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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 octobre 2024
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2025 (n° 324),
TOME VIII
SÉCURITÉS
GENDARMERIE NATIONALE
PAR Mme Valérie BAZIN-MALGRAS
Députée
Voir le numéro : 324
SOMMAIRE
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Pages
Première partie : un projet de budget 2025 en hausse mais avec de nombreuses zones d’ombre
I. Une gendarmerie sur tous les fronts
A. Un maillage territorial densifié grâce à une augmentation sensible des effectifs
1. Le déploiement des nouvelles brigades en 2023 et 2024
2. Un schéma d’emplois respecté en 2024, au prix d’une forte tension sur les structures de formation
a. Un schéma d’emplois respecté en 2024
b. Des recrutements massifs qui suscitent des points de vigilance
B. Une année 2024 marquée par des engagements majeurs, qui pèsent sur les finances de la gendarmerie
1. Une contribution forte à la sécurisation des Jeux olympiques
2. Un engagement massif en Nouvelle-Calédonie
3. Une suractivité, qui complique la fin de gestion 2024
C. La gendarmerie face à de multiples défis
a. Le renforcement du travail en mobilité des gendarmes
b. L’augmentation pérenne de la présence de voie publique exige d’agir sur de multiples leviers
2. Une gendarmerie mobile « en surchauffe »
3. Une Garde républicaine en mutation
4. La poursuite de l’adaptation aux nouveaux champs de délinquance
a. La lutte contre la cybercriminalité
b. La lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique
1. Une quasi-stabilité de la masse salariale
2. Un risque de remise en cause des engagements phares de la LOPMI
a. Le schéma d’emplois nul remet en cause le déploiement de nouvelles brigades
a. Un effort financier important pour les dépenses de fonctionnement
a. Une hausse qui met un terme au gel des investissements de ces dernières années
c. La reprise salutaire des investissements en matière de véhicules légers
Seconde partie : Les réserves de la gendarmerie
I. Les réserves, une force indispensable pour la gendarmerie
a. La réserve opérationnelle de premier niveau (R01)
b. Les autres réserves de la gendarmerie
2. Une réserve attractive et aux nombreux atouts
b. Une chaîne de commandement proche du terrain
c. Une gestion et un accompagnement des réservistes efficaces
B. Un acteur majeur de l’activité de la gendarmerie
1. Une doctrine d’emploi qui assimile les réservistes aux militaires d’active
a. Une mobilisation intense dans le cadre des Jeux olympiques
b. Les autres missions emblématiques des réserves de la gendarmerie
3. Une activité en hausse, mais qui cache de fortes disparités
4. Une force mobilisable en cas de crise majeure
5. Une importante contribution à la politique jeunesse de la gendarmerie
A. Consolider les outils de recrutement et de formation
1. Un déficit de fidélisation, qui implique un sur-recrutement
2. La nécessité de fluidifier la chaîne de recrutement
B. Consolider l’emploi opérationnel des réservistes
1. Développer l’autonomie des réservistes en opérations
2. Développer la formation continue pour « durcir » les réserves
3. Poursuivre l’effort d’équipement des réservistes
4. Augmenter la disponibilité des réservistes en renforçant les conventions avec les employeurs
C. Sanctuariser les moyens dédiés aux réserves dans une logique pluriannuelle
1. Le projet de budget 2025 remet gravement en cause la montée en puissance des réserves
2. Garantir les moyens dans le temps pour respecter les engagements de la LOPMI
I. Audition du général de corps d’armée andré petillot, major gÉnÉral de la gendarmerie nationale
Annexe : liste des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis et déplacement
Chaque jour, plus de 100 000 gendarmes œuvrent ainsi à la sécurité des Français, parfois au péril de leur vie, comme l’ont tragiquement rappelé les décès du gendarme Nicolas Molinari et de l’adjudant-chef Xavier Salou les 15 et 16 mai derniers en Nouvelle-Calédonie. Durant les six premiers mois de l’année 2024, six gendarmes sont décédés et 4 900 ont été blessés dans l’exercice de leurs fonctions. Votre rapporteure tient naturellement à leur rendre hommage.
Dans nos territoires, nos gendarmes sont en première ligne face à l’intensification de la violence, la montée de la délinquance, ou encore l’expansion du narcotrafic. Ils constituent, au même titre que les autres forces armées et de sécurité intérieure, les garants de la paix civile et les remparts de notre démocratie.
● Pour faire face au défi sécuritaire auquel notre pays est confronté, la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) a promu une ambition forte pour notre gendarmerie. Une ambition financière tout d’abord, avec des moyens supplémentaires significatifs (+3,3 milliards d’euros sur la période 2023-2027). Une ambition opérationnelle, en second lieu, avec notamment la création de 239 nouvelles brigades et sept escadrons de gendarmerie mobile pour densifier le maillage territorial de la gendarmerie, ainsi que la montée en puissance de la réserve opérationnelle à 50 000 réservistes.
● Le projet de loi de finances (PLF) 2025 prévoit une augmentation des crédits de la gendarmerie de 521 millions d’euros (hors pension). Cet effort, dans un contexte de forte contrainte pour nos finances publiques, doit être salué.
Cependant, le schéma d’emplois nul laisse planer un doute sur l’exécution en 2025 des engagements de la LOPMI en matière de création des brigades. Votre rapporteure espère que les débats budgétaires permettront de lever ces interrogations. Le respect des engagements de la LOPMI est en effet impératif pour répondre à la forte attente de nos concitoyens en matière de sécurité publique.
● Enfin, votre rapporteure a choisi de consacrer la partie thématique de son rapport aux réserves. Les réservistes constituent une force indispensable à l’activité de la gendarmerie. À ce sujet également, votre rapporteure en appelle à ce que les engagements de la LOPMI relatifs à la montée en puissance des réserves soient respectés en 2025, ce qui n’est malheureusement pas le cas en l’état du PLF.
Première partie : un projet de budget 2025 en hausse mais avec de nombreuses zones d’ombre
I. Une gendarmerie sur tous les fronts
A. Un maillage territorial densifié grâce à une augmentation sensible des effectifs
1. Le déploiement des nouvelles brigades en 2023 et 2024
● La création de 239 brigades d’ici 2027 prévue dans le prolongement de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) a pour finalité de renforcer le maillage territorial de la gendarmerie et de l’adapter aux nouveaux espaces de délinquance.
Ces 239 brigades, qui complètent les 3 049 existantes, se décomposent en :
– 145 brigades mobiles, qui ont vocation à renforcer la présence de proximité dans des communes souvent isolées, en complément de la brigade territorialement compétente ;
– 94 brigades fixes, qui assurent l’intégralité des missions de la gendarmerie sur une circonscription propre.
● La gendarmerie a tenu jusqu’à présent ses engagements en matière de déploiement des brigades. Au 31 décembre 2024, 80 nouvelles brigades auront ainsi été mises en place, dans 64 départements en métropole et 8 départements ou collectivités d’outre-mer.
Parmi ces 80 nouvelles brigades, 52 sont des brigades mobiles et 28 sont des brigades fixes. La prédominance des brigades mobiles parmi les nouvelles brigades constituées à ce stade s’explique par le fait qu’elles sont plus simples à créer, en raison de leur faible empreinte logistique.
● En parallèle de ces nouvelles brigades ont également été créés ces deux dernières années les sept escadrons de gendarmerie mobile (EGM) supplémentaires prévus par la LOPMI.
2. Un schéma d’emplois respecté en 2024, au prix d’une forte tension sur les structures de formation
a. Un schéma d’emplois respecté en 2024
● La création de ces nouvelles brigades a été permise grâce au respect scrupuleux du schéma d’emplois.
Ainsi, sur les années 2023 et 2024, ce sont plus de 1 995 effectifs temps plein supplémentaires (ETP) qui auront été créés dans la gendarmerie (950 en 2023
et 1 045 en 2024), ce qui représente un effort inédit. Sur ces 1 995 créations de postes, plus de 1 400 sont liées au déploiement des nouvelles brigades et escadrons de gendarmerie mobile.
Le respect de ce schéma d’emplois a nécessité des recrutements massifs au sein de la gendarmerie. La cible en 2024 s’élève ainsi à plus de 12 800 recrutements, par voie de concours et de contrats.
Des appareils de formation proches de la saturation
● Ce volume de recrutements a fortement sollicité l’appareil de formation de la gendarmerie, qui est proche de la saturation.
Le nombre d’élèves-gendarmes (sous-officiers) incorporés en école a ainsi augmenté de 55 % en trois ans (en passant de 3 878 effectifs en 2021 à 6 016 en 2024). Pour faire face à ses besoins de recrutement, la gendarmerie a été contrainte d’organiser deux concours annuels pour les sous-officiers, au lieu d’un seul habituellement.
Parallèlement, le renforcement du programme des élèves-gendarmes dans de nombreux domaines (police judiciaire, cyber, numérique…) allongera la scolarité de huit à douze mois d’ici 2030.
Pour accompagner cette montée en charge, six nouveaux centres régionaux d’instruction (CRI) ont été créés en outre-mer en 2023 et les effectifs de plusieurs CRI ont été renforcés sur le territoire métropolitain.
En 2024, 1 433 ETP sont ainsi dédiés à la formation (contre 1 386 en 2021), auxquels il faut ajouter le recours à des renforts détachés d’encadrement, issus de toutes les unités de la gendarmerie nationale (estimés à 29 115 « jours gendarmes » en 2023 et à 24 212 en 2024).
b. Des recrutements massifs qui suscitent des points de vigilance
● Tout d’abord, ces recrutements massifs ont entraîné une baisse sensible du taux de sélectivité des concours, le nombre de candidats n’augmentant pas dans les mêmes proportions que les postes offerts.
À titre d’exemple, le taux d’admission (ratio nombre d’admis/candidats ayant composé aux épreuves) pour le concours externe de sous-officiers de la gendarmerie est passé de 9,8 % en 2014 à 34 % en 2024. La dégradation de la sélectivité concerne également le concours interne de sous-officiers, qui est passé d’un taux d’admission de 15,6 % en 2014 à 46,8 % en 2024.
De même, le taux d’admission au concours des sous-officiers du corps technique et administratif de la gendarmerie (OCTA) est passé de 4,9 % en 2014 à 44 % en 2023, et celui des officiers du même corps de 2,89 % en 2014 à 29 % en 2023.
● Une autre conséquence des recrutements massifs dans les corps de sous-officiers est qu’ils assèchent le vivier des gendarmes adjoints volontaires. En effet, près de la moitié des élèves sous-officiers actuels sont des anciens gendarmes adjoints volontaires, qui ont réussi le concours de sous-officiers. En conséquence, lorsque la gendarmerie recrute deux sous-officiers, elle doit également recruter un gendarme adjoint volontaire, pour pallier le départ de celui devenu sous-officier.
Cette mobilité sociale au sein de la gendarmerie (plus de 60 % des sous-officiers sont d’anciens gendarmes adjoints) doit être saluée, mais force est de constater qu’elle amplifie le déficit de fidélisation structurel des gendarmes adjoints volontaires.
Selon les indications données à votre rapporteure, un gendarme adjoint volontaire ne reste actuellement en moyenne en poste que deux ans, alors que l’équilibre du modèle repose sur un maintien en fonction d’environ cinq ans.
Avec l’amélioration du marché du travail, de nombreux élèves gendarmes adjoints quittent l’institution avant même d’avoir fini leur formation initiale. Ainsi, en 2023, plus de 25 % des effectifs de la promotion n’ont pas été au terme de leur cursus de formation (en 2021, plus de 43 % avaient abandonné leur formation).
B. Une année 2024 marquée par des engagements majeurs, qui pèsent sur les finances de la gendarmerie
1. Une contribution forte à la sécurisation des Jeux olympiques
● Les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) ont été l’objet d’une mobilisation inédite de la part de la gendarmerie.
Le relais de la flamme, du 8 mai au 25 juillet, a mobilisé près de 28 000 gendarmes au total, avec une moyenne de 500 gendarmes par jour.
Durant les Jeux olympiques, du 26 juillet au 11 août, environ 14 000 gendarmes, dont 2 240 réservistes, ont été mobilisés chaque jour spécifiquement pour cet évènement. En région parisienne, 12 000 gendarmes, en provenance de toute la France, ont été mobilisés en moyenne par jour, et jusqu’à 18 000 pour les plus grands évènements (cérémonie d’ouverture, marathon, triathlon…).
Enfin, pour les Jeux paralympiques, 7 000 gendarmes ont été mobilisés par jour et jusqu’à 8 000 pour certains évènements.
● Les gendarmes départementaux venant de tout le territoire ont été rassemblés au sein de « compagnies de marche », composées chacune de 72 gendarmes. 80 de ces compagnies ont été mobilisées en permanence durant la période des JOP, avec des pics à 150 compagnies mobilisant près de 11 000 gendarmes départementaux et réservistes, en plus des unités spécifiques.
S’agissant de la gendarmerie mobile, 55 escadrons, soit près de la moitié du total, ont été mobilisés dans le cadre des JOP, jusqu’à 62 escadrons de gendarmerie mobile (EGM) de manière simultanée.
De nombreux autres corps et spécialités de la gendarmerie ont également été mobilisés : 1 200 gardes républicains, 650 motocyclistes, 210 spécialistes de la lutte anti-drone et autant d’experts contre les menaces NRBC.
● La réussite de cette manœuvre, qui a nécessité deux ans de préparation sur le plan logistique, a démontré la solidité du modèle de la gendarmerie en termes de maîtrise de la planification et de capacité de génération de forces, y compris sous très court préavis, comme lors de la célébration imprévue du 14 septembre pour la parade des champions sur les Champs-Élysées, au titre de laquelle ont été mobilisés onze compagnies de marche et neuf escadrons de gendarmerie mobile en moins de cinq jours.
Cette réussite majeure est enfin liée à la capacité de mobilisation des personnels, certes liée au statut militaire des gendarmes mais aussi à l’effort consenti par tous pour réduire les permissions. Cet effort collectif a permis de mobiliser 15 % d’ETP en plus et jusqu’à 33 % pendant la période du 26 juillet au 11 août 2024.
2. Un engagement massif en Nouvelle-Calédonie
● La crise en Nouvelle-Calédonie a exigé un envoi massif de renforts de la gendarmerie. Alors que l’« effectif socle » en Nouvelle-Calédonie est de 735 gendarmes, plus de 2 870 gendarmes étaient présents sur ce territoire en septembre 2024, dont plus de 2 000 gendarmes mobiles. Au plus fort de la crise, 35 escadrons de gendarmerie mobile étaient présents en Nouvelle-Calédonie, contre quatre à cinq escadrons habituellement. Chaque escadron est déployé sur place pour trois voire quatre mois.
Les gendarmes ont dû faire face à une violence inédite, avec des engagements qui « relèvent plus du combat que du maintien de l’ordre », pour reprendre les termes d’un officier auditionné. Deux gendarmes ont perdu la vie et plus de 550 gendarmes ont été blessés. Au total, les gendarmes ont essuyé plus de 700 tirs, dont 160 touchants.
Dans ce contexte d’engagement de haute intensité, plusieurs officiers auditionnés ont relevé l’importance des nouveaux véhicules blindés Centaure, qui constituent selon eux un véritable game changer pour la gendarmerie mobile. Le retour d’expérience est ainsi particulièrement positif pour ce véhicule polyvalent, qui assure notamment une meilleure protection aux gendarmes dans des situations de crise.
● S’il est trop tôt pour tirer les leçons d’une telle crise, plusieurs évolutions sont étudiées par la gendarmerie pour l’avenir :
– le renforcement des effectifs permanents adaptés à la gestion de ce type de crises ;
– la création d’un centre des opérations au sein du commandement de la gendarmerie outre-mer (GCOM) ;
– l’adaptation du soutien logistique, pour être plus résilient et moins dépendant d’un dispositif de ravitaillement extérieur (alimentation, armement, matériels, munitions) ;
– l’évolution du matériel existant et l’acquisition de matériels spécifiques pour faire face à de telles situations de crise ;
– l’adaptation de la législation pour améliorer la protection des emprises de gendarmerie, à l’instar des dispositions relatives aux zones militaires sensibles. La sûreté des casernes constitue un enjeu majeur pour les militaires de la gendarmerie dans un contexte où elles sont parfois prises pour cibles. Les émeutes de 2023 ont ainsi conduit à l’attaque de 47 casernes et à 16 intrusions. Ce phénomène se poursuit en 2024 avec plusieurs casernes directement exposées en Nouvelle-Calédonie.
3. Une suractivité, qui complique la fin de gestion 2024
● Le budget 2024 était taillé au plus juste. Les crédits de fonctionnement n’avaient augmenté que de 0,75 % par rapport à 2023, tandis que les crédits d’investissement accusaient une baisse de 30 %.
Dans le même temps, le budget de la gendarmerie a dû intégrer les conséquences de deux facteurs qui n’étaient pas prévus dans la programmation financière de la LOPMI : d’une part, la hausse de l’inflation, et, d’autre part, l’augmentation du point d’indice ainsi que la mise en œuvre d’autres mesures catégorielles interministérielles (mesures « Guérini »). Le surcoût lié à ces deux facteurs, non budgétés par la LOPMI, est évalué à plus de 400 millions d’euros en 2024.
La gendarmerie a également dû supporter le surcoût lié aux opérations en Nouvelle-Calédonie (140 millions d’euros), ainsi que le coût lié à la « prime JO ». Le montant de cette prime (qui varie de 1 000 à 1 900 euros) n’a été fixé qu’en juillet 2024. Or, le coût de cette prime pour la gendarmerie est de 130 millions d’euros. Au total, les dépenses engagées par la gendarmerie au titre des JOP entre 2022 et 2024 (prime JO incluse) sont de 327 millions d’euros, selon les informations transmises à votre rapporteure dans le cadre de ses travaux.
● Dans ces conditions, la gendarmerie a dû prioriser ses dépenses opérationnelles et a pris la décision de suspendre temporairement le paiement des loyers dus à compter du mois de septembre, ainsi que la presse l’a révélé. Les baux faisant l’objet de ce report de paiement représentent un montant de 90 millions d’euros et concernent un total de 5 079 emprises.
Le ministre de l’Intérieur, lors de son audition devant la commission des lois, a confirmé que cette situation serait régularisée dans le cadre de la prochaine loi de fin de gestion. Une ouverture totale de plus de 300 millions d’euros est attendue par la gendarmerie dans le cadre de ce schéma de fin de gestion.
C. La gendarmerie face à de multiples défis
1. Le nécessaire renforcement de la présence de voie publique, dans un contexte sécuritaire préoccupant
a. Le renforcement du travail en mobilité des gendarmes
● L’augmentation du travail en mobilité, au plus près de la population sur le terrain, constitue un axe d’effort important de la gendarmerie. C’est dans cette perspective que s’inscrit le déploiement de nouveaux outils numériques au bénéfice des gendarmes.
Ces dernières années ont ainsi été livrés 110 000 nouveaux smartphones, 72 000 PC Ubiquity et 10 000 tablettes Neo2. Ces systèmes, très appréciés par les gendarmes, permettent à ces derniers d’accéder aux mêmes fonctionnalités et applications que s’ils étaient en brigade.
● L’accent mis sur le travail en mobilité se traduit par une progression de la présence de voie publique des unités de la gendarmerie, qui constitue une attente forte de nos concitoyens.
Ainsi, les heures de patrouille de voie publique représentaient 39 % de l’activité totale de la gendarmerie en 2022, 41 % en 2023 et plus de 43 % sur les huit premiers mois de l’année 2024. Entre août 2023 et juillet 2024, ce sont ainsi plus de 53,2 millions d’heures de présence de voie publique qui ont été assurées par les effectifs de la gendarmerie (contre 45 millions en 2021).
Cette présence renforcée sur le terrain permet notamment une intensification de la lutte contre les stupéfiants. Celle-ci s’est notamment traduite par une augmentation des amendes forfaitaires délictuelles (AFD) en 2023 (+42 %, pour 119 000 AFD, dont 50 000 pour usage de stupéfiants), ainsi que par le doublement du nombre d’opérations sur les 681 « points de deal » identifiés en zone gendarmerie (1 215 opérations en 2023 contre 615 en 2022).
b. L’augmentation pérenne de la présence de voie publique exige d’agir sur de multiples leviers
● Les axes d’effort pour renforcer cette présence de voie publique portent notamment sur :
– la poursuite de la politique de substitution mise en place dans le cadre de la LOPMI, qui consiste à remplacer des gendarmes par des personnels non opérationnels pour les postes administratifs et techniques, afin de recentrer les gendarmes sur leur cœur de métier. Le plan de substitution concerne 400 ETP pour la gendarmerie nationale en 2024 ;
– la réduction des missions périphériques (extractions judiciaires, garde des détenus hospitalisés, transport des scellés dangereux ou illicites, établissement des procurations électorales…), qui ont représenté encore 2,9 % de l’activité de la gendarmerie en 2023 (contre 3,3 % en 2022) ;
– la montée en puissance des réserves, qui consacrent près de 75 % de leur activité à la présence de voie publique, avec une empreinte au sol de 2 305 réservistes par jour en 2023 (contre 1 912 en 2022) ;
– le développement de la procédure pénale numérique, ainsi que le recours à l’intelligence artificielle (par exemple pour la rédaction des procès-verbaux de synthèse) permettraient également de libérer du temps aux gendarmes pour accroître leur présence sur le terrain.
L’augmentation de la présence de voie publique est d’autant plus nécessaire que la délinquance ne faiblit pas en zone gendarmerie, bien au contraire : les atteintes volontaires à l’intégrité physique (AVIP) ont augmenté de 11 % en 2023 (+8 % sur les huit premiers mois de l’année 2024), et les atteintes aux biens de 4 %.
2. Une gendarmerie mobile « en surchauffe »
● Outre la mobilisation massive en Nouvelle-Calédonie et la contribution à la sécurisation des JOP, la gendarmerie mobile a dû faire face à d’autres engagements significatifs, tels que les manifestations du monde agricole qui ont mobilisé jusqu’à 22 escadrons, les contestations autour du chantier de l’A69,
le 80e anniversaire du débarquement qui a mobilisé 38 escadrons, ou encore l’opération « place nette XXL » à Mayotte.
Cette forte mobilisation de la gendarmerie mobile a eu pour effet de limiter la capacité de cette dernière à renforcer les unités de gendarmerie pour des missions qui ne relèvent pas du maintien de l’ordre, telles que les missions de sécurisation des transports et de lutte contre l’immigration irrégulière.
● L’autre conséquence majeure de cette forte mobilisation est que « la gendarmerie mobile est en surchauffe » pour reprendre les termes d’une personne auditionnée.
Un taux d’emploi de 68 escadrons engagés par jour représente pour la gendarmerie le seuil de viabilité maximal pour gérer les jours de repos et de permissions des gendarmes mobiles. Or, de janvier à septembre 2024, le taux d’emploi effectif a été de 80 escadrons engagés chaque jour (sur les 106 existants).
Cette situation génère une augmentation de la dette de repos et de permission : au 30 juin 2024, le reliquat du nombre de jours de repos et permission à attribuer en moyenne par gendarme mobile atteint près de 40 jours (contre 13 jours en 2022 et 2023).
Pour soulager les effectifs de la gendarmerie mobile, il a ainsi été décidé de réorienter au bénéfice de celle-ci les flux sortants de l’école de gendarmerie. Alors que traditionnellement, environ 25 % des effectifs en sortie d’école sont orientés vers la gendarmerie mobile, cette proportion est passée depuis fin 2024 à plus de 35 %, au détriment des recrutements au sein de la gendarmerie départementale.
La gendarmerie est également contrainte de modifier certaines règles d’organisation pour s’adapter à cette surmobilisation. À titre d’exemple, de février 2024 à février 2025, les relèves outre-mer seront effectuées tous les quatre mois et non tous les trois mois comme traditionnellement.
3. Une Garde républicaine en mutation
● Forte de près de 3 300 militaires et civils, la Garde républicaine assure non seulement la sécurité des palais nationaux et le protocole militaire de l’État, mais contribue également à des missions de sécurité publique, y compris des opérations de maintien de l’ordre, en tant que « réserve stratégique opérationnelle » de la gendarmerie nationale. À titre d’exemple, les pelotons d’intervention de la Garde républicaine sont actuellement projetés à Mayotte et en Guyane (à Saint-Laurent-du-Maroni).
● La Cour des comptes a publié en juillet 2024 un rapport consacré à la Garde républicaine, qui met en exergue la forte hétérogénéité d’activité entre, d’une part, des régiments d’infanterie surmobilisés et, d’autre part, des pelotons d’intervention ou le régiment de cavalerie qui seraient sous-employés ([1]). La Cour a émis un certain nombre de recommandations à ce titre.
recommandations du rapport de la cour des comptes
● Les principales recommandations de la Cour des comptes, qui rejoignaient du reste les axes du plan d’action 2023-2026 initié par la Garde républicaine, ont d’ores et déjà été mises en œuvre, comme cela a été indiqué à votre rapporteure lors de son déplacement au siège de la Garde :
– l’arrêté de 1993 qui encadre les missions de la Garde a été amendé pour préciser le périmètre d’action ainsi que la notion de « sécurisation des palais nationaux » (texte en attente de parution) ;
– la doctrine d’emploi des régiments a été modifiée en mai 2024, afin d’assurer une meilleure équité entre les différentes unités et de libérer du temps pour la formation ;
– une doctrine des forces équestres de la gendarmerie a également été élaborée (en attente de diffusion) ;
– les pelotons d’intervention contribuent désormais davantage à la protection des palais, notamment pour des missions centrées sur le haut du spectre ;
– des « sections de réaction rapide », susceptibles de renforcer la protection des palais nationaux face à tous types de menaces, ont été créées ;
– enfin, une intensification des exercices opérationnels est projetée, à travers la mise en place d’un centre d’entraînement commando propre à la Garde, ainsi que le développement d’entraînements communs avec l’armée de terre dans une perspective de défense opérationnelle du territoire.
4. La poursuite de l’adaptation aux nouveaux champs de délinquance
a. La lutte contre la cybercriminalité
● La chaîne de commandement cyber est structurée autour de trois pôles :
– le commandement du ministère de l’Intérieur dans le cyberespace (COMCYBER-MI), qui définit la stratégique cyber du ministère ;
– l’Unité nationale cyber (UNCyber), qui conduit les enquêtes judiciaires de haut du spectre et coordonne l’action des 21 antennes locales du centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) ;
– enfin, l’agence du numérique des forces de sécurité intérieure (ANFSI), qui est en charge de la sécurité des systèmes d’information et des équipements numériques.
● Face à l’augmentation de la cybercriminalité, qui représente désormais plus de 8 % de la délinquance totale enregistrée par les unités de la gendarmerie
en 2024 (+28 % par rapport à 2023), la gendarmerie a renforcé son dispositif « CyberGend ».
La gendarmerie compte près de 10 000 cyber-enquêteurs pilotés au niveau central par l’UNcyber, ainsi que plus de 100 sections opérationnelles de lutte contre les cyber-menaces. Plus de 100 000 enquêtes sont diligentées chaque année par la gendarmerie.
La gendarmerie effectue également un important travail de prévention à ce sujet, en sensibilisant plus de 660 000 personnes annuellement (entreprises, collectivités, particuliers, public scolaire).
Par ailleurs, l’activité de la brigade numérique de la gendarmerie, située à Rennes, est particulièrement soutenue (plus de 500 sollicitations par jour), de sorte qu’une seconde brigade numérique est en cours de création à Poitiers.
Enfin, il convient de rappeler que la LOPMI prévoit la création de 1 500 cyber-patrouilleurs, chargés d’enquêter à temps plein dans le domaine cyber, ainsi que la mise en place du « 17 cyber », numéro d’urgence dédié aux cyber-attaques.
b. La lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique
● Le renforcement de la lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique constitue une attente forte de nos concitoyens. Ainsi, selon les éléments fournis à votre rapporteure par la gendarmerie, 63 % des maires de la zone gendarmerie considèrent que la sécurité environnementale constitue leur première préoccupation en matière de sécurité, en raison notamment de la multiplication des dépôts sauvages de déchets.
La mobilisation de la gendarmerie au profit de la sécurité environnementale et sanitaire a été initiée dès 2010 avec la création des dix détachements de l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). Les effectifs de l’OCLAESP ont connu une augmentation significative ces dernières années, en passant de 74 à 119 ETP de 2019 à 2024.
● La création du commandement de la gendarmerie pour l’environnement et la santé (CESAN) en 2023 constitue la seconde étape de cette montée en puissance. Les 57 effectifs prévus dans le cadre de la LOPMI pour armer ce commandement ont d’ores et déjà été réalisés.
Le CESAN a pour vocation de mobiliser l’ensemble de la gendarmerie dans la gestion globale de cette problématique, tandis que l’OCLAEPS concentre son action sur les affaires complexes et la lutte contre la criminalité organisée.
La formation des enquêteurs au thème de la sécurité environnementale et sanitaire constitue ainsi une des grandes missions du CESAN. À ce jour, plus 4 000 enquêteurs ont ainsi suivi des formations dédiées.
II. Un projet de budget 2025 en augmentation mais qui suscite des interrogations sur le respect de la LOPMI
● Le PLF 2025 prévoit pour la gendarmerie 11 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (+3 % par rapport à 2024) et 10,9 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 540 millions d’euros (+5 %). Hors pensions, le budget de la gendarmerie mobilisera ainsi en 2025 6,9 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une hausse de 521 millions d’euros.
Sur ces 521 millions d’euros d’augmentation, 438 millions bénéficieront aux dépenses dites « hors T2 », c’est-à-dire aux dépenses de fonctionnement et d’investissement. Il s’agit d’un changement notable par rapport au budget 2024, où les dépenses de personnes du titre 2 avaient absorbé la totalité de l’augmentation du budget de la gendarmerie, le budget hors T2 accusant même une baisse de ses crédits de près de 5 % en 2024.
A. La faible augmentation des dépenses de personnels fait peser un risque sur les engagements de la LOPMI
1. Une quasi-stabilité de la masse salariale
● Le PLF 2025 prévoit 5 milliards d’euros de crédits de paiement (hors pensions), pour le titre 2 qui recouvre les dépenses du personnel, soit une augmentation de seulement 83 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) 2024 (+2 %). La masse salariale de la gendarmerie mobilise ainsi plus de 72 % des crédits totaux de la gendarmerie, hors pensions.
● La très légère augmentation des crédits du T2 en 2025 permet de couvrir l’extension en année pleine des mesures catégorielles actées en 2024 à hauteur de 62 millions d’euros, dont 55 millions d’euros au titre du protocole social annexé à la LOPMI.
Elle permet également de couvrir l’extension en année pleine de la hausse du schéma d’emplois de 2024, pour un coût de 58 millions d’euros.
ÉVOLUTION de la masse salariale entre 2024 et 2025
Source : PLF 2025, projet annuel de performances du programme 152
2. Un risque de remise en cause des engagements phares de la LOPMI
a. Le schéma d’emplois nul remet en cause le déploiement de nouvelles brigades
● La programmation sous-jacente à la LOPMI prévoyait 500 ETP supplémentaires pour la gendarmerie en 2025. Sur ces 500 effectifs, 464 devaient armer les 57 nouvelles brigades prévues en 2025.
Or, le PLF 2025 prévoit un schéma d’emplois nul pour la gendarmerie (hors transfert). Or, comment créer les 57 nouvelles brigades supplémentaires prévues en 2025 sans effectifs supplémentaires ?
Comme il a été rappelé, seule la hausse des effectifs en 2023 et 2024 a permis la création des 80 premières nouvelles brigades ces deux dernières années. 1 400 sur les 1 995 ETP supplémentaires créés sur cette période ont ainsi été affectés aux nouvelles brigades et EGM.
● La finalité de la création de ces brigades par la LOPMI est de densifier la présence de gendarmes sur l’ensemble du territoire, dans la perspective de doubler la présence de voie publique. Cela serait donc tout à fait contraire à l’esprit de la LOPMI de devoir réduire des effectifs dans certaines brigades pour armer de nouvelles brigades, autrement dit de « déshabiller Pierre pour habiller Paul ».
En outre, il sera très délicat de puiser au sein des états-majors pour armer ces brigades car les effectifs y sont déjà réduits au strict minimum. Au surplus, les états-majors comptent de nombreux militaires des corps de soutien et des personnels civils, qui n’ont naturellement pas vocation à armer des brigades de gendarmerie.
L’absence de création de poste est d’autant plus préjudiciable pour la gendarmerie départementale que celle-ci subit déjà, comme il a été vu, les conséquences du nécessaire renforcement des effectifs de la gendarmerie mobile.
● Il résulte de ce qui précède que seule la création d’effectifs permettra d’armer de nouvelles brigades en 2025, comme le note du reste la documentation budgétaire : « ce plan ambitieux [de nouvelles brigades] se poursuivra au rythme de l’évolution des effectifs votés en loi de finances ».
En conséquence, il sera crucial de revoir le schéma d’emplois du programme 152 du PLF 2025 dans le cadre des discussions budgétaires, ainsi que l’a suggéré le ministre de l’Intérieur lui-même lors de son audition devant la commission des lois de l’Assemblée nationale.
À cette fin, votre rapporteure portera un amendement prévoyant les crédits nécessaires à la création de 500 effectifs supplémentaires en 2025, conformément à ce que prévoyait la LOPMI.
b. L’absence de financement de nouvelles mesures catégorielles remet en cause la revalorisation des grilles des officiers
● Le protocole social, signé en mars 2022 en vue de son adossement à la LOPMI, prévoit plus de 700 millions d’euros sur cinq ans au bénéfice de la gendarmerie pour rénover les parcours, revaloriser les grilles de sous-officiers et d’officiers et créer certaines primes.
De nombreuses mesures ont d’ores et déjà été prises en application de ce protocole, dont une importante revalorisation des grilles de sous-officiers de la gendarmerie.
L’exécution du protocole social adossé à la LOPMI
Plusieurs mesures phares inscrites dans le protocole social sont déjà entrées en vigueur :
- janvier 2023 : revalorisation du montant de la majoration de la prime spéciale versée aux militaires ayant la qualité d’officier de police judiciaire (OPJ) et habilités à exercer les attributions attachées à cette qualité. En parallèle, cette mesure a conduit à la rénovation du cadre de gestion de la ressource d’OPJ (contingent d’OPJ par formation administrative) ;
- juillet 2023 : création d’une indemnité d’absence missionnelle (IAM) mise en œuvre afin de faciliter la projection de militaires ou les bascules de forces, à tout moment au gré des besoins de sécurité publique ou de formation ;
- août 2023/janvier 2024 : revalorisation de la grille indiciaire et rénovation du parcours de carrière des sous-officiers de gendarmerie en vue d’accélérer les parcours de ceux ayant consenti un effort de formation et amenés à occuper rapidement des fonctions à responsabilités ou nécessitant une expertise stratégique ;
- juillet 2024 : création (i) d’une prime de voie publique pour mieux reconnaître l’activité des militaires de la gendarmerie principalement impliqués sur la voie publique au quotidien et (ii) d’une indemnité de sujétions spéciales destinée aux corps militaires de soutien et aux personnels civils de la gendarmerie selon une logique paritaire et dans les mêmes conditions que celles prévues pour les personnels administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale.
Source : réponse au questionnaire de votre rapporteure.
Ces réformes ont permis d’augmenter sensiblement la rémunération des sous-officiers de gendarmerie (augmentation prévisionnelle de 5 000 euros bruts par an pour un major, primes comprises, entre 2023 et 2025).
● Dans cette perspective, l’année 2025 devait être consacrée à la mise en œuvre de la réforme statutaire et indiciaire des officiers de la gendarmerie prévue dans le protocole social de mars 2022. Cette réforme est indispensable à un double titre.
D’une part, il s’agit de remédier aux importantes distorsions actuelles induites par la revalorisation de la grille des sous-officiers. Cette revalorisation a en effet introduit un tassement significatif entre les rémunérations d’officiers et de sous-officiers, qui n’est pas soutenable à long terme.
D’autre part, il est impératif de lutter contre le sentiment de décrochage ressenti par les officiers, tel que mis en exergue dans un précédent rapport du HCECM ([2]) . Ce sentiment de déclassement a été encore accentué par la réforme récente des administrateurs de l’État.
● Or, le PLF 2025 ne prévoit à ce stade le financement d’aucune nouvelle mesure catégorielle. La revalorisation de la grille des officiers est donc en suspens. Là encore, il appartiendra de trouver une solution à cet enjeu majeur pour la gendarmerie lors des discussions budgétaires.
c. La baisse des crédits dédiés aux réserves remet en cause la montée en puissance de la réserve opérationnelle
L’étude thématique du présent rapport étant consacrée aux réserves, votre rapporteure se contentera de relever ici que le PLF 2025 prévoit une enveloppe dédiée aux réserves de 75,6 millions d’euros, soit 15 millions d’euros de moins qu’en 2024 (hors enveloppe exceptionnelle JOP) et surtout 25 millions de moins que les besoins prévus pour assurer le respect des prévisions de la LOPMI sur la montée en puissance des réserves (objectif de 50 000 réservistes en 2027).
B. Une hausse du budget hors T2 bienvenue pour faire face aux dépenses de fonctionnement et relancer l’investissement
La principale caractéristique du PLF 2025 pour la gendarmerie est qu’il consacre un effort important au rehaussement des dépenses dites hors T2, c’est-à-dire des dépenses de fonctionnement et d’investissement. Les crédits de paiement de ces dépenses sont ainsi en hausse de 438 millions d’euros, ce qui représente plus de 84 % de l’augmentation totale des crédits de paiement en 2025. Les crédits hors T2 représentent en 2025 1,9 milliards d’euros, soit près de 28 % des crédits de la gendarmerie (hors pensions).
Votre rapporteure salue d’autant plus ces efforts que ces dépenses hors T2 ont été sacrifiées ces deux dernières années (baisse de 5 % en 2024), ce qui a eu deux conséquences préjudiciables pour la gendarmerie : d’une part, des difficultés pour faire face aux frais de fonctionnement, ainsi que l’a mise en lumière la suspension des loyers susmentionnée ; d’autre part, un quasi-arrêt des projets d’investissement (véhicules, immobiliers…).
1. Des dépenses de fonctionnement en hausse, mais toujours fortement contraintes par les dépenses de loyers
a. Un effort financier important pour les dépenses de fonctionnement
● Les dépenses de fonctionnement de la gendarmerie s’établissent à 1,59 milliard d’euros dans le PLF 2025, soit une augmentation de 296 millions d’euros par rapport à 2024 (+22 %).
Les dépenses de fonctionnement représentent ainsi 22 % des crédits totaux de la gendarmerie et 83 % du total des dépenses hors T2.
● Selon les informations transmises à votre rapporteure, les principales allocations de cette augmentation de 296 millions d’euros seront les suivantes :
– 81 millions d’euros supplémentaires au titre des systèmes d’information et de communication pour financer les projets en cours, tel que le déploiement de STORM (services à très haut débit opérationnels résilients et mobiles) expérimenté lors des JOP ;
– une augmentation de 70 millions d’euros pour les frais de fonctionnement courant (transport, déplacement, formation) ;
– un rehaussement de 53 millions d’euros au titre des dépenses de fonctionnement d’immobilier (loyer et gestion du parc) ;
– une augmentation de 45 millions allouée aux « moyens mobiles » (carburant et entretien des véhicules).
● Votre rapporteure tient plus particulièrement à saluer l’effort en faveur de l’entretien courant des casernes. Celui-ci est réel (augmentation de 50 millions d’euros, soit une hausse de 218 % par rapport à 2024, pour des crédits totaux de 73,9 millions d’euros), bien qu’insuffisant (les besoins annuels en la matière sont évalués a minima à 100 millions d’euros).
Votre rapporteure recommande cependant de sanctuariser une enveloppe annuelle de 100 millions d’euros pour l’entretien courant du parc domanial. Il en va de la préservation de la force morale de nos gendarmes.
b. Des dépenses de fonctionnement marquées par une forte rigidité du fait du montant conséquent des loyers
● Les dépenses cumulées de loyers et d’énergie, qui sont par nature non « manœuvrables », représentent près de 818 millions d’euros, soit plus de 50 % du total des crédits de fonctionnement.
Les loyers, qui s’établissent à 628 millions d’euros en 2025, représentent à eux seuls plus de 35 % du total des dépenses hors T2 de la gendarmerie.
Ces loyers contribuent ainsi à une rigidification croissante du budget général de la gendarmerie. Ainsi que l’a rappelé le ministre de l’Intérieur lors de son audition devant la commission des lois, le montant des loyers payés par la gendarmerie a doublé en près de 15 ans, ce qui représente autant d’argent qui n’est pas investi pour entretenir et renouveler le parc domanial de la gendarmerie.
Ces effets d’éviction créés par les loyers sur le reste du budget de la gendarmerie posent un véritable problème de soutenabilité à terme. Aux yeux de votre rapporteure, il est essentiel d’initier une véritable réflexion collective sur le modèle immobilier adéquat pour notre gendarmerie.
Si une politique de développement à grande échelle du parc domanial paraît peu soutenable financièrement, le recours accru aux marchés de partenariat proposé dans un récent rapport parlementaire ([3]), pourrait être une solution pour de futurs projets immobiliers structurants, tels que celui de Versailles-Satory. Ce type de marché garantit en effet un parc bien entretenu, tout en permettant à la gendarmerie de devenir propriétaire du bien immobilier au terme d’une période d’une trentaine d’années.
2. L’augmentation sensible des dépenses d’investissement permettra de relancer les projets capacitaires et immobiliers de la gendarmerie
a. Une hausse qui met un terme au gel des investissements de ces dernières années
● Les dépenses d’investissement avaient baissé de 30 % en 2024, ce qui a abouti à une année quasiment blanche en matière de projets d’investissement. À titre d’exemple, la gendarmerie n’aura acquis que 180 véhicules légers à la fin de l’année 2024, contre une cible de 3 750 pour permettre le renouvellement du parc dans des conditions optimales.
Cette réduction du budget d’investissement a également eu des conséquences préjudiciables pour les opérations de maintenance lourde et le renouvellement du parc domanial. La LFI 2024 prévoyait ainsi un budget de 109 millions d’euros à ce titre, alors que la gendarmerie estime à 400 millions d’euros par an le montant nécessaire sur ce poste.
● Le PLF 2025 rompt avec cette dynamique mortifère, en prévoyant 319 millions d’euros de crédits de paiement en 2025 pour les dépenses d’investissement, soit une hausse de 139 millions d’euros par rapport à 2024 (+76 %).
Il convient toutefois de relever que malgré cette hausse, les dépenses d’investissement représentent une part marginale du budget de la gendarmerie : 17 % des crédits hors T2 et seulement 4,6 % des crédits totaux de la gendarmerie.
b. Un effort notable, bien qu’insuffisant, en faveur du renouvellement et de la maintenance du parc domanial
● Sur cette hausse de 139 millions d’euros des crédits d’investissement en 2025, 67 millions d’euros bénéficieront à l’investissement en matière immobilière (+61 %), qui couvre à la fois des opérations d’acquisition/construction et de maintenance/réhabilitation.
Cette augmentation permet de porter les crédits de paiement consacrés à l’investissement immobilier à hauteur de 175 millions d’euros.
● Cet effort doit être salué, mais reste sensiblement inférieur aux 400 millions d’euros nécessaires pour entretenir et renouveler le parc domanial de la gendarmerie.
Il ressort en effet des auditions de votre rapporteure que l’état du parc domanial, fortement dégradé dans l’ensemble, constitue un des principaux motifs d’insatisfaction des gendarmes à l’heure actuelle. La vétusté de certains locaux est telle qu’elle nécessite de fermer certaines unités. À titre d’exemple, la brigade territoriale de Le Fousseret (31) et celle de Nantua (01) ont été fermées pour cette raison, respectivement en 2023 et 2024.
Cette dégradation du parc résulte d’un sous-investissement structurel dans ce domaine, qui a abouti à une « dette grise » cumulée depuis dix ans de 2,2 milliards d’euros. Cette situation est d’autant plus regrettable que le casernement est au fondement du modèle de disponibilité de la gendarmerie.
Il y a donc urgence à sanctuariser progressivement l’enveloppe annuelle de 400 millions d’euros nécessaire à la maintenance et au renouvellement du parc domanial.
c. La reprise salutaire des investissements en matière de véhicules légers
● En outre, 57 millions d’euros supplémentaires seront dédiés en 2025 à l’acquisition de véhicules légers. Cette somme permettra d’acquérir 1 850 véhicules légers, soit dix fois plus que 2024, mais deux fois moins que les besoins en matière de renouvellement du parc (cible de 3 750 par an pour renouveler le parc tous les huit ans).
Dans ce domaine, la gendarmerie souffre de la forte inflation du coût des véhicules légers, dont le prix moyen est passé de 21 500 euros en 2019 à 28 700 euros en 2023.
Dans ce contexte, votre rapporteure estime qu’il serait opportun d’exonérer les véhicules de la gendarmerie du malus écologique, comme cela a été fait dans le cadre de la loi de finances 2023 pour les véhicules des services départementaux d'incendie et de secours.
● Enfin, en matière capacitaire, l’augmentation de douze millions d’euros des crédits alloués aux « moyens lourds de projection et d’intervention » permettra de financer les premières livraisons des six hélicoptères H145-D3, qui ont vocation à remplacer la flotte des « Écureuil » principalement basés en outre-mer. Ces appareils sont particulièrement attendus par la gendarmerie face au risque de rupture temporaire de capacité de la composante héliportée en outre-mer.
Seconde partie : Les réserves de la gendarmerie
I. Les réserves, une force indispensable pour la gendarmerie
a. La réserve opérationnelle de premier niveau (R01)
À l’instar des autres forces armées, la réserve opérationnelle de premier niveau (« RO1 ») inclut les volontaires ayant signé un engagement à servir dans la réserve (ESR). Cependant, la composition de la RO1 de la gendarmerie comporte plusieurs caractéristiques notables.
● La première particularité de la RO1 de la gendarmerie tient au volume de ses effectifs, qui représente près de la moitié du total des effectifs de la réserve militaire opérationnelle de premier niveau (33 000 sur un effectif de 73 620 au 31 décembre 2023). Les réserves de la gendarmerie nationale et de l’armée de terre représentent à elles deux près de 80 % de l’ensemble de la réserve opérationnelle de premier niveau.
Le poids de la réserve de la gendarmerie se mesure également à son importance par rapport aux effectifs de l’active : on compte en effet un réserviste pour trois militaires d’active dans la gendarmerie nationale, contre un réserviste pour cinq militaires d’active au ministère des Armées.
ÉVOLUTION des EFFECTIFS des RO1 militaires
Source : Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, rapport thématique « Les réserves », juillet 2024.
● Une autre caractéristique de la composition de la RO1 de la gendarmerie est l’importance des réservistes ab initio, c’est-à-dire sans expérience militaire antérieure. Ils constituent plus de 55 % de l’effectif total, contre 36 % pour les réserves de l’armée de l’air et de l’espace et 34 % pour celles de la marine, soit un ratio proche de l’armée de terre (60,7 %).
Les anciens militaires d’active représentent quant à eux 34 % des effectifs de la RO1 de la gendarmerie (contre 62 % pour la marine par exemple), le solde étant les volontaires issus du service national.
Il résulte de cette sociologie que plus de 67 % de réserviste de la gendarmerie ont un emploi dans le secteur civil (38,4 % pour les réserves du ministère des Armées).
Enfin, d’un point de vue générationnel, les réservistes entre 30 et 50 ans sont particulièrement sous-représentés au sein de la gendarmerie, comme c’est le cas de toutes les armées et de la gendarmerie nationale.
b. Les autres réserves de la gendarmerie
● La réserve opérationnelle de deuxième niveau (« RO2 ») est constituée d’anciens militaires de carrière ou sous contrat qui ont quitté la gendarmerie sans signer de contrat d’engagement à servir dans les réserves (ESR), mais qui sont soumis à une obligation de disponibilité durant les cinq années qui suivent leur départ. La RO2 de la gendarmerie est composée de près de 30 000 réservistes, dont environ 13 000 militaires du rang, soit près du tiers de l’effectif des RO2 militaires.
ÉVOLUTION des EFFECTIFS des RO2 militaires
Source : Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, rapport thématique « Les réserves », juillet 2024.
● Les 2 240 réservistes de la réserve citoyenne de défense et de sécurité (« RCDS ») sont des bénévoles, qui n’ont pas le statut militaire. En raison de leur haut niveau de qualification professionnelle (cadres dirigeants, représentants de professions libérales…), ils participent principalement à des travaux d’expertise et de réflexion, dans le cadre d’une démarche prospective sur les grands enjeux de la gendarmerie (cybercriminalité, intelligence économique, gendarmerie verte, violences intrafamiliales, prévention auprès de la jeunesse, communication…). La spécificité des missions de cette réserve explique l’âge moyen élevé (58 ans), ainsi que la forte proportion de Franciliens (plus de 43 %).
Dans la suite du présent rapport, compte tenu des enjeux très spécifiques de la RO2 et de la RCDS, la référence à la « réserve » ou aux « réservistes » désignera la RO1, sauf indication contraire.
2. Une réserve attractive et aux nombreux atouts
● La gendarmerie ne connaît pas de difficultés notables de recrutement. Grâce à l’augmentation des crédits dédiés aux réserves ces trois dernières années, la gendarmerie a accru significativement ces recrutements de réservistes : alors que la gendarmerie n’avait recruté que 3 700 réservistes en 2020, le volume de recrutement est passé à 6 020 en 2021, 4 960 en 2022 puis 6 330 en 2023.
Ces recrutements ont permis une augmentation sensible des effectifs de la réserve opérationnelle, qui sont passés de 31 482 en 2022 à 33 211 en 2023 et devraient atteindre 36 000 à la fin de l’année 2024 (35 405 au 30 juin 2024).
● Cette attractivité s’explique tout d’abord par le fait que la gendarmerie est présente sur l’ensemble du territoire, contrairement aux autres armées, ce qui est un atout majeur pour le recrutement et le rayonnement des réserves.
Le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) souligne ainsi à juste titre dans son rapport sur les réserves que « le fort maillage territorial de la gendarmerie garantit en effet un emploi proche de son domicile au réserviste, et un retour dans son bassin géographique d’origine après une carrière militaire souvent éloignée de ses bases familiales » ([4]).
● L’autre facteur déterminant de cette attractivité est l’intérêt des missions opérationnelles. Les réservistes constituent en effet une composante à part entière du personnel militaire de la gendarmerie nationale et participent par conséquent aux mêmes missions qu’un gendarme d’active, à l’exception des opérations de maintien de l’ordre. L’article L. 4145-1 du code de la défense prévoit ainsi que les réservistes de la gendarmerie sont « employés par priorité dans des fonctions opérationnelles ». L’activité et les missions des réservistes sont détaillées à la section I.B. du présent rapport.
b. Une chaîne de commandement proche du terrain
L’organisation de la politique des réserves de la gendarmerie s’articule entre, d’une part, un pilotage stratégique au niveau national et, d’autre part, une gestion opérationnelle au niveau régional et départemental.
● Au niveau national, le commandement pour les réserves et la jeunesse (CRJ) assure la mise en œuvre des instructions relatives aux réserves du ministre de l'Intérieur et du directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN). Le CRJ définit notamment la politique d’admission, de gestion, de formation et d’emploi de la réserve opérationnelle. Le fait que ce commandement soit également en charge de la jeunesse souligne la volonté de la gendarmerie de créer un continuum entre sa politique à destination des jeunes et l’attractivité de ses réserves.
● Au plan local, la gestion des réserves est assurée au niveau régional par une division régionale des réserves (D2R), subordonnée au commandant de région, et au niveau départemental par un service réserves et jeunesse (SRJ) subordonné au commandant de groupement.
Ainsi les divisions régionales des réserves sont chargées du pilotage de la politique des réserves dans leur territoire :
– répartition des dotations budgétaires dédiées à l’emploi et la formation des réservistes opérationnels ;
– gestion du recrutement des personnels de réserve, de l’organisation de la formation initiale et de la planification des missions d’envergure régionale ;
– mise en application au niveau régional des politiques nationales de rayonnement et de partenariat de la gendarmerie avec les entreprises ;
– lien armées-Nation en faveur de la jeunesse et des formes d’engagement citoyen au sein de la gendarmerie.
Sous l’autorité de ces divisions régionales, les services réserves et jeunesse sont quant à eux chargés de la véritable gestion opérationnelle au niveau départemental : planification et emploi opérationnel des réservistes, gestion des personnels de réserve et mise en place des formations.
● Cette structuration de la chaîne de commandement des réserves autour de l’échelon national, régional et départemental, constitue une spécificité de la gendarmerie par rapport aux autres armées.
La présence de services réserve-jeunesse dans chaque département marque ainsi la volonté de la gendarmerie de tirer parti du fort ancrage territorial de la gendarmerie, afin d’adapter les réserves aux besoins spécifiques de chaque territoire.
c. Une gestion et un accompagnement des réservistes efficaces
● Tout d’abord, la formation initiale des réservistes est particulièrement structurée.
La formation initiale des candidats ab initio à la réserve consiste en une préparation militaire gendarmerie (PMG) de quinze jours. Celle-ci se décompose entre, d’une part, une période militaire d’initiation et de perfectionnement à la défense nationale (PMIPDN) de douze jours, sous statut civil, et, d’autre part, une formation militaire initiale du réserviste (FMIR) de trois jours, effectuée sous contrat d'engagement à servir dans la réserve (ESR) en qualité de militaire.
La PMG est suivie d’une formation complémentaire destinée à délivrer un enseignement sur la qualité d’agent de police judiciaire adjoint (APJA) et à dispenser les formations de secourisme (PSC1).
Plus rarement, en fonction de la disponibilité des infrastructures et du personnel, est proposée alternativement aux réservistes ab initio une formation opérationnelle du réserviste territorial (FORT), d’une durée totale de 24 jours ([5]).
Une autre spécificité de la gendarmerie eu égard aux autres armées tient au stage d’acculturation, délivré aux réservistes issus des autres armées et aux anciens de l’arme ayant quitté la gendarmerie nationale (GN) depuis plusieurs années.
Comme le relève le HCECM, l’intégration des préparations militaires dans le parcours de recrutement des réservistes est une spécificité de la gendarmerie : « À l’heure actuelle, seule la gendarmerie a choisi d’intégrer les préparations militaires (PMG) au parcours de recrutement des réservistes. Les PMG sont ainsi partie intégrante de la formation initiale des réservistes ab initio (FMIR), tandis que dans les autres armées, elles sont présentées comme des “premières expériences enrichissantes”, permettant éventuellement de déboucher sur un engagement dans la réserve, mais aussi dans l’active ».
● En second lieu, le système d’information « Minot@ur », utilisé par la gendarmerie pour la gestion de ses réservistes, est performant, notamment en comparaison du système d’information « Réservistes opérationnels connectés » (ROC) utilisé par le ministère des Armées. Ce système permet notamment aux réservistes de signaler leur période de disponibilité et de se porter volontaires pour les missions.
Ce système assure également le paiement des soldes dont le délai est sensiblement inférieur à celui des armées. Ainsi, le délai moyen de paiement, c’est-à-dire le délai entre la fin d’une activité dans la réserve et le versement de la solde correspondante sur le compte bancaire du réserviste, est en moyenne de 36 jours dans la gendarmerie, contre 77 dans les armées, en 2023.
● Enfin, la gendarmerie a mis en place un dispositif robuste d’accompagnement social de ses réservistes.
Un conseiller spécialisé protection sociale a été mis en place dans chaque région pour accompagner le réserviste dans ses démarches en ce domaine.
En outre, la qualité de réserviste permet à celui-ci et à ses ayants droit de bénéficier des aides et services de la fondation « Maison de la gendarmerie », en cas d’évènement survenu en mission (protection juridique, aides en cas de décès, solidarité orphelins, allocation études…).
La fondation Maison de la gendarmerie permet notamment au réserviste de bénéficier d’une avance financière permettant de couvrir la perte de revenu consécutive à un accident ou une blessure en service, dans l’attente d’une indemnisation de l’État.
Des partenariats avec certaines compagnies d’assurances ont également été institués pour proposer aux réservistes de la gendarmerie des assurances complémentaires prévoyance très peu onéreuses au bénéfice des réservistes de la gendarmerie.
B. Un acteur majeur de l’activité de la gendarmerie
1. Une doctrine d’emploi qui assimile les réservistes aux militaires d’active
● Les missions confiées aux réservistes confirment que la RO1 est prioritairement une réserve d’emploi. En 2023, 75 % de l’activité des réservistes a été dédiée aux missions opérationnelles, contre un taux de 22 % pour les réserves relevant du ministère des Armées. Le reste de l’activité est relatif au commandement, à la gestion des ressources humaines et aux aspects logistiques (12,4 %), ainsi qu’à la formation (12,6 %).
● Les réservistes interviennent sur l’ensemble du spectre missionnel de la gendarmerie, sous réserve d’avoir reçu la formation et les habilitations adéquates : sécurité du quotidien, prévention de la délinquance, sécurité routière, police judiciaire, assistance et secours aux personnes. En pratique, l’emploi des réservistes est décidé par chaque commandant de groupement de gendarmerie départementale (GGD), en fonction des besoins locaux.
Les réservistes contribuent en outre régulièrement à la sécurisation d’évènements de grande ampleur, tels que le Tour de France, et récemment la coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques.
En revanche, à l’exception de situations exceptionnelles (insurrection ou guerre), les réservistes n’ont pas vocation à mener des opérations programmées de maintien ou de rétablissement de l’ordre public. Les réservistes ne sont par conséquent pas affectés dans les escadrons de gendarmerie mobile. C’est également la raison pour laquelle les réservistes, y compris au niveau local, ne participent pas aux opérations actuelles en Nouvelle-Calédonie.
● Dans le cadre de ses missions, le réserviste opérationnel de la gendarmerie nationale (GN) est un militaire qui dispose des mêmes droits et obligations qu’un militaire d’active.
Les réservistes sont notamment autorisés à mettre en œuvre une arme de force intermédiaire (AFI), sous réserve de l'attribution du certificat initial d'aptitude à la pratique du tir (CIAPT) et de l'entretien des acquis. Ils sont naturellement soumis au même cadre légal d’usage des armes que les militaires d’active. Ils ont également accès aux systèmes d’information et aux différents fichiers de la gendarmerie en fonction des besoins et de leur emploi. Ils peuvent par ailleurs détenir différentes habilitations judiciaires (agent de police judiciaire adjoint, agent de police judiciaire, voire officier de police judiciaire).
Enfin, la contrepartie de cette participation active des réservistes aux missions de la gendarmerie est qu’ils sont soumis aux mêmes risques professionnels que les militaires d’active. Ainsi, 157 réservistes de la gendarmerie ont été blessés en 2022 dans l’exercice de leurs fonctions, tandis qu’en avril 2023 l’adjudant de réserve P. H. est décédé tragiquement lors d’une mission de contrôle routier dans les Landes.
Des partenariats avec certaines compagnies d’assurances ont également été institués pour proposer aux réservistes de la gendarmerie des assurances complémentaires prévoyance très peu onéreuses.
a. Une mobilisation intense dans le cadre des Jeux olympiques
● La mobilisation des réservistes a été massive à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques (JOP).
Selon les indications du commandement du CRJ à votre rapporteure, plus de 4 900 réservistes ont été mobilisés en moyenne chaque jour lors des JOP, avec des pics à 6 400 réservistes. Au total, c’est près d’un réserviste sur deux de la gendarmerie qui a participé à la sécurisation des JOP et du relais de la flamme. Cela représente près de 103 000 jours de missions effectués par les réservistes.
● Les réservistes ont été directement intégrés au sein des « compagnies de marche », composées de 72 militaires, qui ont été projetées dans les territoires accueillant les épreuves des JOP. Lors de certaines journées correspondant à des pics d'activité, les réservistes pouvaient représenter jusqu’à 50 % de l’effectif de certaines compagnies de marche.
Les missions attribuées aux réservistes au sein de ces « compagnies de marche » ont été identiques à celles confiées aux gendarmes d’active : présence sur la voie publique, sécurisation des transports publics, sécurisation des sites, protection des aéroports et des façades maritimes.
Des réservistes ont également participé à des missions spécifiques, en rejoignant des équipes de lutte contre la cybercriminalité, ou encore en renforçant l’état-major logistique de la préfecture de police de Paris, pour assurer le soutien (hébergement, alimentation, escorte) de l’ensemble des forces de sécurité étrangères déployées sur Paris.
La variété de ces missions démontre l’adaptabilité des réservistes opérationnels de la gendarmerie.
● Enfin, les réservistes ont également renforcé les unités dans lesquelles des militaires d’active ont été déplacés ou rendus indisponibles en raison des JOP. Ils ont ainsi permis de compenser au niveau local la réduction de personnels d’active pour les missions du quotidien.
b. Les autres missions emblématiques des réserves de la gendarmerie
● L’engagement majeur actuel pour les réservistes de la gendarmerie réside dans les opérations de lutte contre l’immigration irrégulière dites « Poséidon » (côtes nord de la Manche) et « Salamandre » (côtes normandes et nord-bretonnes).
Ces opérations s’inscrivent dans le cadre des accords de Sandhurst conclus avec le Royaume-Uni, au titre desquels ce dernier finance une partie de la mobilisation des réservistes. L’objectif est non seulement d’empêcher les migrants en situation irrégulière de rejoindre l’Angleterre, mais également d’interpeller les passeurs afin de démanteler les filières.
Ces opérations mobilisent plus de 460 réservistes chaque jour, issus de l’ensemble du territoire métropolitain et généralement déployés pour une période de quinze jours. L’objectif est de porter les effectifs engagés par jour dans cette mission à 500 réservistes opérationnels d’ici la fin de l’année 2025.
Dans une moindre mesure, les réservistes sont également employés au profit des groupements de gendarmerie départementale des Hautes-Alpes (05) et des Alpes-Maritimes (06), dans le cadre de l’opération « Limes », afin de lutter contre les passages illicites de la frontière franco-italienne par les migrants en situation irrégulière.
● Les réservistes peuvent également intervenir dans le cadre d’opérations de secours et d’assistance aux populations. À la suite de la catastrophe de l’ouragan « Irma » en 2017, près de 150 réservistes ont ainsi été déployés (73 réservistes par compagnie) à Saint Martin, durant trois mois.
Ainsi que le relève le rapport du HCECM, les réservistes de Nouvelle-Aquitaine se sont largement mobilisés de façon volontaire à l’occasion des feux de forêt qui ont frappé cette région en 2022, en participant très activement aux missions de sécurisation des populations.
● Enfin, des réservistes sont également mis à disposition par la gendarmerie pour assurer des opérations de sécurisation au profit d’entités extérieures, notamment de la SNCF, à travers des conventions de mise à disposition.
Les conventions de mise à disposition de réservistes
Le code de la défense (articles L. 4221-1 et R. 4221-15), permet aux réservistes opérationnels, dans le cadre d’une convention administrative et financière ou d'affectation temporaire, de servir auprès : d’une administration, d'un établissement public, d'un organisme public, d'une autorité publique indépendante ou d'une organisation internationale ; d’une entreprise ou d'un organisme de droit privé lorsque l'intérêt de la défense ou de la sécurité nationale le justifie.
Certaines conventions concernent des missions dites « non spécifiques », c’est-à-dire des missions qui ne constituent pas des missions normales de la gendarmerie nationale, et qui donnent lieu, de ce fait, à une prise en charge directe par le bénéficiaire des rémunérations et des frais induits ou un remboursement par ce dernier au profit du P152.
Les principales mises à disposition de réservistes au profit d’entités parapubliques ou privées concernent la sécurisation des transports publics. Le bénéficiaire en est l’opérateur avec, pour la plupart d’entre elles, une collectivité territoriale partenaire.
En 2024, sept conventions sont existantes au profit de :
- la société d'économie mixte des transports en commun de l'agglomération nantaise (SEMITAN), pour la sécurisation du réseau de transports urbains opéré par cette société ;
- Île-de-France Mobilités (IdFM), pour la sécurisation des bus de la grande couronne francilienne opérés par IdFM ;
- la SNCF, en partenariat avec la région PACA, pour la sécurisation des trains et des gares en zone gendarmerie du réseau TER ZOU ! ;
- la SNCF, en partenariat avec la région Grand Est, pour la sécurisation des trains et des gares en zone gendarmerie du réseau TER FLUO ;
- la SNCF, en partenariat avec la région Hauts-de-France, pour la sécurisation des trains et des gares en zone gendarmerie du réseau TER Hauts-de-France ;
- la SNCF, en partenariat avec la région Île-de-France, pour la sécurisation des trains et des gares en zone gendarmerie du réseau transilien (Île-de-France) ;
- la SPL Chartres Métropole transports, en partenariat avec la communauté d’agglomération Chartres Métropole, pour la sécurisation du réseau de transports urbains FILIBUS.
La conclusion de ce type de conventions a été particulièrement dynamique entre 2020 et 2022.
Une convention est en cours de finalisation avec le CEA et Fusion for Energy s’agissant du projet ITER (renfort du groupe experts sécurité), pour un emploi prévisionnel de 100 jours par an.
3. Une activité en hausse, mais qui cache de fortes disparités
● Les effectifs moyens de réservistes employés chaque jour augmentent significativement. En 2023, c’est chaque jour près de 2 441 réservistes qui ont réalisé des missions au profit de la gendarmerie nationale (contre moins de 2 000 en 2022). En 2024, du fait de la forte mobilisation des réservistes lors des Jeux olympiques et paralympiques, ce sont plus de 3 200 réservistes qui ont été engagés quotidiennement en moyenne.
L’activité globale représentée par le nombre total de jours cumulés de convocation de personnels réservistes a augmenté sensiblement en 2023 (+150 000), en raison non seulement de l’accroissement des effectifs, mais également de l’allongement de la durée d’activité moyenne de chaque réserviste, qui est passée de 22,8 jours à 26,6 jours.
● Il convient toutefois de noter que la durée d’activité moyenne des réservistes de la gendarmerie est sensiblement inférieure à celle des réserves relevant du ministère des Armées, qui s’élève à 35,5 jours par an.
Les cibles d’activité des lois de programmation divergent également : si la LPM 2024-2030 ne précise pas la norme d’activité annuelle visée pour les réservistes du ministère des Armées, « une norme moyenne de 37 jours par année pleine est appliquée en construction budgétaire » ainsi que le relève le HCECM ([6]), tandis que la LOPMI prévoit quant à elle une cible minimale d’emploi de 25 jours par an et par réserviste.
En outre, cette moyenne cache de fortes disparités. Les trois quarts de l’activité totale sont réalisés par seulement un tiers des réservistes. A contrario, le nombre de réservistes ayant effectué moins de dix jours d’activité en 2023 se monte à près de 12 500, soit plus de 37 % de l’effectif total, dont plus de 2 600 sans aucune activité (ce qui correspond à 7,8 %).
4. Une force mobilisable en cas de crise majeure
● Trois dispositifs juridiques permettent l’appel ou le rappel des réservistes de la gendarmerie nationale en cas de crise majeure :
– l’activation, décidée par décret en conseil des ministres, du dispositif de réserve de sécurité nationale (article L. 2171-1 du code de la défense), « en cas de menace actuelle ou prévisible, pesant sur les activités essentielles à la vie de la Nation, sur la protection de la population, sur l'intégrité du territoire ou sur la permanence des institutions de la République ou de nature à justifier la mise en œuvre des engagements internationaux de l'État en matière de défense ». La réserve de sécurité nationale est constituée des réservistes de la réserve opérationnelle militaire, de la réserve opérationnelle de la police nationale, de la réserve sanitaire, de la réserve civile pénitentiaire et des réserves de sécurité civile ;
– la mobilisation générale ou mise en garde (article L. 2141-1 du code de la défense) ;
– l’autorisation donnée aux ministres des Armées et de l’Intérieur de faire appel aux réservistes de la gendarmerie nationale en cas de troubles graves à l'ordre public (L. 421-3 du code de la sécurité intérieure) ;
● Ces trois possibilités d’emploi concernent à la fois les réservistes opérationnels de premier niveau et deuxième niveau. Les enjeux pour la gendarmerie nationale soulevés par ces hypothèses de mobilisation diffèrent ainsi selon le type de réserve opérationnelle.
Pour les réservistes opérationnels de premier niveau, l’enjeu principal est notamment de disposer d’une information fiable concernant l’éventuelle appartenance du réserviste à une autre réserve mobilisable ou son emploi dans le civil au sein d’un opérateur d’importance vitale ou d’un ministère. Dans un tel cas de figure, il s’agit en effet d’être en mesure de prioriser les disponibilités résultant de l’appartenance simultanée du réserviste de la gendarmerie à des entités civiles et militaires mobilisables en cas de crise majeure.
S’agissant des réservistes opérationnels de deuxième niveau, la principale difficulté en vue de leur rappel réside dans la fiabilisation des coordonnées. L’enjeu réside donc dans la mise à jour des informations personnelles, notamment en cas de changement de domicile.
À cet effet, une campagne nationale a été lancée fin mars 2023, appuyée par des travaux menés avec les services spécialisés de la direction des ressources humaines de la gendarmerie nationale (DRHGN), afin de donner aux formations administratives les éléments nécessaires pour permettre de reprendre et conserver le contact avec ces « anciens gendarmes ».
Enfin, ces réservistes de 2e niveau peuvent également, depuis leur départ de l’active, être employés auprès d’un opérateur d’importance vitale ou d’un ministère mobilisables en cas de crise majeure.
5. Une importante contribution à la politique jeunesse de la gendarmerie
Les réservistes représentent en moyenne de 20 à 30 % des moyens humains mobilisés par la gendarmerie pour mener des actions en faveur de la jeunesse, que ce soit dans des fonctions d’animation ou de soutien logistique et financier.
● À titre d’exemple, les réservistes sont particulièrement impliqués dans
les 103 associations des cadets de la gendarmerie (ACGN), qui accueillent des jeunes au titre de la phase 2 du SNU (accomplissement d’une mission d’intérêt général au sein du monde associatif). Ce sont en effet les réservistes citoyens de défense et de sécurité (RCDS) et les réservistes opérationnels (RO), en leur qualité de membres des bureaux des associations, qui animent et pilotent les missions d’intérêt général, encadrent et forment les cadets et recherchent les financements nécessaires. Dans le cadre de ces associations, les jeunes participent à des activités éducatives, sportives, solidaires et civiques, tout en acquérant des connaissances sur le fonctionnement de la gendarmerie et les valeurs qui lui sont associées.
Les ACGN accueillent plus de 10 % des jeunes du SNU qui effectuent une mission d’intérêt général. Depuis 2019, ce sont ainsi plus de 6 000 cadets qui ont mené leur mission d’intérêt général au sein de la gendarmerie. Ce dispositif est en outre un vivier de recrutement important pour les réserves de la gendarmerie, puisque 30 % des cadets deviennent réservistes, selon les indications fournies à votre rapporteure.
● Par ailleurs, la gendarmerie nationale organise les journées nationales des réservistes (JNR), dans le cadre desquelles les jeunes ont l’opportunité de découvrir le rôle et les missions des réservistes de la gendarmerie. En 2024, 191 actions ont été menées, animées intégralement par les réservistes : actions sportives, participations à des salons, forums, stands dans des centres commerciaux, actions conjointes avec des entreprises, des collectivités locales et avec la communauté éducative du second degré de l’enseignement supérieur.
II. La montée en puissance de la réserve opérationnelle prévue par la LOPMI exige de relever de nombreux défis
La LOPMI prévoit une cible de 50 000 réservistes à l’horizon 2027. Si cet objectif n’est pas inatteignable, compte tenu de l’attractivité de la réserve de la gendarmerie, il exige toutefois de mobiliser de nombreux leviers.
A. Consolider les outils de recrutement et de formation
1. Un déficit de fidélisation, qui implique un sur-recrutement
● La gendarmerie connaît des difficultés de fidélisation de ses réservistes, notamment ceux qui ne sont pas issus de l’active : en 2022, près de 4 700 réservistes ont quitté l’institution, soit un taux dit d’attrition de plus de 14 %.
Si ce taux d’attrition est bien supérieur à ce que connaît la gendarmerie pour ses effectifs dans l’active (perte de 5 % des effectifs chaque année), il est cependant légèrement inférieur à celui des réserves relevant du ministère des Armées (taux d’attrition de 16 % en 2022).
Ce taux d’attrition a cependant sensiblement baissé en 2023 pour la gendarmerie, avec 3 500 départs, soit environ 10 % des effectifs.
Afin de mieux appréhender les motivations ayant présidé à ces départs, le commandement de la gendarmerie pour les réserves et la jeunesse élabore actuellement un questionnaire en ligne, qui sera envoyé dans les prochains mois aux réservistes ayant mis fin à leur engagement en 2023. L’exploitation de ce questionnaire permettra certainement une analyse plus fine des causes de ces départs et pourra servir de fondement à un plan d’actions pour renforcer la fidélisation.
● Ce déficit de fidélisation est d’autant plus problématique que l’accroissement des effectifs de réservistes aboutira nécessairement à une augmentation des départs en volume, qu’il conviendra de compenser en sur-recrutant, alors même que les chaînes de recrutement sont déjà en tension.
Comme le souligne le HCECM, « en 2027, date à laquelle les réserves de la gendarmerie doivent atteindre la cible de 50 000 réservistes, ce sera, à taux d’attrition inchangé, environ 7 500 départs qui devront être compensés annuellement » ([7]).
● Bien plus, l’attrition au sein des réserves complexifie l’atteinte de l’objectif des 50 000 réservistes.
Du fait de cette attrition, le rythme actuel de recrutements d’environ 3 000 réservistes par an ne permet pas d’atteindre cette ambition.
Avec un effectif de 36 000 réservistes à la fin de l’année 2024, l’atteinte de la cible de 50 000 réservistes en 2027 requiert en effet une moyenne des recrutements non pas de 4 666 réservistes par an (soit 14 000 sur trois ans) mais d’environ 9 000 réservistes supplémentaires chaque année si on prend en compte une hypothèse – optimiste – d’un taux de départs annuel égal de 10 % de l’effectif total de la réserve ([8]). Or, recruter 9 000 réservistes par an est hors de portée des capacités actuelles d’absorption de la gendarmerie.
Dans ces conditions, l’objectif de la LOPMI ne pourra être tenu que si l’augmentation conséquente des recrutements s’accompagne d’une baisse des départs.
Le renforcement de la fidélisation passe par une mobilisation de l’ensemble des leviers à disposition de la gendarmerie : augmentation de l’activité, intérêt des missions, valorisation des compétences et reconnaissance de l’action des réservistes.
2. La nécessité de fluidifier la chaîne de recrutement
● Les capacités de formation de la gendarmerie sont actuellement saturées, en raison du recrutement important de gendarmes dans le cadre de l’exécution de la LOPMI.
S’agissant des réserves, cette saturation actuelle a pour effet d’allonger considérablement les délais entre la proposition de recrutement, d’une part, et l’engagement effectif du réserviste à la suite de sa formation initiale, d’autre part.
Ainsi que l’a relevé le HCECM, « lors des visites réalisées par le Haut Comité en début d’année 2024, ses membres ont noté que toutes les capacités de formation de l’année en cours étaient déjà saturées ; pour un nouveau candidat à la réserve, le temps d’attente avant de pouvoir suivre une formation initiale est donc de près d’un an, ce qui provoque inévitablement de la lassitude chez les candidats et les incite donc à abandonner leur démarche d’engagement » ([9]).
Cet allongement des délais est d’autant plus préjudiciable qu’il est susceptible de décourager un certain nombre d’engagements et par conséquent de remettre en cause la cible de recrutements.
● Le bon dimensionnement en infrastructures et en ressources humaines des capacités de formation constitue donc un prérequis à l’attractivité des réserves de la gendarmerie. La réduction des délais de recrutement et de formation doit être érigée en priorité par la gendarmerie.
Un premier axe d’optimisation serait de créer des centres régionaux d’instruction pour former les réservistes, afin de ne plus dépendre des écoles de gendarmerie aujourd’hui saturées.
Le développement de l’enseignement à distance permet également de répondre en partie à cette problématique. À titre d’exemple, la formation d’agent de police judiciaire adjoint (APJA) est aujourd’hui en libre accès sur la plateforme de formation en ligne de la gendarmerie « Gendform ».
● Enfin, la fluidification de l’accès aux visites médicales réalisées par le service de santé des armées (SSA), dont la satisfaction constitue un prérequis à l’engagement, est un axe de progrès important pour réduire les délais de recrutement. Le nombre insuffisant de créneaux de visites médicales initiales et périodiques (VEMI et VMP) obère en effet le recrutement et l’employabilité des réservistes. Le HCECM a relevé à ce titre que « l’ensemble des autorités entendues par le Haut Comité identifient l’étape des visites médicales d’aptitude comme étant le principal “goulet d’étranglement” du processus de recrutement » ([10]).
Sur ce dernier point, deux réformes pourraient permettre de dégager des marges de manœuvre à ce sujet.
D’une part, un arrêté du 20 décembre 2023 a permis d'augmenter le volume de réservistes, notamment pour renforcer les effectifs dans le cadre des JOP, par une modification des critères médicaux d'aptitude requis pour les réservistes, en distinguant le recrutement de réservistes sur des emplois emportant l'exercice de missions opérationnelles ou non.
D’autre part, une expérimentation a eu lieu sur dix antennes médicales pour le recrutement des réservistes entre avril et juin 2024 : l'antenne médicale disposait d'une fiche de poste précise de la part de l'employeur pour pouvoir identifier si le profil médical du réserviste correspondait ou non au candidat réserviste opérationnel.
Une autre piste, plus radicale, pourrait être envisagée, comme le suggère le HCECM : la possibilité d’effectuer des visites médicales d’aptitude en dehors du SSA, afin de désengorger ce service.
B. Consolider l’emploi opérationnel des réservistes
1. Développer l’autonomie des réservistes en opérations
● Si les réservistes sont dans leur grande majorité employés comme renfort individuel au sein des brigades de gendarmerie, la gendarmerie souhaite développer l’emploi de réservistes en « unités constituées », c’est-à-dire des unités composées uniquement de réservistes, y compris en termes d’encadrement.
À cet effet, une compagnie d’intervention de réserve territoriale (CIRT) a été créée, à compter de 2020, dans chaque département. Cette compagnie, à laquelle les réservistes peuvent être affectés temporairement, est activable en fonction des besoins et susceptible d’agir en autonomie, y compris sur le plan de son encadrement.
Selon la gendarmerie, les CIRT voient régulièrement leur organisation et modes d'action se développer au gré des différents retours sur expérience. À titre d’exemple, la région de gendarmerie de Nouvelle-Aquitaine a mis en place une structure d’escadron de réserve projetable sur le ressort de la région, ayant vocation à être engagé sur des « services d'ordre » (festivals de musique, Tour de France…).
● Une autre expérimentation en cours dans l’emploi des réservistes a trait au « gendarme réserviste patrouilleur » (GRP). Initialement, ce concept visait à engager un réserviste opérationnel seul pour des missions de contact et de présence de voie publique.
Désormais, l’objectif de la gendarmerie est davantage d’engager un réserviste, directement depuis son domicile, en tenue et armé, pour des interventions de bas du spectre présentant un niveau de risque mesuré.
En fonction du retour d’expérience, cette expérimentation pourrait être généralisée, ce qui serait de nature à enrichir significativement la diversité des missions des réservistes.
● La projection de réservistes à l’international constitue une autre réflexion en cours au sein de la gendarmerie, comme l’illustre la création récente du groupe de projection de réservistes à l’étranger au sein du commandement de la gendarmerie pour les réserves et la jeunesse (CRJ).
L’objectif est de structurer un vivier de réservistes disposant de compétences spécifiques, au profit de ministères et d’opérateurs publics ou privés. À titre d’exemple, un réserviste est actuellement employé pour entretenir et réparer les moteurs des embarcations comoriennes visant à lutter contre l’immigration irrégulière vers Mayotte, en lien avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
● Les projets actuels de rénovation de la doctrine pour la défense opérationnelle du territoire (DOT), sous l’égide du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), peuvent également aboutir à de nouvelles évolutions de la doctrine d’emploi des réservistes, dans une logique de renforcement de la résilience nationale. Auparavant, les réservistes étaient par exemple affectés à la garde des points sensibles.
2. Développer la formation continue pour « durcir » les réserves
La formation continue des réserves est nécessaire pour disposer d'une force capable de répondre sans délai et avec efficacité à une crise.
● Or, pour les réservistes opérationnels de premier niveau, cette formation continue est actuellement souvent limitée aux seules formations obligatoires liées à leur quotidien de réserviste, telles que la mise à jour tous les deux ans du certificat à la pratique du tir.
Si certaines formations continues des gendarmes d’active sont proposées aux réservistes, force est de constater que les places sont particulièrement réduites : vingt places annuelles pour les sessions d’enseignement militaire supérieur de 1er degré (EMS1) à destination des officiers de réserve du grade de capitaine ; cinq chefs d’escadron de réserve ont accès annuellement au cours supérieur d’enseignement militaire gendarmerie (CSEMG) ; cinq lieutenants colonels de réserve non brevetés peuvent suivre la formation à la méthode de raisonnement tactique (MRT) et à la gestion de crise de niveau 3 (temps de commandement de niveau 3 - TC 3).
Le calendrier des formations des gendarmes d’active est au surplus difficilement compatible avec l’emploi du temps d’un réserviste actif dans le monde civil.
Il résulte de ce qui précède que la formation continue des réservistes doit être significativement rehaussée pour augmenter l’« opérationnalité » des réservistes de la gendarmerie. Une telle augmentation de l’offre de formation s’impose d’autant plus dans un contexte où les réservistes seront amenés à être employés davantage en autonomie, comme il a été souligné. Enfin, un durcissement de la formation continue aurait un effet bénéfique certain sur la fidélisation des réservistes.
● S’agissant de la réserve opérationnelle de deuxième niveau, l’article L. 4231-2 du code de la défense prévoit que les anciens militaires soumis à l’obligation de disponibilité de cinq ans peuvent « être convoqués pour être évalués ou pour assurer leur maintien en compétences, pour une durée qui ne peut excéder un total de cinq jours par an sur une période de cinq ans ».
Cette possibilité n’est cependant pas appliquée par la gendarmerie, faute notamment de moyens budgétaires. Or, le maintien en compétence des réservistes de la RO2 durant leurs cinq années de disponibilité est crucial dans la perspective de leur mobilisation en cas de crise. Il est donc urgent de prévoir des crédits dédiés à l’évaluation et au maintien en compétences des réservistes de la RO2 durant leurs cinq années de disponibilité.
3. Poursuivre l’effort d’équipement des réservistes
● Les crédits hors masse salariale (titre 2) ne représentent que 12 à 14 %, selon les années, des crédits dédiés aux réserves (soit 10,7 millions d’euros en 2023), ce qui limite intrinsèquement les investissements capacitaires en faveur des réservistes.
Certes, le temps où les réservistes ne disposaient pas de gilets pare-balles individuels est révolu. Cependant, selon les représentants du HCECM auditionnés par votre rapporteure, beaucoup de réservistes de la gendarmerie se plaignent de devoir acquérir à titre personnel des effets d’équipement, soit parce que celui qui est délivré est de piètre qualité, soit parce qu’il est en quantité insuffisante.
S’agissant de l’habillement, leur temps de renouvellement, actuellement fixé à dix ans, est ainsi particulièrement long. Par ailleurs, l’amélioration de la dotation en effets d'habillement semble nécessaire pour certaines missions, telles que les opérations de lutte contre l’immigration irrégulière sur les côtes nord de la Manche.
S’agissant de l’armement, les volumes de livraisons de gilets pare-balles individuels de protection, pistolets semi-automatiques, bâtons de protection télescopiques et armes de force semblent satisfaisants.
Il reste cependant à accélérer la dotation de l’ensemble des réservistes d’étuis récents pour les pistolets semi-automatiques et surtout à assurer la dotation en munitions nécessaires pour renouveler les aptitudes au tir et conduire les séances d'entraînement.
● Enfin, les deux axes d’effort majeurs en matière capacitaire pour renforcer la capacité opérationnelle des réservistes en mission concernent :
– la mise en place des outils numériques, tels que la tablette NéoGend permettant l'accès aux applications et fichiers en mobilité, ainsi que les moyens de transmission radio et téléphonique ;
– la mise à disposition d’un parc automobile dédié, qui est d’autant plus nécessaire que les réservistes sont largement employés dans le cadre de la prévention de proximité.
À l’heure actuelle, la réserve ne dispose pas en effet d’un parc automobile spécifique et doit s’appuyer sur le parc général de dotation des unités de la gendarmerie, alors même que celui-ci souffre d'un sous-financement structurel depuis deux ans.
4. Augmenter la disponibilité des réservistes en renforçant les conventions avec les employeurs
● Pour faciliter l’emploi des réservistes ayant une activité professionnelle dans le monde civil, des dispositions du Code du travail prévoient expressément la libération des réservistes par leurs employeurs.
Un réserviste salarié a ainsi le droit à une autorisation d'absence annuelle d'une durée minimale de dix jours ouvrés par année civile – durant laquelle il continue d’être rémunéré par son employeur – au titre de ses activités dans la réserve opérationnelle. Cette autorisation d’absence peut cependant être réduite à cinq jours, sur décision de l’employeur, pour les entreprises de moins de 50 salariés.
Au-delà de ces délais légaux, une autorisation de l’employeur est nécessaire pour libérer le salarié réserviste. En outre, le Code du travail prévoit également un délai de préavis au bénéfice de l’employeur d’une durée minimale d’un mois.
● Cependant, ces délais légaux peuvent être assouplis par voie de convention. C’est dans ce contexte que la Garde nationale mène une politique active de partenariat avec les entreprises pour mettre en place un cadre plus favorable aux réservistes. Ces conventions ont notamment pour objet :
– d’augmenter la période de mise à disposition de 10 jours prévue par la loi ;
– de réduire le délai de 30 jours entre la convocation et l’emploi du réserviste, qui peut être particulièrement contraignant en cas d’urgence.
Cette politique de partenariat doit être poursuivie et amplifiée, pour permettre de rehausser l’activité des réservistes de la gendarmerie.
● Enfin, il convient de relever que la gendarmerie conclut également des conventions avec certaines entreprises, notamment pour employer des réservistes dans certains secteurs spécifiques. À titre d’exemple, une convention avec la société pharmaceutique Roche pour mettre à disposition des réservistes au sein du commandement pour l’environnement et la santé (CESAN) de la gendarmerie.
C. Sanctuariser les moyens dédiés aux réserves dans une logique pluriannuelle
1. Le projet de budget 2025 remet gravement en cause la montée en puissance des réserves
● Les crédits dédiés aux réserves constituent malheureusement trop souvent la variable d’ajustement budgétaire en cas de recherche d’économies.
Ceci explique leur évolution erratique depuis dix ans. Les crédits de paiement prévus pour les réservistes de la gendarmerie ont ainsi frôlé les 100 millions d’euros en 2018-2019, avant d’être brutalement réduits à 70 millions d’euros entre 2020 et 2022.
Les crédits dédiés aux réserves ont de nouveau augmenté en 2023, conformément à la trajectoire ambitieuse prévue par la LOPMI, en atteignant près de 85 millions d’euros (avec des crédits consommés à la fin de l’année 2023 portés à 102 millions d’euros).
Quant à l’année 2024, elle est atypique du fait de la mobilisation massive des réservistes lors des Jeux olympiques et paralympiques : plus de 114 millions d’euros ont été alloués aux réserves, dont 23 millions d’euros dédiés aux seuls JOP.
● Pour l’année 2025, la gendarmerie nationale escomptait un budget d’environ 100 millions d’euros pour les réserves, soit neuf millions d’euros de plus qu’en 2024 (hors enveloppe JOP).
Ce montant de 100 millions d’euros aurait permis en 2025 de recruter environ 4 000 réservistes – cible de recrutements au demeurant insuffisante comme il a été vu pour atteindre l’objectif des 50 000 réservistes –, en assurant une moyenne de 2 350 réservistes par jour, pour un taux d’emploi moyen de 21 jours par réserviste.
Or, le PLF 2025 prévoit 75, 6 millions d’euros de crédits pour les réserves de la gendarmerie, soit un niveau de financement très significativement inférieur non seulement à 2024, mais aussi à 2023.
Les documents budgétaires font ainsi état, pour l’enveloppe 2025 dédiée aux réserves, non seulement d’une réduction de 23 millions d’euros en raison de la fin de l’enveloppe dédiée aux JOP, mais également d’une baisse supplémentaire des crédits de 15 millions d’euros au titre de « mesures d’économie 2025 ».
● Cette baisse des crédits en 2025, si elle était confirmée, remettrait directement en cause les engagements de la LOPMI relatifs à la montée en puissance des réserves de la gendarmerie.
Cela n’aurait en effet aucun sens de recruter des réservistes tout en étant contraint, pour des raisons budgétaires, de diminuer drastiquement leur activité. En effet, comme l’a souligné une personne auditionnée, en deçà du seuil de 20 à 25 jours d’activité par an, un réserviste n’est ni rentable pour l’institution, ni motivé pour les missions.
Sacrifier les crédits des réserves constitue une aberration, alors que notre pays a plus que jamais besoin de renforcer le lien entre ses armées et la Nation.
Enfin, la montée en puissance des réservistes est une condition déterminante pour atteindre l’objectif de doublement de la présence de voie publique prévue par la LOPMI, qui correspond à une attente particulièrement forte de nos concitoyens.
Pour l’ensemble de ces raisons, votre rapporteure a déposé un amendement au PLF 2025 afin de porter le budget dédié aux réserves de la gendarmerie à 100 millions d’euros, comme prévu initialement.
2. Garantir les moyens dans le temps pour respecter les engagements de la LOPMI
● Cette politique de stop-and-go des crédits dédiés aux réserves est particulièrement contre-productive dès lors que la baisse des crédits entraîne mécaniquement, à effectifs constants, une réduction d’activité des réservistes, ce qui suscite des frustrations légitimes et une perte de motivation chez ces derniers.
Il en résulte une hausse des départs et des difficultés à recruter, en raison de la perte d’attractivité des réserves victimes de coupes budgétaires. Il ne faut pas oublier que les premiers promoteurs de la réserve sont les réservistes eux-mêmes, auprès de leur entourage : « Ceux que nous avons déçus ne reviendront pas, et de plus, ils véhiculeront un message désincitatif. Il est donc essentiel de ne pas rater ces premières marches » ([11]).
● Votre rapporteure estime par conséquent nécessaire de garantir dans la durée les moyens alloués aux réserves, pour rompre avec cette logique de court terme qui fait des réservistes une variable d’ajustement du budget du programme 152 de la mission « Sécurités ».
Comme il a été mis en exergue dans le présent rapport, les besoins de financement en termes de recrutement, de formation initiale et continue, d’équipement individuel et collectif, de rehaussement de l’activité sont importants pour les années à venir et seule une programmation financière pluriannuelle permettra de les satisfaire.
Cet effort de la Nation, nous le devons à nos réservistes qui œuvrent chaque jour à la sécurité des Français.
I. Audition du général de corps d’armée andré petillot, major gÉnÉral de la gendarmerie nationale
La Commission a entendu le général de corps d’armée André Petillot, major général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324), au cours de sa réunion du 23 octobre 2024.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous reprenons notre séance avec l’audition du général de corps d’armée André Petillot, major général de la gendarmerie nationale. Il représente l’institution dans l’attente de la nomination du directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), qui devrait intervenir prochainement à la suite de l’adieu aux armes du général Christian Rodriguez.
L’année 2024 s’est révélée particulièrement intense pour la gendarmerie. Elle s’est fortement mobilisée pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 et s’est engagée en Nouvelle-Calédonie dans un contexte de crise violent. Je n’oublie pas la sécurisation quotidienne de nos territoires, une mission à laquelle les députés présents sont très sensibles, constatant la présence assidue des gendarmes sur le terrain.
Cette activité soutenue a entraîné des répercussions sur les moyens budgétaires de la gendarmerie nationale. La presse a récemment rapporté que l’institution avait dû suspendre le paiement de ses loyers à certaines collectivités locales.
Dans ce contexte, le projet de budget du programme 152 « gendarmerie nationale », dont notre collègue Valérie Bazin-Malgras est la rapporteure, prévoit une augmentation de 521 millions d’euros, pour atteindre un total de 6,9 milliards d’euros hors pensions.
Général, nous vous invitons à nous présenter les priorités que cette augmentation budgétaire permettra de financer.
M. le général André Petillot, major général de la gendarmerie nationale. Je suis accompagné de François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances, et du lieutenant-colonel Lelong, responsable du bureau de la synthèse budgétaire.
Comme vous l’avez rappelé, l’année 2024 a été particulièrement dense avec un événement majeur, planifié, celui des Jeux olympiques et paralympiques. La gendarmerie y a joué un rôle significatif, ce qui a eu un impact notable sur le budget.
En parallèle des problèmes habituels d’ordre public, la crise majeure en Nouvelle-Calédonie, depuis le 13 mai 2024, a un impact important à la fois sur le budget et sur l’engagement des militaires de la gendarmerie, car elle a mobilisé plusieurs dizaines d’escadrons de gendarmerie mobile. Après quatre mois d’engagement intense, bien que la situation ne soit pas totalement revenue à la normale, la vie en Nouvelle-Calédonie s’est stabilisée et les conditions pour un dialogue politique sont rétablies. Cet effort se poursuivra car la situation reste tendue, nécessitant une présence renforcée des forces de gendarmerie.
Concernant le bilan de la gestion budgétaire de 2024 et les problèmes de trésorerie ayant conduit à suspendre certains paiements de loyers aux collectivités locales : Le budget hors titre 2 2024 (fonctionnement et investissement) était quasiment stable, et même en légère baisse, par rapport à celui de 2023, qui lui-même était stable par rapport à 2022, les grandes marches de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) pour la gendarmerie étant prévues pour 2025, 2026 et 2027.
Les dépenses ont quant à elle été particulièrement dynamiques, influencées par l’augmentation du point d’indice fonction publique imputée sur les crédits sous plafond de la Lopmi ainsi que par l’inflation touchant toutes les collectivités publiques. Les Jeux olympiques, partiellement budgétés sans inclure certaines primes spécifiques, ainsi que la crise en Nouvelle-Calédonie ont exacerbé ces tensions financières. Ces difficultés seront traitées dans le cadre de la loi de fin de gestion annoncée par le ministre, permettant déjà d’identifier une couverture financière adéquate.
Dans l’intervalle, la gendarmerie a été amenée à suspendre les loyers pour les mois de septembre, octobre et novembre, pour certaines collectivités, avec un dispositif, piloté par François Desmadryl, mis en place afin de traiter la situation des collectivités qui seraient mises particulièrement en difficultés liées à cette mesure temporaire.
Malgré ces défis financiers concernant l’année écoulée, nous avons atteint nos objectifs fixés par la loi d’orientation et de programmation, incluant notamment sept nouveaux escadrons opérationnels, engagés notamment en Nouvelle-Calédonie. Nous aurons assuré la substitution, par la garde républicaine, de la gestion du palais de justice de Paris, ce qui permet de dégager trois escadrons de gendarmerie mobile supplémentaires. Nous aurons également amorcé la création des nouvelles brigades, au nombre de 80 en 2024, en conformité avec le schéma d’emploi, que nous aurons également réalisé.
Le budget 2025 permet d’effacer les difficultés rencontrées en 2024 grâce à une forte augmentation des crédits de fonctionnement et d’investissement. L’année 2024 aura été faible en investissements nouveaux, notamment dans le domaine immobilier et celui des moyens de mobilité et d’équipement. La loi de finances 2025 porte une augmentation des crédits hors titre 2, avec l’objectif de garantir la couverture des besoins de fonctionnement normaux de la gendarmerie. Je pense par exemple aux moyens alloués à l’achat de carburant, à la formation et au déplacement des personnels, à l’activité de la gendarmerie mobile et au paiement des loyers à l’ensemble des bailleurs.
Cette remise à niveau se traduit notamment par l’augmentation du fonctionnement courant de 72 millions d’euros, qui s’accompagne aussi par une augmentation des crédits d’investissement, en partie dédiés à la relance de l’investissement immobilier. Étant sur ce point important de préciser que les projets immobiliers s’inscrivent dans le temps long, et que la remontée des crédits doit s’inscrire dans une trajectoire qui permette de mettre en place les équipes dédiées et d’engager effectivement les dépenses. C’est dans ce sens que s’inscrit la budgétisation 2025.
Nous renforçons également les moyens d’investissement, notamment pour le renouvellement du parc automobile. Bien que nous soyons encore loin de l’objectif idéal de 3 700 véhicules par an, pour un renouvellement complet tous les huit ans, nous prévoyons l’achat de 1 850 véhicules légers en 2025, ce qui représente une amélioration significative par rapport à 2024. Il convient de noter que le parc avait été considérablement renouvelé et donc plutôt rajeuni lors du plan de relance 2020-2021, mais que l’interruption des achats en 2023-2024 a entraîné un nouveau vieillissement dudit parc.
Des moyens supplémentaires sont également alloués aux hélicoptères pour soutenir divers projets en cours, et au numérique. En effet, la transition numérique du ministère de l’Intérieur constitue un enjeu majeur qui nécessite des crédits importants. Le budget tel qu’il est prévu nous permet de relancer fortement les moyens dans les systèmes d’information et de communication.
Concernant les dépenses de rémunération (titre 2), le budget prévoit une augmentation significative, principalement destinée à couvrir les extensions en année pleine des dépenses initiées en 2024. Cela inclut les recrutements effectués tout au long de l’année 2024, qui impacteront le budget 2025 sur une année complète, ainsi que l’extension des mesures catégorielles mises en place en cours d’année 2024. Ces dispositions nous garantissent la capacité de maintenir nos effectifs dans de bonnes conditions.
Ces moyens visent à atteindre les objectifs fixés par la loi d’orientation et de programmation, notamment l’augmentation de la présence sur la voie publique, avec pour ambition de la doubler d’ici 2030. Nous poursuivrons également la création de nouvelles brigades et le renforcement de la réserve opérationnelle.
Le ministre de l’Intérieur a défini deux priorités principales nous concernant. La première vise la maîtrise des flux migratoires, impliquant la lutte contre l’immigration irrégulière et une meilleure maîtrise de l’immigration régulière. Cela se traduit par des dispositions législatives à venir, une collaboration avec des partenaires étrangers, tant dans les pays d’origine que de transit, et par des mesures concernant notre organisation interne pour lutter plus efficacement contre les réseaux de passeurs, particulièrement actifs à notre frontière maritime avec le Royaume-Uni.
La seconde priorité porte sur la lutte contre la délinquance, avec une approche à deux niveaux. D’une part, nous combattons la criminalité organisée, en nous appuyant notamment sur le rapport sénatorial relatif au narcotrafic. La situation est préoccupante, comme en témoignent les événements chez nos voisins néerlandais et belges, ou plus loin, en Équateur. Il s’agit d’un véritable enjeu de souveraineté, qui dépasse la simple question de la criminalité pour toucher au contrôle de nos territoires, de nos grands ports et des secteurs où la criminalité organisée est fortement implantée.
D’autre part, nous nous attaquons à la délinquance du quotidien. Cela passe par une augmentation de la présence sur la voie publique, une visibilité accrue et une présence renforcée dans les transports. Les Jeux olympiques ont démontré l’efficacité de cette approche, même si le modèle n’est pas directement transposable à long terme compte tenu des ressources et effectifs qu’il a été nécessaire de mobiliser (14 000 à 18 000 gendarmes par jour à Paris), en recourant notamment à la suspension des congés. Néanmoins, la présence importante dans les réseaux de transports en commun et les gares a eu un impact très positif sur le niveau de criminalité et le sentiment de sécurité des citoyens. Forts de cet enseignement, nous accentuons donc notre présence dans les gares, les gares routières et sur les grands réseaux autoroutiers, qui sont à la fois des lieux de passage importants pour nos concitoyens et des vecteurs majeurs de criminalité.
La lutte contre la délinquance du quotidien implique également un effort accru contre les multiréitérants, un phénomène qui touche tous les territoires, ainsi que la poursuite du travail dans le cadre du continuum de sécurité en collaboration avec les polices municipales.
Le nouveau ministre nous a fixé plusieurs grands axes, qu’il estime réalisables compte tenu du budget dont nous disposerons en 2025.
L’un des enjeux majeurs sera de poursuivre l’effort dans les collectivités ultramarines. La situation y demeure complexe, notamment en Martinique où des affrontements violents persistent. En Guyane française, nous faisons face à la tentative d’implantation de factions armées brésiliennes, engendrant un niveau de criminalité préoccupant, particulièrement à Saint-Laurent-du-Maroni. De plus, l’orpaillage illégal connaît un regain d’activité, favorisé par la hausse du cours de l’or et la concentration des moyens pour les Jeux olympiques. Il est donc impératif de renforcer rapidement nos dispositifs en Guyane. Mayotte reste également un point de vigilance, malgré une légère amélioration. Les défis y dépassent le seul aspect sécuritaire. Nous devons maintenir un dispositif conséquent et renforcer nos capacités d’investigation outre-mer pour faire face à la criminalité organisée. À titre d’exemple, en 2024, la moitié des vols à main armée commis avec arme à feu en zone gendarmerie ont eu lieu en Guyane. Un tiers des gendarmes blessés le sont dans nos collectivités ultramarines, qui ne représentent pourtant que 5 % de la population et de nos effectifs. Nous resterons donc extrêmement mobilisés sur ce sujet, en développant notamment notre expertise technique.
Concernant l’immobilier, notre parc, l’un des plus importants de l’État, souffre d’un sous-investissement chronique. Son état est médiocre, voire très dégradé par endroits, et sa mise aux normes énergétiques reste à accomplir. Pour relever ce défi, nous disposons de trois leviers. Premièrement, nous avons augmenté les crédits de gros entretien immobilier. Deuxièmement, nous investissons dans de nouveaux bâtiments domaniaux, en exploitant notre foncier pour l’extension ou la reconstruction. Troisièmement, nous utilisons les contrats de partenariat, rendus possibles par la loi de finances de l’année dernière, pour réaliser des opérations d’envergure que l’état de nos finances ne nous permet pas d’entreprendre seuls.
Le budget 2025 s’inscrit dans ce cadre, et accompagnera les réflexions sur le modèle immobilier, car la dégradation progressive du parc engendre une fragilité budgétaire. Ne pas investir dans le domanial nous contraint à payer des loyers de plus en plus élevés, ce qui grève nos autres dépenses de fonctionnement et d’investissement. Sans action de notre part, nous risquons d’abandonner davantage de bâtiments domaniaux au profit de locations, augmentant encore nos dépenses locatives dans un contexte de hausse générale des loyers.
De plus, l’acceptabilité du logement en caserne, principe fondateur de notre organisation, est menacée si nous ne pouvons offrir des logements décents à nos personnels alors que les factures de chauffage deviennent astronomiques et certains logements présentent des malfaçons importantes. Le Sénat a récemment publié un rapport éclairant sur cette question.
Ainsi s’achève la présentation des points clefs qui ont guidé l’élaboration du budget, volontairement rapide afin de laisser un maximum de temps aux questions.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je laisse la parole aux orateurs de groupes, pour deux minutes chacun.
M. Pascal Jenft (RN). Au nom de mon groupe et en tant qu’ancien militaire, je tiens à saluer l’engagement exceptionnel de nos forces de gendarmerie sur l’ensemble du territoire national. En 2024, la gendarmerie a été fortement mobilisée, notamment pour les événements ultramarins et la sécurisation des Jeux olympiques. Cette mobilisation intensive repose sur l’organisation méticuleuse de la gendarmerie, structurée autour de brigades territoriales généralistes appuyées par des unités spécialisées. Une telle configuration lui confère sa robustesse et sa polyvalence.
L’efficacité de la gendarmerie dépend de l’équilibre du maillage territorial des brigades, couvrant plus de 95 % du territoire national. Toute perturbation des effectifs risque de compromettre le bon fonctionnement du dispositif établi. Or, nous constatons une vague de démissions sans précédent, avec près de 15 000 départs en 2022. Cette tendance persiste en 2023 et probablement en 2024. Un groupe Facebook intitulé « Gendarmerie côté démission » a émergé, offrant aux gendarmes un espace pour exprimer leur malaise et échanger des conseils pour quitter l’institution. En neuf mois seulement, ce groupe a attiré plus de 23 600 membres, ce qui soulève de sérieuses inquiétudes.
Face à l’augmentation de l’activité criminelle sur nos territoires, le maintien de nos effectifs de gendarmerie s’avère indispensable.
Bien que la dernière loi de programmation militaire prévoie le recrutement de 4 000 gendarmes, dont 1 995 en 2023 et autant en 2024, la faisabilité de cet objectif suscite des interrogations.
Mon général, compte tenu de ces éléments, je souhaiterais connaître la stratégie financière envisagée pour, d’une part, fidéliser les effectifs actuels et, d’autre part, compenser les départs. Cette stratégie serait-elle réalisable avec le budget alloué par le projet de loi de finances, en termes d’amélioration des conditions de vie, de rémunération, de moyens et de communication autour du recrutement ?
M. le général André Petillot. Il ne s’agit pas de 15 000 démissions, mais de 15 000 départs. Il nous faut aussi prendre en considération les doubles comptes. Par exemple, lorsqu’un gendarme adjoint volontaire devient sous-officier, cela est comptabilisé comme un départ du corps des gendarmes adjoints volontaires. Or, nous recrutons la moitié de nos sous-officiers parmi ces derniers. Le flux réel de départs se veut donc nettement inférieur.
Toutefois, nous constatons effectivement une augmentation des départs avant les limites d’âge. Cependant, ce phénomène n’est ni massif, ni préjudiciable à notre capacité à atteindre nos objectifs en termes d’effectifs. Nous terminerons ainsi l’année 2024 en réalisant le schéma d’emplois prévu.
Cette tendance s’explique en partie par des facteurs générationnels. De nombreux candidats intègrent la gendarmerie pour vivre une expérience plutôt que pour y faire carrière. Cette attitude se retrouve dans de nombreux secteurs professionnels. On encourage souvent les jeunes à diversifier leurs expériences professionnelles au cours de leur vie. Nous leur expliquons qu’au sein de la gendarmerie, il est possible d’exercer plusieurs métiers au cours d’une même carrière. Néanmoins, certains s’engagent dès le départ avec l’intention de ne rester que six ou sept ans avant de se réorienter.
Nous devons adapter nos flux et nos parcours à cette nouvelle réalité. Toutefois, nous ne rencontrons pas de difficultés majeures pour réaliser notre schéma d’emploi ou pour pourvoir les postes dans les nouvelles unités créées. L’écart entre les effectifs théoriques et réalisés des unités s’explique principalement par le nombre important de personnels en formation, en attente de leur affectation. Nous avons beaucoup recruté de 2022 à 2024. Une fois que nous aurons atteint une stabilité des effectifs, l’équilibre entre effectifs théoriques et réels devrait se rétablir.
Nous avons par ailleurs consenti un effort particulier pour renforcer les effectifs des escadrons de gendarmerie mobile, compte tenu de leur forte sollicitation, afin de leur permettre de prendre leurs permissions.
En résumé, nous sommes et serons en mesure de réaliser nos objectifs d’effectifs en 2025. Bien que nous constations davantage de départs qu’auparavant, nous intégrons désormais ce paramètre dans nos prévisions. Cette situation ne nous alarme pas outre mesure. Il convient de noter que certains forums en ligne peuvent amplifier l’expression des insatisfactions. Sans négliger ces retours, il faut éviter de surestimer leur portée.
M. Karl Olive (EPR). Je salue l’engagement des 134 738 gendarmes d’active et de réserve qui assurent la sécurité sur l’ensemble du territoire. Dans la douzième circonscription des Yvelines, je constate quotidiennement leur réactivité et leur professionnalisme, dont nous pouvons tous être fiers.
L’année 2024 a été particulièrement intense, notamment avec l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques. Leur succès est en partie dû à la mobilisation exemplaire de nos gendarmes qui ont contribué au dispositif de sécurité des épreuves.
Cette année a également été marquée par un renforcement durable des capacités de la gendarmerie grâce à la Lopmi que nous avons votée. Je rappelle la création de 80 nouvelles brigades de gendarmerie, le recrutement de 3 540 nouveaux effectifs sur cinq ans, ainsi que l’ajout de sept nouveaux escadrons de gendarmerie mobile.
J’aimerais aborder deux points spécifiques. Le premier concerne les relations entre la gendarmerie et la jeunesse. La gendarmerie nationale joue un rôle essentiel dans le cadre du service national universel, notamment à travers les associations des cadets de la gendarmerie qui accueillent les jeunes dans des missions d’intérêt général. En 2023, 2 456 cadets ont été accueillis dans 101 associations, comme celle de Beynes dans ma circonscription. Ce dispositif, lancé en 2017, poursuit un double objectif : faciliter l’insertion des jeunes et répondre aux défis de recrutement de la gendarmerie. Quel bilan tirez-vous de cette initiative, tant pour la gendarmerie que pour l’insertion des jeunes, et comment envisagez-vous son avenir ?
Ma seconde question porte sur l’utilisation des nouvelles technologies. La Lopmi en a fait une priorité, avec un investissement de 7 milliards d’euros sur cinq ans. Je pense notamment aux dispositifs 17Cyber et à l’action des 1 500 cyberpatrouilleurs. Comment la gendarmerie s’engage-t-elle contre la cybercriminalité et la cybermalveillance avec la Lopmi ? Comment envisage-t-elle de se saisir de l’intelligence artificielle, tant comme outil à son service que pour contrer ces nouvelles formes de criminalité ?
M. le général André Petillot. Les cadets de la gendarmerie constituent un dispositif particulièrement intéressant, s’inscrivant dans la dynamique globale du Service national universel (SNU). Depuis 2019, plus de 6 000 cadets ont été formés. Les associations de cadets se déploient progressivement dans tous les départements et ce développement repose sur le bénévolat et l’engagement des réservistes citoyens. Bien que nous ne puissions accueillir tous les jeunes, ce programme représente un levier pertinent pour orienter certains d’entre eux vers la réserve opérationnelle, puis potentiellement vers une intégration au sein de l’institution. Un effort particulier est réalisé dans nos territoires ultramarins où la demande est forte avec de nombreuses candidatures. Il est essentiel pour les jeunesses d’outre-mer d’avoir cette opportunité afin d’intégrer potentiellement par la suite l’institution gendarmerie. Nous veillons à recruter significativement dans ces collectivités afin qu’elles soient représentées partout.
Les nouvelles technologies constituent un axe majeur de la Lopmi. En 2024, une nouvelle organisation a été concrétisée au sein du ministère concernant la lutte contre la cybercriminalité avec la création du ComCyber du ministère de l’Intérieur, structure rattachée à la direction générale de la gendarmerie nationale mais ayant une vocation ministérielle. Cette structure prend en charge l’évaluation des menaces, élabore une stratégie globale, assure une formation spécifique en cybersécurité et regroupe les expertises rares mises à disposition des services concernés, qui conservent leurs capacités propres d’enquête.
La cybercriminalité croît constamment et s’entrelace avec toutes formes de délinquance ; elle n’est donc pas marginale et nécessite que chaque service soit capable de traiter ces infractions. Des succès notables ont d’ailleurs été obtenus, avec plusieurs plateformes illicites mises hors service, souvent en coopération avec Europol ainsi qu’avec des partenaires internationaux hors Union européenne, comme le FBI américain, la NCA britannique et les entités australiennes, avec lesquels nous travaillons sur ces sujets mondiaux.
Nous avons démantelé plusieurs plateformes de cryptoactifs, même lorsqu’elles étaient hébergées à l’étranger et animées par des ressortissants de pays non coopératifs, démontrant notre efficacité face à cette menace mondiale. En complément, le volet préventif conserve toute son importance face à cette délinquance de masse, dont les auteurs sont souvent difficiles à atteindre. La gendarmerie s’investit donc beaucoup dans la prévention dans les territoires et auprès de toutes les structures susceptibles d’être touchées (PME, Ehpad, hôpitaux ou les petites collectivités). Nous développons donc en parallèle le volet répressif en mettant l’accent sur le développement des compétences, mais aussi le volet prévention et la proximité, avec des acteurs comme l’Anssi, qui s’occupe des grandes infrastructures vitales aux côtés desquels s’engage la gendarmerie à l’échelle du maillage territorial.
M. Christophe Bex (LFI-NFP). Ayant récemment rencontré le président de La Poste, je constate que dans les territoires ruraux, La Poste et la gendarmerie demeurent souvent les deux derniers services publics présents. Le logement des gendarmes revêt une importance capitale et le logement concédé par nécessité absolue de service constitue un avantage crucial pour les gendarmes. Il est regrettable que cet avantage ait été supprimé dans de nombreux services de la fonction publique, alors qu’auparavant les instituteurs et autres fonctionnaires en bénéficiaient.
Pour 2025, une enveloppe de 295 millions d’euros en autorisations d’engagement et 175 millions d’euros en crédits de paiement a été allouée pour l’acquisition et la réhabilitation des casernements. Cependant, ces montants pourraient s’avérer insuffisants pour combler les retards accumulés, réduire les dépenses énergétiques et renouveler les contrats de location, dont le budget s’élève à 278 millions d’euros.
La gendarmerie rencontre des difficultés financières, notamment pour le paiement des loyers des locaux qu’elle occupe. Des communes ont récemment signalé que la gendarmerie ne parvenait plus à honorer ses loyers, invoquant des tensions budgétaires liées aux coûts engendrés par les Jeux olympiques et l’intervention en Nouvelle-Calédonie.
Dans ce contexte, quelles initiatives le projet de loi de finances 2025 prévoit-il pour améliorer les conditions de logement des gendarmes ? Comment la gendarmerie envisage-t-elle de faire face à ces tensions budgétaires tout en assurant la rénovation et l’entretien de son parc immobilier ? Dans quelle mesure ces difficultés financières affecteront-elles la mise en œuvre de nouveaux projets immobiliers, tels que ceux portant sur la rénovation énergétique ou la construction de nouvelles casernes, lancés en 2024 et devant être finalisés en 2025 ?
M. le général André Petillot. Pour compléter mes propos précédents, je tiens à souligner qu’aucune problématique budgétaire ne se posera concernant le paiement des loyers en 2025, ce qui constitue un point essentiel à nos yeux.
En ce qui concerne l’amélioration du logement, la mise à niveau énergétique s’inscrit dans une stratégie à long terme. Comme je l’ai mentionné, 2025 marquera la reprise des investissements grâce à des crédits d’investissement domaniaux, permettant la réalisation de plusieurs projets.
Nous avons d’ores et déjà planifié des opérations de réhabilitation pour un montant de 70 millions d’euros. Celles-ci concerneront diverses casernes, notamment à Paris, Chauny, Aurillac, Saint-Astier, où se trouve notre centre national d’entraînement des forces. Nous poursuivrons également un plan d’urgence dans les outre-mer, où nombre de nos emprises sont domaniales. Des opérations de construction sont aussi prévues, incluant des bâtiments d’hébergement. Sans entrer dans les détails de chaque projet, je peux affirmer que la capacité à investir de nouveau dans l’immobilier en 2025 est bien présente.
Le deuxième levier que j’ai évoqué concerne les contrats de partenariat. Ceux-ci devraient nous permettre de lancer une opération d’envergure, notamment à Versailles-Satory. Ce site, qui abrite plus de 1 000 logements, comprend le GIGN d’une part et le groupement blindé de gendarmerie mobile d’autre part. Cet ensemble immobilier ancien nécessite une rénovation. Ce levier nous offre des perspectives d’amélioration durable de notre parc immobilier.
Je ne vous cacherai pas que cet effort s’inscrit dans la durée. Il serait illusoire de penser résoudre la question en injectant quelques dizaines de millions sur une ou deux années. C’est, si j’ose dire, une autodiscipline à s’imposer. L’investissement immobilier présente une rentabilité politique à long terme. En somme, celui qui lance un projet verra son inauguration réalisée par le successeur de son successeur. Ce n’est pas un résultat immédiatement visible, mais c’est néanmoins un enjeu majeur.
Cette problématique a été mise en lumière par le rapport du Sénat et revêt pour nous une importance capitale, car elle remet en question le modèle même de la gendarmerie, comme vous l’avez souligné.
M. Thierry Sother (SOC). Je m’associe à mes collègues pour saluer le travail accompli par la gendarmerie sur notre territoire. La mission gendarmerie bénéficie cette année d’une augmentation significative de son budget, perceptible dans la plupart de ses actions. Cette tendance haussière n’est pas nouvelle, se manifestant dans tous les budgets depuis plusieurs années. Cette position privilégiée, dans un contexte d’austérité, contraste fortement avec les échos des communes qui ont signalé de nombreux retards de paiement des loyers par la gendarmerie ces derniers mois.
Ces retards ont suscité de vives réactions, tant au sein de notre commission que parmi les collectivités locales. Vous avez eu l’occasion de vous en expliquer, évoquant notamment les Jeux olympiques, pourtant prévisibles pour 2024, ou les interventions en Nouvelle-Calédonie. Cette situation génère une dette estimée à environ 200 millions d’euros.
J’exprime ici mon inquiétude quant aux fluctuations importantes des investissements de la gendarmerie d’une année sur l’autre, ce qui me semble préoccupant pour la continuité des services essentiels. À court terme, le ministre s’est engagé à régler tous les retards en décembre.
Plusieurs questions se posent face à cette situation. Avons-nous l’assurance que tous les loyers seront versés aux différentes collectivités avant la fin de l’exercice 2024 ? À combien s’élève précisément ce montant ? Pouvez-vous confirmer le chiffre de 200 millions d’euros de retard de loyers ? Le sénateur Belin estime à 2,2 milliards la dette grise de l’immobilier de la gendarmerie. Le PLF vous semble-t-il suffisamment ambitieux pour combler cette dette ?
Considérez-vous que le gel des paiements des loyers était la seule option budgétaire envisageable en 2024 face aux dépenses imprévues ? Existait-il d’autres possibilités, telles que la fongibilité ou le report d’autres opérations, pour gérer les dépenses et les paiements en 2024 ?
M. le général André Petillot. Je répondrai à la dernière partie de votre question, laissant à François Desmadryl le soin d’aborder l’aspect de la gestion de trésorerie concernant les loyers. Des alternatives existaient, certes, mais elles auraient impliqué l’arrêt du fonctionnement de la gendarmerie : plus de carburant, plus de déplacements pour les enquêtes, plus de formation. Telle était la seule alternative envisageable.
La fongibilité, qui consisterait à utiliser des dépenses de titre 2 pour couvrir le fonctionnement, s’avérait impossible compte tenu de la période de l’année où nous nous trouvions. Les recrutements étaient pratiquement achevés et il était impensable de cesser la rémunération du personnel.
En définitive, les seules marges de manœuvre auraient consisté à supprimer totalement les crédits de fonctionnement courant des unités. C’est pourquoi l’arbitrage a été fait de cette interruption des paiements des loyers.
Je cède maintenant la parole à François pour qu’il expose les perspectives, le montant et les mécanismes en jeu.
M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances à la direction générale de la gendarmerie nationale. Concernant la dynamique, nous avons décidé de suspendre les loyers de septembre, octobre et novembre afin de préserver l’activité opérationnelle. Ces loyers seront versés dès l’ouverture des crédits de la loi de fin de gestion, prévue en décembre. Cette opération s’avère complexe car elle concerne environ 5 000 baux. Nous nous préparons actuellement pour être en mesure d’effectuer les versements dès que les crédits seront disponibles sur le programme.
Parmi ces 5 000 baux, nous avons déjà préservé ceux des bailleurs particuliers et des collectivités d’outre-mer, qui se trouvaient dans des situations délicates. La suspension ne concerne donc que les collectivités locales et les bailleurs institutionnels. Le montant total des loyers suspendus sur ces trois mois s’élève à environ 90 millions d’euros.
En principe, cette opération sera neutre pour les comptes des collectivités locales et des bailleurs en fin d’année, voire légèrement positive. En effet, nous verserons également les intérêts moratoires correspondant aux trois mois de non-paiement. Ainsi, les 90 millions d’euros de loyers suspendus seront intégralement remboursés en décembre, dès que les crédits seront mis à notre disposition.
Mme Valérie Bazin-Malgras (DR). Au nom de mon groupe, la Droite républicaine, et de ma collègue Anne-Laure Blin, je tiens à exprimer notre reconnaissance envers l’implication et l’engagement de tous les gendarmes sur le territoire. Ils ont une fois de plus démontré leur efficacité cet été lors des Jeux olympiques, et nous saluons leur travail quotidien.
La création de 239 nouvelles brigades de gendarmerie à l’horizon 2027 constitue l’une des mesures phares de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur. Ce renforcement du maillage territorial de la gendarmerie s’avère impératif. En 2023 et 2024, les engagements de la Lopmi ont été respectés, avec l’établissement des 80 premières nouvelles brigades ainsi que de sept escadrons de gendarmerie mobile. Ces créations ont été rendues possibles grâce à un schéma d’emploi dynamique, avec 950 effectifs supplémentaires en 2023 et 1045 en 2024.
Cependant, le projet de budget 2025 prévoit un schéma d’emploi nul, alors que la gendarmerie escomptait 500 effectifs supplémentaires, dont 464 devaient armer les 57 nouvelles brigades prévues l’année prochaine. Dans ces conditions, ma question est simple : comment envisagez-vous de créer de nouvelles brigades en 2025 sans effectifs supplémentaires ?
M. le général André Petillot. L’équation demeure complexe. Le ministre a abordé cette question hier soir, évoquant notamment une concertation avec Bercy sur la modulation du schéma d’emploi. Des considérations de calendrier entrent également en jeu dans le processus de création. Comme l’a réaffirmé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, la dynamique de création des nouvelles brigades se poursuivra. Concernant les modalités et la gestion de ce dossier en 2025, nous n’avons pas encore arrêté définitivement notre position. Notre ambition est de maintenir cette dynamique, non par simple volonté, mais en réponse à une attente forte des territoires. L’accroissement de la présence des forces de l’ordre, que nous nous efforçons d’amplifier, passe aussi par l’établissement de ces nouvelles unités et par notre capacité à nous déployer dans des zones reculées de nos territoires où notre présence s’était amoindrie.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Le modèle de la gendarmerie nationale s’appuie sur la disponibilité des gendarmes, astreints à résider en caserne par nécessité absolue de service. Cette obligation implique de leur offrir des conditions de travail dans des bâtiments adaptés et un cadre de vie convenable pour eux-mêmes et leurs familles. L’efficacité opérationnelle dépend en partie de l’entretien du parc immobilier de la gendarmerie.
Depuis 2014, nous observons dans nos collectivités les conséquences d’un sous-investissement chronique dans la maintenance et la rénovation du parc domanial. La détérioration des bâtiments engendre une vétusté généralisée. Le rapport sénatorial de juillet 2024 sur l’immobilier de la gendarmerie nationale fait état d’une dette grise cumulée de 2,2 milliards d’euros sur dix ans.
Je peux attester de l’état de la caserne construite en 1974 dans ma circonscription. Elle illustre le décalage entre les budgets alloués début 2023 et l’insuffisance des crédits en décembre de la même année, plaçant les familles dans des conditions de vie précaires.
Quelles garanties pouvez-vous apporter pour 2025, bien que vous ayez commencé à les évoquer ? Comment le recours au marché de partenariat immobilier pour financer une nouvelle génération de projets améliorerait-il concrètement cette situation, et dans quels délais ? Quelles projections envisagez-vous pour éviter que ce manque d’investissement dans l’entretien des casernes et logements, dont nous subissons actuellement les effets, ne se reproduise ?
Enfin, nous avons un besoin pressant d’un interlocuteur pour échanger sur ce sujet. Nous attendons toujours l’annonce du nouveau directeur général de la gendarmerie nationale. Cette nomination, prévue aujourd’hui en conseil des ministres, serait à nouveau reportée au prochain Conseil.
M. le général André Petillot. Je tiens à vous rassurer quant au fonctionnement continu de la gendarmerie, même en l’absence de nomination d’un nouveau directeur général. L’institution ne repose pas sur un seul individu, mais sur une structure, une équipe, un collectif.
Concernant les enjeux à long terme, j’estime que la responsabilité vous incombe également. La pérennité des investissements immobiliers de la gendarmerie nécessite une vigilance annuelle lors de l’examen du projet de loi de finances, afin d’éviter toute rupture. Comme je l’ai mentionné précédemment, une interruption entraîne la réaffectation des équipes techniques à d’autres tâches, rendant la reprise des activités particulièrement ardue.
S’agissant des contrats de partenariat, leur avantage principal réside dans l’étalement de la dépense. Dans le contexte actuel des finances publiques, ce levier mérite une attention particulière. Sur une période de vingt ans, le décaissement est moindre comparé à un investissement direct en crédits budgétaires, qui nécessitent d’ailleurs de recourir à l’emprunt et donc de prendre en compte les taux d’intérêt auxquels nous sommes soumis pour évaluer l’équilibre économique.
Les contrats de partenariat sont adaptés aux opérations d’envergure, impliquant des centaines de millions d’euros, pour lesquelles nous ne disposons pas objectivement des capacités d’investissement suffisantes. Ils ne visent pas à résoudre l’ensemble des problématiques immobilières de la gendarmerie, notamment pour les emprises les plus modestes.
Un autre levier concerne les contrats de partenariat spécifiques en matière d’amélioration énergétique.
M. François Desmadryl. La gendarmerie lancera l’an prochain une expérimentation des marchés globaux de performance énergétique à paiement différé (MGPEPD), une sous-catégorie des marchés de partenariat. Ce dispositif prévoit la réalisation de travaux de rénovation énergétique, dont le coût sera amorti sur quinze ans par le paiement d’un loyer. Un amendement adopté par votre assemblée l’année dernière a alloué 55 millions d’euros pour tester ces contrats. Nous sommes actuellement en phase d’identification des projets. Trois d’entre eux ont déjà été sélectionnés et devraient être initiés l’année prochaine, permettant ainsi d’améliorer la performance énergétique des casernes concernées. Malheureusement, compte tenu du niveau actuel des crédits immobiliers, nous ne sommes pas en mesure d’entreprendre immédiatement une réhabilitation énergétique globale. Nous nous concentrons plutôt sur la reconstruction des bâtiments les plus vétustes.
M. Didier Lemaire (HOR). Je souhaite féliciter votre engagement ainsi que celui de l’ensemble des gendarmes mobilisés pour la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques. Leur déroulement sécurisé résulte du déploiement massif des forces de l’ordre, non seulement à Paris, mais sur l’ensemble du territoire. J’ai pu le constater dans mon département du Haut-Rhin, ce qui démontre l’efficacité des investissements dans la sécurité. Le Groupe Horizons et Indépendants exprime sa gratitude pour leur investissement sans faille.
La gendarmerie couvre 95 % du territoire national et assure la protection de plus de la moitié de nos concitoyens. Bien que l’équilibre budgétaire soit une priorité pour notre groupe, il ne doit pas se réaliser au détriment de la sécurité publique, essentielle à notre cohésion sociale. Nous accueillons favorablement l’augmentation globale allouée au budget de la mission sécurité. Il nous paraît nécessaire que cette allocation respecte les engagements pris lors du vote de la loi de programmation pour le ministère de l’Intérieur.
Nous estimons indispensable de poursuivre l’effort budgétaire en faveur de la création de 239 nouvelles brigades de gendarmerie. En 2024, 80 ont été créées, mais le maillage territorial doit s’intensifier. Ce maillage concerne également les casernes, dont l’entretien et la rénovation requièrent un financement adapté. Le projet annuel de performance pour la gendarmerie mentionne une relance de l’investissement immobilier et des mesures spécifiques pour le parc domanial des territoires ultramarins.
Pouvez-vous préciser la nature de ces mesures spécifiques et détailler, de manière plus générale, les principaux projets de réhabilitation qui seront financés sur l’ensemble du parc grâce à cette enveloppe ?
M. le général André Petillot. Dans le cadre de la réhabilitation des casernes, nous identifions plusieurs opérations en métropole. Celles-ci concernent notamment la caserne de la garde républicaine, un bâtiment datant des années 1930, ainsi que la caserne Tournon, située à proximité du Sénat. Des travaux sont également prévus sur des emprises à Chauny, Aurillac et Saint-Astier.
Par ailleurs, une enveloppe de 17 millions d’euros est prévue et ciblée pour les collectivités ultramarines, principalement aux Antilles. Les situations s’avèrent particulièrement dégradées en Guadeloupe, mais la Martinique est également concernée. Je rappelle que nous disposons de nombreuses casernes domaniales dans nos territoires d’outre-mer.
Au-delà de l’amélioration des infrastructures, nous devons renforcer la sécurisation de ces sites. Nous avons fait face à de multiples attaques de casernes, tant en Nouvelle-Calédonie qu’en Martinique. Il est donc impératif d’accroître la protection de ces emprises.
L’effort financier de 17 millions d’euros pour l’outre-mer représente une augmentation significative par rapport aux années précédentes, où le budget oscillait entre un et trois millions d’euros annuels pour ce volet.
Sabine Thillaye (Dem). Général, au nom de mon groupe, je tiens également à exprimer ma gratitude envers nos forces de l’ordre et plus particulièrement la gendarmerie. Je souhaite souligner la bonne humeur observée lors des Jeux olympiques où nous avons rencontré de nombreux gendarmes souriants, ce qui a réconforté tout le monde.
Je voudrais revenir sur les cybermenaces que vous avez déjà évoquées précédemment. Dans votre dernier rapport annuel en 2023, vous constatez une augmentation exponentielle des procédures judiciaires liées aux cyberattaques, avec une hausse de 83 % au cours des cinq dernières années. Cette tendance persiste malgré une vaste opération policière à laquelle la gendarmerie française a pleinement participé. Le groupe de cybercriminels LockBit 3.0 reste un symbole d’une menace cybernétique toujours plus sophistiquée et capable d’agir à l’international.
Le coût de la cybercriminalité s’élève à dix milliards d’euros en France et est encore plus élevé au niveau européen. Votre analyse met en lumière le besoin impératif pour le département cybersécurité de la gendarmerie d’accroître ses capacités. Cependant, cette montée en puissance nécessite l’accès à des logiciels de dernière génération dont le coût est conséquent ainsi que le recrutement de profils variés parmi les gendarmes : experts juridiques ou réservistes spécialisés dans le domaine du numérique.
Ma première question porte sur l’accès aux licences nécessaires pour mener vos investigations efficacement. Cet accès est-il aujourd’hui pleinement assuré ? Je pense notamment au travail indispensable des sections opérationnelles spécialisées dans la lutte contre les menaces numériques qui ont parfois signalé un accès insuffisant par rapport aux besoins identifiés.
M. le général André Petillot. Nous avons fusionné les équipes chargées des systèmes d’information et de communication avec celles spécialisées en cybersécurité et mis en place une formation socle commune, suivie de formations complémentaires différenciées, permettant une flexibilité accrue. Cette réorganisation renforce considérablement nos capacités dans ce domaine. Notre objectif est de former plus de mille spécialistes supplémentaires d’ici 2030, en plus de l’effectif actuel.
Concernant l’accès aux applications et logiciels, la problématique est davantage juridique que budgétaire. De nombreux outils existent, mais leur utilisation est contrainte par le RGPD, une réglementation par ailleurs justifiée et qu’il ne s’agit aucunement de remettre en cause. Les délais pour obtenir l’autorisation d’utiliser certains fichiers sont extrêmement longs, nécessitant des analyses d’impact à la Cnil, voire parfois un texte soumis au Conseil d’État. Le délai moyen entre l’apparition d’une technologie et son utilisation effective varie de deux à six ans. Ainsi, un outil peut être obsolète avant même sa mise en service. Bien que des ressources financières soient nécessaires, l’enjeu principal réside dans notre organisation et dans la nécessité de raccourcir les procédures d’habilitation pour l’utilisation des outils existants.
Quant à l’intelligence artificielle, un défi majeur concerne la possibilité d’expérimenter. Actuellement, pour déployer une IA, il faut décrire précisément ses fonctionnalités avant même de l’avoir testée. Or, pour connaître ses capacités, il est nécessaire de l’avoir expérimentée sur des données réelles, ce qui n’est pas autorisé. Nous sommes donc confrontés à un cercle vicieux : nous devrions décrire les capacités d’une IA sans avoir pu la tester. Cette situation nous fait prendre du retard par rapport à de nombreux autres pays dans ce domaine.
M. Yannick Favennec-Bécot (LIOT). Mon général, si je vous dis que le général Rodriguez est mayennais et qu’il est né dans ma circonscription, vous comprendrez mon regret de le voir partir, même si je ne doute pas des qualités de son successeur.
Je tiens à mon tour à exprimer ma reconnaissance envers l’ensemble des gendarmes, véritables forces de proximité qui œuvrent aux côtés de nos concitoyens pour assurer leur protection, lutter contre la délinquance et toutes les formes de violences. Dans ma circonscription, je constate qu’ils accomplissent un travail remarquable et sont grandement appréciés par la population. Les Mayennais, à l’instar de l’ensemble des Français, éprouvent une grande fierté à l’égard de leurs gendarmes.
Je souhaite néanmoins relayer les préoccupations des maires des petites communes rurales de mon territoire. Bien que les gendarmes patrouillent dans ces communes, les élus de proximité regrettent qu’ils ne puissent consacrer davantage de temps à s’arrêter et échanger avec eux. Ces maires ruraux, souvent premiers réceptacles des doléances de leurs administrés, se trouvent parfois confrontés aux aspects les plus sombres de notre société. Je pense notamment aux violences intrafamiliales qui, malheureusement, ne sont pas toujours détectées à temps. Les échanges avec les gendarmes s’avèrent, dans ce contexte, particulièrement précieux.
Je suis conscient de la problématique des effectifs et il ne s’agit nullement de remettre en question l’excellent travail accompli par les gendarmes. Cependant, une évolution de leur présence dans les communes peut-elle être envisagée selon vous ?
Je rappelle à ce sujet l’engagement pris il y a deux ans par le Président de la République de créer deux brigades de gendarmerie supplémentaires dans le département de la Mayenne. Deux ans plus tard, une seule brigade a été créée. À quand la seconde ?
Enfin, j’avais ardemment plaidé lors de la précédente législature au sein de cette commission pour que les gendarmes de la brigade rapide d’intervention soient équipés de véhicules français. Des Alpine A110 avaient alors été judicieusement sélectionnées. Envisagez-vous de passer d’autres commandes d’Alpine A110 pour les BRI en 2025 ?
M. le général André Petillot. Je dois apporter une réponse négative à votre dernière question. Nous avons atteint notre objectif en matière d’équipement de véhicules rapides d’intervention.
Concernant la présence dans les zones rurales, la création de nouvelles brigades vise précisément cet objectif. En 2024, 80 brigades seront créées, dont une en Mayenne. Votre département figure ainsi parmi les premiers bénéficiaires, sachant que le déploiement se poursuivra jusqu’en 2027 pour couvrir l’ensemble du territoire. La planification détaillée des trois prochaines années n’est pas encore finalisée. Nous prioriserons les départements n’ayant bénéficié d’aucune création, ainsi que les zones où des investissements immobiliers conséquents ont déjà été engagés par les collectivités.
Au-delà des créations d’effectifs, nous nous attachons à optimiser l’organisation du service des unités pour accroître la présence sur la voie publique. Notre objectif ne se limite pas à des chiffres, mais vise à répondre aux besoins de visibilité et de contact. Chaque maire doit disposer d’un gendarme référent clairement identifié au sein de la brigade, même dans les secteurs comptant de nombreuses communes. Si ce n’est pas le cas actuellement, nous prendrons les mesures nécessaires pour appliquer ces directives récemment réaffirmées.
Un sujet important, fréquemment évoqué par les maires ruraux, concerne la police de l’environnement, notamment la gestion des déchets et des dépôts illégaux. Nous avons pris des engagements fermes dans ce domaine, avec la création du commandement pour l’environnement et la santé. Cette structure parisienne coordonne le réseau jusqu’aux unités territoriales, déploie des formations et des outils techniques, dont des applications en ligne, pour lutter plus efficacement contre cette délinquance environnementale dite « du bas du spectre », mais très répandue.
Enfin, la lutte contre les violences intrafamiliales demeure une priorité majeure. Nous avons considérablement amélioré l’accueil des victimes et le traitement des procédures en collaboration avec la justice. Malheureusement, nous constatons une augmentation continue de ce contentieux. Si pendant longtemps on a attribué cette hausse à une meilleure révélation des faits et à une libération de la parole, force est de constater que le phénomène persiste. Malgré les efforts importants déployés en matière de prévention, ce contentieux n’est actuellement ni stabilisé, ni en baisse.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous allons passer aux questions individuelles des députés. Pour la première série, je cède la parole à Julien Limongi.
M. Julien Limongi (RN). Dans nos campagnes, nous observons une recrudescence des trafics de stupéfiants, des règlements de comptes et de l’insécurité permanente. Cette situation préoccupante se manifeste notamment à Nangis, dans ma circonscription. Le quartier de la Mare-aux-Curées, au cœur de cette petite ville de 8 500 habitants, se transforme progressivement en une zone dangereuse, fréquemment mentionnée dans les médias locaux.
Bien que les effectifs de gendarmerie soient comparables à ceux d’autres zones rurales moins affectées, la délinquance se propage malheureusement partout, jusque dans nos exploitations agricoles. De nombreux agriculteurs renoncent à signaler les vols dont ils sont victimes sur leurs domaines.
Dans ce contexte, et considérant l’augmentation du budget alloué à la gendarmerie nationale, quelles sont vos possibilités d’action pour combattre plus efficacement la délinquance dans ces petites villes rurales confrontées désormais à un niveau d’insécurité comparable à celui des grandes agglomérations ?
Pour conclure, je tiens également à rendre hommage à l’ensemble de nos gendarmes, véritables héros qui assurent notre protection au quotidien.
Mme Alma Dufour (LFI-NFP). Sur le plan international, une situation préoccupante attire notre attention. Nous avons appris par le magazine Les amis de la gendarmerie que la France poursuit le financement de la formation des forces de sécurité tchadiennes, notamment des gendarmes, et ce malgré les accusations récurrentes de violations des droits humains et de répression violente envers la population civile portée contre le régime tchadien.
Cette politique soulève des interrogations quant à la cohérence de l’action française à l’étranger. En effet, alors que la France affirme fonder son action internationale sur le respect du droit international et humanitaire, le soutien qu’elle semble continuer d’apporter au régime tchadien, ainsi que les arrangements consentis avec des chefs d’État dont la gouvernance tend vers l’autoritarisme, comme en Guinée, risque de ternir l’image de notre pays aux yeux des citoyens africains et d’amoindrir notre influence sur la scène internationale.
Il convient donc de s’interroger sur les garanties mises en place pour éviter que cette formation ne soit détournée par le régime tchadien à des fins répressives contre les civils ou les opposants politiques.
Par ailleurs, plusieurs questions d’ordre budgétaire se posent : quel est le coût de cette formation de gendarmes ? Dans quelle ligne budgétaire ces informations sont-elles répertoriées ? Pourquoi ne dispose-t-on pas d’un détail pays par pays de ces dépenses ?
Mme Catherine Rimbert (RN). L’an dernier, le projet de loi de finances a alloué 13,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 13,2 millions d’euros en crédits de paiement à la formation des gendarmes, dont une part importante était consacrée au maintien de l’ordre public et à la gestion des crises. Pour le PLF 2025, l’État prévoit d’attribuer des montants identiques, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.
Cependant, cette année, l’accent a été mis sur la modernisation des formations, notamment dans les domaines de la cybersécurité et de la gestion de crise, afin de répondre plus efficacement aux nouveaux défis de sécurité publique, comme vous l’avez évoqué précédemment général.
Dès lors, les formations dites classiques au maintien de l’ordre, telles que le tir, la sécurité en intervention et les différentes techniques opérationnelles seront-elles réduites pour faire davantage de place aux nouvelles formations dans les programmes ?
Quels axes de financement complémentaires ou quelles mesures envisagez-vous pour assurer une adaptation rapide et efficace des gendarmes face à ces nouveaux enjeux sécuritaires ?
M. le général André Petillot. Concernant la montée de la délinquance dans les territoires, notamment le trafic de stupéfiants, j’ai pu constater cette réalité lors de ma visite récente à Nangis, où je me suis entretenu avec les militaires de l’unité. Ils m’ont fait part des situations que vous évoquez. Actuellement, la criminalité ne connaît pas de frontières et ne se concentre pas dans des zones spécifiques, mais se répand sur l’ensemble du territoire. Cette observation s’applique au trafic de stupéfiants ainsi qu’à la présence de groupes criminels organisés itinérants, responsables de nombreux cambriolages, vols de matériel agricole et de GPS agricoles.
Cette situation démontre l’absence de distinction entre zones rurales et urbaines en matière de délinquance, nécessitant une action globale contre ces formes de criminalité. C’est pourquoi nous devons maintenir une certaine flexibilité dans le déploiement de nos moyens. En effet, lorsque nous affectons des effectifs à un secteur, la délinquance s’adapte, entraînant un effet de report sur les zones adjacentes ou sur d’autres types de criminalité. Il est donc essentiel d’assurer un socle d’effectifs dans chaque territoire, tout en conservant une capacité de réaction pour intervenir dans les zones particulièrement sensibles.
S’agissant de la coopération internationale en matière de formation, les budgets sont principalement alloués à la direction de la coopération de sécurité et de défense, relevant du ministère des Affaires étrangères et de l’Europe. Notre politique globale vise à répondre aux demandes de coopération émanant de divers pays, notamment africains. L’objectif est de leur apporter un soutien leur permettant d’assurer leurs missions de police judiciaire et d’ordre public dans le strict respect des droits de l’homme. Les formations dispensées, en particulier en matière de maintien de l’ordre, visent à réduire le niveau de violence et à gérer les troubles à l’ordre public par des forces de sécurité plutôt que par des forces armées.
Cette approche revêt une importance particulière dans le contexte actuel, où certains pays africains s’éloignent de nous et avec l’influence croissante de la Russie. Il est préférable que les forces de sécurité africaines soient formées par nous plutôt que par le groupe Wagner, dans l’intérêt des populations concernées.
Concernant la formation des militaires, le budget présenté dans le projet annuel de performance résulte de l’agrégation de différents aspects. Il convient de préciser que nous disposons de structures dédiées à la formation, telles que les écoles, ainsi que de formations continues dispensées au sein des unités. Nous n’avons pas réduit les budgets dans ce domaine. Nous avons largement déployé les formations en ligne, avec plus de cinq cents modules disponibles, offrant une solution économique et flexible. Néanmoins, nous maintenons les formations en présentiel et les formations techniques dans les domaines les plus nécessaires, notamment en matière de maintien de l’ordre.
Le centre national d’entraînement des forces de gendarmerie à Saint-Astier demeure une priorité. L’un de nos défis consiste à assurer un recyclage adéquat de nos escadrons de gendarmerie mobile. L’objectif serait qu’ils y passent tous les dix-huit mois, alors qu’actuellement, l’intervalle dépasse les trois ans. Il ne s’agit pas d’un problème budgétaire, mais plutôt de la nécessité de dégager du temps dans l’emploi de nos unités pour leur permettre de se former.
Mme Anne-Laure Blin (DR). Vous avez évoqué la question du parc immobilier, très important, notamment en matière de construction de nouvelles casernes. Mais il y a aussi un sujet de préoccupation relatif aux véhicules d’intervention. Bien qu’un renouvellement ait été opéré ces dernières années, il semble que celui-ci connaisse actuellement un ralentissement, et ce malgré des besoins qui demeurent considérables. De nombreux véhicules présentent déjà des signes d’usure dus à une utilisation intensive. Quelles dispositions envisagez-vous pour améliorer l’équipement des forces de l’ordre ?
Je tiens également à exprimer ma profonde reconnaissance et mon admiration pour le travail exceptionnel et le dévouement sans limite de l’ensemble des gendarmes sur tout le territoire national.
Mme Anne Le Hénanff (HOR). Je souhaiterais vous interroger sur la transposition en France de la directive européenne Nis 2. Bien que le calendrier ne soit pas encore établi, cette transposition devra être effectuée. L’Anssi pilote ce processus dans le cadre de la loi sur la résilience. Je m’interroge sur la manière dont la gendarmerie s’intégrera dans cette transposition européenne en France. Votre institution a accompli un travail remarquable depuis des années pour accompagner les organisations sur les territoires et renforcer leur protection en matière de cybersécurité. Comment envisagez-vous votre intégration et votre coopération avec l’Anssi pour la mise en œuvre de Nis 2 en France dans les prochains mois ?
M. Damien Girard (EcoS). La gendarmerie renforce son engagement sur les questions environnementales avec la création du commandement pour l’environnement et la santé en juin 2023. Cette initiative s’inscrit dans un contexte où la criminalité environnementale représente la quatrième activité criminelle la plus importante à l’échelle mondiale, connaissant une croissance annuelle de 5 à 7 %.
En réaction à cette situation, le Parlement européen et le Conseil ont adopté en 2024 de nouvelles dispositions élargissant les sanctions pour ces infractions. Quelle est votre opinion sur l’urgence de transposer ces textes dans le droit des États membres ? Par ailleurs, estimez-vous nécessaire de renforcer davantage la réponse pénale en France, notamment en ce qui concerne le quantum des peines, face à la diversification et à l’intensification des infractions environnementales ?
Ensuite, comment le législateur peut-il intégrer et mettre en valeur la spécificité militaire de la gendarmerie nationale dans sa contribution à l’effort national contre le péril climatique ? Cette spécificité est notamment illustrée par l’appui de l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique aux autorités ukrainiennes concernant les crimes de guerre ayant un impact environnemental.
M. le général André Petillot. Notre renouvellement de flotte de véhicules légers, qui s’élevait à environ 3 700 unités en 2021 et 3 300 en 2022, a considérablement diminué. Nous avons commandé 325 véhicules en 2023 et 185 en 2024. Les gendarmes ont exprimé une inquiétude légitime à ce sujet. Bien que nous prévoyions d’atteindre 1 850 véhicules en 2025, ce chiffre reste insuffisant, mais nous réamorçons le processus de manière significative.
Nous sommes confrontés à une augmentation substantielle du coût des véhicules, qui a presque doublé. Un véhicule acheté 23 000 euros en 2020 coûtera 45 000 euros en 2025. Les véhicules spécialisés, notamment les plus lourds, posent un sujet particulier : le malus écologique alourdit considérablement leur coût d’acquisition, atteignant parfois 100 000 euros par véhicule, ce qui dépasse nos capacités budgétaires. Par exemple, pour intervenir sur les pistes en Guyane, nous avons besoin de véhicules 4x4 qui sont soumis à ce malus. Or, les pompiers ont bénéficié d’exonérations pour certains véhicules, nous pourrions envisager une approche similaire, non pas pour l’ensemble de notre parc, mais pour des véhicules spécifiques indispensables à nos missions et pour lesquels une alternative écologique n’est pas disponible. Cela nous permettrait d’acquérir davantage de véhicules avec le même budget.
Concernant la transposition de la directive résilience, le SGDSN et l’Anssi en sont les pilotes. Nous collaborons étroitement avec l’Anssi, dont la présence territoriale est limitée à deux ou trois agents par région. Notre rôle consiste à prendre en charge l’aspect du maillage territorial, en coopération avec l’Anssi. Cette dernière se concentre sur les opérateurs d’importance vitale et les enjeux de haut niveau. La directive élargit considérablement le champ d’application de ces questions. Le travail de transposition étant en cours, je ne peux fournir plus de détails à ce stade, mais nous y sommes associés sous l’autorité du SGDSN.
Quant à l’environnement, la création du commandement pour l’environnement et la santé (Cesan) répond à plusieurs défis. Tout d’abord, la législation en la matière est foisonnante, couvrant de nombreux codes, qu’il convient de connaître. L’un des objectifs premiers du Cesan est de créer des aide-mémoire et des guides pour aider les enquêteurs à naviguer dans ce dédale législatif et réglementaire.
Ensuite, le durcissement de la réglementation environnementale tend à générer davantage de criminalité environnementale, la fraude devenant plus attrayante. Nous devons anticiper un déplacement des activités des organisations criminelles vers ce domaine, notamment dans le secteur des déchets, mais pas uniquement.
Enfin, bien que nous soyons pleinement engagés dans la lutte contre la criminalité environnementale de haut niveau, une grande partie des infractions relève du domaine contraventionnel. Le véritable enjeu réside dans la remise en état des sites pollués. Souvent, lorsqu’un terrain est gravement pollué, les responsables ont disparu, l’entreprise a fait faillite, la structure juridique n’existe plus. Le défi consiste moins à faire payer des amendes qu’à imposer la remise en état du terrain. Je pense que notre priorité devrait être de développer des mécanismes permettant d’obliger les opérateurs économiques, qu’ils soient défaillants ou malveillants, à réparer effectivement les dommages qu’ils ont causés. Sans cela, nous risquons de poursuivre des entités fantômes sans pouvoir interpeller les responsables.
Actuellement, les textes de loi existent, mais nous devons mettre en place un système efficace pour relever correctement les infractions, les cibler, et disposer de juridictions maîtrisant ce contentieux complexe. À mon sens, ces actions sont prioritaires avant d’envisager de nouvelles législations sur ce sujet.
M. Alexandre Dufosset (RN). D’après le projet de loi de finances 2025, une diminution du taux de missions périphériques est prévue pour l’année à venir. Cela implique que nos gendarmes devraient être moins sollicités pour des tâches telles que les escortes, les procurations ou la surveillance de détenus hospitalisés. Cette évolution leur permettrait de se recentrer sur leurs missions essentielles, ce qui s’avère nécessaire au vu de la recrudescence de la délinquance et de la criminalité.
Dans ce contexte, je souhaiterais vous interroger sur la prise en charge future de ces missions périphériques. Si elles venaient à être confiées à des entreprises privées, quelles en seraient les implications financières ? Par ailleurs, une telle délégation est-elle envisageable au regard des dispositions énoncées dans le livre 6 du code de la sécurité intérieure ?
M. Frank Giletti (RN). Les crédits budgétaires alloués à la gendarmerie ces dernières années, bien que conséquents, se sont révélés insuffisants. Face à l’inflation galopante et aux tensions croissantes dans nos territoires d’outre-mer, notamment à Mayotte, en Martinique et en Nouvelle-Calédonie, la viabilité du budget 2025 soulève des interrogations.
En particulier, quel mécanisme est envisagé pour encourager et soutenir la création de nouvelles brigades, alors même que le paiement des loyers des brigades existantes s’avère déjà problématique ? Il convient de rappeler que le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a réaffirmé son engagement envers la création de 239 brigades. Cependant, quel délai peut-on raisonnablement envisager pour atteindre cet objectif, sachant que le plafond d’emploi 2026-2027 relatif à la gendarmerie départementale, destiné à pourvoir ces nouvelles brigades, ne sera effectif qu’en fin de Lopmi ?
Dans un contexte marqué par des contraintes budgétaires et des enjeux sécuritaires pressants, il s’avère nécessaire d’établir des priorités. Ainsi, quelles seront ou devraient être les orientations principales de la gendarmerie à l’aune de la prise de fonction de son nouveau directeur général ?
M. François Ruffin (EcoS). Dans ma circonscription, j’entretiens des échanges réguliers avec vos collègues, notamment sur la problématique des violences intrafamiliales, dont vous avez indiqué la recrudescence. Je tiens à souligner les avancées en matière de formation, l’amélioration de l’accueil dans les gendarmeries et la mise en place d’unités spécialisées.
Je souhaite à présent aborder la question des violences en général. Si l’on constate une progression des taux d’élucidation et une diminution des classements sans suite, la situation concernant les viols demeure préoccupante. En effet, pour ces crimes, le taux d’élucidation décroît tandis que les classements sans suite augmentent.
Je m’étonne, à la lecture d’ouvrages ou au vu des témoignages qui me parviennent, de l’absence apparente d’investigations systématiques dans les affaires de viol. Il semblerait que des démarches telles que les confrontations entre l’agresseur présumé et la victime présumée, les auditions des proches ou l’examen des téléphones portables ne soient pas menées de façon automatique, contrairement à ce qui se pratique pour d’autres types de violences.
M. le général André Petillot. Concernant les missions que nous n’exerçons plus, deux leviers principaux se dégagent. Premièrement, la possibilité de réaliser des procurations en ligne. Nous avons d’abord mis en place la pré-procuration, puis lors des élections européennes, nous avons instauré des procurations complètes. Cette automatisation des processus permet un gain de temps considérable pour tous les acteurs impliqués, sans qu’un autre acteur soit sollicité pour les prendre en charge.
Deuxièmement, les escortes sont à la charge de l’administration pénitentiaire. À la suite de l’incident tragique de juin, impliquant l’évasion d’un détenu et le décès de deux agents pénitentiaires, nous avons été davantage sollicités. Néanmoins, l’objectif reste de revenir à une situation normale où l’intervention de la gendarmerie nationale en matière d’escorte demeure un prêt de main forte exceptionnel. L’administration pénitentiaire dispose des effectifs et des agents nécessaires pour assumer ces missions, et doit s’organiser en conséquence. Il convient également de rappeler que des alternatives existent, telles que la visioconférence, évitant ainsi des déplacements longs et coûteux pour les détenus qui doivent rencontrer un magistrat instructeur. Ces options méritent d’être explorées davantage. Il ne s’agit pas de transférer ces missions au secteur privé, mais plutôt d’optimiser la répartition des tâches entre les administrations pour gagner en efficacité et de dégager du temps d’activité.
Concernant les nouvelles brigades, nous disposons d’un dispositif d’accompagnement des collectivités encadré par deux décrets datant de 1993 et 2016. Notre objectif est d’augmenter les « coups plafond », c’est-à-dire le montant de la subvention versée par l’État lors de la création d’une nouvelle brigade, ainsi que la réévaluation des loyers à échéances régulières. Ce dossier progresse et nous espérons, après de longues négociations avec le ministère des Finances, aboutir prochainement.
S’agissant des violences intrafamiliales, il n’existe pas de distinction particulière : un viol demeure un crime. Par conséquent, ce type de délinquance nécessite des investigations approfondies, sur lesquelles les parquets exercent une vigilance accrue. La difficulté actuelle réside dans le nombre important de faits anciens révélés, parfois plusieurs décennies après leur commission, en raison de l’allongement des délais de prescription. Dans ces cas, la matérialisation de l’infraction s’avère plus complexe, hormis d’éventuels témoignages.
En revanche, pour les faits récents, l’intégralité des investigations policières et scientifiques est systématiquement menée. Tous les éléments évoqués, tels que l’analyse de la téléphonie et des supports numériques du suspect, font l’objet d’une attention particulière. Ces infractions, parmi les plus graves, mobilisent fortement nos services et sont prises en charge par des unités spécialisées, notamment la brigade de recherche pour les cas de viols. Les difficultés mentionnées sont probablement liées à des faits plus anciens.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je tiens à exprimer ma gratitude envers le général et le directeur pour leurs interventions. L’affluence de nos commissaires et la multitude de questions posées témoignent sans conteste de notre profond attachement et de notre sincère reconnaissance envers l’ensemble des gendarmes. Je vous remercie pour vos réponses, qui se sont distinguées par leur clarté et leur précision.
Chers collègues, je vous donne rendez-vous ultérieurement pour la poursuite de nos auditions.
La commission a examiné, pour avis, sur le rapport de Mme Valérie Bazin-Malgras, les crédits relatifs à la mission « Sécurités » : Gendarmerie nationale, du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324), au cours de sa réunion du 30 octobre 2024.
M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle l’examen des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, de la mission Défense et du programme Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Avant de parler du budget, permettez-moi tout d’abord de saluer l’action de nos 100000 gendarmes qui œuvrent chaque jour à la sécurité de nos concitoyens. Nos gendarmes, comme nos policiers, sont en première ligne face à la montée de la délinquance et l’intensification de la violence, parfois au péril de leur vie, comme l’ont mis en lumière les décès du gendarme Nicolas Molinari et de l’adjudant-chef Xavier Salou les 15 et 16 mai dernier en Nouvelle-Calédonie. Qu’il leur soit ici rendu hommage.
En 2024, la gendarmerie a été à nouveau sur tous les fronts avec une activité opérationnelle intense. Je pense naturellement à la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP), qui a mobilisé 12 000 à 18 000 gendarmes chaque jour, mais également à la crise en Nouvelle-Calédonie, qui a exigé un effort massif de la gendarmerie. Ainsi, 2 900 gendarmes sont actuellement présents sur ces territoires, contre 730 habituellement. Au plus fort de la crise, trente-cinq escadrons de gendarmerie mobile ont été mobilisés, contre quatre à cinq habituellement.
Il faut bien avoir conscience de la difficulté de l’action des gendarmes pour rétablir l’ordre républicain en Nouvelle-Calédonie. Depuis le début de cette crise, les gendarmes ont essuyé plus de 700 tirs, dont plus de 160 touchants. S’il est encore trop tôt pour tirer des leçons de cette crise, une réflexion collective devra certainement être menée pour renforcer encore plus l’adaptation de la gendarmerie à ce type d’engagement de haute intensité. À titre d’exemple, les nouveaux véhicules blindés Centaure ont joué un rôle déterminant en Nouvelle-Calédonie.
Cette suractivité a pesé significativement sur les finances de la gendarmerie, alors que le budget 2024 était taillé au plus juste, avec une stagnation des dépenses de fonctionnement et une baisse des dépenses d’investissement. Le coût total des JOP pour la gendarmerie s’élève à 327 millions d’euros, entre 2022 et 2024, dont plus de 130 millions d’euros au titre de la seule « prime JO », qui a mal été anticipée. Les opérations en Nouvelle-Calédonie ont également entraîné un surcoût important, de l’ordre de 140 millions d’euros.
Dans ce contexte, la gendarmerie a pris la décision de suspendre temporairement le paiement des loyers dus à compter du mois de septembre, dans l’attente de la loi de finances de fin de gestion, qui devait permettre de régulariser cette situation fâcheuse. Selon les informations qui m’ont été transmises, les baux faisant l’objet de ce report représentent un montant total de 90 millions d’euros.
Le PLF 2025, prévoit 6,9 milliards d’euros de crédits de paiements hors pension pour la gendarmerie, soit une augmentation de 521 millions d’euros par rapport à 2024 (+5 %). Il s’agit là d’un effort significatif de la Nation à destination de ses gendarmes, a fortiori dans le contexte des finances publiques que nous connaissons. Contrairement aux deux années précédentes, la très grande majorité de cette augmentation des crédits sera allouée aux dépenses de fonctionnement et d’investissement et non aux dépenses de personnel. Les dépenses au titre de la masse salariale n’augmentent ainsi que de 2 % en 2025, pour s’établir à 5 milliards d’euros.
Il faut bien avoir conscience de l’importance de cette masse salariale, qui représente plus de 70 % du budget total de la gendarmerie, soit un modèle très éloigné de celui des armées, où le capacitaire mobilise une large partie des crédits. La quasi-stagnation des dépenses de personnel en 2025 risque cependant de remettre en cause un certain nombre d’engagements de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI).
Ainsi, le premier engagement phare de la LOPMI concerne la création de 239 nouvelles brigades. En 2023 et 2024, 80 brigades ont été créées grâce à un schéma d’emploi très dynamique, comprenant un accroissement de près de 2 000 effectifs en deux ans. En 2025, la gendarmerie prévoyait la création de 57 nouvelles brigades, grâce à la création de 500 effectifs supplémentaires, conformément à la LOPMI. Cependant, le PLF 2025 prévoit un schéma d’emplois nul. En l’état, il est donc impossible de créer ces 57 nouvelles brigades prévues en 2025. En effet, il n’y aurait aucun sens à piocher dans les effectifs des brigades existantes pour créer de nouvelles brigades. Il est donc crucial que les discussions budgétaires fassent évoluer ce schéma d’emploi nul, afin de respecter les engagements de la LOPMI en matière de nouvelles brigades.
Seconde difficulté induite par cette quasi-stagnation des dépenses de personnel, le PLF ne prévoit le financement d’aucune nouvelle mesure catégorielle. Or, il était prévu que la révision de la grille des officiers de la gendarmerie interviendrait en 2025, conformément au protocole social adossé à la LOPMI. Cette réforme est d’autant plus souhaitable qu’une importante revalorisation des grilles indiciaires des sous-officiers a déjà été mise en œuvre dans le cadre de l’exécution du protocole social. Cette revalorisation a induit un tassement considérable des grilles entre sous-officiers et officiers, qui n’est pas soutenable à long terme. Là encore, il faudra avancer sur ce point lors des discussions budgétaires.
Voilà pour les mauvaises nouvelles.
Les bonnes nouvelles sont liées à l’effort important pour remettre à niveau les dépenses de fonctionnement et relancer les dépenses d’investissement. Les dépenses de fonctionnement augmentent ainsi de 22 %, soit près de 300 millions d’euros supplémentaires. Les dépenses d’investissement, qui représentent moins de 5 % du total des crédits de la gendarmerie, augmenteront de 76 % en 2025, soit 140 millions d’euros supplémentaires.
La reprise des investissements est salutaire. Mais après deux années quasi blanches dans ce domaine, cet effort est insuffisant. À titre d’exemple, la gendarmerie procédera à l’acquisition de 1 850 véhicules légers en 2025, ce qui correspond à la moitié des besoins de renouvellement du parc. Par ailleurs, la gendarmerie souffre également de l’explosion du coût des véhicules, qui a augmenté de 33 % en quatre ans. Il serait opportun, à ce titre, d’exonérer les véhicules de la gendarmerie du malus écologique, au même titre que ceux des pompiers.
Autre exemple, 175 millions d’euros seront consacrés en 2025 au renouvellement et à la maintenance du parc immobilier de la gendarmerie. Il s’agit certes d’une augmentation de 60 % par rapport à 2024, mais ces montants sont bien en deçà des 400 millions d’euros annuels nécessaires. Il est urgent d’engager une réflexion collective sur l’évolution du modèle actuel d’immobilier. Faute de budget d’investissement suffisant, la gendarmerie a en effet recours au secteur locatif, entraînant une rigidification croissante de son budget. En 2025, près de 630 millions d’euros seront alloués au paiement des loyers, montant qui a doublé en quinze ans et qui ne peut être alloué au parc domanial de la gendarmerie, dont l’état général est fortement dégradé. L’immobilier est aujourd’hui la principale source d’insatisfaction des gendarmes. Cette situation est d’autant plus inacceptable que le casernement est au fondement du modèle de disponibilité de la gendarmerie. Une solution consisterait par exemple à recourir davantage aux marchés de partenariat pour des projets immobiliers structurants.
En guise de conclusion, je souhaite évoquer brièvement le thème que j’ai retenu cette année, les réserves de la gendarmerie. Elles sont désormais attractives : il y a aujourd’hui un réserviste pour trois gendarmes d’active, contre un réserviste pour cinq actifs pour les réservistes du ministère des Armées. La proximité géographique, le caractère très opérationnel des missions, ainsi qu’une gestion et un accompagnement efficace des réservistes constituent autant d’atouts de la réserve de la gendarmerie.
Cependant, les défis pour atteindre la cible de 50 000 réservistes d’ici fin 2027 fixée par la LOPMI sont nombreux. L’appareil de formation est saturé et le taux d’activité est plus faible que celui des réserves du ministère des Armées. Il existe enfin un déficit de fidélisation, puisque les départs annuels représentent 10 % à 15 % de l’effectif total.
Enfin et surtout, le PLF 2025 prévoit une forte réduction des crédits dédiés aux réserves, à rebours des engagements de la LOPMI. La gendarmerie escomptait 100 millions d’euros pour ses réserves en 2025, mais le PLF ne prévoit que 75 millions d’euros, soit 15 millions d’euros de moins qu’en 2024, hors JO. Ici encore, j’espère que les débats budgétaires pourront régler ce problème. Nos réservistes sont non seulement indispensables à l’activité quotidienne de la gendarmerie, mais également au cœur du lien Armées-Nation qui a plus que jamais besoin d’être renforcé.
M. Karl Olive (EPR). Je souhaite revenir sur la question du parc de véhicules légers, ces équipements opérationnels de la gendarmerie, en particulier dans le cadre du développement de nouvelles brigades. Bien que le PLF 2025 prévoie une hausse notable des investissements grâce à la LOMPI, seuls 180 véhicules légers ont été acquis, alors qu’il en faudrait au moins 3 750 chaque année pour un renouvellement optimal du parc. En 2025, l’achat de 1 850 véhicules est envisagé, ce qui demeure deux fois inférieur aux nécessités de la gendarmerie. Dans ce contexte, l’inflation a fortement alourdi le coût unitaire de ces véhicules, le prix moyen étant passé de 21 500 euros en 2019 à 28 700 euros en 2023.
Face à ces défis financiers, existe-t-il des mesures spécifiques que nous pouvons proposer pour sanctuariser ces investissements et assurer un renouvellement annuel suffisant sans pour autant alourdir les contraintes budgétaires actuelles ? L’exonération du malus écologique, comme cela a été réalisé pour les services départementaux d’incendie et secours, pourrait-elle constituer une solution pertinente pour la flotte de la gendarmerie ? Enfin, alors que la transformation du parc de la gendarmerie devra se faire aussi vers l’électrique, quels moyens envisagez-vous pour réussir cette transformation dans un contexte budgétaire contraint, des véhicules électriques qui restent, à date, bien plus chers ?
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Il faut avant tout sanctuariser ce budget d’investissement, afin que nos gendarmes puissent travailler dans de bonnes conditions, avec de bons véhicules. Comme je l’ai indiqué lors de mon intervention, il faut également mener une véritable réflexion sur le malus écologique, en s’inspirant éventuellement de ce qui a été fait pour les pompiers. Je vous rejoins sur ces points et j’espère que des efforts seront opérés cette année, lors des discussions budgétaires.
Mme Alexandra Martin (DR). Je vous remercie pour la qualité de votre rapport et les points de vigilance que vous avez soulevés. Je saisis également cette occasion pour rendre hommage au professionnalisme des gendarmes, à leur disponibilité, à leur engagement quotidien au service de la population, parfois jusqu’au sacrifice ultime. Permettez-moi aujourd’hui d’avoir une pensée pour l’adjudant-chef Éric Comyn, qui a perdu la vie le 26 août dernier dans mon département, au cours d’un contrôle routier.
Les gendarmes sont en première ligne face à la recrudescence des tensions sociales. Ils doivent aussi affronter des violences de plus en plus nombreuses : des violences intrafamiliales, mais aussi des violences urbaines, lesquelles sont marquées par une délinquance juvénile en constante augmentation. En outre, ils doivent également répondre à une demande croissante de proximité de la part de nos concitoyens. Face à cet enjeu, la LPM a fixé des objectifs ambitieux, notamment, la montée en puissance de sa réserve opérationnelle, c’est-à-dire jusqu’à 50 000 réservistes pour 2027. Vous avez déjà esquissé la réponse, mais pouvez-vous nous dire si des leviers suffisants existent dans la LPM, afin de répondre à cet objectif ambitieux et crucial ?
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Dans la LOPMI, nous avions effectivement décidé d’établir un stock de 50 000 réservistes à l’horizon 2027. Malheureusement, cet objectif est d’ores et déjà compromis dans le PLF 2025.
Dans mon rapport, j’évoque plusieurs pistes pour améliorer le fonctionnement de la réserve et son recrutement. Dans un premier temps, il faudrait consolider les outils de recrutement, dans la mesure où la chaîne de recrutement est saturée, faute de places disponibles dans les écoles et faute d’instructeurs. Ainsi, des réservistes doivent parfois attendre un an pour pouvoir suivre leur formation initiale.
Il faudrait également revoir le fonctionnement des visites médicales des réservistes, actuellement réalisées par le service de santé des armées. Nous pourrions peut-être autoriser les médecins de ville à mener ces consultations d’embauche de nos réservistes. Un autre axe de travail consiste à réformer l’activité opérationnelle des réservistes de la gendarmerie. Cela implique le développement d’unités composées exclusivement de réservistes, les compagnies d’intervention de réserve territoriale. Ces unités offrent davantage d’autonomie et de responsabilité aux réservistes, ce qui est motivant pour ces derniers.
L’effort doit être également poursuivi en matière d’équipement. Par exemple, les réservistes ne disposent pas de leur propre outil informatique, ce que nous pouvons regretter. Il conviendra également de renforcer la disponibilité des réserves. À cet effet, la garde nationale doit poursuivre son travail de conventionnement avec les employeurs, afin que les réservistes puissent répondre aux demandes de la réserve, sans être confrontés à des soucis professionnels avec leur employeur. Enfin, il faut sanctuariser les moyens, ce qui n’est pas le cas dans ce projet de loi de finances 2025.
M. François Cormier-Bouligeon (EPR). Dans son discours de prise de fonction, le nouveau ministre de l’Intérieur nous rappelait vaillamment qu’il avait trois priorités : rétablir l’ordre, rétablir l’ordre et rétablir l’ordre. Pour y parvenir, il faut pouvoir disposer de ressources, à l’instar de son prédécesseur, qui avait obtenu de larges moyens, notamment pour la création des nouvelles brigades.
Je souhaite vous interroger sur le passage de votre rapport où vous avez évoqué les gels de crédits et notamment leurs répercussions sur le paiement des loyers. Dans mon département du Cher, sept communes sont ainsi concernées. Je pense notamment aux communes d’Aubigny-sur-Nère, de Sury-prés-Léré, de Saint-Martin-d’Auxigny et de Baugy, qui attendent des sommes parfois considérables, lesquelles viennent évidemment grever leur budget. Il en va là de la confiance dans la parole de l’État. Avez-vous bon espoir que le ministre Retailleau mette tout son poids politique pour obtenir un vrai dégel de crédits pour la gendarmerie, afin qu’elle puisse payer les loyers aux communes ?
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Des surcoûts inattendus ont effectivement été engendrés par les JOP et les émeutes en Nouvelle-Calédonie, entraînant un gel des loyers. J’espère que la loi de finances de fin de budget permettra de corriger cette situation, afin que les loyers soient payés. Par ailleurs, le projet de budget ne permettra pas en l’état d’assurer le déploiement des 57 brigades prévues en 2025. Cela posera problème, particulièrement dans les territoires ruraux.
M. Pascal Jenft (RN). Nous le constatons tous, la délinquance ne cesse d’augmenter en métropole et en outre-mer, obligeant une forte mobilisation des unités de gendarmerie. Ces interventions engagent des coûts de transport, de logement, d’alimentation, de rémunération des gendarmes. Par exemple, la présence en Nouvelle-Calédonie a coûté 140 millions d’euros en 2024.
Pour optimiser la gestion du budget en fin d’année, la gendarmerie a dû prendre la décision de reporter le paiement des loyers. Malgré ce constat, l’action commandement, ressources humaines et logistiques du budget alloué à la gendarmerie en 2025 n’a bénéficié que de 281 millions d’euros supplémentaires d’autorisations d’engagement. Estimez-vous qu’avec cette somme, la gendarmerie puisse encaisser le choc d’une mobilisation massive supplémentaire ?
Enfin, vous venez d’évoquer la non-création de 57 brigades de gendarmerie en 2025. Cependant, il y a quelques jours, le major général de la gendarmerie nous a expliqué qu’il n’existait pas de problèmes d’effectifs, ni de démissions. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi ?
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Pour ma part, je pense sincèrement qu’il existe un véritable problème avec ce schéma d’emploi nul, qui remet en cause le déploiement des 57 nouvelles brigades de gendarmerie prévues en 2025. Je rejoins donc votre inquiétude.
S’agissant de votre première question, le budget dédié aux investissements et au fonctionnement a augmenté significativement. Cependant, nous resterons vigilants.
Mme Josy Poueyto (Dem). Je suis particulièrement préoccupée par l’état de nos gendarmeries, qu’il s’agisse des conditions de travail ou des logements, que nous avions déjà déplorées en 2022, lors de notre mission avec Christophe Naegelen. Les difficultés de recrutement s’expliquent aussi par ces éléments. Je suis déçue que les conclusions de notre rapport n’aient pas été mieux prises en compte.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Pour les besoins du service, les gendarmes sont obligés de vivre en casernement et nous devons évidemment leur fournir des logements décents, ce qui n’est malheureusement pas le cas dans nombre d’endroits. Il n’est pas normal que des familles de gendarmes ne vivent pas dans de bonnes conditions, dans leur logement de fonction.
J’ai néanmoins souligné l’effort effectué cette année en matière d’investissement immobilier. Ainsi, en 2025, le budget d’investissement dans l’immobilier passe à 170 millions d’euros, soit 76 % d’augmentation par rapport à l’année dernière. Pour autant, il faudrait au moins 400 millions d’euros par an.
Un effort a également été accompli en direction des petites rénovations, à hauteur de 73 millions d’euros, quand 100 millions d’euros seraient nécessaires. Enfin, les locations coûtent cher, 630 millions d’euros leur sont consacrés chaque année. Il faut donc revoir le modèle de l’immobilier pour la gendarmerie. Sans doute serait-il pertinent d’établir des partenariats, afin que la gendarmerie puisse être propriétaire à moindres frais de ses casernes et son immobilier. Ici aussi, nous serons très vigilants.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie tous et vous donne rendez-vous à seize heures pour la suite de nos travaux.
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M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle la suite de l’examen pour avis des missions « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », « Défense » et « Sécurités ».
Nous commençons par les interventions des orateurs des groupes avant le vote sur les amendements et les crédits de ces trois missions.
Mme Caroline Colombier (RN). J’ai une pensée pour les hommes et les femmes engagés sous nos drapeaux, qu’ils soient militaires, civils de la défense, membres des forces de l’ordre ou anciens combattants. Par-delà les chiffres, ils sont au cœur des missions budgétaires dont nous allons débattre. Nous devons être collectivement à la hauteur de leur engagement, présent ou passé, qui peut aller jusqu’au sacrifice ultime.
Notre groupe d’opposition ne manquera pas d’interroger les ministres sur les manques et les incohérences des budgets présentés – c’est le jeu démocratique. Mais n’oublions pas l’essentiel : par-delà les clivages, nous parlons pour le même pays, la même nation, le même drapeau et pour tous ceux qui les défendent. Les ministres des Armées et des Anciens combattants représentent les armées d’une France qui tient encore son rang dans le concert des nations, grâce notamment à sa puissance militaire.
Celle-ci est cependant limitée. Notre armée n’a pas la masse critique – thème cher au général Burkhard – pour affronter un conflit de haute intensité. Elle est sous-dimensionnée pour protéger le deuxième domaine maritime du monde, avec seulement une centaine de navires. Les récents exercices Orion ont montré que beaucoup reste à faire dans le domaine des satellites. Son service de santé, pourtant le meilleur au monde, ne peut prendre en charge que huit blessés en urgence absolue en cas d’engagement majeur.
L’armée britannique qui, comme la nôtre, fut un temps incontestée, fait face aux mêmes défis. La question est de savoir si nous sommes prêts à aller vers la guerre, selon le titre du dernier livre du ministre des Armées, comptable des moyens mis en œuvre dans ce domaine. Il faut bien constater qu’il existe un écart entre l’autosatisfecit auquel il s’est livré et la réalité.
La hausse de 3,3 milliards des crédits de la mission Défense prévue pour 2025 par la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (LPM 2024 – 2030) n’est qu’une façade. Si l’on tient compte du surcoût des opérations extérieures (Opex), qui atteint 2 milliards et pour lequel aucune solidarité ministérielle n’est à attendre, et de la hausse de l’aide à l’Ukraine par le biais du recomplètement des matériels et des fonds alloués à la Facilité européenne pour la paix (FEP), la marche budgétaire est en réalité un faux plat. Si l’on ajoute à tout cela les gels et les surgels de crédits, dont le montant s’élève à 2,6 milliards pour 2024 et qui ne manqueront pas de se reproduire en 2025, on constate que le projet de loi de finances pour 2025 ne prévoit aucune hausse du budget de nos armées.
Dans le détail, on y retrouve les lubies macronistes qui font tant de mal à nos armées : 813 millions sont prévus pour le système de combat aérien du futur (Scaf) et 97,6 millions affectés au programme système principal de combat terrestre (MGCS) – deux projets qui s’enlisent et sont voués à l’échec. Le Scaf va à l’encontre de tous les fondamentaux de la coopération industrielle : ni doctrine d’emploi commune, ni coopération commune, ni spécification commune. Le MGCS est affecté des mêmes tares, que confirme le lancement par l’Allemagne et l’Italie d’un projet concurrent.
Pourtant, le Gouvernement persévère, au détriment des intérêts de notre pays et de toute logique industrielle. Certes, il faut un char du futur. Certes, il faut un avion du futur. Certes, la coopération est souhaitable, à condition qu’elle soit réellement utile et non destinée à satisfaire des chimères européistes qui ne mènent à rien – la référence gaulliste n’échappera pas à nos ministres.
Concernant la mission Défense, les amendements du groupe Rassemblement national s’attacheront à préserver une armée souveraine, plus humaine et plus innovante. Nous proposerons la réallocation des moyens dévolus à des programmes ou à des structures inutiles à des segments de nos armées qui en ont bien besoin. Nous défendrons une augmentation des moyens pour le cadre de travail et de vie de nos militaires et de leurs familles. Nous proposerons des amendements permettant d’innover et de rester dans la course avec nos compétiteurs, notamment dans le domaine spatial.
Les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation sont stables, à hauteur de 1,9 milliard. Toutefois, nous dénonçons avec force les économies réalisées sur le dos du monde combattant par le biais de la stagnation de la pension militaire d’invalidité (PMI). L’an dernier, devant cette commission, la secrétaire d’État Patricia Mirallès s’était engagée à faire progresser le point d’indice de la PMI de 4 % en deux ans. Tel ne sera pas le cas.
Faire des économies sur les anciens combattants en leur accordant une aumône n’est pas acceptable ! Notre groupe défendra une hausse du point d’indice de la PMI alignée sur le taux d’inflation de 2024. Sans vouloir polémiquer, chacun sait quelle mauvaise gestion a durablement affecté nos finances publiques. Faire des économies d’accord, mais pas au détriment de nos anciens combattants !
Par ailleurs, nous aurons à cœur de défendre le patrimoine du monde combattant, sans lequel la mémoire ne repose sur rien, par le biais d’amendements relatifs à la préservation des drapeaux, des stèles et des plaques commémoratives. Nous aurons également à cœur de défendre les moyens accordés aux associations et à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG). Enfin, nous défendrons une extension de la demi-part fiscale accordée aux veuves d’anciens combattants.
Concernant la mission Sécurités, dont les crédits relèvent du ministère de l’Intérieur, nous tiendrons compte des observations du major général de la gendarmerie nationale (MGGN). L’un de nos membres, ancien gendarme, aura à cœur de défendre ses frères d’armes.
Notre vote sur les trois missions qui nous sont soumises pour avis dépendra du sort réservé à nos amendements. Nous sommes un parti d’opposition responsable. Nous espérons que le Gouvernement le sera à l’identique pour aboutir à un budget acceptable par tous.
M. Yannick Chenevard (EPR). 50,5 milliards de crédits : telle est l’enveloppe qui sera consacrée à notre défense en 2025, soit 3,3 milliards de plus qu’en 2024, ce qui est conforme à la trajectoire fixée par la LPM 2024 – 2030. Cela représente 18 milliards de plus qu’en 2017. L’effort est colossal, d’autant qu’il a été engagé après des décennies de coupes budgétaires et de baisses drastiques. Ce que je qualifiais ce matin de saignées a été rappelé en chiffres par le ministre devant notre commission : disparition d’un régiment sur deux de l’armée de terre ; fermeture de onze bases aériennes ; réduction de 135 à 85 du nombre de bâtiments de combat. Le budget soumis à notre examen pour avis est donc une étape essentielle. Pour la huitième année consécutive, le budget de la défense augmente ; il aura doublé en 2030, à l’issue de l’application de la LPM 2024 – 2030.
Pour nos armées, la nation consent un effort financier inédit, qui doit être particulièrement salué dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Chaque euro doit être optimisé. Le respect de la trajectoire de la LPM 2024 – 2030 permettra à la France de poursuivre la préparation et la transformation de son armée, et de tenir son rang ainsi que ses engagements dans un contexte de durcissement de la conflictualité.
Ces crédits contribueront à financer les priorités retenues. Une attention particulière sera portée à la modernisation de notre dissuasion nucléaire. Dans son rapport, notre collègue François Cormier-Bouligeon salue l’investissement massif prévu par le projet de finances pour 2025 en faveur de notre dissuasion. L’année 2025 sera notamment celle du lancement de la réalisation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G), et du renouvellement des missiles de nos composantes océanique – M51 – et aéroportée – ASN4G.
Ce budget garantit également d’autres investissements, qui participent au renforcement de notre autonomie stratégique, notamment dans les domaines de l’espace, des fonds marins, du cyber, du renseignement, de la sphère informationnelle et de l’innovation, afin de donner à nos armées les capacités de renseignement, d’analyse et d’action dans les champs hybrides, matériel et immatériel.
Le budget 2025 profitera directement à nos militaires, dans leur quotidien. Des moyens seront mis en œuvre pour parfaire l’équipement du combattant, la préparation opérationnelle et les conditions d’entraînement, pour renforcer le plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires, dit plan « famille », et pour améliorer la politique salariale. Outre répondre aux besoins essentiels de nos armées, ce budget permettra de soutenir notre tissu économique et d’ancrer progressivement notre industrie de défense dans une logique d’économie de guerre.
Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation, le projet de loi de finances prévoit un budget stable, ce dont nous nous réjouissons. L’enveloppe du programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation permettra notamment de financer l’ouverture d’une nouvelle maison Athos, à Colmar. S’agissant de la transmission de la mémoire, l’enveloppe concrétisera notamment un engagement fort contre l’antisémitisme au profit du Mémorial de la Shoah. Quant à la gendarmerie, son budget est porté à 6,9 milliards, ce qui permettra notamment de créer quatre-vingts brigades et sept escadrons de gendarmerie mobile.
Ce budget est à la hauteur des enjeux et des menaces. Il s’agit d’un effort colossal, que la nation consent dans un contexte budgétaire resserré, pour assurer la défense de ce que nous sommes : une nation libre. Notre groupe votera les crédits des missions.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Dans le contexte d’austérité massive et de matraquage social qu’incarne le budget 2025, la mission Défense fait figure d’exception. De là à dire qu’elle a été sanctuarisée et que la marche de 3,3 milliards prévue par la LPM 2024 – 2030 est pleinement respectée, il y a un pas que je ne franchirai pas.
Le groupe La France insoumise est obligé de faire part de ses réserves pour trois raisons : l’insincérité, l’insoutenabilité et – pour la rime – la naïveté.
L’insincérité tient au fait que figurent au budget des armées des dépenses qui ne devraient pas y figurer. Le ministre a eu beau nous dire que l’exécution de la loi finances pour 2024 n’est pas achevée et qu’il ne désespère pas d’éviter des annulations de crédits ou l’imputation de dépenses exceptionnelles à son ministère, nous n’en croyons rien. Il est évident que les dépenses plus ou moins imprévues engagées dans le soutien à l’Ukraine, dans l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (JOP) et dans le déploiement d’effectifs en Nouvelle-Calédonie/Kanaky auront un impact sur l’exécution du budget 2024 et engendreront des reports de charges. Ainsi, même si la somme allouée semble facialement conforme à la LPM 2024 – 2030, il faudra payer plus avec la même somme. La baisse effective est donc incontestable.
Au demeurant, le ministre en a convenu à demi-mot lorsqu’il a affirmé que, avec le projet de budget 2025, la « programmation physique » ne sera pas affectée. Cette idée de programmation physique, dont l’usage n’est guère courant, nous fait comprendre sans peine qu’il existe au sein du ministère une programmation non physique qui, elle, sera affectée. On devine ce qu’elle désigne. C’est principalement la préparation opérationnelle qui fera les frais de cette insincérité, ce qui n’est pas acceptable.
En matière d’insincérité, un autre point noir persiste, alors même qu’il a été signalé par le rapporteur pour avis Bastien Lachaud : le flou entourant les définitions respectives des missions extérieures (Missops) et des Opex, qui non seulement permet de contourner le Parlement, mais a des conséquences financières que le rapporteur pour avis a eu le loisir de présenter ce matin.
Le deuxième sujet de préoccupation est la soutenabilité de la trajectoire que dessine ce projet de budget. Même si l’on peut se féliciter qu’il confirme le lancement de programmes à effet majeur (PEM) structurants pour nos armées et pour notre base industrielle et technologique de défense (BITD), parmi lesquels le porte-avions de nouvelle génération (PANG) est peut-être le plus important, il n’en demeure pas moins que nous voyons s’édifier un véritable mur des restes à payer après 2027, qui a de quoi nous inquiéter. Il est logique que le décalage entre autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP) s’accroisse notablement en cette deuxième année d’application de la LPM 2024 – 2030. Nous sommes au début d’un cycle, j’en conviens.
Il n’en reste pas moins que l’explosion des crédits à ouvrir après 2027 obérera toute marge de manœuvre pour le prochain Président de la République – si tant est que nous devions attendre cette date pour en élire un –, ce qui soulève des interrogations du point de vue démocratique. On m’objectera qu’il s’agit de la contrepartie de l’idée même de programmation. Quoi qu’il en soit, la trajectoire des crédits à ouvrir année après année est inquiétante. Les dépenses qui devront être engagées après 2027 pour honorer des AE ouvertes dès à présent sont vertigineuses ; elles risquent fort d’empêcher tout nouvel investissement.
J’en viens à la naïveté, qui caractérise sans discontinuer les choix du Gouvernement en matière de coopération. Le choix d’écarter Atos du marché du supercalculateur qui équipera l’Agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense (Amiad) est présenté comme technique. Il demeure incompréhensible, surtout si l’on prétend sauver cette entreprise.
Quant à l’obstination du Gouvernement à poursuivre les programmes franco-allemands Scaf et MGCS, nous donnons l’alerte depuis plusieurs années sur l’absence totale de fiabilité du partenaire allemand. Au fil des ans, les faits – hélas ! – nous donnent raison.
Ce mois-ci, nous avons successivement appris que l’Allemagne s’engage avec le Royaume-Uni pour le développement d’un drone de combat, dont on voit mal comment il n’aurait pas vocation à s’intégrer au Scaf, et, plus inquiétant, que Rheinmetall, qui est déjà le passager clandestin du MGCS, s’engage dans un projet de char avec l’Italien Leonardo. La démonstration que j’ai faite à plusieurs reprises est plus que jamais pertinente : tandis que le MGCS devient l’unique option de Nexter, il devient parfaitement rentable et avantageux pour les Allemands d’en partir au dernier moment : ils seront alors sans concurrent européen sur le marché et nous n’aurons plus qu’à acheter allemand, au nom de la préférence européenne que nous promouvons par ailleurs.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas approuver ce budget.
Mme Anna Pic (Soc). Dans un contexte d’austérité budgétaire généralisée, la mission Défense du projet de loi de finances pour 2025 est l’une des seules à être préservée. Ses crédits augmentent de 3,3 milliards pour atteindre 50,5 milliards, comme prévu par la LPM 2024 – 2030. Compte tenu des besoins de nos armées, nous nous en réjouissons.
Si cette augmentation correspond à l’euro près aux engagements que nous avons votés, diverses raisons incitent à croire que, par-delà les aspects budgétaires, nous ne serons pas en mesure d’appliquer les dispositions adoptées il y a un an et demi, et à remettre en cause la sincérité des éléments qui nous sont présentés.
Le déploiement significatif de militaires dans le cadre des JOP sera vraisemblablement pris en charge dans sa totalité par le ministère des Armées. Il s’agit de dépenses déjà engagées dont le ministère ne pourra s’exonérer. Par effet de substitution, certains programmes – lesquels ? – en pâtiront.
Le même raisonnement peut s’appliquer au financement des Opex, dont les provisions étaient insuffisantes, d’autant que le flou subsiste concernant leur qualification et leur intégration dans le budget dédié. Il en va de même s’agissant du soutien à l’Ukraine, qui n’est pas au niveau attendu, en plus d’être particulièrement flou, comme l’a rappelé Thierry Sother lors de l’audition du chef d’état-major des armées (Cema), qu’il a interrogé sur les crédits alloués à la FEP.
En outre, le financement de la mobilisation de nos armées en soutien aux forces ukrainiennes ne doit pas être intégré – la LPM 2024 – 2030 l’indique clairement – à la trajectoire budgétaire que nous avons adoptée. Par ailleurs, comme le rappelle Isabelle Santiago dans son rapport sur avis sur le budget des forces terrestres au sein du programme Préparation et emploi des forces, de fortes inquiétudes subsistent sur la fin de l’exercice budgétaire en cours, au point de compromettre la capacité de ces forces à atteindre les objectifs fixés par la LPM 2024 – 2030, notamment sur les gels et surgels survenus en cours d’année.
Nous défendrons plusieurs amendements illustrant nos diverses interrogations sur le projet de budget 2025. L’un d’eux visera à abonder à hauteur de 200 millions le fonds de soutien à l’Ukraine, dont l’adoption permettrait à la France de se conformer aux engagements pris, dans les cadres national et bilatéral, avec le gouvernement ukrainien. Compte tenu de la rapidité de l’évolution du contexte géopolitique et géostratégique et des menaces qui en découlent pour la France et l’Europe, nous donnerons l’alerte sur la nécessité, pour le ministère des Armées, de mettre l’accent sur le renseignement et sur la recherche stratégique, en vue d’anticiper les menaces.
Si l’annonce du ministre Lecornu relative au lancement du PANG est la bienvenue du point de vue du respect du calendrier, nous appelons l’attention de l’Assemblée nationale sur les conséquences qui en résulteront sur le financement des autres équipements de la Marine nationale, qui ne sont pas moins nécessaires. Dans un contexte de multiplication de l’emploi des forces maritimes, les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2025 risquent fort d’être insuffisants.
Par ailleurs, plusieurs de nos amendements viseront à la remise d’un rapport, pour évaluer notamment la poursuite du plan « famille 2 », la mise en œuvre du dispositif d’économie de guerre et l’équilibre entre rémunération indiciaire et rémunération indemnitaire, dont nous débattons chaque année.
Dans le cadre de l’examen de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous présenterons deux amendements portant sur des mesures que nous avons défendues l’an dernier, en espérant que le nouveau gouvernement fera davantage preuve d’esprit d’ouverture que le précédent. Il s’agit d’accorder une réparation, aussi légitime que dérisoire du point de vue strictement financier, aux membres rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun de la guerre d’Algérie. Cette demande de réparation ayant été explicitement reconnue par le rapport annexé de la LPM 2024 – 2030, il est plus que temps de confirmer le financement correspondant, soit 92 290 euros. L’Assemblée nationale doit rendre justice aux vingt-deux derniers survivants avant qu’il ne soit trop tard.
La situation budgétaire de la France et les dépenses contraintes précédemment évoquées obligeront le ministère à faire des sacrifices. Au groupe Socialistes et apparentés, nous sommes ouverts à l’idée de prendre position sur les choix opérés par l’exécutif ; encore faudrait-il que nous soyons en mesure de les apprécier pleinement. Aussi aimerions-nous savoir où sont les coupes cachées avant de nous prononcer. En fonction du sort qui sera réservé à nos amendements et des réponses que nous attendons, notre groupe se prononcera favorablement ou s’abstiendra lors du vote des crédits des trois missions.
Mme Valérie Bazin-Malgras (DR). Notre commission est privilégiée : deux des trois budgets que nous examinons – la mission Défense et le programme Gendarmerie nationale – sont en augmentation. En cette période difficile pour nos finances publiques, il convient de le rappeler.
Le groupe Droite républicaine votera les crédits de la mission Défense, en prenant acte du respect intégral de la LPM 2024 – 2030. La tentation a été grande de faire participer la défense à l’effort budgétaire important que notre pays doit consentir, mais les crédits annoncés sont bel et bien là, et la cible d’augmentation nette des effectifs prévue par la LPM 2024 – 2030 est maintenue. Dès le mois de juillet, lors de la présentation de notre pacte législatif, notre groupe a classé le respect de la LPM 2024 – 2030 parmi ses lignes rouges.
Toutefois, comme nous l’avons rappelé à M. le ministre lors de son audition, plusieurs points appellent notre vigilance. Le premier est le gel des crédits, qui prendra dans les mois à venir une importance majeure : il s’agira d’éviter que Bercy prenne ce qu’il n’a pu obtenir lors de la présentation du budget. Plusieurs de nos rapporteurs pour avis se sont exprimés ce matin sur ce point.
Le deuxième est le financement des Opex et des opérations intérieures (Opint), qui est en baisse par rapport à la programmation, pour les raisons objectives que nous connaissons tenant à la situation en Afrique saharo-sahélienne. Toutefois, la hausse de la conflictualité, largement décrite par les chefs d’état-major devant notre commission depuis plusieurs années, exclut que nous baissions la garde – les tensions graves au Proche-Orient nous le rappellent chaque jour.
Quant à l’amplification des Opint, elle est aussi source d’inquiétude. Si celles menées dans le cadre des JOP étaient prévues et connues, les événements dramatiques survenus en Nouvelle-Calédonie ne manquent pas de nous inquiéter s’agissant de leurs répercussions budgétaires. S’agissant de l’aide, essentielle, à l’Ukraine, nous sommes attachés à son financement interministériel.
Nous nous opposerons aux amendements visant à remettre en cause l’équilibre, que nous savons fragile, de la LPM 2024 – 2030. Battons-nous ensemble, comme nous l’avons fait lors de son examen, pour nous assurer qu’elle est exécutée à l’euro près !
Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous partageons certaines craintes exprimées par notre rapporteur pour avis, mais nous comptons particulièrement sur la ténacité de notre nouveau ministre délégué pour faire avancer les questions qui nous tiennent à cœur, telles que la revalorisation de la retraite des combattants. Nous n’oublions pas ce que nous leur devons.
Nous prenons acte de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sur l’indemnisation des harkis. Nous regrettons qu’il ait fallu une décision de justice pour qu’ils obtiennent gain de cause – ultime symbole de cette douloureuse question ! Concernant la jeunesse, nous soutenons la volonté du Gouvernement de revoir en profondeur la journée défense et citoyenneté (JDC), qui ne répond plus à sa vocation première.
Dans un contexte budgétaire difficile et contraint, le budget Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation permet de maintenir les droits, d’avancer sur de nombreux sujets et d’instaurer une juste indemnisation de nos compatriotes harkis. Notre groupe votera ses crédits.
Au sein de la mission Sécurités, les crédits du programme Gendarmerie nationale augmentent de plus de 500 millions. Nous saluons cet effort. Cependant, son schéma d’emploi nul fait peser des menaces sérieuses sur l’exécution des engagements de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) en matière de création de brigades. Le déploiement de nouvelles brigades en est un engagement essentiel. Nos concitoyens l’attendent. Quant à la montée en puissance de la réserve, pilier essentiel de la gendarmerie, elle suscite aussi des inquiétudes justifiées. En raison de ces interrogations légitimes et en attendant le sort fait à nos amendements ainsi que les réponses du Gouvernement, le groupe Droite républicaine s’abstiendra sur les crédits du programme Gendarmerie nationale.
M. Damien Girard (EcoS). Ce budget est utile et globalement adapté à notre armée et à l’environnement stratégique. L’augmentation du montant des crédits des quatre programmes de la mission Défense est nécessaire pour respecter le cadre fixé par la LPM 2024 – 2030 et accompagner l’adaptation de notre armée aux tensions géopolitiques, au retour de la haute intensité sur notre continent et aux conséquences du péril écologique.
Le renforcement des moyens concourant aux exigences d’une dissuasion nucléaire robuste et crédible ainsi que la poursuite de la modernisation des équipements sont vitaux pour notre sécurité et pour celle de l’Europe. Les efforts en matière de remise à niveau des infrastructures, de maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels et d’investissement des nouveaux champs de conflictualité, au premier rang desquels les fonds marins, sont réels et contribuent à notre préparation.
Toutefois, ce budget n’est pas à la hauteur des ambitions que nourrit la France et des responsabilités qu’elle assume. Le domaine maritime en témoigne. Notre marine a dû recourir à un bricolage provisoire pour maintenir l’activité de quinze frégates de premier rang en attendant la livraison des frégates de défense et d’intervention (FDI). Cette rupture capacitaire démontre que l’objectif de quinze frégates de premier rang est insuffisant pour assumer les responsabilités de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) du monde et la protection de nos nombreux territoires dits d’outre-mer.
À titre comparatif, l’Italie vise seize frégates de premier rang, alors que sa zone d’intérêt maritime est plus réduite. Le retour au format qui prévalait avant la publication du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, soit dix-huit frégates de premier rang, est un minimum.
Certes, les navires de second rang sont plus nombreux. Ils sont capables d’assurer certaines missions. Néanmoins, ils demeurent complémentaires des frégates de premier rang et ne disposent pas des mêmes capacités face aux enjeux de haute intensité caractérisant la nouvelle donne géopolitique. Évacuation des ressortissants français des pays en tension ; lutte contre les trafics illicites, notamment dans l’océan Indien et dans les Caraïbes ; protection de notre ZEE, notamment dans l’océan Pacifique ; soutien à la liberté de navigation ; mise en œuvre de la dissuasion ; participation aux exercices, notamment dans le cadre de l’Otan : notre marine est partout et tout le temps. Elle doit être dotée correctement pour assurer sa mission.
Plus généralement, la stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique doit s’appuyer une réalité capacitaire, notamment maritime, sous peine d’être une ambition de feuille de papier. Notre marine aurait pu être mieux dotée, à un coût réduit, sans les décalages et les réductions de séries ayant affecté certains programmes, notamment celui des frégates multimissions (Fremm).
Les ressources humaines du ministère des Armées demeurent en tension, qu’il s’agisse de l’accompagnement des conjoints, de la revalorisation salariale ou de l’amélioration de la condition des militaires. Les marges de progression sont réelles. L’effort ne doit pas être relâché. Le taux de rotation élevé du personnel, provoqué par une insuffisante fidélisation, engendre concrètement des coûts supplémentaires de recrutement et de formation.
À cet égard, la réserve opérationnelle est un outil précieux, dont la montée en puissance doit continuer à être accompagnée. La sanctuarisation des moyens qui lui sont attribués est nécessaire. Pourtant, le rapport pour avis sur le programme Gendarmerie nationale indique que le projet de loi de finances pour 2025 remet directement en cause les engagements de la Lopmi sur la montée en puissance des réserves de la gendarmerie. La réserve doit être soutenue dans son ensemble, de façon constante et programmée. L’Assemblée nationale doit y être attentive.
Le groupe Écologiste et social votera ce budget, dont les imperfections ne font pas oublier l’essentiel : une adaptation budgétaire réelle de notre armée à un contexte international plus que dégradé. J’émets toutefois une réserve sur son orientation générale. Ni la LPM 2024 – 2030 ni le projet de loi de finances pour 2025 n’effectuent de véritable priorisation stratégique de nos forces armées. Enjeu méditerranéen, positionnement face à la Russie, stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique, préservation de notre capacité à entrer en premier sur un théâtre d’Opex, maintien de l’effectivité de notre dissuasion : vous conviendrez que l’augmentation du budget, bien réelle, est insuffisante compte tenu de ces multiples objectifs, dont je pourrais ajouter qu’ils sont très ambitieux à l’aune de notre situation budgétaire.
Une priorisation des enjeux donnant à notre flanc sud-est l’importance qu’il mérite permettrait de rationaliser les dépenses prévues par la LPM 2024 – 2030. La construction d’une sécurité européenne prise en main par les Européens est un enjeu de long terme, au sein duquel la France doit être capable d’humilité dans son rapport à ses partenaires et d’ambition dans sa contribution à la défense collective de notre continent.
Mme Josy Poueyto (Dem). En votant la LPM 2024 – 2030, nous nous sommes fixé l’objectif de transformer nos armées. Après des années de sous-investissement, face à un environnement stratégique chaque année plus dégradé, il était temps de renforcer et de moderniser notre modèle d’armée. Je salue le travail de notre ministre des Armées, Sébastien Lecornu, qui a engagé cette réforme d’ampleur et continue de veiller à son déploiement.
Avec un budget de 50,5 milliards, soit une hausse de 3,3 %, les crédits de la mission Défense sont ambitieux. Ils respectent la trajectoire votée par le Parlement, ce dont dépend sa crédibilité. Nous avons choisi de privilégier la cohérence et l’efficacité à la masse. L’entraînement et l’équipement de nos militaires sont donc particulièrement importants. En 2025, 10 milliards seront investis dans les équipements et leur MCO, et près de 8 milliards seront consacrés à la préparation et à l’emploi des forces. Nous n’ignorons pas la nécessité de nous adapter aux nouvelles menaces et d’anticiper des sauts technologiques pour avoir une guerre d’avance plutôt qu’une guerre de retard. L’innovation sera l’une des priorités pour 2025, ce dont nous nous réjouissons.
Le cyber, le renseignement, les drones et l’intelligence artificielle sont des domaines stratégiques pour nos trois armées. Ils deviennent indispensables pour les guerres de demain. Nous saluons ce budget, qui alloue plus de 1 milliard à l’innovation, 300 millions au cyber et 450 millions aux drones. Un effort supplémentaire de 100 millions par rapport aux 200 millions prévus par la LPM 2024 – 2030 pour l’intelligence artificielle doit nous permettre d’acquérir un supercalculateur pour nos armées dès l’année prochaine.
Cette transformation de nos armées vise à renforcer notre autonomie stratégique et à maintenir la France au rang des grandes puissances. En augmentant de 8 % le budget de la dissuasion, nous pouvons engager la modernisation de ses deux composantes et la construction du PANG, assurant notre posture de nation-cadre auprès de nos alliés comme de nos adversaires.
De tels objectifs sont hors d’atteinte si nous ne disposons pas des ressources nécessaires. Nous nous félicitons de la montée en puissance de nos armées, nourrie par la poursuite de l’effort en faveur de la réserve opérationnelle, qui bénéficiera de la création de 700 équivalents temps plein (ETP) et de plus de 27 000 recrutements. Ces emplois seront les bienvenus dans le renseignement, le cyber et l’intelligence artificielle, secteurs d’avenir pour nos armées.
Deux autres éléments s’avèrent cruciaux pour nos militaires et leurs familles : l’amélioration de leurs conditions de vie en emprise et la reconnaissance de leur engagement au service de la nation. Notre groupe a toujours été particulièrement attentif à l’accompagnement des familles de nos militaires, qui subissent elles aussi les contraintes de cet engagement. Nous saluons le déploiement du plan Fidélisation 360, qui vise à améliorer le quotidien des militaires dans les emprises.
En 2025, ces mesures permettront la rénovation du parc immobilier de nos armées, qui se trouve parfois dans un état de vétusté avancée. J’appelle l’attention de la commission sur les casernes de gendarmerie dont la rénovation est attendue de longue date par nos gendarmes, comme l’a rappelé Valérie Bazin-Malgras ce matin. Nous sommes également très attachés au plan « famille 2 », qui sera doté de 51 millions pour augmenter l’offre de garde de jeunes enfants, construire des crèches et étendre la prestation de soutien en cas d’absence prolongée du domicile.
Notre reconnaissance pour le sacrifice de nos militaires doit être sans faille, notamment lorsqu’ils sont blessés ou deviennent anciens combattants. Nous espérons que la promesse de construction de nouvelles maisons Athos en 2025 sera suivie d’effets, tant ces structures sont importantes pour la guérison.
Le groupe Les Démocrates salue l’effort budgétaire consenti dans le projet de loi de finances pour nos armées. Les crédits de la mission Défense, de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation et du programme Gendarmerie nationale traduisent notre volonté de poursuivre la transformation de nos armées, de soutenir au mieux nos soldats ainsi que leurs familles et d’honorer la mémoire de ceux qui se sont battus pour la France. Notre groupe votera ces crédits.
Mme Lise Magnier (HOR). Le groupe Horizons & indépendants soutient les efforts nécessaires consacrés à la réduction des dépenses publiques et au redressement des comptes publics. Il ne nous semble pas moins nécessaire de préserver les trajectoires des lois de programmation dans les domaines régaliens, pour nos armées, pour nos policiers, pour nos gendarmes, pour notre sécurité civile et pour notre justice.
S’agissant de la mission Défense, notre groupe salue l’augmentation continue du budget alloué à nos armées. Notre pays évolue dans un monde dangereux, caractérisé par des rivalités entre puissances et des menaces hybrides émanant d’acteurs étatiques et non étatiques – un monde dans lequel nos intérêts doivent être protégés. Nous saluons le choix de préserver et de confirmer les engagements pris dans le cadre de la LPM 2024 – 2030.
Il faut toutefois bien constater que, depuis son adoption, l’environnement stratégique de la France est en constante évolution. En 2023, la guerre en Ukraine entrait dans sa deuxième année et les Ukrainiens pouvaient encore compter sur l’engagement résolu de l’Europe et des États-Unis. La perspective d’une victoire électorale de Donald Trump bouleverse la donne. Par ailleurs, les tensions au Proche-Orient n’avaient pas atteint les sommets actuels. Le dispositif militaire français en Afrique entamait tout juste sa transformation, qu’il a fallu accélérer au lendemain du coup d’état au Niger. Le tournant de l’intelligence artificielle, qui n’était pas complètement intégré dans les efforts prioritaires identifiés par la LPM 2024 – 2030, est désormais bien pris en compte, comme le montre l’excellent rapport d’Anne Le Hénanff.
Le groupe Horizons & indépendants soutient les quatre inflexions stratégiques du budget des armées : le nouvel effort prioritaire sur l’intelligence artificielle ; la fidélisation de nos soldats ; le rééquilibrage stratégique en Afrique et sur le flanc est de l’Europe ; l’accélération de l’effort d'acquisition de munitions. Il veillera à préserver ce qu’il considère comme des fondamentaux : la dissuasion nucléaire comme pilier de notre souveraineté ; la place de la France dans l’Alliance atlantique et son action pour la défense européenne ; l’action du ministère des Armées en faveur de la qualité de vie de nos soldats et de leurs familles. Notre groupe votera les crédits de la mission Défense.
S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, notre groupe salue la relative stabilité des crédits qui lui sont alloués. Ce budget consacre le maintien des efforts pour nos blessés, pour les harkis et leurs familles en tenant compte de la décision de la CEDH du 4 avril 2024, et pour la reconnaissance envers le monde combattant dans toute sa diversité. Le montant de 1,8 milliard permettra aussi, après une année riche en commémorations de la Libération, d’envisager une fête nationale d’ampleur pour les 80 ans de la victoire du 8 mai 1945.
Le lien armées-jeunesse bénéficie d’une attention particulière : les crédits qui y sont consacrés augmentent de plus de 50 %. Nous appelons de nos vœux la transformation de la JDC et souhaitons qu’elle devienne enfin une journée d’intérêt national pour les jeunes citoyens. Nous voterons les crédits de la mission.
Concernant le programme Gendarmerie nationale, nous saluons l’augmentation générale allouée au budget de la mission Sécurités. Il est indispensable que l’effort budgétaire pour la création de 239 brigades de gendarmerie se poursuive. Si quatre-vingts brigades ont été créées, le maillage territorial doit s’intensifier. La gendarmerie est présente sur 95 % du territoire national et assure la protection de plus de la moitié de nos concitoyens. Nos gendarmes méritent toute notre attention et, surtout, les moyens d’exercer leurs missions. Si l’ordre dans les comptes est une priorité pour le groupe Horizons & indépendants, il ne doit pas être obtenu au détriment de l’ordre dans la rue, indispensable à notre cohésion sociale. Notre groupe votera les crédits de la gendarmerie nationale.
M. David Habib (LIOT). Le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation est stable. Il aurait été judicieux de consacrer son évolution à la revalorisation du point d’indice de la PMI. Notre groupe signale à l’attention l’insuffisante reconnaissance de celles et ceux qui ont combattu pour notre pays et méritent notre respect ainsi que notre accompagnement.
S’agissant de la gendarmerie nationale, j’ai été satisfait, comme d’autres ici, de la décision prise dans le cadre de la Lopmi de créer 239 brigades d’ici 2027. Depuis ma première élection en 2002, quatre gendarmeries ont été fermées dans ma circonscription. Grâce à la Lopmi, nous avons enregistré, pour la première fois, la création d’une brigade mobile, qui fait particulièrement bien son travail. Un engagement est pris pour 2025 ; toutefois, la question des effectifs obère la capacité à créer des brigades de gendarmerie. Déshabiller Pierre pour habiller Paul n’est pas une stratégie de maillage territorial. Ce questionnement devra obtenir réponse de la part du Gouvernement au cours de l’exercice budgétaire.
Concernant les 50 milliards inscrits au budget la mission Défense, nous saluons le respect de la LPM 2024 – 2030. Nous avons trois sujets de préoccupation. Le premier est le financement des Opex, qui suppose une solidarité des autres ministères. Nous avons conscience qu’elle a des limites. Le deuxième est la capacité à consommer les crédits d’armement – 20 milliards de commandes pour nous faire entrer dans l’économie de guerre –, qui suppose que les 200 000 salariés des quelque 4 000 industries concernées soient informés et formés, en capacité d’être recrutés, et connaissent suffisamment à l’avance les demandes du ministère des Armées. Le troisième est l’application du plan « famille 2 », qui se heurte à la question de la mobilité. Face à tout cela, nous appelons à un effort de déconcentrations des pouvoirs, tout en étant conscient qu’elle n’est pas, en Macronie, la préoccupation première. Le local est capable d’apporter des réponses là où l’échelon national est ankylosé.
Ne pas voter ce budget serait étrange – j’en ai voté de moins bons. Nous le voterons avec les réserves que je viens d’énumérer.
M. Édouard Bénard (GDR). De 2017 à 2024, les crédits de la mission Défense ont augmenté de 46 %. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une nouvelle augmentation de 3,3 milliards, qui en porterait le budget à 50,5 milliards, soit une hausse de 7,5 %, au moment même où le Gouvernement entend tailler dans grand nombre de dépenses publiques. Cette hausse s’inscrit dans le cadre plus général de la LPM 2024 – 2030, à laquelle ce budget est conforme.
Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont voté contre la LPM 2024 – 2030. Ils ne sont pas opposés aux investissements matériels permettant de renouveler et moderniser l’équipement de nos forces armées en tant que tels, mais considèrent que certains axes d’investissement retenus par la LPM 2024 – 2030 et leur déclinaison dans le projet de loi de finances pour 2025 intriguent du point de vue des évolutions technologiques et de la réalité de leur caractère opérationnel.
L’année 2025 sera celle du lancement officiel du PANG, grâce à un budget de 224 millions. Nous avons eu l’occasion de formuler nos réserves sur le chantier d’un nouveau porte-avions nucléaire. Nous nous interrogeons toujours sur sa pertinence et sur son coût, s’agissant d’un outil particulièrement coûteux à l’intérêt stratégique limité. Lorsque la France s’est engagée contre l’État islamique, 80 % des frappes aériennes ont été effectuées au départ de la Jordanie, contre 20 % depuis le Charles de Gaulle. Par ailleurs, l’emploi d’un porte-avions ne dispense pas de l’autorisation de survoler l’espace aérien d’États tiers pour mener à bien les missions confiées aux avions embarqués, comme d’ailleurs celles des avions de l’armée de l’air et de l’espace (AAE), ce qui limite l’intérêt du PANG.
Certains experts militaires affirment que notre pays doit augmenter le nombre de Fremm, pour assurer des missions diverses plus importantes et quotidiennes telles que la surveillance maritime, l’écologie marine et la lutte contre les trafics. Notre pays n’a pas les capacités financières nécessaires pour mener de front ces deux chantiers. Il ne peut en choisir un qu’au détriment de l’autre.
Les moyens significatifs consacrés à la dissuasion nucléaire, notamment sa composante sous-marine qui bénéficiera de 752 millions en 2025 pour financier les SNLE 3G, dans le cadre d’une enveloppe globale de 5,8 milliards, ne nous intriguent pas moins. Le retour d’expérience (Retex) du conflit russo-ukrainien démontre les limites de la dissuasion.
Concernant la seule dissuasion nucléaire sous-marine, son intérêt stratégique tient à la mobilité des sous-marins et à la difficulté, pour la partie adverse, de les localiser. Le progrès continu de l’intelligence artificielle allié au réseau de surveillance satellitaire et aux dispositifs de surveillance sous-marine tels que les réseaux de balises dérivantes, les radars et les sonars haute fréquence, pourraient remettre en question, dans un avenir proche, le caractère furtif des SNLE, qui fait tout leur intérêt stratégique.
Ainsi, le budget consacré à la dissuasion nucléaire, appelé à monter en charge dans le cadre des engagements pris dans le cadre de la LPM 2024 – 2030, cannibalise des moyens qui pourraient être plus judicieusement employés à l’équipement et à l’entraînement de nos forces armées conventionnelles pour assurer la sécurité du territoire. Alors même que l’objectif de 185 Rafale à l’horizon 2030 est considéré comme le minimum nécessaire par l’état-major de l’AAE, le budget consacré à la dissuasion nucléaire en 2025 permettrait à lui seul d’en acquérir soixante. Or ces chasseurs peuvent, avec l’appui d’avions ravitailleurs, être projetés en quarante-huit heures partout sur le territoire français, sans avoir besoin d’un groupe aéronaval (GAN).
S’agissant de la partie recettes du budget, l’ampleur des commandes d’équipements et de services du ministère des Armées auprès d’entreprises à capitaux français nous autorise à nous interroger sur le niveau de retour de recettes dans le budget de l’État. À titre d’exemple, la décision du groupe industriel KNDS – réunissant dans une holding le français Nexter, issu de la privatisation de GIAT Industries privatisé, et l’armurier allemand Krauss-Maffei Wegmann – d’implanter son siège aux Pays-Bas pour des raisons d’optimisation fiscale intrigue, d’autant que son capital est détenu à 50 % par l’État français. Ce sont autant de rentrées fiscales manquantes à l’heure où nous cherchons des recettes supplémentaires, pouvant notamment servir à abonder le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, en particulier pour revaloriser plus substantiellement la valeur du point d’indice de la PMI, qui sert au calcul de la PMI et de l’allocation de reconnaissance du combattant.
À défaut d’une réécriture profonde des orientations de la mission Défense du projet de loi de finances élaboré par le Gouvernement, en cohérence avec notre vote sur la LPM 2024 – 2030, les députés de la Gauche démocrate et républicaine n’approuveront pas les crédits.
M. Matthieu Bloch (UDR). Au nom du groupe UDR, je rends hommage aux femmes et aux hommes engagés – militaires, gendarmes et réservistes – qui protègent nos compatriotes au quotidien, parfois au péril de leur vie. Ils font partie de ceux pour lesquels l’engagement, la patrie et le sacrifice ont un sens. Nous leur devons reconnaissance.
Notre position est claire : seule une grande ambition en matière de défense permettra à la France d’assurer son indépendance. Face à la résurgence des foyers de tension dans le monde, notamment à l’est de notre continent, au Proche-Orient et dans le Caucase, où l’Azerbaïdjan multiplie les agressions contre le peuple arménien, la France n’a plus le choix. Elle doit se maintenir parmi les grandes puissances dans le concert des nations, à l’heure où cette place lui est plus que jamais contestée.
Concernant la mission Défense, nous reconnaissons la nette augmentation des efforts pour l’équipement de nos forces, à hauteur de près de 6 milliards pour notre dissuasion et de 1,9 milliard pour nos Rafale, et pour la mise en marche du PANG, que nous soutenons.
Toutefois, nul ici n’est naïf : cette hausse de crédits ne pourra être que d’apparence, en raison du gel de crédits par Bercy sur l’exercice 2024, de l’ordre de 2,6 milliards. Les quelque 570 millions prévus pour les Opex ne permettront pas, comme chaque année, d’assumer les surcoûts induits par le déploiement de nos soldats. J’ai une pensée particulière pour ceux mobilisés au Proche-Orient, en Méditerranée et dans le cadre des opérations Aigle en Roumanie et Lynx en Estonie. Si la France doit se maintenir comme grande puissance militaire, il faudra envisager une plus grande ambition financière sur ce point.
Par ailleurs, l’objectif de relocalisation de notre production d’équipements militaires est évoqué sans être concrétisé. Ce budget aurait dû être l’occasion d’engagements forts. Nous devons assurer le maintien de la France parmi les fleurons industriels de l’armement. Nous sommes aux prémices de potentielles dépendances industrielles à l’échelon européen, sans objectif militaire et géopolitique commun, et nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Au groupe UDR, nous souhaitons que les missions régaliennes de l’État soient exercées d’abord au service du peuple français. Dans ces circonstances et compte tenu des crédits proposés, il s’abstiendra sur la mission Défense.
Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, nous faisons le vœu d’une revalorisation forte du point d’indice de la PMI pour permettre aux invalides de procéder aux soins de kinésithérapie ou de rééducation fonctionnelle dont ils ont besoin, et surtout d’obtenir des prothèses et divers équipements partiellement remboursés par la Sécurité sociale. Nous nous opposons à la baisse de l’allocation de reconnaissance du combattant alors même que le Gouvernement prévoit 14 millions supplémentaires pour le lien armées-jeunesse, avec des objectifs bien minces de refonte de la JDC. Il est invraisemblable que le Gouvernement fasse le choix de faire des économies sur nos héros de guerre. Le groupe UDR votera contre les crédits de cette mission.
Enfin, la hausse envisagée des crédits de la mission Sécurités ne nous semble pas à la hauteur des enjeux. D’abord, les crédits de 173 millions consacrés à l’exercice des missions militaires sont relativement faibles. Ensuite, les signaux rouges sont nombreux en matière de maintien de l’ordre public dans notre pays. Lundi dernier encore, le ministre de l’Intérieur a rappelé le niveau très élevé de la menace terroriste, en demandant une plus grande sécurisation des lieux de culte chrétiens pour la Toussaint. Il y a quelques jours, le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a décidé de prolonger le couvre-feu dans l’archipel jusqu’au 4 novembre. Quel message ce budget enverra-t-il à nos gendarmes ? Des mesures fortes s’imposent, au premier rang desquelles une véritable revalorisation des conditions de vie et d’exercice opérationnel de nos gendarmes. Le groupe UDR votera contre les crédits de la mission Sécurités présentés par le Gouvernement.
M. le président Jean-Michel Jacques. Merci à tous les orateurs de groupe. Nous allons passer maintenant à l’examen des amendements déposés devant notre commission avant de voter sur les crédits des trois missions dont nous sommes saisis.
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Mission Sécurités – Gendarmerie nationale (Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis)
M. le président Jean-Michel Jacques. La commission a été saisie de neuf amendements, dont trois ont été déclarés irrecevables, au titre de l’article 40 de la Constitution ou faute de s’inscrire dans le champ de saisine de la commission.
Article 42 et État B : Crédits du budget général
Amendement II-DN9 de M. Pascal Jenft
M. Pascal Jenft (RN). Cet amendement vise à abonder le budget du programme Gendarmerie nationale à hauteur de 25 millions d’euros pour investir dans l’achat et la rénovation de casernes. En 2023, 64 % du budget destiné au logement a été utilisé pour régler les loyers, soit 590 millions sur 923 millions d’euros. Or cette dépense est exponentielle. Elle a augmenté de 19 % de 2019 à 2023. En 2023, le budget consacré à la construction et à l’achat de bâtiments pour la gendarmerie s’est élevé à 18 millions d’euros.
Plus le temps passe, plus la dépense en loyers crée un manque d’investissement, à hauteur de 2,2 milliards en dix ans d’après le rapport du sénateur Bruno Belin présenté le 10 juillet 2024. En raison des interventions en Nouvelle-Calédonie et pendant les JOP, plus de 200 millions d’euros de loyers ne peuvent être réglés à temps. Tel ne serait pas le cas si la proportion des casernes domaniales était plus élevée. Cet amendement sert le confort des gendarmes et la maîtrise du budget.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je partage votre point de vue concernant la construction et la maintenance des casernes. L’état des casernes constitue l’un des principaux motifs d’insatisfaction des gendarmes. Par-delà les 25 millions supplémentaires que vous proposez, l’enjeu majeur est d’initier une réflexion collective sur le modèle immobilier adéquat pour notre gendarmerie. J’émets un avis de sagesse. Ces 25 millions seront les bienvenus mais ne régleront pas le problème structurel auquel est confrontée la gendarmerie nationale s’agissant de son parc immobilier.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN127 de Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à renforcer le budget de la gendarmerie nationale à hauteur de 25 millions d’euros, afin notamment de garantir l’ouverture de cinquante-sept brigades en 2025, conformément aux engagements pris dans le cadre de la LOPMI. Je souhaite que la gendarmerie nationale puisse déployer ces nouvelles brigades dans nos campagnes.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN129 de Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Cet amendement d’appel vise à supprimer le malus écologique pour les véhicules achetés par la gendarmerie nationale, afin de revenir à des budgets d’acquisition cohérents, sur le modèle des dispositions adoptées pour les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis).
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN128 de Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Il vise à allouer 24,4 millions d’euros à la réserve de la gendarmerie, afin qu’elle soit déployée conformément aux dispositions de la LOPMI, qui prévoit un objectif de 50 000 réservistes en 2027.
La commission adopte l’amendement.
Après l’article 64 :
Amendement II-DN8 de M. Pascal Jenft
M. Pascal Jenft (RN). Il vise à dresser un état des lieux précis de l’état des logements de la gendarmerie et de leurs dispositifs de sécurité. Le budget destiné aux logements est de plus en plus consacré au règlement des loyers, qui absorbe des sommes destinées à la rénovation et à la sécurisation des logements, ce qui peut s’avérer dramatique dans le contexte de menaces que nous connaissons. Il est essentiel de s’assurer que les casernes de gendarmerie ne sont pas accessibles aux intrusions extérieures, tant pour la sécurité des gendarmes et de leurs familles que pour la protection du matériel. Le rapport prévu par l’amendement permettra de chiffrer les moyens à mobiliser pour rénover les logements et, le cas échéant, renforcer la sécurité des casernes. Les budgets exacts pourront ainsi être alloués par le projet de loi de finances pour 2026.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je partage votre vigilance sur la sécurisation des casernes. Pendant les émeutes de juin 2023 et lors de la crise en Nouvelle-Calédonie, des casernes ont été attaquées. Ce point d’attention m’a été signalé dans le cadre de mes travaux. Il s’agit d’un sujet auquel les autorités doivent travailler. Toutefois, exposer de façon circonstanciée les éventuelles défaillances de sécurité des casernes dans un rapport public me semble malvenu. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Sécurités – Gendarmerie nationale modifiés.
Annexe : liste des personnes auditionnées
par la rapporteure pour avis et déplacement
(Par ordre chronologique)
1. Auditions
Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) :
- M. le général de corps d’armée Tony Mouchet, directeur des opérations et de l’emploi ;
- M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances ;
- M. le général de corps d’armée Bruno Arviset, directeur des ressources humaines ;
- M. le général de corps d’armée André Petillot, major général ;
M. le général de division Jean-Pierre Gesnot, commandant pour les réserves et la jeunesse ;
M. Luc Delnord, président de l’association R.E.S.GEND ;
Mme Catherine de Salins, présidente du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM).
2. Déplacement
Visite de la Garde républicaine – rencontre avec le général de division Charles-Antoine Thomas, commandant de la Garde républicaine, les officiers et les personnels.
([1]) Cour des comptes, Observations définitives, « La Garde républicaine », juillet 2024 : « La mission de sécurisation des palais nationaux, principale mission de la Garde républicaine au regard du temps consacré, est sous tension. Fortement consommatrice en gardes, elle laisse aux deux régiments d’infanterie peu de temps disponible à consacrer à d’autres activités. Près d’un quart des gardes est contraint de réaliser au moins 10 gardes de 24 heures par mois, soit la totalité de son temps de travail. (…) Face à des compagnies de marche fortement sollicitées, plusieurs unités de la Garde républicaine s’avèrent préservées, comme le régiment de cavalerie, les formations musicales ou les pelotons d’intervention. Les cavaliers et les pelotons d’intervention consacrent ainsi une part importante de leur temps au maintien en conditions opérationnelles et développent des missions annexes pour compenser leur faible participation au cœur de métier de la Garde. Les formations musicales bénéficient quant à elles de conditions matérielles privilégiées et développent des prestations sous convention pour des tiers ».
([2]) Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, rapport thématique « Les officiers », 2023.
([3]) M. Bruno Belin, rapport d’information sur l’immobilier de la gendarmerie nationale, Commission des finances, Sénat, 10 juillet 2024.
([4]) Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, rapport thématique « Les réserves », juillet 2024.
([5]) Celle-ci est organisée autour d’une période militaire d’initiation et de perfectionnement à la défense nationale (PMIPDN) de 12 jours et d’une formation militaire initiale du réserviste (FMIR) de 12 jours également, qui intègre la formation APJA et celles relatives au secourisme.
([6]) Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, rapport thématique « Les réserves », juillet 2024.
([7]) Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, rapport thématique « Les réserves », juillet 2024.
([8]) À taux d’attrition annuel de 10 %, il faudrait ainsi recruter 8 732 réservistes en 2025 (4 666 + 4 066 pour compenser l’attrition), 9 199 en 2026 (4 666 + 4 533 pour compenser l’attrition) et 9 666 réservistes (4 666 + 5 000 pour compenser l’attrition) en 2027, pour atteindre l’objectif de 50 000 réservistes en 2027.
([9]) Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, rapport thématique « Les réserves », juillet 2024.
([10]) Ibid.
([11]) Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, rapport thématique « Les réserves », juillet 2024.