N° 527
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 octobre 2024
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2025 (n° 324)
TOME IV
PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES :
FORCES TERRESTRES
PAR Mme Isabelle SANTIAGO
Députée
——
_______________________________________________________________________________________________________________Voir le numéro : 324
___
Pages
Première partie : les crédits proposés pour 2025
A. Un engagement opérationnel soutenu
1. La pleine mobilisation des forces terrestres sur le territoire national
2. … et en dehors de nos frontières
3. La poursuite et l’intensification du soutien à l’Ukraine
1. Le redressement de la dynamique de recrutement
2. Malgré des résultats encourageants en 2024, le défi de la fidélisation perdure
3. La poursuite de la transformation vers le modèle « armée de Terre de combat »
C. Une modernisation capacitaire qui progresse malgré des lacunes persistantes
2. Des lacunes capacitaires persistantes
A. Des crédits stables sous réserve de la levée des incertitudes relatives à la fin de gestion 2024
2. Présentation par nature et par opération stratégique
a. Les crédits ventilés par titre
b. Les crédits ventilés par opération stratégique
3. Des inquiétudes liées à la fin de la gestion 2024
B. Les principaux points de vigilance
2. Le défi majeur de la fidélisation des personnels d’active mais également de réserve
a. La revalorisation des grilles indiciaires doit constituer une priorité
3. Des décisions qui se font attendre sur des programmes cruciaux pour les années à venir
a. L’avenir des frappes à longue portée terrestres
b. La rénovation et le futur du segment lourd de décision
1. Depuis 2015, un dispositif éprouvé qui a connu des adaptations successives
2. Des missions exercées dans le strict cadre de la réquisition par l’autorité civile
B. Le bilan en demi-teinte de l’opération sentinelle justifie son réexamen
3. Le risque d’accoutumance, voire de banalisation de l’emploi des forces armées
a. L’armée de Terre a contribué au succès des JOP 24 dans toutes leurs dimensions
b. Le défi du soutien des forces engagées
d. La participation de renforts étrangers et privés
e. Un coût consolidé encore inconnu qui devra faire l’objet de compensations en fin de gestion
b. Un engagement réalisé en parallèle des autres missions des armées
a. Le caractère indispensable de l’échelon zonal
b. Des missions respectueuses de la spécificité des armées
a. Un dispositif opérationnel permanent réduit à 1 500 militaires
b. La nécessaire poursuite de la refonte du système d’alerte des forces terrestres
c. Une diminution des effectifs déjà amorcée en région parisienne
3. Renforcer la subsidiarité du dialogue civilo-militaire
b. Fluidifier le dialogue civilo-militaire au niveau infra-zonal
I. Audition du général d’armée Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de terre
Annexe Auditions et déplacements dE LA rapporteurE pour avis
Le projet de budget pour 2025 témoigne de l’effort important consenti par la Nation envers nos armées et de notre ambition en matière de défense. De 32,3 milliards d’euros en 2017, le budget de la Défense atteindra l’année prochaine 50,5 milliards d’euros, hors pensions civiles et militaires de retraite, soit une augmentation de 3,3 milliards d’euros (+7%), conforme à la marche prévue par la loi de programmation militaire 2024-2030.
Les crédits affectés au programme 178 « Préparation et emploi des forces » sont en augmentation de plus de 750 millions d’euros (+5,5%) les portant à 14,3 milliards d’euros. Selon le projet annuel de performance, près de la moitié de ce montant sera consacré à entretenir la dynamique d’activité initiée par la LPM à travers une augmentation de 160 millions d’euros de l’entretien programmé du matériel (EPM) par rapport à 2024. Toutefois, votre rapporteure relève que ces orientations ne trouvent pas, cette année, de traduction budgétaire pour le budget des forces terrestres, qui demeure stable, en très légère augmentation en crédits de paiement (+0,78%), par rapport à la loi de finances pour 2024. Compte tenu de la permanence d’un niveau d’engagement élevé en 2024, marqué notamment par la contribution exceptionnelle des forces terrestres aux jeux olympiques et paralympiques 2024, comme à l’envoi de renforts en Nouvelle-Calédonie et tandis que les sollicitations opérationnelles demeureront nombreuses en 2025, cette stabilisation des crédits permet de couvrir les besoins des forces terrestres au « strict besoin ».
En outre, votre rapporteure sera particulièrement vigilante à la fin de gestion 2024. D’importantes incertitudes persistent du point de vue de l’exécution budgétaire 2024 et pourraient compromettre la capacité des forces terrestres à atteindre les objectifs fixés par la programmation. Ces dernières résultent en premier lieu des gels et surgels intervenus au cours de l’année, du fort niveau d’engagement des forces terrestres en opérations – notamment dans le cadre des missions opérationnelles sur le flanc Est de l’Europe – qui a occasionné des surcoûts, mais également de la poursuite et de l’intensification de la participation des armées au soutien à l’Ukraine, alors que la LPM indiquait que le financement de l’aide à l’Ukraine ne serait pas intégré à la trajectoire prévue.
Enfin, la sécurisation des JOP 2024 a constitué un rendez-vous majeur pour l’armée de Terre qui laisse entrevoir la préfiguration d’un cadre d’engagement rénové des armées sur le territoire national dans la perspective d’une redéfinition de Sentinelle après 2024. Votre rapporteure a souhaité y consacrer la partie thématique de son avis budgétaire.
La rapporteure pour avis avait demandé que les réponses à ses questions budgétaires lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2024, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette date, 0 réponses sur 66 lui étaient parvenues, soit un taux de 0 %. À la date du 28 octobre, 57 sur 66 lui étaient parvenues, soit un taux de 86 %.
Première partie : les crédits proposés pour 2025
Le montant des crédits proposé dans le projet de loi de finances pour 2025 est conforme à la programmation militaire (LPM) 2024-2030, en hausse de 3,3 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Alors que les crédits affectés au programme 178 « Préparation et emploi des forces » sont en augmentation de plus de 750 millions d’euros (+5,5%) les portant à 14,3 milliards d’euros, le budget opérationnel de programme (BOP) Terre se caractérise par une relative stabilité (+0,78% en crédits de paiement). En revanche, s’agissant des autorisations d’engagement, le projet de budget retrace une baisse de 3,65 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 (LFI 2024).
Le montant du budget opérationnel du programme Terre (BOP Terre) est ainsi porté à 2,21 milliards d’euros en crédits de paiement, contre 2,19 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2024.
Cette stabilisation des crédits permettra de couvrir les besoins de l’armée de Terre, tout en permettant de poursuivre sa transformation. Les crédits prévus dans le projet de budget devraient être mis à profit pour améliorer la qualité de la préparation opérationnelle de l’armée de Terre, à travers notamment un effort important réalisé au bénéfice de la participation de l’armée de Terre à des grands exercices en 2025.
L’examen du budget 2025 s’inscrit toutefois dans un cadre marqué par des ressources budgétaires contraintes. Comme l’année dernière, la fin de gestion constituera dès lors un enjeu crucial et il faudra que l’armée de Terre bénéficie des compensations nécessaires au maintien de son niveau d’activité afin de tenir les objectifs qui lui ont été fixés par la programmation. Les années 2024 et 2025 se caractérisent également par la poursuite et l’intensification de l’aide à l’Ukraine et la permanence d’un niveau d’engagement important pour les forces terrestres. À ce titre, votre rapporteure dresse trois points d’attention dans son avis, relatifs, d’une part, à la consolidation du niveau d’activité et de préparation opérationnelles des forces terrestres, d’autre part, à la poursuite des efforts en faveur de la fidélisation et surtout de la revalorisation des grilles indiciaires et à la nécessaire accélération de programmes capacitaires structurants pour les forces terrestres de demain.
I. Une armée de terre pleinement mobilisée en 2024, malgré des défis capacitaires et humains persistants
A. Un engagement opérationnel soutenu
Avec plus de 13 500 hommes et femmes déployés en opérations extérieures et en missions opérationnelles en septembre 2024, le niveau d’engagement de l’armée de Terre demeure particulièrement élevé.
Comme l’année dernière, l’armée de Terre demeure fortement engagée au-delà de ce que prévoit son contrat opérationnel en se déployant sur six théâtres au lieu de quatre (Sahel, Liban, Irak, Pologne, Estonie et Roumanie), tout en assurant une mission de formation au profit des forces ukrainiennes en Pologne (mission GERFAUT) et dorénavant également en France. En 2024, les forces terrestres ont encore une fois été engagées sur des théâtres d’opérations très divers et ont su faire preuve d’une grande réactivité.
1. La pleine mobilisation des forces terrestres sur le territoire national
● Outre les missions permanentes, l’année 2024 a été marquée par la participation exceptionnelle des armées à la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (JOP 2024). Les forces terrestres ont également dû renforcer les forces de sécurité intérieure à la suite des évènements intervenus en Nouvelle-Calédonie. Aussi, près de 50 % de la force opérationnelle terrestre était-elle en posture opérationnelle pendant l’été 2024.
La sécurisation des JOP 2024 a constitué un rendez-vous majeur pour l’armée de Terre qui laisse entrevoir la préfiguration d’un cadre d’engagement rénové des armées sur le territoire national dans la perspective d’une redéfinition de Sentinelle après 2024. Votre rapporteure a souhaité y consacrer la partie thématique de son avis budgétaire. Au pic d’activité, jusqu’à 15 000 militaires des forces terrestres ont été engagés. Le dispositif terrestre de sécurisation est notamment intervenu en appui des forces de sécurité intérieures et en engageant des capacités spécialisées (cynophile, NRBC, déminage, LAD).
● L’armée de Terre a rempli cette mission supplémentaire tout en assurant les autres obligations prévues par son contrat opérationnel. Au plus fort de la crise en Nouvelle-Calédonie, environ 600 militaires de l’armée de Terre supplémentaires ont été projetés en renfort par un important pont aérien. Les forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC) ont alors compté jusqu’à 2 600 militaires. Ce renforcement a été réalisé à partir des éléments de l’armée de Terre de l’échelon national d’urgence (ENU).
Pour mémoire, à la suite du déclenchement de violentes émeutes le 13 mai 2024, l’état d’urgence a été déclaré en Nouvelle Calédonie le 15 mai alors que les violences et blocages se sont renforcés. Le Haut-Commissaire de la République a sollicité les armées (demandes de concours et réquisitions administratives) pour soutenir le bon fonctionnement de certains services de l’État et appuyer les forces de sécurité intérieure. Ainsi, les FANC ont protégé jusqu’à dix sites sensibles dont certains étaient identifiés comme point d’intérêt vital. Dans ce contexte, l’augmentation des missions dévolues aux armées a rendu nécessaire le renforcement des capacités des FANC en troupes de manœuvre, d’appui et de soutien.
Engagement de l’armée de Terre sur le territoire national.
L’armée de Terre contribue au quotidien à la protection du territoire national et de la population à travers des missions de défense militaire et de défense civile. À ce titre, elle participe à l’opération SENTINELLE, à la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane dans le cadre de l’opération HARPIE, à la lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte, à l’opération RESILIENCE de lutte contre la pandémie de la Covid, à l’opération HEPHAISTOS de lutte contre les feux de forêts, ou encore la mission TITAN permettant la protection de la base de Kourou.
L’engagement de l’armée de Terre, principal contributeur à l’opération SENTINELLE, s’articule aujourd’hui en trois échelons : un dispositif opérationnel permanent, une réserve opérative permettant de répondre de manière réactive aux sollicitations des préfets de zone de défense et de sécurité et une réserve stratégique permettant de porter le dispositif à 10 000 militaires sur ordre du président de la République dans les situations les plus graves.
L’opération SENTINELLE n’a connu aucune évolution majeure depuis avril 2021, date du désengagement des renforts qui avait été décidé à la suite des attaques terroristes d’octobre 2020. Le dispositif permanent s’élève aujourd’hui à 3 000 militaires auquel s’ajoutent une réserve opérative de 4 000 militaires en alerte et une réserve stratégique de 3 000 militaires. La période estivale et les fêtes de fin d’année font tous les ans l’objet d’un effort particulier avec des engagements compris entre 400 et 600 militaires en renfort. En moyenne, 3 750 militaires sont ainsi engagés quotidiennement tout au long de l’année
En octobre 2023, compte tenu de la dégradation du contexte sécuritaire en lien avec la résurgence du conflit israélo-palestinien, le Gouvernement a décidé de déployer 7 000 militaires pour renforcer la protection du territoire national, tandis que le plan Vigipirate était réhaussé au niveau « Urgence attentat ».
2. … et en dehors de nos frontières
● L’armée de Terre participe pleinement à la solidarité stratégique envers nos alliés et partenaires.
L’année 2024 a été marquée par la poursuite de l’engagement des militaires des forces terrestres au sein des missions opérationnelles AIGLE en Roumanie et LYNX en Estonie.
Selon les informations fournies à votre rapporteure en réponse à son questionnaire budgétaire, près de 1 750 personnels de l’armée de Terre sont déployés dans le cadre des missions de « réassurance » de l’OTAN et de formation de l’Union européenne : environ 300 personnels sur la mission LYNX en Estonie depuis 2017 et 1 200 sur la mission AIGLE en Roumanie depuis 2022. Par ailleurs, l’armée de Terre participe régulièrement à des exercices sur le sol européen aux côtés des partenaires de l’Alliance, dans le but de démontrer sa capacité d’intégration au sein de la chaîne de commandement et de contrôle (C2) de l’OTAN et de développer l’interopérabilité avec ses alliés. En Bosnie-Herzégovine, l’armée de Terre participe également à l’opération EUFOR ALTHEA, visant à garantir la stabilité de la zone, en fournissant un détachement de recherche humaine élémentaire.
La mission AIGLE donne pleine satisfaction. Depuis 2022, le Forward Land Forces-Battle Group (FLF-BG) conduit des exercices de tirs et de manœuvre avec les militaires roumains et les partenaires présents. La mission, au sein de laquelle la France exerce le rôle de Nation cadre, constitue une véritable opportunité de préparation opérationnelle multinationale. Le bataillon regroupe toutes les composantes du combat interarmes et du soutien : une compagnie d’infanterie sur VBCI, un escadron sur chars Leclerc, une batterie d’artillerie (composantes sol-sol, sol-air, drones, radars, etc.), une compagnie de combat du génie et une compagnie de commandement et de logistique. Ce bataillon comprend une compagnie d’infanterie belge dans le cadre du partenariat « Capacité Motorisée » (CaMo). Une compagnie d’infanterie espagnole le rejoindra à partir de l’automne 2024. Le FLF-BG, intégré à la chaîne de commandement de l’OTAN, a pour mission principale de contribuer à dissuader toute menace envers l’intégrité de la nation hôte. Un « noyau » de poste de commandement de niveau brigade, est en outre déployé à Bucarest. Cet élément d’une dizaine d’officiers vise à préparer le déploiement de l’état-major tactique de la brigade en cas de déclenchement des plans de défense régionaux.
De la même manière, la mission LYNX, conduite en Estonie, au côté des Britanniques, constitue un véritable levier d’influence. Depuis 2017, l’armée de Terre déploie en Estonie un sous-groupement tactique interarmes à dominante infanterie motorisée sur Griffon complété par une composante blindée « roue–canon » (AMX10RC). Des matériels majeurs ont été déployés en Estonie comme les CAESAR, à l’occasion de l’exercice Spring Storm en 2023. La mission LYNX constitue, là encore, un véritable laboratoire pour l’intéropérabilité et la pleine appropriation des matériels SCORPION déployés (Griffons et Serval), dont le fonctionnement peut être éprouvé dans des conditions hivernales. Depuis novembre 2023, une compagnie d’infanterie légère est également déployée par intermittence, à raison de deux rotations annuelles de trois mois, dans un cadre bilatéral France – Estonie, hors OTAN.
● Par ailleurs, la présence militaire française au Sahel continue sa réarticulation et connaît des évolutions profondes. La ré-articulation de l’opération Barkhane devrait redonner des marges de manœuvre à l’armée de Terre en termes de disponibilité des hommes et des matériels. Avec la rétrocession des grandes bases de Gao et Niamey, une opération logistique majeure (retrait de 3 000 soldats, 1 800 véhicules, 4 800 conteneurs) a été conduite. Toutefois, l’état-major de l’armée de Terre anticipe d’importants surcoûts et un cycle de retrait et de régénération des véhicules très long. L’opération de régénération des matériels de retour de Barkhane devrait s’achever en 2027.
Cette évolution s’inscrit dans le cadre plus large de la réorganisation du dispositif militaire français en Afrique souhaitée par le Président de la République. Les forces prépositionnées verront leurs effectifs diminuer (Gabon, Sénégal, République de Côte d’Ivoire), tout en connaissant une évolution de leurs missions, à travers la transformation progressive des bases en académies cogérées avec les pays hôtes et davantage orientées vers leurs besoins.
Au Proche et Moyen-Orient, l’armée de Terre participe essentiellement à deux opérations extérieures, d’une part, au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL), dans le cadre de l’opération Daman, elle arme la Force Commander Reserve (FCR) depuis Dayr Kifa (700 soldats) et, d’autre part, en Irak, elle participe à l’opération Chammal, volet français de l’opération INHERENT RESOLVE, en apportant un soutien militaire aux forces armées irakiennes engagées contre Daech, principalement en participant à la formation de leurs unités, les Desert Batallions.
3. La poursuite et l’intensification du soutien à l’Ukraine
La mission GERFAUT s’est poursuivie en Pologne et une nouvelle mission a été créée en France au profit de la formation des militaires ukrainiens.
● Depuis février 2023, la mission de partenariat opérationnel pour la formation de bataillons ukrainiens en Pologne a débuté sous le nom de GERFAUT, dans le cadre de la mission d’assistance européenne EUMAM (EU Military Assistance Mission in support of Ukraine). La mission mobilise 250 militaires français et est placée sous le commandement du Combined-Arms Training Command (CAT-C) polonais de Zagan. Le détachement, qui comprend également vingt formateurs belges, assure la formation de bataillons d’infanterie ukrainiens. Selon les informations fournies à votre rapporteure en réponse à son questionnaire budgétaire, entre février 2023 et août 2024, dix bataillons ukrainiens ont été formés par GERFAUT, soit environ 4 400 militaires.
● Très récemment, le président de la République a par ailleurs annoncé la formation par les armées françaises d’une brigade ukrainienne nommée « Anne de Kiev » composée de plus de 2 000 hommes. Cette opération de formation mobiliserait 1 500 militaires français et impliquerait de nouvelles cessions d’équipements. Ainsi, au total, selon les propos du chef d’état-major de l’armée de Terre devant la commission de la défense, quinze mille soldats ukrainiens ont été formés depuis 2023, dont deux mille trois cent cet automne pour la seule brigade « Anne de Kiev ». Cette formation conduit à immobiliser une partie des infrastructures de préparation opérationnelle et camps de manœuvre situés dans les camps de Champagne. Si toutes les rotations d’entrainement ne semblent pas gelées, plusieurs dizaines d’activités auraient été annulées et d’autres reportées. Les forces terrestres en tireraient néanmoins un retour d’expérience précieux venant directement du terrain qui conforterait leur expertise en matière de partenariat militaire opérationnel à destination d’unités ukrainiennes, qui sont pour certaines d’entre elles déjà parties au combat.
B. Des progrès indéniables dans le recrutement mais qui ne suffiront pas à compenser le retard accumulé en 2023
Votre rapporteure se félicite que l’armée de Terre ne connaisse pas les mêmes difficultés de recrutement qu’en 2023 mais souligne la nécessité de combler le retard accumulé l’année passée.
1. Le redressement de la dynamique de recrutement
● L’armée de terre est une armée jeune d’environ 120 000 soldats qui a une manœuvre en ressources humaines dite de « flux », puisque 12.5 % de son effectif est ainsi renouvelé chaque année. Toutefois, l’armée de Terre a connu d’importantes difficultés de recrutement en 2023, difficultés qui semblent avoir été surmontées en 2024 grâce à la mise en place d’un plan d’action volontariste.
Pour mémoire, il a été mis fin à la décrue des effectifs de l’armée de Terre après les attentats de 2015, au profit de l’augmentation des effectifs de la force opérationnelle terrestre pour atteindre 77 000 hommes et femmes, soit 11 000 effectifs supplémentaires. Cette manœuvre a imposé des recrutements annuels conséquents depuis 2015 (près de 21 000 en 2016, près de 18 000 en 2017, moins de 15 000 en 2018, 2019 et 2020, avant une remontée à 17 000 en 2021), pour atteindre cette cible puis la tenir, dans un contexte encore marqué par de trop nombreux départs. Le ministère des Armées et l’armée de Terre ont alors multiplié les efforts pour fidéliser les militaires.
Alors qu’elle avait bénéficié d’une dynamique assez porteuse jusqu’alors, en comparaison d’armées partenaires, pour la première fois en 2023 l’armée de Terre n’était pas parvenue à réaliser sa manœuvre de recrutement, laissant apparaître un décrochage préoccupant, concernant en particulier les militaires du rang. Ainsi, tandis que la cible de recrutement se situait dans la classe de 15 000 recrues, un déficit d’environ 2 000 recrues a été enregistré en 2023 (13 088 recrutements réalisés), soit une baisse significative par rapport aux trois années précédentes
Pour faire face à ces difficultés, l’armée de Terre a mis en œuvre plusieurs actions en 2024. Une stratégie de communication adaptée et modernisée a été lancée, une attention redoublée a été portée au processus de recrutement, une augmentation du nombre de recruteurs et la création de cellules d’aide au recrutement, accompagnée d’une mobilisation à tous les niveaux. Votre rapporteure salue ces efforts et est favorable à la poursuite de la recherche d’une synergie accrue avec les dispositifs jeunesse afin de susciter plus de vocations. Aussi, elle appelle de ses vœux la poursuite et l’élargissement de l’expérimentation « volontaires découverte de l’armée de Terre, » prenant la forme d’un contrat de quatre mois et qui a rencontré un franc succès cet été, à travers le recrutement de plus d’une centaine de volontaires engagés au 35ème régiment d’infanterie (RI) à l’occasion des JOP 24. Votre rapporteure partage la volonté du CEMAT de proposer une offre d’engagement la plus large possible afin de répondre aux différents désirs d’engagement. Elle se félicite de l’annonce par le CEMAT du lancement d’une expérimentation en Nouvelle-Calédonie à compter de 2025 pour proposer un temps de césure aux jeunes après leur Bac dans l’attente de rejoindre l’hexagone pour débuter leur formation supérieure.
La stratégie mise en œuvre semble avoir porté ses fruits car l’armée de Terre a surmonté ses difficultés de recrutement en 2024, sans pour autant combler le retard accumulé. Selon les informations fournies à votre rapporteure en réponse à son questionnaire budgétaire, au premier quadrimestre 2024, les objectifs de recrutement étaient atteints à 99 % pour une cible de recrutement externe pour l’année 2024 fixée à 15 000 recrues.
● Après trois années de hausse, le taux de dénonciation des contrats des sous-officiers, de 16,5 % en 2023 contre un taux de 17,9 % en 2022, a connu une baisse sensible illustrant selon le ministère des Armées les premiers effets du plan ENSOA (École nationale des sous-officiers d’active) 2030. Pour les militaires du rang, le niveau de dénonciation de la cohorte 2023 (31,3 %) est comparable à celui de 2020 (31 %), en légère hausse par rapport à 2022 (30,8 %).
● Les taux de sélection connaissent toutefois une baisse en 2023 notamment pour les sous-officiers et devraient poursuivre leur trajectoire en 2024, en corrélation avec les difficultés de recrutement rencontrées. Les taux de sélection étaient de 1 pour 1,4 en 2023, contre 1 pour 2,4 candidats en 2022, contre 1 pour 3,2 en 2021 pour les engagés volontaires sous-officiers. Ils sont stables mais bas pour les militaires du rang 1 pour 1,6 contre 1 pour 1,4 candidat en 2023. Une baisse est néanmoins attendue pour ces derniers en 2024 avec 1 pour 1,5 au premier semestre. En revanche, les taux de sélection demeurent relativement stables à un niveau élevé pour les élèves officiers admis à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr (1 pour 11 en 2023, contre 1 pour 12 en 2022).
● Enfin, pour atteindre ses objectifs dans la durée, l’armée de Terre développe une offre de formation innovante. Ainsi, l’École militaire préparatoire et technique (EMPT) de Bourges a ouvert ses portes en 2022 et connaît déjà un franc succès, ou encore le « BTS cyber » à Saint Cyr l’École pour recruter et former, dès le lycée, des compétences nécessaires pour les métiers en tension (maintenance des matériels terrestres, systèmes de forces, systèmes d’armes équipements, achats, etc.) La création d’un statut d’apprentis militaires par la loi de programmation militaire 2024-2030 permet de formaliser l’enseignement préparatoire et technique des forces armées.
2. Malgré des résultats encourageants en 2024, le défi de la fidélisation perdure
La fidélisation, manifestée notamment par une baisse de l’attrition initiale, est en amélioration en 2024, grâce à une impulsion au niveau ministériel (plan fidélisation 360° de mars 2024) et à l’activation de tous les leviers disponibles par l’armée de Terre. Les données 2024 laissent présager que la cible du schéma d’emploi de l’armée de terre sera atteinte grâce à un flux de sorties significativement plus bas que le flux prévisionnel (estimation de 1 500 moindres départs au sein de l’armée de Terre). L’objectif de la démarche « Fidélisation 360° » est notamment d’augmenter l’ancienneté moyenne au départ pour chacune des catégories de personnel et atteindre à terme des cibles de six ans pour les militaires du rang, vingt ans pour les sous-officiers et vingt-sept ans pour les officiers.
En effet, en 2024, la fidélisation s’est améliorée grâce à plusieurs mesures, notamment des aides ciblées pour les régiments en difficulté et des gestions plus individualisées, telles que la modulation de la durée des contrats et l’augmentation des possibilités de mobilité. Les dispositifs indemnitaires (primes de lien au service) ont également été mieux gérés, en particulier pour les sous-officiers des filières techniques. La possibilité de réengagement après un départ de l’institution a également été introduite. Les cellules régimentaires d’appui au recrutement ont été démultipliées pour soutenir l’action des CIRFA.
La bonne conciliation entre vie privée et vie professionnelle constitue un déterminant extrêmement fort de la fidélisation. Elle doit répondre aux exigences de l’état militaire, tout en s’adaptant aux évolutions sociétales. Si le moral des militaires de l’armée de Terre demeure élevé avec 81 % des personnels déclarant avoir un moral « excellent », « bon » ou « plutôt bon ([1]) », la baisse du pouvoir d’achat, la suractivité ressentie, ainsi que les tensions en ressources humaines constituent cependant des préoccupations en hausse. En particulier, l’accompagnement de la mobilité fait partie des irritants régulièrement mis en avant.
Par ailleurs, le ministère des Armées est confronté aux défis de l’attractivité des talents et de la fidélisation du personnel dans un contexte où le marché de l’emploi se caractérise par une concurrence exacerbée entre employeurs. En outre, les évolutions sociétales et les aspirations des recrues potentielles sont parfois difficilement conciliables avec les contraintes liées aux sujétions militaires. La fidélisation consiste à créer une dynamique vertueuse permettant de conserver l’expérience acquise et les compétences détenues au sein des forces, gages d’efficacité opérationnelle dans un contexte d’augmentation du nombre de missions et de durcissement des opérations.
● Aussi, la politique globale de fidélisation ne se limite pas à l’évolution des pratiques RH mais s’appuie également sur les plans Famille 1 et 2 (meilleure prise en compte de l’environnement familial) et sur l’amélioration des conditions générales d’exécution du service (meilleures conditions de vie, meilleurs équipements, rémunération contribuant à consolider le statut militaire). Les contractuels sont au cœur de cet enjeu, mais le changement de paradigme opéré par les jeunes générations en matière de carrière oblige à une prise en compte de tous les cursus et toutes les catégories dans l’évolution des pratiques RH.
Il apparaît que le plan Famille est désormais bien connu et bien perçu grâce à des avancées notables et tangibles (carte SNCF, amélioration des offres de garde d’enfants, Wi-Fi gratuit, hausse substantielle des crédits destinés à la cohésion et l’amélioration du cadre de vie, etc.). Le plan génère cependant des attentes encore fortes dans les domaines du logement (parc limité et vétuste, accès difficile à la propriété et des délais trop important dans l’attribution), de l’accompagnement à la mobilité (déménagement, inscription scolaire, travail du conjoint, gardes d’enfant en horaires atypiques) et de l’hébergement, qui ne pourront être satisfaites qu’au prix d’un effort dans la durée. Selon l’armée de Terre, certaines mesures restent à consolider, à l’instar de l’accompagnement de la mobilité (axe 3 du plan Famille), qui constitue une priorité du plan Famille 2 financé par la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 à hauteur de 750 millions d’euros. Aussi, selon les informations fournies par la DRHAT, l’armée de Terre a couplé le Plan famille 2 au plan Fidélisation 360° et a identifié onze régiments prioritaires en matière de fidélisation, tous situés dans le Grand Est. Cinq lignes directrices adaptées aux attentes des militaires de l’armée de Terre ont été arrêtées : recentrer sur les territoires pour mobiliser les collectivités territoriales en faveur de l’accueil et de l’intégration des militaires et de leur famille ; renforcer la subsidiarité et déconcentrer vers les commandements locaux pour leur donner les moyens d’adapter les efforts aux singularités locales ; contribuer à la résilience des familles en recherchant des pistes d’amélioration de leur quotidien ; renforcer la prise en compte des contraintes opérationnelles dans la mise en œuvre de l’action sociale des armées et inverser le modèle du soutien à la mobilité en libérant la famille des charges administratives liées à la mutation. À travers cette action, le principal objectif de l’armée de Terre est de mieux accompagner la mobilité des militaires, en prenant en compte les sujétions opérationnelles pour l’accès à un logement ou l’obtention de places en crèche.
● La nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) doit également offrir aux gestionnaires des ressources humaines davantage de leviers pour répondre aux besoins de fidélisation face à l’émergence de nouvelles compétences et aux évolutions du marché du travail. Une meilleure prise en compte des contraintes liées à la mobilité, au coût du logement et à l’absence générée par les activités opérationnelles est en particulier attendue. La NPRM a été déployée en plusieurs annuités jusqu’en octobre 2023 (indemnité de mobilité géographique du militaire, indemnité de sujétions d’absence opérationnelle, prime de compétences et de responsabilité, indemnité de garnison), entraînant globalement une augmentation de la rémunération indemnitaire pour de nombreux militaires, mais aussi des pertes de rémunération dans certains cas, partiellement compensées par une indemnité temporaire. Les spécificités de l’armée de Terre sont particulièrement prises en compte au travers de la compétence de combattant terrestre nouvellement valorisée dans le cadre de la création de la prime de compétences spécifiques des militaires pour valoriser les compétences opérationnelles rares, difficiles à générer et essentielles pour assurer la supériorité dans les opérations militaires (PCSMIL). Cette nouvelle prime reconnaît les compétences spécifiques du combattant terrestre et son aptitude à les mettre en œuvre dans des conditions exigeantes. Elle est conçue comme un vecteur d’attractivité et de fidélisation pour les postes – tous grades confondus – de combattant terrestre. Néanmoins, la forfaitisation quasi systématique des indemnités et l’augmentation de la part imposable de la solde risquent de faire baisser le pouvoir d’achat des militaires à moyen terme, car la revalorisation du point d’indice ne compense qu’une petite partie de leur solde, réduite après impôt. Selon la DRHAT, la diminution de la part indiciaire de la rémunération au profit de la part indemnitaire a fragilisé le modèle RH de l’armée de Terre et sa résilience, notamment parce que la pension ne se fonde que sur la part indiciaire.
● Enfin votre rapporteure considère que la fidélisation passera également par la « tolérance zéro » appliquée aux violences sexuelles et sexistes (VSS). L’armée de Terre puise sa force opérationnelle dans sa fraternité d’armes et doit donc être exemplaire. Interrogée à ce sujet par votre rapporteure, la DRHAT a précisé qu’une formation sur la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, le vivre ensemble et le commandement d’unités mixtes est dispensée dès les premières années en école et tout au long de la carrière pour changer les mentalités. Un violentomètre adapté à l’armée de Terre et un guide de vie courante sur la mixité sont en cours de diffusion. La tolérance zéro est appliquée en cas de VSS, avec des mesures d’accompagnement et de protection immédiate pour les victimes et des sanctions plus fermes pour les auteurs et les témoins passifs en situation de commandement ou d’instruction. Selon la DRHAT, pour mémoire, en 2024, le personnel féminin représente : 10,5 % des effectifs officiers, 13,6 % des effectifs sous-officiers, 10,6 % des effectifs militaires du rang, 18,7 % des volontaires. Soit 11, 6 % des effectifs.
3. La poursuite de la transformation vers le modèle « armée de Terre de combat »
L’année 2025 constituera la deuxième année de la transformation de l’armée de Terre vers le plan « Armée de Terre de combat », qui succède au modèle « Au contact » mis en place en 2016. La transformation est jugée nécessaire pour permettre aux forces terrestres de s’adapter à la transformation du monde et aux bouleversements du contexte stratégique. Le « mouvement vers l’avant » a vocation à renforcer la puissance de combat, la réactivité et les capacités d’initiative des grandes unités de l’armée de Terre.
● Dans le cadre de cette réorganisation, il sera procédé à un rééquilibrage des régiments de mêlée au profit du commandement, du soutien, de la logistique et des appuis, ainsi que des nouvelles priorités définies en LPM. De nouveaux commandements ont été créés, à l’image du commandement du combat futur, qui a vocation à éclairer et à dynamiser la transformation capacitaire des forces terrestres. Le CEMAT ambitionne également de redonner de l’autonomie aux unités en réintroduisant davantage de subsidiarité et en encourageant un style de commandement par « la finalité » et non plus orienté vers les « moyens ». La responsabilisation des chefs de corps, à travers, notamment, l’attribution d’enveloppes dite de « réactivité » pour des achats de toute nature, constitue à ce titre une initiative intéressante à poursuivre, bien que leur montant soit aujourd’hui limité (30 000 euros en moyenne en 2023, 100 000 euros en 2024). Le but de ce budget est de fournir aux chefs de corps les moyens de résoudre les problèmes du quotidien et d’améliorer les conditions de vie et d’entraînement des soldats. Il renforce la chaîne de commandement et a des effets immédiats sur la vie des unités. Par exemple, l’achat de matériel pour l’instruction, l’entretien du casernement, la cohésion et l’esprit de corps ou encore la communication et le rayonnement peuvent être financés par ce budget.
● Cette transformation s’accompagne d’une manœuvre en ressources humaines ambitieuse, qui concerna plus de 10 % de la force opérationnelle terrestre. En détail, celle-ci se traduit par le redéploiement de près de 8 300 postes en interne – pour moitié au sein de leur unité d’origine et pour l’autre moitié à destination d’autres unités - et la création de 670 postes supplémentaires, prévue dans le cadre de la loi de programmation militaire 2024-2030, sans modifier le format de la force opérationnelle terrestre, maintenue à 77 000 militaires. Les redéploiements sont principalement réalisés au profit de métiers à forte technicité (cyber, influence, renseignement) et des armes d’appui (feux longue portée de l’artillerie, franchissement, bêchage pour le génie, lutte anti-drone). En outre, l’infanterie et la cavalerie se transforment également pour accompagner la modernisation de leurs équipements (radars, robotique, drones, guerre électronique, etc.).
●Déjà amorcée, elle s’est traduite par la mise en place, dans un premier temps, d’une refonte du commandement haut (commandements dits alpha) et par le renfort des structures de recrutement et de formation. Quant à la transformation des forces et des unités, celle-ci s’effectuera sur l’ensemble de la période de la loi de programmation militaire. Selon les informations fournies à votre rapporteure : un premier effort devrait concerner les réticulations dans la mêlée (2024-2025), puis la cyber et l’influence (2025-2027) et, enfin, les appuis (2026-2029). Les brigades interarmes verront leur autonomie renforcée par des moyens de soutiens et de logistique supplémentaires et bénéficieront de nouveaux moyens (guerre électronique, lutte anti-drone, combat fluvial, etc.).
S’agissant des ressources humaines, l’armée de Terre a commencé à augmenter son taux d’encadrement et à mettre en œuvre la transformation de ses unités (premières unités de mortiers dans l’infanterie, radars dans la cavalerie, moyens de franchissement et capacités fluviales au profit du génie, création d’unités dans les forces spéciales et au profit de la fonction influence, etc). La régionalisation des divisions est également effective. Cette régionalisation, doit notamment permettre d’optimiser le cycle d’activité des forces terrestres, ainsi que les modalités de préparation opérationnelle en développant davantage en amont les partenariats militaires dans les zones concernées et en planifiant des exercices conjoints. Par ailleurs, elle a tenu ses objectifs en matière de réserves avec la création de plus de 1 700 postes de réservistes en 2024. Des évolutions relatives au soutien ont également été mises en œuvre à travers le souhait d’une évolution des bases de défense, l’adaptation des directions et services interarmées (réappropriation de l’entretien locatif en lien avec le service d’infrastructure de la Défense, mise en cohérence des cartographies des brigades et des centres médicaux des armées, systématisation dès l’été 2024 d’un commissaire dans chaque état-major de brigade, etc.)
Nouvel organigramme « Armée de Terre au combat » : une organisation orientée vers les finalités opérationnelles.
Source : Rapport réalisé au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 par M. Jean-Michel Jacques, 12 mai 2023.
● Pour que ce « mouvement vers l’avant » constitue une réussite, la transformation capacitaire devra se faire au rythme de la livraison des matériels adaptés. Dans la lignée des avis budgétaires précédents, votre rapporteure sera donc vigilante à ce que le rythme de la transformation de l’armée de Terre et notamment la création de nouvelles unités soit cohérente avec le calendrier de livraison des équipements et matériels.
Focus : la transformation de l’armée de Terre
La transformation de l’armée de Terre se fonde sur des principes simples et lisibles permettant de gagner en cohérence et d’affronter les situations les plus variées : acquisition d’équipements modernes et investissement dans des secteurs de pointe, organisation simplifiée qui se rapproche autant que possible de la structure adoptée au combat, et style de commandement fondé sur l’autonomie des échelons tactiques et la subsidiarité.
Sa transformation s’effectuera selon 4 axes :
• Être et durer : la Direction des ressources humaines de l’armée de Terre (DRHAT) voit la cohérence de son action renforcée, avec pour objectif d’attirer, de générer et de favoriser la fidélisation de la ressource humaine au profit des unités de l’armée de Terre, de l’interarmées et de l’interministériel. Cet enjeu qui s’inscrit pleinement dans l’ambition fidélisation 360, grâce aux leviers déclinés au niveau ministériel et déclinés par l’armée de Terre se traduit in fine par un taux d’encadrement en sous-officiers et officiers plus marqué. Associant pleinement personnel d’active et de réserve, elle construit et préserve les compétences individuelles indispensables à chaque niveau de commandement, intègre et valorise les évolutions sociales et technologiques au sein d’un système des ressources humaines-Terre reconfiguré et contribue à répondre de manière réactive aux défis opérationnels actuels et futurs.
Acteur majeur de l’équilibre entre équipements, stocks et activité, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) porte l’ambition du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (MCO-T) et logistique d’une armée de Terre de combat, en lien direct avec les industriels, la Direction générale de l’armement (DGA), les directions et services interarmées (DSIA) et les forces. Elle renforce la capacité du MCO-T à soutenir un engagement majeur en contribuant à la préparation de la base industrielle et technologique de défense (BITD) à la guerre, et en entretenant une capacité industrielle étatique polyvalente et réactive. Simultanément, elle participe à la reconstitution de la profondeur logistique par la coordination au niveau stratégique des contributions des DSIA au soutien de l’armée de Terre.
• Protéger : l’armée de Terre participe à un nouvel élan sur le territoire national avec la création d’un État-major interarmées du territoire national (EMIA-TN) sous l’autorité de l’état-major des armées (EMA). La division Terre de cet EMIA-TN contribue à rationaliser les chaînes organiques, opérationnelles et de soutien de l’armée de Terre et à optimiser l’action de l’armée de Terre en disposant d’organes de décision aux niveaux adéquats : local, zonal et national. De même, cette division Terre accompagne la montée en puissance de la réserve, qui va connaître une évolution profonde en appui de la force opérationnelle terrestre ou de la protection des territoires. Elle commandera, in fine, les unités de la réserve territoriale.
L’action des zones Terre s’inscrit en appui de la transformation en assurant la convergence entre les opérations, l’organisation et le soutien, en garantissant la réactivité et commandement de l’armée de Terre sur le territoire national, la cohérence du stationnement et de l’adaptation des infrastructures.
• Agir : le commandement de la force et des opérations terrestres (CFOT), créé par la transformation du Commandement des forces terrestres, s’est réorganisé pour répondre aux évolutions du contexte, aux ambitions de l’armée de Terre dans les trois espaces stratégiques et aux défis que posent la profondeur opérative du champ de bataille. Il exerce par délégation du chef d’État-major des armées (CEMA) le commandement sur les opérations terrestres en Europe. En poursuivant la montée en gamme de l’entraînement, il garantira pour 2027 la capacité des forces opérationnelles terrestres (FOT) à générer une division apte à la haute intensité dans les délais de réactivité attendue, tout en préparant le corps d’armée en 2030.
• Innover : créé en 2023, le commandement du combat futur (CCF) se constitue, après une phase de préfiguration, par la transformation du Centre de doctrine et d’enseignement du commandement (CDEC) et par l’intégration d’une chaîne de l’innovation et de l’expérimentation consolidée. Le CCF favorise l’accélération de la transformation de l’armée de Terre, rendue nécessaire par le changement de rythme de l’innovation et de la conflictualité. Il a pour mission d’animer la réflexion sur le combat futur et de proposer des approches innovantes dans les dimensions doctrinale, capacitaire et organisationnelle, en appuyant l’effort sur les enseignements technico-opérationnels afin d’initier les adaptations dans les forces.
De surcroît, les commandements divisionnaires spécialisés issus du modèle Au Contact (système d’information et de communication, renseignement, logistique, maintenance) sont transformés pour créer des commandements orientés vers des missions particulières (le Commandement du numérique et du cyber (CTNC) pour le numérique et le cyber, le Commandement des actions dans la profondeur (CAPR) pour les actions dans la profondeur et renseignement, le Commandement de l’appui et de la logistique de théâtre (CALT) pour l’appui logistique terrestre) ainsi que des États-majors de brigade équivalents à ceux de nos partenaires de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) (artillerie, génie, renseignement). Dans le même temps, les écoles des fonctions opérationnelles, ainsi que l’enseignement militaire supérieur Terre seront rassemblés avec les écoles de formation initiale dans un commandement de la formation rattaché à la DRHAT.
Source : Ministère des armées en réponse au questionnaire budgétaire.
C. Une modernisation capacitaire qui progresse malgré des lacunes persistantes
1. Les livraisons et commandes d’équipements contribuent à la modernisation capacitaire de l’armée de Terre, bien que son rythme soit retardé en raison des choix effectués dans la LPM 2024-2030
En 2024, les forces terrestres devraient principalement bénéficier de la livraison de 33 véhicules blindés Jaguar, de 138 Griffons, de 103 Serval mais également de 1 350 équipements radio CONTACT et de 8 premiers véhicules blindés mortiers embarqués pour l’appui au contact (MEPAC). Il est néanmoins à noter que lors des auditions, il a été signalé à votre rapporteure que les livraisons escomptées des premiers MEPAC pourraient être réduites en raison de difficultés industrielles. Au-delà du programme SCORPION, les forces terrestres ont bénéficié de 21 chars Leclerc rénovés, de 12 CAESAR, de deux hélicoptères NH90, de cinq hélicoptères TIGRE au standard appui destruction (HAD) et d’un hélicoptère Caracal, mais également de 8 000 fusils d’assaut HK 416 et de 90 récepteurs P3TS ([2]) (Plug and Play Positioning and Timing System).
Parallèlement, les premières munitions télé-opérées (MTO) courte portée (PEM Drones de contact) devraient arriver dès 2024, avec la livraison de 20 MTO courte portée OSKAR en octobre 2024 afin de permettre à la section technique de l’armée de Terre (STAT) d’en effectuer l’expérimentation. Dans un marché signé avec KNDS-DELAIR, 460 MTO CP et 115 stations sol seront livrées à partir de juillet 2025.
S’agissant des commandes, l’année 2024 a été marquée par la commande de 45 véhicules blindés Jaguar, de 253 Griffons, de 97 Serval. Au-delà du programme SCORPION, 100 chars Leclerc rénovés ont été commandés, ainsi que 8 000 fusils d’assaut HK 416.
● L’année 2025 sera marquée par des livraisons importantes mais peu de commandes. L’armée de Terre devrait atteindre néanmoins 45 % de la cible modernisation Scorpion fin 2025, contre 35 % attendue fin 2024.
En 2025, les forces terrestres devraient obtenir la livraison de 33 véhicules blindés Jaguar, de 162 Griffons, de 103 Serval mais également de 10 véhicules blindés mortiers embarqués pour l’appui au contact (MEPAC). Au-delà du programme SCORPION, les forces terrestres bénéficieront de 21 chars Leclerc rénovés, de six hélicoptères TIGRE au standard appui destruction (HAD), mais également de 8 000 fusils d’assaut HK 416 et d’un lot missile moyenne portée (MMP).
S’agissant des commandes, l’année 2025 sera marquée par la commande de 8 000 fusils d’assaut HK 416 et d’un lot de missile MMP.
Enfin, il convient de noter que plusieurs nouveaux programmes à effet majeur (PEM) ont été créés depuis 2024 au profit des forces terrestres au sein du programme 146. Il s’agit notamment du programme SYFRALL ; du programme frappe longue portée terrestre (FLP-T), qui vise à acquérir la capacité de frappe longue portée terrestre qui succédera au lance-roquette unitaire (LRU) ; du programme drones de contact, qui a pour objet l’acquisition de capacités de petits, mini et microdrones, y compris de munitions téléopérées, et du programme « robotisation du combat terrestre », qui prévoit la poursuite et l’intensification de la dynamique de développement des capacités robotisées terrestres.
* À noter que la cible Serval figurant dans le tableau transmis par le ministère des Armées diffère de la cible figurant dans la LPM 2024-2030 (1 405) car le tableau n’inclut pas les « Serval appui SCORPION » issus du programme Véhicule léger tactique polyvalent protégé (VLTP).
Source : ministère des Armée, en réponse au questionnaire budgétaire.
● Les véhicules Scorpion livrés donnent globalement satisfaction.
La majorité des versions du Griffon a été livrée aux forces et les engins sont soit en service, soit en évaluation. Ainsi, la version Griffon sanitaire (SAN) commence à équiper les forces, alors que les véhicules blindés mortiers embarqués pour l’appui au contact (MEPAC) sont en cours d’essai pour un déploiement dans les unités en 2025. Pour mémoire, le Griffon se distingue du véhicule de l’avant-blindé (VAB) auquel il succède par une meilleure protection (balistique, contre les mines et les engins explosifs improvisés), des capacités d’agression et d’observation accrues (tourelleau téléopéré), une plus grande mobilité et une ergonomie adaptée à l’emploi opérationnel.
Après la projection d’un premier groupement tactique interarmes (GTIA) équipé de 35 véhicules Scorpion au second semestre 2021 dans la bande sahélo-saharienne, dont le retour était très satisfaisant, des Griffons ont également été projetés dans le cadre de l’opération LYNX en Estonie. Ce déploiement a une nouvelle fois confirmé que le SICS et le Griffon répondaient au besoin opérationnel de l’armée de Terre. Pour mémoire, le système d’information du combat Scorpion (SICS) se distingue par son ergonomie permettant une utilisation simplifiée. Il intègre une première capacité de géolocalisation amie (GLA) et d’échange d’informations, apportant une véritable plus-value opérationnelle. Fonctionnant pour l’instant avec le poste radio de 4e génération (PR4G), les développements en cours portent sur l’intégration du SICS sur la nouvelle radio CONTACT. Le Griffon véhicule d’Observation de l’Artillerie (VOA) commence également à être déployé dans les forces (3e régiment d’artillerie de marine (RAMa) et les premiers retours sont également très positifs. Les capacités d’observation et l’ergonomie du véhicule devraient apporter un gain opérationnel significatif aux équipes d’observation de l’artillerie.
Le Jaguar est quant à lui un véhicule blindé médian de la gamme des 25 tonnes, équipé d’un canon de 40 mm et de missiles moyenne portée (MMP). Successeur de l’AMX10RCR et du VAB Méphisto, il a vocation à équiper les unités de cavalerie. Il doit profondément améliorer les capacités de combat des AMX 10 RCR (protection, mobilité, tir en mouvement, tir de missiles à 4 000 m). Toutefois, en 2021, dans le cadre du pilotage du programme, il a été acté que le développement du Jaguar serait incrémental avec trois standards successifs. Si le premier standard a été livré, le second est en cours d’évaluation et pourrait équiper les unités à compter de 2025. Le troisième standard, opérationnel, du Jaguar devrait être livré à partir de 2026, ce qui permettra de reprendre les missions aujourd’hui assignées à l’AMX 10 RCR. Le 1er régiment étranger de cavalerie (1er REC), premier régiment Jaguar, a néanmoins commencé sa transformation début 2022. Fin 2023, une brigade interarmes (BIA) équipée SCORPION a également été mise sur pied dans le cadre d’une expérimentation tactico-opérationnelle (EXTO), permettant notamment un premier déploiement du Jaguar sur le terrain dans sa version initiale.
Enfin, le véhicule Serval, bénéficie d’un rythme livraison maintenant bien établi et deux premiers régiments ont débuté leur transformation en 2023. Les premiers Servals ont été livrés au 3e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (RPIMa) en mars 2023, permettant d’équiper les deux premiers régiments de brigades légères (3e RPIMa et 7e bataillon de chasseurs alpins (BCA). Sa mobilité est particulièrement appréciée par les utilisateurs des régiments dotés. 266 Serval devraient être réceptionnés fin 2024. Selon les informations fournies en réponse au questionnaire budgétaire, le Serval est déployé à Djibouti et en Estonie au second semestre 2024.
Le programme Scorpion prévoit également la modernisation des fonctions appui et reconnaissance à travers l’acquisition du véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE), successeur du véhicule blindé léger (VBL) et l’engin blindé du génie combat (l’EGC), successeur de l’engin blindé du génie (l’EBG). À terme, il se traduira également par la rénovation du véhicule blindé du combat d’infanterie (VBCI).
● Toutefois, le décalage du programme SCORPION affecte directement le rythme de la modernisation de l’armée de Terre. Si la modernisation capacitaire de l’armée de Terre se poursuit en 2024, portée par la transformation SCORPION, son rythme est ralenti par le recadencement des cibles inscrit dans la LPM 2024-2030. L’armée de Terre devrait atteindre 35 % de la cible Scorpion fin 2024 et 45 % fin 2025. Ainsi, seulement 80 % de la cible de modernisation devrait être atteinte en 2030, sous réserve du respect de la trajectoire prévue.
Pour mémoire la loi programmation militaire prévoit une cible de 238 Jaguar en 2030, 1 437 Griffons et 1 405 Serval. 62 Jaguar, 381 Griffon sont ainsi décalés post LPM 24-30. Par ailleurs, 160 chars Leclerc seront rénovés à l’horizon 2030, soit un décalage de 40 chars par rapport à la cible initiale. La rénovation consistera principalement en une pérennisation de leur motorisation, une meilleure protection, une connectivité modernisée (intégration dans la bulle Scorpion) et de nouveaux viseurs. S’agissant de l’aviation légère de l’armée de Terre, la LPM 2024-2030 prévoit une flotte de 67 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque (HRA) Tigre et au moins 105 hélicoptères de manœuvre et d’assaut (HMA) d’ici 2030.
Le recadencement de la rénovation des chars Leclerc s’effectuera sans difficulté majeure. Néanmoins, selon les informations contenues dans le rapport article 9 sur l’exécution de la LPM, seuls 13 Leclerc rénovés étaient en parc fin 2023 sur les 19 inscrits dans le rapport annexé de la LPM. Il est précisé que « la rénovation du char a fait l’objet d’un ajustement pour traiter de nouvelles obsolescences (viseur notamment) sans remise en cause de la cible à terminaison. » La coexistence entre chars Leclerc et chars Leclerc rénovés se poursuivra donc au-delà de 2030 avec un objectif d’homogénéisation au sein des unités. Selon les informations fournies à votre rapporteure, l’opération de pérennisation représenterait un coût de 202 millions d’euros sur la période 2024-2025, soit près de 882 millions d’euros estimés sur la période de la LPM 2024-2030. Une remotorisation a été étudiée, mais l’impact du coût de cette option était trop important pour pouvoir être supporté dans le budget de la rénovation. Les armées et la DGA se sont orientées sur une autre solution, moins onéreuse et permettant néanmoins de maintenir le char Leclerc à niveau jusqu’à l’arrivée de son successeur. L’étalement dans le temps aura pour effet bénéfique de réduire le parc immobilisé. Les chars non rénovés continuent de participer à l’accomplissement du contrat opérationnel.
● Des surcoûts en termes de maintien en condition opérationnelle (MCO) sont associés au maintien en service prolongé de parcs plus anciens dans l’attente de la livraison des nouveaux matériels Scorpion. En effet, au-delà des conséquences opérationnelles du recadencement des cibles SCORPION, le décalage dans le temps des cibles engendrera mécaniquement la prolongation de certains matériels d’ancienne génération en compensation. Le coût du MCO terrestre augmentera par l’effet cumulatif de la livraison progressive d’équipements de dernière génération et du maintien des parcs anciens dont le soutien s’avère de plus en plus coûteux, générant une « baignoire des coûts ».
La difficulté du prolongement des matériels d’ancienne génération réside essentiellement dans la gestion des obsolescences, pour des parcs dont les principales rechanges réparables ne sont plus produites par l’industrie. Le maintien en service de ces matériels impose un effort constant de régénération des rechanges réparables. Selon les informations fournies à votre rapporteure en réponse à son questionnaire budgétaire, afin de prolonger l’utilisation des VAB, il est planifié d’en étendre l’activité jusqu’en 2030 (au lieu de 2028), occasionnant un surcoût de 80 millions d’euros. Pour l’AMX 10 RCR, le surcoût est de l’ordre de 30 millions d’euros. L’armée de Terre connaitra ainsi la prolongation d’un emploi concomitant de matériels d’ancienne et de nouvelle génération qui peut s’avérer de plus en plus problématique à mesure qu’il est amené à perdurer.
Enfin, le MCO des matériels Scorpion constitue, par ailleurs, un point d’attention important car les contrats initiaux conclus par la direction générale de l’armement (DGA) ne comprennent pas de stocks de pièces de rechange.
● À terme, l’armée de Terre poursuit sa transformation avec les programmes Titan (comprenant notamment la « scorpionisation » de l’hélicoptère Tigre et la préparation du successeur du char Leclerc) et Vulcain (robotisation tactique).
● Pour mémoire, les nouvelles priorités de la LPM 2024-2030, s’articulaient principalement autour de cinq axes :
– La défense sol-air (5 milliards d’euros de besoins programmés)
– Les drones et les robots (5 milliards d’euros de besoins programmés)
– Les munitions (16 milliards d’euros de besoins programmés)
– Le cyber (4 milliards d’euros de besoins programmés)
– Le renseignement (5 milliards d’euros de besoins programmés)
En matière de défense sol-air (DSA), avec 250 millions d’euros consacrés en 2024, l’armée de Terre devrait bénéficier principalement de l’effort consenti dans le domaine de la lutte anti-drone (LAD) et de la défense surface air-basse couche (DSA-BC). Des lots de missiles MISTRAL M3, seront livrés dès 2024. L’armée de Terre recevra durant la LPM 2024-2030 différentes capacités LAD complémentaires, notamment des systèmes de protection de site PARADE, un complément de fusils brouilleurs ainsi que 12 premiers SERVAL appui SCORPION LAD qui devraient être équipés d’un tourelleau armé d’un canon antiaérien.
S’agissant des drones et des robots, 400 millions d’euros y seront consacrés dès 2024. Au titre du programme « système de drones tactiques » (SDT), l’armée de Terre recevra des drones tactiques. Selon les informations fournies à votre rapporteur, l’option d’un armement accéléré est à l’étude. La LPM 2024-2030 prévoit par ailleurs la livraison d’au moins 1 800 munitions télé-opérées (MTO). Enfin, dans le domaine des drones terrestres (appelés robots), l’armée de Terre poursuivra sur la voie d’une première capacité de robots armés.
S’agissant des munitions, qui bénéficieront d’un effort marqué à hauteur de 1,5 milliard d’euros dès 2024, l’armée de Terre bénéficiera de la livraison de missiles MISTRAL et MMP, des obus de 40 mm pour JAGUAR et des munitions de petits calibres. Des missiles Hellfire seront également commandés pour pérenniser la capacité de frappe des hélicoptères Tigre. Selon les informations fournies à votre rapporteur, cet effort global permettra de satisfaire les besoins de préparation opérationnelle et d’amorcer une remontée des stocks.
Concernant le cyber, avec 300 millions d’euros qui y seront consacrés en 2024, le programme à effet majeur cyber poursuivra la réalisation de capacités communes au profit de l’ensemble des armées et leur permettra de développer des capacités tactiques (sonde générique de lutte informatique défensive (LID) embarquée). Votre rapporteur tient dans ce domaine à saluer l’action du commandement de la cyberdéfense (COMCYBER) et de l’agence d’innovation de défense en matière d’innovation de cyber.
Enfin, concernant le renseignement, 500 millions d’euros y seront consacrés dès 2024. En complément des capacités stratégiques (renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) Strat 44e Régiment des transmissions) et des moyens humains, la capacité de renseignement technique des forces terrestres bénéficiera des programmes d’armement précédemment lancés qui entrent dans une phase de livraison durant la période 2024-2030. À ce titre, le renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) sera assuré par des capacités au sol telles que des cellules ROEM tactiques et par des charges utiles embarquées sur le système de drone tactique « Patroller » (SDT). Le renseignement d’origine image reposera notamment sur une trame complète de drones, depuis les nano drones jusqu’au SDT armé à compter de 2026.
Source : M. François Cormier-Bouligeon, avis budgétaire sur le PLF 2024.
2. Des lacunes capacitaires persistantes
L’armée de Terre connait des lacunes capacitaires persistantes qui doivent constituer autant d’axes d’efforts. Même si ces lacunes ont été dans leur majorité bien identifiées par la LPM 2024-2030, le contexte stratégique dégradé plaide pour une accélération de leur résorption.
● En particulier, l’exercice majeur ORION 2023, auquel le précédent rapporteur, M. François Cormier-Bouligeon, avait consacré la partie thématique de son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2024, avait mis en exergue l’urgence de renforcer cinq domaines capacitaires qui restent aujourd’hui à consolider : systèmes de commandement intégrateurs, appui génie, soutien logistique, défense sol-air et feux dans la profondeur.
Concernant les systèmes d’information et plus largement l’enjeu de la connectivité, si ce segment est en cours de renouvellement des difficultés de fonctionnement persistent. Elles concernent en particulier, le système d’information de commandement et de contrôle des armées (SIAC2), système d’information devant armer les postes de commandement (PC) des niveaux division et brigade. ORION 2023 a mis en évidence la nécessité de mettre en œuvre, au profit des états-majors, des postes de commandement plus mobiles et mieux protégés, des systèmes d’information et de communication (SIC) offrant une connectivité et une interopérabilité accrues, y compris avec les alliés. Ils constituent en effet un prérequis indispensable au combat collaboratif. Suite aux difficultés rencontrées lors de l’expérimentation technico-opérationnelle BIA23 en 2023 et à la mise en place d’une « Task Force remédiation » à laquelle participent les industriels, la DGA et l’armée de Terre, c’est finalement fin 2024 que sera choisi, en fonction des performances du SIA-C2 et de sa stabilité, le système d’information des niveaux hauts pour la prise d’alerte ARF (Allied Reaction Force) 2026, puis pour ORION 2026.
Concernant les capacités du génie, les faiblesses du génie touchent principalement le brêchage, la dépollution de zone, le franchissement, l’appui à la mobilité et la contre-mobilité. Les décisions prises en LPM sur la remontée en puissance des capacités du génie pour la haute intensité sont confortées par le retour d’expérience de la guerre en Ukraine. Néanmoins, la remontée en puissance nécessitera du temps pour produire la totalité de ses effets. La période 2024-2025 devrait connaitre l’amorce d’importantes livraisons ou de notifications de marchés pour atténuer progressivement ces faiblesses concernant notamment le brêchage mécanique, notification en 2024 du marché et livraison dès 2026, la dépollution de zone (livraison fin 2024-2025 de 10 système de dépollution et de déminage de zone) et le franchissement (notification en 2025 du marché SYFRALL pour des livraisons dès 2027). Certains matériels vont être commandés et livrés après 2024, c’est notamment le cas des engins du génie de combat (EGC) avec de premières commandes en 2026.
Concernant les capacités de mobilité et de logistique, la situation capacitaire des véhicules logistiques demeure toujours dégradée, bien que prise en compte. Sur 2024-2025, les dispositions engagées pour atténuer les difficultés concernent notamment les ambulances (livraison des premiers VLTP NP version sanitaire en 2025). En revanche, le programme flotte tactique et logistique terrestre (FTLT) ne portera ses fruits qu’à partir de 2027 (301 camions citernes, 120 porte-engins blindés PEB, 1 100 PL 6 tonnes, 80 PPLD). Pour combler les manques avant l’arrivée des livraisons du programme FTLT, des équipements sont acquis sur étagère notamment des véhicules logistiques civils, des porte-engins blindés (PEB) civils, des véhicules de gamme commerciale (pour les besoins logistique métropole et outre-mer). Certains matériels vont être commandés et livrés après 2024 : les véhicules 6 tonnes du programme flotte tactique et logistique terrestre (premières commandes en 2025 (1 110) ; les engins porte-blindés de nouvelle génération (PEB NG) du programme FTLT seront commandés à compter de 2026 (première commande de 100 véhicules).
Concernant les services de soutien, l’armée de Terre réalise avec eux de nombreux et réguliers exercices de mise en tension des chaines logistiques dans le cadre de l’hypothèse d’engagement majeur (HEM), sous forme de « serious game », en exercice simulé et sur le terrain, à l’instar du prochain déploiement d’une brigade blindée en Roumanie pour DACIAN SPRING 25. Ces exercices permettent de mettre en exergue les avancées réalisées depuis ORION 2023 et les axes d’amélioration encore présents.
Concernant la défense sol-air, le comblement de la réduction temporaire de capacité en la matière débute et l’armée de Terre initie en parallèle la montée en puissance de sa capacité de lutte anti-drone avec des commandes de munitions Mistral ou encore la livraison attendue de fusils brouilleurs. L’armée de Terre bénéficiera principalement d’un effort consenti sur les programmes à effet majeur (PEM) de la Lutte Anti-Drone avec l’acquisition de capacités complémentaires comme le système de protection de site PARADE dès 2025. Quant au PEM défense surface air-basse couche (DSA-BC), les missiles MISTRAL M3 ont été livrés dès 2024. En matière de frappes dans la profondeur, le successeur du lance-roquette-unitaire constitue une priorité comme votre rapporteure le développe plus loin dans ses points d’attention sur le PLF 2025.
● Par ailleurs, votre rapporteure souhaite insister sur deux axes d’efforts complémentaires que sont d’une part, la reconstitution des stocks de munitions et d’autre part, l’accélération de la « dronisation » de l’armée de Terre.
D’une part, le niveau des stocks de munitions demeure limité malgré des efforts pour la remontée en puissance, notamment le niveau de stocks de munitions d’artillerie (obus de 155 mm), problématique accentuée par les cessions à l’Ukraine. Votre rapporteure se réjouit néanmoins que les munitions fassent l’objet d’une priorisation renforcée lors des travaux annuels d’ajustement de la programmation militaire (A2PM). Selon les informations figurant dans le rapport article 10 de la LPM, le ministère des armées a décidé de « cibler les munitions répondant au mieux aux enjeux actuels et futurs dans le contexte de la guerre en Ukraine, d’accélérer la remontée des stocks en cohérence avec les capacités de production de la BITD et d’atteindre les cibles répondant aux besoins de soutien des partenaires et aux hypothèses d’engagement. » Concrètement, cela devrait notamment se traduire sur la période 2025-2027 par des commandes supplémentaires et une accélération de la production de munitions d’obus de 155 mm ainsi que des efforts supplémentaires en matière de LAD (commandes anticipées d’armes à énergie dirigée, accélération du Serval LAD équipé d’un canon de 30 mm, accélération des capacités anti-aériennes de 40 mm).
D’autre part, votre rapporteure plaide pour l’accélération de la dronisation des forces terrestres, face à la transparence croissante du champ de bataille. Il lui semble impératif de poursuivre le renouvellement de la trame drone et d’intensifier les efforts visant à simplifier les modes d’acquisition. Néanmoins, selon les données figurant dans le rapport sur l’exécution de la LPM (rapport article 9), le système de drones tactiques Patroller (SDT) fait l’objet de retards imputables à des difficultés industrielles (crash lors des essais en vol) et à la crise sanitaire. La cible a été revue à la baisse au bénéfice du système de drone tactique léger (SDTL), plus souple d’emploi, dont le premier exemplaire est attendu d’ici 2025.
II. Des crédits stables en 2025, qui permettront de couvrir le strict nécessaire pour les forces terrestres
A. Des crédits stables sous réserve de la levée des incertitudes relatives à la fin de gestion 2024
Selon les informations fournies par le major général de l’armée de Terre, les ressources présentées au PLF25 (quasi-stables par rapport à 2024) permettront globalement l’atteinte des objectifs fixés par la LPM 2024-2030.
Les crédits proposés en PLF 2025 permettront de préserver le niveau d’activité des forces terrestres par rapport à la LFI 2024. Ils contribueront, par ailleurs, à la poursuite de la mise en œuvre de la transformation de l’armée de Terre et au renforcement qualitatif de l’entraînement.
Les motifs de préoccupation portent essentiellement sur la concrétisation des ressources attendues fin 2024.
1. Présentation générale des crédits du programme 178 au bénéfice de l’armée de Terre : des crédits stables qui permettront de couvrir les besoins de l’armée de Terre
Au sein du programme 178 « préparation et emploi des forces », les crédits alloués à l’armée de Terre sont inscrits à l’action 2 « Préparation des forces terrestres », qui compte cinq sous-actions.
Dans le PLF 2025, 14,3 milliards d’euros sont affectés au programme 178 « Préparation et emploi des forces », dont près de 2,2 milliards d’euros en crédits de paiement pour l’action « préparation des forces terrestres », soit une hausse de 0,78 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. En revanche, s’agissant des autorisations d’engagement, le projet de budget retrace une baisse de 3,65 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 (LFI 2024).
Selon les informations transmises à votre rapporteure en réponse à son questionnaire budgétaire :
– S’agissant de la sous-action 1 « Commandement et activités des forces terrestres » : l’augmentation des crédits en autorisations d’engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP) (+11 %) permet de couvrir les besoins nécessaires à la préparation des forces opérationnelles terrestres : entraînement en métropole, grands exercices internationaux avec les partenaires alliés, missions opérationnelles hors flanc Est.
– S’agissant de la sous-action 5 « Ressources humaines des forces terrestres » : l’augmentation de la dotation en AE (+9 %) et en CP (+13 %) vise d’une part, à faire face au renchérissement des déplacements et des déménagements, et, d’autre part, à amplifier l’effort réalisé au profit des actions de recrutement et améliorer l’offre de formation.
– S’agissant de la sous-action 7 « Maintien en condition opérationnelle du matériel des forces terrestres » : le montant de CP reste stable par rapport à la LFI 2024 et permet de conforter l’activité tout en assurant la transition entre les parcs d’ancienne et de nouvelle génération (poursuite de la transition capacitaire de l’armée de Terre : effort GRIFFON et JAGUAR). Après un niveau d’engagement singulièrement élevé en 2024 au titre de la verticalisation des contrats de MCO aéronautique (TIGRE notamment), le niveau d’AE est en baisse (- 4 %) au PLF 2025.
– S’agissant de la sous-action 8 « Environnement opérationnel des forces terrestres » : le montant d’AE diminue de 31 % par rapport à la LFI 2024, le niveau de 2024 étant lié à l’engagement d’un marché pluriannuel d’acquisition de munitions de mortier de 120 mm.
– En dernier lieu, s’agissant de la sous-action 11 « Infrastructures terrestres » : l’évolution à la baisse (-13 %) du niveau de CP entre la LFI 2024 et le PLF 2025 est décrite comme conforme à la trajectoire de la LPM. Le montant d’AE permettra notamment un engagement important sur le programme de modernisation de l’entrepôt central de la logistique du MCO terrestre, la construction d’infrastructures nécessaires à l’accueil des futurs hélicoptères GUEPARD et la poursuite de l’amélioration des espaces d’entraînement.
CrÉdits de l’action 2 « PrÉparation des forces Terrestres » du programme 178 pour 2025 par sous-actionS (en millions d’euros)
S/Action |
Rubrique |
AE |
AE PLF 2025 |
Évolution en % |
CP |
CP PLF 2025 |
Évolution en % |
SA 02-01 |
Commandement et activités des forces terrestres |
226 |
250 |
11 % |
216 |
241 |
11 % |
SA 02-05 |
Ressources humaines des forces terrestres |
129 |
140 |
9 % |
122 |
138 |
13 % |
SA 02-07 |
MCO du matériel des forces terrestres |
1 868 |
1 800 |
-4 % |
1 470 |
1 465 |
0 % |
SA 02-08 |
Environnement opérationnel des forces terrestres |
378 |
263 |
-31 % |
261 |
259 |
-1 % |
SA 02-11 |
Infrastructures terrestres |
261 |
304 |
17 % |
124 |
108 |
-13 % |
TOTAL |
2 862 |
2 757 |
-4 % |
2 194 |
2 211 |
1 % |
Source : PAP 2025.
2. Présentation par nature et par opération stratégique
Les ressources affectées à l’armée de Terre nécessitent une analyse plus fine du détail des dépenses par titre et par opérations stratégiques.
a. Les crédits ventilés par titre
Évolution des ressources pour l’armÉe de terre prÉvues en loi de finances initiale et exÉCUTÉes par titre depuis 2022
Autorisations d’engagement (en millions d’euros)
Catégorie de dépense |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
Évolution PLF 2025/LFI 2024 |
||
Prévues en LFI |
Exécutées |
Prévues en LFI |
Exécutées |
Prévues en LFI |
PLF |
(en %) |
|
|
|||||||
titre 2* |
7 276,2 |
7 422 |
7 805,2 |
7 757 |
8 077 |
8 143 |
1 % |
titre 3 |
2 943,4 |
2 900 |
1 505,2 |
2 252 |
2 423 |
2 309 |
-5 % |
titre 5 |
190,1 |
165 |
415,7 |
412 |
434 |
441 |
2 % |
titre 6 |
4,7 |
7 |
4,7 |
6 |
5 |
8 |
60 % |
TOTAL HT2 |
3 138,3 |
3 072 |
1 925,7 |
2 670 |
2 862 |
2 757 |
-4 % |
TOTAL |
10 414,4 |
10 494 |
9 730,9 |
10 602 |
10 939 |
10 900 |
0 % |
Catégorie de dépense |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
Évolution PLF 2025/LFI 2024 (en %) |
||
Prévues en LFI |
Exécutées |
Prévues en LFI |
Exécution |
Prévues en LFI |
PLF |
||
titre 2* |
7 276,2 |
7 422 |
7 805,2 |
7 757 |
8 077 |
8 143 |
1 % |
titre 3 |
1 445,8 |
2 079 |
1 643,4 |
2 104 |
1 901 |
1 976 |
4 % |
titre 5 |
219,7 |
169 |
235,1 |
204 |
288 |
227 |
-21 % |
titre 6 |
4,7 |
5 |
4,7 |
8 |
5 |
8 |
60 % |
TOTAL HT2 |
1 670,2 |
2 253 |
1 883,2 |
2 316 |
2 194 |
2 211 |
1 % |
TOTAL |
8 946,4 |
9 675 |
9 688,5 |
10 073 |
10 271 |
10 354 |
1 % |
Crédits de paiement (en millions d’euros)
(*) Titre 2 : dépenses de personnel. Les sommes inscrites en loi de finances depuis 2015 correspondent à celles de l’action 55 « Préparation des forces terrestres – Personnels travaillant pour le programme “Préparation et emploi des forces” » du programme 212 « Soutien de la politique de la défense », compte d’affectation spéciale Pension compris. Titre 3 : dépenses de fonctionnement. Titre 5 : dépenses d’investissement. Titre 6 : dépenses d’intervention. LFI : loi de finances initiale. PLF : projet de loi de finances.
Source : réponses du ministère des Armées aux questions du rapporteur pour avis, octobre 2024.
La relative stabilité des crédits du budget de l’armée de Terre masque des évolutions contrastées.
– Les dépenses de personnel (titre 2) demeurent relativement stables en AE comme en CP (+1%).
– En revanche, le montant des dépenses de fonctionnement (titre 3) connait une baisse de 5 % en AE, liée au moindre besoin enregistré pour la verticalisation des contrats d’entretien programmé du matériel aéroterrestre (EPM). La légère progression des CP du titre 3 permettra néanmoins le financement de l’activité par équipage d’hélicoptère, ainsi que la hausse d’activité sur les équipements de nouvelle génération (Griffon et Jaguar).
– Pour les dépenses d’investissement (titre 5), la baisse constatée des crédits de paiement (-21 %) s’explique par la diminution des crédits d’infrastructures par rapport à la LFI 2024 conformément à la trajectoire de la loi de programmation militaire 2024-2030, et des crédits alloués aux équipements d’accompagnement et de cohérence.
– À l’inverse, les dépenses d’intervention (titre 6) connaissent une augmentation significative de 60 % en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). L’augmentation s’explique par le financement en 2025 d’une subvention dans le cadre de la dotation initiale de la « fondation armée de Terre » à hauteur de 3 millions d’euros. La Fondation Armée de Terre est une Fondation reconnue d’utilité publique qui œuvre pour développer le lien « Armée-Nation » et l’esprit d’engagement de la jeunesse
b. Les crédits ventilés par opération stratégique
ÉVOLUTION DES RESSOURCES PILOTÉES PAR L’ÉTAT-MAJOR DE L’ARMÉE DE TERRE, VENTILÉES PAR OPÉRATION STRATÉGIQUE (OS)
(en millions d’euros de crédits de paiement)
Opération stratégique** |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
Évolution N +1/N* |
||
LFI |
Exécution |
LFI |
Exécution |
LFI |
PLF |
(en %) |
|
AOP |
183 |
232 |
199 |
317 |
217 |
258 |
19 % |
FAS |
121 |
138 |
124 |
150,6 |
133 |
147 |
10 % |
EAC |
236 |
218 |
244 |
395,5 |
261 |
248 |
-5 % |
EPM |
1 044 |
1 553 |
1 228 |
1 382,5 |
1 458 |
1 451 |
-0,5 % |
dont EPM-Terre |
621 |
856 |
793 |
850,6 |
914 |
882 |
-3,5 % |
dont EPM-Aéro |
417 |
691 |
429 |
525,3 |
537 |
561 |
4,5 % |
dont EPM-Naval |
6 |
7 |
6 |
6,6 |
7 |
7 |
2,1 % |
Infrastructures |
86 |
115 |
88 |
69 |
124 |
108 |
-13,2 % |
TOTAL |
1 670 |
2 254 |
1 883 |
2 315 |
2 194 |
2 211 |
0,8 % |
(*) Les taux d’évolution sont calculés sur les montants exacts, et non sur les montants arrondis.
(**) AOP : activités opérationnelles et préparation. FAS : fonctionnement et activités spécifiques. EAC : équipements d’accompagnement et de cohérence. EPM : entretien programmé des matériels.
Source : réponses du ministère des Armées aux questions du rapporteur pour avis, octobre 2024.
Si en autorisations d’engagement (AE), le budget diminue par rapport à une année 2024 marquée par de très importants engagements pluriannuels (marché de soutien TIGRE, munitions Mo120 mm), selon les informations fournies, il permettra néanmoins de réaliser les priorités de l’armée de Terre, notamment engagement majeur pour le programme VIPEROPS (modernisation de l’entrepôt central de la logistique du maintien en condition terrestre).
Deux priorités de l’armée de Terre feront l’objet d’un effort particulier en 2025 :
– D’une part, la préservation de l’activité opérationnelle, avec une participation accrue aux grands exercices internationaux (WARFIGHTER, STEADFAST) ;
– D’autre part, la consolidation du modèle RH, la formation et la fidélisation (augmentation des formations à École militaire préparatoire technique de Bourges et aux académies militaires de Saint-Cyr Coëtquidan, renforcement des moyens du recrutement).
● Votre rapporteure salue la priorité établie en faveur de l’augmentation de la qualité de la préparation opérationnelle des forces terrestres malgré un niveau d’activité qui demeure stable.
● En effet, les crédits consacrés aux activités opérationnelles (AOP) dans le PLF 2025 connaissent une forte progression (+16 % en AE et +18,9 % en CP par rapport à la LFI 2024). Selon les informations fournies à votre rapporteure en réponse à son questionnaire budgétaire, la hausse des crédits permettra de financer des activités programmées pour préparer d’une part la force opérationnelle terrestre à l’objectif de déploiement simultané de deux brigades interarmes (BIA) françaises et d’une BIA multinationale aux ordres d’une division (SJO 2025), et, d’autre part, à la prise d’alerte d’un échelon divisionnaire au titre du New Force Model (NFM) (exercice STEADFAST DAGGER).
L’augmentation des crédits contribuera à financer l’atteinte des objectifs de préparation opérationnelle de l’armée de Terre, dont le cycle de préparation opérationnelle sera caractérisé par une attention portée à l’entraînement interalliées, à travers la participation à de grands exercices multinationaux à l’étranger, dans le cadre de l’OTAN ou en bilatéral, comme les forces s’y préparent avec les États-Unis pour Capstone ou Warfighter 2025 qui devront permettre de consolider le système divisionnaire en développant l’interopérabilité avec un corps d’armée américain. Le jalon majeur sera la capacité de l’armée de Terre à déployer la brigade multinationale AIGLE en Roumanie à l’occasion de l’exercice de l’OTAN DACIAN SRING. L’année 2025 permettra également de conforter l’interopérabilité bilatérale en réalisation des exercices de signalement stratégique avec des partenaires. La hausse des crédits traduit également l’augmentation des coûts liés aux déplacements du personnel (recours plus important aux voies aériennes commerciales, transport des matériels majeurs de l’armée de Terre par voies terrestre ou ferroviaire dans le cadre des exercices), mais également l’essor des engagements opérationnels hors OPEX et flanc Est, tels que les partenariats militaires opérationnels (PMO) et les détachements d’instruction opérationnelle (DIO) au profit des pays partenaires en Afrique et sur le continent européen. Enfin, s’agissant des carburants opérationnels, le niveau des ressources (73,5 millions d’euros) est en hausse de 2 millions d’euros, tenant compte de l’augmentation prévisible du coût des carburants pour des volumes qui restent globalement stables par rapport à 2024, selon le PAP 2025.
● Les crédits de l’opération stratégique « fonctionnement et activités spécifiques » (FAS) sont en hausse de 8 % en AE et 10,1 % en CP par rapport à la LFI 2024. Cette augmentation tient compte d’une part de l’augmentation du coût des déménagements (revalorisation des plafonds d’indemnisation des frais de déplacement, augmentation du prix des billets d’avion et des prestations des déménageurs), et d’autre part des revalorisations salariales dans le cadre des marchés d’accueil-filtrage-gardiennage des emprises de l’armée de Terre. L’opération stratégique comprend également le financement à hauteur de 3 millions d’euros de la dotation initiale de la Fondation armée de Terre évoquée supra. L’augmentation des crédits tient également compte de la forte mobilisation de la direction des ressources humaines de l’armée de Terre pour réaliser les effectifs, en couvrant les dépenses liées aux actions de recrutement et maintenir les efforts sur la formation et la fidélisation dans les métiers techniques en tension, ainsi que la formation en interne des partenaires étrangers.
● Les crédits d’équipements d’accompagnement et de cohérence (EAC) regroupent les acquisitions de munitions non complexes destinées à la préparation opérationnelle (petits calibres et mortiers), de munitions spécifiques pour les forces spéciales, le financement des besoins du domaine « système d’information et de communication » et les acquisitions de petits équipements (outillage, véhicule spécialisé de la gamme commerciale, matériel du génie), les expérimentations et évaluations de la section technique de l’armée de Terre (STAT) ainsi que les investissements au profit de la préparation opérationnelle dans les domaines de la simulation et la ciblerie des champs de tir.
Alors que les crédits d’EAC avaient connu une forte augmentation depuis 2021, ils s’établissent en 2025 à près de 248 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 5,1 % par rapport à la loi de finances pour 2024. Les AE connaissent également une diminution importante de 32,6 %. Selon le PAP 2025, le différentiel avec le niveau 2024 s’explique notamment par l’engagement du contrat pluriannuel d’acquisition de munitions de mortier 120 mm. Selon le rapport article 10 de la LPM, l’A2PM a conduit le ministère à orienter les efforts en matière d’acquisition de petits équipements de cohérence en faveur du cyber, de la guerre électronique, du partenariat militaire opérationnel, de l’influence et des appuis, en cohérence avec l’accélération de la transformation de l’armée de Terre.
Votre rapporteure sera vigilante à ce que la programmation maintienne un effort constant en faveur des EAC, avec un effort important au profit des munitions qui permettront de couvrir dans l’ensemble les besoins en entraînement des forces terrestres, puis, d’entamer la remontée de certains stocks critiques.
Au global, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit un effort important en faveur des munitions, avec un effort de 1,9Md€ en 2025, en hausse de 400 millions d’euros par rapport à 2024, soit +27 %. L’armée de Terre devrait bénéficier de livraisons de missiles de défense sol-air Mistral, de missiles anti-char moyenne protée (MMP) et anti-char courte portée (NLAW), tandis que 2025 constituera une année importante pour les commandes avec des missiles Mistral supplémentaires, des MMP, des commandes d’obus de 155 mm et 120 mm, des commandes d’obus de 40 mm pour le Jaguar et des munitions de petit calibre.
Dans la lignée des recommandations du précédent avis budgétaire, votre rapporteure sera particulièrement vigilante à ce que ces crédits permettent de combler les lacunes identifiées dans les domaines de l’artillerie, des missiles, roquettes et des munitions pour mortiers et, ainsi, prioriser la reconstitution des stocks guerre d’obus de mortier ainsi que les cartouches et obus de moyen et petit calibres, pour lesquels le besoin est particulièrement prégnant, tandis que les cessions de munitions à l’Ukraine se poursuivent. Lors de son audition devant la commission de la défense, le CEMAT avait également souligné le besoin de reconstituer les munitions concourant à la défense sol-air et les munitions de la trame anti-char. En effet, comme l’a indiqué le CEMAT, la reconstitution des stocks de munitions est au cœur de la crédibilité des armées françaises. Les crédits prévus dans le PLF 2025 doivent ainsi permettre l’équipement d’une brigade interarmes (BIA) dite « bonne de guerre » en 2025 puis de monter en puissance pour être en capacité de projeter une division en 2027 avec également les munitions permettant des actions dans la profondeur tactique. Votre rapporteure salue également l’arrivée des premières livraisons de munitions télé-opérées (MTO) qui viennent compléter la trame de l’armée de Terre, mais certainement pas se substituer au besoin de stocks de munitions plus « traditionnelles », essentielles pour durer.
Enfin, la question des munitions constitue également un enjeu industriel puisqu’il est nécessaire pour nos armées de disposer d’un flux de production permettant non seulement de garantir l’entrainement et la constitution d’un stock suffisant mais surtout de pouvoir monter en gamme rapidement en cas de nécessité. Pour mémoire, de nouveaux schémas contractuels sont mis en place, en particulier des contrats pluriannuels, afin de donner à la BITD les moyens de gagner en réactivité et de sécuriser les approvisionnements. Parallèlement à la mise en place d’un marché pluriannuel d’acquisition de munitions de mortier de 120 mm, une nouvelle opération « munitions gros calibre » a été introduite par la LPM 2024-2030 au sein du programme 146 et couvre l’acquisition de munition d’artillerie de 155 mm au travers d’incréments successifs, ainsi que la mise en place d’un accord-cadre de fourniture de munitions ayant pour vocation de couvrir les besoins France et les besoins de client étrangers.
● S’agissant du maintien en condition opérationnelle (MCO), le montant des crédits d’entretien programmé des matériels (EPM) prévu au PLF 25 demeure relativement stable par rapport à la LFI 2024 (-0,5 %) atteignant 1,45 milliard d’euros en CP. La stabilisation du budget EPM devrait permettre, de préserver, voire d’augmenter légèrement le niveau d’activité terrestre, pour atteindre 71 % en 2025 contre 70 % en 2024.
Pour le milieu terrestre, les ressources allouées à l’EPM sont prépondérantes (70 %) dans le budget opérationnel de programme Terre (BOP). Elles connaissent une légère de diminution en CP (-3,5 %), mais doivent permettre la mise à disposition d’équipements disponibles pour l’entraînement et l’accroissement de la présence outre-mer. En revanche, l’année 2025 se traduira par une augmentation des engagements (+10,4% en AE) qui permettront notamment de financer la poursuite des opérations de pérennisation du char Leclerc (réparation des turbomachines et acquisition d’un stock de fonctionnement des viseurs-tireurs) et la mise en œuvre du nouveau contrat de soutien du VBCI.
Sur le plan qualitatif, la couverture du besoin d’EPM intègre également l’accélération de la transition entre les parcs d’ancienne et de nouvelle génération, conséquence des cessions de matériels à l’Ukraine, avec un effort plus particulier sur l’activité GRIFFON et JAGUAR. Par ailleurs, l’augmentation de 4,5 % en CP sur l’EPM aéroterrestre permettra de préserver le niveau d’activité aéroterrestre en renforçant la part d’entraînement réalisée en hexagone, malgré le désengagement de la bande sahélo-saharienne qui se traduit par une baisse des heures de vol.
Enfin, parallèlement, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) poursuit la renégociation des marchés de soutien et leur restructuration dans l’objectif d’en améliorer l’efficience et de dégager des gains de productivité supplémentaires. La SIMMT finalise actuellement sa nouvelle ambition 2030 en vue d’adapter son fonctionnement aux enjeux de la haute intensité. Conformément aux orientations fixées par la LPM, la SIMMT mène une démarche visant à réévaluer la répartition de la charge de MCO entre les acteurs de la maintenance étatique ou industrielle, à l’aune d’une analyse par parc et dans une logique de recherche d’efficience. Lors des auditions de votre rapporteure, il lui a été signalé que la renégociation des contrats avec les industriels était en cours et serait l’occasion de rechercher à dégager des capacités de financement des stocks de précaution. Au-delà de la réduction des coûts, la SIMMT cherche à accroître le niveau des stocks de pièces de rechange pour passer d’une logique de contrats forfaitaires, orientés vers la performance, à une logique de constitution de stocks.
● S’agissant de l’opération stratégique « infrastructures », la baisse des CP entre 2024 et 2025 (-13,2 %) est conforme à la trajectoire de programmation et de livraison des bâtiments, selon les informations fournies à votre rapporteure. Les autorisations d’engagement sont quant à elle en augmentation (+16,5%) par rapport à 2024, compte tenu de l’engagement d’objets majeurs, notamment l’application pour l’optimisation de la gestion en sécurité des activités d’un espace d’entraînement (APOGEE) ou les opérations liées à l’arrivée de matériels Scorpion.
En particulier, 2025 se traduira par un engagement important en faveur du programme de valorisation de l’infrastructure et de la performance des entrepôts réglementés opérationnels (VIPEROPS) au profit de la 13e base de soutien du matériel à Moulins-sur-Yzeure, qui constitue un projet essentiel pour la modernisation de l’entrepôt central de la logistique du MCO terrestre avec, d’une part, une mise aux normes de l’emprise et l’amélioration de la sécurité des biens et des personnes, et d’autre part, l’accroissement de la performance. Des opérations seront également menées pour permettre de préparer l’arrivée des nouveaux équipements, comme au profit de l’école de l’aviation légère de l’armée de Terre (EALAT Le Luc), en vue de l’arrivée des futurs Hélicoptères Interarmées Légers (HIL) Guépard. Enfin, cinq opérations majeures de maintenance lourde opérationnelle sont programmées en 2025, relatives à des mises aux normes ou à la sécurisation de sites.
3. Des inquiétudes liées à la fin de la gestion 2024
Si votre rapporteure se réjouit du fait que la marche prévue par la LPM 2024-2030 soit respectée, elle souhaite dresser plusieurs points de vigilance afin que ce respect ne soit pas assuré en trompe-l’œil.
● D’importantes incertitudes persistent du point de vue de l’exécution budgétaire 2024 et pourraient compromettre la capacité des forces terrestres à atteindre les objectifs fixés par la programmation. Ces dernières résultent en premier lieu des gels et surgels intervenus au cours de l’année, des surcoûts résultants du fort niveau d’engagement des forces terrestres en opérations – notamment dans le cadre des missions opérationnelles sur le flanc Est de l’Europe, mais également de la poursuite et de l’intensification de la participation des armées au soutien à l’Ukraine, alors que la LPM indiquait que le financement de l’aide à l’Ukraine ne serait pas intégré à la trajectoire prévue « La contribution du ministère à la facilité européenne pour la paix (FEP) et les besoins liés au recomplètement des équipements cédés à l’Ukraine ainsi que les aides à l’acquisition de matériels ou de prestations de défense et de sécurité seront financés en dehors des crédits indiqués par la présente loi de programmation militaire. Ces financements seront assurés en construction budgétaire ou en gestion, en cohérence avec l’évolution du contexte géopolitique et militaire ». En particulier, l’armée de Terre est actuellement en première ligne de ce soutien – entièrement légitime et justifié à notre partenaire ukrainien – à travers la formation d’une brigade dans les camps de Champagne et la poursuite des cessions. Il est impératif que celles-ci continuent à faire l’objet de compensations.
S’agissant du montant des gels et surgels, selon les informations fournies à votre rapporteure, le montant de la réserve de précaution fixé initialement à 5 % des crédits ouverts pour 2024 a été porté à 7 % dès février 2024, tandis qu’un deuxième surgel est intervenu en juillet 2024. Au total, ce sont 277 millions d’euros d’AE et 234 millions d’euros de CP qui ont été gelés pour le BOP Terre, soit près de 9 % des crédits ouverts. Lors de ses auditions, votre rapporteure a été alertée sur le fait que la gestion fin 2024 conditionne aujourd’hui la capacité de l’armée de Terre à exécuter la première année de la LPM et à atteindre ses objectifs en matière d’activité et de préparation opérationnelles, mais également sa capacité à poursuivre sa modernisation capacitaire. En effet, des équipements importants, nécessaires à la cohérence et au pivot de l’armée de Terre doivent encore être commandés en 2024. Cela concerne en particulier les premiers Serval Appui Scorpion (SAS), indispensables pour la mise à niveau des appuis et cruciaux pour la remontée en puissance de la défense sol-air, axe qui figure parmi les priorités de la LPM 2024-2030. Il apparaît donc primordial que l’armée de Terre soit étroitement associée à la gestion dynamique des objets placés en réserve en fin d’exécution budgétaire et que ces crédits soient dégelés.
L’armée de Terre doit faire face aux conséquences budgétaires et opérationnelles induites par la Guerre en Ukraine, tant du point de vue des cessions de matériels, de la formation des soldats ukrainiens, que de la participation aux projections en cours sur le flanc oriental de l’Europe. Dans le cadre du soutien au partenaire ukrainien, les cessions se sont poursuivies à un rythme soutenu en 2024. Si les cessions ont essentiellement un impact sur le programme 146, le programme 178 est néanmoins impacté dans le domaine des munitions et de la préparation du matériel à la cession (notamment défrancisation des CAESAR et modifications des VAB en transport de troupe). Selon les informations fournies à votre rapporteure, le coût des cessions fin 2024 s’élèvera à 2 milliards d’euros en valeur de remplacement (1,8 milliard d’euros sur P146 et 200 millions d’euros sur le P178). Une partie des cessions de 2024 a fait l’objet de remboursements via des recomplètements mais pour autant, des compensations reconnues au titre des cessions restent à financer et s’élèvent à 1 milliard d’euros et font peser un risque sur le respect des échéances (commandes et livraisons) pour les programmes en cours. La trajectoire de la LPM ne pourra dès lors être respectée qu’en vertu de l’application de son article 4.
Par ailleurs, une incertitude persiste sur la prise en compte des surcoûts occasionnés par les missions opérationnelles (MISSOPS) sur le flanc Est et préfinancés par les armées. Ce surcoût, d’un montant similaire à celui décrit dans l’avis budgétaire 2024, doit impérativement faire l’objet d’un remboursement par financement interministériel en fin de gestion au titre de l’article 5 de la LPM pour éviter des renoncements, comme cela a été le cas en 2022 et en 2023.
Votre rapporteure sera donc particulièrement vigilante à ce que ces incertitudes soient levées d’ici la fin de l’année.
B. Les principaux points de vigilance
Si le projet de loi de finances pour 2025 devrait permettre à l’armée de couvrir ses besoins, l’année 2025 sera marquée par deux défis principaux auxquels les forces terrestres devront faire face pour respecter la programmation. Il s’agit de l’amélioration de la disponibilité des matériels, qui demeure encore trop éloignée des normes fixées par la LPM 2024-2030 et de la poursuite de la fidélisation en particulier s’agissant de la revalorisation des grilles indiciaires.
1. Le niveau de disponibilité des matériels et la préparation opérationnelle des forces terrestres doivent être consolidés
L’atteinte des normes d’entraînement déterminées par la LPM demeure, comme l’année dernière, un point d’attention. L’armée de Terre doit en effet faire face à un double défi pour sa préparation opérationnelle : maintenir les savoir-faire sur les matériels les plus exigeants, tout en garantissant la maîtrise des nouveaux équipements.
● Pour mémoire, l’activité recouvre l’engagement de personnels, les heures « moteur » ou de marches générées par les équipements en service dans les armées et des munitions. Elle peut être réalisée en France comme à l’étranger et sous différentes formes (préparation opérationnelle, OPEX, MISSINT, MISSOPS, etc.). Aussi, la préparation opérationnelle est-elle une part de l’activité dédiée à l’entrainement des forces. La préparation opérationnelle, parce qu’elle est le produit d’une combinaison de facteurs (disponibilité des hommes, des matériels, des formateurs et des camps d’entraînement) est logiquement un des résultats les plus difficiles à atteindre. Néanmoins, votre rapporteure souligne son caractère essentiel car au-delà de la préservation de la cohérence de notre modèle d’armée en donnant les moyens aux forces de s’entraîner sur les matériels dont elles disposent, elle constitue également un déterminant important de l’attractivité et de la fidélisation.
● Dans un contexte de durcissement des menaces internationales, il a été décidé que les données relatives à la disponibilité des matériels et à l’atteinte des normes d’entraînement OTAN sur matériel majeur, seraient placées sous la mention « Diffusion restreinte » à compter du PLF 2024. Leur publication, comme d’accoutumée dans le projet annuel de performance, a été en effet considérée comme étant susceptible de fragiliser nos armées. En ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2025, votre rapporteure a pu consulter les réponses placées en diffusion restreinte et a été autorisée à rendre compte des grandes évolutions dans le cadre de son avis budgétaire.
● S’agissant de la préparation opérationnelle, le niveau d’activité a constitué un des points d’attention importants de l’examen parlementaire de la loi de programmation militaire 2024-2030. Les deux chambres se sont accordées sur la nécessité de rehausser la préparation opérationnelle, notamment des forces terrestres, quantitativement dès 2024 et non simplement qualitativement comme cela était prévu dans le projet de loi initial. Or, alors que l’armée de Terre poursuit le renforcement qualitatif de sa préparation opérationnelle à travers la participation à de grands exercices en 2025, force est de constater qu’elle ne connaitra pas véritablement d’augmentation quantitative de celle-ci. Ainsi, l’armée de Terre connaîtra en 2025 une stabilisation de son niveau de d’activité opérationnelle avec une très légère hausse à 71 % de la norme d’activité terrestre de la LPM, contre 70 % en 2024, comme l’a indiqué le CEMAT lors de son audition devant la commission de la Défense. À compter de 2026, le niveau d’activité devrait ensuite commencer à progresser légèrement. L’atteinte de ces taux demeure néanmoins soumise à la compensation en gestion des surcoûts liés à la guerre en Ukraine et à la fin de gestion 2024, comme énoncé supra.
● Les crédits proposés dans le PLF pour 2025 permettront dans l’ensemble de maintenir le niveau d’activité des forces terrestres par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Pour mémoire, la loi de programmation militaire 2024-2030 a refondu la mesure de l’activité autour de quatre indicateurs : les journées d’activité du combattant terrestre, qui viennent remplacer les journées réalisées hors du domicile, le nombre d’heures d’entraînement par équipage de chars et de véhicules blindés, le nombre de coups tirés par équipage de CAESAR à l’entraînement et le nombre d’heures de vol par pilote d’hélicoptère Terre. Ainsi, la cible 2025 de journées d’activité du combattant terrestre s’inscrit dans la continuité par rapport à 2024 et de l’indicateur précédent, en raison du maintien d’un niveau d’engagement important des forces. La légère augmentation du nombre d’heures d’entraînement réalisées par équipage de chars et de véhicules blindés s’explique par une augmentation de l’activité sur les engins Scorpion, en cohérence avec la diminution progressive de l’activité sur les équipements d’ancienne génération (AMX10 RCR, VAB). Le nombre de coups tirés par équipages de CAESAR à l’entraînement devrait demeurer stable jusqu’en 2027 avant de remonter à compter de 2028 grâce à la livraison d’obus supplémentaires. Enfin, concernant le nombre d’heures de vol par pilote d’hélicoptère Terre, après une baisse enregistrée en 2023 à la suite du désengagement de l’opération Barkhane, le nombre d’heures de vol par pilote devrait légèrement augmenter en 2025 avant de se stabiliser.
● L’armée de Terre peine encore à atteindre les objectifs fixés par la LPM, notamment en raison du niveau de disponibilité limité de certains parcs et du fait des difficultés liées à leur soutien. Certains parcs doivent notamment faire face à la coexistence de matériels neufs et de matériels vieillissants, dont le maintien en service a été prolongé.
Le segment char connait une augmentation d’un point de la cible de disponibilité technique en 2025 par rapport à 2024. Cette légère amélioration s’explique par la montée en puissance du parc Jaguar. La disponibilité de l’agrégat engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC) devrait rester stable jusqu’en 2026, puis augmenter significativement à compter de 2027, au rythme du remplacement de l’AMX10RC par le Jaguar. Concernant les véhicules blindés (VAB, Griffon, Serval, VBCI), l’effet conjugué de la livraison des nouveaux matériels SCORPION et du retrait progressif des VAB, aura un effet positif sur la disponibilité générale des matériels. Des points d’attention subsistent néanmoins sur les parcs de matériels cédés à l’Ukraine, occasionnant en conséquence une baisse de la disponibilité du parc, qui devrait s’améliorer à mesure que les parcs seront recomplétés (CAESAR) ou remplacés par de nouveaux matériels.
S’agissant des autres parcs, la disponibilité des équipements demeure stable. Concernant le CAESAR, la rupture temporaire de capacité induite par les cessions à l’Ukraine, devrait se résorber progressivement d’ici 2027, à mesure que les CAESAR seront livrés dans les forces. En conséquence, le parc AUF1 ([3]) devra être prolongé. Sa faible disponibilité tire mécaniquement le niveau de disponibilité du segment canons de 155 mm vers le bas. Aussi, le maintien des cibles 2025 du parc CAESAR/AUF1 résulte à la fois de la faible disponibilité des canons d’ancienne génération maintenus en service pour garantir le contrat opérationnel et de la sur-sollicitation du parc de CAESAR, au volume réduit par les cessions. Le retrait de service du parc AUF1 conjugué à l’augmentation du parc de CAESAR permettra l’évolution à la hausse de la cible dès 2026.
S’agissant des hélicoptères, la disponibilité des flottes se caractérise par une relative stabilité à un niveau de disponibilité qui demeure peu satisfaisant.
Concernant les hélicoptères de manœuvre et d’assaut (HMA), la cible reste stable en raison de fragilités sur la flotte Caïman, confrontée à des difficultés de soutien provoquée par une maintenance jugée lourde et complexe, et de contraintes sur le parc Puma.
Source : Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.
S’agissant des hélicoptères de reconnaissance et d’attaque (HRA), en dépit des progrès réalisés, le niveau important de l’encours industriel des chantiers Tigre pénalise encore la disponibilité, bien que le nouveau contrat de soutien au profit du parc Gazelle doive permettre de maintenir un niveau de disponibilité acceptable pour un matériel d’ancienne génération. La trajectoire d’amélioration de la disponibilité devra prendre en compte les particularités propres à chaque flotte.
S’agissant de la flotte des hélicoptères de reconnaissance et d’attaque (HRA), l’appropriation du TIGRE en remplacement du parc GAZELLE se poursuit. Les premières livraisons d’hélicoptères interarmées léger (HIL) interviendront à compter de 2028 voire 2029, impliquant le prolongement d’un an du maintien en service des GAZELLE (horizon 2040). À terme, l’armée de Terre devrait être dotée de 80 HIL, dont 18 en fin de LPM. S’agissant de la flotte d’hélicoptères de manœuvre et d’assaut (HMA) la montée en puissance du parc CAÏMAN se poursuit, de même que le transfert de la flotte CARACAL au profit de l’armée de l’air et de l’espace, tout en continuant à maintenir la flotte vieillissante des PUMA.
Source : Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.
● Aussi, la poursuite des investissements dans le MCO est-elle essentielle pour continuer à améliorer la disponibilité technique des matériels et ainsi augmenter le potentiel d’entraînement. Un effort devrait être réalisé dès les années 2025 et 2026 afin d’atteindre les objectifs d’entraînement et ainsi tenir l’objectif dès 2027 d’une division à deux brigades interarmes (BIA) projetables en 30 jours. Cette montée en gamme qualitative devra également se traduire par une utilisation renforcée de munitions, y compris complexes, en conditions réelles, dont l’utilisation est encore trop contrainte (MMP, MISTRAL, LRU).
● Enfin, alors que la simulation peut constituer un complément utile à l’entrainement sur matériels – sans pour autant s’y substituer -, votre rapporteure a été alertée sur les difficultés rencontrées s’agissant de la simulation sur matériels SCORPION. Selon les informations fournies en réponse à son questionnaire budgétaire, le volet simulation pour la formation et l’entraînement à l’emploi des engins SCORPION rencontre des difficultés. Dans le domaine de la simulation de type « cabines » (SERKET ([4]) ), l’industriel a été dans l’incapacité de répondre au besoin, ce qui a abouti à la résiliation du marché. Un nouveau marché est en cours de rédaction avec pour objectif la livraison d’une première capacité de simulation en 2026, et l’atteinte d’une capacité complète entre 2028 et 2030. Concernant la simulation embarquée (SEMBA), le GME EBMR ([5]) a présenté une offre finale qui s’est révélée non-satisfaisante, selon le ministère des Armées. La relance du programme est à l’étude et la contractualisation rapide d’une étude de levée de risques est envisagée.
2. Le défi majeur de la fidélisation des personnels d’active mais également de réserve
La fidélisation du personnel formé et expérimenté constitue un enjeu majeur pour l’armée de Terre et revêt une importance supplémentaire au regard de l’amorçage d’une transformation en profondeur de l’armée de Terre, jusqu’à l’horizon 2030. Cette mutation vers une armée modernisée, nécessite un effort particulier de recrutement et une fidélisation accrue des compétences critiques, alors que le degré de qualification du personnel et le volume de formation ont vocation à augmenter. La réorganisation se traduira in fine par un pyramidage plus marqué en sous-officier et officiers.
Lors de son audition devant la commission de la défense, le CEMAT a fait part de son souhait d’aller vers une augmentation de la durée moyenne de service, notamment des militaires du rang (7 ans en moyenne).
a. La revalorisation des grilles indiciaires doit constituer une priorité
Votre rapporteure est très attachée à la revalorisation des grilles indiciaires, mesure qui fait l’objet de très fortes attentes au sein des personnels de l’armée de Terre. Ces revalorisations doivent permettre de maintenir la progressivité des grilles indiciaires afin de préserver « l’escalier social » propre aux armées en remédiant aux « tassements » induits par les hausses successives des minimums de traitement indiciaire et par les mesures générales ciblant les bas salaires.
Votre rapporteure veillera à ce que cette mesure inscrite dans la programmation soit effectivement honorée et ne constitue pas une variable d’ajustement à la faveur d’un contexte budgétaire tendu.
En effet, votre rapporteure a été alertée des retards intervenus dans la mise en œuvre effective des nouvelles grilles indiciaires des sous-officiers supérieurs fin 2024, qui doit faire suite à celles ayant concerné les sous-officiers subalternes. Tandis que la revalorisation devait être mise en place au 1er octobre, elle a fait l’objet d’un report au 1er décembre et pourrait finalement n’intervenir qu’en janvier 2025 pour des raisons budgétaires. Selon la DRHAT, la mesure entrera en application en 2025 avec un effet rétroactif au 1er décembre. Or, ce retard constitue un manque à gagner significatif pour les personnels concernés. Toujours selon la DRHAT, un major subirait une perte mensuelle de 290 euros par mois (près de 600 euros sur deux mois) du fait du décalage. Un report supplémentaire en 2025 pourrait entraîner une augmentation de départs des sous-officiers anciens.
Votre rapporteure considère qu’il est essentiel de respecter le calendrier prévu et de mettre en œuvre la revalorisation des officiers en 2025, sous peine de connaître des répercussions très néfastes en termes de fidélisation. Ce projet vise à compenser la faible revalorisation du point d’indice depuis trente ans, à maintenir le positionnement des officiers au sein de l’État et de son encadrement supérieur et à renforcer l’attractivité de leurs parcours professionnels. La revalorisation se fera via la mise en place de trois échelles de solde à progression indiciaire différenciée pour les officiers subalternes et officiers supérieurs non brevetés du grade de sous-lieutenant au grade de lieutenant-colonel ; officiers brevetés du grade de commandant à colonel et les officiers colonels brevetés de l’enseignement militaire supérieur (EMS) et généraux. À l’échelle de la mission Défense, les montants concernés sont minimes. À titre indicatif, selon les informations fournies par la DRHAT, une année pleine de mise en œuvre de la grille pour les sous-officiers équivaut à 45 millions d’euros et pour les officiers à 75 millions d’euros. Cependant, le contexte budgétaire défavorable pourrait retarder la mise en œuvre de ces grilles, initialement prévue courant 2025, ou réduire le montant alloué. Un tel report ou une telle réduction pourrait entraîner une augmentation des départs d’officiers et engendrer une réelle déception. La nouvelle grille permettra une revalorisation indiciaire quasi annuelle pour tous les grades d’officier supérieur, avec des gains dépassant les 100 points. Selon les informations fournies par le ministère des Armées en réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteure, les gains bruts moyens mensuels anticipés iraient de près de 32 € pour un lieutenant à près de 500 € pour un colonel.
b. La montée en puissance des réserves devra s’accompagner de la prise en compte des besoins humains, en équipements et en infrastructures associés
● La fidélisation doit également concerner les personnels de réserve afin de remplir les objectifs fixés par la LPM 2024-2030 de doublement de la réserve opérationnelle à l’horizon 2030, soit 48 000 réservistes pour l’armée de Terre.
L’ambition de l’armée de Terre est de disposer d’une réserve pleinement intégrée, qui apporte un supplément de masse et de compétences à l’armée d’active, et offre un vecteur essentiel de participation de l’armée de Terre à la cohésion nationale dans les territoires.
● Au-delà des recrutements à mener, les armées doivent être en capacité d’employer les réservistes qui le souhaitent grâce à une ressource de titre 2 suffisante et bien dimensionnée mais également de les équiper et de les héberger dans des infrastructures adaptées, sans faire peser un effort disproportionné sur l’active. Or, lors de ses auditions, votre rapporteure a été sensibilisée au fait que le cadrage du T2 réserve ministériel combiné à la hausse des effectifs sur la LPM pourrait induire mécaniquement une baisse maitrisée de l’activité par réserviste sur les années à venir (2025-2027). Selon les informations fournies à votre rapporteure, les besoins supplémentaires en matière d’équipements s’élèvent à montant total de 193 M€ en fin de période (2028-2030).
● La déclinaison la plus récente de la trajectoire d’effectifs réservistes LPM de la dernière A2PM pour l’armée de Terre est la suivante :
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
26 552 |
29 123 |
31 782 |
35 222 |
39 355 |
44 354 |
Source : éléments fournis par la DRHAT.
Au 31/08/2024, l’effectif de réservistes opérationnels de premier niveau (RO1) de l’armée de Terre était de 25 844. Près de 3 000 réservistes supplémentaires doivent être recrutés en 2025.
3. Des décisions qui se font attendre sur des programmes cruciaux pour les années à venir
a. L’avenir des frappes à longue portée terrestres
Il ressort des auditions de votre rapporteure que le remplacement du lance-roquette unitaire – proche de l’obsolescence – dans les plus brefs délais est fondamental. En effet, la capacité de frappe longue portée terrestre participant activement au signalement stratégique et à l’épaulement de la dissuasion est un facteur de puissance requis pour faire partie des grands ou a minima de satisfaire à l’ambition d’une puissance d’équilibre capable d’assumer la responsabilité de nation cadre d’une coalition internationale. La décision ne peut donc véritablement pas être différée et une solution doit être décidée au plus vite pour assurer les premières livraisons en 2027.
L’enjeu pour la succession du lance-roquettes unitaire (LRU) est de parvenir à concilier la volonté d’acquisition souveraine et autonome et les impératifs de recomplétion rapide des stocks, qui pourraient pousser à des achats sur étagère à l’étranger.
Les feux dans la profondeur constituent en effet une capacité cruciale pour que l’armée de Terre puisse remplir son rôle de Nation cadre et son ambition d’engagement d’une division à l’horizon 2027. Celle-ci est conditionnée en grande partie par la capacité à déployer des moyens de commandement, des SIC, assurer l’interopérabilité, mais également de disposer des éléments organiques de niveau corps d’armée (objectif 2030) et de niveau division avec tous les appuis nécessaires, notamment en matière d’appui-feux. Or, les 9 LRU dont dispose actuellement l’armée de Terre ont une capacité à frapper dans la frange 80-100 km et les châssis seront frappés d’obsolescence en 2027. C’est pourquoi, certains observateurs estiment nécessaire de disposer d’ici 2027, d’une capacité à frapper au-delà de 100 km, interopérable avec les stocks alliés, notamment américains, pour ne pas dépendre uniquement de notre stock national. Deux options sont possibles : l’achat sur étagère ou le développement d’une solution souveraine qui doit être rapide et viable. Dans le texte final de la LPM 2024-2030, il a été fait le choix de la seconde option, puisque le rapport annexé, mentionne que « s’agissant des capacités de frappe à longue portée, la recherche d’une solution souveraine sera privilégiée pour remplacer le lance-roquettes unitaire dans les meilleurs délais. » Pour rappel, le rapport annexé de la LPM 2024-2030 prévoit un parc d’au moins 13 systèmes à fin 2030 et 26 à l’horizon 2035.
Le programme à effet majeur « Frappe longue portée terrestre » (PEM FLP-T) qui vise à acquérir la capacité de frappe longue portée terrestre qui succédera au LRU est aujourd’hui divisé en deux incréments. Le premier se concentre sur la frappe tactique (<150 km), le deuxième sur la frappe opérative (au-delà de 500 km voire de 1 000 km). La phase de préparation du programme FLP-T a été lancée en juillet 2023. Cette phase a pour objectif d’étudier différentes options pour un choix de solution prévu en 2025. Cette phase, toujours en cours, doit permettre le lancement en réalisation du programme en 2026. Actuellement, deux solutions nationales ont été proposées pour cette future capacité de frappe dans la profondeur : d’une part, une solution proposée par MBDA et Safran (missile Thundart) et d’autre part, par Thales et ArianeGroup.
Si les délais devaient perdurer, le développement risquerait de s’achever trop tard pour satisfaire à temps le besoin de l’armée de Terre qui vise un bataillon avant 2030. Tandis qu’il semblerait que des travaux soient déjà menés en parallèle pour étudier le recours à une solution étrangère, la solution américaine HIMARS, déjà répandue en Europe, ou sur d’autres solutions comme le PULS de la société israélienne ELBIT, sont notamment évoquées, votre rapporteure appelle de ses vœux l’accélération du développement d’une solution souveraine dans des délais resserrés, seule capable de préserver la liberté d’action de nos armées sur le long terme. Les avantages d’une solution souveraine sont nombreux : une liberté d’emploi, notamment en cas de conflit, une liberté de décision en ce qui concerne l’exportation du matériel (ITAR free), la maîtrise de l’évolution du système, mais également la garantie du caractère souverain de l’outil de production, permettant ainsi de mieux de maîtriser les cadences et les volumes de production dans le cadre de l’économie de guerre.
Enfin, à plus long terme, s’agissant de la frappe longue portée dite opérative, votre rapporteure salue l’initiative « European Long Strike Approach » (ELSA), lancée par la France, qui prévoit le développement et l’acquisition conjointe d’armements de précision longue portée. En effet, les alliés européens sont dépourvus de cette capacité pour laquelle l’OTAN demande un rattrapage à grande échelle. Pour répondre à ce besoin (portée de plus de 500 km voire 1 000 km), des industriels français comme MBDA proposent notamment le système de missile de croisière terrestre (MdCT) / Land Cruise Missile (LCM) : la variante terrestre du missile de croisière naval (MdCN), éprouvée au combat et déjà en service dans la Marine nationale.
b. La rénovation et le futur du segment lourd de décision
Alors que la date de 2025 avait pu être évoquée dans de précédents avis budgétaires comme un jalon décisionnel clé dans le cadre du programme de char du futur (MGCS), votre rapporteure regrette que des difficultés industrielles persistantes continuent de ralentir l’avancement du programme alors que le besoin de remplacement du char Leclerc à l’horizon 2040 constitue un besoin prioritaire pour l’armée de Terre.
Pour mémoire, depuis 2018, le programme MGCS (Main Ground Combat System) est développé en coopération avec l’Allemagne. Malgré quelques difficultés rencontrées au lancement du projet, la signature d’un objectif d’état-major commun en septembre 2023, suivie de la signature d’un protocole d’accord des deux ministres de la défense en avril 2024 et d’une lettre d’intention industrielle lors du salon Eurosatory 2024, a permis de donner un nouvel élan au programme. Ces avancées ouvrent la voie au lancement des études technologiques dans les 18 prochains mois et devraient permettre la livraison des premiers systèmes à la charnière des années 2030-2040. Comme le précise le projet annuel de performance « en avril 2024, un MoU a été signé entre les deux nations pour permettre la restructuration du programme selon une approche par niveaux et piliers (Level-Pillar Approach, LPA) afin de démarrer les travaux de recherche et technologie (R&T) incluant des démonstrations. Ces travaux seront conduits par une Joint Venture à créer, de droit allemand, constituée à parts égales entre KNDS France, Thalès France, KNDS Allemagne et Rheinmettal. » Les engagements prévus dans le PLF 2025 couvrent le lancement d’une première phase d’études et de démonstrations technologiques. Toutefois, lors de son audition devant la commission de la Défense, le 23 octobre 2024, le directeur général pour l’armement, M. Emmanuel Chiva, a indiqué que les discussions visant à la création de cette société de projet entre les industriels concernés avaient pris du retard. Alors qu’il était initialement prévu de notifier les premiers contrats au début de l’année 2025, ils seront finalement lancés ultérieurement.
En attendant l’arrivée de son successeur, le char Leclerc poursuit sa modernisation, à un niveau jugé suffisant par le sous-chef plans et programmes de l’armée de Terre, le général Lardet, pour faire face aux menaces émergentes dans les quinze prochaines années. Pour autant, le décalage de la rénovation Leclerc inscrit dans la LPM soulève l’enjeu du maintien des capacités industrielles en France dans ce domaine, tandis que les autres pays ont une stratégie très offensive (Corée du Sud, Allemagne, etc.). Les représentants des industriels auditionnés ont effet indiqué à votre rapporteure que, la compétence « feu » du char tirant l’ensemble de l’outil industriel du canon, l’enjeu de préservation de cette compétence est stratégique pour nos armées, notamment en raison du renouvellement en cours des divisions blindées en Europe.
Enfin, il ressort des auditions menées par votre rapporteure, qu’après 2030, ce n’est néanmoins pas d’un char Leclerc rénové dont l’armée de Terre aura besoin, pas plus que d’une solution transitoire qui pourrait constituer « un char actuel en mieux ». Le besoin porte bien sur un système de nouvelle génération, fruit d’un saut technologique, tactique et conceptuel, qui réponde aux défis futurs de la guerre. L’armée de Terre maintient donc prioritairement cette ambition.
● Le Standard 3 de l’hélicoptère de combat Tigre et l’avenir du format de l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) demeurent également incertains. Comme pour le MGCS, il ressort des auditions de votre rapporteure que l’armée de Terre a besoin à terme d’un équipement porteur d’un véritable « saut générationnel » et non d’une simple rénovation.
La rénovation du Tigre au standard 3 a été officialisée en 2021 en coopération avec l’Espagne. Le contrat de développement, de production et de soutien initial a été signé en mars 2022 et prévoyait à terme, pour la France, 42 Tigre rénovés. Les travaux de la LPM 24-30 ont acté cette rénovation à mi-vie, mais le périmètre capacitaire de l’évolution et son calendrier font encore l’objet de travaux en coopération étroite avec l’Espagne.
En effet, le développement du standard Mk3 de l’hélicoptère d’attaque Tigre, fruit d’une coopération franco-allemande lancée dans les années 1980 via l’OCCAr, se fera finalement avec l’Espagne en lieu et place de l’Allemagne. Pour mémoire, en 2021, l’Allemagne a annoncé son retrait sur l’évolution vers le standard 3, ce qu’elle a confirmé en novembre 2023. Le Ministère des armées a approuvé l’adaptation de la rénovation mi-vie en bilatéral avec l’Espagne sur un périmètre réduit à 42 appareils (les 25 autres étant déjà mis au Standard 2). Selon les informations fournies à votre rapporteure, les discussions sont toujours en cours avec les partenaires espagnols, l’industriel et l’OCCAr pour définir une vision commune. Les premiers appareils modifiés sont prévus d’être livrés à partir de 2030. Lors de son audition devant la commission de la Défense lors de l’examen de la LPM 2024-2030, le CEMAT avait indiqué que les 67 Tigre de l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) seraient tous portés au standard 2 d’ici 2030. 25 seront améliorés au standard 2 pour fin 2026. Ce standard intègre notamment l’aptitude à la navigation en environnement GPS brouillé. À cette date, tous les appareils auront aussi acquis la capacité de tirer des roquettes à précision métrique. Il s’agira donc de porter au standard 3 les 42 autres appareils ce qui permettra d’avoir modernisé l’ensemble de la flotte.
● Enfin, le format de l’ALAT s’inscrit dans le cadre d’une réflexion plus large sur l’avenir du segment hélicoptère.
Comme l’indiquait le CEMAT, toujours lors de l’audition précitée « Nous devrons aussi tenir compte des éléments que nous fournira le conflit en Ukraine pour préciser les conditions d’emploi de ces hélicoptères, en fonction notamment de l’évolution de la capacité des drones aériens, car les hélicoptères qui succéderont au Tigre standard 2 auront consubstantiellement la capacité de guider certains drones aériens ou d’opérer avec eux ».
En effet, les premiers retours d’expérience du conflit en Ukraine ont pu amener des adaptations très différentes selon les pays. Si les américains ont abandonné le programme FARA (futur attack reconnaissance aircraft) et les allemands la mise au niveau de leurs TIGRE, d’autres pays, à l’opposé, ont densifié leurs composantes d’hélicoptères d’attaque. À titre d’exemple, la Pologne a commandé 96 hélicoptères d’attaque AH-64 APACHE de dernière génération.
L’armée de Terre a donc réinterrogé en profondeur son modèle d’aérocombat. Toutefois, après une phase initiale qui a vu leur disparition presque totale du champ de bataille ukrainien, les hélicoptères d’attaque sont désormais utilisés efficacement, en particulier en défensive pour interdire toute approche de blindés de la ligne des contacts. Cet emploi a été illustré, par exemple, lors de la contre-offensive ukrainienne de l’été 2023 au cours de laquelle les hélicoptères russes ont joué un rôle majeur en arrêtant les tentatives de percées des unités blindées ukrainiennes. De même, pour la logistique sur les arrières ou pour les évacuations médicales, les capacités des hélicoptères de manœuvres restent indispensables.
Il ressort donc des auditions de votre rapporteure que l’armée de Terre considère qu’il serait dangereux d’abandonner ce segment au regard d’une expérience contingente et cela, d’autant plus que l’efficacité des armées continuera à reposer sur la combinaison des capacités. Ainsi, au-delà de la combinaison de l’action des hélicoptères au profit des troupes au sol, les développements futurs devront concerner la combinaison des hélicoptères avec les drones et les munitions télé-opérées.
Deuxième partie : l’avenir de l’opération Sentinelle après les jeux olympiques et paralympiques de 2024
Près de dix ans après sa création en 2015, votre rapporteure a décidé de s’attacher à l’avenir de l’opération Sentinelle à la lumière du retour d’expérience des jeux olympiques et paralympiques de 2024 (JOP).
La sécurisation des JOP a, en effet, constitué un rendez-vous majeur pour nos armées et en particulier pour l’armée de Terre en 2024. L’opération se démarque par une mobilisation inédite, tant par son ampleur, que par les capacités spécialisées engagées, déployées - parfois pour la première fois - sur le territoire national.
À travers son avis, votre rapporteure a ainsi souhaité approfondir le débat engagé dans le cadre de l’examen de la LPM 2024-2030, dont le rapport annexé prévoit que « dès à présent, une réflexion est engagée sur l’avenir de l’opération Sentinelle. ».
La tâche est complexe puisqu’il convient de déterminer un équilibre permettant de mettre à profit les capacités des armées pour la protection du territoire national, sans nuire de manière disproportionnée à leurs niveaux d’activité et d’entraînement et ainsi préserver leurs marges de manœuvre, tout en garantissant le meilleur niveau de protection possible à nos concitoyens.
Il ressort des travaux de votre rapporteure que le retour d’expérience de la sécurisation des JOP 2024 constitue un révélateur utile des possibilités d’évolution de l’opération Sentinelle. Aussi, après avoir présenté le bilan rapide de l’opération Sentinelle dans une première partie, votre rapporteure a-t-elle fait le choix de se concentrer, dans une deuxième partie, sur les enseignements tirés des jeux olympiques et paralympiques pour les forces terrestres et, dès lors, d’étudier les axes d’évolution envisagés afin de mieux répondre aux nouveaux défis sécuritaires et permettre aux armées de gagner en flexibilité, en lisibilité et en réactivité dans un contexte d’engagement croissant sur le territoire national.
I. L’opération Sentinelle : une contribution essentielle des armées à la lutte contre le terrorisme, aux limites néanmoins admises
Si les armées remplissent depuis longtemps le rôle de « réservoir de forces » pour la sécurisation du territoire national en cas de crise majeure, l’opération Sentinelle lancée en 2015 à la suite des attentats terroristes en constitue l’expression la plus visible. Pour autant, les travaux successifs visant à mesurer son efficacité – travaux parlementaires, de recherche ou encore de la Cour des comptes – dressent un bilan en demi-teinte de l’opération.
A. L’opération Sentinelle constitue la manifestation la plus visible de l’engagement des armées sur le territoire national
1. Depuis 2015, un dispositif éprouvé qui a connu des adaptations successives
a. Le tournant de l’année 2015 a conduit à la création de l’opération Sentinelle et au renforcement de la force opérationnelle terrestre
Si la protection du territoire national fait partie du contrat opérationnel des armées, y compris en milieu terrestre, l’année 2015 a constitué un tournant vers un engagement massif et durable des armées sur le territoire national.
● L’intervention des armées sur le territoire national n’est pas nouvelle, mais constitue le produit d’une histoire complexe qui explique en partie la frilosité des armées à s’y engager, comme le retrace Elie Tenenbaum ([6]) . En outre, elle se traduit différemment selon les milieux.
Si l’armée de l’air et de l’espace, ainsi que la marine nationale assurent en permanence la protection du territoire à travers, respectivement, les postures de protection permanente de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime, dans le milieu terrestre cet engagement militaire est traditionnellement moins visible car en premier lieu de la responsabilité des forces de sécurité intérieure. Pour autant, l’engagement des forces terrestres sur le territoire national fait partie intégrante du contrat opérationnel de l’armée de Terre et s’inscrit dans le cadre de la fonction stratégique « protection » (au sein du triptyque : « dissuasion – intervention – protection »). Le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 précise d’ailleurs que les forces terrestres doivent être capables de « contribuer à bref délai, si besoin dans la durée, à la protection de la population sur le territoire national et à la résilience de la Nation face aux risques et menaces de toutes natures en renforçant la sécurité des installations d’importance vitale, la sécurisation des mouvements sur le territoire national, et l’accès à celui-ci en mobilisant jusqu’à 10 000 hommes forces terrestres ». Ce contrat opérationnel, qualifié de « TN-10 000, » figure également dans le Livre blanc de 2013.
Pour tenir compte des nouvelles menaces pesant sur le territoire national, une posture de protection terrestre (PP-T) a été créée en 2016. Cette dernière recouvre l’ensemble des dispositions prises dans le milieu terrestre par les trois armées (ainsi que par les directions et services interarmées) dans le cadre de la fonction stratégique « protection ». À l’inverse des postures aériennes et maritimes, la PP-T est non permanente et elle n’est pas placée sous l’autorité du Premier ministre mais sous la chaîne de commandement du ministère des Armées. La PP-T permet, le cas échéant « un engagement sous court préavis de capacités militaires sur le territoire national, pour des missions relevant strictement de la défense militaire du territoire ou de la défense civile ([7]) ».
● L’année 2015 constitue un véritable tournant dans l’emploi des forces terrestres sur le territoire national, initiant un niveau d’engagement élevé dans la durée.
Pour mémoire, l’activation du plan Vigipirate au plus haut niveau de vigilance, puis du contrat « TN 10 000 » est décidée par le Président de la République à la suite des attentats de Charlie Hebdo à Paris en janvier 2015, en réponse à la menace terroriste et afin de protéger les points sensibles du territoire. Cette décision a conduit à la création de l’opération Sentinelle, à hauteur de 10 000 militaires, et d’un dispositif pensé à la fois comme dissuasif, réactif et visible. L’engagement conçu comme temporaire est finalement prolongé au printemps pour une durée indéterminée. Le Président de la République annonce en effet le maintien d’un déploiement de 7 000 hommes dans la durée, auxquels doivent s’ajouter 3 000 autres en alerte pour pouvoir remonter rapidement à 10 000 tout en étant en capacité de les maintenir pendant un mois.
En conséquence, l’actualisation de la LPM 2014-2019 est adoptée en juillet 2015 pour accroître les effectifs de la force opérationnelle terrestre (FOT) en la portant à 77 000 militaires, soit une augmentation de 11 000 hommes, inédite depuis la fin du service nationale en 1997. Le recours aux forces armées doit ainsi permettre de générer rapidement une force pour les besoins de Vigipirate et de suppléer des forces de sécurité intérieure qui doivent continuer à assurer leurs missions quotidiennes en parallèle. Alors que les recrutements annoncés n’ont pas encore eu l’effet escompté, la remontée de 7 000 à 10 000 hommes est activée le soir des attentats du 13 novembre 2015.
b. La structuration progressive du dialogue civilo-militaire a permis de mettre en œuvre des évolutions concertées avant une relative stabilisation du dispositif autour de deux échelons et d’une réserve stratégique
● Depuis 2015, l’opération Sentinelle a régulièrement été adaptée pour répondre à l’évolution du terrorisme militarisé, jusqu’à se stabiliser en 2018.
Ainsi, en 2017, le dispositif est passé d’un mode d’action qualifié de statique à un mode plus dynamique. Le volume de forces déployées, stabilisé à hauteur de 7 000 militaires, a été rééquilibré entre l’Île-de-France et les autres régions. En complément, 3 000 militaires ont été conservés en réserve stratégique.
De plus, une organisation rénovée a été mise en place en 2018. Cette adaptation du dispositif a pour objectif de le rendre davantage flexible, imprévisible et dissuasif afin de permettre la concentration des efforts en fonction de l’évolution de la menace. Le dispositif Sentinelle a ainsi été adapté en volume - sans pour autant modifier la capacité de déploiement total de 10 000 militaires au maximum - afin d’accroître sa réactivité et son agilité en s’appuyant sur les trois échelons d’alerte.
Deux échelons peuvent être engagés sur réquisition de l’autorité préfectorale et porter les déploiements jusqu’à 7 000 militaires :
– un dispositif opérationnel permanent (DOP) comprenant 85 sections, représentant environ 2 800 militaires, placés sous le contrôle opérationnel des zones de défense ;
– un échelon de renforcement programmé (ERP) constitué de près de 4 200 militaires. À noter que depuis 2021, la réactivité de l’ERP a été renforcée à travers le placement de 1 000 militaires en alerte à 12 heures et de plus de 3 000 militaires en alerte à 72 heures pour réagir immédiatement en cas de crise ou répondre aux sollicitations supplémentaires issues du dialogue civilo-militaire.
Une réserve stratégique de 3 000 militaires, correspondant à l’échelon national d’urgence, est en capacité de répondre à une crise à l’étranger ou sur le territoire national, permettant de porter le dispositif à 10 000 militaires sur ordre du président de la République sous faible préavis en cas de nécessité.
L’opération sentinelle – dispositif
Source : site internet du ministère des Armées
● Le dispositif rénové en 2018 a fait ses preuves en permettant aux armées de répondre aux sollicitations successives.
Ainsi, selon le ministère des Armées en réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteure, le dispositif est devenu progressivement plus flexible, plus réactif et moins prévisible. Cette nouvelle organisation permet de concentrer les efforts là où l’évolution de la menace et les événements particuliers l’exigent. Son fonctionnement actuel, issu de la réforme de 2018, donne satisfaction et le terme « Sentinelle » est devenu un « label » d’engagement des armées sur le territoire national.
À titre d’exemple, en 2020, l’opération Résilience, déclenchée pour faire face à la situation d’urgence sanitaire, a été permise par un basculement d’une partie des forces de Sentinelle, démontrant ainsi la pertinence d’un dispositif dynamique et réactif.
En outre, depuis 2021, la réserve en alerte à 12 heures est désormais placée directement sous le commandement opérationnel des officiers généraux de zone de défense et de sécurité (OGZDS). Cette articulation leur offre une meilleure liberté d’action afin de répondre sous faible préavis aux sollicitations des préfets, sous le contrôle du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), et améliore le dialogue civilo-militaire.
Enfin, en 2023, Sentinelle a contribué à la sécurisation de la coupe du monde de rugby. Les armées ont concouru à l’architecture globale de sécurité, d’une part, en appui des forces de sécurité intérieure dans le milieu terrestre et, d’autre part, comme « autorité menante » dans le milieu aérien. L’architecture et les protocoles de sécurité impliquant les armées ont donné satisfaction et ont pu être exploités dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques.
2. Des missions exercées dans le strict cadre de la réquisition par l’autorité civile
● Le cadre juridique relatif à l’engagement des armées sur le territoire national est organisé autour du principe de subordination de la force armée à l’autorité civile et selon la règle dite des quatre « i », formalisée par l’instruction interministérielle n° 10100 relative à l’engagement des armées sur le territoire national. Ainsi, en vertu de l’article L.1321-1 du code de la défense ([8]), les armées sont engagées exclusivement sur réquisition de l’autorité préfectorale. Elles interviennent en appui des forces de sécurité intérieure lorsque les autres moyens de l’État sont réputés « indisponibles, inadaptés, inexistants ou insuffisants ». Les moyens militaires contribuant à la PPT, lorsqu’ils sont réquisitionnés par l’autorité civile, n’ont pas vocation à être engagés en premier. Les armées interviennent en complément des forces de sécurité intérieure ou de sécurité civile qui, en qualité de force menantes en charge des missions de sécurité intérieure, exercent le rôle prépondérant sur le territoire national. En effet, les armées, souvent qualifiées d’ultima ratio regum, constituent le dernier recours de l’État en cas de crise majeure.
● Les armées agissent sous le commandement opérationnel du chef d’état-major des Armes (CEMA) par l’intermédiaire du centre de planification et de conduite des opérations (CPCO). L’action de la force Sentinelle est néanmoins définie par un dialogue permanent entre l’autorité préfectorale et les représentants militaires du CEMA au sein de l’organisation territoriale interarmées de défense (OTIAD) afin de produire des efforts complémentaires à l’action des forces de sécurité intérieure. Ce dialogue d’abord zonal assuré entre les officiers généraux de zone de défense et de sécurité (OGZDS) et les préfets de zone en hexagone, se prolonge au niveau national entre le ministère de l’Intérieur et le ministère des Armées au sein de la cellule coordination Intérieur-Défense (C2ID) ([9]). Au niveau départemental, les délégués militaires départementaux (DMD) agissent en tant que conseillers militaires des préfets, tout en étant sous l’autorité de l’OGZDS.
Il est à noter que la chaine interarmées OTIAD assure le commandement de Sentinelle, et ce, même si la grande majorité des militaires engagés sont issus de l’armée de Terre : le CPCO assure le commandement stratégique, tandis que les EMIAZD assurent la conduite au niveau opératif. En dernier lieu, le niveau tactique est piloté par des états-majors tactiques qui commandent directement aux « unités élémentaires » les unités de combat terrestre déployées sur le terrain.
L’opération sentinelle – architecture de commandement
Source : site internet du ministère des Armées
● Le dialogue civilo-militaire joue un rôle central pour adapter le dispositif en fonction de l’évolution des menaces. Le mode d’action général de la force repose sur des dispositifs dynamiques et, en cas de dégradation du contexte sécuritaire, celle-ci peut adapter la posture de sa réponse, en fonction du dialogue civilo-militaire qui se décline ensuite au niveau zonal entre l’OGZDS et le préfet de zone. Elle s’appuie prioritairement sur une augmentation du taux d’emploi pour densifier les patrouilles, un accroissement des patrouilles à proximité des sites sensibles identifiés par les autorités préfectorales afin d’augmenter sa visibilité et sa réactivité, ainsi que l’engagement partiel voire total des sections de l’échelon de renfort planifié à 12h et/ou à 72h.
Selon le rapport du Gouvernement portant sur les opérations militaires extérieures de la France (OPEX) et les missions intérieures (MISSINT) remis au Parlement, en 2023 des déploiements d’échelons de renforcement programmés ont eu lieu au gré du dialogue civilo-militaire afin de répondre aux besoins exprimés par les autorités préfectorales ou politiques. Après leur participation à la sécurisation de la coupe du monde de rugby, en octobre 2023, à la suite de l’attentat d’Arras et dans un contexte de dégradation sécuritaire au Proche et Moyen Orient, il a été décidé un renforcement majeur du dispositif Sentinelle, en particulier pour sécuriser les sites de la communauté juive.
B. Le bilan en demi-teinte de l’opération sentinelle justifie son réexamen
Si votre rapporteure ne conteste pas le bien-fondé de l’engagement des armées dans le cadre de la lutte antiterroriste, force est de constater que de nombreux travaux ont mis en lumière les limites de l’opération, tandis que l’engagement des armées, conçu comme ponctuel à l’origine, a été pérennisé.
1. Des interrogations persistantes quant à la répartition des missions entre forces de sécurité intérieure et forces armées
● Si le cadre juridique régissant les rôles respectifs des forces armées et des forces de sécurité intérieure énonce clairement la répartition des missions, il ressort des auditions menées par votre rapporteure, que dans la pratique, les militaires ont pu, par le passé, être employés pour des missions s’apparentant davantage à de la sécurisation de droit commun, éloignées de leur cœur de métier.
En effet, la pérennisation dans le temps de l’engagement des armées sur le territoire national après les évènements de 2015 semble remettre en cause le respect de la règle dite des « 4i », tandis que les justifications mises en avant comme l’apport de compétences spécifiques des armées ou de moyens spécialisées étaient peu vérifiées en pratique, comme le mettait déjà en exergue M. François Lamy, rapporteur pour avis des forces terrestres dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2016 ([10]) . La Cour des comptes ([11]) juge ainsi assez sévèrement que « l’autorité civile continue à utiliser les armées soit à contre-emploi, soit dans des tâches qui ne requièrent aucune qualité militaire spécifique. »
À titre d’exemple, votre rapporteure considère que certaines missions comme la lutte contre l’immigration illégale et clandestine auxquelles ont pu contribuer ponctuellement les armées ([12]), ne correspondent pas à leur vocation première. En effet, les forces armées ne disposent pas de pouvoir de police judiciaire et ne peuvent donc ni procéder à des interpellations, des perquisitions, ni des interrogatoires. Si les armées peuvent contribuer à la lutte contre l’immigration clandestine au titre de la lutte antiterroriste, à travers des missions de surveillance et l’apport de capacités spécialisées comme les drones, leur déploiement « physique » aux frontières apparait peu justifié. De la même manière, sur le territoire national, les règles d’engagement et notamment d’ouverture du feu sont régies par le droit pénal et non par le droit des conflits armés qui s’applique lorsque les armées sont engagées en opérations extérieures. Le droit commun prévaut alors. Il est néanmoins à noter que le cadre juridique a été ajusté pour l’adapter à l’éventualité de « périples meurtriers » des terroristes.
● Par ailleurs, il ressort des auditions de votre rapporteure que les modes d’action des militaires et des forces de sécurité intérieure diffèrent sur plusieurs points, rendant parfois plus difficile leur bonne coordination. Ainsi, tandis que la « culture militaire » repose en grande partie sur la planification, les forces de police agissent bien souvent en réaction aux évènements. De la même manière, les chaines d’engagement des deux ministères apparaissent presque inversées : d’une part, le ministère des Armées est régi par une organisation très centralisée, tandis que, d’autre part, celle du ministère de l’Intérieur repose en grande partie sur les préfets de département, essentiels dans la gestion des crises. En conséquence, l’efficacité du dialogue civilo-militaire a pu se heurter dans un premier temps à des modalités d’expression des besoins différentes, suscitant parfois une certaine défiance des armées à l’égard des autorités civiles au regard des missions qui leurs étaient affectées. En particulier, les armées regrettent régulièrement que certains préfets puissent avoir tendance à exprimer leurs besoins en termes d’effectifs à mobiliser plutôt qu’en missions ou en « effet à obtenir », plus en ligne avec les modes d’action des armées.
● Toutefois, la structuration progressive du dialogue civilo-militaire a permis de mettre en œuvre des évolutions concertées à saluer : de gardes statiques effectuées par les forces terrestres devant des sites à protéger y compris des écoles, à des patrouilles dynamiques, jugées plus efficaces et adaptées aux savoir-faire militaires et moins consommatrices en effectifs. Progressivement, le dispositif a également été recentré dans les zones où l’appui aux forces de sécurité intérieure était identifié comme prioritaire en accentuant la mobilité des unités déployées.
2. Des conséquences significatives sur l’activité et la préparation opérationnelle en raison de la mobilisation importante de moyens
Bien que les évolutions précitées aient permis une amélioration de la soutenabilité du dispositif, l’opération Sentinelle a longtemps continué d’affecter l’activité et la préparation opérationnelles des armées dans un contexte caractérisé par des effectifs contraints et des moyens budgétaires limités.
● La mobilisation très importante des moyens des armées a des conséquences directes sur la capacité à remplir d’autres missions. Selon la Cour des comptes ([13]), l’opération Sentinelle a vu se succéder près de 225 000 militaires français de 2015 à 2021, appartenant pour 95 % d’entre eux à l’armée de Terre. Avant la stabilisation d’un socle à 3 000 militaires, Sentinelle mobilisait entre 10 et 15 % des forces opérationnelles terrestres, conduisant de facto l’armée de Terre à consentir à des renoncements en termes de préparation opérationnelle.
● S’agissant de la préparation opérationnelle, l’opération mobilisant un grand nombre de militaires, elle fait peser un véritable poids sur la préparation opérationnelle des forces terrestres. Dans son avis budgétaire sur le PLF 2016 ([14]), M. François Lamy, rapporteur pour avis, constatait déjà que « la prolongation de l’opération Sentinelle au-delà du délai fixé par le contrat opérationnel crée des tensions importantes dans la préparation et l’emploi des forces terrestres, » pointant notamment des renoncements portant sur la préparation opérationnelle et concernant la participation à des exercices internationaux, au risque d’une perte de savoir-faire. Comme le rappelle la Cour des comptes, « la ressource nécessaire pour être en mesure de déployer en permanence l’effectif théorique Sentinelle de 7 000 hommes (…), doit être trois fois supérieur, soit 21 000 hommes disponibles, de manière à assurer les rotations sur une durée de six mois (trois mandats de deux mois) ».
L’effet sur la préparation opérationnelle est particulièrement prégnant en cas de prolongation du dispositif dans le temps. Ainsi la Cour des comptes indique qu’au total « après un mois et quinze jours de déploiement à 7 000 hommes, l’armée de Terre perdrait virtuellement son capital de rotations en centre d’entrainement spécialisé, ce qui a été le cas dans les premières années de Sentinelle. Après trois mois, elle aurait épuisé son capital de préparation opérationnelle interarmes et entamé son capital de préparation opérationnelle métier. » À l’heure où les armées doivent se préparer à l’hypothèse du retour d’un engagement majeur, la perspective de renoncements sur la préparation opérationnelle interarmes ou concernant des exercices dit du « haut du spectre » apparait d’autant plus préoccupante.
● S’agissant des ressources humaines, les données disponibles laissent apparaître un bilan en demi-teinte. Aux primes perçues est souvent opposé l’intérêt trouvé dans les missions, qui serait inversement proportionnel au grade. Certains travaux mettent même en avant un « risque de lassitude » et un risque pour l’équilibre entre vie personnelle et engagement, à travers notamment l’augmentation du nombre de journées hors du domicile, qui nuirait in fine à l’attractivité et à la fidélisation. Le ressenti des militaires, par essence difficile à mesurer, varie également en fonction du volume d’hommes mobilisés et de la fréquence de leur déploiement. Ainsi, selon les informations fournies par la direction des ressources humaines de l’armée de Terre, l’opération Sentinelle dans son économie actuelle, serait finalement jugée plutôt attractive par près de trois militaires sur quatre, sans réelle différence de grade. Au-delà des primes associées, elle serait plutôt appréciée tant par le contact qu’elle offre avec la population que pour le sentiment d’utilité procurée par la mise au service de la Nation. En revanche, l’éloignement familial et les conditions de vie encore perfectibles demeureraient des irritants à résoudre.
● En outre, Sentinelle présente un coût élevé pour les armées, très largement prédominant au regard des autres missions intérieures. Selon la Cour des comptes, « le coût complet de ce continuum sécurité-défense est évalué à deux milliards d’euros de 2015 à 2021 et à plus de trois milliards d’euros si l’on augmente d’un ratio de 1,66 (365/220) pour tenir compte du fait que la solde des militaires est calculée pour 220 jours par an environ ([15]). »
Les surcoûts occasionnés font néanmoins l’objet d’un financement interministériel. Comme le rappelle la Cour, le ministère des armées ne retrace sur le budget opérationnel de programme (BOP) OPEX MISSINT que les surcoûts de l’opération. En 2015, ceux-ci s’élevaient à 182,5 millions d’euros. Ces montants ont diminué pour atteindre 131,51 millions d’euros en 2020, en cohérence avec la réduction des effectifs déployés. Selon le rapport OPEX/MISSINT de juin 2024 précité, au titre des missions intérieures, le montant des dépenses exécutées en 2023 était de 129 millions d’euros (70 millions de titre 2 et 59 millions hors titre 2), dont 95 % portées par l’opération Sentinelle. Pour mémoire, les dépenses de titre 2 recouvrent principalement l’indemnité de sujétion d’absence opérationnelle (ISAO), perçue par les militaires réalisant des activités opérationnelles et qui ne peuvent regagner leur lieu de résidence habituelle la nuit. Cette indemnité a été mise en place à compter du 1er janvier 2022. Son augmentation (+1,2 M euros) par rapport à 2022 résulte de l’augmentation des effectifs déployés pour l’opération Sentinelle à la suite des émeutes de l’été 2023 et à l’attentat d’Arras, ainsi que dans la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane (HARPIE). Les dépenses hors titre 2 financées sur le BOP OPEX/MISSINT concernent en revanche uniquement Sentinelle et sont destinées au soutien de l’homme (essentiellement à l’alimentation), à la mobilité de la force et aux télécommunications.
● Enfin, l’opération Sentinelle soulève également des enjeux capacitaires pour les forces terrestres. Les capacités d’entrainement peuvent également être grevées par la mobilisation des véhicules. Dans le rapport précité, la Cour des comptes note que la diminution de moitié des effectifs déployés sur le terrain, au bout de six ans, ne se retrouve pas dans le niveau de mobilisation des véhicules qui reste à un niveau élevé. En guise d’illustration, en 2015, dans l’urgence les armées avait eu recours à des véhicules de location pour faire face au déploiement soudain. Les enjeux capacitaires se traduisent principalement en termes de dotation de véhicules, d’armement et de protection individuelles, mais également en matière de systèmes d’information et de communication (SIC), alors que ces derniers doivent être interopérables avec ceux des forces de sécurité intérieure. Après de premières difficultés rencontrées, l’armée de Terre a procédé à l’achat de radios et a breveté une nouvelle interface numérique pour smartphones et tablettes appelée « Auxylium », proposant des services sécurisés en matière d’appel, conférences audio, chat, cartographie et géolocalisation ainsi que de partage de documents ([16]). Lors des déplacements sur le terrain de votre rapporteure, les militaires interrogés ont paru satisfaits de cette solution, leur permettant de connaitre en temps réel l’emplacement des sections Sentinelle déployées.
3. Le risque d’accoutumance, voire de banalisation de l’emploi des forces armées
● Le risque induit par la pérennisation de Sentinelle est de perdre à terme l’effet « dissuasif » escompté par les patrouilles. Dans la note de l’IFRI précitée ([17]), le chercheur Elie Tenenbaum distingue, d’une part, le risque « d’accoutumance » et d’autre part, de « banalisation » de l’emploi des forces armées sur le territoire national. Le risque d’accoutumance est celui « qui pourrait guetter les pouvoirs publics à l’égard d’une main d’œuvre militaire relativement bon marché et dépourvue de représentation syndicale. » Le risque de banalisation, quant à lui, se matérialise notamment par les appels récurrents au recours aux armées pour faire face à des situations d’ordre public qui ne sauraient rentrer dans le cadre de leurs missions.
● La Cour des comptes dans le rapport précité va jusqu’à évoquer une « contribution subjective » à la lutte contre le terrorisme, estimant que l’opération obéit en réalité à un ratio « 25 % d’actions et 75 % de perceptions » en s’appuyant sur un rapport de l’inspection des Armées datant du 2 juillet 2021. Les auteurs du rapport identifient trois vulnérabilités principales, présentées sous le triptyque « addiction, banalisation, dilution, » en opposition à la conclusion du rapport qui prône à l’inverse « désengagement, subsidiarité et substitution ».
4. Un consensus quant à la nécessité d’une clause de revoyure après les jeux olympiques et paralympiques de 2024
Les constats dressés précédemment ont conduit à l’établissement d’un consensus partagé jusqu’aux plus hautes autorités de l’État, quant à la nécessité d’une évolution de l’opération Sentinelle. Ainsi, le président de la République a indiqué lors de la présentation de la revue nationale stratégique le 9 novembre 2022 que « repenser nos modes d’action, cela vaut […] aussi pour le territoire national. À cet égard, l’économie générale de l’opération Sentinelle pourra continuer à être revue en lien avec les autres services de l’État afin de garantir la liberté d’action des armées tout en répondant aux nouveaux enjeux sécuritaires. ». Cet objectif a ensuite été inscrit, sous l’impulsion des parlementaires, dans le rapport annexé de la LPM 2024-2030 qui prévoit que « dès à présent, une réflexion est engagée sur l’avenir de l’opération Sentinelle. ».
À l’approche des dix ans de l’opération Sentinelle, votre rapporteure estime qu’il convient également de tenir compte des évolutions intervenues par ailleurs. D’une part, l’évolution du contexte stratégique justifie une réévaluation du nombre d’effectifs mobilisés sur le territoire national en permanence, tandis que les armées doivent pouvoir garder une capacité à se mobiliser rapidement pour faire face à des urgences opérationnelles soudaines, comme en témoigne le déploiement de militaires en alerte en Roumanie, sous très court préavis dans le cadre de la mission AIGLE. D’autre part, les forces de sécurité intérieure ont vu leurs moyens réévalués à travers l’adoption de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur ([18]), de même que la création d’une réserve de la police nationale en plus de celle de la Gendarmerie nationale.
Toutefois, bien qu’un relatif consensus existe sur le constat, il ne s’étend pas nécessairement aux solutions à mettre en œuvre. Pour mémoire, la Cour des comptes avait recommandé en 2022 d’opérer un transfert progressif des missions de Sentinelle aux forces de sécurité intérieure ou de justifier de son maintien, dans un format réduit, sur la base d’une analyse partagée de la menace, estimant qu’« alors que les armées se concentrent sur l’hypothèse d’un engagement majeur en coalition dans une opération de coercition de haute intensité, la Cour estime qu’il n’est plus pertinent de poursuivre sans limite de temps une contribution à la tranquillité publique par un « affichage de militaires dans les rues ». Cette recommandation avait alors suscité l’opposition du ministère de l’Intérieur, M. Gérald Darmanin, qui avait affiché son désaccord dans une lettre à la Cour.
II. Le retour d’expérience de la participation des armées à la sécurisation des jeux olympiques et paralympiques 2024 permet de dresser des perspectives d’évolution pour l’opération sentinelle
A. Une contribution exceptionnelle des armées à la sécurisation des jop 24, conduite en coordination avec les forces de sécurité intérieure au moyen d’un dialogue civilo-militaire efficace
Pour s’adapter aux défis de la sécurisation des JOP, l’engagement des armées a été élargi dans un cadre général « Sentinelle » à tous les champs et milieux, avec une organisation du commandement robuste, démontrant la capacité des armées à se mobiliser avec réactivité à la fois en métropole et outremer, massivement, dans la durée et dans le respect de leurs spécificités, en complément des forces de sécurité intérieure et en appui des autorités civiles.
Selon le major général de l’armée de Terre, le Général Jean-Christophe Béchon, auditionné par votre rapporteure, les principaux enseignements de la séquence olympique au niveau stratégique sont, d’une part, la qualité de la préparation et de la conduite de l’opération, d’autre part, des progrès notables concernant l’emploi de capacités spécialisées sur le territoire national, tout en mettant en lumière certains points de vigilance.
1. L’engagement des armées a permis le succès de la sécurisation de l’évènement au prix d’une mobilisation exceptionnelle de moyens
La sécurisation des JOP 24 a constitué un rendez-vous très important. Au pic d’activité, les militaires engagés étaient au nombre de 18 000, dont 15 000 militaires des forces terrestres.
Volume des effectifs militaires mobilisés
|
Jeux olympiques |
Inter jeux |
Jeux paralympiques |
Volume déployé |
12 600 |
7 820 |
8 400 |
Volume d’alerte |
5 300 |
4 800 |
4 800 |
Volume total |
17 900 |
12 620 |
13 200 |
Source : Ministère des armées, en réponse au questionnaire budgétaire.
a. L’armée de Terre a contribué au succès des JOP 24 dans toutes leurs dimensions
● L’armée de Terre a mobilisé un volume de forces jamais atteint au titre de la protection du territoire national. Ainsi, selon les informations fournies à votre rapporteure, près de 15 000 soldats étaient mobilisés en moyenne pour cette opération, dont 15 % de réservistes, soit près de 20 % de la force opérationnelle terrestre. Au sein de ces 15 000 militaires, près de 10 000 étaient déployés dont plus de 8 000 soldats mobilisés à Paris et plus de 2 000 dans les territoires et dans les Outre-mer. À ces soldats déployés s’ajoutaient les 5 000 en alerte qui se tenaient prêts à intervenir et les 10 000 assurant les missions de prévention, de protection et de souveraineté outre-mer et à l’étranger.
Dans le détail, au titre de la lutte contre le terrorisme, 462 sections ont été mobilisées, dont 271 déployées – 196 à Paris, 72 en France métropolitaine hors Paris et trois en Polynésie française pour la sécurisation des épreuves de surf. En effet, le dispositif déployé ne s’est pas limité à la région parisienne. En hexagone, il a également concerné la zone Sud. Ces capacités représentent un effectif dédié aux JOP d’environ 285 militaires qui sont venus s’ajouter au dispositif opérationnel permanent de quinze sections Sentinelle.
En région parisienne, le Gouverneur militaire de Paris (GMP) a été renforcé pour la première fois par une brigade de l’armée de Terre, la 27ème brigade d’infanterie de montage, commandée par le Général Catar, pour assurer le commandement tactique de la sécurisation générale. Votre rapporteure a eu la chance de se rendre au centre d’opérations des JOP 24 de la zone de défense de Paris, situé exceptionnellement à l’École militaire, peu après la cérémonie d’ouverture, ainsi qu’au sein du camp caporal Alain Mimoun, situé sur la pelouse de Reuilly. Le centre opérations composé d’un état-major constitué d’environ 200 personnes permettait de coordonner l’ensemble des missions menées. Habituellement situé à Saint-Germain-en-Laye, le centre opérationnel de la mission Sentinelle a en effet été exceptionnellement déplacé au cœur de Paris pour être positionné à proximité des sites olympiques.
● Les missions exercées par les forces terrestres s’articulaient principalement autour de patrouilles de contrôle de zone, mais également du « blanchiment » de zones au moyen d’unités spécialisées et de la lutte anti-drone. Un effort particulier a été consenti sur les sites les plus sensibles et les zones d’affluence (hubs principaux, sites olympiques, etc.). Ce dispositif a connu un pic lors de la cérémonie d’ouverture avec près de 10 000 militaires déployés et un taux d’emploi à 100 % à Paris.
Par ailleurs, l’armée de Terre a fourni un appui déterminant à travers la mobilisation de capacités spécialisées pour la réalisation des inspections de sécurité des sites olympiques et d’entrainement. Cette mission a été conduite par les spécialistes du domaine « munitions et explosifs », des menaces nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques et par 141 équipes cynotechniques militaires, dont 51 équipes de 10 pays européens de l’OTAN. Elles ont notamment largement contribué au dispositif de déminage subaquatique, des bateaux en amont de la parade de la cérémonie et sur l’ensemble du linéaire de cet événement, par l’apport de plongeurs démineurs, en nombre peu élevé dans la sphère civile.
Enfin, une capacité d’appui a été fournie aux forces de sécurité intérieure et civile pour des missions spécifiques (escorte de convois, transport de forces par voie aérienne, transport de patients médicalisés). En région parisienne, la force Sentinelle a été largement engagée en appui des forces de sécurité intérieure, notamment dans le cadre des dispositifs "dernier km" et plan tourisme. Par sa présence renforcée, elle a permis aux forces de sécurité intérieure de constituer une réserve d’intervention qualifiée de « précieuse ».
● Pour remplir les missions précitées, un volume important de moyens militaires a été engagé. Selon les informations fournies, au titre du renfort des autres ministères, les capacités spécialisées suivantes ont notamment été déployées :
– Cinq hélicoptères (Gazelle et NH90) ;
– des drones tactiques pour l’appui des sections déployées ;
– près de 90 équipes cynotechniques ([19]) ;
– près de 100 spécialistes nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC) ;
– des capacités du Génie (démineurs et fouille opérationnelle spécialisée ([20])) ;
– des capacités logistiques.
Au titre de la mission spécifique de sécurisation de la zone amont de la cérémonie d’ouverture, sur le site d’Ivry-Charenton :
– des capacités fluviales (embarcations de franchissement du Génie et plongeurs démineurs) ;
– des capacités de surveillance de l’espace terrestre ;
– des capacités de surveillance du milieu subaquatique.
● Le bilan de la sécurisation s’est avéré très positif pour les forces terrestres. Ainsi, selon les informations fournies par l’armée de Terre : 350 inspections de sécurité ont été réalisées, 464 km2 d’étendue de zone sécurisée, 8 km de galeries inspectées, 220 plongées dans la Seine réalisées, 86 sites sécurisés et 48 secours à la personne réalisés.
● Parallèlement, à cet engagement il est à noter que l’armée de Terre a également participé directement et avec succès aux compétitions des JOP 24. Ainsi, 39 militaires sportifs de haut niveau sélectionnés aux JOP24 ont remporté une médaille d’or, trois d’argent et six de bronze, soit 200 % de plus de médailles par rapport aux jeux de Tokyo. L’armée de Terre a également contribué au bataillon des cérémonies, constitué de militaires de divers horizons, dont 173 jeunes des lycées militaires Terre de la défense (sur 399 membres du bataillon interarmées) qui ont assuré pas moins de 329 cérémonies de remise de médailles.
b. Le défi du soutien des forces engagées
● L’opération a pu se tenir grâce au succès du soutien mis en place. Des capacités de soutien interarmées ont été dimensionnées pour l’occasion et intégrées pour la première fois à l’opération Sentinelle pour accueillir jusqu’à 18 000 hommes si nécessaire. Plus de 3 000 militaires ont été engagés pour le soutien de capacités opérationnelles conséquentes.
● Le retour d’expérience de grands évènements passés a conduit à privilégier un impératif de proximité pour garantir la réactivité des forces en cas d’urgence. Concentré à près de 80 % en zone parisienne, le déploiement de cette force a nécessité des aménagements importants pour créer ou adapter des zones de stationnement et impliqué des créations spécifiques. En Île-de-France, le principe directeur d’implantation de la force a été de concentrer les détachements le plus près possible de leurs zones d’intervention, au regard des contraintes de mobilité générées par le concept de « Jeux dans la Cité ». Ainsi, la force a été stationnée autant sur des sites du ministère des armées, qui ont été densifiés, que sur des sites extérieurs pour lesquels des conventions ou des baux ont été établis.
Cet impératif de proximité a conduit à accepter ce que le ministère des armées a qualifié de « compromis en matière de confort, » ce critère ayant fait l’objet d’une attention particulière du commandement, afin d’offrir aux soldats déployés des conditions de soutien acceptables dans la durée. À titre d’illustration, un effort a été porté sur l’adaptation des solutions d’alimentation. Outre l’élargissement des horaires et l’augmentation des moyens des cercles militaires, un dispositif de « carte mobilité restauration » amélioré a permis aux patrouilles de se restaurer sans contrainte auprès des commerces locaux.
Principaux sites d’Ile-de-France hébergeant la Force (> 1 000 personnes)
SITES |
CAPACITE ACCUEIL |
CAT. ([21]) |
RESTAURATION |
Vincennes |
1 257 |
1 |
X |
Vélizy |
1 100 |
1 - 2 |
X |
Satory |
2 655 |
1 - 2 - 3 |
X |
Saint Germain en Laye |
1 916 |
1 - 2 - 3 |
X |
Reuilly (camp caporal Alain Mimoun) |
4 500 |
2 |
X |
Source : Ministère des armées, en réponse au questionnaire budgétaire.
● En particulier, les armées ont construit spécifiquement un camp pour accueillir et soutenir les militaires participant au dispositif de sécurisation des JOP 24. Le camp abritait aussi un centre opérationnel pour les équipes mobiles tactiques des bataillons de cérémonie, de génie et de transport.
Situé sur la pelouse de Reuilly, dans le douzième arrondissement de Paris, le site a été choisi pour sa proximité avec le périphérique et les transports en commun, ses installations électriques déjà en place et un système d’évacuation des eaux usées fonctionnel. Il est à noter que les armées n’avaient pas construit de site aussi important en hexagone depuis la Seconde Guerre mondiale - en comparaison, les camps de Cincu en Roumanie ou Gao au Mali, ont été construits pour deux fois moins de personnes. Une prouesse qui, toujours selon le ministère des armées, démontre la capacité des armées françaises et de leurs soutiens à relever des défis logistiques majeurs.
Selon les informations fournies en réponse au questionnaire de votre rapporteure, le camp baptisé « caporal Alain Mimoun » a été construit sur 95 000 m2 par l’Économat des armées afin d’augmenter de près d’un quart les capacités d’hébergement en Île-de-France, et ce, en moins de 65 jours. Inauguré le 5 juillet, il a accueilli 4 091 militaires de l’opération au plus fort de son taux d’occupation (22 juillet). Le marché passé par l’Économat des armées (EdA) a été attribué à GL Events, entreprise de gestion d’évènements de grande envergure. Enfin, le coût lié à la création de ce camp serait de la classe 55 millions d’euros, selon les informations fournies à votre rapporteure.
Qui était Alain Mimoun ?
Né en 1921 à Maïder, en Algérie française, Alain Mimoun rejoint les rangs de l’armée française à l’âge de 18 ans. Il sert d’abord au 6e régiment de tirailleurs algériens, puis au 19e régiment du génie. En 1943, il débarque en Italie avec le corps expéditionnaire français et est grièvement blessé lors de la bataille de Monte Cassino en 1944.
Après une convalescence difficile, il reprend le combat, participant au débarquement de Provence et à la libération de Marseille et du Jura. Il termine la Seconde Guerre mondiale au grade de caporal, après la prise de Stuttgart en 1945.
En dépit de sa blessure, Alain Mimoun se lance ensuite dans une carrière sportive. Il devient champion olympique sur 10 000 mètres en 1949 et remporte 32 titres de champion de France sur 5 000 mètres, 10 000 mètres et marathon. Il décroche également trois médailles d’argent aux Jeux olympiques de 1948, 1952 et 1956, et obtient l’or au marathon de Melbourne en 1956.
Héros militaire et sportif, le caporal Alain Mimoun a reçu les honneurs, lors de ses obsèques en 2013 dans la cour d’Honneur de l’Hôtel national des Invalides.
Source : Site internet du ministère des Armées
c. Des effets relativement contenus sur la préparation opérationnelle grâce aux efforts de planification menés en amont
L’engagement exceptionnel des armées a été permis par un important travail de planification qui a permis de lisser les conséquences sur la préparation opérationnelle de l’armée de Terre.
● La réussite des JOP s’est appuyée sur une planification réalisée très en amont, avec une montée en puissance étalée sur 18 mois s’appuyant, d’une part, sur l’organisation d’exercices spécifiques et, d’autre part, sur le retour d’expérience de la participation à la sécurisation d’autres grands évènements.
Ainsi, les armées ont pu s’appuyer sur les conclusions tirées de l’exercice COUBERTIN, qui visait à évaluer le niveau de préparation de l’ensemble de la chaine de commandement engagée aux JOP 24, mais aussi d’exercices spécifiques, notamment pour la lutte anti-drone (DEFNET 24, COUBERTIN LAD 2, test events spécifiques, etc.)
RETOUR D’EXPERIENCE DE L’EXERCICE COUBERTIN
L’exercice Coubertin 23 s’est déroulé en novembre 2023 sur deux sites : au quartier général des Loges de Saint-Germain-en-Laye et à la caserne Audéoud de Marseille. Il visait à entraîner la structure de commandement et de contrôle (C2) du dispositif militaire déployé pendant les JOP 24 en appui des forces de sécurité intérieure, grâce à un scénario réaliste s’appuyant sur la chronologie réelle des jeux olympiques. Il a permis d’entraîner plusieurs états-majors, deux de niveau opératif (Paris et Marseille), un de niveau tactique (état-major de la 27e brigade d’infanterie de montagne), ainsi que deux commandements de milieux (CECMED et CDAOA). Le COMCYBER a également apporté une contribution à la prise en compte des actions dans les champs immatériels.
L’exercice Coubertin 23 a été précédé par deux autres exercices qui se sont déroulés en 2022 et qui ont été les premiers jalons dans l’entraînement des armées à la sécurisation des JOP 24 (Coubertin 22 et Coubertin LAD-1).
L’exercice Coubertin 23 a également permis de définir les ajustements restant à réaliser. Dans ce cadre, les axes de progrès identifiés étaient les suivants :
• nécessité de mettre en place des outils de commandement spécifiques (notamment des moyens instantanés de remontée de l’information) ;
• anticipation du besoin de renforcement en ressources humaines des structures de commandement afin de faire face à la durée et à la densité de l’opération ;
• nécessité de développer les procédures d’emploi des drones par la Force ainsi que la coordination des actions dans la troisième dimension, notamment avec les structures civiles partenaires ;
• besoin de durcir la prise en compte du domaine cyber et des actions dans les champs immatériels, notamment en développant le sujet du facteur informationnel.
Source : Ministère des armées, en réponse au questionnaire budgétaire.
Par ailleurs, l’expérience de la coupe du monde de rugby 2023 a été l’occasion de valider l’organisation générale ainsi que la génération de forces nécessaire au blanchiment des zones (NRBC, moyens cynotechniques).
Selon le chef CPCO auditionné par votre rapporteure, l’importance de l’anticipation et de la planification, en interarmées d’une part, mais également en interministériel, d’autre part, pour mettre en place des dispositifs coordonnés et efficaces dans tous les milieux, constituent des acquis à entretenir pour l’avenir.
● Il ressort des auditions menées par votre rapporteure que la forte mobilisation des militaires de l’armée de Terre dans le cadre des JOP 24 avait été anticipée très en amont tant dans la programmation de la préparation opérationnelle que dans la projection des unités, afin d’en lisser les effets sur un cycle triennal. À titre d’exemple, sur la période de juin à octobre, les camps d’entrainement, dans lesquels se déroulait la préparation opérationnelle interarmes, ont connu une baisse de leur taux de fréquentation de 10 % par rapport à une période similaire hors JOP. En revanche, la préparation opérationnelle dite « métier », réalisée essentiellement en garnison ou dans les camps de proximité, n’a pas subi de détérioration. À ce jour, selon les informations fournies à votre rapporteure, à iso-engagement sur le territoire national, le nombre de compagnies au standard opérationnel « haute intensité » (SO3) attendu en fin d’année est estimé à 90 % de l’objectif qui aurait pu être réalisé sans JOP. La séquence des grands exercices à venir doit permettre de retrouver le niveau atteint en 2023 à la fin de l’année 2025. Cet impact des JOP sur la montée en puissance de l’armée de Terre vers la haute intensité sera néanmoins à réévaluer fin 2024 selon le niveau d’engagement sur le territoire national qui sera retenu en fin d’année.
Dans la mesure où les JOP ont été une opération planifiée, l’armée de Terre a anticipé et a pu décaler en amont ou en aval ses actions de partenariats. À titre de comparaison, selon les informations fournies par le commandement de la force et des opérations terrestres, le passage du dispositif Sentinelle à 7 000 hommes survenu en novembre 2023 à la suite de l’assassinat du professeur Dominique Bernard aurait été beaucoup plus déstructurant pour les forces terrestres.
d. La participation de renforts étrangers et privés
● Les Jeux olympiques et paralympiques ont généré des besoins exceptionnels dans des domaines spécifiques tels que l’appui à la recherche et à la détection d’explosifs (ARDE), la lutte anti-drone (LAD) ou la défense aérienne qui ont motivé le recours à des renforts de partenaires étrangers.
Selon les informations fournies en réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteure, les armées, au même titre que le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, ont fait appel à certains de leurs partenaires pour les renforcer dans ces domaines spécifiques afin de compléter en volume les moyens français. Ces volumes supplémentaires ont permis de répondre aux besoins simultanés de sécurisation sur les différents sites dans la durée des JOP, tout en maintenant au sein des forces armées françaises une capacité de réserve stratégique pour éventuellement intervenir sur une crise sur le territoire national ou à l’étranger :
- ARDE : les armées ont été renforcées par une cinquantaine de détachements étrangers de dix nations différentes (Belgique, Danemark, Espagne, Hongrie, Italie, Lituanie, Norvège, Pays-Bas, Pologne et Royaume-Uni) ;
- LAD : un système britannique de détection et de brouillage (ORCUS) a été déployé pour compléter la protection du village olympique à Paris. L’Allemagne a également mis à disposition des fusils brouilleurs qui ont été utilisés par les militaires français ;
- Défense sol-air : un radar de veille aérienne a été déployé à Marseille par des militaires espagnols.
Toutefois, les unités alliées n’ont pas vocation à opérer seules sur le territoire national. Un arrangement technique relatif à leur participation à la sécurisation des JOP a donc été réalisé, les plaçant sous contrôle opérationnel français. Elles ont donc toujours opéré sous la responsabilité d’un personnel militaire français, dans le cadre de détachements mixtes équilibrés. Les membres des équipes étrangères n’ont pas été autorisés à employer la force, hors légitime défense dans les cas et conditions d’application prévus par la législation en vigueur sur le territoire français (art. 122-5 du code pénal).
● Malgré les craintes initiales, la sécurité privée a répondu à la mission donnée par l’organisateur, le Comité d’organisation des JO (COJO) Paris 2024 en honorant 97,5 % des postes prévus, redonnant ainsi des marges manœuvre aux forces armées et de sécurité intérieure, un temps envisagées comme des recours potentiels en cas de défaillance. Le recours aux sociétés de sécurité privée a été de la responsabilité de l’organisateur (COJO Paris 2024), qui avait la charge d’organiser la sécurité des sites olympiques. La réponse à une éventuelle défaillance de ces sociétés incombait en priorité à l’organisateur. Il a néanmoins été décidé par ailleurs que l’État compléterait le dispositif en cas de défaillance prolongée et impossible à combler.
e. Un coût consolidé encore inconnu qui devra faire l’objet de compensations en fin de gestion
● Le coût de la contribution de l’armée de Terre à la sécurisation des JOP 24 n’est pas encore définitivement arrêté. Néanmoins, lors de son audition devant la commission de la défense dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, le 15 octobre 2024, le CEMA, le Général Burkhard a indiqué que le coût induit par la participation des armées aux JOP 2024 était de l’ordre de 300 à 400 millions d’euros.
● Spécificité des JO, les dispositifs de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime dédiés aux JO ont été intégrés à Sentinelle. Cette décision a permis une prise en compte du personnel concerné dans les mêmes conditions que le personnel déployé au quotidien dans Sentinelle, sans mise en place de dispositif spécifique (indemnitaire, statutaire, etc.). Financièrement, les militaires ayant participé à Sentinelle ont bénéficié de l’indemnité de sujétions d’absence opérationnelle (ISAO) et défiscalisée conformément à l’article 81, 23° bis du code général des impôts ([22]). Selon les informations fournies par la DRHAT, l’évaluation du coût de l’indemnité de sujétion pour absence opérationnelle (ISAO) du personnel de l’armée de Terre déployé (le personnel en alerte ne consommant pas de ressources) au titre de la sécurisation des JOP est de 39 millions d’euros. En revanche, le 5 juillet 2024, une ISAO dérogatoire a été créée au profit des militaires employés à des activités requises soit par le commandement, soit par le soutien des forces au titre de la mission de sécurisation des JOP 2024 sans y être directement engagés. À la différence de l’ISAO Sentinelle, financée sur le budget OPEX/MISSINT (BOP OPEX), cette ISAO dérogatoire relève des budgets des armées, directions et services. Son montant maximum est de 1900 €, ce revenu étant fiscalisé.
● Les surcoûts induits par ces missions font l’objet d’une provision dédiée, prévue en loi de programmation militaire (LPM) et votée annuellement en loi de finances initiale (LFI). Afin de faire face à l’engagement des armées pour la sécurisation des JOP, l’annuité 2024 de la LPM prévoit un montant supérieur de 50 millions d’euros aux annuités suivantes (800 M€ au lieu de 750 M€) pour le financement des surcoûts de titre 2 (indemnité de sujétion d’absence opérationnelle). De plus, conformément à l’article 5 de la LPM 2024-2030, les dépenses excédant cette provision peuvent faire l’objet d’un financement interministériel. La mission de sécurisation des JOP 24 ayant été prise en compte dans le cadre des MISSINT au titre de Sentinelle, elle est éligible à un financement par la solidarité interministérielle.
Outre les surcoûts de titre 2, d’importants surcoûts hors titre 2 ont également été supportés, afin d’assurer la sécurisation de sites (lutte anti-drone, sécurisation du port d’Ivry-Charenton notamment, l’externalisation de capacités supplémentaires d’hébergement et de restauration à Paris et en Île-de-France, etc.). Selon les informations fournies à votre rapporteure, seul le schéma de fin de gestion permettra de déterminer quel niveau de dépassement de la provision OPEX-MISSINT sera demandé au titre de la solidarité interministérielle.
2. Des progrès notables dans la mise en œuvre de capacités spécialisées associés à une forte réactivité des forces armées
Il ressort des auditions menées par votre rapporteure que la participation des armées n’a pas été perçue comme un simple « droit de tirage » du ministère de l’Intérieur sur les effectifs des armées, mais a permis de les employer dans des domaines spécialisés, apportant ainsi une vraie valeur ajoutée militaire aux forces de sécurité intérieure. L’engagement mené dans un contexte de tensions au Proche et Moyen-Orient et en Nouvelle-Calédonie a également contribué à démontrer la capacité de réactivité des forces armées.
a. Des avancées importantes pour les forces terrestres dans l’emploi de capacités spécialisées, malgré la persistance de certains points de vigilance capacitaires
● En cohérence avec l’évolution des menaces sur le territoire national, les JOP ont été l’occasion pour les armées de déployer des capacités dites spécialisées qui n’avaient pas encore été intégrées aux unités engagées dans l’opération Sentinelle, ou de manière très limitée et ponctuelle. C’est en particulier le cas des moyens cynotechniques, de déminage, de lutte contre la menace NRBC ou de lutte anti-drones (LAD). Ces déploiements ont nécessité la mise en œuvre d’une coordination à l’image de celle qui existe pour les moyens plus classiques de Sentinelle.
Pour s’adapter aux défis de la sécurisation des JOP, tout en s’appuyant sur le cadre bien connu par les autorités préfectorales pour la partie terrestre mais aussi en s’appuyant sur les postures permanentes de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime, l’engagement des armées a été élargi dans un cadre général Sentinelle à tous les champs et milieux (M2MC).
En guise d’illustration, s’agissant du volet cyber, les JOP24 ont permis aux différents acteurs étatiques d’éprouver les capacités de gestion de crise en coordination interministérielle. Une équipe de réponse du ministère des Armées a été déployée en Polynésie Française pour faire face à tout type d’incident cyber, frappant les armées ou la société civile, par délégation de l’ANSSI.
S’agissant du volet lutte anti-drone, un dispositif de sûreté aérienne intégrant la menace des drones a été mis en place. L’armée de l’Air et de l’Espace a ainsi proposé un dispositif inédit de coordination interministérielle des acteurs, combinant des moyens aériens (incluant les opérateurs civils privés) et des acteurs étatiques et étrangers de la lutte anti-drones. Le dispositif a permis la détection de 355 détections (principalement par méconnaissance de la réglementation), menant à 81 interpellations opérées par les forces de sécurité intérieure. Des officiers de liaisons assuraient la coordination avec le volet terrestre de Sentinelle. Ainsi, la Force Sentinelle opérait ses propres drones de surveillance et était amenée à appréhender les téléopérateurs de drone en infraction. L’utilisation opérationnelle de drones tactiques à une telle échelle en zone urbaine constituait une première pour l’armée de Terre. Selon le Général Catar, en septembre plus de soixante drones ont été déployés et plus de 1 500 vols réalisés depuis juillet 2024 (1 000 d’entrainement et 500 vols opérationnels). Selon les personnes auditionnées, les efforts entrepris pour la coordination en interarmées et en interministérielle devraient constituer un héritage fort du dispositif pour l’avenir de Sentinelle après les JOP 24. Selon le ministère de l’Intérieur, pour la lutte anti-drone, les centres opérationnels (COLAD 1 en central, 2 au niveau zonal, 3 au niveau départemental) ont été d’autant plus utiles qu’ils étaient localisés à proximité des centres opérationnels de la chaîne des forces de sécurité intérieure, incluant le cas échéant l’échange d’officiers de liaison, pour faciliter les passages d’information et rendre plus efficace la chaîne détection-interpellation (les militaires ne disposant pas de compétences judiciaires). Il convient désormais d’intégrer ce retour d’expérience et d’en pérenniser les bonnes pratiques, à l’image du protocole lutte anti-drone conclu entre les deux ministères.
● Malgré le succès du déploiement de ces capacités spécialisées, certains points de vigilance notamment capacitaires demeurent. Si bilan est satisfaisant, aucune menace de drones véritablement malveillants n’a été identifiée.
D’une part, les capacités spécialisées (cynotechniques, défense sol-air, lutte anti-drone, défense NRBC) intégralement engagées ont semblé atteindre la limite de leur capacité.
D’autre part, il semblerait que les radars employés dans le cadre de la défense sol-air aient connu certaines pannes. Selon les informations fournies par le sous-chef plans et programmes de l’armée de Terre, le dispositif terrestre du dispositif particulier de sureté aérienne (DPSA) n’a éprouvé aucune difficulté même s’il faut souligner la nécessité d’avoir prévu des radars supplémentaires pour pallier les pannes. Dans le cadre des différentes expérimentations, les systèmes de LAD PARADE ont donné satisfaction mais, en dépit d’un effort de l’industriel, quelques pannes récurrentes devront être réglées. Concernant les lasers de lutte anti-drone, les tirs d’entraînement réalisés ont été jugés efficaces mais la portée gagnerait à être améliorée.
b. Un engagement réalisé en parallèle des autres missions des armées
● Les armées ont su relever le défi de la maitrise du cumul des engagements : sur le territoire national, avec les JOP, mais aussi la Nouvelle Calédonie ainsi que les postures d’alerte (Liban). Ainsi, près de 50 % de la force opérationnelle terrestre était en posture opérationnelle pendant l’été 2024.
● Il semblerait que l’engagement en Nouvelle-Calédonie se soit révélé sans impact significatif sur le dispositif JOP et n’ait conduit à aucun renoncement, démontrant les capacités d’adaptation et de réactivité des armées.
Pour mémoire, à la suite du déclenchement de violentes émeutes le 13 mai 2024, l’état d’urgence a été déclaré en Nouvelle Calédonie le 15 mai alors que les violences et blocages se sont renforcés. Le Haut-Commissaire de la République a sollicité les armées (demandes de concours et réquisitions administratives) pour soutenir le bon fonctionnement de certains services de l’État et appuyer les forces de sécurité intérieure. Ainsi, les forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC) ont protégé jusqu’à dix sites sensibles dont certains étaient identifiés comme point d’intérêt vital. Dans ce contexte, l’augmentation des missions dévolues aux armées a rendu nécessaire le renforcement des capacités des FANC en troupes de manœuvre et en services d’appui et de soutien. Au plus fort de la crise et conformément aux orientations politiques, environ 950 militaires ont été projetés en renfort, dont 600 militaires de l’armée de Terre, par un important pont aérien reposant dans un premier temps uniquement sur les capacités de transport de l’armée de l’Air et de l’Espace. Les FANC ont alors compté jusqu’à 2 600 militaires. Ce renforcement a été réalisé à partir des éléments de l’armée de Terre de l’échelon national d’urgence (ENU). Le dispositif des armées dédié aux JOP ayant fait l’objet d’une génération de force spécifique en amont de la crise, celui-ci n’a pas été impacté par cette manœuvre générale de renforcement des FANC, hors Polynésie Française. En effet, initialement, une compagnie des FANC avait été planifiée pour contribuer à la sécurisation des JOP en Polynésie du 13 juillet au 9 août 2024. En amont de la crise, les prémices des troubles ont conduit les armées à maintenir cette compagnie sur le territoire. Une compagnie d’hexagone a alors été projetée en substitution en Polynésie. Hormis cette adaptation relative au dispositif en Polynésie Française, cette crise n’a pas eu de conséquences majeures sur le dispositif initialement prévu dans le cadre des JOP 2024. Tout au long de la crise, le dispositif a été adapté en permanence afin de trouver un équilibre entre les JOP et la Nouvelle-Calédonie s’agissant de certaines capacités spécialisées.
Dans la conception initiale du volume nécessaire pour les JOP, le commandent pour les forces et les opérations terrestres (CFOT) avait en effet planifié des options variées, dont les plus exigeantes se situaient au-delà de ce qui a été finalement déployé. Par ailleurs, le CFOT avait mis en place un dispositif réactif au travers de ces différents niveaux d’alerte à 48 et 72h. Tout engagement d’une unité à 48h était « compensé » par un abaissement du volume équivalent dans les unités à 72h. Ainsi, ce léger excèdent initial de génération de force a permis d’absorber la projection en Nouvelle-Calédonie sans remettre en cause le volume nécessaire à la sécurisation du dispositif JOP.
c. L’implication réussie des réservistes et une expérimentation des volontaires du territoire national à poursuivre
● L’armée de Terre a mobilisé 15 000 soldats pour la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, dont plus de 15 % de réservistes. Ces personnels provenaient des compagnies de réserve des régiments et ont rempli les mêmes missions de sécurisation statiques et dynamiques que les militaires d’active. La formation militaire et la préparation opérationnelle spécifique avant déploiement (répondant aux mêmes exigences que celle réalisée par le personnel d’active) garantissent l’efficacité de leur emploi. Selon les informations fournies à votre rapporteure, dans le cadre des JOP 24, aucun problème majeur de disponibilité n’a été signalé en raison du caractère extraordinaire de l’événement qui a représenté une opportunité opérationnelle inédite pour la réserve. En effet, la planification très en amont de l’événement a permis aux réservistes de s’assurer en lien avec leur employeur, de la disponibilité nécessaire correspondant à leur volontariat. Selon les informations fournies par la DRHAT, la réserve opérationnelle est actuellement une ressource indispensable pour l’armée d’active, avec environ 2 400 réservistes engagés quotidiennement, dont 500 dans le cadre de missions sur le territoire national et 300 dans le cadre de Sentinelle.
Selon les informations fournies par la DRHAT, la place des réservistes dans l’opération Sentinelle et la sécurisation du territoire national devrait évoluer dans le cadre de l’ambition "réserve 2030", avec une réserve stratégique et une réserve territoriale pouvant être employée jusqu’au niveau bataillonnaire pour la sécurisation de grands événements, l’assistance aux populations, l’appui aux forces de sécurité intérieure et des unités du commandement des formations militaires de la sécurité civile.
● L’armée de Terre a également expérimenté un engagement temporaire sous statut militaire pour les Jeux Olympiques de Paris 2024, axé sur la défense et la sécurité du territoire. Aussi, une centaine de volontaires découverte de l’armée de Terre ont-ils été recrutés pour quatre mois, prenant part au défilé du 14 juillet, au bataillon de cérémonie des Jeux paralympiques et à la sécurité du Camp Caporal Alain Mimoun. Les cadres ont assuré la formation et l’encadrement, aboutissant à un comportement exemplaire et des résultats reconnus. L’expérience peut être un tremplin vers un engagement dans l’active ou la réserve, et sa reproduction à plus grande échelle est en cours d’évaluation. Votre rapporteure, qui a eu la chance de rencontrer certains de ces volontaires lors de sa visite du camp caporal Mimoun, appelle de ses vœux la poursuite de cette expérimentation qui permet de diversifier les formes d’engagement offertes aux jeunes.
3. Le succès du dialogue civilo-militaire décentralisé et orienté vers les finalités a permis de garantir la complémentarité entre forces de sécurité intérieure et forces armées
Lors des auditions menées par votre rapporteure, les JOP 24 ont pu être qualifié « d’accélérateur du dialogue civilo-militaire ». La planification menée en amont, notamment avec le préfet de police de Paris s’est avérée essentielle pour le bon succès de l’évènement. Le Général Abad, Gouverneur militaire de Paris, estime ainsi qu’a été franchi « un cap en termes de coopération, d’anticipation et de coordination de nos manœuvres ([23]) ».
a. Le caractère indispensable de l’échelon zonal
● Le dialogue civilo-militaire pendant la période JOP s’est principalement appuyé sur le dispositif préexistant :
– au niveau interministériel, au travers d’échanges réguliers au sein de la cellule coordination intérieure défense (C2ID) entre le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer et le ministère des Armées pour cadrer le dialogue civilo-militaire ainsi qu’avec le centre national de commandement stratégique (CNCS) du ministère de l’Intérieur pour les modalités d’organisation en amont des JOP, puis lors du déroulement des JOP, à travers la présence d’officiers de liaison des armées au sein du centre national de commandement stratégique et du centre de renseignement olympique ;
– au niveau stratégique, par la présence d’officiers de liaison de la Gendarmerie nationale et de la Police nationale au sein de la cellule de conduite des JOP 2024 du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) ;
– au niveau opératif, au travers d’échanges permanents entre les zones de défense et les préfectures concernées, et par la mise en place d’un réseau de détachements de liaison particulièrement dense au sein des préfectures, en particulier la Préfecture de Police Paris ;
– au niveau tactique, par le dialogue de coordination entre les chefs tactiques engagés sur le terrain, les délégations militaires départementales et les acteurs des forces de sécurité intérieure.
● Les premières leçons tirées et les axes d’amélioration sont les suivants :
- la confirmation de la pertinence de l’organisation territoriale interarmées de défense (OTIAD) : éprouvée à tous les niveaux (central, zonal, départemental), elle a permis de conduire un dialogue civilo-militaire (DCM) de qualité avec l’ensemble de la chaîne préfectorale du MIOM et de renforcer la connaissance et la confiance mutuelle ;
- l’importance d’un DCM régulier à travers la cellule de coordination Intérieur-Défense (C2ID) aux niveaux central et zonal pour conserver une vision globale de l’engagement des armées.
Ce DCM a été utilement complété par un DCM central spécifique aux JOP entre l’état-major des armées (CPCO) et le coordinateur national de la sécurité des JOP (CNSJ), visant à préparer l’engagement des armées et centraliser les expressions de besoin en moyens spécifiques ou rares ;
- la pertinence de disposer pour les armées d’un interlocuteur MIOM unique pendant toute la durée des JOP à travers la mise en place par le MIOM du Centre national de commandement stratégique (CNCS) pour suivre de manière centralisée l’ensemble des activités liées aux JOP ;
- l’intérêt de disposer de structures de commandement robustes, réactives et bien connectées aux forces de sécurité intérieure, en particulier à Paris où étaient déployés un poste de commandement de brigade chargé du commandement tactique des bataillons Sentinelle et l’état-major interarmées de zone de défense-Paris (EMIAZD-P), chargé quant à lui de l’engagement des capacités spécifiques, du soutien et du dialogue avec la Préfecture de police.
● Selon les informations fournies par l’armée de Terre, le dialogue civilo-militaire mené par le niveau interarmées en planification et en conduite des JOP24 a été très satisfaisant. Tant au niveau stratégique qu’opératif, il a permis d’identifier précisément les effets demandés aux armées dans leur périmètre de mission. La qualité et la permanence du dialogue civilo-militaire a permis une complémentarité efficace des moyens engagés dans tous les milieux, en respectant la singularité des armées. En planification, particulièrement au niveau zonal, il a permis d’identifier les effets demandés aux armées dans leur périmètre de mission pour la sécurisation des jeux. En conduite, ce dialogue a été maintenu tout au long des jeux afin d’adapter le déploiement ou la posture des armées en fonction des besoins. Ainsi, les armées ont généré début juillet le volume de 47 sections issues de la réserve de planification afin de répondre au besoin du ministère de l’Intérieur de reconstituer une réserve stratégique. Ce dialogue a notamment été fluidifié par la mise en place de détachements de liaison aux niveaux stratégique (CNCS) et opératif (Préfectures de Police de Paris et Marseille) et la participation aux réunions de coordination des forces de sécurité jusqu’au niveau tactique. Une coordination permanente a été maintenue avec la sécurité civile, via des exercices communs préparatoires, entre le SAMU, l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) et la sécurité civile.
Ce constant semble partagé par les représentants du Ministère de l’Intérieur, auditionnés par votre rapporteure. Selon ces derniers, la qualité du dialogue civilo-militaire a émergé comme l’un des facteurs de succès majeurs de l’emploi des armées pendant les JOP.
● L’échelon zonal a constitué le niveau clé du dialogue civilo-militaire.
C’est en particulier le dialogue au niveau zonal qui a permis de mener la réflexion tactique, puis de conduire les opérations dans une logique de résultats et d’efficacité. Ce fonctionnement est le fruit de la maturité acquise par la C2ID, dynamisant la relation au niveau zonal. Ainsi, au fur et à mesure des années et jusqu’aux JOP, les réunions de la C2ID se sont de moins en moins attachées à comptabiliser les volumes engagés dans chaque zone, laissant cela au niveau adéquat, en application du principe de subsidiarité.
Il convient de souligner l’extension exceptionnelle de la zone de compétence de la Préfecture de police de Paris à la grande couronne ([24]). La préfecture de Police de Paris estime que cette extension de pouvoir s’imposait au regard des enjeux de l’évènement. L’Île-de-France concentrait plus de 80 % des épreuves olympiques et la presque totalité des flux d’athlètes, dignitaires et spectateurs depuis les trois aéroports franciliens et gares parisiennes. En sus des compétences de droit commun du Préfet de Police à l’échelle de l’agglomération ou celles inhérentes à son statut de Préfet de zone de défense et de sécurité, la concentration des pouvoirs durant les JOP s’imposait pour disposer de la réactivité nécessaire en cas d’événement accidentel ou malveillant. Afin d’être en mesure d’exercer pleinement ces prérogatives, le centre de suivi et de planification zonal (CSPZ) a été créé. Il centralisait et synthétisait toutes les informations relatives aux JOP. Un officier de liaison des armées était systématiquement présent, facilitant ainsi la fluidité du dialogue civilo-militaire. Le Gouverneur militaire de Paris a par ailleurs été associé à chacune des réunions d’état-major journalières présidée par le Préfet de Police afin d’être informé et en capacité de proposition pour tous les dispositifs de sécurité à adapter au quotidien durant les JOP. Cette situation sans précédent a constitué un gage de confiance entre l’autorité civile et militaire. Ce dispositif s’est montré satisfaisant et vise à être pérennisé à l’échelon zonal.
En zone sud, deuxième employeur de Sentinelle après Paris, la présence, dans le dispositif opérationnel permanent de trois états-majors tactique (à Toulouse, Nice et à Marseille) a constitué un gage de réactivité au niveau tactique et de subsidiarité entre les niveaux opératifs et tactiques. Cette articulation a donné entière satisfaction au quotidien et a démontré toute sa pertinence pendant les JOP en étant capable d’absorber une hausse majeure des effectifs engagés avec un renforcement marginal de la chaine de commandement et de contrôle (C2) permanente. Selon le Général Laval, l’efficacité du dialogue civilo-militaire réside non seulement dans la relation de confiance, mais surtout dans la réactivité des armées au moment des regains de tensions consécutifs aux évènements du Proche Orient le 7 octobre 2023. Ainsi l’organisation du C2 en zone Sud a permis d’intégrer et de commander aisément le « surge » d’octobre 2024 et ainsi d’apporter des gages au préfet de police de Marseille, au moment des évènements en Nouvelle Calédonie du 15 mai 2024, qu’une approche par la réalisation des effets escomptés était plus efficiente qu’une approche comptable d’effectifs déployés.
b. Des missions respectueuses de la spécificité des armées
● Selon les informations transmises à votre rapporteure par l’état-major des armées, la participation des armées à la sécurisation des JOP s’est faite sous réquisition administrative, conformément au cadre d’engagement Sentinelle. Chaque préfecture de zone a émis une réquisition comprenant un effet à obtenir bordé dans le temps, les OGZDS déterminant ensuite le format et les modes d’action nécessaires pour y répondre et appuyer au mieux les forces de sécurité intérieures. Les règles d’emploi de la force sont restées identiques à celles usuellement mises en œuvre pour Sentinelle.
● Des spécificités propres aux JOP 24 doivent néanmoins être signalées. À noter le cas particulier d’Ivry-Charenton qui a vu la création d’une zone administrative protégée afin de renforcer le caractère délictuel d’une éventuelle intrusion et la création de plusieurs zones militaires (ZMT) en vue de permettre aux armées de sécuriser des matériels sensibles sous le statut de la protection d’installation militaire.
Quelques réquisitions complémentaires ([25]) ont par ailleurs été émises afin d’adapter à la marge les dispositifs hors zone de défense et de sécurité de Paris (ajouts de points sensibles, extension de zones de manœuvre, attention sur communauté juive, etc.) mais sans impact majeur sur la force Sentinelle, hormis en zone de défense et de sécurité Sud, dans laquelle un renfort de cinq sections a été nécessaire en amont des JOP. La réquisition complémentaire la plus significative a concerné la région parisienne, à travers l’appui aux plans de sécurisation du ministère de l’intérieur et de l’outre-mer, comme le plan « tourisme XXL » et celui de la Préfecture de police de Paris (PPP) spécifique aux différents sites des JOP, dit du « dernier kilomètre », avec un effort particulier sur la cérémonie d’ouverture. L’objectif était d’augmenter la présence de Sentinelle afin de permettre aux forces de sécurité intérieure de constituer une réserve d’engagement, notamment dans le cadre d’éventuelles substitutions à la sécurité privée. Cette réquisition a vu le déploiement de 37 sections supplémentaires à Paris en amont des JOP, à l’issue d’un dialogue civilo-militaire constructif entre le préfet de police de Paris et le Gouverneur militaire de Paris. Par ailleurs, le cadre temporel de la mission a été élargi à travers des missions de sécurisation de nuit, ce qui n’est pas le cas habituellement pour Sentinelle.
B. Près de dix ans après la création de sentinelle, s’appuyer sur le retour d’expérience des jop 2024 pour envisager une opération plus adaptée à la diversité des menaces présentes sur le territoire national
Il ressort des auditions menées par votre rapporteure, que les armées souhaitent prendre toute leur part dans la sécurisation du territoire national. Néanmoins, cette extension des missions ne peut s’effectuer qu’à condition de prendre en compte la spécificité de l’engagement des armées. Comme le résume le Général Abad, Gouverneur militaire de Paris, « l’enjeu est que ce déploiement soit strictement adapté aux besoins afin d’apporter une réelle plus-value dans des missions que nous maitrisons, avec des modes d’action propres aux armées ([26]) ».
Tout en s’appuyant sur les postures permanentes existantes et éprouvées dans les divers milieux (aérien, maritime et cyber), après un engagement exceptionnel lors des Jeux olympiques et paralympiques 2024, les armées étudient l’adaptation de leur engagement sur le territoire national afin de mieux répondre aux nouveaux défis sécuritaires et à la nécessité d’une défense civile et d’une défense militaire plus intégrées et mieux synchronisées.
Cette évolution doit permettre aux armées de gagner en flexibilité et en lisibilité dans un contexte d’engagement croissant sur le territoire national (métropole et outre-mer), souvent au-delà de la lutte anti-terroriste, à travers :
– la préservation de la qualité du dialogue civilo-militaire ;
– un engagement multi-milieux et multi-champs optimisé et plus réactif ;
– une meilleure efficacité opérationnelle des armées, intégrant régénération et entraînement.
Ces principes doivent permettre de dépasser le strict cadre des patrouilles pédestres quotidiennes pour s’orienter davantage, à l’instar des autres milieux, vers une posture de protection terrestre rénovée, intégrant les effets en multi-milieux et multi-champs, en appui des autorités civiles et des forces de sécurité intérieure et de sécurité civile, s’appuyant davantage sur la réactivité et la polyvalence des armées.
Ces évolutions nécessitent également de s’intégrer dans la poursuite des travaux interministériels menés sur la résilience et la cohésion nationale, visant à sensibiliser les acteurs de la défense civile aux enjeux de défense nationale.
1. Réduire le socle permanent de Sentinelle, tout en renforçant la réactivité du dispositif à travers la refonte du système d’alerte des forces terrestres
Un dispositif opérationnel permanent plus restreint dimensionné au « strict besoin » est actuellement envisagé par les armées. Ce dernier devrait en revanche pouvoir être renforcé très rapidement grâce à un système d’alerte refondé sur l’ensemble du territoire national permettant de préserver la liberté de manœuvre des forces terrestres. Par ailleurs, votre rapporteure tient à souligner que le corollaire de la réactivité est la réversibilité qui permet, une fois la situation stabilisée, de renvoyer les unités engagées en garnison afin qu’elles renouent avec leurs activités de préparation opérationnelle. Comme le recommandait la Cour des comptes, il convient de « privilégier une réquisition maitrisée des armées pour des missions à haute valeur ajoutée militaire, combinant réactivité et désengagement rapide ».
a. Un dispositif opérationnel permanent réduit à 1 500 militaires
Un dispositif opérationnel permanent réduit est actuellement envisagé par les armées et pourrait se situer aux alentours des 1 500 à 2 000 militaires, sous réserve d’évolution.
● Lors des auditions, les arguments avancés par les armées à l’appui de cette évolution portent, d’une part, sur le risque de banalisation des armées et, d’autre part, sur leur réactivité démontrée qui garantirait leur capacité à renforcer le dispositif très rapidement. Au cours de l’année écoulée les armées estiment avoir démontré leur capacité à remonter en puissance et à répondre présentes en cas de besoin. Ainsi, comme votre rapporteure l’a déjà évoqué, après l’assassinat terroriste de Dominique Bernard, le dispositif Sentinelle est passé de 3 500 à 7 000 militaires en moins d’un week-end.
Votre rapporteure estime que cette évolution serait effectivement de nature à répondre aux grands principes d’engagement des armées que sont la capacité à encaisser le premier choc, tout en demeurant l’ultima ratio de l’État. Si le socle permanent retenu s’établissait effectivement à 1 500 militaires, soit environ 2 % de la force opérationnelle terrestre, ce ratio permettrait de conserver une réserve en dernier recours et de poursuivre les activités d’entraînement.
● Le ministère des armées a partagé récemment au ministère de l’Intérieur, via l’enceinte de la C2ID, son intention de faire évoluer l’opération Sentinelle. Néanmoins, les représentants auditionnés par votre rapporteur ont indiqué que le ministère de l’Intérieur ne partageait pas le souhait des armées de diminuer le dispositif opérationnel permanent pour trois raisons principales. D’une part, en raison des évolutions du contexte géopolitique qui demeure très tendu et qui s’accompagne d’un élargissement du spectre des menaces. D’autre part, cette diminution est perçue comme contradictoire avec la stratégie nationale de résilience voulue par le Président de la République, qui a pour but de faire face à des rétroactions à forte intensité sur le territoire national, et qui implique une coopération renforcée entre forces de sécurité intérieure et militaires. Enfin, selon le ministère de l’Intérieur, il est important de préciser que l’idée parfois avancée de compenser la diminution des effectifs par la mobilisation d’outils technologiques de type drones n’est ni réaliste, ni pertinente puisque les seconds ne sauraient, à brève échéance se substituer aux missions remplies par les premiers, notamment en cas d’intervention armée face à une attaque terroriste.
Si votre rapporteure comprend les réticences du ministère de l’Intérieur, elle considère néanmoins qu’il ne s’agit pas d’une diminution d’effectifs mais bien en réalité d’échanger du pré-positionnement contre de la réactivité. À court terme, la première difficulté résidera dans le fait de se passer de l’effet dissuasif de la présence physique de militaires sur le terrain. Il revient néanmoins au ministère des armées de poursuivre le dialogue entrepris avec le ministère de l’Intérieur afin de garantir qu’il est possible d’obtenir les mêmes effets avec des modalités et des moyens différents.
b. La nécessaire poursuite de la refonte du système d’alerte des forces terrestres
● Pour garantir un niveau de réactivité optimal, il convient de poursuivre la refonte du système d’alerte des forces terrestres et d’éviter certains écueils.
Selon les informations fournies par le CFOT, au-delà de l’opération Sentinelle et dans le cadre de son dispositif d’alerte global, l’armée de Terre a élaboré un dispositif d’alerte dit « Guépard TN », qui vise l’hexagone comme l’outremer, et cherche à gagner en réactivité à tous les niveaux par des réponses adaptées aux crises et fondées sur la base de capacités spécialisées. Ce dispositif ambitionne d’aller de Sentinelle à l’hypothèse d’engagement majeur dans une forme de cohérence continue.
Le projet de « Guépard TN » de l’armée de Terre prévoit notamment le déploiement sur court préavis d’une compagnie par unité, permise par la réinternalisation de « lots du combattant » en leur sein. Ces unités seraient capables d’agir en autonomie plusieurs jours et de passer sous commandement de la chaine OTIAD en cas de réquisition. Ce projet vise à la fois plus de réactivité et aussi un élargissement du champ des alertes « génériques » et « métiers » afin de répondre à l’ensemble des plans nationaux de réaction aux risques naturels, sanitaires ou technologiques, ainsi qu’aux menaces armées, voire militaires, comme au renforcement de la protection des installations militaires. Cet échelon de réactivité pourrait intégrer des capacités spécifiques (sections de fouille opérationnelle spécialisée, moyens cynotechniques, opérateurs drone, moyens du génie : franchissement, déblaiement) en veillant toutefois au strict respect de la règle des 4I. S’il était déjà fait mention dans le projet annuel de performance 2023 de la volonté de l’armée de Terre de déployer ces lots de réactivité « par la poursuite de la mise en place en 2023 de lots de réactivité Terre (protections balistiques et NRBC, munitions, vivres opérationnels, etc.) dans 72 régiments à hauteur d’une compagnie, permettant de l’engager en réaction à une crise majeure et avec une autonomie initiale de 3 jours », force est de constater que depuis 2024, l’indicateur « taux de satisfaction des contrats opérationnels permettant d’assurer la fonction stratégique de protection » ne figure plus dans les projets annuels de performance annexés au projet de loi de finances chaque année. Votre rapporteure souligne donc la difficulté à mesurer la progression de la mise en œuvre de cette transformation qui mériterait d’être étendue.
● Néanmoins il ressort des auditions menées par votre rapporteure que deux principaux points d’attention subsistent. D’une part, l’augmentation de la réactivité se traduira nécessairement par un plus grand niveau d’incertitude pour les unités et les personnels engagés. Celle-ci pourrait avoir des conséquences négatives tant du point de vue de l’organisation de la vie des personnels que de la planification de la préparation opérationnelle, notamment interarmes à la haute intensité. D’autre part, votre rapporteure souligne la nécessité de prendre en compte l’ensemble du territoire national dans cette refonte, y compris les territoires d’Outre-mer. S’il n’existe pas à proprement dit de dispositif Sentinelle Outre-mer, des missions intérieures y sont pourtant menées, comme depuis 2002, la mission de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane qui à l’origine avait fait l’objet d’une réquisition de l’armée de Terre mise en œuvre dans le cadre de l’opération Anaconda, puis Harpie (2008), finalement pérennisée en 2010. Si historiquement, très peu de réquisitions ont été mise en œuvre dans les territoires d’outre-mer, toutes satisfaites à partir du dispositif de forces de souveraineté, les JOP 24 ont conduit à une évolution en la matière. Pour la première fois depuis 2015, une compagnie a été déployée, depuis l’hexagone, en Polynésie Française, pour participer à la sécurisation des épreuves de surf des JOP24, sous le label de l’opération Sentinelle. À l’issue des auditions, votre rapporteure souligne la nécessité de mieux associer les Outre-mer au dialogue civilo-militaire. À titre d’exemple, elle considère que les préfets d’Outre-mer devraient être plus systématiquement associées aux réunions de la C2ID.
c. Une diminution des effectifs déjà amorcée en région parisienne
Après avoir convenu de revenir aux volumes employés ante JOP, il est prévu, selon un calendrier encore incertain aujourd’hui de réduire de 10 % au niveau national le DOP (actuellement 2 800 militaires) au début du mandat suivant, via le dialogue civilo-militaire zonal, dans une logique de remplacement de volume par de la réactivité.
● Pour ce qui est de Paris, qui concentre la moitié des effectifs de Sentinelle, le dialogue civilo-militaire récemment conduit entre la Préfecture de police et l’état-major de zone de défense et de sécurité a permis de diminuer le volume des troupes déployées en Île-de-France à compter d’octobre. Entrant en vigueur le 1er octobre, la réquisition permettra une diminution significative de 25 % des effectifs engagés à Paris. Les forces armées se sont resserrées sur Paris intra-muros et sur quelques sites emblématiques (aéroports d’Orly et Roissy, château de Versailles, Disneyland Paris et le quartier de la « petite Jérusalem » à Sarcelles). Des zones de manœuvre gelées en petite couronne ont été préservées et peuvent être réactivées pour des occasions spécifiques (fêtes religieuses, événements particuliers, etc.).
Auditionné par votre rapporteur, le préfet de police de Paris, M. Laurent Nuñez, n’a pas semblé s’opposer pas à cette évolution. Selon les éléments fournis par la préfecture de Police, le mode de fonctionnement actuel, fondé sur une logique d’effets à obtenir et dans le respect du principe des « 4i », donne satisfaction. Le dispositif tel qu’arrêté depuis le 1er octobre aboutissant à une concentration des moyens militaires sur les sites sensibles doit être poursuivi avec une capacité d’extension temporaire des zones de manœuvre lors d’événements particuliers notamment la sécurisation des sites lors des fêtes religieuses. La zone de défense Île de France fonctionne d’ailleurs déjà dans une logique « d’effets à obtenir ». Les armées s’organisent (dimensionnement, articulation et projection de la force) pour faire face aux missions qui leur sont confiées. Elles agissent en transparence, contrepartie essentielle à la subsidiarité.
En revanche, les autres zones devraient connaître une diminution de leur dispositif permanent plus modeste.
2. Élargir les missions réalisées dans le cadre de Sentinelle afin de mieux répondre à l’évolution des menaces sur le territoire national
● La deuxième évolution envisagée par le ministère des armées consiste à élargir les missions réalisées dans le cadre de Sentinelle sur le modèle du déploiement de capacités spécialisées dans le cadre des JOP, afin de mieux répondre à l’évolution des menaces sur le territoire national. En effet, le contexte stratégique actuel est marqué par l’évolution des risques et des menaces (rétroactions liées à la guerre en Ukraine, terrorisme endogène et exogène exploitant les flux migratoires, cyber, augmentation de risques naturels, etc.) pouvant toucher le territoire national.
● Par ailleurs, le déploiement massif de Sentinelle ne doit pas occulter la multiplicité des engagements sur le territoire national (HARPIE en Guyane, plans HAMLET et ALBATROS pour faire face aux ouragans dans les Antilles, HEPHAÏSTOS pour appuyer les FORMISC dans la lutte estivale contre les feux de forêts, etc.). Au-delà, et notamment vers les territoires d’Outre-mer, le déploiement des armées peut se faire dans un cadre autre que la lutte anti-terroriste, notamment en cas de catastrophe naturelle (secours aux populations), par procédure de réquisition ou de demande de concours.
Ce Sentinelle que l’on peut qualifier de « nouvelle génération », engloberait ainsi l’ensemble des contributions des armées à la protection des Français sur le territoire national. Les armées mettent en avant deux raisons à cette évolution, encore une fois la réactivité, mais surtout une meilleure lisibilité et valorisation des actions à haute valeur ajoutée que peuvent mener les armées sur le territoire national, qu’elles seules peuvent mettre en œuvre et qui, pour autant, sont peu sollicités par les autorités civiles. L’élargissement des missions s’inscrirait dans le cadre juridique et budgétaire bien connu de l’opération Sentinelle et s’appuierait sur un dialogue civilo-militaire éprouvé. Aussi, est-il envisagé de mettre à disposition des préfets de zones de nouvelles capacités dans le cadre de Sentinelle, comme les moyens spécialisés et en capacités de niche, comme celles des forces spéciales, de véhicules blindés et de moyens aéromobiles, de capacités du génie, de moyens de protection et d’intervention contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques. Par exemple, la lutte anti-drone ayant donné pleine satisfaction pendant les JOP, il est envisagé d’étendre la possibilité de son emploi à toutes les zones de défense. À terme, l’état-major des armées envisage également que Sentinelle puisse englober l’ensemble des missions de sécurité civiles menées par les armées, voire certaines autres missions intérieures comme la mission Héphaïstos de lutte contre les feux de forêt pour plus de lisibilité.
Selon l’officier général de zone de défense et de sécurité Sud, le Général Laval, auditionné par votre rapporteure, l’élargissement de Sentinelle aurait notamment un intérêt dans le cadre de la lutte contre les feux de forêt, amenés à devenir de plus en plus nombreux avec le changement climatique, et qui nécessite une coordination accrue entre les forces armées et de sécurité civile. À titre d’exemple, dans le cadre d’Héphaïstos des moyens des armées sont mis à disposition de la sécurité civile, encadrés par un protocole d’accord avec le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer. En permanence une cinquantaine de personnels sont mobilisés (pouvant être renforcés par un bataillon d’hélicoptères et deux détachements du génie). Cette année, le Général Laval se félicite d’une réduction de la surface brulée grâce à une meilleure coordination avec la sécurité civile, et ce, malgré plus de départs de feu. Il pourrait ainsi être envisagé, d’intégrer des moyens spécialisés du génie et des aéronefs de l’aviation légère de l’armée de Terre ou de transport de biens ou de personnes dans un dispositif d’alerte territoire national rénové, en appui à la sécurité civile en cas d’évènements climatiques ou sismiques d’ampleur comme peut en connaître la zone Sud. La mise sous alerte de modules, y compris au niveau zonal dans les périodes sensibles de l’année (automne notamment) pourrait être de nature à renforcer la réactivité des armées sur le territoire national.
Votre rapporteure considère que l’évolution vers un Sentinelle « nouvelle génération » aurait pour avantage d’avoir un effet bénéfique sur l’attractivité des missions et in fine la fidélisation dans les armées. Alors que la dynamique des OPEX semble ralentir, notamment au gré des désengagements successifs au Sahel, la question du « retour du territoire national » se pose avec davantage d’acuité. Il ressort des auditions menées par votre rapporteure que la résurgence d’un engagement plus diversifié sur le territoire national est également envisagée sous l’angle de l’attractivité des missions proposées aux jeunes recrues ainsi que de la fidélisation. Un Sentinelle « nouvelle génération » permettrait de sortir du seul cadre des patrouilles terrestres dans le cadre de la lutte anti-terroriste pour employer des unités sur le cœur de métier et non des missions génériques, permettant de travailler des savoir-faire militaires parfois complexes tout en ayant in fine un impact positif sur l’intérêt trouvé dans les missions et donc la fidélisation des personnels.
● Toutefois, l’extension des missions, notamment s’agissant de l’usage des drones, doit pouvoir s’accompagner d’une trajectoire cohérente en termes d’équipements et d’entraînement sur ces mêmes matériels, ainsi que d’un niveau de disponibilité suffisant. Il convient notamment d’équiper certains détachements Sentinelle de Brouilleur anti-drone autonome (BADA) et former leurs opérateurs. De la même manière, une formation est indispensable aux télé-pilotes de drones. Par ailleurs, il s’agira de faire effort sur l’intégration des dispositifs de commandement de ces capacités au sein des centres opérationnels des forces de sécurité intérieure pour en optimiser l’emploi. À cet égard, le ministère de l’Intérieur, suggère d’étudier la mise en place d’une convention permanente entre les deux ministères sur la lutte anti-drones, sur la base de celle établie dans le cadre des JOP.
3. Renforcer la subsidiarité du dialogue civilo-militaire
Dans le cadre de l’évolution envisagée de Sentinelle, le dialogue civilo-militaire occupera une place essentielle pour définir le niveau de déploiement adapté et requérir la mise à disposition ponctuelle de moyens spécialisés.
a. Capitaliser sur le retour d’expérience des JOP afin de préserver l’efficacité du dialogue civilo-militaire
● Dans un premier temps, il convient de capitaliser sur le retour d’expérience des JOP afin de préserver l’efficacité du dialogue civilo-militaire.
Selon les personnes auditionnées, le dialogue civilo-militaire doit désormais être consolidé selon le principe des effets à produire, plutôt que des listes de tâches ou des volumes à engager. La préparation des JOP a permis de réaliser d’importants progrès sur ce point, progrès d’ailleurs confirmés par la chaîne OTIAD dans les comptes rendus successifs de la C2ID. Il s’agit désormais de capitaliser sur ces bonnes pratiques en s’assurant qu’elles soient généralisées à tous les acteurs et à tous les niveaux. Par ailleurs, le dialogue civilo-militaire de niveau zonal doit demeurer prioritaire sur le niveau stratégique.
De plus, au niveau interministériel, selon le ministère de l’Intérieur, la C2ID ayant été particulièrement active mais focalisée sur les JOP ces deux dernières années, il s’agit désormais de lui rendre son champ initial, c’est-à-dire de proposer un cadre de discussion entre les deux ministères pour l’ensemble des sujets communs. Il s’agira en outre d’étendre ceux-ci aux enjeux ultramarins.
● En parallèle, au niveau central, les travaux menés par le CPCO sur l’évolution de Sentinelle devraient aboutir d’ici la fin de l’année et pourraient notamment confier le commandement de l’opération Sentinelle à l’état-major interarmées pour le territoire national métropolitain (EMIATN ([27])). Ce nouveau commandement interarmées a été créé à l’été 2023, alors que le précédent commandement pour le territoire national n’était pas inclus dans la chaine opérationnelle et ne concernait que l’armée de Terre, marquant ainsi la volonté des armées de faire du territoire national une priorité. L’objectif recherché est de permettre au CPCO de recentrer ses actions sur le dialogue stratégique, dans une logique de subsidiarité et à l’EMIATN de coordonner les zones de défense. De même, la division Terre de l’EMIATN accompagnera la montée en puissance de la réserve, qui va connaître une évolution profonde en appui de la force opérationnelle terrestre et de la protection des territoires. Elle commandera, in fine, les unités de la réserve territoriale. En revanche, votre rapporteure note que l’EMIATN n’a pas compétence pour les territoires d’Outre-mer.
b. Fluidifier le dialogue civilo-militaire au niveau infra-zonal
● Dans un second temps, bien que le niveau zonal reste le niveau de coordination central, il apparait nécessaire de renforcer le dialogue civilo-militaire infra-zonal.
À l’issue des auditions menées par votre rapporteure, il semble en effet souhaitable d’envisager de renforcer les marges de manœuvre du délégué militaire départemental et du chef de corps au niveau local afin de leur donner la capacité d’engager en cas d’urgence un effectif limité de forces, pour une durée également limitée, sans que l’autorisation du CPCO ne soit sollicitée, mais toujours sous le contrôle de l’officier général commandant la zone de défense et de sécurité. L’on pourrait ainsi imaginer dans les départements qui bénéficient d’implantations militaires, des effectifs entrainés, prêts à être mobilisés dans le cadre Sentinelle en local, sans sortir de leur département. Sans se substituer au niveau zonal, les chefs locaux pourraient s’appuyer sur des seuils précis au-delà desquels l’autorisation des niveaux de commandement supérieurs demeurerait requise a priori. Cette évolution s’inscrirait en pleine cohérence avec les axes précités visant à renforcer la réactivité de Sentinelle. Le risque d’un emploi non adapté ou hors cadre juridique des armées existe, mais il serait limité par la possibilité d’un contrôle a posteriori des échelons zonal et central. Cette subsidiarité renforcée avec un contrôle a posteriori semble déjà exister dans certaines zones de défense et mériterait d’être élargie. Votre rapporteure a néanmoins bien conscience que cette évolution pourrait s’avérer plus hasardeuse dans les départements ne bénéficiant pas d’implantations militaires, les moyens militaires à la main de l’échelon local étant alors trop limités.
Interrogé par votre rapporteure, le service du haut fonctionnaire de défense du ministère de l’Intérieur semble également favorable à cette initiative, notamment au travers d’une déconcentration de la décision d’intervention – au moins pour les situations d’urgence – et de l’emploi réactif de forces immédiatement disponibles localement. Au-delà de l’intérêt en termes de réactivité, le ministère de l’Intérieur estime que cette proposition servirait l’objectif de développer les connaissances entre autorités civiles et militaires à l’échelon départemental, facteur clé de la mise en œuvre rapide et efficace de la défense opérationnelle du territoire (DOT) en cas de crise majeure. Dans cette perspective, il convient désormais de porter les efforts sur le dialogue civilo-militaire au niveau infra zonal, c’est-à-dire départemental et local, pour favoriser l’engagement réactif, mais également la résilience de l’État à l’échelon local, en cas de dégradation sécuritaire majeure au plan national.
● Cette évolution suppose néanmoins de renforcer le binôme Délégué militaire départemental/Préfet. Selon le service du haut fonctionnaire de défense du ministère de l’Intérieur, le point clé résiderait dans le développement des interactions, y compris informelles, au niveau zonal et surtout local pour permettre une meilleure fluidité à travers la connaissance des différentes méthodes de fonctionnement. L’évolution de Sentinelle doit permettre d’exploiter au mieux le principe de subsidiarité qui caractérise la chaîne préfectorale. Il s’agira probablement de faire un effort plus prononcé en termes de ressources humaines sur les états-majors zonaux et les échelons locaux. En effet, la coordination en bonne intelligence et la connaissance mutuelle repose encore trop souvent de manière fragile sur la bénévolence des personnes en poste. Elle suppose également une bonne formation des acteurs locaux, alors que ceux-ci sont régulièrement amenés à changer. À ce titre, votre rapporteure se félicite que l’État-major interarmées du territoire national ait organisé durant trois jours en septembre 2024, un stage au profit des officiers qui ont pris cet été les fonctions de délégués militaires départementaux (DMD) et de délégués adjoints. L’objectif était de sensibiliser, conseiller et former ces futurs « conseillers défense » des préfets de départements, sur les opérations en milieu terrestre sur le territoire national. Votre rapporteure considère qu’il convient de poursuivre et de systématiser cette pratique.
c. Une évolution qui s’inscrit dans la modernisation en cours du concept de défense opérationnelle du territoire
La réflexion sur l’avenir de Sentinelle doit s’inscrire dans le contexte plus large des réflexions menées dans le cadre des groupes de travail issus de la séquence civilo-militaire de l’exercice ORION 2023, menée sous l’égide du SGDSN.
● Cette réflexion sur l’évolution de Sentinelle s’intègre effectivement dans le cadre plus grand de la stratégie nationale de résilience et donc de la remise à jour de la défense civile et de la défense militaire à laquelle elle contribuera de fait en étant une première forme de réponse (en termes de temporalité).
L’armée de Terre a notamment contribué à l’élaboration et à la conduite de DOTEX 24, un serious-game interministériel et interarmées qui a eu lieu le 21 mars 2024. Cet exercice a permis d’aborder la problématique cruciale de la génération de force en cas de déclenchement des mesures non-permanentes de la DOT : renforcement de la protection des infrastructures majeures et montée en puissance de la force sur le territoire national, dans un contexte probable d’engagement majeur concomitant en dehors des frontières nationales. En cas de déclenchement des mesures non permanentes de la DOT - mission qui relève de la défense militaire -, Sentinelle - qui relève de la défense civile -serait néanmoins le premier réservoir de génération de force disponible des forces armées, mais devrait être équipée pour s’adapter à la menace.
● De la même manière, la CIDN nouvellement recréée pourrait jouer un rôle de coordination accrue, ayant comme avantage son caractère permanent et interministériel.
● Au-delà des évolutions précitées, l’effort doit aussi être fait sur l’association et la contribution de l’ensemble des ministères à cette défense civile, et non uniquement sur le tandem ministères de l’Intérieur et des Armées.
I. Audition du général d’armée Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de terre
La Commission a entendu le général d’armée Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324), au cours de sa réunion du 16 octobre 2024.
Le compte rendu de cette audition est disponible sur le site internet de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
La commission a examiné, pour avis, sur le rapport de Mme Isabelle Santiago, les crédits relatifs à la « Préparation et l’emploi des forces : forces terrestres » de la mission « Défense », pour 2025, au cours de sa réunion du 30 octobre 2024.
M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle l’examen des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, de la mission Défense et du programme Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Je me réjouis du respect de la marche à 3,3 milliards d’euros prévue par la LPM 2024-2030. Les crédits affectés au programme 178, Préparation et emploi des forces, sont en augmentation de plus de 750 millions d’euros, les portant à 14,3 milliards d’euros. Toutefois, je relève que les sommes consacrées aux forces terrestres demeurent stables, en très légère augmentation pour les crédits de paiement (+0,78 %) par rapport à 2024. Le montant du budget opérationnel de programme (BOP) Terre, est ainsi porté à 2,21 milliards d’euros en crédits de paiement en 2025, contre 2,19 milliards d’euros en 2024. En revanche, s’agissant des autorisations d’engagement, le projet de budget retrace une baisse de 3,65 % par rapport à 2024.
Compte tenu de la permanence d’un niveau d’engagement très élevé en 2024, marqué notamment par la contribution exceptionnelle des forces terrestres aux Jeux olympiques et paralympiques (JOP), comme à l’envoi de renforts en Nouvelle-Calédonie et tandis que les sollicitations opérationnelles demeureront certainement très nombreuses en 2025, cette stabilisation ne couvre que le strict besoin des forces terrestres.
Je serai particulièrement vigilante à la fin de gestion 2024. En effet, d’importantes incertitudes persistent du point de vue de l’exécution budgétaire 2024 et pourraient compromettre la capacité des forces terrestres à atteindre les objectifs fixés par la loi de programmation.
Ces dernières résultent en premier lieu des gels et surgels intervenus au cours de l’année, du fort niveau d’engagement en opérations, notamment dans le cadre des missions opérationnelles sur le flanc est de l’Europe, lequel a occasionné des surcoûts ; mais également de la poursuite et de l’intensification de la participation de nos armées au soutien à l’Ukraine, alors que la LPM 2024-2030 indiquait que le financement de l’aide à l’Ukraine ne serait pas intégré à la trajectoire prévue.
En 2025, les crédits du BOP Terre devaient être mis au service : d’une part du renforcement de la préparation opérationnelle dans sa dimension qualitative, à travers notamment, la participation de l’armée de terre à plusieurs grands exercices comme Dacian Spring en Roumanie, ou Warfighter aux États-Unis ; et d’autre part, de la poursuite de la transformation des forces terrestres vers le modèle « armée de Terre de combat », pour la deuxième année consécutive.
S’agissant du maintien en condition opérationnelle (MCO), le montant des crédits d’entretien programmé des matériels prévu est en légère diminution (-0,5 %). Selon les informations fournies, il permettra néanmoins de préserver le niveau d’activité terrestre, qui devrait atteindre 71 % de la norme LPM, contre 70 % en 2024. Sur le plan capacitaire, le recadencement des cibles du programme Scorpion a pour effet de ralentir la modernisation des forces terrestres. Le PLF devrait néanmoins permettre d’atteindre 45 % de la cible de modernisation Scorpion fin 2025, contre 35 % attendus, fin 2024. Par ailleurs, l’année 2025 sera marquée par des livraisons importantes, mais peu de commandes, principalement 8 000 fusils d’assaut HK 416 F et un lot de missiles moyenne portée (MMP).
Je souhaite par ailleurs attirer votre attention sur trois points de vigilance.
D’une part, il est nécessaire de consolider le niveau d’activité et de préparation opérationnelles des forces terrestres. Aussi, l’armée de terre doit-elle encore poursuivre ses efforts pour améliorer la disponibilité technique des matériels et atteindre les normes d’entraînement fixées par la LPM. D’autre part, il convient de poursuivre les efforts en faveur de la fidélisation et de mener à bien la revalorisation des grilles indiciaires. Alors que la revalorisation prévue pour les sous-officiers dits supérieurs a fait l’objet d’un décalage de plusieurs mois, je serai évidemment vigilante à ce que la revalorisation prévue pour les officiers en 2025 soit honorée et ne constitue pas une variable d’ajustement. Enfin, il convient d’accélérer le développement de programmes capacitaires structurants pour les forces terrestres de demain. Je pense en particulier au successeur du lance-roquettes unitaire (LRU), au char du futur, ou encore au standard 3 du Tigre.
S’agissant de la partie thématique de mon avis budgétaire, j’ai souhaité me concentrer sur l’action de nos armées durant les JOP et l’évolution de l’opération Sentinelle.
Un film est diffusé.
La sécurisation des Jeux olympiques a constitué un rendez-vous majeur pour nos armées, et en particulier pour l’armée de terre. Ainsi, près de 15 000 militaires des forces terrestres ont contribué à l’opération, dont 15 % de réservistes. J’ai d’ailleurs eu la chance de me rendre deux fois sur le terrain à la rencontre des militaires.
En synthèse, l’exercice apparaît comme une vraie réussite, tant par la qualité du dialogue civilo-militaire – qui a permis de déterminer des missions cohérentes en appui des forces de sécurité intérieure – que du point de vue du déploiement de capacités spécialisées qui n’avaient pas encore été intégrées aux unités engagées dans l’opération Sentinelle, ou de manière très limitée.
Dans le cadre de l’évolution de l’opération Sentinelle, il est envisagé de réduire le socle permanent de Sentinelle pour le ramener à 1 500 militaires, tout en renforçant la réactivité du dispositif. Il s’agit non pas de diminuer les effectifs totaux, mais bien d’échanger du prépositionnement contre de la réactivité. Il est également envisagé d’élargir les missions réalisées dans le cadre de Sentinelle sur le modèle du déploiement de capacités spécialisées, comme dans le cadre des JOP, afin de mieux répondre à l’évolution des menaces sur le territoire national, y compris la menace climatique. Je considère à ce titre que l’évolution vers un Sentinelle « nouvelle génération » aura un effet bénéfique sur l’attractivité des missions et, in fine, sur la fidélisation.
Toutefois, l’extension des missions, notamment s’agissant de l’usage des drones, doit pouvoir s’accompagner d’une trajectoire cohérente en termes d’équipement et d’entraînement sur ces mêmes matériels.
Enfin, il convient de capitaliser sur le retour d’expérience des JOP, afin de préserver l’efficacité du dialogue civilo-militaire, tout en renforçant sa subsidiarité, notamment au niveau infra zonal. Il est ainsi crucial que les autorités civiles expriment leurs besoins en « effets à obtenir », ainsi qu’en missions et non en effectifs. Cette évolution suppose néanmoins de renforcer le binôme délégué militaire départemental-préfet.
En conclusion, j’émets un avis favorable avec réserve à l’adoption des crédits de la mission Défense, en particulier concernant les incertitudes liées à la fin de gestion 2024.
M. Thierry Tesson (RN). Vous avez évoqué dans votre rapport l’intégration des unités de lutte anti-drones. Avez-vous assisté à des démonstrations de la part des unités de l’armée de terre ? L’utilisation des drones est en train de révolutionner la manière de mener la guerre, comme l’atteste le conflit actuel en Ukraine.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. À Vincennes, au camp militaire Alain Mimoun, j’ai effectivement pu voir concrètement les capacités de la lutte anti-drones, bien que le dispositif de lutte anti-drones était principalement placé sous la responsabilité de l’armée de l’air et de l’espace. J’ai pu échanger avec les militaires sur place, dont la plupart étaient très jeunes et très satisfaits de ces nouvelles technologies.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Ma question porte également sur la lutte anti-drones. Avec mon collègue Jean-Louis Thiériot, nous avions consacré un chapitre à ce sujet dans notre rapport de mission sur la défense sol-air. Disposez-vous d’un retour d’expérience sur le système Parade utilisé lors des Jeux olympiques ?
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. La presse s’est faite l’écho de quelques pannes concernant le système Parade. Autrement, les personnels rencontrés étaient globalement satisfaits des capacités déployées. À ce sujet, l’évolution de la mission Sentinelle pourra s’opérer en intégrant notamment les capacités offertes par ces nouvelles technologies.
Enfin, je regrette que la configuration politique actuelle ait conduit nos auditions à se dérouler sans aucune visibilité budgétaire. Je salue d’autant plus le travail remarquable des administrateurs, dans des conditions particulièrement difficiles.
*
* *
La commission en vient maintenant aux interventions des représentants des groupes politiques
M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle la suite de l’examen pour avis des missions « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », « Défense » et « Sécurités ».
Nous commençons par les interventions des orateurs des groupes avant le vote sur les amendements et les crédits de ces trois missions.
Mme Caroline Colombier (RN). J’ai une pensée pour les hommes et les femmes engagés sous nos drapeaux, qu’ils soient militaires, civils de la défense, membres des forces de l’ordre ou anciens combattants. Par-delà les chiffres, ils sont au cœur des missions budgétaires dont nous allons débattre. Nous devons être collectivement à la hauteur de leur engagement, présent ou passé, qui peut aller jusqu’au sacrifice ultime.
Notre groupe d’opposition ne manquera pas d’interroger les ministres sur les manques et les incohérences des budgets présentés – c’est le jeu démocratique. Mais n’oublions pas l’essentiel : par-delà les clivages, nous parlons pour le même pays, la même nation, le même drapeau et pour tous ceux qui les défendent. Les ministres des armées et des anciens combattants représentent les armées d’une France qui tient encore son rang dans le concert des nations, grâce notamment à sa puissance militaire.
Celle-ci est cependant limitée. Notre armée n’a pas la masse critique – thème cher au général Burkhard – pour affronter un conflit de haute intensité. Elle est sous-dimensionnée pour protéger le deuxième domaine maritime du monde, avec seulement une centaine de navires. Les récents exercices Orion ont montré que beaucoup reste à faire dans le domaine des satellites. Son service de santé, pourtant le meilleur au monde, ne peut prendre en charge que huit blessés en urgence absolue en cas d’engagement majeur.
L’armée britannique qui, comme la nôtre, fut un temps incontestée, fait face aux mêmes défis. La question est de savoir si nous sommes prêts à aller vers la guerre, selon le titre du dernier livre du ministre des armées, comptable des moyens mis en œuvre dans ce domaine. Il faut bien constater qu’il existe un écart entre l’autosatisfecit auquel il s’est livré et la réalité.
La hausse de 3,3 milliards des crédits de la mission Défense prévue pour 2025 par la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (LPM 2024 – 2030) n’est qu’une façade. Si l’on tient compte du surcoût des opérations extérieures (Opex), qui atteint 2 milliards et pour lequel aucune solidarité ministérielle n’est à attendre, et de la hausse de l’aide à l’Ukraine par le biais du recomplètement des matériels et des fonds alloués à la Facilité européenne pour la paix (FEP), la marche budgétaire est en réalité un faux plat. Si l’on ajoute à tout cela les gels et les surgels de crédits, dont le montant s’élève à 2,6 milliards pour 2024 et qui ne manqueront pas de se reproduire en 2025, on constate que le projet de loi de finances pour 2025 ne prévoit aucune hausse du budget de nos armées.
Dans le détail, on y retrouve les lubies macronistes qui font tant de mal à nos armées : 813 millions sont prévus pour le système de combat aérien du futur (Scaf) et 97,6 millions affectés au programme système principal de combat terrestre (MGCS) – deux projets qui s’enlisent et sont voués à l’échec. Le Scaf va à l’encontre de tous les fondamentaux de la coopération industrielle : ni doctrine d’emploi commune, ni coopération commune, ni spécification commune. Le MGCS est affecté des mêmes tares, que confirme le lancement par l’Allemagne et l’Italie d’un projet concurrent.
Pourtant, le Gouvernement persévère, au détriment des intérêts de notre pays et de toute logique industrielle. Certes, il faut un char du futur. Certes, il faut un avion du futur. Certes, la coopération est souhaitable, à condition qu’elle soit réellement utile et non destinée à satisfaire des chimères européistes qui ne mènent à rien – la référence gaulliste n’échappera pas à nos ministres.
Concernant la mission Défense, les amendements du groupe Rassemblement national s’attacheront à préserver une armée souveraine, plus humaine et plus innovante. Nous proposerons la réallocation des moyens dévolus à des programmes ou à des structures inutiles à des segments de nos armées qui en ont bien besoin. Nous défendrons une augmentation des moyens pour le cadre de travail et de vie de nos militaires et de leurs familles. Nous proposerons des amendements permettant d’innover et de rester dans la course avec nos compétiteurs, notamment dans le domaine spatial.
Les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation sont stables, à hauteur de 1,9 milliard. Toutefois, nous dénonçons avec force les économies réalisées sur le dos du monde combattant par le biais de la stagnation de la pension militaire d’invalidité (PMI). L’an dernier, devant cette commission, la secrétaire d’État Patricia Mirallès s’était engagée à faire progresser le point d’indice de la PMI de 4 % en deux ans. Tel ne sera pas le cas.
Faire des économies sur les anciens combattants en leur accordant une aumône n’est pas acceptable ! Notre groupe défendra une hausse du point d’indice de la PMI alignée sur le taux d’inflation de 2024. Sans vouloir polémiquer, chacun sait quelle mauvaise gestion a durablement affecté nos finances publiques. Faire des économies d’accord, mais pas au détriment de nos anciens combattants !
Par ailleurs, nous aurons à cœur de défendre le patrimoine du monde combattant, sans lequel la mémoire ne repose sur rien, par le biais d’amendements relatifs à la préservation des drapeaux, des stèles et des plaques commémoratives. Nous aurons également à cœur de défendre les moyens accordés aux associations et à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG). Enfin, nous défendrons une extension de la demi-part fiscale accordée aux veuves d’anciens combattants.
Concernant la mission Sécurités, dont les crédits relèvent du ministère de l’intérieur, nous tiendrons compte des observations du major général de la gendarmerie nationale (MGGN). L’un de nos membres, ancien gendarme, aura à cœur de défendre ses frères d’armes.
Notre vote sur les trois missions qui nous sont soumises pour avis dépendra du sort réservé à nos amendements. Nous sommes un parti d’opposition responsable. Nous espérons que le Gouvernement le sera à l’identique pour aboutir à un budget acceptable par tous.
M. Yannick Chenevard (EPR). 50,5 milliards de crédits : telle est l’enveloppe qui sera consacrée à notre défense en 2025, soit 3,3 milliards de plus qu’en 2024, ce qui est conforme à la trajectoire fixée par la LPM 2024 – 2030. Cela représente 18 milliards de plus qu’en 2017. L’effort est colossal, d’autant qu’il a été engagé après des décennies de coupes budgétaires et de baisses drastiques. Ce que je qualifiais ce matin de saignées a été rappelé en chiffres par le ministre devant notre commission : disparition d’un régiment sur deux de l’armée de terre ; fermeture de onze bases aériennes ; réduction de 135 à 85 du nombre de bâtiments de combat. Le budget soumis à notre examen pour avis est donc une étape essentielle. Pour la huitième année consécutive, le budget de la défense augmente ; il aura doublé en 2030, à l’issue de l’application de la LPM 2024 – 2030.
Pour nos armées, la nation consent un effort financier inédit, qui doit être particulièrement salué dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Chaque euro doit être optimisé. Le respect de la trajectoire de la LPM 2024 – 2030 permettra à la France de poursuivre la préparation et la transformation de son armée, et de tenir son rang ainsi que ses engagements dans un contexte de durcissement de la conflictualité.
Ces crédits contribueront à financer les priorités retenues. Une attention particulière sera portée à la modernisation de notre dissuasion nucléaire. Dans son rapport, notre collègue François Cormier-Bouligeon salue l’investissement massif prévu par le projet de finances pour 2025 en faveur de notre dissuasion. L’année 2025 sera notamment celle du lancement de la réalisation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G), et du renouvellement des missiles de nos composantes océanique – M51 – et aéroportée – ASN4G.
Ce budget garantit également d’autres investissements, qui participent au renforcement de notre autonomie stratégique, notamment dans les domaines de l’espace, des fonds marins, du cyber, du renseignement, de la sphère informationnelle et de l’innovation, afin de donner à nos armées les capacités de renseignement, d’analyse et d’action dans les champs hybrides, matériel et immatériel.
Le budget 2025 profitera directement à nos militaires, dans leur quotidien. Des moyens seront mis en œuvre pour parfaire l’équipement du combattant, la préparation opérationnelle et les conditions d’entraînement, pour renforcer le plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires, dit plan « famille », et pour améliorer la politique salariale. Outre répondre aux besoins essentiels de nos armées, ce budget permettra de soutenir notre tissu économique et d’ancrer progressivement notre industrie de défense dans une logique d’économie de guerre.
Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation, le projet de loi de finances prévoit un budget stable, ce dont nous nous réjouissons. L’enveloppe du programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation permettra notamment de financer l’ouverture d’une nouvelle maison Athos, à Colmar. S’agissant de la transmission de la mémoire, l’enveloppe concrétisera notamment un engagement fort contre l’antisémitisme au profit du Mémorial de la Shoah. Quant à la gendarmerie, son budget est porté à 6,9 milliards, ce qui permettra notamment de créer quatre-vingts brigades et sept escadrons de gendarmerie mobile.
Ce budget est à la hauteur des enjeux et des menaces. Il s’agit d’un effort colossal, que la nation consent dans un contexte budgétaire resserré, pour assurer la défense de ce que nous sommes : une nation libre. Notre groupe votera les crédits des missions.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Dans le contexte d’austérité massive et de matraquage social qu’incarne le budget 2025, la mission Défense fait figure d’exception. De là à dire qu’elle a été sanctuarisée et que la marche de 3,3 milliards prévue par la LPM 2024 – 2030 est pleinement respectée, il y a un pas que je ne franchirai pas.
Le groupe La France insoumise est obligé de faire part de ses réserves pour trois raisons : l’insincérité, l’insoutenabilité et – pour la rime – la naïveté.
L’insincérité tient au fait que figurent au budget des armées des dépenses qui ne devraient pas y figurer. Le ministre a eu beau nous dire que l’exécution de la loi finances pour 2024 n’est pas achevée et qu’il ne désespère pas d’éviter des annulations de crédits ou l’imputation de dépenses exceptionnelles à son ministère, nous n’en croyons rien. Il est évident que les dépenses plus ou moins imprévues engagées dans le soutien à l’Ukraine, dans l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (JOP) et dans le déploiement d’effectifs en Nouvelle-Calédonie/Kanaky auront un impact sur l’exécution du budget 2024 et engendreront des reports de charges. Ainsi, même si la somme allouée semble facialement conforme à la LPM 2024 – 2030, il faudra payer plus avec la même somme. La baisse effective est donc incontestable.
Au demeurant, le ministre en a convenu à demi-mot lorsqu’il a affirmé que, avec le projet de budget 2025, la « programmation physique » ne sera pas affectée. Cette idée de programmation physique, dont l’usage n’est guère courant, nous fait comprendre sans peine qu’il existe au sein du ministère une programmation non physique qui, elle, sera affectée. On devine ce qu’elle désigne. C’est principalement la préparation opérationnelle qui fera les frais de cette insincérité, ce qui n’est pas acceptable.
En matière d’insincérité, un autre point noir persiste, alors même qu’il a été signalé par le rapporteur pour avis Bastien Lachaud : le flou entourant les définitions respectives des missions extérieures (Missops) et des Opex, qui non seulement permet de contourner le Parlement, mais a des conséquences financières que le rapporteur pour avis a eu le loisir de présenter ce matin.
Le deuxième sujet de préoccupation est la soutenabilité de la trajectoire que dessine ce projet de budget. Même si l’on peut se féliciter qu’il confirme le lancement de programmes à effet majeur (PEM) structurants pour nos armées et pour notre base industrielle et technologique de défense (BITD), parmi lesquels le porte-avions de nouvelle génération (PANG) est peut-être le plus important, il n’en demeure pas moins que nous voyons s’édifier un véritable mur des restes à payer après 2027, qui a de quoi nous inquiéter. Il est logique que le décalage entre autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP) s’accroisse notablement en cette deuxième année d’application de la LPM 2024 – 2030. Nous sommes au début d’un cycle, j’en conviens.
Il n’en reste pas moins que l’explosion des crédits à ouvrir après 2027 obérera toute marge de manœuvre pour le prochain Président de la République – si tant est que nous devions attendre cette date pour en élire un –, ce qui soulève des interrogations du point de vue démocratique. On m’objectera qu’il s’agit de la contrepartie de l’idée même de programmation. Quoi qu’il en soit, la trajectoire des crédits à ouvrir année après année est inquiétante. Les dépenses qui devront être engagées après 2027 pour honorer des AE ouvertes dès à présent sont vertigineuses ; elles risquent fort d’empêcher tout nouvel investissement.
J’en viens à la naïveté, qui caractérise sans discontinuer les choix du Gouvernement en matière de coopération. Le choix d’écarter Atos du marché du supercalculateur qui équipera l’Agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense (Amiad) est présenté comme technique. Il demeure incompréhensible, surtout si l’on prétend sauver cette entreprise.
Quant à l’obstination du Gouvernement à poursuivre les programmes franco-allemands Scaf et MGCS, nous donnons l’alerte depuis plusieurs années sur l’absence totale de fiabilité du partenaire allemand. Au fil des ans, les faits – hélas ! – nous donnent raison.
Ce mois-ci, nous avons successivement appris que l’Allemagne s’engage avec le Royaume-Uni pour le développement d’un drone de combat, dont on voit mal comment il n’aurait pas vocation à s’intégrer au Scaf, et, plus inquiétant, que Rheinmetall, qui est déjà le passager clandestin du MGCS, s’engage dans un projet de char avec l’Italien Leonardo. La démonstration que j’ai faite à plusieurs reprises est plus que jamais pertinente : tandis que le MGCS devient l’unique option de Nexter, il devient parfaitement rentable et avantageux pour les Allemands d’en partir au dernier moment : ils seront alors sans concurrent européen sur le marché et nous n’aurons plus qu’à acheter allemand, au nom de la préférence européenne que nous promouvons par ailleurs.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas approuver ce budget.
Mme Anna Pic (Soc). Dans un contexte d’austérité budgétaire généralisée, la mission Défense du projet de loi de finances pour 2025 est l’une des seules à être préservée. Ses crédits augmentent de 3,3 milliards pour atteindre 50,5 milliards, comme prévu par la LPM 2024 – 2030. Compte tenu des besoins de nos armées, nous nous en réjouissons.
Si cette augmentation correspond à l’euro près aux engagements que nous avons votés, diverses raisons incitent à croire que, par-delà les aspects budgétaires, nous ne serons pas en mesure d’appliquer les dispositions adoptées il y a un an et demi, et à remettre en cause la sincérité des éléments qui nous sont présentés.
Le déploiement significatif de militaires dans le cadre des JOP sera vraisemblablement pris en charge dans sa totalité par le ministère des armées. Il s’agit de dépenses déjà engagées dont le ministère ne pourra s’exonérer. Par effet de substitution, certains programmes – lesquels ? – en pâtiront.
Le même raisonnement peut s’appliquer au financement des Opex, dont les provisions étaient insuffisantes, d’autant que le flou subsiste concernant leur qualification et leur intégration dans le budget dédié. Il en va de même s’agissant du soutien à l’Ukraine, qui n’est pas au niveau attendu, en plus d’être particulièrement flou, comme l’a rappelé Thierry Sother lors de l’audition du chef d’état-major des armées (Cema), qu’il a interrogé sur les crédits alloués à la FEP.
En outre, le financement de la mobilisation de nos armées en soutien aux forces ukrainiennes ne doit pas être intégré – la LPM 2024 – 2030 l’indique clairement – à la trajectoire budgétaire que nous avons adoptée. Par ailleurs, comme le rappelle Isabelle Santiago dans son rapport sur avis sur le budget des forces terrestres au sein du programme Préparation et emploi des forces, de fortes inquiétudes subsistent sur la fin de l’exercice budgétaire en cours, au point de compromettre la capacité de ces forces à atteindre les objectifs fixés par la LPM 2024 – 2030, notamment sur les gels et surgels survenus en cours d’année.
Nous défendrons plusieurs amendements illustrant nos diverses interrogations sur le projet de budget 2025. L’un d’eux visera à abonder à hauteur de 200 millions le fonds de soutien à l’Ukraine, dont l’adoption permettrait à la France de se conformer aux engagements pris, dans les cadres national et bilatéral, avec le gouvernement ukrainien. Compte tenu de la rapidité de l’évolution du contexte géopolitique et géostratégique et des menaces qui en découlent pour la France et l’Europe, nous donnerons l’alerte sur la nécessité, pour le ministère des armées, de mettre l’accent sur le renseignement et sur la recherche stratégique, en vue d’anticiper les menaces.
Si l’annonce du ministre Lecornu relative au lancement du PANG est la bienvenue du point de vue du respect du calendrier, nous appelons l’attention de l’Assemblée nationale sur les conséquences qui en résulteront sur le financement des autres équipements de la Marine nationale, qui ne sont pas moins nécessaires. Dans un contexte de multiplication de l’emploi des forces maritimes, les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2025 risquent fort d’être insuffisants.
Par ailleurs, plusieurs de nos amendements viseront à la remise d’un rapport, pour évaluer notamment la poursuite du plan « famille 2 », la mise en œuvre du dispositif d’économie de guerre et l’équilibre entre rémunération indiciaire et rémunération indemnitaire, dont nous débattons chaque année.
Dans le cadre de l’examen de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous présenterons deux amendements portant sur des mesures que nous avons défendues l’an dernier, en espérant que le nouveau gouvernement fera davantage preuve d’esprit d’ouverture que le précédent. Il s’agit d’accorder une réparation, aussi légitime que dérisoire du point de vue strictement financier, aux membres rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun de la guerre d’Algérie. Cette demande de réparation ayant été explicitement reconnue par le rapport annexé de la LPM 2024 – 2030, il est plus que temps de confirmer le financement correspondant, soit 92 290 euros. L’Assemblée nationale doit rendre justice aux vingt-deux derniers survivants avant qu’il ne soit trop tard.
La situation budgétaire de la France et les dépenses contraintes précédemment évoquées obligeront le ministère à faire des sacrifices. Au groupe Socialistes et apparentés, nous sommes ouverts à l’idée de prendre position sur les choix opérés par l’exécutif ; encore faudrait-il que nous soyons en mesure de les apprécier pleinement. Aussi aimerions-nous savoir où sont les coupes cachées avant de nous prononcer. En fonction du sort qui sera réservé à nos amendements et des réponses que nous attendons, notre groupe se prononcera favorablement ou s’abstiendra lors du vote des crédits des trois missions.
Mme Valérie Bazin-Malgras (DR). Notre commission est privilégiée : deux des trois budgets que nous examinons – la mission Défense et le programme Gendarmerie nationale – sont en augmentation. En cette période difficile pour nos finances publiques, il convient de le rappeler.
Le groupe Droite républicaine votera les crédits de la mission Défense, en prenant acte du respect intégral de la LPM 2024 – 2030. La tentation a été grande de faire participer la défense à l’effort budgétaire important que notre pays doit consentir, mais les crédits annoncés sont bel et bien là, et la cible d’augmentation nette des effectifs prévue par la LPM 2024 – 2030 est maintenue. Dès le mois de juillet, lors de la présentation de notre pacte législatif, notre groupe a classé le respect de la LPM 2024 – 2030 parmi ses lignes rouges.
Toutefois, comme nous l’avons rappelé à M. le ministre lors de son audition, plusieurs points appellent notre vigilance. Le premier est le gel des crédits, qui prendra dans les mois à venir une importance majeure : il s’agira d’éviter que Bercy prenne ce qu’il n’a pu obtenir lors de la présentation du budget. Plusieurs de nos rapporteurs pour avis se sont exprimés ce matin sur ce point.
Le deuxième est le financement des Opex et des opérations intérieures (Opint), qui est en baisse par rapport à la programmation, pour les raisons objectives que nous connaissons tenant à la situation en Afrique saharo-sahélienne. Toutefois, la hausse de la conflictualité, largement décrite par les chefs d’état-major devant notre commission depuis plusieurs années, exclut que nous baissions la garde – les tensions graves au Proche-Orient nous le rappellent chaque jour.
Quant à l’amplification des Opint, elle est aussi source d’inquiétude. Si celles menées dans le cadre des JOP étaient prévues et connues, les événements dramatiques survenus en Nouvelle-Calédonie ne manquent pas de nous inquiéter s’agissant de leurs répercussions budgétaires. S’agissant de l’aide, essentielle, à l’Ukraine, nous sommes attachés à son financement interministériel.
Nous nous opposerons aux amendements visant à remettre en cause l’équilibre, que nous savons fragile, de la LPM 2024 – 2030. Battons-nous ensemble, comme nous l’avons fait lors de son examen, pour nous assurer qu’elle est exécutée à l’euro près !
Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous partageons certaines craintes exprimées par notre rapporteur pour avis, mais nous comptons particulièrement sur la ténacité de notre nouveau ministre délégué pour faire avancer les questions qui nous tiennent à cœur, telles que la revalorisation de la retraite des combattants. Nous n’oublions pas ce que nous leur devons.
Nous prenons acte de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sur l’indemnisation des harkis. Nous regrettons qu’il ait fallu une décision de justice pour qu’ils obtiennent gain de cause – ultime symbole de cette douloureuse question ! Concernant la jeunesse, nous soutenons la volonté du Gouvernement de revoir en profondeur la journée défense et citoyenneté (JDC), qui ne répond plus à sa vocation première.
Dans un contexte budgétaire difficile et contraint, le budget Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation permet de maintenir les droits, d’avancer sur de nombreux sujets et d’instaurer une juste indemnisation de nos compatriotes harkis. Notre groupe votera ses crédits.
Au sein de la mission Sécurités, les crédits du programme Gendarmerie nationale augmentent de plus de 500 millions. Nous saluons cet effort. Cependant, son schéma d’emploi nul fait peser des menaces sérieuses sur l’exécution des engagements de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) en matière de création de brigades. Le déploiement de nouvelles brigades en est un engagement essentiel. Nos concitoyens l’attendent. Quant à la montée en puissance de la réserve, pilier essentiel de la gendarmerie, elle suscite aussi des inquiétudes justifiées. En raison de ces interrogations légitimes et en attendant le sort fait à nos amendements ainsi que les réponses du Gouvernement, le groupe Droite républicaine s’abstiendra sur les crédits du programme Gendarmerie nationale.
M. Damien Girard (EcoS). Ce budget est utile et globalement adapté à notre armée et à l’environnement stratégique. L’augmentation du montant des crédits des quatre programmes de la mission Défense est nécessaire pour respecter le cadre fixé par la LPM 2024 – 2030 et accompagner l’adaptation de notre armée aux tensions géopolitiques, au retour de la haute intensité sur notre continent et aux conséquences du péril écologique.
Le renforcement des moyens concourant aux exigences d’une dissuasion nucléaire robuste et crédible ainsi que la poursuite de la modernisation des équipements sont vitaux pour notre sécurité et pour celle de l’Europe. Les efforts en matière de remise à niveau des infrastructures, de maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels et d’investissement des nouveaux champs de conflictualité, au premier rang desquels les fonds marins, sont réels et contribuent à notre préparation.
Toutefois, ce budget n’est pas à la hauteur des ambitions que nourrit la France et des responsabilités qu’elle assume. Le domaine maritime en témoigne. Notre marine a dû recourir à un bricolage provisoire pour maintenir l’activité de quinze frégates de premier rang en attendant la livraison des frégates de défense et d’intervention (FDI). Cette rupture capacitaire démontre que l’objectif de quinze frégates de premier rang est insuffisant pour assumer les responsabilités de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) du monde et la protection de nos nombreux territoires dits d’outre-mer.
À titre comparatif, l’Italie vise seize frégates de premier rang, alors que sa zone d’intérêt maritime est plus réduite. Le retour au format qui prévalait avant la publication du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, soit dix-huit frégates de premier rang, est un minimum.
Certes, les navires de second rang sont plus nombreux. Ils sont capables d’assurer certaines missions. Néanmoins, ils demeurent complémentaires des frégates de premier rang et ne disposent pas des mêmes capacités face aux enjeux de haute intensité caractérisant la nouvelle donne géopolitique. Évacuation des ressortissants français des pays en tension ; lutte contre les trafics illicites, notamment dans l’océan Indien et dans les Caraïbes ; protection de notre ZEE, notamment dans l’océan Pacifique ; soutien à la liberté de navigation ; mise en œuvre de la dissuasion ; participation aux exercices, notamment dans le cadre de l’Otan : notre marine est partout et tout le temps. Elle doit être dotée correctement pour assurer sa mission.
Plus généralement, la stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique doit s’appuyer une réalité capacitaire, notamment maritime, sous peine d’être une ambition de feuille de papier. Notre marine aurait pu être mieux dotée, à un coût réduit, sans les décalages et les réductions de séries ayant affecté certains programmes, notamment celui des frégates multimissions (Fremm).
Les ressources humaines du ministère des armées demeurent en tension, qu’il s’agisse de l’accompagnement des conjoints, de la revalorisation salariale ou de l’amélioration de la condition des militaires. Les marges de progression sont réelles. L’effort ne doit pas être relâché. Le taux de rotation élevé du personnel, provoqué par une insuffisante fidélisation, engendre concrètement des coûts supplémentaires de recrutement et de formation.
À cet égard, la réserve opérationnelle est un outil précieux, dont la montée en puissance doit continuer à être accompagnée. La sanctuarisation des moyens qui lui sont attribués est nécessaire. Pourtant, le rapport pour avis sur le programme Gendarmerie nationale indique que le projet de loi de finances pour 2025 remet directement en cause les engagements de la Lopmi sur la montée en puissance des réserves de la gendarmerie. La réserve doit être soutenue dans son ensemble, de façon constante et programmée. L’Assemblée nationale doit y être attentive.
Le groupe Écologiste et social votera ce budget, dont les imperfections ne font pas oublier l’essentiel : une adaptation budgétaire réelle de notre armée à un contexte international plus que dégradé. J’émets toutefois une réserve sur son orientation générale. Ni la LPM 2024 – 2030 ni le projet de loi de finances pour 2025 n’effectuent de véritable priorisation stratégique de nos forces armées. Enjeu méditerranéen, positionnement face à la Russie, stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique, préservation de notre capacité à entrer en premier sur un théâtre d’Opex, maintien de l’effectivité de notre dissuasion : vous conviendrez que l’augmentation du budget, bien réelle, est insuffisante compte tenu de ces multiples objectifs, dont je pourrais ajouter qu’ils sont très ambitieux à l’aune de notre situation budgétaire.
Une priorisation des enjeux donnant à notre flanc sud-est l’importance qu’il mérite permettrait de rationaliser les dépenses prévues par la LPM 2024 – 2030. La construction d’une sécurité européenne prise en main par les Européens est un enjeu de long terme, au sein duquel la France doit être capable d’humilité dans son rapport à ses partenaires et d’ambition dans sa contribution à la défense collective de notre continent.
Mme Josy Poueyto (Dem). En votant la LPM 2024 – 2030, nous nous sommes fixé l’objectif de transformer nos armées. Après des années de sous-investissement, face à un environnement stratégique chaque année plus dégradé, il était temps de renforcer et de moderniser notre modèle d’armée. Je salue le travail de notre ministre des armées, Sébastien Lecornu, qui a engagé cette réforme d’ampleur et continue de veiller à son déploiement.
Avec un budget de 50,5 milliards, soit une hausse de 3,3 %, les crédits de la mission Défense sont ambitieux. Ils respectent la trajectoire votée par le Parlement, ce dont dépend sa crédibilité. Nous avons choisi de privilégier la cohérence et l’efficacité à la masse. L’entraînement et l’équipement de nos militaires sont donc particulièrement importants. En 2025, 10 milliards seront investis dans les équipements et leur MCO, et près de 8 milliards seront consacrés à la préparation et à l’emploi des forces. Nous n’ignorons pas la nécessité de nous adapter aux nouvelles menaces et d’anticiper des sauts technologiques pour avoir une guerre d’avance plutôt qu’une guerre de retard. L’innovation sera l’une des priorités pour 2025, ce dont nous nous réjouissons.
Le cyber, le renseignement, les drones et l’intelligence artificielle sont des domaines stratégiques pour nos trois armées. Ils deviennent indispensables pour les guerres de demain. Nous saluons ce budget, qui alloue plus de 1 milliard à l’innovation, 300 millions au cyber et 450 millions aux drones. Un effort supplémentaire de 100 millions par rapport aux 200 millions prévus par la LPM 2024 – 2030 pour l’intelligence artificielle doit nous permettre d’acquérir un supercalculateur pour nos armées dès l’année prochaine.
Cette transformation de nos armées vise à renforcer notre autonomie stratégique et à maintenir la France au rang des grandes puissances. En augmentant de 8 % le budget de la dissuasion, nous pouvons engager la modernisation de ses deux composantes et la construction du PANG, assurant notre posture de nation-cadre auprès de nos alliés comme de nos adversaires.
De tels objectifs sont hors d’atteinte si nous ne disposons pas des ressources nécessaires. Nous nous félicitons de la montée en puissance de nos armées, nourrie par la poursuite de l’effort en faveur de la réserve opérationnelle, qui bénéficiera de la création de 700 équivalents temps plein (ETP) et de plus de 27 000 recrutements. Ces emplois seront les bienvenus dans le renseignement, le cyber et l’intelligence artificielle, secteurs d’avenir pour nos armées.
Deux autres éléments s’avèrent cruciaux pour nos militaires et leurs familles : l’amélioration de leurs conditions de vie en emprise et la reconnaissance de leur engagement au service de la nation. Notre groupe a toujours été particulièrement attentif à l’accompagnement des familles de nos militaires, qui subissent elles aussi les contraintes de cet engagement. Nous saluons le déploiement du plan Fidélisation 360, qui vise à améliorer le quotidien des militaires dans les emprises.
En 2025, ces mesures permettront la rénovation du parc immobilier de nos armées, qui se trouve parfois dans un état de vétusté avancée. J’appelle l’attention de la commission sur les casernes de gendarmerie dont la rénovation est attendue de longue date par nos gendarmes, comme l’a rappelé Valérie Bazin-Malgras ce matin. Nous sommes également très attachés au plan « famille 2 », qui sera doté de 51 millions pour augmenter l’offre de garde de jeunes enfants, construire des crèches et étendre la prestation de soutien en cas d’absence prolongée du domicile.
Notre reconnaissance pour le sacrifice de nos militaires doit être sans faille, notamment lorsqu’ils sont blessés ou deviennent anciens combattants. Nous espérons que la promesse de construction de nouvelles maisons Athos en 2025 sera suivie d’effets, tant ces structures sont importantes pour la guérison.
Le groupe Les Démocrates salue l’effort budgétaire consenti dans le projet de loi de finances pour nos armées. Les crédits de la mission Défense, de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation et du programme Gendarmerie nationale traduisent notre volonté de poursuivre la transformation de nos armées, de soutenir au mieux nos soldats ainsi que leurs familles et d’honorer la mémoire de ceux qui se sont battus pour la France. Notre groupe votera ces crédits.
Mme Lise Magnier (HOR). Le groupe Horizons & indépendants soutient les efforts nécessaires consacrés à la réduction des dépenses publiques et au redressement des comptes publics. Il ne nous semble pas moins nécessaire de préserver les trajectoires des lois de programmation dans les domaines régaliens, pour nos armées, pour nos policiers, pour nos gendarmes, pour notre sécurité civile et pour notre justice.
S’agissant de la mission Défense, notre groupe salue l’augmentation continue du budget alloué à nos armées. Notre pays évolue dans un monde dangereux, caractérisé par des rivalités entre puissances et des menaces hybrides émanant d’acteurs étatiques et non étatiques – un monde dans lequel nos intérêts doivent être protégés. Nous saluons le choix de préserver et de confirmer les engagements pris dans le cadre de la LPM 2024 – 2030.
Il faut toutefois bien constater que, depuis son adoption, l’environnement stratégique de la France est en constante évolution. En 2023, la guerre en Ukraine entrait dans sa deuxième année et les Ukrainiens pouvaient encore compter sur l’engagement résolu de l’Europe et des États-Unis. La perspective d’une victoire électorale de Donald Trump bouleverse la donne. Par ailleurs, les tensions au Proche-Orient n’avaient pas atteint les sommets actuels. Le dispositif militaire français en Afrique entamait tout juste sa transformation, qu’il a fallu accélérer au lendemain du coup d’état au Niger. Le tournant de l’intelligence artificielle, qui n’était pas complètement intégré dans les efforts prioritaires identifiés par la LPM 2024 – 2030, est désormais bien pris en compte, comme le montre l’excellent rapport d’Anne Le Hénanff.
Le groupe Horizons & indépendants soutient les quatre inflexions stratégiques du budget des armées : le nouvel effort prioritaire sur l’intelligence artificielle ; la fidélisation de nos soldats ; le rééquilibrage stratégique en Afrique et sur le flanc est de l’Europe ; l’accélération de l’effort d’acquisition de munitions. Il veillera à préserver ce qu’il considère comme des fondamentaux : la dissuasion nucléaire comme pilier de notre souveraineté ; la place de la France dans l’Alliance atlantique et son action pour la défense européenne ; l’action du ministère des armées en faveur de la qualité de vie de nos soldats et de leurs familles. Notre groupe votera les crédits de la mission Défense.
S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, notre groupe salue la relative stabilité des crédits qui lui sont alloués. Ce budget consacre le maintien des efforts pour nos blessés, pour les harkis et leurs familles en tenant compte de la décision de la CEDH du 4 avril 2024, et pour la reconnaissance envers le monde combattant dans toute sa diversité. Le montant de 1,8 milliard permettra aussi, après une année riche en commémorations de la Libération, d’envisager une fête nationale d’ampleur pour les 80 ans de la victoire du 8 mai 1945.
Le lien armées-jeunesse bénéficie d’une attention particulière : les crédits qui y sont consacrés augmentent de plus de 50 %. Nous appelons de nos vœux la transformation de la JDC et souhaitons qu’elle devienne enfin une journée d’intérêt national pour les jeunes citoyens. Nous voterons les crédits de la mission.
Concernant le programme Gendarmerie nationale, nous saluons l’augmentation générale allouée au budget de la mission Sécurités. Il est indispensable que l’effort budgétaire pour la création de 239 brigades de gendarmerie se poursuive. Si quatre-vingts brigades ont été créées, le maillage territorial doit s’intensifier. La gendarmerie est présente sur 95 % du territoire national et assure la protection de plus de la moitié de nos concitoyens. Nos gendarmes méritent toute notre attention et, surtout, les moyens d’exercer leurs missions. Si l’ordre dans les comptes est une priorité pour le groupe Horizons & indépendants, il ne doit pas être obtenu au détriment de l’ordre dans la rue, indispensable à notre cohésion sociale. Notre groupe votera les crédits de la gendarmerie nationale.
M. David Habib (LIOT). Le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation est stable. Il aurait été judicieux de consacrer son évolution à la revalorisation du point d’indice de la PMI. Notre groupe signale à l’attention l’insuffisante reconnaissance de celles et ceux qui ont combattu pour notre pays et méritent notre respect ainsi que notre accompagnement.
S’agissant de la gendarmerie nationale, j’ai été satisfait, comme d’autres ici, de la décision prise dans le cadre de la Lopmi de créer 239 brigades d’ici 2027. Depuis ma première élection en 2002, quatre gendarmeries ont été fermées dans ma circonscription. Grâce à la Lopmi, nous avons enregistré, pour la première fois, la création d’une brigade mobile, qui fait particulièrement bien son travail. Un engagement est pris pour 2025 ; toutefois, la question des effectifs obère la capacité à créer des brigades de gendarmerie. Déshabiller Pierre pour habiller Paul n’est pas une stratégie de maillage territorial. Ce questionnement devra obtenir réponse de la part du Gouvernement au cours de l’exercice budgétaire.
Concernant les 50 milliards inscrits au budget la mission Défense, nous saluons le respect de la LPM 2024 – 2030. Nous avons trois sujets de préoccupation. Le premier est le financement des Opex, qui suppose une solidarité des autres ministères. Nous avons conscience qu’elle a des limites. Le deuxième est la capacité à consommer les crédits d’armement – 20 milliards de commandes pour nous faire entrer dans l’économie de guerre –, qui suppose que les 200 000 salariés des quelque 4 000 industries concernées soient informés et formés, en capacité d’être recrutés, et connaissent suffisamment à l’avance les demandes du ministère des armées. Le troisième est l’application du plan « famille 2 », qui se heurte à la question de la mobilité. Face à tout cela, nous appelons à un effort de déconcentrations des pouvoirs, tout en étant conscient qu’elle n’est pas, en Macronie, la préoccupation première. Le local est capable d’apporter des réponses là où l’échelon national est ankylosé.
Ne pas voter ce budget serait étrange – j’en ai voté de moins bons. Nous le voterons avec les réserves que je viens d’énumérer.
M. Édouard Bénard (GDR). De 2017 à 2024, les crédits de la mission Défense ont augmenté de 46 %. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une nouvelle augmentation de 3,3 milliards, qui en porterait le budget à 50,5 milliards, soit une hausse de 7,5 %, au moment même où le Gouvernement entend tailler dans grand nombre de dépenses publiques. Cette hausse s’inscrit dans le cadre plus général de la LPM 2024 – 2030, à laquelle ce budget est conforme.
Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont voté contre la LPM 2024 – 2030. Ils ne sont pas opposés aux investissements matériels permettant de renouveler et moderniser l’équipement de nos forces armées en tant que tels, mais considèrent que certains axes d’investissement retenus par la LPM 2024 – 2030 et leur déclinaison dans le projet de loi de finances pour 2025 intriguent du point de vue des évolutions technologiques et de la réalité de leur caractère opérationnel.
L’année 2025 sera celle du lancement officiel du PANG, grâce à un budget de 224 millions. Nous avons eu l’occasion de formuler nos réserves sur le chantier d’un nouveau porte-avions nucléaire. Nous nous interrogeons toujours sur sa pertinence et sur son coût, s’agissant d’un outil particulièrement coûteux à l’intérêt stratégique limité. Lorsque la France s’est engagée contre l’État islamique, 80 % des frappes aériennes ont été effectuées au départ de la Jordanie, contre 20 % depuis le Charles de Gaulle. Par ailleurs, l’emploi d’un porte-avions ne dispense pas de l’autorisation de survoler l’espace aérien d’États tiers pour mener à bien les missions confiées aux avions embarqués, comme d’ailleurs celles des avions de l’armée de l’air et de l’espace (AAE), ce qui limite l’intérêt du PANG.
Certains experts militaires affirment que notre pays doit augmenter le nombre de Fremm, pour assurer des missions diverses plus importantes et quotidiennes telles que la surveillance maritime, l’écologie marine et la lutte contre les trafics. Notre pays n’a pas les capacités financières nécessaires pour mener de front ces deux chantiers. Il ne peut en choisir un qu’au détriment de l’autre.
Les moyens significatifs consacrés à la dissuasion nucléaire, notamment sa composante sous-marine qui bénéficiera de 752 millions en 2025 pour financier les SNLE 3G, dans le cadre d’une enveloppe globale de 5,8 milliards, ne nous intriguent pas moins. Le retour d’expérience (Retex) du conflit russo-ukrainien démontre les limites de la dissuasion.
Concernant la seule dissuasion nucléaire sous-marine, son intérêt stratégique tient à la mobilité des sous-marins et à la difficulté, pour la partie adverse, de les localiser. Le progrès continu de l’intelligence artificielle allié au réseau de surveillance satellitaire et aux dispositifs de surveillance sous-marine tels que les réseaux de balises dérivantes, les radars et les sonars haute fréquence, pourraient remettre en question, dans un avenir proche, le caractère furtif des SNLE, qui fait tout leur intérêt stratégique.
Ainsi, le budget consacré à la dissuasion nucléaire, appelé à monter en charge dans le cadre des engagements pris dans le cadre de la LPM 2024 – 2030, cannibalise des moyens qui pourraient être plus judicieusement employés à l’équipement et à l’entraînement de nos forces armées conventionnelles pour assurer la sécurité du territoire. Alors même que l’objectif de 185 Rafale à l’horizon 2030 est considéré comme le minimum nécessaire par l’état-major de l’AAE, le budget consacré à la dissuasion nucléaire en 2025 permettrait à lui seul d’en acquérir soixante. Or ces chasseurs peuvent, avec l’appui d’avions ravitailleurs, être projetés en quarante-huit heures partout sur le territoire français, sans avoir besoin d’un groupe aéronaval (GAN).
S’agissant de la partie recettes du budget, l’ampleur des commandes d’équipements et de services du ministère des armées auprès d’entreprises à capitaux français nous autorise à nous interroger sur le niveau de retour de recettes dans le budget de l’État. À titre d’exemple, la décision du groupe industriel KNDS – réunissant dans une holding le français Nexter, issu de la privatisation de GIAT Industries privatisé, et l’armurier allemand Krauss-Maffei Wegmann – d’implanter son siège aux Pays-Bas pour des raisons d’optimisation fiscale intrigue, d’autant que son capital est détenu à 50 % par l’État français. Ce sont autant de rentrées fiscales manquantes à l’heure où nous cherchons des recettes supplémentaires, pouvant notamment servir à abonder le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, en particulier pour revaloriser plus substantiellement la valeur du point d’indice de la PMI, qui sert au calcul de la PMI et de l’allocation de reconnaissance du combattant.
À défaut d’une réécriture profonde des orientations de la mission Défense du projet de loi de finances élaboré par le Gouvernement, en cohérence avec notre vote sur la LPM 2024 – 2030, les députés de la Gauche démocrate et républicaine n’approuveront pas les crédits.
M. Matthieu Bloch (UDR). Au nom du groupe UDR, je rends hommage aux femmes et aux hommes engagés – militaires, gendarmes et réservistes – qui protègent nos compatriotes au quotidien, parfois au péril de leur vie. Ils font partie de ceux pour lesquels l’engagement, la patrie et le sacrifice ont un sens. Nous leur devons reconnaissance.
Notre position est claire : seule une grande ambition en matière de défense permettra à la France d’assurer son indépendance. Face à la résurgence des foyers de tension dans le monde, notamment à l’est de notre continent, au Proche-Orient et dans le Caucase, où l’Azerbaïdjan multiplie les agressions contre le peuple arménien, la France n’a plus le choix. Elle doit se maintenir parmi les grandes puissances dans le concert des nations, à l’heure où cette place lui est plus que jamais contestée.
Concernant la mission Défense, nous reconnaissons la nette augmentation des efforts pour l’équipement de nos forces, à hauteur de près de 6 milliards pour notre dissuasion et de 1,9 milliard pour nos Rafale, et pour la mise en marche du PANG, que nous soutenons.
Toutefois, nul ici n’est naïf : cette hausse de crédits ne pourra être que d’apparence, en raison du gel de crédits par Bercy sur l’exercice 2024, de l’ordre de 2,6 milliards. Les quelque 570 millions prévus pour les Opex ne permettront pas, comme chaque année, d’assumer les surcoûts induits par le déploiement de nos soldats. J’ai une pensée particulière pour ceux mobilisés au Proche-Orient, en Méditerranée et dans le cadre des opérations Aigle en Roumanie et Lynx en Estonie. Si la France doit se maintenir comme grande puissance militaire, il faudra envisager une plus grande ambition financière sur ce point.
Par ailleurs, l’objectif de relocalisation de notre production d’équipements militaires est évoqué sans être concrétisé. Ce budget aurait dû être l’occasion d’engagements forts. Nous devons assurer le maintien de la France parmi les fleurons industriels de l’armement. Nous sommes aux prémices de potentielles dépendances industrielles à l’échelon européen, sans objectif militaire et géopolitique commun, et nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Au groupe UDR, nous souhaitons que les missions régaliennes de l’État soient exercées d’abord au service du peuple français. Dans ces circonstances et compte tenu des crédits proposés, il s’abstiendra sur la mission Défense.
Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, nous faisons le vœu d’une revalorisation forte du point d’indice de la PMI pour permettre aux invalides de procéder aux soins de kinésithérapie ou de rééducation fonctionnelle dont ils ont besoin, et surtout d’obtenir des prothèses et divers équipements partiellement remboursés par la sécurité sociale. Nous nous opposons à la baisse de l’allocation de reconnaissance du combattant alors même que le Gouvernement prévoit 14 millions supplémentaires pour le lien armées-jeunesse, avec des objectifs bien minces de refonte de la JDC. Il est invraisemblable que le Gouvernement fasse le choix de faire des économies sur nos héros de guerre. Le groupe UDR votera contre les crédits de cette mission.
Enfin, la hausse envisagée des crédits de la mission Sécurités ne nous semble pas à la hauteur des enjeux. D’abord, les crédits de 173 millions consacrés à l’exercice des missions militaires sont relativement faibles. Ensuite, les signaux rouges sont nombreux en matière de maintien de l’ordre public dans notre pays. Lundi dernier encore, le ministre de l’intérieur a rappelé le niveau très élevé de la menace terroriste, en demandant une plus grande sécurisation des lieux de culte chrétiens pour la Toussaint. Il y a quelques jours, le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a décidé de prolonger le couvre-feu dans l’archipel jusqu’au 4 novembre. Quel message ce budget enverra-t-il à nos gendarmes ? Des mesures fortes s’imposent, au premier rang desquelles une véritable revalorisation des conditions de vie et d’exercice opérationnel de nos gendarmes. Le groupe UDR votera contre les crédits de la mission Sécurités présentés par le Gouvernement.
M. le président Jean-Michel Jacques. Merci à tous les orateurs de groupe. Nous allons passer maintenant à l’examen des amendements déposés devant notre commission avant de voter sur les crédits des trois missions dont nous sommes saisis.
*
* *
La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense »
M. le président Jean-Michel Jacques. La commission a été saisie de 108 amendements, dont onze ont été retirés avant discussion et onze déclarés irrecevables – cinq au titre de l’article 40 de la Constitution, trois au titre de l’article 41 de la Constitution et trois faute de s’inscrire dans le champ de la saisine de la commission.
Article 42 et État B : Crédits du budget général
Amendement II-DN109 de M. Frédéric Boccaletti
M. Frédéric Boccaletti (RN). Cet amendement d’appel vise à favoriser le bon développement du bataillon de renseignement de réserve spécialisé (B2RS), ayant vocation à offrir une capacité nouvelle de recherche en sources ouvertes. Installé à Strasbourg, il a vocation à créer d’autres compagnies au sein d’autres villes universitaires. Il s’agit d’alerter le Gouvernement sur son manque de visibilité au sein de la programmation. Le budget provisionné ne garantit pas le bon développement de ce bataillon.
Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Les crédits du B2RS sont rattachés à l’armée de Terre et non aux deux services de renseignement – la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) – du programme 144. La direction du renseignement militaire (DRM) relève, quant à elle, du programme 178. Le ciblage des crédits tel qu’il apparait dans le dispositif de l’amendement n’est donc pas correct. Par ailleurs, la brigade de renseignement a été dissoute en 2016 au profit de la brigade de renseignement et cyber-électronique (BRCE). Avis défavorable.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Je m’étonne que l’amendement cible uniquement la BRCE, créée le 1er août 2024, et non tous les réservistes de l’armée de Terre. Avis défavorable.
M. Frédéric Boccaletti (RN). Les services de l’Assemblée ont validé l’amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN100 de M. Frédéric Boccaletti
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN102 de M. Frédéric Boccaletti
M. Romain Tonussi (RN). Cet amendement vise à soutenir et à pérenniser nos compétences en matière de cartographie. Sans les géographes militaires du 28ème groupe géographique de l’armée de terre, qui travaillent à l’abri des regards, il aurait été difficile de protéger les JOP. À l’heure du système d’information du combat Scorpion (SICS) et de Google Maps, il faut préserver la capacité à imprimer des cartes de manière autonome, car nos réseaux demeurent vulnérables.
Sur des théâtres d’opérations complexes, où les brouillages sont de plus en plus fréquents, cette compétence est primordiale et infaillible, à condition d’être régulièrement mise à jour. La carte sur papier a un bel avenir. Le présent amendement vise à pérenniser cette compétence et à lui permettre d’évoluer.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La déroute des armées françaises en 1870 relevait de la méconnaissance de la cartographie. Heureusement, nous avons progressé depuis lors. Il est indispensable de maintenir les efforts dans ce domaine, notamment si nos armées sont amenées à combattre dans des conditions dégradées, où les solutions numériques disparaissent.
J’émets toutefois un avis défavorable à votre amendement, pour deux raisons. La cartographie ne relève pas uniquement de l’armée de terre. La marine et l’AAE ont également besoin de services de cartographie compétents. L’amendement aurait davantage sa place dans une action dédiée à la formation interarmées, pour que les armées puissent toutes bénéficier d’un soutien dans le domaine cartographique. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN49 de Mme Caroline Colombier
Mme Caroline Colombier (RN). Cet amendement vise à acquérir un lot de chars Leclerc Évolution. Ce char, présenté lors du salon de l’armement Eurosatory en juin 2024, est un char de génération intermédiaire offrant une véritable solution pour établir une transition opérationnelle et technologique entre le Leclerc, actuellement en service, et le char du futur du projet MGCS. Cela permettrait de lancer son exportation, à l’heure où les nouveaux modèles de chars allemands sont exportés en Europe. Nous préconisons l’achat de six chars, pour un coût unitaire estimé à 8 millions.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous sommes un certain nombre à soutenir l’évolution du char Leclerc, notamment pour que les industriels français soient en capacité de proposer des solutions innovantes telles que le projet de canon Ascalon développé par KNDS France, mais plutôt dans le cadre du MGCS.
Il est inutile d’abonder le programme 146 pour l’acquisition du Leclerc Évolution, qui n’est pas un produit fini que nous pourrions commander et acquérir sur étagère dès 2025, mais un prototype. J’ignore d’ailleurs comment vous avez pu chiffrer le coût de son acquisition. Par ailleurs, en cas d’échec de la coopération sur le MGCS, les études nationales et les acquis obtenus par les acteurs de la BITD sur les briques technologiques que nous avons financées serviront à financer une solution alternative. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. La qualité du démonstrateur Leclerc Evolution de KNDS est indéniable. Toutefois, nos auditions ont permis de mieux cerner les besoins militaires de l’armée de terre. Les forces terrestres ne souhaitent pas d’un char Leclerc amélioré. L’enjeu consiste à ne pas rater la marche du changement de génération en consacrant des ressources à un modèle intermédiaire. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN20 de M. Laurent Jacobelli
M. Laurent Jacobelli (RN). Il y a douze ans, on nous promettait le char du futur en collaboration avec l’Allemagne : le MGCS. Nous n’en sommes qu’à l’étape des études préalables. Il faut bien constater que ce projet a du mal à avancer, en raison d’intérêts contraires – du côté allemand – et de projets alternatifs – en Allemagne et en Italie. Cela donne l’impression que nos programmes sont stérilisés pour permettre à nos concurrents de développer les leurs. Le présent amendement vise à réattribuer les crédits alloués au MGCS à l’étude et à la fabrication d’un char alternatif français.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je m’inscris en faux contre vos propos. Le projet MGCS progresse. Il y a quelques mois, les états-majors des armées française et allemande ont formulé l’expression commune de leurs besoins, et un accord a été cosigné par les ministres Lecornu et Pistorius.
Je prends note de votre remise en cause idéologique des partenariats européens. Notre vision est différente de la vôtre, d’autant que nous devrons faire des efforts pour faire travailler ensemble nos BITD nationales à l’échelle européenne. Je salue moi aussi l’excellent travail de KNDS France, mais je ne puis émettre un avis favorable à l’amendement.
Par ailleurs, j’aimerais vous poser la question suivante : sur quelle base le char intermédiaire que vous appelez de vos vœux doit-il reposer ? Sur un châssis de Leopard ? Sur un châssis à faible contenu allemand – pour l’exportation dont parlait notre collègue Colombier, par exemple dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, un tel châssis n’est pas envisageable ? Avec quel niveau d’automatisation ? Ces questions ne sont pas tranchées dans votre proposition. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Même avis. Nous devons faire confiance aux utilisateurs. Nous sommes députés de la nation. Tout le monde, au sein des armées, notamment le chef d’état-major de l’armée de terre (Cemat), que nous avons auditionné, dit que la solution que vous proposez ne correspond pas à leur souhait. Faisons confiance au Cemat pour choisir le système qui correspondra le mieux aux besoins de nos armées. Les deux états-majors se sont parlé ; les ministres ont signé des documents. Avis défavorable.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Le MGCS n’est pas uniquement un char. Il s’agit d’un système incluant des drones terrestres et s’inscrivant dans une dimension de combat collaboratif. Tout cela justifie sa production en collaboration.
Par ailleurs, les chars Leclerc ayant été modernisés, les utilisateurs considèrent que les enjeux sont désormais la logistique et le maintien MCO. Nous y sommes très attachés. Nos chars doivent être opérationnels.
M. Laurent Jacobelli (RN). Je vous remercie, monsieur Cormier-Bouligeon, de me prêter le talent de pouvoir répondre en deux minutes à une question que le couple franco-allemand n’a pas réussi à élucider en douze ans. Nos homologues allemands nous ont clairement indiqué – lors d’une réunion à laquelle j’étais et certains d’entre vous aussi – développer le char Leopard pour faire concurrence à la France, le MGCS étant le cadet de leurs soucis. Soyons un peu réalistes et pragmatiques !
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN65 de M. Emmanuel Fernandes
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Sur les théâtres d’opération à haute intensité, les drones de combat, notamment antichar, sont arrivés, sans faire disparaître les dispositifs antichars standards sol-sol ou sol-air. La maîtrise de ces dispositifs ainsi que de ceux qui les empêchent d’opérer est décisive. C’est pourquoi il importe d’élaborer des dispositifs passifs – tels que des parapluies – et actifs capables de protéger les chars Leclerc des éléments antichar.
La vulnérabilité liée à l’absence de dispositifs tactiques de protection contre ces attaques est plus que significative. En l’absence de réponse matérielle adaptée, elle est susceptible d’entraîner une incapacité opérationnelle de nos unités blindées. Devant les atermoiements du ministère et afin de lever les doutes qui subsistent sur la volonté réelle de financer de tels dispositifs, nous appelons l’attention du Gouvernement et de la représentation nationale sur ce sujet.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Je partage votre analyse. Le Retex ukrainien met en lumière la grande fragilité des chars, notamment face à la menace des drones. Deux programmes – Prometeus (Protection multi effets terrestre unifiée) et Pronoia (protection novatrice orientable intégrée d’autoprotection) – sont menés par la direction générale de l’armement (DGA). Ils étudient la pertinence de l’intégration de systèmes de protection active, travaillant respectivement sur une solution hard kill et soft kill. L’amendement est satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement d’appel permet de rappeler que le calendrier n’est pas tenu, alors même que la question de la protection des chars Leclerc a déjà été soulevée. Le rôle de la représentation nationale est de manifester sa volonté ferme et claire qu’il le soit. Nous ne sommes pas là uniquement pour tenir le crachoir du Gouvernement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN73 de M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP)
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous souhaitons acter, par cet amendement d’appel, notre volonté de voir émerger un projet de char intermédiaire entre le projet MGCS et le char Leclerc. Si le premier n’aboutit pas, nous n’avons pas – contrairement à l’espérance exprimée par notre collègue Cormier-Bouligeon – de plan B.
Il est faux de dire que les briques technologiques en cours de développement dans le cadre de la recherche sur le MGCS suffiraient à construire un char. Les compétences générales auront été perdues. L’industriel en est parfaitement conscient et sans doute prêt à en témoigner devant la représentation nationale.
Nous devons, en toute logique et en toute responsabilité, nous assurer de la conservation de nos savoir-faire et mettre à niveau un char nous permettant de procéder à la transition. Les Allemands immobilisent le capital de Nexter dans cette recherche. S’ils s’en retirent, ils auront un produit sur étagère, et nous nos yeux pour pleurer.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Sur ce segment, je ne crois pas à une solution entièrement souveraine. Nous investissons dans le développement de briques technologiques qui nous seront utiles le moment venu, dans le MGCS ou dans un programme alternatif. Nous sommes tous en alerte sur ce sujet. Le présent amendement d’appel est plus raisonnable que le précédent.
Faisons confiance à nos industriels – la France est responsable ou coresponsable de six des huit piliers, dont la « fonction feu », qui me semble être la plus importante – et à la coopération franco-allemande. Si M. Trump est élu le 5 novembre et réduit le soutien américain à l’Otan, les BITD nationales auront intérêt à coopérer pour assurer la défense du continent. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Il faut allouer les moyens nécessaires à la pérennisation et à la modernisation du char Leclerc pour prolonger son utilisation jusqu’en 2040, voire en 2045. À titre personnel, je m’abstiendrai. Notre groupe est favorable à la coopération à long terme et souhaite que le projet MGCS, entamé il y a un certain temps, avance. Il n’en nourrit pas moins des réserves sur cette coopération, dont il souhaite qu’elle aille à son terme et s’ouvre à d’autres partenaires.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Ces réponses sont de nature à nous inquiéter. C’est précisément pour avoir trop fait confiance que nous nous sommes retrouvés à plusieurs reprises le bec dans l’eau, comme ce fut le cas récemment pour le projet de système de patrouille maritime MAWS. Les Allemands ne sont pas des partenaires fiables dans le domaine de l’armement, ce que je regrette.
Par ailleurs, en estimant que la France n’est pas capable de développer un programme intermédiaire, M. Cormier-Bouligeon admet que la France a eu tort de faire confiance lorsque KMW et Nexter ont fusionné pour créer KNDS. De notre côté, nous avions raison de nous opposer à une telle perte de souveraineté. C’est ce à quoi nous engage le rapporteur ; nous nous y refusons.
M. Sylvain Maillard (EPR). Monsieur Saintoul, vous refusez ce que tous les partenaires et les deux ministres ont signé. Vous négligez l’avis des armées et proposez une solution dégradée. Certes, la création d’un nouveau système de défense exige d’inventer des briques technologiques, donc de prendre des risques, de se donner le temps et d’agir dans le cadre d’une coopération européenne susceptible d’être élargie à d’autres partenaires. Des briques technologiques nous manquent pour le construire. Nous avons besoin de l’apport des autres. La volonté politique est là, la volonté industrielle aussi – tel n’a pas toujours été le cas. Donnons-nous les moyens et accompagnons la volonté des ministres ! Nous verrons ce qui se passe dans les années à venir. Tout semble aligné pour que le projet fonctionne.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN116 de Mme Anna Pic
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Si l’on tient compte de la commande de 200 missiles Aster, du lancement du PANG et de la multiplication de l’emploi des forces navales, la hausse des crédits alloués aux forces navales, certes importante, doit excéder la marche prévue par la LPM 2024 – 2030.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Les crédits alloués aux munitions connaissent une hausse très importante de 16 % en AE et de 23 % en CP. Je mets en garde contre la tentation de prendre sur le budget du PANG pour abonder celui des munitions. Lorsque nous avons commencé à réfléchir au remplacement des porte-avions Foch et Clemenceau, nous avons construit le Charles-de-Gaulle puis renoncé en 2013, sur décision du président Hollande, à construire son bâtiment-frère. Or les porte-avions, pour citer Jacques Chirac, sont comme les gendarmes, ils vont par deux.
Considérant que les crédits alloués aux munitions sont en forte hausse et qu’il ne faut surtout pas toucher au PANG, dont j’ai rappelé l’importance ce matin, je suggère le retrait de l’amendement et émets à défaut un avis défavorable.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je suis surpris que le rapporteur pour avis reprenne à son compte les propos du président Chirac selon lesquels les porte-avions vont par deux, alors même que la LPM 2024 – 2030 n’en prévoit qu’un.
Je profite de l’évocation de projets navals pour rappeler à notre collègue Maillard que la dernière fois que nous nous sommes fiés à une volonté politique fermement exprimée par nos partenaires, nous l’avons amèrement regretté : c’était l’affaire Aukus. Plusieurs contrats de construction de sous-marins nous sont passés sous le nez faute de partenaires fiables. C’est ce qui risque de se passer avec l’Allemagne. Dans les deux cas, les volontés ne sont pas alignées.
Par ailleurs, le rôle des chefs d’état-major est de trouver des accords sous l’injonction des politiques. Ils seront capables de définir des spécifications souveraines et la BITD française, si on le lui demande, s’en sortira.
L’amendement est retiré.
Amendement II-DN95 de Mme Stéphanie Galzy
Mme Stéphanie Galzy (RN). Cet amendement vise à appeler l’attention du Gouvernement sur la capacité de nos armées à surveiller efficacement notre ZEE, qui représente une richesse inestimable pour notre nation sur les plans économique et environnemental. Les enjeux sont multiples, de la protection de nos ressources à la lutte contre les activités illégales, de la préservation de notre environnement maritime à l’affirmation de notre souveraineté. Nos armées disposent-elles des équipements adéquats, des ressources humaines suffisantes et des technologies de pointe nécessaires pour mener à bien les missions complexes qu’exigent leur surveillance et leur protection ? Nous demandons au Gouvernement de prendre des mesures concrètes pour renforcer nos capacités de surveillance maritime.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Le renouvellement des flottes de patrouilleurs outre-mer (POM), de bâtiments de soutien et d’assistance outre-mer (BSAOM) et de frégates de surveillance (FS), ainsi que des connexions satellitaires et des drones, est en cours, par plots. Le mouvement de renforcement de la sécurisation et de la surveillance de notre ZEE est et d’ores et déjà initié et assumé. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN70 de Mme Murielle Lepvraud
Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Un amendement similaire à celui-ci avait fait l’objet d’un avis favorable de notre commission lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024. L’usage du 49-3 par le gouvernement Borne a empêché son examen en séance publique.
Nous appelons une nouvelle fois l’attention du Gouvernement sur le statut des sous-mariniers engagés dans la dissuasion nucléaire. Alors même qu’ils sont engagés en permanence pour maintenir notre posture stratégique, ils ne bénéficieront jamais du statut d’ancien combattant. Les opérations dans lesquelles ils sont engagés n’ont pas la qualification d’Opex et ils ne satisfont pas aux autres critères d’obtention de la carte du combattant.
Notre amendement est plus ambitieux que l’amendement II-DN1 du président Jacques, et financé. Nous espérons qu’il sera lui aussi adopté à l’unanimité, pour qu’il soit débattu dans l’hémicycle et pour que notre appel soit concrétisé.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Le rapport prévu par l’amendement II-DN1 nous permettra d’être éclairés sur ce point. Nous sommes tous d’accord pour dire que la situation faite à nos sous-mariniers naviguant à bord des SNLE a quelque chose d’inique. Ils doivent bénéficier des mêmes avantages que les autres militaires. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN48 de M. Frédéric Boccaletti
M. Frédéric Boccaletti (RN). Par cet amendement d’appel, le groupe Rassemblement national appelle l’attention du Gouvernement sur le statut des sous-mariniers œuvrant à notre dissuasion. Engagés en permanence pour maintenir notre posture stratégique, pilier de notre sécurité et de notre défense nationale, ils ne bénéficieront jamais du statut d’ancien combattant, en raison notamment de la qualification de leur mission, qui n’est pas considérée comme une Opex. Il faut leur accorder la reconnaissance qu’ils méritent.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. M. Boccaletti et moi-même nous retrouvons souvent dans les associations d’anciens marins de la région de Toulon. Je souscris pleinement à ses propos mais attendons le rapport, nous verrons ensuite quelle direction suivre.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Notre collègue Chenevard nous a proposé par deux fois d’attendre le rapport prévu à l’amendement II-DN1. Or nous ne sommes pas certains que le budget de la défense sera examiné en séance publique, de sorte que ce rapport ne sera peut-être pas même demandé.
Par ailleurs, ce n’est pas parce que le Gouvernement est sommé par la représentation nationale de lui remettre un rapport, ni même parce qu’il s’engage à le faire, qu’il le fait. Je rappelle que nous attendons toujours le rapport sur le retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan, qui nous avait été promis pour le printemps et qui est toujours dans les limbes, peut-être parce que son contenu ne fait pas plaisir au ministre.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN25 de M. Alexandre Dufosset
M. Alexandre Dufosset (RN). Il vise à augmenter les moyens de la lutte anti-sous-marine (ASM), dont l’exercice Squale a rappelé en juin dernier qu’elle est cruciale, notamment dans le cadre d’une guerre de haute intensité. Nous proposons d’amplifier la tendance en cours, en augmentant de 10 millions les crédits qui lui sont alloués, ce qui permettra à nos armées de disposer des équipements les plus pointus dans ce domaine.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Le triangle opérationnel Atlantique 2 – frégates – sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), complété par le NH90, est le meilleur au monde pour la chasse aux sous-marins, à tel point que les Américains nous demandent de pister ceux qui entrent en Méditerranée. Par ailleurs, la lutte ASM bénéficiera de l’augmentation des crédits alloués à la marine – à hauteur de 14 % en AE, soit 3,7 milliards, et de 11 % en CP, soit 3,5 milliards. L’amendement n’apporte donc aucun élément significatif en matière de lutte ASM.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN142 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité de modifier le statut des officiers mariniers commissionnés employés sur des postes de baleiniers en Polynésie française pour leur permettre de continuer à servir après dix-sept ans de service. Ils sont les seuls à savoir accoster sur certains archipels en passant au-dessus de la barrière de corail qui les entourent. Leur formation est longue, dans la mesure où chaque atoll est unique et n’a qu’un seul chemin d’accès. Il est donc indispensable de leur permettre de continuer à servir après leurs dix-sept ans de service. Leur demande est aussi celle des forces armées en Polynésie française (FAPF).
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une situation, que nous avons déjà déplorée l’an dernier. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN138 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’Alphajet, qui équipe la Patrouille de France, arrivera en fin de vie vers 2032-2033. L’amendement vise à créer un programme permettant de lui donner un successeur.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je ne doute pas que la Patrouille de France disposera, en tout état de cause, d’un successeur de l’Alpha Jet. Faut-il acquérir un système sur étagère, en développer un en coopération avec nos partenaires espagnol et britannique ou développer un nouvel avion de façon autonome ? Cette dernière option aurait nécessairement un coût significatif, bien supérieur aux 50 millions prévus par l’amendement. Dans l’attente d’une décision à ce sujet, inscrire des crédits dès 2025 semble prématuré. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Il est plus que temps, compte tenu de la durée des programmes de ce type, de prévoir un successeur à l’Alpha Jet. Un avion sur étagère, je n’en vois pas. Une coopération de plus, il aurait fallu y penser il y a dix ans. Il est urgent, si nous voulons que la Patrouille de France continue à exister et à faire rêver les Français, de se pencher sur un tel programme. Un budget de 50 millions est un bon début.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN66 de M. Aurélien Saintoul
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il concerne également le successeur de l’Alpha Jet. Nous l’avions déposé l’an dernier. Le ministère des armées nous avait répondu que la solution consiste à développer ou à acquérir un avion modulaire répondant à la fois aux besoins de la Patrouille de France, à la fonction RED AIR et à l’avion de complément à l’aune du Scaf et de son vecteur habité, l’avion de chasse de sixième génération (NGF). Cette réponse très floue n’est pas rassurante. Il n’est pas envisageable que la Patrouille de France évolue sur des appareils qui ne seraient pas français à 100 %. C’est pourquoi nous souhaitons créer une dotation matérielle pour la Patrouille de France.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je suis plongé dans un abîme de perplexité. Cet amendement est quasi identique à l’amendement II-DN138, que vous avez rejeté. Quelle est votre logique de vote ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN64 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à créer une ligne budgétaire pour garantir l’internalisation de la fonction RED AIR. Nous n’avons pas eu d’éclairage à ce sujet l’an dernier, faute d’examen du budget en séance publique. Cette fonction, liée à la souveraineté nationale, ne peut être ni déléguée ni confiée à des prestataires privés, a fortiori s’ils sont étrangers.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Comme je l’ai rappelé ce matin, il me semble nécessaire de réinternaliser la fonction RED AIR, qui n’existe plus au sein de l’AAE en raison du format de nos armées. Cette mission doit être confiée uniquement à des entreprises françaises, à l’exclusion d’entreprises étrangères qui s’établiraient quelque temps en France pour répondre à l’appel d’offres. Toutefois, l’amendement II-DN138 me semble préférable à celui-ci. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN37 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Chacun connaît la position de notre groupe sur le programme Scaf et sur ses atermoiements. Le dernier en date est le rapprochement entre Berlin et Londres en novembre 2023, matérialisé par la signature de l’accord Trinity House Agreement prévoyant l’élaboration d’un drone de combat susceptible de concurrencer le Scaf.
Dans son ouvrage Vers la guerre ?, le ministre Lecornu lui-même émet des doutes sur la réussite du programme. Le Scaf, c’est le MGCS en pire. Nous souhaitons un programme souverain, financé par la réattribution des fonds du Scaf au développement – enfin ! – d’un avion par des sociétés françaises.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nos collègues du Rassemblement national ont de la suite dans les idées : ils ne veulent aucune coopération franco-allemande, ce qui serait presque une bonne nouvelle les concernant.
Sur le fond, je suis moins inquiet que vous sur le calendrier du Scaf. Nous disposons, dans l’attente du Scaf, d’une solution transitoire très ambitieuse : le Rafale standard F5. Un lancement de la phase 2 du Scaf en 2026 ne portera pas préjudice à l’AAE.
Par ailleurs, vous avez parfaitement raison de rappeler la nécessité de préserver nos intérêts nationaux, notamment dans le domaine de la dissuasion nucléaire. Or cette exigence est pleinement intégrée : dans le cadre de la phase 1B, la France aura consacré plus de 700 millions d’euros à des travaux purement nationaux.
Enfin, l’entrée dans la phase 2, qui sera déterminante, doit dépendre d’engagements de nos partenaires sur la préservation de nos intérêts industriels et de notre liberté d’exportation. Si ces conditions sont réunies, le développement en coopération, qui permet de diviser les coûts par trois, doit être privilégié pour aboutir à un démonstrateur. Avis défavorable.
Mme Sabine Thillaye (Dem). Il faut, entre partenaires, faire preuve d’un minimum de respect et de confiance mutuels. Si chacun passe son temps à se plaindre de l’autre, il est impossible d’aboutir. À trop parler des projets qui patinent, on en oublie ceux qui marchent. J’appelle l’attention sur la coopération entre les motoristes MTU Aero Engines et Safran, qui marche particulièrement bien. Si elle est efficace, c’est parce que les objectifs ont été bien définis au préalable, dès 2018, et la propriété intellectuelle bien délimitée. À condition de dialoguer et de définir clairement les priorités ainsi que la méthode dès le début, les coopérations aboutissent. Si l’on s’inscrit dans un esprit de concurrence de part et d’autre et non de confiance, rien ne peut aboutir.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je remercie M. Cormier-Bouligeon d’avoir signalé l’importance du standard F5 et de la dronisation du Rafale. Nous défendons cette idée depuis de nombreuses années, notamment en rappelant l’importance du programme Neuron. Nous aurions pu voter cet amendement, malheureusement l’alternative au Scaf proposée n’est pas la bonne.
Nous devons avancer et procéder à un saut technologique. Tel est le sens de l’amendement II-DN76, qui vise à remplacer le Scaf par le développement d’un avion spatial qui est à l’étude chez certains de nos industriels et qui permettrait à la France, dans les décennies à venir, d’être à la pointe de la technologie et de maîtriser une technologie de rupture indispensable, à laquelle il faut consacrer autant de ressources que possible.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Monsieur Giletti, le drone de combat prévu par l’accord germano-britannique récemment signé est à l’Eurofighter ce que le projet de drone issu du programme Neuron serait au Rafale standard F5.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN130 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel vise à alerter la représentation nationale sur le besoin en MCO qui se fera sentir l’an prochain en raison de la cession aux forces armées ukrainiennes de Mirages 2000-5, cession qui provoquera nécessairement un report d’activités sur les avions Rafale et sur les avions Mirage-2000D.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN135 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à augmenter les crédits relatifs aux infrastructures opérationnelles de l’armée de l’air et de l’espace. Ce budget est en diminution dans le projet de loi de finances pour 2025. Pour ne citer qu’elles, les pistes aéronautiques sont pourtant un outil de combat à part entière. Cette baisse de crédits empêchera de parer à la vétusté croissante des infrastructures opérationnelles de l’armée de l’air et de l’espace
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN76 de M. Aurélien Saintoul
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La coopération sur le Scaf est un vrai sujet. Il est impensable que la France se lie les mains dans une telle coopération compte tenu du résultat des autres coopérations avec l’Allemagne, d’autant que le partenaire allemand vient de signer un accord avec le Royaume-Uni pour un projet quasi concurrent du Scaf.
Il est nécessaire de penser dès à présent le saut technologique dont nous avons besoin, non en produisant un F-35 amélioré, comme pourrait l’être le NGF, mais en opérant un saut technologique, notamment en travaillant à l’avion spatial qui, en se déplaçant à haute altitude, serait quasi indétectable et quasi intouchable par les moyens de défense actuels, et pourrait tout à la fois frapper au sol et dans l’espace. Ce modèle d’avion est en développement chez nos industriels. Les Américains et les Chinois y travaillent également. Ne pas investir massivement dans un tel modèle d’avion spatial serait criminel pour notre défense.
Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. L’avion spatial fait déjà partie des axes d’innovation du ministère au titre des études technico-opérationnelles, comme le prévoit la LPM 2024-2030. Par ailleurs, le programme Scaf poursuit son développement, notamment grâce aux crédits dédiés aux études amont dans le programme 144. Avis défavorable.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Comme je l’indique dans mon rapport et comme je l’ai expliqué ce matin, le standard F5 et son drone d’accompagnement pourraient faire le lien avec le NGF et avec la rupture technologique évoquée par M. Lachaud, à laquelle nous croyons aussi. Cela démontre que les arguments opposés à mon amendement II-DN37 étaient tout à fait fallacieux. Je regrette une fois encore le sectarisme et l’idéologie dont font preuve nos collègues du groupe La France insoumise.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Monsieur Giletti, je ne comprends pas pourquoi vous dites cela. Nous n’avons absolument pas supprimé les crédits alloués au standard F5 du Rafale, bien au contraire. Nous le soutenons depuis longtemps. Nous savons très bien qu’il standard peut être le chaînon manquant qui nous sépare du NGF. Nous ne voyons pas l’intérêt de plaider en faveur d’un Scaf français alors même que nous disposons du Rafale standard F5, dont le budget est indispensable pour avancer vers la rupture technologique de l’avion spatial. Il ne s’agit pas de sectarisme, mais de logique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN131 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. J’ai eu ce matin l’occasion de regretter l’abandon, dans la LPM 2024 – 2030, du lancement du satellite Syracuse 4C, qui figurait dans la précédente LPM. Cela crée un trou capacitaire dans nos télécommunications spatiales. Le présent amendement vise à rétablir les crédits pour le lancement du troisième satellite Syracuse 4C, qui pourrait être aussi une bouée de sauvetage pour les entreprises du spatial français – Thales Alenia Space et Airbus Space and Defense –, qui connaissent des difficultés.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Tel Henri Salvador, M. Giletti aimerait tant voir Syracuse ! L’ancien chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, le général Mille, a dit devant cette commission : « Nous avons, à une époque, imaginé d’énormes satellites en orbite géostationnaire. Mais les constellations qui évoluent en orbite basse ont aussi des avantages. Les deux sont complémentaires pour assurer l’efficacité et la redondance dont les armées ont besoin. Mettre tous nos objets sur l’orbite géostationnaire serait à mon sens dangereux. »
Par ailleurs, la LPM 2024 – 2030 prévoit le lancement de Syracuse V, ce qui assure la continuité sur ce segment. Enfin, comme vous le rappelez vous-même dans votre exposé sommaire, le montant exigé par le lancement d’un troisième satellite est significatif. Si nous avons 800 millions à allouer, il y a d’autres priorités pour s’adapter à l’évolution de la menace. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN136 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Loin de moi l’idée d’opposer les capacités satellitaires en orbite basse et en orbite haute, dont j’ai rappelé ce matin qu’elles sont complémentaires. Le lancement du Syracuse 4C aurait permis de surveiller la zone indo-pacifique, qui n’est pas couverte par nos satellites souverains de télécommunications spatiales. Le présent amendement vise à rappeler la nécessité de lancer au plus vite les premières études relatives à Syracuse V, certes prévu par la LPM 2024 – 2030, mais dont nous n’avons pas le calendrier.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN79 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Nous avons mis en garde, lors de l’examen de la LPM 2024 – 2030, contre l’erreur qu’est la suppression du Syracuse 4C au profit d’une hypothétique constellation européenne Iris2, qui soulève une question de souveraineté, un projet européen ne pouvant garantir la souveraineté française. Nous constatons à présent que le projet Iris2 est à la peine, en raison de la crise du secteur des satellites en Europe et de la façon dont la Commission européenne gère les programmes spatiaux. Le risque de trou capacitaire est réel. Il n’est pas envisageable que les armées françaises ne bénéficient plus de moyens de communication clairement sécurisés.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN28 de M. Julien Limongi
M. Julien Limongi (RN). Le rapport annexé de la LPM 2024 – 2030 recense les ruptures capacitaires potentielles – elles sont nombreuses – susceptible de provoquer un trou capacitaire pour de nombreuses technologies. Tel est le cas s’agissant des satellites. Le présent amendement porte sur les satellites en général, en orbite haute et en orbite basse. Il vise à renforcer les moyens alloués à leur développement technologique.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous avons abordé la question en évoquant le satellite Syracuse V. Par ailleurs, nous sommes favorables à la constellation Iris2. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN12 de Mme Florence Goulet
Mme Florence Goulet (RN). Les tensions internationales s’étendent. L’espace est devenu un champ de confrontation. Sa militarisation s’intensifie. Nos infrastructures spatiales, peu visibles, sont indispensables à la défense nationale, aux communications et à l’économie. Elles sont directement menacées par des satellites espions ou armés.
La France a pris des initiatives en la matière. Toutefois, les moyens actuels sont insuffisants pour garantir la mise en œuvre rapide et efficace des programmes. L’amendement prévoit d’accroître les financements pour assurer une protection optimale de nos infrastructures spatiales et préserver notre souveraineté dans ce nouvel espace de confrontation.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN134, II-DN139, II-DN133 et II-DN137 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’amendement II-DN134 alloue des moyens supplémentaires à l’acquisition d’un radar de veille spatiale Graves. Les capacités spatiales sont indispensables à la compréhension des situations. Il s’agit de moderniser notre système de détection de l’espace.
L’amendement II-DN139 vise à augmenter les moyens alloués à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera) pour accélérer le développement du radar Graves et permettre à la France de maintenir son rang parmi les puissances mondiales.
L’amendement II-DN133 vise à faire respecter l’effectif théorique initial du commandement de l’espace (CDE), installé à Toulouse. Le respect de la stratégie spatiale de défense (SSD) se joue aussi à hauteur d’homme. Le CDE emploie actuellement 320 militaires, dont environ 85 % appartiennent à l’AAE. Un effectif de 470 personnes est prévu à l’horizon 2030, alors qu’il était initialement prévu un effectif de 500 militaires dès 2025.
L’amendement II-DN137 porte sur le drone volant à moyenne altitude et longue endurance (MALE) européen. J’ai interrogé ici même le ministre Sébastien Lecornu sur les atermoiements de ce programme. Il a reconnu l’existence de retards et indiqué qu’il faudra s’interroger sur la pertinence d’un drone MALE européen en 2032. Cet amendement d’appel met en lumière un drone auquel il faut donner sa chance, l’Aarok, mis au point par Turgis & Gaillard. Il peut être un très bon complément à l’hypothétique drone MALE européen.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. La demande formulée par l’amendement II-DN134 nous semble prématurée. Le radar Graves-NG, qui succédera au radar Graves, est en développement. Attendons son aboutissement avant de commander un second radar Graves. Avis défavorable.
S’agissant de l’amendement II-DN137, il va de soi que nous devons être attentifs au segment des drones. Mini-drones, munitions teléopérées, drones tactiques, drones aériens de la marine, drones MALE : nous devons faire porter l’effort sur tout le spectre. S’agissant plus du drone Aarok, le ministre des armées lui-même a jugé le projet intéressant. Le « patch drones et robots » de la LPM 2024 – 2030, doté de 5 milliards d’euros de besoins programmés, permet d’intégrer ce type d’objet dans la programmation.
S’il n’y a pas de crédits dédiés à ce drone dans le projet de loi de finances pour 2025, ce n’est pas par manque d’intérêt, mais parce qu’il est trop tôt. Ce drone a commencé ses essais au sol en avril 2024. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Avis défavorable sur le 137.
Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. L’Onera bénéficie de subventions à hauteur de 129 millions d’euros pour charge de service public et pour charge d’investissement. Par ailleurs, en tant qu’établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), il bénéficie d’un soutien important par le biais de marchés avec le ministère des Armées et des Anciens combattants. En tant qu’établissement dont les activités sont duales, il bénéficie également des marchés du domaine civil. Je doute donc qu’une hausse de ses crédits de 1 million ait un impact significatif, sinon sur les crédits du programme 146 que l’amendement prévoit d’amputer. Avis défavorable.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous examinons de multiples amendements d’appel à 1 euro. Les amendements d’appel devraient être réservés à l’examen du budget en séance publique, où le ministre est présent et peut répondre. Demande de retrait ou avis défavorable sur l’amendement II-DN133.
La commission rejette successivement les amendements II-DN134, II-DN139 et II-DN133.
Elle adopte l’amendement II-DN137.
Amendement II-DN47 de Mme Caroline Colombier
Mme Caroline Colombier (RN). Il vise à l’acquisition d’une solution souveraine en matière de drones. Le drone Aarok a été félicité par le CEMAAE, qui est favorable à son expérimentation. Il s’agit de doter nos forces armées d’un outil souverain de surveillance et de renseignement.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Je fais observer que cet amendement prévoit un budget de 40 millions.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN61 de M. Christophe Marion
M. Christophe Marion (EPR). Cet amendement, que je retire, ne prévoit pas 40 millions pour acquérir un drone qui n’existe pas encore, mais 10 millions pour le finaliser.
L’amendement est retiré.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement II-DN23 de M. Alexandre Dufosset.
Amendement II-DN108 de M. Frédéric Boccaletti
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. S’agissant d’un amendement d’appel, j’invite son auteur à le déposer en séance publique, le Gouvernement n’étant pas représenté en commission. Sur le fond, il est redondant avec l’amendement II-DN147, que j’ai déposé en tant que rapporteur pour avis du programme Soutien et logistique interarmées, visant à abonder les crédits du service de santé des armées (SSA) et que j’invite la commission à adopter. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN78 de M. Aurélien Saintoul
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit de mettre en lumière les lacunes budgétaires de la pharmacie centrale des armées (PCA) et les actions de recherche du SSA, malmenés par des années de politique d’austérité. Il s’inscrit dans la continuité des observations de mon rapport pour avis. Une action ambitieuse est nécessaire pour renforcer le SSA et sa capacité de répondre à des engagements de haute intensité et de longue durée. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN6 de M. Frank Giletti.
Amendement II-DN5 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. La SSD a un sens si nous sommes en mesure d’agir dans l’espace, ce qui constitue une véritable rupture. Compte tenu des retards du programme d’yeux en orbite pour un démonstrateur agile (Yoda), confirmés par le projet annuel de performances (PAP), l’amendement vise à obtenir un calendrier de sa mise en œuvre.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Notre collègue n’a pas défendu le bon amendement. S’agissant de l’amendement II-DN5, j’en suggère le retrait au profit de l’amendement II-DN147, que j’ai déposé en tant que rapporteur pour avis et que je vous invite à adopter, et émets à défaut un avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN26 de M. Alexandre Dufosset
Mme Nadine Lechon (RN). Il vise à augmenter les effectifs du SSA. En l’état actuel de ce dernier, notre pays, comme l’indiquent les rapports publiés par la Cour des comptes en juin 2023 et par le Sénat en septembre 2023, notre pays ne pourrait soigner de façon adéquate les blessés d’un conflit de haute intensité. Il convient d’accélérer et de faciliter le recrutement de personnel, notamment par des mesures d’incitation de nature financière telle que des primes, des prêts d’acquisition immobilière et des aides à la mobilité familiale.
Le présent amendement prévoit d’abonder de 10 millions en AE et en CP les crédits du titre II (T2) de la sous-action 58.06 Fonction santé de l’action 58 Logistique et soutien interarmées – Personnel travaillant pour le programme Préparation et emploi des forces du programme 212 Soutien de la politique de défense. Afin de respecter l’impératif de recevabilité financière, il prévoit de minorer du même montant les crédits en AE et en CP de l’action 8 Relations internationales et diplomatie de défense du programme 144.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les ressources humaines du SSA sont un véritable sujet. Le SSA a énormément de difficultés à recruter et à fidéliser. Malheureusement, j’émets un avis défavorable. Un abondement immédiat de 10 millions ne me semble pas résoudre le problème.
Il faut une dizaine d’années pour former des médecins. Augmenter les crédits du T2 de 10 millions n’est pas forcément la meilleure des solutions. Il faut les augmenter dans la durée et accompagner cette augmentation par celle des budgets alloués à l’entretien des infrastructures et aux capacités de formation, compte tenu de la longueur des parcours d’études. Il est indispensable de travailler sur le capacitaire. Je vous invite à voter l’amendement II-DN147, qui vise à améliorer les capacités du SSA.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN147 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à abonder les crédits dédiés au SSA afin de soutenir le renforcement de ses capacités de rôle 2 et 3 – chirurgie initiale et de sauvetage ; traitement hospitalier sur le théâtre – pour préparer les opérations des conflits de haute intensité.
L’amendement vise aussi à répondre au Retex de l’opération de secours aux populations civiles victimes des opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza. Cette mission a démontré la complexité, pour le SSA, qu’induit le traitement de nombreuses victimes de combats de haute intensité.
Nous proposons de renforcer les moyens du SSA, à hauteur de 20 millions, afin de soutenir une démarche d’acquisition des matériels nécessaires à la mise en œuvre de capacités de soutien médical de rôle 2 et 3 pour des engagements de haute intensité et de longue durée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN43 de Mme Caroline Colombier
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les bras m’en tombent. Vous votez contre un amendement à 20 millions mais vous défendez un amendement à 18 millions. J’avoue ne pas comprendre. Un crédit de 18 millions est insuffisant pour atteindre l’objectif fixé par l’amendement. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN141 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à rappeler au Gouvernement la nécessité de renforcer les moyens civils relatifs aux évacuations sanitaires (Evasan) dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) afin de limiter la pression induite par les Evasan sur les personnels, matériels et vecteurs des forces de souveraineté. Dans les collectivités d’outre-mer, les autorités civiles doivent se réapproprier pleinement la compétence Evasan, qui leur revient en droit, afin d’obérer le moins possible les capacités opérationnelles des armées.
Votre rapporteur a constaté en Polynésie française que les réquisitions et les demandes de concours fréquentes des forces de souveraineté dans le cadre des Évasan peuvent entraîner une sursollicitation des forces, des soutiens et des matériels. Si le rythme anormalement élevé des Evasan réalisé par les forces armées dans le Pacifique en lieu et place des autorités civiles a légèrement diminué depuis la crise de la covid-19, il se maintenait à un niveau supérieur à celui d’avant-covid lors de mon déplacement, en juin 2023.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN29 de M. Julien Limongi
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Le « patch munitions » de la LPM 2024 – 2030 est doté de 16 milliards. L’effort est réel.
S’agissant de cet amendement relatif à la filière des munitions de petit calibre, je rappelle que nous développons un partenariat avec nos amis belges. Les ministres ont signé une lettre d’intention. Les discussions sont en cours avec l’industriel FN Herstal. Cette collaboration répondra à votre légitime préoccupation. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN15 de Mme Florence Goulet.
Amendements II-DN54, II-DN56, II-DN59 et II-DN58 de M. Thierry Tesson
M. Thierry Tesson (RN). Il s’agit d’alerter sur la nécessaire montée en puissance des réserves de missiles air-air. La LPM 2024-2030 prévoit le renouvellement du missile d’interception, de combat et d’autodéfense (Mica) par le Mica NG. D’après le PAP 2024, un premier lot devrait être livré à l’AAE d’ici 2026 et aucune nouvelle commande n’est prévue avant. Les stocks sont insuffisants. En cas d’engagement aérien majeur, nos forces aériennes seraient rapidement à court de munitions, donc en difficulté pour mener à bien leur mission. Afin de permettre à l’AAE et à notre aéronautique navale d’être en mesure de continuer à jouer leur rôle de protection du territoire et de respect des engagements pris auprès de nos alliés, des commandes sont nécessaires.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il importe de remettre à niveau nos stocks de missiles, qu’il s’agisse des Mica, des Aster, des systèmes de croisière conventionnels autonomes à longue portée (Scalp) ou des autres. Des crédits de 16 milliards y sont consacrés sur la période 2024-2030, dont près de 2 milliards pour l’année 2025. Les missiles Mica ne sont pas oubliés : le projet de loi de finances pour 2025 prévoit près de 150 millions en AE et 200 millions en CP. Un lot de missiles Mica remotorisés sera livré à l’AAE en 2025, avant que ne soit livré le Mica NG. Je profite de l’occasion pour saluer MBDA, ses dirigeants et ses collaborateurs, notamment ceux du site de Bourges. Avis défavorable.
La commission adopte successivement les amendements.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN44 de M. Emeric Salmon.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte successivement les amendements II-DN101 de M. Frédéric Boccaletti et II-DN45 de M. Emeric Salmon.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement II-DN111 de M. Sébastien Saint-Pasteur.
Amendement II-DN115 de Mme Anna Pic
Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Le programme 144 ne comprend que deux services de renseignement, la DGSE et la DRSD. La direction du renseignement militaire (DRM) relève, quant à elle, du programme 178. Par ailleurs, la DGSE et la DRSD sont satisfaites de leurs budgets respectifs, qui sont conformes à la LPM 2024 – 2030. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement II-DN67 de M. Aurélien Saintoul est retiré.
Amendement II-DN75 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à financer la recréation d’une filière industrielle de munitions de petit calibre. Son montant – 500 millions – est bien plus élevé que ceux des amendements de nos collègues du Rassemblement national et plus conforme à l’objectif visé. Il s’agit, depuis plusieurs années, d’un marronnier de notre commission. Notre collègue Chassaigne, notamment, a souvent plaidé pour la renationalisation d’une filière de munitions de petit calibre. Donnons-lui acte qu’il avait raison.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Cela sent bon les années 1980 ! Les industriels n’y sont pour rien. Ce qui compte, ce sont les commandes de l’État. Créer un pôle public de l’armement ne changera rien à l’affaire. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN77 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à la nationalisation d’Atos. Depuis des mois, on nous explique qu’Atos doit être sauvée, mais le projet de sauvetage est pour le moins nébuleux. Nous avons décidé de prendre le taureau par les cornes.
On nous explique que, pour reprendre une entreprise dont le passif est de 5 milliards, il faut débourser 700 millions pour acquérir des activités dites stratégiques mais très mal définies – lesquelles ne le sont pas ? Or un rapide calcul basé sur la valeur des actions donne le chiffre de 70 millions. Ce montant est plus cohérent que celui de 700 millions, s’agissant d’une entreprise plombée par une dette de 5 milliards. Je ne vois aucune raison de faire un cadeau particulier aux actionnaires. L’État a absolument besoin de nationaliser Atos. Le montant de 70 millions est tout à fait raisonnable pour une entreprise de souveraineté dont il faut absolument préserver les compétences sans se plomber en rachetant pour 5 milliards de dette.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Des années 1980, nous passons à 1917 ! C’est retour vers le futur ! Vous décidez de rayer d’un trait de plume une dette pourtant bien réelle de 5 milliards. Avis défavorable.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Je soutiens l’amendement, qui me semble répondre à des besoins de souveraineté. La nécessité de conserver un outil de production et de souveraineté en matière de données et de supercalculateurs n’a pas de date. 1917 ou une autre, peu importe ! Nous avons besoin d’Atos, qui est exposé au risque d’une vente à la découpe, non selon la valeur stratégique des activités, mais selon leur rentabilité. Nous ne pouvons pas nous permettre qu’une part d’Atos soit vendue au motif qu’elle est rentable et de laisser le reste se dévitaliser.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je n’ai pas voulu dramatiser l’enjeu, croyant que nous sommes tous sensibles à la gravité du sujet. La désinvolture du rapporteur pour avis me laisse pantois. Il ne s’agit pas de faire une petite blague et de se demander s’il s’agit d’une solution datant de 1917. Il s’agit de répondre à un enjeu parfaitement contemporain lié à la mondialisation, notamment à la mondialisation financière.
S’il vous semble pertinent de laisser vendre à la découpe une entreprise qui développe une filiale telle que Worldgrid, qui développe des systèmes de contrôle-commande pour centrales nucléaires, et si vous vous sentez à l’aise avec une telle perte de souveraineté dans ce domaine, alors même qu’il s’agit d’une entreprise de rentes garantissant la survivabilité financière d’Atos, vous avez le droit de penser que je suis ringard. Je n’en pense pas moins que vendre Worldgrid n’est pas une bonne idée.
Si vous pensez que nous pouvons nous passer d’un champion national en matière de supercalculateurs et d’intelligence artificielle, c’est votre droit. Je crois, moi, à l’avenir d’un champion intégré. Racheter une entreprise ayant 5 milliards de dettes ne signifie pas les effacer d’un trait de plume, mais se donner les moyens d’un projet industriel sérieux et crédible à l’avenir, et non de se contenter de la vendre à la découpe en s’obligeant à l’avenir à conclure des contrats exclusivement avec HP.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN151 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement de sincérisation du budget porte sur un sujet que j’ai longuement abordé ce matin. Dès lors que le Gouvernement décide de créer la catégorie de Missops, de leur allouer un budget important – plusieurs centaines de millions chaque année – et de le prélever sur divers BOP des armées sans assurer la traçabilité et la visibilité de son coût réel pour le ministère, donc de ce qui doit être déduit de la planification de la LPM 2024 – 2030, il nous semble important à tout le moins de sincériser ce budget en créant une ligne budgétaire où inscrire les surcoûts des Missops.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Je souscris à ce constat. Il faut clarifier le statut des Missops, dont relèvent les opérations Aigle et Lynx, et mieux identifier les surcoûts associés, dont l’impact budgétaire pour l’armée de terre est significatif. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN51 de M. Daniel Grenon
M. Daniel Grenon (NI). Plusieurs experts alertent sur l’insuffisance de la provision de 800 millions destinée à financer les coûts assumés par les armées dans le cadre des Opex. Ces opérations, notamment les déploiements en Estonie dans le cadre de la mission Lynx et en Roumanie dans le cadre de la mission Aigle, en coopération avec les autres puissances de l’Otan, représentent un coût financier sous-estimé. Le seul coût de cette dernière a été estimé à 700 millions en 2022 par le Sénat, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2023. Compte tenu de l’insuffisance des provisions, le présent amendement d’appel vise à interroger le Gouvernement sur le manque de moyens alloués à l’armée pour les Opex.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement vise à abonder la provision des Opex-Missint afin de faire face au surcoût éventuel des missions menées sur le flanc est de l’Europe. Or ces opérations ne relèvent pas des Opex aux yeux du Gouvernement, qui les qualifie de Missops, ce qui est l’un des aspects du problème.
Ce faisant, l’amendement ajoute de la confusion à une situation déjà illisible, d’autant que son montant est sous-dimensionné par rapport au montant effectif des surcoûts des Missops. Surtout, il ne résout pas le problème majeur du traitement des Missops et des Opex : le refus répété du Gouvernement de se soumettre à l’obligation découlant de l’article 35 de la Constitution qui prévoit l’autorisation des interventions des forces armées à l’étranger par le Parlement et son information à leur sujet. Je regrette que vous n’ayez pas voté l’amendement II-DN151, qui permettait de régler la question que vous soulevez. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN146 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à abonder les crédits dédiés au financement des opérations prioritaires et rapidement envisageables par le service d’infrastructure de la défense (SID) afin d’améliorer les conditions de vie et de travail de nos forces armées. En 2022, le lancement de l’opération « Poignées de porte », dotée de 40 millions, avait permis de cibler la réalisation de 1 200 opérations de moyenne ou de faible envergure pré-identifiées, permettant de résoudre concrètement des irritants chroniques des militaires.
Les auditions de votre rapporteur pour avis portant sur les soutiens et sur la logistique interarmées révèlent des besoins persistants. Je suggère donc un abondement des crédits dédiés à la politique immobilière afin de relancer l’ambition issue de la première opération « Poignées de porte » et contribuer à l’amélioration de la condition militaire.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN33 de Mme Michèle Martinez
Mme Michèle Martinez (RN). Il vise à appeler l’attention sur la situation tendue rencontrée par les militaires, les civils de la défense et leurs familles pour se loger. Le logement joue un rôle indéniable pour attirer et retenir les effectifs. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit des moyens certes en hausse, mais loin d’être suffisants, tant nous partons de loin en matière de logement. Pour construire plus et plus vite, j’espère obtenir un avis favorable.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement prévoit un abondement de 30 millions pour la politique de logement du ministère des armées. Il est évident qu’il faut traiter la situation du logement au sein de ce ministère. C’est une question de justice.
Toutefois, les travaux de votre rapporteur pour avis ont permis de mettre en lumière les capacités contraintes du SID, qui a des problèmes de recrutement majeurs. Il ne paraît pas envisageable que ce service puisse absorber la maîtrise d’ouvrage équivalente à un abondement de 30 millions sur une seule année. J’invite plutôt à ouvrir une réflexion sur la transformation à long terme des capacités du SID, qui me paraît préférable, couplée à une juste augmentation des crédits dont il a la responsabilité. Je défendrai l’amendement II-DN148 à cet effet et invite la commission à l’adopter.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-46 de M. Emeric Salmon
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Compte tenu des besoins identifiés par mon travail, il me semble que l’amendement II-DN68 de M. Bex est mieux dimensionné par rapport aux besoins. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN68 de M. Christophe Bex
M. Christophe Bex (LFI-NFP). En vue de la revalorisation du patrimoine, nous proposons un redéploiement de crédits réaliste et réalisable de 8 millions.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Quitte à voter des crédits que le SID risque de ne pas pouvoir dépenser, je suis favorable au vote de crédits supplémentaires de 8 millions, en espérant que le SID me donne tort et parvienne à les dépenser.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN148 et II-DN153 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le II-DN148 est un amendement d’appel portant sur la politique du logement mise en œuvre par la direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE).
Les dispositions appliquées pour le paiement des charges du logement prévoient une retenue pour le logement et l’ameublement, dont le taux correspond à 10 % de la rémunération des militaires soumise à retenue pour pension. Le taux de la retenue pour un fonctionnaire civil du ministère des armées muté dans un territoire d’outre-mer est fixé à 15 % du salaire soumis à retenue. L’amendement vise à aligner le taux de la retenue pour charge de logement des personnels civils du ministère des armées dans les outre-mer sur le taux de retenue appliquée au personnel militaire.
L’amendement II-DN153 traite du logement des militaires affectés à l’étranger. J’ai évoqué ce matin les problèmes qu’ils rencontrent. L’indemnité de résidence à l’étranger (IRE) est nettement insuffisante pour répondre aux besoins de nos militaires dans de très nombreux pays. En Corée du Sud par exemple, un militaire louant un appartement doit d’abord verser de 50 % à 90 % de la valeur du bien, ce qui est impossible, notamment pour les sous-officiers. Il est donc indispensable de revoir la politique du logement pour nos militaires affectés à l’étranger.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendement II-DN60 de M. Thierry Tesson
M. Thierry Tesson (RN). Cet amendement d’appel vise à alerter sur la nécessaire rénovation des infrastructures sportives du ministère des armées, dont j’ai pris la mesure lors d’un déplacement dans le régiment cantonné à Douai, ville qui m’est chère. L’absence d’un plan de rénovation de ces infrastructures pose problème s’agissant de la préparation des soldats et de leurs conditions de vie, lesquelles jouent un rôle majeur pour fidéliser nos troupes. L’amendement prévoit d’accorder un budget à la rénovation des infrastructures sportives du ministère.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit certes d’un amendement d’appel, compte tenu de l’insuffisance du budget de 1 million proposé. Je vous invite à le retirer et à le défendre en séance publique pour que le ministre puisse vous répondre et émets à défaut un avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN71 de M. Abdelkader Lahmar
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit d’un amendement qui nous tient particulièrement à cœur et que notre groupe défend depuis plusieurs années. Notre collègue Lachaud a été rapporteur de la mission d’information sur l’évaluation des dispositifs de lutte contre les discriminations au sein des forces armées. Quelques années après la publication de son rapport, le « Me too » des armées a confirmé la nécessité, pour les militaires, de disposer d’un recours au sein de l’Assemblée nationale pour faire valoir leurs droits.
Le présent amendement vise à financer la création d’un comité parlementaire chargé suivi du respect des droits des militaires. On objectera qu’une telle instance ferait doublon celles qui sont chargées de la condition des personnels. En réalité, elle offrirait aux militaires une possibilité supplémentaire de faire valoir leurs droits dans des situations à laquelle ils ne voient pas toujours d’issue. Au demeurant, l’usage démontre que les militaires écrivent régulièrement à des parlementaires faute de trouver une issue. Il s’agit de garantir le respect des droits des militaires.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable. J’ai formulé une telle préconisation dans mon rapport de 2019.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN145 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à renforcer l’engagement du ministère des armées en faveur de l’inclusion des personnes en situation de handicap en l’inscrivant dans une politique plus large de diversité sociale et de lutte contre toutes les formes d’inégalités. Le ministère des armées est le deuxième employeur public en France. Il a donc une capacité d’entraînement et une responsabilité l’obligeant à l’exemplarité dans la promotion de l’inclusion professionnelle et dans la lutte contre les discriminations. Pourtant, le taux d’emploi des personnes handicapées dans l’armée est encore trop bas par rapport à la moyenne nationale. L’objectif annoncé lors du lancement du plan « handicap » d’un taux de 6 % de personnels en situation de handicap en 2024 n’a pas été atteint. C’est pourquoi je propose une augmentation significative du budget dédié.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN149 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’inscrit dans le cadre du « Me too » des armées et de la publication de mon rapport d’information en 2019. Les chiffres sont terrifiants. La mission d’enquête sur les violences sexuelles et sexistes (VSS) donne des chiffres terrifiants de dizaines de viols, de centaines d’agressions sexuelles et surtout d’un tiers des femmes militaires victimes de VSS. Il est donc urgent de réagir. Le ministre a commis deux circulaires. Toutefois, les effectifs de la cellule Thémis sont encore trop faibles pour répondre à l’afflux des demandes pour entendre la parole des victimes qui se libère. C’est pourquoi je propose d’en augmenter leur budget pour permettre de procéder à des recrutements.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN144 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La rémunération indiciaire des sous-officiers supérieurs devait augmenter au 1er octobre. Tel n’a pas été le cas. Le ministère annonce une augmentation au 1er décembre. Cela représente deux mois de solde augmentée perdus pour les militaires. Il importe, pour fidéliser nos armées, que les militaires aient confiance dans l’engagement et dans la parole donnée par le ministre. C’est pourquoi je propose d’augmenter la ligne budgétaire afférente, afin de compenser ces deux mois et de faire en sorte que la hausse de la revalorisation indiciaire soit datée du 1er octobre et non du 1er décembre.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN38 de M. Julien Limongi
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le problème que me pose cet amendement est qu’il propose une revalorisation limitée aux seuls officiers et sous-officiers de l’armée de terre. Il ne me semble en aucun cas justifié d’exclure de mesures de revalorisation les personnels de l’armée de l’AAE, de la marine et des services interarmées. Les efforts doivent concerner les forces dans leur ensemble, qui concourent toutes à l’exercice des missions des armées et partagent les mêmes défis de fidélisation et d’attractivité. Je suggère le retrait de l’amendement en vue de le rédiger autrement et le présenter en séance publique, et émets à défaut un avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement II-DN150 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les militaires affectés à l’étranger bénéficient d’une prime, l’IRE. Leurs grades correspondent à des catégories de fonctionnaires civils. Les sous-officiers sont traités au niveau de leur prime comme des fonctionnaires de catégorie C. Or les postes qu’ils occupent justifient leur rattachement à la catégorie B.
Il s’agit d’une perte de revenu chiffrée à 1,9 million pour les sous-officiers affectés à l’étranger. Il en résulte des difficultés pour se loger, mais aussi des failles de sécurité. J’ai évoqué ce matin le cas d’un sous-officier obligé de faire du baby-sitting le soir pour financer son logement, ce qui est scandaleux. Un militaire qui n’a pas les moyens de survivre est une proie facile pour les services de renseignement étrangers. Je propose d’abonder de 1,9 million la ligne de crédits afférente.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN152 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une autre bizarrerie de la situation des militaires français à l’étranger. Les militaires dont le conjoint ne travaille pas perçoivent le supplément familial de solde à l’étranger (SUFE), dont la particularité est d’être versé même si le conjoint travaille pour une rémunération inférieure à un certain montant.
Le SUFE est calculé sur la base de l’indice brut majoré 300, qui a été retenu à une période où l’indice minimum de la fonction publique était 262. Autrement dit, un conjoint de militaire travaillant à l’étranger au niveau du Smic ferait perdre à son conjoint le bénéfice du SUFE. Ne pas en revoir l’indice prive des dizaines de militaires d’un revenu complémentaire indispensable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN143 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je l’ai déposé l’an dernier, mais il n’a pas été examiné en séance publique, le 49-3 ayant coupé court à nos débats. Il vise à améliorer le statut des personnels civils de recrutement local de Polynésie, dont le statut très particulier est une manière, pour l’État français, de reconnaître sa dette due aux essais nucléaires dans le Pacifique. Ce statut, certes protecteur, fige certains personnels dans un même poste ou dans une même catégorie. L’idée est d’y inclure des postes de catégorie A. Il s’agit d’une mesure de justice sociale à destination des personnels civils de recrutement local de Polynésie.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN36 de M. Thierry Tesson
Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Dans le domaine spatial, le budget des études amont prévoit 70 millions d’euros en AE et en CP. Celui alloué à la dissuasion est d’environ 202 millions d’euros. Le montant de 1 million d’euros est en quelque sorte un montant d’appel. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN57 de M. Thierry Tesson
Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. La direction générale de l’armement (DGA) a notifié le 5 mars 2024 des accords-cadres auprès de cinq sociétés en vue d’identifier les solutions permettant le développement d’ordinateurs quantiques universels. Cela représente un investissement de 500 millions dans le cadre de France 2030. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN24 de M. Alexandre Dufosset
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Le montant de 10 millions est cosmétique par rapport aux montants d’ores et déjà engagés dans le domaine du quantique. Outre le programme PROQCIMA, le ministère participe au programme ADEQUADE, financé par le Fonds européen de la défense (FEDef) et coordonné par Thales. Par ailleurs, la gravimétrie quantique est d’ores et déjà une réalité grâce au programme de capacité hydro-océanographique future (CHOF). Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN39 de M. Laurent Jacobelli
M. Laurent Jacobelli (RN). Il offre l’occasion de régler deux problèmes. Le premier problème s’appelle l’Agence européenne de défense (AED), qui est clairement un organisme qui ne sert pas à grand-chose et bat en brèche la souveraineté des États en matière de défense, qui est pourtant la seule concevable. Nous proposons de prendre l’argent de ce budget – 8,7 millions – pour régler un second problème, celui du MCO, souvent décrit comme un problème ou un point de vigilance par les rapporteurs pour avis. Retrouver notre souveraineté nationale, aider nos armées à s’entraîner et à rester opérationnelles : cet amendement deux-en-un est fort de sens.
Contre l’avis de la rapporteure pour avis Anne Le Hénanff, la commission adopte l’amendement.
Contre l’avis de la rapporteure pour avis Anne Le Hénanff, la commission adopte l’amendement II-DN22 de Mme Florence Goulet.
Amendement II-DN103 de M. Boris Vallaud
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Il vise à accompagner le développement d’une stratégie complémentaire au transfert d’armes en abondant de 200 millions l’aide à l’Ukraine, qui est un engagement que nous soutenons, mais qui ne doit pas peser sur le budget des armées.
Afin de ne pas amputer les budgets sur lesquels l’amendement est gagé, ses auteurs comptent sur l’application de l’article 4 de la LPM 2024 – 2030 prévoyant que l’aide à l’Ukraine ne pèse pas sur le budget des armées.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous partageons l’ambition de Mme Santiago : nous avons soutenu la création du fonds spécial de soutien à l’Ukraine à hauteur de 100 millions en 2022, ainsi que son abondement à hauteur de 200 millions en 2023 puis en 2024. Je crois comprendre que le Gouvernement cherche à modifier son mode de financement, notamment en utilisant les intérêts des actifs russes gelés en Europe. Nous préférons faire payer les milliardaires russes proches de M. Poutine que les contribuables français. Je suis favorable à l’objectif mais émets un avis défavorable à l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN72 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit de faire respecter une promesse ministérielle. L’an dernier, nous avons demandé au ministre d’indiquer dans les bleus budgétaires le montant exact de la contribution française à l’Otan, dans la mesure où elle est amenée à exploser pour atteindre près de 1 milliard à la fin de la décennie. Cette information figure dans les bleus budgétaires, nous a répondu en substance le ministre. Contraint de constater qu’elle n’y figure pas, il nous a concédé le point et s’est engagé à faire en sorte qu’elle y figure.
Non seulement elle n’y figure toujours pas, mais les questions posées en tant que rapporteur pour avis pour obtenir le montant précis du budget alloué à l’Otan sont restées sans réponse. Nous proposons donc de créer une ligne budgétaire Contributions internationales – Otan afin que le Parlement puisse contrôler l’action du Gouvernement et vérifier le montant réel de cette contribution.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN74 de Mme Murielle Lepvraud
Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Le projet de loi de finances pour 2024 comporte une stratégie climat-défense visant à adapter nos armées aux bouleversements induits par les changements climatiques. Ce document se contente de mentionner la nécessité d’adapter les capacités politiques et les doctrines, et d’anticiper les exigences et les contraintes normatives. Le changement climatique est de plus en plus structurant pour toutes les activités humaines. Les armées n’y échapperont pas.
Nous nous interrogeons notamment sur la pérennité du moteur thermique alors même que l’Union européenne prévoit d’en interdire la vente à partir de 2035. Une exemption pour les moyens militaires terrestres est imaginable pour des raisons d’efficacité opérationnelle. Toutefois, dès lors que les principaux constructeurs ne produiront plus de véhicules thermiques, aucun n’acceptera de continuer à en produire pour les micro-marchés des besoins militaires. Nous serons obligés d’évoluer. Mieux vaut anticiper que subir. C’est la raison pour laquelle nous proposons la création d’un programme intitulé Préparer l’après-pétrole.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La lutte contre le changement climatique et la transition énergétique des activités humaines constituent un objectif civilisationnel. Les auditions de notre commission ont rappelé combien le changement climatique et la raréfaction des ressources naturelles agissent comme un amplificateur des risques géostratégiques. Le ministère des armées a enfin pris conscience du problème. Le général Burkhard nous a enfin donné raison. Mme Lepvraud et plusieurs d’entre nous alertent de longue date à ce sujet. Il est nécessaire de tenir compte des enjeux de transformation des forces et des moyens de nos armées dans un monde post-pétrole. Le présent amendement vise à engager cette réflexion. Il est utile et nécessaire. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Après l’article 59 :
Amendement II-DN83 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement ne coûte pas cher. Il invite le Gouvernement à nous remettre un rapport pour avancer dans la connaissance et la compréhension de deux problèmes majeurs. Le premier est la gestion des débris spatiaux dans un contexte d’inflation et de prolifération des capacités orbitales et la réponse à apporter à cette question devenue critique. Le second est la météo spatiale, dont l’importance croît avec le trafic orbital. L’enjeu est d’objectiver l’existant et son devenir à brève échéance pour anticiper les évolutions susceptibles d’affecter le trafic des satellites, notamment des satellites militaires, et d’amorcer une réelle programmation cadre dans le domaine spatial.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’accroissement de la densification spatiale en orbite basse crée de nombreux risques. On estime à près de 40 000 le nombre d’objets de plus de 10 centimètres et à un peu moins d’un million le nombre d’objets de plus d’un centimètre. Sans sectarisme et pour faire avancer la connaissance et le bien de l’humanité, j’émets un avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN132 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Il vise à réaliser notre capacité d’action dans l’espace, qui sera la véritable rupture de la stratégie spatiale de défense.
M. François Cormier-Bouligeon rapporteur pour avis. À l’amendement Yoda défavorable le rapporteur du programme 146 est. Vous avez consacré la partie thématique de votre rapport au domaine spatial. Vous avez donc auditionné toute la filière du spatial militaire. Votre rapport comporte toutes les informations utiles. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN80 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit d’obtenir du Gouvernement un rapport sur sa stratégie de surveillance maritime. Année après année, nous empilons les mesures et créons des programmes dans tous les domaines maritimes possibles. Nous manquons d’une vision d’ensemble de la protection de la souveraineté du territoire maritime. Il est tout à fait illusoire de considérer que la France exerce pleinement sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire maritime. Nous ne pouvons pas nous résoudre à cet abandon. Nous demandons au Gouvernement de détailler une stratégie globale articulant les moyens engagés. Un tel document existe mais ne propose aucune vision ni aucun but clair.
Contre l’avis du rapporteur pour avis Yannick Chenevard, la commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN82 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’obtenir du Gouvernement des éléments précis sur l’impact des reports de commandes sur le coût des programmes et sur la capacité des armées à remplir les contrats opérationnels. La marche affichée de 3,3 milliards est faciale, dès lors qu’elle intègre des dépenses imprévues. Il y a donc report de charges. De même, si le financement interministériel du surcoût du BOP Opex n’est pas activé, cela augmentera encore les reports de charges.
Même si tout se déroule comme prévu d’ici 2030, le mur des AE sera supérieur à 150 milliards d’euros, soit près de trois fois le budget de la défense. Cela soulève deux questions : le budget est-il soutenable ? Quid de l’enjeu démocratique ? Le prochain Président de la République, qui sera élu au plus tard en 2027, sera pieds et poings liés par des engagements excédant largement la logique de planification. Il est indispensable de faire la clarté sur les surcoûts et sur les reports de charges.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je pourrais me contenter de mentionner les rapports prévus aux articles 9 et 10 de la LPM 2024 – 2030 ainsi que les nombreux rapports de la Cour des comptes. M. Lachaud soulève la question de l’ampleur des AE. Les programmes de défense sont lourds et de longue durée. Nous sommes obligés de recourir aux AE pour les financer, même si elle rigidifie les budgets. Des objets tels que le PANG et le standard F5 du Rafale doivent faire l’objet d’une prévision.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN86 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à obtenir du Gouvernement un rapport faisant état du bilan global et des sommes perçues par l’État français au titre des redevances sur les exportations d’armement de la part des industriels et de leurs sous-traitants. Lorsque nous exportons des armements, les entreprises versent une redevance à l’État, qui est la contrepartie des subventions versées et du soutien à l’export.
Sur ce sujet, l’opacité règne depuis de nombreuses années. Le montant de ces redevances n’est pas communiqué à la représentation nationale. Nous ne sommes pas certains que le Gouvernement fasse le nécessaire pour obtenir les montants dus. Il s’agit de faire la lumière sur ce qui a pu se passer au cours des dernières années. Au demeurant, la Cour des comptes a appelé notre attention sur le sujet sans parvenir à donner un chiffre exact.
Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Sans préjudice du fond, l’indicateur de performance que vous souhaitez créer n’a pas sa place dans le programme 144. Il en existe un permettant de mesurer le délai de traitement des dossiers d’exportation de matériels de guerre mais uniquement du point de vue de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS). L’indicateur proposé devrait figurer dans le programme 129 Coordination du travail gouvernemental, qui comprend notamment les crédits du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il ne s’agit pas de créer un indicateur mais d’obtenir un rapport permettant de faire le point sur ce qui a pu se passer au cours des dix dernières années en matière de redevances. Ont-elles été versées ou non ? Pourquoi ? Ces questions sont légitimes. Aucun document ne permet de le savoir, alors même que le doute est fort s’agissant de la possibilité que les entreprises se soient affranchies de cette obligation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN87 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit d’obtenir un rapport sur l’importation de matériels de guerre et de biens et technologies à double usage, qui serait le pendant du rapport annuel sur les exportations de ces matériels. Il est indispensable que la représentation nationale soit éclairée sur les volumes de biens à double usage et de matériels de guerre que la France importe. Cet exercice de transparence est nécessaire et indispensable pour savoir de qui nous pourrions dépendre dans les prochaines années, notamment en cas de conflit. Chacun connaît les réglementations américaines de contrôle des exportations en matière de défense (ITAR&EAR), qui ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières années et nous ont incités à désitariser les matériels de guerre. Cette réflexion devrait être appliquée à tous les États.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’annexe 11 du rapport sur les exportations d’armement recense d’ores et déjà les matériels importés en application du traité sur le commerce des armes (TCA), qui prévoit que les États parties sont tenus d’établir un rapport annuel sur leurs exportations et leurs importations d’armement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN118 de Mme Anna Pic et II-DN97 de Mme Isabelle Santiago ensemble
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Le II-DN118 prévoit un rapport sur les modalités de financement des Opex de la France.
Le II-DN97 porte sur le plan « famille 2 ». Un rapport précisant l’état d’avancement de sa mise en œuvre est nécessaire, compte tenu du taux d’inflation, des diverses mobilisations des personnels, des difficultés de réinsertion de certains d’entre eux et des accompagnements mis en œuvre, s’agissant notamment des soins et de la scolarisation des enfants.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement II-DN118 fait clairement écho à l’enjeu de traitement budgétaire et de qualification juridique des engagements à l’étranger des forces armées. J’ai soulevé la question à de très nombreuses reprises. Le refus répété du Gouvernement de se soumettre à l’obligation découlant de l’article 35 de la Constitution d’information et de contrôle du Parlement a abouti à une situation illisible, ubuesque et contraire aux dispositions de la LPM 2024 – 2030.
Ma conviction est qu’il faut considérer toutes les missions opérationnelles à l’étranger comme entrant dans le champ de l’article 35 de la Constitution, dont le respect doit conditionner tout financement interministériel. Le ministre a reconnu un enjeu de lisibilité. Toutefois, il me semble nécessaire d’attendre la réponse à la question juridique avant d’en tirer les enseignements pour le traitement budgétaire. Sagesse.
S’agissant de l’amendement II-DN97, les travaux de votre rapporteur pour avis ont permis d’identifier les retombées du plan « famille », en écho à la mission d’information sur le plan « famille » dont Mme Santiago était co-rapporteur. J’ai aussi analysé les développements en cours du plan « famille 2 », identifié certaines de ses lacunes et rappelé que certaines actions annoncées ou prévues restent à mettre en œuvre.
Cet amendement permettra utilement de renforcer le suivi par le Parlement de ces politiques fondamentales pour l’amélioration de la condition militaire et la réussite des efforts de fidélisation et de s’assurer que les engagements pris dans la LPM 2024 – 2030 sont réellement suivis d’effets concrets. Avis favorable.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendement II-DN117 de Mme Anna Pic
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Nous souhaitons obtenir un rapport sur l’adaptation de la politique de rémunération des militaires évaluant l’action du Gouvernement en faveur d’un meilleur équilibre entre rémunération indiciaire et rémunération indemnitaire, formulant des recommandations, et évaluant leur coût financier et leurs implications budgétaires en vue du prochain projet de loi de finances et des mesures.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Comme l’indique mon rapport pour avis, la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) n’a pas été à la hauteur des attentes, en raison d’effets négatifs que votre rapporteur pour avis a déjà évoqués à plusieurs reprises, notamment la fiscalisation de l’indemnité de garnison et les conditions de gestion et de versement de l’indemnité de sujétion d’absence opérationnelle (ISAO).
Toutefois, la présente demande de rapport sur les effets de la NPRM et sur les équilibres de la rémunération des militaires ne me paraît pas idéalement positionnée. À court terme, les effets pervers de la NPRM sont déjà bien identifiés et gagneraient à être résolus au plus vite. À moyen terme, la LPM 2024 – 2030 prévoit une clause de revoyure en 2026 et le Parlement sera récipiendaire d’un rapport sur le sujet. Je préconise plutôt une mission d’information dans le courant de l’année 2025 visant à analyser les effets de la fiscalisation. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN122 de M. Frédéric Boccaletti
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’ai déjà eu l’occasion de souligner que la fiscalisation de l’indemnité de garnison soulève une grande difficulté. Elle devrait, à partir de l’exercice fiscal 2025, effacer une partie significative des bénéfices de la NPRM en raison de la hausse consécutive de l’impôt sur le revenu et de la perte de bénéfice des prestations sociales. Ses effets restent toutefois difficiles à chiffrer.
Il me paraît donc plus adapté de prévoir la remise d’un rapport identifiant les effets de la fiscalisation de l’indemnité de garnison plutôt que ceux de sa défiscalisation. En dépit de mes demandes répétées, le ministère a été incapable de chiffrer les effets de la fiscalisation a priori. Nous le ferons a posteriori. Je pense qu’il n’est pas moins incapable, à moins qu’il s’agisse de mauvaise volonté, de nous donner des éléments sur la défiscalisation de l’indemnité de garnison. Soit le ministère n’en a pas les capacités, soit il ment ouvertement à la représentation nationale depuis trois ans. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN107 de M. Sébastien Saint-Pasteur
Mme Isabelle Santiago, rapporteur pour avis. Il vise à obtenir un rapport sur les coûts engendrés par les développements de technologies et les matériels innovants liés aux nouveaux espaces de conflictualité. Ce rapport pourrait différencier les trois espaces que sont le spatial, les fonds marins et le cyber. Ce dernier nécessite le développement de technologies innovantes spécifiques pour que la France assure sa supériorité dans ce domaine, où se mêlent puissances militaires et acteurs majeurs de l’économie. Ce rapport pourrait contribuer à la formulation d’une stratégie opérationnelle pour que la France ait l’ascendant militaire dans le cyberespace et puisse investir les domaines émergents liés à l’intelligence artificielle.
Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Je souscris à la nécessité de disposer d’informations sur les coûts engendrés par l’émergence de nouveaux espaces de conflictualité. Il y a des informations à ce sujet dans les annexes budgétaires de la mission Défense, certes partielles et parfois peu claires. J’ai indiqué cet axe d’amélioration dans mon rapport pour avis.
Nous disposons toutefois d’éléments dans le rapport transmis aux parlementaires en vertu de l’article 10 de la LPM 2024 – 2030 relatif à son exécution. Je suis favorable à la clarification de la répartition du budget total dédié, au titre de l’innovation de défense ainsi que des programmes d’armement, aux nouveaux espaces de conflictualité et à d’autres domaines transverses tels que l’intelligence artificielle. Je suggère le retrait de l’amendement pour en retravailler la rédaction et le présenter, avec mon soutien, en séance publique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN85 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous sommes très préoccupés par le risque de privatisation des fonctions régaliennes liées au ministère de la défense. C’est pourquoi nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport dressant un bilan de l’éventuel recours aux entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD).
S’agissant des matériels importés, l’annexe 11 du rapport sur les exportations d’armement est tout sauf exhaustive. Elle précise exclusivement les imports de matériel déjà constitués, et absolument rien sur les composants qui nous intéressent.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN140 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’obtenir un rapport sur la scolarisation des enfants des militaires français à l’étranger, qui bénéficient à cette fin d’une prime, la majoration familiale à l’étranger (MFE). Elle permet de prendre en charge à l’euro près les frais de scolarité dans les établissements français de référence du pays. Malheureusement, elle ne tient compte ni des frais de transport, ni des frais de demi-pension, ni des frais d’uniforme, parfois inabordables avec un traitement de militaire, comme c’est le cas au lycée Rochambeau à Washington.
Un tel rapport permettrait de vérifier qu’il n’y a pas de solution plus efficace que la MFE pour résoudre ce problème, qui se pose particulièrement dans les pays anglo-saxons et scandinaves. Ainsi, les militaires ayant une famille sont de fait exclus des affectations à la délégation française à l’ONU, en raison du coût de la vie sur place.
Mme Isabelle Santiago (SOC). Cette question a été abordée lors de la présentation du plan « familles » en 2021. Les militaires de pays étrangers, par exemple les Américains en poste à Naples pour l’Otan, perçoivent des primes permettant de financer leur vie de famille. Les nôtres travaillent souvent avec des militaires étrangers. Ce problème dure depuis des années et doit être réglé.
La commission adopte l’amendement.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux explications de vote.
M. Laurent Jacobelli (RN). Nous étions partis pour ne pas voter le budget de la mission Défense. Il intègre désormais d’importantes dispositions proposées par le Rassemblement national, notamment la fin des subventions à l’AED ainsi que la prise en compte de demandes capacitaires, de la santé, du logement et du salaire de nos militaires, de la situation des harkis et de la tension sur le point d’indice de la PMI. Nous y sommes donc favorables.
M. Yannick Chenevard (EPR). Nous étions partis pour voter ce budget. Un rapide calcul indique que nous avons augmenté de 800 millions un budget déjà considérable. Nous ne le voterons pas.
Mme Lise Magnier (HOR). Nous étions partis pour voter les crédits de la mission Défense. Nous avons amputé de 100 millions nos capacités de commandes de matériel, dont nos forces ont besoin. Nous avons amputé de 60 millions le financement de l’opération Sentinelle, au détriment de la sécurité du territoire national. À force de petits bougés, nous sommes parvenus à un budget qui prévoit 800 millions de bougés dans la trajectoire de la LPM 2024 – 2030. Pour nous, c’est inquiétant. Nous avons abondé de 300 millions les crédits du SSA, qui n’aura absolument pas les moyens concrets de les dépenser. La maquette budgétaire a fortement dévié de la trajectoire prévue par la LPM 2024 – 2030. Nous nous abstiendrons sur le vote de ces crédits.
Mme Isabelle Santiago (SOC). Nous nous abstiendrons sur le vote des crédits, dans l’attente du débat en séance publique. Auparavant, nous souhaitons obtenir des réponses au sujet des mesures budgétaires de l’année 2024 impactant le budget qui nous est proposé. Nous tenons à la sécurisation des budgets de nos armées.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous avons remporté des victoires lors de l’examen de ce budget. Notre propos liminaire était très clair : nous ne ratifions pas l’idée selon laquelle la marche de 3,3 milliards est respectée. Les dépenses imprévues et les dépassements de crédits, dans le cadre des Opex, de l’aide à l’Ukraine, des JOP, de l’intervention en Nouvelle-Calédonie/Kanaky et des MissOps effacent ce montant. Des crédits de 800 millions ne permettent pas de compenser la perte que représentent ces dépenses indues.
Par ailleurs, la trajectoire budgétaire globale présente, à l’horizon 2027 et surtout 2030, un mur de restes à payer. Les gains que nous avons remportés au cours de cet examen ne permettent pas de l’éviter. Nous voterons contre ce budget.
Nous espérons avoir l’occasion de plaider en séance publique en faveur de la nationalisation d’Atos, qui est notre principale victoire mais qui n’est qu’un pas.
M. Michel Gonord (DR). Nous aurions voté le budget, mais déformé par des modifications de 800 millions, nous ne le voterons pas.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense modifiés.
Annexe
Auditions et déplacements dE LA rapporteurE pour avis
(Par ordre chronologique)
1. Auditions
MBDA ‒ M. Jean-René Gourion, directeur général délégué et Mme Anne-Sophie Thierry-Bozetto, responsable des relations politiques et parlementaires ;
État-major de l’armée de terre ‒ M. le général de division Laurent Proenca, sous-chef performance et synthèse ;
Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres ‒ M. Jean-Marc Duquesne, délégué général et Mme Léa Benassem-Durieux, directrice des affaires publiques ;
État-major des armées – M. le général de division Philippe Geay de Montenon, chef du centre de planification et de conduite des opérations, M. Steve Carleton, conseiller anticipation stratégique et territoire national et Mme le colonel Valérie Morcel, chargée des relations parlementaires ;
État-major de l’armée de terre – M. le général d’armée Pierre Schill, chef d’état-major ;
État-major de l’armée de terre – M. le général de division Jean-Christophe Bechon, major général ;
État-major des armées – M. le général de corps d’armée Thierry Laval, gouverneur militaire de Marseille et officier général de la zone de défense et de sécurité Sud ;
État-major de l’armée de terre – M. le général de corps d’armée Frédéric Gout, directeur des ressources humaines ;
M. le préfet Olivier-Pierre de Mazières, chef du Service du Haut-Fonctionnaire de Défense au Ministère de l’intérieur et des Outre-Mer
État-major de l’armée de terre – M. le général de division Alain Lardet, sous-chef plans et programmes ;
Préfecture de police de Paris – M. Laurent Nuñez, préfet.
Visite du centre d’opérations des JOP 24 de la zone de défense de Paris, École militaire ;
Visite du camp « Caporal Alain Mimoun », pelouse de Reuilly.
([1]) Rapport sur le moral, 2022.
([2]) Système militarisé de géolocalisation et de synchronisation multi-constellations, P3TS regroupe et synchronise les informations fournies par les constellations Galileo, GPS et Glonass.
([3]) Canon 155mm destiné à équiper les régiments d'artillerie de brigades blindées, monté sur châssis AMX30 (8 par batterie).
([4]) Simulateurs cabines avec Environnement Réaliste et Kinesthésique pour l’Entraînement Tactique
([5]) GME EBMR : Groupement momentané d’entreprises engin blindé multi rôles, regroupant Thales, KNDS et Arquus
([6]) La Sentinelle égarée ? L’armée de Terre face au terrorisme, de L'Ifri par Élie TENENBAUM
([7]) DFT 3.60.2, doctrine d’emploi des forces terrestres sur le territoire national.
([8]) L’article L.1321-1 du code de la défense prévoit qu’« aucune force armée (à l’exception de la gendarmerie nationale) ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale ».
([9]) La cellule est co-présidée par le préfet Haut fonctionnaire de défense du ministère de l’Intérieur et l’officier chargé de l’anticipation et de la synthèse sur le théâtre national du CPCO.
([10]) Avis de M. François Lamy sur le projet de loi de finances pour 2016.
([11]) L’opération Sentinelle, Cour des comptes, 21 septembre 2022.
([12]) Une expérimentation de la participation de Sentinelle à la lutte contre l’immigration illégale et clandestine avait été menée de mars à mai 2021.
([13]) L’opération Sentinelle, Cour des comptes, 21 septembre 2022.
([14]) Avis de M. François Lamy sur le projet de loi de finances pour 2016.
([15]) L’opération Sentinelle, Cour des comptes, 21 septembre 2022.
([16]) La Sentinelle égarée ? L’armée de Terre face au terrorisme, de L'Ifri par Élie TENENBAUM
([17]) La Sentinelle égarée ? L’armée de Terre face au terrorisme, de L'Ifri par Élie TENENBAUM
([18]) Loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
([19]) Il y a deux types d’équipes cynotechniques : celles spécialisées en appui à la recherche et la détection d’explosifs (ARDE) et celles spécialisées dans l’appui à la détection et la neutralisation humaine (ADNH).
([20]) Sections du génie militaire spécialisées dans la fouille et la détection en milieu difficile (souterrain).
([21]) La Force est logée conformément aux critères établis dans le cadre de l’opération SENTINELLE : CAT1 (confort - bâtiment en dur) - CAT2 (confort intermédiaire - déploiement de moyens complémentaires) - CAT3 (rustique - déploiement de camps de toile et matériels associés).
([22]) Le taux sous OPCON de l’ISAO varie en fonction du grade et de la situation de famille. Il s’échelonne ainsi de 50 € par jour pour un militaire du rang (non-cadre) célibataire à 108 € par jour pour les officiers généraux et supérieurs chargés de famille. La dépense moyenne est de l’ordre de 60 € par homme et par jour.
([23]) «Jeux de Paris 2024 : Les clés de réussite de la mission Sentinelle » Nicolas Cuoco, Le Journal du Dimanche, 9 septembre 2024.
([24]) Le décret du 14 février 2024 détaille les pouvoirs de police administrative concourant à l'ordre public et à la sécurité intérieure qui ont été exercés par le préfet de police.
([25]) Réquisitions complémentaires (JO) du 17 juillet et du 21 août 2024.
([26]) « Jeux de Paris 2024 : Les clés de réussite de la mission Sentinelle » Nicolas Cuoco, Le Journal du Dimanche, 9 septembre 2024.
([27]) L’état-major interarmées du territoire national (EMIA TN) est l’état-major capable d’anticiper, planifier et conduire les opérations interarmées dans le milieu terrestre sur le territoire national dans le cadre de la défense civile, de la défense militaire et du soutien nation hôte (OTAN).