N° 1990

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 octobre 2025

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2026 (n° 1906),

 

TOME VII

 

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

 

 

PAR Mme Brigitte KLINKERT

Députée

——

 

 

 

 Voir le numéro : 1906


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SOMMAIRE

___

 Pages

Introduction

I. Des moyens budgétaires en légère augmentation afin de rendre plus efficace la politique migratoire

A. Le programme immigration et asile

B. Le programme intégration et accès à la nationalité française

C. Les fonds de concours

II. Les perspectives de réforme de la directive dite « retour »

A. La directive de 2008 détermine le cadre juridique européen applicable au retour des étrangers en situation irrégulière dans leurs pays d’origine

1. Les grands principes de la directive de 2008 progressivement transposés en droit interne

a. Le cadre fixé par la directive

b. La transposition en droit interne

2. Des règles précisées par les jurisprudences européenne et nationale

a. La jurisprudence européenne

b. La jurisprudence constitutionnelle

3. Des difficultés juridiques et opérationnelles multiples

a. Les divergences de transposition de la directive entre les États membres

b. Les insuffisances et « angles morts » de la directive « retour »

B. La révision de la directive et sa transformation en règlement visent à rendre plus efficace la lutte contre l’immigration irrégulière à l’échelle européenne

1. Le choix d’un règlement détaillé afin d’uniformiser les régimes juridiques d’éloignement, au risque de contrevenir au principe de subsidiarité

a. Un objectif d’uniformisation à l’épreuve du principe de subsidiarité

b. Le contenu de la proposition de règlement présentée par la Commission européenne

2. Des pistes concrètes afin d’améliorer l’exécution des décisions d’éloignement, dans le respect des droits fondamentaux des étrangers en situation irrégulière

a. Des évolutions pertinentes bien que perfectibles

b. L’articulation avec les droits dont bénéficient les étrangers en situation irrégulière

C. La persistance de défauts et d’insuffisances affectant les différentes étapes de la chaîne de l’éloignement

1. Le caractère obligatoire de la reconnaissance mutuelle des mesures d’éloignement apparaît contre-productif

2. Le défaut d’articulation des retours volontaires avec les retours forcés : un frein à l’efficacité des procédures d’éloignement ?

3. La suppression du caractère suspensif de plein droit du recours formé à l’encontre des décisions de retour : une complexification procédurale inopportune

4. Les incertitudes juridiques et financières entourant les arrangements susceptibles d’être conclus par l’UE avec des pays tiers

Travaux de la commission

Annexe I : accords bilatéraux et arrangements administratifs de réadmission conclus par la France

Annexe II : liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure pour avis

 


   Introduction

La mission budgétaire Immigration, asile et intégration (IAI) regroupe, au sein du projet de loi de finances, les crédits, hors dépenses de personnel, de la direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l’intérieur. Pilotée par la DGEF, cette mission se structure autour de trois grands axes : la gestion des flux migratoires, l’accueil et l’examen de la situation des demandeurs d’asile et l’intégration des ressortissants étrangers en situation régulière. La politique de l’asile représente près des deux tiers des crédits qui y sont inscrits.

Deux opérateurs participent à la mise en œuvre de la politique relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France : l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), en charge de l’accueil et de l’intégration des ressortissants étrangers admis au séjour, et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), chargé de la reconnaissance de la qualité de réfugié, d’apatride ou de protégé subsidiaire.

Présentant une augmentation de près de 80 millions d’euros, les crédits de paiement (CP) de la mission Immigration, asile et intégration passent de 2,08 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2025 à 2,16 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2026, en hausse de 3,83 %. Le montant des autorisations d’engagement (AE) s’élève à 2,24 milliards d’euros, soit une augmentation de 25,2 % par rapport à 2025. La mission comprend deux programmes : le programme n° 303 Immigration et asile, qui représente environ 83 % du budget de la mission en 2026, et le programme n° 104 Intégration et accès à la nationalité française, qui regroupe 17 % des crédits alloués à la mission.

La rapporteure pour avis considère que la trajectoire budgétaire prévue par le projet de loi de finances fournit au ministère de l’intérieur les moyens de développer une politique rigoureuse de gestion des flux migratoires, dans l’objectif de lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière et de faciliter l’intégration des étrangers en France. L’augmentation, certes modérée, du budget total de la mission répond à l’impératif de préserver la capacité des pouvoirs publics à mettre en œuvre les grandes orientations définies par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration.

Outre l’analyse de l’évolution des crédits, la rapporteure pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de son rapport aux perspectives de réforme de la directive dite « retour » du 16 décembre 2008 ([1]). Actuellement en cours de négociation, un projet de règlement de l’Union européenne a vocation à être adopté d’ici la fin de l’année 2026. Cette réforme a pour but d’unifier les règles applicables à l’échelle européenne en dotant les États des outils nécessaires à l’exécution des décisions de retour des étrangers dans leur pays d’origine. Elle soulève cependant des débats légitimes, s’agissant notamment du respect du principe de subsidiarité, de la viabilité des accords susceptibles d’être noués avec les pays tiers, de l’opérationnalité de certaines mesures et, plus généralement, de l’articulation entre les impératifs de protection de l’ordre public et la garantie des droits fondamentaux.


I.   Des moyens budgétaires en légère augmentation afin de rendre plus efficace la politique migratoire

Après une diminution de près de 800 millions d’euros entre 2024 et 2025, le montant des crédits de paiement alloués par le projet de loi de finances pour 2026 à la mission Immigration, asile et intégration observe une hausse de 3,8 % pour atteindre 2,16 milliards d’euros, soit l’équivalent du budget prévu par la loi de finances initiale pour 2024.

Le plafond d’emplois des deux opérateurs – l’OFPRA et l’OFII – est fixé à 2 308 équivalents temps plein travaillé (ETPT), ce qui représente une hausse de 50 ETPT par rapport à 2025.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT
DE LA MISSION IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION EN 2026

(en millions d’euros)

Programme

LFI 2025

PLF 2026

Évolution

Total pour la mission

2 081

2 161

+3,83 %

dont P. 303 Immigration et asile

1 715

1 792

+4,51 %

dont P. 104 Intégration et accès à la nationalité française

366

368

+0,65 %

Source : projet annuel de performances (PAP) Immigration, asile et intégration, projet de loi de finances pour 2026.

A.   Le programme immigration et asile

Le programme 303 poursuit un double objectif : d’une part, maîtriser les flux d’immigration légale, et d’autre part, lutter efficacement contre l’immigration irrégulière. Présentant une augmentation de 4,5 % du montant de ses crédits de paiement pour 2026, le programme comporte deux actions principales ([2]) : Garantie de l’exercice du droit d’asile (n° 2) et Lutte contre l’immigration irrégulière (n° 3).

 


ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 303 EN 2026

                                                                                                                                (en millions d’euros)

Action

 

LFI

2025

 

PLF

2026

Évolution

FDC ([3]) et ADP ([4])

2025

FDC et ADP 2026

01– Circulation des étrangers et politique des visas

520,0

520,0

0 %

1,4

8,1

02 – Garantie de l’exercice du droit d’asile

1 404,3

1 379,6

–1,76 %

47,0

39,4

03 – Lutte contre l’immigration irrégulière

233,3

327,9

+40,54 %

33,4

0

04 – Soutien

76,9

84,5

+9,81 %

1,8

18,3

Total

2 234,5

2 312,0

+4,51 %

83,7

65,8

Source : projet annuel de performances (PAP) Immigration, asile et intégration, projet de loi de finances pour 2026.

Dotée d’un montant de 1,34 milliard d’euros en autorisations d’engagement (+22 %) et de 1,38 milliard d’euros en CP en 2026 (–1,8 %), l’action n° 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile finance l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile en centres d’accueil et d’examen des situations (CAES) ([5]), en centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) ou en hébergements d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA).

Elle finance également l’accueil, dans des centres provisoires d’hébergement (CPH) de personnes vulnérables ayant récemment obtenu une protection internationale, afin de favoriser leur sortie des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile. Les crédits demandés pour le parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés s’élèvent à 907,1 millions d’euros en AE et à 946,6 millions d’euros en CP.

La forte augmentation en 2026 des AE de l’action n° 2 s’explique principalement par le renouvellement des conventions relatives aux HUDA et aux CAES ainsi que par l’augmentation substantielle du budget de l’OFPRA.

L’action n° 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile finance le versement de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA), dont la gestion est assurée par l’OFII. Son montant de base s’élève à 209 euros par personne et par mois. La dotation prévue à ce titre pour 2026 s’élève à 222,2 millions d’euros (hors frais de gestion). Elle présente une diminution de près de 10 % (–24,4 millions d’euros) par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Elle repose sur une hypothèse de 140 650 demandes d’asile introduites via les guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA) en 2026, soit une prévision légèrement inférieure à celle établie pour 2025 ([6]). À cette ADA stricto sensu s’ajoute l’ADA versée aux bénéficiaires de la protection temporaire (BPT), et en particulier aux Ukrainiens ayant fui leur pays pour s’installer en France. La dotation prévue ici s’élève à 71,9 millions d’euros (hors frais de gestion), ce qui représente une diminution de 32,7 % par rapport à 2025, en raison de la baisse attendue du nombre de bénéficiaires en 2026.

En outre, l’action n° 2 verse la subvention pour charge de service public attribuée à l’OFPRA. En nette augmentation, le budget inscrit au projet de loi de finances pour 2026 s’élève à 123 millions d’euros en AE et CP, contre 96,9 millions d’euros en AE et CP pour l’exercice 2025. Cependant, la hausse réelle s’établit à 15,2 millions d’euros du fait de la suppression de la subvention versée par le Fonds asile, migration et intégration (FAMI), qui s’était élevée à 10,8 millions d’euros en 2025.

Le plafond d’emplois de l’OFPRA est relevé de 1 065 ETPT à 1 113 ETPT en 2026. Cette évolution s’inscrit dans la continuité de l’augmentation du nombre de personnels au cours des dernières années et en cohérence avec la volonté politique d’accélérer le traitement des demandes d’asile. Elle poursuit le renforcement de la capacité de décision de l’Office afin d’accélérer le traitement des demandes d’asile, dont le délai moyen s’établit en 2024 à un peu plus de quatre mois et demi, l’objectif fixé par la loi étant de parvenir à un délai moyen deux mois ([7]). L’enjeu est aussi politique, pour éviter de maintenir sur le territoire des personnes ne pouvant plus prétendre à l’asile, que financier car la réduction du délai d’instruction des demandes constitue en effet un enjeu crucial en ce qu’elle a un impact direct sur le coût global de l’ADA pour l’État.

Le recrutement de 41 officiers de protection chargés de l’instruction des demandes d’asile en 2026 auquel s’ajoute celui de 7 agents prochainement affectés à la mise en œuvre du Pacte européen sur la migration et l’asile adopté en 2024 exprime la volonté du gouvernement d’allouer les moyens nécessaires à l’accomplissement des missions de l’OFPRA, au regard de son activité croissante.

Lors de son audition par la rapporteure pour avis, le directeur général de l’OFPRA a souligné les difficultés financières auxquelles l’établissement public est actuellement confronté, son déficit avoisinant en effet 6,5 millions d’euros en 2025. Ce résultat s’explique par la hausse des dépenses contraintes, telles que l’augmentation du montant des frais irrépétibles (FIR) ([8]) prononcés par la Cour nationale du droit d’asile et dont l’OFPRA doit assumer la prise en charge, passant de 900 000 euros en 2019 à 8 millions d’euros en 2025. Sur ce point, la rapporteure pour avis préconise d’encadrer cette prise en charge afin de limiter la hausse exponentielle précitée qui explique, pour l’essentiel, le déficit qu’accuse l’OFPRA.

Le montant des crédits alloués à l’action n° 3 Lutte contre l’immigration irrégulière est en très nette augmentation par rapport à 2025. Il atteint 435,8 millions d’euros en AE (+87,5 %) et 327,9 millions d’euros en CP (+40,5 %).

L’action n° 3 finance principalement les dépenses d’investissement et de fonctionnement courant des centres de rétention administrative (CRA), des locaux de rétention administrative (LRA) et des zones d’attente des personnes en instance (ZAPI) ; 79,1 millions d’euros en CP sont ainsi prévus au titre de leurs dépenses courantes, soit une augmentation supérieure à 14 % par rapport à 2025.

Le projet d’extension du parc de LRA et de CRA visant à disposer de 3 000 places en CRA (plan « CRA 3 000 ») à l’horizon 2029 ([9]) et le renforcement de la sécurisation des locaux – compte tenu de la priorité donnée au placement en CRA des auteurs de troubles à l’ordre public – nécessite des investissements immobiliers de grande envergure. Ces investissements, utiles pour le maintien de l’ordre public, sont également nécessaires au respect de nos engagements européens tels qu’ils découlent notamment du Pacte sur la migration et l’asile.

En conséquence, les montants des AE et CP correspondant aux seules dépenses d’investissement s’élèvent respectivement à 266,7 millions d’euros et 156,2 millions d’euros, soit une multiplication par douze et par quatre des budgets consacrés à ces dépenses en 2025. Des crédits sont également prévus pour la prise en charge sanitaire des personnes en CRA (20,9 millions d’euros en CP), ainsi que pour leur accompagnement social et juridique (11,2 millions d’euros en CP).

Enfin l’action n° 3 finance les frais d’éloignement, par voie aérienne ou maritime, des étrangers en situation irrégulière. Le montant de ces crédits est en légère augmentation par rapport à 2025, atteignant 60,4 millions d’euros en CP. Après avoir déploré l’ampleur excessive des restrictions budgétaires ayant affecté l’enveloppe budgétaire consacrée à la lutte contre l’immigration irrégulière en 2025, la rapporteure pour avis se félicite de la forte augmentation des moyens prévue par le projet de loi de finances pour 2026, condition indispensable à la réussite de l’action du ministère de l’intérieur en la matière.

B.   Le programme intégration et accès à la nationalité française

Doté d’un budget stable à hauteur de 368 millions d’euros en CP pour 2026, le programme 104 comporte deux actions principales ([10]) : Accueil des étrangers primo-arrivants (n° 11) et Intégration des étrangers primo-arrivants (n° 12).

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 104 EN 2026

                                                                                                                                 (en millions d’euros)

Action

 

LFI

2025

 

PLF

2026

Évolution

FDC et ADP

2025

FDC et ADP 2026

11– Accueil des étrangers primo-arrivants

268,0

268,4

+0,12 %

0

0

12 – Garantie de l’exercice du droit d’asile

95,4

97,3

+1,95 %

21,2

12,1

14 – Accès à la nationalité

1,3

1,5

+13,57 %

0

0

16 – Accompagnement des résidents des foyers de travailleurs migrants

1,3

1,4

+0,43 %

0

0

Total

366,1

368,5

+0,65 %

21,2

12,1

Source : projet annuel de performances (PAP) Immigration, asile et intégration, projet de loi de finances pour 2026.

Le programme n° 104 Intégration et accès à la nationalité française voit sa dotation se stabiliser en 2026 : 368,4 millions d’euros sont ainsi provisionnés en AE et en CP, soit un montant équivalent à celui ouvert en loi de finances initiale pour 2025 ([11]).

L’action n° 11 Accueil des étrangers primoarrivants porte le financement de la subvention pour charge de service public et de la subvention pour charge d’investissement de l’OFII, ainsi que ses dépenses d’intervention : 268,3 millions d’euros en AE et en CP sont prévus à ce titre en 2026, en très légère augmentation par rapport à 2025 (+0,1 %). Le plafond d’emplois de l’OFII est également relevé de 2 ETPT et atteint ainsi 1 195 ETPT.

L’accueil des étrangers primo-arrivants qui souhaitent demeurer de manière relativement durable sur le territoire national se concrétise par la signature d’un contrat d’intégration républicaine (CIR). Le CIR comprend, outre un entretien d’orientation, des cours de langue française et une formation civique.

Renouvelées en 2025, les offres de formations linguistiques ont fait récemment l’objet d’une évolution majeure grâce à la dématérialisation de l’enseignement du français. L’apprentissage de la langue par l’intermédiaire de modules de formation en ligne représente une économie non-négligeable pour l’État, le coût annuel du recours à un professeur en présentiel étant près de quatre-vingt fois supérieur à celui d’une solution numérique ([12]). Vivement critiqué par les associations de défense des migrants, ce processus de dématérialisation de l’apprentissage du français fait actuellement l’objet d’un contentieux devant la juridiction administrative ([13]).

Si la rapporteure pour avis considère que le recours aux technologies numériques présente un intérêt budgétaire certain et ne doit donc pas être proscrit par principe, elle rappelle néanmoins la nécessité impérieuse de garantir la qualité de l’enseignement du français à l’attention des primo-arrivants. Il s’agit d’une priorité qui doit structurer les politiques d’intégration, notamment au regard de l’accroissement des exigences relatives à la maîtrise de la langue depuis l’entrée en vigueur de loi du 26 janvier 2024, afin d’obtenir certains titres de séjour de longue durée. Un parcours cohérent comprenant un apprentissage en présentiel et un apprentissage numérique doit être mis en place afin de maîtriser les coûts tout en conservant la qualité de l’enseignement de la langue.

L’action n° 12 Intégration des étrangers primo-arrivants se voit attribuer 97,3 millions d’euros en CP. Cependant, cette légère hausse (+1,95 %) par rapport à 2025 ne compense pas la diminution d’environ 9 millions d’euros du fonds de concours contribuant à son financement. L’action n° 12 vise à faciliter l’intégration des personnes étrangères, y compris les bénéficiaires de la protection internationale, pendant les années qui suivent leur admission à séjourner durablement sur le territoire français. Cette politique d’intégration des étrangers primo-arrivants est mise en œuvre de manière territorialisée ; plus de 90 % des crédits de l’action n° 12 sont ainsi mis à disposition des préfets de région pour l’intégration sociale et professionnelle des étrangers primo-arrivants.

Les crédits de l’action n° 12 financent également des programmes tels que le programme AGIR ([14]). Lancé en 2022, ce dernier a été étendu à l’ensemble du territoire métropolitain à l’été 2025. Il a pour objet de mettre en place un guichet unique départemental pour les personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou la protection subsidiaire. Ce guichet doit permettre de les accompagner vers le logement et l’emploi, en coordonnant plus efficacement l’ensemble des acteurs locaux de l’intégration : service public de l’emploi, de l’hébergement et du logement, de l’insertion, acteurs associatifs, etc. Au 30 juin 2025, 40 248 bénéficiaires de la protection internationale avaient déjà été orientés par l’OFII vers le programme AGIR, soit près de 9 000 personnes supplémentaires depuis le mois de juillet 2024.

C.   Les fonds de concours

Issus de programmes de financement de l’Union européenne (UE), deux fonds de concours sont rattachés à la mission Immigration, asile, intégration : le fonds asile, migration et intégration (FAMI) et l’instrument de soutien financier à la gestion des frontières et à la politique des visas (IGFV).

Le FAMI et l’IGFV contribuent notamment au financement des projets d’assistance juridique et d’amélioration de l’accueil en CRA, ainsi qu’à l’interopérabilité des systèmes d’information français et européen. Dans le domaine de l’asile, le FAMI participe au financement des opérations de relocalisation de demandeurs d’asile depuis d’autres États membres de l’UE et de réinstallation de réfugiés en provenance de pays tiers. Dans le domaine de l’intégration, le FAMI cofinance le projet AGIR.

La prévision de rattachement des fonds européens sur la mission Immigration, asile et intégration pour 2026 est évaluée à 65,8 millions d’euros en CP pour le programme 303 et à 12,1 millions d’euros en CP pour le programme 104, soit un montant total atteignant 77,9 millions d’euros en CP pour l’ensemble de la mission.


II.   Les perspectives de réforme de la directive dite « retour »

Établi par la directive du 16 décembre 2008 transposée en droit interne par la loi du 16 juin 2011, le cadre juridique de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière se heurte à plusieurs difficultés qui fragilisent durablement l’exécution des décisions de retour prises par les États membres. Face à ce constat, la Commission européenne a dévoilé le 11 mars 2025 une proposition de règlement dont l’objectif vise à harmoniser les législations nationales afin d’améliorer l’efficacité des règles applicables. Si la nécessité d’une réforme apparaît évidente à court terme, certaines orientations – en cours de négociation à l’échelle européenne jusqu’au premier semestre 2026 –, soulèvent des interrogations quant à leur viabilité juridique et aux conséquences opérationnelles qu’elles pourraient engendrer.

L’enjeu de cette réforme est important puisque les étrangers, en situation régulière comme irrégulière, peuvent de fait circuler dans l’espace Schengen, ce qui nécessite une harmonisation des règles de retour, mais aussi une coopération intergouvernementale sur les mesures qu’il convient de prendre.

A.   La directive de 2008 détermine le cadre juridique européen applicable au retour des étrangers en situation irrégulière dans leurs pays d’origine

La directive « retour » fixe les règles communes applicables au retour des ressortissants de pays extra-européens en séjour irrégulier sur le territoire des États membres de l’UE ou des États parties à l’accord de Schengen ([15]). Transposés en droit interne et précisés par les jurisprudences européenne et constitutionnelle, ces principes ont fait l’objet de critiques relatives à leur application différenciée selon les États, à la complexité procédurale qui en résulte et aux insuffisances qui les caractérisent.

1.   Les grands principes de la directive de 2008 progressivement transposés en droit interne

a.   Le cadre fixé par la directive

Au sens de la directive, le terme « retour » désigne le fait, pour le ressortissant d’un pays extra-européen en situation irrégulière, de rentrer dans son pays d’origine ou dans un pays tiers de façon volontaire ou contrainte. La directive précise les règles applicables à la décision de retour susceptible d’être prise par les autorités nationales, à son exécution et aux garanties dont bénéficient les personnes concernées. Sauf exceptions ([16]), les États membres sont tenus de prendre une décision de retour ([17]) à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire ([18]).

Par principe, il est accordé à l’étranger faisant l’objet d’une décision de retour un délai de départ volontaire compris entre sept à trente jours ([19]). L’État membre peut toutefois décider de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire ou de lui accorder un délai plus court lorsqu’il existe un risque que celui-ci s’enfuit, ou lorsqu’il a soumis une demande de titre de séjour manifestement infondée ou frauduleuse ([20]). Au cours du délai de départ volontaire, certaines obligations peuvent lui être imposées pour prévenir toute tentative de fuite, telle que la remise de documents ou l’assignation à résidence.

La décision de retour peut être assortie d’une interdiction d’entrée ([21]). Elle l’est nécessairement lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger en séjour irrégulier ou lorsque celui-ci n’a pas respecté l’obligation de quitter le territoire de l’État membre. La durée de cette interdiction d’entrée ne doit pas dépasser cinq ans mais elle peut être étendue dès lors que l’étranger concerné représente une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité nationale.

Lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé, ou lorsque l’étranger en séjour irrégulier n’a pas respecté l’obligation de quitter le territoire de l’État membre dans le délai imparti, celui-ci doit prendre toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour ([22]). Dans certaines circonstances, l’éloignement peut être reporté, voire interdit si le principe de non-refoulement ([23]) y fait obstacle ou si la justice suspend la décision. Sous certaines conditions, les États membres peuvent placer en rétention les étrangers faisant l’objet d’une décision de retour lorsqu’il existe un risque de fuite ([24]).

La durée de la rétention doit être aussi brève que possible et ne peut en principe dépasser six mois. En cas de non-coopération de la personne concernée ou de difficultés liées à l’obtention de documents de voyage, une prolongation jusqu’à dix-huit mois est toutefois possible. La rétention doit s’effectuer dans des centres spécialisés ou, lorsque cela n’est pas réalisable, dans un établissement pénitentiaire, à l’écart des prisonniers de droit commun.

Les étrangers concernés bénéficient notamment du droit à un recours effectif ainsi qu’à une assistance juridique et linguistique. Les États membres doivent également respecter le droit à l’unité familiale, fournir l’accès au système éducatif de base aux mineurs et les soins médicaux d’urgence, ainsi que prendre en compte les besoins particuliers des personnes vulnérables dans l’attente de leur départ volontaire ou de leur éloignement.

Si elle ne mentionne pas expressément les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la directive rappelle l’exigence de respect des droits fondamentaux, ce qui inclut notamment le principe de non-refoulement ([25]), la sauvegarde de la dignité humaine ([26]), l’intérêt supérieur de l’enfant ([27]) et le droit au respect de la vie privée et familiale ([28]). Ainsi, les articles 3 et 8 de la Convention du 4 novembre respectivement relatifs à l’interdiction des traitements inhumains et dégradants et à la protection de la vie privée et familiale encadrent la mise en œuvre des dispositions de la directive.

En outre, aux termes du vingt-troisième considérant du préambule de la directive de 2008, « l’application de [cette dernière] ne porte pas préjudice aux obligations découlant de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, telle que modifiée par le protocole de New York du 31 janvier 1967 ». L’article 1er de la directive mentionne la garantie des droits fondamentaux « en tant que principes généraux du droit communautaire ainsi qu’au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l’homme ». Avant d’engager la procédure de retour, les États membres doivent donc vérifier si l’étranger en séjour irrégulier ne bénéficie pas d’une protection internationale, ou s’il n’a pas droit à un autre statut protégé tel que la protection subsidiaire. Si une personne est reconnue réfugiée ou protégée, elle ne peut donc pas être renvoyée dans un pays où elle risque une persécution ou une atteinte grave à son intégrité physique.

b.   La transposition en droit interne

La France a transposé la directive « retour » par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité qui a modifié le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

La loi précitée prévoit ainsi :

 la distinction des régimes applicables aux ressortissants de pays tiers et aux ressortissants d’États membres de l’UE ou d’États parties à l’accord de Schengen ;

 la création de l’obligation de quitter le territoire français (OQTF), qui correspond à la décision de retour prévue par la directive de 2008, fondée sur le principe d’un délai de départ volontaire d’une durée maximale de trente jours ([29]) ;

– la possibilité de soumettre l’étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé à des mesures de suivi ([30]), distinctes et moins contraignantes que les mesures d’assignation à résidence ;

– la possibilité, dans certaines circonstances, de ne pas accorder de délai de départ volontaire ou d’interrompre le délai accordé, et d’exécuter d’office l’OQTF en mettant en œuvre des mesures préalables de rétention et d’assignation à résidence ;

– la possibilité, pour les besoins de l’exécution d’office, de déterminer le pays de renvoi dans une décision distincte et postérieure à l’OQTF ;

– la fixation à quatre-vingt-dix jours de la durée maximale totale de l’assignation à résidence aux fins d’exécution de la décision d’éloignement en cas de perspective raisonnable d’éloignement et à un an en l’absence d’une telle perspective ;

– la fixation à quarante-cinq jours de la durée maximale totale de rétention des étrangers irréguliers, cette durée pouvant alors atteindre six mois pour les étrangers interdits de territoire français ou expulsés pour des motifs liés au terrorisme ;

– la différenciation des modalités de recours contre les OQTF et les mesures qui les accompagnent selon l’existence ou non d’un délai de départ volontaire ([31]) ;

– la possibilité d’ordonner l’exécution d’office uniquement à l’issue de ces délais de recours, ou, en cas de saisine du juge, après qu’il a statué. Le délai maximal de jugement s’élève à trois mois et est réduit à quatre-vingt-seize heures en cas d’assignation à résidence ou de placement en rétention de l’étranger ;

– la création d’une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) d’une durée maximale initiale de deux ou trois ans, pouvant, dans certaines circonstances, être prolongée de deux ans.

Depuis 2011, le législateur a sensiblement réformé le cadre juridique applicable, principalement dans le but, d’une part, d’allonger la durée de rétention des étrangers en séjour irrégulier et, d’autre part, de desserrer les contraintes procédurales auxquelles est assujettie l’autorité administrative. Le CESEDA a ainsi fait l’objet de plusieurs modifications et d’ajouts notamment relatifs à :

– la création d’un dispositif de retenue administrative permettant la vérification du droit au séjour (RVDS), jusqu’alors réalisée en garde à vue ([32]), d’une durée maximale de vingt-quatre heures ([33]) ;

– l’élargissement des prérogatives de l’autorité administrative en cas de défaut de coopération ou d’obstruction de l’étranger assigné à résidence, à l’instar de la possibilité de le faire escorter jusque devant les autorités consulaires et, sur autorisation du juge judiciaire, de visiter son domicile ([34]) ;

– la systématisation de l’IRTF prononcée simultanément à une OQTF en l’absence de délai de départ volontaire ou lorsque l’étranger se maintient sur le territoire à l’expiration du délai accordé ([35]) ;

– l’allongement à quatre-vingt-dix jours de la durée maximale totale de la rétention ([36]) ;

– la suppression des protections légales contre l’OQTF dont bénéficiaient certains étrangers en situation irrégulière ([37]) telles que la résidence habituelle en France depuis l’âge de 13 ans au plus, la résidence régulière en France depuis plus de dix ou vingt ans selon les cas ou encore le fait d’être parents d’un enfant français ou marié à un ressortissant français ([38]) ;

– l’allongement à cent trente-cinq jours de la durée maximale totale de l’assignation à résidence aux fins d’exécution de la décision d’éloignement en cas de perspective raisonnable d’éloignement et à trois ans en l’absence d’une telle perspective ([39]) ;

– la prise en compte de l’ordre public pour caractériser le risque de fuite, sans pouvoir cependant en faire un motif autonome de placement en rétention ([40]) ;

– la simplification du contentieux administratif ([41])  avec la distinction de trois délais de recours selon le type de procédure (délai de recours d’un mois et délai de jugement de six mois pour toutes les OQTF avec ou sans délai de départ volontaire ([42]), délai de recours de sept jours et délai de jugement de quinze jours pour les personnes assignées à résidence et les détenus, délai de recours de quarante-huit heures et délai de jugement de quatre-vingt-seize heures en cas de placement en centre de rétention administrative) ;

– l’allongement à cinq ans de la durée maximale de l’IRTF pouvant atteindre dix ans en cas de menace grave pour l’ordre public ([43]) ;

– la simplification du séquencement de la rétention grâce à la suppression des deux dernières phases de prolongation de rétention de quinze jours susceptibles d’être décidées par le juge de la liberté et de la détention, ces phases étant remplacées par une troisième période de trente jours ([44]) ;

– la prise d’empreintes et de photographies sans le consentement de l’étranger placé en rétention et qui aura refusé de se soumettre à ces relevés, après autorisation du procureur de la République ([45]).

Conformes à la directive « retour », l’ensemble de ces mesures participent à un durcissement des règles destiné à faciliter la rétention des étrangers en situation irrégulière en vue de leur éloignement. Pour autant, diverses limites d’ordre procédural ont été progressivement mises en œuvre sous l’impulsion des jurisprudences nationales et européennes, ce qui tend à resserrer les marges de manœuvre du législateur national, au risque de les contraindre de façon excessive.

2.   Des règles précisées par les jurisprudences européenne et nationale

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et le Conseil constitutionnel ont été amenés à se prononcer sur les modalités d’application de la directive « retour » et des textes de transposition en droit interne qui en découlent. Leurs principales décisions rendues en la matière convergent, pour l’essentiel, autour de la protection des garanties dont bénéficient les étrangers en situation irrégulière, bien que le Conseil constitutionnel rappelle – selon une jurisprudence constante – qu’« aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national » ([46]).

a.   La jurisprudence européenne

Plusieurs décisions prises par la CJUE ont contribué à rehausser le niveau des exigences procédurales applicables au traitement des étrangers en situation irrégulière, ce qui a pour effet de complexifier leur placement en rétention et les conditions dans lesquelles leur éloignement peut ensuite être mis en œuvre. À date, soixante-six jugements ont ainsi été prononcés sur l’application de la directive depuis son entrée en vigueur ([47]).

Ainsi, l’infliction et l’exécution d’une peine d’emprisonnement pour séjour irrégulier, sans que l’État membre n’ait au préalable pris toutes les mesures coercitives prévues par la directive de 2008 pour tenter d’éloigner l’étranger, sont incompatibles avec l’objectif poursuivi par ladite directive ([48]). Cette évolution jurisprudentielle a directement motivé l’abrogation du délit de séjour irrégulier effectuée par la loi n° 2012‑1560 du 31 décembre 2012.

La CJUE a également imposé, dès l’édiction de la décision de retour, la mention du pays vers lequel est renvoyé l’étranger en situation irrégulière ([49]) et le respect du principe de non-refoulement à toutes les étapes ([50]) de la procédure de retour ([51]). La Cour de Luxembourg a également jugé que le fait qu’un étranger en séjour irrégulier soit soupçonné d’avoir commis une infraction pénale ou ait été condamné pour une telle infraction ne suffit pas à établir qu’il constitue un danger pour l’ordre public : un examen au cas par cas est alors nécessaire, y compris pour refuser d’accorder à l’étranger constituant un tel danger un délai de départ volontaire ([52]).

Dans une perspective similaire, la CEDH a jugé que les autorités nationales doivent évaluer les risques auxquels s’exposent les étrangers susceptibles d’être expulsés, s’agissant notamment de ceux souffrant de pathologies graves ([53]). La Cour de Strasbourg a aussi précisément défini les critères à l’aune desquels une décision d’éloignement peut être prise à l’encontre d’étrangers ayant commis une infraction pénale ([54]), dans le but de garantir la protection effective de leur vie privée et familiale conformément à l’article 8 de la Convention du 4 novembre 1950 ([55]).

b.   La jurisprudence constitutionnelle

Si le Conseil constitutionnel considère qu’il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République ([56]), il a censuré à plusieurs reprises des dispositions votées par le Parlement tendant à allonger la durée maximale de rétention ou d’assignation à résidence d’étrangers en situation irrégulière.

Il a ainsi estimé contraires à la Constitution, d’une part, l’allongement à dix-huit mois la durée de la rétention d’un étranger condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion motivé par un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées ([57]) et d’autre part, l’assignation à résidence pour une durée illimitée ([58]) des étrangers condamnés à une peine d’interdiction du territoire ([59]).

Par ailleurs, le Conseil a jugé que l’établissement d’un délai maximal de cinq jours correspondant au temps global imparti à l’étranger détenu afin de former son recours (quarante-huit heures) et au juge afin de statuer sur celui-ci (soixante-douze heures) n’opérait pas une conciliation équilibrée entre le droit à un recours juridictionnel effectif et l’objectif poursuivi par le législateur d’éviter le placement de l’étranger en rétention à l’issue de sa détention ([60]). Enfin, il a récemment jugé non conformes à la Constitution les dispositions permettant le maintien en rétention jusqu’à deux-cent-dix jours d’individus condamnés à une peine d’interdiction du territoire, qui font l’objet d’une mesure d’expulsion, d’une interdiction administrative du territoire, ou condamnés pour certains crimes et délits, ou encore dont le comportement représente une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ([61]). Lors de son audition, M. Didier Leschi, directeur général de l’OFII, a souligné que la jurisprudence constitutionnelle empêche ainsi une transposition « maximaliste » de certaines dispositions de la directive s’agissant notamment de la durée de rétention préalable à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière.

La rapporteure pour avis estime que cet ensemble de dispositifs juridiques et de contraintes procédurales, assortis d’une jurisprudence restrictive à l’égard du législateur dans la transposition des mesures issues du droit européen, nuit à l’efficacité de l’action des autorités dans la mise en œuvre des éloignements. Ces multiples contraintes alimentent le récit d’une impuissance de l’État en matière migratoire. L’équilibre résultant de cet état de fait juridique aboutit à privilégier le respect des droits des étrangers en situation irrégulière au détriment de l’efficacité de l’action publique et de la protection de l’ordre public par l’État, ce qui correspond pourtant à une forte attente exprimée par nos concitoyens.

Après avoir rappelé la nécessité de faire intervenir l’autorité judiciaire dans la procédure encadrant la prise d’empreintes des étrangers placés en rétention sans leur consentement ([62]), le Conseil a finalement admis la constitutionnalité de ce dispositif sur autorisation du procureur de la République aux fins d’identification des personnes concernées ([63]).

3.   Des difficultés juridiques et opérationnelles multiples

Si la directive « retour » a laissé une certaine latitude aux États membres afin de déterminer les règles procédurales et la durée des mesures coercitives prises à l’encontre des étrangers en situation irrégulière dans l’optique de leur éloignement, il en résulte une fragmentation des législations nationales à laquelle se conjuguent plusieurs insuffisances ou « angles morts » dont souffre la directive.

a.   Les divergences de transposition de la directive entre les États membres

Selon les éléments communiqués à la rapporteure pour avis par la direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l’intérieur, les législations des États membres présentent une forte hétérogénéité qui illustre les nombreuses différences existant entre les droits nationaux s’agissant des règles applicables au retour des étrangers en situation irrégulière.

L’exemple le plus frappant concerne la durée maximale de rétention autorisée qui variait, selon les pays, du simple au nonuple en 2019-2020.

Durée MAXIMALE ET MOYENNE DE Rétention des étrangers en situation irrégulière au sein de 25 états européens en 2019-2020

Pays

Durée maximale de rétention en 2020

Durée moyenne de rétention en 2019

Espagne

2 mois

25 jours

Portugal

2 mois

36 jours

France

3 mois

17,5 jours

Italie

3 mois

--

Norvège

4 mois pour un adulte

72 heures pour un mineur (et exceptionnellement 10 jours)

10,8 jours

Luxembourg

6 mois

47 jours

 

Autriche

6 mois

29 jours

Lettonie

6 mois

Entre 20 et 23 jours

Irlande

8 mois

Durée n’excédant généralement pas 8 semaines

Suède

12 mois

28 jours

Finlande

12 mois

31,5 jours

Slovénie

12 mois

4,3 jours

Hongrie

12 mois

--

Allemagne

18 mois

--

Belgique

18 mois

--

Pays-Bas

18 mois

40 jours

Chypre

18 mois

--

Grèce

18 mois

--

Croatie

18 mois

27 jours

Malte

18 mois

63 jours

Slovaquie

18 mois

--

République tchèque

18 mois

32 jours

Lituanie

18 mois

--

Estonie

18 mois

40 jours

Pologne

18 mois

91 jours

Source : direction générale des étrangers en France, ministère de l’intérieur, sur la base des données du Réseau européen des migrations.

Ces écarts s’observent aussi au niveau des délais de recours contentieux à l’encontre des décisions d’expulsion prononcées par les autorités administratives, compris entre trois jours ([64]) et deux mois et demi ([65]), certains États prévoyant des durées d’une ([66]), de deux ([67]), de trois ([68]) ou de quatre semaines ([69]).

La rédaction de la directive ouvre la voie à des divergences d’approches selon les États. Celles-ci reflètent la diversité des stratégies nationales et de la spécificité de la problématique migratoire propre à chacun d’entre eux, qu’il s’agisse des pays dits de « première entrée » ou de « transit », comme la Grèce et l’Italie, ou des pays de « destination », tels que la France ou l’Allemagne.

Adoptée par le Sénat le 27 juin 2025, la résolution européenne n° 159 initiée par Audrey Linkenheld et André Reichardt constate ainsi que « plusieurs problèmes interdépendants compromettent l’efficience et l’efficacité des procédures de retour et de réadmission actuelles. Le système actuel est trop compliqué et trop fragmenté, ce qui nuit à l’efficacité de la coopération des autorités qui interviennent dans le processus de retour, tant au niveau national qu’entre les autorités des différents États membres. » ([70]).

Ces disparités concernent également les modalités d’édiction de la décision de retour ([71]) ou de recours contentieux ([72]), le recours généralisé ou non aux mesures de contrainte telles que l’assignation à résidence ou la rétention ([73]) ou encore la possibilité de placer les mineurs en rétention.

Au-delà de cette dysharmonie préjudiciable à la cohérence des politiques migratoires menées au sein de l’UE, la directive « retour » souffre surtout de rigidités et d’insuffisances qui affectent l’exécution des décisions d’éloignement prises à l’encontre des étrangers en situation irrégulière.

b.   Les insuffisances et « angles morts » de la directive « retour »

Lors de leur audition par la rapporteure pour avis, les représentants de la DGEF ont énuméré les principaux défauts que comporte la directive. Ils déplorent ainsi l’obligation d’accorder un délai de départ volontaire d’une durée minimale de sept jours à tout étranger faisant l’objet d’une OQTF, sauf exception, ce qui ne permet pas à l’autorité administrative de prendre d’office des mesures de contrainte afin de faciliter l’exécution de la mesure. En outre, la faible prise en compte des enjeux d’ordre public, qui nécessitent un traitement particulier qu’il serait plus sûr juridiquement de consacrer dans le droit européen et l’absence d’outils permettant de déterminer l’identité et la nationalité des étrangers qui refusent de coopérer entravent l’efficacité des procédures.

Telle qu’interprétée par la CJUE, la directive ne permet pas non plus aux autorités nationales de dissocier la décision qui refuse l’octroi d’un délai de départ volontaire de l’OQTF qui y est assortie, l’annulation contentieuse de la première entraînant par ricochet celle de la seconde ([74]).

Découlant de l’imprécision ou des silences de la directive, ces rigidités procédurales nuisent à la lisibilité du droit. À ces difficultés s’ajoutent de véritables « angles morts » relatifs à l’absence de mesures imposant une obligation de coopération des étrangers en situation irrégulière avec les autorités nationales, ce qui augmente le risque de fuite vers d’autres États membres : 261 700 mouvements en ce sens ont été détectés en 2024 ([75]).

Plus généralement, la rapporteure pour avis rappelle que le partage d’informations entre États, la coordination de leur politique migratoire et la mise en place de relations bilatérales solides avec les pays d’origine et de transit conditionnent la bonne exécution des décisions de retour ([76]). La réadmission des ressortissants faisant l’objet de mesures d’éloignement implique en effet la délivrance de laissez-passer consulaires ([77]), ce qui constitue encore aujourd’hui un obstacle majeur auquel se heurtent les États européens, et singulièrement la France, ainsi que la rapporteure pour avis le soulignait dans son avis sur les crédits de la mission Immigration, asile et intégration du projet de loi de finances pour 2025.

B.   La révision de la directive et sa transformation en règlement visent à rendre plus efficace la lutte contre l’immigration irrégulière à l’échelle européenne

Plusieurs tentatives de réforme de la directive « retour » ont lieu au cours de la dernière décennie. Une proposition de refonte a en effet été déposée par la Commission européenne le 12 septembre 2018 faisant suite aux conclusions du Conseil européen du 28 juin 2018. Ouvertes au début de l’année 2019, les négociations n’ont pas abouti, malgré la présentation le 7 juin 2019 d’une orientation générale partielle (OGP) par le conseil Justice et affaires intérieures (JAI). La France a soutenu la plupart des pistes de réforme, telles que l’élargissement du champ que recouvrent les notions de « risque de fuite » ou de « pays de retour » et la fixation d’un délai de recours juridictionnel de quatorze jours. Elle s’est cependant opposée à l’octroi par principe d’un délai de retour volontaire et à l’impossibilité de sanctionner pénalement le séjour irrégulier.

La volonté d’harmoniser les règles applicables au retour des étrangers en situation irrégulière pour améliorer l’efficacité des décisions d’éloignement s’est traduite par la présentation d’une proposition de règlement, le 11 mars 2025, par la Commission européenne. Depuis lors, les États membres ont progressivement formulé leurs observations sur la base de ce texte à l’occasion de la réunion de groupes de travail. À l’issue de ces échanges intergouvernementaux, la présidence danoise du Conseil présentera en décembre 2025 une orientation générale en amont du trilogue qui réunira le Conseil, la Commission et le Parlement européen au cours du premier semestre 2026. L’adoption du règlement est envisagée d’ici la fin de l’année 2026.

1.   Le choix d’un règlement détaillé afin d’uniformiser les régimes juridiques d’éloignement, au risque de contrevenir au principe de subsidiarité

a.   Un objectif d’uniformisation à l’épreuve du principe de subsidiarité

S’il s’inscrit dans le sillage du Pacte sur la migration et l’asile adopté en 2024, le projet de règlement « retour » poursuit une logique autonome dictée par le choix opéré par la Commission européenne d’uniformiser les législations nationales relatives à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière.

La Commission européenne estime en effet que la faible efficacité des politiques de retour réside dans les disparités des systèmes nationaux. Lors de leur audition par la rapporteure pour avis, les représentants de la DGEF ont néanmoins considéré que la Commission n’a pas jusqu’à présent été en mesure d’étayer ce raisonnement.

La rapporteure pour avis souligne que l’existence d’un système commun d’asile issu du Pacte sur la migration et l’asile ainsi que les règles de libre-circulation au sein de l’espace Schengen rendent nécessaire un système commun de retour, ou, a minima, un cadre juridique commun.

Selon la DGEF, en l’absence de toute analyse d’impact à l’appui de son argumentation ([78]), la Commission n’a pas démontré la valeur ajoutée que représenterait un système commun pour atteindre l’objectif visé. En effet, bien que les mouvements secondaires des étrangers en séjour irrégulier au sein de l’espace Schengen soient indubitablement une réalité, rien ne prouverait à ce stade qu’ils résultent principalement de la divergence des législations nationales. Si tel était le cas, la France et l’Allemagne, qui sont les deux pays qui procèdent au plus grand nombre d’éloignements forcés, ne seraient pas simultanément les premières destinations des mouvements secondaires. À l’inverse, le ministère de l’intérieur estime que les principaux obstacles à l’éloignement sont d’ordres capacitaires ([79]), juridiques ([80])  et diplomatiques ([81]).

En outre, le choix du règlement et non d’une modification de la directive a pour conséquence une meilleure harmonisation du droit en limitant drastiquement la capacité des États membres d’adapter leur cadre juridique, afin de garantir une réponse commune plus efficace aux défis migratoires à l’échelle européenne.

Toutefois, Conformément aux observations formulées dans la résolution européenne adoptée par le Sénat le 27 juin 2025, la rapporteure pour avis rappelle la nécessité de respecter les principes de proportionnalité et de subsidiarité qui doivent demeurer au fondement de la production normative de l’UE. Si le développement d’une politique commune en matière d’asile et d’immigration s’avère indispensable, l’articulation entre les compétences exercées à l’échelle européenne et celles dévolues aux États doit être pleinement garantie, de surcroît dans les matières liées à la sécurité nationale qui relèvent de leur compétence exclusive ([82]).

Cette vigilance doit plus particulièrement s’exercer sur le recours généralisé aux actes d’exécution ([83]) susceptibles d’être pris par la Commission européenne afin de définir plusieurs points pourtant essentiels du futur règlement, s’agissant par exemple du caractère « européen » des décisions de retour et de la nature « obligatoire » de leur reconnaissance mutuelle, ou encore du montant et des modalités des compensations financières que verserait l’État émetteur de la décision en faveur de l’État ayant exécuté celle-ci. Ainsi, la rapporteure pour avis n’est pas favorable à ce qu’une décision « européenne » de retour soit créée dans le cadre de cette réforme, afin de ne pas trop complexifier les procédures nationales par un régime européen trop rigide.

b.   Le contenu de la proposition de règlement présentée par la Commission européenne

Se substituant intégralement à la directive « retour » du 16 décembre 2008, la proposition de règlement se compose de 52 articles répartis en neuf chapitres.

Le chapitre 1er, intitulé « Dispositions générales », regroupe les articles 1ers à 5. L’article 1er définit l’objet et l’objectif du règlement. L’article 2 précise son champ d’application, qui se limite aux ressortissants de pays tiers en situation irrégulière sur le territoire des États membres de l’UE ou des États associés. L’article 3 prévoit les cas dans lesquels il peut être dérogé au règlement, c’est-à-dire lorsque l’étranger se voit notifier une interdiction d’entrée à la frontière, ou lorsqu’il est interpellé à l’occasion du franchissement illégal d’une frontière terrestre, maritime ou aérienne. L’article 4 définit les principales notions employées dans le règlement, telles que la notion de « pays de retour ». L’article 5 rappelle que les États doivent respecter les droits fondamentaux des étrangers, tels que définis par le droit de l’UE et le droit international, et en particulier le principe de non-refoulement.

Le chapitre II, intitulé Procédure de retour, regroupe les articles 6 à 20. L’article 6 prévoit que les États doivent mettre en place des mesures pour détecter les cas de séjour irrégulier et procéder à des vérifications complémentaires afin notamment de déterminer si l’étranger présente une vulnérabilité ou pose un risque pour la sécurité publique. L’article 7 impose aux États d’édicter une décision de retour à l’encontre de tout étranger en situation irrégulière, décision qui doit notamment mentionner le pays de retour définitif ou, à défaut, un ou plusieurs pays de retour provisoires ; il impose également la copie des principaux éléments de la décision de retour dans un formulaire standard dit European Return Order, intégré au système d’information Schengen (SIS).

L’article 8 prévoit les cas dans lesquels il peut être dérogé à l’obligation d’édicter une décision de retour, soit notamment lorsque l’étranger est remis à un autre État membre ou associé ([84]). L’article 9 pose le principe de la reconnaissance mutuelle obligatoire des décisions de retour, selon lequel les États doivent exécuter les décisions de retour édictées par les autres États membres ou associés dès lors que les étrangers qui en sont l’objet se trouvent sur leur territoire ; cette reconnaissance mutuelle, qui deviendrait obligatoire à compter du 1er juillet 2027, s’effectuerait sur la base du « European Return Order » et impliquerait la mise en place d’un système de compensation financière.

L’article 10 prévoit que les décisions de retour peuvent ou, selon le cas, doivent, être assorties d’une interdiction d’entrée, qui peut être prononcée pour une durée maximale de dix ans et renouvelée par périodes successives de cinq ans ; il prévoit également la possibilité de prononcer des interdictions d’entrée autonomes (sans décision de retour). L’article 11 précise dans quelles conditions une interdiction d’entrée peut être écourtée, suspendue ou retirée. L’article 12 énumère les cas dans lesquels les États doivent procéder à l’éloignement forcé d’un étranger ([85]). L’article 13 prévoit que, dans tous les autres cas, les États doivent préciser à l’étranger une date à laquelle il doit démontrer être parti ; cette date ne pouvant être postérieure à trente jours suivant la date de la notification de la décision de retour.

L’article 14 précise dans quelles conditions l’éloignement d’office peut être reporté. L’article 15 impose aux États de se doter d’un « mécanisme indépendant » pour veiller au respect des droits fondamentaux des étrangers durant les opérations d’éloignement d’office. L’article 16 définit la notion de risque pour la sécurité publique et permet de déroger à certaines dispositions du règlement pour faciliter l’éloignement des étrangers qui posent de tels risques. L’article 17 permet d’éloigner les étrangers, à l’exception des mineurs et des familles avec mineurs, vers des pays tiers avec lesquels un accord ou arrangement a été conclu en vue de faciliter leur éloignement ([86]).

L’article 18 rappelle que l’intérêt supérieur de l’enfant prévaut sur toute autre considération lorsqu’il est fait application du règlement. L’article 19 précise dans quelles conditions l’âge d’un étranger peut être évalué pour déterminer s’il est mineur. L’article 20 encadre la procédure de retour des mineurs non accompagnés.

Le chapitre III, intitulé Obligations du ressortissant de pays tiers, regroupe les articles 21 à 23. L’article 21 impose aux étrangers de coopérer avec les autorités nationales et consulaires compétentes à tous les stades de la procédure de retour et énumère les obligations qui en découlent : ceux-ci doivent notamment demeurer sur le territoire de l’État et fournir tout document ou information permettant d’établir ou de vérifier leur identité. Cet article autorise également la fouille des étrangers et de leurs effets personnels lorsque les circonstances le justifient. L’article 22 énumère les mesures « dissuasives » qui peuvent être prises à l’encontre des étrangers non coopératifs ([87]). L’article 23 permet aux États de soumettre les étrangers à des mesures telles que l’assignation à résidence afin de garantir leur disponibilité pendant toute la procédure de retour.

Le chapitre IV, intitulé Garanties et voies de recours, regroupe les articles 24 à 28. L’article 24 confère aux étrangers un droit à l’information concernant la procédure de retour dont ils font l’objet, leurs droits et obligations ainsi que les conseils ou programmes d’aide au retour ou à la réintégration dont ils peuvent bénéficier. L’article 25 prévoit qu’ils doivent pouvoir être assistés et représentés gratuitement par un avocat ou un conseil juridique. L’article 26 garantit le droit au recours effectif contre les décisions prises sur le fondement du règlement. L’article 27 impose aux États de prévoir des délais de recours en première instance ne pouvant excéder quatorze jours ainsi que des délais de jugement raisonnables. L’article 28 confère un effet suspensif aux délais de recours en première instance et prévoit la possibilité pour l’étranger de requérir la suspension de l’exécution de la décision litigieuse jusqu’au jugement, y compris en appel.

Le chapitre V, intitulé Prévention de la fuite et rétention, regroupe les articles 29 à 35. L’article 29 permet le placement en rétention des étrangers qui remplissent un ou plusieurs des critères suivants, aux fins de préparer leur retour et de procéder à leur éloignement d’office : risque de fuite, évitement ou entrave à la préparation du retour, risque pour la sécurité publique, identité ou nationalité devant être établie ou vérifiée, non-respect des mesures alternatives à la rétention. L’article 30 définit le risque de fuite. L’article 31 énumère les mesures alternatives à la rétention telles que l’obligation de remettre ses titres d’identité et de voyage aux autorités compétentes, de résider dans un lieu désigné par elles, de se présenter régulièrement devant elles, de fournir une caution financière, ou la mise place d’une surveillance électronique. L’article 32 prévoit que la durée du maintien en rétention doit être la plus courte possible et ne peut en tout état de cause excéder vingt-quatre mois.

L’article 33 impose le réexamen de la décision de placement en rétention au moins tous les trois mois, à la demande de l’étranger ou d’office. L’article 34 précise les conditions de la rétention. L’article 35 encadre la rétention des mineurs non accompagnés et des familles avec mineurs, qui doit être une mesure de dernier recours.

Le chapitre VI, intitulé Réadmission, regroupe les articles 36 et 37. L’article 36 prévoit qu’une procédure de réadmission doit être initiée dès l’édiction d’une décision de retour exécutoire ; cette procédure inclut toutes les démarches réalisées auprès des autorités compétentes des pays tiers concernés, telles que les demandes de laissez-passer consulaires. L’article 37 précise que les États peuvent communiquer avec les entités non reconnues de pays tiers sans que cela n’emporte la reconnaissance de ces entités.

Le chapitre VII, intitulé Partage et transfert de données à caractère personnel, regroupe les articles 38 à 41. L’article 38 encadre le partage de données entre États membres et associés, chacun disposant du droit de se voir communiquer les données nécessaires à l’exécution d’une décision de retour. Les articles 39 à 41 encadrent le transfert de données vers des pays tiers.

Le chapitre VIII, intitulé Système commun en matière de retour, regroupe les articles 42 à 46. L’article 42 décrit le système commun prévu par le règlement, qui comprend la procédure de retour, le système de reconnaissance mutuelle des décisions de retour, des ressources nécessaires, des systèmes d’information, une coopération entre États membres et associés et un appui des organes de l’UE. L’article 43 précise les obligations des États en matière d’allocation de ressources dédiées à la mise en œuvre du règlement, incluant un nombre suffisant de places en centre de rétention. L’article 44 précise leurs obligations en matière de coopération. L’article 45 prévoit la possibilité pour les États de faire appel à Frontex. L’article 46, enfin, leur impose de mettre en place des structures de conseil et des programmes d’aide au retour et à la réintégration.

Le chapitre IX, intitulé Dispositions finales, regroupe les articles 47 à 52. L’article 47 prévoit qu’en cas d’afflux exceptionnel d’étrangers devant faire l’objet d’une procédure de retour, les États peuvent déroger à certaines dispositions du règlement relatives aux conditions de rétention. L’article 48 précise les obligations de reporting des États vis-à-vis de la Commission européenne (Eurostat) et de l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex. L’article 49 prévoit la mise en place d’un comité pour assister la Commission. L’article 50 précise les obligations de reporting de la Commission vis-à-vis du Parlement européen et du Conseil. L’article 51 prévoit notamment l’abrogation de la directive du 16 décembre 2008 à compter de l’entrée en vigueur du règlement. L’article 52, enfin, prévoit que le règlement entre en vigueur le 20e jour suivant sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

2.   Des pistes concrètes afin d’améliorer l’exécution des décisions d’éloignement, dans le respect des droits fondamentaux des étrangers en situation irrégulière

Selon l’organisme Eurostat, le taux d’exécution des décisions d’éloignement d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire de l’UE s’est élevé à 24,6 % au dernier trimestre 2024. En France, le taux d’exécution des OQTF s’établit à 7 % selon les chiffres présentés par le premier ministre François Bayrou lors de sa déclaration de politique générale prononcée le 14 janvier 2025.

Face à ce constat, l’ensemble des États européens se sont prononcés en faveur de simplifications procédurales et de moyens accrus octroyés aux autorités administratives principalement afin de procéder à la rétention administrative des étrangers en situation irrégulière et à leur meilleure identification en vue de leur éloignement.

a.   Des évolutions pertinentes bien que perfectibles

L’assouplissement des conditions de rétention, notamment pour des motifs liés à la sécurité publique et au risque de fuite et le renforcement des obligations de coopération avec les autorités visent à consolider les procédures d’éloignement et renforcer leur effectivité.

D’une part, l’extension de la durée maximale de rétention pour les profils dangereux, la définition des critères permettant de placer en rétention les étrangers en situation irrégulière ([88]) et celle de la notion de « risque de fuite » ainsi que des mesures alternatives à la rétention ([89]) constituent, selon la DGEF, une avancée bienvenue, notamment au regard de la prise en compte des risques sécuritaires ([90]). La DGEF estime cependant que la définition du risque de fuite pourrait être simplifiée et complétée. En effet, l’évaluation préalable systématique du risque de fuite dont le résultat pourra être contesté devant les tribunaux, constitue une charge administrative trop lourde qui pourrait utilement être remplacée par une évaluation globale de proportionnalité de la mesure. Il importe également que les États membres puissent ajouter des critères dans leur droit national : certains des critères applicables en droit national aujourd’hui n’y figurent pas, à l’instar des personnes qui se maintiennent après expiration de leur visa.

D’autre part, la proposition de règlement impose une obligation de coopération avec les autorités nationales et consulaires compétentes à toutes les étapes de la procédure de retour. Une liste non-exhaustive d’obligations est ainsi énumérée ([91]) et des sanctions dissuasives ([92]) peuvent être infligées en cas de non-respect.

La DGEF a indiqué à la rapporteure pour avis se satisfaire de la création d’une obligation de coopération imposée à l’étranger en situation irrégulière faisant l’objet d’une décision de retour. Cette évolution permet de rappeler que c’est sur ce dernier que pèse en premier lieu la responsabilité de la bonne exécution de cette décision. L’introduction de sanctions spécifiques en cas de non-respect de ces obligations va également dans le bon sens.

Selon une enquête du ministère de l’intérieur réalisée en 2024 auprès des préfectures, la première cause d’échec des procédures d’éloignement est la difficulté à identifier le ressortissant. En effet, plus d’un éloignement sur trois échoue à cause de l’impossibilité de déterminer l’identité et la nationalité de l’étranger ([93]).

La France a donc proposé, en sus d’ajustements nécessaires à l’article 21 de la proposition de règlement, la création d’un article 21 bis ayant spécifiquement pour objet d’habiliter les autorités compétentes des États membres à faire usage d’un certain nombre de prérogatives leur permettant d’identifier les étrangers en situation irrégulière qui refusent de coopérer. Ces pouvoirs consisteraient en la possibilité, dès lors que l’étranger en situation irrégulière refuse de coopérer, et donc sans son consentement :

– de procéder à la fouille de ses effets personnels, incluant ses appareils électroniques, et en particulier son téléphone portable ([94]). En effet, la DGEF précise que de nombreux étrangers en situation irrégulière dissimulent ou déchirent leurs documents d’identité et de voyage mais en conservent une copie sur leur téléphone. L’objectif n’est donc pas tant de fouiller la personne elle-même que ses appareils électroniques pour trouver des copies de ses documents officiels qui permettront de déterminer le pays vers lequel son éloignement pourra être effectué ;

– de visiter son domicile et son véhicule pour y rechercher des documents d’identité ou de voyage ;

– de requérir auprès d’autres autorités nationales ou d’organismes la communication de toute information ou de tout document qui lui serait relatif ;

– de procéder à la collecte forcée des données biométriques (empreintes, photo) qu’il refuserait de fournir ;

– de l’escorter devant les autorités nationales ou consulaires compétentes pour établir sa nationalité ou pour obtenir un document de voyage.

Dans tous les cas, les autorités compétentes ne pourront faire usage de ces prérogatives que dans le but de déterminer l’identité et la nationalité de l’étranger en situation irrégulière, et ne pourront donc collecter et exploiter que les données personnelles strictement nécessaires à son identification, dans le respect du cadre fixé par le droit européen des données personnelles. Les États membres devront également prévoir, dans leur droit national, l’ensemble des garanties et des voies de recours ouvertes à la personne concernée. L’amendement proposé par la France mentionne notamment la nécessité d’obtenir l’autorisation préalable de l’autorité judiciaire ou d’une autorité administrative indépendante, sauf en cas d’urgence dûment justifiée.

Enfin, la France souhaiterait clarifier la nature des sanctions pouvant être prises en cas de méconnaissance des obligations de coopération. La DGEF suggère d’y mentionner explicitement les peines de prison, conformément à la législation nationale qui prévoit déjà des peines d’emprisonnement en cas de défaut de coopération et d’obstruction à l’exécution d’une décision de retour.

La rapporteure pour avis partage l’ensemble des orientations précitées mais souligne que leur réussite opérationnelle est conditionnée par la mobilisation indispensable de moyens financiers, matériels et humains à la hauteur des enjeux, s’agissant notamment des besoins capacitaires inhérents aux centres de rétention administrative (CRA). En ce sens, le projet de loi de finances déposé par le gouvernement pour 2026 prévoit une augmentation de 40,54 % du montant des crédits de paiement alloués à l’action n° 3 Lutte contre l’immigration irrégulière du programme 303. Cette trajectoire budgétaire doit être préservée, et idéalement amplifiée dans une logique de choix assumés tournés vers les impératifs régaliens. Ces investissements sont nécessaires afin d’utiliser pleinement les potentialités du futur règlement « retour ».

Le plan « CRA 3 000 »

Le « plan CRA 3000 » prévoit une augmentation du nombre de places de rétention administrative. En 2026 sont prévues la livraison des CRA de Bordeaux, de Dunkerque ainsi que les extensions des CRA de Rennes et Metz, portant ainsi la capacité immobilière totale à 2 299 places en métropole. L’augmentation capacitaire du parc de rétention administrative et les efforts en termes de coopération diplomatique permettent de prévoir une cible de 70 % en 2026 du taux d’éloignement à l’issue d’un placement en CRA.

Source : projet annuel de performances (PAP) Immigration, asile et intégration, projet de loi de finances pour 2026, p. 14.

b.   L’articulation avec les droits dont bénéficient les étrangers en situation irrégulière

Les articles 12 à 20 de la proposition de règlement visent à préserver l’exercice des droits des étrangers en situation irrégulière, s’agissant notamment de la protection spécifiquement accordée aux mineurs et de la création d’un mécanisme indépendant afin de veiller au respect des droits fondamentaux durant les opérations d’éloignement forcé.

Les représentants des associations de défense des droits des migrants auditionnés par la rapporteure pour avis estiment que ces dispositions sont insuffisantes et présentent une dimension régressive par rapport au cadre juridique actuel ([95]). À l’inverse, la DGEF considère que la proposition de règlement contient de nouvelles et nombreuses exigences procédurales qui peuvent représenter autant de rigidités supplémentaires auxquelles seront confrontés les pouvoirs publics, telles que l’examen systématique de la vulnérabilité des personnes lors de la détection du séjour irrégulier, les obligations accrues de reporting ou l’évaluation du principe de non-refoulement à chaque phase du processus.

La rapporteure pour avis rappelle que l’exercice des mesures coercitives précitées reste soumis à l’appréciation du juge administratif – ou du juge des libertés et de la détention s’agissant des mesures prolongation de la rétention administrative – en cas de recours formé par les personnes concernées. La préservation du droit au recours, du droit à l’information et à des soins médicaux d’urgence est confortée par la proposition de règlement, conformément aux standards européens et internationaux applicables en la matière auxquels l’article 5 fait explicitement référence. En outre, la création du mécanisme indépendant précité s’inscrit dans cette perspective, bien que ses contours et son contenu nécessitent des précisions au regard de l’action que mènent déjà conjointement, en France, les deux autorités administratives indépendantes que sont le Défenseur des droits et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Pour autant, la réforme de la directive « retour » se heurte encore à plusieurs difficultés auxquelles le texte rédigé par la Commission européenne n’apporte pas de réponses convaincantes à ce jour. Ces points d’alerte illustrent l’étendue des progrès restant à accomplir d’ici la conclusion du trilogue prévu au premier semestre 2026.

C.   La persistance de défauts et d’insuffisances affectant les différentes étapes de la chaîne de l’éloignement

Quatre dispositions de la proposition de règlement suscitent un réel scepticisme voire une franche opposition du gouvernement français : le caractère obligatoire de la reconnaissance mutuelle des décisions d’éloignement prises par les États membres, l’articulation entre les retours volontaires et les retours forcés, l’évolution des modalités de recours juridictionnel et la possibilité de conclure, à l’échelle de l’UE, des accords avec des pays tiers afin de procéder aux éloignements.

1.   Le caractère obligatoire de la reconnaissance mutuelle des mesures d’éloignement apparaît contre-productif

L’article 9 de la proposition de règlement consacre le caractère obligatoire de la reconnaissance mutuelle des décisions de retour à compter du 1er juillet 2027. Selon ce principe, les États membres doivent reconnaître et exécuter directement une décision de retour prise par un autre État membre dès lors que les étrangers qui en sont l’objet se trouvent sur leur territoire, sans qu’il soit nécessaire de prendre une nouvelle décision en la matière. Cette obligation de reconnaissance mutuelle pourrait s’effectuer sur la base du European Return Order précité, en lien avec le système d’information Schengen (SIS). Elle impliquerait également la mise en place d’un système de compensation financière dont les modalités restent à déterminer, l’État édicteur de la décision de retour étant ainsi tenu de « dédommager » l’État qui l’aurait finalement mise à exécution.

Les représentants de la DGEF ont rappelé lors de leur audition leur opposition à la reconnaissance mutuelle obligatoire des décisions de retour. La mise en place de la reconnaissance mutuelle peut certes être bénéfique pour favoriser l’exécution des décisions de retour prises par chaque autorité nationale, ce qui empêche ainsi les étrangers en situation irrégulière de contourner une décision d’éloignement en se rendant dans un autre pays de l’UE. Néanmoins, cette procédure s’expose à plusieurs difficultés majeures.

Applicable de manière facultative depuis l’entrée en vigueur de la directive du 28 mai 2001 ([96]), le système de reconnaissance mutuelle est très peu utilisé par les autorités des États membres de l’UE. Lors de son audition, la conseillère de la représentation permanente de la France auprès de l’UE a précisé que les pouvoirs publics privilégiaient en effet l’émission d’une nouvelle décision de retour à l’échelle nationale, par rapport à l’exécution d’une mesure déjà prise à l’encontre d’un étranger en situation irrégulière par leurs homologues européens. La DGEF justifie ce choix au regard des contraintes procédurales qu’impliquerait l’exécution d’une décision d’éloignement prononcée par un autre État, telles que la vérification de son caractère exécutoire, sa traduction, et le fait qu’elle ne contrevienne à aucun principe de droit français ([97]) ou européen ([98]).

En outre, la DGEF évoque un risque de nature politique tenant à la déresponsabilisation de l’État émetteur – s’agissant a fortiori des États dits de première entrée –, qui recourrait de façon potentiellement abusive à des décisions de retour sans en assumer concrètement le suivi et encore moins l’exécution. En l’espèce, l’État émetteur n’aurait pas à supporter le coût administratif de la mise en œuvre de sa décision, ce qui perturberait l’équilibre entre responsabilité et solidarité précédemment défini par le Pacte sur la migration et l’asile. La reconnaissance mutuelle obligatoire des décisions de retour présenterait donc des inconvénients opérationnels et politiques, ce qui justifie le choix d’en rester à un mécanisme facultatif.

Les dispositions de la proposition de règlement prévoient la généralisation d’une compensation financière, applicable depuis 2004 ([99]), qui repose sur le principe d’un versement par l’État émetteur d’un montant correspondant au coût supporté par l’État exécutant la décision de retour, notamment au regard de la mobilisation de moyens relatifs à la rétention et à l’escorte de la personne éloignée ([100]). Lors de leur audition, les représentants de La Cimade ont déploré le manque de clarté de la disposition et l’absence de véritable consultation démocratique dans la mesure où le montant précité doit être déterminé par un acte d’exécution de la Commission, et non par une délibération associant le Conseil et le Parlement européen. Le professeur Philippe de Bruycker regrette également l’absence d’étude d’impact susceptible de prouver l’efficacité de cette mesure, par comparaison avec les difficultés rencontrées dans le cadre du mandat d’arrêt européen au cours des deux dernières décennies.

Seules la Grèce, l’Espagne, la Bulgarie, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Croatie se sont exprimées en faveur d’une reconnaissance mutuelle obligatoire, la Grèce et l’Espagne ajoutant que le caractère obligatoire ne devrait pas être assorti de contrepartie financière. À rebours de cette position, une majorité d’États, dont l’Allemagne, l’Italie, la Suisse, les Pays-Bas, la Suède, la Belgique, l’Autriche, le Luxembourg, la Norvège, la Slovénie, la Lituanie et l’Estonie, souhaitent comme la France maintenir un mécanisme purement facultatif.

La rapporteure pour avis considère que la reconnaissance mutuelle obligatoire suppose, au préalable, une uniformisation réelle des droits nationaux au séjour à l’échelle de l’UE. Or la priorité européenne doit plutôt se concentrer sur l’amélioration de l’efficacité des procédures de retour, en préservant et en renforçant les dispositifs qui ont déjà fait leurs preuves. La responsabilisation des États membres dans la conduite de leurs politiques de retour demeure la principale exigence afin de mettre en œuvre des procédures d’éloignement véritablement effectives.

2.   Le défaut d’articulation des retours volontaires avec les retours forcés : un frein à l’efficacité des procédures d’éloignement ?

Dans sa rédaction initiale, la proposition de règlement souligne l’importance du retour volontaire et l’encourage explicitement en renforçant le droit à l’information des personnes concernées ([101]) ainsi que le versement d’une aide financière incitative ([102]). L’existence d’un délai de départ volontaire préalable à l’exécution d’une mesure d’éloignement forcée a fait l’objet de fortes critiques en tant que le délai précité contribue à complexifier et ralentir la procédure, tout en augmentant le risque de fuite entravant le processus de retour.

La présidence danoise du Conseil a présenté une rédaction de compromis afin de supprimer le principe de priorité du retour volontaire sur le retour forcé : la décision de retour devra ainsi prévoir soit un délai de départ volontaire qui ne doit pas excéder trente jours, soit un retour forcé immédiat, sans qu’aucune hiérarchie ne soit précisée entre ces deux possibilités.

Si l’intention poursuivie est louable, la DGEF déplore le défaut d’articulation entre le retour volontaire et le retour forcé, ce qui peut inciter le juge éventuellement saisi à cet effet à décider lui-même l’octroi ou non d’un délai de départ volontaire, en se substituant alors à l’autorité administrative. La DGEF préconise donc de laisser davantage de flexibilité à l’État, en lui permettant d’assortir l’ensemble de ses décisions de mesures d’aide au retour ou de contrainte. Cette souplesse garantirait utilement l’adaptation à tout stade de la procédure des modalités d’exécution de la décision de retour, en favorisant le passage du retour volontaire au retour forcé, et inversement.

3.   La suppression du caractère suspensif de plein droit du recours formé à l’encontre des décisions de retour : une complexification procédurale inopportune

La proposition de règlement prévoit de mettre fin à l’automaticité du caractère suspensif du recours contre la décision d’éloignement. Cette suspension devra donc faire l’objet d’un recours spécifique et dissocié du premier recours au fond. En outre, la Commission propose de réduire le délai maximal de recours contre la mesure d’éloignement à quatorze jours, contre un mois en l’état du droit ([103]).

La France est l’un des rares États à prévoir un recours suspensif de plein droit à l’encontre des décisions de retour prises par l’autorité administrative en première instance, ce qui signifie que le requérant n’est pas tenu de saisir spécifiquement le juge d’une demande de suspension. Le principe d’effet suspensif de plein droit est valable pour toutes les OQTF contestées devant le juge administratif.

L’ajout d’une telle voie contentieuse additionnelle présente plusieurs inconvénients. D’une part, cette évolution procédurale risque d’alourdir la charge des juridictions administratives et d’emboliser leur activité, en doublant potentiellement le volume contentieux dont elles ont la charge. Celles-ci devraient en effet juger deux requêtes pour un même étranger en situation irrégulière : la demande de suspension de la mesure d’éloignement, puis la demande d’annulation de la mesure d’éloignement elle-même.

D’autre part, cette nouvelle voie de recours complexifierait dangereusement la procédure contentieuse, ce qui pourrait porter préjudice au principe du droit au recours effectif auquel la proposition de règlement se réfère explicitement. Lors de leur audition, les représentants de La Cimade et de France Terre d’Asile ont déploré la suppression du caractère suspensif de plein droit du recours formé à l’encontre de la décision d’éloignement en tant qu’elle porte atteinte aux droits fondamentaux des étrangers en situation irrégulière et restreint in fine leurs chances d’obtenir gain de cause devant la justice administrative.

4.   Les incertitudes juridiques et financières entourant les arrangements susceptibles d’être conclus par l’UE avec des pays tiers

L’article 17 de la proposition de règlement ouvre la voie à l’éloignement d’étrangers en situation irrégulière vers des pays tiers avec lesquels un accord a été conclu en ce sens. Le recours à ces plateformes de retour (return hubs) présenterait un caractère facultatif. Selon la DGEF, ce dispositif d’externalisation de la décision de retour recueille l’approbation de nombreux États membres, en dépit de l’opposition exprimée par l’Espagne. La France a jusqu’à présent demandé à ce que seuls des accords juridiquement contraignants, et non de simples arrangements, puissent être conclus de manière bilatérale entre les États membres et les pays tiers ([104]). Il s’agit non seulement de garantir la solidité juridique et la transparence de ces accords mais aussi de préserver le rôle de chaque État membre en la matière.

Cette perspective soulève de sérieuses interrogations que partage la rapporteure pour avis.

Premièrement, des doutes s’élèvent quant à la possibilité pratique de conclure de tels accords avec des pays n’ayant aucun lien avec les étrangers ayant fait l’objet d’une mesure d’éloignement.

Deuxièmement, l’exigence de respect des droits fondamentaux de ces derniers doit être pleinement satisfaite, sous peine de contrevenir au principe de non-refoulement auquel la proposition de règlement demeure assujettie. La question de la gestion opérationnelle de ces plateformes de retour se pose donc avec acuité, au regard du flux potentiellement important d’étrangers susceptibles d’y être conduits depuis l’UE. À cet égard, La Cimade et France Terre d’asile ont fait part de leurs craintes quant au risque de violation de droits humains, rendue possible par l’absence de garde-fou et de mécanisme de contrôle juridictionnel effectif.

Enfin, la nature des contreparties – essentiellement financières – versées en faveur de ces pays tiers reste à définir, ce qui implique de réfléchir au bilan « coût – bénéfice » de cette mesure pour l’ensemble des États européens, notamment à l’épreuve des contraintes budgétaires qui pèsent sur leurs finances publiques.


   Travaux de la commission

Au cours de sa réunion du mercredi 22 octobre 2025, la commission examine le présent avis budgétaire.

M. le président Bruno Fuchs. Les crédits de paiement de la mission Immigration, asile et intégration sont portés par le projet de loi de finances pour 2026 à un peu plus de 2,16 milliards, soit une hausse de 3,83 % par rapport à 2025. Le montant des autorisations d’engagement, quant à lui, augmentera de plus de 25 %, s’établissant à un peu moins de 2,24 milliards.

Notre rapporteure pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux aux perspectives de réforme de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive « retour ».

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. La mission Immigration, asile et intégration regroupe les moyens, hors dépenses de personnel, attribués à la direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l’intérieur. Cette mission se structure autour de trois axes : la gestion des flux migratoires, l’accueil et l’examen de la situation des demandeurs d’asile et l’intégration des ressortissants étrangers en situation régulière. La politique de l’asile représente près des deux tiers des crédits qui y sont inscrits.

Deux opérateurs participent à la mise en œuvre de la politique relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France : l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), chargé de l’accueil et de l’intégration des ressortissants étrangers admis au séjour, et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

La mission comporte deux programmes : le programme 303, Immigration et asile, qui représente environ 83 % du budget de la mission en 2026, et le programme 104, Intégration et accès à la nationalité française, qui regroupe 17 % des crédits alloués à la mission.

Après les restrictions budgétaires qui ont marqué l’exercice 2025 – sur lesquelles j’avais émis des réserves –, les crédits de paiement de la mission progressent de 80 millions d’euros, pour atteindre la somme de 2,16 milliards, soit une hausse de 3,83 %. Je considère que la trajectoire budgétaire prévue par le PLF pour 2026 fournit désormais au ministère de l’intérieur les moyens de développer une politique rigoureuse de gestion des flux migratoires. C’est à cette condition que la lutte contre l’immigration irrégulière pourra être véritablement efficace – conformément à l’une des principales attentes de nos concitoyens – tout en facilitant l’intégration des étrangers admis au séjour en France. Il nous faut en effet mener une politique qui marche sur deux jambes : d’une part, la reconduite à la frontière de ceux qui n’ont rien à faire sur le territoire ; d’autre part, l’accompagnement et l’intégration de ceux qui adhèrent à nos valeurs, souhaitent apprendre notre langue et apporter leur contribution à notre économie par leur travail.

L’État doit faire des choix budgétaires. Pour garantir l’efficacité des missions régaliennes qui lui incombent – la sécurité, la défense et l’immigration –, il doit augmenter les moyens alloués à ces politiques moyennant des économies sur d’autres postes de dépenses, quitte à se désengager en partie de politiques moins prioritaires.

Le programme 303 présente un budget en hausse de 4,5 % en crédits de paiement. Le principal poste de dépense concerne l’action 02, relative au financement de la politique de l’asile. Quant aux autorisations d’engagement, leur augmentation de 22 % se justifie par les moyens supplémentaires dont l’OFPRA a besoin pour accélérer le délai de traitement des demandes d’asile. L’office bénéficiera ainsi, dès l’année prochaine, du recrutement de 48 agents supplémentaires.

En outre, la lutte contre l’immigration irrégulière bénéficie d’un appui budgétaire particulièrement élevé en 2026, puisque le montant des crédits de paiement augmente de plus de 40 % par rapport à 2025. Il s’agit, là encore, de faire œuvre de cohérence en finançant l’application du plan « CRA 3000 », qui doit porter à 3 000 le nombre de places en centres de rétention administrative (CRA) à l’horizon 2029, soit un doublement en l’espace d’une décennie. Il convient, en outre, de sécuriser le parc d’hébergement, compte tenu des publics qu’il accueille.

Quant au programme 104, sa dotation se stabilise en 2026. J’appelle votre attention sur l’offre de formation linguistique proposée aux étrangers primo-arrivants, qui a fait récemment l’objet d’une évolution majeure grâce à la dématérialisation de l’enseignement du français. L’apprentissage de la langue par l’intermédiaire de modules de formation en ligne représente une économie non négligeable pour l’État, puisque le coût annuel du recours à un professeur en présentiel est près de quatre-vingt fois supérieur à celui d’une solution numérique. Compte tenu de l’importance de l’apprentissage de la langue pour réussir son intégration, je suggère que l’on concilie cet impératif avec les contraintes budgétaires en développant des parcours d’apprentissage hybrides.

J’ai choisi, cette année, de consacrer la partie thématique de mon rapport pour avis aux perspectives de réforme de la directive « retour » du 16 décembre 2008, transposée en droit interne par la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Ces textes, qui établissent le cadre juridique de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, se heurtent à plusieurs difficultés qui fragilisent durablement l’exécution des décisions de retour prises par les États membres. Face à ce constat, la Commission européenne a dévoilé une proposition de règlement dont l’objectif est d’harmoniser les législations nationales afin d’améliorer l’efficacité des règles applicables. Si la nécessité d’une réforme paraît évidente, les auditions que j’ai conduites ont montré que certaines orientations soulèvent de véritables interrogations quant à leur viabilité juridique et à leurs conséquences pratiques.

L’enjeu de cette réforme est important. Le fait que les étrangers, en situation régulière comme irrégulière, puissent circuler librement dans l’espace Schengen impose une unification des règles de retour mais aussi une coopération intergouvernementale efficace. Or la directive « retour », qui laisse une certaine latitude aux États membres, n’a pas permis l’harmonisation des politiques de retour.

Si la proposition présentée par la Commission me semble aller dans le bon sens, plusieurs éléments mériteraient d’être corrigés, sans qu’il soit d’ailleurs nécessaire d’opposer l’efficacité de la politique de retour à la protection légitime des droits des personnes. Permettez-moi d’évoquer trois d’entre eux.

Premièrement, il n’est pas souhaitable que la reconnaissance mutuelle des décisions d’éloignement prises par les États membres devienne obligatoire. En effet, cette évolution ferait peser des contraintes procédurales excessives sur les États, qui devraient vérifier le caractère exécutoire de la décision, la traduire et s’assurer qu’elle ne contrevient à aucun principe de droit national ou européen. En outre, un risque de nature politique tenant à la déresponsabilisation de l’État émetteur n’est pas à exclure : ces États, notamment ceux dits de première entrée, pourraient être tentés de recourir de façon potentiellement abusive à des décisions de retour sans en assumer le suivi et encore moins l’exécution.

Deuxièmement, la proposition de règlement prévoit de mettre fin à l’automaticité du caractère suspensif du recours contre la décision d’éloignement. Pour être contestée, cette suspension devra donc faire l’objet d’un second recours spécifique car dissocié du premier recours au fond. Cette évolution risque d’alourdir la charge des juridictions administratives, donc de ralentir leur activité, en complexifiant dangereusement la procédure contentieuse.

Enfin, la proposition de règlement ouvre la voie à l’éloignement d’étrangers en situation irrégulière vers des pays tiers avec lesquels un accord pourrait être conclu à cet effet. Le recours à ces plateformes de retour doit faire l’objet de précisions supplémentaires afin de garantir leur conformité juridique avec les principes constitutionnels et conventionnels. J’ajoute que la nature des contreparties – essentiellement financières – versées aux pays tiers reste à définir, ce qui implique de réfléchir au bilan coût-bénéfice de cette mesure.

La question migratoire comporte des enjeux humains, budgétaires, diplomatiques et juridiques de premier ordre. Conscients de la complexité de ces défis, nous devons pouvoir en débattre sereinement, sans démagogie ni déni de réalité.

M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Vous vous réjouissez de la hausse des moyens budgétaires alloués à la mission Immigration, asile et intégration. Or elle permet simplement de rétablir ces crédits au niveau qui était le leur en 2024. En outre, cette augmentation est absorbée, pour l’essentiel, par la lutte contre l’immigration irrégulière, ce qui ne laisse aucun doute quant aux choix politiques du gouvernement : il s’agit de réprimer plutôt que d’accueillir, d’exclure plutôt que d’intégrer.

Ainsi, l’Exécutif préfère financer les expulsions et la construction de places en centre de rétention administrative plutôt que d’augmenter les crédits du programme 104, consacré à l’intégration, qui reste le parent pauvre du budget. Ne représentant que 17 % des crédits de la mission, celui-ci ne bénéficie pas de la hausse dont il aurait pourtant eu besoin après les coupes drastiques intervenues l’an dernier. Ainsi, le gouvernement exige que l’obtention d’un titre de séjour soit soumise à une meilleure maîtrise du français tout en remplaçant les profs et les cours de langue en présentiel par une plateforme numérique. Force est de constater que le relèvement du niveau de français vise non pas à favoriser l’intégration mais à exclure un maximum de candidats. On justifie ce choix par le maintien de l’ordre public mais faut-il rappeler que les migrants ne sont pas des délinquants a priori et sont avant tout des travailleurs ?

Surtout, comment prétendre garantir la sécurité des Français lorsqu’on supprime 6 000 places dans le dispositif national d’accueil, lorsqu’on réduit le budget de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) et les cours de français et lorsqu’on impose un prix exorbitant pour le timbre pour titres de séjour ?

Cette politique est une impasse : on ne maintient pas l’ordre public en marginalisant et en précarisant des populations qui ont parfois tout perdu. On ne construit pas la sécurité en détruisant l’intégration.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Si le budget de la mission retrouve en effet un niveau similaire à celui de 2024, son augmentation témoigne néanmoins, dans un cadre contraint, de la volonté du gouvernement de faire de cette politique une priorité. C’est un choix politique : il s’agit de privilégier la reconduite aux frontières de ceux qui n’ont pas droit au séjour et l’amélioration de l’accompagnement de ceux qui y ont droit, notamment en mettant l’accent sur l’apprentissage du français.

Non, les migrants ne sont pas des délinquants. C’est la raison pour laquelle nous voulons éloigner rapidement et efficacement ceux d’entre eux qui représentent un risque pour l’ordre public. Cette politique doit marcher sur deux jambes.

M. Frédéric Petit (Dem). Le groupe Les Démocrates votera en faveur de ces crédits. Lors de l’examen de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, notre commission avait exprimé la volonté de se saisir de ces questions, qui relèvent en partie de la diplomatie. Nous serions, pour notre part, favorables à la délivrance de visas multi-entrées car la présence de diasporas sur notre sol est un outil diplomatique.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je suis d’accord avec vous. Je rentre d’un voyage en Arménie, où j’ai évoqué notamment cette question.

M. Bertrand Bouyx (HOR). Pour être fidèle à l’esprit de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, le budget de la mission Immigration, asile et intégration doit combiner fermeté et humanité. C’est ce qu’il fait en traduisant la volonté claire de renforcer la maîtrise des flux migratoires tout en garantissant la dignité et l’intégration des étrangers en situation régulière. Dotée de 2,16 milliards de crédits de paiement, en hausse de 3,8 % par rapport à 2025, cette mission redonne des marges de manœuvre à la politique migratoire de notre pays.

Fermeté, d’abord : le programme Immigration et asile, qui concentre plus de 80 % des crédits, bénéficie d’une progression significative au profit de l’action contre l’immigration irrégulière. L’investissement dans le plan CRA 3000, la modernisation des dispositifs d’éloignement et la montée en puissance du pacte européen sur la migration et l’asile permettront d’assurer à la fois l’exécution effective des décisions d’éloignement et le respect des droits fondamentaux.

Humanité, ensuite : le droit d’asile demeure un pilier de ce budget. Les moyens accrus de l’OFPRA, qui bénéficiera de 48 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires et d’un budget porté à 123 millions d’euros, permettront d’accélérer le traitement des demandes et de réduire encore les délais moyens tout en améliorant les conditions d’accueil.

En définitive, ce budget dote l’État des moyens de faire respecter ses lois, de tenir ses engagements européens et d’offrir à celles et ceux qui rejoignent la France la possibilité de s’y intégrer pleinement. Le groupe Horizons & indépendants votera donc en faveur des crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Votre intervention est en phase avec mon rapport. L’objectif est d’accueillir dignement, de former et d’insérer en exigeant l’adhésion aux valeurs de la République et la maîtrise du français.

Les orientations de ce budget sont en effet cohérentes avec les principes de la loi de janvier 2024, qui combine fermeté et humanité. Je pense à l’augmentation du nombre de places en CRA et à leur sécurisation, ainsi qu’aux nouvelles exigences linguistiques.

Enfin, vous avez raison, nous devons nous donner les moyens de respecter les engagements que nous avons pris dans le cadre du pacte sur la migration et l’asile et mieux utiliser la force de l’Europe comme un outil diplomatique.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Si le nouveau ministre de l’intérieur a annoncé une « rupture dans la forme » avec son prédécesseur, le budget pour 2026 de cette mission témoigne du contraire : il s’agit ici, ni plus ni moins, d’appliquer la loi pour soi-disant contrôler l’immigration, améliorer l’intégration et le pacte européen sur la migration et l’asile, deux textes qui auraient pu avoir pour titre : « réprimer les personnes étrangères et entraver leur accès aux droits fondamentaux ».

Pour preuve, le seul budget qui baisse est celui de l’action 02, Garantie de l’exercice du droit d’asile, un droit fondamental. Robert Badinter avait décidément raison, « la France n’est pas le pays des droits de l’homme mais le pays qui a donné naissance à la Déclaration des droits de l’homme ». Pourtant, la situation est déjà alarmante. Le montant de l’allocation pour demandeur d’asile s’élève à 209 euros par personne et par mois, soit 7 euros par jour ! Faut-il rappeler qu’en outre, pour éviter tout commentaire de l’extrême droite, les demandeurs d’asile n’ont pas l’autorisation de travailler ? Néanmoins, on décide de diminuer de 10 % le budget de cette allocation au motif que l’on a instauré un guichet unique. Quelle belle invention pour empêcher un peu plus les personnes étrangères d’accéder à des droits basiques !

Seul point positif, que nous devons saluer : l’OFII et l’OFPRA vont bénéficier respectivement de 48 et de 50 équivalents temps plein supplémentaires pour accélérer le traitement des demandes d’asile. Vous aurez compris que nous refusons de voter un tel budget, contraire à la liberté, à l’égalité et à la fraternité.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Les orientations budgétaires me semblent cohérentes avec la loi « immigration » du 26 janvier 2024, adoptée par le Parlement.

L’an dernier, déjà, vous aviez évoqué la question de l’allocation pour demandeur d’asile. Des économies sont réalisées, non pas en réduisant son montant mais bien en rationalisant notre organisation administrative. Par ailleurs, je précise que, contrairement à ce que vous avez indiqué, l’OFII ne bénéficiera que de 2 emplois supplémentaires.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Dans ce cas, ne tenez pas compte de mon compliment final !

M. Kévin Pfeffer (RN). Cela fait cinquante ans que les Français subissent une immigration hors de contrôle qui bouleverse profondément les équilibres économiques, sociaux et culturels dans notre pays. En 2024, le nombre des étrangers présents sur notre sol a dépassé 6 millions, soit un bond de 400 000 en un an. Contrairement à vous, je ne qualifierais donc pas la politique de gestion des flux migratoires de rigoureuse.

Quant à l’immigration illégale et clandestine, elle a, elle aussi, plus que doublé depuis 2015. Ce matin, M. Nuñez estimait à 700 000 le nombre des étrangers en situation irrégulière sur notre territoire ! Je ne dirais donc pas, contrairement à ce que vous écrivez dans votre rapport, que la lutte contre l’immigration irrégulière est plus efficace.

Loin d’être combattue, l’immigration illégale a souvent été et est encore encouragée par différentes politiques nationales beaucoup trop attractives : aide médicale de l’État – 1,2 milliard d’euros –, accords franco-algériens – 2 milliards d’euros –, aide juridique aux étrangers, hébergement des clandestins, prime d’activité, subventions aux associations, prestations sociales non contributives, etc. Soit plusieurs dizaines de milliards d’euros chaque année ! Les économies sont possibles et attendues ; vous ne pourrez pas mettre indéfiniment les Français à la diète budgétaire sans faire contribuer les étrangers.

Le budget alloué à l’accueil et à l’intégration des étrangers primo-arrivants ainsi que les crédits affectés à l’allocation pour demandeur d’asile et à l’hébergement devraient être drastiquement réduits. Quant au budget de la lutte contre l’immigration irrégulière, qui ne représente que 10 % du total, il est insuffisant, c’est le moins qu’on puisse dire. L’objectif de 3 000 places en CRA est, certes, en augmentation, mais 147 000 sans-papiers ont été interpellés l’an dernier.

Il existe de nombreux moyens de réduire efficacement l’immigration illégale tout en prenant des mesures positives pour le budget de l’État. Nous proposerons, par exemple, d’instaurer une taxe de 10 % sur les transferts de fonds tels que Western Union. Chaque année, 14 milliards d’euros sortent ainsi du territoire français. Or ces fonds sont transférés en grande partie hors de l’Union européenne et échappent à toute contribution spécifique. La taxe que nous proposons d’instaurer pourrait être annulée par décret, par exemple, pour les États étrangers qui acceptent de réadmettre leurs ressortissants.

Face à l’état catastrophique de nos finances publiques et à une immigration totalement hors de contrôle, nous devons faire de ces réformes de bon sens une priorité nationale. C’est en tout cas ce que demande une très large majorité de Français.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. En évoquant une immigration incontrôlée qui créerait une insécurité culturelle, vous faites, à mots couverts, l’apologie de la théorie du grand remplacement. Je ne souscris pas à cette théorie d’extrême droite.

M. Pierre Pribetich (SOC). Ce ne sont même pas des expressions à mots couverts.

M. Kévin Pfeffer (RN). Ce sont vos mots !

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Votre discours n’a rien de neuf. Toutes les études montrent que l’immigration ne coûte pas plus cher qu’elle ne rapporte. Par ailleurs, les moyens consacrés à la lutte contre l’immigration illégale bénéficient d’une hausse importante. Quant à votre proposition de taxe sur les transferts d’argent, je la désapprouve : je ne souhaite pas empêcher les personnes immigrées de soutenir ainsi leur famille.

M. Vincent Ledoux (EPR). La mission gérée par la direction générale des étrangers en France doit relever l’un des défis les plus sensibles et les plus structurants de notre pacte républicain en traduisant à la fois une exigence d’ordre et une exigence d’humanité. Je salue, à cet égard, la qualité de votre rapport, qui retrace avec justesse les deux dimensions complémentaires de la politique du gouvernement : la fermeté dans la maîtrise des flux et l’humanisme en matière d’accueil et d’intégration.

Le budget pour 2026 de la mission Immigration, asile et intégration, qui s’élève à 2,16 milliards d’euros, en hausse de 3,8 %, confirme la volonté de renforcer trois piliers essentiels : la gestion maîtrisée des flux migratoires, la protection des demandeurs d’asile et l’intégration durable des étrangers en situation régulière.

Le programme 303, qui concentre l’essentiel des crédits, voit ses moyens renforcés pour accélérer les procédures d’asile – 48 agents supplémentaires recrutés à l’OFPRA – tandis que le plan CRA 3 000 permettra de porter à 3 000, d’ici à 2029, le nombre de places en centres de rétention administrative. Ces efforts traduisent une volonté claire : mieux contrôler, mieux décider et mieux exécuter.

Le programme 104, consacré à l’intégration, demeure stable mais bénéficie de la modernisation des dispositifs linguistiques, notamment grâce aux outils numériques, pour favoriser l’apprentissage du français et l’accès à la citoyenneté.

Sur le plan européen, la réforme en cours de la directive « retour » vise à harmoniser les règles d’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Si l’intention est louable, cette réforme comporte néanmoins quelques risques, notamment celui d’affaiblir la responsabilité des États membres dans l’exécution des décisions d’éloignement et celui de rendre plus complexes les recours juridiques. La France doit défendre une ligne claire : coopérer au niveau européen sans renoncer à sa capacité d’agir efficacement et souverainement pour faire respecter ses décisions.

La position du groupe EPR est simple : nous voulons une politique migratoire équilibrée, fondée sur le respect des lois, la maîtrise des frontières et l’intégration républicaine de ceux qui font le choix de la France. C’est dans cet équilibre que se joue au fond la cohésion de notre nation. Nous voterons donc en faveur de ces crédits.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Vous avez raison de rappeler l’importance de notre pacte républicain. Nous aurons l’occasion d’en reparler lorsque nous examinerons les amendements du Rassemblement national qui visent à couper les financements du contrat d’intégration républicaine (CIR). Dans un pays démocratique et républicain comme le nôtre, l’immigration ne peut pas être traitée par des solutions simplistes. Il faut accueillir ceux qui ont le droit de s’établir sur notre territoire et souhaitent s’intégrer – et ils sont nombreux ! – et renforcer l’efficacité de procédures telles que le traitement des demandes d’asile et les reconduites aux frontières. Enfin, le cadre européen doit nous aider et non nous empêcher.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Le débat portant sur les personnes réfugiées et exilées se déroule dans un climat pourri en France. En 2015, le mot « immigration » a été prononcé 10 000 fois sur les plateaux de télévision ; en 2024, cinq fois plus. Une véritable obsession, née au pays des droits humains ! Dans les médias qui se mettent le plus directement au service de l’extrême droite, ces personnes sont systématiquement présentées comme menaçantes, dangereuses, formant une foule immense. Ces délires leur prêtent une puissance matérielle que leur condition ne leur confère évidemment pas. Leur véritable puissance, celle de leur travail, qu’ils soient en situation dite régulière ou non, ils la mettent au service de leurs proches, de leur famille et de la France elle-même.

L’obsession pour l’immigration et le fait de s’en prendre aux personnes réfugiées et exilées relèvent du racisme. Hérité de la situation coloniale, celui-ci prend à contre-pied l’évidence historique : celle d’une exigence de solidarité qui doit nous inciter, d’abord, à transformer l’ordre économique international pour qu’il soit plus égalitaire, ensuite, à accueillir celles et ceux qui arrivent sur notre sol. Or sous ce double aspect le budget de l’État est catastrophique. Il sabre l’aide publique au développement, d’un côté, et diminue l’argent consacré aux conditions matérielles de l’accueil, de l’autre. Il n’y a pas de crise de l’immigration ; il y a une crise de l’accueil, que ce budget aggrave. Ainsi, l’allocation pour demandeur d’asile est réduite de 10 % et, après la suppression de plus de 9 300 places l’an dernier, l’hébergement d’urgence en perdra encore 1 400 l’année prochaine alors que France Terre d’asile estime que 40 000 demandeurs d’asile ne sont pas hébergés.

En commission des affaires étrangères, les choses doivent être clairement dites : il faut nous donner les moyens de respecter les obligations juridiques qui nous incombent au titre de la convention de Genève. Des vies disparaissent en Méditerranée dans l’indifférence européenne la plus coupable, nous externalisons nos frontières comme un reste d’empire et nous accueillons mal. Ne pensez-vous pas que les proches des disparus, des maltraités, des renvoyés discutent et vivent, bref, que les sociétés font leur vie pendant que notre État devient de plus en plus répressif ? Déplorer la dégradation de l’image de la France en soutenant cette politique migratoire, c’est regretter les causes dont on chérit les effets. Les lamentations sur le recul de notre influence en Afrique devraient peut-être s’enrichir de ce point de vue et les pleureurs en tirer les conséquences en augmentant les moyens dévolus à l’accueil en France.

En matière de politique migratoire, il faut revenir à la raison et à la raison d’être de la République française : les droits humains. Ce n’est pas le chemin emprunté par ce budget, c’est pourquoi nous nous y opposerons.

Mme Brigitte Klinkert (EPR), rapporteure pour avis. Bien entendu, nous ne sommes pas d’accord. Vous n’avez évoqué ni les enjeux budgétaires ni ce que j’écris dans mon rapport sur la directive « retour ». Par ailleurs, le montant de l’ADA ne baisse pas : il est maintenu à 209 euros. La diminution des crédits est permise par l’optimisation de notre organisation, notamment l’instauration du guichet unique. Il en est de même pour les places d’hébergement d’urgence : le nombre des nuitées d’hôtel est réduit au profit de places pérennes, qui sont moins chères et permettent aux travailleurs sociaux de mieux accompagner les personnes.

Mme Pascale Got (SOC). Le groupe socialiste aborde l’examen de cette mission avec le souci de concilier maîtrise des flux migratoires, efficacité de l’action publique et fidélité aux valeurs humanistes de notre République. Le projet de loi de finances pour 2026, quant à lui, favorise le déséquilibre en affectant davantage de moyens au contrôle – le montant du programme Immigration et asile atteint presque 2 milliards d’euros – et en réduisant les crédits alloués à l’intégration – le programme Intégration et accès à la nationalité française, qui s’établit à 369 millions d’euros, est quasiment stable. Il traduit ainsi la priorité donnée à la contrainte plutôt qu’à l’accompagnement. L’attribution de 48 postes supplémentaires à l’OFPRA est, certes, un point positif, mais l’allocation pour demandeur d’asile perd 24 millions d’euros. Cela affaiblit la qualité de l’accueil et la dignité des parcours. Il en va de même pour les obligations linguistiques et civiques puisque les moyens de formation ne sont pas renforcés.

L’équation n’est pas bonne : on demande davantage aux primo-arrivants en leur donnant moins de chances de réussir. L’intégration n’est pas un supplément d’âme de la politique migratoire, c’est la condition de la réussite. La langue, l’emploi, le logement et l’accès aux droits construisent l’adhésion aux valeurs républicaines. Or ces leviers sont sous-estimés.

Nous regrettons également que cette mission demeure cantonnée au seul ministère de l’intérieur alors qu’elle recouvre des enjeux diplomatiques, sociaux et éducatifs qui dépassent largement le champ sécuritaire. L’immigration n’est pas qu’une question de frontières ; c’est aussi une question de société, de dignité et de projet républicain. Pour ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera contre les crédits de cette mission.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Il convient en effet de respecter un équilibre entre fermeté et humanité. Quant à l’OFPRA, il présente un déficit important lié à l’explosion des demandes d’asile et à la multiplication des recours relevant du contentieux des étrangers devant les juridictions administratives.

En conclusion, je vous invite à donner un avis favorable aux crédits de la mission Immigration, asile et intégration.


*

Article 49 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE5 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Il s’agit par cet amendement de réaliser une économie de plus d’un demi-milliard d’euros en supprimant l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Plutôt que de rappeler le programme de Marine Le Pen, je citerai le président de cet office, M. Larrivé, nommé par le président de la République, qui a décidé de démissionner, estimant que « toute ambition de réduction de l’immigration a été abandonnée par le gouvernement ». Il regrette en effet qu’aucun effort opérationnel sérieux ne vienne « baisser drastiquement le nombre de visas et augmenter significativement celui des expulsions », ajoutant même : « Le chaos migratoire ne fera que s’amplifier ». De fait, l’intégration est un échec. L’OFII ne remplit pas sa mission ; continuer à le financer reviendrait à financer la déchéance de la société française.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Avis défavorable, bien entendu. L’OFII, dont je tiens d’ailleurs à saluer le professionnalisme des agents, remplit des fonctions essentielles. Il joue un rôle primordial non seulement dans l’accueil des personnes qui ont acquis un droit au séjour pour des raisons professionnelles ou familiales mais aussi dans l’aide au retour volontaire, beaucoup moins coûteux qu’un retour contraint. J’ajoute que la dotation de l’office est stable.

Quant à la démission de M. Larrivé, j’y vois d’abord une dimension politique, que je regrette d’autant plus profondément qu’elle a pour conséquence de nourrir de vaines controverses, auxquelles vous semblez participer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE8 de M. Kévin Pfeffer

M. Kévin Pfeffer (RN). Nous proposons par cet amendement de minorer de 10,9 millions d’euros les crédits alloués à l’action Garantie de l’exercice du droit d’asile du programme 303. Ces derniers sont en effet directement liés à l’application du pacte européen sur la migration et l’asile, qui aura pour conséquence d’alourdir considérablement les charges de l’OFPRA. Une fois de plus, les exigences européennes se traduisent par des surcoûts pour notre pays et amplifient l’appel d’air vers un dispositif d’asile totalement dévoyé.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Vous proposez de réduire la dotation de l’OFPRA alors qu’il présente un déficit budgétaire. Il est au contraire urgent d’augmenter ses moyens financiers et humains. L’application du pacte sur la migration et l’asile impose en effet une hausse budgétaire pour permettre à notre pays de se conformer à ses obligations et à l’OFPRA d’accélérer le traitement des demandes d’asile, dont le délai devrait être divisé par deux, ce qui est source d’économies substantielles.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE4 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Adopté par le Parlement européen le 10 avril 2024 et par le Conseil le 14 mai, le pacte européen sur la migration et l’asile constitue pour la France et les pays membres un véritable appel d’air en matière d’immigration. En effet, dès juin 2026, date de son entrée en vigueur, la France se verra imposer la prise en charge d’un certain nombre de migrants sous peine d’une amende de 20 000 euros par migrant refusé.

Le projet de loi de finances prévoit une participation à hauteur de 10,9 millions d’euros au financement des dépenses liées à la mise en œuvre de ce pacte. Alors que la dette publique augmente chaque jour et qu’une part considérable des finances publiques est consacrée à l’immigration, une telle dépense n’est pas raisonnable. Encore une fois, la France, avec l’argent du contribuable, verse à l’Union européenne des sommes démesurées, au détriment des Français et de leur sécurité.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE3 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Il s’agit ici d’économiser 10 millions d’euros sur le budget dédié à l’ADA, puisque, selon les documents budgétaires, cette somme n’a pas été dépensée les années précédentes par les demandeurs d’asile. Nous sommes tous contents qu’ils n’épuisent pas la totalité de l’enveloppe qui leur est allouée mais pourquoi attendre quatre ans pour récupérer des sommes qui n’ont pas été dépensées ? Autant ne pas les provisionner dès le départ. L’amendement prévoit donc des crédits correspondant exactement à la dépense réelle. Il semble absurde de prélever de l’impôt aux Français pour une somme qui ne sera pas utilisée dans les quatre ans à venir.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. La dotation s’élève à 222,2 millions d’euros, en diminution de 10 %, soit - 24,4 millions, par rapport à 2025. Le montant mensuel de l’ADA est de 209 euros. Cette somme est vraiment un strict minimum pour les personnes concernées et n’est donc absolument pas excessive.

La baisse de la dotation tient principalement à la mobilisation de crédits européens du Fonds Asile, migrations et intégration (FAMI), à hauteur de près de 20 millions d’euros.

Là encore il n’y a aucun dérapage budgétaire. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.


M. Michel Guiniot (RN). Je tiens à faire observer à la commission que je n’ai pas employé le terme « dérapage ».

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE1 de Mme Laurence Robert-Dehault

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Alors que la facture s’alourdit pour les Français du fait de la création ou de l’augmentation d’une vingtaine de taxes, impôts et prélèvements, nos compatriotes ne peuvent pas comprendre l’absence d’économies structurelles dans le domaine de l’immigration. Il est donc proposé de réduire de 26 millions d’euros le financement que l’État attribue aux associations qui organisent des formations civiques et linguistiques pour les immigrés.

Dans un rapport de décembre 2024, la Cour des comptes étrille ce volet de notre politique d’intégration, laissant entendre que l’État a perdu la main en la sous-traitant à des associations qui ne font pas véritablement l’objet de contrôles. Un audit a ainsi révélé qu’un quart à un tiers des formations ne sont tout simplement pas conformes aux exigences fixées par l’État.

La Cour révèle aussi des écarts substantiels de tarification selon les régions : de 157 euros dans le Grand-Est jusqu’à 644 euros pour Cergy et Bobigny en région parisienne. Rien ne semble justifier de tels écarts.

La réduction des crédits proposée vise donc à inciter l’État à reconsidérer son financement aux associations qui ne respectent pas son cahier des charges.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à votre amendement parce que le CIR est vraiment la première étape du parcours d’intégration personnalisé de l’étranger, qui comprend notamment l’apprentissage du français et l’appropriation des valeurs de la République.

Depuis le rapport de la Cour des comptes, la loi du 26 janvier 2024 a modifié significativement l’approche, l’obligation de moyens devenant une obligation de résultat. En outre, sont désormais requis le niveau A2 du cadre européen en langue, ainsi que la réussite à un examen civique.

Il ne me semble pas pertinent de réduire la dotation d’un dispositif tout à fait essentiel à l’intégration des étrangers.

M. Frédéric Petit (Dem). J’invite mes collègues du Rassemblement national à la cohérence. Vous n’avez habituellement pas de mots assez durs contre les opérateurs. Donc à qui pensez-vous confier des cours de langue si ce n’est à des associations ? Vous préférez faire appel à des structures privées lucratives ? À des fonctionnaires ?

La question est moins celle des structures que celle des contrôles. La rapporteure pour avis l’a rappelé : il y a eu des progrès mais beaucoup reste à faire notamment dans la fonction « achats » de notre administration.

Il est absurde d’écarter les associations des formations quand on réclame en permanence la suppression des opérateurs et la fin du recours à des organismes lucratifs.

M. Guillaume Bigot (RN). Un point vous a échappé : nous ne voulons pas de cette armée de réserve du capital ; nous ne voulons pas faire suer le burnous ; nous ne voulons pas d’une main-d’œuvre coloniale sous-payée. Donc nous ne voulons pas les cours de langue qui vont avec. C’est très simple.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je remercie monsieur Bigot de clarifier les choses. Les masques tombent du côté du Rassemblement national !

Le CIR est depuis l’origine très mal doté ; j’ai fait un rapport sur le sujet en 2018. Il donne droit au minimum du minimum d’heures de cours de français à des gens en situation régulière. Vous passez votre temps à nous dire que vous combattez l’immigration irrégulière et que les gens en situation régulière qui veulent s’intégrer et apprendre le français sont les bienvenus. Mais que montre votre amendement ? Exactement l’inverse. Vous voulez baisser les crédits y compris en matière d’intégration.

M. Retailleau nous a fait un petit cadeau avant de quitter le ministère de l’intérieur : il a pris un décret qui oblige, pour obtenir la nationalité française, à maîtriser l’histoire et la langue françaises mieux que beaucoup de Français natifs n’en seraient capables. Monsieur Guiniot nous a dit tout à l’heure son amitié pour M. Larrivé, qui a passé quinze jours à la tête du conseil d’administration de l’Office français et d’immigration et de l’intégration.

Tout ceci est une supercherie. La politique d’intégration ne vous intéresse pas. Vous faites de la politique politicienne. Seul monsieur Bigot dit les choses clairement : vous ne voulez aucun immigré en France, qu’il soit en situation régulière ou irrégulière. Arrêtez de nous faire croire autre chose.

M. Guillaume Bigot (RN). Citez vos sources : nous n’avons jamais dit que nous ne voulions pas de gens en situation régulière sur notre territoire.

En revanche, nous voulons stopper l’immigration illégale et revoir les conditions de l’immigration légale pour réduire drastiquement les flux. C’est un secret de polichinelle. Pourquoi nous faites-vous dire le contraire ?

La politique d’intégration est une tartufferie. Pour que l’immigration fonctionne bien, il faut une croissance économique forte, pas de chômage et des enfants indigènes en nombre suffisant dans les classes pour assimiler les nouveaux. (Exclamations.)

Chers collègues, le terme indigène figure dans le dictionnaire, il n’a aucune connotation.

M. Vincent Ledoux (EPR). Dans votre bouche, si !

M. Guillaume Bigot (RN). Je vous laisse les fantasmes racistes. Nous, nous sommes très clairs, nous sommes républicains. « Enfant indigène » signifie enfant du pays.

Aucune des conditions que je viens de citer n’est satisfaite.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE6 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement envisage une économie substantielle de 25,2 millions d’euros en refusant que la France contribue à la mise en œuvre du pacte européen sur la migration et l’asile, qui crée un droit à la migration et impose aux États de le respecter au mépris de leur législation nationale, de leur représentation nationale et de leur société. La France, comme les autres États membres, sera soumise à des sanctions financières pour chaque étranger qu’elle refusera. Très concrètement, selon un article du site Toute l’Europe mis à jour le 23 septembre, la France devra accueillir 4 000 demandeurs issus d’autres États dans l’attente du traitement de leurs demandes, en plus de tous les demandeurs d’asile déjà sur son sol, dont nous avons estimé le nombre à 140 650 en 2025.

Les 4 000 personnes que nous devrons accueillir sur notre territoire, alors qu’elles n’ont pas vocation à y rester et n’en ont potentiellement même pas l’intention, coûteront 25,2 millions d’euros. Pour combien d’individus qui disparaîtront dans la nature ? Combien qui ne s’intégreront pas ? Combien qui frauderont dans leur demande ? Combien qui auront peut-être un comportement regrettable sur notre sol ? La France ne peut pas financer cela.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE9 de M. Kévin Pfeffer

M. Kévin Pfeffer (RN). Encore des crédits supplémentaires pour se conformer aux exigences de Bruxelles ! L’amendement vise à réduire de 25,2 millions d’euros les crédits destinés à l’application du pacte européen sur la migration et l’asile et de la nouvelle directive « accueil », qui doit entrer en vigueur en 2026.

Ces textes imposent à la France une hausse de l’ADA, qui devra désormais être versée dès l’arrivée du demandeur en structure d’accueil, avant même l’enregistrement de sa demande par l’OFPRA. Le versement sera obligatoire en cas de réexamen de la demande, de demande tardive et même d’absence de coopération du demandeur. Autrement dit, l’État français sera une fois de plus tenu d’indemniser des personnes qui ne respectent pas nos lois, et cela au nom d’une directive votée à Bruxelles. Vite un référendum sur l’immigration !


Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je rappelle que 19,3 millions d’euros proviennent du FAMI. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AE2 et II-AE7 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Le premier amendement vise à retirer 20 millions d’euros au budget alloué à l’intégration des étrangers primo-arrivants.

La signature du CIR est une obligation légale pour tous les étrangers primo-arrivants, à quelques exceptions. Pourtant, selon les données de la direction générale des étrangers en France, 80 % des primo-arrivants soumis au CIR en signent un. Qu’en est-il des 20 % restants ? Il est logique d’en déduire qu’ils bénéficient des largesses du contribuable français, alors même qu’ils ont refusé d’adhérer à notre contrat social. Pourtant, la loi s’applique à tous, étrangers ou non. Ce taux d’échec marque un refus de s’intégrer avant même d’avoir essayé. Autant baisser les crédits si la volonté d’intégration fait défaut.

Le second amendement prévoit une économie de 850 000 euros sur les crédits affectés aux besoins de transport des migrants. Il est précisé, d’un côté, que la dotation augmente de 1 million d’euros pour répondre à des besoins croissants et, de l’autre, que le nombre de personnes attendues au titre de l’asile ou de la protection internationale devrait être en baisse. Il paraît légitime de réduire les crédits si le nombre de migrants légaux diminue.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je suis défavorable au premier amendement. En vertu de l’accord franco-algérien de 1968, les primo-arrivants ressortissants d’Algérie ont le choix de signer le CIR ou non parce que, dans de nombreux cas, ils ont un niveau correct voire satisfaisant en français. Dans ce cas-là, le CIR est dit « sur proposition » ; il n’est pas obligatoire, ce qui explique en partie les chiffres que vous avez cités.

S’agissant du second amendement, les besoins de transport concernent les personnes migrantes qui sont secourues à la suite des naufrages dans les Hauts-de-France et qui doivent être transférées vers les centres d’accueil et d’examen des situations. Il n’y a donc pas matière à minorer les crédits.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis, elle émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

***


   Annexe I : accords bilatéraux et arrangements administratifs de réadmission conclus par la France

Les accords de réadmission constituent un instrument central pour favoriser l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Le ministère de l’intérieur travaille à la conclusion de nouveaux accords et à la mise en œuvre des accords déjà en vigueur. Ces accords de réadmission peuvent revêtir une forme souple non contraignante, sous la forme d’arrangement administratif ou technique, ou consister en un accord intergouvernemental contraignant.

Le droit international, coutumier et écrit, prévoit l’obligation pour un État de réadmettre ses ressortissants éloignés d’un autre État. La convention relative à l’aviation civile internationale dite « de Chicago » du 7 décembre 1944 est l’instrument de référence en la matière, signé et ratifié par l’immense majorité des États. Les accords de réadmission constituent des instruments juridiques ou administratifs destinés à préciser l’application du droit international. Ils comprennent généralement trois volets :

 la reprise des nationaux en situation irrégulière sur le territoire de l’autre partie contractante ;

 la réadmission des ressortissants d’États tiers ayant séjourné ou transité sur le territoire de la partie requise, avant d’être en situation irrégulière sur le territoire de la partie requérante ;

 le transit par les États contractants pour l’éloignement des ressortissants d’États tiers vers leur pays.

Ces accords précisent notamment les modalités de reconnaissance par un État de ses ressortissants ou encore les délais de réponse aux demandes de réadmission. Ils sont très utiles pour instituer une coopération consulaire de qualité, elle-même indispensable à la mise en œuvre des éloignements.

Le ministre de l’Intérieur a nommé en décembre 2024 un représentant spécial, M. Patrick Stefanini, afin de conclure de nouveaux accords bilatéraux de réadmission avec les pays sources d’immigration et de transit.

Accords internationaux de réadmission conclus par la France

Pays

Date de signature

Observations

Argentine

1er février 1995

 

Bénin

28 novembre 2007

 

Bolivie

13 septembre 1999

Non ratifié par la Bolivie

Brésil

28 mai 1996

 

Burkina-Faso

1er juin 2011

 

Chili

26 juin 1995

 

Costa Rica

16 juin 1998

 

Dominique

9 mars 2006

 

Équateur

16 octobre 1998

 

Gabon

5 juillet 2007

 

Guatemala

11 novembre 1998

 

Honduras

20 novembre 1998

 

Kosovo

2 décembre 2009

 

Kazakhstan

5 novembre 2024

Accord devant faire l’objet d’une ratification

Île Maurice

2 avril 2007

 

Mexique

6 octobre 1997

 

Nicaragua

20 avril 1999

 

Ouzbékistan

12 mars 2025

Accord devant faire l’objet d’une ratification

Panama

30 avril 1999

 

Paraguay

10 avril 1997

 

République du Congo

25 octobre 2007

 

Sainte-Lucie

23 avril 2005

 

Salvador

26 juin 1998

 

Surinam

30 novembre 2004

Non ratifié par le Surinam

Tunisie

28 avril 2008

 

Uruguay

5 novembre 1996

 

Venezuela

25 janvier 1999

 

Vietnam

26 mai 2025

Accord devant faire l’objet d’une ratification

Source : direction générale des étrangers en France, ministère de l’intérieur.

Depuis 2022, la France a signé de nouveaux accords de réadmission avec l’Ouzbékistan ([105]), le Kazakhstan ([106]) et le Vietnam ([107]). Le ministère de l’intérieur a indiqué à la rapporteure pour avis que les accords avec le Kazakhstan et le Vietnam seront prochainement présentés au Parlement en vue de leur ratification.

Par ailleurs, des arrangements administratifs (mémorandum d’entente, procès-verbal, note verbale) ont également été conclus par la France. Ces instruments n’ont pas de portée normative. Pour cette raison, l’expression « instruments internationaux » doit être privilégiée pour désigner l’ensemble des accords, arrangements et autres documents de droit souple conclus en matière migratoire.

arrangements administratifs conclus par la France

Pays

Date de signature

Observations

Algérie

28 avril 1994

 

Comores

22 juillet 2019

 

Guinée Conakry

18 septembre 2007

 

Mali

29 septembre 2004

 

Maroc

26 novembre 2019

 

Sénégal

21 mai 2019

 

Vietnam

18 juillet 2011

Cet arrangement sera remplacé par l’accord de réadmission précité

République démocratique du Congo

21 avril 2022

 

Source : direction générale des étrangers en France, ministère de l’intérieur.

Le 21 avril 2022, un mémorandum d’entente a été signé avec la République démocratique du Congo afin de simplifier les possibilités d’identification et d’éloignement pour les ressortissants congolais. Il permet d’envisager un renforcement de la coopération en matière de réadmission avec cet État. Cet accord précise la procédure de réadmission notamment eu égard à l’identification, la délivrance des laissez-passer consulaires (LPC) et la possibilité d’organiser des vols dédiés.

Le procès-verbal signé avec le Maroc a fait l’objet d’une révision le 25 juin 2025. La France transmettra dorénavant aux autorités marocaines les antécédents judiciaires éventuels des ressortissants marocains dont elle sollicite la réadmission. En outre, le délai de traitement des dossiers par la partie requise passe de quinze à vingt jours et celui de la validité du laissez‑passer consulaire délivré passe de soixante à quatre-vingt-dix jours.

Des négociations sont actuellement menées avec l’Égypte et donnent lieu à des échanges réguliers. Dans la région de l’Afrique des Grands Lacs, la France négocie actuellement avec la Tanzanie, le Rwanda, le Burundi et la Somalie. Ces négociations ont pour but de contribuer à l’amélioration de la situation migratoire à Mayotte. D’une manière générale, le ministère de l’intérieur privilégie la conclusion d’accords de forme souple.

En complément des accords bilatéraux, les accords européens constituent également un instrument important pour favoriser les éloignements. La Commission européenne travaille activement à la conclusion d’un accord avec l’Irak, dont la signature est envisageable d’ici la fin de l’année 2025.


   Annexe II : liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure pour avis

 M. Frédéric Joram, directeur de l’immigration ;

– M. David Coste, directeur de l’intégration et l’accès à la nationalité ;

– Mme Elise Adevah-Poeuf, directrice de l’asile ;

– M. Adrien Bayle, adjoint à la directrice de l’asile ;

– M. Cyriaque Bayle, sous-directeur de la lutte contre l’immigration irrégulière ;

– Mme Louise Thin-Rouzaud, cheffe du bureau des affaires juridiques et de la coopération internationale ;

– M. Cyril Roule, chef du département de la performance et de la coordination ;

– Mme Charlotte Bouzat, cheffe du service de la performance et des ressources ;

– M. Frédéric Camol, adjoint au chef du bureau de la logistique et de la synthèse budgétaire et financière.

– Mme Valérie Minne, directrice.

– M. Didier Leschi, directeur général.

– M. Alain Espinasse, directeur général ;

– M. Mathieu Mugnier, secrétaire général.

– Mme Marie Vauthier-Bardinet, conseillère pour les affaires intérieures (asile et immigration) ;

 Mme Sophie Baour, conseillère pour les affaires intérieures (visas et frontières).

 M. Vincent Beaugrand, directeur de France Terre d’Asile ;

 M. Guillaume Landry, directeur de l’appui juridique de France Terre d’Asile ;

 Mme Maëlle Léna, directrice du plaidoyer, de l’international et de la vie associative de France Terre d’Asile ;

 Mme Olivia Carniel, responsable des questions européennes de La Cimade (association héritière du Comité inter-mouvements auprès des évacués) ;

 Mme Mélanie Louis, responsable des questions « expulsions » de La Cimade.

 M. Philippe de Bruycker, professeur de droit à l’Université libre de Bruxelles.


([1]) Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

([2]) Il existe par ailleurs une action n° 1 intitulée Circulation des étrangers et politique des visas. Dotée comme l’an passé de 520 000 euros en CP dans le projet de loi de finances pour 2026, elle finance la mise en place de dispositifs visant à simplifier les procédures de délivrance des visas aux étrangers de bonne foi au sein du réseau diplomatique et consulaire, tout en maintenant un contrôle adéquat notamment du point de vue sécuritaire. Il existe enfin une dernière action (n° 4), dite Soutien, qui regroupe une partie des moyens de fonctionnement de la direction générale des étrangers en France. Les crédits de cette action présentent une augmentation de 9,81 % dans le projet de loi de finances pour 2026, soit 84,5 millions d’euros en CP.

([3]) Fonds de concours.

([4]) Attributions de produits.

([5]) Les centres d’accueil et d’examen des situations (CAES) constituent un sas d’entrée dans l’hébergement et assurent une mission d’orientation vers d’autres dispositifs d’hébergement plus adaptés aux profils des demandeurs d’asile. Ils limitent la reconstitution de campements dans les territoires les plus en tension.

([6]) La prévision pour 2025 s’élevait à 147 300 demandes.

([7]) Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI), rapport annexé, 3.7.

([8]) Prévus par l’article L. 761-1 du code de justice administrative, les frais irrépétibles sont les frais du procès qui ne sont pas compris dans les dépens et qui restent, en principe, à la charge de chacune des parties qui les a exposés. Ainsi, les honoraires d’avocats, les frais de déplacements ou encore les frais de correspondances engagés par une partie peuvent être compris dans les frais irrépétibles.

([9]) Soit le doublement du nombre de places en CRA depuis 2017.

([10]) Il existe par ailleurs une action n° 14 intitulée Accès à la nationalité française. Dotée de 1,49 million d’euros en CP dans le projet de loi de finances pour 2026, elle finance les dépenses de fonctionnement de la sous-direction de l’accès à la nationalité française, dont la mission consiste à déployer la politique d’accès à la nationalité par l’animation d’un réseau de quarante-et-une plateformes territoriales. Il existe enfin une dernière action (n° 16), intitulée Accompagnement des résidents des foyers de travailleurs migrants, qui dispose d’un budget s’élevant à 1,35 million d’euros destiné à financer les opérations de rénovation des logements des travailleurs migrants.

([11]) 369,1 millions d’euros en AE et 366,1 millions d’euros en CP.

([12]) Selon les chiffres communiqués par le directeur général de l’OFII lors de son audition.

([13]) Le tribunal administratif de Paris a rejeté, le 29 septembre 2025, le référé-suspension visant à suspendre l’exécution des marchés publics par lesquels l’OFII a organisé la dématérialisation de l’apprentissage du français.

([14]) Accompagnement global et individualisé des réfugiés.

([15]) Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse.

([16]) S’agissant notamment de la vulnérabilité ou de la minorité des personnes.

([17]) Article 6 de la directive du 16 décembre 2008.

([18]) Lorsque le ressortissant est titulaire d’un titre de séjour délivré par un autre État membre, il lui appartient de se rendre immédiatement dans cet État. Lorsque le ressortissant est repris par un autre État membre en vertu d’un accord ou d’un arrangement bilatéral, il revient à cet État de prendre une décision de retour à son encontre.

([19]) Article 7 de la directive du 16 décembre 2008.

([20]) Ou encore lorsqu’il constitue un danger pour l’ordre public ou la sécurité nationale.

([21]) Article 11 de la directive du 16 décembre 2008.

([22]) Article 8 de la directive du 16 décembre 2008.

([23]) Le principe de non-refoulement interdit l’éloignement de personnes vers des États où celles-ci risquent d’être persécutées ou de faire l’objet de traitements inhumains et dégradants.

([24]) Article 15 de la directive du 16 décembre 2008.

([25]) Articles 4 et 5 de la directive du 16 décembre 2008.

([26]) Article 8 de la directive du 16 décembre 2008.

([27]) Articles 5, 10 et 17 de la directive du 16 décembre 2008.

([28]) Article 5 de la directive du 16 décembre 2008.

([29]) Sauf pour des cas exceptionnels justifiant l’octroi d’un délai plus long.

([30]) Telles que la présentation à l’autorité administrative ou aux services de police ou de gendarmerie.

([31]) Le délai de recours étant porté à trente jours si un délai de départ de volontaire existe et à quarante-huit heures en l’absence de délai de départ volontaire.

([32]) Loi n° 2012‑1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées.

([33]) Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.

([34]) Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

([35]) Ibid.

([36]) Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 précitée.

([37]) Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.

([38]) Seuls les mineurs restent protégés en toutes circonstances. Par ailleurs, l’OQTF doit dorénavant être prise après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de l’ancienneté et de la nature de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit.

([39]) Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 précitée.

([40]) Ibid.

([41]) Ibid.

([42]) En l’absence de mesures de privation ou de restriction de liberté.

([43]) Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.

([44]) Loi n° 2025-796 du 11 août 2025 visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive.

([45]) Ibid.

([46]) Conseil constitutionnel, décision n° 93-325 DC du 13 août 1993.

([47]) Selon le document de travail publié par la Commission européenne le 16 mai 2025.

([48]) CJUE, El Dridi, C-61/11, 28 avril 2011 et Achughbabian, C-329/11, 6 décembre 2011.

([49]) CJUE, C-663/21, 16 février 2023.

([50]) Ainsi, le respect de ce principe doit être évalué au stade de l’édiction de la décision de retour et faire l’objet d’une évaluation actualisée, distincte et autonome par rapport à l’évaluation précédente, préalablement à l’exécution de cette décision.

([51]) CJUE, K. e. a. contre Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, C-156/23, 17 octobre 2024.

([52]) CJUE, C-554/13, 11 juin 2015.

([53]) CEDH, F. G. contre Suède, n° 43611/11, 23 mars 2016 et Paposhvili contre Belgique, n° 41738/10, 13 décembre 2016.

([54]) Il s’agit de la nature et de la gravité de l’infraction, de la durée du séjour dans le pays d’accueil, du laps de temps s’étant écoulé depuis l’infraction et la conduite du requérant pendant cette période, de la nationalité des personnes concernées, de la situation familiale du requérant, de la question de savoir si le conjoint avait connaissance de l’infraction à l’époque de la création de la relation familiale, de l’existence d’enfants et leur âge et, enfin, de l’état des difficultés que le conjoint risque de rencontrer dans le pays de destination.

([55]) CEDH, Üner contre Pays-Bas, n° 46410/99, 18 octobre 2006.

([56]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017-635 QPC du 9 juin 2017.

([57]) Conseil constitutionnel, décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011.

([58]) Sans prévoir qu’au-delà d’une certaine durée, l’administration doive justifier de circonstances particulières imposant le maintien de l’assignation aux fins d’exécution de la peine.

([59]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017-674 QPC du 1er décembre 2017.

([60]) Conseil constitutionnel, décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018.

([61]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-895 DC du 7 août 2025.

([62]) Conseil constitutionnel, décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024.

([63]) Conseil constitutionnel, décision n° 2025-895 DC du 7 août 2025.

([64]) Malte.

([65]) Chypre.

([66]) Grèce, Lettonie.

([67]) Slovaquie.

([68]) Suède.

([69]) Belgique, Allemagne, Finlande, Luxembourg, Pays-Bas, France.

([70]) Résolution européenne n° 159 (2024-2025) adoptée le 27 juin 2025 portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un système commun en matière de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans l’Union et abrogeant la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, la directive 2001/40/CE du Conseil et la décision 2004/191/CE du Conseil – COM (2025) 101 final.

([71]) Certains États autorisent le retour volontaire sans prendre de décision de retour (Autriche), conditionnent l’édiction de la décision à l’identification formelle de l’étranger (Portugal) ou bien instaurent un régime de « tolérance au maintien » des étrangers en situation irrégulière (Allemagne).

([72]) La France est l’un des seuls États à prévoir une suspension de plein droit de l’éloignement pendant le délai de recours.

([73]) Selon la DGEF, l’Espagne ne dispose ainsi que d’une trentaine de places en centre de rétention administrative.

([74]) CJUE, C-636/23 et C-637/23, 1er août 2025.

([75]) Selon les chiffres mentionnés par la résolution adoptée par le Sénat le 27 juin 2025.

([76]) Voir l’annexe II du rapport pour avis qui présente les accords et arrangements bilatéraux conclus par la France en la matière.

([77]) Voir à ce titre la partie thématique du rapport pour avis présenté sur la mission Immigration, asile et intégration au nom de la commission des affaires étrangères dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025.

([78]) Seul un document de travail précisant l’exposé des motifs de la proposition de règlement a été publié en mai 2025, soit plus de deux mois après sa présentation.

([79]) Tel que le manque de places de rétention ou d’effectifs d’escorte.

([80]) À l’image de l’insuffisance des mesures d’identification des personnes.

([81]) S’agissant principalement du défaut de reconnaissance de leurs ressortissants par les pays tiers et de l’absence de mesures de contrainte suffisantes.

([82]) Article 4 paragraphe 2 du traité sur l’Union européenne.

([83]) Régis par l’article 291 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ces actes d’exécution sont ensuite examinés et adoptés par les États membres à la majorité qualifiée.

([84]) En vertu de l’article 23 bis du code frontières Schengen (procédure de transfert Schengen) ou en vertu d’un accord ou arrangement bilatéral.

([85]) Lorsque l’individu concerné refuse de coopérer avec les autorités compétentes, lorsqu’il quitte le territoire de l’État sans autorisation pour se rendre dans un autre État membre ou associé, lorsqu’il pose un risque pour la sécurité publique ou lorsqu’il se maintient sur le territoire à l’issue du délai de départ volontaire qui lui a été accordé.

([86]) Ce sont les « return hubs », ou « plateformes de retour ».

([87]) Il peut notamment s’agir du refus ou de la réduction de certaines prestations et allocations accordées par le droit de l’État membre aux ressortissants de pays tiers concernés, de la saisie des documents d’identité ou de voyage, du refus ou du retrait du permis de travail, dans le respect du droit national, de la prolongation de la durée d’une interdiction d’entrée ou encore de sanctions pécuniaires.

([88]) Risque de fuite, évitement ou entrave à la préparation du retour, risque pour la sécurité publique, identité ou nationalité devant être établie ou vérifiée, manque de coopération pour l’obtention de documents de voyage, non-respect des mesures alternatives à la rétention. Cette liste peut être complétée par le droit national.

([89]) Obligation de résider dans un lieu désigné par les autorités compétentes, obligation de se présenter régulièrement devant elles (pointage), obligation de fournir une caution financière, mise en place d’une surveillance électronique ou toute alternative à la rétention prévue par le droit national.

([90]) Lors de son audition par la rapporteure pour avis, le professeur Philippe de Bruycker a cependant souligné que la notion « d’ordre public » devait être appréhendée avec rigueur et faire l’objet d’une démonstration précise par les autorités administratives qui y recourent.

([91]) À savoir, pour les étrangers concernés : demeurer sur le territoire de l’État membre mettant en œuvre la procédure de retour, fournir tout document ou information permettant d’établir ou de vérifier l’identité, ne pas détruire de tels documents ou informations, ne pas fournir de fausses informations, fournir une explication en cas d’absence de document d’identité ou de voyage, fournir des informations sur les pays tiers par lesquels ils ont transité, fournir des données biométriques (empreintes digitales et photos), fournir des coordonnées précises, s’agissant notamment de leur lieu de résidence, rester disponibles, se présenter au départ du moyen de transport de retour, fournir toutes les informations requises par les autorités consulaires, notamment pour obtenir un document de voyage, et le cas échéant se présenter devant elles, et, si nécessaire, participer à des séances de conseil en matière d’aide au retour et à la réintégration.

([92]) Le refus ou la réduction de certaines prestations ou allocations dans la limite du respect de leurs besoins fondamentaux, le refus ou la réduction du délai de départ volontaire ou de l’aide au retour ou à la réintégration, le refus ou le retrait du permis de travail, la prolongation de l’interdiction de retour et la rétention, des sanctions pécuniaires et pénales.

([93]) Selon les réponses écrites transmises par la DGEF à la rapporteure pour avis.

([94]) Conformément à la proposition présentée par la présidence danoise du Conseil en septembre 2025.

([95]) https://www.gisti.org/spip.php?article7589

([96]) Directive 2001/40/CE du Conseil du 28 mai 2001 relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d’éloignement des ressortissants de pays tiers.

([97]) Tel que le refus d’éloigner les personnes mineures.

([98]) S’agissant par exemple du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention du 4 novembre 1950.

([99]) Décision 2004/191/CE du Conseil du 23 février 2004 définissant les critères et modalités pratiques de la compensation des déséquilibres d’éloignement des ressortissants de pays tiers.

([100]) La DGEF précise qu’aucune demande de compensation n’a encore été adressée à ce jour à la France dans le cadre de la reconnaissance mutuelle facultative.

([101]) Par le biais de conseils en matière de retour et de réintégration.

([102]) Lors de son audition, le directeur de l’OFII a indiqué que le montant normal de l’aide au retour volontaire s’élevait à 1 200 euros et que le montant exceptionnel atteignait 2 500 euros ; 7 500 aides ont été délivrées entre janvier et août 2025.

([103]) En France, plusieurs délais de recours s’appliquent selon la situation de l’étranger : un mois dans le cas général (le tribunal se prononce dans les six mois), sept jours si la décision s’accompagne d’une assignation à résidence (le tribunal se prononce dans les sept jours) et quarante-huit heures si la décision s’accompagne d’un placement en rétention (le tribunal se prononce dans les quatre-vingt-seize heures).

([104]) À titre d’exemple, l’Italie et l’Albanie ont conclu un accord par lequel les autorités italiennes peuvent débarquer des ressortissants de pays tiers sûrs dans le port albanais de Shëngjin.

([105]) Cet accord comporte des dispositions classiques s’agissant de la réadmission des ressortissants ouzbèkes en situation irrégulière en France. Il prévoit en outre une clause de réadmission des ressortissants des pays tiers et apatrides qui stipule que l’Ouzbékistan s’engage à réadmettre un certain nombre de ressortissants étrangers non citoyens de ce pays.

([106]) Cet accord complète l’accord de partenariat et de coopération renforcée du 21 décembre 2015 signé entre ce pays et l’UE. Il s’inscrit dans le contexte de l’augmentation du séjour de Kazakhs en France (+28 % de délivrance annuelle de premiers titres de séjour).

([107]) Cet accord prévoit les conditions d’identification des étrangers en situation irrégulière, de délivrance des laissez-passer consulaires et pose les bases d’une coopération consulaire plus efficace. Il s’appliquera aux ressortissants vietnamiens entrés sur le territoire après la ratification de l’accord par les deux parties.