N° 2048

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 octobre 2025.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2026 (n° 1906)

 

 

TOME II

 

 

 

 

DÉFENSE

 

 

 

Environnement et prospective de la politique de défense

PAR Mme Isabelle RAUCH

Députée

 

 

 

Voir le numéro : 1906.


SOMMAIRE

___

 Pages

Introduction

Première partie : le budget du programme 144 s’inscrit, cette année encore, dans une logique de remontée en puissance des crédits de défense inscrite dans la loi de programmation militaire 2024-2030

I. Un effort financier renforcé au profit de nos services de renseignement

A. La DGSE voit ses crédits augmenter significativement grâce aux moyens supplémentaires annoncés en juillet 2025

1. La DGSE est chef de file du renseignement technique au profit de l’ensemble de la communauté du renseignement

2. L’année 2026 verra débuter les premiers travaux d’infrastructure pour la construction du nouveau siège du Service au Fort Neuf de Vincennes

3. Quel bilan provisoire pour la réorganisation de la DGSE mise en place au 1er novembre 2022 ?

B. L’année 2026 se caractérisera pour la DRSD par la mise en service opérationnelle de Sa nouvelle base de souveraineté

1. La DRSD poursuit sa remontée en puissance grâce à un budget en hausse par rapport à 2025

2. Les agents du Service ont emménagé dans les nouveaux locaux de la direction centrale en 2025

3. La DRSD est également engagée dans la numérisation de ses outils

4. Un nombre toujours plus important d’enquêtes et d’inspections

a. Les enquêtes

b. Les inspections

II. Les crédits de la prospective de défense sont portés par le budget dédié à l’innovation de défense, conforté à un milliard d’euros en crédits de paiement

A. Un budget d’un milliard d’euros au profit de l’innovation de défense

B. Un effort financier maintenu au profit des quatre écoles et des deux opérateurs sous tutelle de la DGA

1. L’École polytechnique et l’Institut polytechnique de Paris

2. L’ENSTA

3. ISAE-Supaéro

4. L’ONERA

5. L’ISL

III. Un effort financier au profit de la diplomatie de défense pour la coopération de défense franco-djiboutienne et l’agence européenne de défense

A. La coopération de défense entre la France et djibouti est encadrée par un nouveau traité entré en vigueur à l’été 2025

B. L’agence européenne de défense

Deuxième partie : Les technologies quantiques au service de la défense

I. Le projet PROQCIMA est le principal projet conduit par le ministère des armées dans le domaine des technologies quantiques

II. Le ministère des armées entend jouer un rôle de structuration de l’écosystème de recherche dans le domaine quantique via le campus quantique défense

III. La standardisation des algorithmes post-quantiques fait l’objet de travaux à l’échelle mondiale dans le cadre du NIST

IV. Une compétition mondiale pour le développement des technologies quantiques

V. QUelques cas d’usage des technologies quantiques dans le secteur de la défense

A. La cryptographie post-quantique

B. La gravimétrie quantique

C. La simulation

D. Les interceptions électromagnétiques et les capteurs

E. La science des matériaux

F. Les lasers

G. Les satellites

VI. Le cas particulier des technologies habilitantes au quantique

Travaux de la commission

I. Audition du général de corps armée Eric Peltier, directeur général adjoint des relations internationales et de la stratégie au ministère des Armées et des Anciens combattants

II. Examen des crédits

Annexe I : AUDITIONS de la rapporteure pour avis

Annexe II : Glossaire des principaux acronymes

 


   Introduction

Cette année encore, le budget dédié au programme 144 s’inscrit dans la continuité, en cohérence parfaite avec les engagements pris dans la LPM 2024-2030. Au titre du PLF pour 2026, les crédits du programme 144 s’élèvent à 2,754 milliards d’euros en AE et 2,294 milliards d’euros en CP, en hausse par rapport à la LFI pour 2025.

Ce niveau de crédits inédit permettra au ministère des Armées et des Anciens combattants, dans un contexte international caractérisé par le durcissement de la conflictualité comme l’illustrent l’éclatement de la guerre en Ukraine et de la guerre à Gaza et au Liban, de traduire et d’atteindre les objectifs ambitieux fixés dans la LPM 2024-2030 en investissant dans le développement de démonstrateurs ambitieux dans les nouveaux espaces de conflictualité, en renforçant les capacités de nos services de renseignement et en développant nos capacités de recherche et d’analyse stratégiques.

L’année 2026 se caractérisera par plusieurs échéances d’envergure pour les entités relevant du programme 144 :

1/la réalisation des premiers travaux d’infrastructure du nouveau siège de la DGSE au Fort Neuf de Vincennes, après une première phase dédiée aux opérations de démolition ;

2/la mise en service opérationnelle de la nouvelle base de souveraineté de la DRSD, dénommée SIRCID, afin d’accroître ses capacités de détection et de traitement précoce des menaces ;

3/la construction de l’Institut de défense sur le site de l’École polytechnique dans le cadre de la stratégie du ministère dans le domaine des technologies quantiques ;

4/et la mise en œuvre du nouveau TCMD entre la France et Djibouti, ratifié et entré en vigueur à l’été 2025.

Au titre de la partie thématique de son rapport, la rapporteure pour avis a choisi de se consacrer aux usages des technologies quantiques pour la défense. Si cet enjeu, très prospectif, a fait l’objet de travaux depuis plusieurs années au sein du ministère des Armées et des Anciens combattants, une nouvelle ambition a été impulsée grâce au plan quantique du ministère. Les cas d’usage pour les armées sont nombreux, dans le domaine des ordinateurs quantiques avec le programme PROQCIMA mais également dans le domaine des capteurs, de la cryptographie post-quantique, de la guerre électronique ou encore de l’intelligence artificielle.

   Première partie : le budget du programme 144 s’inscrit, cette année encore, dans une logique de remontée en puissance des crédits de défense inscrite dans la loi de programmation militaire 2024-2030

Au titre du PLF pour 2026, les crédits du programme 144 s’élèvent à 2,754 milliards d’euros en AE et 2,294 milliards d’euros en CP, en hausse par rapport à la LFI pour 2025.

Répartition des crédits du programme 144 par actions

Toutefois, cette présentation demeure technique et ne permet pas d’appréhender la réalité des budgets consacrés aux diverses catégories de dépenses. À cette fin, le tableau ci-après présente la répartition des budgets en question, en millions d’euros, hors dépenses de personnel.


Répartition et évolution des budgets, en millions d’euros, entre les principaux programmes, entités ou catégories de dépenses relevant du programme 144, en AE et en CP, entre la LFI pour 2025 et le PLF pour 2026 (hors T2)

 

Entités, programmes ou catégories de dépenses (en millions d’euros, hors T2)

Autorisations d’engagement dans la loi de finances pour 2025

Crédits de paiement dans la loi de finances pour 2025

Autorisations d’engagement dans le projet de loi de finances pour 2026

Crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2026

Évolution des autorisations d’engagement entre 2025 et 2026

Évolution des crédits de paiement entre 2025 et 2026

DGSE

405,9

479,6

546,7

579,2

32 %

15 %

DRSD

28,5

28,5

30,2

30

6 %

5 %

EPS

2,4

2,7

0,4

0,4

-83 %

-85 %

PES

2,2

2,5

2,2

2,5

0 %

0 %

Observatoires et contrats-cadres

5,9

4,9

6,8

6

15 %

21 %

Consultances

0,6

0,9

0,4

0,4

-33 %

-57 %

PAD

0,3

0,3

0,3

0,3

0 %

0 %

Subvention à la recherche stratégique

0,4

0,4

0,4

0,4

0 %

0 %

Club Phoenix

0

0

0

0

0 %

0 %

IRSEM

0,4

0,4

0,4

0,4

0 %

0 %

EOTO

28,6

28,5

29,6

29,2

4 %

3 %

RAPID

22

29

35

33

59 %

14 %

Definvest

10

10

10

10

0 %

0 %

Fonds Innovation Défense

0

20

0

20

0 %

0 %

ASTRID

10

10

14

15

40 %

50 %

ASTRID Maturation

4

5

7

5

75 %

0 %

ONERA

129,4

129,4

181

181

40 %

40 %

ISL

25,2

25,2

24

24

-6 %

-6 %

École polytechnique

136,2

136,2

138

138

1 %

1 %

Institut polytechnique de Paris

4,5

4,5

5,7

5,7

27 %

27 %

ENSTA

45,9

45,9

50,8

50,8

11 %

11 %

ISAE-Supaéro

54,3

54,3

52

52

-4 %

-4 %

AED

8,7

8,7

11,4

11,4

27 %

27 %

FFDj

85

85

85

85

0 %

0 %

PMG7

0,1

0,4

1,3

1,3

1 200 %

213 %

Forum international de Dakar

0,5

0,5

0,5

0,5

0 %

0 %

Forum de la paix de Paris

0,3

0,3

0,3

0,3

0 %

0 %

Dépenses des missions de défense et des représentations militaires auprès des organisations internationales

2,1

1,7

2

2

-7 %

21 %

 


I.   Un effort financier renforcé au profit de nos services de renseignement

A.   La DGSE voit ses crédits augmenter significativement grâce aux moyens supplémentaires annoncés en juillet 2025

Le budget de la DGSE, dont les crédits sont rattachés à la sous-action 3.31, s’élèvera en 2026 à 564,7 millions d’euros en AE et 579,2 millions d’euros en CP. Les axes d’effort de la DGSE s’inscrivent à la fois dans un objectif de continuité et de consolidation des actions déjà validées et lancées dans le cadre de la LPM 2024‑2030 mais également dans un élan d’innovation afin de répondre aux enjeux et aux incertitudes du contexte géopolitique (Ukraine, Gaza, zone indopacifique…).

Plus généralement, le budget de la DGSE lui permettra de maintenir ses capacités, et en particulier dans deux domaines :

1/un effort financier au profit de ses capacités de renseignement, et en particulier dans le domaine de la cyberdéfense, y compris dans le cadre des grands programmes mutualisés au profit de la CNR ;

2/et un effort financier pour le renforcement de la résilience et la sécurité des SI du Service (parc de centres de données, moyens de communication), la DGSE ayant des surcoûts spécifiques pour la sécurité liée à son cœur de métier.

Par ailleurs, les moyens supplémentaires annoncés par le président de la République en juillet 2025, destinés au réarmement de la France, permettront à la DGSE d’accroître ses capacités en matière d’innovation pour lui permettre d’assurer sa compétitivité et son attractivité auprès de ses partenaires et de ses futures recrues, singulièrement dans le domaine des technologies émergentes.

1.   La DGSE est chef de file du renseignement technique au profit de l’ensemble de la communauté du renseignement

Le modèle français de renseignement technique repose sur de grands programmes mutualisés pilotés par la DGSE, qui ont permis à la France de se hisser parmi les leaders mondiaux dans ce domaine grâce à plusieurs axes stratégiques :

1/Capacité souveraine d’interception des réseaux internationaux : La France fait partie des rares pays capables d’intercepter les communications sur les réseaux internationaux, renforçant ainsi son autonomie stratégique ;

2/Avance technologique en cryptanalyse et supercalculateurs : Grâce au recrutement de mathématiciens de haut niveau, la DGSE a acquis une avance significative sur les autres pays européens dans les domaines de la cryptanalyse et des supercalculateurs ;

3/Exploitation des big data : La France a su anticiper le tournant du « big data » pour optimiser le traitement des données massives. La DGSE a développé des outils permettant aux analystes de la CNR d’accéder et d’exploiter les données de manière simple, unifiée et traçable, indépendamment de leur origine. Cette traçabilité facilite les contrôles exercés par la DGSE et à la CNCTR dans le cadre de leurs prérogatives respectives ;

4/Interceptions satellitaires : Un programme interministériel a été lancé pour éviter un décrochage technologique dans le domaine des interceptions satellitaires. Il vise à développer une capacité d’interception depuis le sol des nouvelles générations de satellites, au bénéfice de la CNR et des armées.

Ces programmes ont permis à l’ensemble de la CNR de bénéficier de capacités de pointe, inaccessibles pour chaque service individuellement. Leur succès est en grande partie dû aux crédits du programme 129, qui financent la moitié des investissements de la communauté dans les programmes mutualisés. Ce mécanisme a permis de sanctuariser les investissements accordés aux grands programmes et d’éviter les redondances.

L’engagement collectif pour soutenir un tel développement technique mutualisé découle d’une décision du SGDSN et de la CNRLT dans le cadre d’une gouvernance interministérielle de niveau stratégique. Ces grands programmes sont, en outre, orientés tout au long de leur déroulement par des instances de pilotage de niveau opérationnel, dont les présidences sont collégiales ou tournantes au sein de la CNR.

En tant que service interministériel, la DGSE porte ainsi une ambition technologique pour l’ensemble de la communauté du renseignement. Dans le modèle français de mutualisation capacitaire, elle joue un rôle de « locomotive technologique » et de catalyseur pour la communauté.

2.   L’année 2026 verra débuter les premiers travaux d’infrastructure pour la construction du nouveau siège du Service au Fort Neuf de Vincennes

Le projet immobilier de la DGSE vise à la construction d’un ensemble immobilier d’environ 130 000 mètres carrés de surface de plancher. Il permettra d’accueillir 6 000 postes de travail ainsi que les équipements nécessaires aux missions du Service et à la vie des agents. Au-delà des besoins de la DGSE, le nouveau siège permettra une amélioration globale de la fonction renseignement, tant au profit des armées que de toute la CNR.

Le marché a été notifié le 22 mars 2024 au groupement Vinci, au terme d’une consultation lancée à l’été 2021. Les prestations du marché ont démarré le 29 avril 2024, pour une durée de 102 mois, dont 78 mois pour la partie conception‑réalisation.

Les opérations liées à la libération du Fort Neuf de Vincennes, actuellement occupé par des unités du ministère des Armées et des Anciens combattants, sont pilotées par le SGA. La libération du Fort Neuf de Vincennes par les armées s’effectuera en deux temps :

1/à partir de mai 2024, les armées libéreront au fur et à mesure les emprises du fort et conserveront le quart nord-ouest pour accueillir des unités de l’opération Sentinelle. À ce jour, 7 bâtiments ainsi que les douves sud ont été libérés et mis à la disposition de Vinci. Ces mises à disposition se termineront à l’été 2025 ;

2/et après 2031, les armées libéreront le quart nord-ouest, qui sera intégré à l’emprise du nouveau siège.

L’emménagement de la DGSE dans ses nouveaux locaux est prévu à l’horizon 2030-2031, selon le calendrier ci-dessous :

 

Date

Étape

22 mars 2024

Notification du marché principal

2024-S1 2026

Études de conception

Fin 2024-Début 2025

Démarrage des travaux préparatoires (curage, désamiantage, démolitions…)

2026-2030

Chantier

2030

Réception

2030-2031

Déménagements

2030-2032

Exploitation-maintenance

Après 2031

Libération par les armées du quart nord-ouest et intégration de cette parcelle à l’emprise du nouveau siège

3.   Quel bilan provisoire pour la réorganisation de la DGSE mise en place au 1er novembre 2022 ?

Alors que la dernière grande réorganisation de la DGSE remonte à 1989, la réforme engagée au 1er novembre 2022 avait pour objectif de moderniser et de transformer le Service afin qu’il soit en mesure de mieux répondre aux défis actuels et émergents. Afin de permettre au Service de répondre pleinement aux attentes des autorités politiques et de généraliser une culture d’efficience et de responsabilité en son sein, l’effort a porté sur la transformation de sa gouvernance, de son organigramme et de ses processus.

Près de deux ans après l’entrée en vigueur de cette réforme, qui ne portera toutefois tous ses fruits qu’au bout de plusieurs années, un premier bilan peut être dressé :

1/une appréciation positive formulée par les partenaires nationaux du Service (Élysée, Matignon, ministères, autres services de renseignement), notamment en ce que la réforme a permis d’améliorer la qualité et les temps de réponse du Service ;

2/une organisation favorisant davantage la prise d’initiative et la responsabilisation à tous les niveaux ;

3/une optimisation accrue de l’allocation des ressources au sein du Service en fonction des objectifs stratégiques assignés ;

4/et une forte adhésion des personnels à la réorganisation, qui apprécient la clarification des domaines de recherches et des axes d’effort ainsi que la simplification des processus et la diminution du nombre d’échelons de validation interne.

Il sera toutefois nécessaire de poursuivre les efforts pour améliorer la performance du Service dans les trois prochaines années. La comparaison avec les réformes similaires engagées par les services de renseignement américain et britannique confirme qu’une telle mutation nécessite 4 à 5 ans pour arriver au niveau de performance souhaité.

B.   L’année 2026 se caractérisera pour la DRSD par la mise en service opérationnelle de Sa nouvelle base de souveraineté

1.   La DRSD poursuit sa remontée en puissance grâce à un budget en hausse par rapport à 2025

Le budget de la DRSD s’élève à 30,16 millions d’euros en AE et à 29,99 millions d’euros en CP. Par rapport à la LFI pour 2025, il est en augmentation de 6 % en AE et de 5 % en CP.

Les dépenses de la DRSD seront consacrées à des acquisitions et au MCO de logiciels, notamment de recherche de renseignement en sources ouvertes ou de cyberdéfense. Le service poursuit également l’acquisition d’équipements liés à des changements de standards tels que le passage à la 5G. Un investissement pour la modernisation des processus de contrôle et de veille sera également réalisé.

2.   Les agents du Service ont emménagé dans les nouveaux locaux de la direction centrale en 2025

La DRSD a conduit un vaste chantier de transformation pour répondre à ses missions en matière de protection et de renseignement. Parmi les actions menées, une priorité forte a été donnée à la restructuration immobilière afin que le Service puisse accueillir ses nouveaux agents et disposer d’une infrastructure optimisant et accélérant le cycle du renseignement. La capacité d’accueil et les fonctionnalités doivent évoluer de pair avec les renforts en effectifs accordés dans le cadre de la LPM 2024-2030.

Au sein de la direction centrale, le nouveau bâtiment, nommé « 2 bis » en hommage au 2 bis avenue de Tourville, siège historique du contre-espionnage militaire, réunit les experts et les opérationnels, naguère dispersés. Cela permettra de créer de nouvelles proximités fonctionnelles entre les différentes entités, aujourd’hui pénalisées par leur dispersion au sein du Fort de Vanves afin de favoriser la circulation de l’information et le décloisonnement des activités.

L’année 2025 a permis de finaliser le projet avec une dernière allocation financière de 1,77 million d’euros en AE et 1,93 million d’euros en CP. Le tableau ci-dessous présente le financement du projet immobilier depuis 2021 :

Financement pluriannuel du projet immobilier de la DRSD

3.   La DRSD est également engagée dans la numérisation de ses outils

Au-delà du projet immobilier, la DRSD consacre une part importante de son budget à la numérisation de ses missions. Le budget de la DRSD lui permettra en 2026 de mettre en œuvre sa nouvelle base de souveraineté SIRCID, qui permettra de stocker et d’exploiter le renseignement à partir d’une solution logicielle purement nationale. Elle continuera sa démarche de numérisation et d’automatisation de ses activités, en particulier dans le domaine de la protection.

Le tableau ci-après présente les objectifs et les budgets dédiés de plusieurs projets poursuivis par la DRSD dans le secteur numérique :


Objectifs et budgets des projets numériques de la DRSD
 

Sigle

Nom complet

Objectif

Budget en AE en 2026 (en €)

Budget en CP en 2026 (en €)

SOPHIA

Synergie pour l’optimisation des procédures d’habilitation de l’industrie et des administrations

Partage des informations de façon dématérialisée dans le respect du besoin d’en connaître pour ce qui concerne les demandes d’habilitation, les demandes d’accès en zone protégée, en zone à régime restrictif et les demandes d’accès aux SI protégés

582 763

582 763

SIRCID

Système d’information de renseignement de contre-ingérence de défense

Nouvelle base de souveraineté pour le stockage et l’exploitation du renseignement

3 millions

3 millions

SPECTRE

Système paramétrable d’examen des critères de traitement pour la réalisation d’enquêtes administratives

Discrimination des dossiers de candidature à l’habilitation et aux contrôles élémentaires sur la base des vulnérabilités déclarées par le candidat et identifiées à travers l’analyse des informations contenues dans sa notice individuelle de sécurité et sur le retour de fichiers tiers

682 000

682 000

ENF

Empreinte numérique finalisée

Faire ressortir l’empreinte numérique d’un individu dans le cadre des enquêtes administratives

1,2 million

1,2 million

SAHAR

Assurer la collecte de données à grande échelle sur les plateformes de réseaux sociaux, leur traitement par des procédés de data science et leur restitution par le biais de tableaux de bord interactifs

980 000

980 000

OPTIMAL CIP

Optimisation des processus et techniques d’inspection pour moderniser et améliorer la contre-ingérence protection

Numérisation des processus d’inspection des sites de défense et cartographie en temps réel des vulnérabilités dans les locaux desdits sites

50 000

50 000

CERT-ED

Centre de veille, de sensibilisation, d’alerte et d’assistance cyber – entreprises de défense

Veille, conseil et analyse des vulnérabilités cyber au profit des TPE/PME de la BITD

632 030

632 030

4.   Un nombre toujours plus important d’enquêtes et d’inspections

a.   Les enquêtes

La DRSD est le premier service enquêteur de France. Il est le service enquêteur du ministère des Armées et des Anciens combattants pour le personnel civil ou militaire, le personnel militaire de la Gendarmerie nationale, les organismes relevant du champ d’attribution du ministère et leurs personnels (à l’exception de ceux de la DGSE) ainsi que pour les auditeurs de l’IHEDN.

Au sein du Service, c’est le centre national des habilitations de défense (CNHD) qui est en charge de ces enquêtes. Il procède en particulier aux enquêtes d’habilitation du niveau Secret et Très Secret. L’instruction interministérielle n° 1300 du 13 novembre 2020 relative à la protection du secret de la défense nationale fixe à 90 jours la durée de l’enquête au niveau Secret et à 180 jours au niveau Très Secret.

En matière organisationnelle, le CNHD poursuit sa transformation interne, par le renforcement de ses recrutements et par l’optimisation des processus de travail. En matière technique et logique, le CNHD travaille à l’évolution continue de ses outils informatiques pour accélérer et fluidifier les processus.

b.   Les inspections

En outre, la DRSD effectue des inspections dans deux domaines, qui relèvent d’équipes distinctes :

1/la protection physique et la protection du secret ;

2/et la protection cyber.

La DRSD constate, sur ces 10 dernières années, un nombre de sollicitations en constante augmentation. Elles concernent aussi bien les emprises étatiques que les sites de la BITD. La DRSD réalise également des inspections à la demande de l’EMA et de la DGRIS sur des emprises du ministère des Armées et des Anciens combattants à l’étranger.

II.   Les crédits de la prospective de défense sont portés par le budget dédié à l’innovation de défense, conforté à un milliard d’euros en crédits de paiement

Les crédits de l’action 7 « Prospective de défense » concernent principalement les études amont (sous-action 7.3) et les opérateurs de la DGA (sous‑action 7.4). En 2026, l’effort est poursuivi en faveur de l’innovation, conformément à la LPM 2024-2030.

A.   Un budget d’un milliard d’euros au profit de l’innovation de défense

Le budget de la sous-action 7.3 « études amont » finance quatre catégories de programmes d’innovation gérés par l’AID :

– les projets de technologies de défense, qui correspondent aux projets structurant les capacités futures dans le cadre de l’innovation planifiée ;

– les projets d’accélération de l’innovation, qui correspondent aux projets qui ont pour objectif de soutenir les projets innovants pour leur permettre de passer plus rapidement à maturité ;

– les projets d’innovation participative, pour soutenir les innovateurs internes du ministère des Armées ;

– et les projets de recherche, pour explorer les technologies d’intérêt de défense dans une logique de long terme.

S’agissant des trois dernières catégories de projets, ils s’articulent entre plusieurs programmes, dispositifs et fonds :

– le programme ASTRID, d’un montant de 15 millions d’euros, dont l’objectif est le soutien des projets duaux de recherche exploratoire et d’innovation de haut niveau, à un niveau de maturité technologique allant de 1 à 4, de type mixte entre les organismes de recherche et les entreprises, qui traitent des problématiques de recherche d’intérêt pour le secteur de la défense ;

– le programme ASTRID Maturation, d’un montant de 5 millions d’euros, qui vise à valoriser les travaux scientifiques duaux financés par la défense et qui permet notamment de mettre en avant les projets développés avec succès dans le cadre du programme ASTRID, dans le cadre d’un partenariat entre un organisme de recherche et une entreprise, jusqu’à un niveau de maturité supérieur ou égal à 5 ;

– le dispositif RAPID, d’un montant de 33 millions d’euros, mis en place en 2009, qui subventionne des projets d’innovation d’intérêt dual portés par des PME ou des ETI de moins de 2 000 salariés, seules ou en consortium avec un ou deux partenaires. Ces partenaires peuvent être des laboratoires, des organismes de recherche publics, des associations ou d’autres entreprises ;

– le fonds Definvest, d’un montant de 10 millions d’euros, qui correspond à un fonds d’investissement pour le soutien du développement des PME stratégiques pour le secteur de la défense par des prises de participations au capital des entreprises technologiques du secteur de la défense, aux côtés d’investisseurs financiers et industriels. L’objectif est de permettre à ces entreprises de se développer en toute autonomie grâce à l’augmentation de leurs fonds propres ;

– et le Fonds Innovation Défense, d’un montant de 20 millions d’euros, qui permet la prise de participations dans des entreprises innovantes en phase de croissance (PME, ETI, start-ups) et qui développent des technologies duales et transverses intéressant le monde de la défense. Il permet de compléter l’action publique et l’investissement privé de soutien aux entreprises innovantes présentant un intérêt pour la défense. Il est ainsi complémentaire du fonds Definvest, plus centré sur le soutien des entreprises de la BITD.

Les crédits octroyés au profit de la sous-action 7.3 « études amont » relative à l’innovation de défense permettront de poursuivre les priorités définies et l’intégration de nouvelles priorités :

1/les études contribuant à la préparation des évolutions du Rafale et du SCAF, qui intègrent les travaux sur les technologies de rupture tels que l’hypervélocité, l’intelligence artificielle, les systèmes autonomes, la guerre électronique étendue et la furtivité ;

2/les études en lien avec les grands démonstrateurs de la LPM 2024-2030 dans les domaines énumérés dans le rapport annexé (cf. infra) ;

3/et les études intégrant les enjeux de souveraineté technologique et de soutien dans la durée à la BITD.

Le tableau ci-après dresse les correspondances entre les objectifs budgétaires de la sous-action, les AE et les CP en euros associés à chaque objectif budgétaire dans le PLF pour 2026, les catégories de projets qui en relèvent ainsi que les domaines d’innovation de l’édition 2024 du DROID et/ou les dispositifs associés :

La répartition des montants strictement liés aux démonstrateurs prioritaires identifiés dans le rapport annexé de la LPM 2024-2030 est présentée dans le tableau ci-après :

S’agissant des trois nouveaux espaces de conflictualité identifiés dans la LPM 2024-2030, le budget qui leur sera dédié en 2026 au titre des études amont se répartit ainsi :

Au total, en 2024 l’AID comprenait 139 ETP, dont 14 réservistes, 51 personnels militaires et 74 personnels civils essentiellement sous statut de contractuels de catégorie A.

B.   Un effort financier maintenu au profit des quatre écoles et des deux opérateurs sous tutelle de la DGA

1.   L’École polytechnique et l’Institut polytechnique de Paris

La subvention au profit de l’École polytechnique au titre du programme 144 du PLF pour 2026 s’élève à 112 millions d’euros en CP au titre de la SCSP et à 26 millions d’euros en CP au titre de la SCI. La SCSP de l’IPP au titre du PLF pour 2026 s’élève à 5,7 millions d’euros en CP.

2.   L’ENSTA

L’ENSTA Paris et l’ENSTA Bretagne ont fusionné en 2025 pour créer l’ENSTA, une école unique qui dispose désormais de deux campus (un à Paris, un à Brest). Cette fusion a pour objectif de doter le ministère des Armées et des Anciens combattants d’une grande école des souverainetés de taille critique. La nouvelle école ainsi créée conservera le statut d’établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel. L’ENSTA est une école composante de l’IPP, comme le fut l’ENSTA Paris. La rentrée de la première promotion d’élèves ingénieurs « fusionnée » devrait avoir lieu en septembre 2026.

Au titre du PLF pour 2026, le budget de l’ENSTA s’élève à 42 millions d’euros en CP au titre de la SCSP.

3.   ISAE-Supaéro

Le financement apporté à ISAE-Supaéro au titre du programme 144 du PLF pour 2026 s’élève à 47 millions d’euros en CP au titre de la SCSP et à 5 millions au titre de la SCI.

4.   L’ONERA

Le financement apporté à l’ONERA au titre du programme 144 du PLF pour 2026 s’élève à 181 millions d’euros en CP, dont 118 millions au titre de la SCSP et 63 millions au titre de la SCI.

5.   L’ISL

Le budget prévisionnel de l’ISL a été porté, au total, à 67 millions d’euros pour l’année 2026, en hausse de 2 millions d’euros par rapport à 2025. Cette hausse est principalement liée au relèvement de l’effectif scientifique demandé par l’ISL. Les contributions française et allemande pour 2026 seront chacune de l’ordre de 29,2 millions d’euros en 2026.

III.   Un effort financier au profit de la diplomatie de défense pour la coopération de défense franco-djiboutienne et l’agence européenne de défense

A.   La coopération de défense entre la France et djibouti est encadrée par un nouveau traité entré en vigueur à l’été 2025

La France était redevable d’une contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d’euros au Gouvernement de la République de Djibouti en compensation de l’implantation des FFDj, en vertu du TCMD signé en décembre 2011 et entré en vigueur en mai 2014. Selon les modalités d’application du traité, la partie djiboutienne s’engage à déduire de la contribution forfaitaire de 30 millions d’euros tout impôt, taxe, droit de douane, redevance ou prélèvement supplémentaire de la contribution française.

Conclu pour une durée de 10 ans, le TCMD est arrivé à échéance le 30 avril 2024. Le traité renégocié a été signé par les deux chefs d’État le 24 juillet 2024 à Paris. Ce renouvellement prévoit une augmentation de 55 millions d’euros du montant de la contribution forfaitaire française au profit de Djibouti, soit une contribution totale de 85 millions d’euros. Ce traité permettra d’ancrer et de préserver un partenariat dense et privilégié pour les 20 prochaines années.

Cette évolution se justifiait à plus d’un titre. Le montant de 30 millions d’euros n’avait jamais été réévalué depuis la négociation du premier TCMD et n’était plus cohérent avec le dispositif des FFDj implanté sur son territoire, ni avec les facilités qui leur sont accordées. De plus, la présence des FFDj s’inscrit dans un contexte de compétition internationale intense sur le sol djiboutien, avec la présence de bases militaires chinoise, américaine, italienne et japonaise.

Pour la France comme pour Djibouti, ce partenariat revêt une importance capitale. Le renouvellement du partenariat entre les deux pays participe de la sécurisation de cette zone hautement stratégique, aussi bien sur le plan continental que sur le plan maritime. Elle permet aux FFDj de disposer d’une capacité de réaction avec des forces de présence, des capacités logistiques d’accueil portuaires et aéroportuaires, des capacités de projection opérationnelle vers l’Indopacifique, au profit de la France mais également de l’UE dans le cadre des opérations Atalante et Aspides chargées de la sécurisation des flux maritimes et des voies d’approvisionnement dans la région. Les FFDj assurent également l’accompagnement des Djiboutiens dans la sécurisation de leur territoire et leur participation aux OMP.

Le TCMD renégocié et signé par les Présidents français et djiboutien le 24 juillet 2024 s’inscrit dans la continuité du précédent à plusieurs titres :

1/pérennisation de la présence des FFDj à Djibouti ;

2/renouvellement de l’engagement de la France à garantir l’intégrité territoriale du pays ;

3/pérennisation des points d’appui maritimes et aériens qui représentent des facilités d’accès pour les FFDj, essentiels à l’autonomie stratégique de la France sur le continent africain et dans l’Indopacifique ;

4/conservation des accès exclusifs ;

5/maintien du dispositif fiscal lié au versement de la contribution.

Il se distingue toutefois du précédent sur les points suivants :

1/la durée de validité du nouveau TCMD, qui passe de 10 à 20 ans ;

2/le montant de la contribution ;

3/et le montant des premiers et deuxièmes acomptes.

Le traité a été ratifié par la France et par Djibouti à l’été 2025 et est entré en vigueur depuis.

B.   L’agence européenne de défense

La contribution de la France au budget de fonctionnement de l’AED s’élève à 11,4 millions d’euros, en hausse par rapport à la LFI pour 2025.

Cette hausse a pour justification la mise en œuvre des objectifs de la revue de long terme de l’Agence de 2024 (augmentation de l’influence politique et experte de l’Agence auprès des institutions, amélioration de l’échange de l’information avec les organisations partenaires et l’OTAN) et vise à traduire le Plan de développement capacitaire européen en opportunités de coopération et projets capacitaires entre États membres. En outre, cette hausse a pour objectif de permettre à l’Agence de répondre aux besoins d’infrastructure, de sécurité et en termes de SI suite à son emménagement dans son nouveau siège.

L’AED est un acteur important du processus capacitaire communautaire. Elle détermine et priorise les besoins militaires des États membres en matière de matériel, d’exercices et de technologies. Cette agence intergouvernementale, au sein de laquelle les États membres de l’UE sont représentés par leurs ministères chargés de la Défense, constitue un canal précieux de coordination des États pour exprimer leurs besoins en matière de défense.

L’AED s’est également vu confier, depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, de nouvelles missions, parmi lesquelles l’achat conjoint de matériels de défense aérienne et de munitions. Elle conseille également la BEI pour ses investissements dans le domaine de la défense.

Enfin, l’AED sera probablement amenée à jouer un rôle important dans le futur programme européen d’investissement dans le domaine de la défense (EDIP), qui vise à renforcer les capacités européennes de production d’armement.


   Deuxième partie : Les technologies quantiques au service de la défense

Le quantique est une branche de la physique qui décrit le comportement des particules à très petite échelle. Contrairement à la physique classique, elle introduit des concepts tels que la superposition et l’intrication, où les particules peuvent exister dans plusieurs états simultanément. Cette théorie a révolutionné notre compréhension de la nature et est à la base de nombreuses technologies modernes, comme les lasers et peut-être demain des ordinateurs quantiques dont les performances et la fiabilité dépasseront utilement celles offertes par les ordinateurs actuels. En effet, des capacités de calcul quantique existent déjà et sont même commercialisées. Mais à ce stade, elles n’offrent aucun avantage autre que celui de commencer à s’approprier ce nouveau domaine dans lequel tout est à repenser dont toute l’algorithmie associée aux calculs à mener.

I.   Le projet PROQCIMA est le principal projet conduit par le ministère des armées dans le domaine des technologies quantiques

Au-delà des États-Unis et de la Chine, la France est l’un des rares pays à l’échelle mondiale, avec les Pays-Bas et l’Australie, à disposer d’un socle de compétences en recherche amont et technologique, ainsi que de l’outil industriel déjà amorti permettant d’explorer sérieusement la faisabilité d’un ordinateur quantique grâce aux technologies microélectroniques.

L’enjeu de long terme est de favoriser l’émergence d’un acteur européen à forte centralité française préservant en son sein un espace pour traiter les enjeux de souveraineté nationaux.

C’est la raison pour laquelle, au travers du projet PROQCIMA soutenant la montée en maturité du volet matériel de l’ordinateur quantique, la DGA s’est positionnée en opérateur thématique du plan d’investissement France 2030 pour soutenir la stratégie nationale quantique pilotée par le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI), dans une logique d’innovation résolument duale.

PROQCIMA, un partenariat innovant notifié le 5 mars 2024 pour une durée d’au moins 15 ans, positionne cinq entreprises sur la ligne de départ (Alice & Bob, C12, Pasqal, Quandela et Quobly), et se décline en plusieurs jalons, afin de sélectionner progressivement jusqu’à deux candidats les plus performants.

Le projet se divise en trois grandes étapes :

1/preuves de concept, d’une durée prévisionnelle de quatre ans, qui vise à établir la faisabilité technologique et industrielle des solutions ; elle est divisée en une phase de deux ans en mode « examen » avec un niveau minimum à atteindre (levée de risque) et une phase « concours » qui opérera ensuite une sélection des trois technologies les plus performantes ;

2/maturation, d’une durée prévisionnelle de quatre ans, qui vise à piloter la levée de verrous technologiques jusqu’au point de bascule à partir duquel le passage à l’échelle devient possible ; elle est également divisée en une phase « examen » et une phase « concours » à l’issue de laquelle il restera au plus deux solutions ;

3/industrialisation, d’une durée prévisionnelle de sept ans pour couvrir la livraison des premiers exemplaires et le MCO.

Compte tenu de la dualité précédemment évoquée, il est essentiel que la démarche PROQCIMA reste inscrite dans le cadre de la stratégie nationale. À ce titre, la DGA continue à s’investir dans la coordination interministérielle.

Les cinq premiers marchés subséquents – couvrant la première phase de deux ans de travaux de levée de risques – ont été notifiés le 27 septembre 2024. Techniquement, il s’agit pour chaque startup de démontrer sa capacité à mettre en œuvre une feuille de route crédible pour le passage à l’échelle de l’ordinateur quantique tolérant aux défauts.

À ce stade, le programme 424 du PLF pour 2026 assure le financement de l’étape 1 du projet PROQCIMA (qui va s’étendre jusqu’en 2028), pour un total de 135 M€ (60 M€ pour le marché subséquent 1 couvrant la période 2024-2026 et 75 M€ pour le marché subséquent 2 couvrant la période 2026-2028).

Le financement des étapes ultérieures (2 et 3) reste encore à définir (le budget total du projet est estimé à environ 500 M€). L’hypothèse actuelle est celle d’un effort partagé entre des crédits ministériels d’une part (principalement défense et recherche) et des crédits issus d’un éventuel plan d’investissement successeur à France 2030. En tout état de cause, la continuité d’investissement de l’État sera clé pour assurer la mise en œuvre de la stratégie long terme sous‑tendue par PROQCIMA.

Les travaux sur les capteurs quantiques, opérés par la DGA, bénéficient aussi des travaux sur les technologies habilitantes menées par la stratégie nationale. Néanmoins il est difficile de chiffrer précisément cet effort financier car il n’est pas spécifiquement fléché sur des technologies pour le ministère des Armées. Certains financements profitent aux deux thématiques, grâce aux synergies entre les technologies habilitantes pour les ordinateurs quantiques et les capteurs quantiques, ainsi que les travaux de recherche du PEPR quantique.

Lors des auditions, l’attention de la rapporteure pour avis a été attirée sur l’absence de visibilité quant aux perspectives de financement du programme PROCQIMA au-delà de 2028. La rapporteure pour avis plaide pour que ces financements soient pérennisés, car il en va de la souveraineté de nos armées, dans un contexte de compétition mondiale accrue.

II.   Le ministère des armées entend jouer un rôle de structuration de l’écosystème de recherche dans le domaine quantique via le campus quantique défense

Davantage qu’un lieu, le campus quantique défense a vocation à être la « marque » qui rassemblera et coordonnera l’ensemble des actions déclinant l’ambition ministérielle d’animer l’écosystème de recherche dans le domaine des technologies quantiques de défense. L’objectif est triple :

1/rassembler des acteurs du ministère, des chercheurs, des start-ups, des industriels et des investisseurs ;

2/fédérer la communauté quantique autour des enjeux de défense et de souveraineté ;

3/faire émerger des partenariats internationaux choisis.

Les événements organisés par le campus quantique investiront donc différents sites en fonction des communautés visées, de l’effet recherché et des éventuels besoins de confidentialité. Parmi les lieux en question, figurera le site de l’École polytechnique, notamment au sein de son Institut de défense dont la construction est prévue d’ici fin 2027.

Au sein de ce campus, le laboratoire quantique défense aura vocation à éclairer par la pratique l’ensemble des applications d’intérêt défense des nouvelles technologies quantiques, non seulement dans le domaine du calcul – y compris les environnements applicatifs – mais aussi des capteurs et des communications.

Les principales finalités du laboratoire sont les suivantes :

1/aider à l’identification des cas d’usages (militaires, organiques…) ;

2/contribuer à l’identification des solutions technologiques prometteuses, leur comparaison, l’objectivation des performances ;

3/prendre en compte des problématiques spécifiques à la Défense (sécurité, contraintes d’environnement, intégration au sein de systèmes complexes, etc.) ;

4/s’appuyer sur les organismes de recherche et les entreprises actives dans le domaine ;

5/participer au développement de coopérations internationales (à des fins de comparaison de technologies, montage de projets communs dans des relations bilatérales ou multilatérales européennes ou au sein de l’OTAN, etc.) ;

6/contribuer aux expertises et aux essais ;

7/contribuer à l’acculturation et au développement des compétences au sein du ministère des Armées.

Un chef du laboratoire sera recruté d’ici fin 2025 et aura pour mission initiale de proposer une feuille de route de montée en puissance. Les projets confiés au laboratoire seront probablement réalisés par des équipes multi-localisées. Il est néanmoins prévu que le centre de gravité prenne place sur le campus de l’École polytechnique, dans des locaux temporaires avant de rejoindre l’Institut de défense dont la construction est prévue d’ici fin 2027.

La rapporteure pour avis a été sensible à l’enjeu des ressources humaines dans le domaine des technologies quantiques. Le vivier de recrutement est relativement réduit, dans un domaine qui évolue lentement et qui est encore trop prospectif pour offrir des débouchés professionnels en nombre suffisant. Lors de son audition, il a été indiqué à la rapporteure pour avis que le défi des ressources humaines était de loin le plus grand défi auquel le ministère des Armées est confronté.

Le ministère des Armées reconnaît le potentiel stratégique des technologies quantiques pour accroître ses capacités opérationnelles. C’est pourquoi le calcul quantique et les capteurs quantiques ont été inscrits dans la LPM 2024‑2030 dans les dix domaines prioritaires auxquels l’Agence de l’innovation de défense (AID) consacre la majeure partie de ses investissements.

Auditionnée par la rapporteure pour avis, l’AID a souligné la forte nécessité de mettre à jour, comme cela est prévu depuis plusieurs années, l’Instruction ministérielle n° 2067/ARM/CAB/CC6 du 7 mai 2020 relative à l’innovation de défense au sein du ministère des Armées. Cette mise à jour acterait en particulier le fait pour l’AID de soumettre a priori au ministre des Armées les axes sur lesquels l’agence entend travailler plutôt que de lui faire entériner a posteriori les travaux déjà réalisés. Elle aurait aussi pour but, entre autres, d’améliorer l’information au sein du ministère en matière d’innovation afin notamment de faire la chasse aux doublons que peut entraîner le travail « en silos ».

III.   La standardisation des algorithmes post-quantiques fait l’objet de travaux à l’échelle mondiale dans le cadre du NIST

Les travaux du National Institute of Standards and Technology (NIST) prennent la forme d’une compétition entre différents algorithmes candidats, proposés par différents chercheurs académiques. Ce sont également ces chercheurs ainsi que des industriels qui, tout au long du processus de sélection, analysent et critiquent les algorithmes candidats afin d’accompagner le NIST dans le choix de la solution la plus pertinente (efficace et sécurisée). La Direction générale de l’Armement (DGA) n’a pas de rôle spécifique dans cette sélection ni dans la relecture des brouillons de standard.

Par ailleurs, la DGA suit de manière très attentive les résultats de cette compétition pour s’inspirer de cette recherche et l’adapter à ses besoins. Ce suivi se fait à travers des études internes (temps de RH dédié) et externes (projet technologique de défense LOTUS en 2021 et projet technologique de défense NYMPHEA en 2025). Ces travaux menés en parallèle de l’analyse publique du NIST sont nécessaires compte tenu de la criticité du domaine en termes de souveraineté. Il s’agit de s’assurer de l’absence de faiblesse intentionnelle ou non dans les mécanismes utilisés. En effet, post-quantique ou non, les travaux du NIST ont pu par le passé être influencés dans des perspectives distinctes des intérêts stratégiques français.

Concernant les travaux menés avec l’ANSSI, l’objectif est de fournir des solutions gouvernementales pour les produits de sécurité du ministère des Armées ou interministériels. En effet, en développant des standards distincts des algorithmes civils standardisés, une atténuation des risques est atteinte : l’expertise combinée des laboratoires de cryptographie de la DGA et de l’ANSSI permet une meilleure maîtrise de la sécurité obtenue (dimensionnement et raisonnement de preuves) et évite des répercussions fortes et immédiates si une faille venait à être découverte dans l’une des nouvelles solutions standardisées. En ce sens, plusieurs algorithmes cryptographiques post-quantiques ont été conçus par la DGA depuis 2020 et sont peu à peu validés par l’ANSSI et incorporés dans les programmes d’armement.

Ces travaux s’inscrivent dans la continuité de ceux menés depuis plus de trente ans par la DGA et l’ANSSI pour offrir des algorithmes cryptographiques aux produits de sécurité étatiques.

IV.   Une compétition mondiale pour le développement des technologies quantiques

Les États-Unis, la Chine et la Russie ont pleinement investi le domaine des technologies quantiques dans l’objectif d’obtenir un avantage stratégique sur leurs compétiteurs. En effet, ces trois pays affichent des ambitions claires en ce qui concerne l’intégration des technologies quantiques au sein de leurs forces armées.

Sur le plan de la recherche quantique, les États-Unis et la Chine se placent largement en tête grâce à un solide écosystème de recherche et à des investissements massifs inégalés au niveau européen. Se classant derrière ces deux puissances, la Russie, malgré des ambitions quantiques clairement affichées, a vu ses efforts affectés par les sanctions occidentales et sa guerre contre l’Ukraine.

Ces trois États sont davantage avancés sur la question des capteurs, qui est la technologie la plus mature à ce jour. Pour autant, la compétition autour de ce domaine de recherche rend difficile d’avoir un visuel extensif sur les technologies maîtrisées par chacun. La Chine, notamment, est devenue de plus en plus opaque sur les brevets liés au quantique, dont très peu sont déposés chaque année malgré un très haut niveau de recherche du pays.

Ces trois puissances divergent par leurs choix stratégiques quant au calcul et aux communications quantiques. En effet, la Chine et la Russie ambitionnent de se positionner en têtes de file des communications quantiques tandis que les États‑Unis se concentrent principalement sur le développement d’un ordinateur quantique souverain, en s’appuyant sur leur héritage de géant de l’informatique. Ce choix s’explique par une position différente sur la cryptographie post-quantique.

Les pays occidentaux et notamment les États-Unis estiment qu’un passage à de nouveaux algorithmes de chiffrement plus résistants sera suffisant pour faire face à la menace que représentent les ordinateurs quantiques pour la cryptographie actuelle. En conséquence, les États-Unis ont très tôt démontré un grand intérêt pour la cryptographie post-quantique, lançant des compétitions internationales visant à trouver de nouveaux algorithmes de chiffrement résistant à un futur ordinateur quantique. La Chine et la Russie, bien qu’intéressées également par cette question, semblent faire le pari de passer aux communications quantiques pour sécuriser leurs échanges, ce qui demande d’importants investissements en infrastructures et repose sur des hypothèses de recherche encore peu matures.

Dans le domaine du calcul quantique, les États-Unis se placent au premier rang, suivis de près par la Chine. Les États-Unis bénéficient de l’aide des géants du numérique et de leur riche écosystème privé pour investir plusieurs milliards de dollars chaque année dans le développement d’un ordinateur quantique. La Chine, soucieuse de dépasser son rival, y consacre également d’importantes ressources qui lui permettent de rester dans la course. Du côté de la Russie, le bilan sur le volet du calcul quantique est plus faible, notamment du fait de la guerre en Ukraine et des sanctions occidentales privant le pays de ressources nécessaires au développement d’un ordinateur quantique souverain.

La rapporteure pour avis s’interroge sur la capacité à retenir les entreprises les plus en pointe dans le domaine des technologies quantiques, une fois passée l’étape de l’étude amont. Plusieurs entreprises ont alerté sur la nécessité d’accéder à un marché de taille suffisamment critique pour continuer leur développement, à défaut de financements publics suffisamment calibrés. Or, plusieurs entreprises, y compris celles impliquées dans le programme PROQCIMA, sont tentées par le marché américain, ce qui pose la question de l’extraterritorialité du droit américain et de ses conséquences pour la souveraineté des armées françaises. La rapporteure pour avis appelle de ses vœux le développement d’un marché européen dans le domaine des technologies quantiques.

V.   QUelques cas d’usage des technologies quantiques dans le secteur de la défense

A.   La cryptographie post-quantique

La plupart des protocoles de communication sécurisés déployés sur Internet ou sur les réseaux privés reposent actuellement sur des mécanismes asymétriques de négociation de clé. La cryptographie asymétrique est un domaine de la cryptographie où il existe une distinction entre des données publiques et privées, en opposition à la cryptographie symétrique où la fonctionnalité est atteinte par la possession d’une donnée secrète commune entre les différents participants.

L'ordinateur quantique constitue une menace pour les systèmes d’information, car la capacité d’un tel ordinateur pourrait théoriquement permettre de retrouver les données privées à partir des données publiques au moyen d’algorithmes déjà connus pour les principaux mécanismes de cryptographie asymétrique actuels. Des travaux sont en cours à l’échelle internationale (via le National Institute of Standards and Technology ou « NIST ») et au sein de l’État (via la DGA) pour développer de nouveaux algorithmes de cryptographie dit « post‑quantique », c’est-à-dire résistants à l’ordinateur quantique, pour remplacer les algorithmes de cryptographie asymétrique actuels. Un des enjeux, au-delà de la conception de ces nouveaux algorithmes, est le déploiement effectif de ces algorithmes dans les systèmes d'information du ministère des Armées.

Si les pays occidentaux estiment que le développement des algorithmes « post-quantiques » sera suffisant pour faire face à la menace que représentent les ordinateurs quantiques pour la cryptographie actuelle, d’autres nations, à l’instar de la Chine et la Russie, semblent faire le pari de se tourner vers la cryptographie quantique (Quantum Key Distribution - QKD) pour sécuriser leurs échanges, ce qui demande d’importants investissements en infrastructures et repose sur des hypothèses de recherche encore peu matures.

En effet, les garanties de sécurité apportées en principe par la QKD le sont au prix de contraintes d’emploi lourdes (limitations de portée ou nécessité d’utiliser des satellites, nature point-à-point, dépendance vis-à-vis des caractéristiques physiques des canaux empruntés…) qui rendent extrêmement complexe et coûteux un déploiement à grande échelle, réduisent ainsi la portée des services offerts et compromettent le niveau de sécurité qui peut être atteint en pratique. Ainsi, à ce stade, le ministère des Armées, et plus largement la France, considèrent comme assez faible le potentiel pratique de la cryptographie quantique vis-à-vis de son besoin de sécurisation des communications.

B.   La gravimétrie quantique

Le ministère des Armées travaille depuis plusieurs années dans le domaine de la gravimétrie quantique. En particulier, la DGA travaille depuis une vingtaine d’années avec l’ONERA pour concevoir un gravimètre quantique à atomes froids pour la Marine nationale.

Un premier gravimètre industrialisé a été testé en mer et réceptionné en 2024. La supériorité opérationnelle apportée par ce capteur quantique a été démontrée (qualité de mesures, absence de nécessité de calibration sur des zones de référence impliquant des échanges de données avec des autorités étrangères de la zone), confirmant le potentiel de cette technologie qui sera embarquée sur de futurs bâtiments.

C.   La simulation

Le calcul quantique est susceptible de faire gagner des ordres de grandeur dans la durée ou la précision de diverses simulations utiles à l’optimisation du design de systèmes militaires : science des matériaux, combustion (conception de réacteurs), propagation d’ondes électromagnétiques (optimisation de formes d’ondes, de la forme de radomes, de compatibilité entre différents équipements à bord d’une même plateforme, de la furtivité, etc.), comportement aérodynamique ou hydrodynamique (design d’aéronefs, de missiles, de systèmes navals, etc.).

D.   Les interceptions électromagnétiques et les capteurs

Les potentialités des technologies quantiques dans le domaine des interceptions électromagnétiques sont multiples. Les technologies quantiques pourraient permettre d’obtenir des récepteurs avec une très large bande passante tout en ayant une probabilité d’interception de 100 %, au sens où chaque fréquence sera « veillée » 100 % du temps, mais il demeure que la détection effective du signal dépendra du fait que ce signal soit capté avec une énergie suffisante. La DGA travaille sur ce sujet depuis une dizaine d’années dans le cadre du projet VALERIAN.

Une autre thématique prometteuse serait la possibilité de construire des antennes réceptrices indépendantes de la longueur d’onde du signal, ce qui permettrait d’avoir des antennes plus compactes.

Dans le domaine des capteurs, les progrès permis dans le domaine de la métrologie par les technologies quantiques autorisent le développement de capteurs inertiels et d’horloges plus performantes pour des solutions de géolocalisation, de navigation et de synchronisation en complément ou en l’absence d’un système GNSS dont les signaux sont couramment brouillés sur un théâtre d’opération militaire.

Les capteurs quantiques sont également prometteurs pour le ROEM et la guerre électronique, offrant des gains significatifs en termes de sensibilité, de couverture simultanée d’une bande de fréquences, et de compacité pour les grandes longueurs d’ondes (basses fréquences) par rapport aux antennes classiques. Les spécialistes sont en revanche très réservés sur le potentiel d’application opérationnelle des travaux sur le radar quantique, promu notamment par la Chine.

E.   La science des matériaux

Les domaines des matériaux et de la chimie sont parmi les cas d’utilisation potentiels les plus prometteurs de l’informatique quantique. Il s’agit d’investiguer et de simuler les propriétés, les performances et les applications de divers matériaux : composition, structure, propriétés mécaniques, thermiques, électriques, magnétiques, optiques et chimiques, s’agissant de métaux, céramiques, polymères, composites, semi-conducteurs et supraconducteurs. Le champ couvre aussi le traitement des matériaux (anticorrosion, par exemple).

Les applications abondent dans les industries aérospatiales et de défense, dans la construction des infrastructures, dans le secteur de l’énergie (cellules photovoltaïques et batteries, par exemple), de la pharmacie (nouvelles molécules) ou encore des procédés (catalyseurs).

F.   Les lasers

Les lasers sont des dispositifs inventés à la fin des années 50. Ils appartiennent à ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui la « première révolution quantique ».

Ils constituent une technologie habilitante importante dans la « deuxième révolution quantique » que nous vivons, s’agissant notamment de l’ordinateur quantique (contrôle des qubits d’atomes froids et ions piégés), des télécommunications quantiques, de la cryptographie et de la détection quantiques.

G.   Les satellites

Le développement d’horloges atomiques plus performantes et intégrables dans des satellites permettrait d’améliorer la précision du temps dans les satellites, et donc la précision du GNSS.

En outre, le développement de systèmes de communication par intrication quantique pourrait trouver des applications dans le domaine spatial.

VI.   Le cas particulier des technologies habilitantes au quantique

Les technologies habilitantes au quantique désignent l’ensemble des avancées matérielles, logicielles et d’infrastructure qui rendent possible le développement, la mise en œuvre et l’exploitation des technologies quantiques. Pour la conduite des projets du ministère des Armées et des Anciens combattants, ces technologies sont multiples : cryogénie, lasers, électronique, isotopes, etc.

La stratégie nationale quantique possède de nombreux projets visant à faire progresser l’écosystème français sur ces diverses technologies, avec une visée principale pour le développement de l’ordinateur quantique, mais qui a des synergies avec le développement des capteurs ou bien des communications.

La France possède des compétences et des acteurs sur une grande partie du spectre de ces technologies habilitantes. À l’échelle européenne, il existe des acteurs de premier plan mondial sur la plupart de ces technologies.


   Travaux de la commission

I.   Audition du général de corps armée Eric Peltier, directeur général adjoint des relations internationales et de la stratégie au ministère des Armées et des Anciens combattants

La commission a entendu le général de corps d’armée Eric Peltier, directeur général adjoint des relations internationales et de la stratégie, sur le projet de loi de finance pour 2026 (n°1906), au cours de sa réunion du mardi 21 octobre 2025.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous poursuivons nos auditions sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 par l’audition du général Éric Peltier, directeur général adjoint des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des armées. Mon général, vous assurez l’intérim de madame Alice Rufo, en attendant qu’elle soit remplacée, à la suite de sa nomination comme ministre déléguée auprès du ministère des armées et des anciens combattants.

La DGRIS a pour mission de piloter l’action internationale du ministère des armées en coordination avec l’état-major des armées (EMA) et la direction générale de l’armement (DGA), et de conduire les travaux de perspective stratégique. Elle assure également l’interface avec le ministère des affaires étrangères et met en œuvre la stratégie d’influence internationale du ministère.

Le programme 144 comprend essentiellement des crédits dédiés à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et à la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) ; la recherche stratégique ; les études en amont, ainsi que la diplomatie de défense. Ce budget de 2,3 milliards d’euros en crédit paiement (CP) est en hausse de plus de 218 millions d’euros, soit plus 10,5 % par rapport à la loi de finances pour 2025.

Mon général, je vous laisserai dresser plus en détail le chiffrage budgétaire du programme 144 pour 2026. Vous ne manquerez pas également de revenir sur l’évolution du contexte géostratégique qui, cette année encore, se caractérise par la multiplication de crises. Je pense entre autres, à la situation au Proche-Orient, en Mer Rouge, en Ukraine ou encore en Indopacifique. Au-delà de ces foyers d’instabilité qui ont marqué l’actualité récente, vous pourrez certainement également évoquer d’autres zones de tension moins médiatiques, mais tout autant instables.

M. le général de corps d’armée Éric Peltier, directeur général adjoint des relations internationales et de la stratégie au ministère des armées et des anciens combattants. Mesdames et messieurs les députés, j’ai l’honneur de m’adresser à vous ce soir pour présenter le programme 144, qui offre les ressources nécessaires au ministère des armées pour éclairer les décideurs sur les menaces et l’environnement stratégique, afin de conduire la politique de défense.

Dans une première partie, je dresserai le contexte général stratégique auquel nous sommes confrontés en m’appuyant notamment sur l’actualisation de la revue nationale stratégique (RNS) en juillet dernier. Dans un second temps, j’évoquerai le programme 144 concernant le PLF pour 2026, qui s’inscrit dans la continuité des précédentes lois de finances.

La RNS entérine quatre prises de conscience.

La première concerne la fin des utopies : l’utopie des dividendes de la paix ; l’utopie de la mondialisation heureuse, l’utopie que le désarmement conduit à la paix et enfin, que la dissuasion pourrait épargner le sang. Le retour de la guerre de haute intensité, notamment sur le continent européen, le retour de la dialectique nucléaire dans les rapports de force entre États montrent effectivement que nous avons sans doute vécu sur certains mythes lors des quarante dernières années.

La deuxième prise de conscience concerne l’accélération des surprises stratégiques, l’accumulation et l’aggravation des crises. Désormais, les crises ne se succèdent pas ; elles se superposent et se cumulent, à une cadence d’une crise par an. L’année 2021 a vu le retrait américain de l’Afghanistan, qui a signé la fin des opérations expéditionnaires de l’Occident. L’année 2022 a été marquée par le retour de la guerre de haute intensité lors de l’invasion de l’Ukraine par une Russie agressive, qui se réarme, en cohérence avec ses visées impérialistes. Le 7 octobre 2023, l’attentat du Hamas a entraîné le début de la guerre à Gaza ; l’année 2024 a vu la chute de Bassar al-Assad et ses conséquences sur la stabilité régionale. En 2025, l’Inde et le Pakistan, deux pays disposant de l’arme nucléaire, ont été en crise, et les États-Unis ont lancé l’opération Midnight Hammer, un raid aérien pour frapper des installations nucléaires en Iran.

Les catalyseurs de crise sont nombreux : le dérèglement climatique, les migrations, l’accès aux ressources, les technologies « nivelantes » dont le numérique, mais aussi les menaces transverses évoquées par la ministre, à l’instar des différents trafics, dont le narcotrafic.

La troisième prise de conscience est la suivante : nous vivons dans un monde en rupture, une nouvelle ère. Celle-ci se caractérise par un basculement du monde autour de quatre « D » : la désoccidentalisation du monde, c’est-à-dire la contestation de l’hégémonie occidentale et les prises de positions de certains pays du Sud sous influence russe ou chinoise ; la désinhibition des compétiteurs, pour lesquels la force prime le droit, sur tous les champs de la  conflictualité, conduisant à une dangereuse accoutumance à la violence ; la dérégulation des relations internationales et la fragmentation de l’ordre international (la remise en cause de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration d’Helsinki, le délitement des instruments de non-prolifération, ces traités qui constituaient l’architecture de contrôle des armements) ; et enfin, le découplage entre l’Europe et les États-Unis.

À ce sujet, le discours de J.D. Vance à la Conférence de Munich sur la sécurité en février dernier a sonné le réveil stratégique de l’Europe. Celui-ci se concrétisera par un certain nombre d’initiatives européennes qui étaient encore impensables il y a un an. Je pense notamment à la coalition des volontaires pour assurer, demain, les garanties de sécurité pour l’Ukraine ; au plan ReArm Europe ; au Livre blanc de l’Union européenne sur la défense.

Enfin, la quatrième prise de conscience concerne l’avènement d’une nouvelle polémologie. En effet, les référentiels sur la guerre de l’inconscient collectif, sont, à mon sens, périmés. Il faut repenser la guerre à l’aune des nouvelles technologies et de la manière dont nos compétiteurs la mènent. Gaston Bouthoul, un des pères de la polémologie française, disait très justement « Si tu veux la paix, connais la guerre ». En effet, si nous ne connaissons pas la guerre, nous n’aurons pas la paix puisque nous préparerons la mauvaise guerre, la guerre d’hier.

Ensuite, la guerre se structure sur trois champs. Le premier champ a trait au champ de bataille, qui s’élargit aujourd’hui, pour couvrir la terre, l’air, la mer, la très haute altitude (THA), l’espace, les fonds marins, les zones polaires, le cyber. Le deuxième champ porte sur le volet psychologique, l’immatériel, les perceptions, à travers des manipulations, des subversions numériques, dopées par l’intelligence artificielle.

Enfin, le troisième champ est d’ordre technologique et économique, illustré par la dronisation, la robotisation, la numérisation, l’hypervélocité, la guerre électronique, les biotechnologies, l’ingénierie solaire et climatique, c’est-à-dire ces nouvelles technologies qui impacteront la manière dont la guerre sera menée, demain.

Derrière cette nouvelle manière de penser la guerre, nous constatons le triomphe de la stratégie indirecte, que l’on qualifie souvent de « guerre hybride ». Elle se matérialise aujourd’hui par trois types de stratégies : les stratégies d’intimidation (intimidation de la Chine vis-à-vis de Taïwan, de la Russie, vis-à-vis des pays baltes) ; les stratégies de contournement, en restant toujours en dessous du seuil et en ne permettant pas l’attribution exacte de l’agression, à l’image des survols de drones et des attaques cyber ; et enfin, les stratégies de déstabilisation et de subversion. Ces dernières, bien plus importantes qu’auparavant, touchent directement le champ des perceptions, nos valeurs démocratiques, par exemple quand lorsqu’il y a des tentatives de manipulation des élections, comme ce fut le cas en Roumanie ou en Moldavie très récemment.

Cette bascule de l’histoire nécessite de repenser la guerre face à des menaces qui sont assez nouvelles et auxquelles nous sommes peu habitués, voire insuffisamment ou mal armés. La RNS a bien pris en compte cette nouvelle ère et la loi de programmation militaire (LPM) répond à ces nouveaux besoins. Mes fonctions actuelles me donnent l’opportunité de constater que la crédibilité de notre culture stratégique nous permet de demeurer un moteur stratégique pour nos partenaires, au sein de l’OTAN et au sein de l’Union européenne (UE), et à la France de demeurer crédible comme puissance à vocation mondiale.

L’histoire surprend toujours. Nous avons le droit d’être surpris, mais nous n’avons pas le droit d’être démunis. Or la LPM nous permet justement de ne pas être démunis. Le programme 144, dont la DGRIS a la responsabilité, permet de traiter quatre politiques publiques essentielles pour la construction de notre outil de défense : la prospective, l’anticipation, le renseignement et la conduite de la diplomatie de défense.

En premier lieu, le programme 144 nous permet de comprendre notre environnement stratégique et de penser la prospective. La deuxième politique publique nous permet de prévoir les capacités dont nous aurons besoin pour prendre en compte la nouvelle ère que je viens de décrire. La troisième concerne le renseignement, pour connaître les capacités et les intentions de nos adversaires. Enfin, la quatrième politique porte sur l’action dans la conduite de notre diplomatie de défense.

La hausse du budget du programme 144 est élevée, dans la durée, soit une augmentation de 57 % en sept ans, dont 11 % entre 2025 et 2026. Dans le détail, il s’agit de 2,754 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 2,294 milliards en crédits de paiement (CP) pour 2026.

L’action 7 couvre les besoins de la prospective de défense et est portée par la DGRIS, l’EMA et la DGA.

S’agissant plus particulièrement de la DGRIS, la première sous-action de l’action 7 porte les crédits de la recherche stratégique, à hauteur de 10,6 millions d’euros en AE et 10,05 millions d’euros en CP pour le PLF pour 2026. La sous action 7.1 est bâtie sur quatre briques. La première brique concerne les études externalisées, pour 6,8 millions d’euros dans les domaines prioritaires de la LPM : le quantique, l’intelligence artificielle, les drones, le domaine spatial, les fonds marins, les menaces nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) et la cyberdéfense ; la deuxième brique porte sur le pacte « enseignement supérieur » (2,4 millions d’euros) qui vise à renforcer l’écosystème de recherche stratégique sur le temps long. À titre d’exemple, sur le PLF pour 2026, nous avons programmé le financement de doctorats ou de post-doctorants, dont les projets intéressent le ministère des armées, pour 1,5 million d’euros.

La troisième brique est constituée par l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), sous la tutelle de la DGRIS, pour un budget de 0,43 million d’euros en CP. Enfin, la quatrième brique a trait aux subventions à la recherche stratégique (0,37 M€).

Le deuxième axe porte sur l’innovation, principalement les études amont de la DGA, pour concevoir des innovations technologiques, les maîtriser et les protéger, pour un montant de 1,6 milliard d’euros en AE et de 1,13 milliard d’euros en CP. En 2026, nous poursuivrons l’action entreprise en 2025, marquée par un effort sur les PME et les PMI, notamment à travers le dispositif RAPID (Régime d’APpui à l’Innovation Duale), la montée en puissance du Fonds Innovation Défense et Definvest, soit 100 millions d’euros, dont vingt-sept entreprises ont pu bénéficier pour leurs politiques d’innovation. Il faut également citer les soutiens à l’innovation ouverte, à travers les dispositifs d’accélération de l’innovation et de la recherche académique.

En 2025, nous poursuivons de grands projets, notamment sur les applications du calculateur quantique, le démonstrateur de lasers de forte puissance, les travaux sur l’alerte spatiale avancée Odin’s Eye, le démonstrateur de missiles planeurs hypersoniques, le démonstrateur d’avion spatial Vortex, le démonstrateur robotique armé de mobilité terrestre, le démonstrateur de drones sous-marins de grande taille armé.

En 2026, nous maintenons les priorités de 2025 : en faveur des PME et des PMI, le lancement du char de combat du futur, Main Ground Combat System (MGCS), les drones sous-marins de grande taille, de la guerre électronique navale, du combat aérien. De nouvelles priorités, listées par le président de la République lors de son discours du 13 juillet, concernent la très haute altitude, les infrastructures pour l’IA embarquée tous milieux, la défense antimissile balistique, les drones navals, la sécurité décentrée sur les données et la coopération en matière de drones. Il faut également mentionner la création d’un laboratoire quantique dont le directeur, recruté d’ici la fin de l’année, aura pour mission de proposer une feuille de route de montée en puissance sur le quantique pour les armées.

Le troisième axe concerne le renseignement, dont le budget bénéficie d’une hausse de 9 % entre 2025 et 2026, soit 566 millions d’euros en AE et 580 millions d’euros en CP, pour la DGSE et la DRSD. Le budget de la DGSE connaît une augmentation de 31 % en AE (534 millions d’euros) et de 14,5 % en CP (549 millions d’euros). L’année 2026 voit ainsi la poursuite de la réforme et de la modernisation de la DGSE, notamment en matière d’infrastructures, autour du Fort Neuf de Vincennes (FNV) ; mais aussi la poursuite de la stratégie d’investissement pour faire face à un certain nombre de défis techniques portant aussi bien sur le big data, que sur les outils mutualisés de la communauté du premier cercle des services de renseignement, le cyber et l’intelligence artificielle.

Le budget de la DRSD s’établit à 30,16 millions d’euros en AE et à 29,99 millions d’euros en CP. En 2025, l’effort portait sur la modernisation de la base des données de souveraineté, qui permet de stocker, traiter, exploiter de façon accélérée des données hétérogènes, et d’absorber l’inflation des demandes d’habilitation, qui sont extrêmement chronophages. Cet effort sur les systèmes d’information sera poursuivi en 2026 et permettra d’accélérer les processus d’enquête administrative, et de mieux contrôler les techniques de recueil de renseignement.

Enfin, le quatrième axe prioritaire est relatif à la conduite de notre diplomatie de défense. Cet axe regroupe essentiellement les contributions internationales majeures auxquelles la DGRIS participe.

Il s’agit d’abord du Traité de coopération en matière de défense (TCMD), c’est-à-dire le renouvellement de l’accord entre la France et Djibouti, signé le 24 juillet 2024 et ratifié le 1er septembre 2025. Les montants concernés s’élèvent à 85 millions d’euros par an pendant vingt ans. De fait, il est essentiel de pouvoir conserver une base dans cette région géographique majeure du monde, un point d’appui pour nos forces. Les capacités militaires permanentes qui y sont déployées nous permettent d’assurer la défense de nos intérêts au Proche-Orient, au Moyen-Orient, en Indopacifique, et naturellement aussi en Afrique. Il était donc impératif de pouvoir renouveler ce traité avec nos partenaires djiboutiens dans une zone à très forte compétition. Comme vous le savez, les Etats-Unis, la Chine et le Japon sont présents à Djibouti.

Ensuite, la contribution à l’Agence européenne de défense (AED) connaît une hausse de 40 % en 2026, pour s’établir à 11,4 millions d’euros, à comparer aux 8,7 millions de 2025. La France est le deuxième contributeur de l’AED après l’Allemagne, la clef de répartition étant établie en fonction du PNB de chaque pays.

L’AED est un acteur clé du réarmement européen : l’agence assure un rôle essentiel dans l’opérationnalisation capacitaire du Livre blanc de l’Union européenne. Elle remplit un rôle de plateforme de projets et de coalition capacitaire entre les différents membres de l’Union européenne. Cette forte hausse est d’abord liée à une raison très conjoncturelle, le déménagement de l’Agence. Mais au-delà, il faut rappeler le rôle décisif que tiendra demain l’AED pour le réarmement de l’Europe.

Je rappelle que l’AED est une agence intergouvernementale qui permet aux différents pays et aux différents gouvernements d’exprimer de manière souveraine leurs besoins militaires, en intergouvernemental ; sans l’implication de la Commission. L’Agence agrège ainsi les besoins militaires des pays et établit des coalitions capacitaires.

En conclusion, le PLF pour 2026 est parfaitement en cohérence et en continuité avec le PLF pour 2025. En outre, il prend en compte l’urgence : compte tenu du contexte et des changements que nous connaissons, nous n’avons plus le temps de perdre notre temps. Pour terminer, laissez-moi citer les propos du général MacArthur, qui demeurent plus que jamais d’actualité : « Les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard ».

M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie et cède à présent la parole aux orateurs de groupe.

Mme Michèle Martinez (RN). Général, permettez-moi tout d’abord de saluer la grande qualité des hommes et des femmes, militaires ou diplomates, qui œuvrent au sein de la DGRIS.

J’ai eu l’occasion de dire tout à l’heure à la ministre des armées ce que je pensais des dérives européistes décidées par le gouvernement. Je n’en tiens évidemment pas comptables les agents qui obéissent aux ordres. Je souhaite par ailleurs souligner que les coopérations, les échanges d’officiers, les actions pour renforcer l’interopérabilité et la mobilité stratégique en Europe sont positifs, tant qu’ils ne nuisent pas à notre souveraineté et ne favorisent surtout pas la base industrielle et technologique de défense (BITD) américaine.

Dans un monde de plus en plus conflictuel, la DGRIS joue un rôle central pour évaluer, analyser et négocier, afin d’éviter l’ultime argument, c’est-à-dire le recours aux armes. Pour reprendre les mots du général Burkhard, nous acceptons de plus en plus l’inacceptable, en termes d’intensité et de violence des conflits. L’ancien chef d’état-major des armées (Cema) ajoutait qu’il fallait « gagner la guerre avant la guerre ».

Dans ce contexte, nous aimerions connaître votre regard sur les très nombreux conflits en cours, au-delà de la guerre entre Israël et le Hamas ou de la guerre russo-ukrainienne. En Afrique, les hostilités au Soudan et au Congo touchent directement les intérêts français. Nos troupes ont même dû intervenir au Soudan, avec un succès impressionnant, dans le cadre de l’opération Sagittaire. Des efforts conséquents sont consacrés au soutien à l’Ukraine, de manière légitime. Cependant, disposez-vous des moyens suffisants dans le PLF pour 2026 pour assurer le suivi de ces conflits un peu oubliés, mais qui concernent directement la sécurité et les intérêts de la France ?

M. le général de corps d’armée Éric Peltier. Je vous remercie pour vos propos et compliments adressés aux armées et en particulier à la DGRIS, qui couvre effectivement l’ensemble du spectre des conflits dans le monde et des situations, dans tous les espaces. En tant qu'officier général, j’y suis sensible.

Nous sommes une puissance à vocation mondiale, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. À ce titre, pour pouvoir assumer nos responsabilités, nous sommes attentifs à ce qui se passe dans le monde et nous assurons nos partenariats et alliances. Nous sommes aujourd’hui un partenaire crédible pour tous nos alliés, avec lesquels nous partageons une communauté d’intérêts et des alliances stratégiques.

L’effort produit pour le soutien à l’Ukraine conditionne directement la sécurité de l’Europe et de notre étranger proche, nos partenaires européens limitrophes. Nous soutenons l’Ukraine et nous suivons avec attention la stratégie russe. À ce titre, je vous invite à vous pencher sur la doctrine Karaganov, particulièrement intéressante, dans la mesure où elle nous cible directement, en tant qu’ennemis. Selon cette doctrine, l’Union soviétique était parvenue à saper la colonisation territoriale des Occidentaux, notamment en Afrique. Désormais, selon Karaganov, la Russie doit mener un combat de « décolonisation » des valeurs occidentales.

De fait, la Russie applique ce programme, étant passée maîtresse dans l’art de la subversion.

Pour autant, nous n’avons pas oublié nos responsabilités dans d’autres régions du monde. Je pense au continent africain, où nous sommes parfaitement conscients des enjeux, notamment les enjeux migratoires, les enjeux de trafic, les enjeux liés à l’islamisme radical. L’ensemble de ces aspects a été intégré dans la nouvelle stratégie pensée et mise en œuvre par l’état-major des armées, appelée « Afrique autrement ». Ces sujets sont aujourd’hui pris en compte avec des moyens dont disposent les armées, qui nous permettent de continuer à porter un regard lucide et ciblé sur ce continent.

En revanche, nous ne pouvions plus continuer à agir comme avant, tant il est vrai que là aussi, nous avons changé d’ère. Dès lors, notre nouvelle stratégie en Afrique nous permet aujourd’hui de conserver des capacités d’autonomie, d’appréciation des situations et, avec d’autres partenaires, de prendre en compte ces enjeux. Je ne détaillerai pas notre dispositif ni comment nous traitons avec les pays africains. Sachez cependant que la création du commandement pour l’Afrique à l’état-major des armées permet de continuer à faire de la coopération, mais différemment, à partir d’un dispositif moins visible et moins exposé, afin d’échapper aux narratifs de nos compétiteurs, qu’ils soient Russes, Chinois, voire parfois Turcs.

Mme Corinne Vignon (EPR). Je vous remercie pour vos propos liminaires extrêmement éclairants ; nous y avons été très attentifs.

La guerre en Ukraine a non seulement montré l’importance des moyens militaires classiques, mais elle a également mis sur le devant de la scène la défense sol-air, l’artillerie et la guerre électronique, dans l’hypothèse d’un engagement majeur. Ainsi, la démarche capacitaire inscrite dans la LPM doit permettre à nos armées d’être plus dotées, mais surtout mieux dotées. Dans cette perspective, le rôle joué par la DGRIS est essentiel pour stimuler l’innovation dans nos armements, garantir l’autonomie de notre pays et accompagner le développement d’une industrie de haute valeur ajoutée sur le territoire national.

Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit de porter à 1,12 milliard les crédits alloués aux études dites « amont », qui permettent de satisfaire des besoins militaires innovants et de contribuer au développement de notre base industrielle et technologique de défense. Ces investissements supplémentaires permettront notamment d’avancer sur le système de combat aérien du futur (SCAF), sur l’évolution du Rafale, sur la surveillance et l’action dans l’espace, la défense sol-air basse couche, les intercepteurs endoatmosphériques ou encore les armes à énergie dirigée.

Comme le montre Mariana Mazzucato dans son livre L’État entrepreneur, nombre d’innovations civiles proviennent de l’industrie d’armement. Internet est né d’Arpanet, un réseau conçu pour les projets de recherche avancée de la défense américaine, afin de résister à une attaque nucléaire. Le GPS a été développé pour guider les missiles, les microprocesseurs ont été miniaturisés grâce aux commandes de l’US Air Force.

Malheureusement, tous ces exemples sont américains. Pensez-vous que le travail de recherche stratégique mené aujourd’hui au ministère des armées se répandra un jour au domaine civil français et européen ?

M. le général de corps d’armée Éric Peltier. Vous avez en partie raison. Cependant, il est difficile de se comparer aux États-Unis, raison pour laquelle nous devons progresser à notre échelle et maintenir des ambitions élevées, pour pouvoir travailler sur notre autonomie stratégique, à la fois nationale, mais aussi européenne. Mais nous ne pouvons pas conduire ce travail seuls ;, aujourd’hui, les armées françaises ne peuvent pas prendre en compte à elles seules les menaces auxquelles nous sommes confrontés. Il nous faut donc pouvoir agir avec les autres.

Dans ce contexte, la France possède un temps d’avance, puisqu’elle dispose d’une culture stratégique et d’une culture d’autonomie lui permettant de conserver une certaine indépendance dans le domaine de la recherche ou dans ses capacités critiques. Désormais, il convient de produire des effets d’échelle, que nous ne pouvons obtenir qu’en lien avec nos partenaires. C’est la raison pour laquelle nous devons œuvrer entre Européens pour réduire notre dépendance commune à l’égard des États-Unis, tout en acceptant de consentir à des dépendances, mais entre pays européens.

Tel est l’enjeu de l’autonomie stratégique européenne. Nous prenons le chemin d’un réveil stratégique européen. Il sera long et difficile ; mais la construction de l’Europe s’est toujours réalisée dans la difficulté, dans la douleur et face aux crises. De fait, les pas franchis ces cinq dernières années sont particulièrement notables. Je pense notamment au programme européen pour l’industrie de la défense (Edip), afin que les financements européens permettent d’être orientés en faveur d’une préférence européenne. Je rappelle ainsi que l’autorité de conception doit demeurer européenne et que les composants extra-européens sont restreints à 35 %.

Il n’en demeure pas moins que la tâche reste difficile, puisqu’il nous faut convaincre nos partenaires européens de réduire leur dépendance aux Américains. Ce travail est ardu, tant ces pays avaient conçu leur outil de défense uniquement dans le cadre de l’Otan, avec les Américains. Ils doivent désormais changer d’état d’esprit, ce qui représente un effort profond, compliqué. À ce titre, la France demeure le moteur stratégique de la défense européenne ; nous devons pouvoir emmener nos partenaires européens, afin de pouvoir construire notre propre architecture de sécurité, dans un contexte où les États-Unis s’éloignent de l’Europe.

Cependant, je suis convaincu de la nécessité de valoriser les technologies duales françaises et européennes, en faveur des intérêts de notre souveraineté de recherche et notre souveraineté industrielle. Elles doivent s’accompagner d’un effet de levier européen.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je rappelle que notre autonomie stratégique nous est permise par notre dissuasion nucléaire.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je vous remercie pour vos propos toujours aussi stimulants. En page 30 du projet annuel de performance (PAP), il est indiqué que puisqu’en 2026, le nombre de sites à inspecter est trop élevé par rapport aux capacités de la DRSD, la cible en termes de taux de réalisation des inspections à délai de contrôle échu est reconduite à 80 %, c’est-à-dire moins que ce qui a été visé pour 2024. Cette justification de la diminution des objectifs n’est pas satisfaisante.

Ensuite, je souhaite vous interroger sur l’évacuation du président de Madagascar, il y a quelques jours, par les armées françaises. Quel est l’intérêt pour la France d’évacuer un président qui a fait tirer sur la foule et a causé la mort de vingt-deux personnes lors d’une insurrection, qui était en réalité une révolution ? J’ai du mal à comprendre comment cette intervention peut être conforme à la stratégie française revendiquée de rénovation de notre position en Afrique. De même, j’éprouve des difficultés à comprendre la stratégie française de formation d’unités d’élite qui participent à la répression de la population en Guinée.

Je ne comprends pas non plus que la France s’obstine à livrer des armes ou des composants militaires à Israël, en l’occurrence des pièces pour les drones Hermes 900. Si cette information, révélée par Disclose, est avérée, pourquoi la France continue-t-elle à ne pas respecter le traité sur le commerce des armes en la matière ?

Ma dernière question concerne nos dépendances. Il semble que les 50 milliards d’euros prévus pour l’IA proviendraient exclusivement des Émirats arabes unis. Puisque vous travaillez sur la question des dépendances et des ingérences, quel est votre point de vue sur la robustesse de notre positionnement ?

M. le général de corps d’armée Éric Peltier. Le premier ministre, ancien ministre des armées, a répondu clairement à Mme Panot au sujet des livraisons d’armes à Israël, en lui indiquant que celles-ci n’étaient jamais intervenues. Il a cité les nombreuses actions de nos armées au profit de la stabilisation de la région, comme le déploiement du Dixmude au plus près de Gaza pour apporter un appui sanitaire aux populations civiles, et l’engagement des militaires français, dont certains ont été blessés, au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Les armées françaises se sont engagées pour le droit international humanitaire au profit des populations de Gaza.

Concernant votre question sur la DRSD, je vous fournirai une réponse écrite. En outre, les services de renseignement, et la DRSD, seront en mesure de vous fournir de plus amples précisions à ce sujet lors de leurs auditions.

Vous m’avez également interrogé sur les formations que nous effectuons en Afrique. Je connais d’autant mieux le sujet, qu’à une certaine époque, j’ai commandé la mission de formation de l’Union européenne en République centrafricaine (EUTM-RCA). Laissez-moi vous faire part de mon retour d’expérience. À cette occasion, j’ai pu constater qu’en n’ayant pas su répondre aux besoins des Centrafricains en formation et en armement, nous avions ouvert une voie aux Russes. Le pays était en effet placé sous un régime d’embargo sur les armes par le Conseil de sécurité des Nations unies. Nous n’avions donc pas pu fournir des FAMAS aux Centrafricains, qui s’entraînaient en conséquence avec des armes obsolètes. Lorsque j’étais conseiller de M. Touadéra, président de la Centrafrique, et que je lui demandais pourquoi il « jetait son pays » dans les bras des Russes qui pillaient notamment ses ressources, il me répondait très justement que lorsqu’il avait demandé à la France des FAMAS, celle-ci n’avait pas été en mesure de les lui fournir, ce qui l’avait conduit à solliciter les Russes.

Nous devons savoir faire preuve de davantage de pragmatisme. La Centrafrique a été le laboratoire de la subversion russe qui s’est ensuite diffusée au Mali et au Niger. Étant sur place, j’ai vu et compris ce que les Russes faisaient, et pourquoi nous avions perdu la guerre des perceptions, dans les champs immatériels, parce que nous n’étions simplement pas prêts, ni armés pour y faire face.

S’agissant à nouveau du commerce des armes, qui n’est pas mon sujet de prédilection, ma carrière m’a fourni un autre exemple. Au Burkina Faso, le président Traoré avait indiqué au ministre que si la France ne lui permettait pas de se défendre face aux djihadistes en lui livrant des armes, il irait les chercher ailleurs et que la France serait conduite à sortir du pays, puisque d’autres seraient prêts à lui fournir ces armes.

Mme Marie Récalde (SOC). Je vous remercie pour vos propos et souhaite vous faire part de deux points d’interrogation.

Le premier concerne les programmes européens. Le PAP indique qu’en 2026, les principaux engagements concerneront les études technologiques et architecturales du système MGCS, menées en coopération avec l’Allemagne, la préparation du plan sur les chars lourds ainsi que le développement des technologies liées au programme SCAF et aux évolutions du Rafale. Les AE pour le SCAF correspondent-elles au lancement de la phase 2 de ce programme ? L’avenir des programmes SCAF et MGCS est-il vraiment fixé ? Vous savez que des arbitrages doivent rapidement être réalisés avant que le niveau capacitaire de nos armées ne se dégrade.

Ensuite, vous avez rappelé qu’un pays en paix ne doit pas préparer ses forces à la guerre d'aujourd'hui, mais bien à la guerre de demain. Ma deuxième interrogation porte donc sur la recherche stratégique et les études prospectives. Celles-ci ont toutes leur place dans nos politiques de défense. Pourtant, les crédits alloués à la recherche stratégique connaissent, semble-t-il, une baisse certaine après une augmentation significative en 2025. Comment peut-on expliquer cette baisse de près de 16 % des crédits dirigés vers la sous-action 07-01 ? Quelles peuvent en être les conséquences concrètes ? Cette diminution des crédits est-elle compensée par ailleurs ? Faut-il adopter une autre lecture concernant ces crédits ?

M. le général de corps d’armée Éric Peltier. Ces sujets capacitaires, portés par les grands programmes que vous avez évoqués, sont essentiels et structurent l’avenir de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE). Ils concernent essentiellement les projets MGCS et SCAF.

Je ne m’exprimerai pas sur ce sujet, dans la mesure où le délégué général pour l’armement (DGA) sera plus à même de vous éclairer sur ces programmes, en sachant que certains arbitrages ne sont pas encore rendus, au plus haut niveau de l’État. Mais soyez convaincus que ces sujets sont structurants pour les capacités militaires futures.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous auditionnerons le DGA demain matin.

M. le général de corps d’armée Éric Peltier. Madame la députée, vous avez également évoqué la baisse de 16,7 % des crédits alloués à la recherche stratégique. Il s’agit en réalité d’un sujet très technique : la nomenclature interne a été révisée et nous avons opéré le transfert d’un faible montant de l’action 7.1 vers l’action 8, toujours au sein du BOP DGRIS, afin de mieux décrire les crédits réellement consacrés au soutien à la recherche. Ces crédits transférés concernent notamment le financement du programme Personnalités d’avenir défense (PAD), celui du partenariat mondial du G7 en matière de contre-prolifération (PMG7) et des crédits de fonctionnement de l’IRSEM Europe. Les sujets demeurent dans le programme ; ils ont seulement été déplacés de l’action 7.1 vers l’action 8.

M. Jean-Louis Thiériot (DR). Mon général, je vous remercie d’avoir dressé ce tableau extrêmement clair du contexte géostratégique. J’ai particulièrement apprécié que vous citiez la doctrine Karaganov, tant il est vrai que les dictateurs disent toujours ce qu’ils vont faire. Si à l’époque nous avions davantage lu Mein Kampf, nous nous serions épargné bien des malheurs.

Je souhaite d’abord aborder une question géopolitique, en lien avec la crise des utopies, que vous avez précédemment évoquée. Vous parliez de la crise de la dissuasion. Pensez-vous que le terme qui caractérise le mieux les affrontements à venir, notamment en Europe, est celui de la « sanctuarisation agressive », c’est-à-dire une guerre hybride ou une guerre conventionnelle sous le seuil nucléaire, mais qui peut néanmoins nous conduire très loin ?

Par ailleurs, la diplomatie de défense relève notamment des compétences de la DGRIS. La cartographie des attachés de défense a-t-elle évolué ? Des attachés de défense non-résidents deviennent-ils résidents ? À ce sujet, je tiens d’ailleurs à rendre hommage à notre diplomatie de défense, dont j’observe une impressionnante croissance du rayonnement depuis 2018. Réfléchissez-vous, pour un certain nombre de postes, à remplacer les colonels par des généraux, quitte à les « zinguer » ? Je pense à certains pays, notamment la Pologne.

M. le général de corps d’armée Éric Peltier. La combinaison de l’élargissement des champs de la conflictualité, des ruptures technologiques et du retour de la dialectique nucléaire entre les États nécessite de nous réinterroger et de revoir la manière dont nous interagissons avec nos ennemis et nos adversaires. Grâce à sa culture stratégique, la France maîtrise cette dialectique nucléaire, au même titre que le Royaume uni. Mais tel n’est pas le cas des autres pays européens. Nous devons donc faire un effort de pédagogie vis-à-vis de nos partenaires européens, afin qu’ils appréhendent bien la dialectique nucléaire, les enjeux d’un pays doté. Demain, il nous faudra réfléchir et évoluer sur les sujets relatifs à l’architecture de sécurité de l’Europe.

Vous m’avez également interrogé sur les attachés de défense. Nous disposons de 93 missions de défense et nous couvrons 165 pays ; soit une des couvertures les plus larges dans le monde. Chaque année, nous réévaluons la cartographie de ces missions de défense, afin de choisir celles que nous devons renforcer, celles sur lesquelles nous pourrions moins investir, en fonction de nos priorités stratégiques. Comme vous avez pu le constater, nous avons effectivement produit un effort conséquent ces cinq dernières années, afin de renforcer un certain nombre de missions de défense ou d’en créer, notamment sur le flanc est de l’Europe.

Simultanément, une réflexion est effectivement menée sur le niveau de poste pour les attachés de défense, en fonction de l’importance des relations avec les différents pays. Les décisions seront ensuite prises en étroite coordination avec le ministre des armées et le ministre des affaires étrangères.

M. Damien Girard (EcoS). Les contraintes budgétaires que connaît la France et le moment hamiltonien européen déclenché par l’impérialisme et l’autoritarisme américains représentent une opportunité pour construire l’autonomie stratégique européenne. Pourtant, la coopération capacitaire européenne peine à se concrétiser, malgré la volonté politique des États membres. Ainsi, des industriels ont exprimé leur scepticisme sur le projet du SCAF, dont la phase 1 a effectivement souffert de défauts de gouvernance.

Ce projet demeure pourtant un outil budgétairement rationnel et opérationnellement performant, au service de la structuration de la BITDE et de l’interopérabilité de nos forces armées, à l’image de ce que l’Eurofighter a pu représenter pour certains de nos voisins. Je veux ici rappeler l’article publié le 13 octobre par Les Échos, dans lequel les chefs d’état-major des armées de l’air française, allemande et espagnole réaffirment leurs besoins communs d’un système de combat aérien du futur.

Au-delà des logiques industrielles ou nationales, le SCAF représente une nécessité stratégique partagée, indispensable à la crédibilité de notre défense européenne et à la cohésion de nos forces. Cette prise de parole conjointe démontre que sur le terrain, la conviction et la volonté d’agir ensemble demeurent intactes. J’ai déjà pu indiquer à M. Éric Trappier que le groupe Écologiste et Social souhaite que tout soit mis en œuvre d’ici la réunion entre États du mois de décembre, afin que le projet SCAF puisse être mené à bien.

Je voudrais donc vous entendre sur les perspectives à donner à cette coopération. Est-il envisageable de fournir une alternative franco-française au SCAF, de niveau technologique et opérationnel comparable et sans surcoût budgétaire pour nos concitoyens ? Quelles pistes envisagez-vous pour relancer le programme SCAF tout en offrant des garanties claires aux industriels comme aux États impliqués ?

M. le général de corps d’armée Éric Peltier. Je ne peux répondre en totalité à vos questions. Le besoin opérationnel existe : il est validé. Je l’évoquais récemment avec mon camarade, le chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, Jérôme Bellanger. En revanche, de nombreux aspects de ce dossier me dépassent personnellement et je ne peux vous apporter une réponse que je ne connais pas. J’attends, comme nombre d’entre nous, l’issue d’un certain nombre de discussions et d’arbitrages. J’ignore si le DGA pourra vous fournir des réponses plus détaillées sur les différentes phases, sur les interactions avec Dassault et Airbus.

Mme Sabine Thillaye (Dem). Vous avez rappelé l’urgence de la situation et la nécessité de nous tenir prêts. Pourtant, si la direction est clairement établie depuis des années, j’ai le sentiment que nous nous hâtons très lentement. Compte tenu des évolutions technologiques, comment pouvons-nous assurer la cohérence entre les besoins capacitaires, les besoins d’interopérabilité et la coordination européenne ? À ce titre, il nous faut changer d’état d’esprit pour assurer plus largement cette cohérence, beaucoup plus rapidement.

Je souhaite également évoquer l’Institut franco-allemand Saint-Louis, un institut de recherche fondamentale et appliquée, insuffisamment mentionné bien que disposant d’une grande expertise dans le domaine de l’armement. Comment expliquer le très grand écart existant entre les études, les résultats et les applications, in fine ? Peut-on le réduire ? Enfin, je souhaite qu’un effort financier soit effectué en faveur cet Institut au sein du programme 144.

M. le général de corps d’armée Éric Peltier. Vous avez raison. Nous devons effectivement fournir un effort de cohérence en matière capacitaire, afin de pouvoir produire demain les bons effets au bon moment et au bon endroit, pour créer les conditions d’une supériorité opérationnelle. Il s’agit là du cadre théorique, qui peut néanmoins être bousculé par l’accélération du nombre de crises et de leur fréquence, les nouvelles manières de penser la guerre.

Heureusement, pendant quarante ans, la France a maintenu un outil de défense souverain, certes échantillonnaire mais complet, en gardant presque toutes les capacités, notamment son autonomie d’appréciation. Ce modèle embryonnaire nous a conduits à prioriser la très haute technologie. Aujourd’hui, il nous manque la masse, la réactivité et l’évolutivité, qui sont conditionnées par l’accélération de l’innovation. À titre d’exemple, les drones évoluent tous les mois, sur le théâtre ukrainien.

De notre côté, nous devons à la fois être capables de construire des programmes et capacités majeurs sur le temps long, mais également d’agréger des nouvelles technologies très rapidement, pour créer de la masse, et les insérer sur des grands programmes. Cette tâche est éminemment compliquée. Demain, l’enjeu principal consistera à bien combiner l’ensemble de ces capacités à un système de commandement efficace, permettant de prendre l’ascendant opérationnel grâce à une meilleure réactivité. Demain, gagnera celui dont la boucle décisionnelle sera la plus courte.

Pour y parvenir, il est nécessaire de disposer de systèmes de commandement extrêmement performants, extrêmement intégrés, au-delà de l’interopérabilité. À ce titre, l’intelligence artificielle (IA) constituera un facteur majeur pour accélérer cette boucle décisionnelle et ainsi gagner la supériorité opérationnelle. Nous n’y sommes pas totalement parvenus pour le moment, mais nous avons conscience du cheminement à réaliser.

Si nous devons parfois composer avec certaines lenteurs bien répertoriées, soyez certains que le chef d’état-major de l’armée de terre, le chef d’état-major de la marine, le chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace et le chef d’état-major des armées transmettent le même message aux armées. Elles sont prêtes et agiront avec les capacités qui leur sont offertes, tout en préparant naturellement l’avenir.

Mais l’enjeu va au-delà des armées : nous avons besoin de tous pour réussir cette transformation, cette bascule que j’évoquais dans mon introduction. Je pense en premier lieu à la nation, et ensuite aux Européens.

Lise Magnier (HOR). Comme vous l’avez indiqué, nous vivons une nouvelle ère, marquée notamment par la poursuite de grands bouleversements, mais aussi des ruptures technologiques majeures, à l’instar du quantique, qui sont susceptibles de transformer encore plus en profondeur l’équilibre stratégique mondial, qu’il s’agisse de la cryptographie, de la détection et du calcul haute performance.

La France a lancé le plan quantique en 2021 et la LPM 2024-2030 confirme cette volonté d’intégrer ces technologies dans la préparation de nos armées à l’horizon 2030-2040. Dans ce contexte général, vous jouez un rôle essentiel de cohérence, d’anticipation et de coordination, en assurant effectivement le lien entre la recherche amont conduite par la DGA et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), les besoins opérationnels exprimés par nos armées et la politique de coopération scientifique et industrielle menée à l’échelle européenne et internationale.

Pouvez-vous nous préciser comment la DGRIS intègre aujourd’hui le quantique dans sa prospective stratégique ? Quels sont les champs d’application prioritaires à court et moyen terme, que vous avez identifiés et que vous soutenez dans le cadre de vos missions ?

Enfin, quelle est la stratégie de la France pour concilier effectivement souveraineté et coopération, notamment au sein de l’Union européenne avec nos alliés stratégiques, afin d’éviter toute dépendance vis-à-vis des grandes puissances extra-européennes ?

M. le général de corps d’armée Éric Peltier. Le quantique constitue effectivement une technologie de rupture, dont nous ne connaissons aujourd’hui que les balbutiements. Nous commençons à travailler sur des applications d’usage des travaux de recherche, domaine dans lequel la DGA est leader, à travers son laboratoire quantique de défense.

Je laisse l’ingénieur général de l’armement Bertrand Le Meur, qui connaît mieux le sujet que moi, vous fournir de plus amples détails.

M. l’ingénieur général de l’armement hors classe Bertrand Le Meur. Cette question est effectivement vertigineuse. Dans le domaine du quantique, l’écosystème de défense (DGA, EMA, DGRIS) demeure pour le moment dans la phase d’appropriation du quantique et des leviers stratégiques qu’il introduit dans la compétition des puissances.

À ce titre, je tiens à souligner l’effort significatif fourni par la direction générale de l’armement. Je pense notamment aux budgets d’étude consacrés, à la création du laboratoire quantique, au soutien et l’investissement, à travers des prises de participations dans les entreprises du quantique. Ces montants sont de l’ordre de 12 millions d’euros pour 2026. Dans cette phase de défrichage, il est surtout essentiel de ne pas se laisser distancer.

Au-delà de ce cadre général, j’ai une absolue confiance quant à la qualité de nos infrastructures, de nos chercheurs, de nos laboratoires publics et privés qui sont reconnus au niveau mondial. La place du quantique dans les enjeux stratégiques demeure un champ très large. Certains mentionnent la communication quantique, la cryptographie post-quantique. Cependant, à ce stade de la compréhension et de l’appropriation, je n’ai pas identifié de bascule stratégique.

De nombreuses étapes demeurent à franchir, mais il est probable que le quantique produira principalement des effets sur les capteurs. En effet, il existe dans le quantique des effets physiques, magnétiques, électriques que nous ne comprenons pas ni ne maîtrisons encore. Dans ce domaine, il demeure encore un grand écart entre la théorie, les expérimentations et leur traduction dans des objets opérationnels employables sur le terrain.

Le plan que la DGA est en train de mettre en place doit nous aider à franchir ce pas majeur. Lorsque nous connaîtrons le séquencement des actions de ce plan majeur, nous pourrons cibler l’effet stratégique qu’il faut exploiter ou dont il faut se prémunir. Le rythme de nos avancées est dicté par les scientifiques, les laboratoires, et la capacité à transférer ces technologies dans le champ opérationnel, dans un environnement contraint, marqué par des caractéristiques de bruit, de température et de mouvement.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous passons maintenant à une séquence de trois questions complémentaires.

Mme Isabelle Rauch (HOR). Vous avez rappelé l’importance de l’AED, et notamment sa trajectoire budgétaire. Pouvez-vous préciser la nature des dépenses, les mécanismes de contribution des États, l’évolution des missions de l’Agence, ainsi que ses principales réalisations ?

Mme Delphine Batho (EcoS). Ma question concerne la recherche stratégique, en lien avec un cinquième « D », la destruction écologique, qui est la toile de fond du tableau géopolitique mondial que vous avez dépeint. La France a été la première en Europe à se doter d’une stratégie climat et défense en 2022.

Nous observons un nombre croissant de données scientifiques préoccupantes sur le franchissement de points de bascule, qui entraîneraient des conséquences en cascade d’une ampleur monstrueuse. Un renforcement des capacités dans ce domaine est-il envisagé ? Ne faudrait-il pas adopter une position de leadership européen dans ce cadre ? Que pensez-vous du concept élargi de la sécurité adoptée en Allemagne, qui intègre les dépenses d’adaptation et de lutte contre le changement climatique à une stratégie de défense ?

M. Frank Giletti (RN). Depuis plusieurs mois, la France est engagée aux côtés de ses partenaires européens dans la « coalition des volontaires », supposée coordonner l’assistance militaire à l’Ukraine, notamment en matière de formation et de soutien logistique. Cette initiative, née en marge de l’Otan, viserait, semble-t-il, à donner une structure plus cohérente à l’aide occidentale tout en affirmant une certaine autonomie stratégique européenne. Cependant, dans un contexte où les perspectives de cessez-le-feu entre la Russie et l’Ukraine semblent loin d’être certaines, il est légitime de s’interroger sur la finalité réelle de cette coalition. Quels sont, concrètement, les objectifs opérationnels et politiques de cette structure ? Quels moyens la France y consacre-t-elle et quelle place notre pays occupe-t-il par rapport à nos partenaires européens ?

Ensuite, au regard de la durée et de l’intensité du conflit, pouvez-vous nous éclairer sur les garanties de sécurité que cette coalition pourrait offrir à l’Ukraine à moyen et à long terme ? Pourriez-vous nous préciser l’intérêt stratégique de la coalition des volontaires et de son état-major opérationnel, ainsi que la manière dont elle s’inscrit dans la politique de défense et de sécurité de la France ?

Enfin, existe-t-il des études amont pour développer un missile aérobalistique, mais aussi des études sur une capacité d’observation radar ?

M. le général de corps d’armée Éric Peltier. L’Agence européenne de défense a été créée en 2004, dans le but d’appuyer la politique européenne de sécurité de défense, en répondant à ses besoins opérationnels et en conservant l’intergouvernementalité de l’expression de ce besoin militaire. Son budget est établi à partir d’une planification triennale ; nous sommes actuellement dans la phase 2025-2027. La France en est le deuxième contributeur, à hauteur de 16 %. Comme je l’ai indiqué précédemment, la hausse de 11,4 % en 2026 est d’ordre conjoncturel, liée au déménagement de l’Agence, à la prise en compte de l’inflation, mais surtout des programmes flagship du Livre blanc de l’Union européenne. Il s’agit ainsi de former des coalitions capacitaires permettant de favoriser la BITDE et de remplir les cibles capacitaires des plans de l’Otan.

Je rappelle que ces démarches sont particulièrement novatrices : avant le Livre blanc de l’Union européenne, dont les orientations sont assez capacitaires, il était inenvisageable que l’UE travaille sur le pilier européen de l’Otan. Or aujourd’hui, les Européens ont bien compris qu’il était impérieux d’œuvrer à la dimension du pilier européen de l’Otan, afin de construire cette autonomie stratégique européenne.

La France est désireuse de renforcer l’AED, afin que l’Agence soit l’agrégateur des capacités européennes et de l’expression de ses besoins militaires. Aujourd’hui, elle mène un travail de fond, en impliquant l’ensemble des pays de l’UE. En outre, l’Agence s’est également concentrée sur une capacité d’acquisition conjointe entre pays européens pour appuyer l’Ukraine. À titre d’exemple, l’AED a permis de mutualiser les achats pour les munitions de 155 millimètres en Europe à destination de l’Ukraine.

En résumé, nous appuyons ce travail novateur de l’AED. En effet, le caractère intergouvernemental de l’Agence lui permet de gagner en maturité et aux États d’exprimer leur souveraineté en matière de besoins militaires, notamment face à la Commission européenne, qui tend à s’impliquer de plus en plus sur les sujets de sécurité et de défense. Lorsque Mme Van der Leyen parle du « mur de drones », il s’agit d’un slogan ; mais il importe que l’AED reprenne le contrôle.

Ensuite, vous avez à juste titre souligné que la France a été le premier pays à établir une stratégie climat en matière de défense, dont l’actualisation se déroule annuellement. Je rappelle également que le chef d’état-major des armées dispose d’un conseiller climat. Je laisse l’ingénieur général de l’armement Bertrand Le Meur vous fournir de plus amples explications à ce sujet. J’évoquerai ensuite le sujet de la coalition des volontaires.

M. l’ingénieur général de l’armement hors classe Bertrand Le Meur. Nous maintenons l’observatoire sur le climat et les enjeux stratégiques du climat. Naturellement, ces questions climatiques sont essentielles dans notre analyse stratégique, et les effets secondaires des questions climatiques sont au cœur de nos réflexions. J’ajoute que nous disposons également d’un observatoire sur l’énergie, qui s’attache aux questions d’approvisionnement énergétique, aux flux, aux différents points faibles et zones de tension. Enfin, je ne connais pas le concept élargi de sécurité adopté en Allemagne ; je me renseignerai sur le sujet.

Monsieur Giletti, il existe effectivement une volonté de lancer des travaux sur un missile aérobalistique, mais il convient désormais de lui trouver une place au sein de la programmation. J’en ai d’ailleurs parlé récemment avec des responsables à l’état-major des armées. Ensuite, il existe des compétences radars en France ; mais en l’état actuel de mes connaissances, je ne suis pas en mesure de vous communiquer des informations détaillées sur un projet de satellite radar. En effet, il n’existe pas de tel projet. En tant que directeur de la stratégie, je peux néanmoins souligner qu’il s’agit d’objets très intéressants, mais aussi très onéreux. À ce titre, dans le cadre de la dégradation globale et de l’instabilité spatiale, ils peuvent également constituer des cibles très intéressantes. Je crois à titre personnel que la France a surtout intérêt à développer une stratégie de défense de ses moyens spatiaux avant de se lancer dans des projets comme celui-ci

M. le général de corps d’armée Éric Peltier. Il me revient à présent de terminer en évoquant la coalition des volontaires. À ce sujet, je tiens d’abord à rendre hommage à Mme Alice Rufo et au général Thierry Burkhard, qui ont été très actifs dans la création de cette coalition des volontaires. Comme le veut l’adage militaire, seule l’inaction est infamante. Il y a souvent plus de risques à ne rien faire qu’à agir.

Cette coalition des volontaires visait un triple objectif. Le premier objectif consistait à prouver aux Américains que les Européens étaient capables d’agir par eux-mêmes. Le deuxième objectif consistait à montrer aux Européens qu’ils ne devaient pas avoir peur. Sincèrement, rassemblés, les vingt-sept pays de l’Union européenne sont plus forts que la Russie, sur le plan économique, mais aussi militaire. Ici encore, nous ne devons pas nous dévaloriser ; nous sommes capables.

Le troisième objectif avait pour objet de montrer aux Russes que les Européens étaient en mesure de prévoir, d’anticiper et de construire des futures garanties de sécurité pour l’Ukraine, lorsqu’un cessez-le-feu, un accord de paix ou un armistice adviendrait. Nous continuons de travailler sur un format de planification opérationnelle des garanties de sécurité, avec les Britanniques et l’ensemble des pays volontaires.

En l’espèce, l’objectif consiste à assurer un ciel sécurisé, une mer sécurisée, une terre sécurisée et à permettre la régénération de l’armée ukrainienne, afin de dissuader la Russie de reprendre des hostilités après un cessez-le-feu ou un accord de paix. Pour pouvoir établir cette planification, il était nécessaire de mettre en place un état-major opérationnel avec les pays contributeurs.

Finalement, cet objet, qui était initialement un objet militaire très opérationnel, est désormais devenu un objet politique. Qui aurait imaginé il y a un an que les Européens allaient endosser politiquement une coalition des volontaires, avec le soutien des Américains – dont nous ne connaissons pas la substance – afin de dissuader les Russes de reprendre les hostilités ? Le fait d’y être parvenu est encourageant et témoigne bien de l’esprit de défense des Européens. Cette coalition des volontaires peut être l’embryon du pilier européen de l’Otan.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie.

 

 


II.   Examen des crédits

La commission a examiné, pour avis, sur le rapport de Mme Isabelle Rauch, les crédits relatifs au programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense », pour 2026, au cours de sa réunion du 29 octobre 2025.

M. le président Jean-Michel Jacques. Pour l'avis sur « l'environnement et prospective de la politique de défense », la parole est à Madame Isabelle Rauch, que je tiens à remercier d'avoir accepté de reprendre ainsi « à la volée » l'avis initialement attribué à Madame Anne Le Hénanff, nommée ministre de l'intelligence artificielle et du numérique.

Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Je suis très honorée de vous présenter les conclusions de mon avis qui s'inscrit dans la continuité du travail d'Anne Le Hénanff sur le programme 144 « environnement et prospective de la politique défense ». Il s'agit d'un programme essentiel pour la préparation de l'avenir dans tous ses aspects, de l'innovation au renseignement, penssant par la recherche stratégique et la diplomatie de défense.

Je tiens à apporter une précision méthodologique. J'ai été nommée rapporteure pour avis la semaine dernière et j'ai choisi de poursuivre la thématique retenue par Anne Le Hénanff, les technologies quantiques. Je n'ai pu mener l'intégralité des auditions sur ce sujet mais celles auxquelles j'ai participé ont conforté mon choix. Je pense notamment à l'audition de l'Agence de l'Innovation de Défense (AID), qui a souligné l'importance d'améliorer la diffusion de l'information en matière d'innovation au sein du ministère, particulièrement concernant les technologies quantiques auxquelles l'AID consacre une part majeure de ses investissements.

Cette année encore, le budget dédié au programme 144 s'inscrit dans une parfaite continuité avec les engagements pris dans la LPM 2024-2030. Dans le cadre du PLF 2026, les crédits du programme 144 s'élèvent à 2,754 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,294 milliards d'euros en crédits de paiement, en hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2025.

Ce niveau de financement inédit permettra au ministère des Armées et des Anciens Combattants, dans un contexte international marqué par le durcissement de la conflictualité - comme en témoignent les situations en Ukraine, à Gaza et au Liban - de concrétiser les objectifs ambitieux fixés dans la LPM. Ces moyens serviront à investir dans le développement de démonstrateurs innovants dans les nouveaux espaces de conflictualité, à renforcer les capacités de nos services de renseignement et à développer nos capacités de recherche et d'analyse stratégiques.

L'année 2026 se caractérisera par plusieurs échéances d'envergure pour les entités relevant du programme 144. Nous assisterons à la réalisation des premiers travaux d'infrastructures du nouveau siège de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) au Fort Neuf de Vincennes, après une première phase dédiée aux opérations de démolition. Nous verrons également la mise en service opérationnelle de la nouvelle base de souveraineté de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) : le système d’information de renseignement de contre-ingérence de défense (SIRCID), qui accroîtra ses capacités de détection et de traitement précoces des menaces. S'y ajouteront la construction de l'institut de défense sur le site de l'Ecole polytechnique, dans le cadre de la stratégie ministérielle dans le domaine des technologies quantiques, et enfin la mise en œuvre du nouveau traité de coopération en matière de défense (TCMD) entre la France et Djibouti, ratifié et entré en vigueur à l'été 2025.

J'émets donc un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

J'en viens maintenant à la partie thématique de mon avis. Compte tenu du temps limité dont je dispose, je vous présente d'emblée mes trois recommandations. Je précise que j'ai choisi de reprendre ces recommandations qui concordent avec les travaux que j'ai menés par ailleurs sur ces sujets et leurs enjeux connexes.

Ma première recommandation concerne les ressources humaines. Le domaine des technologies quantiques demeure très prospectif. Les experts débattent régulièrement sur l'imminence réelle ou supposée de l'apparition de l'ordinateur quantique ou de la cryptographie post-quantique. Cependant, le vivier de recrutement reste relativement réduit dans ce secteur qui évolue lentement et offre encore trop peu de débouchés professionnels. Lors d'une audition, il a été clairement établi que le défi des ressources humaines constitue de loin le plus grand défi auquel le ministère des Armées se trouve confronté. J'appelle donc à mettre en œuvre dès maintenant des mesures spécifiques pour le recrutement et la fidélisation de ces chercheurs en nombre très limité et par essence très volatils.

Ma deuxième recommandation concerne la compétition internationale, particulièrement féroce dans le domaine des technologies quantiques. Nous devons nous interroger sur la capacité du ministère des Armées à retenir les entreprises les plus en pointe une fois passée l'étape de l'étude amont. Plusieurs entreprises ont alerté sur la nécessité d'accéder à un marché de taille suffisamment critique pour poursuivre leur développement, à défaut de financements publics suffisamment calibrés. Or, plusieurs d'entre elles, y compris celles impliquées dans le programme PROQCIMA, se tournent vers le marché américain, ce qui soulève la question de l'extraterritorialité du droit américain et de ses conséquences pour notre souveraineté militaire. La réponse réside dans la construction d'un marché européen potentiellement plus vaste que le marché américain et capable d'offrir des débouchés à nos entreprises.

Ma troisième recommandation porte spécifiquement sur le programme PROQCIMA. Les auditions ont régulièrement souligné l'absence de visibilité quant aux perspectives de financement au-delà de 2028. Cette situation découle en partie de la temporalité politique, mais je crains que cette absence de perspective n'entraîne une fuite de nos pépites technologiques vers d'autres marchés. Nous devons tout mettre en œuvre pour pérenniser ces financements, car il en va de la souveraineté de nos armées dans un contexte de compétition mondiale accrue.

M. Thierry Tesson (RN). Je souhaite vous interroger sur le fonds DefInvest. Le gouvernement évoque fréquemment l'économie de guerre. Or, si nous constatons que les entreprises ont réellement investi, notamment dans l'augmentation de la production des canons Caesar, le soutien que nous leur apportons demeurent très limité. Le Rassemblement national soutient l'augmentation du fonds DefInvest et envisage même, à terme, la création d'un fonds souverain. Pensez-vous que la taille actuelle de ce fonds répond correctement aux besoins de notre base industrielle et technologique de défense (BITD) ?

M. Jean-Louis Thiériot (DR). Je vous remercie pour cette présentation d'ensemble. Je m'interroge sur l'évolution des sommes consacrées à la recherche stratégique. Au titre du la sous-action 07-01, les crédits de paiement passent de 11,950 millions d’euros à 10,048 millions d’euros. Il s'agit du financement des organismes indépendants de recherche, des think tanks, etc. Ces entités constituent un outil de rayonnement extrêmement important sur la scène académique internationale. Nous le constatons à Bruxelles, à Berlin et dans tous les pays où nos think tanks jouent un rôle significatif. Je m'interroge sur les causes de cette diminution dont la conséquence serait, potentiellement, l'arrêt de missions ou la fermeture de postes capitaux pour notre rayonnement universitaire. Vous semble-t-il opportun de modifier cette orientation lors de l’examen du texte dans l'hémicycle ? Les.

Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Le fonds DefInvest, financé par le ministère des armées et géré par la BPI, reste à son niveau de 100 millions d’euros, ce qui est loin d’être négligeable s’agissant d’investissement dans les PME. Il est complété par d'autres dispositifs de financement comme, par exemple, France 2030. Quant aux crédits consacrés à la recherche stratégique, il est vrai qu’il semble diminuer mais l’essentiel de cette baisse est lié à leur transfert vers l’action 08 Relations internationales et diplomatie de défense du même programme. Je partage néanmoins avec vous la nécessité de soutenir la recherche académique, instrument essentiel de notre rayonnement et de notre influence, comme l’a rappelé la directrice générale de l'école polytechnique lors de son audition.

J'attire votre attention sur un sujet qui me tient à cœur : le financement des start-up créées par les chercheurs et les moyens de maintenir et développer ces entreprises en France ou en Europe C’est un défi essentiel si nous souhaitons conserver notre souveraineté dans des secteurs d’avenir.

Mme Caroline Colombier (RN). En qualité de membre de la délégation parlementaire au renseignement, je souhaite vous poser deux questions. La première concerne la DGSE. L'enveloppe dédiée à l'innovation opérationnelle croît de 30 millions d'euros. Ces crédits visent-ils prioritairement le développement souverain de nos outils d'intelligence artificielle (IA) et de cyber-renseignement, ou plutôt des achats sur étagère, avec les implications que cela comporte pour l'indépendance de nos capacités ? Concernant la DRSD, la hausse de 40 % des crédits pour ses systèmes d'information soutient-elle un objectif quantifiable ? Quels indicateurs précis traduiront dès 2026 l'efficacité de la nouvelle base de souveraineté et l'intensification de l'activité de contre-ingérence, notamment pour la protection de notre BITD ?

M. Bernard Chaix (UDR). En 2024, 67 % des entreprises françaises ont subi des cyberattaques, entraînant des pertes estimées à 100 milliards d'euros. Seuls des investissements massifs dans l’IA, notamment dans le supercalculateur Asgard, nous permettront d'entraîner les algorithmes nécessaires à la neutralisation de ces cyber-menaces. Face à cette urgence, l'augmentation de 10,5 % des crédits du programme 144 constitue un pas dans la bonne direction. Ces crédits répondent à l'objectif initial de la LPM de consacrer 2 milliards d'euros à l’AI. Néanmoins, ces efforts suffisent-ils vraiment ? Le département de la Défense américain a investi 23 milliards d'euros dans l'IA militaire pour la seule année 2025. Dans le rapport de l'année dernière sur ce programme, la rapporteure évoquait le cas de nos petites et moyennes entreprises (PME) actives dans l'IA qui, faute d'investissements et de commandes ministérielles, s'expatriaient aux États-Unis. À la lumière du programme 144 présenté par le gouvernement, estimez-vous que les efforts consentis répondent à l'ampleur de ce défi technologique majeur ?

Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. En tant que membre de la délégation parlementaire au renseignement, vous n’ignorez pas que le DGSE limite naturellement la diffusion de nombres d'informations. N'étant pas habilitée à recevoir les informations que vous sollicitez, je ne peux pas vous répondre. S'agissant de votre deuxième question relative à la DRSD, je n’ai pas d’informations plus précises sur ce point.

Quant à savoir si la France sera à la hauteur des efforts nécessaires, je l’espère. J’ai insisté dans mon rapport sur la nécessité de développer des fonds français ou européens permettant à nos entreprises de se développer sans avoir à aller chercher des financements hors UE ou, pire à se délocaliser. Ces fonds doivent être publics mais les fonds privés peuvent aussi être mobilisés et, sur ce point, je plaide depuis plusieurs années pour que l'épargne des Français soit orientée vers les entreprises de défense et de sécurité.

Mme Catherine Hervieu (EcoS). Nous devons impérativement renforcer les capacités européennes de production d'armement. Pourriez-vous préciser comment l'Agence européenne de défense (AED) pourrait jouer un rôle prépondérant dans le futur programme d'investissement de la défense au niveau européen ?

Par ailleurs, la physique quantique constitue un domaine central dans notre société, bénéficiant d'une protection particulière par rapport à d'autres secteurs de la recherche. Dans une perspective de long terme, quelles raisons expliquent l'absence de visibilité concernant les perspectives de financement du programme PROQCIMA au-delà de 2028 ?

M. Jean-Louis Thiériot (DR). Je reviens sur la question de la recherche stratégique. Vous m'indiquez que cette réduction faciale de 1,5 million d’euros est reportée sur d'autres programmes, apparemment l'action 08. Cependant, je ne discerne pas la ventilation précise de ces crédits. J'observe éventuellement un report vers les études amont où nous constatons effectivement une augmentation des recherches, mais celles-ci sont à dominante technologique. Or, nous traitons ici spécifiquement de la recherche stratégique. Je n'ai pas identifié le fléchage précis de ces fonds.

Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis (Défense : Environnement et prospective de la politique de défense). L’AED joue un rôle central, notamment dans la dynamique de réarmement. Le programme pour l'industrie européenne de la défense (EDIP) est en cours de finalisation et devrait permettre à tous les États partenaires de bénéficier de cette mise en commun des ressources. C'est précisément pourquoi la sécurisation et le financement de l'AED revêtent une importance capitale. Certains souhaiteraient voir ces crédits diminuer, mais ils constituent véritablement l'une des conditions essentielles de la défense européenne aujourd’hui en construction. Je vous remercie pour cette question qui me permet de souligner l'importance de sanctuariser ces moyens qui contribuent à renforcer notre souveraineté.

Vous m'interrogez également sur l'absence de visibilité des financements au-delà de 2028. C’est un fait que le financement des étapes ultérieures (2 et 3) reste encore à définir. L’hypothèse actuelle est celle d’un effort partagé entre des crédits ministériels d’une part (principalement défense et recherche) et des crédits issus d’un éventuel plan d’investissement successeur à France 2030. En tout état de cause, la continuité d’investissement de l’État sera clé pour assurer la mise en œuvre de la stratégie long terme sous-tendue par PROQCIMA

Sur la recherche stratégique, le PLF 2026 présente effectivement une évolution à la baisse de 2 millions d’euros par rapport à 2025 mais cette baisse est en réalité moins prononcée. Elle s'explique principalement par le transfert de 1,7 million en autorisations d'engagement et en crédits de paiement vers l'action 8 « relations internationales et diplomatie de défense », en cohérence avec la finalité des activités menées et dans une logique de rationalisation des études stratégiques.

 

*

 

*         *

La commission en vient maintenant aux interventions des représentants des groupes politiques.

M. José Gonzalez (RN). Dans un monde de plus en plus conflictuel, l’examen du budget de la défense revêt une importance particulière. Notre chère France peut compter sur une armée exceptionnelle pour la défendre et faire respecter ses intérêts. Cet outil militaire, qui fait référence en Europe, repose sur des hommes et des femmes exemplaires, dévoués à leur patrie. Je tiens, au nom du groupe Rassemblement national, à les saluer et à leur témoigner notre plus profond respect.

Respecter nos militaires, c’est d’abord dire la vérité sur une réalité qu’ils connaissent et éprouvent sur le terrain. Certes, nous disposons d’un modèle d’armée complet, notre budget de la défense connaît sur le papier une hausse de 6,5 milliards d’euros, nos armées mènent avec succès des opérations comme Sagittaire, mais ce modèle est fragile. Malgré les surmarches annoncées, la loi de programmation militaire (LPM) est compromise et sa sincérité budgétaire remise en question : 13 milliards de recettes supplémentaires annoncées ne sont toujours pas réellement budgétées, et le secrétariat général pour l’administration (SGA) n’a pu donner aucune précision sur ces recettes miracles. L’inflation ronge le budget à hauteur de 30 milliards d’euros, selon les propres estimations du ministère des armées. Les reports de charges ont explosé avec un doublement en deux ans, passant de 3,8 milliards fin 2022 à plus de 8 milliards, et la surmarche de 3,5 milliards annoncée pour 2026 ne suffit même pas à les combler.

Malgré l’explosion de ces reports de charges, justifiés par une hausse légitime des achats de matériels, l’équipement des armées reste en souffrance et nous ne disposons plus, en tant que parlementaires, des données de maintien en condition opérationnelle (MCO), poste de dépenses traditionnellement coûteux.

Permettez-moi également, en tant que doyen de cette assemblée, de relativiser les accents triomphants du gouvernement quand il annonce des hausses budgétaires inédites ou qu’il disserte sur « l’économie de guerre », une expression fumeuse dans laquelle notre base industrielle et technologique de défense (BITD) ne se retrouve pas. La part du PIB consacrée à la défense était de 6,1 % en 1960, elle est estimée à 2,06 % cette année. Pour un pays qui n’est plus totalement en paix, comme le dit Sébastien Lecornu, il n’y a là rien d’exceptionnel – mais il est vrai que la modestie est une qualité peu développée en Macronie.

À cette situation financière déjà grave s’ajoute le coût de l’idéologie. Je pense aux lubies européistes qui, en dehors de toute logique industrielle, minent nos budgets, mettent à mal notre souveraineté et alimentent les carnets de commandes de la BITD américaine. C’est ainsi que 1,2 milliard d’euros sont budgétés pour le SCAF (système de combat aérien du futur) et 120 millions pour le MGCS (système principal de combat terrestre), c’est-à-dire pour des projets qui n’en finissent pas de mourir et que l’on maintient artificiellement en vie, au nom d’une Europe de la défense qui n’existe pas et que ne permet d’ailleurs aucun traité.

Autre idéologie : celle de l’écologisme débridé qui, dans un monde dangereux, ne voit pas d’autre priorité que d’imposer à nos armées des achats de véhicules électriques ou des plans de préservation de la biodiversité dans les casernes.

Nos armées doivent faire face à des failles capacitaires graves : manque de feu, manque de chars, manque de frégates, manque de Rafale, manque de munitions, manque d’entraînement pour tenir dans un conflit de haute intensité… Or, pour certains, la priorité est à l’écologie ou à l’Europe – Europe qui, avec ses programmes, va dépenser l’argent du contribuable français pour acheter américain, on le voit avec l’Allemagne qui passe commande de F-35.

Les armées ne sont rien sans les hommes et les femmes qui les composent. Là encore, il y a urgence. Pour 2026, les cibles de recrutement sont maintenues, mais c’est surtout à la fidélisation qu’il faut s’intéresser. En 2022, 35 % des primo-contrats étaient dénoncés. Certes, les efforts sont faits, notamment avec le plan Fidélisation 360, qui inclut désormais le plan Famille 2, tous deux en hausse pour 2026. Toutefois, sur un vecteur aussi stratégique que le logement pour assurer la fidélisation, les retards et les difficultés s’accumulent.

Respecter les armées, c’est enfin rétribuer à leur juste valeur ceux qui se sont battus en leur sein. Cette année encore, dans le monde combattant, la question du point de la pension militaire d’invalidité (PMI) cristallise les débats. Nous demandons qu’il soit aligné sur l’inflation, donc revalorisé d’au moins 1 %. Nous tenons également à la préservation de la politique de mémoire pour nos compatriotes juifs, qui font face à un antisémitisme débridé, ainsi que pour les anciens combattants indochinois ou harkis, si injustement maltraités.

Depuis l’adoption de la LPM, les constats que nous avons établis sur le manque de sincérité budgétaire, sur les failles capacitaires ou sur les enjeux liés aux ressources humaines se révèlent malheureusement justes.

Nous continuerons de mener notre combat en faveur d’une défense française solide, cohérente et souveraine. Pour reprendre une formule inscrite sur l’un des murs de la salle de notre commission, la raison d’être d’un État, c’est sa défense. Au Rassemblement national, nous aimons la France et nous voulons la défendre. Nous ne la sacrifierons pas à un délire d’État européen que d’aucuns, de manière plus ou moins assumée, appellent de leurs vœux. Vive nos forces armées et vive la France !

M. Yannick Chenevard (EPR). La situation internationale ne cesse de se dégrader. Les empires sont de retour, le droit international est piétiné : la loi du plus fort s’impose désormais. Depuis 2017, les lois de programmation militaire ont été exécutées à l’euro près. Compte tenu du contexte international, nous ne pouvons relâcher nos efforts. Pour 2026, les crédits de la mission Défense s’élèvent à 57,1 milliards d’euros – 6,7 milliards de plus qu’en 2025, soit une hausse de 13 %. Conformément aux annonces du président de la République, cette progression est supérieure de 3,5 milliards à la trajectoire initialement prévue par la LPM, ce qui représente 24,8 milliards de plus qu’en 2017.

Nous avons cru naïvement que la paix était durable. Si la société a profité des dividendes de la paix, nos armées ont largement réglé la facture. Avec le président Jean‑Michel Jacques et mon collègue Sébastien Saint-Pasteur, nous avons présenté un rapport d’information sur la mise en application de la loi de programmation 2024-2030. « Chacun doit mesurer que la préservation de la paix et de notre liberté dépend plus que jamais des décisions qui seront prises aujourd’hui », avons-nous souligné. Nous nous devons d’accompagner nos armées, et cela se traduit par le respect de la trajectoire de la loi de programmation militaire. Nous réparons, nous consolidons afin que le contrat opérationnel soit rempli.

En 2026, l’augmentation des crédits bénéficiera à l’ensemble des postes, mais ce sont plus particulièrement les matériels qui en profiteront, avec 13,9 milliards de crédits alloués aux investissements sur les équipements, soit une augmentation de 31,8 % par rapport à 2025.

Clé de voûte de notre sécurité nationale, le budget de la dissuasion connaît une augmentation de 7 %. Je rappellerai ici la nécessité de valider le lancement en réalisation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G), tout comme celui du porte-avions de nouvelle génération (PANG), qui doivent tous deux avoir lieu avant la fin de l’année.

Pour préserver le rang et la fiabilité de la France au sein de l’espace euro-atlantique et pour garantir la capacité de nos forces à s’engager, à l’emporter, une actualisation de la programmation militaire sera présentée à l’automne. Cette ambition oriente déjà le projet de loi de finances pour 2026, avec un effort ciblé sur des domaines capacitaires stratégiques : innovation, espace, drones, défense sol-air et munitions. Des investissements significatifs sont prévus au bénéfice de toutes les armées et de tous les milieux de conflictualité.

La mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation voit ses crédits reculer d’environ 6 %. Cette baisse tient d’abord à la diminution tendancielle du nombre d’ayants droit et d’ayants cause. L’enveloppe permet toutefois d’améliorer certains droits ou d’élargir l’éligibilité, lorsque cela est justifié. Le programme 169, doté de 1,66 milliard de crédits, garantit la reconnaissance et la réparation, finance la politique de mémoire et renforce le lien armée-nation. Quant au programme 158, il finance les réparations dues aux orphelins de la déportation et des persécutions antisémites ainsi qu’aux victimes de spoliation et d’actes de barbarie ; ces tâches essentielles seront remplies grâce aux 78,4 millions d’euros alloués en autorisations de programme (AE) et crédits de paiement (CP), une enveloppe dont le léger recul est dû à la décroissance naturelle du nombre de bénéficiaires.

Les crédits alloués à la mission Sécurités augmenteront de 371 millions pour atteindre 17 milliards. Elle concourt aux actions du ministère de l’intérieur et vise à assurer la sécurité de notre nation. Soulignons une nouvelle augmentation des effectifs attendue pour l’année 2026 et prévue par le projet de loi de finances.

Avec ce projet de budget, nous poursuivons les efforts entamés en 2017.

Nos armées ne valent que par celles et ceux qui les servent, et à qui je souhaite rendre hommage.

Mme Anna Pic (SOC). Au premier semestre 2023, lorsque nous examinions le projet de loi de programmation militaire 2024-2030, le groupe Socialistes et apparentés s’inquiétait de la sincérité des éléments budgétaires qui nous étaient présentés. Nous dénoncions un texte financièrement sous-doté au regard des principaux objectifs affichés ‑ maintenir notre modèle d’armée complet pour nous permettre d’être une nation-cadre auprès de nos partenaires européens et otaniens. Deux ans et demi plus tard, avec une surmarche de 3,5 milliards d’euros qui porte le budget de la mission Défense à 57,1 milliards, force est de constater que nous avions fait preuve de discernement et que nos préoccupations étaient fondées.

Une fois pris en considération les reports de charges, qui seraient plus justement désignés sous le terme d’impayés, et l’inflation, les ambitions nécessitaient d’être revues à la baisse. Bien sûr, nous accueillons avec une certaine satisfaction cette hausse des crédits, au vu du durcissement du contexte géostratégique et de la nécessité d’être au cœur de la nouvelle architecture de sécurité collective du continent européen que nous appelons de nos vœux. Néanmoins, cette augmentation ne doit ni se faire au détriment du modèle social auquel nous sommes attachés, ni nous dispenser de nous interroger sur les ambitions affichées par le gouvernement.

Le budget du ministère des armées est menacé par une crise de croissance induite par des rigidités budgétaires particulièrement préoccupantes. Ces dernières mettent en péril la soutenabilité à moyen terme de la trajectoire budgétaire. Elles se traduisent d’abord par une hausse des AE affectées non engagées, qui ont atteint 30,3 milliards fin 2023. Elles se manifestent ensuite par une hausse structurelle des restes à payer, qui ont quasiment doublé entre 2017 et 2024 pour atteindre 99 milliards fin 2024, si bien que près de 90 % des CP prévus en 2025, hors dépenses de personnel, étaient destinés à épurer ce stock qui continue d’être alimenté. Début 2025, ces rigidités étaient telles qu’au sein du programme 146, Équipement des forces, aucun crédit n’était disponible pour financer les nouveaux investissements prévus. Elles se révèlent aussi à travers une hausse anormale du report de charges, avec un stock de 8 milliards d’euros transféré de 2024 à 2025. Citons enfin une pratique budgétaire discutable de la réserve de précaution et une sous-estimation chronique des surcoûts, notamment pour les opérations extérieures (Opex) et les missions opérationnelles (Misops).

Parmi les conséquences de cette situation, soulignons des retards sur plusieurs segments capacitaires ou des reports, une absence de visibilité pour les acteurs de la BITD qui pèse cruellement sur la trésorerie des entreprises du secteur – tout particulièrement sur les PME et les ETI – et limite in fine la montée en puissance qu’exige d’eux l’injonction à l’économie de guerre, une baisse des crédits alloués au service de santé des armées, et une absence de marges de manœuvre pour renforcer l’ambition de la politique des ressources humaines et de l’action sociale du ministère.

Tout cela nourrit des inquiétudes sur notre capacité à faire preuve de souplesse en matière de redéploiements de crédits si cela s’avérait nécessaire au cours de l’année à venir, qui sera marquée par la réorientation et le renouvellement de la loi de programmation militaire.

Nous tenons également à souligner que, malgré des missions sans cesse élargies, la marine nationale ne profitera qu’à la marge de la surmarche budgétaire proposée. Si nous pouvons comprendre ce choix, nous tenons à saluer l’agilité de nos marins et appelons le gouvernement à répondre dans les plus brefs délais à certains de leurs vœux – je pense en particulier aux trois frégates qu’ils demandent de longue date.

Le budget de la mission relative au monde combattant connaît une baisse de crédits de 6,3 %. Certes, elle reflète la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires, mais elle affecte certaines enveloppes. Nous constatons l’absence de revalorisation du point de PMI en fonction de l’inflation et déplorons que le gouvernement n’ait pas transmis au Parlement le rapport qu’il devait lui remettre à ce sujet. Par ailleurs, les montants alloués à l’allocation de reconnaissance du combattant sont en baisse, tout comme la subvention d’action sociale à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), du fait de la fin de la mesure destinée aux pupilles de la nation devenus majeurs introduite en 2024, dont bénéficiaient 12 000 personnes.

Malgré l’ensemble de ces réserves, auxquelles nos amendements tenteront de répondre, nous voterons très probablement le budget de ces trois missions.

M. Jean-Louis Thiériot (DR). Examiner le budget de la défense, c’est toujours un moment de gravité. Ce que nous décidons aujourd’hui dans notre assemblée, c’est ce qui permettra demain de solder et surtout d’équiper celles et ceux qui portent les armes de la France au risque de leur vie et qui, en s’engageant, ont fait le choix de la mort comme hypothèse de travail. On ne peut avoir de discussions ici sans penser à ces femmes et ces hommes avec infiniment de gratitude.

Notre budget de la défense est marqué par un effort considérable : son augmentation s’élève à 6,7 milliards d’euros avec les marches et les surmarches. Cet effort répond à la gravité de l’heure, alors que pèsent des menaces à 360 degrés : flanc est de l’Europe –°le général Mandon a souligné cette menace majeure, à la suite de son prédécesseur, le général Burkhard –, Méditerranée, commerce maritime, outre-mer, menaces hybrides. Lors de l’examen de la LPM, le groupe Droite républicaine avait souligné que les objectifs fixés constituaient un minimum et que rien n’interdisait d’aller plus loin. Aujourd’hui, nous allons plus loin et nous saluons ce budget, en faveur duquel nous voterons.

Quelques points doivent toutefois retenir notre attention. Tout d’abord, nous ne voterons que des annuités budgétaires. C’est normal, car c’est une exigence de l’exercice, mais je regrette que des premiers jalons ne soient pas posés en vue des changements de format qu’opérera la future mise à jour de la LPM, qu’il s’agisse du nombre de frégates et de régiments ou de l’ampleur de la flotte aérienne. Il y a aussi une urgence : la frappe dans la profondeur. Certains éléments du budget concernent les lance-roquettes unitaires (LRU), mais il faut aller plus vite et réfléchir à nos capacités balistiques – missiles aérobalistiques et missiles balistiques terrestres –, qui sont décisives.

Enfin, je veux insister sur les coopérations. Nous souhaitons tous une mutualisation qui préserve notre souveraineté tout en permettant de faire plus et moins cher. Notre groupe sera favorable aux programmes comme ceux portant sur le SCAF ou le MGCS, à condition qu’ils répondent aux besoins, que le principe du best athlete s’applique et que la France conserve sa liberté de manœuvre au grand export, car il s’agit d’un élément de sa souveraineté et de sa diplomatie à l’échelle mondiale.

Cette hausse budgétaire n’est, je l’espère, qu’une première étape. Le budget de la défense représentera 2,2 % du PIB si le projet de loi de finances est voté ; pendant la guerre froide, lorsque la menace communiste était à nos portes, sa part était de 3,5 %.

Je terminerai en lançant un appel d’une certaine gravité. Tout ce que nous disons, tout ce que nous faisons n’aura de sens que si nous adoptons un budget. Nous ferons tout pour que ce soit le cas. Dans le cas contraire, les premiers qui souffriront, qui manqueront de moyens et d’entraînement, qui ne pourront pas assurer la sécurité des Français, ce sont nos soldats, nos militaires. La responsabilité commence ici, dans cette commission, et j’appelle tous les groupes à l’avoir à l’esprit quand viendra le moment de voter dans l’hémicycle. Nous le devons à la France, nous le devons à nos armées.

M. Damien Girard (EcoS). L’armée française est une armée expérimentée, efficace, en cours de modernisation. Toutefois, une révision de la LPM est nécessaire pour définir un modèle d’armée qui réponde aux menaces qui pèsent sur notre pays. Ces discussions budgétaires doivent être l’occasion de proposer les premiers éléments d’une doctrine de défense de sécurité globale, car la profondeur stratégique ne peut se penser uniquement en termes géographiques et capacitaires ; elle doit aussi se comprendre comme une capacité des sociétés à renforcer leur résilience face aux conséquences du réchauffement climatique et à maîtriser leur dépendance énergétique, industrielle ou alimentaire.

La France fait face à des puissances qui utilisent tout le spectre de la guerre hybride pour porter atteinte à ses intérêts de sécurité. Nous proposons ainsi de porter à 1 milliard d’euros par an l’effort consacré à la réserve opérationnelle de l’armée de terre. Nous proposons également de renforcer les moyens des services de santé des armées et de moderniser les infrastructures de santé, militaires comme civiles. Ces menaces étant continentales, il appartient à notre pays de s’inscrire pleinement dans un cadre européen, fondé sur la mutualisation des moyens, la complémentarité industrielle et une autonomie décisionnelle partagée.

Pour ces raisons, notre groupe appelle à la préparation, d’ici à 2027, d’un nouveau Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale et européenne, adossé à un débat démocratique approfondi sur notre modèle d’armée, nos dépendances et notre doctrine d’emploi des forces. Il s’agira d’aller beaucoup plus loin que le Livre blanc de la Commission européenne, qui ne remet pas en cause la dépendance européenne à l’Otan et aux États-Unis. Nous saluons à ce titre la poursuite des projets européens financés par le programme 146. Si nous partageons le constat que certains programmes européens présentent un risque de pilotage déséquilibré, nous refusons de claquer la porte et appelons à toujours rechercher des alternatives européennes. L’Europe, c’est en effet la masse, comme l’a déclaré devant notre commission le chef d’état-major des armées, le général Mandon. Et la masse est un facteur de supériorité stratégique. La dissuasion nucléaire ne suffit pas. L’agression d’un pays non doté d’armes nucléaires par un pays qui l’est montre la vulnérabilité de notre modèle. Nous devons renforcer notre dissuasion conventionnelle à l’échelle européenne pour être capables de répondre collectivement à une guerre de haute intensité. La France doit y prendre sa part, en tirant pleinement parti de ses atouts que sont ses forces aéronavales, ses capacités de frappe en profondeur ou ses divisions projetables.

Par ailleurs, même si l’on augmente les crédits dédiés à la défense, nous devrons toujours avancer avec des budgets contraints. Nous savons la nécessité d’un effort de défense accru, mais nous insistons pour que celui-ci ne se fasse jamais au détriment des budgets sociaux et écologiques, qui sont essentiels. Cet effort doit être débattu démocratiquement et financé en priorité par les plus aisés. La politique de défense n’a pas à rester un domaine réservé. Il importe que le Parlement soit pleinement associé à son pilotage. Nous proposons la création d’une instance parlementaire de suivi capacitaire et budgétaire de la LPM, dotée d’experts civils et militaires indépendants.

L’effort de défense doit suivre un principe de stricte suffisance et améliorer la gouvernance budgétaire de nos armées, dont les lourdeurs risquent d’annuler les effets bénéfiques de la LPM. Il faut renforcer la subsidiarité budgétaire, qui est un gage d’efficacité, comme l’a montré l’expérience de l’armée ukrainienne. Nous proposons 100 000 euros par formation administrative pour les achats d’équipements de proximité et 100 millions d’euros par armée pour les dépenses urgentes, en gestion autonome. C’est une révolution administrative nécessaire pour renforcer les capacités d’innovation, de subsidiarité et de réactivité de nos armées.

Enfin, nous devons envoyer un signal de solidarité à nos alliés ukrainiens et de constance stratégique à la Russie, qui entretient une menace systémique à notre encontre. La sécurité de l’Europe se joue aujourd’hui en Ukraine. La France lui a déjà apporté près de 8,6 milliards d’euros depuis 2022, mais l’effort européen s’essouffle – l’aide mensuelle a chuté de 57 % depuis le début de l’année. Il nous faut donc sanctuariser dans le PLF, au sein du programme 146, une ligne budgétaire dotée de 300 millions dédiée au soutien à l’effort de défense ukrainien. Cela représente seulement deux jours de combats de l’armée ukrainienne.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Il serait difficile de ne pas nous montrer satisfaits devant ce budget de la défense en forte progression, de 6,7 milliards d’euros. Il s’agit d’un effort remarquable dans la période budgétaire complexe que nous connaissons, tout comme est remarquable l’augmentation constante depuis 2017 du budget des armées, qui est passé de 32 à 57 milliards. Je veux saluer la vision et la volonté forte du président de la République, chef des armées.

Le présent budget s’inscrit dans un contexte international particulièrement tendu : guerre en Ukraine, instabilité au Moyen-Orient et au Proche-Orient, désengagement progressif des États-Unis. Cela impose d’accélérer la montée en puissance de nos armées et de nos engagements auprès de nos partenaires.

Ce budget vient renforcer de 3,6 milliards la trajectoire prévue par la LPM et concrétise de nouvelles ambitions portées par la révision de la revue nationale stratégique (RNS), à laquelle nous avons collectivement apporté notre contribution.

Les quatre programmes de la mission Défense progressent fortement, avec une dynamique particulière pour le capacitaire. Le réarmement donne la priorité aux moyens de souveraineté – dissuasion et espace –, aux munitions et à la capacité des armées à s’engager à court terme – drones, défense sol-air, guerre électromagnétique, frappes dans la profondeur ‑ tout en accentuant l’investissement dans les technologies de rupture.

La remontée en puissance ne saurait être uniquement matérielle ; elle repose aussi sur les femmes et les hommes qui composent nos armées. Ainsi, 830 postes supplémentaires seront créés, notamment dans des domaines stratégiques, et la politique salariale continuera de s’améliorer, en particulier avec le rattrapage indiciaire des officiers. En outre, la réserve opérationnelle poursuit sa montée en puissance.

Je veux remercier nos rapporteurs pour avis pour leurs analyses. Nous mesurons l’importance de l’adaptation permanente de nos armées et de l’agilité qui leur est nécessaire sur les plans stratégique, capacitaire et humain. Les enjeux sont majeurs dans le contexte international que nous connaissons. Permettez-moi de dire tout mon respect et ma gratitude à l’ensemble de la communauté de défense, militaire et civile. Nous veillerons à la révision de la LPM et à l’utilisation de la surmarche de 3,6 milliards.

Les crédits de la mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation, qui s’élèvent à 1,7 milliard d’euros, connaissent une baisse qui reflète principalement la diminution naturelle du nombre des bénéficiaires. Aucune des actions mises en œuvre en faveur du monde combattant n’a été supprimée. Toutefois, j’accorderai une attention particulière à la valeur du point de PMI. En 2022, il avait été décidé avec les associations – et je m’y étais personnellement engagée – qu’il y aurait une clause de revoyure tous les deux ans. Or cela n’a pas été le cas. Je demande instamment qu’elle soit mise en œuvre. Ce n’est pas forcément sur l’inflation qu’il faut aligner l’évolution du point de PMI ; déterminer sa progression nécessite de mener des études complexes.

Le programme Gendarmerie nationale, dont les crédits augmentent de 158 millions, est marqué par un renforcement du maillage territorial, le déploiement de cinquante-huit nouvelles brigades et la montée en puissance de la réserve opérationnelle, toutes choses importantes pour nos territoires qui comptent sur la gendarmerie pour assurer leur sécurité. Nous devons être sensibles à l’effort consacré à l’immobilier, qu’il faudra pérenniser, notamment en le plaçant parmi les priorités de la programmation pluriannuelle.

Le groupe Les Démocrates votera bien sûr ces trois budgets, après avoir examiné avec soin les amendements. Notre responsabilité est de trouver toutes les solutions pour que ce projet de loi de finances soit voté, faute de quoi nous mettrions nos armées, en particulier la gendarmerie, en grande difficulté. Ici, dans cette commission, nous voulons les faire avancer. Tâchons de ne pas les faire reculer dans l’hémicycle ! L’heure est trop grave.

M. Loïc Kervran (HOR). Les trois missions que nous examinons sont absolument essentielles pour la protection des Français et de leur territoire. Quand j’ai été élu député, il y a huit ans, la somme que notre pays consacrait à sa défense était d’un peu plus de 30 milliards d’euros ; si nous adoptons ce budget, elle avoisinera 60 milliards. Nous pouvons tous être fiers d’avoir accompagné cette montée en puissance.

Nous vivons dans un monde dangereux. La France est confrontée à de nombreuses menaces émanant d’acteurs variés. Aux conflits conventionnels s’ajoutent les menaces hybrides et de nouveaux champs de conflictualité comme le cyber, l’espace ou la désinformation. La Russie menace le flanc est de l’Europe, l’Indo-Pacifique demeure un foyer majeur de tensions, et les crises se multiplient au Proche-Orient et au Moyen-Orient.

Notre groupe déplore une forme de déconnexion entre le débat national et les priorités qui devraient guider l’action de la nation. Alors que la dette publique et le déficit menacent notre souveraineté, nous dépensons toujours plus. Alors que nous devrions renforcer la compétitivité de nos entreprises face aux géants étrangers, certains souhaitent au contraire taxer davantage, décourager l’investissement et l’entrepreneuriat. Nous espérons que le débat sur ces crédits permettra de nous recentrer sur les enjeux les plus pressants : la protection de nos intérêts et de notre souveraineté, la montée en puissance de nos armées, la participation de la nation tout entière à l’effort de défense.

Sur la mission Défense, avec une augmentation de 6,7 milliards d’euros, soit 3,5 milliards de plus que ce que prévoyait la trajectoire de la LPM, nous faisons le choix d’un réarmement rapide et maîtrisé. C’est un signal de fermeté adressé à nos adversaires, un gage de crédibilité envoyé à nos alliés, et une marque de confiance pour nos armées.

Le projet de loi de finances consacre des moyens inédits à la modernisation de nos équipements et au soutien de la base industrielle et technologique de défense. Ces investissements garantissent notre autonomie stratégique, mais ils irriguent aussi l’économie nationale et soutiennent des milliers d’emplois hautement qualifiés dans l’industrie et la recherche.

L’effort consenti pour les femmes et les hommes du ministère des armées mérite également d’être salué. Pensons au plan Fidélisation 360, à la création de nouvelles crèches, à la rénovation de logements, à la montée en puissance de la réserve, à la réforme statutaire des officiers.

Pour le monde combattant, le budget traduit la constance et la fidélité de la nation envers celles et ceux qui se sont engagés pour elle. Il poursuit une politique ambitieuse de réparation et d’accompagnement à travers, par exemple, le renforcement du dispositif Athos pour la prise en charge des blessures psychiques, et le soutien réaffirmé à l’Institution nationale des Invalides.

La mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation consacre la continuité de notre engagement envers les harkis et leurs familles. Elle incarne le devoir moral de l’État à l’égard des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie de la seconde guerre mondiale. Elle est également tournée vers la jeunesse et vers l’avenir, à travers la journée défense et citoyenneté (JDC) nouvelle génération et le plan Ambition armées‑jeunesse.

Enfin, au sein de la mission Sécurités, la gendarmerie nationale, qui assure la protection de plus de la moitié de la population française, voit ses moyens augmenter tant pour les missions d’ordre et de sécurité publics que pour l’accroissement des effectifs – ce qui est bienvenu, si l’on veut réellement déployer de nouvelles brigades dans les zones rurales ‑ et la montée en puissance de la réserve opérationnelle.

Les crédits de ces trois missions forment un tout cohérent. Ils renforcent la crédibilité de la France sur la scène internationale, la protection des Français au quotidien et le lien armée-nation. Nous les adopterons, conscients de ce que nous devons à celles et ceux qui servent la France tous les jours et à qui nous rendons hommage.

M. Laurent Mazaury (LIOT). Au nom du groupe LIOT, je tiens d’abord à saluer l’engagement sans faille de tous nos militaires qui, chaque jour, œuvrent pour la sécurité de nos concitoyens et de notre République. Dans un contexte géopolitique toujours plus instable, le soutien des parlementaires envers nos militaires doit être à la hauteur. C’est pour cette raison que, sans suspense, notre groupe votera pour les crédits de ces trois missions. Ce vote favorable ne signifie pas pour autant que nous donnons un blanc-seing au gouvernement. Comme je n’ai que cinq minutes et que le cumul des crédits des trois missions représente 95 milliards d’euros, soit 19 milliards la minute, je vais limiter mon propos à trois sujets.

Je soulignerai d’abord le point le plus positif, la hausse de nos dépenses militaires de 6,7 milliards d’euros. Dans le contexte budgétaire actuel, notre groupe salue le respect de la programmation militaire et la surmarche pour accélérer notre réarmement. Le ministère des armées a gagné la bataille des chiffres avec Bercy, il doit maintenant gagner la bataille de l’opinion. Alors qu’on demande des efforts à tous nos services publics, aux écoles, aux hôpitaux, à la culture, il faut que le ministère des armées soit exemplaire. Il y a là un enjeu fort en termes d’acceptabilité. Cette bataille de l’opinion, il faut la gagner au niveau national, mais aussi au niveau européen. C’est sur cette base que l’on pourra prendre des décisions courageuses.

Si l’on cherche des crédits, il y a une manne financière qu’on ne peut plus laisser de côté : les avoirs russes gelés en France. J’ai déposé une proposition de résolution, très largement cosignée par les membres des différents groupes de notre assemblée, demandant que ce capital soit enfin mobilisé au profit de l’Ukraine. Il faut être clair à propos de ce conflit : l’agresseur, c’est Poutine ; l’ennemi, c’est la Russie. Dans ces conditions, il est légitime que ces avoirs contribuent à l’effort de guerre, mais surtout à la reconstruction, conformément au droit international. Au niveau européen, ça bloque : encore cette semaine, la Belgique s’est opposée à l’utilisation des avoirs. Pourtant, il ne faut pas attendre. La France peut agir seule sur les avoirs bloqués sur son territoire, faute de quoi il faudra financer les dépenses par la dette, et je ne pense pas que cela plaise à nos concitoyens.

Le deuxième sujet que je tiens à aborder concerne les conditions de vie de nos militaires. L’efficacité de nos armées passe par des conditions de logement et de vie décentes. C’est d’autant plus vrai pour l’armée de terre, où l’hébergement en caserne a historiquement une fonction éminemment structurante. Or, dans nos territoires, le parc est dégradé : les bâtiments sont souvent vétustes, parfois même insalubres. On a un peu l’impression que les conditions de vie sont devenues, au fil des années, la variable d’ajustement budgétaire du ministère. Lorsque je travaillais au cabinet du ministre de la défense, il y avait à côté de mon bureau une cellule ayant pour unique mission de traiter les problèmes liés aux bâtiments : les documents que j’ai pu voir étaient atterrants, mais nous pouvons malheureusement faire les mêmes constats aujourd’hui. Cette situation présente donc des risques : un risque de fracture sociale au sein même de l’institution militaire, un risque pour la préparation opérationnelle, un risque pour la cohésion des unités, et un risque pour l’attractivité des armées. Le général Hubert Bonneau a dressé le même constat pour la gendarmerie nationale : manque d’effectifs, unités sous tension, flotte automobile vétuste. Quand je vois défiler les milliards que nous votons pour les ministères, je ne peux pas accepter qu’ils ne profitent pas aux femmes et aux hommes qui servent la nation avec un dévouement remarquable.

Je consacrerai mon dernier point à nos liens avec l’Otan. Je rappelle que la logique de défense collective est au cœur de l’idée française d’autonomie stratégique de l’Europe. Elle passe par un renforcement du pilier européen de l’Otan. En 2026, la France reste le quatrième contributeur, avec près de 415 millions ; c’est louable, mais cela n’efface pas le regain de méfiance au sein même de l’organisation. L’enjeu, désormais, est qu’au-delà des contributions budgétaires, notre pays maintienne son niveau d’influence au sein de l’Alliance. Mon collègue David Habib est chargé d’un rapport sur ce sujet, et j’espère que votre commission suivra de près ses recommandations.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera pour ces crédits, tout en restant bien évidemment très attentif à leur mise en œuvre concrète.

M. Édouard Bénard (GDR). Le PLF pour 2026 prévoit une hausse de 13 % du budget de la mission Défense, soit un montant actualisé de 57,2 milliards de CP, hors pensions civiles et militaires de retraite. Cette somme astronomique marque une progression ô combien significative, conforme, semble-t-il, à la trajectoire fixée par la LPM. Au-delà de cette envolée budgétaire, une question subsiste : que nous dit ce budget de l’état réel de nos armées ? Est-il une nouvelle fois question de dépenser sans compter, ou s’agit-il de renforcer véritablement la capacité opérationnelle de la France ?

Le PLF pour 2026 concentre l’essentiel de ses efforts capacitaires dans ses trois armées. Pour l’armée de terre, le programme Scorpion continue de monter en puissance avec la modernisation du char Leclerc, la transformation d’infrastructures sur plusieurs dizaines de sites, ou encore la livraison des Griffon, des Jaguar et des Serval. Côté pile, l’objectif est clair et assumé, il s’agit de préparer nos forces armées au combat de haute intensité. Côté face, de nombreux problèmes demeurent. La reconstitution de nos stocks de munitions, notamment pour les petits calibres, avance lentement, et le maintien en condition opérationnelle reste sous tension, pesant sur la disponibilité de nos véhicules. Résultat : un équipement flambant neuf sans entretien régulier, des munitions insuffisantes, une capacité qui n’a plus de réelle que le nom.

Dans les airs, le constat est le même. Le budget 2026 consacre plusieurs milliards aux Rafale F5, aux drones Male (moyenne altitude longue endurance), ou encore au programme SCAF qui, soit dit en passant, suscite de plus en plus de frilosité à Berlin. En attendant, le taux de disponibilité de nos flottes aériennes peine encore à dépasser 65 %. En réalité, nous discutons du combat du futur alors que le combat au présent repose encore sur des appareils partiellement immobilisés. La modernisation est nécessaire, mais elle ne peut produire ses effets que si elle s’accompagne d’un soutien industriel solide, d’un nombre suffisant de techniciens spécialisés et d’un renforcement du MCO afin d’éviter les goulots d’étranglement.

Cette question du taux de disponibilité de nos armées renvoie à un enjeu plus large, celui de la transparence budgétaire. Le programme 146, Équipement des forces, fixe bien des objectifs pour l’année 2026 : un taux de réalisation des livraisons de 85 %, une évolution annuelle moyenne des délais de réalisation des opérations d’armement principales inférieure à deux mois, une évolution moyenne des devis à terminaison inférieure ou égale à 1,5 %, des intérêts moratoires inférieurs ou égaux à 0,5 %. Cependant, ces chiffres échappent au contrôle parlementaire, car nous ne savons pas quels programmes respectent pleinement leurs objectifs et lesquels dérapent. Sans cette visibilité, le Parlement ne peut pas contrôler efficacement la dépense publique et en mesurer les effets sur la disponibilité et la performance de nos forces armées. En ce sens, il serait légitime d’exiger la publication annuelle de ces données, programme par programme.

Cette quête de clarté est d’autant plus nécessaire que notre pays nourrit une ambition maritime de premier plan dans l’Indo-Pacifique, l’Atlantique, la Méditerranée et dans nos territoires ultramarins. Le PLF pour 2026 lui consacre 4,1 milliards d’euros, soit près d’un quart du budget de la préparation des forces. Parmi ces crédits, 108 millions sont fléchés vers le numérique naval, un demi-milliard vers les infrastructures portuaires et près de 600 millions vers le porte-avions du futur. Ici encore, ces milliards n’ont de sens que s’ils s’accompagnent d’une amélioration de la disponibilité réelle des frégates, des sous-marins ou des patrouilleurs. S’agissant du PANG, il est impératif d’anticiper les risques liés aux coûts et aux délais afin d’éviter qu’ils n’absorbent les crédits du MCO et fragilisent toute la flotte existante. Il serait donc pertinent que le Parlement dispose d’indicateurs et de trajectoires de disponibilité très précis pour mesurer la progression réelle du parc naval, ainsi que des plans de maintenance afin de prévoir d’éventuelles périodes de creux opérationnel.

Si ce budget traduit une volonté indéniable de réarmer la France, il doit cependant pouvoir reposer sur trois piliers essentiels : des forces réellement prêtes et disponibles ; une dépense publique transparente et mesurable ; une ambition stratégique mise en œuvre avec rigueur. Pour réarmer, il ne suffit pas d’acheter ; il faut également entretenir, former, anticiper et rendre des comptes.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Entêtement, effets d’annonce et rafistolage : ce n’est pas le titre d’une comédie, hélas, mais le sous-titre de la mission Défense de ce budget, qui est un véritable théâtre d’ombres.

Commençons par le début. Nous avons sous les yeux le budget défendu par une ministre qui n’a pris aucune part dans son élaboration, puisqu’elle l’a découvert à peu près en même temps que nous. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour l’idée que l’on se fait de la démocratie et du contrôle parlementaire, cela veut dire beaucoup. Notons ensuite que si la hausse des autorisations d’engagement et des crédits de paiement est incontestable, elle pose deux questions : d’une part, celle de la soutenabilité de la trajectoire budgétaire, que nous avions évoquée l’an dernier avant que le 49.3 nous prive de débats en séance ; d’autre part, celle de la sincérité, car il n’y a pas lieu de se réjouir d’une hausse deux fois plus élevée que celle prévue par la LPM. On ne le répétera jamais assez, si le budget de la défense a dû être doublé par rapport au niveau prévu il y a deux ans, soit plus d’un an après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, alors il faut nécessairement en conclure que le projet du gouvernement était soit sous-calibré, soit sous-budgété.

Cela n’émeut apparemment pas grand monde, mais c’est là aussi un problème démocratique fondamental. À chaque fois que nous avons ingénument demandé aux personnes auditionnées par notre commission quelles dépenses, au sein de chaque programme, bénéficiaient de la marche et quelles autres de la surmarche, nos interlocuteurs furent en peine de répondre. L’exécutif a avoué à demi-mot que le travail sur la LPM avait été bâclé, puisque le président de la République a annoncé une nouvelle loi de programmation militaire. Je constate néanmoins qu’elle ne figure pas dans l’ordre du jour prévisionnel communiqué par le gouvernement et partagé hier par la présidente Yaël Braun-Pivet. Celles et ceux qui traitent les sujets de défense avec sérieux – et il y en a ! – ne savent plus vraiment à quel saint se vouer.

On en est donc réduit à conjecturer que, aux yeux même de ceux qui l’ont faite, quelque chose dans cette LPM ne va pas et mérite d’être corrigé, tout en constatant que les orientations structurantes qu’elle comporte sont toutes confirmées, jusqu’à l’absurde parfois ‑ et jusqu’au sabotage, suis-je même tenté de dire. Il en va ainsi du projet de SCAF, mais aussi et peut-être surtout du MGCS, dont nous annonçons depuis des années qu’il signera la liquidation de la capacité industrielle française dans le secteur des chars, notamment du fait de la déloyauté du « partenaire » allemand, trop heureux que Rheinmetall demeure le seul acteur sur le marché européen à l’issue de ce fiasco programmé. Cette histoire est emblématique, et nous appelons à un sursaut. L’exécutif doit absolument cesser de se bercer d’illusions s’agissant de ce qu’il appelle abusivement « l’autonomie stratégique européenne », dont la seule manifestation concrète, le programme ReArm Europe, n’est autre chose qu’un moyen pour l’Allemagne de convertir son outil industriel et pour les États-Unis de consolider leur influence en vendant du matériel produit en Europe sous licence américaine. Il serait temps de se réveiller : le déclassement de la France n’est pas loin.

Le cadre géopolitique dans lequel le gouvernement situe son action n’a nullement changé, comme l’atteste l’explosion de la contribution financière à l’Otan, alors même que Trump, à la Maison-Blanche, menace et pressure ses alliés. Ses foucades n’ont d’ailleurs pas fini de nous mettre en danger, puisqu’il évoquait hier l’idée d’en finir avec la technologie des catapultes électromagnétiques qui doivent équiper notre futur porte-avions. Cette dépendance massive devrait cesser, à mon avis, de faire lever les yeux au ciel quand on l’évoque. Et que dire de la dépendance de la France tout entière vis-à-vis des services informatiques des Gafam ?

S’il est évident que dans les armées, soldats et officiers œuvrent sans relâche – et nous les saluons – pour anticiper la guerre de demain avec d’incontestables réussites, il est aussi clair qu’ils sont freinés par l’absence de réflexion politique sur le format des armées. On hésite à passer de quinze à dix-huit frégates, sujet d’importance certes, mais où en est-on du programme massif de drones dont la marine aurait besoin pour assurer notre souveraineté sur notre vaste territoire maritime et protéger nos approches ? Qu’on autorise en passant le membre du Conseil consultatif des Terres australes et antarctiques françaises (Taaf) que je suis à alerter sur le besoin de lancer la construction du Marion Dufresne 3, navire à la fois civil et militaire qui dessert les Taaf.

Il reste beaucoup à dire concernant l’espace, la frappe dans la profondeur, le changement climatique ou encore la production de munitions – nous y reviendrons lors de l’examen des amendements. Ne disposant que de cinq minutes, je suis obligé de dire brièvement qu’il est regrettable de devoir déposer, année après année, des amendements semblables pour revaloriser le point de PMI, garantir la demi-part fiscale des veuves et s’assurer que les droits des tirailleurs, des combattants d’Afrique du Nord et de leurs descendants sont réellement reconnus. Force est de constater qu’il y a loin des paroles sur la reconnaissance de la nation aux actes.

J’ajoute, monsieur le président, que mon groupe regrette que vous n’ayez pas suivi l’exemple de Thomas Gassilloud, qui avait choisi de saisir notre commission pour avis au sujet de la réforme des retraites. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, en cours d’examen devant la commission des affaires sociales, comporte des dispositions entravant le cumul emploi-retraite, un dispositif spécifique aux carrières militaires qui concourt à leur attractivité. Notre commission aurait dû éclairer ce point technique complexe, qui suscite non sans raison l’inquiétude dans nos armées. Le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire sera extrêmement vigilant à ce sujet durant l’examen du PLFSS en séance.

 

*

 

*       *

La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense ».

Article 49 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN3 de M. Damien Girard

M. Damien Girard (EcoS). Mon amendement vise à concrétiser l’adaptation opérationnelle de nos forces à la réalité de la guerre de haute intensité. La semaine dernière, le chef d’état-major des armées a confirmé devant nous la pertinence des propositions du rapport d’information sur la masse et la haute technologie, élaboré par M. Thomas Gassilloud et moi-même, s’agissant d’un besoin de confiance accrue dans l’autonomie capacitaire de nos forces. Des enveloppes à disposition des unités existent déjà, mais elles sont limitées et supposées être dédiées à des dépenses logistiques.

Faire confiance au terrain et à nos militaires est donc l’objet de cet amendement, qui vise à créer de véritables enveloppes de subsidiarité en offrant une marge de manœuvre supplémentaire aux unités administratives de base pour l’achat de petit capacitaire. Je garde ainsi en mémoire l’achat de drones sur ses fonds logistiques régimentaires par le 1er RHP (régiment de hussards parachutistes) de Tarbes afin de s’entraîner à ce nouvel outil. De telles enveloppes dédiées à l’innovation et à la dotation capacitaire seraient un terreau pour l’innovation, l’expérimentation et l’adaptation de nos forces, tout en permettant rattrapage du petit capacitaire encore manquant sur le terrain.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Le sujet est intéressant, mais il relève de l’actualisation de la LPM et je propose en outre de ne pas pénaliser la politique immobilière du programme 212.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Merci, monsieur Cormier-Bouligeon, de défendre la politique de logement du programme 212, qui est en effet fondamentale.

Pourrions-nous, au lieu d’évoquer les gages, avoir un débat sur le fond ? Notre groupe votera contre cet amendement parce que, d’après ce que j’ai compris des auditions que j’ai menées, l’essentiel du budget de la surmarche a déjà été affecté à des munitions. Cela pose problème : soit la LPM a été bien pensée, et les munitions auraient alors déjà dû être prévues, soit elle a été sous-évaluée, et nous avons alors besoin d’une surmarche. Je ne pense donc pas que la question soit de savoir si cela relève de la révision de la LPM, qui n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour du Parlement. De fait, puisque nous disposons de l’ordre du jour prévisionnel jusqu’en février, j’ignore si cette LPM sera examinée avant le début du mandat du prochain président.

 

M. Thomas Gassilloud (EPR). Je voterai contre l’amendement mais j’en soutiens le principe et souhaite que nous en débattions en séance publique.

Je voterai contre car il faut être attentif à l’affectation et au montant des crédits transférés. Il y a dans l’armée de terre 100 unités élémentaires et nous parlons de 150 000 euros par unité, soit 15 millions en tout et non 1,5 milliard.

Ce qui importe, c’est la subsidiarité. Il faut offrir aux chefs militaires de terrain davantage de souplesse et de réactivité pour acheter des équipements. Les enveloppes de subsidiarité de l’armée de terre sont sans doute les euros les mieux dépensés du ministère.

Elles permettent aux chefs de terrain de se fournir auprès d’entreprises de leur territoire, de façon réactive et utile, sans forcément passer sous les fourches caudines des classiques procédures d’attribution des marchés publics. Les augmenter un peu présente un grand intérêt pour nos forces. Si un chef de corps peut envoyer 1 000 personnes au combat, nous devrions pouvoir lui donner l’équivalent de 100 euros par personne pour acheter des petits équipements de terrain.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). La subsidiarité telle que la décrit notre collègue Thomas Gassilloud me laisse sceptique. Je comprends la logique de réactivité, de souplesse et d’efficience, mais en ce qui concerne le capacitaire stricto sensu, à l’exclusion du MCO, surtout s’il s’agit de munitions, sa proposition va trop loin.

M. Thomas Gassilloud (EPR). Ces enveloppes, d’un montant unitaire d’environ 150 000 euros, servent à trois choses dans les régiments : l’entretien des infrastructures – depuis la réforme des bases de défense, il faut parfois remonter très haut pour changer une ampoule ; le soutien aux familles ; l’achat de petits équipements à usage spécifique au régiment, dont les munitions ne font pas partie.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN148 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à augmenter de 150 millions les crédits de la sous-action Soutien des forces par les bases de défense alloués au Centre interarmées de coordination du soutien (Cicos). Trois déficits structurels majeurs menacent le fonctionnement quotidien de nos forces.

Premièrement, la hausse des coûts de l’énergie des dernières années a grevé le budget des bases de défense de 160 millions. Deuxièmement, le Cicos ne récupère pas les 100 millions attendus en 2025 du compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État, en violation des dispositions de l’article 4 de la LPM 2024-2030, qui prévoit le retour de l’intégralité du produit des cessions immobilières du ministère des armées. Troisièmement, l’accumulation de la dette grise et les transferts de charges nouvelles, notamment liées aux grandes opérations d’armement, pèsent sur le soutien des bases de défense, dont les travaux de maintenance lourde ne peuvent plus être différés.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN2 de M. Damien Girard

M. Damien Girard (EcoS). Cet amendement vise à rappeler le trou capacitaire significatif que constitue notre capacité réduite et largement obsolète de frappe dans la profondeur. L’acquisition au plus vite d’une capacité renouvelée de frappe dans la profondeur de quarante-huit systèmes est une priorité, comme le rappelle le rapport d’information « De la professionnalisation à l’hybridation, pour une transformation de notre défense » de la mission menée par Thomas Gassilloud et moi-même. Le présent amendement vise à préparer dès maintenant une politique de dotation capacitaire en la matière, par exemple en s’appuyant sur la solution Foudre de la société Turgis & Gaillard.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je partage l’avis de l’auteur de l’amendement, mais nous débattrons de ce sujet lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les autorités militaires que nous avons auditionnées ont rappelé l’urgence d’un tel achat et de sa dotation aux unités. Je ne pense pas qu’ils ont le temps d’attendre une hypothétique révision de la LPM 2024-2030.

Malheureusement, nous ne voterons pas l’amendement car il lui manque la garantie que la capacité envisagée soit souveraine. La solution proposée par Turgis & Gaillard, que je suis avec beaucoup d’intérêt, est citée parmi d’autres. Or acheter américain ou indien sur étagère n’est pas exclu, ce qui réduirait notre capacité indépendante.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN6 de M. Damien Girard

M. Damien Girard (EcoS). Mon amendement vise à améliorer la préparation et la gestion de nos stocks face au retour des guerres de haute intensité. Il appelle le gouvernement à garantir une remise en service optimale de nos véhicules terrestres, notamment ceux retirés du service à l’occasion du programme Scorpion, afin de conforter la profondeur capacitaire de nos stocks.

Thomas Gassilloud et moi-même avons constaté que les stocks susceptibles d’être exploités en cas de besoin capacitaire urgent ou de soutien à un pays allié comme l’Ukraine ne peuvent l’être dans des délais satisfaisants, faute de capacité de reconditionnement et d’entretien. Nous pouvons éviter de reproduire les erreurs du passé en donnant à nos militaires les moyens humains et logistiques de stocker, dans des conditions propices à leur remise en service rapide, les équipements retirés des unités actives.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Sur ce segment, les dépenses que nous avons adoptées dans le cadre de la LPM 2024-2030 sont déjà élevées. Le taux de scorpionisation de notre armée de terre dépasse 50 %. Cette année, nous avons été livrés de 150 Griffon, 103 Serval et 33 Jaguar. En 2026, nous attendons 122 Griffon, 110 Serval et 30 Jaguar. Demander des dépenses supplémentaires me semble excessif. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN30 de M. Aurélien Saintoul et II-DN96 de M. Laurent Jacobelli (discussion commune)

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement quasi traditionnel vise à créer une ligne budgétaire dédiée à un système de char du futur souverain. Le partenariat avec l’Allemagne visant à produire le MGCS est voué à l’échec, comme nous le disons depuis un moment.

La récente association de Rheinmetall et de Leonardo dans le projet Marte (Main armoured tank of Europe) est une nouvelle démonstration que l’enjeu, pour les Allemands, ne consiste pas vraiment à aller au bout du projet mais bien à immobiliser la trésorerie de Nexter et à s’assurer que, in fine, l’entreprise française disparaisse du marché pour y rester seule. L’opération, habile, ne profite certainement pas à la France.

M. Laurent Jacobelli (RN). Faire semblant de s’allier, neutraliser l’adversaire économique, prendre le pas sur lui, développer ses propres solutions pour tuer un concurrent : c’est exactement la stratégie de l’Allemagne dans le cadre du développement d’un char européen. Si même certains de ses fervents défenseurs admettent que le MGCS pourrait aller dans le mur, c’est qu’il est temps de réallouer les montants qui lui sont dédiés au développement d’une solution souveraine, donc française – la souveraineté étant le propre des États, la souveraineté européenne n’existe pas.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il ne me semble pas pertinent d’opposer le MGCS et la capacité intermédiaire, d’autant qu’elles s’avéreront sans doute complémentaires. Nous aurons ce débat lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Je serai le premier à déposer un amendement prévoyant des crédits pour aller vers la capacité intermédiaire. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements II-DN4 de M. Damien Girard, II-DN47 de Mme Anna Pic et II-DN101 de Mme Caroline Colombier (discussion commune)

M. Damien Girard (EcoS). L’amendement II-DN4 vise à rappeler la nécessité, pour la marine nationale, de confirmer le format à dix-huit navires de premier rang, par exemple en recourant à une stratégie de « coques blanches » mises à disposition de la marine nationale et prélevées en cas de commande à l’export.

Mme Anna Pic (SOC). L’amendement II-DN47 vise à rappeler la nécessité de doter la marine nationale de ses dix-huit frégates de premier rang, prévues lors de l’examen de la LPM 2024-2030 pour lui permettre de faire face à une crise sans compromettre ses missions.

Une permanence sur zone requiert trois frégates, une alerte permanente deux. La France assure une permanence dans l’océan Indien, une en Méditerranée orientale, une dans l’Atlantique Nord et la Baltique, et deux alertes permanentes à Brest et à Toulon, où les deux frégates restantes sont en entretien. Le plafond capacitaire est atteint.

Mme Caroline Colombier (RN). La semaine dernière, devant cette commission, la ministre des armées a annoncé le renoncement aux trois frégates supplémentaires, pourtant considérées comme indispensables par le chef d’état-major de la marine. Cette décision est lourde de conséquences pour notre souveraineté.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il est exclu de mettre ce sujet de côté. Il fera l’objet d’un très beau débat lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030, à l’issue duquel nous serons sans doute nombreux à voter la même chose. Avis défavorable.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Chacun ici est convaincu de la nécessité de disposer de trois frégates supplémentaires. Il incombe à la marine d’en définir la nature et le tonnage pour que nous puissions y travailler lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030, ce qui est exclu dans le cadre en vigueur. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Thiériot (DR). Disposer de trois frégates supplémentaires est une nécessité, chacun en convient. S’il faut distinguer la programmation pluriannuelle des annuités budgétaires, il est toujours bon que notre commission, en ces temps d’incertitude budgétaire, administre une piqûre de rappel. L’adoption d’amendements d’appel transférant la somme symbolique de 1 euro en offre l’occasion.

L’amendement II-DN47 est retiré.

Successivement, la commission rejette l’amendement II-DN4 et adopte l’amendement II-DN101.

 

Amendement II-DN81 de M. Thierry Tesson

M. Thierry Tesson (RN). Le ministre de la défense qu’était l’actuel premier ministre a reconnu à plusieurs reprises que nous pouvions aller plus loin. Il dispose désormais, dans un contexte budgétaire certes contraint, de tous les leviers.

Il serait bon que les crédits de la défense progressent à la hauteur des ambitions affichées. Cet amendement d’appel vise à minorer de 1 euro les crédits de l’action 08, Relations internationales et diplomatie de défense, du programme 144, Environnement et prospective de la politique de défense, au profit de l’action 09, Engagement et combat, du programme 146, Équipement des forces.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. J’ai peut-être mal compris les propos de notre collègue, mais dire que les crédits ne progressent pas à la hauteur des ambitions affichées alors même que nous allons voter une surmarche au sein d’une LPM record laisse songeur. Avis défavorable.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Les besoins sont identifiés. Nous en débattrons dans le cadre de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN82 de M. Frédéric Boccaletti

M. Frédéric Boccaletti (RN). La réduction d’une unité de la cible des patrouilleurs hauturiers est un signal capacitaire désastreux envoyé à nos marins. Y substituer un patrouilleur côtier de nouvelle génération n’est manifestement pas adapté à nos besoins. Nous craignons que le programme subisse, coup de boutoir après coup de boutoir, le même renoncement que celui constaté concernant les frégates de défense et d’intervention (FDI).

Si le gouvernement considère réellement que la défense est un budget sanctuarisé, nous proposons deux mesures de bon sens permettant d’allouer des ressources sur quatre ans au financement du dixième patrouilleur hauturier. À défaut, vous n’aurez ni masse ni cohérence.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. La LPM 2024-2030 prévoit sept patrouilleurs hauturiers ; la suivante en prévoira trois. Il faut savoir raison garder.

L’actualisation de la LPM permettra d’évaluer les besoins supplémentaires, dont je me permets de rappeler qu’ils exigent non seulement des crédits supplémentaires mais aussi une capacité industrielle. La LPM 2024-2030 offre un cadre dans lequel je suggère de rester. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN46 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Nous donnons l’alerte. Si nous comprenons que les besoins sont partout dans le cadre de la montée en puissance de notre effort de défense, nous constatons que la hausse de 13 % des crédits de la mission Défense du projet de loi de finances pour 2026 ne bénéficiera qu’à la marge à la marine. C’est compréhensible à l’aune des priorités actuelles, mais les enjeux stratégiques, sur les océans, sont forts, de la capacité de projection et d’intervention à la dissuasion nucléaire des puissances dotées en passant par le contrôle des voies d’approvisionnement et la sécurisation des infrastructures sous-marines.

Tandis que le voisinage immédiat de la France demeure un espace de friction, elle doit assurer sa liberté d’action en mer et de navigation et faire respecter ses droits dans ses frontières maritimes, notamment au large de ses territoires ultramarins. Nous proposons de soutenir la montée en puissance de la marine nationale en fléchant 10 millions d’euros, en AE et en CP, de l’action 07 vers l’action 03 du programme 178.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Là comme ailleurs, la cohérence est de mise. Notre stratégie repose sur le renouvellement capacitaire de tous les secteurs, des patrouilleurs outre-mer (POM) aux frégates de surveillance (FS) en passant par le porte-avions de nouvelle génération (PANG) et les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA).

Il faut rester dans ce cadre, qui nous permet d’atteindre nos objectifs. Si demain nous devons monter en puissance, nous verrons comment faire dans le cadre de l’actualisation de la LPM 2024-2030, en gardant à l’esprit l’indispensable capacité industrielle.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN142 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le présent amendement vise à régler le problème posé par le statut d’officier marinier commissionné (OMC) des baleiniers civils de Polynésie, où la complexité de la navigation dans les atolls et du franchissement des récifs exige une solide expérience qui s’acquiert au contact d’aînés. La possibilité de servir sous contrat offerte aux baleiniers civils de Polynésie s’arrête, faute de pouvoir accéder au brevet supérieur, au grade de maître, atteint à l’âge de quarante-sept ans ou à l’issue de dix-sept ans de service. Il en résulte une perte de compétences obligeant à former de nouveaux baleiniers.

Il serait sage de permettre aux baleiniers civils de Polynésie d’accéder au brevet supérieur pour les conserver plus longtemps en service actif. Le montant de l’amendement est symbolique, mais la mesure proposée changerait le quotidien des forces armées en Polynésie française (FAPF).

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. C’est la troisième année consécutive, me semble-t-il, que nous soutenons collectivement cet amendement. Il y a quelque chose d’un peu inique à considérer que, après dix-sept ans de service, les gens ne sont plus en capacité de remplir leur mission. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN24 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel vise à soulever la question de la pertinence du PANG, dont nous ignorons s’il sera lancé d’ici à la fin de l’année. En 2040, un porte-avions sera-t-il en capacité de résister à des nuées de drones à faible coût – quelques dizaines de milliards d’un côté, quelques centaines de milliers d’euros de l’autre ? Sommes-nous certains de la pertinence d’un tel projet ? Par ailleurs, l’approvisionnement en catapultes électromagnétiques crée une dépendance à l’égard des États-Unis.

Cela fait beaucoup de questions pour un programme très onéreux. Nous souhaitons que le débat se tienne avant une éventuelle actualisation de la LPM 2024-2030.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Un porte-avions, c’est une base aérienne dont on ne connaît pas les coordonnées GPS. Un porte-avions parcourt à peu près 1 000 kilomètres par jour. Si un satellite le repère, il doit, au survol suivant, le rechercher dans une zone aussi grande que le département de la Loire.

Si les États-Unis ont onze porte-avions, si les Chinois en sont au troisième, si plusieurs pays tels que l’Italie envisagent la construction d’un porte-avions à propulsion nucléaire, c’est bien qu’il s’agit d’un outil de suprématie navale et aérienne. Au surplus, le porte-avions français emporte l’arme nucléaire. Avis défavorable.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. La plaidoirie de notre rapporteur pour avis Chenevard est impeccable. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous retirons l’amendement, qui visait à ouvrir le débat. Nous l’aurons avec la ministre en séance publique.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-DN133 de M. Frédéric Boccaletti

M. Frédéric Boccaletti (RN). La semaine dernière, j’ai rappelé à la ministre des armées l’importance stratégique de la protection de nos intérêts au sein de notre zone économique exclusive (ZEE) et les tensions croissantes qu’elle fait peser sur notre marine. Pour que cet atout en reste un, il est impératif d’être à la hauteur en matière de densité des équipements mobilisables.

Nous avons cru comprendre que la défense est un enjeu stratégique pour le bloc central et rappelons que les deux dernières LPM prévoient la rétrocession intégrale du produit des cessions immobilières du ministère. Nous appelons donc à la restitution des 150 millions issus de la vente de l’îlot Saint-Germain pour financer trois POM supplémentaires.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. La LPM 2024-2030 prévoit six POM, dont trois ont été livrés. Les trois autres le seront avant 2030. Pour l’heure, il ne semble pas nécessaire d’aller au-delà. Avis défavorable.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Notre stratégie est très équilibrée. Les nouveaux POM font trois fois la taille des précédents. D’une jauge de 1 300 tonnes, ils ont une allonge de 5 500 nautiques, soit près de 1 000 nautiques de plus que les précédents. Ils embarquent plus de marins. L’équilibre prévu par la LPM est parfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN90 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement devenu classique vise à réaffecter les fonds alloués au SCAF à un avion de chasse de sixième génération (NGF) souverain. Le blocage des industriels ne faisant plus de doute, il est urgent de trouver une solution faisant confiance à la BITD des Français, qui a toutes les capacités nécessaires pour créer le premier pilier du SCAF.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN29 de M. Bastien Lachaud, II-DN150 de M. Frank Giletti et II-DN5 de M. Damien Girard (discussion commune)

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement II-DN29 est un amendement d’appel, à hauteur de 50 millions. Il faut agir vite et faire vivre le débat sur l’avenir de la Patrouille de France, car rien n’avance.

Les Alpha Jet continuent de vieillir et sortiront bientôt du service actif sans qu’aucune solution souveraine n’existe. La Patrouille de France volera-t-elle un jour avec des avions qui ne seront pas français ? Ou bien nous sommes en capacité de lui fournir des Rafale, ou bien nous trouvons une solution alternative.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Il faut trouver une solution souveraine pour remplacer les avions de la Patrouille de France, qui assurent aussi la mission Red Air nécessaire à l’entraînement des forces de l’armée de l’air et d’espace (AAE).

M. Damien Girard (EcoS). Acquérir un segment d’aviation de chasse léger susceptible d’effectuer, à un coût maîtrisé, des missions d’entraînement, de démonstration et d’attaque au sol en milieu permissif offrirait à nos forces une masse intéressante, complémentaire du Rafale et respectueuse des contraintes budgétaires.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Ce sujet nous donnera l’occasion d’un échange de vues sans doute convergentes lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Pour l’heure, tenons-nous à l’annualité budgétaire 2026 rappelée par le ministre Jean-Louis Thiériot. Avis défavorable.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je suggère le retrait de l’amendement II-DN29 au profit du mien. J’émets un avis défavorable à l’amendement II-DN5, n’ayant pas entendu, lors des auditions que j’ai menées, l’expression d’un besoin en matière d’avion léger – les besoins identifiés sont la succession de l’Alpha Jet, le remplacement, dans l’aviation de transport tactique, des Casa et CH-130 vieillissants, et le NGF.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’aurais été ravi de retirer mon amendement au profit du vôtre, cher collègue. Malheureusement, il est moins-disant de 5 millions. Nous ne pouvons souscrire à ce manque de volontarisme.

Successivement, la commission rejette l’amendement II-DN29 et adopte l’amendement II-DN150.

En conséquence, l’amendement II-DN5 tombe.

 

Amendement II-DN117 de M. Romain Tonussi

M. Romain Tonussi (RN). Cet amendement vise à réorienter une partie des crédits consacrés à la transition écologique du patrimoine immobilier des armées vers la préparation et l’entraînement de l’AAE. Une part non négligeable des moyens est absorbée par des études environnementales et par des installations photovoltaïques dans les emprises militaires.

Ces démarches ne répondent pas toujours directement aux besoins quotidiens de nos forces, mais plutôt à des contraintes idéologiques. Nous souhaitons privilégier l’entraînement et les capacités de préparation opérationnelle de nos bases aériennes.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Notre collègue Tonussi évoque une dimension idéologique, dans le travail de nos armées, en matière de performance énergétique. J’y vois au contraire une preuve éclatante de pragmatisme. Les économies d’énergie réalisées sur le parc immobilier dégagent des marges financières.

Par ailleurs, il y a un enjeu de disponibilité et d’efficacité du service de l’énergie opérationnelle (SEO), y compris en opération. Croire que l’on peut se dispenser de préparer l’avenir et de réfléchir aux moyens de doter un camp des meilleurs standards en matière énergétique, c’est ne pas comprendre les besoins réels des armées en opération. Du point de vue du soutien, s’assurer de la plus grande diversité possible des ressources en énergie de nos soldates et de nos soldats est une priorité.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). J’ai eu la responsabilité de certains de ces dépenses, que j’ai engagées au sein du ministère. Le ministère des armées n’est pas un objet particulier qui vit à côté de la société. Nos militaires sont jeunes et, comme tels, très sensibles aux mesures environnementales, contrairement à ce que vous semblez penser, monsieur Tonussi. Ils ont à cœur de travailler dans un environnement où tout cela est mis en œuvre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN68 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement devenu classique vise à assurer la réalisation de la promesse du gouvernement, qui est aussi celle du président de la République, d’augmenter de trente Rafale le format de l’aviation de chasse française, qui est sursollicitée.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous ne financerons pas deux escadrons supplémentaires sur l’annualité 2026, mais ce sujet nous offrira l’occasion d’un beau débat lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030.

M. Jean-Louis Thiériot (DR). Par cohérence, je suis favorable à l’administration d’une piqûre de rappel s’agissant du format de notre flotte d’avions de chasse comme je l’étais s’agissant de nos frégates. Je voterai donc l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques II-DN70 de M. Frank Giletti et II-DN106 de M. Jean-Louis Thiériot

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Le moteur du futur Rafale standard F5 est un impensé de la LPM 2024-2030 et du projet de loi de finances pour 2026. Il faut absolument étudier l’évolution du moteur M88-T-REX produit par Safran. Les besoins électriques et la masse emportée du Rafale augmentent. Il faut passer, pour le Rafale actuel, d’un moteur de 7,5 tonnes de poussée à un moteur de 9 tonnes de poussée et, pour le Rafale standard F5 et le NGF, à un moteur de 11 tonnes de poussée.

M. Jean-Louis Thiériot (DR). Le moteur M88-T-REX peut constituer un jalon dans l’élaboration du Rafale standard F5 et du SCAF, qu’il soit produit en coopération ou non. À ce sujet, si le programme SCAF, qui suscite dans cette commission des inquiétudes répandues que je partage, devait ne pas aboutir, la responsabilité ne saurait en incomber à la France. Elle ne pourrait qu’incomber aux industriels ou à nos partenaires.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je suis parfaitement aligné avec ce que viennent de dire nos collègues. Il faut financer le développement du moteur M88-T-REX en répartissant la charge entre l’État et l’industriel. J’émets, une fois n’est pas coutume, un avis favorable à cet amendement d’appel.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement II-DN69 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel vise à rétablir la cible de cinquante avions A400M prévue par la LPM 2013-2019. Sursollicités, ces avions ont fait preuve d’une efficacité remarquable dans les dernières crises.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis des rapporteurs pour avis, elle rejette l’amendement II-DN104 de M. Julien Limongi.

 

Amendements II-DN38 de M. Bastien Lachaud et II-DN151 de M. Frank Giletti (discussion commune)

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit de créer une ligne budgétaire Système d’alerte avancée pour dénoncer le nouveau programme de coopération franco‑allemand Odin’s Eye et le remplacer par un programme national ou en coopération sous direction française. Une nouvelle fois, la France fait le choix d’une coopération franco-allemande perdante.

En dépit de l’échec du MGCS et du SCAF, la France continue, au nom d’un intérêt franco-allemand illusoire, à abandonner son industrie et ses capacités : ce programme confié à l’industriel allemand OHB relègue nos acteurs nationaux à un rôle secondaire alors même que nous possédons toutes les briques technologiques permettant de le développer. Nous souhaitons que la France reprenne ses esprits et développe une capacité propre d’alerte avancée.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. En matière d’alerte avancée, la France avait de l’avance. Malheureusement, la LPM 2024-2030 n’en fait pas mention. Nous proposons la création d’un programme budgétaire dédié. La prolifération des missiles balistiques nous oblige à nous doter de cette capacité.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le sujet mérite une réponse un peu plus argumentée. Je constate que rien ne justifie ce programme sinon l’idéologie du franco‑allemand à l’exclusion du reste.

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Il ne s’agit pas d’une coopération exclusive entre la France et l’Allemagne. Elle s’inscrit dans le cadre européen et inclut l’Espagne, l’Italie, la Lituanie et l’Autriche, en attendant que d’autres pays la rejoignent.

Compte tenu de l’ampleur des systèmes, la France n’a pas les moyens de développer seule un tel programme. Certes, elle en maîtrise les briques technologiques, mais ce programme vise à défendre l’espace aérien européen dans son ensemble et pas seulement l’espace aérien français.

M. Thomas Gassilloud (EPR). Le programme Odin’s Eye inclut des industriels français tels que Thales et MBDA ainsi que l’Onera (Office national d’études et de recherches aérospatiales). Par ailleurs, en dépit de divergences de vues en matière capacitaire selon les systèmes d’armes et les doctrines des uns et des autres, il s’agit d’assurer le suivi tactique des situations, qui est une exigence identique quelles que soient les différences, au demeurant légères, entre les doctrines défensives. Il semble possible d’avancer raisonnablement sur ce projet.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-DN152 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Par cet amendement d’appel je demande le développement d’un missile aérobalistique, qui est une nécessité pour l’armée de l’air et de l’espace. Les avantages opérationnels sont en effet connus : difficulté de détection, rapidité accrue, manœuvrabilité lors de la course finale et portée allant de 500 à 1 000 kilomètres, ce qui augmenterait de manière substantielle l’allonge d’un raid aérien conventionnel.

Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Je vous renvoie, à mon tour, à l’actualisation de la LPM.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN32 de M. Arnaud Saint-Martin

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement, lui aussi d’appel, vise à garantir l’existence des satellites de communication nécessaires à nos armées dans le cadre du projet IRIS² (infrastructure de résilience et d’interconnexion sécurisée par satellite). J’avais alerté notre commission l’année dernière sur les difficultés que nous traversions, mais la situation est encore plus compliquée que prévu, en raison de désengagements probables, notamment de l’Allemagne, qui consacre beaucoup d’argent au développement de sa propre constellation de satellites – on voit, là encore, que la coopération franco-allemande peut patiner. Le rapport que j’ai publié avec Mme Vignon insistait sur la nécessité d’assurer le déploiement du programme à l’horizon 2030, de garantir l’interopérabilité d’Iris² avec d’autres systèmes, comme Syracuse, et de renforcer les capacités d’observation militaire et les systèmes antibrouillage, à des fins de sécurisation, mais le problème reste entier.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous en avons débattu ce matin. Votre rapport a mis en lumière le besoin capacitaire dans ce domaine. Avis favorable.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je souscris au raisonnement qui sous-tend cet amendement. J’ai déploré, moi aussi, la situation dans un rapport consacré au spatial de défense. Il serait très hasardeux de renoncer à un satellite patrimonial ultrasécurisé au profit d’une constellation européenne civile de connectivité en orbite basse. Même avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN71 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel incite, dans la lignée des précédents, à une accélération du programme IRIS², qui va remplacer les satellites CSO (composante spatiale optique). Les décalages deviennent, en effet, préoccupants. Il faut sécuriser le passage à la réalisation industrielle afin d’éviter une faille capacitaire en matière de Roim (Renseignement d’origine image).

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il ne faudrait pas que notre collègue y prenne goût, mais j’émets un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN72 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement relatif au programme Celeste, qui doit remplacer Ceres – capacité de renseignement électromagnétique spatiale – vise aussi à éviter un trou capacitaire, en matière de renseignement d’origine électromagnétique.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Même avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle rejette l’amendement II-DN116 de M. Thibaut Monnier.

 

Amendement II-DN35 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement vise à créer un programme de radars acoustiques pour la lutte contre les drones. La guerre en Ukraine démontre l’importance cruciale de disposer de programmes aussi performants que possible dans ce domaine.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN7 de M. Damien Girard

M. Damien Girard (EcoS). Il s’agit de contribuer à l’effort d’adaptation de nos armées, dans toutes leurs strates, au tournant capacitaire que constitue le développement des drones. Leur diffusion massive dans la société et l’armée est un élément fondamental de la capacité d’adaptation et d’innovation de l’Ukraine face à l’armée russe. Cet amendement, qui est inspiré d’une proposition de la mission d’information sur la masse et la haute technologie et s’inscrit dans la continuité de la création de l’École des drones de l’armée de terre, vise à doter chaque élève sous-officier et officier d’un drone FPV (vol en immersion) commercial, pour favoriser une appropriation systématique par nos forces de cet outil nouveau, qui transforme durablement le visage des théâtres d’opérations.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. J’ai plutôt l’impression, pour m’être rendu à l’École des drones et au 61e régiment d’artillerie, que la remontée actuelle des crédits est suffisante. Nos soldats m’ont dit qu’ils avaient surtout besoin de davantage de souplesse par rapport au catalogue au sein duquel ils peuvent passer commande au moyen des crédits de subsidiarité. Avis défavorable.

M. le président Jean-Michel Jacques. J’ajoute qu’il faut penser à la question de l’industrialisation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN143 de M. Bastien Lachaud et II-DN50 de Mme Isabelle Santiago (discussion commune)

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je vous propose une augmentation de crédits afin de soutenir la montée en puissance du service de santé des armées (SSA). Malgré la hausse globale du budget de la fonction santé, les crédits de fonctionnement du SSA doivent baisser de 12 millions d’euros, ce qui constitue une incohérence.

Mme Anna Pic (SOC). Nous dénonçons également, par notre amendement, la baisse de 17 % des crédits alloués au service de santé des armées. Cette évolution est d’autant plus inacceptable que deux rapports, l’un de la Cour des comptes et l’autre du Sénat, critiquaient déjà en 2023 des choix budgétaires qui touchaient d’une manière disproportionnée à cette pièce maîtresse de notre outil de défense et appelaient, au contraire, à la consolider.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les deux amendements vont dans le même sens, mais je considère que le mien est mieux calibré, puisque la hausse des crédits qu’il propose correspond exactement à la baisse prévue pour les crédits de fonctionnement et aux besoins du service de santé des armées. J’invite donc au retrait de l’amendement II-DN50 au profit du mien.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Nous avons tous fait le constat ces dernières années, me semble-t-il, que ce qui s’est passé au SSA avait un effet destructeur. Je propose plutôt que la commission se saisisse de cette question en créant une mission d’information chargée d’établir un rapport sur la réalité des déflations de crédits qui sont intervenues et les besoins réels de remontée en puissance du SSA.

Mme Anna Pic (SOC). On nous explique chaque année que les rapports, ça va bien. En l’occurrence, il en existe plusieurs, de la Cour des comptes et du Sénat, qui dénoncent la situation. Nous avons déjà quelques éléments.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Tout cela n’est pas faute d’avoir lancé des alertes, notamment lors des débats consacrés à la loi de programmation militaire. Nous avons demandé au ministre une feuille de route claire pour les projets concernant le SSA. Remettre encore la question à demain serait une sorte de renoncement qui ne me paraîtrait pas très sage.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements II-DN141 de M. Bastien Lachaud et II-DN137 de Mme Catherine Hervieu (discussion commune)

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je propose, pour les mêmes raisons, une augmentation des crédits d’infrastructure du service de santé des armées.

Mme Catherine Hervieu (EcoS). Notre amendement vise aussi à augmenter les moyens alloués aux infrastructures de santé. La multiplication des crises et des conflits et le changement climatique exposent les combattants à des risques sanitaires qui évoluent, notamment lors des opérations extérieures. La feuille de route du SSA pour 2024‑2030 n’a été élaborée et validée qu’après l’adoption de la LPM. Aborder cette question lors des débats budgétaires me paraît tout à fait pertinent.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Tout cela est bien documenté dans mon rapport. Je demande le retrait de l’amendement II-DN137, qui me semble moins bien calibré que le mien.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-DN135 de Mme Catherine Hervieu

Mme Catherine Hervieu (EcoS). Cet amendement vous séduira peut-être davantage puisqu’il propose une augmentation de crédits un peu plus faible – 3 millions d’euros au lieu de 5 – au profit du SSA.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Une hausse de crédits de 3 millions d’euros me paraît insuffisante, mais ce serait toujours mieux que rien. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN37 de M. Arnaud Saint-Martin

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement vise à enclencher un programme de nationalisation d’ArianeGroup. La privatisation du programme Ariane 6 était une lourde erreur stratégique et industrielle, qui a conduit à quatre années de retard pour le développement, la construction et le tir inaugural du lanceur, lequel a finalement eu lieu en juillet 2024. Nous avons ainsi subi une rupture temporaire, mais tout à fait délétère, de notre accès souverain à l’espace : les satellites Galileo ont été lancés grâce à SpaceX, ce qui est quand même assez scandaleux.

Il faut reconstruire notre autonomie stratégique en interrompant la longue marche vers la privatisation, qui se poursuit depuis les années 1990. L’indépendance de notre accès à l’espace n’a pas de prix, et c’est le minimum pour honorer notre statut historique de puissance spatiale. Nous devons, par ailleurs, veiller à anticiper l’après-Ariane 6, par la montée en puissance de MaiaSpace et la consolidation de nos efforts stratégiques, notamment pour contrer la concurrence de nos sympathiques partenaires allemands, qui développent la même gamme de lanceurs. La nationalisation d’ArianeGroup permettra de redonner de la puissance financière et capacitaire au programme spatial français dans ce domaine.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Même si vous proposiez en contrepartie l’installation d’un site d’ArianeGroup, je resterais opposé à un changement de capital. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN36 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement, qui vise à nationaliser Atos, avait été adopté l’an dernier, avant d’être balayé lors du recours au 49.3. La situation a passablement changé sur le plan financier, puisque le cours de bourse est sensiblement remonté. Les décisions de restructuration de la dette d’Atos ont permis aux banques d’éponger leurs pertes, d’une certaine façon, et Atos reste un acteur incontournable pour tout projet de mise en œuvre de la souveraineté numérique. En revanche, la situation industrielle n’a pas réellement évolué : c’est une liquidation ou en tout cas une vente à la découpe qui se dessine. Or il ne faudrait pas laisser se produire une catastrophe semblable à celle d’Alstom. Si nous voulons avoir une ambition en matière de souveraineté numérique, nous ne pouvons pas passer notre temps à confier notre destin à d’autres, à travers un financement des Émirats arabes unis, par exemple.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je salue votre cohérence idéologique, mais la nôtre est à l’opposé. Avis défavorable.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je crois que l’amendement avait été adopté, la dernière fois, grâce aux voix du Rassemblement national. Vous aurez peut-être un petit souci ce soir, monsieur Saintoul, en l’absence des membres de ce groupe.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN132 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement vise à vous alerter sur la situation de l’entreprise Europlasma, dont j’ai déjà dit à plusieurs reprises qu’elle était un dangereux repreneur en série. Elle a en effet repris les Fonderies de Bretagne – vous connaissez bien ce dossier, monsieur le président – ainsi que Valdunes et Luxfer. En réalité, ce repreneur met en danger l’ensemble des sites qu’il rachète successivement en faisant de la cavalerie budgétaire. La situation est en train de devenir critique : la bulle ne cesse de grossir et son explosion fera extrêmement mal. Nous ne proposons pas de nationaliser, stricto sensu, Europlasma, mais de racheter l’entreprise pour 1 euro symbolique. Faire bénéficier des escrocs – j’ose employer ce mot – d’argent public en récompense de leur cavalerie budgétaire n’aurait, en effet, pas de sens. Il est urgent de remettre de la cohérence dans la filière des munitions, qui est indispensable pour notre souveraineté.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je ne sais pas si nous pouvons aller dans la direction souhaitée par notre collègue. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’il existe un carnet de commandes, notamment pour des munitions de 155 mm. Les difficultés de l’entreprise ne peuvent donc pas venir d’un manque de commandes publiques. J’émets un avis défavorable à cet amendement, qui reviendrait quand même un peu à réaliser une nationalisation, mais nous devrons rester attentifs à l’avenir de ce groupe.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Permettez-moi d’apporter quelques précisions. Cette société a complètement obliqué à partir de l’invasion de l’Ukraine, en tout cas pour ce qui est des Forges de Tarbes, reprises en 2021. Elle a fait des annonces frauduleuses, comme celle de la conclusion d’un contrat avec l’Ukraine pour la livraison de 100 000 obus, alors qu’elle n’en produit pas plus de 40 000 par an depuis trois ans. Nous avons, par ailleurs, affaire à un mode de financement totalement opaque, reposant sur des instruments un peu complexes, qui relèvent de la finance dilutive, laquelle pose de graves problèmes, y compris selon l’Autorité des marchés financiers. Dans le cas des Forges de Tarbes, la solution la plus évidente était une réinternalisation au sein de Nexter, dont cette entreprise a été une filiale, mais cela s’est révélé impossible parce que, comme nous l’a dit un conseiller de la ministre de l’époque, Mme Parly, le partenaire allemand au sein de KNDS l’a refusé. Nous aurions tort de balayer d’un revers de la main un problème aussi profond.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN49 de Mme Isabelle Santiago

Mme Anna Pic (SOC). L’attractivité des carrières et la fidélisation, nécessaire, des hommes et des femmes qui servent dans nos armées dépendent des conditions de vie offertes aux militaires et à leur famille. Pourtant les crédits du programme 212 ne bénéficient d’aucune augmentation. Nous proposons, par cet amendement, de renforcer l’investissement dans les crèches et le logement.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La question du logement est évidemment cruciale pour la fidélisation des militaires, mais il ressort de mes auditions et de la lecture du bleu qu’il existe déjà une volonté du ministère d’investir massivement dans ce domaine. Comme je l’ai indiqué ce matin, la ligne budgétaire concernée est en hausse de 116 millions d’euros. Je préférerais que l’on évalue les réalisations que permettra cette hausse avant de confier au ministère plus d’argent : soyons prudents. Je vous demande de retirer cet amendement.

Mme Anna Pic (SOC). Je vais le retirer au profit du suivant, qui prévoit uniquement un renforcement de l’offre de structures d’accueil pour les jeunes enfants.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-DN53 de Mme Isabelle Santiago

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement concerne un enjeu majeur pour la condition des militaires et leur fidélisation. Le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire a encore rappelé dans un rapport publié cet été que près d’un militaire sur deux avait au moins un enfant à charge, ce qui représente au total 350 000 enfants, dont plus de la moitié a moins de 11 ans. Malheureusement, la mobilité régulière et les sujétions de service rendent souvent difficile la gestion des foyers familiaux. Dans ces conditions, il me paraît tout indiqué de renforcer les moyens d’accueil des enfants de militaires et j’émets donc un avis favorable à l’amendement.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). C’est effectivement un sujet important. La LPM comporte un plan Famille 2, repris dans le plan Fidélisation 360, qui prévoit des crédits en la matière. Je veux bien qu’on augmente toujours les lignes budgétaires, mais ce sont les capacités de mise en œuvre qui comptent. Prévoir 10 millions d’euros de plus, comme le demande cet amendement, serait facialement bien, mais on ne pourrait pas nécessairement déployer 10 millions supplémentaires pour créer des crèches.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Quand on augmente de 116 millions d’euros le budget prévu pour le logement, on sait comment dépenser ces crédits. Si nous prévoyons 10 millions de plus pour les crèches, on saura aussi comment les dépenser. Sinon, il faudra que la ministre démissionne pour laisser la place à quelqu’un de plus compétent. Si c’est ce que vous pensez, madame Darrieussecq, dites-le clairement.

Mme Anna Pic (SOC). Mme Santiago travaille sur les plans « famille » depuis de nombreuses années – elle a conduit plusieurs missions d’information à ce sujet. Si elle propose un tel amendement, il n’est pas d’appel. Nous aurons là un levier pour travailler conjointement avec les collectivités territoriales, qui souhaitent mieux insérer les familles de militaires dans les territoires. Nous saurons parfaitement comment dépenser ces 10 millions d’euros là où se trouvent des bases de défense.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, la commission rejette l’amendement II-DN54 de Mme Isabelle Santiago.

 

Amendement II-DN144 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à renforcer les moyens de la cellule Thémis, placée au sein du contrôle général des armées. La mission d’enquête sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) a appelé à un dimensionnement de cette cellule à la mesure des tâches qui lui sont confiées. Son effectif était de quinze personnes à la fin 2024, ce qui demeure largement insuffisant au vu de l’ampleur de ces violences, d’autant que le ministre précédent, Sébastien Lecornu, a engagé un renforcement de la lutte menée dans ce domaine au sein de la défense. Les armées ont recensé 42 faits de VSS en 2022, 49 en 2023, 252 en 2024 et 133 au premier semestre de cette année : la parole se libère, ce qui est une bonne chose. Nous devons mettre en face les moyens pour la recueillir.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN146 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La NPRM (nouvelle politique de rémunération des militaires) s’est notamment traduite par la création, en 2023, d’une prime de parcours professionnels (3PM), qui a fusionné l’ensemble des primes liées à la qualification professionnelle. La 3PM vise à valoriser les parcours de carrière et à reconnaître l’expertise acquise au fil du temps par les militaires. Seuls ceux du rang ne peuvent pas en bénéficier, car il n’existe aucune balise pour ce faire au sein de leurs carrières. Cela constitue un handicap en matière de fidélisation, particulièrement pour les militaires du rang expérimentés, dont le savoir-faire est précieux pour les armées. Mon amendement étendra le bénéfice de la 3PM aux militaires du rang à partir de huit ans de service. Cette mesure permettra de les fidéliser en reconnaissant leur parcours professionnel et leur expertise acquise, tout en alignant leur traitement sur celui des autres catégories de militaires.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur pour avis François Cormier-Bouligeon, la commission rejette l’amendement II-DN51 de Mme Isabelle Santiago.

 

Amendement II-DN18 de Mme Corinne Vignon

Mme Corinne Vignon (EPR). Depuis 2020, l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique, l’Inria, s’engage résolument aux côtés du ministère des armées dans le cadre d’une cellule « défense et sécurité » qui a déjà conduit plus de 120 projets stratégiques avec la DGA (direction générale de l’armement), la DRM (direction du renseignement militaire), l’Agence de l’innovation de défense ou le SGDSN (secrétariat général de la défense et de la sécurité nationales). Les domaines concernés sont essentiels : les drones, le renseignement spatial, la cybersécurité, l’intelligence artificielle, la détection de deep fakes, la protection de systèmes autonomes ou encore la fusion de données massives. Cet amendement vise à donner à l’Inria les moyens d’amplifier ces coopérations.

Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Pour avoir auditionné l’Inria et savoir ce que fait cet institut depuis de nombreuses années – il a notamment fait le choix, depuis un certain temps, de ne pas recourir aux Gafam –, j’émets un avis favorable. Les 5 millions d’euros prévus par cet amendement donneront à l’Inria une agilité supplémentaire pour répondre à certains appels d’offres ou à certaines demandes.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements II-DN33 de M. Aurélien Saintoul, II-DN95 de Mme Catherine Hervieu, II-DN26 et II-DN27 de Mme Natalia Pouzyreff (discussion commune)

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). L’amendement II-DN33 vise à augmenter les crédits destinés à la recherche stratégique. Les autorisations d’engagement pour cette sous-action doivent en effet baisser de 11,07 %, et les crédits de paiement de 15,92 %. Alors que les lignes budgétaires consacrées à la prospective de défense augmentent globalement, celle dédiée à la recherche stratégique est en baisse. Le signal ainsi envoyé est celui d’un désintérêt pour la réflexion stratégique indépendante au moment où la France devrait au contraire renforcer ses capacités d’analyse, d’anticipation et de compréhension des crises internationales, qui sont suraiguës en ce moment.

Ces capacités permettent de décrypter les mutations géopolitiques, militaires ou technologiques dans un contexte marqué par une instabilité mondiale croissante et des violations du droit international. La revue nationale stratégique de 2025 a ainsi rappelé à deux reprises que cette recherche constituait une priorité de la politique de défense. Les actes contredisent, hélas, le discours. L’augmentation des crédits de la recherche stratégique que nous proposons permettrait au gouvernement de tenir sa parole, alors que le budget des armées est globalement en hausse d’environ 13 % en 2026. Le groupe La France insoumise souhaite que les crédits destinés à la recherche stratégique suivent la même trajectoire.

Mme Catherine Hervieu (EcoS). Les crédits alloués à la sous-action Recherche stratégique ne doivent faire l’objet d’aucune baisse si nous voulons préserver la continuité, la diversité et la visibilité de la recherche française en la matière. Ces crédits doivent soutenir une réflexion nationale indépendante, l’anticipation des menaces émergentes et la formation d’une expertise souveraine dans les domaines de la stratégie, de la géopolitique, de la défense et des nouvelles conflictualités ; ils doivent également permettre l’ouverture de nouveaux champs d’investigation prioritaires : l’espace numérique et ses vulnérabilités, la désinformation et les opérations d’influence, la guerre hybride ainsi que les impacts sécuritaires du réchauffement climatique.

Comme le rappelle régulièrement la revue Défense nationale, la France a développé une pensée stratégique propre, alliant profondeur historique, approche globale et sens politique. Les financements de la recherche restent souvent modestes alors qu’ils sont essentiels pour la formation d’une nouvelle génération d’experts français et européens. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement qui vise à consolider les crédits alloués à la recherche stratégique.

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Nos amendements ont le même objet. Dans un contexte géopolitique marqué par de profonds bouleversements, il importe de préserver les moyens de notre recherche stratégique et ainsi l’expertise développée dans nos think tanks.

Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable. Comme je l’ai dit ce matin lors de la présentation de mon rapport, l’essentiel de la baisse est faciale : des crédits passeront de l’action 07 à l’action 08 du programme 144. Il n’y a donc pas lieu d’adopter ces amendements. Je constate néanmoins qu’ils nous ont donné l’occasion, ce qui est vraiment heureux, de mettre en lumière l’importance de la recherche stratégique pour notre rayonnement et notre influence.

Les amendements II-DN26 et II-DN27 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements II-DN33 et II-DN95.

 

Amendement II-DN25 de Mme Natalia Pouzyreff

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Cet amendement fait suite au rapport de la mission « influence » que j’ai conduite avec Marie Récalde. Face à la guerre hybride menée par certains compétiteurs, je propose des crédits supplémentaires pour les travaux de recherche scientifique, en particulier ceux portant sur la guerre cognitive.

Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Même position que sur les amendements précédents. Les mêmes causes, à savoir des transferts de crédits d’une action à une autre, produisent les mêmes effets : demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Nous souhaitons, en réalité, la création d’une nouvelle ligne budgétaire, relative à la guerre cognitive. C’est important, au moins pour le symbole.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN8 de M. Damien Girard

Mme Catherine Hervieu (EcoS). Cet amendement vise à aligner les moyens budgétaires de la réserve opérationnelle sur la réalité du besoin de masse de l’armée française. Notre cadre budgétaire fortement contraint ne permet ni de fidéliser les réservistes ni d’en faire un usage opérationnel totalement adapté aux besoins. Comment donner envie de consacrer du temps à son pays lorsque des équipements doivent être partagés entre plusieurs réservistes et que les paiements sont retardés de plusieurs mois, voire d’une année ? Le rapport de la mission d’information sur la masse et la haute technologie a évalué à 1 milliard d’euros les besoins budgétaires pour la montée en puissance de la réserve et la constitution d’une véritable division de réservistes low tech (basse technologie) pour augmenter notre profondeur stratégique.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je ne suis pas convaincu, à titre personnel, de l’utilité de la réserve opérationnelle dans ce cadre. Néanmoins, les auditions que j’ai menées ont montré qu’il était important de garantir aux réserves des moyens budgétaires stables, un équipement suffisant, assez de jours d’activité et des missions suffisamment intéressantes. Je salue à ce titre le rehaussement de la norme d’activité à quarante-cinq jours par an en 2026.

Il me semble que cet amendement manque de précision. S’il s’agit de garantir l’activité des réservistes, il serait préférable de verser tout ou partie des crédits concernés au programme 212, qui finance les dépenses de personnel de la mission Défense, y compris pour les réservistes. Or cet amendement ne vise que le programme 178. Je vous suggère de le retirer pour le retravailler en vue de la séance. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN147 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’ai longuement abordé ce matin la question de la différence entre les Missops et les Opex, le bleu budgétaire nous ayant informés que le financement de certaines Missops, sans qu’on sache exactement lesquelles, serait désormais complètement intégré dans le BOP (budget opérationnel de programme) consacré aux Opex, ce qui pose un vrai risque d’insincérité budgétaire. Je vous propose, en réponse, de créer un programme dédié aux Missops, qui permettra de déterminer précisément les surcoûts liés à ces opérations et l’éventuelle contribution interministérielle. Il ne faut pas, en tout cas, fusionner les Missops et les Opex. J’ajoute que l’adoption de cet amendement vous donnera le moyen de contrer mes prises de position concernant le risque de confusion entre ces missions, puisqu’une véritable distinction budgétaire sera désormais établie.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN92 de Mme Catherine Hervieu

Mme Catherine Hervieu (EcoS). La menace durable qui est posée par la Russie confirme que la sécurité de l’Europe sur le long terme se joue en Ukraine. De cette épreuve doit émerger l’architecture de sécurité du continent européen pour les décennies à venir. Cependant, l’aide militaire apportée par les pays européens à l’Ukraine a fortement faibli ces derniers mois.

Ce soutien militaire a coûté jusqu’à présent 5,9 milliards d’euros à la France, auxquels s’ajoutent 400 millions investis dans le fonds bilatéral de soutien à l’Ukraine et la contribution de la France au mécanisme de la Facilité européenne pour la paix. Paris contribue à hauteur de 18 %, soit 2,3 milliards d’euros, à cette enveloppe financière des Vingt-Sept qui a été instaurée pour aider les États membres livrant des armes à Kiev.

Le présent amendement vise à conforter le financement de notre action pour l’Ukraine en augmentant la dotation de l’action 13, Soutien à l’effort de défense de pays tiers, du programme 146.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous sommes tous conscients, me semble-t-il, que la France prend pleinement sa part dans le soutien à l’Ukraine. Je suis obligé d’évoquer le canon Caesar, qui est une pépite berruyère, c’est-à-dire de Bourges, mais notre soutien à l’Ukraine ne s’y limite pas, puisqu’il inclut aussi la lutte antiaérienne, la lutte antichar ou encore la mobilité sous blindage. Nous faisons déjà beaucoup dans le cadre de notre contribution à la Facilité européenne pour la paix, du fonds bilatéral de soutien à l’Ukraine et du fonds de concours spécifique au sein du programme 146. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement II-DN149 de M. Bastien Lachaud est retiré.

 

Amendement II-DN131 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Cet amendement d’appel vise à appeler l’attention du gouvernement et de la représentation nationale sur la nécessité de créer une direction des affaires européennes au sein de la DGA afin de contribuer à l’émergence d’une véritable BITD européenne, objectif qui nous paraît indispensable pour la structuration de l’architecture de sécurité collective à l’échelle du continent. L’idée de renforcer le pilier européen de l’Otan ne saurait suffire : nous devons aussi être en mesure de porter la voix de nos industriels, de travailler à l’élaboration et à la structuration de partenariats ou encore de faire de la prospective par filières. Pour des raisons de cohérence et d’efficacité, cette nouvelle direction de la DGA pourrait devenir l’interlocutrice privilégiée de la Commission européenne et de ses services.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. On voit qu’il existe une très importante divergence d’approche au sein du Nouveau Front populaire.

Mme Anna Pic (SOC). Quelle grande nouvelle !

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il faudrait au moins l’assumer devant les électeurs.

Vous voulez une BITD européenne. Nous souhaitons plutôt des coopérations entre les BITD nationales en Europe et nous plaidons plutôt pour un pilier européen au sein de l’Otan.

Par ailleurs, il existe déjà à la DGA des organes, tels que la direction internationale de la coopération et de l’export, la direction de l’industrie de défense et la direction de la préparation de l’avenir et de la programmation, qui prennent en compte la dimension européenne et dialoguent avec la Commission pour mettre en avant et soutenir les industries françaises dans le cadre des programmes européens.

Par conséquent, avis défavorable.

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Nous devons privilégier les liens entre l’AED, l’Agence européenne de défense, dont nous avons eu l’occasion d’auditionner le directeur exécutif adjoint, et la DGA. Cela pourrait passer par la création de nouveaux canaux d’interaction, mais le montant prévu par cet amendement – 10 millions d’euros – me paraît un peu élevé.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Le rapporteur pour avis a cru pouvoir jeter une pierre dans le jardin du Nouveau Front populaire, mais il serait sans doute très édifiant de se reporter aux comptes rendus des interventions de nos collègues macronistes, qui ont toujours dit qu’ils croyaient en une BITD européenne – nous avons très régulièrement eu droit à ce genre de propos. Je suis un peu étonné d’entendre les mêmes collègues dire maintenant qu’ils n’en veulent pas. Ce sont peut-être des raffinements un peu byzantins, mais une telle évolution témoigne d’une capacité à louvoyer qui n’annonce rien de bon.

Mme Anna Pic (SOC). L’amendement visait à susciter une discussion. Je peux maintenant le retirer.

J’ajoute tout de même que l’idée qu’il faudrait structurer une BITD européenne apparaissait très clairement dans les propos tenus devant nous par les différents chefs d’état-major, notamment M. Mandon, lors des auditions de ces dernières semaines. Je ne crois donc pas que ce soit chez moi un tropisme proprement socialiste.

La création d’une direction européenne au sein de la DGA permettrait d’avoir un interlocuteur unique en la matière. Lors des auditions de la mission d’information sur la BITD qui est en cours au sein de la commission des affaires européennes, nous avons entendu des industriels, mais aussi d’autres acteurs, déclarer qu’il était difficile de trouver des spécialistes de ces questions. Par ailleurs, nous ne sommes peut-être pas suffisamment présents auprès de la Commission pour tirer le meilleur parti des outils qui ont été mis à la disposition de nos industriels et de nos armées pour construire une architecture de sécurité collective.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-DN48 de Mme Marie Récalde

Mme Anna Pic (SOC). Nous proposons de renforcer l’action internationale du ministère des armées au moyen d’une légère augmentation du budget alloué à la diplomatie de défense. Cet amendement fait suite à la mission d’information sur les stratégies d’influence.

Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. À en croire son exposé sommaire, cet amendement vise à « renforcer considérablement » l’action internationale du ministère des armées. Vous ne parlez plus que d’une de « légère augmentation » de ses crédits, ce qui me semble plus conforme, étant donné que vous proposez une hausse de 100 000 euros, sur un budget total de 98,1 millions. Mon avis est défavorable, même si je salue cette mise en valeur de notre diplomatie de défense.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN52 de Mme Isabelle Santiago

Mme Anna Pic (SOC). Cet amendement vise à créer un fonds de préfinancement au profit des PME et ETI participant à la base industrielle et technologique de défense, afin de soutenir notre souveraineté industrielle.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous sommes tous sensibles au financement des PME et ETI, mais la première chose à faire pour les aider serait de voter un budget dans les temps. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN107 de M. Sébastien Saint-Pasteur

Mme Anna Pic (SOC). Toujours pour soutenir la BITD, cet amendement vise à faciliter le passage de commandes fermes, à accélérer le recomplètement des stocks et à donner à nos TPE et PME la visibilité dont elles ont besoin s’agissant des munitions, des drones et des capacités anti-drones.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. L’objectif est louable, mais il y a un problème : l’action 11 du programme 146 que vous souhaitez abonder concerne le financement des activités de fonctionnement de la DGA. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN126 et II-DN125 de Mme Christine Arrighi

Mme Catherine Hervieu (EcoS). Ces deux amendements ont le même objet : le renforcement de notre souveraineté fiscale à l’heure où l’effort de défense ne peut être que militaire.

Il s’agit d’abord d’aider les PME de la BITD à se mettre en conformité fiscale et à respecter les règles de transparence des marchés publics et des exportations, ce qui requiert un conseil public, compétent et disponible. Or le plafond d’emplois de la DGFIP (direction générale des finances publiques), dont c’est la mission, doit encore diminuer de 400 ETP (équivalents temps plein). Renforcer ses crédits de 3 ou 2 millions d’euros, comme y tendent respectivement les amendements II-DN126 et II-DN125, permettrait de mobiliser 60 ou 40 ETP supplémentaires et ainsi d’assurer un niveau minimal de service public fiscal auprès des entreprises.

De plus, ces moyens supplémentaires nous permettraient de mieux nous assurer que les grands groupes et leurs sous-traitants respectent le droit fiscal français. Il s’agirait donc aussi d’un outil de souveraineté économique et budgétaire, qui sécuriserait nos dépenses de défense et garantirait un juste retour pour l’État.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à l’idée de ponctionner les crédits de la mission Défense pour renforcer les effectifs de la DGFIP.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-DN40 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Comme nous l’avions fait lors de l’examen de la loi de programmation militaire, nous proposons ici de créer une nouvelle action, destinée à préparer l’après-pétrole. Lors de son audition par notre commission, le général Burkhard a en effet confirmé notre intuition en soulignant la nécessité d’anticiper la fin du moteur thermique. La somme que nous proposons d’allouer est modeste, mais elle permettrait d’enclencher une réflexion et même une action volontariste de la part du ministère sur une question qu’il ne faut pas négliger. Il serait illusoire de penser que, lorsque le peak oil (pic pétrolier) sera atteint, les armées pourront bénéficier des dernières gouttes de pétrole disponibles.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement réaffirme l’importance de consolider notre souveraineté énergétique, en plus d’anticiper les futurs besoins des forces armées. Il vise à prendre l’initiative de la transition énergétique et écologique, plutôt que d’en subir les conséquences, ainsi qu’à répondre aux enjeux capacitaires prégnants de nos armées. Les auditions que j’ai menées auprès des services de soutien et des unités responsables de la logistique et des acheminements ont montré combien la question énergétique conditionne la capacité opérationnelle de nos armées. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN1 de M. Damien Girard

Mme Catherine Hervieu (EcoS). Par cet amendement nous soulignons le manque de moyens dont dispose le Parlement pour contrôler l’application concrète de la LPM. Dans un récent rapport d’information, Damien Girard et Thomas Gassilloud ont en effet constaté que notre institution a besoin de spécialistes de l’armement et des budgets régaliens. Nous proposons donc de dégager des crédits pour vérifier que les engagements du gouvernement sont tenus.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La création d’un institut parlementaire de suivi de la LPM est un objectif louable, tant nous nous interrogeons sur la sincérité de son exécution. Cependant il me semble qu’un tel amendement n’a pas sa place dans un projet de loi de finances. Il conviendrait plutôt de le défendre dans le cadre des discussions relatives au budget des assemblées parlementaires. Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense, modifiés.

 

 

Article 52 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

 

Amendement II-DN145 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’ai évoqué ce matin la rigidification de la trajectoire budgétaire de la mission Défense. Afin de la maîtriser, il me semble important de disposer d’un objectif et d’un indicateur de performance afférents.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je fais le même constat : avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

 

Après l’article 68

 

Amendement II-DN34 de M. Arnaud Saint-Martin

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement vise à ce que le gouvernement établisse un état des lieux des moyens consacrés à la météo spatiale et à la lutte contre les débris spatiaux. Pareille proposition a déjà été approuvée l’an dernier à l’unanimité par notre commission, mais les problèmes restent entiers, voire deviennent critiques.

En matière de météo spatiale, il convient d’étudier le phénomène des éruptions solaires, qui peuvent endommager les plateformes et mettre en danger des opérations. Se pose également la question de la contractualisation avec des entreprises privées, alors qu’il convient évidemment de soutenir le développement d’applications et de services robustes.

Quant à la pollution spatiale, elle demeure un énorme problème. Le trafic orbital est largement contrarié par l’expansion de ce qu’on appelle les mégaconstellations. Nous connaissons celle d’Elon Musk, mais doivent s’y ajouter celle de Jeff Bezos, à laquelle sera associée Arianespace, ou encore la constellation chinoise Guowang. Le risque d’encombrement auquel nous faisons face interroge quant à l’avenir de l’industrie spatiale à court et moyen termes. Disposer enfin d’un rapport et donc d’un diagnostic à ce sujet permettrait d’éclairer nos décisions.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN130 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Par cet amendement nous demandons un rapport évaluant le coût financier et les besoins humains nécessaires à la commande et au fonctionnement d’un deuxième porte-avions de nouvelle génération.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Nous avons déjà inclus une demande de rapport à ce sujet au sein de la LPM. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN55 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). La mer étant un espace très contesté et l’heure étant à la réduction de la dette publique, nous demandons la remise d’un rapport sur le coût de la sécurisation, par la marine nationale, du commerce maritime international, ainsi que sur son évolution. De fait, 90 % des échanges ont lieu par voie maritime, tandis que 98 % des transferts de données sont effectués grâce aux câbles sous-marins.

Je précise qu’une telle évaluation pourrait nous permettre de sortir ces dépenses du calcul de notre déficit, celles-ci étant en lien avec les intérêts de l’Union européenne.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. En mer rouge, Les navires commerciaux sont escortés par des bâtiments participant à l’opération Aspides, menée par l’Union européenne Le coût est donc partagé entre pays européens et avec l’Union européenne.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous soutiendrons cet amendement, même si nous aurions aimé que le rapport porte aussi sur les gains que cette action de l’État représente pour les compagnies maritimes, notamment en matière d’assurance. J’avais d’ailleurs posé cette question à la représentante de CMA-CGM lorsque notre commission l’a auditionnée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN39 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit là d’un amendement récurrent visant à demander au gouvernement la remise d’un rapport présentant une stratégie globale en matière de surveillance maritime, ainsi que le coût d’une telle stratégie. Nous répétons depuis des années que la marine n’a pas les moyens de surveiller l’ensemble de notre territoire maritime, le deuxième plus vaste du monde, c’est-à-dire d’assurer notre souveraineté pleine et entière. Nous avons besoin d’un plan global et ne pouvons-nous contenter d’une approche pointilliste.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis Yannick Chenevard, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN56 de M. Sébastien Saint-Pasteur

Mme Anna Pic (SOC). Par cet amendement, nous proposons la création d’un « marron » budgétaire, soit un rapport annuel annexé au projet de loi de finances, afin de disposer d’un suivi consolidé et transparent de l’accès des acteurs français, notamment les PME et ETI, aux financements européens de défense, et ce afin d’accompagner la montée en puissance de notre BITD.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN57 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Dans la mesure où des zones floues entourent les Opex, les Misops et les Missint (missions intérieures), nous demandons un rapport sur les modalités de financement et le statut des forces déployées dans les différentes missions.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement fait écho aux préoccupations soulevées dans mon rapport pour avis et je suis ravi que d’autres parlementaires estiment qu’il y a un flou. De fait, le cadre juridique et financier des interventions de l’armée française à l’étranger est rendu opaque par une pratique arbitraire et illégitime du gouvernement, qui cherche à s’exonérer du contrôle parlementaire, pourtant prévu à l’article 35 de la Constitution.

Un rapport sur les opérations extérieures est bien transmis au Parlement chaque année. Cependant, je note que si le gouvernement y inclut les missions opérationnelles que nous assurons sur le flanc Est de l’Europe, il refuse de modifier en conséquence le statut et la rémunération des militaires qui y participent. Il y a donc bien un problème : le ministère ne fait plus la différence entre les opérations.

Quoi qu’il en soit, je demande donc le retrait de cet amendement. Le rapport annuel du gouvernement ne nous apprend déjà rien, ce dernier ne souhaitant pas être honnête sur cette question.

Mme Anna Pic (SOC). Je reste optimiste ! Sébastien Lecornu, alors ministre des armées, nous avait promis les informations précises et transparentes que nous demandions depuis très longtemps. Je suis sûre qu’elles nous parviendront.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN58 de Mme Isabelle Santiago

Mme Anna Pic (SOC). Cet autre amendement du groupe SOC vise à renforcer le contrôle parlementaire sur la soutenabilité, donc la sincérité budgétaire de la mission Défense. En effet, malgré la hausse de 13 % des crédits qui lui sont alloués, nous craignons que le budget du ministère des armées ne connaisse une crise de croissance en raison de rigidités budgétaires particulièrement préoccupantes. Nous demandons donc qu’un rapport nous soit remis chaque année pour garantir la transparence et la cohérence de la trajectoire financière avec les ambitions affichées dans la LPM.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable : la Cour des comptes a déjà rendu un rapport à ce sujet cette année. D’ailleurs, dans le cadre de nos réflexions sur les moyens de l’Assemblée, peut-être pourrions-nous réfléchir à adosser cette institution à la nôtre !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN154 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à obtenir un rapport sur les conséquences budgétaires qu’aurait le recours à un dispositif de recrutement fonctionnant sur un principe d’avance-retard. Nous en avons parlé, et M. Chenevard a lui-même fait part de sa préoccupation : il y a une inadéquation entre la gestion annuelle des recrutements et la programmation pluriannuelle du budget des armées.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN59 de Mme Isabelle Santiago

Mme Anna Pic (SOC). Par cet amendement nous demandons qu’un rapport nous soit remis sur l’exécution de la loi de programmation militaire, en intégrant le retour d’expérience du conflit en Ukraine. Les choses ont beaucoup évolué depuis la promulgation de cette loi et nous craignons que le délai de trois ans que nous nous sommes fixé nous empêche de réorienter nos capacités de manière dynamique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN61 de Mme Isabelle Santiago

Mme Anna Pic (SOC). Nous demandons ici une évaluation des besoins des conjoints de militaires en matière d’accès à l’emploi et à la formation, des dispositifs existants et des possibilités de coordination entre les politiques des ministères chargés des armées, du travail et des collectivités territoriales.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Comme je l’avais dit dans mon rapport pour avis de l’an dernier, l’accompagnement des conjoints de militaires est insuffisant pour compenser leurs difficultés. L’accès à l’emploi est très variable selon les territoires et les employeurs sont parfois réticents à les recruter, anticipant une mobilité proche du conjoint ‑ des difficultés qui touchent très majoritairement les femmes.

Les travaux engagés en faveur d’un éventuel pass emploi pour les conjoints de militaires allant dans le bon sens, je ne suis pas sûr qu’un rapport sur cette question suscite une évolution sensible. Sagesse.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). C’est notre job d’évaluer les politiques publiques ! Certes, il faut que l’Assemblée nous en donne les moyens et que nos questions fassent l’objet de réponses transparentes, mais ce travail est plus utile que beaucoup d’autres que nous pouvons faire ici.

Mme Anna Pic (SOC). Je suis parfaitement d’accord avec vous. Nous aimerions pouvoir conduire davantage de missions d’information et disposer des moyens suffisants pour ce faire, c’est-à-dire en n’étant pas restreints par des délais très courts ou par un nombre limité de déplacements. C’est à ces conditions que nous pourrions réaliser nous-mêmes les rapports que nous demandons.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je rappelle que six missions d’information ont toujours lieu simultanément : les administrateurs travaillant pour notre commission ne peuvent en faire davantage. De plus, tous les déplacements demandés ont été acceptés. Peut-être faudrait-il avoir les moyens de recruter davantage de collaborateurs ou d’administrateurs.

Mme Anna Pic (SOC). C’est cela même !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN128 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Ce dernier amendement vise à obtenir un rapport étudiant le coût d’une participation de la France à une coalition de pays chargés d’établir une zone d’exclusion aérienne en Ukraine.

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). La question étant loin d’être tranchée, demander un rapport me semble prématuré.

La commission rejette l’amendement.

 

 

 

 


   Annexe I : AUDITIONS de la rapporteure pour avis

(Par ordre chronologique)

 

      Secrétariat général pour l’investissement – M. Loïc Le Loarer, coordinateur de la stratégie nationale quantique ;

 

      Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique – Mme Sandrine Mazetier, directrice générale déléguée à l’appui aux politiques publiques, et M. Neil Abroug, responsable du domaine quantique ;

 

      Pasqal – Mme Daphné Ricard et M. Krisztian Benyo, technical business developer ;

 

      Alice & Bob – M. Théau Peronnin, président ;

 

      Quandela – Mme Marine Xech-Gaspa, directrice de cabinet, et M. Jean Senellart, directeur produit ;

 

      Représentants de la DGSE ;

 

      M. le vice-amiral d’escadre Éric Malbrunot, sous-chef d'état-major « Plans » de l'état-major des armées, et M. le colonel Cyrille de Boysson, officier de cohérence opérationnel « numérique et quantique » ;

 

      Direction du renseignement et de la sécurité de la défense – M. le général de corps d’armée Aymeric Bonnemaison, directeur ;

 

      Direction générale des relations internationales et de la stratégie – Mme Laure Bansept, cheffe du service « pilotage des ressources et influence internationale », Mme Sabine Stevant-Venegoni, adjointe à la cheffe du service « pilotage des ressources et influence internationale », et Mme Patricia Lewin, déléguée pour le rayonnement ;

 

      Représentants de la DGSE ;

 

      École polytechnique – Mme Laura Chaubard, présidente et directrice générale, Mme Laura Fau, secrétaire générale, et M. Éric Sieberath, directeur de cabinet de la présidente et directrice ;

 

      Agence de l’innovation de défense – M. l’ingénieur général de l’armement Patrick Aufort, directeur, et M. l’ingénieur en chef de l’armement David Foricher, directeur du pôle Financement et Acquisition de l’innovation.


   Annexe II : Glossaire des principaux acronymes

AD : attaché de défense

AE : autorisation d’engagement

AED : agence européenne de défense

AID : agence de l’innovation de défense

AMIAD : agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense

ASTRID : accompagnement spécifique des travaux de recherches et d’innovation défense

BITD : base industrielle et technologique de défense

BMP : besoin militaire prévisible

BOP : budget opérationnel de programme

C2I : contre-ingérence informationnelle

CERT [ED] : Computer Emergency Response Team [Entreprises de défense]

CIC : contre-ingérence cyber

CIE : contre-ingérence économique

CIF : contre-ingérence des forces

CP : crédit de paiement

CVFS : commission de vérification des fonds spéciaux

DGA : direction générale de l’armement

DGRIS : direction générale des relations internationales et de la stratégie

DGSE : direction générale de la sécurité extérieure

DPR : délégation parlementaire au renseignement

DRM : direction du renseignement militaire

DRSD : direction du renseignement et de la sécurité de la défense

EMA : état-major des armées

ENF : empreinte numérique finalisée

ENSTA : école nationale supérieure de techniques avancées

EOTO : étude opérationnelle et technico-opérationnelle

EPS : études prospectives et stratégiques

ETI : entreprises de taille intermédiaire

FAD : forces armées djiboutiennes

FFDj : forces françaises stationnées à Djibouti

FID : Fonds Innovation Défense

GNSS : géolocalisation et navigation par un système de satellites

IA : intelligence artificielle

IRSEM : institut de recherche stratégique de l’École militaire

ISAE-Supaéro : institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace

ISL : institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis

LFI : loi de finances initiale

LOLF : loi organique relative aux lois de finances

MdD : mission de défense

NIST : National Institute of Standards and Technology

ONERA : office national d’études et de recherches aérospatiales

PAD : Personnalités d’avenir – Défense

PES : Pacte Enseignement Supérieur

PLF : projet de loi de finances

PME : petites et moyennes entreprises

PMG7 : partenariat mondial du G7 pour la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive

RAPID : régime d’appui à l’innovation duale

SIRCID : système d’information de renseignement de contre-ingérence de défense

TCMD : traité de coopération militaire et de défense