N° 1990
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 octobre 2025
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2026 (n° 1906),
TOME I
ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT
Action de la France en Europe et dans le monde ;
Français à l’étranger et affaires consulaires
PAR M. Michel Herbillon
Député
——
Voir le numéro : 1906.
SOMMAIRE
___
Pages
I. Les crédits relatifs à l’action de la France en Europe et dans le monde, aux Français à l’étranger et aux affaires consulaires pour 2026
A. L’évolution des crédits des programmes 105 et 151 de la mission action extÉrieure de l’État
1. Le programme Action de la France en Europe et dans le monde (programme 105)
2. Le programme Français à l’étranger et affaires consulaires (programme 151)
B. L’évolution des dépenses de personnel du quai d’orsay
1. La masse salariale et les emplois du MEAE
2. L’allocation des effectifs supplémentaires
II. Les contributions versées par la France aux opérations de maintien de la paix des Nations unies
1. De fortes disparités de moyens entre les onze OMP en activité
a. Des moyens sensiblement différents selon les OMP
b. Une diminution constante du budget global alloué aux OMP au cours de la dernière décennie
2. La participation financière de la France au budget des OMP
b. La diminution du montant de la participation financière de la France
3. Le cadre institutionnel de la négociation et de l’exécution des dépenses des OMP
a. Les règles de calcul du barème applicable au financement des OMP
b. La procédure d’adoption du budget des OMP par l’Assemblée générale
c. L’exécution des dépenses sous la supervision du secrétariat de l’ONU
1. Une crise de financement désormais incontournable, qui met en péril la capacité d’action des OMP
a. La multiplication des arriérés de paiement
b. Des « coupes » budgétaires inéluctables à court terme
a. Les OMP, victimes collatérales de la fracturation de l’ordre international
b. Les OMP à l’épreuve de faiblesses structurelles qui suscitent des critiques récurrentes
C. La nécessité de renforcer l’efficience des OMP et de conforter le rôle de la France en la matière
1. Des pistes de réforme pour moderniser efficacement les OMP
a. Clarifier les mandats et renforcer la coordination avec l’ensemble des acteurs locaux
b. Rénover la gestion opérationnelle et budgétaire
2. Préserver les OMP en tant que levier d’influence stratégique pour la France
I. Audition de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des ffaires étrangères
II. Présentation de l’avis devant la commission des affaires étrangères et examen des crédits
Annexe : liste des personnes auditionnées dans le cadre de la préparation du rapport pour avis
La mission Action extérieure de l’État regroupe les crédits visant à financer la plupart des dépenses de personnel, de fonctionnement, d’intervention, et d’investissement du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) réparties au sein de trois programmes : l’action de la France en Europe et dans le monde (programme 105), les Français à l’étranger et les affaires consulaires (programme 151) ainsi que la diplomatie culturelle et d’influence (programme 185) ([1]).
S’élevant à près de 3,46 milliards d’euros, le montant des crédits de la mission Action extérieure de l’État pour 2026 équivaut à celui ouvert en loi de finances initiale pour 2025, qui entérinait une restriction budgétaire significative de 200 millions d’euros par rapport à 2024. Si l’essentiel de la diminution des dotations s’applique au volume des contributions versées par la France aux organisations européennes et internationales au titre du programme 105, les contraintes que fait peser sur le MEAE l’effort – indispensable – de redressement des comptes publics ne doivent pas être mésestimées. Le rapporteur pour avis rappelle que les états généraux conclus en mars 2023 visaient ainsi à « réarmer » notre diplomatie grâce au renforcement progressif de ses moyens financiers, matériels et humains, nécessaires à l’exercice de ses missions. Force est de constater que l’équilibre entre cet impératif politique et les actuelles exigences budgétaires demeure complexe, au risque de rendre l’équation insoluble.
Si elles prolongent la trajectoire enclenchée en 2023, les créations de postes prévues en 2026 dans le réseau diplomatique et en administration centrale se poursuivent à un rythme moins soutenu. Les prévisions pluriannuelles à compter de 2027 esquissent même une diminution future des effectifs du MEAE, sous l’effet du non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite.
Outre l’analyse de l’évolution budgétaire des programmes 105 et 151, le rapporteur pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux aux contributions financières versées par la France au budget des opérations de maintien de la paix (OMP) de l’Organisation des Nations unies (ONU).
En 2026, la France participera à hauteur de 205 millions d’euros au budget des onze OMP en activité, ce qui représente 4,6 % de leur budget total et place notre pays au 6e rang des États contributeurs. Le calcul du barème reposant principalement sur le poids démographique et économique des États membres, le montant de la contribution française a mécaniquement été divisé par deux au cours de la dernière décennie.
Les OMP sont confrontées à de vastes difficultés financières et politiques qui tendent à remettre en cause leur action, dans un contexte de rivalités interétatiques et de restrictions budgétaires accrues, notamment provoquées par les arriérés et retards de paiement imputables aux États-Unis.
La fermeture de la MINUSMA ([2]) au Mali, en 2023, et celle de la FINUL ([3]) au Liban, à compter du 1er janvier 2027, témoignent de la sensibilité des enjeux stratégiques et opérationnels qu’elles soulèvent. Ces évolutions s’inscrivent dans un contexte de remise en cause profonde du multilatéralisme, la paralysie du Conseil de sécurité aboutissant ainsi à rendre l’ONU impuissante à résoudre les conflits en Ukraine et à Gaza. Si des doutes, voire des critiques, s’expriment quant à l’efficacité réelle des OMP afin de garantir la paix et la sécurité sur les différents théâtres d’opérations, elles demeurent utiles à la pacification des situations et à la prévention d’une aggravation des conflits. Les auditions et les déplacements au Kosovo et à Chypre effectués dans le cadre de la préparation de ce rapport pour avis ([4]) ont permis d’illustrer de façon concrète les difficultés précitées, tout en rappelant la nécessité de préserver cet instrument utile à la recherche d’une paix durable dans des zones exposées à de fortes tensions.
C’est à la lumière de ces défis et de l’intérêt que les OMP peuvent revêtir en tant que levier d’influence pour la France que ce rapport pour avis dresse un état des lieux financier et politique de la situation, et envisage des pistes de réforme qu’il conviendrait désormais de mettre en œuvre.
I. Les crédits relatifs à l’action de la France en Europe et dans le monde, aux Français à l’étranger et aux affaires consulaires pour 2026
A. L’évolution des crédits des programmes 105 et 151 de la mission action extÉrieure de l’État
Le montant total des crédits de paiement (CP) dévolus à la mission Action extérieure de l’État s’élève à près de 3,46 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2026, soit un montant équivalent (+ 0,01 %) à celui prévu par la loi de finances initiale pour 2025. Si le budget s’est donc stabilisé, il présente cependant une baisse substantielle de 219 millions d’euros par rapport à 2024 qui s’explique principalement par la réduction des dépenses relevant du programme 105 consacrées aux contributions versées par la France aux organisations internationales ([5]) et européennes ([6]).
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT
DE LA MISSION ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT EN 2026
(en millions d’euros)
|
Programme |
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
|
Total pour la mission |
3 457 |
3 457 |
+ 0,01 % |
|
dont P. 105 Action de la France en Europe et dans le monde |
2 650 |
2 698 |
+ 1,80 % |
|
dont P.151 Français de l’étranger et affaires consulaires |
155 |
154 |
– 0,97 % |
|
dont P.185 Diplomatie culturelle et d’influence |
652 |
606 |
– 7,03 % |
Source : projet annuel de performances (PAP) Action extérieure de l’État, projet de loi de finances pour 2026.
1. Le programme Action de la France en Europe et dans le monde (programme 105)
Piloté par la direction générale des affaires politiques et de sécurité et la direction générale de l’administration et de la modernisation, le programme 105 se décline en onze actions ([7]) regroupant les moyens de la politique diplomatique de la France en administration centrale et à l’étranger, selon un triple objectif : renforcer la sécurité internationale et celle des Français ; promouvoir le multilatéralisme et construire l’Europe ; assurer un service diplomatique efficient et de qualité.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 105 EN 2026
(en millions d’euros)
|
Action |
HT2 ([8]) LFI 2025 |
T2 ([9]) LFI 2025 |
Total LFI 2025 |
HT2 PLF 2026 |
T2 PLF 2026 |
Total PLF 2026 |
Évolution |
2025 |
FDC et ADP 2026 |
|
01– Coordination de l’action diplomatique |
52,9 |
81,8 |
134,7 |
49,5 |
83,2 |
132,7 |
– 1,48 % |
0,2 |
0,2 |
|
02 – Action européenne |
160,0 |
12,0 |
172,0 |
165,9 |
12,5 |
178,4 |
+ 3,75 % |
0 |
0 |
|
03 – Dépenses de personnel du programme « Diplomatie culturelle et d’influence » |
0 |
90,3 |
90,3 |
0 |
93,6 |
93,6 |
+ 3,60 % |
0 |
0 |
|
04 – Contributions internationales |
644,2 |
0 |
644,2 |
602,8 |
0 |
602,8 |
– 6,42 % |
0 |
0 |
|
05 – Coopération de sécurité et de défense |
35,6 |
82,5 |
118,1 |
35,6 |
82,5 |
118,1 |
– 0,01 % |
0 |
0 |
|
06 – Soutien |
141,1 |
152,0 |
293,1 |
148,6 |
160,1 |
308,7 |
+ 5,32 % |
0,1 |
0,3 |
|
07 – Réseau diplomatique |
276,6 |
477,7 |
754,4 |
289,1 |
494,8 |
783,9 |
+ 3,92 % |
5,0 |
14,4 |
|
08 – Dépenses de personnel du programme « Solidarité à l’égard des pays en développement » |
0 |
172,0 |
172,0 |
0 |
178,8 |
178,8 |
+ 3,92 % |
0 |
0 |
|
09 – Personnel concourant à l’action « Offre d’un service public de qualité aux Français à l’étranger » |
0 |
206,7 |
206,7 |
0 |
214,1 |
214,1 |
+ 3,60 % |
0 |
0 |
|
10 – Personnel concourant à l’action « Instruction et demandes de visa » |
0 |
64,4 |
64,4 |
0 |
66,5 |
66,5 |
+ 3,29 % |
0 |
0 |
|
12 – Présidence française du G7 |
0 |
0 |
0 |
20,0 |
0 |
20,0 |
-- |
0 |
0 |
|
Total |
1 310,5 |
1 339,4 |
2 649,9 |
1 311,7 |
1 386,0 |
2 697,7 |
+ 1,80 % |
5,3 |
14,9 |
Source : projet annuel de performances (PAP) Action extérieure de l’État, projet de loi de finances pour 2026.
Les crédits dédiés au programme 105 dans le projet de loi de finances pour 2026 représentent 78 % des crédits de la mission Action extérieure de l’État, soit environ 2,68 milliards d’euros. Le montant des dépenses du programme 105 augmente de près de 48 millions d’euros en 2026, en dépit de la poursuite de la diminution du montant des contributions internationales.
Trois objectifs sont assignés au programme 105 :
– en premier lieu, Renforcer la sécurité internationale et la sécurité des Français à travers des actions de formation et de coopération menées par la direction de la coopération de sécurité et de défense (36 millions d’euros), de la protection des communautés françaises assurée par le centre de crise et de soutien (5 millions d’euros), certaines missions opérées par la direction de la communication – s’agissant notamment de la lutte contre la désinformation (16 millions d’euros) – et des dépenses relevant des opérations immobilières (197 millions d’euros) gérées par la direction de la sécurité diplomatique et de la direction de l’immobilier et de la logistique ;
– en deuxième lieu, Promouvoir le multilatéralisme et construire l’Europe grâce au financement de plus de quatre-vingts organisations internationales et européennes ainsi que d’autres instruments internationaux ; 768 millions d’euros sont ainsi consacrés à cet objectif visant à affermir la position de la France comme acteur de premier plan en faveur du multilatéralisme et dans le traitement des questions globales (sécurité, environnement, commerce, énergie) ;
– enfin, Assurer un service diplomatique efficient et de qualité par l’intermédiaire du financement des actions des directions conduisant notre diplomatie (directions politiques et direction de l’Union européenne) et des services qui soutiennent l’action diplomatique (presse et communication, protocole), ainsi que toutes les fonctions support assurant la bonne articulation des ressources humaines et des moyens (administration générale, systèmes d’information et de télécommunications, politique immobilière, logistique diplomatique…). Le programme 105 assure le fonctionnement du réseau diplomatique français composé de cent-soixante-dix-sept postes diplomatiques et consulaires.
b. Les actions
Le programme 105 comporte onze actions dont quatre d’entre elles financent les dépenses de personnel du programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence, du programme 151 Français de l’étranger et affaires consulaires et du programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement.
L’action n° 1 regroupe les crédits correspondant, d’une part, aux dépenses dites d’état-major relatives notamment au fonctionnement des cabinets et, d’autre part, aux dépenses liées au protocole, à la communication, à la presse et à la protection de nos ressortissants à l’étranger. La forte diminution en 2026 du montant des dépenses de protocole alloué à l’action n °1 (– 14 millions d’euros) ([12]) est compensée par la hausse importante du budget consacré à la communication stratégique (+ 10 millions d’euros) afin de lutter plus efficacement contre les menaces informationnelles ciblant les intérêts français dans le monde.
L’action n° 2 correspond essentiellement au financement des contributions françaises versées, d’une part, au Conseil de l’Europe (56 millions d’euros) et d’autre part, à l’Union européenne à travers la Facilité européenne pour la paix (FEP) créée en 2021 (104 millions d’euros). L’augmentation de 6 millions d’euros du montant de la contribution au Conseil de l’Europe s’explique principalement par le renforcement du soutien politique apporté par la France à l’Ukraine, près de quatre ans après le déclenchement la guerre par la Russie.
Créée par la loi de finances pour 2025 au sein du programme 105, l’action n° 3 regroupe les dépenses de personnel relevant du programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence, pour un montant total d’environ 94 millions d’euros.
Les crédits de l’action n° 4 regroupent les dépenses réalisées au titre des opérations de maintien de la paix (205,4 millions d’euros) et des contributions obligatoires et volontaires versées par la France (398 millions d’euros) à diverses organisations internationales telles que l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (51 millions d’euros), l’Organisation de coopération et développement économiques (24 millions d’euros) et, pour l’essentiel, l’ONU et ses agences (277 millions d’euros).
S’élevant à un total de 603 millions d’euros, le montant des crédits de l’action n° 4 fait apparaître une baisse significative d’environ 41 millions d’euros, principalement en raison de la diminution des dépenses consacrées au financement du budget régulier de l’ONU (– 15 millions d’euros) et aux opérations de maintien de la paix (– 15 millions d’euros) au titre de la baisse de la quote-part française ([13]), dont le calcul se fonde sur le revenu national brut des principaux États donateurs.
Stabilisée à hauteur de 118,1 millions d’euros de crédits dont les deux tiers concernent des dépenses de personnel, l’action n° 5 vise à financer les mesures de coopération que déploie la France avec les États partenaires afin de garantir la sécurité internationale et celle des ressortissants français à l’étranger. Pilotée par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD), cette action comprend l’animation du réseau des deux cent quatre-vingt-treize coopérants français ([14]) placés auprès des autorités des États partenaires et des organisations régionales dans le but de leur fournir une aide logistique, une expertise, un conseil et des formations destinés à renforcer leur capacité opérationnelle en matière de défense et de sécurité.
S’élevant à un montant de 308,7 millions d’euros pour 2026 – soit une hausse de près de 16 millions d’euros par rapport à 2025 – les crédits de l’action n° 6 financent notamment les frais de fonctionnement de l’administration générale à Paris et à Nantes ([15]), la gestion des ressources humaines, des réseaux numériques, du parc immobilier du ministère ([16]) et de sa sécurité.
L’action n° 7 regroupe les dépenses de fonctionnement, d’investissement et de personnel de l’ensemble du réseau diplomatique, soit un montant total de 783,9 millions d’euros pour 2026, ce qui représente une augmentation substantielle de près de 40 millions d’euros par rapport à 2025 essentiellement en raison de la hausse des dépenses de personnel. Ces crédits permettent également de financer l’entretien et la modernisation des postes diplomatiques, s’agissant notamment des travaux de rénovation immobilière (84,3 millions d’euros) et de sécurisation des bâtiments et du personnel (70,1 millions d’euros).
Créée par la loi de finances pour 2025 au sein du programme 105, l’action n° 8 regroupe les dépenses de personnel relevant du programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement, pour un montant total d’environ 178,8 millions d’euros pour 2026.
Créée par la loi de finances pour 2025 au sein du programme 105, l’action n° 9 regroupe les dépenses de personnel relevant du programme 151 Français à l’étranger et affaires consulaires, pour un montant total d’environ 214,1 millions d’euros pour 2026.
Créée par la loi de finances pour 2025 au sein du programme 105, l’action n° 10 regroupe les dépenses de personnel relevant du programme 151 Français à l’étranger et affaires consulaires, pour un montant total d’environ 66,5 millions d’euros pour 2026.
Créée spécifiquement par le projet de loi de finances pour 2026, l’action n° 12 finance à hauteur de 20 millions d’euros l’organisation du sommet du G7 que la France accueillera en juin 2026 à Évian. Ce budget comprend l’ensemble des dépenses afférentes à son organisation logistique, aux réunions diplomatiques préparatoires et aux actions de communication associées à la tenue de cet évènement international.
2. Le programme Français à l’étranger et affaires consulaires (programme 151)
Piloté par la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE), le programme 151 se compose de trois actions. Celles-ci ont pour objet de financer les principales missions de service public en faveur des ressortissants français à l’étranger – telles que la gestion de l’état civil, des titres d’identité, de l’aide sociale et des élections –, à octroyer des bourses scolaires en faveur des enfants des familles à revenus modestes et des élèves en situation de handicap, ainsi qu’à instruire les demandes de visa.
Le programme 151 vise deux objectifs : le renforcement de la qualité et l’efficience du service consulaire, s’agissant notamment de la réduction des délais de traitement des demandes et documents sollicités par les usagers, ainsi que la simplification des démarches administratives, à l’aide de la dématérialisation des procédures.
Les crédits dédiés au programme 151 dans le projet de loi de finances pour 2026 représentent 4,4 % des crédits de la mission Action extérieure de l’État, soit environ 154 millions d’euros. Le montant des dépenses du programme 151 diminue de 1,5 million d’euros en 2026, essentiellement en raison de la baisse corrélative du montant des bourses scolaires induite par la diminution constante du nombre d’élèves boursiers observée au cours des années précédentes, au titre de l’action n° 2 Accès des élèves français au réseau AEFE ([17]) et à la langue française.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 151 EN 2026
(en millions d’euros)
|
Action |
HT2 LFI 2025 |
T2 LFI 2025 |
Total LFI 2025 |
HT2 PLF 2026 |
T2 PLF 2026 |
Total PLF 2026 |
Évolution |
FDC et ADP 2025 |
FDC et ADP 2026 |
|
01– Offre d’un service public de qualité aux Français à l’étranger |
40,0 |
0 |
40,0 |
44,6 |
0 |
44,6 |
+ 11,38 % |
0 |
0 |
|
02 – Accès des élèves français au réseau AEFE et à la langue française |
111,5 |
0 |
111,5 |
107,0 |
0 |
107,0 |
– 4,01 % |
0 |
0 |
|
03 – Instruction des demandes de visa |
3,8 |
0 |
3,8 |
2,2 |
0 |
2,2 |
– 41,80 % |
0 |
0,2 |
|
Total |
155,3 |
0 |
155,3 |
153,8 |
0 |
153,8 |
– 0,97 % |
0 |
0,2 |
Source : projet annuel de performances (PAP) Action extérieure de l’État, projet de loi de finances pour 2026.
Deux objectifs sont assignés au programme 151 :
– tout d’abord, Renforcer la qualité et l’efficience du service consulaire grâce à l’amélioration continue de la qualité de service rendu aux 3,7 millions de Français établis à l’étranger ([18]) et aux demandeurs de visa par les agents des deux cent huit postes consulaires et Cinq cent six agences consulaires, répartis dans près de cent quarante pays. Cet objectif consiste à augmenter le nombre de documents délivrés chaque année par les agents des services consulaires et à réduire les délais de traitement des documents administratifs, s’agissant aussi bien des demandes d’établissement et de transcription d’actes d’état civil que de visas ;
– ensuite, Simplifier les démarches administratives, via la dématérialisation croissante des procédures applicables aux demandes d’actes d’état civil et d’inscription au Registre des Français à l’étranger, notamment grâce à la plateforme « www.service-public.fr ».
b. Les actions
Le programme 151 comporte trois actions.
L’action n° 1 regroupe près de 44 millions d’euros destinés à financer des dépenses de fonctionnement et d’intervention réparties en cinq pôles : la gestion de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), les missions du service public consulaire délivrant les documents administratifs aux ressortissants français (état civil, titres d’identité…), la modernisation de l’administration consulaire, les affaires sociales, ainsi que l’organisation des élections. Les élections consulaires pour le renouvellement des conseillers des Français de l’étranger et des délégués consulaires représentant les Français établis hors de France se tiendront en mai 2026. Leur préparation implique une dotation allouée à l’organisation matérielle et logistique du scrutin, atteignant au total près de 5,6 millions d’euros ([19]).
Quatre chantiers prioritaires ont été ouverts depuis 2021 :
– la dématérialisation de l’envoi des copies d’actes d’état civil intervenus à l’étranger et de la transcription d’un acte d’état civil étranger ([20]) ;
– la mise en place d’une nouvelle solution de vote par Internet pour les élections consulaires et législatives, dans un objectif de sécurisation accrue du processus grâce au recours à une authentification via l’identité numérique certifiée ;
– l’amélioration de la qualité du service public consulaire se traduit notamment par la montée en puissance du centre de contact « Service France consulaire », qui devrait couvrir l’ensemble des continents à la fin de l’année 2025 ;
La mise en place du Service France consulaire
Déployé dans cent quarante-six pays au 31 août 2025, le centre de contact consulaire « Service France consulaire » vise à offrir sans délai une réponse téléphonique de premier niveau aux questions générales des usagers, permettant ainsi aux consulats de se concentrer sur le traitement local des dossiers individuels, les urgences et la protection consulaire. L’extension de la couverture géographique réalisée au premier semestre 2025 ([21]) et l’activité croissante ([22]) de ce dispositif d’assistance se conjuguent au maintien d’un taux élevé de satisfaction des usagers, atteignant 89 %. Les économies tarifaires obtenues dans le cadre du nouveau marché conclu avec le prestataire du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ont permis de réduire le montant des crédits alloués à ce service de près de 900 000 euros pour 2026, soit un budget s’élevant désormais à 5 millions d’euros.
Source : projet annuel de performances (PAP) Action extérieure de l’État, projet de loi de finances pour 2026.
– la poursuite de l’expérimentation du renouvellement de passeport à distance avant son envoi par pli postal sécurisé. ([23])
Les projets de modernisation de l’administration consulaire s’appuient essentiellement sur la dématérialisation des procédures et la transformation des outils numériques, à l’image du registre de l’état civil électronique (RECE).
Partageant les observations formulées en 2024 par son prédécesseur, le rapporteur pour avis estime que la digitalisation du traitement des démarches administratives constitue une réelle opportunité pour réduire les coûts et simplifier les procédures. Il convient néanmoins de faire preuve de pédagogie afin de faciliter le recours à ces solutions numériques et de maintenir un accès humain – téléphonique ou physique – en faveur des publics les plus isolés et de ceux qui éprouvent encore de fortes difficultés à maîtriser l’usage de ces outils informatiques.
L’action n° 2 correspond, d’une part, à l’octroi de bourses scolaires au bénéfice des enfants des familles à revenus modestes dans le réseau de l’enseignement français à l’étranger et, d’autre part, à l’accompagnement scolaire des élèves en situation de handicap (ASESH).
Les crédits consacrés à l’accès des élèves français au réseau scolaire de l’AEFE et à la langue française s’élèvent à 107 millions d’euros en 2026 ([24]), soit une baisse de plus de 4 millions d’euros par rapport à l’année précédente.
Affectant exclusivement l’enveloppe consacrée aux bourses scolaires (104,5 millions d’euros), cette diminution se fonde sur la baisse de 10 % du nombre d’élèves boursiers constatée entre 2023-2024 ([25]) et 2024-2025 ([26]). Compte tenu des besoins croissants exprimés depuis 2024, le montant des crédits alloués à l’AESH est, pour sa part, revalorisé à hauteur de 500 000 euros pour atteindre 2,5 millions d’euros en 2026.
Le rapporteur pour avis rappelle que le pilotage de ces dépenses demeure complexe en raison des incertitudes entourant les prévisions du nombre de bénéficiaires potentiels des bourses scolaires et l’évolution des frais de scolarité dans le réseau de l’enseignement français à l’étranger. Il en résulte un risque de déconnexion entre le budget provisionné par le ministère ([27]) et la réalité des besoins exprimés chaque année, dans un contexte de dérapage inflationniste dont l’anticipation apparaît délicate. Ces dépenses ne doivent donc pas faire l’objet d’une sous-budgétisation au regard de l’importance que revêt cette aide financière décisive pour faciliter la présence à l’étranger de nombreuses familles françaises expatriées.
Lors de son audition, la directrice des Français à l’étranger et des affaires consulaires du MEAE a indiqué au rapporteur pour avis qu’une augmentation du montant des bourses scolaires pourrait être envisagée à compter de 2027 compte tenu de la hausse prévisionnelle des frais de scolarité dans de nombreux établissements d’enseignement.
L’action n° 3, menée conjointement avec le ministère de l’intérieur, concerne l’instruction des demandes de visa, dont la gestion des frais de contentieux de refus de visa depuis le 1er janvier 2022 ([28]). Après une très forte augmentation entre 2024 et 2025 (+ 1,3 million d’euros), le montant des crédits dévolus à cette action présente une baisse significative de 41,8 % en 2026, pour atteindre 2,2 millions d’euros, soit un montant légèrement inférieur à celui ouvert par la loi de finances initiale pour 2024. Cette évolution s’explique par les effets de la résorption du stock de dossiers non-traités entre 2011 et 2024 et la constatation d’une légère baisse tendancielle du flux de nouveaux dossiers au premier semestre 2025.
B. L’évolution des dépenses de personnel du quai d’orsay
1. La masse salariale et les emplois du MEAE
En 2025, les dépenses de personnel du MEAE représentent 1,39 milliard d’euros (hors contributions au compte d’affectation spéciale – CAS – Pensions), soit une hausse de près de 47 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2025. Après une première hausse de 100 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2023 et de 163 ETPT en 2024, les effectifs ont augmenté de 47 ETPT en 2025. En 2026, une augmentation de 49 ETPT est prévue, ce qui porte le plafond d’emplois à hauteur de 13 941 ETPT.
Si la poursuite de la hausse des effectifs du MEAE impulsée à la suite des états généraux de la diplomatie en 2023 s’inscrit dans l’objectif de création de 700 ETPT supplémentaires d’ici 2027, cette trajectoire semble inaccessible compte tenu des contraintes budgétaires actuelles. Selon les éléments communiqués par le MEAE au rapporteur pour avis, la tendance devrait même s’inverser au regard de la suppression prévisionnelle de 140 ETPT en 2027 et 2028 ([29]), conformément au principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite ([30]).
Le rapporteur pour avis considère que la nécessité incontournable de participer à l’effort de redressement des comptes publics ne doit cependant pas fragiliser outre mesure le volume des effectifs du MEAE, qui ont déjà été amputés de près de 3 000 ETPT entre 2006 et 2021.
Dans un contexte international particulièrement sensible, il convient de préserver les moyens humains indispensables au bon fonctionnement de notre diplomatie, conformément aux engagements pris par le président de la République et le gouvernement en 2023. Il s’agit autant de satisfaire l’exigence de cohérence et crédibilité de la programmation pluriannuelle des dépenses que de garantir l’efficacité de notre politique diplomatique à court et moyen termes.
2. L’allocation des effectifs supplémentaires
Les 49 ETPT supplémentaires dont bénéficiera le MEAE en 2026 correspondent au résultat des créations, suppressions et transferts de postes prévus dans les catégories d’emplois suivantes :
– 42 emplois supplémentaires de fonctionnaires ou d’agents sous contrat à durée indéterminée en administration centrale ;
– 26 emplois supplémentaires de fonctionnaires ou d’agents sous contrat à durée indéterminée dans le réseau diplomatique ;
– 5 emplois supplémentaires relevant de la catégorie des agents de droit local employés au sein du réseau diplomatique ;
– 9 emplois en moins d’agents contractuels à durée déterminée et de volontaires internationaux ;
– 2 emplois en moins de militaires ;
– 12 emplois de personnels de soutien à l’étranger transférés au ministère des armées.
L’augmentation des effectifs prévue en 2026 contribuera essentiellement à renforcer les personnels affectés aux missions relevant des actions n° 7 Réseau diplomatique et n° 9 Offre d’un service public de qualité aux Français à l’étranger ([31]) du programme 105, dans le prolongement des choix opérés depuis 2023, notamment afin d’étoffer les secrétariats généraux des postes diplomatiques les plus mobilisés.
II. Les contributions versées par la France aux opérations de maintien de la paix des Nations unies
S’élevant respectivement à un montant de 5,4 milliards de dollars et 205 millions d’euros sur l’exercice 2025-2026 ([32]), le budget global du maintien de la paix et la contribution de la France en la matière s’avèrent en constante diminution depuis le milieu des années 2010. En dépit d’une importante disparité de moyens humains et financiers constatée entre les onze OMP actuellement déployées, ces restrictions budgétaires fragilisent durablement leur activité. Celle‑ci fait par ailleurs l’objet de critiques croissantes quant à son efficacité, voire à son utilité concrète.
Si ces débats reflètent la fracturation de l’ordre international contemporain, des pistes de réformes ont été avancées afin d’améliorer le fonctionnement de cet outil encore nécessaire à la pacification des zones de conflit, ce qui correspond aussi bien à la raison d’être du modèle onusien qu’aux intérêts géopolitiques de la France.
A. S’inscrivant dans un cadre juridique précis, le budget global des OMP et la participation financière de la France présentent des montants en constante diminution depuis dix ans
En diminution constante depuis dix ans, l’enveloppe budgétaire dont disposent les onze OMP encore en activité présente des écarts notables selon les différentes missions, au regard de la nature des besoins exprimés et de la sensibilité des enjeux auxquels elles sont confrontées sur le terrain. La détermination et l’exécution de ce budget répondent à un cadre institutionnel précis au sein duquel des marges de négociation existent.
1. De fortes disparités de moyens entre les onze OMP en activité
Si les onze OMP actuellement déployées bénéficient d’effectifs et de moyens financiers très variables, le montant global de leur dotation est en baisse constante depuis une décennie.
a. Des moyens sensiblement différents selon les OMP
Créées successivement depuis 1948 et renouvelées jusqu’à ce jour, les onze OMP encore en activité se répartissent entre les continents africain, asiatique et européen. Près de 70 000 personnels civils et militaires sont actuellement mobilisés dans le cadre de ces missions.
OMP encore en activité en 2025
Source : ONU, fiche d’information sur le maintien de la paix.
Les moyens humains et financiers dont ces OMP disposent présentent une très forte hétérogénéité selon la sensibilité des théâtres d’opérations sur lesquelles elles interviennent. Les OMP déployées à Chypre et au Kosovo s’inscrivent en effet dans un contexte de « conflit gelé », à défaut d’être définitivement apaisé, ce qui réduit le rôle – certes essentiel – des forces onusiennes à des fonctions de surveillance voire de facilitation des échanges entre les communautés rivales, sans qu’un risque réel et imminent d’une reprise d’un conflit armé ne se matérialise.
À l’inverse, l’ampleur des enjeux sécuritaires et humanitaires dans la région du Sud-Soudan, de la République centrafricaine, du Sud-Liban ou de la République démocratique Congo impliquent la mobilisation de 10 000 à 20 000 personnels militaires et civils et l’allocation de budgets annuels compris entre 500 millions et plus de 1 milliard de dollars.
Bilan budgétaire et humain des omp encore en activité en 2025
|
OMP |
Date de création |
Personnels en activité en 2025 |
Total des pertes humaines depuis sa création |
Budget, en millions de dollars (2025-2026) |
|
Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) |
Avril 2014 |
18 625 |
216 |
1 174 |
|
Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) |
Juillet 2011 |
18 125 |
148 |
1 186 |
|
Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abiyé au Soudan du Sud (FISNUA) |
Juin 2011 |
3 615 |
59 |
309 |
|
Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) |
Juillet 2010 |
13 562 |
275 |
869 |
|
Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) |
Juin 1999 |
334 |
56 |
46 |
|
Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) |
Avril 1991 |
406 |
20 |
71 |
|
Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) |
Mars 1978 |
10 796 |
339 |
553 |
|
Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement sur le plateau du Golan (FNUOD) |
Mai 1974 |
1 295 |
59 |
70 |
|
Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFYCIP) |
Mars 1964 |
1 021 |
184 |
57 |
|
Groupe d’observateurs militaires des Nations Unies pour l’Inde et le Pakistan (GOMNUIP) |
Janvier 1949 |
113 |
13 |
10 |
|
Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve à la suite de la guerre israélo-arabe (ONUST) |
Mai 1948 |
363 |
54 |
38 |
Source : rapport pour avis, d’après les données publiées par l’ONU, septembre 2025.
Lors de son audition, le secrétaire général-adjoint aux opérations de paix des Nations unies, M. Jean-Pierre Lacroix, a rappelé que le budget des OMP s’élevait désormais à un niveau inférieur à celui du budget de la police new‑yorkaise. Cette image frappante révèle la faiblesse relative du montant des crédits alloués aux OMP et s’inscrit dans un contexte de diminution budgétaire amorcé depuis le milieu des années 2010.
b. Une diminution constante du budget global alloué aux OMP au cours de la dernière décennie
La baisse du budget global des OMP au cours de la dernière décennie s’explique principalement par la clôture des opérations conduites en Haïti en 2019, au Darfour en 2020 et au Mali en 2023 dont le montant cumulé atteignait près de 1,7 milliard d’euros en 2016.
Selon les chiffres communiqués par le MEAE au rapporteur pour avis, le montant total est ainsi passé de près de 7,7 milliards de dollars en 2016-2017 à 5,4 milliards de dollars en 2025-2026, soit une diminution de près de 30 % en moins de dix ans.
ÉVOLUTION DU BUDGET TOTAL DES OMP ENTRE
2016-2017 ET 2025-2026
|
Années |
Montant du budget |
|
2025-2026 |
5,4 milliards de dollars |
|
2024-2025 |
5,6 milliards de dollars |
|
2023-2024 |
6,1 milliards de dollars |
|
2022-2023 |
6,3 milliards de dollars |
|
2021-2022 |
6,1 milliards de dollars |
|
2020-2021 |
6,6 milliards de dollars |
|
2019-2020 |
6,7 milliards de dollars |
|
2018-2019 |
6,8 milliards de dollars |
|
2017-2018 |
7,1 milliards de dollars |
|
2016-2017 |
7,7 milliards de dollars |
Au-delà de la clôture des trois OMP précitées, l’évolution des budgets propres à chacune des onze OMP encore en activité n’est pas uniforme. Si la plupart d’entre eux demeurent relativement stables, d’autres connaissent une hausse significative, à l’instar de celui de la MINUSCA, dont les crédits ont augmenté de près de 300 millions de dollars depuis 2016, ou une baisse substantielle, à l’image des fonds alloués à la MONUSCO, dont le montant a diminué de 200 millions de dollars sur la même période.
Par ricochet, la participation financière de la France, observe une trajectoire similaire, le montant de son financement étant ainsi amputé de plus de la moitié au cours de la dernière décennie.
2. La participation financière de la France au budget des OMP
La France se hisse au 6e rang des États contributeurs au budget des OMP. Sous l’effet de la réduction du budget global de ces opérations et de la révision à la baisse de sa quote-part ([33]), le montant de ses financements a fortement diminué depuis 2016.
a. La France se stabilise au 6e rang des pays contributeur en dépit d’une baisse constante de sa quote-part
Révisée tous les trois ans, la quote-part de la France aux budgets des OMP est ainsi fixée à 4,6 % pour la période 2025-2028. Sur cette période, notre pays conserve son rang de 6e État contributeur, derrière les États-Unis (26,1 %), la Chine (23,7 %), le Japon (6,9 %), l’Allemagne (5,7 %) et le Royaume-Uni (4,7 %).
La France a vu sa quote-part baisser au cours des années récentes : sur les périodes 2022-2025 et 2019-2022, sa contribution s’élevait respectivement à 5,3 % et 5,6 %.
Compte tenu des budgets alloués aux OMP, le premier poste du financement versé par la France correspond aux fonds dédiés à la MINUSS au Soudan du Sud, à laquelle notre pays participera à hauteur de 52 millions d’euros ([34]) en 2026.
REPARTITION DE LA PARTICIPATION FINANCIERE
DE LA FRANCE ENTRE LES 11 OMP
(en euros)
Source : projet annuel de performances (PAP) Action extérieure de l’État, projet de loi de finances pour 2026.
Cette trajectoire budgétaire implique une très forte diminution du montant des crédits versés par la France aux OMP au cours de la dernière décennie, ce qui constitue l’un des principaux motifs d’économie budgétaire opéré par le MEAE.
Le montant des contributions versées par la France au budget des OMP a été divisé par plus de deux en moins de dix ans.
ÉVOLUTION DU MONTANT DE LA PARTICIPATION FINANCIERE DE LA FRANCE
AU BUDGET DES OMP DEPUIS 2016
|
Année |
Montant du budget prévu par le PLF |
|
2026 |
205 millions d’euros |
|
2025 |
220 millions d’euros |
|
2024 |
297 millions d’euros |
|
2023 |
300 millions d’euros ([35]) |
|
2022 |
270 millions d’euros |
|
2021 |
294 millions d’euros |
|
2020 |
307 millions d’euros |
|
2019 |
326 millions d’euros |
|
2018 |
385 millions d’euros |
|
2017 |
410 millions d’euros |
|
2016 |
506 millions d’euros |
Le MEAE précise qu’il demeure possible pour les pays de verser des contributions complémentaires, sur la base du volontariat, pour soutenir les efforts de l’ONU – sous forme de services de transport, de personnels et de ressources financières – en plus d’assumer leur part des dépenses de maintien de la paix. Ces contributions sont extra-budgétaires et n’abondent pas directement le budget consacré aux OMP. La France ne réalise pas de contributions volontaires additionnelles directement versées aux OMP mais elle finance le Département des opérations de paix (DOP) du secrétariat des Nations unies, à hauteur de plusieurs millions d’euros chaque année.
La détermination du budget des OMP et, subséquemment, celle du montant de la participation financière de la France, sont assujetties à des règles prévues par le système onusien, tant au niveau de la négociation préalable que de l’exécution des dépenses.
3. Le cadre institutionnel de la négociation et de l’exécution des dépenses des OMP
La participation financière des États au budget des OMP correspond à une quote-part qui repose sur un barème révisé tous les trois ans. L’Assemblée générale de l’ONU adopte chaque année le budget propre à chaque OMP, l’exécution des dépenses étant ensuite effectuée sous la supervision du secrétariat.
a. Les règles de calcul du barème applicable au financement des OMP
Le barème de calcul déterminant la quote-part des États dans le financement des OMP est similaire à celui applicable au budget ordinaire de l’ONU. Il comprend cependant des dégrèvements supplémentaires pour les pays en développement ([36]), ainsi que des rabais « exceptionnels » issus de négociations passées et ne reposant sur aucune véritable justification économique ([37]). Ces rabais sont financés par une majoration de la quote-part des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, en raison de la responsabilité particulière qui leur incombe en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationale, proportionnellement à leur quote-part initiale.
Les barèmes reposent sur la « capacité de paiement » des États membres. Ils se fondent sur les éléments et critères de calcul suivants :
– la capacité de paiement est estimée en fonction du revenu national brut (RNB) ([38]) ;
– le taux de conversion utilisé pour convertir les devises en dollars est le taux de change du marché selon une moyenne annuelle ;
– les pays en développement bénéficient d’un ajustement au titre de leur endettement ([39]) ;
– les États dont le RNB par habitant ([40]) est inférieur à la moyenne mondiale bénéficient par ailleurs d’un dégrèvement égal à 80 % de l’écart entre le RNB moyen du pays et la moyenne mondiale ;
– un plancher de contribution fixé à 0,001 % du budget des OMP est appliqué pour tous les États ;
– deux plafonds sont également définis, l’un s’élevant à 0,01 % pour les pays les moins avancés, l’autre à hauteur de 22 % pour l’ensemble des États ([41]). Ce plafond est relevé à 27 % ([42]) s’agissant spécifiquement du barème des OMP.
La méthodologie actuelle de calcul du barème des OMP a été définie en 2001, concomitamment à la dernière révision des règles déterminant le barème applicable au budget ordinaire de l’ONU. Tout comme celui-ci, le barème des OMP apparaît partiellement décorrélé des évolutions économiques récentes. À titre d’exemple, la représentation permanente de la France à l’ONU précise que l’Inde, le Brésil et l’Indonésie, bénéficient encore d’un dégrèvement de 80 %.
b. La procédure d’adoption du budget des OMP par l’Assemblée générale
Les quotes-parts des États sont révisées tous les trois ans au sein de la cinquième commission de l’Assemblée générale, chargée des questions administratives et budgétaires. Elles sont adoptées par consensus, ce qui nécessite donc l’accord de tous les États membres. Négocié au cours des mois de mai et juin, le budget de chaque OMP couvre la période qui s’étend du 1er juillet au 30 juin de l’année civile suivante.
La France joue un rôle décisif au sein de ces négociations, en lien avec ses partenaires européens. L’objectif vise à financer de manière adéquate les OMP, celles-ci devant disposer des ressources nécessaires à la bonne mise en œuvre des mandats fixés par le Conseil de sécurité, tout en visant à une plus grande efficience des moyens alloués.
La procédure se structure selon plusieurs étapes.
Premièrement, pour la préparation du budget, les chefs de mission de chaque OMP ont la responsabilité d’établir leurs propositions budgétaires en s’appuyant sur le dernier mandat approuvé par le Conseil de sécurité. À l’issue d’échanges au sein de ses services, le secrétaire général présente ses propositions de budget à l’Assemblée générale. Les budgets sont établis sur la base de planifications stratégiques et de résultats opérationnels anticipés et détaillés dans la proposition initiale.
Chaque budget est réparti selon trois catégories :
– dépenses dites du « Groupe I » : ces dépenses concernent en majeure partie les versements effectués aux pays contributeurs de soldats et de policiers répartis par catégorie de personnel et établis selon les taux de remboursement convenus par l’Assemblée générale tous les quatre ans ([43]). Le Conseil de sécurité détermine le plafond des effectifs militaires et de police pouvant être déployés et la cinquième commission examine les ressources nécessaires au nombre de personnes effectivement déployées sur le terrain pendant la période concernée ;
– dépenses dites du « Groupe II » : elles représentent les frais en personnels et les frais associés à toutes les catégories du personnel civil et les emplois contractuels dans l’exécution du mandat des OMP. L’Assemblée générale peut décider d’ajuster le nombre de postes existant ;
– dépenses dites du « Groupe III » : il s’agit des coûts opérationnels relatifs à l’ensemble des dépenses nécessaires à la conduite de la mission s’agissant de la prise en charge des transports aériens et terrestres, de la maintenance des infrastructures, ou encore de l’approvisionnement en matériel. Elles peuvent être affectées par différents protocoles d’achats et de contrats, dans le respect des règles et règlements de l’ONU.
Le comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) ([44]) examine ensuite les différentes propositions budgétaires. Il fournit pour chacune d’entre elles un rapport contenant ses commentaires et recommandations pour l’Assemblée générale. Ces recommandations ont un rôle central car elles sont réputées endossées par l’Assemblée générale, sauf si celle-ci les refuse explicitement. De même, dans l’éventualité – théorique – où aucun consensus ne peut être trouvé entre États membres sur le budget d’une OMP, c’est le niveau de ressources recommandé par le CCQAB qui sera finalement adopté.
Pour chaque OMP, la cinquième commission examine les propositions budgétaires pour l’année à venir, le rapport d’exécution pour l’exercice précédent, et le rapport du CCQAB correspondant. Une session de questions-réponses ciblées permet aux délégués de la cinquième commission de compléter et de clarifier les informations ; lorsque toutes les questions ont été traitées, les délégations peuvent soumettre leurs propositions et entamer les négociations afin de déterminer le montant des budgets qu’il conviendra d’allouer aux OMP.
Les négociations conduites par la cinquième commission concernent tous les aspects administratifs et budgétaires des OMP. Ainsi, les résolutions finales peuvent inclure des éléments budgétaires, des décisions relatives à la gestion des postes mais aussi des éléments de « politique générale » jugés pertinents par la cinquième commission dans les limites des mandats fixés par le Conseil de sécurité. Après avoir trouvé un accord sur les niveaux de ressources requis pour chaque mission, les délégués peuvent finaliser les résolutions propres à l’adoption de chacun des budgets. Dès lors que ces derniers sont approuvés par l’Assemblée générale, le secrétaire général adresse aux États membres des lettres de mise en recouvrement pour chaque OMP, indiquant le montant de leur contribution pour la période en cours selon le barème applicable au financement des OMP. Les États membres sont alors invités à verser leurs contributions dans un délai d’un mois à compter de la réception des notifications.
c. L’exécution des dépenses sous la supervision du secrétariat de l’ONU
Depuis 2019 et la mise en place par le secrétaire général António Guterres de la réforme de la gestion de l’ONU ([45]), un système de délégation d’autorité a permis de transférer davantage de responsabilités du siège de l’ONU vers les responsables des OMP nommés par le secrétaire général, tant en matière de ressources humaines et de finances que d’achats et de logistique. La gestion s’effectue dans le respect du règlement financier onusien. Les chefs de mission veillent à l’exécution du budget approuvé avec une certaine flexibilité pour faire face aux variations de différents paramètres de coûts et de prix. Les réaffectations entre catégories de dépenses sont autorisées – le budget de l’OMP étant intégralement fongible – mais doivent être dûment justifiées et sont en général utilisées pour couvrir des frais de personnel plus élevés que prévus. Ces situations concernent essentiellement les recrutements, redéploiements et revalorisations salariales pouvant aboutir à une augmentation des frais de personnel.
Si un changement de mandat, une situation exceptionnelle ou un imprévu au cours de la période entraîne un besoin absolu de ressources supplémentaires, les responsables des OMP peuvent solliciter une autorisation d’engagement de dépenses pour le montant correspondant. Dès lors que ce montant est inférieur à 50 millions de dollars, le pouvoir de décision relève du CCQAB. Au-delà de ce seuil, la demande doit être examinée par la cinquième commission sur recommandation du CCQAB. Un processus similaire s’applique au démarrage de nouvelles missions. Pour de tels déploiements, ou pour le renforcement de missions existantes, le Fonds de réserve pour le maintien de la paix, créé en 1993 et doté de 150 millions de dollars par an, constitue un mécanisme de trésorerie dans lequel le secrétariat peut puiser afin de couvrir ces nouvelles dépenses.
À la fin de chaque exercice, les responsables des OMP établissent un rapport d’exécution indiquant les dépenses et les résultats obtenus par rapport aux propositions initiales. Ces rapports sont soumis à la cinquième commission au moment de l’examen de la demande de budget pour l’exercice suivant.
Enfin, l’exécution budgétaire des OMP fait l’objet d’un audit réalisé par le Comité des commissaires aux comptes des Nations unies. Depuis 2022 et jusqu’en 2028, la France est membre de ce Comité et a présidé, en 2024, le Panel des auditeurs externes, qui rassemble les douze vérificateurs externes des comptes des Nations unies, des institutions spécialisées et de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Indépendamment des exigences procédurales prévues par le cadre onusien, des difficultés budgétaires sont progressivement apparues, affectant de façon grave et durable le financement des OMP, au point de compromettre la réalisation de leurs missions.
B. Un contexte budgétaire durablement dégradé qui témoigne des multiples fragilités structurelles affectant les OMP
La dégradation du contexte budgétaire dans lequel évoluent les OMP se conjugue à l’expression de critiques, voire d’une défiance, à l’encontre des missions qu’elles accomplissent sur le terrain.
1. Une crise de financement désormais incontournable, qui met en péril la capacité d’action des OMP
Au-delà de la baisse constante du budget des OMP depuis la fin des années 2010, la crise de liquidités actuelle impose des mesures de « rabot » budgétaire prises dans l’urgence, ce qui porte directement préjudice au bon fonctionnement des OMP.
a. La multiplication des arriérés de paiement
Selon les chiffres communiqués par le MEAE au rapporteur pour avis, le montant total des arriérés de paiement aux OMP ([46]) s’élève à 1,95 milliard de dollars, dont 1,26 milliard de dollars pour les OMP encore en activité et 696 millions de dollars pour les OMP clôturées. Le montant des arriérés de paiement augmente de façon continue, alors même que les budgets des OMP sont tendanciellement en baisse.
Les arriérés de paiement imputables aux États-Unis représentent 78 % des sommes en jeu, soit un montant atteignant 1,52 milliard de dollars pour l’ensemble des OMP ([47]). Les autres principaux États concernés sont la Russie (123 millions de dollars), le Venezuela (93 millions de dollars), l’Ukraine (79 millions de dollars), la Biélorussie (36 millions de dollars), le Chili (24 millions de dollars) et l’Iran (24 millions de dollars). Le rapporteur pour avis se félicite que la France s’acquitte de ses contributions en intégralité et dans les délais impartis, demeurant ainsi un partenaire fiable pour les Nations unies.
L’absence de véritable mécanisme de sanction dissuasive applicable à l’encontre des États « mauvais payeurs » n’incite pas ces derniers à se conformer rapidement à leurs obligations financières. L’article 19 de la Charte des Nations unies prévoit la suspension du droit de vote – à l’Assemblée générale uniquement – d’un État membre en cas d’arriérés égaux ou supérieurs au montant des contributions dues par celui-ci pour les deux années complètes écoulées ([48]). L’Assemblée générale peut néanmoins autoriser ce membre à participer au vote si elle constate que le manquement est dû à « des circonstances indépendantes de sa volonté ». En outre, des échéanciers de paiement pluriannuels peuvent être mis en place par les États volontaires : il s’agit d’un calendrier volontaire de versement des futurs paiements qui vise à éliminer les arriérés de contribution dans un délai déterminé ([49]).
En conséquence, les arriérés s’accumulent année après année, entraînant un « effet boule de neige » qui fragilise durablement la trésorerie des OMP. Cette situation engendre mécaniquement une crise de liquidités, les budgets des OMP ne pouvant donc pas être exécutés conformément aux sommes provisionnées par les résolutions adoptées par l’Assemblée générale.
Selon le MEAE, il existe une forte incertitude quant à la volonté des États‑Unis de s’acquitter de leurs futures contributions au titre des OMP. Dans sa proposition de budget pour 2026, qui devait théoriquement être adoptée par le Congrès avant le 1er octobre, l’administration Trump a supprimé l’ensemble des contributions obligatoires devant être versées à l’ONU, incluant le budget des OMP. Par compensation, il a été proposé de créer un fonds de contributions volontaires (« America First Opportunities Fund ») doté de 2,1 milliards de dollars et destiné à financer des programmes d’aide extérieure ciblés. Le cas échéant, et si l’administration le jugeait approprié, ce fonds pourrait alors être utilisé pour couvrir les contributions obligatoires aux Nations unies. Ces propositions pourraient néanmoins être modifiées par le Congrès américain, à l’issue du « shutdown » provoqué par la non-adoption du budget fédéral à ce jour.
b. Des « coupes » budgétaires inéluctables à court terme
Face à l’aggravation brutale des difficultés budgétaires et aux perspectives de crise accrue de liquidités dès l’année prochaine, le Secrétariat de l’ONU tente d’articuler un plan d’économies structurelles dans le cadre de l’initiative « ONU 80 » avec la mise en œuvre de coupes budgétaires immédiates. Selon les propos tenus par Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général-adjoint aux opérations de paix, lors de son audition, l’enjeu consiste à préserver l’exercice des mandats des OMP en absorbant le manque actuel et futur de ressources financières. M. Lacroix a également indiqué qu’une concertation étroite avec l’Union européenne est en cours, tant pour coordonner les réponses financières que pour anticiper les impacts opérationnels des ajustements budgétaires. Cette coordination s’inscrit dans la recherche d’une prévisibilité accrue des flux de trésorerie et d’une vision partagée des priorités capacitaires.
Lors du déplacement effectué à Nicosie, les représentants de la Force des Nations unies chargée du maintien de la paix à Chypre (FNUCHY) ont résumé de façon plus brutale les conséquences de ces restrictions budgétaires : il s’agira concrètement de « faire moins avec moins d’argent », quitte à sacrifier une partie des objectifs que leur a assignés le Conseil de sécurité. Dans ce contexte, le secrétaire général de l’ONU est donc contraint de mettre en place des mesures de restriction des dépenses à hauteur de 15 % de leur budget annuel actuel, telles que le gel des recrutements, la recherche d’efficience pour réduire les coûts opérationnels autant que possible ou encore les retards dans le remboursement aux pays fournisseurs de troupes du paiement des frais de matériels, voire des soldes des casques bleus.
Les mesures de restriction budgétaire affectant les OMP et les conséquences opérationnelles qui en découlent
Les difficultés financières auxquelles l’ONU est confrontée obligent les missions de maintien de la paix à réduire leurs opérations d’environ 25 %, ce qui affecte considérablement leur capacité à protéger les civils et à faire progresser la paix dans les zones de conflit à travers le monde. Cette situation découle directement du non-paiement par certains États membres de leurs contributions obligatoires, c’est-à-dire des montants qu’ils sont tenus de verser au budget ordinaire de l’ONU et à celui du maintien de la paix. Cela a créé un écart considérable entre les sommes approuvées pour les missions et les fonds réellement disponibles pour l’année en cours, aggravant les déficits déjà accumulés les années précédentes.
« Nous n’avons pas d’autre choix que de mettre en œuvre les plans visant à éviter l’effondrement financier des opérations, et nous regrettons évidemment profondément d’avoir à le faire, mais nous n’avons, encore une fois, pas d’autre option », a déclaré M. Jean-Pierre Lacroix, lors d’une conférence de presse le 8 octobre 2025.
Les missions devront réduire leurs dépenses de 15 % par rapport à leur budget annuel actuel. Comme cela doit se faire en seulement neuf mois et compte tenu des coûts liés au rapatriement des casques bleus et de leur équipement, cela impliquera une réduction de 25 % du personnel policier et militaire, ainsi qu’un nombre important d’employés civils. Même si les casques bleus continueront de faire tout leur possible pour protéger les civils, faciliter l’aide humanitaire et soutenir les processus de paix, les missions devront reporter ou annuler certaines de leurs activités. La réduction du personnel signifie qu’il y aura moins d’effectifs pour surveiller les cessez-le-feu et prévenir l’escalade des tensions dans des zones comme le Liban, le Sahara occidental ou le plateau du Golan. Cela veut aussi dire moins de moyens pour prévenir les violences dans des pays tels que la République démocratique du Congo, le Soudan du Sud et la République centrafricaine. Moins de personnel en uniforme et civil, c’est aussi moins de patrouilles, moins d’espaces sûrs et une capacité réduite à répondre aux menaces et à protéger les civils. Une présence plus limitée de l’ONU risque de créer des vides dans des zones fragiles, d’encourager les groupes armés et de compromettre les progrès durement acquis. Moins de bureaux sur le terrain et une mobilité réduite rendront également plus difficile la facilitation de la livraison de l’aide humanitaire.
Ces réductions exposent également les Casques bleus qui restent sur place à un risque accru, car les contingents plus petits et disposant de moins de ressources sont davantage exposés aux menaces sans le soutien logistique et opérationnel nécessaire.
Source : ONU, Les contraintes budgétaires menacent les efforts de paix, 16 octobre 2025.
Ce choc budgétaire est à la fois conjoncturel et structurel au regard des prévisions établies par les acteurs du maintien de la paix auditionnés dans le cadre du rapport pour avis. Il affectera négativement l’ensemble des onze OMP encore en activité, au risque d’affaiblir dangereusement les moyens capacitaires déployés par l’ONU sur le terrain. Ainsi, le désarmement du Hezbollah au Sud-Liban, la lutte contre les groupes armés en République démocratique du Congo, la prévention des tensions en République centrafricaine et des menaces pesant sur les civils au Sud‑Soudan apparaissent sérieusement compromis.
Au-delà des seuls enjeux sécuritaires, le rôle des OMP en tant que facteur de stabilisation sera inévitablement altéré. Lors de son audition, l’ambassadeur de France au Liban a ainsi rappelé que la FINUL mène des actions sociales de proximité en faveur des populations civiles telles que la fourniture de soins médicaux et vétérinaires gratuits, de formations (informatique, langues, etc.) et d’appuis ponctuels aux services essentiels. Ces activités s’inscrivent notamment dans le cadre des « Quick Impact Projects » (QIP), destinés à répondre à des besoins urgents, à l’image de l’accès à l’eau, à l’électricité et à la voirie. Ces actions nourrissent directement l’acceptabilité locale de la mission dans un contexte de crise économique et institutionnelle au Liban. Les restrictions budgétaires fragilisent donc la capacité de la FINUL à poursuivre ses différentes missions d’ici à la clôture de son mandat prévu à compter du 1er janvier 2027.
Pour autant, le rapporteur pour avis considère que « l’arbre budgétaire » ne saurait cacher la « forêt géopolitique » : la remise en cause des OMP s’enracine dans des critiques de fond. Si certaines d’entre elles peuvent s’avérer légitimes et pertinentes quant à l’efficacité insuffisante des missions conduites par l’ONU, elles révèlent, en creux, une forme de défiance à l’encontre du modèle onusien du maintien de la paix.
2. Des critiques de fond qui traduisent l’expression d’une certaine défiance à l’encontre du modèle onusien du maintien de la paix
Soulevant des interrogations réelles quant à leurs performances concrètes, les OMP font l’objet de débats qui révèlent plus profondément la fragmentation du système international, en premier lieu au sein du Conseil de sécurité.
a. Les OMP, victimes collatérales de la fracturation de l’ordre international
La fin de la Guerre froide au début des années 1990 a ouvert une « parenthèse enchantée » qui a rendu possible un accord des membres permanents du Conseil de sécurité pour créer plusieurs dizaines d’OMP jusqu’au début des années 2010, en sus de la pérennisation de celles mises en place dès 1948.
La phase de croissance enclenchée à la fin des années 1980 a ainsi atteint un pic en 1999, avec trente-trois OMP en activité à l’aube du XXIe siècle, soit trois fois plus qu’aujourd’hui. Le recours accru aux OMP au cours des années 1990 a souligné le dynamisme et l’intérêt de cet instrument international afin de contribuer à la pacification des situations, à l’image du succès de la Mission préparatoire des Nations Unies au Cambodge (MIPRENUC) créée en octobre 1991 à la suite de l’accord de paix signé à Paris.
Nombre d’OMP créées et en activité entre 1945 et 2025
Source : Assemblée nationale, rapport d’information n° 2732 de Laurence Vichnievsky et Jean-Paul Lecoq sur la crise de l’Organisation des Nations unies et les perspectives de réforme, 5 juin 2024, p. 86.
Depuis une dizaine d’années, la multiplication de l’usage du veto par les États-Unis et la Russie sur les projets de résolution examinés au sein du Conseil de sécurité, s’agissant notamment des conflits en Ukraine et au Proche-Orient, souligne l’accroissement des divergences d’approches entre les États. D’une part, les reproches formulés par les États-Unis à l’encontre du système onusien et la dénonciation de son coût prétendument excessif témoignent d’une défiance manifeste vis-à-vis du maintien de la paix tel que pratiqué au cours des dernières décennies. D’autre part, l’émergence controversée d’un « Sud global » dont la Russie et la Chine revendiquent le leadership aboutit à reléguer les OMP au rang d’outils perpétuant indirectement la domination de l’Occident sur le reste du monde.
Cette évolution limite corrélativement les perspectives de création de nouvelles OMP. Elle conduit également les grandes puissances à privilégier le statu quo des mandats des OMP en cours d’activité, voire à se résigner à la clôture de certaines d’entre elles – à l’image de la MINUSMA en 2023 ou de la FINUL à compter de 2027 – en l’absence de consensus sur les moyens à fournir à ces différentes missions et les objectifs qu’elles sont censées atteindre.
b. Les OMP à l’épreuve de faiblesses structurelles qui suscitent des critiques récurrentes
La diminution constante du budget des OMP conjuguée aux coupes budgétaires décidées en 2025 accentuent les critiques, fondées, relatives à l’inadéquation des moyens qui leur sont attribués aux ambitions qu’elles poursuivent. Si les difficultés financières croissantes auxquelles elles sont confrontées aggravent le problème, d’autres faiblesses largement documentées expliquent également ce décalage, au risque de compromettre durablement la crédibilité de leurs missions.
Ainsi, la fragilité du cadre juridique dans lequel les casques bleus et effectifs civils interviennent, s’agissant notamment des modalités de recours à la force, et la coopération aléatoire – voire inexistante – dont ils bénéficient de la part des autorités locales et régionales soulignent les défaillances structurelles des OMP. Dans le rapport d’information publié en janvier 2023 sur le déplacement d’une délégation de la commission des affaires étrangères lors de la 77e session de l’Assemblée générale des Nations unies, le rapporteur pour avis établissait clairement ce constat : « Plus que jamais, le succès des OMP dépend de leur acceptabilité locale et de la coopération des autorités des États hôtes. Le Mali constitue, à cet égard, un contre-exemple assez significatif. Il est néanmoins difficile de faire comprendre aux populations et aux autorités des pays concernés qu’une opération conduite par l’ONU ne peut pas tout régler, surtout si le mandat du Conseil de sécurité n’apporte pas les moyens juridiques nécessaires à son efficacité sur le terrain. Face à la multiplication des situations hybrides, faisant intervenir des belligérants non-étatiques dans un contexte local mouvant, le fondement du chapitre VII de la Charte des Nations Unies apparaît de plus en plus nécessaire pour offrir aux casques bleus toute latitude pour agir si besoin. ». ([50])
Les mandats trop ambitieux ou à l’inverse trop restrictifs adoptés par le Conseil de sécurité, sans véritable hiérarchisation des priorités ni capacité à œuvrer en faveur d’une solution politique réaliste afin de mettre un terme aux conflits, engendrent un sentiment d’impuissance. La dilution des responsabilités qui en résulte ne permet pas non plus de clarifier le rôle des différentes parties prenantes, ce qui favorise une forme d’inertie et expose les OMP à un risque d’enlisement.
En outre, leur performance est également fragilisée par des défaillances logistiques et opérationnelles liées en partie au sous-équipement et au manque d’expérience des contingents nationaux susceptibles d’être mobilisés sur les différents théâtres d’opérations, ainsi que l’observent Laurence Vichnievsky et Jean-Paul Lecoq dans leur rapport d’information présenté en juin 2024 : « […] l’envoi de militaires peu aguerris et insuffisamment équipés complique l’exécution des OMP sur le terrain, dans un contexte où les menaces sécuritaires évoluent et s’amplifient, mêlant criminalité organisée et risques terroristes. La vétusté du matériel de guerre dont certaines troupes disposent contraste avec les moyens mobilisés par les groupes armés auxquels elles se confrontent, accentuant l’asymétrie des rapports de force sur le terrain. Ces défaillances logistiques peuvent aussi expliquer la passivité des casques bleus sur les zones de conflit […] ». ([51])
Malgré leurs défauts, les OMP suscitent des réactions souvent ambivalentes de la part des autorités locales concernées. Si le départ des contingents de l’ONU est parfois publiquement réclamé, arguant d’un prétexte de souveraineté nationale, le besoin de neutraliser certains groupes armés rebelles ou de maintenir un « pare‑feu » empêchant la reprise des hostilités demeure prégnant, à l’image des interrogations entourant l’avenir de la MONUSCO en République démocratique du Congo.
Ces diverses critiques se conjuguent à la volonté exprimée par certains États contributeurs, notamment les États-Unis, de créer des missions ad hoc dans le but de s’affranchir du cadre juridique et budgétaire prévu par l’ONU. Cette tentative de « contournement » du modèle onusien, envisagé par exemple à Haïti ou à Gaza, n’est pas l’option privilégiée par la France. Lors de leur audition, les représentants de la direction générale des affaires politiques et de sécurité du MEAE ont rappelé la nécessité d’agir conformément à un mandat des Nations unies, ce qui garantit une planification solide des opérations et la pérennité de leur financement.
Il apparaît désormais indispensable d’engager des réformes structurelles destinées à renforcer l’efficience des OMP, cet objectif s’inscrivant pleinement dans la défense des intérêts stratégiques de la France sur la scène internationale.
C. La nécessité de renforcer l’efficience des OMP et de conforter le rôle de la France en la matière
Plusieurs pistes de réflexion doivent être véritablement approfondies afin d’améliorer l’efficience des OMP, à l’épreuve d’un contexte budgétaire durablement dégradé. La réforme des OMP constitue également une opportunité à saisir pour notre diplomatie et nos armées, afin de défendre les intérêts stratégiques de la France sur la scène internationale.
1. Des pistes de réforme pour moderniser efficacement les OMP
Dans le cadre des entretiens menés en vue de l’élaboration du rapport pour avis au Kosovo, le représentant spécial adjoint de la MINUK a souligné que l’étendue du travail accompli par les forces onusiennes à Pristina était, certes, moins visible que dans des zones de conflit de haute intensité mais tout aussi précieux, compte tenu de la fragilité de la situation. Estimant en effet que « le silence des armes ne signifie pas la paix absolue », le travail de l’ombre réalisé par les personnels militaires et civils contribue utilement et manière multiforme ([52]) à la désescalade des tensions entre les communautés albanaises et serbes, dix-sept ans après l’indépendance du Kosovo et vingt-six ans après la fin du conflit en ex‑Yougoslavie.
Pour autant, des orientations claires et partagées par l’ensemble des parties prenantes pourraient être définies afin d’améliorer le fonctionnement des OMP. En ce sens, la mise en place de sanctions dissuasives à l’encontre des États « mauvais payeurs » ne représente pas une solution juridique réaliste compte tenu des règles applicables à la procédure de révision de la Charte des Nations unies ([53]). Le rapporteur pour avis considère que les pistes de réforme crédibles se distinguent en deux catégories principales, l’une relevant de la stratégie politique, l’autre ayant trait à une logique plus administrative.
a. Clarifier les mandats et renforcer la coordination avec l’ensemble des acteurs locaux
La complexité ou l’ambition parfois démesurée des mandats adoptés par le Conseil de sécurité sur la base desquels les OMP se déploient ne facilitent pas l’exercice de leurs missions. Il conviendrait donc de clarifier et de hiérarchiser de façon précise les objectifs poursuivis, en privilégiant la protection des civils sur des projets plus vastes de « state-building ». Ces derniers apparaissent en effet trop souvent déconnectés des réalités locales et nourrissent indirectement les reproches d’ingérence adressés à l’encontre des Nations unies, au risque de discréditer l’action des casques bleus et des personnels civils.
Surtout, il semble nécessaire d’intensifier la coopération avec l’ensemble des acteurs intervenant sur les théâtres d’opérations, qu’il s’agisse de la société civile et des communautés qui la composent, ainsi que des autorités nationales et régionales qui ont vocation à jouer un rôle de « facilitateur » auprès des Nations unies.
La présence concomitante de missions onusiennes et d’autres opérations menées par des acteurs régionaux, telle que l’Union africaine (UA), l’UE ou l’OTAN ([54]) au sein d’une même zone est très fréquente. Elle traduit la complémentarité entre ces missions, dont l’objectif global est similaire mais dont les points d’application diffèrent. En République démocratique du Congo, les missions de la communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) en 2022-2023 et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) en 2023-2025 se distinguaient de la mission de la MONUSCO par leur mandat offensif. Dans les deux cas, des dispositifs de coopération ont été renforcés, grâce à l’adoption en août 2024 d’une résolution du Conseil de sécurité pour le soutien à la mission de la communauté de développement d’Afrique australe en République démocratique du Congo.
À ce titre, la résolution adoptée par le Conseil de sécurité le 21 décembre 2023 détermine le cadre juridique et financier applicable à la coopération entre l’ONU et l’UA. La résolution établit ainsi les modalités du soutien humain, militaire, logistique et financier qu’apportera l’ONU aux opérations de paix menées par l’UA, sur la base d’un mandat adopté par le Conseil de sécurité. Dans ce cadre, l’ONU pourra s’engager à prendre en charge jusqu’à 75 % du montant du budget annuel de ces opérations de paix. Pour autant, ce mécanisme n’a pas encore été mis en œuvre à ce jour, alors qu’il constitue un levier prometteur de coordination renforcée entre l’ONU et l’UA pour garantir voire rétablir la paix et la sécurité dans les zones de conflit.
De façon plus générale, l’implication systématique des autorités du pays hôte de l’OMP doit également s’accompagner de campagnes de communication conjointe afin d’expliquer la teneur des mandats octroyés aux forces onusiennes et de valoriser le travail mené par les missions. Cet exercice de pédagogie revêt naturellement une dimension proactive et réactive de lutte contre la désinformation visant les OMP et l’ensemble de leur personnel.
b. Rénover la gestion opérationnelle et budgétaire
Outre les orientations stratégiques précitées, la fluidification de la gestion administrative des OMP s’avère importante afin de les rendre plus efficientes. Si l’instauration d’une véritable chaîne de commandement unifiée entre le secrétariat et les chefs des OMP doit favoriser la reddition des comptes et la circulation de l’information, il convient en priorité de développer l’autonomie de gestion dont disposent ces derniers, dans un souci de réactivité et de proximité.
Sur le plan managérial, des rigidités administratives entravent l’efficacité de la gestion des ressources humaines. Ainsi, les règles onusiennes conduisent à ce que toute création ou suppression de poste civil en mission nécessite une validation préalable par le siège de l’ONU à New York ; cette procédure complexe et lourde freine la réaffectation rapide des personnels là où les besoins évoluent.
Pour corriger ces effets d’inertie, M. Lacroix a plaidé lors de son audition en faveur de la possibilité offerte aux chefs de missions de pouvoir réallouer des postes entre programmes sans solliciter systématiquement l’accord préalable des organes intergouvernementaux ou des comités techniques associés à l’Assemblée générale. Là encore, cette flexibilité accrue irait de pair avec une redevabilité renforcée devant les États membres : l’idée n’est donc pas de desserrer le contrôle politique mais de fluidifier la gestion pour accélérer les réponses et mieux utiliser des ressources de plus en plus rares.
En ce qui concerne le contrôle financier des OMP, le rapporteur pour avis partage les observations émises par le comité des commissaires aux comptes des Nations unies ([55]) qui préconise d’améliorer la transparence des bilans comptables et d’effectuer une évaluation plus fine des risques en tant que critère d’attribution de moyens.
Enfin, en matière budgétaire, des évolutions pourraient utilement être enclenchées, sans pour autant remettre en cause l’existence de budgets séparés entre, d’une part, celui dit « ordinaire » relatif au fonctionnement des organes principaux de l’ONU, et d’autre part, celui finançant les OMP.
L’existence de deux budgets séparés se justifie en effet par une différence fondamentale de nature entre ces deux types de dépenses. Si une fusion de ces budgets pourrait théoriquement avoir pour avantage de rendre plus lisibles les procédures administratives et budgétaires, elle se heurterait à plusieurs écueils tels que :
– des blocages politiques en raison de l’existence actuelle de deux barèmes légèrement différents en raison d’une contribution plus importante des cinq membres permanents du Conseil de sécurité pour le budget des OMP ;
– un risque de rigidité supplémentaire dans la gestion opérationnelle des missions, celles-ci requérant une réactivité et des modalités de gestion plus souples, que celles applicables au fonctionnement du secrétariat de l’ONU ;
– un risque de moindre transparence sur l’exécution des fonds.
En revanche, le MEAE soutient les propositions visant à renforcer la souplesse des règles budgétaires internes. Il est favorable à la mise en place d’une trésorerie commune du budget régulier et des budgets des OMP, proposition portée par l’UE depuis plusieurs années, pour améliorer l’utilisation de la trésorerie disponible. En effet, l’absence d’unité de caisse est aujourd’hui préjudiciable au bon fonctionnement financier de l’ONU, déjà affecté par une grave crise de liquidités. Grâce à une trésorerie mutualisée, le secrétariat des Nations unies pourrait tirer parti de la complémentarité des calendriers de collecte des contributions entre le budget régulier et les budgets des OMP. Cette solution, qui s’inscrit dans la réflexion globale sur la réforme du financement onusien ([56]), simplifierait la gestion et dégagerait des économies d’échelle, tout en contribuant à une meilleure maîtrise des dépenses.
2. Préserver les OMP en tant que levier d’influence stratégique pour la France
Le multilatéralisme onusien, dont les OMP sont une expression concrète, représente pour la France un levier d’influence essentiel sur la scène mondiale. En tant que 6e État contributeur et membre permanent du Conseil de sécurité, la France dispose d’une visibilité qui permet à sa diplomatie de peser sur les négociations des mandats des missions. Il s’agit aussi d’une opportunité pour promouvoir nos valeurs (protection des civils, droits de l’homme, agenda « Femmes, paix et sécurité », etc.) en tant que « plume » de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité ([57]) et « titulaire », depuis 1997, de la fonction de secrétaire général-adjoint aux opérations de paix. En outre, nos positions perçues comme « non-alignées » en font souvent un « pont » entre le Nord et le Sud, à l’épreuve de la fragmentation croissante de l’ordre international.
Les OMP servent aussi le rayonnement stratégique de la France en lui assurant une présence dans des zones d’intérêt prioritaire. Plusieurs OMP se déploient dans l’espace francophone (Afrique de l’Ouest, Centrale, Proche-Orient), où la France possède des liens historiques et des intérêts directs visant à garantir la stabilité de ces régions. En participant à ces missions, la France soutient la sécurité internationale tout en y maintenant son influence politique. 700 militaires français participent actuellement aux contingents de casques bleus, la majorité d’entre eux opérant au sein de la FINUL.
Notre pays capitalise sur son expertise des contextes locaux et sur la francophonie : le MEAE a ainsi développé en 2023 une méthode de formation linguistique dite « En Avant ! » et diffusée à 25 000 exemplaires pour préparer les contingents étrangers appelés à opérer en environnement francophone ([58]). Cette initiative, menée conjointement avec l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), vise à faciliter l’action des casques bleus sur le terrain tout en renforçant l’usage du français, concurrencé par la prédominance de l’anglais au sein des instances onusiennes. Maîtriser la langue et la culture locales demeure un atout d’influence majeur et renforce les relations avec les populations et autorités hôtes, tout en préservant le rôle de la France comme interlocuteur indispensable au sein des OMP.
De nombreux dispositifs de coopération internationale sont également mis en œuvre par le MEAE et le ministère des armées.
Les actions de coopération internationale structurées autour des OMP
Le MEAE et le ministère des armées mettent en place plusieurs dispositifs destinés à renforcer les capacités des États contributeurs aux opérations de maintien de la paix tels que :
– l’organisation de stages et de formation visant à intégrer la prise en compte des perspectives de genre dans la conduite et la planification des opérations. Près de 25 nationalités étaient représentées en 2024 et 2025, dont des États déployant des troupes dans des environnements francophones, comme l’Uruguay et la Tanzanie (MONUSCO) ou le Pérou (MINUSCA) ;
– la gestion des Écoles nationales à vocation régionales (ENVR) qui permettent de former chaque année plus de 2 500 stagiaires. Certaines ENVR, comme l’École d’État-major de Libreville, l’EIFORCES (École internationale des forces de sécurité) au Cameroun ou encore le CPADD (Centre de perfectionnement aux actions post-conflictuelles de déminage et de dépollution) au Bénin, sont directement impliquées dans le fonctionnement des OMP ;
– le financement de missions d’expertise qui permettent de déployer des instructeurs français pour des sessions courtes et ciblées. Ces missions contribuent à la préparation opérationnelle de contingents appelés à être projetés, avec une attention particulière portée à la place des femmes dans les OMP. En 2024, une formation de deux semaines a permis de préparer 60 policières indonésiennes au déploiement en Centrafrique ;
– les détachements ponctuels d’experts au sein de groupes de travail sur des thématiques identifiées comme lacunaires par l’ONU dans des pays étrangers. Ils constituent un levier d’influence complémentaire en valorisant l’excellence des savoir-faire militaires français, comme la lutte anti-drone ou le secourisme.
Enfin, le ministère des armées soutient aussi le renforcement de la coopération entre pays contributeurs de troupes francophones à travers l’Observatoire Boutros-Ghali du maintien de la paix (OBG), dont il assure le financement. Celui-ci vise à promouvoir l’influence francophone dans le domaine du maintien de la paix, y compris sur la formation des casques bleus. L’OBG héberge ainsi le Réseau d’expertise et de formations francophones pour les opérations de paix (REFFOP), en partenariat avec l’Organisation internationale de la Francophonie, et a organisé en mai 2024 un séminaire sur la formation au maintien de la paix sur la base onusienne d’Entebbe (Ouganda). Le ministère des armées travaille à l’actualisation de l’ouvrage « Être acteur des opérations de paix », en partenariat avec l’Institut des Nations unies pour la formation et la recherche (UNITAR).
Plus qu’un sujet lointain ou connexe à nos intérêts stratégiques, l’avenir des OMP constitue un enjeu fondamental que la France doit appréhender avec rigueur et détermination, afin de conforter son rôle de « puissance d’équilibre » et de « partenaire de souveraineté » sur la scène internationale.
I. Audition de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des ffaires étrangères
Lors de sa réunion du 21 octobre 2025, la commission a entendu M. Jean‑Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2026.
M. le président Bruno Fuchs. Nous accueillons monsieur Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, que je félicite pour sa reconduction au gouvernement. Nous sommes heureux de poursuivre notre relation de travail avec vous, monsieur le ministre, car vous avez démontré un attachement permanent à associer autant que possible la représentation nationale à votre action, nouant ainsi un lien réel de débat, de dialogue et de confiance. Vous avez ainsi accepté de revenir devant cette commission le 5 novembre prochain, afin d’aborder plus spécifiquement les derniers développements de l’actualité internationale, notre réunion d’aujourd’hui étant consacrée, quant à elle, à la question du budget.
Après des lois de finances pour 2023 et 2024 plutôt satisfaisantes pour les affaires étrangères, celle pour 2025 a inversé la tendance et le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 s’inscrit visiblement dans un contexte de maîtrise des dépenses et de contraintes très fortes, avec des réductions budgétaires attendues. Dans cette épure, les crédits de la mission Action extérieure de l’État resteront toutefois stables, à 3,46 milliards d’euros. Les moyens de notre diplomatie devraient donc être préservés et le schéma des emplois semble plutôt épargné, avec 13 941 équivalents temps plein travaillés (ETPT).
Dans le détail, si le programme 105, Action de la France en Europe et dans le monde, paraît globalement conforté, avec des dotations en hausse de 1,8 %, il en va différemment des programmes 185, Diplomatie culturelle et d’influence, et 101, Français à l’étranger et affaires consulaires, soumis respectivement à des baisses de 7,03 % et 0,97 %. Les dotations inscrites dans le programme 209 de la mission Aide publique au développement se verront, quant à elles, amputées de 435 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 22 %, pour un montant total s’établissant à 1,54 milliard d’euros. Il s’agit d’un effort substantiel, après une année déjà marquée par une forte contraction. Notre commission est attachée à ce que la France reste active dans ce domaine, qui participe de la capacité du pays à rayonner dans le monde et à nouer des interactions avec toutes sortes de publics.
J’ai enfin lu avec intérêt dans la documentation explicative du PLF que le gouvernement entendait expérimenter l’an prochain un dispositif de prêts de l’Agence française de développement (AFD) « bénéficiant directement aux entreprises françaises et reposant sur des procédures de mise en concurrence restreintes à ces entreprises », ce qui fait écho à une demande formulée de longue date par notre commission.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Je suis très heureux de vous retrouver alors que s’amorce le dialogue budgétaire, exercice que j’apprécie tout particulièrement puisqu’il nous a permis, au moment où des économies nous ont été demandées par le premier ministre, de jeter ces derniers mois un regard nouveau sur les missions dont nous avons la responsabilité et sur la manière d’agir le plus efficacement possible au service de la France et des Français.
Le ministère fait beaucoup avec peu : le réseau diplomatique fonctionne en effet avec un budget équivalent à celui de l’Opéra de Paris, tandis que nos effectifs correspondent à ceux de la métropole de Toulouse. Le travail effectué par les quelque 14 000 agents du ministère de l’Europe et des affaires étrangères concourt pourtant à répondre aux attentes de nos compatriotes établis à l’étranger ou sur le territoire national.
En 2024, la cellule de crise du Centre de crise et de soutien a ainsi traité 7 000 appels. Le nombre atteint en 2025 sera très largement supérieur, puisque pendant la guerre des douze jours entre Israël et l’Iran, environ 12 000 appels ont été reçus et traités par le centre.
Nous avons mis en sécurité, en 2024, près de 1 000 de nos compatriotes et délivré 14 000 passeports d’urgence et laissez-passer, dans des circonstances tendues. Nous avons émis plus de 500 000 documents d’identité, ce qui fait du ministère de l’Europe et des affaires étrangères la première mairie de France. Lorsque la demande nous en est faite à l’étranger, nous délivrons les passeports en vingt-deux jours, ce qui nous vaut de la part des usagers du service public à l’étranger un taux de satisfaction particulièrement élevé.
La France s’est en outre distinguée en 2024, pour la sixième année consécutive, comme première destination européenne pour les investissements étrangers. La politique de diplomatie économique menée par le ministère n’y est pas pour rien.
L’année dernière, le ministère a aussi examiné 443 extraditions.
Grâce aux actions menées notamment avec l’aide publique au développement (APD), nous avons évité l’émission d’environ 10 millions de tonnes équivalent carbone.
S’agissant de sa mission d’information, le ministère a produit en 2024 quelque 30 000 notes diplomatiques permettant d’éclairer les autorités françaises. La rubrique « conseils aux voyageurs » du site France diplomatie a enregistré 22 millions de consultations.
Notez enfin que soixante-huit accords et traités ont été signés par la France, dont treize ayant fait l’objet de projets de loi.
Ces quelques éléments montrent l’impact et la diversité de l’action que nous menons avec des moyens somme toute assez restreints.
Le contexte international réclame que nous renforcions notre diplomatie, sur nos sites français comme à l’étranger. En effet, les trois missions dont nous avons la responsabilité – protéger nos compatriotes à l’étranger ; défendre les intérêts de la France et des Français dans toutes les enceintes internationales ; informer nos concitoyens de ce qu’il advient dans le reste du monde et le reste du monde des positions françaises – s’exercent dans un environnement qui évolue et devient plus brutal. Pour que notre diplomatie reste à la pointe, comme elle l’est depuis des décennies, nous devons donc nous transformer.
Concernant tout d’abord la protection de nos compatriotes à l’étranger, il faut que nous conservions les moyens de répondre à nos concitoyens lorsqu’ils ont besoin de notre aide, du fait des conséquences du dérèglement climatique ou de tensions géopolitiques. J’ai en cet instant une pensée pour nos compatriotes détenus arbitrairement ou retenus otages à l’étranger, dont les cas mobilisent nos équipes de manière constante. Nous avons accueilli en 2025 avec beaucoup de soulagement trois libérations qui sont le fruit de la mobilisation sans relâche du ministère.
La défense des intérêts de la France et des Français, tant dans le dialogue bilatéral que dans les enceintes européennes ou multilatérales, s’exerce dans un monde beaucoup plus transactionnel et plus dur qu’auparavant. Cela suppose que nous soyons, si je puis dire, sur tous les ballons, afin que les priorités des Français en matière d’emploi, d’immigration, de santé ou de transition écologique soient défendues dans ces différentes enceintes.
Pour ce qui est enfin de notre troisième mission, chacun voit à quel point le champ des perceptions s’est modifié, au fil des années, dans l’espace de l’information. Le Quai d’Orsay ne peut plus se contenter d’émettre de temps à autre des communiqués de presse en espérant que la voix de la France soit ainsi entendue : nous devons amplifier cette voix afin qu’elle soit entendue là où elle doit l’être et nous donner les moyens de riposter contre les attaques dirigées à l’étranger contre l’image de la France, dans le but de nuire à nos intérêts.
La force et le poids de notre diplomatie à l’extérieur dépendent sans aucun doute de notre force à l’intérieur : notre force militaire, économique, morale, mais aussi bien évidemment budgétaire. Selon les mots employés par le premier ministre dans sa déclaration de politique générale, « les seuls qui se réjouiraient d’une crise, d’une panne budgétaire en France, ne sont pas les amis de la France ». Dans un monde où les rivalités sont plus brutales et désinhibées que jamais, plus nous serons forts sur le plan budgétaire et financier, plus nous parviendrons à nous défendre.
Cela explique les économies demandées par le premier ministre à ce ministère. Je vais vous expliquer comment nous avons choisi de les réaliser à la suite des échanges que nous avons pu avoir avec vous et avec certains des rapporteurs spéciaux de la commission des finances.
La loi de finances pour 2025 fait apparaître pour ce ministère un budget de 5,4 milliards d’euros. Comme souvent lorsque des efforts sont nécessaires, l’économie demandée est considérable, puisqu’elle s’élève à 434 millions d’euros. Il m’est donc demandé de passer de 5,4 milliards d’euros à 4,9 milliards d’euros environ, charge à moi de répartir l’économie à réaliser, en dialogue avec les parlementaires.
J’ai commencé par décomposer le budget 2025 en dépenses pilotables et non pilotables. Il serait vain en effet de chercher à réaliser des économies sur des dépenses non pilotables, correspondant à des obligations prises vis-à-vis d’agents du ministère ou dans le cadre d’engagements internationaux de la France. J’ai rapidement constaté que mes marges de manœuvre étaient assez limitées, puisque sur les 5,4 milliards d’euros du budget du ministère, 4,1 milliards d’euros ne sont pas pilotables. Les économies demandées ne peuvent donc être effectuées que sur le 1,3 milliard d’euros de dépenses pilotables restant, seule part du budget sur laquelle j’ai la main. Les dépenses non pilotables étant amenées à progresser légèrement cette année, passant de 4,1 à 4,2 milliards d’euros, je ne dois, en réalité, pas trouver 434 millions d’euros à économiser mais plutôt 500 millions d’euros pour répondre à la commande du premier ministre. Il m’est donc demandé de baisser les dépenses pilotables de 40 %.
Au sein des dépenses pilotables, j’ai ensuite distingué les dépenses d’investissement et les dépenses de fonctionnement. Ma principale priorité étant de conserver un outil de travail en bonne et due forme, je souhaite, dans toute la mesure du possible, préserver les dépenses d’investissement. Ce ne sera pas très difficile : sur le 1,3 milliard d’euros de dépenses pilotables, les dépenses d’investissement ne représentent que 20 millions d’euros environ.
La préservation des dépenses d’investissement va nous permettre de nous réarmer dans la guerre informationnelle, puisque certains de nos adversaires investissent plus de 1 milliard d’euros par an dans les attaques informationnelles et les cyberattaques visant la France. Il nous faut investir dans des outils de veille afin d’anticiper et de comprendre ces attaques. Rien de tout cela n’est gratuit. Nous allons consacrer à cette fin 10 millions d’euros sur le programme 105 et autant sur le programme 209, sachant que nous resterons malgré cela dans un rapport de 1 à 100 avec des acteurs comme la Turquie ou Israël, qui ont fait de l’influence une priorité.
Les dépenses d’investissement permettent aussi de poursuivre le travail de transformation et de modernisation du ministère pour répondre toujours mieux aux préoccupations des Français. Chaque euro de budget que vous accordez doit en effet avoir un impact positif sur la vie quotidienne de nos compatriotes. Les crédits de modernisation seront préservés et renforcés. Il est question ici de quelques millions d’euros.
Le budget de la direction du numérique va augmenter de 5 millions d’euros pour continuer à développer des outils d’intelligence artificielle et renforcer nos dispositifs de sécurité, sachant que nous sommes le ministère le plus attaqué.
L’essentiel des 500 millions d’euros d’économies seront donc à trouver dans les dépenses de fonctionnement. Dans ce cadre, il convient de distinguer les dépenses du ministère, celles des opérateurs et les contributions diverses – vous me pardonnerez de m’extraire de cette façon du cadre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
En 2025, sur le 1,3 milliard d’euros de dépenses pilotables à notre main, le ministère représente 410 millions d’euros, les opérateurs 360 millions d’euros et les contributions 500 millions d’euros. Mon choix, éclairé par les discussions que nous avons eues ensemble, consiste à solliciter les contributions et les opérateurs avant le ministère, afin de ne pas trop dégrader l’outil de travail. J’entends ainsi demander 16 millions d’euros d’économies au ministère, 136 millions d’euros aux opérateurs et 317 millions d’euros aux contributions. On aboutit ainsi à des dépenses de fonctionnement de 394 millions d’euros pour le ministère, 224 millions d’euros pour les opérateurs et 181 millions d’euros pour les contributions.
Revenons sur les 317 millions d’euros d’économies demandés aux contributions. De nombreux parlementaires nous ont indiqué avoir la désagréable impression que certaines contributions, notamment multilatérales, n’étaient pas assez « bleu, blanc, rouge ». Ils considèrent qu’il n’est pas normal, lorsque la France consacre des crédits à l’action internationale, que les bénéficiaires ne s’en aperçoivent pas. Nous avons donc mené des actions sur le plan de la communication. J’étais ainsi la semaine dernière, avec le président de votre commission, au Nigéria, à Lagos, où a été inauguré un projet de l’AFD qui va permettre de créer un réseau de transport fluvial. Nous avons pu vérifier à cette occasion que le drapeau français était désormais, comme nous en avions fait la demande, apposé en gros sur les projets que nous soutenons, ce qui est la moindre des choses.
En 2025, les contributions bilatérales représentaient 185 millions d’euros et les contributions multilatérales 313 millions d’euros. Ce déséquilibre attirait la critique de certains parlementaires, qui estimaient que le volet multilatéral était beaucoup trop important relativement à la dimension bilatérale. J’ai donc fait le choix, pour parvenir aux 317 millions d’euros d’économies sur les contributions, de rééquilibrer le dispositif en prenant 100 millions d’euros sur le volet bilatéral et 217 millions sur le volet multilatéral.
Voici comment les choix ont été faits. Vous comprendrez dès lors comment nous déterminerons les avis du gouvernement sur les amendements ou modifications proposés. De la même manière que nous nous sommes astreints à certains principes pour atteindre les 434 millions d’euros d’économies, nous donnerons à vos amendements, par cohérence, des avis relevant des mêmes principes : en matière de contributions, privilégier le bilatéral sur le multilatéral ; en matière de dépenses de fonctionnement, faire porter les économies sur les contributions, puis auprès des opérateurs et ensuite seulement sur le ministère ; concernant enfin l’équilibre entre investissement et fonctionnement, privilégier autant que possible l’investissement. Autrement dit, si des propositions d’amendements viennent limiter l’investissement au profit du fonctionnement, je donnerai plutôt un avis défavorable. Il en ira de même si elles viennent dépouiller le ministère au profit des contributions ou réduire le bilatéral au profit du multilatéral.
Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Il n’y a donc pas besoin de débat parlementaire dans ce cas.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Ce n’est même pas la peine de discuter dans ces conditions.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Est-ce un budget idéal ? Non. Il s’agit d’un budget d’efforts, de renforcement budgétaire national. Nous faisons déjà de grandes choses avec un tout petit budget. Si ce dernier était doublé ou triplé, nous ferions évidemment beaucoup plus. Ce n’est toutefois pas l’objectif premier : nous cherchons d’abord une forme de consolidation budgétaire, afin de retrouver du muscle, ce qui nous permettra je l’espère, dans les prochaines années, de reprendre un certain nombre de contributions ou d’investissements auprès des opérateurs.
M. le président Bruno Fuchs. On observe, dans le cadre de l’équilibre budgétaire proposé à la discussion en commission, une augmentation des crédits destinés à la défense de plus de 6 milliards d’euros, en même temps qu’une contraction très forte des crédits alloués au ministère des affaires étrangères. N’y a-t-il pas là une forme de contradiction ? Dans des contextes de guerre hybride, il semblerait en effet plus logique de privilégier les deux piliers et pas uniquement celui de la défense, puisque la résolution des crises est également une question de politique et de négociation.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Nous devrions en effet tous plaider spontanément pour le principe simple du « 1 % diplo » : lorsque les dépenses de défense augmentent, il faudrait assurer parallèlement un épaulement diplomatique.
Le champ informationnel, qui est désormais un lieu de conflictualité, suppose des investissements certes moins massifs que ceux envisagés en matière militaire mais dont il est néanmoins important de tenir compte. Lorsque l’on se réarme pour se défendre, c’est que le monde devient plus brutal : cela implique aussi de se préparer à défendre nos intérêts de manière plus agile, plus robuste, donc d’investir dans l’outil diplomatique.
Comme l’a indiqué le président de la République au sommet de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) à La Haye, nous avons décidé de nous engager à ce que nos dépenses militaires atteignent 3,5 % de notre richesse nationale à l’horizon 2035. Mais l’objectif en 2035 ne sera pas de passer de 3,5 % à 7 % : il consistera à retrouver une architecture de sécurité et des logiques de désarmement permettant de stabiliser la situation, voire de l’améliorer, comme nous avons réussi à le faire voici soixante-quinze ans lorsque nous avons progressivement créé des protections, avec l’OTAN et l’Union européenne (UE). L’idée est de retrouver une architecture de sécurité susceptible de nous prémunir contre une augmentation à l’infini de nos dépenses militaires. Qui va s’occuper de cela, sinon les diplomates ? À mesure que nous nous réarmons, il faut réarmer la diplomatie. Telle est l’intention de l’agenda de transformation du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, dans le cadre duquel nous sommes très attentifs à la préservation de ses crédits.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Eh bien c’est raté !
M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Vous venez de nous expliquer avec talent la manière dont vous ventilerez les nouvelles coupes budgétaires subies par le ministère des affaires étrangères, qui constituent à mes yeux une erreur majeure, a fortiori s’agissant d’un ministère dont nous savons tous qu’il a connu une austérité drastique depuis les années 2000. Les effectifs ont diminué de 30 %, faisant passer le réseau diplomatique français de la deuxième à la cinquième place mondiale. Des zones entières, pourtant stratégiques pour la France, sont très mal couvertes. Nos diplomates ne peuvent pas agir partout : je pense en particulier au Sahel et à une grande partie de l’Afrique et de la zone asiatique. C’est d’autant plus une erreur que nous savons que ce ministère n’a pas besoin d’énormément d’argent pour produire un effet de levier d’influence.
J’avais corédigé un rapport contre la suppression des corps diplomatiques, énième erreur majeure de M. Macron, dans lequel je proposais une loi de programmation. Cela n’a pas été suivi d’effet.
Je souhaite pourtant vous interroger sur un autre point, puisque notre commission est directement concernée par un scandale d’État. Une question au gouvernement posée tout à l’heure à ce propos a reçu une réponse indigente : « Circulez, y’a rien à voir ». Mon collègue Carlos Bilongo s’est rendu en 2023 à la COP28 dans le cadre d’une mission parlementaire de cette commission. Nous savons depuis hier qu’à la demande d’une puissance étrangère, parce que le rapport ne plaisait pas aux Émirats arabes unis qui accueillaient cette COP, une cabale a été organisée contre lui depuis Tracfin. Ce représentant de la nation a été accusé de fraude fiscale, information immédiatement reprise par la presse. Deux ans plus tard, la justice l’a totalement blanchi, dans le silence le plus total. Cinq chaînes de validation existent au sein de Tracfin : il ne s’agit donc pas d’une erreur. Et l’on nous dit « Circulez, y’a rien à voir ».
Les preuves sont là. Les agents de Tracfin ont collaboré avec la journaliste et des personnes travaillant de façon plus ou moins éloignée avec l’ambassade des Émirats arabes unis ont témoigné. Et l’on nous dit « Circulez, y’a rien à voir ». Ce n’est pas acceptable. Notre commission et la représentation nationale sont directement concernées. Avez-vous une autre réponse à nous fournir ?
M. le président Bruno Fuchs. La parole est libre mais je rappelle que l’audition est consacrée à la question budgétaire. Même si je comprends l’interrogation, je souhaite que l’on respecte au maximum la thématique initiale.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Comme l’a indiqué ma collègue Amélie de Montchalin lors des questions au gouvernement, nous croyons à la séparation des pouvoirs. Il ne m’appartient pas d’entrer dans le détail de ce dossier dont l’autorité judiciaire est saisie et sur laquelle elle a conduit une enquête préliminaire durant deux ans.
Tracfin est une cellule de renseignement financier qui ne peut pas s’autosaisir ; elle travaille sur la base de déclarations de soupçons qui lui sont adressées par des entités économiques françaises assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Tracfin saisit l’autorité judiciaire quand l’enquête démontre des soupçons fondés et le parquet décide seul de l’opportunité des poursuites.
Ces principes ont été respectés dans le cas que vous soulevez. Tracfin n’a pas travaillé à la demande d’une autorité étrangère et l’identité de l’auteur de cette déclaration ne peut être révélée ; ce serait un délit. Soyez assuré que le traitement appliqué par Tracfin dans cette affaire est en tout point similaire à celui appliqué à d’autres signalements.
M. Pierre Pribetich (SOC). Alors que l’ordre international est en profonde mutation et que les crises humanitaires se multiplient, la diplomatie française est, hélas, encore fragilisée par le projet de loi de finances que vous nous présentez.
À rebours des engagements pris lors des états généraux de la diplomatie en mars 2023, le réarmement diplomatique reste uniquement un slogan, sans traduction budgétaire réelle. En effet, si les crédits alloués dans différentes enveloppes stagnent sur le papier, ils baissent en réalité en raison de l’inflation. Le président de la République, qui s’était engagé à créer 700 emplois sur quatre ans au ministère des affaires étrangères, n’en a finalement créé que très peu : en 2025, seuls 75 postes ont vu le jour sur les 150 prévus et 49 sont mentionnés dans le PLF 2026 au lieu des 200 annoncés.
La France recule dans le classement mondial des diplomaties : elle y occupait la cinquième place en 2024, après avoir été troisième en 2022, désormais devancée non seulement par les États-Unis et la Chine mais aussi par le Japon et la Turquie.
Parallèlement, l’aide publique au développement est lourdement amputée. Le PLF pour 2026 prévoit une nouvelle coupe budgétaire de 700 millions d’euros. En deux ans, l’APD aura ainsi perdu plus de la moitié de son budget et l’enveloppe relative à la coopération multilatérale aura baissé de 74 %. La suppression de l’affectation des recettes des taxes solidaires a privé l’aide publique au développement d’un financement stable, pérenne et utile à la mise en place de projets structurants.
Ces coupes budgétaires successives – c’est ici la cinquième depuis 2024 – constituent un double renoncement, d’une part à nos engagements internationaux, d’autre part au soutien apporté au tissu humanitaire, dans un contexte caractérisé par une baisse de 83 % des moyens de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et par une diminution de l’aide fournie par l’Union européenne.
Alors que 66 % des Français soutiennent l’action de la France en faveur de la solidarité internationale, quelles sont selon vous les conséquences concrètes du décalage observé entre l’ambition et le discours, d’une part, et l’impact de la réalité budgétaire, d’autre part, sur l’influence de la France et sur son image dans le monde ?
Notre groupe entend proposer de réaffecter les recettes des taxes solidaires au financement de la solidarité internationale, afin de garantir des ressources stables, prévisibles et pérennes. Partagez-vous cette orientation ? Êtes-vous prêt à soutenir ce retour à un financement durable de notre aide au développement, indispensable à la crédibilité et à l’efficacité de notre politique étrangère ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je tiens à signaler que très peu de ministères ont vu leur plafond d’ETP progresser à la hausse en 2025. Nous étions donc plutôt satisfaits d’avoir réussi à éviter une stagnation ou une baisse des effectifs, comme cela a été le cas pour l’essentiel des ministères.
L’image de la France à l’étranger dépend évidemment de notre situation budgétaire, mais pas uniquement. Dix ans après l’accord de Paris et l’accord sur le nucléaire iranien, la France a montré qu’elle était encore capable de peser sur la scène internationale. Je pense par exemple à la Conférence des Nations unies sur l’océan, à Nice, qui a permis de faire aboutir l’accord sur la haute mer en un temps record. Je pense également, plus récemment, à l’initiative que nous avons développée avec l’Arabie saoudite pendant un an, qui a culminé à New York avec la déclaration qui a clairement servi d’appui au plan de paix du président Trump. En dépit d’un exercice budgétaire plus difficile que ceux de certaines années antérieures, nous conservons, grâce au talent de nos diplomates, une capacité à peser durablement sur la scène internationale.
Cette capacité dépend toutefois également de l’équilibre de nos finances publiques. Dans ce contexte, des choix doivent s’opérer. J’attends avec impatience d’entendre le responsable d’un parti politique français dire au premier ministre que sa priorité absolue serait qu’il relève l’APD. Je sais combien est vive dans cette enceinte la conscience de l’importance de disposer d’un réseau diplomatique robuste et d’instruments comme l’aide publique au développement pour tenir le rang de la France et servir ses intérêts. Ce n’est toutefois jamais le premier aspect mentionné lorsque, consultés par le premier ministre, les responsables des partis politiques français expriment leurs priorités.
M. Pierre Pribetich (SOC). Cela a été dit par notre groupe.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Pas toujours très clairement.
Quant à la réaffectation que vous évoquez, il reviendra au Parlement d’en débattre : le premier ministre l’a indiqué très clairement. Le gouvernement émettra sans doute un avis plutôt défavorable, puisqu’il est tenu par la loi organique qui rend désormais difficile, sauf exception, l’affectation des taxes à des usages spécifiques.
M. Michel Herbillon (DR). L’examen du projet de loi de finances pour 2026 se déroule dans un contexte budgétaire particulièrement dégradé, qui nous oblige à la responsabilité afin de garantir la stabilité financière de notre pays ainsi que notre souveraineté.
Dans une situation géopolitique internationale extrêmement tendue, je veux saluer la stabilité des crédits alloués à l’action extérieure de la France et à l’action consulaire. Ce choix responsable mérite d’être souligné. Nous avons en effet connu, ces dernières années, un début de réarmement de notre diplomatie et il aurait été extrêmement dangereux de renouer avec d’anciennes pratiques de suppression de moyens et de postes, alors même que notre sécurité collective est menacée. Je saisis l’occasion pour remercier les 14 000 agents du ministère ainsi que les agents des opérateurs, qui portent et défendent chaque jour la voix de la France partout dans le monde.
J’ai noté, au sein du programme 105, que le budget de la direction de la communication serait rehaussé de 10 millions d’euros afin de renforcer nos moyens dans le domaine de la lutte informationnelle. Face aux nombreuses attaques dont la France est l’objet, je salue cette orientation offensive. Pourriez-vous nous indiquer comment cette action résolue contre la désinformation et les ingérences ou influences étrangères va se traduire concrètement ?
Nous constatons par ailleurs dans le budget que vous présentez une baisse sensible des moyens alloués à la mission Aide publique au développement. Nous la déplorons et aurions tous souhaité que notre pays soit en mesure de maintenir son ambition en la matière, conformément à la loi votée sans opposition à l’Assemblée nationale en 2021. Le groupe Droite républicaine lance l’alerte depuis de très nombreuses années au sujet de la dégradation notoire de nos finances publiques. Nous en voyons les conséquences concrètes, qui nécessitent de diminuer ce budget afin de soutenir d’autres politiques publiques utiles à nos concitoyens, dans les domaines de la santé, de la sécurité ou de l’éducation.
Pour autant, cela ne doit pas conduire à relâcher l’attention portée au nécessaire contrôle de notre APD, dont nous avons vu qu’elle finançait parfois des projets dans des pays ouvertement hostiles à la France. Je vous demande par conséquent de remettre en ordre la conditionnalité de notre aide publique au développement, en fonction du taux de délivrance des laissez-passer consulaires, documents impératifs pour exécuter les obligations de quitter le territoire français (OQTF), mais aussi de la qualité de la relation diplomatique que nous entretenons avec les pays bénéficiaires. J’attends de vous une vraie réponse, au-delà des considérations techniques habituelles.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je vous remercie pour vos mots à l’attention des agents du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. On a parfois l’impression qu’ils ont la belle vie mais il arrive à beaucoup d’entre eux de se trouver dans des situations qu’aucun agent public ne devrait avoir à vivre. J’ai ainsi une pensée pour les agents qui ont dû, suite aux décisions brutales et infondées des autorités algériennes, quitter en quarante-huit heures l’Algérie où ils étaient en poste. Je songe aussi aux agents de nos postes à Tel-Aviv, à Jérusalem, au Caire, en Arménie, en Turquie, en Iran, qui se sont mobilisés pendant la guerre des douze jours pour tenter d’apporter des solutions à nos compatriotes qui, par milliers, cherchaient à rentrer en France. Je pense enfin à ceux qui, envoyés dans des postes sensibles, y vivent éloignés de leur famille pendant des mois car ils considèrent que cela relève de leur devoir et que, ce faisant, ils servent la France et les Français.
Vous m’interrogez sur la guerre informationnelle. Parmi les aspects non budgétaires de la question, nous allons, au ministère mais aussi dans l’ensemble du réseau, coordonner et synchroniser tous les éléments concourant à la fonction d’influence. Nous avons en effet besoin que nos messages soient entendus, donc distribués par tous les canaux par lesquels nous pouvons atteindre leurs destinataires. Cela concerne la direction de la communication et de la presse mais aussi notre formidable réseau culturel, qui peut contribuer à véhiculer valeurs et messages, ainsi que le centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS), centre de réflexion interne du ministère qui nous représente dans diverses enceintes. Nous allons veiller à ce que ces différents services se coordonnent.
Nous allons également faire en sorte qu’à l’échelle des ambassades, des « comités influence », sous l’autorité de l’ambassadeur, se réunissent fréquemment afin de mettre en commun les objectifs et les moyens de la politique d’influence. Cela concerne le chargé de communication, l’attaché de défense, l’attaché de sécurité intérieure ou encore le conseiller de coopération et d’action culturelle (Cocac) : tous contribuent d’une manière ou d’une autre à cette influence, qui doit désormais être mieux coordonnée et synchronisée.
Sur le plan budgétaire, nous devons améliorer notre capacité de détection lorsque des attaques nous visent. Cela suppose de disposer de personnels en mesure d’identifier les messages et de les qualifier. Il nous faut également des moyens de production et de diffusion des contenus de riposte. Il s’agit de moyens nouveaux, qui ont des implications budgétaires mais aussi humaines. Nous allons ainsi être particulièrement attentifs à cette dimension lors du recrutement de nouveaux profils au sein notamment de la direction de la communication et de la presse et privilégier des candidats présentant une expertise nous permettant de répondre à cette attente.
Nous aurons aussi besoin d’outils numériques nouveaux, afin notamment de décharger les personnes de tâches susceptibles d’être automatisées – comme la réalisation de la revue de presse par exemple –, et de leur permettre de dégager ainsi du temps pour la détection des attaques et éventuellement la production de ripostes. C’est là tout un art : il faut à la fois être suffisamment sérieux, puisque l’on porte la parole de la France, mais aussi savoir manier l’ironie pour que le contenu puisse être viral et surpasser la viralité de celui de l’agresseur.
Il faut enfin parvenir à distribuer ces ripostes, ce qui suppose d’identifier et de cultiver des relais permettant à ces messages d’être véhiculés dans le champ des perceptions et dans l’ensemble de l’espace informationnel.
Concernant l’APD, nous mettons en œuvre des moyens visant à ce que le contrôle parlementaire puisse être plus serré et veillerons à ce que les commissaires du gouvernement y prennent leur part.
Lors du conseil présidentiel pour les partenariats internationaux, le président de la République a arbitré et décidé que, dans le portefeuille de prêts de l’AFD, qui s’élève à quelque 7 milliards d’euros, 1 milliard serait consacré à de l’aide liée, ne répondant plus aux caractéristiques de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) mais venant soutenir des projets à condition qu’ils soient confiés à des entreprises françaises. Ainsi, 15 % du portefeuille de prêts de l’AFD vont devenir de l’aide liée, en particulier sur le sujet de la participation des entreprises françaises aux projets de développement.
M. Michel Herbillon (DR). Vous n’avez pas répondu à la deuxième partie de ma question.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je me tiens à votre disposition pour évoquer plus en détail les sujets migratoires. Je puis simplement vous dire que dans bien des pays avec lesquels nous sommes en lien, non seulement l’APD est naturellement incluse dans le dialogue bilatéral, au sein duquel j’ai veillé ces derniers mois à ce que le niveau de priorité des questions migratoires soit relevé, mais aussi que l’AFD contribue à financer des projets qui concourent directement à la maîtrise de l’immigration irrégulière. Peut-être faudra-t-il augmenter la proportion des projets de l’AFD consacrés directement à cette priorité. C’est dans le cadre du dialogue entre le gouvernement et les parlementaires, au conseil d’administration de l’AFD, que nous pourrons avancer dans cette direction.
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’année 2026 sera à nouveau difficile pour notre aide au développement et notre diplomatie, donc pour l’influence de la France dans le monde. Les agents ne sont pas en cause : ils sont engagés mais aussi inquiets, et nous alertent car les baisses de crédits se répètent depuis plusieurs exercices.
Je pense notamment au programme 185, qui voit ses autorisations d’engagement baisser de 45 millions d’euros. La mise à zéro du budget consacré aux objectifs de développement durable hors APD constitue également un signal particulièrement inquiétant.
Dans les affaires consulaires, on observe une baisse de 41 % du budget alloué à l’instruction des demandes de visas. Faut-il y voir une chute de la demande ou un recours accru à des prestataires privés, comme c’est le cas pour certaines demandes particulièrement difficiles émanant notamment de femmes afghanes ?
S’agissant de l’APD, la baisse est brutale. Je n’insisterai pas sur ce point ; Pierre Pribetich a parfaitement décrit la situation. Contrairement à ce qu’annonçait le président de la République en 2021, l’aide au développement ne représentera en 2026 que 0,38 % du produit intérieur brut (PIB).
Le programme 110 voit quant à lui ses autorisations d’engagement baisser de 45 % du fait d’une forte réduction de la contribution française au fonds Vert pour le climat, qui constituait pourtant un engagement fort de la France.
On pourrait donner d’autres exemples.
Nous le savons : la situation budgétaire est contrainte. Mais la vraie question demeure : travailler avec moins, pourquoi pas mais pour faire quoi ? C’est bien là que réside le cœur du problème.
Comme l’a souligné la mission d’information commune sur les moyens consacrés au volet diplomatique de notre réorientation stratégique portée par notre groupe, notre politique étrangère souffre d’un manque de lisibilité et de cohérence. Nous n’avons plus de cadre clair pour notre action extérieure. Le dernier Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France date de 2008. Vous ne manquez jamais de nous répéter que « le président de la République a décidé ». Nos institutions lui donnent certes un rôle particulier sur les questions internationales mais ne lui permettent pas pour autant de décider de tout, en passant par-dessus le Parlement et nos engagements antérieurs.
Ne serait-il pas temps d’engager une révision stratégique concertée associant parlementaires, diplomates, experts et société civile pour redéfinir les objectifs de notre action extérieure à moyen et long termes ? Ce serait, selon moi, une manière efficace d’assurer la cohérence entre nos ambitions internationales, nos valeurs et les moyens budgétaires que nous y consacrons.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. La réponse est oui : je pense que le temps est venu pour cela et que le rapport de Sophie Mette et Karim Ben Cheikh constituera une bonne base de départ pour cette réflexion. Bien qu’il faille définir le contour de cette revue stratégique, elle me paraît pertinente car le monde a, disons, quelque peu évolué depuis 2008.
M. le président Bruno Fuchs. La commission élabore régulièrement des rapports sur certains éléments de la politique étrangère et poursuivra cette réflexion.
M. Frédéric Petit (Dem). Je ne reviendrai pas sur la déconnexion existant entre le réarmement militaire et celui de la diplomatie. Je suis très attaché à la diplomatie des sociétés civiles : se réarmer militairement suppose par ailleurs de réarmer notre société. L’État ne fera pas tout et ne doit pas tout faire. Il appartient également aux citoyens de se mobiliser.
Vous avez évoqué les priorités du premier ministre. Nous y souscrivons et le soutenons dans sa recherche de stabilité et de renforcement financiers mais c’est à la nation qu’il revient de donner l’objectif. Cela ne nous exonère donc pas de réfléchir sur ce point et nous sommes nombreux dans cette commission à juger insupportable le déséquilibre entre ce que représente notre diplomatie et les efforts démesurés qui lui sont demandés.
Les opérateurs sont très souvent considérés comme des boucs émissaires. Certains sont pourtant indispensables car ils ont la capacité à gérer des éléments que nous ne savons pas traiter en interne. Nous sommes favorables à la modernisation de leur gouvernance. De nombreuses actions ont déjà été engagées. Je suis pour ma part assez satisfait de ce qui se passe depuis plusieurs années au sein de votre ministère, où l’on observe une évolution profonde des comportements, allant vers une plus grande recherche de cohérence. Je place souvent comme point charnière le discours du chef de l’État aux ambassadeurs de 2019, dans lequel il leur avait été demandé de ne plus être des virtuoses mais des chefs d’orchestre. Je trouve cette image assez belle et pertinente et j’ai le sentiment que nous avançons dans cette direction, avec les comités influence dans chaque ambassade, les plans pays, les conseils consulaires de développement. Ces éléments témoignent d’une recherche de cohérence et de coordination à l’échelle du pays.
Notre commission a envie de vous aider à reconquérir des forces, y compris budgétaires, mais pas n’importe comment. Nous recherchons de la cohérence, de l’efficacité, de la redevabilité. J’ai formulé des propositions pré-budgétaires à ce propos et souhaiterais savoir ce qu’il en est. Cela concerne en particulier une mesure de synchronisation des contrats d’objectifs et de moyens (COM) de tous les opérateurs agissant dans le champ ou en appui de la politique extérieure de la France, mesure à laquelle je suis très attaché depuis huit ans et qui me semble répondre notamment à la demande de notre collègue Le Gall sur la planification.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je partage votre conviction que la diplomatie des sociétés civiles joue un rôle important. Je vous remercie à ce propos de l’accueil que vous avez réservé à la délégation de résistants biélorusses dans le cadre de la réunion de l’Alliance des groupes parlementaires en soutien à la démocratie en Biélorussie, organisée récemment à Paris. Cela a beaucoup de poids et de force et je ne peux qu’encourager les membres de cette commission à prendre toute leur part dans l’animation de la diplomatie des sociétés civiles.
Concernant la question des opérateurs, je tiens tout d’abord à souligner l’évolution interne au ministère des affaires étrangères, qui se montre de plus en plus attentif aux travaux des parlementaires et à leurs préconisations. Au moment où nous réfléchissons à l’avenir de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), vos propositions à ce sujet, tout comme celles formulées par la sénatrice Samantha Cazebonne ou d’autres par le passé, ont été prises très sérieusement en considération, à ma demande, par les directrices et directeurs chargés de cette réforme.
Quant à la synchronisation des contrats d’objectifs et de moyens de tous les opérateurs, j’y suis pour ma part favorable. Cela supposerait, à un moment donné, d’en décaler certains pour qu’ils puissent se synchroniser avec les autres. Il faudrait également que la commission s’y prépare.
M. le président Bruno Fuchs. Je pense que la commission n’en souffrirait pas, puisqu’elle est à chaque fois saisie à la dernière minute ! Cela apporterait au contraire davantage de lisibilité et permettrait un travail plus en profondeur sur cette question, qui viendrait enrichir encore la réflexion et l’efficacité des moyens des opérateurs de l’État.
M. Bertrand Bouyx (HOR). Ma question porte sur la diplomatie économique française à la lumière du contexte budgétaire. Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une stabilisation des crédits du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, dans une situation de redressement des comptes publics. Vous avez fait le choix de préserver les moyens de notre action diplomatique et d’investir dans le numérique, la sécurité et la préparation de la présidence française du G7. Notre groupe salue cet effort.
Nous constatons toutefois dans le même temps que notre environnement commercial s’est considérablement tendu. Depuis le début de l’année 2025, l’administration américaine a rétabli ou étendu plusieurs barrières douanières, avec des droits de 25 % sur les véhicules électriques et les pièces détachées, allant jusqu’à 50 % pour certains biens intermédiaires stratégiques. Ces décisions censées relocaliser la production sur le sol américain fragilisent directement plusieurs filières françaises et européennes comme l’automobile, l’aéronautique, la chimie et les biens de consommation.
Dans ce contexte, pouvez-vous nous dire comment la diplomatie économique française entend agir avec les moyens inscrits dans le budget ? Disposez-vous d’évaluations précises des impacts de ces nouvelles barrières douanières sur nos exportations vers les États-Unis ? Plus important encore, comment comptez-vous articuler les outils du ministère, notre réseau diplomatique, les services économiques et la présidence française du G7 pour défendre une proposition européenne coordonnée face au retour du protectionnisme américain ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Cette question est essentielle et le Quai d’Orsay va, sur ce sujet, faire son retour dans la partie. Il s’agit en effet d’une compétence que nous partageons, dans les moindres succès si j’ose dire, avec le ministère de l’économie et des finances. Face aux décisions récentes de l’administration américaine, il nous faut réagir avec beaucoup de vigueur.
C’est dans cet esprit que nous préparons, avec le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité, Nicolas Forissier, le conseil présidentiel du commerce extérieur qui devrait se tenir dans les prochaines semaines et qui va décliner notre stratégie face au regain de tensions et aux guerres commerciales, en étendant le champ de la diplomatie économique à la sécurisation de nos approvisionnements critiques. Traditionnellement, la diplomatie économique concerne essentiellement l’attractivité, c’est-à-dire les investissements étrangers en France, et l’accompagnement des entreprises françaises à l’exportation. Ces deux dimensions doivent évidemment être renforcées, afin de diversifier les marchés des entreprises qui pâtissent des augmentations des droits de douane américains sur des produits du haut de la gamme de valeur. Nous avons également besoin de nous protéger contre l’arsenalisation de certains intrants, c’est-à-dire la tentation – voire la volonté – de certains pays de concentrer des ressources rares pour pouvoir peser sur le destin des autres nations. Le spectre va donc s’élargir.
Les moyens à mettre en œuvre concernent en premier lieu notre organisation. Ces objectifs nouveaux vont nous amener à faire évoluer le dispositif de la direction de la diplomatie économique, afin d’être au plus près des besoins des entreprises. Nous allons également adapter nos instruments. Nous travaillons en lien étroit avec le ministère de l’économie et des finances pour développer de nouveaux outils financiers susceptibles de mieux accompagner les entreprises vers l’exportation. Cela est vrai des outils existants du Trésor ou de Bpifrance mais aussi des outils financiers de l’AFD, qui va libérer 1 milliard d’euros par an de prêts liés, donc contribuant à des partenariats internationaux, bénéficiant à des pays en développement tout en permettant à des entreprises françaises de porter les projets concernés.
Sur le plan européen, nous prônons la sortie de la naïveté. Je me félicite par conséquent avec vous de la proposition de la Commission européenne, que Stéphane Séjourné a présentée il y a quelques jours, pour protéger l’industrie sidérurgique européenne, avec des quotas qui, s’ils sont dépassés, nous permettront d’appliquer des droits de douane de 50 %. De façon plus générale, nous avons plaidé à de nombreuses reprises en faveur d’une mobilisation de l’instrument anticœrcition.
Sur le plan international, vous avez cité la présidence française du G7, que j’ai plutôt intégrée dans les dépenses pas totalement pilotables puisque je n’imagine pas en proposer la réduction. Peut-être certains amendements iront-ils en ce sens ; mon avis sera alors défavorable. Les nouveaux déséquilibres mondiaux et les questions commerciales se trouveront précisément au cœur de la présidence française du G7, avec pour objectif le désarmement tarifaire pour la France, l’Europe et leurs partenaires.
M. Laurent Mazaury (LIOT). La semaine dernière, lors d’une réunion conjointe avec la commission des finances, nous avons déjà pu faire un point sur les moyens consacrés à notre diplomatie et en constater la baisse, ce qui dans le contexte géopolitique actuel n’est pas une bonne nouvelle. Nous devons tous accomplir des efforts responsables face à notre dette publique mais sacrifier la diplomatie quand la guerre se poursuit en Europe et que d’autres pays, dont la Chine, continuent à financer ardemment leurs moyens d’influence mondiale ne pourra que nous conduire à un isolement que nous paierons cher plus tard, notamment dans le cadre de nos finances publiques, avec des conséquences sur les PLF du futur. Je ne reviendrai pas sur ce sujet dont nous partageons l’analyse et l’urgence et sur lequel je crois comprendre que nos amendements auront peu de chance d’aboutir.
Je souhaite vous interroger sur votre récente déclaration concernant la possible venue du président Poutine en Hongrie. Vous avez récemment affirmé que la présence du président russe sur le sol européen n’avait de sens que si elle permettait d’acter un cessez-le-feu immédiat et sans condition. Kaja Kallas, haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères, a quant à elle déclaré que voir un président sous mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) dans un pays européen n’était pas une bonne chose. Votre homologue lituanien a été plus direct, considérant que la seule place pour Poutine en Europe était à La Haye, devant un tribunal.
L’Assemblée nationale a voté, voici quelques mois seulement, une proposition de résolution européenne, dont j’ai eu l’honneur d’être le premier signataire, visant à renforcer notre soutien à l’Ukraine et dans laquelle nous appelions à l’exécution des mandats d’arrêt émis par la CPI contre le président Poutine et la commissaire russe aux droits de l’enfant, Maria Lvova-Belova. Je ne reviendrai pas sur les enlèvements d’enfants perpétrés en Ukraine et fomentés par la Russie. S’il faut une nouvelle fois accepter de voir violer le droit international, bafouer nos alliés européens qui sont en première ligne face à la Russie et ne pas respecter les textes votés, j’aimerais savoir si nous avons au moins une sorte de garantie que cette rencontre va permettre un réel changement en faveur de l’Ukraine. Je crains malheureusement de connaître la réponse à cette question, qui s’annonce similaire à celle obtenue lors du sommet organisé en Alaska.
La France et l’Union européenne ont-elles demandé que la rencontre soit délocalisée dans un pays situé hors de l’UE, afin de respecter nos principes fondamentaux ? Peut-être serait-il choquant de relier factuellement dans mon intervention ces éléments de droit international à nos finances publiques. Le lien n’en est pourtant pas moins évident. Cette guerre aux portes de l’Europe nous coûte cher ; nous le voyons dans le PLF. Elle pourra nous coûter plus cher encore si elle continue à se rapprocher de nous, au-delà bien évidemment des vies humaines perdues.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Vous auriez pu citer également votre proposition de loi traitant du coût de cette guerre pour les finances publiques européennes et ukrainiennes, qui est en train de trouver une issue favorable à travers les réflexions en cours au niveau européen sur une mobilisation des avoirs russes gelés.
La Commission européenne a en effet, au retour de l’été, présenté une proposition à ce sujet, qui pourrait la conduire – si toutefois le texte est adopté – à lever un emprunt placé auprès des actifs russes ou de leurs détenteurs au sein d’Euroclear pour, à son tour, prêter les sommes à l’Ukraine, lesquelles seront remboursées par cette dernière lorsqu’elle aura reçu des réparations de la Russie. Nous soutenons cette idée dans la mesure où elle ne contrevient pas au droit international puisque la Commission européenne ne procèdera pas elle-même à la saisie des actifs. Il faudra en outre que l’usage qui sera fait par l’Ukraine des montants qui lui seront alloués contribue à renforcer l’autonomie stratégique européenne au sens large. En matière d’armement, il faudra par exemple que ces sommes soient utilisées pour acheter en priorité du matériel européen. Il serait difficile pour nous d’accepter que ces sommes soient employées en priorité pour acheter des armements américains.
Je tiens à vous féliciter pour vos initiatives convergentes avec ces démarches.
Il est important de rappeler en toutes circonstances qu’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale a été émis à l’encontre de Vladimir Poutine, sur le fondement de son rôle présumé dans les déportations de centaines d’enfants ukrainiens. La France soutient la CPI, y compris lorsque celle-ci est prise à partie ou que certains de ses juges sont placés sous sanctions. Elle soutient son travail indépendant et respecte ses obligations aux termes de son appartenance au statut de la Cour pénale internationale.
Même s’il s’agit, en l’occurrence, d’une éventuelle rencontre bilatérale, il me semble que cela n’a effectivement de sens de l’organiser en Europe que si Vladimir Poutine vient y acter un cessez-le-feu immédiat et sans condition. Je considère que c’est dans son intérêt, puisque le temps commence à jouer contre lui. Le nouveau prêt, qui ne sollicitera pas les finances publiques européennes, nous donnera en effet les moyens de soutenir l’Ukraine pendant trois années supplémentaires. Je rappelle que Vladimir Poutine n’a pas progressé sur le terrain de 1 % depuis les 1 000 derniers jours. Nous allons en outre continuer, grâce à la politique de sanctions, à assécher les ressources de la Russie, que Vladimir Poutine entraîne dans sa guerre coloniale.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Je m’interroge sur le principe des lois de programmation. J’observe à la lecture du budget que les objectifs de la loi de programmation militaire sont quasiment totalement respectés, voire dépassés. En revanche, la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales n’a pas le même effet. Elle nous avait pourtant été présentée comme la sanctuarisation de l’action du gouvernement sur ces sujets. Cela signifie-t-il que l’un des deux ministres fait respecter sa loi de programmation, contrairement à l’autre, vous en l’occurrence ?
Comment les priorités sont-elles déterminées ? J’ai été élu, responsable de budget : j’examinais alors les priorités pour savoir si elles étaient incompressibles. Celles-ci sont essentielles à la paix. J’observe que le mot « paix » n’a pas été utilisé une seule fois, alors que nous sommes dans une audition du ministre des affaires étrangères. La diplomatie française, ses agents et vous-mêmes avez pourtant pour mission de faire en sorte que la paix revienne ou soit préservée.
Vous avez par exemple décliné dans la présentation du budget cinq priorités, dont la première est relative à la sécurité, à la stabilité et à la préservation de la paix. Comment le ministère peut-il procéder alors qu’il baisse les contributions internationales et les budgets alloués aux programmes de la mission Aide publique au développement ?
La deuxième priorité concerne « la poursuite des intérêts économiques, technologiques et stratégiques d’une Europe plus intégrée, unie et indépendante » : indépendante vis-à-vis de qui ?
Il est également question d’un « rôle de puissance d’équilibre établissant des partenariats de confiance au service d’un multilatéralisme », etc. Je ne prétendrai pas que l’on défende la démocratie en acceptant d’exfiltrer un président. Ce n’est pas le bon jour pour cela, paraît-il : nous en reparlerons la semaine prochaine.
Vous souhaitez par ailleurs « une diplomatie économique mobilisée pour l’attractivité, la réindustrialisation et la création d’emplois en France » : de quelle réindustrialisation parle-t-on ? On ne la voit pas.
Vous évoquez enfin une « diplomatie de rayonnement en investissant dans tous les domaines de l’influence au service de l’intérêt géopolitique, économique et stratégique ». Comment faire pour investir « dans tous les domaines de l’influence » en baissant nos contributions financières à la paix, parmi lesquelles l’aide publique au développement et les contributions internationales aux Nations unies ? On nous explique que nous régressons au sein des Nations unies alors que la Chine progresse mais certains pays, dont la Chine et la Turquie, augmentent les budgets qu’ils allouent aux instances internationales multilatérales et prennent ainsi davantage de place. Pourquoi la France abandonne-t-elle la sienne ?
M. le président Bruno Fuchs. La France est aussi, selon l’expression, « le chantre du multilatéralisme » et fait partie des pays qui défendent le mieux cette valeur. Il est donc important d’observer la mise en œuvre concrète de ce grand principe de plus en plus menacé.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Vous voyez bien comment les choses se sont passées. Le réarmement s’est amorcé au ministère avec les états généraux de la diplomatie, mais aussi au niveau de l’aide publique au développement par la volonté politique. Puis, confrontée au Covid et à la guerre en Ukraine, la France a conservé certains dispositifs de protection beaucoup plus longtemps que les pays comparables. Dans ce contexte, il a fallu procéder à des ajustements, notamment sur les crédits d’intervention du ministère, dont l’aide publique au développement.
J’ai demandé aux directeurs, directrices, ambassadeurs et ambassadrices de mieux faire connaître les missions du ministère, pour que nous soyons plus soutenus dans l’opinion publique et perçus, à l’image d’autres ministères régaliens, comme un ministère qu’il faut renforcer, et non comme une variable d’ajustement. Nous commençons à voir la situation évoluer. Sans doute avez-vous entendu parler de l’événement intitulé « La fabrique de la diplomatie », que nous avons organisé en septembre 2025 à l’université Sorbonne-Nouvelle et qui a attiré quelque 20 000 personnes. Les Françaises et les Français ont envie, dans la période que nous vivons, non seulement de mieux connaître mais aussi de défendre leur diplomatie et leurs diplomates. Je vous invite à rejoindre cet effort.
Le fait que les budgets ne soient pas à la hauteur de ce que vous souhaiteriez ou de ce que je pourrais vouloir ne doit pas conduire à considérer que la France s’efface. Qui a animé la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations unies ? C’est la France.
Concernant la paix et la sécurité, première des trois grandes missions des Nations unies, la France présidait, avec l’Arabie saoudite, la session consacrée, en ouverture de l’Assemblée générale des Nations unies, à la solution à deux États et à la Palestine.
En matière de développement durable, l’événement marquant de cette semaine de haut niveau a été la soixantième ratification de l’accord international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine (BBNJ), qui lui permet d’entrer en vigueur et à la première conférence des parties à se dérouler en 2026.
Pour ce qui est des droits de l’homme, nous aurions voulu que se tienne au niveau des chefs d’États et de gouvernements l’initiative que nous avons contribué à porter avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) sur la défense du droit international humanitaire. Cela n’a finalement pas été possible et cette initiative se concrétisera lors du Forum de Paris pour la paix, qui va rassembler dans quelques jours tous les partisans du multilatéralisme à l’échelle mondiale. Nous accueillons enfin cette semaine la Conférence ministérielle des diplomaties féministes, qui constitue une contribution à la troisième mission des Nations unies.
L’objectif premier est bien évidemment de retrouver du muscle budgétaire en général, pour que la France soit plus forte et que sa voix porte davantage à l’extérieur. Sans doute faudra-t-il ensuite réarmer notre politique de développement. Mais que l’on ne dise pas que la France s’efface : ce n’est pas vrai. Je suis certain que vous constatez comme moi, lorsque vous vous déplacez à l’étranger, que la France compte et continue de peser.
M. le président Bruno Fuchs. Jean-Paul Lecoq évoquait le respect des engagements liés à la loi de programmation en matière d’aide publique au développement.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Nous allons nous appuyer sur les travaux de la mission d’information évoquée par madame Voynet, sur ceux que nous avons pu conduire en interne, ainsi que sur la revue nationale stratégique qui vient d’être actualisée. Dès que nous aurons une vision claire, consensuelle et partagée des objectifs de notre diplomatie, nous pourrons bâtir un cadre programmatique.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). C’est un nouvel enfumage !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. J’essaie de faire preuve de bonne volonté, monsieur Lecoq.
M. Sébastien Chenu (RN). Vous êtes évidemment comptable de la situation budgétaire et financière globale de votre ministère.
Je souhaite attirer votre attention sur un sujet que vous n’avez pas abordé, à savoir les incidences budgétaires de l’accord qui nous lie à l’Algérie depuis 1968, au-delà de celles que nous pourrons étudier lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Cet accord migratoire est totalement dérogatoire, au bénéfice des ressortissants algériens. Il leur permet d’obtenir un titre de séjour, un regroupement familial ou l’accès à certaines aides dans des conditions plus favorables que pour toute autre nationalité. Douze mois de présence suffisent, par exemple, pour demander un regroupement familial au lieu de dix-huit mois dans le droit commun.
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). C’est obsessionnel chez vous !
M. Sébastien Chenu (RN). Les regroupements familiaux concernant les Algériens représentent un quart de l’ensemble de ceux-ci, avec des conséquences budgétaires réelles. Ce régime spécial est ainsi évalué à environ 2 milliards d’euros par an, incluant 300 millions d’euros de surcoûts administratifs relatifs aux contentieux, aux procédures d’éloignement qui n’aboutissent pas.
Sur le plan diplomatique, la situation est non seulement coûteuse mais aussi insatisfaisante. Les laissez-passer consulaires ne sont presque jamais délivrés et la dette hospitalière de l’Algérie vis-à-vis de la France a explosé. Alors que nous sommes partout à la recherche d’économies, ce sujet, tel un éléphant au milieu du salon, n’est pas évoqué.
Je souhaite par ailleurs souligner l’augmentation des visas accordés aux ressortissants algériens par l’intermédiaire de Campus France, organisme placé sous votre co-tutelle, qui a validé la délivrance de 1 000 visas étudiants supplémentaires en 2025.
Incluez-vous ces dépenses, dont vous voudrez bien nous communiquer le montant exact, dans le champ des dépenses non pilotables de votre ministère ? La France dispose-t-elle d’une stratégie diplomatique prenant en compte le coût financier très élevé de cet accord ou cela procède-t-il simplement d’une sorte d’habitude, entre soumission, laxisme et clientélisme, qui coûte cher aux Français et que vous n’osez pas remettre en cause ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je ne suis pas seul comptable du budget de ce ministère ! L’année dernière au Sénat, par exemple, la commission des finances voulait réaliser des économies particulièrement importantes sur ce ministère, avec un amendement qui réduisait de 50 millions d’euros les fonds alloués à notre outil de travail. Nous avions alors proposé un compromis, sous la forme d’un amendement – adopté – de 25 millions d’euros d’économies, montant déjà très important. Or en commission mixte paritaire, les 50 millions d’euros ont été ajoutés, alors que nous avions déjà encaissé les 25 millions d’euros d’économies demandés sur l’outil de travail. Il arrive ainsi que la copie du gouvernement soit dégradée par le Parlement, à la hausse ou à la baisse selon le point de vue. Nous faisons avec.
Ma responsabilité est de proposer au nom du gouvernement une copie des arbitrages. Je vous ai expliqué comment nous avions décomposé les 434 millions d’euros d’économies qu’il m’a été demandé de réaliser. C’est ensuite à vous que la décision appartiendra. Mon rôle sera alors d’exécuter vos décisions et d’en tirer le meilleur parti.
Concernant l’accord avec l’Algérie, le coût de 2 milliards d’euros a été repris dans certains médias. Permettez-moi de citer le titre de la dernière partie du rapport procédant à ce chiffrage : « Un surcoût budgétaire impossible à fiabiliser rigoureusement en l’état des données transmises mais qui peut être estimé à environ 2 milliards d’euros par an ».
Les accords de 1968 comportent-ils des éléments avantageux pour les bénéficiaires, c’est-à-dire pour les ressortissants algériens, par rapport au droit commun ? Oui. D’autres éléments en revanche le sont moins. Si cet accord était remplacé par un autre, cela ne conduirait sans doute pas à une baisse du nombre de ressortissants algériens en France mais à une modification des profils concernés. Il est par exemple probable que l’on compterait un peu moins d’immigration familiale et un peu plus d’immigration économique et étudiante, auxquelles les accords de 1968 sont moins favorables. C’est la raison pour laquelle, lorsque le président de la République s’est rendu en Algérie en 2022 et a endossé la déclaration d’Alger avec le président algérien, tous deux avaient convenu d’engager un travail conduisant à la révision de l’accord de 1968, afin de l’adapter aux réalités du temps. Plusieurs forces politiques en France demandent depuis un certain temps que cet accord soit revu ou abrogé. Les Algériens seraient eux aussi en droit de souhaiter que des évolutions soient envisagées.
Concernant les visas, vous faites référence à un message de Campus France, organisme ayant la responsabilité de mettre en relation des étudiants étrangers avec nos établissements d’enseignement supérieur, qui fait état d’une augmentation du nombre de visas étudiants délivrés d’un millier en 2025 par rapport à 2024, passant de 8 000 à 9 000. Il me semble important de replacer dans son contexte cette information dont je comprends qu’elle ait pu être mal comprise à un moment où les relations entre la France et l’Algérie sont gelées. Il faut tout d’abord savoir que les visas étudiants représentent une part minime des visas émis chaque année au bénéfice de ressortissants algériens : ce nombre fluctue ; il est passé de 10 000, il y a deux ans, à 8 000 puis à 9 000. Cela dépend du nombre de demandeurs et des places offertes par les établissements d’enseignement supérieur. Dans toutes les autres catégories de visas, le nombre de titres émis a baissé. Je m’attends sur une année complète à une baisse encore plus marquée, à la suite des mesures restrictives très fermes que nous avons prises à l’encontre des dignitaires algériens. Je précise que nous n’avons pris aucune mesure touchant la population générale.
Au cours des neuf premiers mois de 2025, le nombre de visas accordés par la France à des ressortissants algériens a baissé de 14,5 % par rapport à la même période de l’année précédente. Le taux de refus par nos services consulaires a atteint 31 % en Algérie, soit le double de la moyenne mondiale, qui est de 16 %. Cette tendance concerne l’ensemble des catégories de visas, qu’ils soient touristiques, en baisse de 21 %, économiques, de 12,6 %, ou pour motif familial, de 7,4 %. Il est vrai que le nombre de bourses étudiantes augmente mais elles suivent une logique un peu différente.
Nous avons pris le parti de ne pas prendre de mesures visant les Algériens ordinaires, en considérant que la population n’était pas responsable des décisions brutales, absurdes et infondées des autorités algériennes. Si l’on constate une baisse des visas, c’est tout d’abord parce que les autorités algériennes ont réduit notre dispositif consulaire et diplomatique sur place, ce qui limite la capacité à traiter le flux entrant. En outre, le nombre de demandes de visas formulées par des ressortissants algériens a baissé cette année, peut-être parce qu’ils ont considéré qu’un déplacement n’était pas opportun au moment où les tensions entre les deux pays atteignent un tel niveau.
C’est donc la combinaison d’une baisse de la demande et de la capacité à les accorder qui explique la diminution très marquée du nombre de visas. Elle est largement supérieure à l’augmentation de celui des bourses étudiantes, qui a fait l’objet d’une communication dont, encore une fois, je comprends qu’elle ait été incomprise. Mais cela ne doit pas masquer la réalité de l’évolution des mobilités entre nos deux pays.
M. Sébastien Chenu (RN). Vous nous dites que vous n’êtes pas responsable ; j’entends.
Vous contestez que l’accord de 1968 coûte 2 milliards d’euros. Dans ce cas, sait-on quel est vraiment son coût ? Si l’on est incapable de l’estimer, c’est grave.
Vous avez dit que l’accord comprenait des clauses qui sont moins avantageuses pour les ressortissants algériens. Je suis curieux de savoir lesquelles. Quel est leur impact financier ?
Enfin, vous n’avez pas répondu à ma question sur Campus France. Quel est le coût pour les finances publiques des bourses étudiantes accordées à des Algériens ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Comme je vous l’ai dit, environ 8 000 visas sont accordés à des étudiants algériens. Ils ne sont évidemment pas tous boursiers de Campus France. Je vous fournirai plus tard des éléments précis sur le coût des bourses accordées aux étudiants algériens.
S’agissant du surcoût de l’accord franco-algérien, je n’ai pas remis en cause l’évaluation figurant dans le rapport de la commission des finances : au contraire, j’ai mis en valeur ce document, qui établit que le surcoût budgétaire est « impossible à fiabiliser rigoureusement en l’état des données transmises ». Sans doute faut-il approfondir la réflexion.
L’accord de 1968 comprend des clauses qui sont moins favorables aux Algériens notamment en matière d’entrepreunariat et de statut des étudiants. Je vous fournirai des précisions complémentaires ultérieurement.
M. Sébastien Chenu (RN). Quelles sont les conséquences financières de ces clauses moins favorables ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Elles sont moins favorables que le droit commun pour le demandeur du visa. Si l’on revient au droit commun pour les Algériens, comme le propose le rapport, leur situation deviendrait moins favorable en ce qui concerne l’immigration familiale mais plus favorable s’agissant de l’immigration économique.
C’est la raison pour laquelle la révision de l’accord de 1968 a été abordée par les deux chefs d’Etat lorsque nous avons repris le dialogue en 2022. Il y a sans doute des ajustements à faire, même si la position de votre groupe est plutôt l’abrogation, je crois.
M. Hervé Berville (EPR). Comme le premier ministre et vous-même l’avez dit, nous sommes à un moment particulier, marqué par une volonté de partage du pouvoir entre le Parlement et l’Exécutif.
On doit aussi respecter les lois de programmation. On respecte la loi de programmation militaire ainsi que les lois d’orientation et de programmation du ministère de la justice et pour la sécurité intérieure ; c’est une bonne chose. Je ne vois pas pourquoi on ne respecterait pas la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, sachant que nous nous sommes battus pour l’obtenir précisément parce que le gouvernement considérait qu’il serait évidemment tenu de suivre le texte voté. Je ne remets pas en cause votre travail car vous avez respecté un certain nombre de dispositions de la loi, notamment en créant cette année la commission d’évaluation de l’APD. Elle nous permettra de mieux mesurer l’impact de cette dernière. Mais force est de constater que les lois de programmation sont traitées différemment, ce qui n’est pas normal.
Pour la troisième année consécutive, le budget de l’APD diminue. Sa baisse a atteint 39 % en 2025. En 2024 et 2025, les crédits de la mission Aide publique au développement ont été amputés respectivement dix fois et quatre fois plus que la moyenne des autres missions budgétaires, participant ainsi de manière disproportionnée à l’effort budgétaire. Je rappelle que la loi de programmation fixe un objectif de 0,7 % du revenu national brut consacré à l’APD en 2025. On en est très loin. En 2026, la mission figure dans la liste de celles qui sont les plus mises à contribution : elle est la quatrième si l’on raisonne en volume et la deuxième en proportion.
Un point m’a vraiment surpris : l’article 2 de la loi de programmation prévoit que les taxes affectées au Fonds de solidarité pour le développement (FSD) ne peuvent pas être inférieures à 528 millions d’euros ; or je vois dans le PLF pour 2026 que ce plancher a été transformé en plafond, soit l’inverse de ce qui est prévu par la loi de programmation. Comment va-t-on faire pour respecter la loi de programmation d’ici à 2027 ? La confusion entre plancher et plafond est-elle une coquille ? C’est un point important car cela ne signifie pas du tout la même chose s’agissant de la trajectoire financière.
Il faut se préparer à faire la guerre mais aussi à faire la paix, et pour cela nous avons besoin d’un appareil de défense et de la diplomatie, ainsi que d’une politique de développement car celle-ci améliore notre influence et notre crédibilité tout en contribuant à résoudre les grands problèmes contemporains, tels que la santé, l’éducation ou le dérèglement climatique. Ce n’est pas parce que l’on assiste à des baisses de l’APD partout dans le monde que nous devons être des suiveurs.
Vous l’avez montré avec la décision reconnaissant l’existence de la Palestine dans le cadre de la solution des deux États ou avec l’adoption de l’accord sur la haute mer : quand elle prend des initiatives, la France est suivie, crédible et fidèle à sa vocation.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. L’aide publique au développement est confrontée à une double contrainte, je le disais.
Une contrainte budgétaire, tout d’abord : les mesures en faveur de nos concitoyens destinées à faire face aux conséquences très lourdes de la Covid-19 et de la guerre en Ukraine sur le pouvoir d’achat ont conduit, après une période de forte hausse de l’APD, à des ajustements. Cela contrevient à la loi de programmation.
Une contrainte politique, ensuite : d’une part, un certain nombre de forces politiques soutiennent davantage la loi de programmation militaire ou les lois de programmation qui concernent d’autres ministères régaliens que celle relative à l’APD ; d’autre part, des forces politiques assument de demander une baisse de l’APD, alors qu’aucune ne demande une diminution du budget des armées.
Je peux vous assurer que les couloirs de Bercy retentissent encore des hurlements que nous avons poussés la première fois que l’on nous a dit qu’il allait falloir renoncer à 434 millions sur un budget de 5,4 milliards d’euros. Mais il a fallu faire des choix et je vous ai indiqué quelles étaient les priorités que nous nous sommes fixées.
Vous posez une question très importante sur les crédits du programme 384, Fonds de solidarité pour le développement, qui prend le relais des taxes affectées. Je vous donnerai la réponse à la question de savoir s’il s’agit d’un plafond ou d’un plancher bien avant que ne démarrent les discussions sur ce programme.
M. Hervé Berville (EPR). Vous n’avez pas répondu à ma question sur la manière de respecter la trajectoire de la programmation. Pouvez-vous tracer des perspectives qui nous mettent un peu de baume au cœur, alors que nous entrons dans un hiver budgétaire ?
J’en profite pour saluer tous les agents du ministère qui travaillent sur ces questions passionnantes et qui tiennent bon, malgré les baisses de crédits des différentes agences, ainsi que les organisations non gouvernementales (ONG) et la société civile, qui continuent à soutenir cette belle politique.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Il y a toujours des perspectives. Tout est question de volonté…
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Chiche ! C’est la première fois que vous le dites.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. …et d’organisation des priorités. On ne peut pas tout faire en même temps et avoir l’APD la plus généreuse du monde.
M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons aux interventions et questions formulées à titre individuel.
M. Michel Guiniot (RN). Le tableau figurant en annexe du PLF et présentant la répartition des crédits par ministère indique que ceux affectés au ministère des affaires étrangères baisseront de 700 millions d’euros en 2026. Quelques programmes connaissent une légère hausse, dont le programme Action de la France en Europe et dans le monde, avec + 0,1 %, et le programme Français à l’étranger et affaires consulaires, avec + 0,2 %. Celui consacré à la diplomatie culturelle et à l’influence n’augmente pas. En parallèle, la contribution de la France à l’Union européenne passe de 23,3 milliards à 28,7 milliards d’euros en un an, alors que nous étions déjà contributeurs nets pour plus de 7 milliards l’an dernier.
Comment réagissez-vous face à ce PLF qui diminue de manière drastique les fonds alloués au fonctionnement de votre ministère – donc au service des Français à l’étranger et des intérêts de la France dans le monde – alors que, dans le même temps, les fonds alloués au fonctionnement de l’UE sont augmentés de près d’un quart, soit 5,4 milliards d’euros ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Le prélèvement sur recettes retrace notre contribution annuelle au budget de l’Union européenne. Chaque année votre groupe l’estime supérieur à ce que nous retirons de notre appartenance à l’Union. C’est une appréciation extrêmement partielle des bénéfices que les Français tirent de leur appartenance à l’Union européenne.
Comment mesurer ces bénéfices ? Il y a une manière assez simple qui consiste à examiner l’expérience grandeur nature d’un pays qui est sorti de l’Union européenne. Que s’est-il passé au Royaume-Uni ? Avant qu’il quitte l’UE, la richesse par habitant était de 3 000 euros supérieure à la moyenne européenne, ce qui n’est pas surprenant puisqu’il faisait partie des pays les plus avancés, comme la France et l’Allemagne. Depuis sa sortie, cette richesse se situe dans la moyenne européenne. C’était il y a dix ans et je ne tiens pas compte de l’inflation. Si l’on multiplie cette perte de richesse par les 70 millions d’habitants, on peut considérer que le Royaume-Uni a perdu 210 milliards d’euros par an.
M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Ce n’est pas la bonne manière de calculer ! Il faut être sérieux. Cela dépend aussi de la politique que l’on poursuit.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. C’est au contraire la meilleure manière de calculer. Le prélèvement sur recettes représente de l’ordre de 20 milliards d’euros mais nous retirons dix fois plus de notre appartenance, comme le démontre ce qui s’est passé pour l’économie britannique après le Brexit.
M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). C’est ridicule.
M. Michel Guiniot (RN). Je ne doutais pas que vous présenteriez votre point de vue avec une certaine habileté.
Mme Christine Engrand (NI). Le budget qui nous est présenté donne le sentiment d’une diplomatie française sous contrainte, trop souvent dépendante de logiques extérieures à nos priorités nationales.
Le PLF pour 2026 prévoit une légère baisse des crédits mais cette évolution ne doit pas masquer une réalité : le niveau global de l’aide française au développement reste disproportionné au regard de nos moyens et des urgences qui concernent directement nos concitoyens. La France continue d’engager des montants considérables dans des programmes dont la lisibilité, l’efficacité et parfois même la pertinence interrogent. Une part importante de ces financements transite par des dispositifs multilatéraux ou européens, échappant largement à notre pilotage, alors que l’aide bilatérale – qui est la seule à garantir notre influence – s’amenuise.
Comment s’assurer que cette politique ne devienne pas une simple mécanique budgétaire, déconnectée des réalités locales et nationales, et qu’elle demeure au service d’une véritable diplomatie d’influence, au bénéfice de la France comme de ses partenaires ? Notre influence recule dans plusieurs régions du monde au profit d’autres puissances. Comment entendez-vous restaurer une diplomatie française capable d’exister pleinement face à cette concurrence et avec ce budget ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Vous devez être satisfaite puisque, comme je l’ai déjà expliqué, nous avons cherché à faire des économies sur les dépenses pilotables, dont prioritairement celles de fonctionnement, et au sein de ces dernières particulièrement sur les contributions.
Parmi celles-ci, nous avons porté l’effort d’économies sur les contributions multilatérales plutôt que sur les contributions bilatérales. L’an dernier, les crédits relatifs aux contributions étaient répartis à hauteur des deux tiers pour les contributions multilatérales et d’un tiers pour les contributions bilatérales. En 2026, les réductions de crédits s’élèvent à 217 millions d’euros pour les premières et à 100 millions d’euros pour les secondes. De ce fait, les deux types de contributions auront désormais le même poids. J’ai donc rééquilibré au profit du bilatéral.
M. Kévin Pfeffer (RN). Dans votre introduction, vous êtes passé un peu vite sur les dépenses que vous considérez non pilotables. On pourrait certainement y trouver des économies et nous en proposerons.
Je souhaite vous interroger une nouvelle fois sur la réforme du corps diplomatique de 2022, qui a organisé l’extinction de deux corps du ministère des affaires étrangères. Le Rassemblement national s’était fermement opposé à cette réforme, qui a détruit ces corps d’excellence aux compétences si particulières, exigeant notamment des connaissances en langues et civilisations étrangères, ainsi que des savoir-faire acquis grâce à l’expérience et aux affectations successives.
Ces compétences, un élu battu aux élections ne les a pas nécessairement. Les inquiétudes que nous avions exprimées quant à une possible politisation des nominations semblent malheureusement confirmées au vu du profil du nouvel ambassadeur de France nommé cet été au Soudan du Sud. Cet ancien député macroniste avait été défait aux élections municipales et législatives dans le Var face à des candidats du Rassemblement national. Je doute sincèrement que des personnes nommées par complaisance puissent fournir le même service que nos diplomates chevronnés.
J’ai également pris connaissance d’un rapport du Sénat qui indique que cette extinction a eu, de surcroît, un coût non négligeable de plusieurs millions par an, en raison du droit d’option. Confirmez-vous que cette mauvaise réforme a coûté 3,6 millions d’euros par an ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je ne peux pas vous répondre tout de suite sur ce dernier point et je vous fournirai la réponse ultérieurement.
La réforme s’est traduite par des avancées pour la carrière des cadres du ministère. Les conseillers des affaires étrangères et les ministres-plénipotentiaires ont opté à 88 % pour leur intégration dans le nouveau corps des administrateurs de l’État, soit près de 700 agents au total.
Parallèlement, des dispositifs d’accompagnement permettant de conserver un outil diplomatique performant sont mis en œuvre : préservation du concours d’Orient, qui restera une voie d’accès directe et spécifique au Quai d’Orsay et qui va de pair avec une réforme des concours ; revalorisation des parcours et des carrières des secrétaires des affaires étrangères ; garantie pour les agents qui n’ont pas opté pour le corps des administrateurs de l’État d’avoir un déroulement de carrière au moins équivalent à celui qui prévaut actuellement, et en réalité substantiellement amélioré ; possibilité pour le ministère de proposer à tous ses agents, y compris aux administrateurs de l’État, d’y faire leur carrière.
Enfin, le ministère s’est saisi de cette réforme pour transformer sa culture managériale à travers une meilleure évaluation de la performance, afin de tirer des conséquences plus opérationnelles en matière de bonnes pratiques. Un accompagnement des encadrants a été mis en place grâce à la nouvelle délégation à l’encadrement supérieur. De même, un effort sans précédent a été fait pour féminiser.
En résumé, la réforme de l’encadrement supérieur a été l’occasion d’améliorer la situation de nos agents et de continuer à valoriser l’idée d’une diplomatie de métier, de compétences et de talents.
Un élément méritait d’être réaffirmé, et je l’ai fait avec force en soutenant le développement de l’académie diplomatique et consulaire : même s’il arrive que des mobilités aient lieu entre différents secteurs de la fonction publique – et nous les promouvons –, la diplomatie et les métiers du consulaire sont des métiers à part entière. Cela ne s’improvise pas. C’est la raison pour laquelle cette académie permet de former les personnes qui ont vocation à exercer des responsabilités dans le ministère.
Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Je voudrais revenir sur les contributions aux politiques de coopération bilatérales et multilatérales. Nous sommes totalement opposés aux coupes budgétaires parce que la construction de la paix et la résolution des crises ou des conflits nécessitent des moyens – même s’ils ne sont pas forcément très élevés –, en particulier dans la période actuelle. Le niveau de conflictualité atteint dans le monde est inédit depuis 1945, sans même parler du génocide en Palestine, qui va avoir pour conséquence d’entreprendre un travail de reconstruction. Il faut résoudre un certain nombre de crises. Lors de son audition, une fonctionnaire suivant plus particulièrement l’Organisation des Nations unies (ONU) nous a parlé d’un programme en faveur des populations auquel la France contribue à hauteur de 600 000 euros. Où va-t-on prendre les crédits ? Va-t-on ponctionner la contribution à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), alors que le choléra est réapparu au Soudan ? Va-t-on réduire celle destinée à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), alors que la France est supposée être chef de file du plan de paix en Palestine – qui, entre parenthèses, est selon nous un plan de colonisation ?
Un certain nombre de politiques vont en tout état de cause devoir être menées et le signal donné par ce budget est très mauvais. Par-delà les populations à qui les aides vont manquer, il est également question du rang de la France. On a du mal à comprendre pourquoi les coupes budgétaires se focalisent sur les actions bilatérales et multilatérales.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Aider est aussi un devoir moral.
Nous allons accueillir la semaine prochaine une conférence consacrée à la situation humanitaire dans la région des Grands Lacs. Nous allons appeler la communauté internationale à se mobiliser car les besoins humanitaires ne sont pas du tout satisfaits dans cette zone, très loin de là. Nous apporterons notre contribution à cette occasion.
S’agissant de Gaza, nous co-organiserons, avec l’Égypte, les États-Unis et d’autres pays, la conférence pour la reconstruction qui aura lieu dans les prochaines semaines. Le président de la République m’a demandé de travailler à la contribution française qui sera annoncée lors de cette conférence. Cette contribution concernera les besoins urgents de la population – notamment en matière de santé et d’éducation des enfants – qui se manifesteront jusqu’au début de la reconstruction. C’est ce sur quoi nous allons nous focaliser dans les semaines à venir.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). J’ai découvert que les écoles nationales à vocation régionale (ENVR) relevaient de votre ministère. J’ai pu mesurer leur pertinence et leur qualité, ainsi que le rôle qu’elles jouent pour restaurer l’image de la France dans des pays où c’est nécessaire, notamment en Afrique. Envisagez-vous de leur accorder plus de moyens, tant pour aider au développement que pour améliorer la perception du rôle de la France ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je suis bien d’accord avec vous : cette très belle action menée par la direction de la coopération de sécurité et de défense figure dans le programme 105. Les crédits de celle-ci sont stables, avec 35,6 millions d’euros.
Les ENVR relèvent de cette direction, qui est confiée à un officier général. Elles permettent de développer des compétences en fonction des besoins des pays ou des régions concernées, notamment en matière de lutte contre le narcotrafic ou de maîtrise des flux migratoires. C’est une mission dont nous sommes fiers. Certains se demandent parfois pourquoi elle n’est pas assurée par le ministère des armées mais elle fait partie de la palette des outils dont nous disposons pour exercer une influence, au même titre que l’APD.
Je vous remercie d’avoir salué cette action du ministère, qui n’est pas toujours très connue mais qui est très appréciée là où elle se déploie.
M. Stéphane Rambaud (RN). Les crédits consacrés à l’action extérieure de l’État atteignent cette année 3,45 milliards d’euros, dont 2,69 milliards pour l’action de la France en Europe et dans le monde et 605 millions pour la diplomatie culturelle. Pourtant, jamais la voix de la France n’a semblé aussi faible sur la scène internationale. Nos ambassades ferment ou manquent de moyens, par exemple au Niger ou au Soudan. Nos alliances historiques se distendent et notre diplomatie culturelle, autrefois pilier de notre influence, est réduite désormais à peau de chagrin. Dans le même temps nos diplomates sont de plus en plus contraints d’appliquer des orientations décidées à Bruxelles ou à Washington, plutôt que de défendre une ligne française indépendante et claire.
Nous avons besoin d’une diplomatie pleinement française, recentrée sur la défense de nos intérêts, de notre langue, de nos entreprises et de nos compatriotes à l’étranger, et non d’une diplomatie supplétive de l’Union européenne. Comment justifier un budget aussi important quand il ne permet plus à la France d’être souveraine, entendue et respectée dans le monde ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je trouve au contraire que ce budget est très modeste puisqu’il équivaut, pour ce qui concerne le réseau, au budget de fonctionnement de l’Opéra de Paris. Cela nous permet malgré tout d’avoir une présence dans quasiment tous les pays du monde, d’y protéger nos ressortissants et d’y défendre nos intérêts – qu’ils soient économiques ou sécuritaires –, mais aussi d’être en première ligne pour faire face aux atteintes portées à l’image de la France.
C’est le minimum minimorum. Je considère en tout cas qu’il est difficile d’imaginer pouvoir faire des économies supplémentaires sur l’action extérieure de l’État sans dégrader un outil de travail dont vous avez dit combien il est important pour que la France soit entendue.
En revanche, je suis en désaccord avec ce qui sous-tend votre discours sur l’Union européenne. Une formation du Conseil réunit les ministres des affaires européennes, qui tentent de se mettre d’accord sur un certain nombre de points mais notre politique étrangère nous appartient. Il est vrai que, lorsque nous parvenons à faire converger les positions au sein de l’Union européenne, l’effet multiplicateur européen donne plus de force à notre voix, sachant que nous sommes un grand pays européen et l’un des fondateurs. Mais nous ne sommes pas des supplétifs. Dans les États où la France est représentée, l’ambassadeur exerce sa mission singulière de défense de l’intérêt national. Il ne s’agit pas de l’intérêt du Quai d’Orsay mais de celui de notre pays, dans toutes ses dimensions.
M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). La semaine dernière, après plusieurs semaines de révolte du peuple malagasy, et notamment de la jeunesse, celui qui était alors le président de Madagascar a été exfiltré par l’armée française, ce qui revient à le soustraire à la justice de son pays alors que la répression qu’il a ordonnée a fait plusieurs dizaines de morts. Une fois de plus, l’image de la France est ternie auprès d’un peuple qui a le sentiment qu’elle se met du mauvais côté. On l’a déjà vu dans de nombreux pays africains, et c’est l’une des raisons du désaveu de la France en Afrique.
Pourquoi l’avoir exfiltré ? On nous dit que c’est parce qu’il est franco-malgache et qu’il fallait donc l’aider mais on connaît de nombreux exemples de binationaux, notamment à Gaza, qui n’ont pas été exfiltrés dans un avion de l’armée française alors qu’ils étaient en danger, y compris lorsqu’ils sont députés. Certains, qui participaient à la flottille pour Gaza, se sont débrouillés tout seuls pour revenir, alors que les Colombiens, par exemple, ont envoyé l’avion présidentiel pour ramener leurs ressortissants. À Madagascar, des rumeurs se répandent selon lesquelles l’ancien président avait des dossiers, notamment sur des affaires de corruption. Il faudrait donner des explications car, une fois de plus, l’image de la France est ternie.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Ternie par qui ?
M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Par le choix de l’avoir soustrait à la justice de son pays !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je ne voudrais pas ajouter de la polémique à la polémique mais je pense que cela nous ferait beaucoup de bien si ceux qui ont participé aux flottilles, et qui savent parfaitement à quel point les agents du ministère se sont démenés pour qu’ils puissent rentrer le plus rapidement et dans les meilleures conditions possibles, pouvaient les remercier et saluer leur action.
M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Vous faites diversion. Qu’une propagande existe pour nuire à l’image de la France ne signifie pas pour autant que les décisions du président de la République n’ont pas, elles aussi, un impact sur cette image. Le peuple malgache n’a pas inventé que son ancien président, qui a des dizaines de morts sur la conscience, a été exfiltré par l’armée française. Pourquoi a-t-on fait cela ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Le président de la République a été très clair et je l’ai été moi-même lorsque je me suis exprimé.
La présence de l’ambassadeur de France lors de l’investiture du nouveau président témoigne de notre soutien à une transition qui doit permettre de tenir compte de l’aspiration à la démocratie ainsi qu’à l’accès à un certain nombre de services et de biens de première nécessité, exprimée avec beaucoup de force par la jeunesse malgache. Cette transition doit conduire au retour à la légalité constitutionnelle et nous sommes prêts à la soutenir.
II. Présentation de l’avis devant la commission des affaires étrangères et examen des crédits
Au cours de sa réunion du mercredi 29 octobre 2025, la commission examine le présent avis budgétaire.
M. le président Bruno Fuchs. Nous poursuivons l’examen de nos différents avis budgétaires sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Ce matin, nous nous prononcerons sur deux missions budgétaires, les missions Action extérieure de l’État, « cœur de cible » de nos travaux et objet de deux avis budgétaires, puis Écologie, développement et mobilité durables.
Comme l’an passé – nous avons en cela souhaité donner une certaine continuité à nos travaux –, la mission Action extérieure de l’État fera l’objet d’une discussion globale, après la présentation de nos deux rapporteurs pour avis, MM. Michel Herbillon et Frédéric Petit. Je réitère mon appel à la discipline de toutes et tous dans les temps de parole. Il est absolument indispensable, pour la bonne tenue de nos débats et la portée du travail de nos rapporteurs, que nos échanges s’en tiennent à l’essentiel.
Examen pour avis et vote des crédits de la mission Action extérieure de l’État : Action de la France en Europe et dans le monde ; Français à l’étranger et affaires consulaires ; Diplomatie culturelle et d’influence – Francophonie (MM. Michel Herbillon et Frédéric Petit, rapporteurs pour avis)
M. le président Bruno Fuchs. Les crédits de la mission Action extérieure de l’État s’élèvent à 3,46 milliards d’euros pour 2026, un niveau équivalant à l’enveloppe qui lui était allouée dans la loi de finances pour 2025 : la progression se limite à 0,01 %.
Le rapporteur pour avis Michel Herbillon a choisi d’insister plus particulièrement, dans le volet thématique de son rapport pour avis, sur les contributions financières versées par la France aux opérations de maintien de la paix (OMP) des Nations unies. Pour mémoire, notre participation s’est élevée à 220 millions d’euros en 2025, soit 5,3 % du budget total des onze OMP, ce qui nous place au sixième rang des pays contributeurs.
Le rapporteur pour avis Frédéric Petit a consacré quant à lui une partie de son rapport à la diplomatie culturelle de l’Union européenne (UE), envisagée comme une opportunité à saisir pour renforcer l’influence de la France dans le monde. Il s’est attaché à étudier la manière dont la diplomatie de la France s’articule avec celle de l’UE, en analysant comment la présence française dans le monde s’appuie sur les services et les programmes de l’Union et en esquissant les bonnes pratiques à appliquer pour renforcer l’efficacité de notre diplomatie culturelle et d’influence.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis (Action de la France en Europe et dans le monde ; Français à l’étranger et affaires consulaires). Les crédits de la mission Action extérieure de l’État visent à financer la majeure partie des dépenses de personnel, de fonctionnement, d’intervention et d’investissement du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE). Ils sont répartis au sein des programmes 105, 151 et 185.
Je n’ai été désigné rapporteur pour avis des crédits des programmes 105 et 151 que la semaine dernière, à la suite de la nomination au gouvernement de notre ancien collègue Nicolas Forissier. Compte tenu des délais impartis, des auditions et des deux déplacements – au Kosovo et à Chypre – effectués par mon prédécesseur, la partie thématique de mon rapport pour avis, consacrée aux opérations de maintien de la paix, s’inscrit naturellement dans le prolongement des travaux menés jusqu’alors.
Le montant des crédits de la mission Action extérieure de l’État pour 2026 s’élève à 3,46 milliards d’euros. Il équivaut à celui ouvert en loi de finances initiale pour 2025, laquelle entérinait une restriction budgétaire de 200 millions d’euros par rapport à 2024. L’essentiel de la diminution des dotations concerne les contributions versées par la France aux organisations européennes et internationales au titre du programme 105. Bien entendu, le contexte budgétaire très dégradé impose un effort de redressement des comptes publics auquel le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ne peut échapper : c’est une question de responsabilité.
Des engagements forts avaient cependant été pris par le président de la République et les gouvernements précédents à l’issue des états généraux de la diplomatie organisés en 2023. Après la suppression de près de 3 000 emplois entre 2006 et 2021 – période pendant laquelle le ministère de l’Europe et des affaires étrangères semble avoir été considéré comme une variable d’ajustement –, un consensus s’était dégagé pour réarmer notre diplomatie en renforçant progressivement ses moyens financiers, matériels et humains et lui permettre ainsi d’exercer ses missions. Force est de constater que l’équilibre entre cet impératif politique et les exigences budgétaires demeure complexe, au risque de rendre l’équation insoluble.
Bien qu’elle prolonge la trajectoire enclenchée en 2023, l’augmentation effective de 49 postes prévue en 2026 ne permettra pas d’atteindre la cible de 700 emplois supplémentaires pour 2027 : les prévisions pluriannuelles laissent penser que cette ambition ne sera pas satisfaite. Si j’en comprends les raisons au vu de la conjoncture, je ne peux que déplorer de nouveau une forme d’incohérence, de distance, entre les discours et les actes, qui suscite des frustrations légitimes et jette un doute sur la crédibilité de notre politique en la matière.
Les dépenses financées par le programme 105, Action de la France en Europe et dans le monde, qui regroupe les trois quarts des crédits de la mission, augmentent de 1,80 %. La diminution des contributions internationales est essentiellement due à la révision automatique des barèmes de calcul des quotes‑parts, qui diminue mécaniquement les contributions obligatoires versées par la France aux organisations internationales ; je le précise car nombre de nos collègues semblent avoir ignoré cet aspect au moment de rédiger leurs amendements. Par conséquent, cette évolution octroie une petite marge de manœuvre, qui permet notamment de renforcer de 10 millions d’euros le budget affecté à la communication stratégique – c’est-à-dire à la lutte contre la désinformation et les ingérences étrangères – et de financer l’organisation du sommet du G7, que la France accueillera à Évian l’année prochaine.
Le budget du programme 151, Français à l’étranger et affaires consulaires, baisse de 0,97 % par rapport à 2025, soit une diminution d’environ 1,5 million d’euros, principalement imputable à la baisse du montant des bourses scolaires. Si cette évolution s’explique par la diminution constante du nombre d’élèves boursiers ces dernières années, ces dépenses ne doivent pas faire l’objet d’une sous‑budgétisation car les bourses sont décisives pour faciliter la présence à l’étranger de nombreuses familles françaises expatriées. Par ailleurs, je me félicite de la revalorisation, à hauteur de 500 000 euros, des crédits alloués à l’accompagnement scolaire des élèves en situation de handicap : c’est un geste modeste sur le plan budgétaire mais très utile pour les familles concernées.
La partie thématique du rapport pour avis porte sur les contributions financières versées par la France au budget des opérations de maintien de la paix de l’Organisation des Nations unies (ONU).
En 2026, la France y participera à hauteur de 205 millions d’euros, ce qui représente 4,6 % du budget total de ces onze OMP et place notre pays au sixième rang des États contributeurs. Le calcul du barème reposant principalement sur le poids démographique et économique des États membres, le montant de la contribution française a mécaniquement été divisé par deux au cours de la dernière décennie et diminue encore de 15 millions d’euros par rapport à 2025.
Après ce qu’on a appelé « la parenthèse enchantée » des années 1990 et des dividendes de la paix, qui avaient vu les OMP se multiplier – souvent avec succès –, ces missions sont confrontées à de vastes difficultés financières et politiques qui ont pour conséquence de fragiliser durablement leur action. Comme le rappelle le secrétaire général-adjoint aux opérations de paix de l’ONU, notre compatriote Jean‑Pierre Lacroix, le budget total des OMP se limite désormais à 5,4 milliards de dollars, soit moins que celui de la police de New York.
En toile de fond, on observe des rivalités interétatiques qui provoquent incidemment des restrictions budgétaires accrues, notamment provoquées par les arriérés et les retards de paiement imputables aux États-Unis. Le secrétaire général de l’ONU a ainsi été contraint de décider en urgence, le mois dernier, d’un plan d’économies qui devrait grever de 15 à 25 % le budget des OMP.
Ces évolutions s’inscrivent dans un contexte de remise en cause profonde du multilatéralisme, la paralysie du Conseil de sécurité et la multiplication des vetos rendant l’ONU impuissante à résoudre les conflits en Ukraine et à Gaza. La fermeture de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) en 2023 et celle de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) à compter du 1er janvier 2027 traduisent concrètement une forme de défiance à l’égard du modèle onusien.
Des doutes, voire des critiques, s’expriment quant à la capacité réelle des OMP à garantir la paix et la sécurité sur les différents théâtres d’opérations. Je considère néanmoins que ces missions restent nécessaires pour pacifier les situations et prévenir l’aggravation des conflits. S’il faut préserver cet instrument utile à la recherche d’une paix durable dans des zones exposées à de fortes tensions, des réformes devraient être conduites afin d’améliorer l’efficacité opérationnelle des OMP et d’assouplir les contraintes budgétaires auxquelles elles sont confrontées.
Sur le plan stratégique, le renforcement des liens avec les États hôtes et l’amélioration de la coordination avec les organisations régionales – comme l’Union africaine – apparaissent primordiales. Les mandats sur la base desquels les OMP sont déployées doivent se structurer autour de priorités claires, davantage centrées sur la protection des civils que sur des ambitions parfois irréalistes de construction de l’État ou state-building.
Sur le plan budgétaire, la France est favorable à l’unité de caisse entre le budget des OMP et le budget régulier de l’ONU. Une trésorerie mutualisée permettrait au secrétariat des Nations unies de tirer parti de la complémentarité des calendriers de collecte des contributions, simplifierait la gestion et dégagerait des économies d’échelle, tout en contribuant à une meilleure maîtrise des dépenses.
Enfin, les OMP sont un véritable levier d’influence pour la diplomatie et les armées françaises. Leur localisation dans des environnements souvent francophones est l’une des nombreuses raisons qui doivent nous conduire à défendre ces missions, tout en restant lucides quant à leurs insuffisances et à l’étendue des progrès à accomplir.
Malgré les réserves exprimées, je prononce un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes 105 et 151, dont j’estime qu’ils permettent à notre diplomatie de remplir ses missions au service de la France et de nos compatriotes.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis (Diplomatie culturelle et d’influence – Francophonie). Cette année, notre commission a pu commencer ses travaux beaucoup plus tôt qu’à l’accoutumée : j’ai été pressenti au printemps et formellement nommé en juin, ce qui m’a permis de conduire un travail pré‑budgétaire. J’ai ainsi soumis au gouvernement, avant toute annonce chiffrée, onze mesures que je liste dans mon rapport pour avis. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas déposé d’amendements non financiers comme je le fais habituellement : j’attends de voir comment le gouvernement traitera ces propositions.
Le budget du programme 185 enregistre une baisse faciale de 45,8 millions d’euros, pour s’établir à 605,9 millions. Par rapport aux crédits qui devraient être effectivement utilisés en 2025, l’écart se réduit toutefois à 32,8 millions d’euros. Par ailleurs, le programme 209, Solidarité envers les pays en voie de développement, inclut désormais les crédits alloués au Fonds Équipe France (FEF), qui sont mis à disposition des ambassadeurs pour conduire des actions transversales. Si l’on comptabilise ces fonds, qui augmentent très fortement malgré les difficultés du programme 209, les moyens alloués à nos actions d’influence se sont accrus depuis 2021.
Un effort particulier est demandé à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Je tiens cependant à vous rassurer : 85 % des lycées français vont très bien et n’ont aucun rapport économique avec l’Agence. Celle-ci a trois missions : gérer soixante-huit lycées – soit une toute petite minorité d’entre eux –, se mettre à disposition de l’ensemble du réseau et conduire des projets de coopération éducative avec les autorités locales. Or, au fil des décennies, elle a abandonné certains de ces rôles pour consacrer les près de 500 millions d’euros que nous lui confions à la gestion des soixante-huit lycées.
Nous devons réformer la gouvernance de l’Agence afin qu’elle nous rende compte, non pas de la façon dont elle utilise cette masse budgétaire, mais de la façon dont elle remplit ses missions principales. Par exemple, quelles sommes affecte‑t‑elle à la gestion des lycées directement gérés par l’État et quels montants consacre‑t-elle au reste du réseau ? De nombreuses personnes, ayant pris connaissance de la baisse des subventions dans la presse, appellent à transformer le statut des lycées du Liban ou d’Amérique du Nord, qui sont florissants. Or, ces derniers n’étant nullement liés à l’Agence, une telle mesure ne rapporterait pas 1 euro à cette dernière. Cet argument n’a pas plus de sens qu’une comparaison entre la gestion d’un club de football et celle de la Fédération française. Je le dis depuis des années et l’idée semble commencer à faire son chemin au ministère : l’Agence doit, à l’instar de ce qu’on observe pour les Alliances françaises, revoir son modèle de coopération avec les établissements, qui sont autonomes.
Je ne reviens pas sur la partie du rapport consacrée à l’articulation entre notre diplomatie d’influence et celle de l’Union européenne. Je conclurai plutôt par quelques considérations sur le rapport présenté par Michel Herbillon.
D’abord, le focus sur les OMP est très intéressant, dans la mesure où il s’agit du type même de missions pour lesquelles la question n’est pas tant de savoir quels moyens accorder que ce à quoi ils doivent servir en priorité.
Ensuite, même s’il est vrai que nous n’atteindrons pas la cible de 700 postes supplémentaires entre 2023 et 2027, nous avons tout de même parcouru la moitié du chemin – en comptant la cinquantaine de postes créés cette année –, dans un ministère qui avait été systématiquement détruit au cours des décennies précédentes.
Troisièmement, les bourses accordées aux élèves en situation de handicap sont d’une importance fondamentale. La France est le seul pays à aider les écoles de son réseau à l’étranger à inclure ces élèves, sans réserver cette assistance à ses propres ressortissants. Ce n’est pas simplement une aide énorme pour les familles ou un geste de solidarité mais bien un véritable acte géopolitique. En permettant à une personne handicapée ou malade d’aller à l’école, on montre ce qu’est la France car tous les systèmes locaux ne fonctionnent pas ainsi : dans certains pays, quand on est handicapé, on mendie dans la rue.
Enfin, certains affirment que les Français qui souhaitent accéder aux services publics à l’étranger vivent un enfer. Des élus locaux de tous bords constatent pourtant que, grâce au travail cohérent conduit depuis cinq ans, les services consulaires se modernisent de façon extraordinaire : il n’y a plus d’attente au téléphone, les remises de passeport sont numérisées, etc. Non seulement les crédits et les équivalents temps plein (ETP) enregistrent une légère hausse, mais celle-ci s’accompagne de réformes de fond qui permettent aux services consulaires à l’étranger de ne plus être ce qu’ils étaient à l’époque où ils faisaient l’objet de plaintes quotidiennes : une foire d’empoigne.
M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes politiques.
M. Jean-François Portarrieu (HOR). Monsieur Petit, vous avez indiqué avoir débuté vos travaux dès le printemps, avant même de connaître la copie budgétaire du gouvernement. Vous avez engagé d’emblée une série d’auditions en vue de dégager des mesures pré-budgétaires de nature à renforcer l’influence française. C’est une démarche plutôt originale. Que retenez-vous de cette période, au cours de laquelle vous avez en quelque sorte travaillé à l’aveugle, puisque vous n’aviez connaissance d’aucune orientation budgétaire, même si une trajectoire baissière pouvait être anticipée ? Y avez-vous vu une occasion à saisir ou une faiblesse ?
M. le président Bruno Fuchs. Cette démarche s’inscrit aussi dans le combat que nous menons régulièrement pour gagner en temps de travail et intervenir en amont, plutôt qu’en fin de parcours, afin de pouvoir influer sur les décisions budgétaires.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Le plus souvent, quand le rapporteur dépose un amendement qui porte davantage sur l’organisation de l’administration ou de l’opérateur concerné que sur un aspect financier, deux réponses peuvent lui être apportées : soit il chiffre sa proposition et on lui explique que ce n’est pas à lui de le faire, soit il ne la chiffre pas et on l’accuse d’avoir déposé un cavalier budgétaire. Dans un cas comme dans l’autre, cela n’aboutit à rien.
À cet égard, le travail que j’ai mené cette année a été intéressant. Par exemple, je considère depuis longtemps que la direction générale de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger devrait être intégrée dans l’annexe de la loi organique du 23 juillet 2010, qui liste les fonctions concernées par l’article 13 de la Constitution : nous devrions valider la désignation de la personne appelée à diriger cet organisme stratégique, comme nous le faisons pour l’Agence française de développement (AFD). Ayant pu soumettre cette mesure aux personnes auditionnées en amont, dans un contexte plus décontracté qu’à l’accoutumée – sans doute parce que rien n’était encore chiffré –, j’ai été agréablement surpris de constater que la direction générale de la mondialisation du ministère et les syndicats de l’AEFE y étaient très favorables.
M. Laurent Mazaury (LIOT). Notre groupe constate la stabilité du budget de la mission Action extérieure de l’État, qui préserve les moyens essentiels de la diplomatie française, mais nous regrettons l’absence d’ambitions nouvelles. Le gouvernement revendique une politique étrangère active, que nous constatons quotidiennement sur le terrain, mais le budget qui nous est présenté s’inscrit dans une logique de maintien plus que de relance et de dynamisation. L’essentiel des marges est absorbé par la sécurité du réseau, la gestion des crises et la présidence française du G7. Ces priorités, certes légitimes, laissent peu d’espace à la diplomatie de long terme : celle de l’influence, de la coopération scientifique et de l’attractivité économique.
La baisse de 6,4 % des contributions internationales illustre le décalage entre l’ambition affichée d’un multilatéralisme renforcé et la réalité des moyens qui y sont consacrés.
Les crédits du programme 105 sont certes en hausse de 1,8 % mais cela résulte principalement d’une augmentation de 3,5 % des dépenses de personnel et de 8 % des dépenses de fonctionnement.
Les opérations de soutien à l’Ukraine concentrent une part croissante des crédits. Le contexte le justifie pleinement mais cela laisse peu de place aux priorités émergentes que sont l’Afrique, l’Indopacifique et même le climat. Alors que l’Assemblée nationale a adopté il y a quelques mois une proposition de résolution européenne dans laquelle elle exhorte l’Union européenne et ses États membres à procéder sans délai à la saisie des avoirs russes gelés, on ne voit toujours rien venir. J’ai moi-même déposé une proposition de loi en vue de permettre à la France de saisir de sa propre initiative les avoirs souverains gelés sur son territoire. Il faut sans aucun doute aider l’Ukraine mais c’est à la Russie de payer pour les nombreux dommages et crimes qu’elle a commis, dont les conséquences pèseront longtemps sur les Ukrainiens.
Avec une baisse de 7 % des crédits du programme 185, la diplomatie d’influence devient la variable d’ajustement d’un ministère contraint de se recentrer sur le régalien. Cette orientation risque d’affaiblir la présence française là où la compétition éducative et culturelle est la plus vive. Une politique d’influence est un investissement, non une dépense d’agrément.
Le budget du programme 151 confirme les progrès de la dématérialisation et de la qualité du service rendu mais le recul des moyens alloués aux visas – 41,8 % de baisse – et à l’enseignement français à l’étranger fragilise l’attractivité du service public.
Nous regrettons le manque d’ambitions stratégiques que traduit le budget qui nous est proposé mais félicitons le personnel diplomatique pour la qualité de son engagement et des actions qu’il réalise chaque jour pour la France et au service des Français. La France a besoin d’une diplomatie capable d’investir autant dans le rayonnement que dans la sécurité. Faute de moyens nouveaux, ce budget fige notre outil diplomatique dans une logique de gestion.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Vous soulignez la difficulté que j’évoquais dans mon propos introductif, à savoir une équation assez difficile à résoudre entre notre ambition en matière de politique étrangère et les contraintes budgétaires qui s’imposent à nous. La faible proportion de dépenses pilotables est une contrainte évidente pour parvenir à boucler le budget.
Je tiens à souligner votre engagement, partagé par certains de nos collègues, en faveur de l’Ukraine. Vous avez raison d’insister sur ce point. La question des avoirs russes devra effectivement être résolue. Des tentatives récentes ont eu lieu en ce sens, comme vous le savez, mais le mécanisme envisagé me paraît assez complexe au vu de l’urgence.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il est un enjeu qui lie les considérations budgétaires et l’engagement en faveur de l’Ukraine : la fermeture du ciel ukrainien. Celle-ci serait d’abord une action humanitaire, qui protégerait les populations – je vous invite d’ailleurs à participer à la soirée de soutien à SkyShield France prévu lundi prochain à la salle Gaveau –, mais comme le souligne le président Zelensky lui-même, elle offrirait aussi à l’Ukraine un gain de 3 points de produit intérieur brut (PIB), voire bien plus en cas de réouverture d’un aéroport international, réduisant d’autant les besoins financiers du pays. En permettant aux habitants de travailler, d’étudier ou de développer de nouvelles entreprises plutôt que de devoir se cacher dans les caves, on les aiderait à travailler bien mieux et bien plus.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Je salue le choix du rapporteur pour avis d’insister sur les opérations de maintien de la paix. Outre le fait que c’est un Français qui les dirige, il est bon de rappeler qu’elles suscitent des interrogations, en raison de leurs coûts et de leur utilité parfois incertaine. Dans bien des cas, le mandat qui leur avait été confié au moment de leur création n’est pas respecté, sans que personne n’intervienne. L’ONU n’est pas une instance à proprement parler mais une association d’États. Il revient donc à ces derniers de faire en sorte que les mandats des opérations de maintien de la paix soient respectés.
Celui de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) consistait non seulement à éviter les combats mais aussi à organiser le référendum d’autodétermination et à établir la liste électorale, ce qu’elle a fait peu après sa création. L’organisation du référendum semblait alors l’affaire de quelques mois. La proposition par le Maroc d’une troisième voie, concédant au Sahara occidental une forme d’autonomie, est ensuite venue désamorcer la dynamique enclenchée par la MINURSO. Au vu de la déclaration du président de la République reconnaissant la marocanité du Sahara occidental, quelle sera l’attitude de la France dans ce dossier ? Continuera-t-elle à soutenir et à financer la MINURSO tant que la question n’a pas été réglée ?
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je rends hommage à votre persévérance et à votre détermination à toujours évoquer la situation du Sahara occidental. Vous avez fait part de votre désaccord quant à la position du président de la République, donc de la France à ce sujet. L’actualité ne vous réjouira probablement pas puisque le Conseil de sécurité doit se prononcer demain sur un projet de résolution destiné à clarifier le statut du territoire que se disputent le Maroc et le Front Polisario. Le texte est parrainé par les États-Unis et vise à crédibiliser la perspective d’une autonomie dans le giron du royaume du Maroc.
Mme Marine Hamelet (RN). Le projet de budget du gouvernement Lecornu, qui traduit la vision du président de la République quant à l’action diplomatique de la France, illustre bien ce qui a conduit à l’exaspération d’une majorité de Français envers Emmanuel Macron. Le projet de loi de finances est en effet en décalage avec la réalité que vivent nos concitoyens et illustre l’entêtement du président à poursuivre une politique qui a produit peu de résultats. Alors que des efforts substantiels sont, une nouvelle fois, demandés aux Français, notre pays versera cette année plus de 28 milliards d’euros au budget de l’Union européenne, soit 5 milliards de plus que l’an dernier. Les Français financeront aussi, à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros, divers fonds et organismes européens, en particulier par l’action 02 du programme 105, dont les crédits de paiement (CP), d’un montant de 178 millions, sont en hausse de 3,75 %.
Cette incohérence budgétaire s’accompagne d’une succession de mauvais choix, à commencer par la destruction de notre corps diplomatique et l’application du « en même temps » à notre diplomatie culturelle, au prix de son efficacité et de sa lisibilité. Cette volonté de rester présent dans l’ensemble des pays, conformément au principe d’universalité, reflète-t-elle réellement une stratégie d’influence transversale et décloisonnée, comme vous le suggérez, monsieur Petit ? Ne conduit‑elle pas à un éparpillement de nos ressources ? On peut s’interroger sur la pertinence de l’élargissement des mobilités étudiantes à l’Afrique non francophone, au détriment de nos liens avec les pays francophones.
La politique menée traduit la volonté de fondre l’action diplomatique française dans le multilatéralisme, en particulier à l’échelle de l’Union européenne, ce qui est d’autant plus regrettable que la diplomatie culturelle de l’Union est placée au service de sa politique d’élargissement absurde et sans fin.
Ce budget témoigne de la volonté de poursuivre des politiques que nous ne pouvons pas cautionner. Notre groupe ne le soutiendra donc pas.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Les crédits du programme 105 ne sont pas tout à fait pilotables. En particulier, le versement de 28 milliards d’euros à l’UE est réalisé en application des traités. Quant aux autres financements que vous mentionnez, ils sont d’une échelle tout autre, puisqu’ils avoisinent 0,1 milliard d’euros.
S’agissant du corps diplomatique, on n’a rien détruit du tout : on a juste changé le statut d’agents de l’État qui formaient, en quelque sorte, une corporation – laquelle, au demeurant, fonctionnait bien. On a offert un choix aux agents : quelque 15 % des membres du corps diplomatique ont souhaité y rester et bénéficient toujours du même statut ; la grande majorité d’entre eux ont fait le choix de bénéficier de la réforme. Grâce à celle-ci, le métier d’ambassadeur est sans doute mieux reconnu au sein des régions françaises. Je connais des acteurs, en poste dans des ambassades, qui ne sont pas issus du corps diplomatique mais qui se révèlent de très bons diplomates, que ce soit dans le domaine culturel ou dans la sphère consulaire.
Je ne crois pas que l’on s’éparpille, au contraire. Je vous invite à relire le discours du président de la République aux ambassadeurs de 2019. L’ambassade est désormais l’agrégateur des actions menées dans un pays, tous moyens confondus, qu’ils proviennent de l’État, des municipalités, des Français vivant sur place, etc. Cela renvoie, par exemple, à l’action des conseils consulaires. Les Fonds Équipe France sont désormais dans les mains de l’ambassadeur, qui doit savoir ce que toute la France – et pas seulement le gouvernement – fait dans le pays, à charge pour lui de coordonner l’ensemble des actions. À titre d’exemple, la fouille du monastère Saint-Hilarion, à Gaza, est un projet français qui a été rendu possible grâce à l’initiative de l’ambassadeur de France, qui est allé chercher des fonds auprès de différentes institutions.
Mme Amélia Lakrafi (EPR). Les contraintes financières pèsent sur les moyens dévolus à l’action extérieure de l’État. Je ne puis que le regretter compte tenu de l’importance des missions de notre réseau diplomatique et consulaire dans un monde de plus en plus imprévisible. Cela nous offre toutefois l’occasion de réfléchir à l’évolution de notre réseau, en particulier concernant l’enseignement français à l’étranger.
Cela étant, je note des motifs de satisfaction. Au sein du programme 105, les crédits dédiés à la sécurité de nos compatriotes sont renforcés. Cela concerne en particulier le budget du Centre de crise et de soutien (CDCS), dont je souhaite, une fois encore, saluer la grande efficacité.
Les actions du programme 151 concernant l’accompagnement des Français les plus vulnérables à l’étranger bénéficient, elles aussi, d’une hausse des crédits qui, quoique modeste, a le mérite d’exister.
Le budget dédié aux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) dans nos lycées français augmente, à l’instar de celui dévolu aux associations d’entraide française à l’étranger, en faveur desquelles je me bats depuis plusieurs années. En effet, contrairement aux idées reçues, nous avons de nombreux défis à relever en la matière en raison du vieillissement d’une partie de nos compatriotes à l’étranger, qui sont souvent très isolés, et de la paupérisation de nos concitoyens, qui sont parfois confrontés à une inflation élevée.
Enfin, le programme 151 crée les conditions de la poursuite de la simplification de nos services à l’étranger. Fait peu connu, le MEAE est un véritable laboratoire de l’innovation de l’action publique, comme l’illustrent la dématérialisation de l’état civil, le vote électronique, le renouvellement des passeports entièrement dématérialisé… Cela préfigure ce qui pourrait être fait demain sur le territoire national.
Nous pouvons encore accroître notre efficacité en ce domaine. C’est dans cette perspective que je propose que nous expérimentions l’envoi dématérialisé de la propagande électorale aux Français à l’étranger, qui – pour une majorité d’entre eux – ne la reçoivent pas à temps. Je défendrai un amendement en ce sens en séance.
Le groupe EPR est favorable à ce projet de loi mais son soutien se veut très exigeant.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je partage vos propos. Notre pays étant confronté à des contraintes budgétaires très fortes, il serait irresponsable de s’affranchir de cette préoccupation. Dans le même temps, nous devons continuer à défendre l’action extérieure de notre pays. Je sais les combats que vous avez menés concernant, en particulier, l’accès à l’école des élèves handicapés, qui trouvent aujourd’hui une concrétisation grâce à l’augmentation des crédits.
Je partage pleinement votre opinion sur le CDCS. Nous avons souvent eu l’occasion de féliciter l’action des diplomates, qui y effectuent un travail remarquable, notamment pour rapatrier nos compatriotes ainsi que, parfois, des ressortissants d’autres pays, dans des conditions très difficiles.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Le terme de « laboratoire » me paraît fort à propos. Je ne connais qu’une administration qui répond au téléphone dans les quinze secondes et apporte, dans 95 % des cas, la réponse à la question posée, souvent de manière approfondie : je veux parler des consulats. La plateforme assurant ce service, qui est située à Saint-Denis, est le fruit de l’action de modernisation que nous avons engagée depuis cinq ans.
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Monsieur Herbillon ne me paraît pas tout à fait à l’aise pour donner un avis favorable sur les programmes budgétaires dont il a la charge ; il est vrai que c’est une mission difficile lorsqu’on est attaché à l’ambition de la politique française. Ce budget n’offre aucun motif de satisfaction.
Le MEAE est le seul ministère régalien à ne pas avoir de loi de programmation ; tous ceux qui suivent ces sujets la réclament. On constate des baisses dans tous les domaines. Les crédits du programme 105 sont en diminution, en réalité, car leur évolution ne suit pas l’inflation. Les contributions aux grandes organisations internationales connaissent le même sort, à un moment où l’ONU est fragilisée, entre autres, par le retrait américain. Il convient de réformer l’Organisation mais, en attendant, la diminution de notre contribution ne constitue pas un bon signal.
En revanche, 20 millions d’euros sont budgétés pour l’organisation du G7 en France ; en effet, il ne faudrait pas que le président de la République française montre qu’il n’a pas donné d’ambition à la politique étrangère.
Nous ferons des propositions pour que la France mène réellement une politique étrangère ambitieuse, ce qui passe, par exemple, par un rétablissement de nos contributions à l’ONU, un renforcement des recrutements au sein des corps de diplomates, ou encore l’octroi de crédits destinés à l’ouverture d’une ambassade en Palestine, qui marquerait une véritable ambition pour la paix et l’application du droit international.
Le programme 185, Diplomatie culturelle et d’influence, est encore plus sacrifié. On observe des baisses de plusieurs dizaines de millions d’euros pour l’AEFE, Campus France, les Instituts français, etc. Les Français de l’étranger voient, eux aussi, leur budget diminuer. Nous ferons des propositions pour renforcer la qualité des services qui leur sont apportés. On ne peut pas dire que les lycées français à l’étranger vont tous bien : on constate de plus en plus de départs vers le réseau éducatif américain. Les réseaux consulaires, eux aussi, doivent être renforcés ; nous proposons d’ailleurs des recrutements. Nous entendons faire en sorte que nos concitoyens à l’étranger ne se sentent pas abandonnés – impression qu’ils éprouvent certainement en prenant connaissance de ce budget.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Les crédits sont stabilisés sur l’ensemble de la mission budgétaire. On peut toujours souhaiter plus, évidemment, mais, comme vous le savez, nous opérons dans un cadre budgétaire très contraint. Cela étant, j’ai fait part de mes regrets concernant les effectifs, puisque nous n’atteindrons pas la cible des 700 ETP fixée en 2023.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je rappelle que nous avons un consulat général à Jérusalem qui fait office d’ambassade en Palestine et qui dispose de moyens substantiels. Nous avons également un lycée français à Ramallah, qui ne souffrira aucunement de la baisse éventuelle des crédits de l’AEFE, puisqu’il fait partie de la majorité des lycées français qui n’ont aucun lien économique avec l’Agence.
Le budget de la mission est constitué, en grande partie, de dépenses de personnel ; autrement dit, seule une faible proportion de ses crédits sont pilotables. Une loi de programmation présenterait donc peu d’utilité. C’est pourquoi je propose, depuis plusieurs années, que nous alignions la date de renouvellement des contrats d’objectifs et de moyens (COM) et des contrats d’objectifs et de performance (COP) triennaux de tous les opérateurs qui œuvrent dans le champ de la politique extérieure et que nous portions leur durée à quatre ans. Les COM et les COP présentent en effet une caractéristique que n’a pas la loi de programmation : ils doivent être validés par le Parlement à chaque renouvellement. Nous pourrions décider d’auditionner, en début de mandat, les directions qui sont en charge des cinq ou six contrats relatifs à la mission Action extérieure de l’Etat, ainsi que les services de Bercy. Le ministère est intéressé par cette proposition ; je crois même que, cette fois, cela va se faire.
M. Stéphane Hablot (SOC). Dans un contexte de tensions et d’incertitudes, la France doit rester crédible sur la scène internationale. Pourtant, notre pays, qui disposait encore du troisième réseau diplomatique mondial en 2022, est tombé à la cinquième place. L’année dernière, le budget de la mission avait déjà été amputé de 200 millions d’euros. Cette année, les crédits proposés sont à nouveau en baisse, une fois l’inflation prise en compte. Pour ne prendre que deux exemples, l’enveloppe budgétaire dédiée aux élèves français scolarisés au sein du réseau d’enseignement de la langue française a considérablement diminué. Les crédits alloués aux bourses scolaires sont également en baisse. Dès lors, comment le gouvernement peut-il parler d’un « réarmement » de notre diplomatie ? Il faut savoir se donner les moyens d’une politique, ce qui n’est pas le cas actuellement. Le président de la République, qui est affaibli sur la scène internationale, adopte des positions contradictoires. Pour ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés ne soutiendra pas ce budget.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Les bourses octroyées à nos compatriotes leur permettent d’étudier dans un lycée français à l’étranger parfois distant de leur lieu d’habitation car il n’y en a pas partout. Dans ce projet de budget, le montant qui leur est consacré est stable par rapport au réalisé de l’an dernier. Cela étant, le système est un peu trop rigide, ce qui explique que certains ne puissent pas bénéficier d’une bourse. Nous avons proposé, avec madame Lakrafi, que les bourses soient accordées pour un cycle, et non pour l’année scolaire, ce qui permettrait aux familles de s’organiser. Nous avons aussi préconisé la création de bourses exceptionnelles, d’un montant beaucoup plus faible, à la disposition des conseils consulaires et des élus locaux, pour venir en aide aux personnes se trouvant dans une situation administrative particulière, en particulier en cas de divorce. En tout état de cause, je ne pense pas que l’on puisse dire que les 20 000 boursiers français sont en difficulté.
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Le rapport pour avis qui nous est présenté par notre collègue Herbillon est sérieux et lucide, le rapporteur affirmant lui-même qu’il s’agit d’une équation insoluble. En effet, si les ambitions affichées augmentent, les moyens baissent. Le budget 2026, qui fait suite à la forte diminution de 2025, présente une stabilité en trompe-l’œil. Certaines actions voient leurs moyens diminuer de façon préoccupante. Il en est ainsi des contributions françaises aux organisations internationales, dont la baisse est certes liée, en partie, au barème des quotes-parts mais qui envoie un mauvais signal, dans un contexte de remise en cause du multilatéralisme.
La diminution des crédits consacrés aux bourses scolaires, si elle est justifiée par la baisse du nombre d’élèves boursiers, va à l’encontre des besoins des familles, qui ont de plus en plus mal à payer les frais de scolarité, parfois extravagants, et à faire face à l’inflation. L’incertitude des prévisions budgétaires fait peser un risque réel susceptible de pénaliser les familles les plus modestes.
Enfin, la perspective de la création de 700 postes d’ici à 2027 s’éloigne. Pis, la suppression d’un poste sur trois, prévue à partir de 2027, est très inquiétante. Dans un contexte international marqué par la crise du multilatéralisme et les ambitions impérialistes des grandes puissances, affaiblir nos effectifs diplomatiques serait une faute grave. Nous avons besoin d’une diplomatie forte, crédible et dotée des moyens nécessaires.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. J’ai évoqué la volonté de réarmer notre diplomatie, notamment par le renforcement de ses moyens humains, avant de conclure que l’équilibre entre cet impératif politique et les actuelles exigences budgétaires demeurait complexe, au risque de rendre l’équation insoluble, ce qui n’est pas exactement ce que vous avez dit.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Le réseau de l’enseignement français à l’étranger ne sert pas principalement à scolariser nos jeunes compatriotes dans les établissements français. Sur les 450 000 élèves français qui vivent hors de France, seuls 120 000 étudient au sein du réseau. Plus des deux tiers des élèves scolarisés dans le réseau ne sont pas français ; c’est d’ailleurs ce que nous recherchons. Nous menons un combat avec madame Lakrafi pour promouvoir d’autres solutions de scolarisation des enfants français à l’étranger, que ce soit dans le cadre du Centre national d’enseignement à distance (CNED) ou au sein d’établissements relevant du système d’enseignement local, les deux cursus pouvant être menés de front. Il faut également penser aux associations de français langue maternelle (Flam), qui développent des solutions telles que l’école du samedi et qui sont de plus en plus soutenues en France.
Mme Maud Petit (Dem). Un conflit entre la Russie et l’Ukraine qui s’enlise, une situation qui demeure tendue au Proche-Orient, des tensions entre les États-Unis et le Venezuela, la guerre au Soudan : la conjoncture internationale est marquée par une instabilité profonde, de nombreuses tensions et la multiplication des foyers de crise. Dans ce contexte, la France doit, plus que jamais, faire entendre sa voix et affirmer son rôle de puissance d’équilibre. Pour y parvenir, nous devons poursuivre sans relâche nos efforts en faveur de la paix et du dialogue. Cette action ne peut se concevoir sans une diplomatie culturelle, éducative et d’influence capable de retisser les liens entre les peuples, d’apaiser les tensions et de préparer les fondations d’un avenir commun.
Entre 2021 et 2024, des efforts constants ont été menés en ce sens dans les différentes lois de finances. Le montant total des crédits consacrés à la diplomatie culturelle et d’influence a ainsi progressé de 15 millions d’euros entre 2021 et 2025, ce qui traduit une hausse de 2,2 %. Toutefois, dans le PLF pour 2026, ces crédits sont, comme l’année dernière, orientés à la baisse. La dotation du programme 185 est en repli de 32,8 millions d’euros, ce qui représente une baisse de 5,1 %. Les Démocrates regrettent cette évolution mais, en cette période de restrictions budgétaires généralisées, nous avons conscience de la nécessité de réduire les dépenses publiques. Il n’en reste pas moins que le budget du MEAE est, chaque année, l’un des principaux contributeurs à l’effort budgétaire alors qu’il représente moins de 1 % du budget de l’État.
Monsieur Petit, vous avez choisi de vous pencher, dans votre rapport pour avis, sur l’articulation entre notre politique d’influence et la diplomatie culturelle de l’Union européenne. Vous avez montré comment, depuis le traité de Maastricht et, surtout, depuis 2018, année de publication de l’agenda européen de la culture, l’Union européenne a fait de l’action extérieure l’une de ses priorités. De quelle manière l’action culturelle et d’influence de l’Union permet-elle de renforcer la diplomatie culturelle des États membres et, en particulier, celle de la France ?
Le groupe Les Démocrates apportera son soutien à cette mission Action extérieure de l’Etat.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Faute de temps, je me permets de vous renvoyer à mon rapport car je ne pourrais répondre à votre question sans revenir sur les nombreux points qui y sont développés. Je ferai simplement une remarque : l’Union européenne s’emploie à développer les relations culturelles internationales, terme qui me paraît plus intéressant, d’un point de vue sémantique, que celui de « diplomatie culturelle et d’influence ».
Mme Christine Engrand (NI). Cette mission, dans toutes ses composantes, traduit l’ambition que la France soit présente, active, influente, mais elle révèle aussi l’écart existant entre les objectifs souvent généreux de notre diplomatie et ses moyens parfois limités. L’efficacité, la cohérence et la souveraineté doivent redevenir les maîtres mots de notre action extérieure. Ce n’est pas en multipliant les structures ou les contributions internationales que la France pèsera davantage mais en affirmant ce qu’elle est, ce qu’elle croit et ce qu’elle veut.
Comment justifier la mobilisation de 768 millions d’euros en faveur du multilatéralisme alors que certaines organisations internationales contestent nos positions ? Le Quai d’Orsay dispose-t-il d’outils suffisants pour lutter efficacement contre la désinformation et les opérations d’influence étrangère, notamment dans le domaine numérique ? Dans un contexte d’insécurité internationale, la part consacrée à la protection des personnels et infrastructures diplomatiques est-elle à la hauteur des risques encourus ?
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Vous mettez en cause le multilatéralisme, donc le droit international, qui est l’une des façons pacifiques de résoudre les conflits. On ne peut pas vous suivre sur ce terrain. En outre, je vous rappelle qu’une grande part de nos versements aux organisations internationales présente un caractère obligatoire.
M. le président Bruno Fuchs. La commission va à présent examiner les amendements déposés sur les crédits de la mission Action extérieure de l’État, puis ceux à titre connexe. En raison de ma participation au Forum de Paris pour la paix, je cède la présidence pour la suite de la réunion au vice-président Alain David.
Présidence de M. Alain David, vice-président.
*
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-AE53 de M. Pierre Pribetich
M. Pierre Pribetich (SOC). Cet amendement vise à stabiliser le budget alloué aux contributions internationales au moyen d’un abondement de 48 millions d’euros.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Le coût d’une telle mesure n’est pas négligeable dans le contexte budgétaire actuel. Par ailleurs, la diminution constante du montant des contributions internationales de la France au cours des dernières années s’explique essentiellement par la révision à la baisse de notre quote-part dans le financement des organisations internationales. Cela a abouti de manière mécanique à réduire le montant de nos contributions obligatoires, que nous versons d’ailleurs dans leur intégralité et dans les délais impartis – contrairement à d’autres grandes puissances, tels les États-Unis, qui accumulent des retards considérables et des arriérés de paiement. Cette évolution ne traduit donc pas un quelconque désengagement de la France des enceintes multilatérales. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE38 de M. Aurélien Taché, l’amendement II-AE15 de M. Hervé Berville n’étant pas défendu
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Nous proposons par cet amendement d’augmenter de façon plus importante les effectifs du MEAE. Il n’est pas possible de naturaliser ce que vous appelez souvent les contraintes budgétaires, comme si elles tombaient du ciel et étaient parfaitement indépendantes de notre volonté. Des choix budgétaires ont été faits au cours des dernières années. En 2017, les recettes publiques représentaient 54,3 % du PIB, contre 51,4 % aujourd’hui. Nous proposons de prendre le contrepied de cette logique de démantèlement de la puissance publique et de recruter 250 équivalents temps plein travaillé (ETPT) au sein du ministère.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. J’ai indiqué que l’objectif de création de 700 emplois d’ici à 2027 ne serait pas atteint. Selon les informations que j’ai recueillies lors des auditions, seule la moitié des créations de postes prévues depuis 2023 auront lieu.
Cependant, je vous demanderai de retirer votre amendement, pour deux raisons.
Sur la forme, l’enveloppe budgétaire provisionnée doit correspondre à des créations de postes clairement identifiées au sein du budget. Il faut déterminer au préalable le fléchage des crédits au sein des différentes actions du programme 105.
Sur le fond, les contraintes budgétaires, quoique vous en pensiez, existent. Nous ne pouvons pas les écarter d’un revers de la main. Je ne peux qu’en déplorer les effets mais il ne me semble pas réaliste de prévoir une telle augmentation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE60 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il s’agit, par cet amendement, de rétablir la contribution française à la Facilité européenne pour la paix (FEP) à destination de l’Ukraine, qui est un engagement stratégique indispensable. La guerre en Ukraine affecte fortement la stabilité et la crédibilité européenne. Chaque euro investi dans la FEP permet de préserver la stabilité de l’Ukraine et de renforcer son autonomie militaire – des actions que seule l’Union européenne peut orchestrer efficacement. En rétablissant notre contribution, nous affirmerions que la France reste au rendez‑vous de la sécurité collective et qu’elle ne laisse pas ses partenaires assumer seuls l’effort.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Le financement de la contribution française à la FEP est réparti entre le MEAE, pour ce qui relève des mesures d’assistance à caractère non létal, et le ministère des armées, pour les mesures létales. Le second pilier de la FEP, adopté en mars 2021, devait financer, en grande majorité, des mesures d’assistance à caractère non létal. La guerre d’agression russe en Ukraine ayant renforcé la part létale de ces actions, la participation du MEAE a été ramenée à 104 millions d’euros en 2025, en baisse de 40 millions par rapport à la LFI pour 2024. La dotation pour 2026 est stable, à 104 millions. Compte tenu de ces évolutions, il n’y a pas lieu de modifier ce montant. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE61 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il ne suffit pas d’envoyer des armes et des munitions : il faut accompagner les efforts de l’État ukrainien, en particulier pour assister les civils.
L’amendement II-AE61 vise à renforcer de 25 millions d’euros nos contributions volontaires aux organisations internationales. Le président américain soutient de moins en moins le multilatéralisme, ce qui a conduit au retrait des États‑Unis de plusieurs organisations, comme l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) ou l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La France, elle, s’est toujours présentée en défenseur du multilatéralisme mais, alors qu’elle était le cinquième contributeur mondial au système onusien en 2015, elle n’en est plus que le huitième. Je crains que, si la France recule, d’autres puissances, telles la Chine, la Russie ou les États du Golfe, ne comblent le vide, ce qui leur offrirait la possibilité de promouvoir des valeurs contraires aux nôtres.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Pour les raisons exposées précédemment à M. Pribetich, mon avis est défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE46 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). L’amendement propose 20 millions d’euros de crédits pour rénover les infrastructures que nous possédons à l’étranger : consulats, ambassades, etc. Beaucoup de bâtiments sont vétustes, ce qui pose des problèmes de sécurité. Les syndicats de diplomates avec qui j’ai échangé indiquent que le contexte sécuritaire impose de renforcer la sécurité de nos postes.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Pour l’entretien et la maintenance, la dotation est stable à hauteur de 10,5 millions d’euros. Pour l’entretien lourd à l’étranger, les crédits sont en diminution de 10 millions pour atteindre 42,2 millions d’euros. Cette baisse s’inscrit dans le contexte budgétaire actuel, même si vous n’aimez pas que l’on y fasse référence, mais elle s’explique aussi par l’achèvement du schéma directeur immobilier pluriannuel 2021-2025 pour les locaux des représentations diplomatiques et consulaires. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE49 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Nous proposons d’allouer 20 millions d’euros à l’organisation d’un sommet francophone sur les nouvelles frontières de l’humanité que sont la mer, le numérique et l’espace, trois défis majeurs pour lesquels la coopération doit être renforcée. J’ai déjà dit ce que je pensais de la présidence française du G7 : ce sommet ne débouche plus sur grand-chose. Il serait préférable de rediriger son financement vers un sommet vraiment utile qui donnerait une nouvelle ambition à la francophonie.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je salue votre intérêt pour ces enjeux mais je ne crois pas que le projet de loi de finances soit le texte adapté pour l’organisation du sommet international que vous appelez de vos vœux. Le sommet du G7 à Évian est déjà prévu dans les prochains mois.
Votre proposition est par ailleurs un copié-collé du titre du meeting organisé par Jean-Luc Mélenchon à Nantes le 16 janvier 2022, ayant pour thème : « Les nouvelles frontières de l’humanité : mer, espace et numérique ». Avis défavorable.
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Merci pour cette référence.
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Au moins, nous, nous sommes cohérents.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE48 de M. Aurélien Taché
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Nous fêtons les quatre-vingts ans de la fondation de l’Organisation des Nations unies. Il ne suffit pas de professer régulièrement notre attachement au multilatéralisme onusien, comme le font le ministre des affaires étrangères et le président Macron ; il faut aussi y mettre les moyens. Au moment où Donald Trump prive de fonds l’UNESCO, l’Organisation mondiale de la santé, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et les actions de maintien de la paix, le budget qui nous est soumis présente une contradiction centrale : 20 millions d’euros sont accordés à l’organisation du G7 mais la contribution internationale à l’ONU est en baisse de 17 millions par rapport à 2024. C’est un scandale. Le G7 ne sert absolument à rien et la diplomatie de club ne vaut rien face à la diplomatie multilatérale onusienne, la seule véritable coopération internationale à laquelle nous sommes attachés.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. La baisse des contributions versées par la France à l’ONU présente un effet mécanique du fait de la diminution de notre quote-part, que notre pays honore en temps et en heure, contrairement à beaucoup d’autres. Nous sommes le sixième État contributeur à l’ONU conformément à notre puissance mondiale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE39 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Nous proposons un nouveau renforcement des effectifs du ministère, cette fois-ci dans le réseau consulaire, avec 100 ETP supplémentaires. On dit toujours que la dématérialisation justifie des fonctionnaires en moins mais cela représente souvent une dégradation du service rendu.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Pour les mêmes raisons que précédemment, demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Vous évoquez dans l’exposé sommaire de votre amendement le service France consulaire, un service d’assistance téléphonique de premier niveau qui sera étendu à l’ensemble des continents à la fin de l’année, avec des plages horaires élargies. Ce service est remarquable et il rencontre un grand succès, puisque 50 000 appels ont été dénombrés en juillet dernier et que le taux de satisfaction des usagers s’élève à plus de 89 %. Il permet utilement de décharger les agents des consulats en leur permettant de se concentrer sur le traitement local des dossiers individuels, les urgences et la protection consulaire.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). On nous répète sans cesse que le budget est contraint mais il y a au moins un ministère dont le budget ne l’est pas : celui des armées. La loi de programmation militaire a même été suralimentée de plusieurs dizaines de milliards d’euros. En tant qu’ancien maire, j’entends la notion de contrainte budgétaire mais je crois aussi que notre commission s’honorerait d’adopter des amendements qui refusent cette contrainte.
La gravité des enjeux que nous évoquons ici avait été entendue par M. Le Drian, qui a reconnu que le ministère des affaires étrangères avait payé très cher l’addition des récessions des années précédentes et s’était engagé à une améliorer les moyens dévolus à l’aide publique au développement et ceux du Quai d’Orsay. Notre commission doit avoir le courage de dire : « C’est essentiel », tout comme celle de la défense a dit : « C’est indispensable. » Nous pourrions même suggérer à la commission de la défense de réduire un peu son budget au profit de la diplomatie, dont le but est de ne pas avoir à utiliser le budget de la défense. En tout état de cause, nous devons avoir le courage de dire à nouveau à l’Exécutif qu’il fait fausse route et qu’il doit changer son fusil d’épaule pour travailler davantage à la paix et à la diplomatie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE47 de M. Aurélien Taché
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Le groupe La France insoumise propose de consacrer 13 millions d’euros à l’ouverture d’une ambassade de France en Palestine. Nous nous étonnons que rien ne soit consacré à l’ouverture de cette ambassade alors que la France a enfin reconnu l’État de la Palestine le lundi 22 septembre 2025, après plus de soixante-quinze années de tergiversations. À l’occasion de cette reconnaissance très attendue, le président de la République a annoncé que la libération des otages israéliens détenus par le Hamas était la condition préalable à l’ouverture d’une ambassade. Or, depuis l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza le 9 octobre dernier – cessez-le-feu plus ou moins respecté par Netanyahou –, les otages israéliens, mais aussi des prisonniers palestiniens, ont été libérés. La condition est donc remplie.
La France dispose actuellement d’un consulat général mais un consulat ne remplit pas les mêmes fonctions qu’une ambassade : il s’occupe des services aux citoyens tandis qu’une ambassade gère les relations diplomatiques de haut niveau. La reconnaissance de l’État de Palestine restera un acte purement déclaratif si elle n’est pas suivie de l’ouverture d’une ambassade. Nous proposons un acte symbolique, politique et diplomatique.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Le projet de loi de finances n’est pas le support juridique idoine pour entériner le choix d’ouvrir ou non une ambassade de France dans les territoires palestiniens. Le consulat général intervient déjà pour tout ce qui concerne les territoires palestiniens.
Je rappelle que la libération des otages détenus par le groupe terroriste Hamas n’était pas la seule condition fixée par le président de la République dans son discours à la tribune de l’ONU pour la reconnaissance de l’État palestinien ; d’autres exigences cumulatives tenant à la démilitarisation de la zone, à la reconnaissance et à la sécurisation de l’État d’Israël par l’ensemble des parties prenantes et au désarmement du Hamas avaient été précisées. Il ne me semble pas qu’à ce jour l’ensemble des conditions soient réunies pour procéder à une telle évolution ; cela arrivera peut-être. En tout état de cause, cela ne doit pas se faire au détour d’un projet de loi de finances. Avis défavorable.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je précise que ce consulat général est une représentation diplomatique de la France et non un consulat de services. Il ne rend pas de services consulaires. Puisqu’il se trouve dans un hôtel historique, il est évident qu’il suffira de le transformer en ambassade, ce qui ne coûtera rien ; il est donc inutile de dépenser 13 millions d’euros. Ce consulat général est extrêmement bien doté, avec du personnel en grand nombre, et il a une influence énorme : de lui dépendent les lycées français de Jérusalem et de Ramallah, un musée à Bethléem et un réseau d’Alliances françaises qui sont coordonnées par lui comme elles le seraient par une ambassade.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Cela fait plusieurs fois que Frédéric Petit cite une liste de représentations culturelles dépendant de ce consulat général mais à aucun moment il n’a cité l’Institut français de Gaza. Cela veut-il dire que celui-ci a été totalement rasé ? Est-ce parce qu’il ne compte pas parmi nos relais d’influence culturelle ou parce qu’il en reste vingt centimètres de cailloux ? Qu’est-il devenu ?
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il était géré par ce poste.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Physiquement, est-il toujours debout ?
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Non.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE62 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’Organisation internationale du travail (OIT) est une pierre angulaire du système multilatéral. C’est l’une des premières institutions à avoir été fondées au niveau international. Alors que les États-Unis réduisent leurs programmes sociaux et de coopération, l’OIT voit ses ressources baisser alors même que les inégalités et les violations du droit du travail explosent. Rétablir la contribution française n’est pas une dépense symbolique, c’est un acte politique en faveur de la justice sociale, d’un travail décent et d’un dialogue social mondial. Le multilatéralisme recule partout. La France doit continuer de soutenir cette organisation qui incarne la dignité du travail.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je l’ai déjà dit, la baisse de cette dotation est due à un mécanisme automatique. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AS63 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Nous avons examiné plusieurs amendements assez coûteux, de l’ordre de 20 à 40 millions d’euros ; celui-ci propose de déplacer une somme modeste pour rétablir la contribution de la France à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui joue un rôle déterminant pour la sécurité mondiale. En Iran, elle mène depuis 2003 des inspections régulières permettant de documenter avec précision le degré d’enrichissement de l’uranium, garantissant que le nucléaire civil ne dérive pas vers un usage militaire. En Ukraine, ses équipes sont présentes en permanence à Zaporijjia, sous tension militaire, pour éviter un accident nucléaire majeur. En France, enfin, l’AIEA conduit régulièrement des audits de sûreté sur nos centrales et sur les installations du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), contribuant à renforcer la transparence de notre filière.
Alors que la prolifération nucléaire réapparaît comme un risque politique majeur, réduire notre soutien à l’AIEA enverrait un contre-signal dangereux. Pilier du multilatéralisme, parangon de la sécurité internationale, la France doit maintenir une contribution à la hauteur de ses engagements, de ses responsabilités et de l’utilité de l’AIEA pour la sécurité collective.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Nous ne mettons pas en cause l’action de l’Agence internationale de l’énergie atomique, pas plus que celle de l’Organisation internationale du travail. La baisse des contributions est due à la baisse de notre quote-part en tant qu’État contributeur.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AS55 de M. Pierre Pribetich
M. Pierre Pribetich (SOC). Hier, dans sa sagesse, l’Assemblée nationale, sur la proposition de notre collègue Éric Coquerel, a décidé de taxer les multinationales proportionnellement à leur activité réellement réalisée en France. Les estimations prévoient 26 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Je propose d’en attribuer 200 000 euros au renforcement des crédits alloués au Centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui est l’urgentiste de l’action internationale de la France.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je partage ces objectifs. Les crédits du CDCS sont en légère augmentation en 2026, après avoir déjà augmenté de 100 000 euros en 2024 et en 2025. Je tiens à souligner l’importance du CDCS pour gérer efficacement les crises qui affectent la communauté française partout dans le monde et pour rapatrier nos compatriotes – et parfois, aussi, les citoyens d’autres pays – en cas de crise. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AE57 de M. Pierre Pribetich.
M. Pierre Pribetich (SOC). Cet amendement propose d’affecter 100 000 euros au programme 105 pour alerter sur la trajectoire de l’action extérieure de la France.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE16 de M. Michel Guiniot
M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement vise à supprimer les 166 millions d’euros de crédits dédiés à l’action 02, Action européenne, afin non pas de revenir sur les engagements internationaux de la France mais de constater que ces dépenses font manifestement doublon avec le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne (PSR-UE). Faut-il rappeler que la France contribue déjà pour plus de 28 milliards d’euros au budget de l’Union européenne ? Alors que cette contribution a augmenté de 23,3 % sur un an, il est difficile de justifier d’autres crédits dédiés à l’action européenne, d’autant plus qu’ils sont imputés à un programme intitulé Action de la France en Europe et dans le monde, et non Action de l’Europe en Europe et que la hausse de l’action 02 est plus importante que celle de l’ensemble des crédits du programme. Il ne s’agit pas de renoncer à des financements contributifs mais de les imputer sur le PSR-UE.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je ne peux donner qu’un avis défavorable à cet amendement qui supprime la totalité des crédits du programme, ce qui revient à désengager entièrement notre pays du Conseil de l’Europe et de la Facilité européenne pour la paix. C’est probablement un objectif que vous poursuivez de longue date mais ce n’est pas le nôtre, alors que les menaces qui pèsent sur notre continent s’amplifient année après année.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE31 de Mme Marine Hamelet
Mme Marine Hamelet (RN). Cet amendement propose d’économiser 87 millions d’euros sur l’action visant à promouvoir le multilatéralisme. En effet, nous souhaitons privilégier le bilatéralisme au multilatéralisme, qui est source d’opacité et d’inefficience ; une partie des financements se perd dans une multitude d’intermédiaires et de programmes avant même d’atteindre leurs objectifs. Par ailleurs, les financements multilatéraux font souvent doublon avec les contributions volontaires déjà versées par la France à l’Union européenne, qui finance elle-même de nombreuses organisations internationales agissant dans les mêmes domaines. Cette double dépense augmente l’opacité des financements et contribue à leur illisibilité globale. À l’inverse, les programmes bilatéraux permettent de choisir des partenaires fiables, de définir des priorités stratégiques au service de la France et, surtout, d’établir des indicateurs de résultats précis. Sans remettre en cause l’engagement international de la France, nous proposons de réduire de 30 % notre contribution aux organisations multilatérales.
Suivant l’avis de M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE65 de M. Jorys Bovet
Mme Alexandra Masson (RN). Il n’aura échappé à personne que les crédits de la mission Action extérieure de l’État sont en hausse de 46 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2025, malgré les restrictions budgétaires auxquelles le pays est soumis. Dans un souci de maîtrise des dépenses publiques et de cohérence avec les efforts demandés à tous les Français en cette période difficile, cet amendement propose de supprimer une telle hausse. Il est crucial de recentrer les politiques publiques sur les priorités nationales. Cette mesure ne compromettra pas le réseau diplomatique mais contribuera à diminuer la masse salariale de l’État, et donc à stabiliser les dépenses publiques.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je m’interroge sur la ventilation concrète des 46 millions d’euros que vous proposez de supprimer. S’agit-il des dépenses de personnel, comme vous l’indiquez, c’est-à-dire, concrètement, de supprimer des emplois au sein de notre réseau diplomatique ou de réduire la rémunération des agents ? S’agit-il des dépenses d’intervention liées à nos contributions obligatoires, qui correspondent à l’engagement financier de la France au sein des organisations internationales ? Ou bien s’agit-il de la diminution des budgets alloués à la sécurité ou à la rénovation immobilière ? Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a été suffisamment mis à contribution pour participer à l’effort de redressement des comptes. Une ponction de 46 millions d’euros n’a donc aucun sens. Avis défavorable.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Il serait effectivement intéressant de connaître le détail des diminutions voulues ici par le groupe Rassemblement national. Je constate et déplore le mutisme de ses membres sur ce point.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE69 de M. Guillaume Bigot
M. Guillaume Bigot (RN). Cet amendement propose de réduire de 50 %, au sein du programme 105, la contribution de la France aux missions militaires extérieures des Nations unies, soit une économie de 26 millions sur les 52 millions d’euros prévus. Il vise en réalité à réduire le financement par la France de la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (MINUSS). Pourquoi ?
Premièrement, parce il s’agit d’une gabegie : 17 000 hommes sont théoriquement payés, à raison de 4 000 euros par mois chacun, et 10 000 euros pour les officiers ; en réalité, il y a à peine 13 000 hommes. De même, 2 100 policiers sont payés ; il y en a 1 400 sur le terrain. Vingt véhicules blindés sont prévus ; il y en a quatre. Il faut dire stop. L’argent des Français est précieux.
Deuxièmement, quatorze ans après son déploiement, c’est un échec sécuritaire. Des bandes armées de gangsters coupent les routes et font régner l’insécurité. La MINUSS ne sert absolument à rien. Elle est régulièrement désarmée dans des guet-apens et, quand elle mène des opérations, ce sont des actions sanglantes et inefficaces ; le reste du temps, elle est confinée dans son bunker. Il faut tirer la sonnette d’alarme et couper ces crédits.
Dans un contexte où le déficit atteint 6 % du PIB et où la dette se monte à 114 % du PIB, il vaut mieux redéployer les fonds destinés à aider le Sud-Soudan vers le développement agricole ou pastoral de ce pays, et non vers une mission militaire devenue inefficace.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je ne méconnais pas les difficultés auxquelles est confrontée la mission de maintien de la paix au Sud‑Soudan, la partie thématique de mon rapport pour avis étant consacrée aux opérations de maintien de la paix. Le sujet doit faire l’objet d’une approche globale évaluant l’efficacité des opérations conduites sur le terrain et l’adéquation entre les moyens dont elles disposent et les objectifs poursuivis.
Je prononcerai un avis défavorable pour deux raisons.
La première est que le montant de notre contribution à cette mission n’est pas pilotable ; il est calculé selon la quote-part de la France au budget des opérations de maintien de la paix des Nations unies, soit 4,6 % pour 2025-2027. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères n’a dont aucune marge de manœuvre.
La deuxième est qu’une suppression unilatérale de moitié de la contribution reviendrait à méconnaître nos engagements internationaux et accentuerait les très graves difficultés budgétaires des Nations unies, notamment en raison des importants arriérés de paiement des États-Unis, qui ne sont pas un modèle à suivre.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE52 de M. Stéphane Rambaud
M. Kévin Pfeffer (RN). La contribution totale de la France au Conseil de l’Europe atteindra 55 millions d’euros en 2026, contre 49 millions en 2025, soit une hausse de 12 %. Cette augmentation est justifiée par des actions qui semblent sans lien avec nos priorités diplomatiques. Nous proposons donc de minorer la contribution de 10 millions d’euros pour ne pas alimenter la dérive budgétaire des organisations multilatérales.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. La hausse de 14 % de la contribution versée par la France au Conseil de l’Europe correspond à la hausse du montant de notre contribution obligatoire en raison de l’augmentation du budget du Conseil. Les raisons de cette évolution tiennent à la mise en place du nouveau pacte démocratique et de mécanismes institutionnels de soutien à l’Ukraine face à l’agression russe. Outre le bien-fondé de ces dépenses au regard du contexte géopolitique, je rappelle qu’il ne s’agit pas de dépenses pilotables mais de contributions qui découlent directement des engagements internationaux de la France. Je suis sûr que vos collègues Sylvie Josserand et Matthieu Marchio, qui sont vice-présidents de la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, relaieront auprès de celui-ci vos propositions d’amputation. Avis défavorable.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Le Conseil de l’Europe est l’un des joyeux européens du multilatéralisme, du point de vue tant des sujets abordés que des questions qu’il a fait progresser en matière de démocratie, de droits des femmes et de droits de l’enfant. Si ces sujets sont arrivés jusqu’à l’ONU, c’est souvent parce qu’ils ont été préalablement défendus au Conseil de l’Europe. Que la France donne des moyens à cette organisation qui fait la fierté de notre pays dans les institutions internationales et qui est installée à Strasbourg, c’est la moindre des choses ! Il faudrait même la renforcer car de plus en plus de pays demandent à être observateurs au Conseil de l’Europe pour progresser en matière de démocratie et d’État de droit. Je rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme y est adossée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE29 de M. Michel Guiniot
M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement vise à faire une économie de 7 millions d’euros sur l’action européenne de la France. En effet, les crédits alloués à la contribution européenne de la France au Conseil de l’Europe ont augmenté de 14 % depuis l’an dernier. Selon les documents adjoints au projet de loi de finances, la dernière hausse du budget du Conseil de l’Europe est de 6,15 %. Qu’est-ce qui justifie de doubler cette hausse, alors que la plupart des crédits liés aux affaires étrangères sont en baisse ? La France contribue déjà au budget de l’Union européenne pour plus de 28 milliards d’euros. Pourquoi dépenser quelques millions supplémentaires dans des missions qui ont des difficultés à trouver une stabilité pourtant essentielle à l’action diplomatique française ? Faute de justification particulière, l’amendement vise à retrouver le niveau budgétaire de l’an passé.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
M. Bertrand Bouyx (HOR). Puisque j’y siège, je tiens à apporter quelques explications sur l’augmentation des besoins du Conseil de l’Europe. La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a entraîné mécaniquement l’expulsion de la Russie de cette organisation. La guerre de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie a aussi entraîné mécaniquement l’expulsion de celui-ci. En vertu de la nouvelle péréquation, les autres pays ont été appelés à augmenter leur dotation. Cela explique l’augmentation de la nôtre.
Par ailleurs, le Conseil de l’Europe, c’est aussi la Cour européenne des droits de l’homme, qui est son bras armé. Dans un moment de raidissement européen où les États se tendent et se braquent contre leurs citoyens, il est important de rappeler son rôle fondamental dans la défense des libertés individuelles. Il me semble d’ailleurs que certains acteurs du monde politique français sont allés plaider leur cause devant elle.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-AR73 de M. Kévin Pfeffer et II-AE51 de M. Stéphane Rambaud
M. Kévin Pfeffer (RN). Chaque million d’euros compte. Par ces amendements, nous proposons de réduire de 50 % la subvention de l’État à l’Institut du monde arabe (IMA), soit une économie de 6,17 millions d’euros.
L’Institut du monde arabe maîtrise mal ses charges, avec des dépenses de fonctionnement en hausse. Le personnel a augmenté de 30 % en dix ans pour atteindre 200 personnes et son président, Jack Lang, 86 ans, est payé 10 000 euros par mois depuis treize ans. Inauguré il y a près de quarante ans, l’Institut devait être à l’origine financé à 60 % par l’État français et à 40 % par les pays arabes partenaires. Or, comme l’a rappelé la Cour des comptes dans un rapport couvrant la période 2012-2023, ces pays ont progressivement cessé toute contribution budgétaire tout en conservant leur siège au conseil d’administration. Le ministère des affaires étrangères, de son côté, est incapable de démontrer les gains diplomatiques de l’IMA pour la diplomatie arabe de la France – encore faudrait-il qu’il y en ait une. Pourtant, la subvention du ministère des affaires étrangères dépasse 12 millions d’euros par an, en plus de la subvention du ministère de la culture de 2 millions d’euros par an, soit une subvention d’environ 20 euros par visiteur.
Le soutien de l’État au titre de la politique étrangère doit se recentrer sur ce qui constitue le cœur de notre influence internationale, la défense de notre patrimoine, ainsi que le rayonnement de la culture et de la civilisation française en France et à l’étranger.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Vous aviez présenté les mêmes amendements l’année dernière. Avis défavorable. J’ajoute que, depuis l’année dernière, le président Jack Lang a un an de plus. Je ferai à cet égard un seul commentaire : l’avenir dure longtemps. Avis défavorable.
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). L’IMA est un joyau de la diplomatie culturelle française. Ce n’est pas parce qu’il est écrit « arabe » dans le nom qu’il faut baisser ses crédits ! Allez visiter ce lieu, si ce n’est pas déjà fait ; vous y verrez un nombre d’expositions et de débats qui attestent de sa vitalité, de son rayonnement culturel et diplomatique avec les pays du monde arabe et même de son influence géopolitique, puisque la reconnaissance de l’État de Palestine par la France est en partie le fruit de l’action volontariste de l’IMA et de son président, Jack Lang. C’est sans doute pour cette raison que vous vous attaquez à cet établissement public magnifique en baissant ses crédits.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AE68 de M. Jorys Bovet
Mme Alexandra Masson (RN). Cet amendement vise à baisser de 10 % le budget de l’action 02.2 Organisations de coopération et de sécurité. Le projet annuel de performance pour 2026 indique que cette mission sert notamment à financer l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont le budget est estimé à 19,3 millions d’euros pour 2026, contre 17,5 millions en 2025. Cette évolution correspond à une hausse de 10 % alors que le budget unifié de l’OSCE est globalement stable et que l’efficacité opérationnelle de cette organisation fait débat parmi les États y participant. Nous proposons donc de réduire de 1,8 million d’euros les crédits de cette action pour la ramener à la dotation de 2025, ce qui semble largement suffisant.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Là encore, la hausse de la contribution présente un caractère mécanique car elle correspond à l’augmentation du budget de l’OSCE, qui est financée par les contributions obligatoires des États membres en s’appuyant sur leur quote-part. Je précise que l’OSCE, qui a fêté le cinquantième anniversaire de sa création par l’Acte final d’Helsinki de 1975, joue un rôle, certes, discret mais utile en tant que médiateur afin de contribuer à la pacification des relations et à la stabilisation de la situation sécuritaire en Europe, malgré un contexte éminemment difficile depuis la guerre d’agression de la Russie.. Avis défavorable.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Cette série d’amendements de l’extrême droite est très instructive concernant leur rapport à la place de la France dans le monde et leur analyse des relations internationales. D’abord, ces amendements sont profondément hostiles au multilatéralisme onusien et européen, c’est-à-dire à la coopération internationale. En ceci, l’extrême droite renoue avec ses origines ; nous nous rappelons qui était hostile à la Société des nations dans les années 1930. Ensuite, ils conduisent à l’affaiblissement de l’influence de la France en réduisant ses moyens. Il ne suffit pas de se payer de mots : lorsqu’il faut passer aux actes, on voit qui aime la France et qui est attaché à ce qu’elle exerce encore une influence dans le mode. Ce n’est manifestement pas eux. Enfin, ils révèlent un mépris pour le personnel du ministère des affaires étrangères, pour son travail et pour la grandeur de sa fonction, le Quai d’Orsay étant largement reconnu dans le monde.
Non seulement le Rassemblement national est bien d’extrême droite, hostile à la coopération et à la France républicaine, mais il est incapable de gouverner tant il méprise les services de l’État.
M. Stéphane Rambaud (RN). C’est un faux procès que l’on fait au Rassemblement national.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Oh non, pas du tout !
M. Stéphane Rambaud (RN). S’agissant d’amendements précédents, la Cour des comptes a bien écrit que, depuis sa création, l’Institut du monde arabe ne dépense que la moitié de ses crédits. Nous proposons donc que les crédits correspondent à la réalité des dépenses. Il n’y a pas de sous-entendu.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE74 de M. Kévin Pfeffer
M. Kévin Pfeffer (RN). Avec une contribution française record de 28,8 milliards d’euros au budget de l’Union européenne, il est consternant de voir le gouvernement y ajouter des subventions volontaires au profit d’associations, de centres de recherche et de think tanks européens dont l’utilité diplomatique pour la France est nulle. Ces structures, qui vivent de fonds publics, produisent des rapports sur l’approfondissement européen ou l’intégration politique mais ne servent en rien le rayonnement international. Elles participent davantage à la promotion idéologique du fédéralisme européen qu’à la défense de nos intérêts nationaux. Pendant ce temps, le gouvernement explique aux Français qu’il faut se serrer la ceinture, que les dépenses publiques doivent être maîtrisées et que les impôts vont augmenter pour combler les déficits. Dans le contexte budgétaire actuel, il est incompréhensible et irresponsable de multiplier les contributions volontaires. Voilà encore 766 000 euros d’économisés.
J’adresse au passage toutes mes félicitations à notre rapporteur pour avis qui, je dois le dire, défend très habilement le budget du gouvernement que son parti soutient.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je ne polémiquerai pas avec monsieur Pfeffer, qui vient de découvrir que deux membres de son groupe siégeaient à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Avis défavorable.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. La défense du bilatéralisme aux dépens du multilatéralisme est en contradiction directe avec votre défense du corps diplomatique car ce sont nos ambassadeurs qui ont construit et défendent le multilatéralisme depuis des décennies. Je ne vois pas comment on peut reprocher à quelqu’un d’avoir cassé le corps diplomatique tout en réclamant la sortie du multilatéralisme. C’est aberrant.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE17 de M. Michel Guiniot
M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement propose une économie de plus de 750 000 euros sur le budget alloué aux subventions relevant du ministère chargé de l’Europe. En effet, selon l’action 02 de la mission, il s’agit d’un financement de l’action européenne hors contributions. Or la France a augmenté de 23 % sa contribution à l’Union européenne, dont les représentants se promènent déjà partout sur le continent. Il ne semble pas opportun, pour un programme dédié à l’action de la France en Europe et dans le monde, de financer des conférences et des universités d’été sur les questions européennes. L’Union européenne est largement en capacité de les financer avec les sommes qui nous sont déjà prélevées. Cet amendement ne vise pas à s’opposer aux associations qui favorisent les échanges sur l’Europe mais bien à recentrer les crédits sur l’action de la France, et non celle de l’Union européenne.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. L’amendement est exclusivement motivé par des ressorts idéologiques que je ne partage pas. L’engagement européen de la France, pays fondateur de l’Union européenne, ne doit pas être mis en cause dans le projet de loi de finances. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE37 de M. Jérôme Buisson
M. Jérôme Buisson (RN). Tous les amendements, hormis ceux du RN et de l’UDR, proposent des augmentations de dépenses. À défaut de tronçonneuse, je sortirai donc mon modeste sécateur.
Cet amendement vise à supprimer les 500 000 euros destinés à abonder le Fonds européen pour la démocratie. Bien que les sommes concernées soient modestes, nous contestons l’existence même de ce fonds pour deux principales raisons. Tout d’abord, il intervient dans le domaine de la politique étrangère au nom de l’Union européenne ; or, nous nous opposons formellement à tout transfert de souveraineté dans ce domaine. Mais il s’avère aussi un outil d’ingérence dans les affaires de pays tiers, ce à quoi nous nous opposons, au même titre que nous défendons la France contre les ingérences qu’elle subit par ailleurs.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE41 de M. Aurélien Taché
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Cet amendement vise à maintenir les crédits de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger en transférant 58,9 millions d’euros vers le programme Diplomatie culturelle et d’influence. Nous appelons le gouvernement à lever le gage. Les coupes des dernières années entérinent la destruction du service public essentiel qu’est l’école avec l’abandon des objectifs annoncés en 2018 par le gouvernement et par le président de la République lui-même dans le Cap 2030, qui prévoyait le doublement des effectifs d’élèves du réseau international.
Concrètement, ces coupes se traduisent par des professeurs en moins, des classes surchargées, de moins en moins d’enseignants titulaires de l’éducation nationale, de plus en plus d’enseignants recrutés comme contractuels, souvent de droit local, des rémunérations et des droits sociaux au rabais, un nivellement par le bas et une baisse globale de la qualité d’enseignement. C’est tout ce que nous critiquons dans l’éducation nationale sur le territoire français. Nous ne sommes pas obligés d’exporter nos mauvaises habitudes ! Nous demandons au contraire une augmentation des financements partout, y compris dans les établissements français de l’étranger.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Tout d’abord, ce ne sont pas 50 millions d’euros qui ont été retirés à l’AEFE par rapport à l’an dernier, mais 25 millions.
Ensuite, j’explique depuis huit ans que le service public n’existe pas à l’étranger, sauf pour nos ressortissants. Les lycées français à l’étranger s’inscrivent dans la législation de l’éducation locale. Si un État étranger ouvre des écoles chez nous, hors de toute régulation scolaire, nous nous y opposons ; de la même manière, dire que nous devons exporter les lycées français à l’étranger, c’est à la frange du néocolonialisme. L’un des rôles statutaires de l’AEFE est justement la coopération éducative avec les autorités locales, ce qu’elle oublie de plus en plus de faire.
Par ailleurs, vous faites erreur sur les effectifs. Cinq-cents lycées français sur cinq-cents-soixante vont très bien. Une centaine de lycées a ouvert depuis 2018 et le réseau a gagné 40 000 élèves. Vous ne comprenez pas…
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Désolée, je n’ai visiblement pas votre intelligence !
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. … La baisse de crédits ne fera disparaître aucun professeur et ne retirera aucun moyen aux lycées français à l’étranger, qui sont insensibles aux changements apportés au niveau de l’agence. En effet, elle n’est pas le gestionnaire des lycées mais l’animatrice d’un réseau, une fonction qui a été éclipsée par le fait qu’elle gère historiquement soixante‑huit établissements sur six-cents. J’appelle justement au rééquilibrage de ses missions. Je précise que le statut d’un lycée – gestion directe par l’AEFE, par une association ou par un État local, comme le lycée de Tel-Aviv ou celui de Ramallah – n’a rien à voir avec son efficacité. C’est le ministère de l’éducation nationale qui le contrôle, pas l’AEFE.
Malgré toutes mes explications, vous ne comprenez toujours pas le rôle de l’AEFE. La subvention à l’AEFE se monte à un demi-milliard d’euros. Son budget est de 1 milliard d’euros. Le budget du réseau des lycées français est de 4,5 milliards, partiellement financés par les États étrangers, par les familles et par d’autres sources. M. Orbán, par exemple, verse 120 000 euros tous les ans à l’association de gestion du lycée français de Budapest.
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Il n’était pas question dans mon propos d’exporter les lycées français à l’étranger mais, bien au contraire, de ne pas exporter nos mauvaises habitudes.
Votre réponse fait l’impasse sur deux principes républicains : la continuité pédagogique et la nécessité d’accorder le même niveau d’enseignement partout dans le monde. Vous pouvez présenter les choses comme vous le souhaitez ; toujours est‑il que les frais de scolarité exorbitants pratiqués dans certains pays dissuadent les agents publics d’accepter certains postes, alors même qu’ils devraient avoir accès à l’école gratuitement, ou au moins bénéficier de la même exonération que le personnel de l’AEFE et des établissements scolaires.
Vous avez beau le nier, les coupes budgétaires prévues auront bien un impact. On observe déjà les conséquences concrètes de tels arbitrages sur le territoire français. Vous proposez d’étendre cette logique partout ; nous voulons, à l’inverse, augmenter les budgets partout.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE56 de M. Pierre Pribetich
M. Pierre Pribetich (SOC). Nous proposons ici de sanctuariser le financement de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger en le revalorisant de 24 millions d’euros.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE44 de M. Aurélien Taché
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). La baisse de 15 millions d’euros du budget de Campus France s’inscrit dans une dégradation générale de l’accueil des étudiants internationaux ; le gouvernement envisage aussi de sabrer les aides personnalisées au logement (APL) pour les étudiants étrangers. Elle est également cohérente avec la stratégie ironiquement, et même tragiquement, appelée « Bienvenue en France », dont une des principales mesures a consisté à multiplier par dix les frais d’inscription des étudiants étrangers – je vous laisse apprécier le cynisme de cet intitulé.
Nous dénonçons la rupture du principe d’égalité à l’œuvre dans ces politiques et affirmons que la préférence nationale ne doit s’appliquer en aucune façon, dans quelque domaine que ce soit. Or c’est bien ce qui se joue avec ces baisses budgétaires, qui interviennent au moment même où nous devrions accueillir davantage. J’adresse d’ailleurs mon soutien aux chercheurs et étudiants palestiniens lauréats d’une bourse dans le cadre du Programme national d’accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil (Pause), dont l’accès à la France est particulièrement difficile. Le courrier que notre groupe a envoyé au ministère à leur propos est, pour l’heure, resté sans réponse.
Il faut rétablir les crédits de Campus France.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. La stratégie « Bienvenue en France » fonctionne, puisque le nombre d’étudiants accueillis s’élevait à 443 000 en 2024-2025, contre 325 000 au lancement du programme.
Il est vrai que les frais d’inscription ont été multipliés par dix, mais seulement pour les étudiants riches, qui ont les moyens de s’en acquitter. Le programme n’en a d’ailleurs pas souffert, puisque le nombre d’étudiants progresse – il dépasse même légèrement la prévision initiale – et que nous sommes en passe d’atteindre l’objectif de 500 000 personnes accueillies. Parmi ces étudiants, on compte à peine 10 000 boursiers, qu’il nous faut effectivement soutenir. Seulement, vous confondez Campus France, dont le rôle est de gérer les bourses une fois qu’elles ont été accordées, avec une évolution très positive intervenue dans le fonctionnement de notre diplomatie : ce sont les ambassades qui perçoivent désormais l’argent des bourses et ont la responsabilité, dans chaque pays, de définir combien de jeunes elles souhaitent voir partir étudier en France.
Nous avons en revanche un problème en matière de délivrance des visas. L’une des mesures pré-budgétaires avancées dans mon rapport pour avis vise d’ailleurs à le régler une fois pour toutes.
Avis défavorable.
Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). Je suis très surprise par votre réponse, même si elle s’inscrit finalement dans la continuité d’une politique discriminatoire. Vous vous targuez de l’augmentation du nombre d’étudiants mais vous n’évoquez nullement la dimension qualitative de leur accueil. De même, vous vous concentrez sur les bourses alors que le problème est bien plus vaste.
L’accueil d’étudiants étrangers contribue très fortement au rayonnement de la France à travers le monde. Nous devrions tout faire pour les recevoir correctement et inclure des personnes de toutes les catégories sociales, plutôt que ne viser que les élites. En choisissant les étudiants sur la base de leurs revenus, nous nous privons de certaines pépites. Vous pouvez froncer les sourcils comme vous le faites chaque fois que nous tentons de vous opposer des arguments mais c’est indubitable.
Il faut également traiter la question des visas et des titres de séjour. Quand un étudiant vient en France pour une licence, par exemple, il faut lui délivrer un titre de séjour valable trois ans, afin qu’il puisse étudier dans de bonnes conditions sans devoir se lancer dans des démarches abominablement compliquées auprès des préfectures une fois son titre d’un an expiré.
Un mot enfin de la suppression des aides personnalisées au logement (APL) pour les étudiants extérieurs à l’Union européenne : chacun sait qui est visé par cette mesure. C’est pour cela que je parlais de politique discriminatoire. Telle est la feuille de route du gouvernement, soutenu, me semble-t-il, par votre parti.
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). La hausse des frais d’inscription n’a pas concerné que les étudiants étrangers les plus riches : elle s’est appliquée de façon totalement indifférenciée, forçant les universités à mobiliser leurs fonds propres pour accorder des exonérations aux étudiants peu fortunés qu’elles voulaient accueillir. L’Exécutif s’attaque ainsi une nouvelle fois au budget des universités.
Chacun a d’ailleurs bien compris l’objectif : il s’agit de réduire le nombre d’étudiants issus du monde francophone – d’Afrique, notamment –, au profit d’étudiants originaires d’Inde ou d’autres pays, conformément aux lubies du président de la République.
Il faut rétablir les crédits de Campus France et améliorer l’accueil des étudiants étrangers, d’autant que nous devrons certainement organiser la venue d’étudiants palestiniens si nous voulons respecter le récent engagement de la France.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. S’agissant des visas, nous sommes d’accord, madame Sebaihi. Je ne reviens pas sur la proposition que j’ai faite.
Vous avez également raison d’insister sur la dimension qualitative de l’accueil mais elle ne relève pas du budget qui nous occupe aujourd’hui : ces aspects sont gérés par le Forum Campus France. Depuis le lancement de la stratégie « Bienvenue en France », les universités se sont dotées de dispositifs d’accueil plurilingues, Campus France a engagé un programme de création de logements à destination des étudiants étrangers et l’accent a été mis sur la qualité des études.
Enfin, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur Taché, le nombre d’étudiants francophones a, en proportion, davantage augmenté que les autres. Je vous invite à consulter les chiffres du programme « Bienvenue en France », qui sont publics.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE54 de M. Pierre Pribetich
M. Pierre Pribetich (SOC). L’augmentation des frais d’inscription imposée aux étudiants étrangers est honteuse ; c’est l’ancien chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et professeur des universités qui parle. Pensez-vous vraiment que cette décision soit utile à la diplomatie, au rayonnement de la France, à l’universalité de la connaissance et de la recherche ? Pensez-vous qu’on fasse de la recherche uniquement entre Français ? La recherche, la connaissance, l’université sont par nature internationales ; les étudiants étrangers doivent être accueillis. Vous devriez avoir honte d’avoir soutenu de telles politiques, unanimement condamnées par les présidents d’université, toutes sensibilités confondues, et Dieu sait si les sensibilités sont nombreuses.
Je vous invite donc à voter cet amendement, qui vise à renforcer de 13,8 millions d’euros les crédits alloués à l’accueil d’étudiants internationaux.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Avis défavorable pour les raisons déjà évoquées : la stratégie « Bienvenue en France » est une réussite, les chiffres le montrent.
Je suis par ailleurs tout à fait convaincu du caractère international de la recherche, comme je l’avais rappelé dans une contribution personnelle lors de l’examen du projet de loi de programmation de la recherche.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE58 de Mme Marie Récalde, l’amendement II-AE14 de M. Hervé Berville étant non défendu
M. Pierre Pribetich (SOC). Il s’agit ici de renforcer l’action Coopération culturelle et promotion du français à hauteur de 100 000 euros.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE42 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Avec cet amendement d’appel, nous invitons le gouvernement à augmenter la part d’établissements sous gestion directe de l’AEFE. Nous estimons en effet qu’il y a une différence entre enseignement public et enseignement privé et jugeons cette mesure indispensable pour doubler le nombre d’élèves pris en charge dans le réseau, conformément à l’objectif du président de la République.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Certains établissements gérés directement par l’AEFE sont privés. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE27 de Mme Marine Hamelet
Mme Marine Hamelet (RN). Je propose de diminuer de moitié les crédits alloués à l’action 11 du programme 185. À lire le projet annuel de performances, cette enveloppe d’environ 23 millions d’euros est principalement consommée sous forme de subventions. Le document se révèle assez lacunaire s’agissant des bénéficiaires puisqu’il évoque « des entités situées en France », sans plus de précision. La justification du gouvernement n’éclaire pas davantage : elle renvoie simplement à des orientations ministérielles et aux stratégies sectorielles de la direction générale de la mondialisation.
L’argent des Français est précieux. On ne saurait accepter que des dizaines de millions soient octroyés sans transparence ni explications détaillées.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. À titre d’exemple, cet argent permet d’aider des industries culturelles et créatives à s’exporter. Cette année, l’Institut français, en association avec Business France, a aidé cent-vingt entreprises françaises très performantes à partir à l’étranger pendant environ une semaine. Parmi elles, vingt ont poursuivi le programme et dix-sept ont signé un contrat à l’international, ce qu’elles n’auraient pas pu faire sans accompagnement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE26 de Mme Marine Hamelet
Mme Marine Hamelet (RN). Je souhaite réduire les crédits versés au titre des bourses de mobilité dont bénéficient les étudiants internationaux dans le cadre de la stratégie « Bienvenue en France ». Dans son rapport public thématique de mars 2025, la Cour des comptes dresse un bilan très critique de cette politique : elle souligne « l’estimation incertaine du retour sur investissement » de la stratégie et décrit « une action non concertée des acteurs publics, marquée par une importante inertie et un manque d’arbitrages clairs ».
Depuis 2019, plus de 455 millions d’euros ont été alloués à ces bourses, avec des résultats jugés peu convaincants. Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, alors qu’on demande des économies aux Français, nous voulons supprimer une partie de ces crédits.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. La stratégie « Bienvenue en France » ne doit pas être confondue avec les bourses accordées sur proposition des ambassadeurs dans les pays concernés. Je vous rejoins sur le fait que l’articulation entre Campus France et les ambassadeurs est archaïque et ne correspond pas aux évolutions de ces dernières années. C’est, je crois, ce que dénonçait la Cour des comptes. Ce constat ne doit toutefois pas nous conduire à remettre en cause le principe même de ces bourses, qui permettent à des étudiants, généralement issus de pays d’Afrique francophone, de venir en France.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE18 de M. Michel Guiniot
M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement vise à réduire de 3,7 millions d’euros le budget alloué aux bourses du gouvernement français. En effet, l’indicateur 2.2 du programme 185, Diplomatie culturelle et d’influence, prévoit une diminution de 23,3 % du nombre de bourses versées, alors que la baisse des crédits est limitée à 19,7 %. Le montant des bourses accordées aux étudiants français n’ayant pas été revalorisé depuis l’arrêté du 4 juillet 2024, il n’y a aucune raison que l’on réévalue le montant accordé aux boursiers étrangers.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Outre les bourses proprement dites, ce budget finance des mesures d’accompagnement des étudiants, par exemple en matière de logement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE43 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cet amendement vise à octroyer 25 millions d’euros supplémentaires à la Caisse des Français de l’étranger. Cet organisme de sécurité sociale, qui a l’obligation de prendre en charge tous nos compatriotes, ne reçoit pratiquement aucun soutien de l’État. Il est en grande difficulté, au point que son existence est menacée.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cette caisse, comme tous les organismes de cette nature, vit des cotisations de ses adhérents. La dotation de 380 000 euros prévue au PLF vise à permettre l’inscription de nos ressortissants qui n’ont pas les moyens de s’affilier. Avec les élus des Français de l’étranger, nous réfléchissons à la forme que pourrait prendre cette structure ; il s’agit de lui permettre de solder un passif lié à son histoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE40 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Les bourses accordées aux élèves français à l’étranger ne cessent de diminuer, alors que les frais de scolarité augmentent dans de nombreux établissements de l’AEFE. Nous proposons donc d’augmenter de 12 millions d’euros les crédits qui leur sont affectés.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je rappelle que le montant de la dotation a été calculé en fonction des demandes faites par nos concitoyens l’année dernière. Ces 12 millions ne seraient donc pas dépensés. Nous faisons, depuis plusieurs années, des propositions pour favoriser l’accès de plusieurs milliers d’enfants français éloignés du réseau mais cela ne passera pas par ce budget.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-AE21 et II-AE22 de M. Jean-Louis Roumégas
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). L’amendement II-AE21 vise à rétablir les crédits des aides à la scolarité au sein du réseau de l’AEFE à leur niveau de 2024, soit à hauteur de 118 millions d’euros, contre 107 millions prévus dans ce budget. En trois ans, le montant dévolu aux aides a chuté de plus de 10 millions d’euros alors que le nombre d’élèves augmente et que les frais de scolarité explosent. L’école française se transforme de plus en plus en une école de riches. Le gouvernement justifie cette baisse par la diminution du nombre d’élèves boursiers mais c’est un prétexte. Les prévisions budgétaires sont en décalage avec les besoins réels. Si les familles sont moins nombreuses à demander une bourse, c’est surtout parce que le dispositif manque de visibilité. Les bourses sont un droit, un rempart contre la privatisation du réseau. L’amendement II-AE22 vise à rétablir les crédits à leur niveau de 2025.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je rappelle que l’AEFE est, de longue date, un réseau privé. Les tarifs de l’enseignement français à l’étranger représentent environ un tiers des tarifs moyens pratiqués, à part dans certaines villes. La mixité sociale – qui est valable aussi pour les étrangers – constitue une force diplomatique car nous sommes le seul réseau à la pratiquer. Toutefois, vous proposez d’actionner un outil qui a été verrouillé pour éviter les fraudes. Il convient de plutôt de passer par les conseils consulaires et peut-être d’inventer de nouveaux instruments.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AE23 de M. Jean-Louis Roumégas
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). La revalorisation des moyens alloués aux AESH dans les établissements du réseau de l’AEFE est insuffisante au regard des besoins des familles. En outre, le système est inadapté puisqu’il exclut les foyers les plus modestes, qui sont incapables d’avancer les frais. Nous proposons d’augmenter les crédits de cette action de 500 000 euros et d’encourager la création d’un mécanisme de tiers payant.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Notre réseau est le seul à intégrer les élèves handicapés, ce dont nous sommes très fiers. Je préconise que les bourses – mais aussi les aides dévolues à l’accompagnement du handicap – soient gérées par la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE) et non par l’AEFE, car l’organisation est trop complexe. Toutefois, cette mesure ne relève pas du champ budgétaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE50 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cet amendement vise à créer un fonds de solidarité francophone pour la reconstruction, doté de 500 millions d’euros. Il s’agit de conférer une dimension géopolitique à la francophonie et de montrer qu’à l’heure de la diplomatie transactionnelle, du retour des empires et de la forte baisse de l’aide internationale, le monde francophone propose une autre voie.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Votre amendement est satisfait. En effet, nous avons créé en 2021 les Fonds Équipe France, qui servent exactement à cela et qui atteignent 80 millions d’euros dans le PLF pour 2026. Ces crédits, qui ont un effet de levier considérable, ont été utilisés au Liban ou en Ukraine, par exemple. Ils sont dans les mains des ambassadeurs, qui les utilisent pour mener des projets relevant de tous les ministères. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE75 de M. Jean-Paul Lecoq
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Nous proposons ici de renforcer le soutien financier aux écoles nationales à vocation régionale (ENVR), qui sont gérées par des militaires mais dépendent du Quai d’Orsay. Elles forment des fonctionnaires d’État dans différents pays sur des sujets tels que la sécurité civile, l’état civil, etc. Ce sont d’extraordinaires outils diplomatiques. Monsieur Herbillon m’a dit que c’était un bon amendement mais qu’il faudrait le retravailler en vue de la séance. Pourriez-vous me préciser quels aspects devraient être revus ?
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. En effet, nous soutenons votre amendement mais il faut éviter de créer une action, car elle existe déjà. Il faudrait viser soit le programme 105, soit le programme 209 ; en abondant ce dernier, on pourrait placer cet outil dans les mains des ambassadeurs par le biais des FEF.
L’amendement est retiré.
Amendement II-AE64 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Cet amendement a pour objet de rétablir la ligne budgétaire consacrée aux objectifs de développement durable, que le gouvernement a supprimée. Elle permettait de financer des actions concrètes telles que l’accès à l’eau, les énergies renouvelables, l’égalité entre les femmes et les hommes ou encore la lutte contre la pauvreté, y compris dans des pays ne relevant pas explicitement de l’aide publique au développement (APD). Il est incompréhensible que l’on renonce à un instrument aussi souple et efficace. Cet amendement n’implique pas de hausse de dépenses mais simplement un retour à la nomenclature précédente.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Votre amendement est satisfait par les FEF. Vous demandez le rétablissement de 1,7 million d’euros alors que les ambassadeurs disposent de 80 millions pour mener des projets dans des domaines comme le développement durable, ce qui évite le saupoudrage des crédits depuis Paris. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis, la commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Action extérieure de l’État modifiés.
Avant l’article 66 :
Amendements II-AE19, II-AE20 et II-AE12 de Mme Amélia Lakrafi
Mme Amélia Lakrafi (EPR). L’amendement II-AE19 vise à enrichir le rapport annuel du gouvernement sur la situation des Français établis hors de France en y intégrant un volet consacré à leurs difficultés bancaires. De nombreux expatriés peinent à maintenir un compte en France en raison de contraintes de conformité ou parce que leur résidence fiscale se trouve en dehors de l’Union européenne. Il conviendrait de mieux objectiver ces situations et d’identifier les pratiques restrictives.
L’amendement II-AE20 vise à compléter ce même rapport en y ajoutant une évaluation du soutien public au tissu associatif et solidaire. Les programmes Soutien au tissu associatif des Français à l’étranger (Stafe) et Organismes locaux d’entraide et de solidarité (Oles) sont des leviers essentiels de la vitalité associative et de la cohésion sociale à l’étranger. Pourtant, aucun bilan consolidé n’existe sur l’attribution, la répartition et l’usage des subventions existant en ce domaine. Ce bilan annuel garantirait une meilleure transparence de l’action publique et une évaluation plus fine de l’efficacité de ces dispositifs.
Les associations d’entraide françaises à l’étranger jouent un rôle essentiel, en complément de l’action sociale consulaire, pour répondre aux besoins croissants liés au vieillissement et à la précarisation de personnes isolées. Ces acteurs ne bénéficient pourtant d’aucun référencement ni d’aucune coordination centralisée, ce qui nuit à leur visibilité et à leur efficacité. L’amendement II-AE12 vise à créer le label « Entraide française à l’étranger », qui les valoriserait et favoriserait la transparence et la cohérence dans l’attribution des subventions relevant d’Oles. Le label pourrait être attribué à une association de droit français ayant son siège en France mais exerçant son activité principale à l’étranger lorsque le droit local ne permet pas la création d’associations à but non lucratif.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je suis favorable aux deux compléments sur le rapport annuel du gouvernement sur la situation des Français établis hors de France. Je m’en remets à la sagesse de la commission concernant la labellisation Oles ; pour ma part, je suis plutôt pour la mise en place de fédérations.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Il y a parfois de fausses bonnes idées. N’étant pas spécialiste des Français de l’étranger, j’ai saisi qu’il y avait un problème bancaire mais j’ai du mal à comprendre pourquoi : je croyais en effet que tout Français pouvait avoir un compte en France. Je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas le cas. J’aimerais que l’on nous précise les enjeux.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il y a dans les organismes entrepreneuriaux, y compris les banques, des gens qui ne respectent pas la loi pour gagner plus d’argent. C’est un problème d’application de la loi. L'amendement ne porte pas là-dessus ; il vise à compléter le rapport du gouvernement que nous avions demandé il y a quelques années en y mentionnant ce genre d’incidents.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendement II-AE45 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cet amendement demande au gouvernement un rapport évaluant l’externalisation – pour ne pas dire la privatisation – d’un certain nombre de prestations délivrées aux Français de l’étranger. On connaît déjà le problème des visas.
Je constate que l’un des rares postes de dépenses en augmentation, outre celui du G7, est celui des dépenses liées à la presse et à la communication, en lien avec les enjeux de guerre informationnelle. Quand on voit l’importance de la somme, on se dit que ce n’est pas pour recruter des fonctionnaires mais plutôt pour faire travailler des opérateurs privés comme Havas. La guerre informationnelle de la France sera-t-elle menée par les grands cabinets de communication ? Cela nous préoccupe, d’où cette demande de rapport. Je suis preneur de tout éclairage de la part du rapporteur pour avis.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. L’amendement est satisfait. Les députés, en particulier les rapporteurs, peuvent obtenir un état précis de la manière dont sont dépensés les crédits de l’État. Concernant la manière dont les crédits liés à la guerre informationnelle seront dépensés, ce sera au rapporteur de l’an prochain de faire son travail. Il est plus dangereux de demander un rapport au gouvernement que d’avoir un bon rapporteur. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Annexe : liste des personnes auditionnées dans le cadre de la préparation du rapport pour avis
– M. Frédéric Mondoloni, directeur général des affaires politiques et de sécurité ;
– M. Frédéric Jung, directeur adjoint des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l’homme et de la francophonie ;
– M. Alexandre Morois, directeur des affaires financières ;
– Mme Yasmine Sidloch, rédactrice au sein de bureau de la synthèse budgétaire de la direction des affaires financières ;
– Mme Pauline Carmona, directrice des Français à l’étranger et de l’administration consulaire ;
– Mme Samantha Bonbayl, cheffe de la mission administrative et financière de la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire ;
– M. Hervé Magro, ambassadeur de France au Liban ;
– M. Rémi Maréchaux, ambassadeur de France en République démocratique du Congo ;
– M. Jay Dharmadhikari, représentant permanent adjoint de la France auprès des Nations unies à New York.
– M. Dominique Grass, chef du département Nations unies et affaires transverses au sein du service des affaires de sécurité internationale de la direction générale des relations internationales et de la stratégie ;
– M. Gilles Malvaux, adjoint au chef du département Nations unies et affaires transverses au sein du service des affaires de sécurité internationale de la direction générale des relations internationales et de la stratégie ;
– Mme Clara Porter, adjointe au chef de bureau ONU à l’État-major des armées.
– M. Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général-adjoint aux opérations de paix.
– M. Olivier Guérot, ambassadeur de France au Kosovo ;
– M. Marc Ivarra, premier conseiller à l’ambassade de France au Kosovo ;
– M. Milbert Dongjoon Shin, représentant spécial adjoint pour la mission d’administration intérimaire des Nations unies pour le Kosovo (MINUK) ;
– Général Enrico Barduani, commandant de la Force pour le Kosovo de l’OTAN ;
– M. Jérôme Bouyjou, chef du bureau des droits de l’Homme de la MINUK ;
– Père Srđan Stanković, vicaire du monastère de Gračanica.
– Mme Clélia Chevrier Kolačko, ambassadrice de France à Chypre ;
– M. Julien Deruffe, premier conseiller à l’ambassade de France à Chypre ;
– Mme Anouk Perruche, conseillère politique à l’ambassade de France à Chypre ;
– M. Colin Stewart, ancien représentant spécial de la Force des Nations unies chargée du maintien de la paix à Chypre (FNUCHYP) ;
– Général Erdenebat Batsuuri, commandant de la Force de la FNUCHYP ;
– Mme Katja Saha, directrice du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés à Chypre ;
– M. Jakonghir Kaydarov, directeur du Programme des Nations unies pour le développement à Chypre ;
– M. Rémi Clavet, conseiller politique à la FNUCHYP ;
– M. Arnaud Amouroux, conseiller politique à la FNUCHYP ;
– M. Manthos Mavrommatis, président honoraire de la Chambre de commerce et d’industrie de Nicosie.
([1]) M. Frédéric Petit est le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur les crédits du programme 185 relatif à la diplomatie culturelle et d’influence de la France.
([2]) Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali.
([3]) Force intérimaire des Nations unies au Liban.
([4]) Les déplacements au Kosovo et à Chypre ont été effectués en septembre 2025 par M. Nicolas Forissier en tant que rapporteur pour avis des crédits des programmes 105 et 151, avant sa nomination au Gouvernement en tant que ministre délégué au commerce extérieur survenue le 12 octobre 2025.
([5]) Diminution d’environ 126 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.
([6]) Diminution d’environ 33 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.
([7]) Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit la création d’une action spécifiquement consacrée au financement de l’organisation de la présidence française du sommet du G7 qui aura lieu à Évian en juin 2026.
([8]) Hors Titre 2, soit l’ensemble des dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention.
([9]) Titre 2, soit les dépenses de personnel.
([10]) Fonds de concours.
([11]) Attributions de produits.
([12]) Ces dépenses avaient fait l’objet d’une forte augmentation en 2025 en raison de l’organisation du sommet international sur l’intelligence artificielle et de la 3e conférence des Nations unies sur l’Océan.
([13]) Le barème du budget des opérations de maintien de la paix est réévalué tous les trois ans.
([14]) Dont deux cent trente coopérants militaires techniques et soixante-trois experts techniques internationaux.
([15]) Où se situent le service central d’état civil et le centre des archives diplomatiques.
([16]) En France.
([17]) Agence pour l’enseignement français à l’étranger.
([18]) 1,7 million d’entre eux sont inscrits au registre des Français établis hors de France.
([19]) Dont 3,2 millions d’euros consacrés au financement des phases de test, d’audits et de préparation du dispositif de vote par internet. Près des trois quarts des électeurs français de l’étranger ont privilégié le vote par Internet lors des élections législatives de 2024.
([20]) La dématérialisation complète de la transcription des actes d’état civil étrangers fait l’objet d’une expérimentation législative qui arrivera à l’échéance le 10 juillet 2027.
([21]) Le Service France Consulaire couvre ainsi l’Europe, l’Afrique, le Maghreb, le Moyen-Orient et l’Asie.
([22]) 50 113 appels ont ainsi été reçus au mois de juillet 2025, soit 20 000 appels supplémentaires par rapport au mois d’août 2024.
([23]) Applicable depuis 2024 aux Français résidant au Portugal et au Canada, le champ de cette expérimentation s’étend désormais aux Français résidant en Australie et à l’Espagne.
([24]) Soit 104,5 millions d’euros consacrés aux bourses scolaires et 2,5 millions d’euros fléchés en faveur de l’AESH.
([25]) 22 132 élèves boursiers.
([26]) 19 836 élèves boursiers.
([27]) La « cagnotte » constituée des sommes non dépensées lors des exercices budgétaires précédents a été apurée en 2023.
([28]) Il s’agit essentiellement des frais irrépétibles auxquels peut être condamné l’État conformément à l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
([29]) Soit une diminution de 70 ETPT par an.
([30]) Selon les réponses au questionnaire budgétaire transmises par le MEAE au rapporteur pour avis.
([31]) Cette action finance les dépenses de personnel de l’action n° 1 du programme 151.
([32]) Résolutions adoptées par l’Assemblée générale de l’ONU le 30 juin 2025 relatives au budget des opérations de maintien de la paix pour l’exercice 2025-2026.
([33]) Notamment en raison du poids économique croissant de la Chine et des conséquences induites sur la détermination des quotes-parts de chaque État.
([34]) Le projet annuel de performances de la mission Action extérieure de l’État précise que, depuis plusieurs années, un mécanisme de couverture des risques de change a été mis en place par le MEAE avec l’Agence France Trésor afin de couvrir le risque de change sur les contributions payables en devises. Ainsi, des ordres d’achat à terme (OAT) de dollars américains et francs suisses ont été passés à hauteur de 85 % des dépenses en devises pour couvrir le risque de change en 2026. L’objectif est de stabiliser le montant de ces contributions en devises, afin de se prémunir de toute évolution et de maintenir la dépense à hauteur du niveau budgétisé.
([35]) Cette hausse conjoncturelle s’explique par une forte variation du taux de change euro – dollar ayant entraîné un renchérissement du montant de la contribution française.
([36]) Compris entre 20 % et 90 % des sommes à verser.
([37]) Au bénéfice de Singapour, de Brunei, des Émirats arabes unis, du Koweït, du Qatar, de l’Arabie saoudite, de Bahreïn et des Bahamas.
([38]) Calculé en moyenne selon des périodes triennales et sexennales afin de « lisser » les données.
([39]) Cela consiste en une déduction des remboursements annuels théoriques de la dette extérieure du RNB des États.
([40]) Après ajustement au titre de l’endettement.
([41]) En pratique, seuls les États-Unis sont concernés par ce plafond de 22 %.
([42]) Ibid.
([43]) Soit environ 1 500 dollars par mois pour chaque soldat mobilisé.
([44]) Le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) est un organe subsidiaire de l’Assemblée générale et se compose de vingt-et-un membres nommés à titre individuel par celle-ci. Les membres sont élus par l’Assemblée générale pour une période de trois ans de façon à assurer une large représentation géographique. Le président et le vice-président du Comité consultatif sont élus par les membres de ce dernier.
([45]) Cette réforme a permis de centraliser l’appui opérationnel et logistique de l’ensemble des activités du secrétariat. Le secrétariat a aussi cherché à rationaliser les procédures et coûts de ses méthodes d’achat grâce au recours croissant à des contrats-cadres et à davantage de coopération avec les autres entités des Nations unies.
([46]) Montants cumulés incluant le dernier exercice 2024-2025.
([47]) Lors de son audition, le secrétaire général-adjoint aux opérations de paix, M. Jean-Pierre Lacroix, a indiqué qu’aucun versement effectif n’avait été opéré par les États-Unis à la fin du mois d’août 2025. Les arriérés américains atteindraient potentiellement 2,8 milliards de dollars d’ici la fin de l’exercice 2025-2026.
([48]) Chaque année, le Comité des contributions examine les demandes d’exemption formulées par les États membres et formule des recommandations à l’Assemblée générale. Au titre de la 79e session de l’Assemblée générale, quatre pays relèvent des dispositions de l’article 19 : l’Afghanistan, la Bolivie, le Venezuela et Sao Tomé et Principe. Dans sa résolution n° 79/3 adoptée le 9 octobre 2024, l’Assemblée générale a autorisé Sao Tomé et Principe à participer au vote de l’Assemblée générale pour sa 79e session.
([49]) Par exemple, la Somalie s’est acquittée de tous ses arriérés en 2024 avant l’échéance indiquée dans l’échéancier pluriannuel.
([50]) Rapport d'information n° 753, commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale sur le déplacement d’une délégation de la commission à New York à l’occasion de la 77e session de l’Assemblée générale des Nations unies à l’automne 2022, janvier 2023, p. 18.
([51]) Rapport d’information n° 2732 de Laurence Vichnievsky et Jean-Paul Lecoq, op.cit., p. 100.
([52]) Projets culturels, action sociale et économique, échanges entre la jeunesse.
([53]) La modification de la Charte repose sur un double critère cumulatif : l’obtention d’une majorité des deux tiers des États et l’approbation des cinq membres permanents du Conseil de sécurité.
([54]) À l’image de la mission Eulex pilotée par l’UE au Kosovo et de la Force pour le Kosovo (Kfor) sous le commandement de l’OTAN.
([55]) Rapport d’audit financier du Comité des commissaires aux comptes des Nations Unies, juillet 2023.
([56]) Dite « ONU 80 ».
([57]) Il s’agit notamment des résolutions relatives au renouvellement des mandats de la FINUL, de la MONUSCO et de la MINUSCA.
([58]) L’application mobile « Lexicopaix », dédiée au français opérationnel, a récemment été mise en place. L’effort consenti en faveur de la francophonie dans les OMP vise à renforcer la cohésion opérationnelle des contingents, à accroître leur efficacité et à favoriser la montée en compétence de partenaires essentiels au maintien de la paix. Deux tiers des casques bleus opèrent dans des espaces francophones et que seulement 30 % d’entre eux parlent français.