N° 527

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 octobre 2024

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2025 (n° 324)

 

TOME VI

 

 

DÉFENSE

 

préparation et emploi des FORCES :

AIR

PAR M. Frank GILETTI

Député

——

 

 

 

Voir le numéro : 324.


SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Première partie : un budget en légère hausse qui ne suffira pas à répondre aux nombreux défis de l’armée de l’Air et de l’Espace

I. Une armée de l’Air et de l’Espace toujours plus sollicitée en 2024 malgré des contraintes capacitaires majeures

A. Une armée engagée sur tous les fronts en 2024

1. Sur le territoire national

a. La posture permanente de dissuasion nucléaire

b. La posture permanente de sûreté aérienne

c. Les missions de service public

2. En opérations extérieures et missions opérationnelles

3. Des exercices emblématiques

B. Un renouvellement capacitaire imparfait

1. Les principales livraisons et commandes en 2024 et 2025

2. Une trame « chasse » au format encore insuffisant

C. Une légère embellie en 2024 sur le front des ressources humaines malgré une situation toujours préoccupante

II. Des crédits qui se maintiendront en 2025 peu ou prou à leur niveau de 2024 malgré des enjeux majeurs

A. Les crédits de l’armée de l’Air et de l’Espace pour 2025

1. Présentation générale des crédits du programme 178 au bénéfice de l’AAE

2. Présentation des crédits par nature et par opération stratégique

a. Les dépenses de fonctionnement

b. Les dépenses d’équipement

B. Les principaux points de vigilance du rapporteur pour 2025

1. La disponibilité des flottes et l’activité des aviateurs : le manque de transparence du Gouvernement sur deux enjeux majeurs

a. Malgré l’absence de publication des chiffres sur la disponibilité, la réforme du MCO semble tarder à produire tous les effets escomptés

b. Les heures de vol des aviateurs, point d’attention persistant

2. Un nécessaire réinvestissement dans les équipements d’accompagnement

3. Une revalorisation des grilles indiciaires à la hauteur des attentes

4. La nécessaire rénovation des infrastructures opérationnelles

5. L’exigence de la préparation de l’avenir

Seconde partie : le spatial de défense

I. La préservation de notre liberté d’accès et d’action dans l’espace est une condition sine qua non de notre autonomie stratégique

A. Nos capacités spatiales militaires constituent une garantie de notre autonomie stratégique

1. Le programme spatial français s’inscrit dès l’origine dans une recherche de souveraineté

2. Nos capacités spatiales militaires fournissent un appui toujours plus décisif à l’action des forces armées sur Terre

a. Offrir un renseignement d’origine image et électromagnétique fiable

i. Le renseignement d’origine image (ROIM)

ii. Le renseignement d’origine électromagnétique (ROEM)

b. Garantir à nos forces des télécommunications militaires sécurisées

c. Demain, permettre à nos forces de ne plus dépendre du GPS américain pour se positionner

d. Réduire significativement le temps de latence grâce aux constellations de connectivité en orbite basse

B. Nos capacités spatiales sont menacées par une conflictualité croissante dans l’espace

1. Des risques opérationnels accrus

a. Un accroissement de la densification spatiale : des satellites et des débris spatiaux toujours plus nombreux

b. Un risque croissant d’interférences électromagnétiques

2. L’espace, un nouveau milieu opérationnel à la conflictualité croissante

3. Un corpus de droit spatial daté et remis en question

4. Un besoin croissant de surveillance de la situation spatiale et de défense active de nos capacités dans l’espace

a. La surveillance de la situation spatiale

b. La défense active de nos capacités spatiales

C. Un bilan en demi-teinte de la stratégie spatiale de défense qui devait permettre de préserver notre liberté d’accès et d’action dans l’espace

1. La stratégie spatiale de défense, un tournant attendu mais tardif dans l’affirmation d’une nécessaire « défense active » de nos intérêts spatiaux

2. La volonté affichée de préserver la liberté d’accès de la France à l’espace s’est heurtée de plein fouet à la crise européenne des lanceurs

3. Il est urgent de décliner dès à présent le volet spatial de la LPM 2024-2030 dont le rapporteur regrette le manque d’ambition

4. La plupart de nos compétiteurs et alliés renforcent significativement leur spatial de défense, au risque d’un effacement de la puissance spatiale militaire de la France

II. Afin de rester une puissance militaire prééminente, la France doit aujourd’hui accélérer le déploiement de sa stratégie spatiale de défense

A. Parachever la montée en puissance du CDE

1. La livraison dans les temps du chantier du CDE constitue un premier défi logistique et numérique

2. La réussite du transfert de compétences entre opérateurs du CNES et du CDE, un premier défi RH

3. La création et la valorisation de parcours d’excellence autour du spatial, un second défi RH

B. Accroître l’offre souveraine de lanceurs conventionnels et réactifs

C. Surveiller de manière souveraine la terre et la très haute altitude depuis l’espace au fin d’alerte avancée

D. Être acteur des ruptures technologiques en cours

1. Anticiper les technologies de rupture

2. Ne pas manquer le virage des constellations en orbite basse

3. Nouer un réseau d’opérateurs publics et privés de confiance pour accroître les services délivrés en appui aux forces armées françaises

E. Renforcer notre capacité d’action dans et depuis l’espace

1. Renforcer nos moyens de surveillance de l’espace en temps réel

2. Renforcer nos capacités d’action dans l’espace

3. Renforcer la préparation opérationnelle des forces

F. Consolider notre doctrine d’action dans l’espace

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Audition de M. Jérôme Bellanger, chef d’état-major de l’Armée de l’air et de l’espace

II. Examen des crédits

Annexe :  auditions et déplacements du rapporteur pour avis

 


 

   Introduction

Le 8 octobre 1964, un Mirage IV décollait de la base aérienne de Mont-de-Marsan aux fins d’effectuer la première prise d’alerte nucléaire. Le couple Mirage IV-avion ravitailleur C-135 et la bombe nucléaire AN 20 sont emblématiques du premier âge de la posture permanente de dissuasion mise en œuvre sans discontinuité depuis 1964 par les forces aériennes stratégiques. La modernisation et l’adaptation de la composante nucléaire aéroportée doivent être une exigence de chaque instant. La génération actuelle, composée de l’avion de combat Rafale, de l’avion ravitailleur MRTT et du missile ASMPA rénové offre des capacités d’allonge, de pénétration, et de précision inédites dans l’histoire de l’armée de l’air et de l’espace.

●Le 8 octobre 2024, sur la base aérienne à vocation nucléaire de Saint‑Dizier, le ministre des Armées annonçait le lancement des études de développement du standard F5 du Rafale. La mise en service du standard F5 devrait se faire en 2032, dans la perspective de l’arrivée en 2035 de l’ASN4G, le nouveau missile hypersonique de la composante nucléaire aéroportée.

● Votre rapporteur salue l’engagement sans faille des forces aériennes stratégiques depuis 1964.

Votre rapporteur salue également le niveau exceptionnel d’engagement des personnels de l’armée de l’air et de l’espace (AAE) en 2024. Il s’associe naturellement à l’hommage national rendu aux pilotes de l’armée de l’air et de l’espace tragiquement décédés en service aérien commandé cet été, le capitaine Sébastien Mabire et le lieutenant Matthis Laurens.

L’AAE était responsable de la protection de l’ensemble de la séquence des jeux olympiques et paralympiques de Paris dans la 3ème dimension. Les vecteurs aériens engagés ont réalisé plus de 750 heures de vol en 350 missions, totalisant 90 interceptions. Au total, plus de 2 990 aviateurs ont été mobilisés dans le cadre de la contribution de l’AAE à la sécurisation des JOP.

L’AAE a également été très sollicitée dans le cadre des émeutes en Nouvelle-Calédonie. Le soutien aérien s’est articulé autour d’A330 MRTT, d’A400M et d’hélicoptères, transportant 2 400 passagers, 400 tonnes de fret, 4 hélicoptères des forces de sécurité intérieure. Près d’une quarantaine de rotations ont été effectuées entre la métropole et la Nouvelle Calédonie, mobilisant parfois jusqu’à 9 A330 MRTT simultanément. Toutes flottes confondues, ce sont plus de 1 000 vols et 2 300 heures de vol qui ont été réalisées par l’AAE en appui de la crise.

Mobilisée sur tous les fronts, l’armée de l’air et de l’espace doit pourtant composer avec une disponibilité inégale de ses flottes dont certaines sont très vieillissantes. Le format de l’aviation de chasse reste taillé au plus juste et l’annonce récente par le Président de la République de la cession en 2025 de plusieurs avions Mirage 2000-5 aux forces armées ukrainiennes ne fera que creuser le déficit capacitaire.

● Le présent avis budgétaire sur les crédits proposés pour l’armée de l’air et de l’espace est l’occasion de revenir sur ces enjeux.

La première partie du présent avis s’intéressera à l’appréciation des grands équilibres du projet de loi de finances pour 2025 s’agissant de l’armée de l’air et de l’espace.

La seconde partie portera sur le thème du spatial de défense. Alors que le bâtiment définitif du commandement de l’espace (CDE) doit être livré à Toulouse en 2025, la montée en puissance du CDE est l’occasion pour le rapporteur de faire un point sur la mise en œuvre de la stratégie spatiale de défense par nos armées.

L’espace est en effet un multiplicateur de force pour les opérations militaires. Toutes les composantes des armées (air, terre, mer, cyber etc.) utilisent des moyens de renseignement, de communication, de géolocalisation, de navigation ou de synchronisation reposant sur des capacités spatiales. L’espace joue donc un rôle clé dans l’appui aux opérations, rôle qui va s’accroître notamment dans le cadre de la mise en œuvre prochaine du combat collaboratif et du système de combat aérien du futur pour l’AAE.

L’accélération du déploiement de la stratégie spatiale de défense est une nécessité absolue, alors que la conflictualité dans l’espace est croissante. L’offre de lancement dont dispose la France doit être affermie tandis que les capacités d’actions dans l’espace du CDE doivent devenir une réalité tangible.

 


   Première partie : un budget en légère hausse qui ne suffira pas à répondre aux nombreux défis de l’armée de l’Air et de l’Espace

I.   Une armée de l’Air et de l’Espace toujours plus sollicitée en 2024 malgré des contraintes capacitaires majeures

A.   Une armée engagée sur tous les fronts en 2024

1.   Sur le territoire national

a.   La posture permanente de dissuasion nucléaire

La posture permanente de dissuasion nucléaire est assurée sans discontinuité depuis la première prise d’alerte nucléaire le 8 octobre 1964 par les forces aériennes stratégiques (FAS). La composante nucléaire aéroportée (CNA) se caractérise par sa permanence, mais aussi par sa réactivité, sa visibilité et sa réversibilité, ce qui en fait un outil complémentaire à la force océanique stratégique (FOST).

Selon les termes du Chef d’État-major de l’armée de l’air et de l’espace, ancien commandant des Forces aériennes stratégiques, « Un raid nucléaire aérien est une « fusée à trois étages », constituée des ravitailleurs, des bombardiers et des vecteurs : le premier comporte les ravitailleurs et les avions radar Awacs  Airborne Warning And Control System »), qui accompagnent les chasseurs au plus près des frontières ennemies. Le deuxième étage est composé par les Rafale, qui percent les défenses ennemies pour atteindre leur point de tir. Le dernier étage est constitué par l’arme, qui parcourt la distance restante jusqu’à l’objectif désigné ».

La génération actuelle, composée du Rafale, du MRTT et de l’ASMP- A offre des capacités d’allonge, de pénétration, et de précision inédites dans l’histoire de l’armée de l’air et de l’espace. La crédibilité et la robustesse de notre dissuasion reposent cependant sur la modernisation constante de cet outil pour s’adapter à l’évolution des menaces. Le format actuel du couple composé du missile ASMP-A rénové et du Rafale B au standard F4 incarne cette exigence d’adaptation. Avion de combat omni-rôle, le Rafale B s’adapte aux menaces par des évolutions capacitaires incrémentales et régulières, tandis que la rénovation à mi-vie de l’armement air-sol moyenne portée amélioré a été lancée dès 2016.

La flotte stratégique de la CNA sera complète lorsque les trois A330- 200 acquis dans le cadre du plan de soutien aéronautique (PSA) de 2020 auront été convertis au standard MRTT, portant leur nombre à 15 appareils stratégiques. Cette cible correspond au format garantissant la tenue de l’ensemble des missions confiées à l’armée de l’Air et de l’Espace et notamment celles des FAS, après le retrait courant 2025 des trois derniers aéronefs KC-135.

Symbole de cette évolution constante de notre outil, le défi est aujourd’hui de développer les capacités qui assureront la crédibilité de la composante nucléaire aéroportée à l’horizon 2035, avec l’ASN-4G, le Rafale au standard F5 et le MRTT au standard 2. Le durcissement de la composante, l’accroissement de sa capacité de pénétration et d’allonge, la connectivité et l’intégration de l’espace et du cyber constituent des enjeux majeurs pour cette prochaine génération de vecteurs.

Votre rapporteur souhaite par ailleurs rappeler que la crédibilité opérationnelle ne repose pas uniquement sur ces seuls systèmes. D’autres capacités de l’AAE y contribuent directement, telles que les aéronefs d’accompagnement, les dispositifs de défense sol-air (DSA) et les infrastructures spécifiques. Le format de la DSA, en volume et en répartition, constitue notamment un facteur clé de la résilience de la CNA.

L’activité des aviateurs est bien sûr également essentielle pour assoir la crédibilité opérationnelle des forces de la dissuasion. Environ 70 opérations et exercices nucléaires d’ampleur variable sont réalisés chaque année sur les trois bases aériennes à vocation nucléaire (BAVN). L’opération Poker, simulation d’un raid nucléaire d’envergure, est la plus visible et la plus emblématique d’entre eux. Poker démontre la maîtrise par les FAS, en toute autonomie, de l’ensemble des volets d’une opération aérienne complexe, de l’amont de sa planification à l’aval de son exécution. Les FAS assurent également dans l’hexagone la mise en œuvre de moyens spécifiques et indispensables dont les transmissions nucléaires qui contribuent à la tenue de posture des deux composantes de la dissuasion.

Toutefois, pour la troisième année consécutive, votre rapporteur souhaite alerter sur les risques induits par le format actuel de la flotte d’aviation de chasse sur la posture permanente de dissuasion. Ce format ne permet pas de sanctuariser les aéronefs des FAS, qui rassemblent environ 50 % des équipages de Rafale, pour les seules missions de dissuasion. L’empilement des différents contrats opérationnels se traduit par un engagement des Rafales et ravitailleurs des FAS dans l’ensemble des missions conventionnelles de l’AAE. Cette mutualisation des moyens a été démontrée en mai 2024 lorsque la flotte MRTT a été sollicitée avec un très court préavis pour des missions de transport stratégique en Nouvelle-Calédonie ou à l’occasion du déploiement d’unités Rafale sur le flanc oriental de l’Europe ainsi qu’au Proche et Moyen-Orient.

Le format limité des flottes conventionnelles et stratégiques implique un nécessaire arbitrage des priorités en cas d’alerte entre un raid conventionnel ou un raid stratégique, au risque de négliger les missions conventionnelles de l’AAE.

b.   La posture permanente de sûreté aérienne

Partie intégrante de l’action de l’État dans l’air, la posture permanente de sûreté aérienne (PPS-A) permet d’assurer la défense du territoire et de ses approches contre toute menace aérienne.

Cette posture, qui mobilise près de 450 aviateurs, est assurée grâce à un réseau de 70 radars civils et militaires et trois centres de détection et de contrôle chargés de détecter tout aéronef suspect parmi les 15 000 mouvements aériens par jour qui survolent la France.

La stabilisation de l’activité aérienne civile à un niveau élevé et les conséquences de la guerre en Ukraine – avec notamment la surveillance et l’interdiction de survol des aéronefs portant intérêt russes – entraînent un surcroît d’activité au titre de la PPS-A : alors que près de 225 interventions avaient eu lieu en 2023, près de 642 décollages sur alerte (225 d’avions de chasse et 417 d’hélicoptères) ont d’ores et déjà été réalisés entre le 1er janvier et le 1er septembre 2024. La surveillance inclut également celle des bombardiers russes à long rayon d’action (ALRA), détectés par les moyens de l’OTAN, soit 20 vols depuis 2023.

L’armée de l’air et de l’espace est également mobilisée au titre de la protection des grands évènements nécessitant la mise en place de dispositifs particuliers de sûreté aérienne (DPSA). Onze DPSA ont ainsi été mis en œuvre sur le territoire national en 2024 (80 ans des débarquements en Normandie et Provence, 80 ans de la Libération de Paris, JOP notamment).

Votre rapporteur souhaite ici mettre en lumière le rôle majeur joué par l’AAE dans la parfaite tenue et sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

La mobilisation exceptionnelle de l’AAE à l’occasion des JOP de Paris 2024

L’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) était responsable de la protection de l’ensemble de la séquence JOP dans la 3ème dimension, de la cérémonie d’ouverture (26 juillet) à la parade des athlètes (14 septembre). Les menaces identifiées allaient des drones malveillants jusqu’au détournement d’avions de ligne ou l’utilisation d’armes de pointe provenant de zones de crise. À cet effet, la PPS-A a été renforcée par la mise en œuvre de deux DPSA en Île-de-France et à Marseille.

Les vecteurs aériens engagés (Rafales, Mirages 2000-5 et hélicoptères FENNEC comme moyens d’intervention, avions PC 21 et SR22 comme avions de guets à vue embarqués, mais aussi E- 3F (AWACS), A330 MRTT Phénix et drones MQ-9 REAPER) ont réalisé plus de 750 heures de vol en 350 missions, totalisant 90 interceptions.

Au sol, les capacités de détection et d’action renforcées comprenaient, en Ile-de-France, un système sol-air MAMBA complété par un système CROTALE NG et trois sous-groupements tactiques d’artillerie Sol-Air MISTRAL de l’armée de Terre. À Marseille, ont été déployés un radar AN/MPQ-64 du système NASAMS espagnol et un système Vertical Launch MICA (VL MICA) déployé en opération pour la première fois.

La gestion des zones interdites de survols en IdF a été rendue possible par la création d’une nouvelle structure de coordination, le Centre de coordination civilo-militaire des opérations aériennes (C3MOA), complétée par un dialogue renforcé avec l’ensemble des aérodromes civils et des acteurs professionnels de l’aéronautique (étatiques et privés). Plus de 7 800 vols ont ainsi été passés au crible et traités par le C3MOA pour maintenir l’activité aéronautique au profit des usagers habituels.

Dans le domaine de la Lutte anti-drones (LAD), un travail interministériel amont rendu possible par l’organisation d’exercices d’ampleur (COUBERTIN LAD 1 et 2) et le retour d’expérience de la coupe du monde de rugby 2023, ont permis à l’AAE d’assumer son rôle d’intégratrice des moyens interarmées, interministériels et interalliés. L’efficacité du logiciel SAP (situation aérienne partagée) permettant d’interconnecter l’ensemble des moyens de lutte anti-drone semble avoir été démontrée. La bonne coordination entre tous les services a permis la détection de plus de 390 drones et l’intervention des forces de sécurité intérieure sur 85 télé-pilotes.

Au total, plus de 2 990 aviateurs ont été mobilisés dans le cadre de la contribution de l’AAE à la sécurisation des JOP.

La LPM 2024-2030, dans la partie de son rapport annexé dédiée au contrat opérationnel des forces armées, a étendu le périmètre de la PPS-A à deux nouveaux segments : la lutte anti-drone, d’une part, et la très haute altitude, d’autre part.

L’AAE, à travers le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), est désormais responsable de la coordination de la lutte anti-drone au niveau interministériel dans le cadre des bulles de protection mises en place lors des grands évènements. L’AAE a pleinement démontré lors des JOP sa capacité à être coordinatrice interarmées et interministérielle de la mission de lutte anti-drones (LAD) dans le cadre de la protection renforcée de l’espace aérien. En conséquence, la chaîne de gouvernance de la mission interministérielle LAD doit être consolidée en capitalisant sur l’expérience acquise par l’AAE en tant que cheffe-de-file de la mission au cours des JOP. Par ailleurs, la chaîne de gouvernance de la mission LAD pourrait être consolidée par la création d’un secrétariat général à l’air.

En dépit de la sécurisation pleinement réussie des JOP, votre rapporteur appelle les armées à dresser un retour d’expérience capacitaire exhaustif de l’efficacité des moyens LAD déployés durant l’été 2024. Notamment, votre rapporteur s’inquiète de l’atteinte de la pleine capacité opérationnelle du système PARADE ([1]) développé par Thales et CS Group, au cœur des préoccupations de la mission d'information sur la lutte anti-drone ([2]) créée en janvier 2024 par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat dont les travaux n’ont pas été publiés pour des raisons de confidentialité. Si le système PARADE a bien été déployé pendant les JOP, des systèmes complémentaires ont été également mobilisés comme les systèmes « Milad » et « Bassalt » plus anciens, tandis que le Royaume-Uni aurait mis à disposition de la France son système Orcus ([3]).

Concernant la problématique de la très haute altitude, régulièrement mise en lumière par les survols de « ballons chinois », l’AAE a été mandatée par le chef d’état-major des armées pour proposer une stratégie militaire relative aux enjeux dans cette zone. L’EMAAE, le CDAOA et le commandement de l’espace (CDE) travaillent actuellement à la définition de cette stratégie que votre rapporteur appelle de ses vœux. Les menaces y sont en effet plurielles, qu’il s’agisse des « ballons espions », des missiles de croisières hypersoniques volant entre 20 et 30 km d’altitude ou des planeurs hypersoniques évoluant entre 50 et 70 km qui peuvent échapper aux systèmes de défense anti-aérienne. À cet égard, votre rapporteur souhaite insister sur le nécessaire continuum à bâtir entre très haute altitude et espace. Dans la seconde partie de ce rapport, il plaide notamment pour la surveillance depuis l’espace de la très haute altitude en mettant en place une capacité souveraine d’alerte avancée.

c.   Les missions de service public

Dans le cadre de la lutte contre les feux de forêt, l’armée de l’air et de l’espace participe à la mission Héphaïstos en appui de la DGSCGC ([4]) du ministère de l’intérieur et des Outre-mer (MIOM). Originellement circonscrite au Sud de la France, cette mission a été élargie à l’ensemble du territoire métropolitain en 2023. À ce titre, l’AAE participe à l’activation d’un module adaptable de surveillance positionné au sein de la base aérienne de Solenzara en Corse. Elle met également à disposition certaines de ses bases pour accueillir et soutenir les aéronefs de la DGSCGC et les personnels du SDIS ([5]) armant les pélicandromes (BA118 de Mont de Marsan et BA106 de Bordeaux).

Au titre de son activité de recherche et de sauvetage, l’armée de l’air et de l’espace a effectué depuis 2023 plus de 50 opérations de sauvetage.

Une centaine d’aviateurs participent également à l’opération Sentinelle.

Enfin, l’armée de l’air et de l’espace, à travers son escadron de transport 68 « Antilles Guyane » composé d’avions de transport tactique CN-235 Casa et d’hélicoptères Fennec et Puma, participe à la mission Harpie de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane, en appui de la gendarmerie nationale. Dans ce même département, elle appuie au besoin le ministère de l’intérieur et des Outre-mer dans le cadre de la lutte contre la pêche illégale, le narcotrafic ou la lutte contre l’immigration clandestine.

Dans l’arc antillais, l’AAE participe également au dispositif interarmées HAMLET permettant de juin à octobre d'anticiper les besoins en cas de catastrophe naturelle liée au passage d’un cyclone.

En outre, des aéronefs de l’AAE assurent des alertes permanentes à délai court pour le transport d’autorités ou de FSI en hexagone ou dans les Outre-mer. À cet égard, le rapporteur souhaite mettre en lumière l’intense mobilisation de l’AAE lors des évènements récents en Nouvelle-Calédonie.

La mobilisation de l’AAE lors des émeutes en Nouvelle-Calédonie

Plus de 500 militaires ont été mobilisés, dont environ 400 dans l’hexagone, pour mettre en place un pont aérien sur 17 000 km. L'AAE a notamment déployé 114 aviateurs spécialisés (protection, lutte anti-drone, transit aérien, coordination aérienne, commandement et contrôle, spécialistes SIC, etc.) et 3 personnels intégrés aux autorités locales.

Le soutien aérien a représenté une capacité cruciale de cette crise articulée autour d’A330 MRTT, d’A400M et d’hélicoptères, transportant 2 400 passagers, 400 tonnes de fret, 4 hélicoptères des FSI. Près d’une quarantaine de rotations ont été effectuées entre la métropole et la Nouvelle Calédonie, mobilisant parfois jusqu’à 9 A330 MRTT simultanément. Toutes flottes confondues, ce sont plus de 1 000 vols et 2 300 heures de vol qui ont été réalisées par l’AAE en appui de la crise. Entre le début de l’alerte et le 1er juin 2024, 28 rotations ont été effectuées depuis le nouvel « hub » logistique des armées situé à Istres et la BA123.

Cette opération a aussi mis en évidence la nécessité de réaliser régulièrement des exercices de projection de puissance comme PEGASE, ainsi que le soulignait votre rapporteur dans son dernier rapport.

L'AAE a par ailleurs été confrontée à des défis logistiques, illustrant les limites des contrats de soutien en escale et l’importance des capacités locales. Par ailleurs, l’empilement des différents contrats a également mis en lumière les limites actuelles du nombre de vecteurs, concernant notamment la flotte de MRTT. Enfin, l’opération a eu un impact sur la préparation opérationnelle, entraînant une réarticulation d’exercices liés au transport aérien militaire, une redéfinition de la cinématique de la mission PEGASE 2024 et des coûts supplémentaires liés à l'affrètement pour compenser le manque d’avions disponibles sur d’autres exercices.

2.   En opérations extérieures et missions opérationnelles

Au Sahel, l’AAE est pleinement impliquée dans la réarticulation de notre dispositif en faveur du partenariat militaire opérationnel (PMO) au profit du Tchad et des pays du Golfe de Guinée. Grâce à la réactivité et à la polyvalence de ses avions pré-positionnés sur le théâtre (C-130J, CASA 235, ALSR, Mirage 2000D et A330 MRTT), l’AAE accompagne la montée en puissance des armées de l’air locales.

En mer Rouge, face à la dégradation de la situation géopolitique, la défense aérienne de la base 188 de Djibouti a été renforcée par un système de défense sol-air CROTALE NG. Des livraisons sur très court préavis de missiles ASTER aux fins de ravitailler des bâtiments de la Marine nationale ont été effectuées, tandis que l’escadron de Mirage 2000-5 participe activement à la sécurisation de la région. L’AAE a ainsi effectué plus de 200 missions et 600 heures de vol en mer Rouge.

Au Proche-Orient, dans le cadre évolutif de la mission Chammal, volet national de l’opération Inherent Resolve menée en coalition, l’armée de l’air et de l’espace poursuit son appui aux forces irakiennes engagées sur le terrain contre Daech. Les missions de la coalition ont évolué vers des missions d’activités de conseil, d’assistance et d’autonomisation. Dans un cadre bilatéral, l’AAE appuie notamment la montée en puissance de l’armée de l’air irakienne pour assurer la protection de son espace aérien. La mission Chammal s’appuie sur la base aérienne projetée (BAP) H5 de Jordanie, qui est aujourd’hui en mesure d’accueillir l’ensemble des aéronefs de l’AAE. Point d’appui stratégique au Levant, la BAP H5 accueille un détachement de drone Reaper dont la pleine capacité opérationnelle a été atteinte en octobre 2023. C’est également depuis la BAP H5 que l’AAE a réalisé des missions de largage par air (LPA) dans la bande de Gaza. 30 missions de LPA ont été réalisées permettant de délivrer 140 tonnes de fret humanitaire aux populations.

Sur le flanc oriental de l’Europe, l’AAE joue un rôle central dans les missions de réassurance mises en place par l’OTAN. Dans le cadre de la mission de police du ciel des États baltes dite eAP (enhanced Air Policing), la France assure désormais un déploiement de quatre mois tous les ans en lieu et place de tous les deux ans avant le début du conflit en Ukraine. De décembre 2023 à mars 2024, quatre Mirage 2000-5 ont ainsi été déployés en Lituanie. Au-delà de cette mission spécifique, les avions de chasse de l’armée de l’air et de l’espace, déployés depuis la France, assurent des patrouilles de surveillance des frontières orientales de l’Alliance en Europe. Enfin, depuis mai 2022, un système SAMP-T Mamba, équipé de missiles Aster 30, est déployé à Capu Midia en Roumanie, avec une centaine d’aviateurs des escadrons de défense sol-air détachés. Un radar GM200 a également été déployé en Roumanie entre février et avril 2024 dans le cadre de la réassurance OTAN.

Sans remettre en cause le bien-fondé de notre aide à l’Ukraine, votre rapporteur souhaite ici mettre en lumière les conséquences pour l’AAE du soutien à l’Ukraine et à nos alliés.

Les conséquences pour l’AAE du soutien de la France à l’Ukraine

La France apporte son soutien au partenaire ukrainien selon trois critères : livrer ce dont l’Ukraine a besoin, sans pour autant fragiliser nos propres armées, tout en maîtrisant le risque d’escalade avec la Fédération de Russie. Le soutien est axé sur un effort en « coup complet », alliant cessions de matériels, formation, munitions et MCO associés, dans les domaines suivants : artillerie, défense antiaérienne et antichars, blindés, frappe dans la profondeur, carburant. La majorité des équipements fournis sont issus des parcs et des stocks opérationnels des armées.

Votre rapporteur souhaite rappeler que les cessions de munitions obèrent un stock de munitions déjà insuffisant dans le cas où France serait confrontée dans la durée à un conflit de haute intensité. Par conséquent, des commandes massives supplémentaires afin de compenser les cessions sont indispensables. On ne peut cependant que regretter que l’effort consenti par la LPM 2024-2030 à cet égard ne sera malheureusement effectif que dans 3 à 4 ans dans le meilleur des cas, en tenant compte des délais de production des industriels qui sont encore loin de correspondre aux attendus d’une « économie de guerre ».

Une section SAMP/T hybride (France/Italie) a été cédée avec des missiles à l’Ukraine au premier semestre 2023, tandis que deux systèmes CROTALE NG ont été livrés à la fin de l’année 2022. Le prélèvement de pièces effectué dans le cadre de ces cessions et la stratégie de soutien associée sont des éléments susceptibles de faire peser des risques sur le maintien en condition opérationnel de nos propres matériels, et donc sur la tenue de nos contrats opérationnels. Leurs remplacements par des capacités opérationnelles pérennes ne devraient malheureusement pas intervenir avant 2027, creusant dans l’intervalle un relatif « trou capacitaire ».

Enfin, la cession de Mirage 2000-5 annoncée par le Président de la République aura nécessairement un impact sur les capacités de l’AAE à mener ses missions de défense aérienne. Votre rapporteur alerte sur le probable report d’activité à isopérimètre vers les escadrons de chasse équipés de Rafale. Le soutien des Mirage 2000-5 consommera également des ressources logistiques « comptées » pour certains équipements. Cette cession pourrait par ailleurs accélérer la fin de vie du Mirage 2000-5 et limiter par ricochet la formation des pilotes français sur Mirage 2000-D.

En conséquence, votre rapporteur interpelle le Gouvernement sur la nécessité d’avancer a minima à 2027-2028 la livraison de Rafales de la cinquième tranche dont la livraison était prévue en fin de programmation afin de compenser en partie les cessions à venir. Un Rafale nécessitant en moyenne trois ans pour être produit, cette anticipation de livraisons doit être actée dès le PLF pour 2025. Au-delà de la seule avance de commandes à cible constante, votre rapporteur souhaite que la cible de Rafales Air pour 2030 soit rehaussée afin de réellement compenser les futures cessions de Mirage 2000-5 qui occasionneront pendant trois ans une diminution de facto du format de notre aviation de chasse.

3.   Des exercices emblématiques

La participation de l’AAE à de grands exercices opérationnels lui permet de répondre au contrat opérationnel fixé par le CEMA, en se préparant à des hypothèses de haute intensité (VOLFA 2025) et en intégrant l’ensemble des nouveaux domaines opérationnels dans une configuration multi-milieux multi-champs. Ces grands exercices visent également à développer l’interopérabilité de nos équipages et aéronefs avec nos alliés et partenaires. À cet égard, l’exercice Atlantic Trident 2025 en juin 2025 en Suède entre la France, le Royaume-Uni et les États-Unis permettra de renforcer l’interopérabilité entre chasseurs de la 4ème génération (Rafales et Eurofighter) et de la 5ème génération (F22 et/ou F35). Les missions de projection de puissance signalent de manière stratégique les aptitudes de l’AAE à produire des effets rapidement malgré de grandes élongations à parcourir.

Ils permettent également à l’AAE de mettre en œuvre le concept de déploiement agile dit « MORANE » (mise en œuvre réactive de l’arme aérienne), déclinaison française de l’« Agile Combat Employment » de l’US Air Force, qui vise à réduire au maximum l’empreinte logistique d’une mission de projection.

Essentielles pour la préparation opérationnelle des aviateurs, ces missions et exercices emblématiques de l’AAE se font néanmoins dans un contexte de sur-sollicitation opérationnelle des aviateurs et des aéronefs. L’enchaînement des missions – sur le territoire national et à l’étranger – ne doit pas se faire au détriment de la récupération opérationnelle des équipages, ou pire, de la sécurité aérienne.

B.   Un renouvellement capacitaire imparfait

1.   Les principales livraisons et commandes en 2024 et 2025

– Sur le segment de l’aviation de chasse :

S’agissant des livraisons, il est prévu que l’AAE réceptionne 13 avions Rafale en 2024, dans le cadre de la fin des livraisons de la tranche dite « 4T2 ».

Calendrier de livraison des différentes « tranches » de Rafale

●Initiées en 2022, les livraisons de la 4ème tranche de production Rafale (4T) s’étaleront jusqu’en 2026. Une première tranche dite « 4T2 » est composée de vingt-huit aéronefs. Une seconde dite « 4T+ » correspond au recomplètement des douze aéronefs cédés dans le cadre l’export grec.

●La commande de la 5ème tranche de production Rafale (5T) a été passée en décembre 2023. Elle correspondra à une commande de trente aéronefs, augmentée de douze supplémentaires pour recompléter les parcs avions cédés dans le cadre de l’export à la Croatie. Cette livraison s’achèvera en 2032 soit plus de 10 ans après le prélèvement initial au sein de l’AAE.

●La 6ème tranche de production Rafale (6T), composée d’avions au standard F5, devrait être commandée en 2029. Parmi les 45 aéronefs commandés, trente-trois devraient être destinés à l’armée de l’Air et de l’Espace et les douze autres au profit de la Marine nationale.

Votre rapporteur a été alerté sur le fait que seuls 9 avions Rafale auraient été livrés à date. En raison de difficultés industrielles, 11 Rafales avaient été livrés en 2023 (sur les 13 prévus). Il existe donc un risque que la cible Rafale pour 2024 (13 + les 2 avions qui auraient dû être livrés en 2023) ne soit pas tenue.

En 2025, 14 avions Rafale doivent être livrés à l’AAE, ainsi que deux simulateurs Rafale. L’AAE poursuivra en 2024-2025 sa transformation progressive vers le modèle « Tout Rafale » avec la montée en puissance de la base aérienne 115 d’Orange, qui a accueilli en 2024 le 5ème escadron Rafale à Orange en 2024 et accueillera en 2025 le 6ème escadron Rafale.

Au titre de l’aviation de chasse, il sera également relevé la livraison de 13 avions de chasse Mirage 2000D rénovés en 2024. La cible de 48 Mirage 2000D rénovés devrait être atteinte en 2025. Votre rapporteur appelle de ses vœux le rehaussement de la cible de rénovation de Mirage2000D a minima à 50 appareils, notamment dans le contexte de la cession prochaine aux forces armées ukrainiennes de plusieurs avions Mirage2000-5. Votre rapporteur rappelle que la précédente LPM prévoyait une cible de 55 Mirage2000D rénovés d’ici à 2025, soit sept de plus que la LPM en cours.

L’AAE cherche en effet à maintenir un format à 185 avions de chasse afin de respecter ses contrats opérationnels. Les livraisons des Rafale doivent être programmées dans cette optique en vue de remplacer les flottes Mirage 2000-5 (retrait initialement prévu en 2029) et Mirage 2000D rénové (retrait en 2035). Or, la LPM 2024-2030 fixe à 137 le nombre de Rafale dont disposera l’armée de l’air et de l’espace à l’horizon 2030, soit 48 avions de moins que la cible de 185 Rafale fixée par la LPM 2019-2025. La perte récente de 2 Rafale B et les hypothèses de cessions de Mirage2000-5 aux FAU laissent présager à ce stade de la programmation un passage sous les 185 avions de chasse pendant 10 ans (2026-2036). Le « Tout Rafale » ne pourra intervenir dans ces conditions qu’à compter de 2035.

– sur le segment de l’aviation de transport :

L’A400M a été une des grandes victimes de la LPM 2024-2030 : alors que le contrat conclu avec Airbus stipulait la livraison de 50 A400M, la LPM 2024-2030 n’en prévoit plus qu’« au moins 35 ». Cette année encore les performances de l’A400M ont pourtant été au rendez-vous des opérations (Nouvelle-Calédonie, Liban, mission Pégase 2024 etc.). Dans un contexte géopolitique instable où la France doit être en capacité de projeter sa puissance, l’augmentation de la cible finale semble plus que jamais nécessaire.

Dans le cadre d’un « global deal », des négociations avec Airbus ont prévu une augmentation de la flotte à 37 voire 38 avions d’ici la fin de la décennie. La cible finale et le rythme des livraisons feront l’objet de nouvelles négociations avec l’industriel au cours de l’année 2025. Cette cible est également liée au programme à effet majeur ATASM (avion de transport et d’assaut du segment médian) qui vise au remplacement à l’horizon 2035-2040 des C130H et des CN235 CASA. Les études en cours devraient permettre de statuer en 2025 sur le format tactique futur du couple A400M/ATASM. Votre rapporteur souhaite rappeler que l’acquisition d’A400M supplémentaires pourrait être contrainte par un arrêt prématuré de la chaîne de production de l’A400M dès 2028. La concrétisation d’exports et l’anticipation rapide de nouvelles commandes revêtent ainsi une importance majeure afin de préserver cette chaîne de production.

Un A400M a été livré en 2024 et un autre devrait l’être en 2025.

Concernant la flotte de MRTT (12 aéronefs actuellement), la conversion de deux premiers A330-200 Atlas acquis dans le cadre du plan de soutien à l’aéronautique convertis en MRTT doit avoir lieu en 2025. Le troisième A330-200 ATS converti en MRTT devrait être reçu en 2028. Ces conversions permettront d’anticiper le retrait de service des KC-135FR.

sur le segment des hélicoptères de manœuvre (HM) et d’hélicoptères légers (HL) :

La LPM 2024-2030 prévoit une réduction de la flotte d’HM entre 2024 et 2030 (de 36 à 32). Un des enjeux majeurs sur ce segment est le passage rapide au tout H225M Caracal afin de retirer du service les derniers HM PUMA. Envisagé initialement dès 2025, ce retrait sera partiellement compensé par l’arrivée, entre 2024 et 2026, des 8 H225M Caracal du plan de soutien à l’aéronautique (PSA). Les 2 premiers H225M du PSA doivent être livrés en 2024, tandis que 5 nouveaux H225M également issus du PSA doivent être livrés à l’AAE en 2025.

Votre rapporteur renouvelle par ailleurs son souhait de voir lancées au plus vite les études relatives à la modernisation à mi-vie du Caracal et de lever l’option pour la commande de quatre autres Caracal de la tranche optionnelle du PSA avant la fin de l’année afin de ne pas réduire le format de la flotte d’hélicoptères de manœuvre de l’armée de l’air et de l’espace.

Aucune livraison d’hélicoptère léger n’est prévue avant 2032, date prévue pour l’arrivée du premier hélicoptère de la flotte d’HIL (Guépard) qui viendra remplacer progresser la flotte de FENNEC.

– sur le segment de la défense sol-air :

Le taux d’engagement en OPEX/MISSOPS des systèmes de défense sol-air (DSA), les cessions effectuées ainsi que l’état du stock des consommables (dont leurs munitions) justifient un recomplètement rapide des stocks. Un système de défense sol-air CROTALE NG a été déployée à Djibouti tandis qu’un système MAMBA est déployé à Capu Midia en Roumanie depuis mai 2022.

Sur la DSA de courte portée, les deux premiers systèmes MICA VL ont été livrés en 2024 et mis en œuvre lors des JOP. En 2024, 4 commandes de systèmes MICA VL supplémentaires ont été passées afin de remplacer les deux systèmes Crotale NG cédés aux FAU et prélevés sur les stocks de l’AAE.

Concernant la DSA de moyenne-portée, le rétrofit des 8 systèmes actuels de SAMP/T en SAMP/T NG a été commandé en 2024. Ces nouveaux systèmes seront notamment équipés d’une capacité antimissile balistique.

La capacité de lutte anti-drones aériens sera renforcée par la livraison attendue en 2025 d’une centaine de fusils brouilleurs à répartir entre les trois armées, tandis qu’un laser de LAD a été livré en 2024. Plusieurs nouveaux systèmes PARADE devraient être commandés en 2025.

– sur le segment des missiles :

Alors que la France doit livrer, avant la fin de l’année 2024, 600 bombes AASM en fin de vie (armement air-sol modulaire) aux forces armées ukrainiennes, la production des bombes AASM doit être fortement accélérée afin de renouveler en munitions neuves les stocks de l’AAE. Le ministère des Armées ambitionnerait désormais d’en produire 1 200 pour 2025.

D’après les informations transmises à votre rapporteur, un lot supplémentaire de missiles air-air longue portée METEOR ainsi qu’un lot supplémentaire de missiles air-air MICA NG ont été commandés en 2024. Un lot de missile d’interception air-air MICA remotorisés a par ailleurs été livré en 2024. L’année 2025 sera également cruciale pour le recomplètement de missiles SCALP cédés au partenaire ukrainien.

– sur le segment des équipements dits « missionnels » :

Les équipements missionnels sont encore en nombre trop insuffisant au sein des forces. En 2024, sur les 12 livraisons initialement prévues de pods de désignation laser (PDL) Talios de nouvelle-génération, seules 7 livraisons seront effectuées quand les autres seront lissées sur 2025-2026. 15 commandes de PDL NG ont été passées au cours de l’ajustement annuel de la LPM (A2PM). Ces commandes devraient être livrées en 2027-2028.

2.   Une trame « chasse » au format encore insuffisant

Votre rapporteur a déjà eu l’occasion de faire part de ses craintes quant au passage prochain sous le seuil des 185 avions de chasse pendant 10 ans (2026-2036). Il rappelle que la flotte stratégique et conventionnelle de Rafales est de facto mutualisée dans le cadre d’un empilement des contrats opérationnels. En cas d’alerte nucléaire, un arbitrage inévitable entre missions stratégiques et conventionnelles devra être opéré, au risque d’une rupture des contrats opérationnels qui prévoient la permanence des deux postures de dissuasion nucléaire et de sûreté aérienne.

Les réductions diverses de cibles de Rafale et de Mirage 2000-5 rénovés auront nécessairement des conséquences délétères sur les indicateurs d’activité opérationnelle des pilotes de chasse qui sont légèrement inférieurs aux cibles, mais surtout sur la disponibilité de matériels sur-sollicités.

À court terme, les prochaines cessions de 6 Mirage 2000-5 aux FAU ainsi que le modèle de soutien complet qui y est associé vont paupériser encore davantage le format taillé au plus juste de notre aviation de chasse. Ces cessions de Mirage 2000-5 occasionneront par ailleurs un report d’activité sur la flotte de Rafale et de Mirage 2000D rénovés au risque d’un accroissement inévitable des coûts de MCO et d’une dégradation de leur disponibilité. Elles accéléreront également sous toutes réserves le retrait du service opérationnel du Mirage 2000-5. L’anticipation de livraisons issues de la 5ème tranche de Rafales au standard F4 est un compromis respectable pour limiter le « trou capacitaire » consécutif aux diverses pertes et cessions. À terme toutefois, la cible finale restera inchangée, les avances de commandes ne consistant pas en des avions supplémentaires.

Trop souvent relégué au second plan, le format des équipements missionnels de la chasse est également insuffisant. Seules 7 nouvelles livraisons de PDL de nouvelle génération seront effectuées en 2025. Concernant l’effort réel consenti sur le rehaussement du stock des munitions, le niveau de ce dernier semble encore trop faible au regard de la consommation de munitions constatée lors des exercices de haute intensité de type Volfa.

C.   Une légère embellie en 2024 sur le front des ressources humaines malgré une situation toujours préoccupante

Après un plateau haut des départs atteint en 2023, l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) devrait être proche de réaliser en 2024 son schéma d’emploi avec un recrutement en hausse de 6 % par rapport à l’année précédente (3 543 effectifs recrutés en prévisionnel pour 2024).

En 2024, le schéma d’emplois de l’AAE devrait s’établir à -50 personnels, contre -700 en 2023. Le déficit d’aviateurs se creuse depuis 5 ans, le dernier schéma d’emplois positif de l’AAE remontant à 2019. L’AAE compte aujourd’hui sur 38 500 personnels, se situant à un niveau inférieur à la masse critique des 40 000 aviateurs nécessaires pour fonctionner correctement.

Les départs se sont maintenus à un niveau élevé jusqu’en 2023 mais un recul sensible s’est amorcé en 2024 (prévision de 2 857 départs contre 3 320 réalisés en 2023). Les effets de l’article 32 de la LPM, qui prévoit la possibilité de maintenir un militaire au-delà de sa limite d’âge ou des temps de service pendant 3 ans au maximum, ont été très positifs. En 2024, l’armée de l’Air et de l’Espace a ainsi pu maintenir en poste 200 aviateurs dont les compétences ont été précieuses pour la tenue des contrats opérationnels.

II.   Des crédits qui se maintiendront en 2025 peu ou prou à leur niveau de 2024 malgré des enjeux majeurs

A.   Les crédits de l’armée de l’Air et de l’Espace pour 2025

1.   Présentation générale des crédits du programme 178 au bénéfice de l’AAE

Au sein du programme 178 « préparation et emploi des forces », les crédits alloués à l’armée de l’air et de l’espace sont inscrits à l’action 4 « Préparation des forces aériennes », qui compte sept sous-actions :

– la sous-action 2 « commandement et activités centralisées des forces aériennes », qui couvre le périmètre des organismes du niveau d’état-major d’armée ;

– la sous-action 3 « activités des forces aériennes », qui regroupe les unités du commandement territorial de l’armée de l’air et de l’espace (CTAAE) et du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), implantés respectivement sur les bases aériennes 106 de Bordeaux Mérignac et 942 de Lyon-Mont Verdun ;

– la sous-action 4 « activités des forces aériennes stratégiques », qui regroupe l’ensemble des unités des forces aériennes stratégiques (FAS), c’est-à-dire la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire ;

– la sous-action 5 « ressources humaines des forces aériennes », qui regroupe la direction des ressources humaines de l’armée de l’air et de l’espace ainsi que les écoles et établissements ou centres d’enseignement ;

– la sous-action 6 « entretiens et équipements des forces aériennes », qui regroupe l’ensemble des moyens destinés à assurer la mise en œuvre et le soutien techniques des forces aériennes en optimisant la disponibilité des aéronefs et des moyens aéronautiques associés ;

– la sous-action 11 « infrastructures aériennes », qui recouvre les dépenses pour la construction, la modernisation et le maintien en condition des infrastructures opérationnelles de l’armée de l’air ;

– la sous-action 12 « activités spatiales », qui retrace les crédits nécessaires à la montée en puissance du commandement de l’espace.

Au sein du BOP Air, 62 % des crédits relèvent de l’entretien programmé des matériels (MCO des munitions et flottes aériennes).

Dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, les crédits de l’action 4 s’élèvent à 3, 33 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) contre 4, 84 Mds d’euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2024 (-31,28 %) et à 3,53 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) contre 3,49 milliards en LFI 2024 (+1,31 %).

Les crédits de paiement de l’action 4 représentent ainsi 24, 7 % des crédits de paiement totaux du programme 178 (contre 35,6 % en 2024).

CrÉdits de l’action 4 « PrÉparation des forces aÉriennes » du programme 178 pour 2025 par sous-action (en millions d’euros)

S/Action

Rubrique

AE
LFI 2024

AE PLF 2025

CP
LFI 2024

CP PLF 2025

SA 04-02

Commandement et activités centralisées des forces aériennes

27,5

34

(+23,46 %)

21,8

33

(+ 51,93 %)

SA 04-03

Activités des forces aériennes

617

519

(-15,95)

424,3

514,9

(+ 21,36 %)

SA 04-04

Activités des forces aériennes stratégiques

90

123,7

(+37,42 %)

203,8

265,3

(+30,18 %)

SA 04-05

Ressources humaines des forces aériennes

171,7

123,8

(-27,87 %)

157,9

119,7

(-24,22 %)

SA 04-06

Entretien et équipements des forces aériennes

3,75 Mds

2,35 Mds

(-37,17 %)

2,5 Mds

2,41 Mds

(- 3,59 %)

SA 04-11

Infrastructures aériennes

146,9

126,2

(-14,12 %)

141,5

131,5

(-7,02 %)

SA 04-12

Activités spatiales

44,2

48,1

(+8,85 %)

36,2

56,9

(+ 56,91 %)

TOTAL

4 846,8

3 330

(-31,28 %)

3 493,2

3 539

(+ 1,31%)

 

Les crédits de paiement de l’action 4 du programme 178 n’augmenteront que très peu cette année par rapport à l’an dernier (+46 millions d’euros contre +618,6 millions d’euros en LFI 24). Votre rapporteur relève à ce titre que cet accroissement de 1,31 % du montant des crédits de paiement par rapport à 2024 est comparable aux évolutions de crédits de paiement affectés à la préparation des forces terrestres (+0,78 %) mais inférieur à celles des CP relatifs aux forces navales (+10,7 %).

2.   Présentation des crédits par nature et par opération stratégique

Les ressources affectées à l’armée de l’air et de l’espace nécessitent une analyse plus fine du détail des opérations stratégiques.

a.   Les dépenses de fonctionnement

L’agrégat budgétaire « fonctionnement » retrace les crédits affectés à deux opérations stratégiques :

– une opération « activités opérationnelles » (AOP), qui regroupe les ressources consacrées au soutien direct de l’activité opérationnelle (activité et entraînement des forces, carburants opérationnels, frais de déplacement…) ;

– une opération « fonctionnement et activités spécifiques » (FAS), qui couvre notamment les dépenses liées au recrutement, à la formation, à l’instruction et à la mobilité du personnel.

En PLF 2025, le montant total de la dotation au titre des dépenses de fonctionnement est de 795,54 millions d’euros en AE et de 795, 7 millions d’euros en CP, soit une baisse de 111 millions d’euros en AE et une hausse de 110 millions d’euros en CP par rapport à la LFI 2024.

Premièrement, l’opération stratégique « activités opérationnelles » est dotée de 700, 3 millions d’euros en AE et de 705, 2 millions d’euros en CP, soit une baisse de 112 millions en AE et une hausse de 114 millions en CP.

Les crédits relatifs aux carburéacteurs représentent 61 % de cette OS. L’augmentation importante des CP de l’OS s’explique en partie par la volatilité du prix des produits pétroliers. Les hypothèses de tarif de cession retenues datent de mars 2024 et sont en légère baisse pour le F34 (1 055 €/m3 en 2025 contre 1 085 €/m3 en LFI 24) et en hausse pour le F18 (1 459 €/m3 en 2025 contre 1 206 €/m3 en LFI24). Le volume de carburéacteur F34 demandé est en légère hausse : 408 377 m3 en LFI25 contre 388 171 m3 en LFI 24.

Votre rapporteur espère que les hypothèses de tarif de cession retenues pour 2025 ainsi que les volumes prévisionnels de carburants opérationnels demandés sont réalistes pour l’année 2025. En 2023, la ressource votée en LFI 2023 s’était avérée en effet insuffisante pour couvrir les coûts de carburant. L’écart en réalisation s’élevait à près de 194 millions d’euros en CP, fragilisant fortement l’équilibre du budget opérationnel de programme de l’armée de l’air et de l’espace. D’après le rapport annuel de performance (RAP) 2023 de la mission « Défense », l’écart enregistré provenait de la forte augmentation des prix des carburants d’une part et des activités OPEX non prévues en LFI d’autre part.

L’an dernier, l’augmentation importante des AE de l’opération stratégique « activités opérationnelles » avait notamment pour cause la conclusion à venir d’un contrat de location de prestation de type « Red air ». Les missions Red Air consistent à livrer une opposition aux pilotes de chasse dans le cadre de leur préparation au combat. Jusque-là, l'escadron d'entraînement 3/8 « Côte d'Or », basé sur la base aérienne de Cazaux assurait grâce à ses avions Alphajet des missions Red Air. L’externalisation des missions « Red Air » s’inscrit dans le contexte de la fin de vie de la flotte d’Alphajet et vise à prolonger le maintien en service opérationnel de ces appareils emblématiques de la Patrouille de France, pour lesquels aucune solution de remplacement n’est encore arrêtée. Le marché Red Air devait prévoir 3 000 heures de vol à partir de 2024 et pour une durée d’au moins sept ans. Il a été précisé à votre rapporteur que le lancement de l’externalisation Red Air avait été retardé à 2025. Cette externalisation représentera un coût annuel d’environ 50 millions d’euros à compter de 2025 pour l’AAE. Votre rapporteur rappelle que cette externalisation de la mission Red Air est une des conséquences du format taillé au plus juste de la flotte d’aviation de chasse.

Il rappelle également que cette externalisation de prestations aériennes, traitant des informations hautement protégées, ne doit pas être confiée à des sociétés étrangères qui pourraient opportunément créer des sociétés aux fins de gagner le marché. La préparation au combat des pilotes de chasse français doit continuer à être assurée dans un cadre souverain.

Les dépenses liées aux deux autres opérations budgétaires (« alimentation » et « déplacements et transports ») sont quant à elles en légère hausse.

En second lieu, l’opération stratégique « fonctionnement et activités spécifiques » est dotée, en PLF 2025, de 95,3 millions d’euros en AE contre 93,7 millions d’euros en LFI24 et de 90,5 millions d’euros en CP contre 93,8 millions d’euros en LFI24, soit une hausse de +2 % pour les AE et une baisse de -4 % pour les CP.

b.   Les dépenses d’équipement

Les dépenses de l’agrégat « équipement » se répartissent en quatre opérations stratégiques :

L’opération stratégique « dissuasion » qui regroupe les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels (EPM) des forces aériennes stratégiques ainsi que l’entretien des infrastructures des forces aériennes stratégiques (FAS). Les crédits relatifs à l’EPM des flottes aéronautiques des FAS sont en nette hausse (49,4 millions d’euros en AE contre 45,4 millions d’euros en LFI 24 et 191,2 millions d’euros en CP contre 160,1 millions d’euros en CP en LFI24). Une hausse importante des CP relatifs à l’EPM des FAS était intervenue en 2023 dans le cadre de la mise en place du contrat de MCO du MRTT. L’évolution haussière des CP pour 2025 semble due à une hausse du MCO des avions Rafale des FAS qui sont également sollicités dans le cadre de missions conventionnelles. Les crédits relatifs à l’entretien des infrastructures des FAS sont également en hausse : les CP passent de 4,1 millions d’euros en LFI24 à 5 millions d’euros en LFI25.

L’opération stratégique « entretien programmé des matériels », regroupant les ressources affectées à l’entretien programmé des matériels des forces conventionnelles, c’est-à-dire non affectées aux missions de dissuasion. Cette opération stratégique représente 62 % du budget opérationnel de programme (BOP) Air en AE en LFI 25. Sa dotation prévisionnelle s’élève à 2,09 milliards d’euros en AE contre 3,47 milliards d’euros en LFI 24, soit une diminution très nette par rapport à 2024 (-40 %) qui explique la forte baisse des AE de la sous-action 4 « préparation et emploi des forces Air » (-31 %). La dotation revient à un niveau proche de celui de 2023 (1,95 Md €).

Cette baisse substantielle des AE résulte de l’absence de marché MCO majeur notifié en 2025, la plus grande partie des marchés verticalisés structurant le MCO de l’AAE ayant été engagée les années précédentes. La dotation en CP permet désormais la mise en œuvre de ces marchés. L’an dernier, la hausse forte des AE était en partie liée au renouvellement de marchés de MCO structurants notamment pour l’E3F Awacs.

La très légère baisse de la ressource en CP (2,197 milliards d’euros contre 2,26 Mds en LFI 24) inquiète néanmoins votre rapporteur alors que les engagements opérationnels des aviateurs de l’AAE ne cessent de croître au risque d’une dégradation accélérée des matériels. Lors de son audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, le chef d’état-major de l’AAE a annoncé que les prochaines cessions de Mirage 2000-5 aux FAU seront compensées dans un premier temps par un recours accru au MCO de l’aviation de chasse, dans l’attente de livraisons anticipées de Rafale de la 5ème tranche. La très légère baisse de la dotation en CP de l’opération budgétaire « entretien programmé des matériels des flottes aériennes » semble en contradiction avec cette annonce.

L’opération budgétaire « EPM des munitions aériennes » est consacrée à l’entretien des emports, des munitions aériennes, des missiles air/air et sol/air ainsi que des systèmes sol-air. La hausse des AE de cette OB (+45 %) résulte notamment de la mise en place du système de soutien du PDL TALIOS indispensable à la réalisation des missions aériennes.

L’opération stratégique « équipements d’accompagnement », qui retrace l’ensemble des ressources destinées à l’acquisition et au suivi des petits équipements, des matériels de maintenance, des véhicules spécialisés ou au renouvellement des munitions. Il est prévu une dotation de 259,6 millions d’euros en AE (soit – 4 %), tandis que les crédits de paiement, fixés à 222,9 millions d’euros, sont également en baisse (- 8 %).

Cette baisse reflète essentiellement celle des CP de l’opération budgétaire « armements et munitions » Le PAP justifie de manière lapidaire cette baisse par la phrase suivante : « Le besoin diminue par rapport à la LPM au regard des hypothèses de consommation actualisées. » Votre rapporteur ne comprend pas cette baisse des CP relatifs à l’effort d’acquisition par le BOP Air de munitions aéronautiques et non aéronautiques, alors même que ces CP avaient augmenté de 43 % l’an dernier et que des alertes régulières lui sont faites sur le niveau des stocks de munitions.

Enfin, l’opération stratégique « infrastructures », qui recouvre les crédits nécessaires à la construction, la modernisation et au maintien en condition des infrastructures opérationnelles (hors programmes d’infrastructure) de l’AAE. Cette opération affiche une baisse préoccupante de ses dotations en LFI 25 (- 16 % en AE avec 121 millions d’euros proposés en AE en 2025 et -8 % en CP avec 126,6 millions d’euros). Votre rapporteur rappelle ses points de vigilance réguliers relatifs à l’entretien des infrastructures spécifiques aéronautiques et notamment des aires aéronautiques. Les pistes aéronautiques sont un outil de combat de l’armée de l’Air et de l’Espace et un élément essentiel de la sécurité aérienne.

B.   Les principaux points de vigilance du rapporteur pour 2025

1.   La disponibilité des flottes et l’activité des aviateurs : le manque de transparence du Gouvernement sur deux enjeux majeurs

a.   Malgré l’absence de publication des chiffres sur la disponibilité, la réforme du MCO semble tarder à produire tous les effets escomptés

Votre rapporteur rappelle que la bonne disponibilité des flottes constitue la condition sine qua non pour satisfaire les contrats opérationnels.

Les dernières données publiques relatives à cette disponibilité étaient fournies par le rapport annuel de performances de la « mission Défense » en 2022. L’armée de l’air et de l’espace n’était alors susceptible de remplir son contrat opérationnel qu’à hauteur de 65 %, contre 88 % pour la marine ou 90 % pour l’armée de terre.

Dans ce contexte, afin d’accroître la disponibilité de nos aéronefs, des moyens considérables sont consacrés au MCO aéronautique : cette année, les moyens consacrés à l’entretien programmé des matériels représentent 62 % des crédits du BOP Air contre 72 % l’an dernier.

Au regard des enjeux opérationnels et budgétaires, il est donc essentiel d’évaluer si la politique publique de verticalisation des contrats de MCO mise en œuvre par les autorités remplit ses objectifs. Or, le Gouvernement a décidé depuis le dépôt du PLF pour 2024 ne plus rendre publiques les statistiques sur la disponibilité des équipements militaires, en ce compris les aéronefs, au motif qu’il s’agirait d’informations précieuses pour nos compétiteurs stratégiques.

Le 5 octobre 2023, l’ancien chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace auditionné par la commission de la défense nationale et des forces armées avait précisé à la représentation nationale que le segment de l’aviation de chasse connaissait en 2023 une hausse de 3 % de sa disponibilité technique opérationnelle, tandis que les taux de disponibilités étaient stables voire en légère baisse pour les autres flottes. Si la disponibilité du segment chasse semble en légère progression cette année encore, la montée en puissance des contrats verticalisés prend cependant du temps et la disponibilité des matériels demeure sans doute trop contrastée au sein du parc de l’AAE.

Votre rapporteur souhaite renouveler les principaux axes d’effort susceptibles d’améliorer la disponibilité des aéronefs en 2025 :

– une généralisation des pôles de conduite et de soutien associant forces armées et industriels sur les bases aériennes ;

– le renforcement de l’épaisseur logistique du soutien, par un effort sur l’acquisition de lots de fonctionnement et de déploiement ;

– la simplification des normes de navigabilité et l’adoption par les industriels d’une gestion du risque adaptée au besoin opérationnel ;

– le renforcement du dialogue entre les forces armées, qui sont autorités d’emploi, et la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) pour garantir que les contrats verticalisés répondent aux besoins opérationnels ;

– le rapprochement des unités de pilotes et de mécaniciens, dans la continuité du plan Altaïr de l’armée de l’air et de l’espace ;

enfin, l’accélération du retrait des flottes anciennes, telles que les hélicoptères Puma, qui ont plus de 50 ans de moyenne d’âge ou encore les avions radar E3-F Awacs. Votre rapporteur se réjouit de la relève prioritaire des PUMA sur les sites de Cayenne, Djibouti et Nouméa par des H225M en 2025-2026.

b.   Les heures de vol des aviateurs, point d’attention persistant

Le renforcement de l’activité des forces constitue l’un des axes principaux de la LPM 2024-2030 fondée sur la « cohérence » de nos armées.

La LPM 2024-2030 a ainsi fixé des objectifs d’activité (nombre d’heures de vol par an) à atteindre à l’horizon 2030 : 180 heures pour un pilote de chasse (contre une cible de 147 en 2023) ; 320 heures pour un pilote de transport (contre une cible de 189 en 2023), dont un total de 18 000 heures de vol sur A400M Atlas (contre une cible de 9 100 heures en 2023) ; 200 heures de vol pour un pilote d’hélicoptère (contre une cible de 181 heures en 2023).

Les indicateurs d’activité réalisée par type de matériels (heures de vol/nombre de pilotes en unité opérationnelle) sont également protégés au niveau diffusion restreinte depuis la LFI pour 2024.

Auditionné devant la commission de la Défense nationale et des forces armées le 16 octobre dernier, le chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace a précisé qu’un pilote de chasse devait effectuer 160 heures d’entraînement organique et une cinquantaine d’heures de vol en simulateur afin d’acquérir une polyvalence sur l’ensemble des missions. Le général Bellanger a ajouté que l’AAE « était au rendez-vous » de ces objectifs.

Votre rapporteur souhaite rappeler que l’atteinte rapide de la cible LPM de 180 heures de vol non simulé par pilote de chasse doit être une priorité. L’atteinte de cette cible constitue aussi un élément majeur de la fidélisation des jeunes pilotes. Une attention particulière doit notamment être portée aux jeunes pilotes qui tendent à effectuer moins d’opérations annuelles que les pilotes plus expérimentés, davantage susceptibles de tutoyer la cible de 180 heures de vol par an. Comme l’an dernier, votre rapporteur déplore que la cible d’activité des pilotes de chasse Air pour l’année 2025 reste malheureusement inférieure à l’activité qui a pu être réalisée dans les années récentes et bien en deçà de l’activité des pilotes de chasse de la marine nationale et a fortiori de la norme OTAN de 180 heures par pilote. Là encore, cette cible d’activité de nos pilotes de chasse reflète les limites structurelles induites par le format de notre aviation de chasse.

Concernant le segment des hélicoptères, la substitution progressive de la flotte vieillissante de PUMA par des H225M en 2025-2026 devrait permettre à la fois d’accroître la disponibilité du parc mais aussi mécaniquement le temps de vol des pilotes. La hausse significative de la cible d’activité 2024 par pilote d’hélicoptère Air le reflète, même si votre rapporteur regrette de nouveau que cette dernière se situe à un niveau bien inférieur à la cible des pilotes d’hélicoptères de la Marine nationale.

2.   Un nécessaire réinvestissement dans les équipements d’accompagnement

Votre rapporteur a relevé la diminution des crédits de l’opération stratégique « équipements d’accompagnement », qui retrace l’ensemble des ressources destinées à l’acquisition et au suivi des petits équipements, des matériels de maintenance, des véhicules spécialisés ou au renouvellement des munitions.

Votre rapporteur s’alarme de cette baisse qui concernerait notamment l’acquisition de munitions aéronautiques et non aéronautiques par le BOP Air.

3.   Une revalorisation des grilles indiciaires à la hauteur des attentes

Comme l’an dernier, le troisième point de vigilance de votre rapporteur concerne les ressources humaines.

Le flux de départs élevé constaté ces dernières années fragilise l’AAE. Un tiers des effectifs de l’AAE a ainsi moins de trois ans d’expérience au sein de l’institution. Le taux de turn-over au sein de l’AAE avoisine les 10 %. Alors que l’armée de l’air et de l’espace recrutait 1 300 aviateurs en 2014, elle devrait en recruter 3 543 en 2024 et 3 521 en 2025.

La population des sous-officiers (59 %) doit notamment faire l’objet d’une politique de fidélisation ciblée : en 2022, 1 813 sous-officiers avaient quitté l’institution tandis que seulement 1 385 avaient été recrutés, soit un différentiel de 428. D’après les informations communiquées à votre rapporteur, il manquerait 1 000 sous-officiers aujourd’hui dans l’AAE pour la bonne conduite des missions. Cette population attend notamment beaucoup de la revalorisation indiciaire de la grille des sous-officiers supérieurs dont la mise en œuvre était initialement prévue au 1er octobre 2024. Votre rapporteur déplore que les contingences politiques récentes aient entraîné un report de l’entrée en vigueur de cette nouvelle grille. Cette dernière devrait entrer en vigueur en février 2025 avec une application rétroactive au 1er décembre 2024, soit un regrettable renoncement à deux mois de solde revalorisée pour les militaires concernés.

Votre rapporteur sera également très attentif à la revalorisation de la grille des personnels officiers à compter de décembre 2025. La revalorisation indiciaire est plus que jamais nécessaire afin de fidéliser ces personnels dont les sujétions opérationnelles sont particulièrement fortes et dont les niveaux de rémunération apparaissent de plus en plus décorrélés avec ceux de la haute fonction publique.

La revalorisation significative des grilles indiciaires soulève d’immenses attentes chez les aviateurs de l’AAE et le Gouvernement doit être au rendez-vous de cette réforme.

En parallèle, votre rapporteur sera également très vigilant à la bonne déclinaison des objectifs des Plans famille I et II au sein de l’AAE. Les conventions conclues avec les grandes entreprises de la BITD et Air France afin de limiter les débauchages de personnels de l’AAE doivent également continuer à être encouragées.

4.   La nécessaire rénovation des infrastructures opérationnelles

Les projets en matière d’infrastructures opérationnelles au profit de l’armée de l’Air et de l’Espace intègrent principalement des opérations liées à l’accueil capacitaire (autres que celles coordonnées avec un programme d’armement et donc portées par le Programme 146), aux activités opérationnelles, au soutien et à l’entraînement, à la SECPRO (sécurité-protection) ainsi que des opérations de maintenance lourde dite « opérationnelle » (MLO).

La LPM 2024-2030 alloue à l’AAE 1,32 milliard d’euros pour les travaux en matière d’infrastructures opérationnelles, pour un besoin réel estimé à 2,34 milliards d’euros, soit 56 % du besoin arbitré.

L’AAE a des projets d’infrastructure structurants pour l’année 2025, notamment liés à l’accueil des nouvelles capacités : réception de l’infrastructure du commandement de l’espace (CDE) à Toulouse (97 M€) ; livraison d’une capacité universelle de guerre électronique (CUGE : programme Archange) à Évreux (48 M€), implantation d’un simulateur AWACS sur la BA 702 d’Avord (5 M€). En 2025, les crédits relatifs à la maintenance lourde opérationnelle (MLO) financeront principalement la remise à niveau des parkings des aires aéronautiques de la BA 120 de Cazaux (7,8 millions d’euros) et la fiabilisation des réseaux d’alimentation électrique HT sur la BA125 d’Istres (2 millions d’euros).

Les crédits de MLO constituent un socle indispensable au maintien en condition des installations opérationnelles de l’AAE. Ce faisant, ils garantissent la sécurité pyrotechnique et la sécurité de l’activité aérienne de l’AAE.

À cet égard, votre rapporteur ne peut que regretter que le PLF 2025 prévoie une diminution de 16 % des AE au titre de l’opération stratégique « infrastructure » du programme 178, qui a justement vocation à financer ce type de travaux. Les pistes aéronautiques sont un outil de combat de l’armée de l’Air et de l’Espace. Une baisse des crédits relatifs à la MLO ne permettra pas de contrecarrer la vétusté croissante des infrastructures existantes.

5.   L’exigence de la préparation de l’avenir

L’évolution de l’aviation de chasse prendra tout d’abord la forme du Rafale au standard F5. Le lancement des études de développement du F5 a été annoncé par le ministre des Armées le 8 octobre dernier (+195 millions d’euros en CP sur le P146 en 2025 pour le Rafale F5 et +51 millions pour l’UCAV). Sa mise en service devrait se faire en 2032, dans la perspective de l’arrivée en 2035 de l’ASN4G, le nouveau missile hypersonique de la composante nucléaire aéroportée.

Le développement du standard F5 est d’autant plus important qu’il est probable aux yeux de votre rapporteur que le SCAF, si le projet arrive à son terme, soit opérationnel bien après 2040. Le standard F5 sera doté d’une capacité de destruction des défenses anti-aériennes ennemies (SEAD) et incarnera « l’essor de la connectivité ». Le ministre a également annoncé la conclusion d’un premier contrat de développement avec Dassault Aviation afin de concevoir un « drone de combat furtif » chargé d’« appuyer l'avion dans la reconnaissance, le combat air-air comme dans les missions air-sol ». La furtivité de ce drone lui conférera une capacité d’entrée en premier qui facilitera la pénétration des défenses ennemies par le standard F5. Le drone accompagnateur (UCAV) capitalisera sur les travaux du démonstrateur Neuron mais sera « bien plus ambitieux technologiquement ».

Par ailleurs, la connectivité renforcée du standard F5 se traduira par des besoins en puissance électrique embarquée toujours croissants (capteurs, radars etc.). La charge utile du Rafale augmentera donc nécessairement. Or, la puissance du moteur Rafale est restée inchangée depuis son lancement initial. Il semble donc nécessaire de qualifier prochainement une solution française de motorisation à poussée augmentée pour le standard F5 et ses successeurs.

Quant au SCAF, votre rapporteur ne demande qu’à croire les promoteurs du projet qui assurent que les travaux menés actuellement dans le cadre de la phase 1 B, qui a été lancée le 15 décembre 2022, seront en tout état de cause utiles pour notre futur système d’aviation de combat, quelle que soit l’issue de la coopération avec les Allemands et les Espagnols. Les travaux actuels doivent aboutir à une architecture de référence en 2025. La phase 1B représente tout de même un investissement financier de 1.1 Md€ pour la France auxquels s’ajoutent 700 M€ de travaux purement nationaux. Ces travaux nationaux lancés en 2023 doivent veiller à la compatibilité de la future architecture choisie avec les spécificités imposées par notre dissuasion. Dans son récent ouvrage Vers la Guerre ?, le ministre des Armées lui-même semble se montrer sceptique quant à l’issue favorable du projet SCAF : « Le projet du SCAF est plus délicat [que le MGCS]. Cet avion du futur doit répondre à de spécifications opérationnelles particulières pour la France : il doit pouvoir être armé d'un missile nucléaire pour les FAS, ou pouvoir apponter sur le [PANG]. De toute évidence, ni l'Espagne ni l'Allemagne ne sont concernés par ces particularités qui sont centrales pour nous. C'est pourtant à ces conditions que le projet a été lancé et qu'il devra rester conforme au cahier des charges prévu, sans quoi nous serions amenés à quitter le programme. »

Votre rapporteur se réjouit de voir le ministre des Armées adopter une position guère éloignée de celle qu’il exposait déjà au printemps 2023 dans l’hémicycle lors des débats relatifs à la loi de programmation militaire 2024-2030 : « Nous sommes d’accord avec vous pour dire que le SCAF doit d’abord répondre aux besoins de l’armée de l’air et de l’espace et à ceux de la France. Mais, de fait, ces besoins n’excluent-ils pas l’Allemagne ? On parle d’un avion qui doit porter la bombe, qui doit apponter, se vendre facilement pour être exportable… Nous adhérons tout à fait à ces exigences, et c’est tant mieux, mais ce sont des critères qui, jusqu’à présent, bloquent les coopérations avec l’Allemagne. Nous avons peu d’espoir pour ce programme ! »

Votre rapporteur souhaite réitérer ses « lignes rouges » relatives au développement de ce programme : l’avion doit correspondre aux besoins opérationnels de nos armées, notamment pour la mission des FAS ; le programme doit coûter moins cher que s’il était développé de façon autonome ; enfin la France devra en tout état de cause préserver sa liberté en matière d’exportation.

Face à l’ensemble des lignes rouges tutoyées par le SCAF, votre rapporteur s’est associé aux députés de son groupe pour déposer dans le PLF25 un amendement de suppression du programme SCAF au profit d’une alternative souveraine.

Sur le segment de l’aviation de transport tactique médian, le soutien au projet de cargo médian tactique, aujourd’hui porté dans le cadre du fonds européen de la défense, doit rester une priorité, d’autant plus si la cible de nos A400M n’est pas revue à la hausse. Cet avion constituerait sans doute la meilleure solution pour remplacer à l’horizon 2035 les Casa et les C-130H de l’AAE. Le consortium construit par Airbus regroupe aujourd’hui une trentaine d’industries européennes dans 12 pays, dont la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie. Des études de faisabilité et de levée de risques menées par ce consortium devraient aboutir début 2025. Leur issue devrait permettre une prise de décision sur la poursuite du projet et sur le couplage du format A400M/ATASM (avion de transport et d’assaut du segment médian).

Sur le segment des drones, le ministre des Armées a confirmé à votre rapporteur lors de son audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées ([6]) le retard pris dans le développement du programme Eurodrone : « EuroMale a un an de retard. Et donc, par définition, nous rentrons dans le champ où la question des pénalités est posée. Et, évidemment, nous ferons ce qui doit être fait (…). C’est un projet sur lequel il faut avoir des discussions avec nos partenaires. Et puis j’ajouterai bien volontiers un dernier argument : il faut s’assurer que l’objet soit toujours conforme aux attentes opérationnelles au moment où il sera livré. » Votre rapporteur reste par conséquent très vigilant sur ce programme qui doit rester en phase avec les besoins opérationnels de l’AAE au moment où il lui sera livré.

Votre rapporteur continue de penser que la solution de drone Aarok développée par Turgis et Gaillard semble prometteuse pour les besoins opérationnels de l’AAE. Le succès des premiers essais en vol de l’Aarok en avril 2024 semble confirmer l’espoir placé en cette capacité souveraine probablement complémentaire à l’Eurodrone.


   Seconde partie : le spatial de défense

I.   La préservation de notre liberté d’accès et d’action dans l’espace est une condition sine qua non de notre autonomie stratégique

A.   Nos capacités spatiales militaires constituent une garantie de notre autonomie stratégique

1.   Le programme spatial français s’inscrit dès l’origine dans une recherche de souveraineté

Le développement du programme spatial français est intimement lié au développement du programme nucléaire français, tous deux nés du désir gaulliste d’ancrer la souveraineté et l’indépendance de la France dans le contexte bipolaire d’affrontement des deux blocs américains et soviétiques.

En 1960, le général de Gaulle donne son accord au développement d’un programme de missile balistique devant équiper la force nucléaire stratégique française. Cet engin, baptisé S2, partage de nombreuses caractéristiques avec un lanceur civil, « fusée et missile balistique ne se distinguant peu ou prou que par la nature de leur charge utile ([7]) ». Avec le lanceur civil Diamant, qui partage deux étages sur trois avec le missile balistique S2, la France envoie en toute autonomie en 1965 son premier satellite sur orbite. Le missile S2 réussit quant à lui son premier vol d’essai en 1968.

Dès lors, le programme spatial français s’est inscrit dans une recherche de souveraineté qui supposait la préservation de la liberté d’accès et d’action de la France dans l’espace.

Dans les années 1970, face au refus américain d’autoriser l’exploitation commerciale des satellites de télécommunications franco- allemands Symphonie, mis sur orbite par un lanceur américain faute de lanceur européen, le lancement du programme européen Ariane est accéléré. Ariane donnera à la France un accès indépendant à l’espace. Quelques années plus tard, c’est de nouveau un refus américain de partage d’imagerie spatiale qui incite le Président de la République François Mitterrand à demander le développement d’un programme souverain de satellites d’observation militaire.

Votre rapporteur souhaite aujourd’hui rappeler ce lien direct et historique entre investissement public dans les capacités spatiales militaires et affermissement de la souveraineté française.

2.   Nos capacités spatiales militaires fournissent un appui toujours plus décisif à l’action des forces armées sur Terre

L’espace est un multiplicateur de force pour les opérations militaires. Toutes les composantes des armées (air, mer, terre, cyber, etc.) utilisent des moyens de renseignement, de communication, de géolocalisation, de navigation ou de synchronisation reposant sur des capacités spatiales.

a.   Offrir un renseignement d’origine image et électromagnétique fiable

L’espace permet de fournir aux forces armées sur terre du renseignement d’origine image (ROIM) et du renseignement d’origine électromagnétique (ROEM). À condition qu’elles soient issues de capteurs souverains, les données spatiales garantissent au décideur politique une décision éclairée et autonome.

i.   Le renseignement d’origine image (ROIM)

La capacité militaire d’observation spatiale est utilisée par les armées du niveau stratégique au niveau tactique dans les domaines de la veille stratégique, de l’appui aux opérations et du ciblage. Le ROIM peut provenir d’une observation optique, infrarouge ou radar.

Si l’observation optique est la plus précise, elle n’est adaptée qu’en atmosphère diurne et devient inopérante en cas de couverture nuageuse. L’observation infrarouge est moins précise, mais rend possible la prise de vues nocturnes et enregistre la signature thermique des clichés observés ce qui permet aux forces de mieux comprendre l’activité observée. L’observation radar est opérationnelle de jour comme de nuit indépendamment de toute couverture nuageuse.

En France, le système CSO constitue selon le commandement de l’espace le « cœur stratégique » du ROIM. Doté à la fois d’une capacité optique et infrarouge, il sera composé à terme de trois satellites identiques en orbite basse répartis en deux missions « reconnaissance » et « identification ». Si les satellites CSO-1 et CSO-2 ont été lancés respectivement en décembre 2018 et décembre 2020, le retrait du lanceur Soyuz du centre spatial guyanais (CSG) s’est traduit par le report de la mise en orbite de CSO-3, qui devrait néanmoins intervenir dans les prochains mois à l’occasion du second vol d’Ariane 6. CSO-3 devrait renforcer CSO-1 sur le segment « reconnaissance » et améliorer significativement le taux de revisite des zones observées. Le système IRIS ([8]) prendra la suite du système MUSIS/CSO à l’horizon 2030. Les études ont débuté en juin 2019 et une première phase d’études d’architecture s’est terminée en décembre 2022.

Des systèmes duaux institutionnels complètent utilement les systèmes purement militaires. Ainsi, le ministère des Armées bénéficie d’un droit d’acquisition prioritaire des images des deux satellites d’observation optique à haute résolution Pléiades du CNES. Ces satellites sont exploités par la société Airbus Defense and space dans le cadre d’une délégation de service public. À compter de 2025, la constellation duale de quatre satellites CO3D, cofinancée par l’État et Airbus Defense and space, fournira en outre aux armées un modèle numérique de surface souverain très précis permettant une forte capacité de revisite à haute résolution (50 cm).

Toutefois, votre rapporteur déplore que la France ne dispose pas en propre de satellites d’observation radar.

ii.   Le renseignement d’origine électromagnétique (ROEM)

Le recueil spatial de renseignement d’origine électromagnétique permet de renseigner dans la profondeur, d’intercepter, de localiser et caractériser des émetteurs de type radar (ELINT) et des émetteurs radio (COMINT).

Peu de nations opèrent des systèmes de ROEM, à l’exception de la Russie, de la France, des États-Unis et de la Chine, soit des pays disposant d’une solide dissuasion nucléaire. Pour le Général (2S) Philippe Steininger, conseiller militaire du Président du CNES : « Cette situation n’est en rien fortuite, car pour assurer la pénétration des porteurs (avions), des vecteurs (missiles) et des armes nucléaires vers leurs objectifs, il est nécessaire de connaître la localisation et les caractéristiques des systèmes de défense qui seront activés afin qu’il n’en soit pas ainsi. Or, ces derniers, s’ils sont déployés dans la profondeur d’un territoire, ne pourront être observés et écoutés en temps de paix que depuis l’espace, les systèmes aériens et navals de renseignement, assujettis au respect des frontières, se trouvant trop éloignés. En permettant de doter les porteurs et les vecteurs nucléaires de systèmes de leurrage et de brouillage parfaitement adaptés aux systèmes de défense qu’ils devront pénétrer, en offrant aussi la possibilité de choisir le meilleur itinéraire pour les raids aériens de frappes nucléaires, les systèmes spatiaux de ROEM participent directement à la crédibilité de la dissuasion nucléaire, ce qui demeure leur finalité première (…) ([9]). »

On mesure dès lors toute l’importance stratégique qu’il y a à détenir une capacité ROEM souveraine. Lancée fin 2021 et constituée de trois satellites en orbite basse, la constellation CERES est utilisée par les forces armées depuis septembre 2022. La France est la seule en Europe occidentale à disposer de ce type de capacités. Le programme CELESTE ([10]) succédera au système CERES. Sa mise en service opérationnel est planifiée à horizon 2030.

En parallèle de nos capacités souveraines ROEM, un marché commercial de l’écoute électronique depuis l’espace se développe. En France, la start-up française Unseenlabs opère près d’une dizaine de nano-satellites qui seraient capables de détecter et localiser dans 97 % des cas les radars des bateaux. Unseenlabs offre également un service mesurant la signature électronique de chaque navire ce qui permet son identification. Le ministère des Armées compte parmi les « clients » de cette start-up dans une logique d’« achat de services » complémentaire à la détention de capacités militaires ou duales institutionnelles.

b.   Garantir à nos forces des télécommunications militaires sécurisées

Le programme de télécommunications spatiales (SATCOM) vise à répondre aux besoins d’établir des communications à distance via un relais satellite quand les moyens terrestres radio ou filaires sont inexistants ou inefficaces. Avec l’avènement du drone à longue endurance et la numérisation croissante du champ de bataille, le besoin militaire en télécommunications spatiales croît de manière exponentielle. Un écart croissant se creuse entre capacités offertes par les systèmes militaires et les besoins des forces. Dès lors, « le recours à des capacités civiles commerciales n’est donc pas seulement souhaitable au titre de la résilience des systèmes face aux menaces militaires, mais se présente comme une nécessité opérationnelle absolue ([11]) ».

Les SATCOM utilisées par les forces françaises sont réparties en trois catégories, liées à leur fonctionnalité militaire : le noyau dur est constitué de deux satellites français Syracuse 4A et 4B ainsi que du satellite franco-italien Sicral 2, le noyau étendu correspond au satellite franco-italien Athena-Fidus mis en service opérationnel en août 2017, tandis que des besoins complémentaires en télécommunications militaires sont contractualisés par la DIRISI ([12]), principalement au travers de l’accord-cadre Astel-S[13].

Le système de télécommunications spatiales SYRACUSE IV est entré en service opérationnel en 2022. Il s’articule autour de deux satellites en orbite géostationnaire hautement résistants au brouillage. Syracuse IV répond à l'augmentation des besoins en débit des armées liée à la numérisation croissante du champ de bataille et apporte un service à de nouveaux utilisateurs (aéronefs, véhicules en mouvement etc.). Le programme équipe les armées de nombreux terminaux dont la modernisation, débutée en 2023, durera jusqu’en 2028.

c.   Demain, permettre à nos forces de ne plus dépendre du GPS américain pour se positionner

Les satellites dits de « PNT » pour « position-navigation-temps » permettent de fournir une base temps de très grande précision et une information mondiale de positionnement. Les armées utilisent le signal chiffré de ces systèmes qui offre une plus grande robustesse aux perturbations atmosphériques et au brouillage.

Le principal système de géolocalisation aujourd’hui utilisé par les armées françaises est le système GPS. Financé dès les années 1960 par le ministère américain de la défense, ce dernier pourrait décider unilatéralement d’en affaiblir la performance en abaissant par exemple sa puissance, « ce qu’il n’a pas manqué de faire dans le passé. Le gouvernement américain a certes officiellement annoncé suspendre une telle pratique. » ([14]).

Afin de réduire sa dépendance au système GPS américain, l’Union européenne a lancé le programme « Galileo » de navigation par satellites. La pleine capacité opérationnelle des différents services devrait être atteinte d’ici 2026 grâce aux 27 satellites en orbite moyenne (MEO) du programme. Pour le moment, les forces armées françaises ne sont pas encore en mesure d’utiliser le signal protégé de Galileo. Elles devraient commencer à utiliser ce signal d’ici à la fin de l’année 2025. Le programme OMEGA ([15]) vise à doter les principaux équipements des forces armées de récepteurs compatibles avec Galileo. Le premier incrément a été lancé en réalisation en mai 2019. Les incréments suivants doivent doter les armées de récepteurs bi-modes (GPS et Galileo) sur d’autres véhicules, bâtiments, aéronefs et satellites avec un calendrier s’échelonnant sur plusieurs années. Votre rapporteur appelle à accélérer autant que possible le déploiement du programme OMEGA afin de ne plus faire dépendre nos forces armées du seul système PNT américain.

d.   Réduire significativement le temps de latence grâce aux constellations de connectivité en orbite basse

Si l’étendue et la résilience des capacités spatiales d’une Nation sont d’ores et déjà décisives pour l’issue des opérations au sol, la puissance spatiale d’une nation sera un véritable « game-changer » à l’ère du combat collaboratif.

Demain, un flux massif de données d’origine spatiale innervera à la fois les états-majors au niveau stratégique et le soldat du rang au niveau tactique. Le camp qui bénéficiera de la plus faible latence ([16]) dans l’interconnexion entre ses unités et ses systèmes d’armes prendra l’ascendant sur son adversaire moins bien connecté. Dans un contexte de transparence croissante du champ de bataille, la possibilité de « surprendre » son adversaire en ayant un temps d’avance donnera un avantage stratégique indéniable. La connexion des forces armées à une constellation de connectivité en orbite basse (LEO) est la condition sine qua non d’une réduction massive du temps de latence.

Ainsi que l’a résumé à votre rapporteur le général (2S) Serge Cholley, conseiller militaire d’Eutelsat : « La faible latence confère à une force armée l’avantage d’une boucle opérationnelle plus rapide que celle de son adversaire, pour l’établissement de la situation du champ de bataille et pour le déclenchement de la chaîne des feux. Celui qui sera connecté à une constellation en orbite basse (entre 300 et 2 000 km environ), à cet Internet de l’espace en cours de constitution, aura l’initiative sur celui qui ne le sera pas. Les lois de la physique sont impitoyables : un signal parcourant deux fois 15 000 km mettra plus de temps qu’un signal effectuant un aller-retour de 1 000 km. La LEO offre des faibles latences lorsque la MEO (entre 2 000 et 36 000 km) fournit des latences moyennes.

Outre une réduction significative du temps de latence, les constellations en orbite basse offrent aussi de meilleurs débits, une meilleure couverture ainsi qu’un meilleur rapport signal sur bruit[17]. In fine, ces constellations permettent de réduire les contraintes de connexion et d’améliorer la flexibilité des communications par satellite.

B.   Nos capacités spatiales sont menacées par une conflictualité croissante dans l’espace

1.   Des risques opérationnels accrus

a.   Un accroissement de la densification spatiale : des satellites et des débris spatiaux toujours plus nombreux

Le nombre de satellites mis en orbite annuellement a été multiplié par dix en dix ans (environ 10 000 satellites aujourd’hui) tandis que se développent des méga-constellations de milliers voire de dizaines de milliers de satellites en orbite basse. Ces dernières offrent des avantages indéniables à leurs utilisateurs en termes de précision optique, de temps de revisite, de latence, pour un coût de lancement considérablement moindre qu’en orbite géostationnaire. Les constellations en orbite basse Starlink et sa rivale Kuiper devraient compter respectivement environ 42 000 et 6 500 satellites à terme. La constellation chinoise Qianfan devrait quant à elle en compter plus de 15 000.

L’accroissement de la densification spatiale en orbite basse n’est pas sans poser de nombreux risques. En effet, on estime aujourd’hui que près de 40 000 objets de plus de dix centimètres et un peu moins d’un million de plus d’un centimètre tournent autour de la Terre. Plus de 90 % de ces objets sont des débris livrés à eux-mêmes pouvant provoquer des dégâts sérieux en cas de télescopage avec les systèmes spatiaux actifs. Plus de 95 % de ces débris sont américains, russes ou chinois et environ la moitié d’entre eux résulte d’un tir antisatellite chinois en 2007 et de la collision en 2009 d’un satellite russe dérivant avec un satellite américain opérationnel ([18]). La pollution orbitale nécessite une surveillance renforcée de la situation spatiale sur laquelle votre rapporteur reviendra peu après.

b.   Un risque croissant d’interférences électromagnétiques

En plus d’entraîner un risque accru de collisions, la multiplication du nombre de satellites augmente le risque d’interférences électromagnétiques en orbite basse. À cet égard, l’Union internationale des télécommunications (UIT) doit justement gérer les droits d’utilisation des fréquences et des orbites utilisées par les satellites. L’allocation du couple fréquences/orbite se fait principalement selon la règle du « premier arrivé, premier servi ».

Si la gestion de la ressource « spectro-orbitale » est plutôt harmonieuse concernant l’orbite géostationnaire, la gestion de cette ressource en orbite basse est de plus en plus disputée. Les spécialistes estiment que le nombre de méga-constellations pouvant coexister sera nécessairement limité à une dizaine. Ce constat préoccupant plaide en faveur de la mise sur orbite très prochaine d’une constellation de connectivité souveraine permettant à la France - et à l’Europe- de ne plus subir la « colonisation » des orbites basses actuellement opérée par les acteurs américains et chinois.

2.   L’espace, un nouveau milieu opérationnel à la conflictualité croissante

L’espace extra-atmosphérique est le nouveau point haut absolu du champ de bataille. Il existe une compétition croissante entre États pour disposer d’un accès aux ressources spatiales rares (fréquences et positions orbitales clés). En outre, on observe depuis une quinzaine d’années une hausse du niveau de conflictualité dans l’espace.

En 2007, les forces chinoises ont effectué un tir antisatellite depuis le sol contre un de leurs vieux satellites en orbite basse. Peu après, le chef d’état-major de l’armée de l’air chinois estimait qu’une compétition entre forces armées dans l’espace était « historiquement inévitable ». Le tir antisatellites chinois a été suivi moins d’une année après d’un tir américain similaire depuis une frégate de l’US Navy.

En 2013, une mission chinoise prétendument scientifique aurait permis de valider un système intercepteur de satellites en orbites moyennes que le Pentagone estime désormais opérationnel ([19]). La Chine développe des systèmes spatiaux capables d’actions offensives dans l’espace. Au début de l’année 2022, dans ce qui s’apparente à une logique de signalement stratégique, on a ainsi pu observer un satellite chinois agrippant un autre satellite chinois en panne sur l’arc géostationnaire pour l’emmener vers une orbite plus lointaine avant de revenir se positionner de manière très dynamique. Un autre satellite s’est positionné pendant plusieurs jours entre un satellite militaire américain de surveillance et le soleil afin de « gêner » ses capteurs optiques et dégrader notamment le fonctionnement de ses panneaux solaires. La Chine dispose en outre d’un avion spatial militaire, pendant de l’avion spatial militaire américain X-37B, qui a démontré sa capacité à réaliser des manœuvres de proximité et à libérer des objets en orbite.

En parallèle, l’espionnage spatial est une pratique relativement courante parmi les principales puissances spatiales militaires. En 2018, la ministre des Armées Florence Parly choisit de rendre public et d’attribuer l’espionnage du satellite franco-italien Athena-Fidus au satellite « butineur » russe Luch/Olymp. L’intérêt de placer un satellite à proximité d’un autre peut se justifier de différentes raisons :

– capter le signal montant afin de l’examiner et d’en extraire le mode de chiffrement qui, s’il s’avère différent de la norme de chiffrement communément utilisée, peut révéler un usage militaire ;

– effectuer des clichés, à condition d’équiper le satellite de capteurs optiques, à des fins d’analyse technique et de caractérisation de la mission d’un satellite ou encore à des fins de copies industrielles et d’établissement de l’ordre de bataille spatial ;

– recueillir le signal montant du satellite ainsi approché afin de localiser les terminaux utilisateurs à la surface de la terre et d’établir une situation de surface (ordre de bataille électronique indispensable sur un théâtre d’opérations) ;

– démontrer à travers la capacité à évoluer à proximité d’un satellite, la vulnérabilité d’une architecture spatiale dans l’hypothèse d’une décision de collision délibérée.

Face à ces évolutions, la stratégie spatiale française de défense publiée en 2019 reconnaît l’espace comme un nouveau milieu opérationnel. La même année, l’OTAN a également reconnu l’espace comme le cinquième domaine opérationnel. En 2021, l’OTAN a intégré les systèmes spatiaux dans le champ d’application de l’article 5 de traité de l’Atlantique-Nord.

3.   Un corpus de droit spatial daté et remis en question

Le faible encadrement juridique des activités spatiales, s’il permet aujourd’hui une relative liberté d’action, ne contribue guère à éloigner la possibilité d’affrontements militaires dans un espace qui s’apparente parfois à un nouveau « Far West ».

La fixation même de la frontière de l’espace ne fait pas l’objet d’un consensus international.

Le principal texte du droit spatial est le « traité de l’espace » de 1967 sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace exo-atmosphérique, incluant la Lune et les autres corps célestes. Ce traité fondateur pose le principe général de non-appropriation de l’espace et d’utilisation pacifique de celui-ci. À cet égard, les signataires du traité s’engagent en particulier à ne pas mettre sur orbite autour de la Terre un objet porteur d’armes nucléaires ou tout autre type d’arme de destruction massive, à ne pas installer de telles armes sur des corps célestes et à ne pas placer de telles armes dans l’espace atmosphérique. Ils s’engagent également à ne pas militariser la Lune et les autres corps célestes.

D’une part, la quasi « colonisation » de la ressource spectro-orbitale en orbite basse précédemment évoquée tend à remettre partiellement en cause le principe de non-appropriation des ressources spatiales par une Nation.

D’autre part, beaucoup des initiatives multilatérales relatives à la modernisation du corpus de droit spatial n’ont pas abouti. Si des lignes directrices pour la gestion des débris spatiaux ont été adoptées en 2007 par le comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique de l’Assemblée générale des Nations Unies, puis en 2019 des « lignes directrices pour la viabilité à long terme des activités spatiales », ce corpus n’est pas contraignant et repose essentiellement sur l’autodiscipline des acteurs.

En réaction, votre rapporteur appelle de ses vœux la mise en œuvre d’une réglementation internationale relative à la gestion du trafic spatial. La loi sur les opérations spatiales françaises de 2008 introduit des dispositions vertueuses en termes d’utilisation durable de l’espace. La fragmentation réglementaire actuelle crée cependant une distorsion de concurrence entre opérateurs de satellites français et étrangers. Le futur projet de loi spatiale de l’Union européenne pourrait être dans un premier temps le meilleur véhicule pour créer un cadre juridique s’appliquant aux acteurs non européens souhaitant fournir des services spatiaux sur le marché intérieur européen.

4.   Un besoin croissant de surveillance de la situation spatiale et de défense active de nos capacités dans l’espace

a.   La surveillance de la situation spatiale

La surveillance de l’espace est la « pierre angulaire ([20]) » de toutes les opérations spatiales. Elle vise à protéger les systèmes orbitaux du risque croissant de collision avec des débris spatiaux ou d’autres plateformes orbitales ainsi que des conséquences délétères de certaines perturbations physiques du milieu spatial (« météorologie spatiale »). La détection, l’identification et le suivi des objets en orbite sont traditionnellement opérés depuis le sol mais ils commencent aussi à l’être depuis l’espace.

Depuis le sol, plusieurs capteurs permettent de suivre les objets en orbite. Les radars ont une capacité de veille pour le moment limitée aux orbites basses. Les télescopes permettent de suivre de manière peu onéreuse les orbites hautes. Ils s’avèrent en revanche inopérants en cas de couverture nuageuse et en conditions diurnes, même si des projets récents pourraient en partie réduire ces contraintes. Il est également possible de surveiller l’espace depuis le sol en détectant passivement des signaux radiofréquence émis par les satellites notamment en orbite géostationnaire. Enfin, des lasers orientés vers des satellites défilant permettent de collecter des données d’orbitographie.

Les armées françaises disposent aujourd’hui en propre d’un seul radar de veille spatiale Graves ([21]), de trois radars de suivi des objets spatiaux en orbite basse SATAM et du bâtiment d’essais et de mesures (BEM) Monge mis en œuvre par la Marine nationale.

Aujourd’hui, le gouvernement américain élabore et rend public libre de droits un catalogue de données orbitographiques relatif à près de 46 000 objets spatiaux. Ce catalogue, expurgé de données militaires sensibles, contribue à assurer un niveau minimal de sécurité des opérations spatiales.

En France, les opérateurs du CNES évaluent en permanence le risque de collision auquel sont exposés les satellites militaires et duaux dont ils sont responsables du contrôle en orbite. Cette évaluation est effectuée à partir des données orbitographiques américaines ainsi qu’à l’aide de capteurs patrimoniaux (télescopes TAROT du CNRS pour les orbites hautes et radars militaires pour les orbites basses) ou privés. Ces opérateurs sont en lien direct avec les centres de contrôle du CNES responsables notamment de la bonne exécution d’éventuelles manœuvres d’évitement. En 2023, afin de fournir un service anticollision au profit d’une flotte de 434 satellites, une moyenne quotidienne de 9 700 messages d’alertes collision issues du catalogue américain a été traitée par les opérateurs du CNES qui ont donné lieu à la réalisation de 24 manœuvres d’évitement ([22]).

De plus en plus, la surveillance de l’espace s’ouvre au marché commercial. Sur le segment spatial de défense français, la surveillance des orbites géostationnaires est étoffée grâce à des contrats pluriannuels avec des industriels : ainsi le service HELIX d’ArianeGroup, grâce à un réseau de télescopes, offre aux équipes du CDE une détection automatique sur l’orbite géostationnaire tandis que Safran Data Systems propose également un service de surveillance de l’espace reposant sur la technologie de détection passive radiofréquence. Divers start-ups investissent également le secteur (Aldoria ou Lookup Space par exemple).

Des capacités patrimoniales complétées par des achats de services de surveillance spatiale doivent permettre de garantir à la Nation une capacité d’appréciation de la situation spatiale, préalable indispensable à la liberté d’action dans l’espace.

b.   La défense active de nos capacités spatiales

Les systèmes spatiaux d’une puissance spatiale peuvent faire l’objet d’attaques multiples : impact d’un tir antisatellite depuis le sol, la mer, les airs ou l’espace, brouillage de ses liaisons bord-sol depuis l’espace ou le sol, atteinte physique de son segment orbital ou de son segment sol, cyberattaques, désorbitation etc.

La conflictualité croissante du domaine spatial impose tout d’abord de renforcer la résilience des systèmes spatiaux, en misant dans un premier temps sur la meilleure protection passive de ces systèmes : renforcement contre les attaques cybernétiques des segments sol, choix pertinent de fréquences et liaison bord-sol les plus directives possible, puissance d’émission élevée, systèmes antibrouillages résilients. Les segments sol des systèmes spatiaux doivent être situés autant que de possible sur le territoire national ou dans une zone sûre en territoire allié. Leur protection physique et cybernétique doit être assurée. S’agissant des plateformes orbitales remplissant une mission à caractère militaire, leur résistance aux effets d’agressions de tous types devra avoir fait l’objet de test et elles devront être suffisamment manœuvrables pour être déplacées en cas d’approche « inamicale » ou de « butinage » manifeste.

En outre, la résilience d’un système orbital sera renforcée en cas de redondances de ses composantes : multiplicité des satellites, des centres de contrôle et centres de diffusion des données.

Surtout, protéger ses intérêts dans l’espace implique de se doter de moyens de « défense active » dans l’espace. À côté des tirs de missiles antisatellites mis en œuvre depuis la terre dont 4 pays ont déjà fait la démonstration publique (Russie, Chine, Inde, États-Unis), des moyens aux effets plus ou moins réversibles sont développés : capacités de neutralisation temporaire ou sabotage, brouilleurs offensifs capables d’isoler un satellite de sa station sol, lasers très puissants capables de détériorer des parties stratégiques d’une plateforme. La possibilité de détecter et ensuite d’attribuer une attaque sur un satellite en orbite, depuis l’espace, est un gage de crédibilité et de réactivité de la défense active.

En novembre 2022, le général américain James Dickinson, alors à la tête du commandement interarmées américain de l’espace énonçait : « La puissance spatiale militaire existe pour préserver la liberté d’accès et d’action dans l’espace. Ce sont les priorités de toutes les forces spatiales interarmées ou coalisées de l’armée américaine. Et cette liberté dans le domaine spatial n’est acquise et maintenue que grâce à la supériorité spatiale, qui est l’objectif premier de la guerre spatiale. Lorsque la supériorité spatiale est établie, cela signifie que l’on jouit d’une liberté d’action dans le domaine spatial, tout en en privant simultanément l’adversaire. Elle a pour objet de donner un avantage stratégique, opératif et tactique. La supériorité spatiale nécessite des opérations offensives et défensives coordonnées, menées dans les trois segments de l’architecture spatiale : segment sol, liaisons et espace. »

C.   Un bilan en demi-teinte de la stratégie spatiale de défense qui devait permettre de préserver notre liberté d’accès et d’action dans l’espace

1.   La stratégie spatiale de défense, un tournant attendu mais tardif dans l’affirmation d’une nécessaire « défense active » de nos intérêts spatiaux

En 2017, la revue stratégique de défense et de sécurité nationale constitue une rupture stratégique en énonçant que le « domaine spatial est aussi un espace de confrontation où certains États peuvent être tentés d’user de la force pour en dénier l’accès ou menacer l’intégrité de ses composants. », reconnaissant enfin l’espace comme un domaine opérationnel militaire à part entière. Toutefois, la LPM 2019-2025 ne reflète que peu cette rupture ontologique. Il faut attendre le discours du Président de la République du 13 juillet 2018 pour que soit annoncée une véritable stratégie spatiale de défense (SSD) rendue publique à l’été 2019.

Cette dernière établit une feuille de route visant à doter les armées de capacités spatiales militaires aptes à défendre la liberté d’accès et d’action de la France vers, dans et depuis l’espace. Créé le 3 septembre 2019, le commandement de l’espace (CDE) incarne la SSD. Sa montée en puissance a pour objectif de permettre aux armées de conduire des opérations spatiales militaires nécessaires à la préservation des intérêts nationaux de la France.

2.   La volonté affichée de préserver la liberté d’accès de la France à l’espace s’est heurtée de plein fouet à la crise européenne des lanceurs

Le lancement d’une plateforme orbitale dotée de ses charges utiles civils et/ou militaires est la condition sine qua non de toute mission militaire. À la suite de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en février 2022, le lanceur Soyouz notamment mis en œuvre depuis le site du centre spatial guyanais (CSG) a disparu de l’offre européenne de lancement. À la fin 2022, le lanceur Vega C a suspendu ses vols en raison d’un échec au tir. Le lanceur lourd Ariane 5 a ensuite achevé son service opérationnel en juillet 2023. Les quatre années de retard sur le calendrier initial du programme Ariane 6 ont privé durablement l’Europe et la France d’un accès autonome à l’espace : « L’année 2023 s’est ainsi soldée par plus d’une centaine de tirs de fusées américaines et un peu moins de 70 de fusées chinoises, alors que l’Europe n’en a réalisé que trois ([23]). »

La mise en orbite du troisième satellite CSO a pâti de cette situation. Cette dernière devrait intervenir lors du second vol d’Ariane 6 à la fin de l’année 2024 ou au début de l’année 2025, alors que son lancement était initialement prévu en 2021. Cette crise des lanceurs, en plus de retarder considérablement la mise sur orbite d’un satellite militaire stratégique, rend encore plus évidente la nécessité d’affermir l’offre de lanceurs disponibles en France et en Europe.

3.   Il est urgent de décliner dès à présent le volet spatial de la LPM 2024-2030 dont le rapporteur regrette le manque d’ambition

La LPM 2024-2030 consacre une enveloppe de six milliards d’euros au spatial sur la période.

● En matière d’action depuis l’espace, la LPM 2024-2030 doit permettre d’assurer un renouvellement partiel de nos capacités dans le domaine satellitaire :

– La capacité d’observation spatiale optique bénéficiera du lancement du troisième satellite CSO puis du développement et de la mise en orbite du programme Iris à partir de 2030, date prévisionnelle de la fin de vie des satellites CSO. Votre rapporteur rappelle qu’en raison d’un défaut de disponibilité des lanceurs, le renseignement d’origine image (ROIM) souverain aura été privé pendant plus de trois ans du bénéfice d’un troisième satellite patrimonial. Les industriels Thales Alenia Space et Airbus Defense and Space ont lancé fin 2023 la phase de conception préliminaire d’Iris. Cette phase lancée sous contraintes budgétaires doit donner lieu au passage en réalisation fin 2025. Votre rapporteur sera très vigilant à la disponibilité des financements pour cette nouvelle phase. Il rappelle l’impérieuse nécessité de ne pas décaler le programme IRIS, au risque d’un trou capacitaire en ROIM spatial souverain. La fin de vie des satellites CSO est en effet attendue pour 2030 ;

– La capacité de renseignement d’origine électromagnétique doit être consolidée avec le développement et la mise sur orbite d’ici 2030 du successeur de la constellation CERES dans le cadre du programme CELESTE. Votre rapporteur rappelle que la contrainte budgétaire actuelle sur ce programme manifestement sous-budgété dans le « patch espace » de la LPM ne doit pas retarder ou diminuer les performances visées. Le contraire exposerait la France à une rupture capacitaire durable et à un risque de perte définitive de savoir-faire français, en plus de mettre en péril la fonction « connaissance et d’anticipation » de la Direction du renseignement militaire. Nul besoin également de rappeler l’importance d’un ROEM spatial modernisé pour les missions souveraines comme la dissuasion. En conséquence, votre rapporteur appelle à un démarrage prochain du lancement en réalisation du programme CELESTE, la fin de vie théorique des satellites CERES devant avoir lieu en 2029. Ce lancement en réalisation devait être prévu en 2025. Le PAP de la mission Défense indique à cet égard que les « principaux engagements relatifs à Céleste dans le PLF25 « couvrent un complément d’étude de définition et la sécurisation de ses approvisionnements pour la phase de réalisation » ;

– Enfin, au prétexte du lancement potentiel en fin de programmation militaire de la constellation de connectivité européenne Iris2, la mise sur orbite d’un troisième satellite Syracuse IV a été sacrifiée par la LPM 2024-2030, ce que votre rapporteur n’a cessé de déplorer. Il semblait en effet très hasardeux de renoncer à un satellite patrimonial ultra-sécurisé en orbite géostationnaire au profit d’une constellation européenne civile de connectivité en orbite basse dont le lancement est susceptible d’accuser un retard certain.

Votre rapporteur rappelle la complémentarité nécessaire entre des satellites patrimoniaux de télécommunications militaires en orbite géostationnaire et une constellation de connectivité en orbite basse. En outre, il convient de rappeler qu’Iris2 sera une constellation civile beaucoup moins sécurisée que ne l’aurait été le satellite militaire Syracuse IV-C, pensé pour être très résistant aux attaques cyber, nucléaires et aux brouillages. De plus, votre rapporteur souhaite rappeler que la fin de vie en 2030 des satellites franco-italiens Sicral 2 et Athena-Fidus générera selon toute vraisemblance un défaut de capacités de télécommunications spatiales militaires.

Par ailleurs, la suppression du satellite Syracuse IV-C a intensifié le contexte de crise du secteur des télécommunications spatiales en orbite géostationnaire. Le manufacturier Thales Alenia Space (TAS) a annoncé début septembre un plan inédit de licenciement et de redéploiement de ses personnels ([24]). Près de 25 % des effectifs de Thales Alenia Space France vont quitter l’activité spatiale, soit environ 1 000 personnes hautement qualifiées. Airbus subit également directement la crise de la filière satellites et a provisionné 1,5 milliard d’euros pour son activité spatiale sur 2023 et 2024 avant d’annoncer le 16 octobre dernier la suppression de 2 500 emplois dans sa branche militaire et spatiale. Auditionné par votre rapporteur, TAS a alerté sur une très probable perte de compétences en interne d’ici au lancement des futurs Syracuse V.

Votre rapporteur appelle donc à lancer avant la fin de l’année 2024 les premières études du programme Syracuse 5 ;

● S’agissant de l’action vers l’espace, la priorité affichée par la LPM est le développement du successeur du radar de veille spatiale Graves pour une entrée en service à compter de 2030. Même s’il représente une capacité unique en Europe, le radar Graves reste en effet aujourd’hui relativement limité : il permet de suivre uniquement les satellites en orbite basse tandis que sa couverture est partielle et ne permet pas de suivre les satellites ayant des orbites proches de l’équateur. Votre rapporteur regrette qu’un seul radar de surveillance spatiale Graves-NG ait été inscrit en loi de programmation. Il appelle à lancer dans les meilleurs délais le développement du radar Graves-NG.

● Le développement de nos moyens d’action dans l’espace constitue également un des grands axes de la LPM, à travers :

– le développement d’un démonstrateur Yoda de patrouilleur-guetteur en orbite géostationnaire. Constitué de 2 nano-satellites, Yoda devait initialement être lancé en 2025. Votre rapporteur appelle à un respect ferme de ce calendrier ;

le développement d’un démonstrateur d’action en orbite basse, à travers le programme « Toutatis » pour une première opération dès 2026 ([25]) ;

le développement de démonstrateurs laser, avec les projets d’action vers l’espace Bloomlase (aveuglement de satellites d’observation depuis le sol) et dans l’espace Flamhe (déploiement de laser en orbite) ;

– la constitution d’une capacité opérationnelle de commandement et de contrôle (C2) des opérations spatiales Astreos qui devrait s’appuyer sur les capacités d'un calculateur à haute performance adapté au traitement massif de données de surveillance spatiale. Sa première version opérationnelle, au travers d'un système intérimaire est attendue en 2025, puis elle évoluera jusqu'en 2028, date de livraison du programme définitif. Astreos incarnera la montée en puissance du centre de commandement, de contrôle, de communication et de calcul des opérations spatiales du CDE (C4OS). Votre rapporteur appelle à lancer urgemment le développement d’Astreos afin de ne pas retarder le passage à l’échelle de l’action dans l’espace. D’après les informations communiquées à votre rapporteur, l’acquisition du programme Astreos fera l’objet d’une mise en concurrence en 2025 dans le cadre de l’incrément 2 du programme Ares.

Enfin, la LPM 2024-2030 reconnaît le caractère stratégique du spatial militaire en l’intégrant dans les contrats opérationnels des armées. Ainsi, la « posture permanente de protection élargie » inclut désormais une « posture de protection spatiale ». Celle- ci implique l’exigence d’être en mesure de défendre nos intérêts nationaux dans l’espace, y compris de manière active.

Alerté au sujet d’un étalement « drastique » des flux de paiement du « patch espace » en début de programmation, votre rapporteur appelle à accélérer la déclinaison financière du volet spatial de la LPM. À date, seul le programme IRIS semble être bien avancé. Le programme CELESTE semble aujourd’hui suspendu à de nouvelles négociations entre la DGA et les industriels maîtres d’œuvre, dans un contexte où les spécifications techniques du programme conduisent à un dépassement du budget initialement programmé en LPM. Sur le volet SATCOM, votre rapporteur appelle à ne pas opposer satellites en orbite géostationnaires et orbite basse, les deux dispositifs étant complémentaires et permettant une réelle résilience de nos communications spatiales.

4.   La plupart de nos compétiteurs et alliés renforcent significativement leur spatial de défense, au risque d’un effacement de la puissance spatiale militaire de la France

Selon le dernier rapport de Novaspace, quatre pays ont investi plus d'un milliard de dollars en 2023 dans le spatial militaire : les États-Unis (38,9 milliards de dollars), la Chine (8,8 milliards de dollars), la Russie (2,6 milliards de dollars) et enfin la France (1,3 milliard de dollars). Les autres puissances spatiales ayant investi plus de 500 millions de dollars incluent le Japon (686 millions de dollars), le Royaume-Uni (661 millions de dollars), et l’Allemagne (516 millions de dollars).

Aux États-Unis, l’US SPACECOM opère plus d’une centaine de plateformes orbitales militaires. Les États-Unis disposent de deux avions spatiaux Boeing X-37B dotés d’une soute et d’un bras robotisé capables d’une grande agilité en orbite. L’avion spatial chinois CSSHQ semble posséder des capacités similaires. Les États-Unis déploient actuellement la constellation PWSA[26] en orbite basse qui intègrera près de 200 plateformes en 2025, tandis que la NRO a annoncé en 2023 son souhait de quadrupler sa flotte de satellites d’ici à 2030. En Chine, selon toute vraisemblance, entre 300 et 350 satellites remplissent une mission de recueil de renseignement, auxquels s’ajouteraient une soixantaine de satellites de télécommunications, cinq satellites d’alerte avancée et quelques satellites pouvant interagir sur d’autres plateformes orbitales.

Si la « compétition stratégique sino-américaine se joue désormais bel et bien à huis clos dans l’espace ([27]) », nos voisins européens multiplient également leurs investissements dans le secteur spatial militaire et dual, au risque d’un effacement de l’actuelle prééminence française en Europe dans le domaine.

En vertu de deux accords bilatéraux, il existe un mécanisme d’échange de données d’observation de la Terre entre l’Allemagne et l’Italie d’une part, qui disposent de compétences d’observation radar, et la France d’autre part, qui dispose en propre d’une capacité d’observation optique de très haut niveau. La France accède ainsi aux données des satellites d’observation radar italiens et allemands en échange d’un accès de ces deux nations aux données des satellites français d’observation optique. Prenant leurs distances avec ces accords, l’Italie et l’Allemagne ont toutes deux récemment développé des programmes d’observation image de la Terre (constellation duale Iride italienne et satellites optiques allemands Georg).

Votre rapporteur déplore la dépendance française à l’égard des capacités d’observation radar italienne et allemande reposant sur des accords en partie caducs. Il appelle de ses vœux le développement d’un programme souverain d’observation radar qui pourra utilement être complété par des achats de service.

II.   Afin de rester une puissance militaire prééminente, la France doit aujourd’hui accélérer le déploiement de sa stratégie spatiale de défense

Alors que la montée en compétences du CDE se poursuit, l’enjeu principal est aujourd’hui d’accélérer la mise en œuvre de la SSD afin d’améliorer la résilience et la réactivité opérationnelle de nos capacités spatiales.

A.   Parachever la montée en puissance du CDE

Depuis 2019, le CDE est devenu un acteur majeur de la conception et de la mise en œuvre de la politique spatiale militaire française. Sa gouvernance est relativement singulière, puisque le CDE est officiellement un « organisme à vocation interarmées (OVIA) Air ». Le chef d’état-major des armées (CEMA) exerce sur le CDE son autorité opérationnelle, tandis que le chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace (CEMAAE) en exerce le commandement organique.

Le CDE compte près de 320 militaires dont 85 % environ appartiennent à l’AAE. Il emménagera fin 2025 dans une infrastructure dédiée sur le site toulousain du CNES. Il devrait compter 470 personnels à l’horizon 2030, alors que l’effectif théorique initialement visé était de 500 militaires en 2025. Votre rapporteur alerte sur cette montée en puissance des effectifs plus lente que prévue et appelle de ses vœux la sanctuarisation de l’effectif théorique initial des 500 militaires prévu par la SSD, la bataille de l’espace se jouant aussi à « hauteur d’hommes ».

L’exécution des missions du CDE relève de la brigade aérienne des opérations spatiales (BAOS). La BAOS comprend toutes les unités lui permettant d’assurer les missions de maîtrise de l’espace et d’appui spatial des opérations militaires :

le centre de commandement, de contrôle, de communication et de calcul des opérations spatiales (C4OS), unité du CDE en contact direct avec le CPCO ;

le centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (COSMOS) qui observe l’espace depuis la Terre en détectant, classifiant et évaluant chacun des objets spatiaux qu’ils soient civils, militaires ou duaux, en lien étroit avec le CNES. Situé depuis 2014 sur la base aérienne 942 de Lyon-Mont-Verdun, il a rejoint Toulouse à l’été 2024 ;

le centre militaire des opérations spatiales (CMOS) qui observe la Terre depuis l’espace. Situé sur la base aérienne 110 de Creil, à proximité de la DRM, il est le plus ancien des services spatiaux militaires français. Unité fédératrice de l’ensemble des demandes militaires d’images et d’écoutes en s’appuyant sur les systèmes CSO, Pléiades et CERES, il fournit du ROIM et du ROEM d’origine spatiale au profit des opérations. Les demandes des services du ministère sont d’abord priorisées par la DRM, puis transmises par le CMOS à l’escadron de conduite des actions spatiales (ECAS) pour les envoyer vers les satellites via les centres de contrôle du CNES. Les données recueillies par les satellites sont ensuite récupérées puis transformées en produits exploitables par la chaîne du renseignement. Seul le CMOS ne sera pas positionné à Toulouse en 2025. Il déménagera au fur et à mesure du remplacement des capacités (CSO, CERES etc.) ;

l’escadron de conduite des actions spatiales (ECAS) : basé à Toulouse, il regroupe une vingtaine d’aviateurs, la plupart intégrés au sein des équipes du CNES qui programment les charges utiles sur les satellites militaires, veillent sur la bonne santé de ces satellites, garantissent la liaison des satellites militaires entre la Terre et l’espace et opèrent ces satellites (réajustement de la position sur orbite etc.). L’ECAS opérera à terme le démonstrateur Yoda et sera amené à agir dans l’espace au nom des armées selon le schéma suivant : en cas de menace avérée visant nos intérêts spatiaux, le COSMOS informe le C40S qui, en contact direct avec le CPCO, demandera à l’ECAS de déclencher une opération d’action dans l’espace.

le centre de renseignement d’intérêt spatial (CRIS).

D’autres unités du CDE seront stationnées à Toulouse, notamment le centre de formation aux opérations spatiales militaires (CFOSM), l’escadron de soutien aux opérations spatiales (ESOS) et le laboratoire d’innovation spatiale des armées (LISA), mis en place par le CDE pour identifier les projets du NewSpace intéressant le spatial militaire.

Un échelon de l’état-major central du CDE continuera d’être stationné à Paris (site de Balard) afin de faire le lien avec le CPCO, la DGA pour la partie capacitaire et le réseau diplomatique pour la partie relations internationales.

1.   La livraison dans les temps du chantier du CDE constitue un premier défi logistique et numérique

Le rapporteur a eu la chance de pouvoir visiter le chantier du CDE à Toulouse. La formation administrative 101, qui doit devenir à l’été 2025 la première base aérienne à vocation spatiale (BAVS 101) abritera sur une surface de près de 11 400 m2 le bâtiment principal du CDE. Ce dernier jouxtera le centre d’excellence spatial de l’OTAN (COE).

Au terme de 21 mois de travaux, la réception de ces deux infrastructures doit être effectuée au mois d’août 2025. Si ce chantier ne semble pas actuellement souffrir de retard, un point d’attention majeur réside dans la coactivité pendant quelques mois des travaux relatifs aux systèmes d’information et de communication (SIC) avec le chantier principal relatif aux infrastructures. La fin des travaux SIC est attendue en octobre 2025. À terme, la capacité intérimaire SIXNET du système d’information opérationnel de communication (SIOC) consacrée aux opérations spatiales sera complétée par des incréments dans les prochaines années à mesure que se déploiera le système ASTREOS.

2.   La réussite du transfert de compétences entre opérateurs du CNES et du CDE, un premier défi RH

Crée en 1961 par le général de Gaulle, le Centre national des études spatiales (CNES) est le principal instrument de la souveraineté française dans le domaine spatial. À la fois agence, centre technique et opérateur, le CNES joue un rôle clé et largement méconnu dans le spatial de défense. Depuis 1961 il apporte son concours au ministère des Armées qui est l’un de ses trois ministères de tutelle : « Les capacités spatiales militaires et duales ont bénéficié à des degrés divers du soutien du CNES dans leurs développements, tandis que leur maintien en condition opérationnelle repose largement sur ses moyens et compétences. Le CNES intervient aujourd’hui au profit de la Défense dans cinq domaines : la conduite des programmes spatiaux militaires et duaux, la préparation du futur, la surveillance de l’espace, les opérations spatiales et l’appui à la montée en puissance des armées dans le domaine spatial ([28]) ». Le CNES dispose en interne de toutes les compétences nécessaires à la définition, à la conception, au développement, au lancement et aux opérations d’un système spatial, quel qu’en soit le domaine d’application.

Le CNES opère depuis son site de Toulouse (CST) 17 satellites français dont les satellites militaires et duaux en orbite basse. Les satellites militaires et duaux évoluant en orbite basse (PLEIADES, CSO et CERES) sont contrôlés depuis le CST dans toutes leurs phases de vie, des opérations de mise à poste à celles de désorbitation en passant par celles de recette en vol et d’opérations de routine. Le contrôle des satellites militaires et duaux de télécommunications évoluant en orbite géostationnaire (SYRACUSE, ATHENA-FIDUS) est pour le moment assuré par Telespazio, société conjointe entre Leonardo (67 %) et Thales (33 %).

La montée en compétences des opérateurs militaires du CDE s’accompagne d’une bascule progressive de compétences des opérateurs civils du CNES vers les opérateurs militaires du CDE. S’agissant en particulier des actions de défense active dans l’espace prévues par la stratégie spatiale de défense, la responsabilité de leur conduite ne peut en effet que revenir à des militaires, les seuls légitimement autorisés à assumer celle-ci.

Depuis 2019, le CNES forme ainsi des militaires du CDE aux opérations spatiales dans le cadre d’équipes mixtes CNES/CDE. À terme, une fois que les opérateurs du CDE seront en mesure d’opérer les satellites militaires évoluant en orbite basse, les opérateurs du CDE devront également être capables d’opérer les satellites militaires évoluant en orbite géostationnaire.

L’expertise unique du CNES dans la maîtrise des systèmes spatiaux en orbite est une chance pour le CDE. À cet égard, la voie de la réserve opérationnelle au sein du CDE, qui a été ouverte en 2023, pourrait être opportunément encouragée pour les opérateurs civils du CNES qui pourraient ainsi prendre part, sous statut militaire, à des opérations spatiales militaires.

Afin de garantir la résilience de notre architecture spatiale, il semble opportun à votre rapporteur de maintenir entre les institutions de fortes synergies permettant de redonder nos installations stratégiques (centres de maintien à poste, salle opérationnelle, etc.). La colocalisation du CDE et du CNES y concourra nécessairement, tout comme le maintien à Balard d’un échelon central et de certaines capacités opérationnelles stratégiques. Dans les prochaines années, le meilleur point d’équilibre devra être recherché entre entière autonomie d’action dans l’espace pour les armées et coopération opérationnelle avec le CNES.

3.   La création et la valorisation de parcours d’excellence autour du spatial, un second défi RH

Aujourd’hui, la montée en compétences des opérateurs du CDE se fait essentiellement en lien avec les opérateurs du CNES. Néanmoins, à terme, l’ensemble des armées et plus particulièrement l’armée de l’air et de l’espace devra créer et valoriser des parcours spatiaux d’excellence au sein des forces armées.

À date, la DRHAAE ne souhaite pas mettre en place une spécialité « espace » mais ambitionne plutôt la création de parcours croisés avec les spécialités numérique, cyber, guerre électronique ou encore renseignement. La DRHAAE devra relever un défi de taille en étant à la fois en mesure d’armer les effectifs du CDE grâce à des parcours attractifs pour les aviateurs orientés vers le spatial à leur sortie d’école tout en proposant à la majorité des officiers concernés la nécessaire polyvalence d’une carrière d’aviateur.

Afin de pourvoir ces postes, les affectations au niveau de l’AAE sont priorisées pour les officiers ayant pu bénéficier de formations spécifiques dans le domaine spatial, notamment en interne via l’enseignement militaire supérieur scientifique et technique (EMSST) proposé aux officiers. Aujourd’hui, l’affectation sur Toulouse n’est pas majoritairement demandée, ce qui met en évidence la nécessité d’accroître encore l’attractivité d’un passage par le CDE et de diffuser plus largement une « culture spatiale » dans les trois armées, au-delà de la seule armée de l’air et de l’espace. Le recrutement en complément d’officiers commissionnés et d’officiers sous contrat avec un bagage universitaire ad hoc pourrait être pertinent ; ainsi, aujourd’hui, ces derniers représentent 63 % des postes de grade de lieutenant ou de capitaine.

Afin d’accélérer l’acquisition de compétences de ses opérateurs, le centre de formation aux opérations spatiales militaires (CFOSM) a été créé en janvier 2022 au sein du CDE. Le CFOSM, « bras armé » du CDE, a pour cœur de métier la formation d’adaptation à l’emploi (FAE) au domaine spatial militaire du personnel intégrant le CDE. L’Académie spatiale de défense (ASD) a également été instituée grâce à un accord de partenariat entre l’École de l’Air et de l’Espace, le CDE et l’ISAé SupAéro. L'ASD souhaite proposer une offre lisible et commune de formations de haut niveau issues des offres existantes au sein du CFOSM, du CDE, de l’École de l’Air et de l’Espace et de l’ISAé SupAéro. À noter également que l’École de l’Air et de l’Espace a développé en partenariat avec le CNES, le CDE et l’ONERA un « Advanced Master Defense and Security in Space », dont la première édition s’est ouverte en septembre 2023. Ce programme s’adresse à de jeunes ingénieurs diplômés de niveau Bac+5 pour la formation initiale, mais aussi à des cadres issus du domaine aéronautique, souhaitant se spécialiser via la formation continue. Il rassemble une douzaine d’élèves dont 4 militaires qui rejoindront le CDE à l’issue de leur formation.

Enfin, concernant l’état-major du CDE, votre rapporteur s’étonne du fait que le grade de général de corps aérien (4 étoiles) ne soit pas encore conféré aux généraux commandant de l’espace (GCDE). L’attribution récente du grade de général de corps aérien (GCA) au commandant de la cyberdéfense doit légitimement être dupliquée pour le GCDE, ces deux milieux communs étant l’un et l’autre tout autant stratégiques.

B.   Accroître l’offre souveraine de lanceurs conventionnels et réactifs

Préserver la liberté d’accès à l’espace suppose nécessairement d’accroître l’offre souveraine de lanceurs. Lancer un satellite militaire depuis son territoire avec un vecteur dont les opérations sont sous le plein contrôle de l’autorité militaire représente un idéal. Dans les faits, et pour des raisons budgétaires, le vecteur est souvent dual et mis en œuvre par des opérateurs civils, à l’instar d’Ariane 6.

Dans tous les cas, votre rapporteur se montre très réticent à ce que la base de lancement des satellites militaires français soit située à l’étranger, au risque d’une altération de la confidentialité et du caractère souverain recherchés dans la conduite des opérations militaires. Lancer une charge utile militaire depuis son propre sol permet de s’affranchir des règles d’exportation de matériels militaires et d’accroître les garanties de protection des secrets industriels et de la défense nationale relatifs aux satellites concernés.

Dans les prochaines années, la demande de lancement de charges utiles militaires ne devrait cesser de croître, notamment vers les orbites basses. En outre, la durée de vie d’un satellite en orbite basse étant inférieure par rapport à l’orbite géostationnaire, la réactivité des lanceurs devra être renforcée afin de traiter la fin de vie ou le maintien en condition opérationnelle d’une large flotte de satellites.

Pour placer en orbite basse un petit satellite, les mini ou micro-lanceurs fournissent une solution « sur mesure » réactive pour un coût contenu, tandis que le lancement d’une charge utile sur un lanceur lourd contraint souvent le client à la négociation avec les autres clients bénéficiaires du vol et avec l’opérateur. Les lanceurs lourds comme Ariane 6 sont à la fois nécessaires pour placer en orbite géostationnaire les gros satellites et les mieux adaptés pour mettre en place des constellations en orbite basse par « grappes » de satellites.

Si votre rapporteur se félicite du succès du vol inaugural d’Ariane 6, le schéma d’exploitation stabilisée d’Ariane 6 repose sur une hypothèse initiale (jusqu’au quinzième vol) de 7 vols par an, dont seulement 4 lancements institutionnels pour le compte des États membres et de l’Union Européenne. La France et l’Europe ne disposent pour le moment que d’un seul lanceur lourd, quand les États-Unis et la Chine disposent déjà de plusieurs options. Or, le calendrier prévisionnel des lancements d’Ariane 6 est déjà bien rempli d’ici 2030 avec 30 lancements prévus. Si Ariane Group a précisé que « les besoins français ont été identifiés et anticipés, afin de garantir leur place dans le calendrier des lancements. », votre rapporteur souhaite la mise en place d’une priorité effective des lancements souverains avec charge utile militaire sur les lancements commerciaux dans le carnet de commandes des lanceurs institutionnels. Cette mesure permettrait aux programmes militaires spatiaux stratégiques de ne pas souffrir d’un manque de disponibilité des lanceurs.

En complément de l’offre Ariane 6, le renforcement de l’offre de petits et moyens lanceurs est indispensable. Concernant l’offre de petits lanceurs, l’Europe- via l’ESA, dispose du petit lanceur institutionnel VEGA, dont l’italien Avio est le maître d’œuvre industriel. L’offre européenne de micro-lanceurs depuis le territoire national devrait être accrue par la reconversion prochaine du pas de tir Diamant sur le site du CSG en « ensemble de lancement Multilanceurs (ELM) ». Cet ensemble permettra à partir de 2026 des tirs de mini et micro-lanceurs européens commerciaux ([29]), pour lesquels quatre sociétés satisfaisant les critères de sélection finale ont signé un accord engageant avec le CNES. Enfin, la filiale d’ArianeGroup MaiaSpace a été sélectionnée par le CNES parmi six candidats européens pour opérer son futur lanceur réutilisable Maia depuis l’ancien pas de tir de Soyouz au CSGn à compter de 2027. Ces offres de lancement à la fois institutionnelles et privées devraient permettre aux militaires de satisfaire au moins partiellement leur besoin de lancement en orbite basse. Votre rapporteur appelle si besoin au développement d’offres complémentaires de lancement en misant principalement sur l’agilité et la réactivité d’un écosystème spatial français en pleine transformation. Ce développement ne devrait pas en outre être entravé par une application souvent maximaliste des normes environnementales vis-à-vis desquelles votre rapporteur appelle à un assouplissement dans leur application sur les chantiers nationaux de rénovation ou de construction des pas de tirs.

En outre, votre rapporteur appelle au développement d’une offre de lancements militaires réactifs à la disposition des armées. Ces lancements réactifs permettraient des sortes de « lancements à la demande » afin de remplacer dans les plus brefs délais un satellite endommagé ou détruit. Ces lancements pourraient être effectués depuis un centre d’essais en vol de la DGA.

C.   Surveiller de manière souveraine la terre et la très haute altitude depuis l’espace au fin d’alerte avancée

La surveillance depuis l’espace de la Terre et des plus hautes couches de l’atmosphère permettrait de détecter de manière précoce :

les missiles balistiques lors de leur phase ascendante, grâce à des satellites munis de capteur infrarouge en orbite géostationnaire ou fortement elliptique. Aujourd’hui, les États-Unis s’appuieraient sur 8 satellites d’alerte avancée tandis que la Russie et la Chine en opéreraient respectivement quatre et cinq ([30]). Ces satellites permettent par ailleurs de suivre un objet spatial dès sa phase de lancement et plus seulement depuis sa détection en orbite, une capacité utile pour l’établissement de la situation spatiale ;

les armes hypersoniques manœuvrantes lors de leur transit vers leur cible, grâce à une constellation de satellites munis de capteur infrarouge positionnés en orbite basse et offrant une couverture permanente des zones vulnérables ainsi que la possibilité d’une transmission très rapide de l’alerte du fait de la faible latence. La constellation militaire américaine PWSA permettra ainsi à partir de 2025 une détection des missiles hypersoniques et une transmission de l’alerte en temps quasi-réel.

La France a un temps été leader en Europe en matière d’alerte avancée, avec le démonstrateur Spirale ([31]) constitué de deux microsatellites et le test au sol d’une plateforme de simulation de la chaîne d’alerte. La mission s’est achevée en 2011, tandis que la LPM 2009-2014 prévoyait le développement de « moyens de surveillance spatiaux géostationnaires infrarouge » et annonçait un premier satellite opérationnel en 2019 qui ne s’est jamais matérialisé. Votre rapporteur regrette que la LPM 2024-2030 ne fasse aucune mention d’une capacité spatiale d’alerte avancée, alors que les menaces hypersoniques et balistiques se multiplient. L’avance technologique dont la France bénéficiait il y a peu encore en la matière pourrait être rattrapée par l’Allemagne. La société allemande OHB a ainsi pris la tête d’un programme européen Odin’s eye portant sur la détection des missiles balistiques et hypersoniques depuis l’espace. La mise en place d’une capacité souveraine d’alerte avancée permettrait aux Européens de s’extraire de leur dépendance actuelle aux informations fournies à ce sujet par les Américains dans le cadre de l’Alliance atlantique.

Par ailleurs, concernant la très haute atmosphère (THA) votre rapporteur appelle au développement urgent d’un programme souverain de fusée-sonde permettant à terme de lancer des véhicules hyper-soniques souverains (type V-MAX) sans dépendance à une solution étrangère.

D.   Être acteur des ruptures technologiques en cours

Le maintien de la France parmi les grandes puissances spatiales militaires dépendra de notre capacité à anticiper et prendre le virage des dernières ruptures technologiques en cours.

1.   Anticiper les technologies de rupture

La résilience de nos capacités spatiales résultera d’une bonne anticipation des technologies de rupture, notamment grâce aux financements des études amont dans le cadre du programme 144 de la mission « Défense ».

À cet égard, l’utilisation accrue de liaisons optiques (laser) bord-sol et inter-satellites devrait considérablement accroître la qualité des télécommunications spatiales militaires. Les communications laser permettent de s’émanciper des interférences radiofréquences observées dans l’espace, de s’affranchir des réglementations relatives à la coordination d’utilisation du spectre radio et surtout d’accéder à des débits de transmission très importants. En outre, une liaison optique est plus difficilement détectable qu’un faisceau radiofréquence tout en étant plus difficile à brouiller par nature. Votre rapporteur salue l’annonce récente par le ministère des Armées de l’établissement d’une liaison laser stable entre un nano-satellite en orbite basse (Keraunos) et une station sol optique ([32]). Cette expérimentation est le résultat d’une collaboration entre l’Agence de l’innovation de défense (AID) et deux entreprises du New Space français, Unseenlabs et Cailabs. Cette réussite rend possible l’utilisation de communications laser spatiales sur des plateformes mobiles, terrestres, navales ou aériennes. Votre rapporteur appelle à présent à organiser le passage à l’échelle de cette démonstration.

Votre rapporteur encourage également le passage à l’échelle des projets visant à développer les applications militaires de l’imagerie hyperspectrale, à l’instar de la solution nano-satellite au cœur du projet HYP4U ([33]).

2.   Ne pas manquer le virage des constellations en orbite basse

Les constellations en orbite basse offrent un indéniable intérêt pour les forces armées en ce qu’elles sont reconfigurables, évolutives et résilientes : la perte d’un satellite n’altère pas le fonctionnement d’une constellation tandis qu’un satellite défectueux peut facilement être remplacé pour peu qu’on dispose de capacités spatiales « réactives ». En outre, les constellations permettent de traiter la double problématique du taux de revisite et de la zone d’effort, en offrant des capacités d’observation de tout temps et en tous lieux. Votre rapporteur a précédemment rappelé la complémentarité nécessaire entre des satellites patrimoniaux de télécommunications militaires en orbite géostationnaire et une constellation de connectivité en orbite basse qui diminuera de manière substantielle le délai de latence indispensable à l’efficacité de notre futur cloud de combat et offrira une meilleure résilience de notre architecture SATCOM.

Pour des raisons budgétaires, le choix d’une constellation européenne a été fait avec le projet Iris2. Le programme, dont le coût est évalué à 10,6 milliards d'euros, dont 2,6 milliards de fonds publics européens, a fait l’objet d’une offre remise le 3 septembre dernier à la Commission européenne par un consortium composé de SES, Eutelsat et Hispasat. La signature du contrat par la commission européenne est attendue d’ici la fin de l’année. Initialement envisagée à partir de 2027, la mise en œuvre opérationnelle de la constellation Iris2 est désormais prévue en 2030.

Votre rapporteur appelle de ses vœux les manufacturiers et opérateurs de satellites français engagés dans le projet Iris2 à mettre à profit ce projet pour préserver en leur sein l’excellence des savoir-faire français en matière spatiale. Votre rapporteur rappelle néanmoins la nécessité de lancer dans les meilleurs délais les études relatives au système souverain Syracuse V. Le choix du « LEO » ne doit pas se faire au détriment du « GEO », les deux solutions étant absolument complémentaires et non exclusives l’une de l’autre.

3.   Nouer un réseau d’opérateurs publics et privés de confiance pour accroître les services délivrés en appui aux forces armées françaises

Il importe de trouver le point d’équilibre adéquat entre un « noyau dur » de capacités spatiales militaires patrimoniales et des achats maîtrisés de services spatiaux à des opérateurs privés de confiance des armées.

Le tout patrimonial militaire est inatteignable dans les conditions budgétaires actuelles. Le CDE a précisé à votre rapporteur que « le triptyque patrimonial- coopérations internationales- services spatiaux concourait à une montée en puissance rapide et soutenable de la puissance spatiale militaire française : si les capacités patrimoniales garantissent une certaine autonomie nationale, les capacités issues des coopérations consentent une « dépendance maîtrisée » et l’augmentation du recours au secteur privé est devenue une nécessité pour maintenir un avantage opérationnel sur l’ensemble du spectre des missions spatiales ». Dans une certaine mesure, la diversification des sources de nos moyens spatiaux (patrimonial, coopérations et commercial) permet également de renforcer la résilience de nos capacités.

À cet égard, votre rapporteur salue le partenariat récent entre l’AID et l’Alliance New Space qui fédère aujourd’hui 42 start-ups et PME françaises du secteur spatial, implantées sur l’ensemble du territoire national et dans une grande variété de segments. Cet accord devrait permettre de favoriser la détection précoce par les armées d’innovations duales susceptibles d’accroître le potentiel spatial militaire national.

E.   Renforcer notre capacité d’action dans et depuis l’espace

1.   Renforcer nos moyens de surveillance de l’espace en temps réel

Afin d’apprécier de manière autonome la situation spatiale, la France doit en priorité améliorer ses capacités de surveillance de l’espace afin de réduire sa dépendance au catalogue de données publiques américaines. Nos capacités patrimoniales de surveillance de l’espace sont encore largement insuffisantes et doivent être urgemment modernisées et renforcées. Votre rapporteur regrette de nouveau qu’un seul radar de veille spatiale modernisé ait été inscrit en loi de programmation. Il appelle à lancer dans les meilleurs délais le développement de ce radar Graves de nouvelle génération et souhaite que la France soit dotée à terme de deux radars Graves-NG afin d’étendre la couverture géographique de notre surveillance spatiale et renforcer sa résilience.

Par ailleurs, en lien avec le CDE et la DGA, l’amélioration continue de la performance des services offerts par les opérateurs de confiance des armées doit être recherchée. Ainsi, à terme, les évolutions du réseau Hélix pourraient notamment lui permettre d’étendre les capacités de surveillance des orbites basses (LEO) et de qualifier des solutions optiques de veille grands champs et de télémétrie laser.

2.   Renforcer nos capacités d’action dans l’espace

Il est à présent urgent d’accélérer le déploiement du volet « action dans l’espace » de la LPM. Pour cela, le lancement du démonstrateur YODA ne doit pas souffrir de retard majeur. Or, les documents budgétaires d’accompagnement du PLF pour 2025 signalent un report du lancement de Yoda à « 2026, voire 2027 ». Votre rapporteur est extrêmement préoccupé de ce retard qui semble à présent acté. Tout report du lancement de Yoda différerait en effet dangereusement la montée en compétences des opérateurs du CDE sur le volet « action dans l’espace ». Il pourrait retarder d’autant la mise en service de la capacité opérationnelle EGIDE, situation qu’il convient à tout prix d’éviter.

Concernant le volet « action dans l’espace » en orbite basse, votre rapporteur salue la notification récente par l’Agence d’innovation de la défense (AID) à la start-up U-Space de la réalisation d’une démonstration d’actions en orbite basse au profit du CDE. À travers le démonstrateur TOUTATIS ([34]), deux satellites seront mis en œuvre : un premier satellite « d’action en orbite basse » disposant d’une capacité de manœuvre élevée et d’un ensemble de sous-systèmes permettant une autonomie d’approche et d’actions et un second satellite « guetteur » aux capacités d’observation accrues. Le lancement du démonstrateur Toutatis est prévu en 2026. Votre rapporteur appelle de ses vœux la tenue ferme de ce calendrier afin de ne pas retarder la montée en compétences des opérateurs du CDE et doter rapidement la France d’une capacité concrète d’action dans l’espace.

Le développement de projets complémentaires d’actions dans l’espace doit être concrétisé afin de pouvoir entrer en service opérationnel au sein du CDE avant la fin de la décennie. Votre rapporteur plaide notamment pour un passage à l’échelle des projets de « laser Bloomlase » et « Flamhe » évoqués dans le livret de présentation de la LPM 2024-2030 ([35]).

La technologie laser Bloomlase serait utilisée depuis le sol et permettrait la mise en place d’une réponse graduée à un acte hostile. Elle permettrait notamment d’éblouir un satellite d’observation. Cette technologie est aujourd’hui conçue par ArianeGroup et doit permettre à terme de doter la France d’une capacité opérationnelle. En novembre 2021, le chef d’état-major de la Marine nationale avait déclaré : « Les lasers peuvent également être une arme de guerre spatiale opérée depuis les bateaux : ils peuvent ainsi aveugler des satellites d’observation pour assurer la dissimulation de forces navales en situation de conflit ».

En complément, l’utilisation plus complexe de laser en orbite (projet FLAMHE) permettrait de neutraliser des satellites inamicaux en ne créant aucun débris contrairement à un effecteur cinétique. Votre rapporteur appelle de ses vœux le lancement d’un appel à projets du ministère des Armées visant à doter avant la fin de la décennie les forces armées d’une primo-capacité de technologie laser opérationnel depuis le sol et en orbite.

En outre, afin d’accroître notre capacité d’action et de réaction dans l’espace, votre rapporteur plaide pour le développement d’études relatives à un avion spatial militaire. Ce dernier, lancé de manière flexible grâce au lanceur réactif militaire précédemment évoqué par le rapporteur, permettrait notamment de récupérer des satellites hors d’usage, de placer en orbite une charge utile, ou encore de désorbiter proprement un satellite sans générer de débris supplémentaires dans l’espace. Il permettrait également, selon ses spécificités, de mener des actions dans l’espace en cas de légitime défense.

3.   Renforcer la préparation opérationnelle des forces

Votre rapporteur salue la parfaite organisation par le CDE depuis 2021 de l’exercice annuel AsterX. Cet exercice consiste à entraîner les opérateurs spatiaux aux opérations spatiales militaires selon un scénario géopolitique fictif dans lequel la France agit en tant que Nation-cadre dans un environnement spatial réaliste. Le rapporteur salue tout particulièrement l’intégration par le CDE de partenaires étrangers à sa structure C2. Unique en Europe par son ampleur et son niveau, AsterX est devenu un exercice militaire spatial de référence.

Votre rapporteur encourage l’intégration du domaine spatial dans l’ensemble des grands exercices opérationnels des armées. Cette intégration permettra de diffuser la culture spatiale parmi toutes les composantes des forces, au-delà des seuls opérateurs de l’armée de l’air et de l’espace. À cet égard, la participation du CDE au prochain exercice Orion 2026 va dans le bon sens, tout comme la création d’un nouvel indicateur de suivi du « nombre d’exercices du domaine spatial » dans le PLF pour 2025.

F.   Consolider notre doctrine d’action dans l’espace

En ce qui concerne les opérations spatiales, l’absence de seuil clair caractérisant un acte hostile dans l’espace, la nature duale de certains satellites et l’intrication des opérations civiles, commerciales et militaires dans l’espace ouvrent la voie à une zone grise caractéristique de la guerre hybride. Les menaces spatiales peuvent cependant être classées selon leur réversibilité ; les lasers, le brouillage, les actions cyber sont par exemple des menaces réversibles tandis que la désorbitation et les tirs antisatellites sont considérés comme des menaces non réversibles.

Depuis la « rupture stratégique » opérée en 2019 par la stratégie spatiale de défense, la doctrine française de « défense active » est en cours de consolidation. Afin de préserver notre liberté d’action dans l’espace, le choix a été fait de ne pas mener d’actions défensives susceptibles de créer de la pollution spatiale pour les raisons précédemment évoquées par le rapporteur. En sus de cette première ligne rouge, la stratégie spatiale de défense évoque seulement des moyens de « défense active » et non des « moyens offensifs » d’action dans l’espace, la différence étant certes ténue mais reposant essentiellement sur le respect du principe de « légitime défense » en cas d’agression armée dans l’espace ou dans un autre milieu. Le domaine spatial militaire devrait bénéficier à terme d’un répertoire d’action diversifié, permettant de répondre à un acte hostile de manière proportionnée et non-escalatoire, en conformité avec les engagements internationaux de la France.

Votre rapporteur espère que la colocalisation à Toulouse du Commandement de l’Espace et du centre d’excellence spatial de l’Otan permettra au CDE de faire rayonner au sein de l’OTAN la doctrine française d’action dans l’espace en cours de construction.

Votre rapporteur plaide pour le maintien d’une ambivalence stratégique sur le seuil caractéristique d’un acte hostile dans l’espace ainsi que la nature d’une riposte française en cas d’agression des intérêts français dans l’espace. Il rappelle qu’une agression des intérêts français dans ou depuis l’espace ne doit pas nécessairement entraîner une riposte dans ou depuis le milieu spatial.


   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   Audition de M. Jérôme Bellanger, chef d’état-major de l’Armée de l’air et de l’espace

La commission a entendu le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger, chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace, sur le projet de loi de finances 2025 (n° 324), au cours de sa réunion du mercredi 16 octobre 2024 :

M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, nous poursuivons notre cycle d’auditions consacré au projet de loi de finances pour 2025.

Mon général, nous sommes très honorés de vous auditionner pour la première fois en votre qualité de chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace (Cemaae). Vous occupez cette fonction depuis le 16 septembre dernier.

Après une première partie de carrière opérationnelle de pilote de chasse, vous avez occupé plusieurs postes au sein de l’inspection de l’armée de l’air, puis commandé la base aérienne 113 à vocation nucléaire de Saint-Dizier. Après un passage à la base aérienne 701 de Salon-de-Provence, où vous avez été directeur général de l’École de l’Air, vous avez été nommé en 2020 chef de cabinet du chef d’état-major des armées (Cema), puis commandant des forces aériennes stratégiques (FAS) en 2021.

L’armée de l’air et de l’espace (AAE) est au cœur de plusieurs priorités de la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, dite LPM 2024 – 2030 : la modernisation de notre dissuasion nucléaire et de sa composante aéroportée, dont nous venons tout juste de fêter les 60 ans lors d’une très belle cérémonie ; le renforcement de la défense sol-air et de la lutte anti-drone (LAD), largement éprouvées cet été au cœur du dispositif de sécurité aérienne des jeux olympiques et paralympiques (JOP) Paris 2024 ; le développement de nos capacités spatiales, notamment de défense active ; la confirmation de la dynamique vers le tout-Rafale. Vous évoquerez certainement en détail la concrétisation de ces priorités au sein du projet de loi de finances pour 2025, s’agissant notamment du développement de nos capacités spatiales, dont vous avez fait un axe d’effort prioritaire.

Nous espérons avoir le plaisir de vous entendre évoquer l’engagement opérationnel des aviateurs, qui a été particulièrement intense cette année, de la mission Pégase 2024 aux JOP en passant par les déploiements en Nouvelle-Calédonie. Par-delà les sujets strictement capacitaires, notre commission est particulièrement attentive aux ressources humaines. Nous savons combien ces enjeux sont essentiels pour la pérennité de l’AAE. Nous sommes impatients de savoir de quelle façon vous relèverez ces défis.

M. le général Jérôme Bellanger, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace (CEMAAE). Mesdames, messieurs les députés de la commission de la défense nationale et des forces armées, je tiens à vous remercier de votre mobilisation le 28 septembre dernier à Istres, à l’occasion de la journée portes ouvertes de la base aérienne, et la semaine dernière à Saint-Dizier pour le soixantième anniversaire de la première prise d’alerte de la composante nucléaire aéroportée, le 8 octobre 1964.

Je me permets de rappeler que la traditionnelle présentation des capacités de l’AAE aura lieu à Évreux le 7 novembre prochain ; nous vous y attendons nombreux. Votre présence à nos côtés lors de ces occasions, n’en doutez pas, démontre l’intérêt que vous portez à l’AAE, ce à quoi les aviatrices et les aviateurs sont très sensibles.

J’évoquerai d’abord les engagements majeurs de l’AAE au cours des derniers mois, ce qui me permettra de mettre en lumière la cohérence de notre action et de vous éclairer au mieux pour l’examen de ce projet de loi de finances pour 2025.

L’AAE a eu un été particulièrement dense, voire hors norme, de la crise en Nouvelle-Calédonie aux JOP, de la sécurisation du flanc Est de l’Europe à la mission Pégase 2024. Elle a aussi eu un été douloureux : j’ai une pensée pour le commandant Mabire et le capitaine Laurens, nos deux pilotes de Rafale morts en mission d’entraînement au combat aérien le 14 août dernier. Cette perte nous rappelle que des hommes et des femmes s’entraînent quotidiennement aux missions les plus difficiles pour assurer aux armées françaises une capacité opérationnelle prête à faire face aux menaces d’un monde de plus en plus dangereux.

Sur le flanc Est de l’Europe, les affrontements se poursuivent, notamment sous forme d’attaques de missiles et de drones tactiques – l’arme aérienne occupe toujours une place centrale dans les combats. Nous poursuivons nos déploiements de chasseurs en Lituanie dans le cadre du dispositif Enhanced Air Policing (eAP).

Nous poursuivons nos missions régulières d’appréciation de situation, de réassurance et d’interopérabilité le long des frontières des pays alliés, au départ de métropole et depuis certaines bases alliées, dans le cadre de l’expérimentation du concept de mise en œuvre réactive de l’arme aérienne (MORANE). Il s’agit de déploiements d’avions avec l’empreinte logistique la plus légère possible, ce qui permet d’être très agile lors de déplacements entre bases aériennes. En outre, un système sol-air de moyenne portée terrestre (Samp-T) Mamba est déployé en Roumanie depuis le 15 mai 2022.

L’AAE contribue au soutien à l’Ukraine par le biais d’actions de formation et de cessions de matériels, notamment de Mirage 2000-5, dont la livraison a été annoncée par le ministre pour le premier semestre 2025.

Au Proche-Orient, si l’Irak semble être sur le point de réussir à contenir Daech sur son territoire, l’opération Chammal n’en est pas moins toujours active pour protéger les soldats français en poste sur nos emprises, avec ou sans nos alliés. En revanche, en Syrie, Daech demeure une menace résurgente. L’opération Chammal s’est adaptée aux mutations en portant une attention toute particulière aux partenariats militaires opérationnels (PMO), afin de poursuivre son appui aux forces irakiennes engagées sur le terrain dans la lutte contre Daech. La coopération bilatérale air est articulée autour de trois axes d’effort : accompagner le partenaire irakien dans la protection de son espace aérien ; développer ses compétences dans le domaine des opérations aériennes ; développer l’interopérabilité avec les moyens de l’AAE et la capacité à réaliser des opérations conjointes.

L’Afrique, notamment le Sahel, reste un point majeur d’attention. La seconde moitié de l’année 2023 a été marquée par le désengagement en bon ordre du Niger. L’action de l’AAE a été recentrée sur le PMO au profit du Tchad et des pays du Golfe de Guinée. Grâce à la réactivité et à la flexibilité d’emploi offertes par ces avions prépositionnés sur le théâtre, nous accompagnons la montée en puissance des armées de l’air locales.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, ce que nous avons accompli cet été n’a sans doute pas encore été apprécié à sa juste mesure. Entre le début de l’alerte et le 1er juin 2024, nous avons réalisé 28 rotations depuis le hub des armées de la base aérienne 125 d’Istres. Nous avons projeté sous très court préavis, à 19 000 kilomètres, près de 2 000 personnes et 240 tonnes de fret, grâce à une mobilisation majeure de nos flottes de transport, et notamment des avions multi rôles de transport et de ravitaillement (MRTT) de la flotte de transport stratégique au prix de nombreux renoncements sur d’autres missions. Cette mission emblématique aurait été inimaginable il y a trois ans. Nous y sommes parvenus grâce à notre flotte qui sera mature à quinze MRTT, dont trois sont actuellement en rétrofit.

La mise en œuvre de ces moyens a aussi été possible par l’expertise acquise durant les missions Pégase. L’édition 2024 de cette mission a été couronnée de succès. Dans la continuité des projections réalisées en 2022 et 2023, et réalisant le défi de mener deux projections de puissance aérienne vers l’Asie du Sud-Est en simultané, elle s’est achevée avec le retour de l’ensemble du dispositif en France le jeudi 15 août, à l’issue d’une mission d’envergure de 90 000 km en 50 jours

En huit semaines de déploiement, la mission Pégase s’est posée dans treize pays. Elle s’est pleinement inscrite dans le soutien de la stratégie française en Indopacifique, tout en présentant un fort aspect européen, grâce à deux déploiements conjoints, l’un avec les pays partenaires du système de combat aérien du futur (SCAF), l’Allemagne et l’Espagne, sur la route Ouest, l’autre avec l’Angleterre sur la route Est, tous deux à destination de l’Australie.

Nous avons réalisé trois exercices majeurs sur trois continents différents pour renforcer la préparation opérationnelle à la haute intensité, avec nos partenaires et aussi pour réaliser notre entraînement organique. Enfin, une dimension de diplomatie aérienne qui a été supérieure à celle de la précédente, tant se poser dans treize pays lors d’escales valorisées offre la possibilité d’échanger et de faire du signalement stratégique.

Lors des JOP, l’AAE était chargée de la protection dans la troisième dimension de toute la séquence, de la cérémonie d’ouverture, le 26 juillet, à la parade des athlètes, le 14 septembre, soit cinquante-trois jours de vigilance de tous les instants. À cet effet, le socle de posture permanente de sûreté aérienne (PPS-A) a été renforcé et complété par des dispositifs particuliers de sûreté aérienne (DPSA) à en Île-de-France et à Marseille. Les vecteurs engagés ont réalisé 350 missions totalisant quatre-vingt-dix interceptions, soit autant que les décollages d’avions de chasse sur alerte au cours de l’année 2023.

Au sol, les capacités de détection et d’action renforcées – Samp-T Mamba ; missiles sol-air Crotale NG ; missile sol-air de courte portée (Mistral) ; radar espagnol ; missile d’interception, de combat et d’autodéfense (Mica VL) – ont été employés en opération pour la première fois. Quant à la gestion des zones interdites de survol en Île-de-France, elle a été possible grâce à une structure créée à cet effet, le Centre de coordination civilo-militaire des opérations aériennes (C3MOA). Cette structure au caractère interministériel affirmé a permis de mener une lutte anti-drones (LAD) efficace et de grande envergure, préparée notamment par les exercices Coubertin LAD 1 et Coubertin LAD 2 et par le retour d’expérience (Retex) de la Coupe du monde de rugby en 2023. Dans le cadre de la contribution de l’AAE à la sécurisation des JOP, 3 000 aviateurs ont été mobilisés.

Ces opérations démontrent l’engagement quotidien de l’AAE et la nécessité pour elle de bénéficier d’une cohérence budgétaire, qui est un prérequis pour disposer d’une cohérence capacitaire et opérationnelle.

À ce sujet, j’aborderai trois axes majeurs du budget de l’AAE au sein du projet de loi de finances pour 2025 : la valorisation du capital humain, qui est le cœur de l’AAE et au centre de mes préoccupations ; l’activité organique de l’AAE, qui lui permet de réaliser les missions qui lui sont confiées ; la programmation capacitaire, qui permet de renforcer notre crédibilité opérationnelle en tant que puissance aérospatiale.

Mon premier point d’attention, dans la lignée de la préservation de notre cœur de souveraineté, est de m’assurer que le projet de loi de finances pour 2025 place au centre de l’attention les aviateurs et leurs familles, pour être en mesure de recruter, de former et de conserver ceux dont l’AAE a besoin. Le durcissement de l’environnement opérationnel et la complexité accrue de la conflictualité ainsi que les évolutions sociales et sociétales imposent la mise en œuvre d’une politique de ressources humaines garantissant en permanence la mise à disposition des unités de personnels motivés, bien formés et compétents.

La structure des ressources humaines de notre armée est fragile. Il est donc nécessaire de rééquilibrer le modèle, alors même que la LPM 2024 – 2030 prévoit une augmentation de notre effectif de 724 aviateurs. Fragile en volume, elle l’est aussi en raison des difficultés de fidélisation rencontrées au cours des dernières années, qui ont entraîné une déflation significative du nombre d’aviateurs dans nos rangs, laquelle complique à son tour la satisfaction des contrats opérationnels, alors même que la LPM 2024 – 2030 prend acte de nouveaux besoins capacitaires, notamment dans les domaines de l’espace et du cyber.

S’agissant des sous-officiers, dont la classe compte environ 23 000 personnes et qui sont l’épine dorsale de notre effectif, une nouvelle politique de parcours a été créée, ne laissant aucun domaine de côté. Elle offre notamment un cadencement de contrat repensé, des formations en alternance et un nouveau parcours pour les brevets supérieurs de spécialisation. 2025 sera l’année de l’analyse des effets sur les ressources humaines de ce plan et de son éventuelle adaptation.

S’agissant des officiers, dont la classe compte 6 700 personnes, ils assument de fortes sujétions, notamment en matière de mobilité et de sollicitation opérationnelle, ce à quoi nous devons impérativement veiller à apporter de justes compensations. Les générations actuelles sont particulièrement attentives à la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle. Par ailleurs, nos chaînes de métiers sont de plus en plus techniques, ce qui induit un besoin croissant d’officiers très spécialisés, auxquels il faut proposer un parcours attractif hors de la chaîne classique de commandement.

S’agissant des militaires techniciens de l’air (MTA), l’objectif est de les inciter à gravir l’escalier social, ce qui constitue pour nous un véritable défi en matière de formation.

Pour valoriser le capital humain dont elle dispose, l’AAE doit mettre en œuvre une politique agile, moderne, simplifiée, adaptée aux attentes de la nouvelle génération, bien plus individualisée, bien comprise et acceptée. Telles sont les conditions de sa réussite. Je veille à inscrire mon action dans plusieurs lignes de gestion : le recrutement, la formation, les parcours professionnels et la reconversion. La chaîne de recrutement s’est formidablement bien adaptée et transformée. Notre visibilité s’est accrue grâce à des campagnes publicitaires, au site internet devenir-aviateur.fr, à des centres d’information et de recrutement des forces armées en ligne (e-Cirfa) et à une forte présence sur les réseaux sociaux.

Le recrutement est la garantie de la soutenabilité de notre modèle. Il faut rétablir la cohérence de la rotation des personnels pour éviter une surchauffe de l’outil de formation et de trop nombreux départs sitôt la formation achevée.

La formation est un processus stratégique. Elle est très fortement sollicitée. Nous cherchons donc à l’adapter au juste besoin, afin de gagner du temps tout en continuant à bien former.

Notre outil se transforme. Dans le cadre du projet SmartSchool, nous procédons à une digitalisation et à une modernisation profonde des outils de formation. Nous mutualisons des programmes avec d’autres organismes de formation tels que l’École nationale de l’aviation civile (ENAC), l’Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace (ISAE) – Supaéro et, en matière de formation aux métiers des ressources humaines, avec l’université de Tours. Par ailleurs, nous entamons le déploiement de formations en alternance dans le domaine de la cybersécurité et pour les mécaniciens d’avion, et recourons largement à l’apprentissage dans le cadre de l’école d’enseignement technique de l’armée de l’air et de l’espace (EETAAE) de Saintes.

Le modèle des ressources humaines de l’AAE repose également sur notre capacité à construire des parcours qualifiants permettant aux aviateurs de progresser et de se former tout au long de leurs carrières. Il comporte de nombreuses mesures concrètes : le déploiement de nouveaux parcours au profit des sous-officiers et des MTA ; la modernisation de la politique de la mobilité, au sein de laquelle le nouveau système des paliers destiné aux sous-officiers offre de la visibilité aux personnels ; l’amélioration de la prise en compte de la reconversion afin de gérer les flux de départ, notamment grâce à des conventions conclues sur le même modèle qu’avec Air France permettant de juguler le départ des personnels navigants ; l’amélioration du dialogue entre l’administration et l’aviateur grâce à un site dédié ; le déploiement d’outils numériques modernes et efficaces dans le cadre du projet DRHAAE 4.0. Cette attention portée à la gestion de notre personnel permet de le fidéliser. Il s’agit de conserver les compétences et les expertises, et de rentabiliser la formation de haut niveau que l’AAE dispense à ses aviateurs.

Par ailleurs, avec un taux de personnel militaire féminin de 24,8 %, l’AAE se féminise davantage chaque année. Au demeurant, la politique de mixité de l’AAE est une vraie ligne de force de notre modèle.

Il faut conforter les mesures du plan Fidélisation 360, qui concrétise une ambition du ministre, face à un secteur aéronautique privé particulièrement dynamique et volontiers prédateur des savoir-faire de notre personnel. À ce sujet, l’évolution de la grille indiciaire des sous-officiers en 2024 et de celle des officiers en 2025 est particulièrement attendue par le personnel.

Assurer le bien-être de nos aviateurs suppose aussi de prendre soin de nos infrastructures et de notre réseau de bases aériennes, dont le parc d’hébergement est vétuste. Dans ces conditions, l’AAE a réparti le budget alloué en tenant principalement compte de l’amélioration des conditions d’hébergement, en priorisant les écoles et les ayants droit que sont les MTA, d’une part, et, d’autre part, de l’accompagnement des évolutions en matière de ressources humaines induites par la réorganisation de certaines emprises, dont la mise à niveau capacitaire de la base aérienne d’Orange pour l’accueil d’une escadre de Rafale et la réinstallation du commandement des Forces aériennes stratégiques (FAS) à la base aérienne de Taverny sont des exemples typiques.

S’agissant des réserves, nous avons élaboré un plan pluriannuel dénommé Cap réserve Air 2030, qui permettra à terme d’atteindre un effectif de près de 12 000 réservistes opérationnels formés, entraînés et mobilisables en complément individuel ou au sein d’unités élémentaires de réserve (UER), lesquelles seront déployées sur les bases aériennes de métropole et d’outre-mer ou rassemblées au sein d’une base aérienne de réserve armée de 450 réservistes.

En matière de doctrine d’emploi, notre réserve s’articule autour d’une réserve de combat directement employable au sein des unités opérationnelles, d’une réserve territoriale chargée de la protection des emprises de l’AAE ou du territoire national et d’une réserve d’expertise employée dans des métiers de niche, notamment dans les domaines des ressources humaines, du cyber et de l’espace.

Par ailleurs, je porte une attention toute particulière aux liens établis avec la jeunesse, notamment dans le cadre des escadrilles air jeunesse (EAJ), que vous avez pu rencontrer à la base aérienne d’Istres. Je tiens à en poursuivre le développement compte tenu du succès qu’elles rencontrent auprès de nos jeunes concitoyens.

J’en viens à l’activité organique de l’AAE, qui lui permet de réaliser les missions qui lui sont confiées. Le projet de loi de finances pour 2025 doit permettre de compter sur des ressources conformes à la trajectoire prévue par la LPM 2024 – 2030, pour s’assurer que les aviateurs continuent à remplir les missions essentielles que sont la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire aéroportée, la protection de l’espace aérien souverain et des opérations d’intervention aériennes et spatiales.

Le montant global des ressources allouées au budget opérationnel de programme (BOP) Air est conforme à la trajectoire prévue par la LPM 2024 – 2030. Il est de 3,54 milliards en crédits de paiement et de 3,33 milliards en autorisations d’engagement. Après l’effort significatif en matière de crédits consacrés à la préparation des forces en 2024, le projet de loi de finances pour 2025 permet de maintenir un plateau d’activité des flottes de chasseurs, d’avions de transport et d’hélicoptères de 2025 à 2027.

Il permet aussi d’assurer le maintien en condition opérationnelle (MCO) de matériels en très grande majorité aéronautiques, à hauteur de 66 % du BOP Air, soit 2,2 milliards, donc de soutenir l’activité et la disponibilité des équipements de l’AAE. Il permet notamment d’acheter des stocks de pièces détachées pour assurer le soutien de notre avion radar E-3F Awacs jusqu’à son retrait du service, rendu nécessaire par le début de retrait du service des flottes américaines et de l’Otan, d’étendre le périmètre du soutien des matériels liés au système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA) et d’améliorer le soutien de la flotte d’A400M.

Par ailleurs, l’AAE doit assurer une activité au profit de nos outre-mer. L’AAE est présente sur dix sites hors de la métropole, dont cinq dans nos outre-mer et cinq à l’étranger. Compte tenu des élongations, seule la puissance aérienne autorise un accès rapide à de nombreuses parties du globe afin d’assurer la protection des intérêts français et l’évacuation de nos ressortissants, à laquelle nous avons récemment procédé au Soudan et au Niger, et il y a trois ans en Afghanistan.

L’action par les airs offre la réactivité nécessaire pour assurer la continuité de l’État dans des situations exceptionnelles, telles que celle qui prévaut actuellement en Nouvelle-Calédonie. L’ambition de l’AAE est de renforcer sa présence outre-mer, en complétant ses forces prépositionnées par des escales plus régulières et de plus en plus longues d’A400M, coordonnées avec les commandants supérieurs (COMSUP), en vue de procéder à terme à un détachement permanent.

L’emploi de drones aériens et d’avions de surveillance légers pour surveiller des espaces étendus, marquer notre présence et orienter les interventions, en s’inspirant de l’emploi de drones Reaper dans le cadre de la mission de surveillance, est à l’étude, conformément aux orientations de la LPM 2024 – 2030. Par ailleurs, nous développerons davantage le concept Morane qui, dès les phases de compétition et de contestation, répond aux besoins des armées en multipliant les opportunités de communication stratégique pour démontrer si nécessaire notre détermination à nos adversaires et à nos compétiteurs.

J’en viens à la programmation capacitaire, qui permet de renforcer notre crédibilité opérationnelle en tant que puissance aérospatiale. Le projet de loi de finances pour 2025 rend soutenable, pour la période 2025 – 2027, l’agrégat budgétaire des programmes à effet majeur (PEM), tout en intégrant de nouvelles priorités dont l’intelligence artificielle, ainsi que des besoins essentiels.

Parmi ceux-ci, nous avons notamment ciblé la défense sol-air, qu’il faut transformer en défense sol-air intégrée c’est-à-dire multicouche dont la lutte anti-drone avec un C2 propre, la guerre électronique – notamment la capacité de suppression des défenses aériennes ennemies (SEAD) – et la connectivité – le développement de la simulation massive en réseau (SMR) permettra des entraînements tactiques, en complément de nos simulateurs historiques offrant un entraînement plus technique, en vue d’un déploiement opérationnel en 2025 pour les données non classifiées.

S’agissant du programme 146 Équipement des forces, l’année 2024 a permis un indispensable effort sur les munitions, qui a donné lieu à un recomplètement de systèmes de croisière conventionnels autonomes à longue portée (Scalp), d’armements air-sol modulaires (AASM) et de missiles Aster, à des commandes supplémentaires et à une remotorisation du missile d’interception, de combat et d’autodéfense (Mica) NG, et au lancement des travaux sur l’artillerie anti-aérienne. Cet effort a également permis de tenir compte d’objets prioritaires pour l’AAE, tels que le développement – essentiel – du standard F5 du Rafale, du drone de combat, de la réfection des infrastructures aéronautiques, notamment dans les outre-mer, de la production avancée de pods Talios ainsi que de kits Medevac et la sécurisation de la partie relative aux infrastructures du programme d’avion de transport école du futur visant à remplacer le Xingu.

En 2025, des décisions capacitaires importantes resteront à prendre sur le recomplètement du parc de chasseurs, la feuille de route de l’aviation de transport et le choix du successeur de l’E-3F Awacs. Au sein du projet de loi de finances pour 2025, l’AAE a identifié trois enjeux capacitaires principaux.

Le premier est la poursuite du passage progressif au tout Rafale, qui se concrétisera par la livraison de quatorze Rafale en 2025 et par la montée en puissance de l’escadron Rafale sur la base aérienne 115 d’Orange-Caritat.

Le deuxième est le renouvellement de la flotte d’hélicoptères de manœuvre grâce à la livraison de cinq H-225 Caracal sur les huit commandés en 2020, lors de la crise du covid, dans le cadre du plan de soutien à l’aéronautique. Deux d’entre eux ont été livrés en 2024. Ces appareils seront stationnés outre-mer en priorité pour relever les hélicoptères Puma vieillissants.

Le troisième est la modernisation de l’aviation de transport tactique et stratégique grâce à la livraison d’un A400M, à une reconversion en MRTT supplémentaire et à l’acquisition d’un Falcon 900 et d’un avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR). Au début de l’année 2025, Ariane 6 mettra en orbite le troisième satellite de la composante spatiale optique (CSO-3), qui améliorera les capacités des armées dans les domaines de la connaissance, de l’analyse et de l’anticipation. À la fin de l’année 2025, le bâtiment définitif du commandement de l’espace (CDE) sera livré à Toulouse. Par ailleurs, les travaux sur la LAD seront poursuivis.

Ainsi, des choix déterminants s’imposeront dans tous les agrégats budgétaires. Ils impacteront directement le futur format de l’AAE. Nous resterons vigilants à ce sujet. Le projet de loi de finances pour 2025 comporte des avancées concrètes pour notre armée. Nous prenons la mesure de l’effort financier consenti en faveur de la défense. Soyez assurés que je veillerai à l’usage en toute occurrence de chaque euro au profit d’une capacité opérationnelle répondant aux menaces de notre environnement.

J’en viens plus particulièrement à l’espace, qui mérite toute notre attention. La LPM 2024 – 2030 consolide les moyens ambitieux alloués par la LPM 2019 – 2025. Elle prévoit une enveloppe de 6 milliards, dont 700 millions dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, pour relever les défis de la stratégie spatiale de défense, faire face à l’extension de la conflictualité dans ce domaine et garantir notre autonomie stratégique.

J’ai trois points d’attention. Le premier est d’être en mesure de mener des opérations spatiales militaires. La protection des intérêts nationaux dans l’espace incombe aux armées. Dans ce cadre le CDE planifie et conduit des opérations spatiales militaires, notamment l’appui spatial aux opérations militaires, la compréhension du milieu, qui est assez singulier, et l’action dans l’espace.

La stratégie spatiale de défense française (SSD), publiée en 2019, inscrit l’action dans l’espace dans la notion de défense active, qui comprend toutes les mesures passives et actives pour conserver, en toutes circonstances, la liberté d’accès vers, dans et depuis l’espace. L’un des objectifs du CDE est donc de se doter rapidement de satellites patrouilleurs-guetteurs en orbite géostationnaire capables de défendre nos capacités spatiales stratégiques.

L’enjeu est de lancer au plus vite notre démonstrateur de satellite patrouilleur afin que les opérateurs militaires développent des savoir-faire essentiels à la mise en œuvre de ces moyens de défense active avant l’arrivée à l’horizon 2030 d’une première capacité réellement opérationnelle.

Mon deuxième point d’attention est de nourrir une ambition capacitaire à la hauteur du statut de la France. La LPM 2024 – 2030 permet de consolider non seulement l’appui spatial aux opérations grâce aux capacités d’observation, d’écoute et de télécommunication, mais aussi de mettre en place une structure de commandement capable de planifier et de conduire les actions vers, dans et depuis l’espace, de renforcer nos moyens de surveillance de l’espace et de contractualiser des services commerciaux complémentaires concourant à la supériorité opérationnelle. Cette approche est au cœur du programme « Action et résilience spatiale » (Ares), qui repose sur un triptyque : surveillance et connaissance de l’espace ; outil de commandement et de contrôle ; action dans l’espace.

L’effort financier permettra plus particulièrement de renforcer ces trois piliers, mis en œuvre au sein du futur bâtiment du CDE, qui sera livré à la fin de l’année 2025. Il permettra également de poursuivre le renouvellement des capacités spatiales militaires. En matière d’action depuis l’espace, il s’agit de CSO-3 et, à partir de 2030, d’IRIS, du programme de capacité électromagnétique spatiale (CELESTE) qui succédera au programme CERES, et de la préparation de Syracuse V à la fin de la période couverte par la LPM 2024 – 2030.

S’agissant du renforcement de l’action vers l’espace, nous prendrons livraison du radar Aurore, qui est le successeur du radar GRAVES. Ce radar de nouvelle génération permettra une situation spatiale autonome et précise. Le développement et l’expérimentation d’aveuglement de satellites depuis le sol permettront d’en faire la démonstration avant la fin de la décennie. S’agissant de notre action dans l’espace, elle bénéficie du programme d’yeux en orbite pour un démonstrateur agile (YODA), précurseur du programme EGIDE, complété par le programme TOUTATIS de démonstrateurs innovants injectés en orbite basse dès 2026.

Mon troisième point d’attention est de développer le recours aux services spatiaux qui, en complément de nos moyens patrimoniaux, contribuent à la supériorité opérationnelle dans tous les domaines – surveillance de l’espace ; observation ; écoute ; communication – et constituent à ce titre un vrai pivot au sein de la LPM 2024 – 2030. Depuis plusieurs années, le CDE commande des services spatiaux à plusieurs sociétés telles que ArianeGroup, Safran Data Systems et Airbus Defence and Space et Exotrail.

La montée en puissance du CDE se poursuit. L’enjeu est d’accélérer la mise en œuvre de la SSD, s’agissant notamment de l’action dans l’espace, en développant les capacités qui nous permettront d’améliorer notre réactivité opérationnelle vers l’espace.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Frank Giletti (RN). Le groupe Rassemblement national adresse ses pensées les plus sincères aux familles des pilotes qui nous ont tragiquement quittés cet été, le capitaine Sébastien Mabire et le lieutenant Mathis Laurens ainsi que Didier Berger, pilote cuersois vivant dans ma circonscription, décédé aux commandes de son appareil lors d’un show aérien au Lavandou. Soyez assuré, mon général, de notre plein et entier soutien.

Ma question porte sur l’écosystème de l’aviation de chasse au sein de l’AAE. Comme je l’ai indiqué, pour le regretter, dans mon dernier rapport pour avis, le format de notre flotte d’aviation de chasse est préoccupant. La LPM 2024 – 2030 a fixé à 137 le nombre de Rafale dont disposera l’AAE à l’horizon 2030, soit quarante-huit avions de moins que la cible de 185 Rafale fixée par la LPM 2019 – 2025. Le manque d’ambition de cette nouvelle cible est regrettable, d’autant que les flottes stratégique et conventionnelle de Rafale sont de facto mutualisées dans le cadre d’un empilement des contrats opérationnels.

La réduction de la cible Rafale aura nécessairement des conséquences délétères sur les indicateurs d’activité opérationnelle, qui sont légèrement inférieures aux cibles, et surtout sur la disponibilité des matériels, qui sont sursollicités dans un contexte où les engagements opérationnels de nos aviateurs se multiplient – posture de dissuasion ; posture permanente de sûreté aérienne (PPSA) ; missions de service public ; formation de nos partenaires africains ; crise en mer Rouge ; déploiement sur le flanc oriental de l’Europe.

Le 6 juin dernier, le Président de la République annonçait pourtant la cession de plusieurs Mirage 2000-5 aux forces armées ukrainiennes (FAU), amputant d’autant les stocks de l’AAE. En août, nous avons eu la tristesse d’apprendre la collision en vol de deux de nos Rafale. À court terme, ces prochaines cessions, ainsi que le modèle de soutien complet aux FAU qui leur est associé, paupériseront encore davantage le format pourtant taillé au plus juste de notre aviation de chasse. Par ailleurs, elles provoqueront un report d’activité sur la flotte de Rafale et accéléreront de fait, sous toute réserve, le retrait du service opérationnel du Mirage 2000-5.

En tenant compte de tous ces éléments, quelles garanties l’AAE a-t-elle reçu au sujet du recomplètement des aéronefs cédés et des équipements de mission afférents ? Quel est l’avenir des Mirage 2000-5 encore en service dans la flotte de chasse française ? Leur MCO pourra-t-il être correctement assuré ? Est-il possible d’anticiper certaines commandes de la cinquième tranche de Rafale pour limiter la réduction temporaire du format de notre aviation de chasse ?

M. le général Jérôme Bellanger. Notre aviation de chasse doit fournir au chef des armées la capacité de frapper n’importe quel adversaire, n’importe où et n’importe quand. Cela signifie, pour nous, agir sous très court préavis tout en maintenant la réversibilité et en assurant la gradation des effets, du signalement stratégique à la frappe nucléaire.

Nous avons besoin, pour assurer nos contrats opérationnels, de l’activité de 185 avions de chasse. En cas de crise majeure, compte tenu du contexte qui prévaut à l’heure actuelle, nous pourrons assurer nos contrats opérationnels, qu’il s’agisse de missions permanentes telles que la dissuasion et la PPSA ou de missions entrant dans le cadre d’une hypothèse d’engagement majeur (HEM).

Le format actuel comporte des Rafale, des Mirage 2000-5 et des Mirage 2000-D, dont la LPM 2024 – 2030 prévoit la rénovation. Les Mirage sont d’excellents appareils, qui exécutent parfaitement les missions qui leur sont confiées. Tout ne repose pas sur le Rafale.

Pour compenser l’attrition des matériels et les cessions sans renoncer à la cible de 185 avions de chasse, nous augmenterons notre activité en adaptant le MCO, en lien avec la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) ce qui nécessitera la commande de pièces supplémentaires, et nous chercherons à accélérer les livraisons de Rafale de la cinquième tranche.

S’agissant du recomplètement, la montée en puissance se poursuivra en 2025 grâce à la livraison de quatorze Rafale en vue d’armer la cinquième escadre. Ils seront au standard F4, qui est un incrément capacitaire posant les premiers jalons du combat collaboratif – connectivité ; engagement ; survivabilité grâce au cyber ; disponibilité améliorée grâce une maintenance prédictive assurée par un nouveau calculateur.

Le standard F5 est attendu à l’horizon 2035. Il sera adapté au futur missile nucléaire ASN4G. Pour être opérationnel en 2035, ce nouveau standard devra être introduit en 2033. Il permettra de mieux pénétrer les défenses adverses, tâche qui sera facilitée par l’association d’un drone de combat.

M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Mon général, vous avez beaucoup parlé des femmes et des hommes. Ils sont essentiels. Nos pensées vont à celles et ceux morts pour la France dont vous avez cité le nom.

Je souhaite vous interroger sur la robotisation du combat aérien, sa modernisation et l’adaptation de nos moyens d’intervention aux besoins actuels.

Face à l’évolution de la menace, l’emploi des drones doit s’intégrer dans le concept d’opérations multimilieux et multichamps (M2MC), souvent difficile dans l’environnement parfois appelé 4D et souvent hostile. Cette interopérabilité, voire cette interdépendance vise à optimiser les synergies entre les plateformes de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, les plateformes effectrices aériennes, navales et terrestres ainsi que les munitions et autres charges utiles.

Cela n’est pas sans conséquence sur la doctrine tactique du commandement et du contrôle pour la mise en œuvre des drones, sur l’évolution des fonctions de chef de patrouille, de commandement de mission et de gestion du combat aérien, ainsi qu’à l’échelle interarmées. Dans ce monde fortement en mouvement, la robotisation des armées est tactiquement centrale. Sommes-nous au niveau des besoins et des changements en cours ? Si les moyens ont été fortement rehaussés l’année dernière pour rattraper le retard pris par la France, le coup de booster semble malheureusement insuffisant.

Par-delà la question des moyens se pose celle du choix. La guerre en Ukraine démontre la montée en puissance d’une guerre asymétrique dans laquelle les drones low cost jouent un rôle croissant. L’Europe investit dans des systèmes avancés tels que le Reaper, le Predator et le Scaf, qui sont nécessaires et essentiels. Toutefois, les conflits actuels suggèrent que la quantité et l’accessibilité des drones sont devenues des critères essentiels. Pouvez-vous partager votre regard sur la façon dont notre pays se positionne dans ces guerres de plus en plus asymétriques ?

M. le général Jérôme Bellanger. La seconde question s’inscrit dans le débat entre masse et technologie. Nous avons tiré de nombreuses leçons de la guerre en Ukraine, caractérisée par une utilisation à outrance des drones et une densification des attaques. Les munitions téléopérées (MTO) permettent d’aller « au-delà de la colline » et surtout de s’attaquer aux défenses adverses.

En matière de drones, nous avons pris du retard mais nous le rattrapons. Pour plusieurs raisons, nous nous sommes lancés dans la conception d’un drone volant à moyenne altitude et de longue endurance (MALE), en collaboration avec les Allemands. Même s’il a pris du retard, ce programme devrait tenir toutes ses promesses s’agissant du haut du spectre couvert par des engins assez volumineux, sans nous empêcher de nous intéresser au bas du spectre, couvert par des engins de plus petite taille susceptibles de servir au renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) et au renseignement d’origine image (ROIM).

S’agissant des drones de petite taille, nous ne sommes pas en retard. C’est un domaine que nous avons exploré, en accélérant la modernisation en tenant compte de ce qui se passe en Ukraine, qui la rend indispensable. Cette gamme va du drone tactique à des drones plus évolués de type Shahed, utilisés dans le conflit en Ukraine.

La robotisation du combat aérien est inévitable. Ce qui se passe en Ukraine constitue un bon démonstrateur.

Mme Corinne Vignon (EPR). Tandis que les tensions internationales s’intensifient, l’utilisation de l’espace est devenue un marqueur de souveraineté civile, militaire, technologique et économique de toutes nos sociétés. La multiplication des projets et des objets en orbite, la montée en puissance d’acteurs privés soutenant ces projets, les confrontations diplomatiques et militaires sur la militarisation de l’espace et la prolifération des débris sont autant de sujets centraux.

Prenant acte du caractère stratégique de l’espace pour notre nation, le Président de la République et le gouvernement précédent ont agi. La SSD évoque les menaces et les risques nouveaux pouvant bouleverser la liberté d’accès ou d’action dans l’espace et garantit l’appui spatial de nos forces armées. La LPM 2024 – 2030 a renforcé les moyens consacrés à l’espace à hauteur de 6 milliards.

Cette enveloppe permet une vision renouvelée du modèle industriel spatial français, une volonté de tirer avantage des opportunités offertes par le New space et une réflexion impliquant des relations modernisées entre le ministère des armées et le Centre national d’études spatiales (Cnes), par le biais du CDE créé à l’occasion. Basé à Toulouse, dans ma circonscription, le CDE accueillera près de 500 personnels en 2025. Il incarnera la nouvelle ambition et la montée en puissance de l’expertise spatiale militaire.

Afin d’accompagner cette dynamique, le projet de loi de finances pour 2025 consacre plus de 700 millions à l’espace, afin de gagner en autonomie stratégique en matière d’appréciation de situation, de décision et de conduite des opérations. Les crédits de la sous-action 12 Activités spatiales augmentent de 57 %.

Ma question porte sur le secteur satellitaire français. Le changement de paradigme du secteur, qui réduit le marché des satellites géostationnaires au profit des constellations de satellites et des satellites reconfigurables, est un tournant de l’histoire du secteur spatial, qui ouvrira d’immenses opportunités pour inventer les technologies du futur. Quelle est votre vision du virage que doivent prendre les satellitiers tricolores ?

M. le général Jérôme Bellanger. Nous sommes à un tournant, qu’il faut bien négocier pour faire un New space à la française. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas capitaliser sur ce que nous avons réussi à construire dans les années 1960 et 1970, au contraire. Les deux sont complémentaires.

Les lancements spatiaux connaissent un véritable embouteillage. Il faut se donner les moyens de compléter les lancements d’Ariane 6 et d’aider les start-up qui font des satellites de très petite taille ou de moyenne taille. Leur apport, pour des raisons de résilience et d’efficacité, est indispensable pour réaliser des constellations de satellites.

Nous n’agissons pas seuls dans l’espace, qui est un domaine où les partenariats sont indispensables. Outre les partenariats européens, nous avons besoin de notre allié américain pour compléter notre action et dialoguer. Nous menons avec eux des opérations et des exercices très utiles au CDE.

Nous sommes ravis de nous installer à Toulouse, où je me suis rendu le lendemain de ma prise de fonctions. Les travaux avancent à marche forcée. L’écosystème spatial autour de Toulouse sera bénéfique pour l’AAE.

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Ma question porte sur le spatial de défense. L’ouverture de 138 millions de crédits pour la maîtrise de l’espace est bienvenue, mais insuffisante compte tenu de la compétition internationale, du sur-déploiement des capacités américaines et chinoises et des nouvelles vulnérabilités et conflictualités. S’agissant du trafic orbital, les projets et les financements de mégaconstellations s’accumulent.

Le cas de Starlink est bien connu. Ce système représente 87 % du tonnage mondial satellisé au premier semestre 2024 et 70 % des satellites en orbite. Il comporte 6 403 unités opérationnelles. Le lanceur hyperlourd Starship, qui vient d’achever son cinquième vol, annonce une capacité d’emport de 100 tonnes en orbite basse, soit 1,5 fois plus qu’Ariane 6. Il pourrait saturer l’espace d’usages divers et variés. Par le biais de Starfield, qui est la version militaire de Starlink, SpaceX impose ses services à l’armée de l’air ou aux renseignements.

Face à cette astro-capitalisme militarisé, la France et l’Europe sont à la remorque. La montée en gamme du CDE est une première réponse, l’allocation de crédits au commandement des opérations spatiales militaires également, mais la France tâtonne. C’est pourquoi nous aimerions en savoir davantage.

Premièrement, s’agissant des lanceurs, Ariane 6 vous semble-t-elle suffire en matière capacitaire ? Les micro-lanceurs, réputés plus légers et flexibles d’usage, font-ils partie des options crédibles à développer encore ?

Deuxièmement, quels moyens seront alloués sur le long terme au développement de nos capacités orbitales ? Des études de l’orbite basse ont été lancées en 2019. Où en est le programme IRIS, que vous avez annoncé pour 2030 ?

Troisièmement, quels moyens sont alloués à la surveillance du trafic orbital ? Cette compétence est externalisée à des start-up. Avons-nous intérêt à l’internaliser ?

Par ailleurs, j’ai une question de doctrine plus fondamentale, laquelle justifie les engagements capacitaires à moyen et à long terme. Comment la France peut-elle en même temps ne pas fléchir dans la défense proactive du Traité de l’espace garanti par l’ONU exigeant que les usages de l’espace soient pacifiques et participer à la surenchère des dépenses dans les complexes militaro-industriels parmi les puissances aérospatiales ? Certes, l’horizon de la démilitarisation est abstrait et minoritaire ; pour notre groupe, il est autrement plus soutenable pour les activités spatiales civiles et militaires.

M. le général Jérôme Bellanger. S’agissant des lanceurs, il y a un véritable embouteillage pour accéder à l’espace. Or le CDE, comme d’autres, a besoin de s’exercer, ce qui suppose de disposer de satellites patrouilleurs-guetteurs. C’est un vrai problème, que nous espérons résoudre grâce à la mise en service d’Ariane 6.

Toutefois, nous ne sommes pas en retard. Le radar GRAVES, bientôt remplacé par le radar AURORE, offre une situation spatiale autonome, qui nous permet même de voir certaines choses que nos partenaires européens ne voient pas. Dans tous ces domaines, nous nous inscrivons dans la SSD publiée en 2019.

S’agissant de la doctrine spatiale, nous nous en tenons à une défense active excluant tout état d’esprit offensif. Nous ne développons pas de missiles destinés à détruire certains satellites, comme le font entre autres les Russes. Nous poursuivons nos études des technologies de brouillage et du laser à énergie dirigée.

Mme Josy Poueyto (Dem). Le groupe Les Démocrates sera attentif aux crédits alloués aux armées. Nous serons particulièrement vigilants, lorsqu’il s’agira de voter le budget, pour qu’ils ne redeviennent pas la variable d’ajustement qu’ils étaient auparavant.

Dans le contexte géostratégique dégradé que nous connaissons, notre responsabilité collective est d’assurer la trajectoire budgétaire en vue de transformer nos armées, de répondre à l’évolution des menaces et de faire face au réarmement du monde. Cette évolution des menaces concerne à plus d’un titre à l’armée de l’air, laquelle a su s’adapter, au fil de ses quatre-vingt-dix ans d’histoire, jusqu’à devenir, en 2019, l’armée de l’air et de l’espace.

Lanceurs, satellites, constellations, massification de l’usage des drones, déni d’accès de plus en plus sophistiqué et performant : le ciel, la très haute altitude (THA) et l’espace extra-atmosphérique présentent de nouveaux enjeux. Nous sommes en train d’entrer dans ce nouveau monde.

C’est pourquoi la LPM 2024 – 2030 a fait le choix de conforter et de moderniser la dissuasion, clé de voûte de notre défense. Ce saut générationnel représentera en 2025 500 millions de crédits supplémentaires, non sans rappeler la place des FAS. Dans ce même budget 2025, nous lancerons le programme du porte-avions de nouvelle génération (PANG).

Par-delà les équipements et matériels identifiés dans le projet de loi de finances, je me demande toujours si le format de nos flottes est adapté aux défis. Je m’interroge sur la disponibilité des aéronefs ainsi que sur le niveau d’activité et de préparation opérationnelle. Pouvez-vous présenter votre analyse en la matière ?

Par ailleurs, j’aimerais savoir si vous disposez d’éléments sur le recrutement et sur la fidélisation des personnels, sans lesquels rien ne serait possible, ainsi que sur les violences sexuelles et sexistes (VSS) dans l’AAE.

M. le général Jérôme Bellanger. S’agissant du format de l’AAE et de la disponibilité des matériels, nous disposons de matériels extraordinaires, grâce à une base industrielle et technologique de défense (BITD) très particulière, dont peu de pays ont l’équivalent, et qui nous permet de mettre en œuvre des matériels efficaces et résilients avec une très bonne disponibilité. Le Rafale est un avion de chasse très mature dont la performance en opérations n’est plus à prouver et que nous exportons. Disposer de tels matériels nous permet de jouer sur leur disponibilité pour compenser le fait que le format de l’AAE est temporairement un peu en deçà du seuil nécessaire à la réalisation de nos heures de vol.

Nos personnels sont très bien formés et entraînés. Je viens de quitter le commandement des FAS. J’invite chacun d’entre vous à assister à une opération Poker pour prendre conscience que nous n’avons jamais cessé de nous entraîner à la haute intensité. C’est parce que nous menons une opération Poker quatre fois par an que nous sommes capables de mener un raid à longue distance tel que l’opération Hamilton qui a consisté à frapper en Syrie en 2018.

La modernisation de nos capacités s’inscrit dans la classique alliance du glaive et du bouclier. Elle permettra de conserver la capacité de pénétrer les défenses adverses, grâce à l’évolution du standard du Rafale, de F4 actuellement à F5 en 2035. Il ne s’agit pas de faire plaisir à Dassault Aviation, mais de conserver la capacité de pénétrer les défenses ennemies.

En matière de recrutement et de fidélisation, nous avons assisté pendant plusieurs années à une hémorragie de personnel, qu’il était structurellement difficile de fidéliser. Grâce notamment à la nouvelle politique de rémunération des militaires, à l’individualisation des parcours et au développement de la formation continue, la fidélisation des personnels porte ses fruits et l’hémorragie est jugulée. En 2024, nous devrions atteindre les objectifs de notre schéma d’emplois, notamment en recrutant 3 540 aviateurs.

S’agissant des VSS, le sujet est traité au plus haut niveau dans le cadre d’un comité de pilotage. Au sein de l’AAE, nous l’avons très tôt pris au sérieux. Nous nous attachons, après avoir connu plusieurs types de situations, à accompagner la victime dans la durée et à sanctionner l‘agresseur après avoir pris les mesures de précautions qui s’imposent dès le début. Pour maintenir durablement cet état d’esprit, nous formons de plus en plus les personnels à l’accompagnement des victimes.

M. Matthieu Bloch (UDR). Le groupe UDR s’associe à la peine des familles et des collègues des aviateurs qui ont disparu cette année, nous rappelant que, même en exercice, nos pilotes risquent leur vie. Nous leur devons une reconnaissance éternelle.

Les Rafale de dernière génération ont été prévus pour fonctionner en soutien avec des drones. Comme Frank Giletti, je suis préoccupé par la pente décroissante du nombre d’aéronefs disponibles à l’avenir. La modernisation des Rafale de dernière génération et leur accompagnement par des drones permettent-ils de diminuer le nombre d’aéronefs ?

Par ailleurs, quel est le calendrier du déploiement du Rafale sur la base aérienne 116 de Luxeuil-les-Bains ? Ce déploiement comportera-t-il une composante nucléaire, comme ce fut jadis le cas ?

M. le général Jérôme Bellanger. S’agissant de l’accompagnement de drone, celui-ci est complémentaire du vecteur piloté pour faciliter la pénétration des lignes ennemies. Le Rafale F5 accompagné d’un drone pénétrera mieux les défenses ennemies, ce qui ne veut pas dire qu’il ne les pénétrera pas si le drone n’est pas là. Le drone est un moyen déporté connecté au Rafale qui lui permet de mener encore mieux sa mission et de réaliser pleinement son potentiel.

La base de Luxeuil-les-Bains accueillera deux escadrons de Rafale. Il est trop tôt pour dire s’il s’agira de Rafale emportant l’arme nucléaire. La décision sera prise au plus haut niveau de l’État.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Romain Tonussi (RN). La fidélisation des pilotes de chasse est un enjeu majeur pour l’AAE, confrontée à des départs vers l’aviation civile faute d’être en capacité de leur permettre de réaliser suffisamment d’heures de vol, ce pour quoi ils se sont initialement engagés. En outre, l’Otan fixe un objectif minimal de 180 heures de vol par an. On ne peut que constater que le projet de loi de finances pour 2025 maintient le doute sur cette donnée, qui n’est pas accessible à tous les parlementaires, ce qui entrave l’exercice de leur fonction de contrôle.

Par ailleurs, la diminution de la flotte d’avions de chasse a nécessairement un impact sur le nombre d’heures de vol, donc sur la motivation de nos pilotes. La LPM 2024 – 2030 prévoit d’atteindre l’objectif de 180 heures de vol d’ici 2030. Les moyens alloués par le projet de loi de finances pour 2025 sont-ils suffisants pour faire face à cette hausse d’activité ?

M. le général Jérôme Bellanger. Très sincèrement, nous parvenons à maintenir notre activité, qui dépend des machines sur lesquelles nous volons. S’agissant du Rafale, qui est un avion polyvalent, il faut atteindre environ 160 heures d’entraînement organique et réaliser de soixante heures de simulation. Et il est important de conserver cette répartition 1/3 de simulation et 2/3 de vol pour conserver le sens de l’air et appréhender l’ensemble des missions confiées à un pilote de Rafale. Tels sont les chiffres que la LPM 2024 – 2030 prévoit d’atteindre ; nous sommes au rendez-vous.

Par ailleurs, la réduction de la flotte des Rafale n’induit pas nécessairement une diminution du nombre d’heures de vol. En mettant à profit le MCO pour augmenter l’activité, quitte à les user plus rapidement, il est possible de le maintenir. C’est ainsi que nous parviendrons, à court terme seulement, à nous entraîner, l’objectif d’un format à 185 avions Rafales étant maintenu.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Thales Alenia Space a annoncé la suppression de 1 300 postes dans le secteur spatial, dont 1 124 en France sur les sites stratégiques de Toulouse, Cannes et Brest, où quatre-vingts postes sont concernés. Cette décision a été prise alors même que le groupe affiche des résultats financiers exceptionnels, avec plus de 2 milliards de bénéfices, et que le marché spatial connaît une forte croissance en 2024.

Ce matin, nous avons appris qu’Airbus a l’intention de supprimer jusqu’à 2 500 postes de sa branche Défense et espace. Compte tenu de l’importance cruciale des satellites pour nos télécommunications sécurisées, pour la surveillance des espaces aériens et pour la coordination des opérations militaires, cette réduction d’effectifs pourrait impacter les capacités opérationnelles et technologiques de la France, notamment en matière de défense et de soutien des troupes sur le terrain.

Que pensez-vous de ces suppressions de postes et de leurs conséquences en matière de perte de souveraineté nationale, de compétence et d’expérience pour notre secteur spatial ? Estimez-vous que les efforts de l’État sont suffisants pour respecter nos objectifs stratégiques dans le domaine spatial ?

M. le général Jérôme Bellanger. Il m’est difficile de répondre à ces questions. L’objet de mon audition est le projet de loi de finances pour 2025, non les suppressions de postes chez Airbus ou Thales. Il ne m’appartient pas de commenter de telles décisions.

S’agissant des moyens alloués par l’État à l’AAE, appliquer la SSD n’empêche certes pas d’être confronté à des problèmes en matière de lancement et, de rencontrer peut-être demain de problèmes sur les satellites et les constellations. Ces problèmes sont pris en compte. Le projet de loi de finances pour 2025 nous permet de rester à un bon niveau et de développer une stratégie spatiale souveraine.

Mme Catherine Rimbert (RN). Un amendement à la LPM 2024 – 2030 dispose que, dans les années 2030, le Rafale porté au standard F5 pourrait être accompagné d’un drone issu du démonstrateur Neuron. Toutefois, au sein du projet de loi de finances pour 2025, le financement du couple Rafale/Neuron, qui est crucial pour le développement de nos capacités de combat aérien, suscite de nombreuses interrogations. L’intégration et la mise en activité du couple Rafale/drone de combat sont un enjeu stratégique pour les années à venir. Quelles sont les priorités budgétaires pour en assurer le développement ?

Par ailleurs, le budget 2025 permet-il de garantir que les objectifs de capacité opérationnelle fixés pour 2030, notamment en matière de connectivité, de furtivité et de mise en réseau des systèmes, seront atteints ?

M. le général Jérôme Bellanger. Le développement, annoncé par le ministre, d’un Rafale F5 accompagné d’un drone et emportant le missile ASN4G dispose de financements.

Il faut bien comprendre qu’il s’agit d’une véritable rupture technologique. Le Rafale F5 sera un autre avion, même s’il est développé à mi-vie. Quant au missile ASN4G, il représente une rupture comparable au passage, dans l’armement nucléaire, de la bombe à gravitation au missile de croisière. Nous passons du missile de croisière au missile hypervéloce, à la fois hypersonique et doté de capacités de manœuvrabilité, ce qui constitue une véritable rupture technologique.

S’agissant du développement du standard F5 et de l’ASN4G, nous sommes sur le trait prévu. S’agissant du drone d’accompagnement, qui est une nouveauté, il facilitera la pénétration du Rafale F5 grâce à une connectivité accrue avec le Rafale et avec d’autres entités.

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Général, la notion de puissance aérospatiale ne me semble pas aller de soi du point de vue de la clarté terminologique. Elle va contre l’institutionnalisation de la scission entre l’air et l’espace, rappelée par l’intitulé de la fonction que vous occupez. Elle va aussi contre le développement, à l’étranger, de forces spatiales sur le modèle de la Space force américaine. Pouvez-vous nous fournir des éclaircissements sur ce point ? Au demeurant, la puissance spatiale, en France, est d’abord économique. Le secteur spatial est massivement placé sous la tutelle de Bercy, investissements compris.

S’agissant des plans sociaux annoncés par Thales Alenia Space et Airbus Defence and Space, ils mettent en danger la BITD, sur laquelle vous devez compter pour engager vos capacités. La question de notre collègue Lepvraud n’était donc pas sans lien avec ces dernières. La fragilisation de cette industrie n’est pas une bonne nouvelle.

M. le général Jérôme Bellanger. La puissance aérospatiale fait débat. J’aurais dû, pour être exact, parler de puissance militaire aérospatiale. Mon objectif est de renforcer le statut de puissance militaire aérospatiale de l’AAE. Si je lie l’aérien et le spatial, c’est parce qu’ils sont séparés, de vingt à cent kilomètres d’altitude, par la très haute altitude (THA). Cette zone vierge, c’est le Far West. Elle a été mise en lumière lorsque les Américains ont abattu, avec un missile air-air tiré par un F-22, un ballon chinois qui y circulait.

Dans cette zone, il faut absolument investir. D’une part, elle est duale. Elle permettra de déployer des systèmes résilients en matière de communications, de connexion à internet et de surveillance à des fins civiles et militaires. D’autre part, la nature ayant horreur du vide, si nous n’y allons pas, d’autres iront à notre place. Il est hors de question de laisser des ballons chinois se positionner au-dessus de nos têtes et nous observer. Nous devrons donc développer des moyens de neutralisation capables d’atteindre la THA.

Nous explorons les possibilités. Des entreprises développent des prototypes, tels que l’avion solaire Zephyr d’Airbus et le Stratobus de Thales Alenia Space. Leurs travaux sont très intéressants. Nous sommes avec eux pour les aider à obtenir enfin des capacités dans la THA.

M. le président Jean-Michel Jacques. Mon général, au nom des membres de la commission, je vous remercie de vos réponses.


II.   Examen des crédits

La commission a examiné, pour avis, pour avis, sur le rapport de M. Frank Giletti, les crédits relatifs à la « Préparation et l’emploi des forces : Air » de la mission « Défense », pour 2025, au cours de sa réunion du 30 octobre 2024.

 

M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle l’examen des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, de la mission Défense et du programme Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. En préambule, je souhaite une nouvelle fois rendre hommage aux pilotes de l’armée de l’air et de l’espace tragiquement décédés en service aérien commandé cet été, le capitaine Sébastien Mabire et lieutenant Matthis Laurens. En tant que législateurs, nous nous devons d’être à la hauteur des sacrifices consentis par nos militaires au service de la nation. Nous leur devons un budget à la hauteur des besoins et des espérances, qui sont immenses.

Le projet de budget qui nous est soumis respecte la marche à 3,3 milliards d’euros, prévu par la LPM 2024-2030. J’en prends bonne note, mais je serai particulièrement vigilant vis-à-vis de la fin de la gestion. 2024. En effet, de nombreux points d’interrogation quant à l’exécution budgétaire 2024 persistent et pourraient notamment remettre en cause le respect de la LPM à l’euro près et, en conséquence, la capacité des forces aériennes à atteindre les objectifs fixés par la programmation. Les surcoûts des missions opérationnelles déployées sur le flanc oriental de l’Europe seront-ils pris en charge au niveau interministériel, comme ce fut le cas les années précédentes, dans le contexte budgétaire très contraint que nous connaissons ? Rien n’est moins certain et les BOP de nos armées en seraient les premières victimes.

S’agissant des conditions d’examen du PLF pour 2025, je déplore, comme l’an dernier, que les indicateurs d’activité et de disponibilité des matériels ne soient plus rendus publics. Si j’ai pu les consulter en tant que rapporteur budgétaire, ce n’est pas le cas de l’ensemble de nos collègues parlementaires à qui l’on demande pourtant de se prononcer de manière éclairée sur le budget. Comment un parlementaire peut-il évaluer l’efficience des crédits du MCO s’il ne peut contrôler la disponibilité des aéronefs ?

Or les crédits votés en faveur de l’amélioration du maintien en condition opérationnelle des aéronefs représentent tout de même près de 62 % des crédits du BOP de l’armée de l’air, soit un budget significatif. Je précise que l’armée américaine fait preuve de plus de transparence. Un récent rapport de l’équivalent américain de la Cour des comptes a ainsi étrillé la disponibilité des flottes du F35, qui n’ont pas atteint leurs objectifs de disponibilité au cours des six derniers mois. J’invite donc le gouvernement français à ne pas rougir de nos propres indicateurs de disponibilité et d’activité, en osant les publier à nouveau. Enfin, je souhaite alerter sur le retard des réponses au questionnaire budgétaire, pourtant envoyé en juillet. Un tel retard complexifie le travail des rapporteurs budgétaires.

Pour 2025, les crédits de paiement de l’action 4 du programme 178 n’augmenteront que très peu cette année par rapport à l’an dernier (46 millions d’euros contre 618 millions d’euros dans la loi de finances initiale 2024). Les principales hausses de crédits interviennent au profit de l’activité des forces aériennes et des forces stratégiques. Je note également la hausse significative du budget des activités spatiales, à hauteur de 56 %.

Pour autant, la faible évolution des crédits paiement BOP Air cache des renoncements préjudiciables à la bonne tenue des contrats opérationnels. Je souhaite notamment mettre en avant quelques-uns de mes principaux points de vigilance. Premièrement, si la disponibilité du segment chasse semble en légère progression cette année, la montée en puissance des contrats verticalisés de MCO prend cependant du temps et la disponibilité des matériels demeure trop contrastée au sein du parc de l’armée de l’air. L’accélération du retrait des flottes anciennes, telles que les hélicoptères Puma et les avions radars Awacs, est nécessaire. Je me réjouis de la relève prioritaire des Puma sur les sites de Cayenne, Djibouti et Nouméa par des hélicoptères H225M Caracal en 2025 et 2026.

Deuxièmement, le format de notre flotte d’aviation de chasse est préoccupant. La LPM 2024-2030 a fixé à 137 le nombre de Rafale dont disposera l’armée de l’air et de l’espace à l’horizon 2030, soit 48 avions de moins que la cible de 185 Rafale fixée par la LPM 2019-2035. Nous ne pouvons que regretter le manque d’ambition de cette cible, alors que la flotte stratégique et la flotte conventionnelle de Rafale sont de facto mutualisées. La réduction de la cible Rafale entraînera nécessairement des conséquences délétères sur les indicateurs d’activités opérationnelles, qui sont légèrement inférieurs aux cibles, mais surtout sur la disponibilité des matériels, qui sont sursollicités. Or cette sursollicitation ne devrait que croître puisque la France devrait céder dans les prochains mois plusieurs Mirage 2000-5 aux forces armées ukrainiennes. Ces sessions occasionneront un report d’activité sur la flotte de Rafale, dont les coûts de MCO augmenteront.

Troisièmement, je regrette la baisse de 8 % des crédits de paiement de l’opération stratégique « Infrastructures ». Les pistes aéronautiques constituent un outil de combat de l’armée de l’air et de l’espace, et un élément essentiel de la sécurité aérienne, dont il ne faut jamais négliger l’entretien.

Quatrièmement, le chantier de revalorisation des grilles indiciaires des sous-officiers supérieurs et des officiers soulève d’immenses attentes au sein de la communauté de l’armée de l’air et de l’espace. Les départs de sous-officiers se ralentissent en 2024, en partie parce que nombre de militaires sont dans l’attente de cette revalorisation. Je regrette que les contingences politiques récentes aient entraîné un report de deux mois au 1er décembre 2024 de la nouvelle grille des sous-officiers supérieurs. La revalorisation de la grille des officiers interviendra à la fin de l’année 2025. Le gouvernement devrait être à la hauteur des espérances de nos militaires en cette réforme.

La partie thématique de mon avis budgétaire est consacrée au spatial de défense. Alors que le bâtiment définitif du commandement de l’espace (CDE) doit être livré à Toulouse en 2025, sa montée en puissance fournit l’occasion de faire un point sur la mise en œuvre de la stratégie spatiale de défense dévoilée en 2019. Je me suis d’ailleurs réjoui de voir le chef d’état-major de l’armée de l’air de l’espace, le général Bellanger, effectuer sa première visite au CDE à Toulouse.

L’espace est un multiplicateur de force pour l’ensemble des opérations militaires. Toutes les composantes des armées utilisent des moyens de renseignement, de communication, de géolocalisation, de navigation ou de synchronisation reposant sur les capacités spatiales. L’espace joue donc un rôle clé dans l’appui aux opérations, qui s’accroîtra notamment dans le cadre de la mise en œuvre prochaine du combat collaboratif.

L’accélération du déploiement de la stratégie spatiale de défense est une nécessité absolue, alors que la conflictualité dans l’espace est croissante. L’offre de lanceurs doit être augmentée afin de préserver notre liberté d’accès à l’espace. Les armées devront disposer de lanceurs de plus en plus réactifs afin de traiter la fin de vie ou le maintien en condition opérationnelle d’une large flotte de satellites en orbite basse.

Nos capacités souveraines de surveillance de la situation spatiale doivent être augmentées afin d’apprécier de manière autonome la situation spatiale. Le « tout patrimonial » n’étant pas possible, nos capacités spatiales souveraines doivent être étoffées par des achats de services spatiaux auprès d’opérateurs de confiance bien identifiés et fidélisés.

Lors des débats relatifs à la LPM, j’ai regretté le manque d’ambition du patch spatial, qui a notamment acté le sacrifice du satellite de télécommunication Syracuse 4C au nom de la mise en place prochaine d’une constellation de connectivité européenne en orbite basse, Iris2. Or cette constellation va subir un retard important et sa pleine capacité opérationnelle ne pourrait finalement intervenir qu’en 2030.

Les constellations de connectivité en orbite basse offriront de nombreux avantages, parmi lesquels un temps de latence fortement diminué dans la communication, une dimension indispensable pour le futur cloud de combat. Disposer de grappes de centaines, voire de milliers de satellites accroît aussi la résilience des capacités spatiales d’une nation. Pour autant, il ne faut pas opposer Iris2 et Syracuse, l’orbite basse et l’orbite géostationnaire. Les deux offres se complètent utilement et n’offrent pas les mêmes avantages.

Il est à présent urgent de décliner le volet spatial de la LPM, alors que plusieurs systèmes spatiaux militaires arriveront à échéance autour de 2030 : nos satellites d’observation optique (CSO) en 2030, nos satellites de renseignement électromagnétiques (Ceres) en 2029, ainsi que les satellites franco-italiens Sicral 2 et Athena-Fidus de télécommunication spatiale, en 2030. Je suis relativement confiant dans le prochain lancement du satellite CSO-3 en début d’année prochaine, mais rappelle qu’il aurait dû intervenir dès 2021 et n’a cessé d’être reporté en raison de la crise européenne des lanceurs que nous connaissions à cette époque.

Je salue l’annonce récente par le ministère des Armées du lancement à venir, en 2026, d’une capacité d’action dans l’espace en orbite basse avec Toutatis. En revanche, je déplore le report, toujours plus probable du lancement pourtant urgent de notre démonstrateur Yoda de patrouilleurs en orbite géostationnaire. Constitué de deux nanosatellites, Yoda devait initialement être lancé en 2025, mais le report à 2026 voire 2027 vient d’être acté. Pourtant, le lancement de Yoda est indispensable pour permettre aux opérateurs du CDE de monter en compétence sur le segment « actions dans l’espace », qui constitue la principale rupture introduite par la stratégie spatiale de défense.

Disposer de satellites patrouilleurs-guetteurs en orbite haute et basse nous permettra de sauvegarder notre liberté d’action dans l’espace. Nos compétiteurs stratégiques, eux, ne souffrent d’aucun retard dans la démonstration de leur capacité d’action dans l’espace. Afin de faire face aux menaces non réversibles de désorientation et de tirs antisatellites, il importe aujourd’hui de consolider notre doctrine d’action dans l’espace. Le domaine spatial militaire devrait bénéficier à terme d’un répertoire d’actions diversifiées permettant de répondre à un acte hostile de manière proportionnée et non escalatoire. Il me paraît toutefois essentiel de maintenir une ambivalence stratégique sur le seuil caractéristique d’un acte hostile dans l’espace, ainsi que la nature d’une riposte française en cas d’agression des intérêts français dans l’espace.

Pour terminer, l’acculturation de l’ensemble des armées aux enjeux spatiaux me semble essentielle, au-delà de la seule armée de l’air et de l’espace, pionnière sur le sujet. Il n’y a pas de défense sans espace ; il n’y a pas d’espace sans défense. La France est d’une puissance spatiale prééminente en Europe et doit le rester.

M. Romain Tonussi (RN). Dans votre rapport, vous vous inquiétez notamment du format sous-dimensionné de nos flottes d’aéronefs. Vous vous alertez des conséquences sur cette même flotte de la cession, annoncée par le Président de la République de plusieurs avions de chasse Mirage 2000-5 aux forces armées ukrainiennes. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Depuis trois ans que je suis rapporteur pour le budget de l’armée de l’air et de l’espace, je n’ai eu de cesse que d’alerter sur le format de notre aviation, particulièrement notre aviation de chasse. Tout est lié : format, nombre d’aéronefs, activités et disponibilités s’entremêlent et entraînent des répercussions sur nos missions.

Par rapport à la précédente LPM, la cible de Mirage 2000-D rénovés est passée de 55 à 48 avions ; et celle des Rafale de 185 à 137 avions. La cible de nos avions A400M est passée de cinquante à trente-cinq. En outre, nous n’avons que douze MRTT, ces avions qui participent à différents contrats opérationnels de l’armée de l’air et de l’espace. En mai-juin, en Nouvelle-Calédonie, neuf des douze MRTT dont nous disposons ont été sollicités pour établir le pont aérien. Ces avions, qui devraient être sanctuarisés dans le cadre de la posture permanente de dissuasion, ne peuvent pas l’être.

En outre, les conséquences d’un tel format au plus juste sont une grande sollicitation du matériel et du potentiel de vol de ces avions, ce qui augmente par ailleurs le besoin en MCO. La mutualisation de nos moyens à l’est de l’Europe, notre présence en Jordanie, à Djibouti, en Afrique, les opérations de mission intérieures en Nouvelle-Calédonie affectent ainsi la disponibilité de ces appareils.

Vous avez évoqué également la cession de Mirage 2000-5 aux forces armées ukrainiennes. Les missions dévolues à ces avions seront donc reportées sur d’autres aéronefs, ce qui nourrira le cercle vicieux de la consommation de potentiel et d’une moindre activité pour les pilotes. Nous pourrions compenser ces lacunes, en commandant dès maintenant des Rafale de la tranche 5.

Mme Catherine Rimbert (RN). La presse a récemment relaté les ambitions d’entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) étrangères concernant le marché « Red Air » de l’armée de l’air et de l’espace. Cette dernière est en effet contrainte d’externaliser à un prestataire privé la simulation d’une force d’opposition aérienne dans le cadre d’un marché qui portera annuellement sur 3 000 heures de vol, pour une durée d’au moins six ans. Comment vous positionnez-vous sur ce sujet majeur ?

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Une mission « Red Air » consiste à livrer une opposition aux pilotes de chasse dans le cadre de leur formation, de leur entraînement. Jusqu’à présent, l’escadron 3/8 Côte-d’Or, basé à Cazaux, remplissait cette mission, avec des Alpha Jet, qui arriveront en fin de vie en 2032-2033. L’armée de l’air et de l’espace a été contrainte de réduire leur activité, pour les consacrer à leur deuxième mission, dévolue à la Patrouille de France.

Le marché « Red Air » est en cours. Je serai particulièrement vigilant pour m’assurer que des entreprises étrangères ne bénéficient pas de ce marché, dans la mesure où elles auront à connaître de nos caractéristiques stratégiques et tactiques, qui doivent rester souveraines.

Les Alpha Jet arrivant bientôt en fin de vie, il est nécessaire de leur trouver des remplaçants. Malheureusement, à ce jour, il n’existe pas de marché ni d’études lancées sur ce sujet. J’appelle de mes vœux une solution de remplacement, aussi bien pour la mission Patrouille de France que pour la mission « Red Air ». Nos industriels sont tout à fait capables de créer cet objet, cette plateforme, qui pourrait compiler ces deux missions, mais encore faut-il qu’on leur en donne la commande.

M. Pascal Jenft (RN). Ma question porte sur la partie thématique de votre rapport consacré au spatial de défense. Vous déplorez dans celui-ci l’abandon par la LPM du troisième satellite de télécommunications spatiales Syracuse 4C. Simultanément, vous semblez conciliant avec la future constellation européenne de connectivité Iris2. Pourquoi tenez-vous cette position ? N’est-il pas préférable de s’en remettre à une architecture spatiale militaire souveraine comme Syracuse ?

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je ne raisonne pas en termes d’opposition, mais de complémentarité. En l’espèce, les deux sont, à mon sens, complémentaires. Les systèmes spatiaux de télécommunication satellitaire utilisés par les forces françaises sont répartis en trois catégories, liées à leurs fonctionnalités militaires. Le noyau dur est constitué par nos satellites Syracuse 4A et 4B, ainsi que du satellite franco-italien Sicral 2 ; le noyau étendu correspond au satellite franco-italien Athena-Fidus, mis en service opérationnel en août 2017 ; le reste étant constitué par des contrats commerciaux que la France passe avec des entreprises selon ses besoins.

La fin de vie en 2030 des satellites Sicral 2 et Athena-Fidus entraînera certainement un défaut de capacité de télécommunication. Je regrette que la LPM ne permette pas le lancement du Syracuse 4C, qui aurait permis de couvrir un espace plus important, notamment sur la partie indo-pacifique.

Compte tenu du contexte budgétaire, Iris2 peut répondre à ce besoin de connectivité en basse orbite satellitaire. Cette réactivité, cette capacité à gagner du temps est décisive. Demain, nos forces traiteront des missiles hypervéloces et des missiles balistiques et chaque seconde sera cruciale pour contrer les menaces.

En résumé, les satellites géostationnaires, ces engins lourds, résilients et coûteux sont complémentaires avec la constellation européenne Iris2. Je regrette cependant le désengagement de certains industriels et le retard accumulé. Il est donc nécessaire de renforcer nos capacités par ces deux systèmes.

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Pour ma part, je me réjouis de la cession de Mirage 2000-5 à l’Ukraine. En effet, la défense de l’Ukraine par ses armées contribue également à la sécurité de l’Europe. Ma question concerne le remplacement des Awacs. Si celui-ci doit intervenir, fera-t-il l’objet d’une coopération avec nos alliés ?

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Nous pouvons nous réjouir de cette cession, mais elle ne doit pas mettre à mal nos armées. Or, elle a de fait un impact sur les capacités de nos forces aériennes, qui sont sursollicitées. C’est la raison pour laquelle j’en appelle à une prise de conscience.

Je ne dispose pas d’informations particulières sur le remplacement des Awacs, mais je sais que l’Otan mène des études à ce sujet. Je rappelle que ces avions participent aussi de notre dissuasion nucléaire et sont nécessaires à la connaissance des milieux grâce à leur capacité d’éclairer au plus loin. En cas de remplacement, notre leitmotiv sera le recours à une solution souveraine.

M. Sylvain Maillard (EPR). Où en sommes-nous sur le programme système combat aérien du futur (Scaf) et sur les satellites géostationnaires ? Dans ce dernier cas, l’emplacement est stratégique. Or au-dessus de l’Europe, nos emplacements géostationnaires souverains sont parfois situés au-dessus de pays avec lesquels nous n’entretenons pas de bonnes relations. Disposez-vous d’indications sur le repositionnement ?

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. La phase 1B du Scaf, celle des études, s’achève. De notre côté, forts des expériences passées, nous ne croyons pas à cette collaboration franco-allemande. Je crois d’ailleurs que le ministre Sébastien Lecornu a émis récemment des réserves sur la poursuite de ces travaux. Lors des débats sur la LPM, j’avais d’ailleurs déjà alerté sur cet aspect. Cet avion doit porter la bombe nucléaire, apponter sur le PANG et doit pouvoir s’exporter. Or ces éléments sont en contradiction avec les besoins allemands.

Pour définir un projet de coopération, il faut d’abord établir une vision commune des spécificités, de sa doctrine d’emploi et du budget. Force est de constater que cela n’est pas le cas, sur le long terme. De même, je ne suis pas certain que les industriels soient particulièrement convaincus de l’avenir de ce projet de coopération et ils travaillent à des solutions annexes. Les sommes consacrées au Scaf doivent être réallouées à des entreprises françaises pour développer ces systèmes souverains.

Ensuite, la stratégie spatiale de défense française, initiée en 2019, commence à produire ses effets. Cependant, l’effet majeur de rupture concernera notre capacité à agir dans l’espace, pour donner un signalement stratégique à nos compétiteurs. Je rappelle que l’espace constitue un bien commun et que nous avons le droit d’évoluer partout à 36 000 kilomètres autour de la planète. La vraie question consiste en réalité à savoir comment nous prémunir de menaces de la part de nos compétiteurs, voire de nos adversaires. L’espace est l’affaire de toutes les armées.

 

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La commission en vient maintenant aux interventions des groupes politiques.

 

 

M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle la suite de l’examen pour avis des missions « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », « Défense » et « Sécurités ».

Nous commençons par les interventions des orateurs des groupes avant le vote sur les amendements et les crédits de ces trois missions.

Mme Caroline Colombier (RN). J’ai une pensée pour les hommes et les femmes engagés sous nos drapeaux, qu’ils soient militaires, civils de la défense, membres des forces de l’ordre ou anciens combattants. Par-delà les chiffres, ils sont au cœur des missions budgétaires dont nous allons débattre. Nous devons être collectivement à la hauteur de leur engagement, présent ou passé, qui peut aller jusqu’au sacrifice ultime.

Notre groupe d’opposition ne manquera pas d’interroger les ministres sur les manques et les incohérences des budgets présentés – c’est le jeu démocratique. Mais n’oublions pas l’essentiel : par-delà les clivages, nous parlons pour le même pays, la même nation, le même drapeau et pour tous ceux qui les défendent. Les ministres des armées et des anciens combattants représentent les armées d’une France qui tient encore son rang dans le concert des nations, grâce notamment à sa puissance militaire.

Celle-ci est cependant limitée. Notre armée n’a pas la masse critique – thème cher au général Burkhard – pour affronter un conflit de haute intensité. Elle est sous-dimensionnée pour protéger le deuxième domaine maritime du monde, avec seulement une centaine de navires. Les récents exercices Orion ont montré que beaucoup reste à faire dans le domaine des satellites. Son service de santé, pourtant le meilleur au monde, ne peut prendre en charge que huit blessés en urgence absolue en cas d’engagement majeur.

L’armée britannique qui, comme la nôtre, fut un temps incontestée, fait face aux mêmes défis. La question est de savoir si nous sommes prêts à aller vers la guerre, selon le titre du dernier livre du ministre des Armées, comptable des moyens mis en œuvre dans ce domaine. Il faut bien constater qu’il existe un écart entre l’autosatisfecit auquel il s’est livré et la réalité.

La hausse de 3,3 milliards des crédits de la mission Défense prévue pour 2025 par la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (LPM 2024 – 2030) n’est qu’une façade. Si l’on tient compte du surcoût des opérations extérieures (Opex), qui atteint 2 milliards et pour lequel aucune solidarité ministérielle n’est à attendre, et de la hausse de l’aide à l’Ukraine par le biais du recomplètement des matériels et des fonds alloués à la Facilité européenne pour la paix (FEP), la marche budgétaire est en réalité un faux plat. Si l’on ajoute à tout cela les gels et les surgels de crédits, dont le montant s’élève à 2,6 milliards pour 2024 et qui ne manqueront pas de se reproduire en 2025, on constate que le projet de loi de finances pour 2025 ne prévoit aucune hausse du budget de nos armées.

Dans le détail, on y retrouve les lubies macronistes qui font tant de mal à nos armées : 813 millions sont prévus pour le système de combat aérien du futur (Scaf) et 97,6 millions affectés au programme système principal de combat terrestre (MGCS) – deux projets qui s’enlisent et sont voués à l’échec. Le Scaf va à l’encontre de tous les fondamentaux de la coopération industrielle : ni doctrine d’emploi commune, ni coopération commune, ni spécification commune. Le MGCS est affecté des mêmes tares, que confirme le lancement par l’Allemagne et l’Italie d’un projet concurrent.

Pourtant, le Gouvernement persévère, au détriment des intérêts de notre pays et de toute logique industrielle. Certes, il faut un char du futur. Certes, il faut un avion du futur. Certes, la coopération est souhaitable, à condition qu’elle soit réellement utile et non destinée à satisfaire des chimères européistes qui ne mènent à rien – la référence gaulliste n’échappera pas à nos ministres.

Concernant la mission Défense, les amendements du groupe Rassemblement national s’attacheront à préserver une armée souveraine, plus humaine et plus innovante. Nous proposerons la réallocation des moyens dévolus à des programmes ou à des structures inutiles à des segments de nos armées qui en ont bien besoin. Nous défendrons une augmentation des moyens pour le cadre de travail et de vie de nos militaires et de leurs familles. Nous proposerons des amendements permettant d’innover et de rester dans la course avec nos compétiteurs, notamment dans le domaine spatial.

Les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation sont stables, à hauteur de 1,9 milliard. Toutefois, nous dénonçons avec force les économies réalisées sur le dos du monde combattant par le biais de la stagnation de la pension militaire d’invalidité (PMI). L’an dernier, devant cette commission, la secrétaire d’État Patricia Mirallès s’était engagée à faire progresser le point d’indice de la PMI de 4 % en deux ans. Tel ne sera pas le cas.

Faire des économies sur les anciens combattants en leur accordant une aumône n’est pas acceptable ! Notre groupe défendra une hausse du point d’indice de la PMI alignée sur le taux d’inflation de 2024. Sans vouloir polémiquer, chacun sait quelle mauvaise gestion a durablement affecté nos finances publiques. Faire des économies d’accord, mais pas au détriment de nos anciens combattants !

Par ailleurs, nous aurons à cœur de défendre le patrimoine du monde combattant, sans lequel la mémoire ne repose sur rien, par le biais d’amendements relatifs à la préservation des drapeaux, des stèles et des plaques commémoratives. Nous aurons également à cœur de défendre les moyens accordés aux associations et à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG). Enfin, nous défendrons une extension de la demi-part fiscale accordée aux veuves d’anciens combattants.

Concernant la mission Sécurités, dont les crédits relèvent du ministère de l’intérieur, nous tiendrons compte des observations du major général de la gendarmerie nationale (MGGN). L’un de nos membres, ancien gendarme, aura à cœur de défendre ses frères d’armes.

Notre vote sur les trois missions qui nous sont soumises pour avis dépendra du sort réservé à nos amendements. Nous sommes un parti d’opposition responsable. Nous espérons que le Gouvernement le sera à l’identique pour aboutir à un budget acceptable par tous.

M. Yannick Chenevard (EPR). 50,5 milliards de crédits : telle est l’enveloppe qui sera consacrée à notre défense en 2025, soit 3,3 milliards de plus qu’en 2024, ce qui est conforme à la trajectoire fixée par la LPM 2024 – 2030. Cela représente 18 milliards de plus qu’en 2017. L’effort est colossal, d’autant qu’il a été engagé après des décennies de coupes budgétaires et de baisses drastiques. Ce que je qualifiais ce matin de saignées a été rappelé en chiffres par le ministre devant notre commission : disparition d’un régiment sur deux de l’armée de terre ; fermeture de onze bases aériennes ; réduction de 135 à 85 du nombre de bâtiments de combat. Le budget soumis à notre examen pour avis est donc une étape essentielle. Pour la huitième année consécutive, le budget de la défense augmente ; il aura doublé en 2030, à l’issue de l’application de la LPM 2024 – 2030.

Pour nos armées, la nation consent un effort financier inédit, qui doit être particulièrement salué dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Chaque euro doit être optimisé. Le respect de la trajectoire de la LPM 2024 – 2030 permettra à la France de poursuivre la préparation et la transformation de son armée, et de tenir son rang ainsi que ses engagements dans un contexte de durcissement de la conflictualité.

Ces crédits contribueront à financer les priorités retenues. Une attention particulière sera portée à la modernisation de notre dissuasion nucléaire. Dans son rapport, notre collègue François Cormier-Bouligeon salue l’investissement massif prévu par le projet de finances pour 2025 en faveur de notre dissuasion. L’année 2025 sera notamment celle du lancement de la réalisation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G), et du renouvellement des missiles de nos composantes océanique – M51 – et aéroportée – ASN4G.

Ce budget garantit également d’autres investissements, qui participent au renforcement de notre autonomie stratégique, notamment dans les domaines de l’espace, des fonds marins, du cyber, du renseignement, de la sphère informationnelle et de l’innovation, afin de donner à nos armées les capacités de renseignement, d’analyse et d’action dans les champs hybrides, matériel et immatériel.

Le budget 2025 profitera directement à nos militaires, dans leur quotidien. Des moyens seront mis en œuvre pour parfaire l’équipement du combattant, la préparation opérationnelle et les conditions d’entraînement, pour renforcer le plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires, dit plan « famille », et pour améliorer la politique salariale. Outre répondre aux besoins essentiels de nos armées, ce budget permettra de soutenir notre tissu économique et d’ancrer progressivement notre industrie de défense dans une logique d’économie de guerre.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation, le projet de loi de finances prévoit un budget stable, ce dont nous nous réjouissons. L’enveloppe du programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation permettra notamment de financer l’ouverture d’une nouvelle maison Athos, à Colmar. S’agissant de la transmission de la mémoire, l’enveloppe concrétisera notamment un engagement fort contre l’antisémitisme au profit du Mémorial de la Shoah. Quant à la gendarmerie, son budget est porté à 6,9 milliards, ce qui permettra notamment de créer quatre-vingts brigades et sept escadrons de gendarmerie mobile.

Ce budget est à la hauteur des enjeux et des menaces. Il s’agit d’un effort colossal, que la nation consent dans un contexte budgétaire resserré, pour assurer la défense de ce que nous sommes : une nation libre. Notre groupe votera les crédits des missions.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Dans le contexte d’austérité massive et de matraquage social qu’incarne le budget 2025, la mission Défense fait figure d’exception. De là à dire qu’elle a été sanctuarisée et que la marche de 3,3 milliards prévue par la LPM 2024 – 2030 est pleinement respectée, il y a un pas que je ne franchirai pas.

Le groupe La France insoumise est obligé de faire part de ses réserves pour trois raisons : l’insincérité, l’insoutenabilité et – pour la rime – la naïveté.

L’insincérité tient au fait que figurent au budget des armées des dépenses qui ne devraient pas y figurer. Le ministre a eu beau nous dire que l’exécution de la loi finances pour 2024 n’est pas achevée et qu’il ne désespère pas d’éviter des annulations de crédits ou l’imputation de dépenses exceptionnelles à son ministère, nous n’en croyons rien. Il est évident que les dépenses plus ou moins imprévues engagées dans le soutien à l’Ukraine, dans l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (JOP) et dans le déploiement d’effectifs en Nouvelle-Calédonie/Kanaky auront un impact sur l’exécution du budget 2024 et engendreront des reports de charges. Ainsi, même si la somme allouée semble facialement conforme à la LPM 2024 – 2030, il faudra payer plus avec la même somme. La baisse effective est donc incontestable.

Au demeurant, le ministre en a convenu à demi-mot lorsqu’il a affirmé que, avec le projet de budget 2025, la « programmation physique » ne sera pas affectée. Cette idée de programmation physique, dont l’usage n’est guère courant, nous fait comprendre sans peine qu’il existe au sein du ministère une programmation non physique qui, elle, sera affectée. On devine ce qu’elle désigne. C’est principalement la préparation opérationnelle qui fera les frais de cette insincérité, ce qui n’est pas acceptable.

En matière d’insincérité, un autre point noir persiste, alors même qu’il a été signalé par le rapporteur pour avis Bastien Lachaud : le flou entourant les définitions respectives des missions extérieures (Missops) et des Opex, qui non seulement permet de contourner le Parlement, mais a des conséquences financières que le rapporteur pour avis a eu le loisir de présenter ce matin.

Le deuxième sujet de préoccupation est la soutenabilité de la trajectoire que dessine ce projet de budget. Même si l’on peut se féliciter qu’il confirme le lancement de programmes à effet majeur (PEM) structurants pour nos armées et pour notre base industrielle et technologique de défense (BITD), parmi lesquels le porte-avions de nouvelle génération (PANG) est peut-être le plus important, il n’en demeure pas moins que nous voyons s’édifier un véritable mur des restes à payer après 2027, qui a de quoi nous inquiéter. Il est logique que le décalage entre autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP) s’accroisse notablement en cette deuxième année d’application de la LPM 2024 – 2030. Nous sommes au début d’un cycle, j’en conviens.

Il n’en reste pas moins que l’explosion des crédits à ouvrir après 2027 obérera toute marge de manœuvre pour le prochain Président de la République – si tant est que nous devions attendre cette date pour en élire un –, ce qui soulève des interrogations du point de vue démocratique. On m’objectera qu’il s’agit de la contrepartie de l’idée même de programmation. Quoi qu’il en soit, la trajectoire des crédits à ouvrir année après année est inquiétante. Les dépenses qui devront être engagées après 2027 pour honorer des AE ouvertes dès à présent sont vertigineuses ; elles risquent fort d’empêcher tout nouvel investissement.

J’en viens à la naïveté, qui caractérise sans discontinuer les choix du Gouvernement en matière de coopération. Le choix d’écarter Atos du marché du supercalculateur qui équipera l’Agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense (Amiad) est présenté comme technique. Il demeure incompréhensible, surtout si l’on prétend sauver cette entreprise.

Quant à l’obstination du Gouvernement à poursuivre les programmes franco-allemands Scaf et MGCS, nous donnons l’alerte depuis plusieurs années sur l’absence totale de fiabilité du partenaire allemand. Au fil des ans, les faits – hélas ! – nous donnent raison.

Ce mois-ci, nous avons successivement appris que l’Allemagne s’engage avec le Royaume-Uni pour le développement d’un drone de combat, dont on voit mal comment il n’aurait pas vocation à s’intégrer au Scaf, et, plus inquiétant, que Rheinmetall, qui est déjà le passager clandestin du MGCS, s’engage dans un projet de char avec l’Italien Leonardo. La démonstration que j’ai faite à plusieurs reprises est plus que jamais pertinente : tandis que le MGCS devient l’unique option de Nexter, il devient parfaitement rentable et avantageux pour les Allemands d’en partir au dernier moment : ils seront alors sans concurrent européen sur le marché et nous n’aurons plus qu’à acheter allemand, au nom de la préférence européenne que nous promouvons par ailleurs.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas approuver ce budget.

Mme Anna Pic (Soc). Dans un contexte d’austérité budgétaire généralisée, la mission Défense du projet de loi de finances pour 2025 est l’une des seules à être préservée. Ses crédits augmentent de 3,3 milliards pour atteindre 50,5 milliards, comme prévu par la LPM 2024 – 2030. Compte tenu des besoins de nos armées, nous nous en réjouissons.

Si cette augmentation correspond à l’euro près aux engagements que nous avons votés, diverses raisons incitent à croire que, par-delà les aspects budgétaires, nous ne serons pas en mesure d’appliquer les dispositions adoptées il y a un an et demi, et à remettre en cause la sincérité des éléments qui nous sont présentés.

Le déploiement significatif de militaires dans le cadre des JOP sera vraisemblablement pris en charge dans sa totalité par le ministère des Armées. Il s’agit de dépenses déjà engagées dont le ministère ne pourra s’exonérer. Par effet de substitution, certains programmes – lesquels ? – en pâtiront.

Le même raisonnement peut s’appliquer au financement des Opex, dont les provisions étaient insuffisantes, d’autant que le flou subsiste concernant leur qualification et leur intégration dans le budget dédié. Il en va de même s’agissant du soutien à l’Ukraine, qui n’est pas au niveau attendu, en plus d’être particulièrement flou, comme l’a rappelé Thierry Sother lors de l’audition du chef d’état-major des armées (Cema), qu’il a interrogé sur les crédits alloués à la FEP.

En outre, le financement de la mobilisation de nos armées en soutien aux forces ukrainiennes ne doit pas être intégré – la LPM 2024 – 2030 l’indique clairement – à la trajectoire budgétaire que nous avons adoptée. Par ailleurs, comme le rappelle Isabelle Santiago dans son rapport sur avis sur le budget des forces terrestres au sein du programme Préparation et emploi des forces, de fortes inquiétudes subsistent sur la fin de l’exercice budgétaire en cours, au point de compromettre la capacité de ces forces à atteindre les objectifs fixés par la LPM 2024 – 2030, notamment sur les gels et surgels survenus en cours d’année.

Nous défendrons plusieurs amendements illustrant nos diverses interrogations sur le projet de budget 2025. L’un d’eux visera à abonder à hauteur de 200 millions le fonds de soutien à l’Ukraine, dont l’adoption permettrait à la France de se conformer aux engagements pris, dans les cadres national et bilatéral, avec le gouvernement ukrainien. Compte tenu de la rapidité de l’évolution du contexte géopolitique et géostratégique et des menaces qui en découlent pour la France et l’Europe, nous donnerons l’alerte sur la nécessité, pour le ministère des Armées, de mettre l’accent sur le renseignement et sur la recherche stratégique, en vue d’anticiper les menaces.

Si l’annonce du ministre Lecornu relative au lancement du PANG est la bienvenue du point de vue du respect du calendrier, nous appelons l’attention de l’Assemblée nationale sur les conséquences qui en résulteront sur le financement des autres équipements de la Marine nationale, qui ne sont pas moins nécessaires. Dans un contexte de multiplication de l’emploi des forces maritimes, les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2025 risquent fort d’être insuffisants.

Par ailleurs, plusieurs de nos amendements viseront à la remise d’un rapport, pour évaluer notamment la poursuite du plan « famille 2 », la mise en œuvre du dispositif d’économie de guerre et l’équilibre entre rémunération indiciaire et rémunération indemnitaire, dont nous débattons chaque année.

Dans le cadre de l’examen de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous présenterons deux amendements portant sur des mesures que nous avons défendues l’an dernier, en espérant que le nouveau gouvernement fera davantage preuve d’esprit d’ouverture que le précédent. Il s’agit d’accorder une réparation, aussi légitime que dérisoire du point de vue strictement financier, aux membres rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun de la guerre d’Algérie. Cette demande de réparation ayant été explicitement reconnue par le rapport annexé de la LPM 2024 – 2030, il est plus que temps de confirmer le financement correspondant, soit 92 290 euros. L’Assemblée nationale doit rendre justice aux vingt-deux derniers survivants avant qu’il ne soit trop tard.

La situation budgétaire de la France et les dépenses contraintes précédemment évoquées obligeront le ministère à faire des sacrifices. Au groupe Socialistes et apparentés, nous sommes ouverts à l’idée de prendre position sur les choix opérés par l’exécutif ; encore faudrait-il que nous soyons en mesure de les apprécier pleinement. Aussi aimerions-nous savoir où sont les coupes cachées avant de nous prononcer. En fonction du sort qui sera réservé à nos amendements et des réponses que nous attendons, notre groupe se prononcera favorablement ou s’abstiendra lors du vote des crédits des trois missions.

Mme Valérie Bazin-Malgras (DR). Notre commission est privilégiée : deux des trois budgets que nous examinons – la mission Défense et le programme Gendarmerie nationale – sont en augmentation. En cette période difficile pour nos finances publiques, il convient de le rappeler.

Le groupe Droite républicaine votera les crédits de la mission Défense, en prenant acte du respect intégral de la LPM 2024 – 2030. La tentation a été grande de faire participer la défense à l’effort budgétaire important que notre pays doit consentir, mais les crédits annoncés sont bel et bien là, et la cible d’augmentation nette des effectifs prévue par la LPM 2024 – 2030 est maintenue. Dès le mois de juillet, lors de la présentation de notre pacte législatif, notre groupe a classé le respect de la LPM 2024 – 2030 parmi ses lignes rouges.

Toutefois, comme nous l’avons rappelé à M. le ministre lors de son audition, plusieurs points appellent notre vigilance. Le premier est le gel des crédits, qui prendra dans les mois à venir une importance majeure : il s’agira d’éviter que Bercy prenne ce qu’il n’a pu obtenir lors de la présentation du budget. Plusieurs de nos rapporteurs pour avis se sont exprimés ce matin sur ce point.

Le deuxième est le financement des Opex et des opérations intérieures (Opint), qui est en baisse par rapport à la programmation, pour les raisons objectives que nous connaissons tenant à la situation en Afrique saharo-sahélienne. Toutefois, la hausse de la conflictualité, largement décrite par les chefs d’état-major devant notre commission depuis plusieurs années, exclut que nous baissions la garde – les tensions graves au Proche-Orient nous le rappellent chaque jour.

Quant à l’amplification des Opint, elle est aussi source d’inquiétude. Si celles menées dans le cadre des JOP étaient prévues et connues, les événements dramatiques survenus en Nouvelle-Calédonie ne manquent pas de nous inquiéter s’agissant de leurs répercussions budgétaires. S’agissant de l’aide, essentielle, à l’Ukraine, nous sommes attachés à son financement interministériel.

Nous nous opposerons aux amendements visant à remettre en cause l’équilibre, que nous savons fragile, de la LPM 2024 – 2030. Battons-nous ensemble, comme nous l’avons fait lors de son examen, pour nous assurer qu’elle est exécutée à l’euro près !

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous partageons certaines craintes exprimées par notre rapporteur pour avis, mais nous comptons particulièrement sur la ténacité de notre nouveau ministre délégué pour faire avancer les questions qui nous tiennent à cœur, telles que la revalorisation de la retraite des combattants. Nous n’oublions pas ce que nous leur devons.

Nous prenons acte de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sur l’indemnisation des harkis. Nous regrettons qu’il ait fallu une décision de justice pour qu’ils obtiennent gain de cause – ultime symbole de cette douloureuse question ! Concernant la jeunesse, nous soutenons la volonté du Gouvernement de revoir en profondeur la journée défense et citoyenneté (JDC), qui ne répond plus à sa vocation première.

Dans un contexte budgétaire difficile et contraint, le budget Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation permet de maintenir les droits, d’avancer sur de nombreux sujets et d’instaurer une juste indemnisation de nos compatriotes harkis. Notre groupe votera ses crédits.

Au sein de la mission Sécurités, les crédits du programme Gendarmerie nationale augmentent de plus de 500 millions. Nous saluons cet effort. Cependant, son schéma d’emploi nul fait peser des menaces sérieuses sur l’exécution des engagements de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) en matière de création de brigades. Le déploiement de nouvelles brigades en est un engagement essentiel. Nos concitoyens l’attendent. Quant à la montée en puissance de la réserve, pilier essentiel de la gendarmerie, elle suscite aussi des inquiétudes justifiées. En raison de ces interrogations légitimes et en attendant le sort fait à nos amendements ainsi que les réponses du Gouvernement, le groupe Droite républicaine s’abstiendra sur les crédits du programme Gendarmerie nationale.

M. Damien Girard (EcoS). Ce budget est utile et globalement adapté à notre armée et à l’environnement stratégique. L’augmentation du montant des crédits des quatre programmes de la mission Défense est nécessaire pour respecter le cadre fixé par la LPM 2024 – 2030 et accompagner l’adaptation de notre armée aux tensions géopolitiques, au retour de la haute intensité sur notre continent et aux conséquences du péril écologique.

Le renforcement des moyens concourant aux exigences d’une dissuasion nucléaire robuste et crédible ainsi que la poursuite de la modernisation des équipements sont vitaux pour notre sécurité et pour celle de l’Europe. Les efforts en matière de remise à niveau des infrastructures, de maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels et d’investissement des nouveaux champs de conflictualité, au premier rang desquels les fonds marins, sont réels et contribuent à notre préparation.

Toutefois, ce budget n’est pas à la hauteur des ambitions que nourrit la France et des responsabilités qu’elle assume. Le domaine maritime en témoigne. Notre marine a dû recourir à un bricolage provisoire pour maintenir l’activité de quinze frégates de premier rang en attendant la livraison des frégates de défense et d’intervention (FDI). Cette rupture capacitaire démontre que l’objectif de quinze frégates de premier rang est insuffisant pour assumer les responsabilités de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) du monde et la protection de nos nombreux territoires dits d’outre-mer.

À titre comparatif, l’Italie vise seize frégates de premier rang, alors que sa zone d’intérêt maritime est plus réduite. Le retour au format qui prévalait avant la publication du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, soit dix-huit frégates de premier rang, est un minimum.

Certes, les navires de second rang sont plus nombreux. Ils sont capables d’assurer certaines missions. Néanmoins, ils demeurent complémentaires des frégates de premier rang et ne disposent pas des mêmes capacités face aux enjeux de haute intensité caractérisant la nouvelle donne géopolitique. Évacuation des ressortissants français des pays en tension ; lutte contre les trafics illicites, notamment dans l’océan Indien et dans les Caraïbes ; protection de notre ZEE, notamment dans l’océan Pacifique ; soutien à la liberté de navigation ; mise en œuvre de la dissuasion ; participation aux exercices, notamment dans le cadre de l’Otan : notre marine est partout et tout le temps. Elle doit être dotée correctement pour assurer sa mission.

Plus généralement, la stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique doit s’appuyer une réalité capacitaire, notamment maritime, sous peine d’être une ambition de feuille de papier. Notre marine aurait pu être mieux dotée, à un coût réduit, sans les décalages et les réductions de séries ayant affecté certains programmes, notamment celui des frégates multimissions (Fremm).

Les ressources humaines du ministère des Armées demeurent en tension, qu’il s’agisse de l’accompagnement des conjoints, de la revalorisation salariale ou de l’amélioration de la condition des militaires. Les marges de progression sont réelles. L’effort ne doit pas être relâché. Le taux de rotation élevé du personnel, provoqué par une insuffisante fidélisation, engendre concrètement des coûts supplémentaires de recrutement et de formation.

À cet égard, la réserve opérationnelle est un outil précieux, dont la montée en puissance doit continuer à être accompagnée. La sanctuarisation des moyens qui lui sont attribués est nécessaire. Pourtant, le rapport pour avis sur le programme Gendarmerie nationale indique que le projet de loi de finances pour 2025 remet directement en cause les engagements de la Lopmi sur la montée en puissance des réserves de la gendarmerie. La réserve doit être soutenue dans son ensemble, de façon constante et programmée. L’Assemblée nationale doit y être attentive.

Le groupe Écologiste et social votera ce budget, dont les imperfections ne font pas oublier l’essentiel : une adaptation budgétaire réelle de notre armée à un contexte international plus que dégradé. J’émets toutefois une réserve sur son orientation générale. Ni la LPM 2024 – 2030 ni le projet de loi de finances pour 2025 n’effectuent de véritable priorisation stratégique de nos forces armées. Enjeu méditerranéen, positionnement face à la Russie, stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique, préservation de notre capacité à entrer en premier sur un théâtre d’Opex, maintien de l’effectivité de notre dissuasion : vous conviendrez que l’augmentation du budget, bien réelle, est insuffisante compte tenu de ces multiples objectifs, dont je pourrais ajouter qu’ils sont très ambitieux à l’aune de notre situation budgétaire.

Une priorisation des enjeux donnant à notre flanc sud-est l’importance qu’il mérite permettrait de rationaliser les dépenses prévues par la LPM 2024 – 2030. La construction d’une sécurité européenne prise en main par les Européens est un enjeu de long terme, au sein duquel la France doit être capable d’humilité dans son rapport à ses partenaires et d’ambition dans sa contribution à la défense collective de notre continent.

Mme Josy Poueyto (Dem). En votant la LPM 2024 – 2030, nous nous sommes fixé l’objectif de transformer nos armées. Après des années de sous-investissement, face à un environnement stratégique chaque année plus dégradé, il était temps de renforcer et de moderniser notre modèle d’armée. Je salue le travail de notre ministre des Armées, Sébastien Lecornu, qui a engagé cette réforme d’ampleur et continue de veiller à son déploiement.

Avec un budget de 50,5 milliards, soit une hausse de 3,3 %, les crédits de la mission Défense sont ambitieux. Ils respectent la trajectoire votée par le Parlement, ce dont dépend sa crédibilité. Nous avons choisi de privilégier la cohérence et l’efficacité à la masse. L’entraînement et l’équipement de nos militaires sont donc particulièrement importants. En 2025, 10 milliards seront investis dans les équipements et leur MCO, et près de 8 milliards seront consacrés à la préparation et à l’emploi des forces. Nous n’ignorons pas la nécessité de nous adapter aux nouvelles menaces et d’anticiper des sauts technologiques pour avoir une guerre d’avance plutôt qu’une guerre de retard. L’innovation sera l’une des priorités pour 2025, ce dont nous nous réjouissons.

Le cyber, le renseignement, les drones et l’intelligence artificielle sont des domaines stratégiques pour nos trois armées. Ils deviennent indispensables pour les guerres de demain. Nous saluons ce budget, qui alloue plus de 1 milliard à l’innovation, 300 millions au cyber et 450 millions aux drones. Un effort supplémentaire de 100 millions par rapport aux 200 millions prévus par la LPM 2024 – 2030 pour l’intelligence artificielle doit nous permettre d’acquérir un supercalculateur pour nos armées dès l’année prochaine.

Cette transformation de nos armées vise à renforcer notre autonomie stratégique et à maintenir la France au rang des grandes puissances. En augmentant de 8 % le budget de la dissuasion, nous pouvons engager la modernisation de ses deux composantes et la construction du PANG, assurant notre posture de nation-cadre auprès de nos alliés comme de nos adversaires.

De tels objectifs sont hors d’atteinte si nous ne disposons pas des ressources nécessaires. Nous nous félicitons de la montée en puissance de nos armées, nourrie par la poursuite de l’effort en faveur de la réserve opérationnelle, qui bénéficiera de la création de 700 équivalents temps plein (ETP) et de plus de 27 000 recrutements. Ces emplois seront les bienvenus dans le renseignement, le cyber et l’intelligence artificielle, secteurs d’avenir pour nos armées.

Deux autres éléments s’avèrent cruciaux pour nos militaires et leurs familles : l’amélioration de leurs conditions de vie en emprise et la reconnaissance de leur engagement au service de la nation. Notre groupe a toujours été particulièrement attentif à l’accompagnement des familles de nos militaires, qui subissent elles aussi les contraintes de cet engagement. Nous saluons le déploiement du plan Fidélisation 360, qui vise à améliorer le quotidien des militaires dans les emprises.

En 2025, ces mesures permettront la rénovation du parc immobilier de nos armées, qui se trouve parfois dans un état de vétusté avancée. J’appelle l’attention de la commission sur les casernes de gendarmerie dont la rénovation est attendue de longue date par nos gendarmes, comme l’a rappelé Valérie Bazin-Malgras ce matin. Nous sommes également très attachés au plan « famille 2 », qui sera doté de 51 millions pour augmenter l’offre de garde de jeunes enfants, construire des crèches et étendre la prestation de soutien en cas d’absence prolongée du domicile.

Notre reconnaissance pour le sacrifice de nos militaires doit être sans faille, notamment lorsqu’ils sont blessés ou deviennent anciens combattants. Nous espérons que la promesse de construction de nouvelles maisons Athos en 2025 sera suivie d’effets, tant ces structures sont importantes pour la guérison.

Le groupe Les Démocrates salue l’effort budgétaire consenti dans le projet de loi de finances pour nos armées. Les crédits de la mission Défense, de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation et du programme Gendarmerie nationale traduisent notre volonté de poursuivre la transformation de nos armées, de soutenir au mieux nos soldats ainsi que leurs familles et d’honorer la mémoire de ceux qui se sont battus pour la France. Notre groupe votera ces crédits.

Mme Lise Magnier (HOR). Le groupe Horizons & indépendants soutient les efforts nécessaires consacrés à la réduction des dépenses publiques et au redressement des comptes publics. Il ne nous semble pas moins nécessaire de préserver les trajectoires des lois de programmation dans les domaines régaliens, pour nos armées, pour nos policiers, pour nos gendarmes, pour notre sécurité civile et pour notre justice.

S’agissant de la mission Défense, notre groupe salue l’augmentation continue du budget alloué à nos armées. Notre pays évolue dans un monde dangereux, caractérisé par des rivalités entre puissances et des menaces hybrides émanant d’acteurs étatiques et non étatiques – un monde dans lequel nos intérêts doivent être protégés. Nous saluons le choix de préserver et de confirmer les engagements pris dans le cadre de la LPM 2024 – 2030.

Il faut toutefois bien constater que, depuis son adoption, l’environnement stratégique de la France est en constante évolution. En 2023, la guerre en Ukraine entrait dans sa deuxième année et les Ukrainiens pouvaient encore compter sur l’engagement résolu de l’Europe et des États-Unis. La perspective d’une victoire électorale de Donald Trump bouleverse la donne. Par ailleurs, les tensions au Proche-Orient n’avaient pas atteint les sommets actuels. Le dispositif militaire français en Afrique entamait tout juste sa transformation, qu’il a fallu accélérer au lendemain du coup d’état au Niger. Le tournant de l’intelligence artificielle, qui n’était pas complètement intégré dans les efforts prioritaires identifiés par la LPM 2024 – 2030, est désormais bien pris en compte, comme le montre l’excellent rapport d’Anne Le Hénanff.

Le groupe Horizons & indépendants soutient les quatre inflexions stratégiques du budget des armées : le nouvel effort prioritaire sur l’intelligence artificielle ; la fidélisation de nos soldats ; le rééquilibrage stratégique en Afrique et sur le flanc est de l’Europe ; l’accélération de l’effort d'acquisition de munitions. Il veillera à préserver ce qu’il considère comme des fondamentaux : la dissuasion nucléaire comme pilier de notre souveraineté ; la place de la France dans l’Alliance atlantique et son action pour la défense européenne ; l’action du ministère des Armées en faveur de la qualité de vie de nos soldats et de leurs familles. Notre groupe votera les crédits de la mission Défense.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, notre groupe salue la relative stabilité des crédits qui lui sont alloués. Ce budget consacre le maintien des efforts pour nos blessés, pour les harkis et leurs familles en tenant compte de la décision de la CEDH du 4 avril 2024, et pour la reconnaissance envers le monde combattant dans toute sa diversité. Le montant de 1,8 milliard permettra aussi, après une année riche en commémorations de la Libération, d’envisager une fête nationale d’ampleur pour les 80 ans de la victoire du 8 mai 1945.

Le lien armées-jeunesse bénéficie d’une attention particulière : les crédits qui y sont consacrés augmentent de plus de 50 %. Nous appelons de nos vœux la transformation de la JDC et souhaitons qu’elle devienne enfin une journée d’intérêt national pour les jeunes citoyens. Nous voterons les crédits de la mission.

Concernant le programme Gendarmerie nationale, nous saluons l’augmentation générale allouée au budget de la mission Sécurités. Il est indispensable que l’effort budgétaire pour la création de 239 brigades de gendarmerie se poursuive. Si quatre-vingts brigades ont été créées, le maillage territorial doit s’intensifier. La gendarmerie est présente sur 95 % du territoire national et assure la protection de plus de la moitié de nos concitoyens. Nos gendarmes méritent toute notre attention et, surtout, les moyens d’exercer leurs missions. Si l’ordre dans les comptes est une priorité pour le groupe Horizons & indépendants, il ne doit pas être obtenu au détriment de l’ordre dans la rue, indispensable à notre cohésion sociale. Notre groupe votera les crédits de la gendarmerie nationale.

M. David Habib (LIOT). Le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation est stable. Il aurait été judicieux de consacrer son évolution à la revalorisation du point d’indice de la PMI. Notre groupe signale à l’attention l’insuffisante reconnaissance de celles et ceux qui ont combattu pour notre pays et méritent notre respect ainsi que notre accompagnement.

S’agissant de la gendarmerie nationale, j’ai été satisfait, comme d’autres ici, de la décision prise dans le cadre de la Lopmi de créer 239 brigades d’ici 2027. Depuis ma première élection en 2002, quatre gendarmeries ont été fermées dans ma circonscription. Grâce à la Lopmi, nous avons enregistré, pour la première fois, la création d’une brigade mobile, qui fait particulièrement bien son travail. Un engagement est pris pour 2025 ; toutefois, la question des effectifs obère la capacité à créer des brigades de gendarmerie. Déshabiller Pierre pour habiller Paul n’est pas une stratégie de maillage territorial. Ce questionnement devra obtenir réponse de la part du Gouvernement au cours de l’exercice budgétaire.

Concernant les 50 milliards inscrits au budget la mission Défense, nous saluons le respect de la LPM 2024 – 2030. Nous avons trois sujets de préoccupation. Le premier est le financement des Opex, qui suppose une solidarité des autres ministères. Nous avons conscience qu’elle a des limites. Le deuxième est la capacité à consommer les crédits d’armement – 20 milliards de commandes pour nous faire entrer dans l’économie de guerre –, qui suppose que les 200 000 salariés des quelque 4 000 industries concernées soient informés et formés, en capacité d’être recrutés, et connaissent suffisamment à l’avance les demandes du ministère des Armées. Le troisième est l’application du plan « famille 2 », qui se heurte à la question de la mobilité. Face à tout cela, nous appelons à un effort de déconcentrations des pouvoirs, tout en étant conscient qu’elle n’est pas, en Macronie, la préoccupation première. Le local est capable d’apporter des réponses là où l’échelon national est ankylosé.

Ne pas voter ce budget serait étrange – j’en ai voté de moins bons. Nous le voterons avec les réserves que je viens d’énumérer.

M. Édouard Bénard (GDR). De 2017 à 2024, les crédits de la mission Défense ont augmenté de 46 %. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une nouvelle augmentation de 3,3 milliards, qui en porterait le budget à 50,5 milliards, soit une hausse de 7,5 %, au moment même où le Gouvernement entend tailler dans grand nombre de dépenses publiques. Cette hausse s’inscrit dans le cadre plus général de la LPM 2024 – 2030, à laquelle ce budget est conforme.

Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont voté contre la LPM 2024 – 2030. Ils ne sont pas opposés aux investissements matériels permettant de renouveler et moderniser l’équipement de nos forces armées en tant que tels, mais considèrent que certains axes d’investissement retenus par la LPM 2024 – 2030 et leur déclinaison dans le projet de loi de finances pour 2025 intriguent du point de vue des évolutions technologiques et de la réalité de leur caractère opérationnel.

L’année 2025 sera celle du lancement officiel du PANG, grâce à un budget de 224 millions. Nous avons eu l’occasion de formuler nos réserves sur le chantier d’un nouveau porte-avions nucléaire. Nous nous interrogeons toujours sur sa pertinence et sur son coût, s’agissant d’un outil particulièrement coûteux à l’intérêt stratégique limité. Lorsque la France s’est engagée contre l’État islamique, 80 % des frappes aériennes ont été effectuées au départ de la Jordanie, contre 20 % depuis le Charles de Gaulle. Par ailleurs, l’emploi d’un porte-avions ne dispense pas de l’autorisation de survoler l’espace aérien d’États tiers pour mener à bien les missions confiées aux avions embarqués, comme d’ailleurs celles des avions de l’armée de l’air et de l’espace (AAE), ce qui limite l’intérêt du PANG.

Certains experts militaires affirment que notre pays doit augmenter le nombre de Fremm, pour assurer des missions diverses plus importantes et quotidiennes telles que la surveillance maritime, l’écologie marine et la lutte contre les trafics. Notre pays n’a pas les capacités financières nécessaires pour mener de front ces deux chantiers. Il ne peut en choisir un qu’au détriment de l’autre.

Les moyens significatifs consacrés à la dissuasion nucléaire, notamment sa composante sous-marine qui bénéficiera de 752 millions en 2025 pour financier les SNLE 3G, dans le cadre d’une enveloppe globale de 5,8 milliards, ne nous intriguent pas moins. Le retour d’expérience (Retex) du conflit russo-ukrainien démontre les limites de la dissuasion.

Concernant la seule dissuasion nucléaire sous-marine, son intérêt stratégique tient à la mobilité des sous-marins et à la difficulté, pour la partie adverse, de les localiser. Le progrès continu de l’intelligence artificielle allié au réseau de surveillance satellitaire et aux dispositifs de surveillance sous-marine tels que les réseaux de balises dérivantes, les radars et les sonars haute fréquence, pourraient remettre en question, dans un avenir proche, le caractère furtif des SNLE, qui fait tout leur intérêt stratégique.

Ainsi, le budget consacré à la dissuasion nucléaire, appelé à monter en charge dans le cadre des engagements pris dans le cadre de la LPM 2024 – 2030, cannibalise des moyens qui pourraient être plus judicieusement employés à l’équipement et à l’entraînement de nos forces armées conventionnelles pour assurer la sécurité du territoire. Alors même que l’objectif de 185 Rafale à l’horizon 2030 est considéré comme le minimum nécessaire par l’état-major de l’AAE, le budget consacré à la dissuasion nucléaire en 2025 permettrait à lui seul d’en acquérir soixante. Or ces chasseurs peuvent, avec l’appui d’avions ravitailleurs, être projetés en quarante-huit heures partout sur le territoire français, sans avoir besoin d’un groupe aéronaval (GAN).

S’agissant de la partie recettes du budget, l’ampleur des commandes d’équipements et de services du ministère des Armées auprès d’entreprises à capitaux français nous autorise à nous interroger sur le niveau de retour de recettes dans le budget de l’État. À titre d’exemple, la décision du groupe industriel KNDS – réunissant dans une holding le français Nexter, issu de la privatisation de GIAT Industries privatisé, et l’armurier allemand Krauss-Maffei Wegmann – d’implanter son siège aux Pays-Bas pour des raisons d’optimisation fiscale intrigue, d’autant que son capital est détenu à 50 % par l’État français. Ce sont autant de rentrées fiscales manquantes à l’heure où nous cherchons des recettes supplémentaires, pouvant notamment servir à abonder le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, en particulier pour revaloriser plus substantiellement la valeur du point d’indice de la PMI, qui sert au calcul de la PMI et de l’allocation de reconnaissance du combattant.

À défaut d’une réécriture profonde des orientations de la mission Défense du projet de loi de finances élaboré par le Gouvernement, en cohérence avec notre vote sur la LPM 2024 – 2030, les députés de la Gauche démocrate et républicaine n’approuveront pas les crédits.

M. Matthieu Bloch (UDR). Au nom du groupe UDR, je rends hommage aux femmes et aux hommes engagés – militaires, gendarmes et réservistes – qui protègent nos compatriotes au quotidien, parfois au péril de leur vie. Ils font partie de ceux pour lesquels l’engagement, la patrie et le sacrifice ont un sens. Nous leur devons reconnaissance.

Notre position est claire : seule une grande ambition en matière de défense permettra à la France d’assurer son indépendance. Face à la résurgence des foyers de tension dans le monde, notamment à l’est de notre continent, au Proche-Orient et dans le Caucase, où l’Azerbaïdjan multiplie les agressions contre le peuple arménien, la France n’a plus le choix. Elle doit se maintenir parmi les grandes puissances dans le concert des nations, à l’heure où cette place lui est plus que jamais contestée.

Concernant la mission Défense, nous reconnaissons la nette augmentation des efforts pour l’équipement de nos forces, à hauteur de près de 6 milliards pour notre dissuasion et de 1,9 milliard pour nos Rafale, et pour la mise en marche du PANG, que nous soutenons.

Toutefois, nul ici n’est naïf : cette hausse de crédits ne pourra être que d’apparence, en raison du gel de crédits par Bercy sur l’exercice 2024, de l’ordre de 2,6 milliards. Les quelque 570 millions prévus pour les Opex ne permettront pas, comme chaque année, d’assumer les surcoûts induits par le déploiement de nos soldats. J’ai une pensée particulière pour ceux mobilisés au Proche-Orient, en Méditerranée et dans le cadre des opérations Aigle en Roumanie et Lynx en Estonie. Si la France doit se maintenir comme grande puissance militaire, il faudra envisager une plus grande ambition financière sur ce point.

Par ailleurs, l’objectif de relocalisation de notre production d’équipements militaires est évoqué sans être concrétisé. Ce budget aurait dû être l’occasion d’engagements forts. Nous devons assurer le maintien de la France parmi les fleurons industriels de l’armement. Nous sommes aux prémices de potentielles dépendances industrielles à l’échelon européen, sans objectif militaire et géopolitique commun, et nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Au groupe UDR, nous souhaitons que les missions régaliennes de l’État soient exercées d’abord au service du peuple français. Dans ces circonstances et compte tenu des crédits proposés, il s’abstiendra sur la mission Défense.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, nous faisons le vœu d’une revalorisation forte du point d’indice de la PMI pour permettre aux invalides de procéder aux soins de kinésithérapie ou de rééducation fonctionnelle dont ils ont besoin, et surtout d’obtenir des prothèses et divers équipements partiellement remboursés par la sécurité sociale. Nous nous opposons à la baisse de l’allocation de reconnaissance du combattant alors même que le Gouvernement prévoit 14 millions supplémentaires pour le lien armées-jeunesse, avec des objectifs bien minces de refonte de la JDC. Il est invraisemblable que le Gouvernement fasse le choix de faire des économies sur nos héros de guerre. Le groupe UDR votera contre les crédits de cette mission.

Enfin, la hausse envisagée des crédits de la mission Sécurités ne nous semble pas à la hauteur des enjeux. D’abord, les crédits de 173 millions consacrés à l’exercice des missions militaires sont relativement faibles. Ensuite, les signaux rouges sont nombreux en matière de maintien de l’ordre public dans notre pays. Lundi dernier encore, le ministre de l’intérieur a rappelé le niveau très élevé de la menace terroriste, en demandant une plus grande sécurisation des lieux de culte chrétiens pour la Toussaint. Il y a quelques jours, le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a décidé de prolonger le couvre-feu dans l’archipel jusqu’au 4 novembre. Quel message ce budget enverra-t-il à nos gendarmes ? Des mesures fortes s’imposent, au premier rang desquelles une véritable revalorisation des conditions de vie et d’exercice opérationnel de nos gendarmes. Le groupe UDR votera contre les crédits de la mission Sécurités présentés par le Gouvernement.

M. le président Jean-Michel Jacques. Merci à tous les orateurs de groupe. Nous allons passer maintenant à l’examen des amendements déposés devant notre commission avant de voter sur les crédits des trois missions dont nous sommes saisies.

 

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La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense ».

 

M. le président Jean-Michel Jacques. La commission a été saisie de 108 amendements, dont onze ont été retirés avant discussion et onze déclarés irrecevables – cinq au titre de l’article 40 de la Constitution, trois au titre de l’article 41 de la Constitution et trois faute de s’inscrire dans le champ de la saisine de la commission.

 

 

Article 42 et État B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN109 de M. Frédéric Boccaletti

M. Frédéric Boccaletti (RN). Cet amendement d’appel vise à favoriser le bon développement du bataillon de renseignement de réserve spécialisé (B2RS), ayant vocation à offrir une capacité nouvelle de recherche en sources ouvertes. Installé à Strasbourg, il a vocation à créer d’autres compagnies au sein d’autres villes universitaires. Il s’agit d’alerter le Gouvernement sur son manque de visibilité au sein de la programmation. Le budget provisionné ne garantit pas le bon développement de ce bataillon.

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Les crédits du B2RS sont rattachés à l’armée de Terre et non aux deux services de renseignement – la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) – du programme 144. La direction du renseignement militaire (DRM) relève, quant à elle, du programme 178. Le ciblage des crédits tel qu’il apparaît dans le dispositif de l’amendement n’est donc pas correct. Par ailleurs, la brigade de renseignement a été dissoute en 2016 au profit de la brigade de renseignement et cyber-électronique (BRCE). Avis défavorable.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Je m’étonne que l’amendement cible uniquement la BRCE, créée le 1er août 2024, et non tous les réservistes de l’armée de Terre. Avis défavorable.

M. Frédéric Boccaletti (RN). Les services de l’Assemblée ont validé l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN100 de M. Frédéric Boccaletti

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN102 de M. Frédéric Boccaletti

M. Romain Tonussi (RN). Cet amendement vise à soutenir et à pérenniser nos compétences en matière de cartographie. Sans les géographes militaires du 28ème groupe géographique de l’armée de terre, qui travaillent à l’abri des regards, il aurait été difficile de protéger les JOP. À l’heure du système d’information du combat Scorpion (SICS) et de Google Maps, il faut préserver la capacité à imprimer des cartes de manière autonome, car nos réseaux demeurent vulnérables.

Sur des théâtres d’opérations complexes, où les brouillages sont de plus en plus fréquents, cette compétence est primordiale et infaillible, à condition d’être régulièrement mise à jour. La carte sur papier a un bel avenir. Le présent amendement vise à pérenniser cette compétence et à lui permettre d’évoluer.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La déroute des armées françaises en 1870 relevait de la méconnaissance de la cartographie. Heureusement, nous avons progressé depuis lors. Il est indispensable de maintenir les efforts dans ce domaine, notamment si nos armées sont amenées à combattre dans des conditions dégradées, où les solutions numériques disparaissent.

J’émets toutefois un avis défavorable à votre amendement, pour deux raisons. La cartographie ne relève pas uniquement de l’armée de terre. La marine et l’AAE ont également besoin de services de cartographie compétents. L’amendement aurait davantage sa place dans une action dédiée à la formation interarmées, pour que les armées puissent toutes bénéficier d’un soutien dans le domaine cartographique. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN49 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Cet amendement vise à acquérir un lot de chars Leclerc Évolution. Ce char, présenté lors du salon de l’armement Eurosatory en juin 2024, est un char de génération intermédiaire offrant une véritable solution pour établir une transition opérationnelle et technologique entre le Leclerc, actuellement en service, et le char du futur du projet MGCS. Cela permettrait de lancer son exportation, à l’heure où les nouveaux modèles de chars allemands sont exportés en Europe. Nous préconisons l’achat de six chars, pour un coût unitaire estimé à 8 millions.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous sommes un certain nombre à soutenir l’évolution du char Leclerc, notamment pour que les industriels français soient en capacité de proposer des solutions innovantes telles que le projet de canon Ascalon développé par KNDS France, mais plutôt dans le cadre du MGCS.

Il est inutile d’abonder le programme 146 pour l’acquisition du Leclerc Évolution, qui n’est pas un produit fini que nous pourrions commander et acquérir sur étagère dès 2025, mais un prototype. J’ignore d’ailleurs comment vous avez pu chiffrer le coût de son acquisition. Par ailleurs, en cas d’échec de la coopération sur le MGCS, les études nationales et les acquis obtenus par les acteurs de la BITD sur les briques technologiques que nous avons financées serviront à financer une solution alternative. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. La qualité du démonstrateur Leclerc Evolution de KNDS est indéniable. Toutefois, nos auditions ont permis de mieux cerner les besoins militaires de l’armée de terre. Les forces terrestres ne souhaitent pas d’un char Leclerc amélioré. L’enjeu consiste à ne pas rater la marche du changement de génération en consacrant des ressources à un modèle intermédiaire. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN20 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Il y a douze ans, on nous promettait le char du futur en collaboration avec l’Allemagne : le MGCS. Nous n’en sommes qu’à l’étape des études préalables. Il faut bien constater que ce projet a du mal à avancer, en raison d’intérêts contraires – du côté allemand – et de projets alternatifs – en Allemagne et en Italie. Cela donne l’impression que nos programmes sont stérilisés pour permettre à nos concurrents de développer les leurs. Le présent amendement vise à réattribuer les crédits alloués au MGCS à l’étude et à la fabrication d’un char alternatif français.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je m’inscris en faux contre vos propos. Le projet MGCS progresse. Il y a quelques mois, les état-majors des armées française et allemande ont formulé l’expression commune de leurs besoins, et un accord a été cosigné par les ministres Lecornu et Pistorius.

Je prends note de votre remise en cause idéologique des partenariats européens. Notre vision est différente de la vôtre, d’autant que nous devrons faire des efforts pour faire travailler ensemble nos BITD nationales à l’échelle européenne. Je salue moi aussi l’excellent travail de KNDS France, mais je ne puis émettre un avis favorable à l’amendement.

Par ailleurs, j’aimerais vous poser la question suivante :  sur quelle base le char intermédiaire que vous appelez de vos vœux doit-il reposer ? Sur un chassis de Leopard ? Sur un chassis à faible contenu allemand – pour l’exportation dont parlait notre collègue Colombier, par exemple dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, un tel chassis n’est pas envisageable ? Avec quel niveau d’automatisation ? Ces questions ne sont pas tranchées dans votre proposition. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Même avis. Nous devons faire confiance aux utilisateurs. Nous sommes députés de la nation. Tout le monde, au sein des armées, notamment le chef d’état-major de l’armée de terre (Cemat), que nous avons auditionné, dit que la solution que vous proposez ne correspond pas à leur souhait. Faisons confiance au Cemat pour choisir le système qui correspondra le mieux aux besoins de nos armées. Les deux état-majors se sont parlé ; les ministres ont signé des documents. Avis défavorable.

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Le MGCS n’est pas uniquement un char. Il s’agit d’un système incluant des drones terrestres et s’inscrivant dans une dimension de combat collaboratif. Tout cela justifie sa production en collaboration.

Par ailleurs, les chars Leclerc ayant été modernisés, les utilisateurs considèrent que les enjeux sont désormais la logistique et le maintien MCO. Nous y sommes très attachés. Nos chars doivent être opérationnels.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je vous remercie, Monsieur Cormier-Bouligeon, de me prêter le talent de pouvoir répondre en deux minutes à une question que le couple franco-allemand n’a pas réussi à élucider en douze ans. Nos homologues allemands nous ont clairement indiqué – lors d’une réunion à laquelle j’étais et certains d’entre vous aussi – développer le char Leopard pour faire concurrence à la France, le MGCS étant le cadet de leurs soucis. Soyons un peu réalistes et pragmatiques !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN65 de M. Emmanuel Fernandes

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Sur les théâtres d’opérations à haute intensité, les drones de combat, notamment antichar, sont arrivés, sans faire disparaître les dispositifs antichars standards sol-sol ou sol-air. La maîtrise de ces dispositifs ainsi que de ceux qui les empêchent d’opérer est décisive. C’est pourquoi il importe d’élaborer des dispositifs passifs – tels que des parapluies – et actifs capables de protéger les chars Leclerc des éléments antichar.

La vulnérabilité liée à l’absence de dispositifs tactiques de protection contre ces attaques est plus que significative. En l’absence de réponse matérielle adaptée, elle est susceptible d’entraîner une incapacité opérationnelle de nos unités blindées. Devant les atermoiements du ministère et afin de lever les doutes qui subsistent sur la volonté réelle de financer de tels dispositifs, nous appelons l’attention du Gouvernement et de la représentation nationale sur ce sujet.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Je partage votre analyse. Le Retex ukrainien met en lumière la grande fragilité des chars, notamment face à la menace des drones. Deux programmes – Prometeus (Protection multi effets terrestre unifiée) et Pronoia (protection novatrice orientable intégrée d’autoprotection) – sont menés par la direction générale de l’armement (DGA). Ils étudient la pertinence de l’intégration de systèmes de protection active, travaillant respectivement sur une solution hard kill et soft kill. L’amendement est satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement d’appel permet de rappeler que le calendrier n’est pas tenu, alors même que la question de la protection des chars Leclerc a déjà été soulevée. Le rôle de la représentation nationale est de manifester sa volonté ferme et claire qu’il le soit. Nous ne sommes pas là uniquement pour tenir le crachoir du Gouvernement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN73 de M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP)

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous souhaitons acter, par cet amendement d’appel, notre volonté de voir émerger un projet de char intermédiaire entre le projet MGCS et le char Leclerc. Si le premier n’aboutit pas, nous n’avons pas – contrairement à l’espérance exprimée par notre collègue Cormier-Bouligeon – de plan B.

Il est faux de dire que les briques technologiques en cours de développement dans le cadre de la recherche sur le MGCS suffiraient à construire un char. Les compétences générales auront été perdues. L’industriel en est parfaitement conscient et sans doute prêt à en témoigner devant la représentation nationale.

Nous devons, en toute logique et en toute responsabilité, nous assurer de la conservation de nos savoir-faire et mettre à niveau un char nous permettant de procéder à la transition. Les Allemands immobilisent le capital de Nexter dans cette recherche. S’ils s’en retirent, ils auront un produit sur étagère, et nous nos yeux pour pleurer.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Sur ce segment, je ne crois pas à une solution entièrement souveraine. Nous investissons dans le développement de briques technologiques qui nous seront utiles le moment venu, dans le MGCS ou dans un programme alternatif. Nous sommes tous en alerte sur ce sujet. Le présent amendement d’appel est plus raisonnable que le précédent.

Faisons confiance à nos industriels – la France est responsable ou coresponsable de six des huit piliers, dont la « fonction feu », qui me semble être la plus importante – et à la coopération franco-allemande. Si M. Trump est élu le 5 novembre et réduit le soutien américain à l’Otan, les BITD nationales auront intérêt à coopérer pour assurer la défense du continent. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Il faut allouer les moyens nécessaires à la pérennisation et à la modernisation du char Leclerc pour prolonger son utilisation jusqu’en 2040, voire en 2045. À titre personnel, je m’abstiendrai. Notre groupe est favorable à la coopération à long terme et souhaite que le projet MGCS, entamé il y a un certain temps, avance. Il n’en nourrit pas moins des réserves sur cette coopération, dont il souhaite qu’elle aille à son terme et s’ouvre à d’autres partenaires.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Ces réponses sont de nature à nous inquiéter. C’est précisément pour avoir trop fait confiance que nous nous sommes retrouvés à plusieurs reprises le bec dans l’eau, comme ce fut le cas récemment pour le projet de système de patrouille maritime MAWS. Les Allemands ne sont pas des partenaires fiables dans le domaine de l’armement, ce que je regrette.

Par ailleurs, en estimant que la France n’est pas capable de développer un programme intermédiaire, M. Cormier-Bouligeon admet que la France a eu tort de faire confiance lorsque KMW et Nexter ont fusionné pour créer KNDS. De notre côté, nous avions raison de nous opposer à une telle perte de souveraineté. C’est ce à quoi nous engage le rapporteur ; nous nous y refusons.

M. Sylvain Maillard (EPR). Monsieur Saintoul, vous refusez ce que tous les partenaires et les deux ministres ont signé. Vous négligez l’avis des armées et proposez une solution dégradée. Certes, la création d’un nouveau système de défense exige d’inventer des briques technologiques, donc de prendre des risques, de se donner le temps et d’agir dans le cadre d’une coopération européenne susceptible d’être élargie à d’autres partenaires. Des briques technologiques nous manquent pour le construire. Nous avons besoin de l’apport des autres. La volonté politique est là, la volonté industrielle aussi – tel n’a pas toujours été le cas. Donnons-nous les moyens et accompagnons la volonté des ministres ! Nous verrons ce qui se passe dans les années à venir. Tout semble aligné pour que le projet fonctionne.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN116 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Si l’on tient compte de la commande de 200 missiles Aster, du lancement du PANG et de la multiplication de l’emploi des forces navales, la hausse des crédits alloués aux forces navales, certes importante, doit excéder la marche prévue par la LPM 2024 – 2030.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Les crédits alloués aux munitions connaissent une hausse très importante de 16 % en AE et de 23 % en CP. Je mets en garde contre la tentation de prendre sur le budget du PANG pour abonder celui des munitions. Lorsque nous avons commencé à réfléchir au remplacement des porte-avions Foch et Clémenceau, nous avons construit le Charles-de-Gaulle puis renoncé en 2013, sur décision du président Hollande, à construire son bâtiment-frère. Or les porte-avions, pour citer Jacques Chirac, sont comme les gendarmes, ils vont par deux.

Considérant que les crédits alloués aux munitions sont en forte hausse et qu’il ne faut surtout pas toucher au PANG, dont j’ai rappelé l’importance ce matin, je suggère le retrait de l’amendement et émets à défaut un avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je suis surpris que le rapporteur pour avis reprenne à son compte les propos du président Chirac selon lesquels les porte-avions vont par deux, alors même que la LPM 2024 – 2030 n’en prévoit qu’un.

Je profite de l’évocation de projets navals pour rappeler à notre collègue Maillard que la dernière fois que nous nous sommes fiés à une volonté politique fermement exprimée par nos partenaires, nous l’avons amèrement regretté : c’était l’affaire Aukus. Plusieurs contrats de construction de sous-marins nous sont passés sous le nez faute de partenaires fiables. C’est ce qui risque de se passer avec l’Allemagne. Dans les deux cas, les volontés ne sont pas alignées.

Par ailleurs, le rôle des chefs d’état-major est de trouver des accords sous l’injonction des politiques. Ils seront capables de définir des spécifications souveraines et la BITD française, si on le lui demande, s’en sortira.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-DN95 de Mme Stéphanie Galzy

Mme Stéphanie Galzy (RN). Cet amendement vise à appeler l’attention du Gouvernement sur la capacité de nos armées à surveiller efficacement notre ZEE, qui représente une richesse inestimable pour notre nation sur les plans économique et environnemental. Les enjeux sont multiples, de la protection de nos ressources à la lutte contre les activités illégales, de la préservation de notre environnement maritime à l’affirmation de notre souveraineté. Nos armées disposent-elles des équipements adéquats, des ressources humaines suffisantes et des technologies de pointe nécessaires pour mener à bien les missions complexes qu’exigent leur surveillance et leur protection ? Nous demandons au Gouvernement de prendre des mesures concrètes pour renforcer nos capacités de surveillance maritime.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Le renouvellement des flottes de patrouilleurs outre-mer (POM), de bâtiments de soutien et d’assistance outre-mer (BSAOM) et de frégates de surveillance (FS), ainsi que des connexions satellitaires et des drones, est en cours, par plots. Le mouvement de renforcement de la sécurisation et de la surveillance de notre ZEE est et d’ores et déjà initié et assumé. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN70 de Mme Murielle Lepvraud

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Un amendement similaire à celui-ci avait fait l’objet d’un avis favorable de notre commission lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024. L’usage du 49-3 par le gouvernement Borne a empêché son examen en séance publique.

Nous appelons une nouvelle fois l’attention du Gouvernement sur le statut des sous-mariniers engagés dans la dissuasion nucléaire. Alors même qu’ils sont engagés en permanence pour maintenir notre posture stratégique, ils ne bénéficieront jamais du statut d’ancien combattant. Les opérations dans lesquelles ils sont engagés n’ont pas la qualification d’Opex et ils ne satisfont pas aux autres critères d’obtention de la carte du combattant.

Notre amendement est plus ambitieux que l’amendement II-DN1 du président Jacques, et financé. Nous espérons qu’il sera lui aussi adopté à l’unanimité, pour qu’il soit débattu dans l’hémicycle et pour que notre appel soit concrétisé.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Le rapport prévu par l’amendement II-DN1 nous permettra d’être éclairés sur ce point. Nous sommes tous d’accord pour dire que la situation faite à nos sous-mariniers naviguant à bord des SNLE a quelque chose d’inique. Ils doivent bénéficier des mêmes avantages que les autres militaires. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN48 de M. Frédéric Boccaletti

M. Frédéric Boccaletti (RN). Par cet amendement d’appel, le groupe Rassemblement national appelle l’attention du Gouvernement sur le statut des sous-mariniers œuvrant à notre dissuasion. Engagés en permanence pour maintenir notre posture stratégique, pilier de notre sécurité et de notre défense nationales, ils ne bénéficieront jamais du statut d’ancien combattant, en raison notamment de la qualification de leur mission, qui n’est pas considérée comme une Opex. Il faut leur accorder la reconnaissance qu’ils méritent.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. M. Boccaletti et moi-même nous retrouvons souvent dans les associations d’anciens marins de la région de Toulon. Je souscris pleinement à ses propos maisttendons le rapport, nous verrons ensuite quelle direction suivre.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Notre collègue Chenevard nous a proposé par deux fois d’attendre le rapport prévu à l’amendement II-DN1. Or nous ne sommes pas certains que le budget de la défense sera examiné en séance publique, de sorte que ce rapport ne sera peut-être pas même demandé.

Par ailleurs, ce n’est pas parce que le Gouvernement est sommé par la représentation nationale de lui remettre un rapport, ni même parce qu’il s’engage à le faire, qu’il le fait. Je rappelle que nous attendons toujours le rapport sur le retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan, qui nous avait été promis pour le printemps et qui est toujours dans les limbes, peut-être parce que son contenu ne fait pas plaisir au ministre.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN25 de M. Alexandre Dufosset

M. Alexandre Dufosset (RN). Il vise à augmenter les moyens de la lutte anti-sous-marine (ASM), dont l’exercice Squale a rappelé en juin dernier qu’elle est cruciale, notamment dans le cadre d’une guerre de haute intensité. Nous proposons d’amplifier la tendance en cours, en augmentant de 10 millions les crédits qui lui sont alloués, ce qui permettra à nos armées de disposer des équipements les plus pointus dans ce domaine.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Le triangle opérationnel Atlantique 2 – frégates – sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), complété  par le NH90, est le meilleur au monde pour la chasse aux sous-marins, à tel point que les Américains nous demandent de pister ceux qui entrent en Méditerranée. Par ailleurs, la lutte ASM bénéficiera de l’augmentation des crédits alloués à la marine – à hauteur de 14 % en AE, soit 3,7 milliards, et de 11 % en CP, soit 3,5 milliards. L’amendement n’apporte donc aucun élément significatif en matière de lutte ASM.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN142 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité de modifier le statut des officiers mariniers commissionnés employés sur des postes de baleiniers en Polynésie française pour leur permettre de continuer à servir après dix-sept ans de service. Ils sont les seuls à savoir accoster sur certains archipels en passant au-dessus de la barrière de corail qui les entourent. Leur formation est longue, dans la mesure où chaque atoll est unique et n’a qu’un seul chemin d’accès. Il est donc indispensable de leur permettre de continuer à servir après leurs dix-sept ans de service. Leur demande est aussi celle des forces armées en Polynésie française (FAPF).

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis.  Il s’agit d’une situation, que nous avons déjà déplorée l’an dernier. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN138 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’Alphajet, qui équipe la Patrouille de France, arrivera en fin de vie vers 2032-2033. L’amendement vise à créer un programme permettant de lui donner un successeur.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je ne doute pas que la Patrouille de France disposera, en tout état de cause, d’un successeur de l’Alpha Jet. Faut-il acquérir un système sur étagère, en développer un en coopération avec nos partenaires espagnol et britannique ou développer un nouvel avion de façon autonome ? Cette dernière option aurait nécessairement un coût significatif, bien supérieur aux 50 millions prévus par l’amendement. Dans l’attente d’une décision à ce sujet, inscrire des crédits dès 2025 semble prématuré. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Il est plus que temps, compte tenu de la durée des programmes de ce type, de prévoir un successeur à l’Alpha Jet. Un avion sur étagère, je n’en vois pas. Une coopération de plus, il aurait fallu y penser il y a dix ans. Il est urgent, si nous voulons que la Patrouille de France continue à exister et à faire rêver les Français, de se pencher sur un tel programme. Un budget de 50 millions est un bon début.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN66 de M. Aurélien Saintoul

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il concerne également le successeur de l’Alpha Jet. Nous l’avions déposé l’an dernier. Le ministère des Armées nous avait répondu que la solution consiste à développer ou à acquérir un avion modulaire répondant à la fois aux besoins de la Patrouille de France, à la fonction RED AIR et à l’avion de complément à l’aune du Scaf et de son vecteur habité, l’avion de chasse de sixième génération (NGF). Cette réponse très floue n’est pas rassurante. Il n’est pas envisageable que la Patrouille de France évolue sur des appareils qui ne seraient pas français à 100 %. C’est pourquoi nous souhaitons créer une dotation matérielle pour la Patrouille de France.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je suis plongé dans un abîme de perplexité. Cet amendement est quasi identique à l’amendement II-DN138, que vous avez rejeté. Quelle est votre logique de vote ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN64 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à créer une ligne budgétaire pour garantir l’internalisation de la fonction RED AIR. Nous n’avons pas eu d’éclairage à ce sujet l’an dernier, faute d’examen du budget en séance publique. Cette fonction, liée à la souveraineté nationale, ne peut être ni déléguée ni confiée à des prestataires privés, a fortiori s’ils sont étrangers.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Comme je l’ai rappelé ce matin, il me semble nécessaire de réinternaliser la fonction RED AIR, qui n’existe plus au sein de l’AAE en raison du format de nos armées. Cette mission doit être confiée uniquement à des entreprises françaises, à l’exclusion d’entreprises étrangères qui s’établiraient quelque temps en France pour répondre à l’appel d’offres. Toutefois, l’amendement II-DN138 me semble préférable à celui-ci. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN37 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Chacun connaît la position de notre groupe sur le programme Scaf et sur ses atermoiements. Le dernier en date est le rapprochement entre Berlin et Londres en novembre 2023, matérialisé par la signature de l’accord Trinity House Agreement prévoyant l’élaboration d’un drone de combat susceptible de concurrencer le Scaf.

Dans son ouvrage Vers la guerre ?, le ministre Lecornu lui-même émet des doutes sur la réussite du programme. Le Scaf, c’est le MGCS en pire. Nous souhaitons un programme souverain, financé par la réattribution des fonds du Scaf au développement – enfin ! – d’un avion par des sociétés françaises.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nos collègues du Rassemblement national ont de la suite dans les idées : ils ne veulent aucune coopération franco-allemande, ce qui serait presque une bonne nouvelle les concernant.

Sur le fond, je suis moins inquiet que vous sur le calendrier du Scaf. Nous disposons, dans l’attente du Scaf, d’une solution transitoire très ambitieuse : le Rafale standard F5. Un lancement de la phase 2 du Scaf en 2026 ne portera pas préjudice à l’AAE.

Par ailleurs, vous avez parfaitement raison de rappeler la nécessité de préserver nos intérêts nationaux, notamment dans le domaine de la dissuasion nucléaire. Or cette exigence est pleinement intégrée : dans le cadre de la phase 1B, la France aura consacré plus de 700 millions d’euros à des travaux purement nationaux.

Enfin, l’entrée dans la phase 2, qui sera déterminante, doit dépendre d’engagements de nos partenaires sur la préservation de nos intérêts industriels et de notre liberté d’exportation. Si ces conditions sont réunies, le développement en coopération, qui permet de diviser les coûts par trois, doit être privilégié pour aboutir à un démonstrateur. Avis défavorableMme Sabine Thillaye (Dem). Il faut, entre partenaires, faire preuve d’un minimum de respect et de confiance mutuels. Si chacun passe son temps à se plaindre de l’autre, il est impossible d’aboutir. À trop parler des projets qui patinent, on en oublie ceux qui marchent. J’appelle l’attention sur la coopération entre les motoristes MTU Aero Engines et Safran, qui marche particulièrement bien. Si elle est efficace, c’est parce que les objectifs ont été bien définis au préalable, dès 2018, et la propriété intellectuelle bien délimitée. À condition de dialoguer et de définir clairement les priorités ainsi que la méthode dès le début, les coopérations aboutissent. Si l’on s’inscrit dans un esprit de concurrence de part et d’autre et non de confiance, rien ne peut aboutir.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je remercie M. Cormier-Bouligeon d’avoir signalé l’importance du standard F5 et de la dronisation du Rafale. Nous défendons cette idée depuis de nombreuses années, notamment en rappelant l’importance du programme Neuron. Nous aurions pu voter cet amendement, malheureusement l’alternative au Scaf proposée n’est pas la bonne.

Nous devons avancer et procéder à un saut technologique. Tel est le sens de l’amendement II-DN76, qui vise à remplacer le Scaf par le développement d’un avion spatial qui est à l’étude chez certains de nos industriels et qui permettrait à la France, dans les décennies à venir, d’être à la pointe de la technologie et de maîtriser une technologie de rupture indispensable, à laquelle il faut consacrer autant de ressources que possible.

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Monsieur Giletti, le drone de combat prévu par l’accord germano-britannique récemment signé est à l’Eurofighter ce que le projet de drone issu du programme Neuron serait au Rafale standard F5.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN130 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel vise à alerter la représentation nationale sur le besoin en MCO qui se fera sentir l’an prochain en raison de la cession aux forces armées ukrainiennes de Mirages 2000-5, cession qui provoquera nécessairement un report d’activités sur les avions Rafale et sur les avions Mirage 2000D.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN135 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à augmenter les crédits relatifs aux infrastructures opérationnelles de l’armée de l’air et de l’espace. Ce budget est en diminution dans le projet de loi de finances pour 2025. Pour ne citer qu’elles, les pistes aéronautiques sont pourtant un outil de combat à part entière. Cette baisse de crédits empêchera de parer à la vétusté croissante des infrastructures opérationnelles de l’armée de l’air et de l’espace

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN76 de M. Aurélien Saintoul

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La coopération sur le Scaf est un vrai sujet. Il est impensable que la France se lie les mains dans une telle coopération compte tenu du résultat des autres coopérations avec l’Allemagne, d’autant que le partenaire allemand vient de signer un accord avec le Royaume-Uni pour un projet quasi concurrent du Scaf.

Il est nécessaire de penser dès à présent le saut technologique dont nous avons besoin, non en produisant un F-35 amélioré, comme pourrait l’être le NGF, mais en opérant un saut technologique, notamment en travaillant à l’avion spatial qui, en se déplaçant à haute altitude, serait quasi indétectable et quasi intouchable par les moyens de défense actuels, et pourrait tout à la fois frapper au sol et dans l’espace. Ce modèle d’avion est en développement chez nos industriels. Les Américains et les Chinois y travaillent également. Ne pas investir massivement dans un tel modèle d’avion spatial serait criminel pour notre défense.

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. L’avion spatial fait déjà partie des axes d’innovation du ministère au titre des études technico-opérationnelles, comme le prévoit la LPM 2024-2030. Par ailleurs, le programme Scaf poursuit son développement, notamment grâce aux crédits dédiés aux études amont dans le programme 144. Avis défavorable.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Comme je l’indique dans mon rapport et comme je l’ai expliqué ce matin, le standard F5 et son drone d’accompagnement pourraient faire le lien avec le NGF et avec la rupture technologique évoquée par M. Lachaud, à laquelle nous croyons aussi. Cela démontre que les arguments opposés à mon amendement II-DN37 étaient tout à fait fallacieux. Je regrette une fois encore le sectarisme et l’idéologie dont font preuve nos collègues du groupe La France insoumise.

M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Monsieur Giletti, je ne comprends pas pourquoi vous dites cela. Nous n’avons absolument pas supprimé les crédits alloués au standard F5 du Rafale, bien au contraire. Nous le soutenons depuis longtemps. Nous savons très bien qu’il standard peut être le chaînon manquant qui nous sépare du NGF. Nous ne voyons pas l’intérêt de plaider en faveur d’un Scaf français alors même que nous disposons du Rafale standard F5, dont le budget est indispensable pour avancer vers la rupture technologique de l’avion spatial. Il ne s’agit pas de sectarisme, mais de logique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN131 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. J’ai eu ce matin l’occasion de regretter l’abandon, dans la LPM 2024 – 2030, du lancement du satellite Syracuse 4C, qui figurait dans la précédente LPM. Cela crée un trou capacitaire dans nos télécommunications spatiales. Le présent amendement vise à rétablir les crédits pour le lancement du troisième satellite Syracuse 4C, qui pourrait être aussi une bouée de sauvetage pour les entreprises du spatial français – Thales Alenia Space et Airbus Space and Defense –, qui connaissent des difficultés.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Tel Henri Salvador, M. Giletti aimerait tant voir Syracuse ! L’ancien chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, le général Mille, a dit devant cette commission : « Nous avons, à une époque, imaginé d’énormes satellites en orbite géostationnaire. Mais les constellations qui évoluent en orbite basse ont aussi des avantages. Les deux sont complémentaires pour assurer l’efficacité et la redondance dont les armées ont besoin. Mettre tous nos objets sur l’orbite géostationnaire serait à mon sens dangereux. »

Par ailleurs, la LPM 2024 – 2030 prévoit le lancement de Syracuse V, ce qui assure la continuité sur ce segment. Enfin, comme vous le rappelez vous-même dans votre exposé sommaire, le montant exigé par le lancement d’un troisième satellite est significatif. Si nous avons 800 millions à allouer, il y a d’autres priorités pour s’adapter à l’évolution de la menace. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN136 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Loin de moi l’idée d’opposer les capacités satellitaires en orbite basse et en orbite haute, dont j’ai rappelé ce matin qu’elles sont complémentaires. Le lancement du Syracuse 4C aurait permis de surveiller la zone indo-pacifique, qui n’est pas couverte par nos satellites souverains de télécommunications spatiales. Le présent amendement vise à rappeler la nécessité de lancer au plus vite les premières études relatives à Syracuse V, certes prévu par la LPM 2024 – 2030, mais dont nous n’avons pas le calendrier.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN79 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Nous avons mis en garde, lors de l’examen de la LPM 2024 – 2030, contre l’erreur qu’est la suppression du Syracuse 4C au profit d’une hypothétique constellation européenne Iris2, qui soulève une question de souveraineté, un projet européen ne pouvant garantir la souveraineté française. Nous constatons à présent que le projet Iris2 est à la peine, en raison de la crise du secteur des satellites en Europe et de la façon dont la Commission européenne gère les programmes spatiaux. Le risque de trou capacitaire est réel. Il n’est pas envisageable que les armées françaises ne bénéficient plus de moyens de communication clairement sécurisés.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN28 de M. Julien Limongi

M. Julien Limongi (RN). Le rapport annexé de la LPM 2024 – 2030 recense les ruptures capacitaires potentielles – elles sont nombreuses – susceptible de provoquer un trou capacitaire pour de nombreuses technologies. Tel est le cas s’agissant des satellites. Le présent amendement porte sur les satellites en général, en orbite haute et en orbite basse. Il vise à renforcer les moyens alloués à leur développement technologique.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous avons abordé la question en évoquant le satellite Syracuse V. Par ailleurs, nous sommes favorables à la constellation Iris2. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN12 de Mme Florence Goulet

Mme Florence Goulet (RN). Les tensions internationales s’étendent. L’espace est devenu un champ de confrontation. Sa militarisation s’intensifie. Nos infrastructures spatiales, peu visibles, sont indispensables à la défense nationale, aux communications et à l’économie. Elles sont directement menacées par des satellites espions ou armés.

La France a pris des initiatives en la matière. Toutefois, les moyens actuels sont insuffisants pour garantir la mise en œuvre rapide et efficace des programmes. L’amendement prévoit d’accroître les financements pour assurer une protection optimale de nos infrastructures spatiales et préserver notre souveraineté dans ce nouvel espace de confrontation.

Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN134, II-DN139, II-DN133 et II-DN137 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’amendement II-DN134 alloue des moyens supplémentaires à l’acquisition d’un radar de veille spatiale Graves. Les capacités spatiales sont indispensables à la compréhension des situations. Il s’agit de moderniser notre système de détection de l’espace.

L’amendement II-DN139 vise à augmenter les moyens alloués à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera) pour accélérer le développement du radar Graves et permettre à la France de maintenir son rang parmi les puissances mondiales.

L’amendement II-DN133 vise à faire respecter l’effectif théorique initial du commandement de l’espace (CDE), installé à Toulouse. Le respect de la stratégie spatiale de défense (SSD) se joue aussi à hauteur d’homme. Le CDE emploie actuellement 320 militaires, dont environ 85 % appartiennent à l’AAE. Un effectif de 470 personnes est prévu à l’horizon 2030, alors qu’il était initialement prévu un effectif de 500 militaires dès 2025.

L’amendement II-DN137 porte sur le drone volant à moyenne altitude et longue endurance (MALE) européen. J’ai interrogé ici même le ministre Sébastien Lecornu sur les atermoiements de ce programme. Il a reconnu l’existence de retards et indiqué qu’il faudra s’interroger sur la pertinence d’un drone MALE européen en 2032. Cet amendement d’appel met en lumière un drone auquel il faut donner sa chance, l’Aarok, mis au point par Turgis & Gaillard. Il peut être un très bon complément à l’hypothétique drone MALE européen.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. La demande formulée par l’amendement II-DN134 nous semble prématurée. Le radar Graves-NG, qui succédera au radar Graves, est en développement. Attendons son aboutissement avant de commander un second radar Graves. Avis défavorable.

S’agissant de l’amendement II-DN137, il va de soi que nous devons être attentifs au segment des drones. Mini-drones, munitions teléopérées, drones tactiques, drones aériens de la marine, drones MALE : nous devons faire porter l’effort sur tout le spectre. S’agissant plus du drone Aarok, le ministre des Armées lui-même a jugé le projet intéressant. Le « patch drones et robots » de la LPM 2024 – 2030, doté de 5 milliards d’euros de besoins programmés, permet d’intégrer ce type d’objet dans la programmation.

S’il n’y a pas de crédits dédiés à ce drone dans le projet de loi de finances pour 2025, ce n’est pas par manque d’intérêt, mais parce qu’il est trop tôt. Ce drone a commencé ses essais au sol en avril 2024. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Avis défavorable sur le 137.

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. L’Onera bénéficie de subventions à hauteur de 129 millions d’euros pour charge de service public et pour charge d’investissement. Par ailleurs, en tant qu’établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), il bénéficie d’un soutien important par le biais de marchés avec le ministère des Armées et des Anciens combattants. En tant qu’établissement dont les activités sont duales, il bénéficie également des marchés du domaine civil. Je doute donc qu’une hausse de ses crédits de 1 million ait un impact significatif, sinon sur les crédits du programme 146 que l’amendement prévoit d’amputer. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous examinons de multiples amendements d’appel à 1 euro. Les amendements d’appel devraient être réservés à l’examen du budget en séance publique, où le ministre est présent et peut répondre. Demande de retrait ou avis défavorable sur l’amendement II-DN133.

La commission rejette successivement les amendements II-DN134, II-DN139 et II-DN133.

Elle adopte l’amendement II-DN137.

 

Amendement II-DN47 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Il vise à l’acquisition d’une solution souveraine en matière de drones. Le drone Aarok a été félicité par le CEMAAE, qui est favorable à son expérimentation. Il s’agit de doter nos forces armées d’un outil souverain de surveillance et de renseignement.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Je fais observer que cet amendement prévoit un budget de 40 millions.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN61 de M. Christophe Marion

M. Christophe Marion (EPR). Cet amendement, que je retire, ne prévoit pas 40 millions pour acquérir un drone qui n’existe pas encore, mais 10 millions pour le finaliser.

L’amendement est retiré.

 

Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement II-DN23 de M. Alexandre Dufosset.

 

Amendement II-DN108 de M. Frédéric Boccaletti

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. S’agissant d’un amendement d’appel, j’invite son auteur à le déposer en séance publique, le Gouvernement n’étant pas représenté en commission. Sur le fond, il est redondant avec l’amendement II-DN147, que j’ai déposé en tant que rapporteur pour avis du programme Soutien et logistique interarmées, visant à abonder les crédits du service de santé des armées (SSA) et que j’invite la commission à adopter. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN78 de M. Aurélien Saintoul

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit de mettre en lumière les lacunes budgétaires de la pharmacie centrale des armées (PCA) et les actions de recherche du SSA, malmenés par des années de politique d’austérité. Il s’inscrit dans la continuité des observations de mon rapport pour avis. Une action ambitieuse est nécessaire pour renforcer le SSA et sa capacité de répondre à des engagements de haute intensité et de longue durée. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN6 de M. Frank Giletti.

 

Amendement II-DN5 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. La SSD a un sens si nous sommes en mesure d’agir dans l’espace, ce qui constitue une véritable rupture. Compte tenu des retards du programme d’yeux en orbite pour un démonstrateur agile (Yoda), confirmés par le projet annuel de performances (PAP), l’amendement vise à obtenir un calendrier de sa mise en œuvre.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Notre collègue n’a pas défendu le bon amendement. S’agissant de l’amendement II-DN5, j’en suggère le retrait au profit de l’amendement II-DN147, que j’ai déposé en tant que rapporteur pour avis et que je vous invite à adopter, et émets à défaut un avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN26 de M. Alexandre Dufosset

Mme Nadine Lechon (RN). Il vise à augmenter les effectifs du SSA. En l’état actuel de ce dernier, notre pays, comme l’indiquent les rapports publiés par la Cour des comptes en juin 2023 et par le Sénat en septembre 2023, notre pays ne pourrait soigner de façon adéquate les blessés d’un conflit de haute intensité. Il convient d’accélérer et de faciliter le recrutement de personnel, notamment par des mesures d’incitation de nature financière telle que des primes, des prêts d’acquisition immobilière et des aides à la mobilité familiale.

Le présent amendement prévoit d’abonder de 10 millions en AE et en CP les crédits du titre II (T2) de la sous-action 58.06 Fonction santé de l’action 58 Logistique et soutien interarmées – Personnel travaillant pour le programme Préparation et emploi des forces du programme 212 Soutien de la politique de défense. Afin de respecter l’impératif de recevabilité financière, il prévoit de minorer du même montant les crédits en AE et en CP de l’action 8 Relations internationales et diplomatie de défense du programme 144.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les ressources humaines du SSA sont un véritable sujet. Le SSA a énormément de difficultés à recruter et à fidéliser. Malheureusement, j’émets un avis défavorable. Un abondement immédiat de 10 millions ne me semble pas résoudre le problème.

Il faut une dizaine d’années pour former des médecins. Augmenter les crédits du T2 de 10 millions n’est pas forcément la meilleure des solutions. Il faut les augmenter dans la durée et accompagner cette augmentation par celle des budgets alloués à l’entretien des infrastructures et aux capacités de formation, compte tenu de la longueur des parcours d’études. Il est indispensable de travailler sur le capacitaire. Je vous invite à voter l’amendement II-DN147, qui vise à améliorer les capacités du SSA.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN147 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à abonder les crédits dédiés au SSA afin de soutenir le renforcement de ses capacités de rôle 2 et 3 – chirurgie initiale et de sauvetage ; traitement hospitalier sur le théâtre – pour préparer les opérations des conflits de haute intensité.

L’amendement vise aussi à répondre au Retex de l’opération de secours aux populations civiles victimes des opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza. Cette mission a démontré la complexité, pour le SSA, qu’induit le traitement de nombreuses victimes de combats de haute intensité.

Nous proposons de renforcer les moyens du SSA, à hauteur de 20 millions, afin de soutenir une démarche d’acquisition des matériels nécessaires à la mise en œuvre de capacités de soutien médical de rôle 2 et 3 pour des engagements de haute intensité et de longue durée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN43 de Mme Caroline Colombier

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les bras m’en tombent. Vous votez contre un amendement à 20 millions mais vous défendez un amendement à 18 millions. J’avoue ne pas comprendre. Un crédit de 18 millions est insuffisant pour atteindre l’objectif fixé par l’amendement. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN141 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à rappeler au Gouvernement la nécessité de renforcer les moyens civils relatifs aux évacuations sanitaires (Evasan) dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) afin de limiter la pression induite par les Evasan sur les personnels, matériels et vecteurs des forces de souveraineté. Dans les collectivités d’outre-mer, les autorités civiles doivent se réapproprier pleinement la compétence Evasan, qui leur revient en droit, afin d’obérer le moins possible les capacités opérationnelles des armées.

Votre rapporteur a constaté en Polynésie française que les réquisitions et les demandes de concours fréquentes des forces de souveraineté dans le cadre des Évasan peuvent entraîner une sursollicitation des forces, des soutiens et des matériels. Si le rythme anormalement élevé des Evasan réalisé par les forces armées dans le Pacifique en lieu et place des autorités civiles a légèrement diminué depuis la crise de la covid-19, il se maintenait à un niveau supérieur à celui d’avant-covid lors de mon déplacement, en juin 2023.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN29 de M. Julien Limongi

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Le « patch munitions » de la LPM 2024 – 2030 est doté de 16 milliards. L’effort est réel.

S’agissant de cet amendement relatif à la filière des munitions de petit calibre, je rappelle que nous développons un partenariat avec nos amis belges. Les ministres ont signé une lettre d’intention. Les discussions sont en cours avec l’industriel FN Herstal. Cette collaboration répondra à votre légitime préoccupation. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN15 de Mme Florence Goulet.

 

 

 

Amendements II-DN54, II-DN56, II-DN59 et II-DN58 de M. Thierry Tesson

M. Thierry Tesson (RN). Il s’agit d’alerter sur la nécessaire montée en puissance des réserves de missiles air-air. La LPM 2024-2030 prévoit le renouvellement du missile d’interception, de combat et d’autodéfense (Mica) par le Mica NG. D’après le PAP 2024, un premier lot devrait être livré à l’AAE d’ici 2026 et aucune nouvelle commande n’est prévue avant. Les stocks sont insuffisants. En cas d’engagement aérien majeur, nos forces aériennes seraient rapidement à court de munitions, donc en difficulté pour mener à bien leur mission. Afin de permettre à l’AAE et à notre aéronautique navale d’être en mesure de continuer à jouer leur rôle de protection du territoire et de respect des engagements pris auprès de nos alliés, des commandes sont nécessaires.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il importe de remettre à niveau nos stocks de missiles, qu’il s’agisse des Mica, des Aster, des systèmes de croisière conventionnels autonomes à longue portée (Scalp) ou des autres. Des crédits de 16 milliards y sont consacrés sur la période 2024-2030, dont près de 2 milliards pour l’année 2025. Les missiles Mica ne sont pas oubliés : le projet de loi de finances pour 2025 prévoit près de 150 millions en AE et 200 millions en CP. Un lot de missiles Mica remotorisés sera livré à l’AAE en 2025, avant que ne soit livré le Mica NG. Je profite de l’occasion pour saluer MBDA, ses dirigeants et ses collaborateurs, notamment ceux du site de Bourges. Avis défavorable.

La commission adopte successivement les amendements.

 

Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN44 de M. Emeric Salmon.

 

Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte successivement les amendements II-DN101 de M. Frédéric Boccaletti et II-DN45 de M. Emeric Salmon.

 

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement II-DN111 de M. Sébastien Saint-Pasteur.

 

Amendement II-DN115 de Mme Anna Pic

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Le programme 144 ne comprend que deux services de renseignement, la DGSE et la DRSD. La direction du renseignement militaire (DRM) relève, quant à elle, du programme 178. Par ailleurs, la DGSE et la DRSD sont satisfaites de leurs budgets respectifs, qui sont conformes à la LPM 2024 – 2030. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement II-DN67 de M. Aurélien Saintoul est retiré.

 

Amendement II-DN75 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à financer la recréation d’une filière industrielle de munitions de petit calibre. Son montant – 500 millions – est bien plus élevé que ceux des amendements de nos collègues du Rassemblement national et plus conforme à l’objectif visé. Il s’agit, depuis plusieurs années, d’un marronnier de notre commission. Notre collègue Chassaigne, notamment, a souvent plaidé pour la renationalisation d’une filière de munitions de petit calibre. Donnons-lui acte qu’il avait raison.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Cela sent bon les années 1980 ! Les industriels n’y sont pour rien. Ce qui compte, ce sont les commandes de l’État. Créer un pôle public de l’armement ne changera rien à l’affaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN77 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à la nationalisation d’Atos. Depuis des mois, on nous explique qu’Atos doit être sauvée, mais le projet de sauvetage est pour le moins nébuleux. Nous avons décidé de prendre le taureau par les cornes.

On nous explique que, pour reprendre une entreprise dont le passif est de 5 milliards, il faut débourser 700 millions pour acquérir des activités dites stratégiques mais très mal définies – lesquelles ne le sont pas ? Or un rapide calcul basé sur la valeur des actions donne le chiffre de 70 millions. Ce montant est plus cohérent que celui de 700 millions, s’agissant d’une entreprise plombée par une dette de 5 milliards. Je ne vois aucune raison de faire un cadeau particulier aux actionnaires. L’État a absolument besoin de nationaliser Atos. Le montant de 70 millions est tout à fait raisonnable pour une entreprise de souveraineté dont il faut absolument préserver les compétences sans se plomber en rachetant pour 5 milliards de dette.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Des années 1980, nous passons à 1917 ! C’est retour vers le futur ! Vous décidez de rayer d’un trait de plume une dette pourtant bien réelle de 5 milliards. Avis défavorable.

Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Je soutiens l’amendement, qui me semble répondre à des besoins de souveraineté. La nécessité de conserver un outil de production et de souveraineté en matière de données et de supercalculateurs n’a pas de date. 1917 ou une autre, peu importe ! Nous avons besoin d’Atos, qui est exposé au risque d’une vente à la découpe, non selon la valeur stratégique des activités, mais selon leur rentabilité. Nous ne pouvons pas nous permettre qu’une part d’Atos soit vendue au motif qu’elle est rentable et de laisser le reste se dévitaliser.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je n’ai pas voulu dramatiser l’enjeu, croyant que nous sommes tous sensibles à la gravité du sujet. La désinvolture du rapporteur pour avis me laisse pantois. Il ne s’agit pas de faire une petite blague et de se demander s’il s’agit d’une solution datant de 1917. Il s’agit de répondre à un enjeu parfaitement contemporain lié à la mondialisation, notamment à la mondialisation financière.

S’il vous semble pertinent de laisser vendre à la découpe une entreprise qui développe une filiale telle que Worldgrid, qui développe des systèmes de contrôle-commande pour centrales nucléaires, et si vous vous sentez à l’aise avec une telle perte de souveraineté dans ce domaine, alors même qu’il s’agit d’une entreprise de rentes garantissant la survivabilité financière d’Atos, vous avez le droit de penser que je suis ringard. Je n’en pense pas moins que vendre Worldgrid n’est pas une bonne idée.

Si vous pensez que nous pouvons nous passer d’un champion national en matière de supercalculateurs et d’intelligence artificielle, c’est votre droit. Je crois, moi, à l’avenir d’un champion intégré. Racheter une entreprise ayant 5 milliards de dettes ne signifie pas les effacer d’un trait de plume, mais se donner les moyens d’un projet industriel sérieux et crédible à l’avenir, et non de se contenter de la vendre à la découpe en s’obligeant à l’avenir à conclure des contrats exclusivement avec HP.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN151 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement de sincérisation du budget porte sur un sujet que j’ai longuement abordé ce matin. Dès lors que le Gouvernement décide de créer la catégorie de Missops, de leur allouer un budget important – plusieurs centaines de millions chaque année – et de le prélever sur divers BOP des armées sans assurer la traçabilité et la visibilité de son coût réel pour le ministère, donc de ce qui doit être déduit de la planification de la LPM 2024 – 2030, il nous semble important à tout le moins de sincériser ce budget en créant une ligne budgétaire où inscrire les surcoûts des Missops.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Je souscris à ce constat. Il faut clarifier le statut des Missops, dont relèvent les opérations Aigle et Lynx, et mieux identifier les surcoûts associés, dont l’impact budgétaire pour l’armée de terre est significatif. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN51 de M. Daniel Grenon

M. Daniel Grenon (NI). Plusieurs experts alertent sur l’insuffisance de la provision de 800 millions destinée à financer les coûts assumés par les armées dans le cadre des Opex. Ces opérations, notamment les déploiements en Estonie dans le cadre de la mission Lynx et en Roumanie dans le cadre de la mission Aigle, en coopération avec les autres puissances de l’Otan, représentent un coût financier sous-estimé. Le seul coût de cette dernière a été estimé à 700 millions en 2022 par le Sénat, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2023. Compte tenu de l’insuffisance des provisions, le présent amendement d’appel vise à interroger le Gouvernement sur le manque de moyens alloués à l’armée pour les Opex.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement vise à abonder la provision des Opex-Missint afin de faire face au surcoût éventuel des missions menées sur le flanc est de l’Europe. Or ces opérations ne relèvent pas des Opex aux yeux du Gouvernement, qui les qualifie de Missops, ce qui est l’un des aspects du problème.

Ce faisant, l’amendement ajoute de la confusion à une situation déjà illisible, d’autant que son montant est sous-dimensionné par rapport au montant effectif des surcoûts des Missops. Surtout, il ne résout pas le problème majeur du traitement des Missops et des Opex : le refus répété du Gouvernement de se soumettre à l’obligation découlant de l’article 35 de la Constitution qui prévoit l’autorisation des interventions des forces armées à l’étranger par le Parlement et son information à leur sujet. Je regrette que vous n’ayez pas voté l’amendement II-DN151, qui permettait de régler la question que vous soulevez. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN146 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à abonder les crédits dédiés au financement des opérations prioritaires et rapidement envisageables par le service d’infrastructure de la défense (SID) afin d’améliorer les conditions de vie et de travail de nos forces armées. En 2022, le lancement de l’opération « Poignées de porte », dotée de 40 millions, avait permis de cibler la réalisation de 1 200 opérations de moyenne ou de faible envergure pré-identifiées, permettant de résoudre concrètement des irritants chroniques des militaires.

Les auditions de votre rapporteur pour avis portant sur les soutiens et sur la logistique interarmées révèlent des besoins persistants. Je suggère donc un abondement des crédits dédiés à la politique immobilière afin de relancer l’ambition issue de la première opération « Poignées de porte » et contribuer à l’amélioration de la condition militaire.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN33 de Mme Michèle Martinez

Mme Michèle Martinez (RN). Il vise à appeler l’attention sur la situation tendue rencontrée par les militaires, les civils de la défense et leurs familles pour se loger. Le logement joue un rôle indéniable pour attirer et retenir les effectifs. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit des moyens certes en hausse, mais loin d’être suffisants, tant nous partons de loin en matière de logement. Pour construire plus et plus vite, j’espère obtenir un avis favorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement prévoit un abondement de 30 millions pour la politique de logement du ministère des Armées. Il est évident qu’il faut traiter la situation du logement au sein de ce ministère. C’est une question de justice.

Toutefois, les travaux de votre rapporteur pour avis ont permis de mettre en lumière les capacités contraintes du SID, qui a des problèmes de recrutement majeurs. Il ne paraît pas envisageable que ce service puisse absorber la maîtrise d’ouvrage équivalente à un abondement de 30 millions sur une seule année. J’invite plutôt à ouvrir une réflexion sur la transformation à long terme des capacités du SID, qui me paraît préférable, couplée à une juste augmentation des crédits dont il a la responsabilité. Je défendrai l’amendement II-DN148 à cet effet et invite la commission à l’adopter.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-46 de M. Emeric Salmon

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Compte tenu des besoins identifiés par mon travail, il me semble que l’amendement II-DN68 de M. Bex est mieux dimensionné par rapport aux besoins. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN68 de M. Christophe Bex

M. Christophe Bex (LFI-NFP). En vue de la revalorisation du patrimoine, nous proposons un redéploiement de crédits réaliste et réalisable de 8 millions.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Quitte à voter des crédits que le SID risque de ne pas pouvoir dépenser, je suis favorable au vote de crédits supplémentaires de 8 millions, en espérant que le SID me donne tort et parvienne à les dépenser.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN148 et II-DN153 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le II-DN148 est un amendement d’appel portant sur la politique du logement mise en œuvre par la direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE).

Les dispositions appliquées pour le paiement des charges du logement prévoient une retenue pour le logement et l’ameublement, dont le taux correspond à 10 % de la rémunération des militaires soumise à retenue pour pension. Le taux de la retenue pour un fonctionnaire civil du ministère des Armées muté dans un territoire d’outre-mer est fixé à 15 % du salaire soumis à retenue. L’amendement vise à aligner le taux de la retenue pour charge de logement des personnels civils du ministère des Armées dans les outre-mer sur le taux de retenue appliquée au personnel militaire.

L’amendement II-DN153 traite du logement des militaires affectés à l’étranger. J’ai évoqué ce matin les problèmes qu’ils rencontrent. L’indemnité de résidence à l’étranger (IRE) est nettement insuffisante pour répondre aux besoins de nos militaires dans de très nombreux pays. En Corée du Sud par exemple, un militaire louant un appartement doit d’abord verser de 50 % à 90 % de la valeur du bien, ce qui est impossible, notamment pour les sous-officiers. Il est donc indispensable de revoir la politique du logement pour nos militaires affectés à l’étranger.

La commission adopte successivement les amendements.

 

 

Amendement II-DN60 de M. Thierry Tesson

M. Thierry Tesson (RN). Cet amendement d’appel vise à alerter sur la nécessaire rénovation des infrastructures sportives du ministère des Armées, dont j’ai pris la mesure lors d’un déplacement dans le régiment cantonné à Douai, ville qui m’est chère. L’absence d’un plan de rénovation de ces infrastructures pose problème s’agissant de la préparation des soldats et de leurs conditions de vie, lesquelles jouent un rôle majeur pour fidéliser nos troupes. L’amendement prévoit d’accorder un budget à la rénovation des infrastructures sportives du ministère.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit certes d’un amendement d’appel, compte tenu de l’insuffisance du budget de 1 million proposé. Je vous invite à le retirer et à le défendre en séance publique pour que le ministre puisse vous répondre et émets à défaut un avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN71 de M. Abdelkader Lahmar

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit d’un amendement qui nous tient particulièrement à cœur et que notre groupe défend depuis plusieurs années. Notre collègue Lachaud a été rapporteur de la mission d’information sur l’évaluation des dispositifs de lutte contre les discriminations au sein des forces armées. Quelques années après la publication de son rapport, le « Me too » des armées a confirmé la nécessité, pour les militaires, de disposer d’un recours au sein de l’Assemblée nationale pour faire valoir leurs droits.

Le présent amendement vise à financer la création d’un comité parlementaire chargé suivi du respect des droits des militaires. On objectera qu’une telle instance ferait doublon celles qui sont chargées de la condition des personnels. En réalité, elle offrirait aux militaires une possibilité supplémentaire de faire valoir leurs droits dans des situations à laquelle ils ne voient pas toujours d’issue. Au demeurant, l’usage démontre que les militaires écrivent régulièrement à des parlementaires faute de trouver une issue. Il s’agit de garantir le respect des droits des militaires.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable. J’ai formulé une telle préconisation dans mon rapport de 2019.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN145 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à renforcer l’engagement du ministère des Armées en faveur de l’inclusion des personnes en situation de handicap en l’inscrivant dans une politique plus large de diversité sociale et de lutte contre toutes les formes d’inégalités. Le ministère des Armées est le deuxième employeur public en France. Il a donc une capacité d’entraînement et une responsabilité l’obligeant à l’exemplarité dans la promotion de l’inclusion professionnelle et dans la lutte contre les discriminations. Pourtant, le taux d’emploi des personnes handicapées dans l’armée est encore trop bas par rapport à la moyenne nationale. L’objectif annoncé lors du lancement du plan « handicap » d’un taux de 6 % de personnels en situation de handicap en 2024 n’a pas été atteint. C’est pourquoi je propose une augmentation significative du budget dédié.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN149 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’inscrit dans le cadre du « Me too » des armées et de la publication de mon rapport d’information en 2019. Les chiffres sont terrifiants. La mission d’enquête sur les violences sexuelles et sexistes (VSS) donne des chiffres terrifiants de dizaines de viols, de centaines d’agressions sexuelles et surtout d’un tiers des femmes militaires victimes de VSS. Il est donc urgent de réagir. Le ministre a commis deux circulaires. Toutefois, les effectifs de la cellule Thémis sont encore trop faibles pour répondre à l’afflux des demandes pour entendre la parole des victimes qui se libère. C’est pourquoi je propose d’en augmenter leur budget pour permettre de procéder à des recrutements.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN144 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La rémunération indiciaire des sous-officiers supérieurs devait augmenter au 1er octobre. Tel n’a pas été le cas. Le ministère annonce une augmentation au 1er décembre. Cela représente deux mois de solde augmentée perdus pour les militaires. Il importe, pour fidéliser nos armées, que les militaires aient confiance dans l’engagement et dans la parole donnée par le ministre. C’est pourquoi je propose d’augmenter la ligne budgétaire afférente, afin de compenser ces deux mois et de faire en sorte que la hausse de la revalorisation indiciaire soit datée du 1er octobre et non du 1er décembre.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN38 de M. Julien Limongi

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le problème que me pose cet amendement est qu’il propose une revalorisation limitée aux seuls officiers et sous-officiers de l’armée de terre. Il ne me semble en aucun cas justifié d’exclure de mesures de revalorisation les personnels de l’armée de l’AAE, de la marine et des services interarmées. Les efforts doivent concerner les forces dans leur ensemble, qui concourent toutes à l’exercice des missions des armées et partagent les mêmes défis de fidélisation et d’attractivité. Je suggère le retrait de l’amendement en vue de le rédiger autrement et le présenter en séance publique, et émets à défaut un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-DN150 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les militaires affectés à l’étranger bénéficient d’une prime, l’IRE. Leurs grades correspondent à des catégories de fonctionnaires civils. Les sous-officiers sont traités au niveau de leur prime comme des fonctionnaires de catégorie C. Or les postes qu’ils occupent justifient leur rattachement à la catégorie B.

Il s’agit d’une perte de revenu chiffrée à 1,9 million pour les sous-officiers affectés à l’étranger. Il en résulte des difficultés pour se loger, mais aussi des failles de sécurité. J’ai évoqué ce matin le cas d’un sous-officier obligé de faire du baby-sitting le soir pour financer son logement, ce qui est scandaleux. Un militaire qui n’a pas les moyens de survivre est une proie facile pour les services de renseignement étrangers. Je propose d’abonder de 1,9 million la ligne de crédits afférente.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN152 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une autre bizarrerie de la situation des militaires français à l’étranger. Les militaires dont le conjoint ne travaille pas perçoivent le supplément familial de solde à l’étranger (SUFE), dont la particularité est d’être versé même si le conjoint travaille pour une rémunération inférieure à un certain montant.

Le SUFE est calculé sur la base de l’indice brut majoré 300, qui a été retenu à une période où l’indice minimum de la fonction publique était 262. Autrement dit, un conjoint de militaire travaillant à l’étranger au niveau du Smic ferait perdre à son conjoint le bénéfice du SUFE. Ne pas en revoir l’indice prive des dizaines de militaires d’un revenu complémentaire indispensable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN143 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je l’ai déposé l’an dernier, mais il n’a pas été examiné en séance publique, le 49-3 ayant coupé court à nos débats. Il vise à améliorer le statut des personnels civils de recrutement local de Polynésie, dont le statut très particulier est une manière, pour l’État français, de reconnaître sa dette due aux essais nucléaires dans le Pacifique. Ce statut, certes protecteur, fige certains personnels dans un même poste ou dans une même catégorie. L’idée est d’y inclure des postes de catégorie A. Il s’agit d’une mesure de justice sociale à destination des personnels civils de recrutement local de Polynésie.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN36 de M. Thierry Tesson

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Dans le domaine spatial, le budget des études amont prévoit 70 millions d’euros en AE et en CP. Celui alloué à la dissuasion est d’environ 202 millions d’euros. Le montant de 1 million d’euros est en quelque sorte un montant d’appel. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN57 de M. Thierry Tesson

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. La direction générale de l’armement (DGA) a notifié le 5 mars 2024 des accords-cadres auprès de cinq sociétés en vue d’identifier les solutions permettant le développement d’ordinateurs quantiques universels. Cela représente un investissement de 500 millions dans le cadre de France 2030. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN24 de M. Alexandre Dufosset

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Le montant de 10 millions est cosmétique par rapport aux montants d’ores et déjà engagés dans le domaine du quantique. Outre le programme PROQCIMA, le ministère participe au programme ADEQUADE, financé par le Fonds européen de la défense (FEDef) et coordonné par Thales. Par ailleurs, la gravimétrie quantique est d’ores et déjà une réalité grâce au programme de capacité hydro-océanographique future (CHOF). Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-DN39 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Il offre l’occasion de régler deux problèmes. Le premier problème s’appelle l’Agence européenne de défense (AED), qui est clairement un organisme qui ne sert pas à grand-chose et bat en brèche la souveraineté des États en matière de défense, qui est pourtant la seule concevable. Nous proposons de prendre l’argent de ce budget – 8,7 millions – pour régler un second problème, celui du MCO, souvent décrit comme un problème ou un point de vigilance par les rapporteurs pour avis. Retrouver notre souveraineté nationale, aider nos armées à s’entraîner et à rester opérationnelles : cet amendement deux-en-un est fort de sens.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis Anne Le Hénanff, la commission adopte l’amendement.

 

Contre l’avis de la rapporteure pour avis Anne Le Hénanff, la commission adopte l’amendement II-DN22 de Mme Florence Goulet.

 

Amendement II-DN103 de M. Boris Vallaud

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Il vise à accompagner le développement d’une stratégie complémentaire au transfert d’armes en abondant de 200 millions l’aide à l’Ukraine, qui est un engagement que nous soutenons, mais qui ne doit pas peser sur le budget des armées.

Afin de ne pas amputer les budgets sur lesquels l’amendement est gagé, ses auteurs comptent sur l’application de l’article 4 de la LPM 2024 – 2030 prévoyant que l’aide à l’Ukraine ne pèse pas sur le budget des armées.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous partageons l’ambition de Mme Santiago : nous avons soutenu la création du fonds spécial de soutien à l’Ukraine à hauteur de 100 millions en 2022, ainsi que son abondement à hauteur de 200 millions en 2023 puis en 2024. Je crois comprendre que le Gouvernement cherche à modifier son mode de financement, notamment en utilisant les intérêts des actifs russes gelés en Europe. Nous préférons faire payer les milliardaires russes proches de M. Poutine que les contribuables français. Je suis favorable à l’objectif mais émets un avis défavorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

 

 

Amendement II-DN72 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit de faire respecter une promesse ministérielle. L’an dernier, nous avons demandé au ministre d’indiquer dans les bleus budgétaires le montant exact de la contribution française à l’Otan, dans la mesure où elle est amenée à exploser pour atteindre près de 1 milliard à la fin de la décennie. Cette information figure dans les bleus budgétaires, nous a répondu en substance le ministre. Contraint de constater qu’elle n’y figure pas, il nous a concédé le point et s’est engagé à faire en sorte qu’elle y figure.

Non seulement elle n’y figure toujours pas, mais les questions posées en tant que rapporteur pour avis pour obtenir le montant précis du budget alloué à l’Otan sont restées sans réponse. Nous proposons donc de créer une ligne budgétaire Contributions internationales – Otan afin que le Parlement puisse contrôler l’action du Gouvernement et vérifier le montant réel de cette contribution.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN74 de Mme Murielle Lepvraud

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Le projet de loi de finances pour 2024 comporte une stratégie climat-défense visant à adapter nos armées aux bouleversements induits par les changements climatiques. Ce document se contente de mentionner la nécessité d’adapter les capacités politiques et les doctrines, et d’anticiper les exigences et les contraintes normatives. Le changement climatique est de plus en plus structurant pour toutes les activités humaines. Les armées n’y échapperont pas.

Nous nous interrogeons notamment sur la pérennité du moteur thermique alors même que l’Union européenne prévoit d’en interdire la vente à partir de 2035. Une exemption pour les moyens militaires terrestres est imaginable pour des raisons d’efficacité opérationnelle. Toutefois, dès lors que les principaux constructeurs ne produiront plus de véhicules thermiques, aucun n’acceptera de continuer à en produire pour les micro-marchés des besoins militaires. Nous serons obligés d’évoluer. Mieux vaut anticiper que subir. C’est la raison pour laquelle nous proposons la création d’un programme intitulé Préparer l’après-pétrole.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La lutte contre le changement climatique et la transition énergétique des activités humaines constituent un objectif civilisationnel. Les auditions de notre commission ont rappelé combien le changement climatique et la raréfaction des ressources naturelles agissent comme un amplificateur des risques géostratégiques. Le ministère des Armées a enfin pris conscience du problème. Le général Burkhard nous a enfin donné raison. Mme Lepvraud et plusieurs d’entre nous alertent de longue date à ce sujet. Il est nécessaire de tenir compte des enjeux de transformation des forces et des moyens de nos armées dans un monde post-pétrole. Le présent amendement vise à engager cette réflexion. Il est utile et nécessaire. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Après l’article 59 :

 

Amendement II-DN83 de M. Arnaud Saint-Martin

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement ne coûte pas cher. Il invite le Gouvernement à nous remettre un rapport pour avancer dans la connaissance et la compréhension de deux problèmes majeurs. Le premier est la gestion des débris spatiaux dans un contexte d’inflation et de prolifération des capacités orbitales et la réponse à apporter à cette question devenue critique. Le second est la météo spatiale, dont l’importance croît avec le trafic orbital. L’enjeu est d’objectiver l’existant et son devenir à brève échéance pour anticiper les évolutions susceptibles d’affecter le trafic des satellites, notamment des satellites militaires, et d’amorcer une réelle programmation cadre dans le domaine spatial.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’accroissement de la densification spatiale en orbite basse crée de nombreux risques. On estime à près de 40 000 le nombre d’objets de plus de 10 centimètres et à un peu moins d’un million le nombre d’objets de plus d’un centimètre. Sans sectarisme et pour faire avancer la connaissance et le bien de l’humanité, j’émets un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN132 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Il vise à réaliser notre capacité d’action dans l’espace, qui sera la véritable rupture de la stratégie spatiale de défense.

M. François Cormier-Bouligeon rapporteur pour avis. À l’amendement Yoda défavorable le rapporteur du programme 146 est. Vous avez consacré la partie thématique de votre rapport au domaine spatial. Vous avez donc auditionné toute la filière du spatial militaire. Votre rapport comporte toutes les informations utiles. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-DN80 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit d’obtenir du Gouvernement un rapport sur sa stratégie de surveillance maritime. Année après année, nous empilons les mesures et créons des programmes dans tous les domaines maritimes possibles. Nous manquons d’une vision d’ensemble de la protection de la souveraineté du territoire maritime. Il est tout à fait illusoire de considérer que la France exerce pleinement sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire maritime. Nous ne pouvons pas nous résoudre à cet abandon. Nous demandons au Gouvernement de détailler une stratégie globale articulant les moyens engagés. Un tel document existe mais ne propose aucune vision ni aucun but clairs.

Contre l’avis du rapporteur pour avis Yannick Chenevard, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN82 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’obtenir du Gouvernement des éléments précis sur l’impact des reports de commandes sur le coût des programmes et sur la capacité des armées à remplir les contrats opérationnels. La marche affichée de 3,3 milliards est faciale, dès lors qu’elle intègre des dépenses imprévues. Il y a donc report de charges. De même, si le financement interministériel du surcoût du BOP Opex n’est pas activé, cela augmentera encore les reports de charges.

Même si tout se déroule comme prévu d’ici 2030, le mur des AE sera supérieur à 150 milliards d’euros, soit près de trois fois le budget de la défense. Cela soulève deux questions : le budget est-il soutenable ? Quid de l’enjeu démocratique ? Le prochain Président de la République, qui sera élu au plus tard en 2027, sera pieds et poings liés par des engagements excédant largement la logique de planification. Il est indispensable de faire la clarté sur les surcoûts et sur les reports de charges.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je pourrais me contenter de mentionner les rapports prévus aux articles 9 et 10 de la LPM 2024 – 2030 ainsi que les nombreux rapports de la Cour des comptes. M. Lachaud soulève la question de l’ampleur des AE. Les programmes de défense sont lourds et de longue durée. Nous sommes obligés de recourir aux AE pour les financer, même si elle rigidifie les budgets. Des objets tels que le PANG et le standard F5 du Rafale doivent faire l’objet d’une prévision.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Amendement II-DN86 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à obtenir du Gouvernement un rapport faisant état du bilan global et des sommes perçues par l’État français au titre des redevances sur les exportations d’armement de la part des industriels et de leurs sous-traitants. Lorsque nous exportons des armements, les entreprises versent une redevance à l’État, qui est la contrepartie des subventions versées et du soutien à l’export.

Sur ce sujet, l’opacité règne depuis de nombreuses années. Le montant de ces redevances n’est pas communiqué à la représentation nationale. Nous ne sommes pas certains que le Gouvernement fasse le nécessaire pour obtenir les montants dus. Il s’agit de faire la lumière sur ce qui a pu se passer au cours des dernières années. Au demeurant, la Cour des comptes a appelé notre attention sur le sujet sans parvenir à donner un chiffre exact.

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Sans préjudice du fond, l’indicateur de performance que vous souhaitez créer n’a pas sa place dans le programme 144. Il en existe un permettant de mesurer le délai de traitement des dossiers d’exportation de matériels de guerre mais uniquement du point de vue de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS). L’indicateur proposé devrait figurer dans le programme 129 Coordination du travail gouvernemental, qui comprend notamment les crédits du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il ne s’agit pas de créer un indicateur mais d’obtenir un rapport permettant de faire le point sur ce qui a pu se passer au cours des dix dernières années en matière de redevances. Ont-elles été versées ou non ? Pourquoi ? Ces questions sont légitimes. Aucun document ne permet de le savoir, alors même que le doute est fort s’agissant de la possibilité que les entreprises se soient affranchies de cette obligation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN87 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit d’obtenir un rapport sur l’importation de matériels de guerre et de biens et technologies à double usage, qui serait le pendant du rapport annuel sur les exportations de ces matériels. Il est indispensable que la représentation nationale soit éclairée sur les volumes de biens à double usage et de matériels de guerre que la France importe. Cet exercice de transparence est nécessaire et indispensable pour savoir de qui nous pourrions dépendre dans les prochaines années, notamment en cas de conflit. Chacun connaît les réglementations américaines de contrôle des exportations en matière de défense (ITAR&EAR), qui ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières années et nous ont incités à désitariser les matériels de guerre. Cette réflexion devrait être appliquée à tous les États.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’annexe 11 du rapport sur les exportations d’armement recense d’ores et déjà les matériels importés en application du traité sur le commerce des armes (TCA), qui prévoit que les États parties sont tenus d’établir un rapport annuel sur leurs exportations et leurs importations d’armement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN118 de Mme Anna Pic et II-DN97 de Mme Isabelle Santiago ensemble

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Le II-DN118 prévoit un rapport sur les modalités de financement des Opex de la France.

Le II-DN97 porte sur le plan « famille 2 ». Un rapport précisant l’état d’avancement de sa mise en œuvre est nécessaire, compte tenu du taux d’inflation, des diverses mobilisations des personnels, des difficultés de réinsertion de certains d’entre eux et des accompagnements mis en œuvre, s’agissant notamment des soins et de la scolarisation des enfants.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement II-DN118 fait clairement écho à l’enjeu de traitement budgétaire et de qualification juridique des engagements à l’étranger des forces armées. J’ai soulevé la question à de très nombreuses reprises. Le refus répété du Gouvernement de se soumettre à l’obligation découlant de l’article 35 de la Constitution d’information et de contrôle du Parlement a abouti à une situation illisible, ubuesque et contraire aux dispositions de la LPM 2024 – 2030.

Ma conviction est qu’il faut considérer toutes les missions opérationnelles à l’étranger comme entrant dans le champ de l’article 35 de la Constitution, dont le respect doit conditionner tout financement interministériel. Le ministre a reconnu un enjeu de lisibilité. Toutefois, il me semble nécessaire d’attendre la réponse à la question juridique avant d’en tirer les enseignements pour le traitement budgétaire. Sagesse.

S’agissant de l’amendement II-DN97, les travaux de votre rapporteur pour avis ont permis d’identifier les retombées du plan « famille », en écho à la mission d’information sur le plan « famille » dont Mme Santiago était co-rapporteur. J’ai aussi analysé les développements en cours du plan « famille 2 », identifié certaines de ses lacunes et rappelé que certaines actions annoncées ou prévues restent à mettre en œuvre.

Cet amendement permettra utilement de renforcer le suivi par le Parlement de ces politiques fondamentales pour l’amélioration de la condition militaire et la réussite des efforts de fidélisation et de s’assurer que les engagements pris dans la LPM 2024 – 2030 sont réellement suivis d’effets concrets. Avis favorable.

La commission adopte successivement les amendements.

 

Amendement II-DN117 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Nous souhaitons obtenir un rapport sur l’adaptation de la politique de rémunération des militaires évaluant l’action du Gouvernement en faveur d’un meilleur équilibre entre rémunération indiciaire et rémunération indemnitaire, formulant des recommandations, et évaluant leur coût financier et leurs implications budgétaires en vue du prochain projet de loi de finances et des mesures.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Comme l’indique mon rapport pour avis, la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) n’a pas été à la hauteur des attentes, en raison d’effets négatifs que votre rapporteur pour avis a déjà évoqués à plusieurs reprises, notamment la fiscalisation de l’indemnité de garnison et les conditions de gestion et de versement de l’indemnité de sujétion d’absence opérationnelle (ISAO).

Toutefois, la présente demande de rapport sur les effets de la NPRM et sur les équilibres de la rémunération des militaires ne me paraît pas idéalement positionnée. À court terme, les effets pervers de la NPRM sont déjà bien identifiés et gagneraient à être résolus au plus vite. À moyen terme, la LPM 2024 – 2030 prévoit une clause de revoyure en 2026 et le Parlement sera récipiendaire d’un rapport sur le sujet. Je préconise plutôt une mission d’information dans le courant de l’année 2025 visant à analyser les effets de la fiscalisation. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN122 de M. Frédéric Boccaletti

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’ai déjà eu l’occasion de souligner que la fiscalisation de l’indemnité de garnison soulève une grande difficulté. Elle devrait, à partir de l’exercice fiscal 2025, effacer une partie significative des bénéfices de la NPRM en raison de la hausse consécutive de l’impôt sur le revenu et de la perte de bénéfice des prestations sociales. Ses effets restent toutefois difficiles à chiffrer.

Il me paraît donc plus adapté de prévoir la remise d’un rapport identifiant les effets de la fiscalisation de l’indemnité de garnison plutôt que ceux de sa défiscalisation. En dépit de mes demandes répétées, le ministère a été incapable de chiffrer les effets de la fiscalisation a priori. Nous le ferons a posteriori. Je pense qu’il n’est pas moins incapable, à moins qu’il s’agisse de mauvaise volonté, de nous donner des éléments sur la défiscalisation de l’indemnité de garnison. Soit le ministère n’en a pas les capacités, soit il ment ouvertement à la représentation nationale depuis trois ans. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN107 de M. Sébastien Saint-Pasteur

Mme Isabelle Santiago, rapporteur pour avis. Il vise à obtenir un rapport sur les coûts engendrés par les développements de technologies et les matériels innovants liés aux nouveaux espaces de conflictualité. Ce rapport pourrait différencier les trois espaces que sont le spatial, les fonds marins et le cyber. Ce dernier nécessite le développement de technologies innovantes spécifiques pour que la France assure sa supériorité dans ce domaine, où se mêlent puissances militaires et acteurs majeurs de l’économie. Ce rapport pourrait contribuer à la formulation d’une stratégie opérationnelle pour que la France ait l’ascendant militaire dans le cyberespace et puisse investir les domaines émergents liés à l’intelligence artificielle.

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Je souscris à la nécessité de disposer d’informations sur les coûts engendrés par l’émergence de nouveaux espaces de conflictualité. Il y a des informations à ce sujet dans les annexes budgétaires de la mission Défense, certes partielles et parfois peu claires. J’ai indiqué cet axe d’amélioration dans mon rapport pour avis.

Nous disposons toutefois d’éléments dans le rapport transmis aux parlementaires en vertu de l’article 10 de la LPM 2024 – 2030 relatif à son exécution. Je suis favorable à la clarification de la répartition du budget total dédié, au titre de l’innovation de défense ainsi que des programmes d’armement, aux nouveaux espaces de conflictualité et à d’autres domaines transverses tels que l’intelligence artificielle. Je suggère le retrait de l’amendement pour en retravailler la rédaction et le présenter, avec mon soutien, en séance publique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN85 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous sommes très préoccupés par le risque de privatisation des fonctions régaliennes liées au ministère de la défense. C’est pourquoi nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport dressant un bilan de l’éventuel recours aux entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD).

S’agissant des matériels importés, l’annexe 11 du rapport sur les exportations d’armement est tout sauf exhaustive. Elle précise exclusivement les imports de matériel déjà constitués, et absolument rien sur les composants qui nous intéressent.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN140 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’obtenir un rapport sur la scolarisation des enfants des militaires français à l’étranger, qui bénéficient à cette fin d’une prime, la majoration familiale à l’étranger (MFE). Elle permet de prendre en charge à l’euro près les frais de scolarité dans les établissements français de référence du pays. Malheureusement, elle ne tient compte ni des frais de transport, ni des frais de demi-pension, ni des frais d’uniforme, parfois inabordables avec un traitement de militaire, comme c’est le cas au lycée Rochambeau à Washington.

Un tel rapport permettrait de vérifier qu’il n’y a pas de solution plus efficace que la MFE pour résoudre ce problème, qui se pose particulièrement dans les pays anglo-saxons et scandinaves. Ainsi, les militaires ayant une famille sont de fait exclus des affectations à la délégation française à l’ONU, en raison du coût de la vie sur place.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Cette question a été abordée lors de la présentation du plan « familles » en 2021. Les militaires de pays étrangers, par exemple les Américains en poste à Naples pour l’Otan, perçoivent des primes permettant de financer leur vie de famille. Les nôtres travaillent souvent avec des militaires étrangers. Ce problème dure depuis des années et doit être réglé.

La commission adopte l’amendement.

 

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux explications de vote.

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous étions partis pour ne pas voter le budget de la mission Défense. Il intègre désormais d’importantes dispositions proposées par le Rassemblement national, notamment la fin des subventions à l’AED ainsi que la prise en compte de demandes capacitaires, de la santé, du logement et du salaire de nos militaires, de la situation des harkis et de la tension sur le point d’indice de la PMI. Nous y sommes donc favorables.

M. Yannick Chenevard (EPR). Nous étions partis pour voter ce budget. Un rapide calcul indique que nous avons augmenté de 800 millions un budget déjà considérable. Nous ne le voterons pas.

Mme Lise Magnier (HOR). Nous étions partis pour voter les crédits de la mission Défense. Nous avons amputé de 100 millions nos capacités de commandes de matériel, dont nos forces ont besoin. Nous avons amputé de 60 millions le financement de l’opération Sentinelle, au détriment de la sécurité du territoire national. À force de petits bougés, nous sommes parvenus à un budget qui prévoit 800 millions de bougés dans la trajectoire de la LPM 2024 – 2030. Pour nous, c’est inquiétant. Nous avons abondé de 300 millions les crédits du SSA, qui n’aura absolument pas les moyens concrets de les dépenser. La maquette budgétaire a fortement dévié de la trajectoire prévue par la LPM 2024 – 2030. Nous nous abstiendrons sur le vote de ces crédits.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Nous nous abstiendrons sur le vote des crédits, dans l’attente du débat en séance publique. Auparavant, nous souhaitons obtenir des réponses au sujet des mesures budgétaires de l’année 2024 impactant le budget qui nous est proposé. Nous tenons à la sécurisation des budgets de nos armées.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous avons remporté des victoires lors de l’examen de ce budget. Notre propos liminaire était très clair : nous ne ratifions pas l’idée selon laquelle la marche de 3,3 milliards est respectée. Les dépenses imprévues et les dépassements de crédits, dans le cadre des Opex, de l’aide à l’Ukraine, des JOP, de l’intervention en Nouvelle-Calédonie/Kanaky et des MissOps effacent ce montant. Des crédits de 800 millions ne permettent pas de compenser la perte que représentent ces dépenses indues.

Par ailleurs, la trajectoire budgétaire globale présente, à l’horizon 2027 et surtout 2030, un mur de restes à payer. Les gains que nous avons remportés au cours de cet examen ne permettent pas de l’éviter. Nous voterons contre ce budget.

Nous espérons avoir l’occasion de plaider en séance publique en faveur de la nationalisation d’Atos, qui est notre principale victoire mais qui n’est qu’un pas.

M. Michel Gonord (DR). Nous aurions voté le budget, mais déformé par des modifications de 800 millions, nous ne le voterons pas.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense modifiés.


   Annexe :

auditions et déplacements du rapporteur pour avis

(Par ordre chronologique)

 

1. Auditions

 

      Centre national d’études spatiales – M. Philippe Steininger, conseiller militaire du président et M. Pierre Trefouret, directeur de cabinet ;

 

      Eutelsat Group – M. Hervé Cholley, directeur sécurité – sûreté ;

 

      État-major de l’armée de l’air et de l’espace – M. le général de division aérienne Philippe Adam, commandant de l’espace ;

 

      Direction générale de l’armement – Mme l’ingénieure générale de l’armement Eva Portier, adjointe Espace ;

 

      État-major des armées – M. le général de corps d’armée Jacques Langlade de Montgros, directeur du renseignement militaire ;

 

      Thalès – M. Hervé Derrey, directeur général adjoint Espace et M. Riadh Cammoun, vice-président des affaires institutionnelles ;

 

      Alliance NewSpace – M. Stanislas Maximin, président ;

 

      Airbus – M. l’amiral Olivier Lebas, conseiller défense, M. le général Guy Girier, conseiller défense, M. Fabien Menant, directeur des affaires publiques et M. Olivier Masseret, directeur des relations institutionnelles France ;

 

      Ariane Group – M. Philippe Clar, directeur des programmes Défense et M. Hugo Richard, directeur de cabinet ;

 

      État-major de l’armée de l’air et de l’espace – M. le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger, chef d’état-major ;

 

      État-major de l’armée de l’air et de l’espace – M. le général de division aérienne Vincent Chusseau, sous-chef plans et programmes ;

 

      État-major de l’armée de l’air et de l’espace – M. le général de corps aérien Philippe Hirtzig, directeur des ressources humaines ;

 

      MBDA - M. l’amiral Hervé de Bonnaventure, conseiller défense, M. Jean-René Gourion, directeur général délégué MBDA France & directeur Sales & Business Development France et Mme Anne-Sophie Thierry-Bozetto, responsable des relations politiques et parlementaires.

 

2. Déplacements

 

      Toulouse :

 

         Commandement de l’Espace

 

         Centre national des études spatiales


([1])  Programme de protection déployable modulaire anti-drones

([2])  https://www.senat.fr/controle/dossier/2023/17721.html

([3])  https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/lutte-anti-drone-pour-les-jo-une-priorite-pour-attal-sur-laquelle-les-senateurs-ont-alerte

([4])  Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises

([5])  Service départemental d’incendie et secours

([6])  Audition du 14 octobre 2024

([7])  Général Philippe Steininger, Révolutions spatiales, de Von Braun à Elon Musk, l’Archipel, 2024.

([8])  Instruments de renseignement et d’imagerie spatiale

([9])  Général Philippe Steininger, Révolutions spatiales, de Von Braun à Elon Musk, l’Archipel, 2024.

([10])  Capacité électromagnétique spatiale

([11])  Général Philippe Steininger, Révolutions spatiales, de Von Braun à Elon Musk, l’Archipel, 2024.

([12])  Direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information du ministère des Armées

[13] Au-delà du détroit de Malacca, les armées ne disposent pas de moyens de communication

satellitaires patrimoniaux (système crypté et durci SYRACUSE) en Indo-Pacifique. En fonction du

besoin, des équipements civils sont utilisés dans un cadre contractuel interministériel appelé « ASTEL– S5 ».

([14])  Général Philippe Steininger, Révolutions spatiales, de Von Braun à Elon Musk, l’Archipel, 2024.

([15])  Opérations de modernisation des équipements GNSS des armées

([16])  La latence, exprimée en millisecondes, exprime le retard induit par un système afin de traiter une information

[17]  En électronique, le rapport signal sur bruit est le rapport des puissances entre la partie du signal qui représente une information et le reste, qui constitue un bruit de fond. Il est un indicateur de la qualité de la transmission d'une information.

([18])  Général Philippe Steininger, Révolutions spatiales, de Von Braun à Elon Musk, l’Archipel, 2024.

([19])  Général Philippe Steininger, Révolutions spatiales, de Von Braun à Elon Musk, l’Archipel, 2024.

([20])  Général Philippe Steininger, Révolutions spatiales, de Von Braun à Elon Musk, l’Archipel, 2024.

([21])  Grand réseau adapté à la veille spatiale

([22])  Général Philippe Steininger, Révolutions spatiales, de Von Braun à Elon Musk, l’Archipel, 2024.

([23])  Général Philippe Steininger, Révolutions spatiales, de Von Braun à Elon Musk, l’Archipel, 2024.

([24])  https://actu.fr/occitanie/toulouse_31555/764-postes-sur-la-sellette-chez-thales-a-toulouse-on-nous-explique-qu-il-n-y-a-pas-d-avenir_61616911.html

([25])  Source : rapport parlementaire du député Jean-Michel Jacques

[26] Proliferated Warfighter Space Architecture

([27])  Général Philippe Steininger, Révolutions spatiales, de Von Braun à Elon Musk, l’Archipel, 2024.

([28])  Général Philippe Steininger, Révolutions spatiales, de Von Braun à Elon Musk, l’Archipel, 2024.

([29])  Un micro-lanceur place jusqu’à 300 kg en orbite basse et un mini-lanceur jusqu’à 1 500 kg.

([30])  Général Philippe Steininger, Révolutions spatiales.

([31])  Système préparatoire infrarouge pour l’alerte

([32])  https://www.defense.gouv.fr/aid/actualites/reussite-premiers-tests-du-satellite-communication-optique-keraunos

([33])  https://www.defense.gouv.fr/aid/actualites/hyp4u-systeme-dobservation-hyperspectrale

([34])  Test en Orbite d’Utilisation de Techniques d’Action contre les Tentatives d’ingérences Spatiales

([35])  https://www.defense.gouv.fr/actualites/livret-presentation-loi-programmation-militaire-2024-2030