générale allouée au budget de la mission Sécurités. Il est indispensable que l’effort budgétaire pour la création de 239 brigades de gendarmerie se poursuive. Si quatre-vingts brigades ont été créées, le maillage territorial doit s’intensifier. La gendarmerie est présente sur 95 % du territoire national et assure la protection de plus de la moitié de nos concitoyens. Nos gendarmes méritent toute notre attention et, surtout, les moyens d’exercer leurs missions. Si l’ordre dans les comptes est une priorité pour le groupe Horizons & indépendants, il ne doit pas être obtenu au détriment de l’ordre dans la rue, indispensable à notre cohésion sociale. Notre groupe votera les crédits de la gendarmerie nationale.

M. David Habib (LIOT). Le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation est stable. Il aurait été judicieux de consacrer son évolution à la revalorisation du point d’indice de la PMI. Notre groupe signale à l’attention l’insuffisante reconnaissance de celles et ceux qui ont combattu pour notre pays et méritent notre respect ainsi que notre accompagnement.

S’agissant de la gendarmerie nationale, j’ai été satisfait, comme d’autres ici, de la décision prise dans le cadre de la Lopmi de créer 239 brigades d’ici 2027. Depuis ma première élection en 2002, quatre gendarmeries ont été fermées dans ma circonscription. Grâce à la Lopmi, nous avons enregistré, pour la première fois, la création d’une brigade mobile, qui fait particulièrement bien son travail. Un engagement est pris pour 2025 ; toutefois, la question des effectifs obère la capacité à créer des brigades de gendarmerie. Déshabiller Pierre pour habiller Paul n’est pas une stratégie de maillage territorial. Ce questionnement devra obtenir réponse de la part du Gouvernement au cours de l’exercice budgétaire.

Concernant les 50 milliards inscrits au budget la mission Défense, nous saluons le respect de la LPM 2024 – 2030. Nous avons trois sujets de préoccupation. Le premier est le financement des Opex, qui suppose une solidarité des autres ministères. Nous avons conscience qu’elle a des limites. Le deuxième est la capacité à consommer les crédits d’armement – 20 milliards de commandes pour nous faire entrer dans l’économie de guerre –, qui suppose que les 200 000 salariés des quelque 4 000 industries concernées soient informés et formés, en capacité d’être recrutés, et connaissent suffisamment à l’avance les demandes du ministère des Armées. Le troisième est l’application du plan « famille 2 », qui se heurte à la question de la mobilité. Face à tout cela, nous appelons à un effort de déconcentrations des pouvoirs, tout en étant conscient qu’elle n’est pas, en Macronie, la préoccupation première. Le local est capable d’apporter des réponses là où l’échelon national est ankylosé.

Ne pas voter ce budget serait étrange – j’en ai voté de moins bons. Nous le voterons avec les réserves que je viens d’énumérer.

M. Édouard Bénard (GDR). De 2017 à 2024, les crédits de la mission Défense ont augmenté de 46 %. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une nouvelle augmentation de 3,3 milliards, qui en porterait le budget à 50,5 milliards, soit une hausse de 7,5 %, au moment même où le Gouvernement entend tailler dans grand nombre de dépenses publiques. Cette hausse s’inscrit dans le cadre plus général de la LPM 2024 – 2030, à laquelle ce budget est conforme.

Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont voté contre la LPM 2024 – 2030. Ils ne sont pas opposés aux investissements matériels permettant de renouveler et moderniser l’équipement de nos forces armées en tant que tels, mais considèrent que certains axes d’investissement retenus par la LPM 2024 – 2030 et leur déclinaison dans le projet de loi de finances pour 2025 intriguent du point de vue des évolutions technologiques et de la réalité de leur caractère opérationnel.

L’année 2025 sera celle du lancement officiel du PANG, grâce à un budget de 224 millions. Nous avons eu l’occasion de formuler nos réserves sur le chantier d’un nouveau porte-avions nucléaire. Nous nous interrogeons toujours sur sa pertinence et sur son coût, s’agissant d’un outil particulièrement coûteux à l’intérêt stratégique limité. Lorsque la France s’est engagée contre l’État islamique, 80 % des frappes aériennes ont été effectuées au départ de la Jordanie, contre 20 % depuis le Charles de Gaulle. Par ailleurs, l’emploi d’un porte-avions ne dispense pas de l’autorisation de survoler l’espace aérien d’États tiers pour mener à bien les missions confiées aux avions embarqués, comme d’ailleurs celles des avions de l’armée de l’air et de l’espace (AAE), ce qui limite l’intérêt du PANG.

Certains experts militaires affirment que notre pays doit augmenter le nombre de Fremm, pour assurer des missions diverses plus importantes et quotidiennes telles que la surveillance maritime, l’écologie Marine et la lutte contre les trafics. Notre pays n’a pas les capacités financières nécessaires pour mener de front ces deux chantiers. Il ne peut en choisir un qu’au détriment de l’autre.

Les moyens significatifs consacrés à la dissuasion nucléaire, notamment sa composante sous-Marine qui bénéficiera de 752 millions en 2025 pour financier les SNLE 3G, dans le cadre d’une enveloppe globale de 5,8 milliards, ne nous intriguent pas moins. Le retour d’expérience (Retex) du conflit russo-ukrainien démontre les limites de la dissuasion.

Concernant la seule dissuasion nucléaire sous-Marine, son intérêt stratégique tient à la mobilité des sous-marins et à la difficulté, pour la partie adverse, de les localiser. Le progrès continu de l’intelligence artificielle allié au réseau de surveillance satellitaire et aux dispositifs de surveillance sous-Marine tels que les réseaux de balises dérivantes, les radars et les sonars haute fréquence, pourraient remettre en question, dans un avenir proche, le caractère furtif des SNLE, qui fait tout leur intérêt stratégique.

Ainsi, le budget consacré à la dissuasion nucléaire, appelé à monter en charge dans le cadre des engagements pris dans le cadre de la LPM 2024 – 2030, cannibalise des moyens qui pourraient être plus judicieusement employés à l’équipement et à l’entraînement de nos forces armées conventionnelles pour assurer la sécurité du territoire. Alors même que l’objectif de 185 Rafale à l’horizon 2030 est considéré comme le minimum nécessaire par l’état-major de l’AAE, le budget consacré à la dissuasion nucléaire en 2025 permettrait à lui seul d’en acquérir soixante. Or ces chasseurs peuvent, avec l’appui d’avions ravitailleurs, être projetés en quarante-huit heures partout sur le territoire français, sans avoir besoin d’un groupe aéronaval (GAN).

S’agissant de la partie recettes du budget, l’ampleur des commandes d’équipements et de services du ministère des Armées auprès d’entreprises à capitaux français nous autorise à nous interroger sur le niveau de retour de recettes dans le budget de l’État. À titre d’exemple, la décision du groupe industriel KNDS – réunissant dans une holding le français Nexter, issu de la privatisation de GIAT Industries privatisé, et l’armurier allemand Krauss-Maffei Wegmann – d’implanter son siège aux Pays-Bas pour des raisons d’optimisation fiscale intrigue, d’autant que son capital est détenu à 50 % par l’État français. Ce sont autant de rentrées fiscales manquantes à l’heure où nous cherchons des recettes supplémentaires, pouvant notamment servir à abonder le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, en particulier pour revaloriser plus substantiellement la valeur du point d’indice de la PMI, qui sert au calcul de la PMI et de l’allocation de reconnaissance du combattant.

À défaut d’une réécriture profonde des orientations de la mission Défense du projet de loi de finances élaboré par le Gouvernement, en cohérence avec notre vote sur la LPM 2024 – 2030, les députés de la Gauche démocrate et républicaine n’approuveront pas les crédits.

M. Matthieu Bloch (UDR). Au nom du groupe UDR, je rends hommage aux femmes et aux hommes engagés – militaires, gendarmes et réservistes – qui protègent nos compatriotes au quotidien, parfois au péril de leur vie. Ils font partie de ceux pour lesquels l’engagement, la patrie et le sacrifice ont un sens. Nous leur devons reconnaissance.

Notre position est claire : seule une grande ambition en matière de défense permettra à la France d’assurer son indépendance. Face à la résurgence des foyers de tension dans le monde, notamment à l’est de notre continent, au Proche-Orient et dans le Caucase, où l’Azerbaïdjan multiplie les agressions contre le peuple arménien, la France n’a plus le choix. Elle doit se maintenir parmi les grandes puissances dans le concert des nations, à l’heure où cette place lui est plus que jamais contestée.

Concernant la mission Défense, nous reconnaissons la nette augmentation des efforts pour l’équipement de nos forces, à hauteur de près de 6 milliards pour notre dissuasion et de 1,9 milliard pour nos Rafale, et pour la mise en marche du PANG, que nous soutenons.

Toutefois, nul ici n’est naïf : cette hausse de crédits ne pourra être que d’apparence, en raison du gel de crédits par Bercy sur l’exercice 2024, de l’ordre de 2,6 milliards. Les quelque 570 millions prévus pour les Opex ne permettront pas, comme chaque année, d’assumer les surcoûts induits par le déploiement de nos soldats. J’ai une pensée particulière pour ceux mobilisés au Proche-Orient, en Méditerranée et dans le cadre des opérations Aigle en Roumanie et Lynx en Estonie. Si la France doit se maintenir comme grande puissance militaire, il faudra envisager une plus grande ambition financière sur ce point.

Par ailleurs, l’objectif de relocalisation de notre production d’équipements militaires est évoqué sans être concrétisé. Ce budget aurait dû être l’occasion d’engagements forts. Nous devons assurer le maintien de la France parmi les fleurons industriels de l’armement. Nous sommes aux prémices de potentielles dépendances industrielles à l’échelon européen, sans objectif militaire et géopolitique commun, et nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Au groupe UDR, nous souhaitons que les missions régaliennes de l’État soient exercées d’abord au service du peuple français. Dans ces circonstances et compte tenu des crédits proposés, il s’abstiendra sur la mission Défense.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, nous faisons le vœu d’une revalorisation forte du point d’indice de la PMI pour permettre aux invalides de procéder aux soins de kinésithérapie ou de rééducation fonctionnelle dont ils ont besoin, et surtout d’obtenir des prothèses et divers équipements partiellement remboursés par la sécurité sociale. Nous nous opposons à la baisse de l’allocation de reconnaissance du combattant alors même que le Gouvernement prévoit 14 millions supplémentaires pour le lien armées-jeunesse, avec des objectifs bien minces de refonte de la JDC. Il est invraisemblable que le Gouvernement fasse le choix de faire des économies sur nos héros de guerre. Le groupe UDR votera contre les crédits de cette mission.

Enfin, la hausse envisagée des crédits de la mission Sécurités ne nous semble pas à la hauteur des enjeux. D’abord, les crédits de 173 millions consacrés à l’exercice des missions militaires sont relativement faibles. Ensuite, les signaux rouges sont nombreux en matière de maintien de l’ordre public dans notre pays. Lundi dernier encore, le ministre de l’intérieur a rappelé le niveau très élevé de la menace terroriste, en demandant une plus grande sécurisation des lieux de culte chrétiens pour la Toussaint. Il y a quelques jours, le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a décidé de prolonger le couvre-feu dans l’archipel jusqu’au 4 novembre. Quel message ce budget enverra-t-il à nos gendarmes ? Des mesures fortes s’imposent, au premier rang desquelles une véritable revalorisation des conditions de vie et d’exercice opérationnel de nos gendarmes. Le groupe UDR votera contre les crédits de la mission Sécurités présentés par le Gouvernement.

M. le président Jean-Michel Jacques. Merci à tous les orateurs de groupe. Nous allons passer maintenant à l’examen des amendements déposés devant notre commission avant de voter sur les crédits des trois missions dont nous sommes saisis.

 

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La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense ».

 

M. le président Jean-Michel Jacques. La commission a été saisie de 108 amendements, dont onze ont été retirés avant discussion et onze déclarés irrecevables – cinq au titre de l’article 40 de la Constitution, trois au titre de l’article 41 de la Constitution et trois faute de s’inscrire dans le champ de la saisine de la commission.

 

 

Article 42 et État B : Crédits du budget général

 

 

Amendement II-DN109 de M. Frédéric Boccaletti

M. Frédéric Boccaletti (RN). Cet amendement d’appel vise à favoriser le bon développement du bataillon de renseignement de réserve spécialisé (B2RS), ayant vocation à offrir une capacité nouvelle de recherche en sources ouvertes. Installé à Strasbourg, il a vocation à créer d’autres compagnies au sein d’autres villes universitaires. Il s’agit d’alerter le Gouvernement sur son manque de visibilité au sein de la programmation. Le budget provisionné ne garantit pas le bon développement de ce bataillon.

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Les crédits du B2RS sont rattachés à l’armée de Terre et non aux deux services de renseignement – la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) – du programme 144. La direction du renseignement militaire (DRM) relève, quant à elle, du programme 178. Le ciblage des crédits tel qu’il apparaît dans le dispositif de l’amendement n’est donc pas correct. Par ailleurs, la brigade de renseignement a été dissoute en 2016 au profit de la brigade de renseignement et cyber-électronique (BRCE). Avis défavorable.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Je m’étonne que l’amendement cible uniquement la BRCE, créée le 1er août 2024, et non tous les réservistes de l’armée de Terre. Avis défavorable.

M. Frédéric Boccaletti (RN). Les services de l’Assemblée ont validé l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN100 de M. Frédéric Boccaletti

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN102 de M. Frédéric Boccaletti

M. Romain Tonussi (RN). Cet amendement vise à soutenir et à pérenniser nos compétences en matière de cartographie. Sans les géographes militaires du 28ème groupe géographique de l’armée de Terre, qui travaillent à l’abri des regards, il aurait été difficile de protéger les JOP. À l’heure du système d’information du combat Scorpion (SICS) et de Google Maps, il faut préserver la capacité à imprimer des cartes de manière autonome, car nos réseaux demeurent vulnérables.

Sur des théâtres d’opérations complexes, où les brouillages sont de plus en plus fréquents, cette compétence est primordiale et infaillible, à condition d’être régulièrement mise à jour. La carte sur papier a un bel avenir. Le présent amendement vise à pérenniser cette compétence et à lui permettre d’évoluer.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La déroute des armées françaises en 1870 relevait de la méconnaissance de la cartographie. Heureusement, nous avons progressé depuis lors. Il est indispensable de maintenir les efforts dans ce domaine, notamment si nos armées sont amenées à combattre dans des conditions dégradées, où les solutions numériques disparaissent.

J’émets toutefois un avis défavorable à votre amendement, pour deux raisons. La cartographie ne relève pas uniquement de l’armée de Terre. La Marine et l’AAE ont également besoin de services de cartographie compétents. L’amendement aurait davantage sa place dans une action dédiée à la formation interarmées, pour que les armées puissent toutes bénéficier d’un soutien dans le domaine cartographique. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN49 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Cet amendement vise à acquérir un lot de chars Leclerc Évolution. Ce char, présenté lors du salon de l’armement Eurosatory en juin 2024, est un char de génération intermédiaire offrant une véritable solution pour établir une transition opérationnelle et technologique entre le Leclerc, actuellement en service, et le char du futur du projet MGCS. Cela permettrait de lancer son exportation, à l’heure où les nouveaux modèles de chars allemands sont exportés en Europe. Nous préconisons l’achat de six chars, pour un coût unitaire estimé à 8 millions.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous sommes un certain nombre à soutenir l’évolution du char Leclerc, notamment pour que les industriels français soient en capacité de proposer des solutions innovantes telles que le projet de canon Ascalon développé par KNDS France, mais plutôt dans le cadre du MGCS.

Il est inutile d’abonder le programme 146 pour l’acquisition du Leclerc Évolution, qui n’est pas un produit fini que nous pourrions commander et acquérir sur étagère dès 2025, mais un prototype. J’ignore d’ailleurs comment vous avez pu chiffrer le coût de son acquisition. Par ailleurs, en cas d’échec de la coopération sur le MGCS, les études nationales et les acquis obtenus par les acteurs de la BITD sur les briques technologiques que nous avons financées serviront à financer une solution alternative. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. La qualité du démonstrateur Leclerc Evolution de KNDS est indéniable. Toutefois, nos auditions ont permis de mieux cerner les besoins militaires de l’armée de Terre. Les forces terrestres ne souhaitent pas d’un char Leclerc amélioré. L’enjeu consiste à ne pas rater la marche du changement de génération en consacrant des ressources à un modèle intermédiaire. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN20 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Il y a douze ans, on nous promettait le char du futur en collaboration avec l’Allemagne : le MGCS. Nous n’en sommes qu’à l’étape des études préalables. Il faut bien constater que ce projet a du mal à avancer, en raison d’intérêts contraires – du côté allemand – et de projets alternatifs – en Allemagne et en Italie. Cela donne l’impression que nos programmes sont stérilisés pour permettre à nos concurrents de développer les leurs. Le présent amendement vise à réattribuer les crédits alloués au MGCS à l’étude et à la fabrication d’un char alternatif français.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je m’inscris en faux contre vos propos. Le projet MGCS progresse. Il y a quelques mois, les état-majors des armées française et allemande ont formulé l’expression commune de leurs besoins, et un accord a été cosigné par les ministres Lecornu et Pistorius.

Je prends note de votre remise en cause idéologique des partenariats européens. Notre vision est différente de la vôtre, d’autant que nous devrons faire des efforts pour faire travailler ensemble nos BITD nationales à l’échelle européenne. Je salue moi aussi l’excellent travail de KNDS France, mais je ne puis émettre un avis favorable à l’amendement.

Par ailleurs, j’aimerais vous poser la question suivante :  sur quelle base le char intermédiaire que vous appelez de vos vœux doit-il reposer ? Sur un chassis de Leopard ? Sur un chassis à faible contenu allemand – pour l’exportation dont parlait notre collègue Colombier, par exemple dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, un tel chassis n’est pas envisageable ? Avec quel niveau d’automatisation ? Ces questions ne sont pas tranchées dans votre proposition. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Même avis. Nous devons faire confiance aux utilisateurs. Nous sommes députés de la nation. Tout le monde, au sein des armées, notamment le chef d’état-major de l’armée de Terre (Cemat), que nous avons auditionné, dit que la solution que vous proposez ne correspond pas à leur souhait. Faisons confiance au Cemat pour choisir le système qui correspondra le mieux aux besoins de nos armées. Les deux état-majors se sont parlé ; les ministres ont signé des documents. Avis défavorable.

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Le MGCS n’est pas uniquement un char. Il s’agit d’un système incluant des drones terrestres et s’inscrivant dans une dimension de combat collaboratif. Tout cela justifie sa production en collaboration.

Par ailleurs, les chars Leclerc ayant été modernisés, les utilisateurs considèrent que les enjeux sont désormais la logistique et le maintien MCO. Nous y sommes très attachés. Nos chars doivent être opérationnels.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je vous remercie, Monsieur Cormier-Bouligeon, de me prêter le talent de pouvoir répondre en deux minutes à une question que le couple franco-allemand n’a pas réussi à élucider en douze ans. Nos homologues allemands nous ont clairement indiqué – lors d’une réunion à laquelle j’étais et certains d’entre vous aussi – développer le char Leopard pour faire concurrence à la France, le MGCS étant le cadet de leurs soucis. Soyons un peu réalistes et pragmatiques !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN65 de M. Emmanuel Fernandes

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Sur les théâtres d’opérations à haute intensité, les drones de combat, notamment antichar, sont arrivés, sans faire disparaître les dispositifs antichars standards sol-sol ou sol-air. La maîtrise de ces dispositifs ainsi que de ceux qui les empêchent d’opérer est décisive. C’est pourquoi il importe d’élaborer des dispositifs passifs – tels que des parapluies – et actifs capables de protéger les chars Leclerc des éléments antichar.

La vulnérabilité liée à l’absence de dispositifs tactiques de protection contre ces attaques est plus que significative. En l’absence de réponse matérielle adaptée, elle est susceptible d’entraîner une incapacité opérationnelle de nos unités blindées. Devant les atermoiements du ministère et afin de lever les doutes qui subsistent sur la volonté réelle de financer de tels dispositifs, nous appelons l’attention du Gouvernement et de la représentation nationale sur ce sujet.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Je partage votre analyse. Le Retex ukrainien met en lumière la grande fragilité des chars, notamment face à la menace des drones. Deux programmes – Prometeus (Protection multi effets terrestre unifiée) et Pronoia (protection novatrice orientable intégrée d’autoprotection) – sont menés par la direction générale de l’armement (DGA). Ils étudient la pertinence de l’intégration de systèmes de protection active, travaillant respectivement sur une solution hard kill et soft kill. L’amendement est satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement d’appel permet de rappeler que le calendrier n’est pas tenu, alors même que la question de la protection des chars Leclerc a déjà été soulevée. Le rôle de la représentation nationale est de manifester sa volonté ferme et claire qu’il le soit. Nous ne sommes pas là uniquement pour tenir le crachoir du Gouvernement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN73 de M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP)

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous souhaitons acter, par cet amendement d’appel, notre volonté de voir émerger un projet de char intermédiaire entre le projet MGCS et le char Leclerc. Si le premier n’aboutit pas, nous n’avons pas – contrairement à l’espérance exprimée par notre collègue Cormier-Bouligeon – de plan B.

Il est faux de dire que les briques technologiques en cours de développement dans le cadre de la recherche sur le MGCS suffiraient à construire un char. Les compétences générales auront été perdues. L’industriel en est parfaitement conscient et sans doute prêt à en témoigner devant la représentation nationale.

Nous devons, en toute logique et en toute responsabilité, nous assurer de la conservation de nos savoir-faire et mettre à niveau un char nous permettant de procéder à la transition. Les Allemands immobilisent le capital de Nexter dans cette recherche. S’ils s’en retirent, ils auront un produit sur étagère, et nous nos yeux pour pleurer.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Sur ce segment, je ne crois pas à une solution entièrement souveraine. Nous investissons dans le développement de briques technologiques qui nous seront utiles le moment venu, dans le MGCS ou dans un programme alternatif. Nous sommes tous en alerte sur ce sujet. Le présent amendement d’appel est plus raisonnable que le précédent.

Faisons confiance à nos industriels – la France est responsable ou coresponsable de six des huit piliers, dont la « fonction feu », qui me semble être la plus importante – et à la coopération franco-allemande. Si M. Trump est élu le 5 novembre et réduit le soutien américain à l’Otan, les BITD nationales auront intérêt à coopérer pour assurer la défense du continent. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Il faut allouer les moyens nécessaires à la pérennisation et à la modernisation du char Leclerc pour prolonger son utilisation jusqu’en 2040, voire en 2045. À titre personnel, je m’abstiendrai. Notre groupe est favorable à la coopération à long terme et souhaite que le projet MGCS, entamé il y a un certain temps, avance. Il n’en nourrit pas moins des réserves sur cette coopération, dont il souhaite qu’elle aille à son terme et s’ouvre à d’autres partenaires.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Ces réponses sont de nature à nous inquiéter. C’est précisément pour avoir trop fait confiance que nous nous sommes retrouvés à plusieurs reprises le bec dans l’eau, comme ce fut le cas récemment pour le projet de système de patrouille maritime MAWS. Les Allemands ne sont pas des partenaires fiables dans le domaine de l’armement, ce que je regrette.

Par ailleurs, en estimant que la France n’est pas capable de développer un programme intermédiaire, M. Cormier-Bouligeon admet que la France a eu tort de faire confiance lorsque KMW et Nexter ont fusionné pour créer KNDS. De notre côté, nous avions raison de nous opposer à une telle perte de souveraineté. C’est ce à quoi nous engage le rapporteur ; nous nous y refusons.

M. Sylvain Maillard (EPR). Monsieur Saintoul, vous refusez ce que tous les partenaires et les deux ministres ont signé. Vous négligez l’avis des armées et proposez une solution dégradée. Certes, la création d’un nouveau système de défense exige d’inventer des briques technologiques, donc de prendre des risques, de se donner le temps et d’agir dans le cadre d’une coopération européenne susceptible d’être élargie à d’autres partenaires. Des briques technologiques nous manquent pour le construire. Nous avons besoin de l’apport des autres. La volonté politique est là, la volonté industrielle aussi – tel n’a pas toujours été le cas. Donnons-nous les moyens et accompagnons la volonté des ministres ! Nous verrons ce qui se passe dans les années à venir. Tout semble aligné pour que le projet fonctionne.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN116 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Si l’on tient compte de la commande de 200 missiles Aster, du lancement du PANG et de la multiplication de l’emploi des forces navales, la hausse des crédits alloués aux forces navales, certes importante, doit excéder la marche prévue par la LPM 2024 – 2030.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Les crédits alloués aux munitions connaissent une hausse très importante de 16 % en AE et de 23 % en CP. Je mets en garde contre la tentation de prendre sur le budget du PANG pour abonder celui des munitions. Lorsque nous avons commencé à réfléchir au remplacement des porte-avions Foch et Clémenceau, nous avons construit le Charles-de-Gaulle puis renoncé en 2013, sur décision du président Hollande, à construire son bâtiment-frère. Or les porte-avions, pour citer Jacques Chirac, sont comme les gendarmes, ils vont par deux.

Considérant que les crédits alloués aux munitions sont en forte hausse et qu’il ne faut surtout pas toucher au PANG, dont j’ai rappelé l’importance ce matin, je suggère le retrait de l’amendement et émets à défaut un avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je suis surpris que le rapporteur pour avis reprenne à son compte les propos du président Chirac selon lesquels les porte-avions vont par deux, alors même que la LPM 2024 – 2030 n’en prévoit qu’un.

Je profite de l’évocation de projets navals pour rappeler à notre collègue Maillard que la dernière fois que nous nous sommes fiés à une volonté politique fermement exprimée par nos partenaires, nous l’avons amèrement regretté : c’était l’affaire Aukus. Plusieurs contrats de construction de sous-marins nous sont passés sous le nez faute de partenaires fiables. C’est ce qui risque de se passer avec l’Allemagne. Dans les deux cas, les volontés ne sont pas alignées.

Par ailleurs, le rôle des chefs d’état-major est de trouver des accords sous l’injonction des politiques. Ils seront capables de définir des spécifications souveraines et la BITD française, si on le lui demande, s’en sortira.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-DN95 de Mme Stéphanie Galzy

Mme Stéphanie Galzy (RN). Cet amendement vise à appeler l’attention du Gouvernement sur la capacité de nos armées à surveiller efficacement notre ZEE, qui représente une richesse inestimable pour notre nation sur les plans économique et environnemental. Les enjeux sont multiples, de la protection de nos ressources à la lutte contre les activités illégales, de la préservation de notre environnement maritime à l’affirmation de notre souveraineté. Nos armées disposent-elles des équipements adéquats, des ressources humaines suffisantes et des technologies de pointe nécessaires pour mener à bien les missions complexes qu’exigent leur surveillance et leur protection ? Nous demandons au Gouvernement de prendre des mesures concrètes pour renforcer nos capacités de surveillance maritime.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Le renouvellement des flottes de patrouilleurs outre-mer (POM), de bâtiments de soutien et d’assistance outre-mer (BSAOM) et de frégates de surveillance (FS), ainsi que des connexions satellitaires et des drones, est en cours, par plots. Le mouvement de renforcement de la sécurisation et de la surveillance de notre ZEE est et d’ores et déjà initié et assumé. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN70 de Mme Murielle Lepvraud

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Un amendement similaire à celui-ci avait fait l’objet d’un avis favorable de notre commission lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024. L’usage du 49-3 par le gouvernement Borne a empêché son examen en séance publique.

Nous appelons une nouvelle fois l’attention du Gouvernement sur le statut des sous-mariniers engagés dans la dissuasion nucléaire. Alors même qu’ils sont engagés en permanence pour maintenir notre posture stratégique, ils ne bénéficieront jamais du statut d’ancien combattant. Les opérations dans lesquelles ils sont engagés n’ont pas la qualification d’Opex et ils ne satisfont pas aux autres critères d’obtention de la carte du combattant.

Notre amendement est plus ambitieux que l’amendement II-DN1 du président Jacques, et financé. Nous espérons qu’il sera lui aussi adopté à l’unanimité, pour qu’il soit débattu dans l’hémicycle et pour que notre appel soit concrétisé.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Le rapport prévu par l’amendement II-DN1 nous permettra d’être éclairés sur ce point. Nous sommes tous d’accord pour dire que la situation faite à nos sous-mariniers naviguant à bord des SNLE a quelque chose d’inique. Ils doivent bénéficier des mêmes avantages que les autres militaires. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN48 de M. Frédéric Boccaletti

M. Frédéric Boccaletti (RN). Par cet amendement d’appel, le groupe Rassemblement national appelle l’attention du Gouvernement sur le statut des sous-mariniers œuvrant à notre dissuasion. Engagés en permanence pour maintenir notre posture stratégique, pilier de notre sécurité et de notre défense nationales, ils ne bénéficieront jamais du statut d’ancien combattant, en raison notamment de la qualification de leur mission, qui n’est pas considérée comme une Opex. Il faut leur accorder la reconnaissance qu’ils méritent.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. M. Boccaletti et moi-même nous retrouvons souvent dans les associations d’anciens marins de la région de Toulon. Je souscris pleinement à ses propos maisttendons le rapport, nous verrons ensuite quelle direction suivre.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Notre collègue Chenevard nous a proposé par deux fois d’attendre le rapport prévu à l’amendement II-DN1. Or nous ne sommes pas certains que le budget de la défense sera examiné en séance publique, de sorte que ce rapport ne sera peut-être pas même demandé.

Par ailleurs, ce n’est pas parce que le Gouvernement est sommé par la représentation nationale de lui remettre un rapport, ni même parce qu’il s’engage à le faire, qu’il le fait. Je rappelle que nous attendons toujours le rapport sur le retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan, qui nous avait été promis pour le printemps et qui est toujours dans les limbes, peut-être parce que son contenu ne fait pas plaisir au ministre.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN25 de M. Alexandre Dufosset

M. Alexandre Dufosset (RN). Il vise à augmenter les moyens de la lutte anti-sous-Marine (ASM), dont l’exercice Squale a rappelé en juin dernier qu’elle est cruciale, notamment dans le cadre d’une guerre de haute intensité. Nous proposons d’amplifier la tendance en cours, en augmentant de 10 millions les crédits qui lui sont alloués, ce qui permettra à nos armées de disposer des équipements les plus pointus dans ce domaine.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Le triangle opérationnel Atlantique 2 – frégates – sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), complété par le NH90, est le meilleur au monde pour la chasse aux sous-marins, à tel point que les Américains nous demandent de pister ceux qui entrent en Méditerranée. Par ailleurs, la lutte ASM bénéficiera de l’augmentation des crédits alloués à la Marine – à hauteur de 14 % en AE, soit 3,7 milliards, et de 11 % en CP, soit 3,5 milliards. L’amendement n’apporte donc aucun élément significatif en matière de lutte ASM.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN142 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité de modifier le statut des officiers mariniers commissionnés employés sur des postes de baleiniers en Polynésie française pour leur permettre de continuer à servir après dix-sept ans de service. Ils sont les seuls à savoir accoster sur certains archipels en passant au-dessus de la barrière de corail qui les entourent. Leur formation est longue, dans la mesure où chaque atoll est unique et n’a qu’un seul chemin d’accès. Il est donc indispensable de leur permettre de continuer à servir après leurs dix-sept ans de service. Leur demande est aussi celle des forces armées en Polynésie française (FAPF).

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis.  Il s’agit d’une situation, que nous avons déjà déplorée l’an dernier. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN138 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’Alphajet, qui équipe la Patrouille de France, arrivera en fin de vie vers 2032-2033. L’amendement vise à créer un programme permettant de lui donner un successeur.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je ne doute pas que la Patrouille de France disposera, en tout état de cause, d’un successeur de l’Alpha Jet. Faut-il acquérir un système sur étagère, en développer un en coopération avec nos partenaires espagnol et britannique ou développer un nouvel avion de façon autonome ? Cette dernière option aurait nécessairement un coût significatif, bien supérieur aux 50 millions prévus par l’amendement. Dans l’attente d’une décision à ce sujet, inscrire des crédits dès 2025 semble prématuré. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Il est plus que temps, compte tenu de la durée des programmes de ce type, de prévoir un successeur à l’Alpha Jet. Un avion sur étagère, je n’en vois pas. Une coopération de plus, il aurait fallu y penser il y a dix ans. Il est urgent, si nous voulons que la Patrouille de France continue à exister et à faire rêver les Français, de se pencher sur un tel programme. Un budget de 50 millions est un bon début.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN66 de M. Aurélien Saintoul

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il concerne également le successeur de l’Alpha Jet. Nous l’avions déposé l’an dernier. Le ministère des Armées nous avait répondu que la solution consiste à développer ou à acquérir un avion modulaire répondant à la fois aux besoins de la Patrouille de France, à la fonction RED AIR et à l’avion de complément à l’aune du Scaf et de son vecteur habité, l’avion de chasse de sixième génération (NGF). Cette réponse très floue n’est pas rassurante. Il n’est pas envisageable que la Patrouille de France évolue sur des appareils qui ne seraient pas français à 100 %. C’est pourquoi nous souhaitons créer une dotation matérielle pour la Patrouille de France.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je suis plongé dans un abîme de perplexité. Cet amendement est quasi identique à l’amendement II-DN138, que vous avez rejeté. Quelle est votre logique de vote ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN64 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à créer une ligne budgétaire pour garantir l’internalisation de la fonction RED AIR. Nous n’avons pas eu d’éclairage à ce sujet l’an dernier, faute d’examen du budget en séance publique. Cette fonction, liée à la souveraineté nationale, ne peut être ni déléguée ni confiée à des prestataires privés, a fortiori s’ils sont étrangers.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Comme je l’ai rappelé ce matin, il me semble nécessaire de réinternaliser la fonction RED AIR, qui n’existe plus au sein de l’AAE en raison du format de nos armées. Cette mission doit être confiée uniquement à des entreprises françaises, à l’exclusion d’entreprises étrangères qui s’établiraient quelque temps en France pour répondre à l’appel d’offres. Toutefois, l’amendement II-DN138 me semble préférable à celui-ci. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN37 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Chacun connaît la position de notre groupe sur le programme Scaf et sur ses atermoiements. Le dernier en date est le rapprochement entre Berlin et Londres en novembre 2023, matérialisé par la signature de l’accord Trinity House Agreement prévoyant l’élaboration d’un drone de combat susceptible de concurrencer le Scaf.

Dans son ouvrage Vers la guerre ?, le ministre Lecornu lui-même émet des doutes sur la réussite du programme. Le Scaf, c’est le MGCS en pire. Nous souhaitons un programme souverain, financé par la réattribution des fonds du Scaf au développement – enfin ! – d’un avion par des sociétés françaises.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nos collègues du Rassemblement national ont de la suite dans les idées : ils ne veulent aucune coopération franco-allemande, ce qui serait presque une bonne nouvelle les concernant.

Sur le fond, je suis moins inquiet que vous sur le calendrier du Scaf. Nous disposons, dans l’attente du Scaf, d’une solution transitoire très ambitieuse : le Rafale standard F5. Un lancement de la phase 2 du Scaf en 2026 ne portera pas préjudice à l’AAE.

Par ailleurs, vous avez parfaitement raison de rappeler la nécessité de préserver nos intérêts nationaux, notamment dans le domaine de la dissuasion nucléaire. Or cette exigence est pleinement intégrée : dans le cadre de la phase 1B, la France aura consacré plus de 700 millions d’euros à des travaux purement nationaux.

Enfin, l’entrée dans la phase 2, qui sera déterminante, doit dépendre d’engagements de nos partenaires sur la préservation de nos intérêts industriels et de notre liberté d’exportation. Si ces conditions sont réunies, le développement en coopération, qui permet de diviser les coûts par trois, doit être privilégié pour aboutir à un démonstrateur. Avis défavorable

Mme Sabine Thillaye (Dem). Il faut, entre partenaires, faire preuve d’un minimum de respect et de confiance mutuels. Si chacun passe son temps à se plaindre de l’autre, il est impossible d’aboutir. À trop parler des projets qui patinent, on en oublie ceux qui marchent. J’appelle l’attention sur la coopération entre les motoristes MTU Aero Engines et Safran, qui marche particulièrement bien. Si elle est efficace, c’est parce que les objectifs ont été bien définis au préalable, dès 2018, et la propriété intellectuelle bien délimitée. À condition de dialoguer et de définir clairement les priorités ainsi que la méthode dès le début, les coopérations aboutissent. Si l’on s’inscrit dans un esprit de concurrence de part et d’autre et non de confiance, rien ne peut aboutir.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je remercie M. Cormier-Bouligeon d’avoir signalé l’importance du standard F5 et de la dronisation du Rafale. Nous défendons cette idée depuis de nombreuses années, notamment en rappelant l’importance du programme Neuron. Nous aurions pu voter cet amendement, malheureusement l’alternative au Scaf proposée n’est pas la bonne.

Nous devons avancer et procéder à un saut technologique. Tel est le sens de l’amendement II-DN76, qui vise à remplacer le Scaf par le développement d’un avion spatial qui est à l’étude chez certains de nos industriels et qui permettrait à la France, dans les décennies à venir, d’être à la pointe de la technologie et de maîtriser une technologie de rupture indispensable, à laquelle il faut consacrer autant de ressources que possible.

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Monsieur Giletti, le drone de combat prévu par l’accord germano-britannique récemment signé est à l’Eurofighter ce que le projet de drone issu du programme Neuron serait au Rafale standard F5.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN130 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel vise à alerter la représentation nationale sur le besoin en MCO qui se fera sentir l’an prochain en raison de la cession aux forces armées ukrainiennes de Mirages 2000-5, cession qui provoquera nécessairement un report d’activités sur les avions Rafale et sur les avions Mirage-2000D.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN135 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à augmenter les crédits relatifs aux infrastructures opérationnelles de l’armée de l’air et de l’espace. Ce budget est en diminution dans le projet de loi de finances pour 2025. Pour ne citer qu’elles, les pistes aéronautiques sont pourtant un outil de combat à part entière. Cette baisse de crédits empêchera de parer à la vétusté croissante des infrastructures opérationnelles de l’armée de l’air et de l’espace

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN76 de M. Aurélien Saintoul

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La coopération sur le Scaf est un vrai sujet. Il est impensable que la France se lie les mains dans une telle coopération compte tenu du résultat des autres coopérations avec l’Allemagne, d’autant que le partenaire allemand vient de signer un accord avec le Royaume-Uni pour un projet quasi concurrent du Scaf.

Il est nécessaire de penser dès à présent le saut technologique dont nous avons besoin, non en produisant un F-35 amélioré, comme pourrait l’être le NGF, mais en opérant un saut technologique, notamment en travaillant à l’avion spatial qui, en se déplaçant à haute altitude, serait quasi indétectable et quasi intouchable par les moyens de défense actuels, et pourrait tout à la fois frapper au sol et dans l’espace. Ce modèle d’avion est en développement chez nos industriels. Les Américains et les Chinois y travaillent également. Ne pas investir massivement dans un tel modèle d’avion spatial serait criminel pour notre défense.

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. L’avion spatial fait déjà partie des axes d’innovation du ministère au titre des études technico-opérationnelles, comme le prévoit la LPM 2024-2030. Par ailleurs, le programme Scaf poursuit son développement, notamment grâce aux crédits dédiés aux études amont dans le programme 144. Avis défavorable.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Comme je l’indique dans mon rapport et comme je l’ai expliqué ce matin, le standard F5 et son drone d’accompagnement pourraient faire le lien avec le NGF et avec la rupture technologique évoquée par M. Lachaud, à laquelle nous croyons aussi. Cela démontre que les arguments opposés à mon amendement II-DN37 étaient tout à fait fallacieux. Je regrette une fois encore le sectarisme et l’idéologie dont font preuve nos collègues du groupe La France insoumise.

M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Monsieur Giletti, je ne comprends pas pourquoi vous dites cela. Nous n’avons absolument pas supprimé les crédits alloués au standard F5 du Rafale, bien au contraire. Nous le soutenons depuis longtemps. Nous savons très bien qu’il standard peut être le chaînon manquant qui nous sépare du NGF. Nous ne voyons pas l’intérêt de plaider en faveur d’un Scaf français alors même que nous disposons du Rafale standard F5, dont le budget est indispensable pour avancer vers la rupture technologique de l’avion spatial. Il ne s’agit pas de sectarisme, mais de logique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN131 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. J’ai eu ce matin l’occasion de regretter l’abandon, dans la LPM 2024 – 2030, du lancement du satellite Syracuse 4C, qui figurait dans la précédente LPM. Cela crée un trou capacitaire dans nos télécommunications spatiales. Le présent amendement vise à rétablir les crédits pour le lancement du troisième satellite Syracuse 4C, qui pourrait être aussi une bouée de sauvetage pour les entreprises du spatial français – Thales Alenia Space et Airbus Space and Defense –, qui connaissent des difficultés.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Tel Henri Salvador, M. Giletti aimerait tant voir Syracuse ! L’ancien chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, le général Mille, a dit devant cette commission : « Nous avons, à une époque, imaginé d’énormes satellites en orbite géostationnaire. Mais les constellations qui évoluent en orbite basse ont aussi des avantages. Les deux sont complémentaires pour assurer l’efficacité et la redondance dont les armées ont besoin. Mettre tous nos objets sur l’orbite géostationnaire serait à mon sens dangereux. »

Par ailleurs, la LPM 2024 – 2030 prévoit le lancement de Syracuse V, ce qui assure la continuité sur ce segment. Enfin, comme vous le rappelez vous-même dans votre exposé sommaire, le montant exigé par le lancement d’un troisième satellite est significatif. Si nous avons 800 millions à allouer, il y a d’autres priorités pour s’adapter à l’évolution de la menace. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN136 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Loin de moi l’idée d’opposer les capacités satellitaires en orbite basse et en orbite haute, dont j’ai rappelé ce matin qu’elles sont complémentaires. Le lancement du Syracuse 4C aurait permis de surveiller la zone indo-pacifique, qui n’est pas couverte par nos satellites souverains de télécommunications spatiales. Le présent amendement vise à rappeler la nécessité de lancer au plus vite les premières études relatives à Syracuse V, certes prévu par la LPM 2024 – 2030, mais dont nous n’avons pas le calendrier.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN79 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Nous avons mis en garde, lors de l’examen de la LPM 2024 – 2030, contre l’erreur qu’est la suppression du Syracuse 4C au profit d’une hypothétique constellation européenne Iris2, qui soulève une question de souveraineté, un projet européen ne pouvant garantir la souveraineté française. Nous constatons à présent que le projet Iris2 est à la peine, en raison de la crise du secteur des satellites en Europe et de la façon dont la Commission européenne gère les programmes spatiaux. Le risque de trou capacitaire est réel. Il n’est pas envisageable que les armées françaises ne bénéficient plus de moyens de communication clairement sécurisés.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN28 de M. Julien Limongi

M. Julien Limongi (RN). Le rapport annexé de la LPM 2024 – 2030 recense les ruptures capacitaires potentielles – elles sont nombreuses – susceptible de provoquer un trou capacitaire pour de nombreuses technologies. Tel est le cas s’agissant des satellites. Le présent amendement porte sur les satellites en général, en orbite haute et en orbite basse. Il vise à renforcer les moyens alloués à leur développement technologique.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous avons abordé la question en évoquant le satellite Syracuse V. Par ailleurs, nous sommes favorables à la constellation Iris2. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN12 de Mme Florence Goulet

Mme Florence Goulet (RN). Les tensions internationales s’étendent. L’espace est devenu un champ de confrontation. Sa militarisation s’intensifie. Nos infrastructures spatiales, peu visibles, sont indispensables à la défense nationale, aux communications et à l’économie. Elles sont directement menacées par des satellites espions ou armés.

La France a pris des initiatives en la matière. Toutefois, les moyens actuels sont insuffisants pour garantir la mise en œuvre rapide et efficace des programmes. L’amendement prévoit d’accroître les financements pour assurer une protection optimale de nos infrastructures spatiales et préserver notre souveraineté dans ce nouvel espace de confrontation.

Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN134, II-DN139, II-DN133 et II-DN137 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’amendement II-DN134 alloue des moyens supplémentaires à l’acquisition d’un radar de veille spatiale Graves. Les capacités spatiales sont indispensables à la compréhension des situations. Il s’agit de moderniser notre système de détection de l’espace.

L’amendement II-DN139 vise à augmenter les moyens alloués à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera) pour accélérer le développement du radar Graves et permettre à la France de maintenir son rang parmi les puissances mondiales.

L’amendement II-DN133 vise à faire respecter l’effectif théorique initial du commandement de l’espace (CDE), installé à Toulouse. Le respect de la stratégie spatiale de défense (SSD) se joue aussi à hauteur d’homme. Le CDE emploie actuellement 320 militaires, dont environ 85 % appartiennent à l’AAE. Un effectif de 470 personnes est prévu à l’horizon 2030, alors qu’il était initialement prévu un effectif de 500 militaires dès 2025.

L’amendement II-DN137 porte sur le drone volant à moyenne altitude et longue endurance (MALE) européen. J’ai interrogé ici même le ministre Sébastien Lecornu sur les atermoiements de ce programme. Il a reconnu l’existence de retards et indiqué qu’il faudra s’interroger sur la pertinence d’un drone MALE européen en 2032. Cet amendement d’appel met en lumière un drone auquel il faut donner sa chance, l’Aarok, mis au point par Turgis & Gaillard. Il peut être un très bon complément à l’hypothétique drone MALE européen.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. La demande formulée par l’amendement II-DN134 nous semble prématurée. Le radar Graves-NG, qui succédera au radar Graves, est en développement. Attendons son aboutissement avant de commander un second radar Graves. Avis défavorable.

S’agissant de l’amendement II-DN137, il va de soi que nous devons être attentifs au segment des drones. Mini-drones, munitions teléopérées, drones tactiques, drones aériens de la Marine, drones MALE : nous devons faire porter l’effort sur tout le spectre. S’agissant plus du drone Aarok, le ministre des Armées lui-même a jugé le projet intéressant. Le « patch drones et robots » de la LPM 2024 – 2030, doté de 5 milliards d’euros de besoins programmés, permet d’intégrer ce type d’objet dans la programmation.

S’il n’y a pas de crédits dédiés à ce drone dans le projet de loi de finances pour 2025, ce n’est pas par manque d’intérêt, mais parce qu’il est trop tôt. Ce drone a commencé ses essais au sol en avril 2024. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Avis défavorable sur le 137.

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. L’Onera bénéficie de subventions à hauteur de 129 millions d’euros pour charge de service public et pour charge d’investissement. Par ailleurs, en tant qu’établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), il bénéficie d’un soutien important par le biais de marchés avec le ministère des Armées et des Anciens combattants. En tant qu’établissement dont les activités sont duales, il bénéficie également des marchés du domaine civil. Je doute donc qu’une hausse de ses crédits de 1 million ait un impact significatif, sinon sur les crédits du programme 146 que l’amendement prévoit d’amputer. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous examinons de multiples amendements d’appel à 1 euro. Les amendements d’appel devraient être réservés à l’examen du budget en séance publique, où le ministre est présent et peut répondre. Demande de retrait ou avis défavorable sur l’amendement II-DN133.

La commission rejette successivement les amendements II-DN134, II-DN139 et II-DN133.

Elle adopte l’amendement II-DN137.

 

Amendement II-DN47 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Il vise à l’acquisition d’une solution souveraine en matière de drones. Le drone Aarok a été félicité par le CEMAAE, qui est favorable à son expérimentation. Il s’agit de doter nos forces armées d’un outil souverain de surveillance et de renseignement.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Je fais observer que cet amendement prévoit un budget de 40 millions.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN61 de M. Christophe Marion

M. Christophe Marion (EPR). Cet amendement, que je retire, ne prévoit pas 40 millions pour acquérir un drone qui n’existe pas encore, mais 10 millions pour le finaliser.

L’amendement est retiré.

 

Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement II-DN23 de M. Alexandre Dufosset.

 

Amendement II-DN108 de M. Frédéric Boccaletti

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. S’agissant d’un amendement d’appel, j’invite son auteur à le déposer en séance publique, le Gouvernement n’étant pas représenté en commission. Sur le fond, il est redondant avec l’amendement II-DN147, que j’ai déposé en tant que rapporteur pour avis du programme Soutien et logistique interarmées, visant à abonder les crédits du service de santé des armées (SSA) et que j’invite la commission à adopter. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN78 de M. Aurélien Saintoul

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit de mettre en lumière les lacunes budgétaires de la pharmacie centrale des armées (PCA) et les actions de recherche du SSA, malmenés par des années de politique d’austérité. Il s’inscrit dans la continuité des observations de mon rapport pour avis. Une action ambitieuse est nécessaire pour renforcer le SSA et sa capacité de répondre à des engagements de haute intensité et de longue durée. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN6 de M. Frank Giletti.

 

Amendement II-DN5 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. La SSD a un sens si nous sommes en mesure d’agir dans l’espace, ce qui constitue une véritable rupture. Compte tenu des retards du programme d’yeux en orbite pour un démonstrateur agile (Yoda), confirmés par le projet annuel de performances (PAP), l’amendement vise à obtenir un calendrier de sa mise en œuvre.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Notre collègue n’a pas défendu le bon amendement. S’agissant de l’amendement II-DN5, j’en suggère le retrait au profit de l’amendement II-DN147, que j’ai déposé en tant que rapporteur pour avis et que je vous invite à adopter, et émets à défaut un avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN26 de M. Alexandre Dufosset

Mme Nadine Lechon (RN). Il vise à augmenter les effectifs du SSA. En l’état actuel de ce dernier, notre pays, comme l’indiquent les rapports publiés par la Cour des comptes en juin 2023 et par le Sénat en septembre 2023, notre pays ne pourrait soigner de façon adéquate les blessés d’un conflit de haute intensité. Il convient d’accélérer et de faciliter le recrutement de personnel, notamment par des mesures d’incitation de nature financière telle que des primes, des prêts d’acquisition immobilière et des aides à la mobilité familiale.

Le présent amendement prévoit d’abonder de 10 millions en AE et en CP les crédits du titre II (T2) de la sous-action 58.06 Fonction santé de l’action 58 Logistique et soutien interarmées – Personnel travaillant pour le programme Préparation et emploi des forces du programme 212 Soutien de la politique de défense. Afin de respecter l’impératif de recevabilité financière, il prévoit de minorer du même montant les crédits en AE et en CP de l’action 8 Relations internationales et diplomatie de défense du programme 144.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les ressources humaines du SSA sont un véritable sujet. Le SSA a énormément de difficultés à recruter et à fidéliser. Malheureusement, j’émets un avis défavorable. Un abondement immédiat de 10 millions ne me semble pas résoudre le problème.

Il faut une dizaine d’années pour former des médecins. Augmenter les crédits du T2 de 10 millions n’est pas forcément la meilleure des solutions. Il faut les augmenter dans la durée et accompagner cette augmentation par celle des budgets alloués à l’entretien des infrastructures et aux capacités de formation, compte tenu de la longueur des parcours d’études. Il est indispensable de travailler sur le capacitaire. Je vous invite à voter l’amendement II-DN147, qui vise à améliorer les capacités du SSA.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN147 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à abonder les crédits dédiés au SSA afin de soutenir le renforcement de ses capacités de rôle 2 et 3 – chirurgie initiale et de sauvetage ; traitement hospitalier sur le théâtre – pour préparer les opérations des conflits de haute intensité.

L’amendement vise aussi à répondre au Retex de l’opération de secours aux populations civiles victimes des opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza. Cette mission a démontré la complexité, pour le SSA, qu’induit le traitement de nombreuses victimes de combats de haute intensité.

Nous proposons de renforcer les moyens du SSA, à hauteur de 20 millions, afin de soutenir une démarche d’acquisition des matériels nécessaires à la mise en œuvre de capacités de soutien médical de rôle 2 et 3 pour des engagements de haute intensité et de longue durée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN43 de Mme Caroline Colombier

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les bras m’en tombent. Vous votez contre un amendement à 20 millions mais vous défendez un amendement à 18 millions. J’avoue ne pas comprendre. Un crédit de 18 millions est insuffisant pour atteindre l’objectif fixé par l’amendement. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

 

Amendement II-DN141 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à rappeler au Gouvernement la nécessité de renforcer les moyens civils relatifs aux évacuations sanitaires (Evasan) dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) afin de limiter la pression induite par les Evasan sur les personnels, matériels et vecteurs des forces de souveraineté. Dans les collectivités d’outre-mer, les autorités civiles doivent se réapproprier pleinement la compétence Evasan, qui leur revient en droit, afin d’obérer le moins possible les capacités opérationnelles des armées.

Votre rapporteur a constaté en Polynésie française que les réquisitions et les demandes de concours fréquentes des forces de souveraineté dans le cadre des Évasan peuvent entraîner une sursollicitation des forces, des soutiens et des matériels. Si le rythme anormalement élevé des Evasan réalisé par les forces armées dans le Pacifique en lieu et place des autorités civiles a légèrement diminué depuis la crise de la covid-19, il se maintenait à un niveau supérieur à celui d’avant-covid lors de mon déplacement, en juin 2023.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN29 de M. Julien Limongi

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Le « patch munitions » de la LPM 2024 – 2030 est doté de 16 milliards. L’effort est réel.

S’agissant de cet amendement relatif à la filière des munitions de petit calibre, je rappelle que nous développons un partenariat avec nos amis belges. Les ministres ont signé une lettre d’intention. Les discussions sont en cours avec l’industriel FN Herstal. Cette collaboration répondra à votre légitime préoccupation. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN15 de Mme Florence Goulet.

 

Amendements II-DN54, II-DN56, II-DN59 et II-DN58 de M. Thierry Tesson

M. Thierry Tesson (RN). Il s’agit d’alerter sur la nécessaire montée en puissance des réserves de missiles air-air. La LPM 2024-2030 prévoit le renouvellement du missile d’interception, de combat et d’autodéfense (Mica) par le Mica NG. D’après le PAP 2024, un premier lot devrait être livré à l’AAE d’ici 2026 et aucune nouvelle commande n’est prévue avant. Les stocks sont insuffisants. En cas d’engagement aérien majeur, nos forces aériennes seraient rapidement à court de munitions, donc en difficulté pour mener à bien leur mission. Afin de permettre à l’AAE et à notre aéronautique navale d’être en mesure de continuer à jouer leur rôle de protection du territoire et de respect des engagements pris auprès de nos alliés, des commandes sont nécessaires.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il importe de remettre à niveau nos stocks de missiles, qu’il s’agisse des Mica, des Aster, des systèmes de croisière conventionnels autonomes à longue portée (Scalp) ou des autres. Des crédits de 16 milliards y sont consacrés sur la période 2024-2030, dont près de 2 milliards pour l’année 2025. Les missiles Mica ne sont pas oubliés : le projet de loi de finances pour 2025 prévoit près de 150 millions en AE et 200 millions en CP. Un lot de missiles Mica remotorisés sera livré à l’AAE en 2025, avant que ne soit livré le Mica NG. Je profite de l’occasion pour saluer MBDA, ses dirigeants et ses collaborateurs, notamment ceux du site de Bourges. Avis défavorable.

La commission adopte successivement les amendements.

 

Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN44 de M. Emeric Salmon.

 

Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte successivement les amendements II-DN101 de M. Frédéric Boccaletti et II-DN45 de M. Emeric Salmon.

 

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement II-DN111 de M. Sébastien Saint-Pasteur.

 

Amendement II-DN115 de Mme Anna Pic

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Le programme 144 ne comprend que deux services de renseignement, la DGSE et la DRSD. La direction du renseignement militaire (DRM) relève, quant à elle, du programme 178. Par ailleurs, la DGSE et la DRSD sont satisfaites de leurs budgets respectifs, qui sont conformes à la LPM 2024 – 2030. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement II-DN67 de M. Aurélien Saintoul est retiré.

 

Amendement II-DN75 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à financer la recréation d’une filière industrielle de munitions de petit calibre. Son montant – 500 millions – est bien plus élevé que ceux des amendements de nos collègues du Rassemblement national et plus conforme à l’objectif visé. Il s’agit, depuis plusieurs années, d’un marronnier de notre commission. Notre collègue Chassaigne, notamment, a souvent plaidé pour la renationalisation d’une filière de munitions de petit calibre. Donnons-lui acte qu’il avait raison.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Cela sent bon les années 1980 ! Les industriels n’y sont pour rien. Ce qui compte, ce sont les commandes de l’État. Créer un pôle public de l’armement ne changera rien à l’affaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN77 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à la nationalisation d’Atos. Depuis des mois, on nous explique qu’Atos doit être sauvée, mais le projet de sauvetage est pour le moins nébuleux. Nous avons décidé de prendre le taureau par les cornes.

On nous explique que, pour reprendre une entreprise dont le passif est de 5 milliards, il faut débourser 700 millions pour acquérir des activités dites stratégiques mais très mal définies – lesquelles ne le sont pas ? Or un rapide calcul basé sur la valeur des actions donne le chiffre de 70 millions. Ce montant est plus cohérent que celui de 700 millions, s’agissant d’une entreprise plombée par une dette de 5 milliards. Je ne vois aucune raison de faire un cadeau particulier aux actionnaires. L’État a absolument besoin de nationaliser Atos. Le montant de 70 millions est tout à fait raisonnable pour une entreprise de souveraineté dont il faut absolument préserver les compétences sans se plomber en rachetant pour 5 milliards de dette.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Des années 1980, nous passons à 1917 ! C’est retour vers le futur ! Vous décidez de rayer d’un trait de plume une dette pourtant bien réelle de 5 milliards. Avis défavorable.

Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Je soutiens l’amendement, qui me semble répondre à des besoins de souveraineté. La nécessité de conserver un outil de production et de souveraineté en matière de données et de supercalculateurs n’a pas de date. 1917 ou une autre, peu importe ! Nous avons besoin d’Atos, qui est exposé au risque d’une vente à la découpe, non selon la valeur stratégique des activités, mais selon leur rentabilité. Nous ne pouvons pas nous permettre qu’une part d’Atos soit vendue au motif qu’elle est rentable et de laisser le reste se dévitaliser.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je n’ai pas voulu dramatiser l’enjeu, croyant que nous sommes tous sensibles à la gravité du sujet. La désinvolture du rapporteur pour avis me laisse pantois. Il ne s’agit pas de faire une petite blague et de se demander s’il s’agit d’une solution datant de 1917. Il s’agit de répondre à un enjeu parfaitement contemporain lié à la mondialisation, notamment à la mondialisation financière.

S’il vous semble pertinent de laisser vendre à la découpe une entreprise qui développe une filiale telle que Worldgrid, qui développe des systèmes de contrôle-commande pour centrales nucléaires, et si vous vous sentez à l’aise avec une telle perte de souveraineté dans ce domaine, alors même qu’il s’agit d’une entreprise de rentes garantissant la survivabilité financière d’Atos, vous avez le droit de penser que je suis ringard. Je n’en pense pas moins que vendre Worldgrid n’est pas une bonne idée.

Si vous pensez que nous pouvons nous passer d’un champion national en matière de supercalculateurs et d’intelligence artificielle, c’est votre droit. Je crois, moi, à l’avenir d’un champion intégré. Racheter une entreprise ayant 5 milliards de dettes ne signifie pas les effacer d’un trait de plume, mais se donner les moyens d’un projet industriel sérieux et crédible à l’avenir, et non de se contenter de la vendre à la découpe en s’obligeant à l’avenir à conclure des contrats exclusivement avec HP.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN151 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement de sincérisation du budget porte sur un sujet que j’ai longuement abordé ce matin. Dès lors que le Gouvernement décide de créer la catégorie de Missops, de leur allouer un budget important – plusieurs centaines de millions chaque année – et de le prélever sur divers BOP des armées sans assurer la traçabilité et la visibilité de son coût réel pour le ministère, donc de ce qui doit être déduit de la planification de la LPM 2024 – 2030, il nous semble important à tout le moins de sincériser ce budget en créant une ligne budgétaire où inscrire les surcoûts des Missops.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Je souscris à ce constat. Il faut clarifier le statut des Missops, dont relèvent les opérations Aigle et Lynx, et mieux identifier les surcoûts associés, dont l’impact budgétaire pour l’armée de Terre est significatif. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN51 de M. Daniel Grenon

M. Daniel Grenon (NI). Plusieurs experts alertent sur l’insuffisance de la provision de 800 millions destinée à financer les coûts assumés par les armées dans le cadre des Opex. Ces opérations, notamment les déploiements en Estonie dans le cadre de la mission Lynx et en Roumanie dans le cadre de la mission Aigle, en coopération avec les autres puissances de l’Otan, représentent un coût financier sous-estimé. Le seul coût de cette dernière a été estimé à 700 millions en 2022 par le Sénat, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2023. Compte tenu de l’insuffisance des provisions, le présent amendement d’appel vise à interroger le Gouvernement sur le manque de moyens alloués à l’armée pour les Opex.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement vise à abonder la provision des Opex-Missint afin de faire face au surcoût éventuel des missions menées sur le flanc est de l’Europe. Or ces opérations ne relèvent pas des Opex aux yeux du Gouvernement, qui les qualifie de Missops, ce qui est l’un des aspects du problème.

Ce faisant, l’amendement ajoute de la confusion à une situation déjà illisible, d’autant que son montant est sous-dimensionné par rapport au montant effectif des surcoûts des Missops. Surtout, il ne résout pas le problème majeur du traitement des Missops et des Opex : le refus répété du Gouvernement de se soumettre à l’obligation découlant de l’article 35 de la Constitution qui prévoit l’autorisation des interventions des forces armées à l’étranger par le Parlement et son information à leur sujet. Je regrette que vous n’ayez pas voté l’amendement II-DN151, qui permettait de régler la question que vous soulevez. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN146 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à abonder les crédits dédiés au financement des opérations prioritaires et rapidement envisageables par le service d’infrastructure de la défense (SID) afin d’améliorer les conditions de vie et de travail de nos forces armées. En 2022, le lancement de l’opération « Poignées de porte », dotée de 40 millions, avait permis de cibler la réalisation de 1 200 opérations de moyenne ou de faible envergure pré-identifiées, permettant de résoudre concrètement des irritants chroniques des militaires.

Les auditions de votre rapporteur pour avis portant sur les soutiens et sur la logistique interarmées révèlent des besoins persistants. Je suggère donc un abondement des crédits dédiés à la politique immobilière afin de relancer l’ambition issue de la première opération « Poignées de porte » et contribuer à l’amélioration de la condition militaire.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN33 de Mme Michèle Martinez

Mme Michèle Martinez (RN). Il vise à appeler l’attention sur la situation tendue rencontrée par les militaires, les civils de la défense et leurs familles pour se loger. Le logement joue un rôle indéniable pour attirer et retenir les effectifs. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit des moyens certes en hausse, mais loin d’être suffisants, tant nous partons de loin en matière de logement. Pour construire plus et plus vite, j’espère obtenir un avis favorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement prévoit un abondement de 30 millions pour la politique de logement du ministère des Armées. Il est évident qu’il faut traiter la situation du logement au sein de ce ministère. C’est une question de justice.

Toutefois, les travaux de votre rapporteur pour avis ont permis de mettre en lumière les capacités contraintes du SID, qui a des problèmes de recrutement majeurs. Il ne paraît pas envisageable que ce service puisse absorber la maîtrise d’ouvrage équivalente à un abondement de 30 millions sur une seule année. J’invite plutôt à ouvrir une réflexion sur la transformation à long terme des capacités du SID, qui me paraît préférable, couplée à une juste augmentation des crédits dont il a la responsabilité. Je défendrai l’amendement II-DN148 à cet effet et invite la commission à l’adopter.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-46 de M. Emeric Salmon

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Compte tenu des besoins identifiés par mon travail, il me semble que l’amendement II-DN68 de M. Bex est mieux dimensionné par rapport aux besoins. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

 

 

Amendement II-DN68 de M. Christophe Bex

M. Christophe Bex (LFI-NFP). En vue de la revalorisation du patrimoine, nous proposons un redéploiement de crédits réaliste et réalisable de 8 millions.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Quitte à voter des crédits que le SID risque de ne pas pouvoir dépenser, je suis favorable au vote de crédits supplémentaires de 8 millions, en espérant que le SID me donne tort et parvienne à les dépenser.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN148 et II-DN153 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le II-DN148 est un amendement d’appel portant sur la politique du logement mise en œuvre par la direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE).

Les dispositions appliquées pour le paiement des charges du logement prévoient une retenue pour le logement et l’ameublement, dont le taux correspond à 10 % de la rémunération des militaires soumise à retenue pour pension. Le taux de la retenue pour un fonctionnaire civil du ministère des Armées muté dans un territoire d’outre-mer est fixé à 15 % du salaire soumis à retenue. L’amendement vise à aligner le taux de la retenue pour charge de logement des personnels civils du ministère des Armées dans les outre-mer sur le taux de retenue appliquée au personnel militaire.

L’amendement II-DN153 traite du logement des militaires affectés à l’étranger. J’ai évoqué ce matin les problèmes qu’ils rencontrent. L’indemnité de résidence à l’étranger (IRE) est nettement insuffisante pour répondre aux besoins de nos militaires dans de très nombreux pays. En Corée du Sud par exemple, un militaire louant un appartement doit d’abord verser de 50 % à 90 % de la valeur du bien, ce qui est impossible, notamment pour les sous-officiers. Il est donc indispensable de revoir la politique du logement pour nos militaires affectés à l’étranger.

La commission adopte successivement les amendements.

 

Amendement II-DN60 de M. Thierry Tesson

M. Thierry Tesson (RN). Cet amendement d’appel vise à alerter sur la nécessaire rénovation des infrastructures sportives du ministère des Armées, dont j’ai pris la mesure lors d’un déplacement dans le régiment cantonné à Douai, ville qui m’est chère. L’absence d’un plan de rénovation de ces infrastructures pose problème s’agissant de la préparation des soldats et de leurs conditions de vie, lesquelles jouent un rôle majeur pour fidéliser nos troupes. L’amendement prévoit d’accorder un budget à la rénovation des infrastructures sportives du ministère.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit certes d’un amendement d’appel, compte tenu de l’insuffisance du budget de 1 million proposé. Je vous invite à le retirer et à le défendre en séance publique pour que le ministre puisse vous répondre et émets à défaut un avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN71 de M. Abdelkader Lahmar

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit d’un amendement qui nous tient particulièrement à cœur et que notre groupe défend depuis plusieurs années. Notre collègue Lachaud a été rapporteur de la mission d’information sur l’évaluation des dispositifs de lutte contre les discriminations au sein des forces armées. Quelques années après la publication de son rapport, le « Me too » des armées a confirmé la nécessité, pour les militaires, de disposer d’un recours au sein de l’Assemblée nationale pour faire valoir leurs droits.

Le présent amendement vise à financer la création d’un comité parlementaire chargé suivi du respect des droits des militaires. On objectera qu’une telle instance ferait doublon celles qui sont chargées de la condition des personnels. En réalité, elle offrirait aux militaires une possibilité supplémentaire de faire valoir leurs droits dans des situations à laquelle ils ne voient pas toujours d’issue. Au demeurant, l’usage démontre que les militaires écrivent régulièrement à des parlementaires faute de trouver une issue. Il s’agit de garantir le respect des droits des militaires.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable. J’ai formulé une telle préconisation dans mon rapport de 2019.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN145 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à renforcer l’engagement du ministère des Armées en faveur de l’inclusion des personnes en situation de handicap en l’inscrivant dans une politique plus large de diversité sociale et de lutte contre toutes les formes d’inégalités. Le ministère des Armées est le deuxième employeur public en France. Il a donc une capacité d’entraînement et une responsabilité l’obligeant à l’exemplarité dans la promotion de l’inclusion professionnelle et dans la lutte contre les discriminations. Pourtant, le taux d’emploi des personnes handicapées dans l’armée est encore trop bas par rapport à la moyenne nationale. L’objectif annoncé lors du lancement du plan « handicap » d’un taux de 6 % de personnels en situation de handicap en 2024 n’a pas été atteint. C’est pourquoi je propose une augmentation significative du budget dédié.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN149 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’inscrit dans le cadre du « Me too » des armées et de la publication de mon rapport d’information en 2019. Les chiffres sont terrifiants. La mission d’enquête sur les violences sexuelles et sexistes (VSS) donne des chiffres terrifiants de dizaines de viols, de centaines d’agressions sexuelles et surtout d’un tiers des femmes militaires victimes de VSS. Il est donc urgent de réagir. Le ministre a commis deux circulaires. Toutefois, les effectifs de la cellule Thémis sont encore trop faibles pour répondre à l’afflux des demandes pour entendre la parole des victimes qui se libère. C’est pourquoi je propose d’en augmenter leur budget pour permettre de procéder à des recrutements.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN144 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La rémunération indiciaire des sous-officiers supérieurs devait augmenter au 1er octobre. Tel n’a pas été le cas. Le ministère annonce une augmentation au 1er décembre. Cela représente deux mois de solde augmentée perdus pour les militaires. Il importe, pour fidéliser nos armées, que les militaires aient confiance dans l’engagement et dans la parole donnée par le ministre. C’est pourquoi je propose d’augmenter la ligne budgétaire afférente, afin de compenser ces deux mois et de faire en sorte que la hausse de la revalorisation indiciaire soit datée du 1er octobre et non du 1er décembre.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN38 de M. Julien Limongi

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le problème que me pose cet amendement est qu’il propose une revalorisation limitée aux seuls officiers et sous-officiers de l’armée de Terre. Il ne me semble en aucun cas justifié d’exclure de mesures de revalorisation les personnels de l’armée de l’AAE, de la Marine et des services interarmées. Les efforts doivent concerner les forces dans leur ensemble, qui concourent toutes à l’exercice des missions des armées et partagent les mêmes défis de fidélisation et d’attractivité. Je suggère le retrait de l’amendement en vue de le rédiger autrement et le présenter en séance publique, et émets à défaut un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-DN150 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les militaires affectés à l’étranger bénéficient d’une prime, l’IRE. Leurs grades correspondent à des catégories de fonctionnaires civils. Les sous-officiers sont traités au niveau de leur prime comme des fonctionnaires de catégorie C. Or les postes qu’ils occupent justifient leur rattachement à la catégorie B.

Il s’agit d’une perte de revenu chiffrée à 1,9 million pour les sous-officiers affectés à l’étranger. Il en résulte des difficultés pour se loger, mais aussi des failles de sécurité. J’ai évoqué ce matin le cas d’un sous-officier obligé de faire du baby-sitting le soir pour financer son logement, ce qui est scandaleux. Un militaire qui n’a pas les moyens de survivre est une proie facile pour les services de renseignement étrangers. Je propose d’abonder de 1,9 million la ligne de crédits afférente.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN152 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une autre bizarrerie de la situation des militaires français à l’étranger. Les militaires dont le conjoint ne travaille pas perçoivent le supplément familial de solde à l’étranger (SUFE), dont la particularité est d’être versé même si le conjoint travaille pour une rémunération inférieure à un certain montant.

Le SUFE est calculé sur la base de l’indice brut majoré 300, qui a été retenu à une période où l’indice minimum de la fonction publique était 262. Autrement dit, un conjoint de militaire travaillant à l’étranger au niveau du Smic ferait perdre à son conjoint le bénéfice du SUFE. Ne pas en revoir l’indice prive des dizaines de militaires d’un revenu complémentaire indispensable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN143 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je l’ai déposé l’an dernier, mais il n’a pas été examiné en séance publique, le 49-3 ayant coupé court à nos débats. Il vise à améliorer le statut des personnels civils de recrutement local de Polynésie, dont le statut très particulier est une manière, pour l’État français, de reconnaître sa dette due aux essais nucléaires dans le Pacifique. Ce statut, certes protecteur, fige certains personnels dans un même poste ou dans une même catégorie. L’idée est d’y inclure des postes de catégorie A. Il s’agit d’une mesure de justice sociale à destination des personnels civils de recrutement local de Polynésie.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN36 de M. Thierry Tesson

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Dans le domaine spatial, le budget des études amont prévoit 70 millions d’euros en AE et en CP. Celui alloué à la dissuasion est d’environ 202 millions d’euros. Le montant de 1 million d’euros est en quelque sorte un montant d’appel. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN57 de M. Thierry Tesson

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. La direction générale de l’armement (DGA) a notifié le 5 mars 2024 des accords-cadres auprès de cinq sociétés en vue d’identifier les solutions permettant le développement d’ordinateurs quantiques universels. Cela représente un investissement de 500 millions dans le cadre de France 2030. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN24 de M. Alexandre Dufosset

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Le montant de 10 millions est cosmétique par rapport aux montants d’ores et déjà engagés dans le domaine du quantique. Outre le programme PROQCIMA, le ministère participe au programme ADEQUADE, financé par le Fonds européen de la défense (FEDef) et coordonné par Thales. Par ailleurs, la gravimétrie quantique est d’ores et déjà une réalité grâce au programme de capacité hydro-océanographique future (CHOF). Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

 

Amendement II-DN39 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Il offre l’occasion de régler deux problèmes. Le premier problème s’appelle l’Agence européenne de défense (AED), qui est clairement un organisme qui ne sert pas à grand-chose et bat en brèche la souveraineté des États en matière de défense, qui est pourtant la seule concevable. Nous proposons de prendre l’argent de ce budget – 8,7 millions – pour régler un second problème, celui du MCO, souvent décrit comme un problème ou un point de vigilance par les rapporteurs pour avis. Retrouver notre souveraineté nationale, aider nos armées à s’entraîner et à rester opérationnelles : cet amendement deux-en-un est fort de sens.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis Anne Le Hénanff, la commission adopte l’amendement.

 

Contre l’avis de la rapporteure pour avis Anne Le Hénanff, la commission adopte l’amendement II-DN22 de Mme Florence Goulet.

 

Amendement II-DN103 de M. Boris Vallaud

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Il vise à accompagner le développement d’une stratégie complémentaire au transfert d’armes en abondant de 200 millions l’aide à l’Ukraine, qui est un engagement que nous soutenons, mais qui ne doit pas peser sur le budget des armées.

Afin de ne pas amputer les budgets sur lesquels l’amendement est gagé, ses auteurs comptent sur l’application de l’article 4 de la LPM 2024 – 2030 prévoyant que l’aide à l’Ukraine ne pèse pas sur le budget des armées.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous partageons l’ambition de Mme Santiago : nous avons soutenu la création du fonds spécial de soutien à l’Ukraine à hauteur de 100 millions en 2022, ainsi que son abondement à hauteur de 200 millions en 2023 puis en 2024. Je crois comprendre que le Gouvernement cherche à modifier son mode de financement, notamment en utilisant les intérêts des actifs russes gelés en Europe. Nous préférons faire payer les milliardaires russes proches de M. Poutine que les contribuables français. Je suis favorable à l’objectif mais émets un avis défavorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

 

 

Amendement II-DN72 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit de faire respecter une promesse ministérielle. L’an dernier, nous avons demandé au ministre d’indiquer dans les bleus budgétaires le montant exact de la contribution française à l’Otan, dans la mesure où elle est amenée à exploser pour atteindre près de 1 milliard à la fin de la décennie. Cette information figure dans les bleus budgétaires, nous a répondu en substance le ministre. Contraint de constater qu’elle n’y figure pas, il nous a concédé le point et s’est engagé à faire en sorte qu’elle y figure.

Non seulement elle n’y figure toujours pas, mais les questions posées en tant que rapporteur pour avis pour obtenir le montant précis du budget alloué à l’Otan sont restées sans réponse. Nous proposons donc de créer une ligne budgétaire Contributions internationales – Otan afin que le Parlement puisse contrôler l’action du Gouvernement et vérifier le montant réel de cette contribution.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN74 de Mme Murielle Lepvraud

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Le projet de loi de finances pour 2024 comporte une stratégie climat-défense visant à adapter nos armées aux bouleversements induits par les changements climatiques. Ce document se contente de mentionner la nécessité d’adapter les capacités politiques et les doctrines, et d’anticiper les exigences et les contraintes normatives. Le changement climatique est de plus en plus structurant pour toutes les activités humaines. Les armées n’y échapperont pas.

Nous nous interrogeons notamment sur la pérennité du moteur thermique alors même que l’Union européenne prévoit d’en interdire la vente à partir de 2035. Une exemption pour les moyens militaires terrestres est imaginable pour des raisons d’efficacité opérationnelle. Toutefois, dès lors que les principaux constructeurs ne produiront plus de véhicules thermiques, aucun n’acceptera de continuer à en produire pour les micro-marchés des besoins militaires. Nous serons obligés d’évoluer. Mieux vaut anticiper que subir. C’est la raison pour laquelle nous proposons la création d’un programme intitulé Préparer l’après-pétrole.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La lutte contre le changement climatique et la transition énergétique des activités humaines constituent un objectif civilisationnel. Les auditions de notre commission ont rappelé combien le changement climatique et la raréfaction des ressources naturelles agissent comme un amplificateur des risques géostratégiques. Le ministère des Armées a enfin pris conscience du problème. Le général Burkhard nous a enfin donné raison. Mme Lepvraud et plusieurs d’entre nous alertent de longue date à ce sujet. Il est nécessaire de tenir compte des enjeux de transformation des forces et des moyens de nos armées dans un monde post-pétrole. Le présent amendement vise à engager cette réflexion. Il est utile et nécessaire. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Après l’article 59 :

 

Amendement II-DN83 de M. Arnaud Saint-Martin

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement ne coûte pas cher. Il invite le Gouvernement à nous remettre un rapport pour avancer dans la connaissance et la compréhension de deux problèmes majeurs. Le premier est la gestion des débris spatiaux dans un contexte d’inflation et de prolifération des capacités orbitales et la réponse à apporter à cette question devenue critique. Le second est la météo spatiale, dont l’importance croît avec le trafic orbital. L’enjeu est d’objectiver l’existant et son devenir à brève échéance pour anticiper les évolutions susceptibles d’affecter le trafic des satellites, notamment des satellites militaires, et d’amorcer une réelle programmation cadre dans le domaine spatial.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’accroissement de la densification spatiale en orbite basse crée de nombreux risques. On estime à près de 40 000 le nombre d’objets de plus de 10 centimètres et à un peu moins d’un million le nombre d’objets de plus d’un centimètre. Sans sectarisme et pour faire avancer la connaissance et le bien de l’humanité, j’émets un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN132 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Il vise à réaliser notre capacité d’action dans l’espace, qui sera la véritable rupture de la stratégie spatiale de défense.

M. François Cormier-Bouligeon rapporteur pour avis. À l’amendement Yoda défavorable le rapporteur du programme 146 est. Vous avez consacré la partie thématique de votre rapport au domaine spatial. Vous avez donc auditionné toute la filière du spatial militaire. Votre rapport comporte toutes les informations utiles. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-DN80 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit d’obtenir du Gouvernement un rapport sur sa stratégie de surveillance maritime. Année après année, nous empilons les mesures et créons des programmes dans tous les domaines maritimes possibles. Nous manquons d’une vision d’ensemble de la protection de la souveraineté du territoire maritime. Il est tout à fait illusoire de considérer que la France exerce pleinement sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire maritime. Nous ne pouvons pas nous résoudre à cet abandon. Nous demandons au Gouvernement de détailler une stratégie globale articulant les moyens engagés. Un tel document existe mais ne propose aucune vision ni aucun but clair.

Contre l’avis du rapporteur pour avis Yannick Chenevard, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN82 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’obtenir du Gouvernement des éléments précis sur l’impact des reports de commandes sur le coût des programmes et sur la capacité des armées à remplir les contrats opérationnels. La marche affichée de 3,3 milliards est faciale, dès lors qu’elle intègre des dépenses imprévues. Il y a donc report de charges. De même, si le financement interministériel du surcoût du BOP Opex n’est pas activé, cela augmentera encore les reports de charges.

Même si tout se déroule comme prévu d’ici 2030, le mur des AE sera supérieur à 150 milliards d’euros, soit près de trois fois le budget de la défense. Cela soulève deux questions : le budget est-il soutenable ? Quid de l’enjeu démocratique ? Le prochain Président de la République, qui sera élu au plus tard en 2027, sera pieds et poings liés par des engagements excédant largement la logique de planification. Il est indispensable de faire la clarté sur les surcoûts et sur les reports de charges.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je pourrais me contenter de mentionner les rapports prévus aux articles 9 et 10 de la LPM 2024 – 2030 ainsi que les nombreux rapports de la Cour des comptes. M. Lachaud soulève la question de l’ampleur des AE. Les programmes de défense sont lourds et de longue durée. Nous sommes obligés de recourir aux AE pour les financer, même si elle rigidifie les budgets. Des objets tels que le PANG et le standard F5 du Rafale doivent faire l’objet d’une prévision.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Amendement II-DN86 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à obtenir du Gouvernement un rapport faisant état du bilan global et des sommes perçues par l’État français au titre des redevances sur les exportations d’armement de la part des industriels et de leurs sous-traitants. Lorsque nous exportons des armements, les entreprises versent une redevance à l’État, qui est la contrepartie des subventions versées et du soutien à l’export.

Sur ce sujet, l’opacité règne depuis de nombreuses années. Le montant de ces redevances n’est pas communiqué à la représentation nationale. Nous ne sommes pas certains que le Gouvernement fasse le nécessaire pour obtenir les montants dus. Il s’agit de faire la lumière sur ce qui a pu se passer au cours des dernières années. Au demeurant, la Cour des comptes a appelé notre attention sur le sujet sans parvenir à donner un chiffre exact.

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Sans préjudice du fond, l’indicateur de performance que vous souhaitez créer n’a pas sa place dans le programme 144. Il en existe un permettant de mesurer le délai de traitement des dossiers d’exportation de matériels de guerre mais uniquement du point de vue de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS). L’indicateur proposé devrait figurer dans le programme 129 Coordination du travail gouvernemental, qui comprend notamment les crédits du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il ne s’agit pas de créer un indicateur mais d’obtenir un rapport permettant de faire le point sur ce qui a pu se passer au cours des dix dernières années en matière de redevances. Ont-elles été versées ou non ? Pourquoi ? Ces questions sont légitimes. Aucun document ne permet de le savoir, alors même que le doute est fort s’agissant de la possibilité que les entreprises se soient affranchies de cette obligation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN87 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit d’obtenir un rapport sur l’importation de matériels de guerre et de biens et technologies à double usage, qui serait le pendant du rapport annuel sur les exportations de ces matériels. Il est indispensable que la représentation nationale soit éclairée sur les volumes de biens à double usage et de matériels de guerre que la France importe. Cet exercice de transparence est nécessaire et indispensable pour savoir de qui nous pourrions dépendre dans les prochaines années, notamment en cas de conflit. Chacun connaît les réglementations américaines de contrôle des exportations en matière de défense (ITAR&EAR), qui ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières années et nous ont incités à désITAtariser les matériels de guerre. Cette réflexion devrait être appliquée à tous les États.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’annexe 11 du rapport sur les exportations d’armement recense d’ores et déjà les matériels importés en application du traité sur le commerce des armes (TCA), qui prévoit que les États parties sont tenus d’établir un rapport annuel sur leurs exportations et leurs importations d’armement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN118 de Mme Anna Pic et II-DN97 de Mme Isabelle Santiago ensemble

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Le II-DN118 prévoit un rapport sur les modalités de financement des Opex de la France.

Le II-DN97 porte sur le plan « famille 2 ». Un rapport précisant l’état d’avancement de sa mise en œuvre est nécessaire, compte tenu du taux d’inflation, des diverses mobilisations des personnels, des difficultés de réinsertion de certains d’entre eux et des accompagnements mis en œuvre, s’agissant notamment des soins et de la scolarisation des enfants.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement II-DN118 fait clairement écho à l’enjeu de traitement budgétaire et de qualification juridique des engagements à l’étranger des forces armées. J’ai soulevé la question à de très nombreuses reprises. Le refus répété du Gouvernement de se soumettre à l’obligation découlant de l’article 35 de la Constitution d’information et de contrôle du Parlement a abouti à une situation illisible, ubuesque et contraire aux dispositions de la LPM 2024 – 2030.

Ma conviction est qu’il faut considérer toutes les missions opérationnelles à l’étranger comme entrant dans le champ de l’article 35 de la Constitution, dont le respect doit conditionner tout financement interministériel. Le ministre a reconnu un enjeu de lisibilité. Toutefois, il me semble nécessaire d’attendre la réponse à la question juridique avant d’en tirer les enseignements pour le traitement budgétaire. Sagesse.

S’agissant de l’amendement II-DN97, les travaux de votre rapporteur pour avis ont permis d’identifier les retombées du plan « famille », en écho à la mission d’information sur le plan « famille » dont Mme Santiago était co-rapporteur. J’ai aussi analysé les développements en cours du plan « famille 2 », identifié certaines de ses lacunes et rappelé que certaines actions annoncées ou prévues restent à mettre en œuvre.

Cet amendement permettra utilement de renforcer le suivi par le Parlement de ces politiques fondamentales pour l’amélioration de la condition militaire et la réussite des efforts de fidélisation et de s’assurer que les engagements pris dans la LPM 2024 – 2030 sont réellement suivis d’effets concrets. Avis favorable.

La commission adopte successivement les amendements.

 

Amendement II-DN117 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Nous souhaitons obtenir un rapport sur l’adaptation de la politique de rémunération des militaires évaluant l’action du Gouvernement en faveur d’un meilleur équilibre entre rémunération indiciaire et rémunération indemnitaire, formulant des recommandations, et évaluant leur coût financier et leurs implications budgétaires en vue du prochain projet de loi de finances et des mesures.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Comme l’indique mon rapport pour avis, la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) n’a pas été à la hauteur des attentes, en raison d’effets négatifs que votre rapporteur pour avis a déjà évoqués à plusieurs reprises, notamment la fiscalisation de l’indemnité de garnison et les conditions de gestion et de versement de l’indemnité de sujétion d’absence opérationnelle (ISAO).

Toutefois, la présente demande de rapport sur les effets de la NPRM et sur les équilibres de la rémunération des militaires ne me paraît pas idéalement positionnée. À court terme, les effets pervers de la NPRM sont déjà bien identifiés et gagneraient à être résolus au plus vite. À moyen terme, la LPM 2024 – 2030 prévoit une clause de revoyure en 2026 et le Parlement sera récipiendaire d’un rapport sur le sujet. Je préconise plutôt une mission d’information dans le courant de l’année 2025 visant à analyser les effets de la fiscalisation. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN122 de M. Frédéric Boccaletti

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’ai déjà eu l’occasion de souligner que la fiscalisation de l’indemnité de garnison soulève une grande difficulté. Elle devrait, à partir de l’exercice fiscal 2025, effacer une partie significative des bénéfices de la NPRM en raison de la hausse consécutive de l’impôt sur le revenu et de la perte de bénéfice des prestations sociales. Ses effets restent toutefois difficiles à chiffrer.

Il me paraît donc plus adapté de prévoir la remise d’un rapport identifiant les effets de la fiscalisation de l’indemnité de garnison plutôt que ceux de sa défiscalisation. En dépit de mes demandes répétées, le ministère a été incapable de chiffrer les effets de la fiscalisation a priori. Nous le ferons a posteriori. Je pense qu’il n’est pas moins incapable, à moins qu’il s’agisse de mauvaise volonté, de nous donner des éléments sur la défiscalisation de l’indemnité de garnison. Soit le ministère n’en a pas les capacités, soit il ment ouvertement à la représentation nationale depuis trois ans. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN107 de M. Sébastien Saint-Pasteur

Mme Isabelle Santiago, rapporteur pour avis. Il vise à obtenir un rapport sur les coûts engendrés par les développements de technologies et les matériels innovants liés aux nouveaux espaces de conflictualité. Ce rapport pourrait différencier les trois espaces que sont le spatial, les fonds marins et le cyber. Ce dernier nécessite le développement de technologies innovantes spécifiques pour que la France assure sa supériorité dans ce domaine, où se mêlent puissances militaires et acteurs majeurs de l’économie. Ce rapport pourrait contribuer à la formulation d’une stratégie opérationnelle pour que la France ait l’ascendant militaire dans le cyberespace et puisse investir les domaines émergents liés à l’intelligence artificielle.

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Je souscris à la nécessité de disposer d’informations sur les coûts engendrés par l’émergence de nouveaux espaces de conflictualité. Il y a des informations à ce sujet dans les annexes budgétaires de la mission Défense, certes partielles et parfois peu claires. J’ai indiqué cet axe d’amélioration dans mon rapport pour avis.

Nous disposons toutefois d’éléments dans le rapport transmis aux parlementaires en vertu de l’article 10 de la LPM 2024 – 2030 relatif à son exécution. Je suis favorable à la clarification de la répartition du budget total dédié, au titre de l’innovation de défense ainsi que des programmes d’armement, aux nouveaux espaces de conflictualité et à d’autres domaines transverses tels que l’intelligence artificielle. Je suggère le retrait de l’amendement pour en retravailler la rédaction et le présenter, avec mon soutien, en séance publique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN85 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous sommes très préoccupés par le risque de privatisation des fonctions régaliennes liées au ministère de la défense. C’est pourquoi nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport dressant un bilan de l’éventuel recours aux entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD).

S’agissant des matériels importés, l’annexe 11 du rapport sur les exportations d’armement est tout sauf exhaustive. Elle précise exclusivement les imports de matériel déjà constitués, et absolument rien sur les composants qui nous intéressent.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN140 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’obtenir un rapport sur la scolarisation des enfants des militaires français à l’étranger, qui bénéficient à cette fin d’une prime, la majoration familiale à l’étranger (MFE). Elle permet de prendre en charge à l’euro près les frais de scolarité dans les établissements français de référence du pays. Malheureusement, elle ne tient compte ni des frais de transport, ni des frais de demi-pension, ni des frais d’uniforme, parfois inabordables avec un traitement de militaire, comme c’est le cas au lycée Rochambeau à Washington.

Un tel rapport permettrait de vérifier qu’il n’y a pas de solution plus efficace que la MFE pour résoudre ce problème, qui se pose particulièrement dans les pays anglo-saxons et scandinaves. Ainsi, les militaires ayant une famille sont de fait exclus des affectations à la délégation française à l’ONU, en raison du coût de la vie sur place.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Cette question a été abordée lors de la présentation du plan « familles » en 2021. Les militaires de pays étrangers, par exemple les Américains en poste à Naples pour l’Otan, perçoivent des primes permettant de financer leur vie de famille. Les nôtres travaillent souvent avec des militaires étrangers. Ce problème dure depuis des années et doit être réglé.

La commission adopte l’amendement.

 

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux explications de vote.

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous étions partis pour ne pas voter le budget de la mission Défense. Il intègre désormais d’importantes dispositions proposées par le Rassemblement national, notamment la fin des subventions à l’AED ainsi que la prise en compte de demandes capacitaires, de la santé, du logement et du salaire de nos militaires, de la situation des harkis et de la tension sur le point d’indice de la PMI. Nous y sommes donc favorables.

M. Yannick Chenevard (EPR). Nous étions partis pour voter ce budget. Un rapide calcul indique que nous avons augmenté de 800 millions un budget déjà considérable. Nous ne le voterons pas.

Mme Lise Magnier (HOR). Nous étions partis pour voter les crédits de la mission Défense. Nous avons amputé de 100 millions nos capacités de commandes de matériel, dont nos forces ont besoin. Nous avons amputé de 60 millions le financement de l’opération Sentinelle, au détriment de la sécurité du territoire national. À force de petits bougés, nous sommes parvenus à un budget qui prévoit 800 millions de bougés dans la trajectoire de la LPM 2024 – 2030. Pour nous, c’est inquiétant. Nous avons abondé de 300 millions les crédits du SSA, qui n’aura absolument pas les moyens concrets de les dépenser. La maquette budgétaire a fortement dévié de la trajectoire prévue par la LPM 2024 – 2030. Nous nous abstiendrons sur le vote de ces crédits.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Nous nous abstiendrons sur le vote des crédits, dans l’attente du débat en séance publique. Auparavant, nous souhaitons obtenir des réponses au sujet des mesures budgétaires de l’année 2024 impactant le budget qui nous est proposé. Nous tenons à la sécurisation des budgets de nos armées.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous avons remporté des victoires lors de l’examen de ce budget. Notre propos liminaire était très clair : nous ne ratifions pas l’idée selon laquelle la marche de 3,3 milliards est respectée. Les dépenses imprévues et les dépassements de crédits, dans le cadre des Opex, de l’aide à l’Ukraine, des JOP, de l’intervention en Nouvelle-Calédonie/Kanaky et des MissOps effacent ce montant. Des crédits de 800 millions ne permettent pas de compenser la perte que représentent ces dépenses indues.

Par ailleurs, la trajectoire budgétaire globale présente, à l’horizon 2027 et surtout 2030, un mur de restes à payer. Les gains que nous avons remportés au cours de cet examen ne permettent pas de l’éviter. Nous voterons contre ce budget.

Nous espérons avoir l’occasion de plaider en séance publique en faveur de la nationalisation d’Atos, qui est notre principale victoire mais qui n’est qu’un pas.

M. Michel Gonord (DR). Nous aurions voté le budget, mais déformé par des modifications de 800 millions, nous ne le voterons pas.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense modifiés.


   Annexe :
Auditions du rapporteur pour avis

(Par ordre chronologique)

 

   Table ronde avec des représentants d’associations professionnelles nationales militaires (APNM) :

- APNM-Marine : Premier maître Michaël Berben, secrétaire général

- APNAIR : Capitaine Lionel Hillaireau, président

- France Armement : ICA Romain Berline, président

- APRODEF : M. Jean-Sébastien Martinez de Castilla, président

   M. le commissaire général hors classe Olivier Marcotte, directeur du service du commissariat des armées

   M. le vice-amiral d’escadre François-Xavier Polderman, major général de la Marine

   Table ronde avec des représentants du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM)

  M. le secrétaire général pour l’Administration, Christophe Mauriet

  M. général de corps d'armée Jean-Christophe Bechon, major général de l’armée de Terre (MGAT)

  M. le général de corps aérien Philippe Hirtzig, directeur des ressources humaines de l’armée de l’air et de l’espace

  M. le général Frédéric Gout, directeur des ressources humaines de l’armée de Terre

  M. le vice-amiral d’escadre Eric Janicot, directeur du personnel militaire de la Marine

  M. le médecin général des armées Jacques Margery, directeur du service de santé des armées

  Audition de la Direction générale des Relations internationales et de la Stratégie du ministère des Armées : Madame Laure Bansept, chef du service du pilotage des ressources et de l’influence internationale ; CRP Aymeric Bergerot ; Mme Emma Kulimoetoke ; Mme Patricia Lewin ;

  MM. Clément Boisnaud, Sébastien Doumeix et Benoît Malbrancke, direction du Budget, Ministre du Budget et des Comptes publics

  M. Thibaut de Vanssay, directeur des ressources humaines du ministère des Armées

 


([1])  18ème rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire, juillet 2024

([2])  Rapport de la mission d’enquête sur les VSS au sein du ministère des Armées

([3]) Audition du conseil supérieur de la fonction militaire, octobre 2024

([4])  Note d’exécution budgétaire 2023 du Compte de commerce 901, avril 2024

([5])  Instruction N° 145/ARME/CAB relative au commandement local des armées.

([6])  « Les opérations extérieures de la France », Cour des comptes, octobre 2016

([7])  Audition de la direction des ressources humaines du ministère des Armées

([8]) L’enquête « Besoins en main-d’œuvre » de France Travail observait que 61 % des projets de recrutement tous secteurs confondus étaient jugés difficiles par les employeurs en 2023 (contre 58 % en 2022) ; cette proportion retombe à 57 % en 2024

https://statistiques.pole-emploi.org/bmo

([9])  La Fondation d'Aguesseau, personne morale de droit privé reconnue d'utilité publique par décret du 9 juin 1954, a pour but de venir en aide, sous toutes ses formes, aux agents du ministère de la Justice.

([10])  Rapport thématique 2022 du HCECM consacré à la mobilité

([11])  Ibid.

([12])  Audition du rapporteur avec l’association Women Forces

([13])  Repères RH « l’emploi des conjointes de militaires et la gestion de la bi-activité », janvier 2021, DRH-MD

([14])  Rapport thématique 2022 du HCECM consacré à la mobilité

([15])  Selon les chiffres partagés par le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM)

([16])  SI de modernisation du recrutement du personnel militaire des trois armées, de la Légion étrangère et du SSA

([17]) SI de gestion des réservistes

([18])  https://www.defense.gouv.fr/dgris/mieux-nous-connaitre/reseau-diplomatique-defense#:~ : text=Mission % 20g % C3 % A9n % C3 % A9rale,-Sous % 20l'autorit % C3 % A9&text=La % 20mission % 20de % 20d % C3 % A9fense % 20contribue,tiers % 20ou % 20organisations % 20agissant % 20localement

([19])  Rapport d'information du Sénat n° 85 (2016-2017), déposé le 26 octobre 2016 sur le financement des opérations extérieures : préserver durablement la capacité opérationnelle de nos armées

([20])  https://www.defense.gouv.fr/operations

([21])  Arrêté du 26 juillet 2011 fixant la liste des groupes d’indemnité de résidence et modifiant les montants d’IRE en application du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l’État et des établissements publics de l’État à caractère administratif en service à l’étranger

([22])  Conformément à l’arrêté du 1er octobre 1997 pris pour l'application des dispositions du décret n° 97‑900 du 1er octobre 1997 fixant les modalités de calcul de la rémunération des militaires affectés à l'étranger, seul le commandant suprême allié « transformation » relève du tableau 1, les autres militaires affectés à SACT relèvent du tableau 2.

([23])  L’indemnité pour frais de représentation (REPRE) est prévue à l’article 10 du décret n° 97 900 du 1er octobre 1997. Cette indemnité est strictement attachée au poste et est allouée aux chefs de missions militaires auprès des représentations diplomatiques françaises à l'étranger et à certains de leurs collaborateurs, aux conseillers militaires et à leurs adjoints et aux experts militaires exerçant leurs fonctions au sein d'organismes internationaux et désignés par arrêté interministériel. Son versement est mensuel. Son montant annuel est défini forfaitairement selon la catégorie du poste occupé. 200 militaires perçoivent cette indemnité en 2024 au ministère des Armées.

([24])  Arrêté du 20 décembre 2006 modifiant l'arrêté du 1er octobre 1997 pris pour l'application des dispositions du décret n° 97-900 du 1er octobre 1997 fixant les modalités de calcul de la rémunération des militaires affectés à l'étranger

([25])  Article 35 de la Constitution de la Vème République.

([26])  « L'intervention à l'extérieur du territoire national vise, par la projection de capacités militaires, à protéger les ressortissants français et européens, à défendre les intérêts de la France dans le monde et à honorer nos engagements internationaux et nos responsabilités. Elle s'effectue en recherchant prioritairement un cadre multinational s'appuyant de façon privilégiée sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Elle confère à la sécurité de la France la profondeur stratégique qui lui est indispensable. Elle conforte par là même la crédibilité de la dissuasion. »

([27])  Doctrine interarmées DIA-3.0_CEO_L1_HTN (2019), N° 127/ARM/CICDE/NP du 17 juillet 2019, CICDE, page 22 : https://www.defense.gouv.fr/sites/default/files/cicde/20190718_DIA-3.0_CEO_L1_HTN2019-VF4.pdf

([28])  Article L.4123-4 du code de la défense

([29])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14090271_65311f80a9177.commission-de-la-defense--m-sebastien-lecornu-ministre-des-armees-19-octobre-2023 (à la 25ème minute)

([30])  https://www.lopinion.fr/international/egypte-un-missile-frappe-une-ville-situee-pres-de-la-frontiere-israelienne

([31])  Arrêté du 20 décembre 2021 fixant le référentiel opérationnel des militaires placés sous l’autorité du ministre de la défense

([32])  Arrêté du 6 octobre 2022 accordant aux militaires participant à l'opération « Opérations en Europe orientale » le bénéfice des dispositions de l'article L. 4123-4 du code de la défense https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046383711#:~ : text=Objet % 20 % 3A % 20garantir % 20aux % 20militaires % 20participant,du % 20code % 20de % 20la % 20d % C3 % A9fense.

([33])  Article L. 4123-4 du code de la défense :  https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000036679191/

([34])  Article L511-1 : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074068/LEGISCTA000031710007/#LEGISCTA000031710619

([35])  https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000049594534/2024-05-26/

([36])  Article L311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre

([37]) (https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14090271_65311f80a9177.commission-de-la-defense--m-sebastien-lecornu-ministre-des-armees-19-octobre-2023, autour de la 24ème minute).

([38])  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion_def/l16cion_def2324016_compte-rendu