N° 2048
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 octobre 2025
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2026 (n° 1906)
TOME III
DÉFENSE
Soutien et logistique interarmÉes
PAR M. Bastien LACHAUD
Député
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Voir le numéro : 1906.
SOMMAIRE
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Pages
Synthèse des propositions du rapport
1. Des reports de charges en forte hausse
3. Un défi de soutenabilité en même temps qu’un enjeu démocratique
A. L’action 1 « planification des moyens et conduite des opérations »
a. La hausse de la contribution de la mission Défense à l’OTAN
2. Le renseignement d’intérêt militaire
3. Le numérique opérationnel interarmées
B. L’action 5 « Logistique et soutien interarmées »
1. Le service de santé des armées (SSA)
a. Un budget stable pour le SSA
b. Les enjeux de ressources humaines prioritaires pour 2026
c. La préparation d’un soutien santé dans le cadre d’une hypothèse d’engagement majeur (HEM)
2. Numérique environnement soutien des forces
3. Le service de l’énergie opérationnelle
4. Le service interarmées des munitions (SIMu)
5. Soutien des forces par les bases de défense
a. Les difficultés de financement et de mise en œuvre de la maintenance lourde
b. L’évolution du maillage des bases de défense en 2025
7. Le service du commissariat des armées
b. Des difficultés persistantes de ressources humaines
c. L’habillement est en constante amélioration, mais reste un irritant chronique des militaires
C. Les actions 6 et 7 relatives aux surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures
D. L’action 8 « numérique de défense » et la création du commissariat au numérique de défense (CND)
a. La fusion, par le CND, des services compétents pour le numérique du ministère des Armées
b. Le défi des ressources humaines dans les filières numériques
III. Le programme 212 « Soutien de la politique de défense »
A. Les dépenses de personnel : l’essentiel des crédits du programme 212
2. La hausse des effectifs de la réserve opérationnelle
b. Les limites de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM)
c. L’absence d’éligibilité des militaires du rang à la prime de parcours professionnels (3PM)
5. La réforme de la protection sociale
B. Le volet hors titre II du programme 212
2. Les politiques des ressources humaines
a. Des interrogations sur les suites à donner au plan « Fidélisation 360 »
b. La proposition de mise en place d’un compte de gestion des permissions
3. Les systèmes d’information, d’administration et de gestion (SIAG)
4. Les dépenses de pilotage, soutien et communication du Ministère
5. La politique culturelle et archivistique du ministère des Armées et des Anciens combattants
Seconde partie : le soutien et le financement des missions sur le flanc est de l’OTAN
A. L’engagement croissant de la France pour le dispositif oriental de l’OTAN depuis 2022
1. Le dispositif français sur le flanc est en renforcement constant depuis 2022
a. La projection des forces de l’Armée de Terre et de l’Armée de l’Air et de l’Espace en Roumanie
b. Le renforcement pérenne de l’engagement de l’Armée de Terre en Estonie
c. L’engagement dans l’assistance à l’Ukraine avec la mission Gerfaut en Pologne
e. Des déploiements navals fréquents dans les zones maritimes du flanc est de l’OTAN
a. Un poids opérationnel majeur pour les armées, en particulier les forces terrestres
b. Une mobilisation de l’ensemble de la chaîne des soutiens logistiques
c. La mobilisation des services de soutien interarmées
d. Le risque d’une fatigue opérationnelle pour les personnels les plus sollicités
a. La fragilité juridique de la notion d’OPEX
c. Des MISSOPS dont les effets juridiques et financiers sont définis au cas par cas
d. L’application arbitraire de l’article 35 de la Constitution par le Parlement
a. Un traitement spécifique des surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures
I. Audition de M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration
II. Audition des représentants de syndicats des personnels civils de la défense
Annexe : liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis
Synthèse des propositions du rapport
Proposition : Mettre en place, dans le cadre du prochain ajustement législatif de la loi de programmation militaire, un objectif de plafond du report de charges et des restes à payer de la mission Défense
Proposition : Réaliser une analyse consolidée et publique du taux de retour sur la contribution de la mission Défense à l’OTAN
Proposition : Augmenter les effectifs autorisés du SSA et les crédits T2 dédiés afin de compenser les efforts menés sur la hausse d’effectifs de recrutements en formation initiale
Proposition : Renforcer le financement des bases de défense afin de résorber le déficit de maintenance lourde et compenser les moindres financements
Proposition : Étendre les dispositifs de recensement, de constitution de stocks minimaux, de priorisation des commandes et de réquisition, tels qu’applicables aux entreprises d’armement, aux entreprises concourant au soutien de la défense
Proposition : Mettre en place un système de gestion pluriannuelle des effectifs du ministère des Armées et des Anciens combattants
Proposition : Adapter les modalités de calcul et d’attribution de l’IGAR à la composition réelle des foyers familiaux
Proposition : Étendre le bénéfice de la prime de parcours professionnels aux militaires du rang
Proposition : Mettre en place un compte de gestion des journées de permission
Proposition : Systématiser la mise en œuvre de la procédure d’information et de contrôle du parlement prévue à l’article 35 de la Constitution pour toutes les projections à l’étrangers de militaires constitués en corps à des fins opérationnelles
Proposition : Mettre en place un traitement budgétaire spécifique des missions opérationnelles (MISSOPS) en loi de finances et les documents annexés, distinguant les missions relevant du renforcement du flanc est de l’OTAN
La hausse des crédits de la mission Défense se poursuit en 2026, avec 66,7 Md€ en crédits de paiement (CP), soit une augmentation substantielle de 11,3 % par rapport à 2025. Cette augmentation se décompose en une « marche » de +3,2 Md€, tel que prévue par la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 (LPM) et une « surmarche » supplémentaire de +3,5 Md€. L’écart entre crédits de paiement et autorisations d’engagement reste important. Ces derniers s’établissent à 93,1 Md€ pour 2026, affichant un niveau stable par rapport à 2025.
Cette hausse ne doit pas occulter les rigidités structurelles qui menacent la soutenabilité budgétaire de la mission Défense. En effet, les reports de charges, qui correspondent aux paiements dus au cours de l’année courante mais reportés à l’exercice suivant, s’élèvent à 8 019 M€, en hausse de 2Md€ depuis 2023. Au-delà des seuls reports de charges, c’est l’ensemble des restes à payer de la mission Défense qui connaît une croissance exponentielle. Les restes à payer, qui incluent les reports de charges, correspondent aux paiements à venir occasionnés par des engagements déjà réalisés. Ils constituent donc l’essentiel de la contrainte budgétaire qui pèse sur l’emploi des crédits de paiement appelés à être ouverts dans les années à venir. Les restes à payer ont augmenté pour s’établir à 126,6 Md€ en 2025. Ce montant représente près de 3,4 fois le budget hors dépenses de personnel de la mission Défense.
Cette rigidification budgétaire soulève un double enjeu, démocratique et stratégique. D’une part, le respect de la souveraineté populaire implique de préserver une capacité d’évolution de la politique de défense en fonction des choix collectifs exprimés par la voie démocratique. La rigidification budgétaire actuelle prive les futurs décideurs de cette marge de manœuvre, et impose une hausse des crédits de défense y compris après 2030. D’autre part, se pose un enjeu d’efficacité de la dépense publique : que faire si les orientations prises jusqu’ici devenaient obsolètes, ou si des besoins urgents venaient à apparaître, alors que la mission Défense ne permettrait pas de soutenir de nouveaux engagements ?
L’avis budgétaire de votre rapporteur porte d’abord sur les crédits dévolus au soutien dans le programme 178, qui recouvrent les actions liées à la planification et la conduite des opérations, la logistique et le soutien interarmées, les surcoûts opérationnels et le numérique de défense. Les crédits sont en hausse de 8,5 % par rapport à 2025 sur le périmètre des actions de soutien.
Une nouveauté pour 2026 réside dans la création du Commissariat au numérique de défense (CND), doté d’un budget proche de 1Md€. La création du CND en septembre 2025 vise à centraliser les services, les missions et les centres opérationnels de décision compétents en matière de numérique de défense au sein d’une même instance. Votre rapporteur salue cette création, car l’éparpillement des responsabilités en matière de numérique à force de réformes successives avait abouti à une organisation en silo inefficace, même s’il conviendra d’apprécier les effets de cette réforme majeure dans la durée. Doté d’un effectif de 6 500 hommes et femmes, le CND fait d’abord face à un défi considérable : satisfaire un plan annuel de près de 300 recrutements, et résorber un déficit chronique d’environ 400 agents sur la fonction numérique du ministère.
Les crédits du programme 212, consacrés aux fonctions transverses du ministère mais aussi à l’ensemble des crédits de personnel des armées, sont également en hausse, s’établissant à 25,6 Md€ en crédits de paiement, dont 23,8 Md€ pour les seules dépenses de personnel.
Votre rapporteur salue la hausse notable sur la politique immobilière, avec 116 millions d’euros de hausse en crédits de paiement, dont il faut se réjouir tant le logement et l’état des infrastructures constituent un irritant chronique pour les militaires. Ces crédits s’expliquent notamment par la poursuite du plan « Hébergement » ainsi que par un effort d’investissement sur la maintenance lourde.
Concernant les ressources humaines du Ministère, l’embellie constatée en matière de recrutement et de fidélisation en 2024 se poursuit en 2025. Le schéma d’emploi de 2025 sera atteint, et le PLF prévoit une progression de + 800 ETP pour 2026. Toutefois, l’objectif de 275 000 ETP fixé par la loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM) ne pourra être atteint sans rattrapage du retard accumulé depuis 2023, qui dépasse les 4 000 postes.
Face à ce constat, votre rapporteur regrette que les cibles d’effectifs inscrites dans la loi de programmation militaire ne soient pas adaptées annuellement pour tenir compte du déficit accumulé par les armées sur leurs objectifs d’effectifs. Or, les armées bénéficient actuellement d’un contexte particulièrement favorable en matière d’attractivité et de fidélisation qui pourrait ne pas durer en raison de l’évolution démographique défavorable, la baisse de la natalité réduisant mécaniquement les classes d’âge susceptibles d’être recrutées dans les années à venir. Cette conjoncture temporaire confère des capacités d’augmenter les flux de recrutement, offrant une fenêtre d’opportunité pour rattraper une partie substantielle du retard. Ce plafonnement a des conséquences aberrantes. Ainsi, en fin 2024, les recrutements ont été stoppés pour ne pas dépasser le schéma d’emploi annuel alors que de nombreux candidats attendaient de pouvoir intégrer les armées, prenant le risque que des candidats se tournent vers d’autres emplois.
Votre rapporteur a consacré la partie thématique de ce rapport au financement des missions sur le flanc est de l’OTAN et à l’organisation budgétaire des surcoûts opérationnels. Depuis l’intensification de la guerre en Ukraine en février 2022, la France a substantiellement renforcé sa présence et ses actions militaires sur le flanc est de l’OTAN ; le flanc est de l’Europe est devenu le centre de gravité opérationnel des armées françaises. Cette forte sollicitation génère des surcoûts importants, supportés par les armées et les services de soutien, évalués au global à 460 M€ pour 2024 pour les seules missions opérationnelles. Votre rapporteur souhaite souligner trois points d’attention majeurs.
– Premièrement, la provision annuelle initiale prévue par l’article 5 de la LPM est systématiquement dépassée. La hausse de cette provision à 1 200 M€ pour 2026 manque totalement de clarté et entretient une opacité dommageable au contrôle démocratique des décisions budgétaires. Elle se situe en outre en deçà des surcoûts constatés les années précédentes (1 854 M€ en 2024).
– Deuxièmement, un changement d’imputation budgétaire intervient en 2026. À partir de cette année, le mode de gestion des OPEX sera étendu aux MISSOPS, permettant aux armées d’imputer directement sur le BOP OPEX‑MISSINT les dépenses qu’elles estimeront éligibles, sans que les critères d’éligibilité ne soient clairement définis. Cette réforme majeure crée un risque d’opacité et fait peser sur l’ensemble des politiques publiques le coût d’objets budgétaires indéterminés, du fait de la clause de financement interministériel.
– Troisièmement, l’imputation des surcoûts opérationnels relevant des MISSOPS (missions sur le flanc est de l’OTAN) sur le BOP OPEX-MISSINT est illégitime, car l’article 5 de la LPM qui détermine cette provision et la possibilité d’un financement interministériel ne dispose que des « opérations extérieures et des missions intérieures ». Cela alors que le Gouvernement se refuse à une qualification juridique des MISSOPS ainsi financées comme opérations extérieures.
Surtout, la perspective d’un déploiement de forces françaises en Ukraine dans le cadre de la « coalition des volontaires » et d’une éventuelle « force de réassurance » rend plus urgente que jamais la nécessité de rétablir une pratique conforme à l’article 35 de la Constitution. L’engagement envisagé, qui pourrait mobiliser des militaires français sur le sol ukrainien, présente un risque de prise à partie ou de belligérance et constitue une rupture stratégique majeure pour la France. Un tel déploiement ne saurait relever d’une décision unilatérale de l’exécutif dissimulée sous la qualification administrative de « MISSOPS » ou justifiée par l’appartenance à une coalition internationale. L’ampleur de l’engagement, les risques encourus par les soldats français, le coût humain et budgétaire potentiel, ainsi que les implications géopolitiques d’une présence militaire française entre la Russie et l’Ukraine exigent impérativement l’information et l’autorisation préalables du Parlement conformément à l’esprit de la révision constitutionnelle de 2008 et à la lettre de la Constitution.
Enfin, comme l’année dernière, votre rapporteur doit souligner les difficultés récurrentes du dialogue budgétaire avec le ministère des Armées et des Anciens combattants et le gouvernement. Que dire lorsque votre rapporteur apprend la réforme substantielle de la provision surcoûts opérationnels à la réception du projet annuel de performances, alors qu’il auditionnait le secrétariat général pour l’administration du ministère précisément sur ce sujet le jour même, et qu’aucune information ni explication spontanées ne lui ont été transmises ? Cette pratique d’omission s’inscrit dans un contexte plus large de retards systématiques : les réponses au questionnaire budgétaire ont tardé, comme le dépôt du projet de loi de finances d’ailleurs, intervenu le 14 octobre 2024 en mépris des délais prévus par les articles 39 et 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il a fallu un mois au Gouvernement Lecornu pour déposer un budget, qui, de toute évidence, est une reprise de la copie du Gouvernement précédent. Cette situation nuit gravement à la qualité du contrôle parlementaire et au respect des prérogatives constitutionnelles de l’Assemblée nationale en matière budgétaire. Votre rapporteur appelle à un changement de pratique et au rétablissement d’un dialogue budgétaire sincère, transparent et respectueux des délais légaux.
Première partie : les crédits relatifs au soutien et à la logistique interarmées dans le projet de loi de finances pour 2026
Le présent rapport pour avis porte sur un ensemble cohérent de crédits consacrés aux soutiens. Dans la nomenclature budgétaire, ils se répartissent entre deux programmes :
– le programme 178 « Préparation et emploi des forces », pour les quatre de ses sept actions qui ne retracent pas spécifiquement des dépenses liées à la préparation et à l’emploi d’une armée ;
– le programme 212 « Soutien de la politique de défense », pour les dépenses afférentes à la logistique interarmées et aux soutiens.
Avant de détailler l’évolution des crédits prévus pour le PLF 2026 sur cet ensemble, votre rapporteur souhaite alerter sur l’équilibre général de la mission Défense, dont la soutenabilité comme la pilotabilité risquent d’être remise en cause par la hausse préoccupante des restes à payer, dont les reports de charge.
I. La trajectoire des restes à payer de la mission défense menace la soutenabilité et la pilotabilité du budget des armées
1. Des reports de charges en forte hausse
La hausse des crédits de la mission Défense se poursuit en 2026, avec 66,7 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation substantielle de +11,3 % par rapport à 2025.
L’écart reste important avec les autorisations d’engagement, qui s’établissent à 93,1 milliards d’euros pour 2026, affichant un niveau stable par rapport à 2025.
Les reports de charges, qui correspondent aux paiements dus au cours de l’année courante mais reportés à l’exercice suivant, ont connu une évolution particulièrement inquiétante ces dernières années. Après une forte augmentation en 2023, le phénomène s’est encore amplifié en 2024 : le report de charge s’élève désormais à 8 019 M€, soit une hausse de 1 934 M€ par rapport à 2023. Ce montant représente près de 22 % des crédits (hors T2) de la mission défense. C’est donc presque un quart du budget de 2025 qui est affecté, avant le début de l’exercice, au paiement des dépenses de 2024.
Interrogés par votre rapporteur, les représentants du ministère des Armées et des Anciens combattants expliquent que cette situation est en partie due aux mesures de régulation budgétaire, qui ont consisté à geler des montants importants de crédits ouverts en faveur du ministère en fin d’année 2023 et 2024.
Cette accumulation de reports de charges emporte plusieurs conséquences néfastes :
– Une rigidité accrue dans la gestion budgétaire de l’année n+1, associée à un risque de soutenabilité du modèle financier du ministère. L’évolution du report de charges, qui a dépassé en 2024 le plafond de 20 % des crédits hors titre 2 ouverts en loi de finances initiale au profit de la mission « Défense » et qui devrait le dépasser également fin 2025, démontre l’incapacité de la part du ministère des Armées et des Anciens combattants à limiter ses engagements en cas de besoin.
– Une charge financière croissante pour le ministère des Armées et des Anciens combattants. Les estimations données à votre rapporteur sont 61 M€ d’intérêts moratoires payés par le ministère à septembre 2025 pour l’exercice en cours ;
– Une tension potentielle sur la trésorerie des fournisseurs du ministère. Si les plus grandes dettes fournisseurs concernent heureusement les plus grandes entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD), elles peuvent également affecter des fournisseurs plus modestes. Votre rapporteur a par exemple été alerté sur le cas d’une entreprise de plâtrerie faisant face à une dette fournisseur des armées atteignant près de 100 000 euros.
2. Des restes à payer qui ont dépassé les 100 Md€ en 2025 et susciteront une forte contrainte sur l’emploi des crédits des années à venir
Au-delà des seuls reports de charges, c’est l’ensemble des restes à payer de la mission Défense qui connaît une croissance exponentielle. Les restes à payer, qui incluent les reports de charge, correspondent aux paiements à venir occasionnés par des engagements déjà réalisés, notamment les lourdes opérations d’investissement pluriannuelles (programmes d’armement et d’infrastructures). Ils constituent donc l’essentiel de la contrainte budgétaire qui pèse sur l’emploi des crédits de paiement appelés à être ouverts dans les années à venir.
Les restes à payer ont augmenté pour s’établir à 126,6 Md€ en 2025. Ce montant représente près de 3,4 fois le budget hors T2 de la mission Défense, qui s’établissait à 36,77 Md€ en crédits de paiement en LFI 2025.
Évolution du volume des restes à payer de la mission défense en Md€
Source : ministère des Armées et des Anciens combattants et projets annuels de performance.
Ces restes à payer sont principalement portés par :
– Le programme 146 « Équipement des forces » (57,5 Md€ à fin 2024, soit 3,5 années de ressources futures), du fait de la pluriannualité des programmes d’armement ;
– Le programme 178 « Préparation et emploi des forces », en particulier depuis 2021, du fait de la réforme de l’entretien programmé du matériel qui recourt de plus en plus, surtout pour le matériel aéronautique, à des contrats de longue durée. Les restes à payer du programme 178 ont ainsi augmenté de 88 % entre 2020 et 2023, pour s’établir à 33,1 Md€ à fin 2024.
S’ajoutent à ces montants des « tranches fonctionnelles » prévues dans les contrats d’achats d’équipements qui, bien que n’engageant pas juridiquement l’État, correspondent à des dépenses qu’il serait déraisonnable de ne pas honorer. Le montant total des engagements implicites et explicites est donc probablement supérieur à 126,6 Md€.
3. Un défi de soutenabilité en même temps qu’un enjeu démocratique
L’augmentation régulière des restes à payer réduit d’autant le volume des dépenses pilotables sur les exercices suivants, autrement dit les possibilités ouvertes pour le lancement d’engagements nouveaux. Cette situation soulève trois enjeux majeurs :
– Un enjeu démocratique : le respect de la souveraineté populaire implique de préserver une capacité d’adaptation de la politique de défense aux orientations définies par les représentants démocratiquement élus. Si la nature des programmes d’armement impose nécessairement une programmation pluriannuelle contraignante, le niveau actuel de rigidification budgétaire dépasse largement cette contrainte inhérente aux équipements lourds.
– Un enjeu d’efficacité de la dépense publique : que faire si les orientations prises jusqu’ici devenaient obsolètes, ou si des besoins urgents venaient à apparaître, alors que la mission Défense ne permettrait pas de soutenir de nouveaux engagements ?
– Un enjeu de sincérité et de transparence budgétaires : le recours massif aux reports de charges traduit un décalage préoccupant entre les engagements votés dans le cadre de la loi de programmation militaire et leur exécution effective. L’accumulation de ces reports résulte pour votre rapporteur de l’absence de livre blanc définissant préalablement les orientations stratégiques et d’un débat démocratique insuffisant sur les arbitrages budgétaires. Cette situation altère la lisibilité de la politique de défense et questionne la portée réelle des autorisations parlementaires.
Votre rapporteur alerte sur la pilotabilité du « paquebot » de la mission Défense, qui risque, par ses effets de bord, de menacer l’équilibre de l’ensemble du budget de l’État. Si la pluriannualité des programmes de défense est nécessaire et légitime, la remontée en puissance exceptionnellement rapide actuelle entraîne des tensions budgétaires majeures. Ces tensions sont exacerbées par la contradiction flagrante entre les ambitions affichées pour la défense et la politique d’austérité budgétaire généralisée menée par ailleurs. Sans augmentation substantielle du budget sur les exercices budgétaires futurs, le ministère des Armées et des Anciens combattants risque un arrêt forcé budgétaire aux conséquences désastreuses. Le cas de la fin de gestion 2024 est assez emblématique : le refus en interministériel des ouvertures de fin de gestion a provoqué une explosion du report de charges de 1,2 Md€, contribuant à atteindre le niveau record de 8 Md€ de reports mentionné plus tôt. Lorsque le Ministère ne sera plus en mesure d’utiliser le fonds de roulement qu’est devenu l’outil du report de charges, des arbitrages difficiles s’imposeront.
Les représentants du ministère des Armées et des Anciens combattants, notamment le Secrétaire Général pour l’Administration, auditionné par votre rapporteur, estiment que le niveau de restes à payer et de reports de charges ne doit pas susciter d’inquiétude. Ce dernier y voit un « découvert autorisé » pour le ministère des Armées et des Anciens combattants, qui s’expliquerait par la trajectoire budgétaire « éjaculatoire » de certains programmes du ministère, notamment d’armement. Le rapporteur laisse au secrétaire général le soin de l’interprétation de cette qualification.
Cette analyse apparaît toutefois contradictoire avec des efforts préalables réalisés pour limiter le report de charges : plafonnement à 10 % dans la loi de programmation militaire 2019-2025, et limitation à 20 % dans un courrier de l’ancienne Première Ministre en 2023. Si le niveau actuel était sans danger, il convient de s’interroger sur le sens à donner à ces efforts de plafonnement.
Votre rapporteur comprend qu’une certaine rigidité est consubstantielle des grands programmes d’investissement et d’équipement portés par le ministère des Armées et des Anciens combattants. Il convient de reconnaître que cette hausse des engagements s’inscrit dans la logique d’une LPM de montée en puissance, qui suppose un amorçage massif des programmes en début de période.
Il reste toutefois à déterminer quand interviendront l’inflexion de cette courbe et le retour à un niveau soutenable de restes à payer.
Il est à cet égard regrettable que la Direction du budget n’ait pas connaissance, faute de transmission, des projections du ministère des Armées et des Anciens combattants sur les restes à payer à chaque fin d’exercice, d’ici 2030, avec une ventilation année par année et un calendrier précis des autorisations d’engagement. Cela ne permet donc pas de rendre compte de la structure des échéances effectivement engagées afin de suivre la trajectoire de décaissement. Le « paquebot » de la mission Défense avance donc en totale autonomie et opacité.
Face à cette situation, votre rapporteur propose de rétablir un plafond et un indicateur du report de charges rapporté aux crédits de la mission Défense, tel qu’il avait été prévu dans les anciennes lois de programmation militaire. Le projet d’un ajustement législatif de la LPM, annoncé par la ministre des Armées devant notre commission ([1]), constitue une fenêtre d’opportunité.
Proposition : Mettre en place, dans le cadre du prochain ajustement législatif de la loi de programmation militaire, un objectif de plafond du report de charges et des restes à payer de la mission Défense
II. Le programme 178 « préparation et emploi des forces » relatif au soutien et à la logistique interarmées
Le programme 178 « Préparation et emploi des forces » est placé sous la responsabilité du chef d’état-major des armées (CEMA). Il constitue le cœur de la mission « Défense ». L’objet du programme est en effet de remplir les missions confiées aux armées tout en veillant au maintien d’un haut niveau de préparation opérationnelle. Sur les sept actions que comporte le programme 178, quatre retracent des dépenses transversales relevant de la planification des moyens et de la conduite des opérations, du soutien et de la logistique interarmées ou encore des surcoûts liés aux opérations intérieures et extérieures.
C’est sur ces quatre actions que porte l’avis du rapporteur, s’agissant du programme 178. Les trois autres actions retracent spécifiquement les dépenses de préparation des forces terrestres, navales et aériennes et font l’objet d’une analyse distincte par les rapporteurs pour avis désignés à cet effet.
A. L’action 1 « planification des moyens et conduite des opérations »
L’action 1 du programme 178 regroupe les crédits concourant au financement de plusieurs missions et organismes interarmées. Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026, les crédits de cette action correspondent à 832 millions d’euros en autorisations d’engagement (-39 % en AE par rapport à la LFI 2025) et à 811 millions d’euros en crédits de paiement (-37 % en CP par rapport à la LFI 2025).
La sous-action « Emploi des forces » porte le financement des activités de l’état-major des armées (EMA) et des organismes et états-majors interarmées. Son périmètre recouvre essentiellement quatre domaines d’activité :
– les activités internationales des armées, notamment au profit de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et de l’Union européenne (UE), hors opérations extérieures. Elles correspondent aux contributions de la France au fonctionnement de l’OTAN, aux programmes d’investissement de l’Alliance et au budget du réseau des oléoducs de centre-Europe (CEPS). Au titre de l’UE, elles financent la contribution française au budget du centre satellitaire de l’Union européenne (CSUE) et également, depuis 2022, des mesures d’assistance de la facilité européenne de paix. Ces activités participent en outre au soutien de l’action des postes permanents à l’étranger du réseau OTAN et Union européenne, au financement des actions de coopération opérationnelle conduites par l’état-major des armées et des actions de coopération régionale menées par les forces de présence et de souveraineté ;
– les actions de cyberdéfense et le développement ainsi que la mise en œuvre des systèmes d’information opérationnels et de commandement ;
– le transport stratégique contractualisé au profit de l’état-major des armées, des armées, des services interarmées, pour les besoins de la préparation opérationnelle ou à destination des forces de présence et de souveraineté, hors opérations extérieures ;
– les dépenses participant à la préparation et à l’emploi des forces, hors opérations extérieures.
Les crédits prévus au PLF 2026 pour la sous-action « Emploi des forces » s’élèvent à 722,60 M€ en autorisations d’engagement (AE) et 718, 9 M€ en crédits de paiement (CP), en hausse respectivement de +12,7 % (+79,50 M€) et +14,8 % (+92,50 M€) par rapport à la LFI 2025.
Ils se décomposent comme suit :
– 103,60 M€ en AE et 101,50 M€ en CP sont consacrés aux dépenses d’activité opérationnelle, en augmentation par rapport au PLF 2025 (97 M€ €, AE et 91,60 M€ respectivement) ; À ce titre :
– 156,50 M€ en AE et 164,70 M€ en CP sont consacrés aux dépenses d’équipements d’accompagnement et de cohérence. Ils comprennent notamment les dépenses soutenant les politiques de cyberdéfense et de cyber-protection, les achats, le développement et la maintenance des SI opérationnels et de communication (SIOC) et les actions de partenariat/solidarité stratégique de l’EMA. Ils sont en baisse par rapport au PLF 2025 (331,30 M€ et 324,60 M€ respectivement).
– 462,50 M€ en AE et 452,70 M€ en CP sont consacrés aux dépenses de fonctionnement et activités spécifiques :
a. La hausse de la contribution de la mission Défense à l’OTAN
Votre rapporteur se réjouit qu’enfin les données relatives à la contribution de la mission Défense aux budgets et programmes de l’OTAN soient publiées clairement dans les documents budgétaires annexés au présent projet de loi de finances. Cette avancée fait suite à plusieurs années de demandes répétées sur le sujet.
En 2025, la France est le 4e contributeur aux budgets militaire et civil de l’Alliance avec une quote-part de 10,19 %, après les États-Unis et l’Allemagne (dont les quotes-parts sont identiques : 15,88 %) et le Royaume-Uni (10,96 %).
La contribution totale du ministère des Armées et des Anciens combattants s’élève à 338,90 M€ en 2025 et devrait atteindre 415,50 M€ en 2026, soit une hausse de 22,6 %. Cette augmentation correspond à l’impact des engagements pris par la France lors du sommet de l’OTAN de La Haye de 2025. Cette contribution se répartira en 2026 entre la contribution au programme d’investissement de l’OTAN (226,90 M€) et la contribution au budget militaire (188,60 M€).
Il est toutefois à déplorer que le ministère des Armées et des Anciens combattants ne produise pas d’analyse consolidée du taux de retour sur cette contribution. Si le ministère des Armées et des Anciens combattants effectue un suivi des retours qui se manifestent sous la forme de financements de certains projets d’infrastructure au bénéfice de la France, il rappelle que les remboursements sont tardifs et étalés dans le temps, ce qui complique l’évaluation de la performance de notre participation aux budgets de l’Alliance.
Proposition : Réaliser une analyse consolidée et publique du taux de retour sur la contribution de la mission Défense à l’OTAN
2. Le renseignement d’intérêt militaire
La sous-action 01.11 retrace les crédits de la direction du renseignement militaire (DRM) consacrés à l’acquisition et à l’entretien d’équipements à vocation opérationnelle ainsi qu’au soutien des principales missions de la DRM : appui aux théâtres d’opérations et échanges bilatéraux avec les partenaires étrangers. Au-delà des ressources de la sous-action 11, la DRM bénéficie également de crédits portés par d’autres entités à son profit.
Les crédits prévus en 2026 pour le renseignement d’intérêt militaire dans le cadre de la sous-action 11 s’élèvent à 69,50 M€ en AE et à 75,2 Me en CP contre 84,70 M€ en AE (-18 %) et 76 M€ en CP (-1 %) dans le PLF 2025.
Pour 2026, les mesures principales portent sur l’acquisition de nouveaux équipements de recueil et d’analyse, ainsi que des évolutions dans le domaine du renseignement d’origine électromagnétique. La DRM met notamment en œuvre depuis cette année le logiciel ARTEMIS.IA, architecture d’exploitation et de traitement des données de masse, qui s’intègre dans une trajectoire de montée en puissance de la donnée d’ici 2030. Celle-ci prévoit la mise en place d’un domaine commun avec la fonction interarmées du renseignement (FIR).
3. Le numérique opérationnel interarmées
Dotée de 40 M€ en AE et 17 M€ en CP, la sous-action 01.22 « numérique opérationnel interarmées » est une création dans le cadre du PLF 2026, qui s’inscrit dans la réorganisation globale de la fonction numérique avec la création du Commissariat au numérique de défense (CND).
Elle rassemble des crédits dédiés au numérique de l’état-major des armées (EMA) et de la direction du renseignement militaire (DRM) ainsi que des organismes qui leur sont rattachés. Ces crédits financent principalement les équipements et le matériel SIC (systèmes d’information et de communication) nécessaires au commandement opérationnel interarmées.
B. L’action 5 « Logistique et soutien interarmées »
Le budget de l’action 5 s’élève à 3,18 Md€ en AE et à 3,08 Md€ en CP dans le PLF 2026, ce qui correspond à une augmentation de +199 M€ en AE (+6,7 %) et +216 M€ par rapport à 2025.
L’action 5 du programme 178 regroupe les dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention de plusieurs services de soutien spécialisés ou communs. La majorité des crédits finance le soutien de l’homme à travers le service du commissariat aux armées (SCA) et les bases de défense et concourt donc directement à l’efficacité opérationnelle, à la protection des militaires, à leur moral et à leur fidélisation. Elle vise aussi au financement du service de santé des armées (SSA), du service de l’énergie opérationnelle (SEO) et du service interarmées des munitions (SIMu).
1. Le service de santé des armées (SSA)
Trois sous-actions du programme 178 concourent spécifiquement au financement du service de santé des armées (SSA) :
– la sous-action 11 « Infrastructures de santé » : pour 2026, les crédits alloués aux infrastructures de santé s’établissent à 40,3 M€ en AE (+8,3 %) et 55,6 M€ en CP (-0,9 %). Elle finance les programmes et opérations d’infrastructures pour les formations et les opérations du SSA.
– la sous-action 80 « Fonction de santé » : pour 2026, les crédits alloués à la fonction santé s’établissent à 229,1 M€ en AE (-7,4 %) et à 212,2 M€ en CP (-17,4 %).
– la sous-action 21 « Numérique environnement santé » est une création du PLF 2026, avec des crédits alloués de 45,6 M€ en AE et 44,7 M€ en CP. Elle s’inscrit dans le cadre de la réorganisation des crédits dédiés au numérique de la mission Défense, et finance les crédits d’investissement et de fonctionnement dédiés au maintien et au développement des systèmes d’information (SI) de santé.
a. Un budget stable pour le SSA
Le Service de santé des armées (SSA) poursuit la trajectoire de montée en puissance pour 2030 afin de rendre le service pleinement opérationnel et résilient face aux engagements de haute intensité. Il bénéficiera en 2026 d’un volume de crédits stable :
|
CP en M€ |
Catégorie de crédits |
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Écart |
|
Fonction Santé |
Masse salariale (gestionnaire SSA) (titre 2 sur le P212) |
1 002,90 |
1 015,4 |
+12,50 |
|
Fonctionnement (titre 3 sur le P178) |
308,70 |
296,7 |
-12 |
|
|
Investissement (titre 5 sur le P178) |
79,70 |
90,5 |
+10,80 |
|
|
Intervention (titre 6 sur le P178) |
0,40 |
0,2 |
-0,2 |
|
|
Total |
1 391,70 |
1 402,8 |
+11,1 |
|
|
Numérique environnement Santé |
Fonctionnement (titre 3 sur le P178) |
28,40 |
32,7 |
+4.30 |
|
Investissement (titre 5 sur le P178) |
10,50 |
12 |
+1,5 |
|
|
Total |
38,90 |
44,7 |
+5,8 |
|
|
Infrastructure Santé |
Total |
61 |
55,6 |
-5,4 |
|
TOTAL crédits affectés au SSA |
1 491,60 |
1 503,1 |
+11,5 |
|
Source : Service de santé des Armées.
La baisse des crédits de fonctionnement (-12 M€ pour le PLF 2026) se fait au profit des crédits d’investissement, qui doivent notamment soutenir la dynamique en matière de médecine hospitalière autour de deux projets structurants pour le service en 2026 :
– la conversion de l’hôpital d’instruction des Armées Robert Picqué, à Villenave-d’Ornon près de Bordeaux, en hôpital spécialisé des Armées dont l’activité sera recentrée sur la rééducation et la réhabilitation des militaires blessés ;
– le lancement de la phase de préparation de l’opération d’investissement majeur de l’Hôpital national d’instruction des Armées nouvelle génération de Marseille (HNIA-NG), qui constitue la pierre angulaire de la remontée capacitaire hospitalière du SSA.
b. Les enjeux de ressources humaines prioritaires pour 2026
Les politiques de ressources humaines constituent une priorité pour le SSA. L’année 2026 sera ainsi marquée par la mise en place des mesures catégorielles sur les grilles officiers au 15 décembre 2025 et la mise en place de la prime de compétence spécifique (PCS) milieu « Santé » au 1er décembre 2025. Le SSA vise également la création d’un corps des militaires du rang du SSA avec des règles de recrutement et de formation adaptées.
Sur le plan des effectifs, le SSA poursuit sa politique de recrutement et de fidélisation ; il affiche 14 379 effectifs réalisés en 2024 (contre 14 483 dans le plafond ministériel des emplois autorisés).
S’agissant des efforts de fidélisation, le SSA mobilise des leviers d’attractivité, à savoir les primes de lien au service (PLS) qui peuvent être proposées lors d’un recrutement initial et les allocations financières spécifiques de formation (AFSF), attribuées à des élèves ou étudiants civils en fin de cursus s’engageant à servir en qualité de militaire après diplomation ou formation. Au niveau des sorties, un ralentissement est constaté par le SSA depuis la deuxième partie de la gestion 2024, à l’instar des armées, qui se confirme en 2025. En revanche, la dynamique est la hausse des sorties pour les personnels civils (466 sorties en 2025).
Concernant les recrutements, la volumétrie de recrutements militaires s’inscrit dans une tendance haussière, notamment concernant les contractuels praticiens (PRAT) ou militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA), facilités par la mise en œuvre de la PLS et de l’AFSF.
Le SSA fait toutefois face depuis plusieurs années à un déficit en personnel soignant dans certaines spécialités médicales et paramédicales indispensables à la prise en charge des blessés et malades militaires. Ce problème est particulièrement aigu dans la composante hospitalière, notamment en chirurgie, médecine d’urgence, psychiatrie et radiologie. Il touche également la spécialité paramédicale des infirmiers de bloc opératoire. Pour pallier ces déficits, un recrutement externe, hors recrutement via les écoles de santé, de 40 praticiens a été réalisé en 2024. 25 sont programmés en 2025.
Cette difficulté touche également la médecine des forces en raison d’une croissance de l’activité du SSA pour faire face à l’augmentation de la population militaire (notamment, réserve opérationnelle et forces terrestres). Au 1er juillet 2025, 109 postes de médecins étaient vacants dans cette composante, (soit 14 % des 797 postes décrits en organisation).
Le SSA inscrit particulièrement son effort dans la formation, avec une remontée des effectifs des Écoles de santé. Depuis 2023, le flux de recrutement des élèves praticiens du SSA recrutés ab initio a été augmenté. La finalité est de former à l’issue de la scolarité un volume de 125 praticiens (120 médecins et 5 pharmaciens). Les effets de l’augmentation du flux de praticiens recrutés ab initio ne sont pas quantifiables à ce jour. Il faudra en effet attendre la fin des études de ces cohortes pour apprécier les conséquences de cette augmentation des recrutements sur l’activité du service. Un travail de révision du concours d’entrée à l’École de Santé des Armées est également prévu pour 2026.
Toutefois, votre rapporteur émet une préoccupation quant au soutien de cette hausse d’effectifs des recrutements initiaux, qui n’est pas spécifiquement financée dans le cadrage d’effectifs du SSA. En effet, la hausse du personnel en formation au sein des écoles de Santé (médicale et paramédicale) suscite des effets d’éviction sur le financement du recrutement de personnels contractuels, et affecte in fine les lignes d’effectifs autorisés aujourd’hui disponibles au sein des établissements producteurs de soins au profit des armées. Il en résulte une moindre capacité pour le SSA à couvrir sa charge d’activité.
Proposition : Augmenter les effectifs autorisés du SSA et les crédits T2 dédiés afin de compenser les efforts menés sur la hausse d’effectifs de recrutements en formation initiale
c. La préparation d’un soutien santé dans le cadre d’une hypothèse d’engagement majeur (HEM)
Le Service de santé des armées (SSA) s’entraîne à faire face à un éventuel engagement de haute intensité. La trajectoire actuelle de remontée en puissance du service permet de viser à horizon 2027 la capacité de soutenir une division militaire projetée dans un engagement de haute intensité.
Le SSA doit être en mesure de traiter l’ensemble du soutien santé à proximité du front, tandis qu’une fois les blessés rapatriés sur le territoire national, la coordination est réalisée dans un cadre interministériel via le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN).
S’agissant de la préparation d’un soutien français à un engagement majeur, les travaux sont menés sur la base d’une hypothèse de travail interministérielle d’un flux massif de blessés accueillis chaque jour sur le territoire national. Dans ce scénario, le SSA sera particulièrement en première ligne durant les premiers jours et semaines, assurant la prise en charge de la première vague de blessés le temps que l’ensemble des capacités sanitaires françaises se mettent en ordre de bataille et qu’une gestion de crise stabilisée puisse être établie.
Toutefois, des lacunes capacitaires persistent, notamment en termes de blocs opératoires. La reconstruction d’un 9e hôpital militaire pourrait être envisagée à horizon 2040, investissement qui demeurera nécessaire pour atteindre le niveau d’ambition requis par un engagement de haute intensité.
2. Numérique environnement soutien des forces
Dotée de 143 M€ en AE et 105,1 M€ en CP, cette sous-action est une création dans le cadre du PLF 2026, qui s’inscrit dans la réorganisation globale de la fonction numérique.
Elle vise à regrouper dans un agrégat unique, afin de renforcer la lisibilité budgétaire, l’ensemble des dépenses liées aux systèmes d’information et de communication des structures chargées du maintien en condition des matériels des trois armées ainsi que du Service du commissariat aux armées (SCA).
3. Le service de l’énergie opérationnelle
Service interarmées subordonné à l’état-major des armées (EMA), le service de l’énergie opérationnelle (SEO) a pour mission l’approvisionnement des produits pétroliers nécessaires aux armées.
Depuis le 1er janvier 2016, le SEO ne dispose plus de crédits budgétaires sur le programme 178 (P178). Les recettes et les dépenses de la fonction pétrolière sont, par dérogation au principe d’unité budgétaire, séparées du budget général pour être retracées dans un compte de commerce n° 901, intitulé « Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires ».
Les ressources du SEO sont donc acquises par collecte d’un coût interne sur l’ensemble des cessions de produits pétroliers.
Pour 2026, les priorités du SEO en matière d’équipement visent notamment :
– L’entretien des équipements, en particulier des camions-citernes (14 M€) ;
– Le lancement du programme de renouvellement des camions-citernes avitailleurs utilisés sur les bases aériennes (programme « ATLANTE »), financé à hauteur de 77,80 M€ en AE et 13,98 M€ en CP ;
– Le lancement d’un programme d’acquisition de camions-citernes polyvalents de moyenne capacité utilisés au profit du soutien des hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de Terre (12,5 M€ en CP).
– L’acquisition d’ensembles semi-remorques-citernes, avec crédits initialement programmés en 2028 par la LPM et avancés en 2026, à hauteur de 30 M€.
Selon les informations transmises à votre rapporteur, la trajectoire de remontée en puissance portée par la LPM 2024-2030 pour le SEO n’est pas suffisante pour que le service puisse remplir pleinement les missions qui lui sont confiées au titre de l’ambition opérationnelle 2030.
En effet, bien qu’en augmentation, les effectifs du SEO sont insuffisants.
Ils atteignent 1988 effectifs réalisés en 2023, 2012 en 2024, et 2078 prévus pour 2025.
Les années 2023 et 2024 avaient été marquées par une sous-réalisation en effectif. La création d’une section recrutement en 2023 a permis de redynamiser cette fonction, permettant au Service réaliser quantitativement ses effectifs à compter de 2025. Le SEO continue de faire face à d’importantes difficultés pour recruter dans des spécialités autres que son cœur de métier, la logistique essences. Ainsi, malgré un faible nombre de places offertes, aucun recrutement n’a pu être opéré dans les spécialités « systèmes d’information et de communication », ni « administration du personnel ».
Or, l’atteinte de la pleine capacité opérationnelle du SEO pour 2030 nécessite une augmentation d’effectifs militaires d’une classe de 300 ETP. Les lois de finances n’ont pour l’heure jamais été suffisantes pour mettre en œuvre cette augmentation d’effectifs.
4. Le service interarmées des munitions (SIMu)
Les crédits dédiés au SIMu sont en forte hausse, atteignant 27,5 M€ en AE dans le PLF 2026 (+32,8 % par rapport à la LFI 2025) et 26,9 M€ en CP (+33,9 %).
Cette hausse répond à un accroissement de la tension sur les ressources humaines et matérielles du SIMu du fait d’une plus grande activité. Le SIMu exprime des besoins significatifs en matière d’effectifs, près de 45 personnels civils supplémentaires, pour tenir son plan de charge.
Le budget prévu pour 2026 comprend notamment le démantèlement des munitions (3,2 M€), l’acquisition et le maintien en condition opérationnelle des véhicules de manutention (2,3 M€), les transports de munitions inter-dépôts (2,9 M€), la poursuite du déploiement du système d’information logistique (SIL) SI@Mu (7,9 M€), et des dépenses relatives au stockage (10 M€).
5. Soutien des forces par les bases de défense
Coordonnées par le Centre interarmées de coordination du soutien (CICoS), les bases de défense (BdD) sont des organismes interarmées qui répondent aux besoins en matière d’administration générale et de fonctionnement courant émis par les unités qui leur sont rattachées. Les dépenses réalisées par les bases de défense couvrent des domaines très variés : fournitures de bureau et consommables informatiques, ameublement-couchage, mobilier de bureau, blanchissage, entretien des espaces (espaces verts, nettoyage des locaux, collecte et évacuation des déchets ménagers etc.), reprographie et téléphonie, dépenses liées au transport par véhicules non tactiques (carburant, péages, location de vecteurs, etc.), chauffage et énergies. Les 43 bases de défense correspondent toutes à une unité opérationnelle.
En 2026, le budget de la sous-action 05-84 « Soutien des forces par les bases de défense » est en augmentation : 1 296 M€ en AE (+2 % par rapport à la LFI 2025) et 1 266 M€ en CP (+9,7 %).
Les efforts portent en particulier sur l’administration et le soutien commun (AGSC), en augmentation de +124 M€, alors que les crédits dévolus au maintien en condition opérationnelle des infrastructures sont en baisse de -16 M€.
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L’opération « poignée de portes » L’opération "poignées de portes" a été lancée en 2022 pour répondre aux difficultés liées à l’accumulation de la dette grise et à ses conséquences sur les infrastructures. Cette démarche de simplification permettait aux acteurs locaux d’initier des travaux divers mais indispensables : changement de fenêtres, de portes ou de chaudières, remise en état de la vidéosurveillance, réfection de murs, plafonds ou douches. Si le bilan s’avère globalement positif, la nécessité de poursuivre ce type d’opération est remise en question. En effet, déployer de telles opérations génère inévitablement des effets d’éviction sur d’autres postes de dépenses. Deux problèmes ont été identifiés : d’une part, la charge que représente pour le SID le traitement des projets soumis par les unités sur le terrain ; d’autre part, l’obligation pour les responsables de BOP et les responsables d’unités opérationnelles de mobiliser en priorité la trésorerie nécessaire au lancement de ces travaux, au détriment d’autres travaux plus structurants, comme le financement du maintien en condition (MeC) et des travaux d’adaptation mineurs (TAM). |
L’énergie représente un poste budgétaire majeur pour les bases de défense, pouvant atteindre jusqu’à 35 % de leur budget total. Si une relative stabilité est anticipée entre 2025 et 2026, cette tendance reste fragile et susceptible de connaître des fluctuations importantes, notamment en raison des hypothèses d’augmentation du tarif de l’électricité, rendant la programmation budgétaire particulièrement délicate. Le CICoS estime que la hausse des coûts d’énergie sur les dernières années a grevé le budget du soutien des bases de défense de 160 M€, réduisant d’autant les financements structurels disponibles pour les bases de défense.
Le soutien des bases de défense est en outre affecté par le défaut d’abondement issu du compte d’affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », en rupture avec les dispositions de la LPM. Pour rappel, l’article 4 de la LPM 2024-2030 prévoit que les ressources budgétaires de la mission Défense sont complétées, sur la durée de la programmation, par des ressources extrabudgétaires comprenant notamment « le retour de l’intégralité du produit des cessions immobilières du ministère de la défense ». En pratique pourtant, le produit des cessions immobilières du ministère des Armées et des Anciens combattants n’est que partiellement retourné à ce dernier. Les préoccupations de votre rapporteur rejoignent celles de la Cour des comptes, qui note que « les mouvements de trésorerie intervenus sur les droits de tirage du ministère des armées du CAS peuvent susciter des interrogations. », citant l’absence de transfert des produits issus de la vente de l’îlot Saint Germain en 2019 ([2]) ; seulement 29,4 M€ sur les 150 M€ de la vente ont été in fine reversés au ministère des Armées et des Anciens combattants.
Ainsi, le ministère des Armées et des Anciens combattants espérait récupérer un montant de 100 M€ en 2025 en provenance du Compte d’affectation spéciale « Immobilier » (programme 723), alimenté par les cessions immobilières de l’État. Pourtant, ces crédits ne seront probablement pas versés privant ainsi le soutien des bases de défense d’une ressource pourtant prévue et nécessaire au financement de leurs infrastructures.
En conséquence, votre rapporteur propose de renforcer les crédits du soutien des bases de défense pour ses travaux de maintenance, afin de compenser le coût accru de l’énergie, l’absence d’abondement des ressources issues du CAS « Immobilier », ainsi que les transferts de charges opérés depuis le programme 146 (voir ci-après).
Proposition : Renforcer le financement des bases de défense afin de résorber le déficit de maintenance lourde et compenser les moindres financements
a. Les difficultés de financement et de mise en œuvre de la maintenance lourde
Alors que les bases de défense expriment des besoins d’environ 1 Md€ pour l’entretien des installations, le CICOS ne parvient à en couvrir que 50 %. Face à des ressources insuffisantes, les commandants de bases de défense manifestent des réticences à engager les opérations de maintenance à coût élevé et préfèrent répartir l’effort sur les opérations de moindre ampleur.
L’estimation donnée à votre rapporteur est celle d’un déficit de maintenance qui représente entre 60 et 100 M€ par an. La vétusté des infrastructures des bases de défense s’aggrave.
Par ailleurs, les transferts de charges du programme budgétaire 146 vers le 178 contribuent à rigidifier ce dernier. Des travaux liés, par leur matière, à des programmes à effet majeur (PEM) et opérations du programme 146 « Équipement des forces » (par exemple, l’entretien de certaines infrastructures destinées aux sous-marins de la classe Suffren) ont vu ces dernières années leur financement transféré sur le programme 178 plutôt que sur le 146. Cela a pour effet d’accroître la charge d’activité pour une enveloppe budgétaire déjà contrainte, et risque un effet d’éviction des financements des infrastructures liées aux conditions de vie et de travail des personnels (hébergement, bureaux, restauration…).
En outre, le financement des travaux de maintenance des bases de défense témoigne d’un effet de seuil préoccupant, qui aggrave la problématique d’obsolescence. Le budget de soutien géré par le CICoS finance l’ensemble des opérations de maintien en condition inférieures à 500 000 euros, seuil au-delà duquel les travaux relèvent de la « maintenance lourde » prise en charge par le Service d’infrastructures de la défense (SID). Toutefois, dans la pratique, cette répartition crée une lacune de financement critique : les opérations comprises entre 200 000 et 500 000 euros sont peu réalisées car prenant une part trop importante dans les budgets affectés à chaque base de défense.
Une politique de décloisonnement est mise en place depuis 2025 par le SID, en collaboration avec le CICOS, visant à mieux capturer les travaux de maintenance.
b. L’évolution du maillage des bases de défense en 2025
En 2025, le ministère des armées et des Anciens combattants a mis en place une nouvelle cartographie des bases de défense, leur nombre passe de 55 à 43 au 1er août 2025 (36 en métropole, 7 en Outre-mer).
Source : ministère des Armées et des Anciens combattants.
L’ajustement de la cartographie vise à renforcer le modèle interarmées des bases de défense. Cela se caractérise :
– pour l’armée de Terre, par le choix du niveau brigade comme nouvel échelon de cohérence, motivant 7 regroupements de bases de défense envisagés en 2025 ;
– par l’affirmation du commandant de base aérienne dans son rôle de « porteur de la mission opérationnelle » avec la scission d’une base de défense des bases d’Istres d’une part (dissuasion nucléaire et transport stratégique) et des bases d’Orange et de Salon de Provence d’autre part (dominante posture permanente de sûreté et formation) ;
En outre, la réorganisation du dispositif français en Afrique a conduit à la suppression des 3 bases de défense d’Afrique de l’ouest (Sénégal, Côte d’Ivoire et Gabon), et la création du Commandement pour l’Afrique (CPA), autorité hiérarchique et opérationnelle des détachements de liaison interarmées maintenus sur le continent africain.
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Base industrielle de soutien de défense (BISD), un état-stratège à ressusciter La préparation de la haute-intensité nécessite l’approfondissement du concept de base industrielle de soutien de défense (BISD), qui regroupe l’ensemble des entreprises et acteurs économiques assurant la fourniture, la maintenance, la réparation des équipements militaires ainsi que le fonctionnement et le soutien des infrastructures et des manœuvres logistiques de défense. La notion de BISD fait écho au concept de base industrielle et technologique de sécurité (BITS) mis en exergue dans l’actualisation de la Revue nationale stratégique en 2025. Cette dernière constitue une extension stratégique de la base industrielle et technologique de défense (BITD), intégrant dans un dispositif toutes les productions, les industries et les technologies stratégiques, qu’elles soient militaires ou civiles, jugées cruciales pour la souveraineté nationale comme la sécurité, la santé, le transport, ou l’énergie. Pour votre rapporteur, au-delà de la question sémantique, la réflexion doit porter sur les moyens de garantir aux armées une autonomie stratégique en intégrant les fournisseurs des soutiens de la Défense. Dans la perspective d’un engagement majeur, la BISD constitue un levier essentiel de la montée en puissance. Les services de soutien, tout particulièrement le CICoS et le service du commissariat aux armées (SCA), ont engagé un travail de recensement et de structuration de la base industrielle du soutien de défense (BISD). Des conventions territoriales sont progressivement mises en place afin d’identifier les entreprises locales sur lesquelles les forces armées peuvent compter en cas de besoin, sous l’autorité des commandants de bases de défense et des services de soutien (SCA). Les officiers généraux de zone de défense, traditionnellement en charge du lien avec les services civils, notamment préfectoraux, sont ainsi appelés à coordonner l’échelon zonal pour cette activité qui requiert une forte dimension de relation civilo‑militaire. Cette démarche de mise en relation des services privés et publics permettra à la fois de renforcer les ETI et PME françaises, mais aussi de les solliciter et déclencher rapidement en cas de crise majeure. Ainsi, depuis l’été 2024, le CICOS s’est doté d’un bureau dédié à l’appel au soutien national, chargé de planifier le recours éventuel à des prestataires extérieurs pour les fonctions de soutien. Si les armées privilégient traditionnellement la réalisation en régie de ces missions pour garantir leur maîtrise opérationnelle et leur réactivité, force est de constater que les moyens humains et matériels disponibles en interne ne permettent pas de couvrir l’ensemble des besoins. Votre rapporteur déplore les conséquences d’une absence de planification industrielle de l’État, marquée par des décennies de délocalisation, qui ont rendu nos armées dépendantes de fournisseurs internationaux et érodés nos capacités industrielles souveraines. Votre rapporteur soutient l’extension des outils de défense de la souveraineté industrielle tels qu’applicables aux entreprises de la BITD, aux entreprises concourant à la BISD, avec notamment : - Une extension du champ d’application du décret « Montebourg » ([3]) relatif au contrôle des investissements étrangers, à l’ensemble des domaines conditionnant l’autonomie stratégique des armées, y compris ceux qui relèvent de l’équipement des personnels, le textile, le matériel sanitaire, la logistique. - Une application, étendue aux fournisseurs hors-armement des Armées, des dispositions de l’article Article L1339-1 du Code de la Défense relatives à la constitution de stocks minimaux, ainsi que des dispositions du Décret de 2024 relatif à la sécurité des approvisionnements des forces armées ([4]) habilitant l’autorité administrative à demander la constitution de stocks minimaux et de priorisation des commandes. Ces dispositions sont aujourd’hui limitées aux entreprises visées à l’Article L2332‑1 du Code de la Défense (entreprises titulaires d’une autorisation de fabrication et de commerce de matériels de guerre, d’armes, de munitions) et gagneraient à être étendues aux fournisseurs stratégiques des fonctions du soutien des armées. |
Proposition : Étendre les dispositifs de recensement, de constitution de stocks minimaux, de priorisation des commandes et de réquisition, tels qu’applicables aux entreprises d’armement, aux entreprises concourant au soutien de la défense
La sous-action 05-83 « Soutiens complémentaires » finance des activités interarmées concourant au soutien des forces, principalement dans le domaine de la logistique. Pour 2026, les crédits alloués 122,7 M€ en AE (-44,8 %) et 119,9 M€ en CP (-29 %). Elle intègre notamment les crédits relatifs à la compensation des réductions tarifaires ferroviaires.
La forte baisse des crédits de la sous-action s’explique principalement par un changement de périmètre, les crédits relatifs aux systèmes d’information du maintien en condition opérationnelles aéronautique, naval et terrestres sont transférés sur la sous-action 05-20 « Numérique environnement soutien des forces ».
7. Le service du commissariat des armées
Le service du commissariat des armées (SCA) est le service d’administration générale des armées et des organismes interarmées. Ses missions concernent 11 fonctions et se répartissent entre trois grands domaines d’intervention que sont le multiservices, l’administration et la logistique avec notamment l’habillement du combattant, la base vie en campagne ou encore le transport de personnels. Le SCA assure une présence dans plus de 200 implantations (dont une dizaine en Outre-Mer et à l’étranger), à travers notamment les espaces ATLAS (+ de 200 espaces, dont 21 en Outre-mer et à l’étranger), guichet unique multiservices d’accès au soutien.
La sous-action 05-85 « Service du commissariat des armées » atteindra 1032,9 M€ en AE en 2026 (+14,9 % par rapport à la LFI 2025) et 1017,3 M€ en CP (+9,4 %).
En 2025, le Service du commissariat des armées (SCA) a été mobilisé sur trois chantiers majeurs :
– le retrait du Tchad, constituant une manœuvre logistique d’ampleur ;
– la réponse d’urgence au cyclone Chido ayant dévasté Mayotte en début d’année, représentant un effort important ;
– la mise en œuvre de la stratégie "L’Afrique autrement", incluant le retrait du Sénégal ainsi que la réadaptation du dispositif au Gabon et en Côte d’Ivoire.
Parallèlement, le SCA a soutenu des entraînements d’envergure, notamment l’exercice Dacian Fall en Roumanie, premier exercice de déploiement d’une brigade sur le flanc Est, à l’automne 2025.
En 2026, le SCA doit poursuivre sa trajectoire de montée en puissance en préparation à l’hypothèse d’engagement majeur, en accord avec la LPM :
– au niveau capacitaire, la hausse des crédits doit permettre de financer certaines priorités : les équipements de protection du combattant (nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC), balistique, grand froid) ; le renforcement des stocks de matériel de vie en campagne et de rations de combat. En outre, près de 50 M€ supplémentaires vont permettre de faire face à la hausse des coûts des denrées (spécialement lorsqu’elles sont labellisées) et de la fréquentation des restaurants. Le plan de réorganisation des sites de stockage du SCA se poursuit : achat du site principal de Roanne, rénovation du site d’Angers, resserrement de l’ELOCA de Marseille, extension de l’entrepôt de Châtres, réhabilitation de deux entrepôts sur les sites de Marseille et Montlhéry. Il est également prévu à partir de 2028, la livraison par le SID de 7 entrepôts zonaux conçus sur un modèle unique.
– au niveau opérationnel, les principaux enjeux opérationnels du Service en 2026 sont la poursuite du soutien des missions sur le flanc est et l’adaptation des équipements individuels et collectifs, ainsi que la préparation du Service à l’hypothèse d’un engagement majeur (exercices Dacian Fall 25, ORION 26).
– en matière d’innovation, le SCA poursuit la mise en œuvre, initiée en 2025, d’Acanthia : un « hub innovation », créé à Lyon, qui doit soutenir la dynamique d’innovation participative au sein du service.
Le développement de partenariats avec la base industrielle de soutien de défense (voir encadré supra), figurant parmi les objectifs de la feuille de route du Service pour 2025‑2030, doit contribuer à la réponse apportée à l’enjeu capacitaire.
Les effectifs atteignent 19 939 (ETPE) en 2025, soit une baisse préoccupante de -1 040 effectifs par rapport à 2024. Sur la période 2019‑2026, les effectifs du service se sont contractés de 3 500. Les difficultés de recrutement et de fidélisation se concentrent particulièrement sur :
– sur les postes de cadres dans les filières restauration, achats, finances, logistique et maintenance des équipements ;
– sur l’ensemble de la filière restauration/loisirs (agents polyvalents et cadres).
Les efforts menés en 2025 font espérer une amélioration de tendance :
– Concernant le personnel militaire, le SCA mène un dialogue nourri avec les DRH de chaque armée pour soutenir le recrutement et l’affectation des ressources humaines au SCA. Sur le défi spécifique que constitue le recrutement de militaires du rang, des expérimentations de recrutement ciblées sur la jeunesse et les opérateurs de l’emploi (France Travail, lycées professionnels, missions locales, etc.) ont montré des résultats encourageants.
– Concernant le personnel civil, pour la première fois en 3 ans, le plan de recrutement sera pratiquement intégralement honoré (prévision à hauteur de 98 % en 2025).
En conséquence de la hausse des recrutements de personnels civils et des vacances sur le personnel militaire, la part de civils dans le service (52 %) dépasse celle de militaires (48 %). Si cette évolution n’a pas, à ce stade, d’effet sensible sur la capacité du service et son action dans les armées, votre rapporteur exprime sa vigilance quant au maintien d’un socle suffisant de militaires en la matière.
Le système d’e-habillement affiche un taux de disponibilité de 98 %, témoignant d’une amélioration sensible du service rendu aux forces. Les progrès sont réels et portent sur deux axes principaux : la dynamisation des commandes de réassort et l’agilité accrue sur les stocks, notamment grâce à leur décentralisation vers le terrain et à une meilleure intégration des systèmes d’information.
L’habillement reste pourtant un irritant chronique, dont témoignent les représentants des armées auditionnés par votre rapporteur. Le nouveau treillis BME (bariolage multi-environnement), s’il est disponible en quantité suffisante, présente une résistance à l’usure perfectible. Il n’est en outre pas pensé pour un usage sur le flanc est de l’Europe. Sur l’ensemble de la gamme d’effet, des ruptures, très faibles numériquement (160 sur 8 000 références) peuvent être dues à des retards pris dans les procédures de marchés publics (en raison de la forte tension des effectifs de métier d’acheteur dans le service) ou chez les fournisseurs. L’ensemble des armées saluent la qualité du dialogue mené sur la question avec le SCA, permettant une gestion rapide des difficultés.
C. Les actions 6 et 7 relatives aux surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures
La provision OPEX-MISSINT (opérations extérieures ; missions intérieures) inscrite au projet de loi de finances pour 2026 s’élève à 1 200 millions d’euros, soit 450 millions d’euros de plus que le niveau prévu par la loi de programmation militaire (750 millions d’euros). Elle se décompose sur les sous‑actions suivantes :
– 870 M€ HT2 seront provisionnés pour les OPEX en 2026, retracées à l’action 6 ;
– 30 M€ HT2 seront provisionnés pour les MISSINT en 2026, retracées à l’action 7 ;
– 300 M€ de masse salariale sont provisionnés en 2026, contre 150 M€ en 2025. Ces crédits de Titre 2 sont retracés à la sous action 59 du programme 212, et se ventilent entre 240 M€ de crédits au titre des OPEX et 60 M€ au titre des MISSINT.
Votre rapporteur a consacré la partie thématique de ce rapport au financement des missions sur le flanc est de l’OTAN et à l’organisation budgétaire des surcoûts opérationnels. Il ne s’étendra donc pas outre mesure sur ce sujet dans la présente section, mais souhaite néanmoins souligner plusieurs points d’attention majeurs :
– Premièrement, la provision annuelle initiale prévue par l’article 5 de la loi de programmation militaire est systématiquement dépassée, et la hausse à 1 200 M€ pour 2026 manque de justification précise quant à son dimensionnement, puisqu’elle se situe largement en deçà des surcoûts constatés les années précédentes (1 854 M€ en 2024).
– Deuxièmement, l’imputation des surcoûts opérationnels relevant des MISSOPS (missions sur le flanc Est de l’OTAN) sur le BOP OPEX-MISSOPS est illégitime pour votre rapporteur, car l’article 5 de la LPM qui détermine cette provision et la possibilité d’un financement interministériel ne dispose que des « opérations extérieures et des missions intérieures ». Ce alors que le Gouvernement se refuse à une qualification juridique des MISSOPS ainsi financées comme opérations extérieures.
– Troisièmement, un changement d’imputation budgétaire intervient en 2026. À partir de 2026, le mode de gestion des OPEX sera étendu aux MISSOPS, permettant aux armées d’imputer directement sur le BOP OPEX-MISSINT les dépenses qu’elles estimeront éligibles, sans que les critères d’éligibilité ne soient clairement définis. Cette réforme majeure crée un risque d’opacité budgétaire et fait peser sur l’ensemble des ministères le coût d’objets budgétaires indéterminés, du fait de la clause de financement interministériel prévu à l’article 5 de la LPM. Votre rapporteur recommande un traitement budgétaire individualisé des missions sur le flanc est.
Votre rapporteur estime que ce mode de financement n’est légitime que lorsque les opérations financées ont été soumises à l’information et l’autorisation du Parlement dans le cadre de la procédure prévue par l’article 35 de la Constitution. Pour les engagements opérationnels relevant de la seule décision ministérielle, il soutient qu’il doit revenir aux armées de financer les surcoûts sur leurs propres budgets.
Ces points sont développés plus en détail dans la partie thématique du présent rapport.
D. L’action 8 « numérique de défense » et la création du commissariat au numérique de défense (CND)
L’action 8 « numérique de défense » est une création du PLF 2026, dédiée au financement du Commissariat au numérique de défense et la politique de numérique du Ministère. Elle sera financée à hauteur de 1,08 Md€ en AE et de 843 M€ en CP.
La création du CND en septembre 2025 répond à la nécessité de réformer un écosystème numérique de défense devenu éparpillé et complexe. La fragmentation de la gouvernance des crédits et activités liés au numérique était soulignée par la Cour des comptes, qui évoquait un « angle mort » de l’architecture budgétaire ([5]).
Il vise à centraliser les services, les missions et les centres opérationnels de décision compétents en matière de numérique de défense au sein d’une même instance. Rattaché au ministre des Armées, le CND a pour mission première d’élaborer et piloter la stratégie numérique du ministère ainsi que d’assurer le commandement interarmées pour le numérique.
La part d’opérations numériques du Ministère dédiée spécifiquement à l’armement et à l’équipement des forces reste néanmoins distincte et placée sous la responsabilité de l’État-major des armées (EMA) et de la Direction générale de l’armement (DGA), majoritairement sur le programme 146 « équipement des forces ».
Le périmètre du CND intègre les budgets et compétences des services qu’il a fusionnés :
– la Direction générale du Numérique (DGNUM) ; Le CND reprend en conséquence les responsabilités d’opérateur numérique du ministère.
– la Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI) ; Le CND reprend en conséquence les prérogatives ministérielles de la DIRISI relatives à la gouvernance et aux orientations de la famille professionnelle numérique.
– l’Agence du Numérique de Défense (AND) ; Le CND reprend en conséquence la responsabilité de réaliser des projets numériques complexes attribuée préalablement à l’AND.
– L’Agence Ministérielle pour l’IA de Défense (AMIAD), qui subsiste à ce jour comme entité distincte afin notamment de ne pas freiner sa trajectoire de montée en puissance, a vocation à intégrer le CND d’ici la fin 2026. À noter que le CND est chargé de l’hébergement et du soutien à la mise en œuvre du supercalculateur IAD, mais que la définition des cas d’usage et de leur développement revient à l’AMIAD.
En outre, l’action « numérique de défense » se voit attribuer des crédits correspondant à des transferts d’opérations préalablement couvertes par le programme 146 « Équipement des forces » : Descartes (Déploiement des services de communication et architecture des réseaux de télécoms sécurisés – 81 M€ en CP) ; ARTEMIS IA (37 M€) ; système d’information des armées pour les volets logistiques et « infrastructure Métropole du socle classifié » (31 M€) ; RDIP‑Air (Réseau de desserte Internet Protocol des bases de l’armée de l’Air -29 M€).
Le défi premier que doit relever le Centre national de défense (CND) est celui de l’attractivité des métiers et des parcours de carrière.
Avec un effectif de 6 500 hommes et femmes, dont près de la moitié de civils, le CND fait face à un défi de recrutement considérable : satisfaire un plan annuel de près de 300 recrutements, et résorber un déficit chronique d’environ 400 agents. Si ce déficit se répartit entre les différents métiers et n’ampute pas directement une capacité opérationnelle spécifique, il témoigne néanmoins de la tension sur le marché du travail dans les domaines concernés.
Le CND met actuellement en œuvre un cloud privé hébergé sur ses propres serveurs pour les niveaux de classification (i) non protégé et (ii) diffusion restreinte, garantissant ainsi une totale indépendance vis-à-vis de tout prestataire externe. Cette maîtrise technique constitue un atout majeur pour la souveraineté numérique du ministère.
Toutefois, la prochaine étape – le développement d’une architecture cloud pour la gestion d’éléments classifiés comme relevant du secret de la défense– soulève des questions sensibles en matière de répartition de charges et de recours éventuel à un prestataire privé, sur lequel votre rapporteur émet un point de vigilance. En effet, s’il n’est pas envisageable que cette nouvelle architecture puisse être confiée à un prestataire privé, le volume d’activité attendu suscitera des arbitrages pour le CND, qui pourrait viser à recourir à un prestataire privé pour le cloud des données de classification non protégé.
Le cas échéant, celui-ci devra impérativement garantir un niveau élevé de sécurité et de conformité aux exigences nationales. L’enjeu est de taille : concilier les impératifs opérationnels et techniques avec les exigences absolues de protection du secret de la défense nationale et de préservation de la souveraineté numérique de la France dans un domaine aussi critique que sensible.
III. Le programme 212 « Soutien de la politique de défense »
Le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » regroupe les fonctions transverses de direction et de soutien mutualisés au profit du ministère des Armées et des Anciens combattants. Il constitue le programme « support » du ministère. Hors dépenses de personnel (c’est-à-dire hors titre 2), le programme 212 se décompose en six actions numérotées de 4 à 11 : politique immobilière, systèmes d’information d’administration et de gestion (SIAG), politique des ressources humaines, politique culturelle et éducative, restructurations et pilotage - soutien - communication.
Le programme retrace également la totalité des dépenses de personnel du ministère ainsi que les effectifs associés.
A. Les dépenses de personnel : l’essentiel des crédits du programme 212
1. Une hausse des crédits de personnel et du schéma d’emplois, sans rattrapage des écarts à la trajectoire de la LPM
S’agissant de la masse salariale, le PLF 2026 prévoit une ouverture de crédits de 14 255 M€ soit une progression de 553 M€ par rapport à la LFI 2025.
Le schéma d’emplois du ministère s’établit en 2026 à + 800 ETP. Ce schéma d’emplois sera décliné dans les secteurs identifiés comme prioritaires en recrutement par le ministère des Armées et des Anciens combattants : renseignement, cyberdéfense, soutiens, notamment.
Tout comme en 2024 et 2025, l’année 2026 devrait donc voir le schéma d’emplois s’inscrire en écart par rapport à la LPM 2024-2030. L’objectif de 275 000 ETP fixé par la loi de programmation militaire 2024-2030 ne pourra être atteint sans rattrapage du retard accumulé dès 2023 ; l’écart entre les effectifs cibles et réalisés dépasse à ce jour les 4 000 postes.
Écart à la trajectoire LPM des effectifs
réalisés par le Ministère des Armées et des Anciens combattants
L’année 2024 a marqué un tournant : après trois années de diminution, les effectifs du ministère sont repartis à la hausse et devraient continuer à progresser en 2025. Les effectifs réalisés s’établissent ainsi à 264 824 ETP au 31 décembre 2024, un résultat encourageant bien qu’inférieur à l’objectif de 269 400 ETP inscrit à l’article 7 de la LPM 2024-2030, en raison du retard accumulé les années précédentes.
Face à ce constat, votre rapporteur s’étonne que les cibles d’effectifs inscrites dans la loi de programmation militaire ne soient pas adaptées pour tenir compte du déficit accumulé par les armées sur leurs objectifs d’effectifs. Or, les armées bénéficient actuellement d’un contexte particulièrement favorable en matière d’attractivité et de fidélisation, offrant une fenêtre d’opportunité pour rattraper une partie substantielle du retard.
Comme déjà indiqué dans l’introduction, ce plafonnement a des conséquences aberrantes. Ainsi, en fin 2024, les recrutements ont été stoppés pour ne pas dépasser le schéma d’emploi annuel alors que de nombreux candidats attendaient de pouvoir intégrer les armées et que l’objectif fixé par la LPM était loin d’être atteint, prenant le risque que des candidats se tournent vers d’autres emplois.
Selon les informations recueillies par votre rapporteur, les armées disposent du vivier nécessaire et pourraient, compte tenu du degré de fidélisation actuel, ajuster la hausse du schéma d’emplois à au moins 1 500 personnes supplémentaires en 2026. Certes, une telle montée en puissance impliquerait des ajustements importants des capacités de formation, mais elle serait d’autant plus pertinente que la démographie française laisse anticiper des difficultés de recrutement accrues dans les années à venir.
Le dispositif d’avance-retard, tel qu’il a pu exister dans la pratique du Ministère jusqu’en 2023 et plébiscité par le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) ([6]), pourrait utilement être remis en place pour accompagner cette dynamique. Votre rapporteur estime qu’un éventuel ajustement de la loi de programmation militaire devrait être l’opportunité de consacrer programmatiquement dans la loi cette capacité d’adaptation des trajectoires d’effectifs, permettant aux armées de saisir les fenêtres d’opportunité en matière de recrutement tout en compensant les retards antérieurs. En clair, le plafond d’emplois serait celui défini dans la loi de programmation pluriannuelle pour la fin de la période. L’itinéraire pour l’atteindre serait à la main des chefs militaires, en fonction des besoins opérationnels et des candidatures pour pourvoir les postes.
Proposition : Mettre en place un système de gestion pluriannuelle des effectifs du ministère des Armées et des Anciens combattants
2. La hausse des effectifs de la réserve opérationnelle
Le ministère des Armées et des Anciens combattants poursuit sa trajectoire ascendante visant le doublement à l’horizon 2030 de la réserve opérationnelle (80 000 réservistes), avec une hausse prévue de +4 400 réservistes en 2026 pour atteindre un objectif de 52 000 en fin d’année.
Cette progression s’accompagne d’un rehaussement de la norme d’activité, désormais fixée à 45 jours par an pour l’ensemble des réservistes contre 35 jours par an auparavant. Cette mesure suscite un coût de 98,2 M€ en 2026.
À noter qu’il a été fait état à votre rapporteur de tensions sur les équipements des réservistes, risquant de freiner la montée en puissance.
3. Les limites de la révision des grilles indiciaires et de la nouvelle politique de rémunération des militaires
Comme le rappelle le HCECM ([7]), malgré de nombreuses mesures générales ou catégorielles mises en œuvre depuis 2015, le pouvoir d’achat des militaires a diminué sur la période 2015-2023. Toutes les catégories sont concernées, dans des proportions variables, les officiers étant les plus touchés.
Les mesures mises en œuvre n’ont pas compensé une forte inflation (+5,2 % en 2022, +4,9 % en 2023), entraînant une baisse de 3,4 % du pouvoir d’achat moyen des militaires entre 2015 et 2023.
Votre rapporteur présente ci-dessous les révisions des grilles indiciaires et la nouvelle politique de rémunération militaire (NPRM), dispositifs emblématiques des réponses apportées par le ministère aux enjeux de rémunération et d’attractivité des militaires. Ces mesures de périmètre ministériel, bien que nécessaires, demeurent toutefois limitées dans leur méthode et ne sauraient masquer l’éléphant dans la pièce : le gel pluriannuel du point d’indice de la fonction publique, augmenté à seulement deux reprises depuis 2017 (+3,5 % en 2022, +1,5 % en 2023).
En l’absence de déblocage substantiel et régulier de la valeur du point d’indice, socle de la rémunération des fonctionnaires et des militaires, les mesures catégorielles et les dispositifs forfaitaires tels que la NPRM ne constituent que des palliatifs temporaires.
a. La finalisation du chantier des grilles indiciaires, avec un effort porté principalement sur les officiers supérieurs en 2026
La révision de la grille indiciaire des officiers entrera en vigueur le 15 décembre 2025, pour un coût en année pleine de 66,64 M€. Cette révision s’inscrit dans un objectif d’alignement avec la grille des catégories supérieures de la fonction publique ministérielle.
Cette nouvelle grille crée trois échelles de solde distinctes :
– 1re échelle - officiers subalternes et officiers supérieurs non brevetés du grade de sous-lieutenant au grade de lieutenant-colonel ;
– 2e échelle - officiers brevetés de l’EMS2 (enseignement militaire supérieur) du grade de commandant à colonel ;
– 3e échelle : officiers colonels brevetés de l’EMS3 et généraux.
Cette revalorisation est par ailleurs principalement fléchée vers les officiers supérieurs (à partir du grade de lieutenant-colonel), les deux tiers de l’enveloppe concernant moins d’un quart des officiers. Selon les grades d’officiers supérieurs, les gains mensuels bruts par agent peuvent atteindre jusqu’à près de 900 €.
Ce choix de faire porter l’effort majoritairement sur les officiers supérieurs, population sur laquelle les difficultés de fidélisation ne sont pas les plus fortes, interroge votre rapporteur. S’il est vrai qu’il existait un enjeu de fidélisation pour les militaires du rang et les sous-officiers que les revalorisations des années précédentes ont contribué à gommer, un regard plus critique peut être porté sur les fortes revalorisations accordées aux officiers supérieurs.
L’une des justifications du ministère des Armées et des Anciens combattants pour mener à bien cette revalorisation indiciaire des officiers est la fidélisation d’agents expérimentés et prometteurs, tentés de quitter le ministère, notamment pour le privé. Toutefois, il serait vain d’essayer de concurrencer les rémunérations proposées par les industriels de la défense aux officiers supérieurs, qui grâce au dispositif de pension à jouissance immédiate ont la possibilité de faire une seconde carrière dans le privé. Il s’agit donc d’une compensation financière massive pour compenser un avantage sur les retraites qu’il aurait été opportun de questionner s’il est détourné de son objectif initial. Devant l’impossibilité de s’aligner sur les salaires du secteur privé, votre rapporteur estime que les Armées ont davantage à gagner à prioriser les progrès sur les autres aspects de la condition militaire pour ces publics : logement, parcours professionnels, conciliation vie privée et professionnelle.
Votre rapporteur réitère en outre ses interrogations quant au bien‑fondé de la méthode et du calendrier choisis pour la réforme globale des grilles indiciaires. Il s’interroge notamment sur la répartition des montants alloués à la revalorisation des différentes catégories : avec 46 millions d’euros en année pleine, l’effort budgétaire consenti à partir de la fin 2024 en direction des sous‑officiers supérieurs demeure largement inférieur à celui consenti en direction des officiers (66,64 millions d’euros). Le coût en année pleine de la revalorisation des grilles des militaires du rang et sous-officiers subalternes s’établissait quant à lui à 8,30 millions d’euros, là aussi largement inférieur à l’enveloppe fléchée vers les officiers.
Plus largement, votre rapporteur demeure sceptique quant à la capacité de ces revalorisations, dénuées de tout mécanisme d’indexation, à éloigner durablement les phénomènes de « tassement » et d’« emplafonnement » qui minent l’ascenseur social des armées. Sans dispositif pérenne d’ajustement, le risque est grand de voir ces efforts budgétaires substantiels rapidement érodés par l’inflation, ainsi que le tassement réapparaître pour les grades subalternes avec l’évolution du SMIC et du minimum de traitement dans la fonction publique.
En définitive, votre rapporteur considère que ces mesures catégorielles, aussi coûteuses soient-elles, demeurent insuffisantes pour garantir durablement le pouvoir d’achat et la fidélisation de l’ensemble des militaires. Seule une revalorisation générale du point d’indice, bénéficiant équitablement à toutes les catégories de personnel, constituerait un levier structurel pérenne de soutien au pouvoir d’achat et d’attractivité du métier des armes.
La réforme des grilles indiciaires du ministère des Armées
et des Anciens combattants
Sous l’effet des relèvements successifs de l’indice minimum de traitement de la fonction publique et des mesures interministérielles de revalorisation salariale, les grilles indiciaires des militaires ont subi un phénomène de tassement, conduisant à un rehaussement des premiers indices des militaires, sans que ceux des échelons des grades supérieurs ne soient corrélativement rehaussés, minant le principe d’un « escalier social » pourtant au cœur du modèle de carrière des Armées.
Afin d’enrayer ce phénomène, l’article 7 de la LPM 2024-2030 a prévu que : « Les grilles indiciaires des militaires du rang seront révisées avant la fin de l’année 2023. Les grilles indiciaires des sous-officiers et des militaires assimilés seront révisées avant la fin de l’année 2024. Les grilles indiciaires des officiers seront révisées avant la fin de l’année 2025. »
Le ministère des Armées et des Anciens combattants a prévu l’organisation de cette réforme autour de plusieurs étapes :
– pour les militaires du rang, à compter du 1er octobre 2023 : à la suite de l’attribution de 1 à 9 points d’indice majoré supplémentaires, une mesure complémentaire de « détassement » de la grille indiciaire est entrée en vigueur afin de garantir et renforcer la progressivité de la rémunération des militaires du rang (suppression de l’échelle de solde n° 2 des militaires du rang et maintien des échelles de solde n° 3 et 4 permettant de rétribuer la motivation à poursuivre l’acquisition de nouvelles qualifications). Par ailleurs, afin de fidéliser une population particulièrement expérimentée possédant un niveau supérieur de qualification, 2 000 brigadiers-chefs et caporaux-chefs supplémentaires pourront bénéficier de l’échelle de solde 4. Le sommet des grilles indiciaires des militaires du rang n’a pas été revalorisé afin de favoriser l’escalier social et d’inciter au passage vers la catégorie des sous-officiers ;
– pour les sous-officiers subalternes à compter du 1er octobre 2023 : à la suite de l’attribution de 1 à 9 points d’indice majoré supplémentaires à certains échelons des premiers grades des sous-officiers, les échelons 1 et 2 des échelles de soldes 2 et 3 des sergents et les échelons 4 et 5 des sergent-chefs de l’échelle de solde 3 sont, à la suite de cette mesure, rémunérés à un même indice. En conséquence, une mesure complémentaire de « détassement » de la grille indiciaire pour les sous-officiers subalternes est également entrée en vigueur à compter du 1er octobre 2023.
– pour les officiers, à compter du 15 décembre 2025 : elle vise à mettre en place des parcours indiciaires différenciés en fonction des potentiels et performances constatés. Cette mesure a pour objectif de conserver, sur l’ensemble de la carrière de l’officier, une dynamique indiciaire à des fins de fidélisation. Cette nouvelle grille crée trois échelles de solde distinctes : 1re échelle - officiers subalternes et officiers supérieurs non brevetés du grade de sous-lieutenant au grade de lieutenant-colonel ; 2e échelle - officiers brevetés de l’EMS2 (enseignement militaire supérieur) du grade de commandant à colonel – 3e échelle : officiers colonels brevetés de l’EMS3 et généraux. Cette troisième échelle de solde permet de valoriser la reconnaissance du potentiel des colonels EMS3 ayant vocation à accéder au généralat.
b. Les limites de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM)
Votre rapporteur réitère ses inquiétudes quant aux effets de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), formulées dans ses avis budgétaires des années précédentes. À partir de 2025, la fiscalisation des primes issues de la NPRM commence à produire ses effets, érodant les gains de la réforme pour certains militaires.
En effet, dans le système pré-NPRM, la défiscalisation s’appliquait à près de la moitié de la part indemnitaire de la solde (en volume). Dans le périmètre de la NPRM, la réforme a entraîné la fiscalisation totale ou partielle de certaines de ces indemnités, notamment les indemnités opérationnelles (désormais inclues dans l’ISAO, fiscalisée sauf exceptions) et une partie de l’indemnité pour charges militaires (ICM).
Au total, environ 20 % du volume financier des primes relevant du périmètre NPRM ont été fiscalisés, principalement en raison du transfert d’une partie « logement » de l’ICM vers l’IGAR.
Selon le ministère des Armées et des Anciens combattants, l’impact fiscal de cette transition a été neutralisé au niveau global de la communauté militaire par un abondement de l’enveloppe dédiée à l’IGAR, de l’ordre de 47 millions d’euros. Toutefois, une neutralisation au niveau de chaque militaire ne paraît pas techniquement réalisable et n’est donc pas garantie. Certains militaires vont ainsi constater dès l’année 2025 une hausse de leur impôt sur le revenu, qui effacera une partie de la hausse de solde promise par la réforme.
L’IGAR présente en outre plusieurs effets de bord négatifs :
– pour les militaires bénéficiaires de prestations sociales sous condition de ressources (allocations familiales, aide personnalisée au logement), le versement de l’IGAR suscite un effet d’éviction ;
– pour certaines garnisons isolées et ne présentant pas de bassin de logement attractif ou suffisant à proximité directe, la fixation de l’IGAR sur la base de la classification Insee du lieu de garnison plutôt que le lieu effectif de résidence suscite un décalage dommageable pour la rémunération du militaire ;
– votre rapporteur exprime sa préoccupation quant à la minoration de moitié du montant de l’IGAR mise en œuvre lorsque le foyer fiscal est composé de deux conjoints militaires, discriminante et incompréhensible par les personnels concernés ;
– enfin, votre rapporteur souhaite mettre en exergue la situation des familles monoparentales. Ces dernières, composées par exemple d’une mère et de son enfant, sont comptabilisées comme deux occupants pour l’attribution de l’IGAR. Or, elles n’occupent pas la même surface qu’un couple puisqu’elles ont besoin d’une chambre supplémentaire. Cette situation crée une distorsion entre le montant perçu au titre de l’IGAR et les charges réelles de logement supportées par ces familles, particulièrement pénalisante dans les zones où le coût de l’immobilier est élevé.
Votre rapporteur recommande la prise en compte de ces situations spécifiques dans le cadre de l’évaluation prévue fin 2026. Il propose d’adapter le barème de l’IGAR aux configurations familiales réelles, notamment en ajustant le coefficient appliqué aux familles monoparentales
Proposition : Adapter les modalités de calcul et d’attribution de l’IGAR à la composition réelle des foyers familiaux
L’article 7 de la loi de programmation militaire 2024-2030 prévoit qu’« avant la fin de l’année 2026, le Gouvernement remettra au Parlement, après information du Conseil supérieur de la fonction militaire, un rapport évaluant les effets de la nouvelle politique de rémunération des militaires ».
Cette échéance est attendue avec impatience par de nombreux militaires, dont un grand nombre l’interprète comme une clause de revoyure susceptible de corriger les effets indésirables de la réforme. Votre rapporteur sera particulièrement vigilant quant au contenu de ce rapport et aux suites qui y seront données.
c. L’absence d’éligibilité des militaires du rang à la prime de parcours professionnels (3PM)
Mise en place en 2023, la prime de parcours professionnels (3PM) fusionne en une prime unique l’ensemble des primes existantes liées à la qualification professionnelle. Elle vise à valoriser les parcours de carrière et à reconnaître l’expertise acquise au fil du temps par les personnels militaires officiers et sous-officiers ([8]). Ainsi, les militaires du rang demeurent les seuls à ne pas bénéficier de ce dispositif, alors même qu’ils constituent le socle des effectifs des armées et assurent des missions de plus en plus techniques.
L’absence de dispositif valorisant cette expertise et cette ancienneté constitue un handicap en termes de fidélisation, particulièrement pour les militaires du rang expérimentés dont le savoir-faire est précieux pour les armées.
Votre rapporteur propose d’étendre le bénéfice de la 3PM aux militaires du rang à partir de huit ans de service. Cette mesure permettrait de fidéliser ces personnels en reconnaissant leur parcours professionnel et leur expertise acquise, tout en alignant leur traitement sur celui des autres catégories de militaires. Un amendement de crédit sera proposé en ce sens.
Proposition : Étendre le bénéfice de la prime de parcours professionnels aux militaires du rang
d. L’absence d’intégration des primes dans le calcul de la pension des militaires, malgré les annonces ministérielles
L’un des engagements phares du plan fidélisation 360 lancé par le ministre des Armées en mars 2024 concernait l’intégration de certaines primes dans le calcul global des droits à pension ([9]).
Ce dispositif est bienvenu : les pensions militaires sont en effet relativement basses par rapport aux niveaux de rémunération perçus en activité, en raison du poids important de la part indemnitaire dans la solde des militaires.
Toutefois, cette mesure initialement annoncée pour une mise en œuvre en 2026 est absente du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale dont est saisi le Parlement.
Votre rapporteur s’interroge sur les raisons de ce report et sur la crédibilité des engagements ministériels en matière de condition militaire. Ce décalage dans le calendrier suscite incompréhension et déception parmi les personnels, qui y voient un recul sur une promesse pourtant solennellement annoncée et attendue de longue date. Il importe que le Gouvernement clarifie rapidement les modalités concrètes de mise en œuvre de cette réforme et s’engage fermement sur un calendrier.
4. Les interrogations relatives au coût pour les armées d’une évolution du Service national universel
Le Service national universel (SNU) est mis en extinction à partir du 1er janvier 2026, comme l’a annoncé le Premier ministre, et serait remplacé par un Service militaire volontaire impliquant plus fortement les armées.
Selon les informations de votre rapporteur sur les réflexions en cours, les armées pourraient accueillir jusqu’à 1 500 volontaires au total en 2026.
Votre rapporteur s’interroge sur les modalités de financement de cette transition vers le Service militaire volontaire. Lors des auditions, les responsables des armées ont clairement indiqué que le financement de ce dispositif n’était pas assuré. Si les capacités d’infrastructures apparaissent suffisantes pour absorber une quantité restreinte de volontaire, le coût de l’encadrement en ETP et d’équipement des effectifs concernés n’est pas programmé pour le PLF 2026.
5. La réforme de la protection sociale
Depuis le 1er janvier 2025, le volet santé de la protection sociale complémentaire (PSC) est mis en œuvre de manière obligatoire au ministère des Armées et des Anciens combattants pour l’ensemble du personnel civil et militaire. Ce dispositif fait l’objet d’une participation financière obligatoire de l’employeur public à hauteur d’environ 50 % du financement nécessaire à la couverture des garanties minimales, pour un coût annuel évalué à 86 M€ uniquement pour la participation de l’employeur.
La mise en œuvre du régime est un succès salué. Le nombre de cas de dispense demeure faible, les rattachements facultatifs des ayants droit du personnel civil et militaire sont nombreux, et le taux de recours aux options facultatives s’avère significatif (60 % pour le personnel civil et 20 % pour le personnel militaire, l’option n’étant toutefois pas cofinancée par l’employeur pour ces derniers).
Toutefois, la situation des militaires servant à l’étranger continue de soulever des difficultés, dans la lignée des alertes émises par votre rapporteur dans son rapport de l’année dernière. Si le ministère est parvenu à obtenir la participation employeur pour ces personnels et a renégocié les cotisations selon un calibrage en trois zones géographiques, le dispositif présente des coûts significatifs pour les personnels concernés.
B. Le volet hors titre II du programme 212
Hors dépenses de personnel, le programme 212 se décompose en six actions numérotées de 4 à 11 : politique immobilière, systèmes d’information d’administration et de gestion (SIAG), politique des ressources humaines, politique culturelle et éducative, restructurations et pilotage - soutien - communication.
La dotation du programme dans le PLF est en forte hausse pour 2026. Elle s’élève, hors titre 2, à 2,01 Md€ en AE et à 1,8Md€ en CP, contre 1, 54 Md€ en AE et à 1,69 Md€ en CP en LFI 2025.
Les crédits budgétaires affectés à l’action 4 « politique immobilière » dans le PLF pour 2026 s’élèvent à 1, 16 Md€ en AE et 943,6 M€ en CP, contre 669,3 M€ en AE et 827,4 M€ en CP en LFI 2025.
Cette action vise à regrouper les crédits liés : aux infrastructures de défense (logement familial, hébergement en enceinte militaire, ensembles d’alimentation, locaux d’administration générale et travaux d’entretien des monuments historiques affectés au ministère dans le cadre du protocole « Culture-Défense ») ; à la transition écologique ; aux dépenses de loyers ; aux crédits de soutien du service d’infrastructure de la défense (SID).
Les crédits d’engagement de la politique immobilière sont en très forte hausse (+491 M€ en AE, soit +73 % par rapport à 2025). Cette hausse est principalement portée sur :
– les crédits consacrés aux infrastructures de défense (+281 M€ en AE par rapport à 2025 et +54 M€ en CP), visant notamment à financer le « plan hébergement » ;
– les crédits consacrés au maintien et au soutien des sites (+143 M€ en AE et 40,2 M€ en CP), visant notamment à financer des opérations de gros entretien rénovation (GER) ;
– les crédits consacrés au soutien des familles (+67,5 M€ en AE et +13 M€ en CP), s’expliquant notamment par le renouvellement de conventions de réservations de logement.
La part des crédits consacrés au logement dans le PLF 2026 est de 183 M€ en AE et 329 M€ en CP.
Parmi les grands projets prévus en 2026, la poursuite du Contrat Ambition Logement (CAL), représente une part significative des dépenses avec 52 M€ en AE et 212 M€ en CP. Le contrat, signé avec la société NOVé pour 35 ans en 2022, vise à répondre au vieillissement du parc domanial et à le renforcer en zone de tension.
La politique du logement constitue un levier essentiel de fidélisation des militaires et de leurs familles. Dans un contexte de mobilité géographique accrue et de tensions sur le marché immobilier, l’accès à un logement de qualité représente aujourd’hui une préoccupation majeure des familles de militaires.
Le plan hébergement, initié en 2019, vise à améliorer les conditions d’hébergement pour les militaires du rang et les cadres célibataires.
Toutefois, l’état actuel du bâti demeure préoccupant. La vétusté de nombreuses infrastructures d’hébergement, héritées pour certaines de plusieurs décennies, constitue un facteur majeur de dégradation de la condition militaire. Le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM), dans son rapport 2025, alerte sur cette situation en soulignant que « le service rendu en matière de soutien commun et d’infrastructures – qu’il s’agisse des locaux de service ou des lieux d’hébergement - n’est toujours pas à la hauteur des exigences de réactivité et de disponibilité qui pèsent sur les militaires » ([10]). Votre rapporteur n’a pas pu obtenir d’estimation chiffrée de la vétusté du parc, les services compétents ayant abandonné la notion de « dette grise » au profit d’une approche par cartographie des risques.
268 M€ d’AE et 149 M€ de CP sont prévus dans le PLF 2026, visant à poursuivre les efforts de construction et de réhabilitation des ensembles d’hébergement et vise une commande de 2080 places et la livraison de 2920 places.
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La réorganisation du Service d’infrastructure de la Défense Le Service d’infrastructure de la défense (SID) fait face à un défi majeur : absorber un surcroît d’activité de 30 % sur la période 2024-2030, conformément aux ambitions de la loi de programmation militaire, tout en maintenant ses effectifs constants. Pour relever ce défi, une réorganisation d’ampleur a été engagée depuis 2023. Elle a débuté par la réorganisation de la direction centrale du SID (DCSID), effective depuis le 1er septembre 2024, ainsi que la création de l’académie ministérielle de l’infrastructure (AMI). Elle s’est poursuivie par la création de l’établissement de production nationale (SID EPN), dont la mise en fonctionnement opérationnel est fixée à mi-2026, et la transformation des SID en région (SID-R) en 2025. Plusieurs leviers concrets sont mobilisés pour améliorer la productivité du service. - Premièrement, il s’agit d’éviter le micro-management en cessant de suivre unitairement toutes les opérations. L’objectif est de responsabiliser davantage les échelons locaux et régionaux, d’éviter les échanges systématiques entre le territoire et le niveau national, et ainsi de décongestionner les flux décisionnels. - Deuxièmement, le SID modifie profondément sa logique d’intervention en réduisant le recours à la maîtrise d’œuvre interne au profit de la maîtrise d’ouvrage. Actuellement, 50 % des effectifs sont affectés à la maîtrise d’ouvrage et 50 % à la conception-réalisation en maîtrise d’œuvre avec un engagement de bout en bout. Or, un agent en maîtrise d’ouvrage pilote en moyenne trois fois plus de projets qu’un agent en maîtrise d’œuvre. L’enjeu consiste donc à abaisser le seuil de bascule vers la maîtrise d’ouvrage : alors que les gros projets sont en principe traités en maîtrise d’ouvrage, il s’agit d’élargir le périmètre accessible à ce mode de gestion. - Troisièmement, le SID cherche à industrialiser au maximum ses solutions en s’appuyant sur des contrats-cadres nationaux et des catalogues standardisés. L’exemple le plus abouti concerne l’hébergement : un contrat-cadre national propose un catalogue d’une quarantaine de types d’ouvrages, assorti d’une allocation régionale permettant aux états-majors de choisir directement sur catalogue. La numérisation constitue un levier complémentaire essentiel. Depuis avril 2022, le SID déploie le « Building Information Modeling » (BIM), un outil devant faciliter la conception des travaux ainsi que leur suivi et leur maintenance. L’outil MAIA, qui utilise l’intelligence artificielle pour élaborer les cahiers des charges en analysant ponctuellement les besoins, vient compléter ce dispositif. Enfin, le SID s’appuie sur une approche reformée d’évaluation des travaux et de cartographie des risques. Le service récuse le principe de « dette grise », qui renvoie à une logique d’actif financier en instantané, et lui préfère une approche par cartographie des risques. Dans ce cadre, une cartographie du niveau de risques du patrimoine est établie chaque année, permettant de disposer d’une vision globale de l’état du patrimoine, d’identifier les évolutions des risques, de conforter les stratégies de maintien en condition et d’évaluer les budgets pluriannuels nécessaires afin d’optimiser l’emploi des ressources budgétaires. Cette démarche s’accompagne d’un outil dédié, Simeo, permettant d’appréhender l’état de vétusté du parc et d’aider le service constructeur dans la priorisation des opérations de maintenance. |
2. Les politiques des ressources humaines
L’Action 06 « Politiques des ressources humaines » est dotée de 237 M€ en AE et 221 M€ en CP dans le PLF 2026, contre respectivement 223 M€ en AE et 209 M€ en CP en 2025. Elle finance l’ensemble des prestations de reconversion du personnel du ministère ainsi que les dépenses liées aux politiques de ressources humaines et à l’action sociale.
a. Des interrogations sur les suites à donner au plan « Fidélisation 360 »
Les crédits de l’action sociale ministérielle et interministérielle financent notamment les mesures d’action sociale relatives à troisième année de mise en œuvre du plan de fidélisation multidimensionnel « Fidélisation 360 » (intégrant le plan « Famille 2 ») qui s’élève à 30,5 M€ en AE et CP pour 2026.
Le plan fidélisation 360 recouvre près de 33 mesures, dont une partie a été mise en œuvre dès l’année 2024, par exemple le déménagement sans reste à charge avec les plateformes multi-déménageurs.
Les efforts de la démarche se sont poursuivis en 2025, avec par exemple les actions suivantes : référencement de médecins « solidaires des armées » acceptant les familles de militaires au sein de leur patientèle (plus de 4 000 médecins généralistes et spécialistes) ; mise en œuvre d’un critère de contrainte opérationnelle pour la prestation de garde d’enfants en horaires atypiques et celle en cas d’absence prolongée ; généralisation du dispositif d’accompagnement à la mobilité géographique (aide pour trouver un logement, transfert de contrats, etc.) ; mise en place par Défense mobilité d’une démarche proactive dans l’accompagnement vers l’emploi des conjoints de militaires mutés ; mise en place d’une agence de réorientation des officiers mariniers (Marine nationale) ; poursuite du déploiement du réseau social Famille des armées (plus de 65 000 membres) et développement d’un module national de petites annonces.
Pour 2026, peu d’actions sont prévues, mais le plan « Fidélisation 360 » entrera dans une phase de réévaluation des contraintes opérationnelles pouvant aboutir sur de nouvelles mesures. Cette année verra notamment l’instruction de préconisations du Conseil supérieur de la fonction militaire pour l’attractivité et la fidélisation, et la présentation d’ici la fin 2026, déjà évoquée par votre rapporteur, du rapport au Parlement sur les effets de la NPRM.
b. La proposition de mise en place d’un compte de gestion des permissions
L’augmentation du rythme opérationnel et d’entraînement des armées, conséquence directe du durcissement du contexte stratégique et de la nécessité d’accroître la préparation au combat, exacerbe la problématique des permissions non prises par les militaires et devant être reportées sur l’année suivante. Une instruction de 2018 ([11]) prévoit que le régime d’autorisation de report est déterminé par le commandant de la formation administrative (il est souvent fixé à dix jours).
La situation des militaires qui ne peuvent poser leurs permissions pour cause de nécessité de service constitue une problématique récurrente affectant la condition militaire. Si des adaptations ponctuelles sont possibles en fonction du niveau d’intensité opérationnelle – à l’image du report exceptionnel jusqu’à 45 jours autorisé lors des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 –, ces dispositifs ad hoc ne résolvent pas structurellement la question de la perte de droits à permission subie par de nombreux militaires en raison des contraintes de service, conjuguées au plafonnement du nombre de jours pouvant être reportés d’une année à l’autre.
Face à cette situation, votre rapporteur souhaite relayer la proposition de création d’un compte de gestion des jours de permission pour l’ensemble des militaires. L’objectif de cette proposition est de leur permettre de mieux prendre l’ensemble de leurs permissions en leur offrant une plus grande souplesse dans la gestion de ces droits. Ce mécanisme permettrait de conserver et de reporter les jours de permission non pris pour raison de service.
Le modèle des concessions de passage gratuit (CPG) démontre la faisabilité d’un tel dispositif. Le système des CPG, qui s’applique notamment aux militaires servant outre-mer, permet déjà au militaire de cumuler ses droits à permissions au titre de trois années, consécutives ou non, sur une période globale de cinq ans. La durée de la permission obtenue ne peut être inférieure à deux mois, ni supérieure à six mois. Ce mécanisme fonctionne de manière satisfaisante sans porter atteinte à la disponibilité opérationnelle des forces ni remettre en cause les spécificités du statut militaire.
Proposition : Mettre en place un compte de gestion des journées de permission
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La lutte contre les violences sexuelles et sexistes (VSS) L’année 2025 semble marquer un tournant pour la gestion de la problématique des VSS dans les Armées, après une année 2024 marquée par des révélations de dysfonctionnements majeurs. Les conclusions de la mission d’enquête sur les violences sexuelles et sexistes au sein du ministère des Armées et des Anciens combattants, publiées en juillet 2024, mettent en exergue l’existence de lacunes majeures dans la détection et le traitement des violences sexuelles et sexistes (VSS) au sein des forces armées. Un programme de lutte contre les violences sexuelles et sexistes au sein des armées a depuis été engagé, formalisé en partie par deux instructions ministérielles en date du 26 mars et du 28 juin 2024. Les 52 actions du programme se déclinent en 4 axes : accompagner les victimes ; sanctionner ; garantir la transparence ; prévenir. Le suivi des actions du programme est assuré par un comité de suivi biannuel présidé par le ministre. Au 29 avril 2025, 87 % des mesures (45 sur 52) ont été mises en œuvre. Le nombre de signalements effectués au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale (CPP) a considérablement augmenté ces dernières années, ce phénomène pouvant s’expliquer par une libération de la parole et une plus grande attention des supérieurs sur cette question. Les armées recensent 42 faits en 2022, 49 en 2023, 252 en 2024 (changement de périmètre avec l’intégration des faits hors service) et 133 faits pour le 1er semestre 2025. |
3. Les systèmes d’information, d’administration et de gestion (SIAG)
L’action 05 « Systèmes d’information, d’administration et de gestion » vise à financer la réalisation et le maintien en condition opérationnelle des systèmes d’information et de gestion du ministère des Armées et des Anciens combattants.
Dans le PLF 2026, les crédits prévus atteignent 174,91 M€ en AE et 173,17 M€ en CP, contre 197,67 M€ en AE (-12 %) et 171,86 M€ en CP (+1 %) en LFI 2025.
En 2026, ces crédits viendront financer la poursuite de plusieurs systèmes structurants notamment : la maintenance des systèmes d’information des ressources humaines et de Source Solde, dédié à la solde des personnels militaires ; le financement du projet ROC PR 35 visant la réforme du logiciel de gestion des réservistes ; la poursuite des travaux concernant OPERHA, le projet de système d’information des ressources humaines (SIRH) ministériel unique ; la modernisation des outils SI du SID (projet d’un building information modeling, outil de suivi numérique des opérations d’infrastructures) ; la réalisation du projet de SI de gestion des compétences des personnels militaires SICOMP/OCTAVE ; la poursuite du projet de système d’exploitation de la fonction restauration (SERES) ; la réalisation du projet de gestion électronique du courrier CORAIL, pour l’ensemble du ministère des Armées et des Anciens combattants.
4. Les dépenses de pilotage, soutien et communication du Ministère
L’action 11 « Pilotage, soutien et communication » du programme 212 comprend principalement les crédits permettant le versement des subventions de certains opérateurs ministériels dont le Service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) et l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD) et le financement du site de Balard. Les crédits de l’action 11 permettent également de solder les contentieux non contractuels et de réparation de l’ensemble du ministère des Armées et des Anciens combattants, de financer les dépenses de communication du ministère (budget de fonctionnement de la DICoD - Délégation à l’information et à la communication de la Défense) et d’autres dépenses en matière de soutien et de fonctionnement.
Les dotations de l’action restent stables entre 2025 et 2026 : 368,33 M€ en AE et 391,35 M€ en CP, contre 370,57 M€ en AE (-1 %) et 399,99 M€ en CP (-2 %) en 2025.
Entre 2025 et 2026, l’évolution des crédits est principalement due à une diminution des travaux d’entretien, de renouvellement et d’aménagement dans le cadre du PPP Balard.
La création de l’autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) en 2025 a entraîné le transfert des missions de défense auparavant exercées par l’ancien IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) (IRSN) vers le ministère des Armées et des Anciens combattants. La DEND (direction de l’expertise nucléaire de défense et de sécurité) a quitté l’IRSN tout en conservant ses missions, son organisation interne et sa localisation dans un bâtiment à part de l’IRSN sur une parcelle du CEA (Commissariat à l’énergie atomique).
La DEND est l’expert public français des risques nucléaires et radiologiques dans les domaines suivants : sûreté nucléaire de défense, y compris en cas d’incident ou d’accident ; la protection des installations civiles et des transports de matières nucléaires vis-à-vis des actes de malveillance (sécurité nucléaire) ; le suivi des transports de matières nucléaires ; la mise en œuvre des traités et accords internationaux de non-prolifération nucléaire et chimique.
Ce transfert de missions entre la Mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (MIRES) et la Mission Défense (MD) s’est accompagné d’un transfert de ressources du P190 vers le P212 au PLF 2025 à hauteur de 13,85 M€ en AE et CP. Dans le même temps les 4,5 M€ de subvention versés à l’IRSN jusqu’en 2024 ont été réalloués à la DENDS.
5. La politique culturelle et archivistique du ministère des Armées et des Anciens combattants
L’action 8 « Politique culturelle et éducative » retrace les financements accordés à la politique culturelle du ministère des Armées et des Anciens combattants. Le budget qu’elle mobilise est principalement consacré au soutien et à l’investissement au profit des musées nationaux d’histoire militaire (musée de l’Armée, musée de l’Air et de l’Espace, musée national de la Marine), au service historique de la défense (SHD), et aux actions récurrentes de promotion du patrimoine culturel militaire à travers l’édition la production ou l’archivage de documents ou l’organisation d’évènements, d’expositions et de colloques.
La direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) est responsable du budget opérationnel de programme « ACP » (archives, culture, patrimoine). Ces crédits se décomposent entre les sous-actions 8.01 « actions culturelles et mise en valeur du patrimoine » et 8.2 « Gestion et communication des archives historiques de la défense ». Il faut ajouter enfin les crédits de Titre 2 de l’action 62, relative au personnel travaillant pour l’action « politique culturelle et éducative » (39, 39 M€ pour 2026).
Pour 2026, les crédits consacrés à la politique culturelle du ministère des Armées et des Anciens combattants ont été revus à la baisse. Hors titre 2, ils s’élèveront à 63,51 M€ en AE et 57, 35 M€ en CP, contre 70, 55 M€ en AE (-18,00 %) et 69,82 M€ (-25,98 %) en CP en 2025.
Les principales mesures de l’année concernent les opérations d’investissement visant à protéger les collections et la sécurité des biens et des personnes dans les musées sous tutelle du ministère des Armées et des Anciens combattants, la numérisation d’archives patrimoniales, le soutien des services d’archives intermédiaires dans leurs projets d’archivage (récolement, préparation de versements d’archives définitives, etc.), la promotion d’actions culturelles variées (soutien à l’édition, à la création artistique, à la production audiovisuelle, à l’organisation de festivals et salons) et le financement de la recherche historique (allocations doctorales, prix d’histoire militaire, allocations de recherche).
La politique culturelle du ministère des Armées et des Anciens combattants, à travers les musées, les cérémonies commémoratives, les actions pédagogiques et le patrimoine militaire, constitue un vecteur essentiel de connaissance et de reconnaissance du fait militaire par la société française. Dans un contexte où les armées font face à des enjeux croissants de recrutement et où la sensibilisation des jeunes générations aux questions de défense devient cruciale, cette réduction budgétaire apparaît comme un signal particulièrement contradictoire.
L’essentiel des dépenses du BOP correspond aux investissements incontournables s’élevant à 20,8 M€ en AE et 14,2 M€ en CP (contre 32,6 M€ en AE et 31,8 en CP en LFI 2025), auxquels s’ajouteront près de 33,2 M€ en AE/CP de crédits de fonctionnement (contre 34,3 M€ en LFI 2025) et les dépenses d’intervention (1,1 M€ en AE et en CP), essentiellement pour la protection et l’entretien des collections des trois musées dotés du statut d’établissement public à caractère administratif du ministère des Armées et des Anciens combattants : le musée de l’Air et de l’Espace ; le musée de l’Armée ; les musées portuaires dépendant du musée national de la Marine.
Les crédits de la fonction « archive » s’établissent à 5,7 M€ (mise en œuvre par le Service historique de la défense), en augmentation de près de 0,4 M€ en AE et en CP (soit +7 % par rapport à 2025) en raison de la mise en œuvre du projet de modernisation du service historique de la défense.
Seconde partie : le soutien et le financement des missions sur le flanc est de l’OTAN
I. Sur le Flanc est de l’OTAN, la France s’engage davantage, le droit reste flou, le Parlement mis à l’écart
A. L’engagement croissant de la France pour le dispositif oriental de l’OTAN depuis 2022
1. Le dispositif français sur le flanc est en renforcement constant depuis 2022
Depuis l’intensification de la guerre en Ukraine en février 2022, la France a substantiellement renforcé sa présence et ses actions militaires sur le flanc est de l’OTAN. Dans un contexte de réorganisation du dispositif français en Afrique, le flanc Est de l’Europe est devenu le « centre de gravité » ([12]) opérationnel des armées françaises.
Source : ministère des Armées et des Anciens combattants.
Cet engagement a vocation à se renforcer pour l’année 2026, avec la prise d’alerte du commandement, par la France, de la Force de réaction alliée (ARF) de l’OTAN. Cette dernière est une force multinationale et multi-domaines à haut niveau de préparation, capable d’être déployée à court préavis, créée en juillet 2024 pour remplacer la force de réaction (NRF).
a. La projection des forces de l’Armée de Terre et de l’Armée de l’Air et de l’Espace en Roumanie
La mission Aigle, en Roumanie, constitue le principal pivot du dispositif français sur le flanc oriental de l’OTAN. Déployé initialement en février 2022 comme « bataillon fer de lance » de la force de réaction de l’OTA, ce dispositif a rapidement évolué. Dès mai 2022, la France a assumé le rôle de nation-cadre d’un détachement multinational basé à Cincu, pour une durée minimale de 4 à 5 ans. Le dispositif actuel mobilise 1 400 militaires de l’Armée de Terre, disposant d’un groupement tactique interarmes (GTIA) de segment « décision » équipé de chars Leclerc et de VBCI.
Une batterie SAMP/T Mamba, déployée sur la base aérienne de Capul Midia depuis mai 2022, renforce cette présence avec près de 100 militaires de l’Armée de l’Air et de l’Espace. En novembre 2022, un élément avancé de commandement de brigade (BFCE) a été ajouté à Bucarest. Cet élément a vocation à intégrer, si la situation l’exigeait, des renforts pour armer un état-major de brigade interarmes complet.
L’exercice Dacian Fall, engagé à l’automne 2025, illustre la montée en puissance du dispositif : l’Armée de Terre doit y démontrer sa capacité à déployer une brigade complète en Roumanie, marquant un saut capacitaire majeur par rapport au dispositif permanent. Dans le cadre de cet exercice, ce sont près de 1 900 militaires qui sont projetés, dans le cadre d’une manœuvre logistique d’ampleur qui mobilise jusqu’à 350 véhicules et 300 conteneurs. Votre rapporteur sera particulièrement attentif aux enseignements tirés de cet exercice et à l’évaluation de ses résultats opérationnels. Les premiers éléments d’information issus de la presse suggèrent en effet que l’ambition initiale aurait été révisée, ce qui soulèverait des interrogations sur la capacité réelle de projection de nos forces et sur les éventuels obstacles rencontrés dans la mise en œuvre de cette manœuvre d’envergure.
b. Le renforcement pérenne de l’engagement de l’Armée de Terre en Estonie
En Estonie, la mission Lynx constitue une pérennisation de l’engagement français dans les pays baltes au profit de la posture renforcée de l’OTAN. Si la France contribuait déjà depuis mars 2017 à la présence avancée renforcée (enhanced Forward Presence - eFP) par des rotations entre Estonie et Lituanie, la décision de février 2022 de pérenniser la participation en Estonie représente un changement qualitatif.
Le déploiement permanent d’un sous-groupement tactique interarmes (350 militaires de l’Armée de Terre) à Tapa, au sein du bataillon avancé dont le Royaume-Uni est la nation-cadre, s’inscrit dans la durée. Ce sous-groupement est équipé du segment médian des brigades françaises : véhicules multi-rôles blindés Griffon et blindés légers AMX-10 RC (auxquels s’ajouteront progressivement les Jaguar). Il est ponctuellement appuyé par des canons d’artillerie CAESAR.
À ce déploiement permanent s’ajoute une coopération bilatérale franco-estonienne, avec le déploiement régulier d’une compagnie d’infanterie légère pour des missions de formation et d’entraînement avec la Kaitseliit (« ligue de défense estonienne »), force de réserve citoyenne paramilitaire. Le dernier déploiement en date s’est achevé en juin 2025.
c. L’engagement dans l’assistance à l’Ukraine avec la mission Gerfaut en Pologne
La mission Gerfaut en Pologne, lancée en février 2023, constitue un élargissement significatif du spectre d’engagement français, en visant un soutien direct à l’Armée ukrainienne. Mobilisant 250 militaires de l’Armée de Terre sous commandement polonais à Zagan ([13]), cette mission de formation de bataillons ukrainiens s’inscrit dans le cadre de la mission européenne EUMAM. Le dispositif a évolué avec l’arrêt des formations initiales de l’armée ukrainienne en dehors de l’Ukraine. Ainsi, Gerfaut dispense aujourd’hui des formations de formateurs et des formations de spécialistes.
d. La participation de l’Armée française aux opérations de l’OTAN et l’UE dans les Balkans occidentaux
En Bosnie-Herzégovine, la France participe à l’European Force Althea, lancée en 2004, avec un détachement au sein d’une force européenne. Ce détachement est principalement composé d’unités dites de surveillance, déployées dans tout le pays pour maintenir un dialogue avec la population et apporter une compréhension de la situation. Ce détachement représente 27 militaires français ([14]).
Au Kosovo, la France participe à la mission de l’OTAN Kosovo Force TETRAS en déployant des officiers au sein de l’Etat-major. Cette présence participe également à se forger une appréciation de situation autonome et à exprimer la participation de la France au sein de cette mission OTAN. Aujourd’hui, la KFOR compte environ 4 500 personnels mis à disposition par 33 pays de l’Alliance et pays partenaires, après un renforcement décidé par l’OTAN en 2023 dans un contexte de regain de tensions.
e. Des déploiements navals fréquents dans les zones maritimes du flanc est de l’OTAN
Le domaine naval connaît une dynamique particulièrement soutenue depuis 2022. La Marine nationale est présente sur le flanc est de l’OTAN par la mise en œuvre des moyens aéronavals variés : frégates, sous-marins, Rafale Marine, avions de patrouille maritime, porte-hélicoptères d’assaut, patrouilleurs, chasseurs de mines et détachement de plongeurs démineurs. La Marine Nationale a multiplié ses déploiements dans trois zones stratégiques :
– En Atlantique Nord, avec notamment la projection régulière de bâtiments pour des opérations de lutte anti-sous-marine (NARVAL) ;
– En mer Baltique, où la Marine nationale a notamment déployé des frégates de premier rang entre 2022 et 2024 dans le cadre des missions Beluga, participant aux exercices BALTOPS et Northern Coasts. Depuis janvier 2025, la France contribue à Baltic Sentry, nouvelle activité de vigilance renforcée de l’OTAN visant la protection des infrastructures sous-marines critiques, avec notamment le déploiement de la frégate Aconit et du chasseur de mines Croix du Sud. Un projet de Task Force X Baltique a aussi été lancé par l’OTAN pour disposer d’une flotte de drones de surface facilitant la surveillance maritime. La France doit participer avec la mise à disposition de drones et d’un bâtiment support.
– En Méditerranée orientale et en Mer Noire, la Marine projette depuis 2022 des moyens pour soutenir la Roumanie et la Bulgarie et assurer des missions de présence (vols depuis le porte-avions Charles de Gaulle par exemple).
Au total, la Marine nationale aura participé à plus d’une vingtaine d’exercices OTAN d’envergure entre 2024 et 2025 liés au flanc est de l’OTAN : des exercices multi-milieux, multi-champs (ex : Baltops, Steadfast Defender), anti‑sous-marins (ex : Artic Dolphin), guerre des mines (ex : Open Spirit, Sea Breeze) amphibie (ex : Joint Viking), drones (ex : Dynamic Messenger), interarmées (ex : Atlantic Trident) ou de tirs de munitions complexes (ex : Formidable Shield).
f. L’intensification des missions aériennes, avec en particulier le déploiement de Rafales en Pologne en septembre 2025
Sur le plan aérien, la France participe activement et de manière récurrente aux missions de surveillance et de défense aérienne du flanc est.
D’abord, la France participe en permanence à la mission Air Shielding de l’OTAN, dispositif de surveillance et de défense aérienne du flanc est. Elle recouvre plusieurs dimensions :
– Des missions de surveillance et de défense Combat Air Patrol (CAP) sont conduites par des aéronefs depuis le territoire national ;
– Des déploiements aériens sont régulièrement réalisés dans des pays alliés du flanc est de l’OTAN, en particulier dans le cadre du concept otanien de déploiement agile et rapide Agile Combat Employment (ACE). Ils représentent plusieurs déploiements par an, pouvant mobiliser des chasseurs pour de courtes durées.
Au-delà des dispositifs permanents, l’AAE a assuré une projection dans la durée dans le cadre de missions de réassurance et de police du ciel à destination des États baltes placées sous le mandat de la mission Enhanced Air Policing. Le déploiement de 4 Mirage 2000-5 en Lituanie pour la mission (décembre 2023-mars 2024, puis décembre 2024-mars 2025) a mobilisé environ 100 militaires à chaque rotation. S’ajoutent également plusieurs missions par an de surveillance et de renseignement SOLAR, dont la durée de déploiement est de près d’un mois et mobilisant près de 20 personnels.
Le déploiement de 3 Rafales en Pologne en septembre 2025 illustre l’intensité croissante de l’engagement français. Dans le cadre de l’opération Eastern Sentry en réaction à des incursions de drones russes en Pologne, la France a rapidement déployé 3 Rafales des forces aériennes stratégiques et 68 militaires de l’AAE sur la base de Minsk Mazowiecki, selon des informations communiquées par la presse ([15]). La rapidité de ce déploiement a été facilitée par une bascule en cours d’opération, puisque ces appareils étaient déjà présents sur le sol polonais dans le cadre d’un exercice ACE. Les équipages français ont effectué des décollages d’alerte réels, pour intercepter des drones ([16]). Prêts à décoller en quelques minutes, ils ont assuré une mission de police du ciel en première ligne, avec la possibilité d’un engagement cinétique contre des drones russes franchissant les frontières de l’OTAN.
Votre rapporteur relève toutefois que le Parlement n’a pas été informé de ce déploiement par le Premier ministre, en méconnaissance des dispositions de l’article 35 de la Constitution qui impose au Gouvernement d’informer le Parlement de la décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger. Cette carence dans l’information parlementaire est d’autant plus regrettable que la mission comportait une dimension opérationnelle réelle, avec une possibilité d’engagement au feu, et non un simple exercice.
2. Un accroissement de l’engagement opérationnel qui affecte l’activité des armées et les services de soutien
a. Un poids opérationnel majeur pour les armées, en particulier les forces terrestres
Au total, ce dispositif mobilise en permanence plus de 2 500 militaires français sur le flanc est, auxquels s’ajoutent les effectifs mobilisés pour les déploiements ponctuels navals et aériens. Cette présence, quasi inexistante avant 2022 (hormis les rotations eFP dans les pays baltes), représente un engagement stratégique majeur dont l’ampleur ne cesse de croître. Les exercices de grande ampleur prévus (Dacian Fall) et les nouveaux dispositifs activés en cours d’année 2025 (Baltic Sentry, Eastern Sentry) témoignent d’une dynamique qui ne montre aucun signe de ralentissement.
Les armées sont affectées de manière hétérogène par cet engagement, l’Armée de Terre étant celle pour laquelle le poids sur le dispositif opérationnel global est le plus important.
Pour la Marine nationale, les missions réalisées sur le flanc est, bien qu’occupant une part croissante de l’activité opérationnelle, n’entraînent pas d’effet significatif sur la disponibilité globale des bâtiments et aéronefs, selon les autorités auditionnées par votre rapporteur. Ces déploiements s’inscrivent en effet dans l’enveloppe annuelle globale d’activité des unités de la Marine. Votre rapporteur fait toutefois remarquer qu’ils ont logiquement pour effet de surpondérer l’engagement dans les zones du flanc est de l’OTAN. Ils risquent in fine un effet d’éviction pour le déploiement dans d’autres zones d’intérêt de la Marine nationale, comme la Mer Rouge ou la zone Asie Pacifique, les capacités et bâtiments de la Marine n’étant pas illimités.
Pour l’Armée de Terre l’engagement sur le flanc est de l’OTAN génère des bénéfices opérationnels significatifs tout en créant des tensions sur le dispositif global et les ressources. Selon les autorités auditionnées par votre rapporteur, les déploiements en Europe de l’Est ont permis d’optimiser l’opérationnalisation des forces terrestres grâce à un entraînement continu et une meilleure appropriation des zones de responsabilité, tandis que la montée en puissance dans cette région a été compensée par une réduction des activités en Afrique, évitant ainsi une surcharge globale du dispositif. Le contexte géostratégique actuel a également favorisé un durcissement de la préparation opérationnelle axée sur la haute intensité, avec des exercices interalliés de grande ampleur (Brigade, Division, Corps) renforçant l’interopérabilité OTAN et la mise en place d’un référentiel de performance commun intégrant les enseignements des conflits actuels, notamment ukrainien. Néanmoins, cette dynamique s’accompagne de tensions structurelles : malgré la stabilisation du taux d’activité post-JOP 2024, certains domaines critiques (postes de commandement, unités d’appui) demeurent sous forte pression, tandis que l’accroissement du rythme opérationnel sur le flanc est se heurte aux contraintes de ressources limitées en munitions et heures/machine, déjà tendues avant cette intensification.
Pour l’Armée de l’Air et de l’Espace, il ressort des auditions de votre rapporteur que les missions réalisées sur le flanc Est de l’OTAN ont un impact limité sur la disponibilité des moyens et l’entraînement des forces. Cette situation s’explique par une planification anticipée des déploiements et par leur durée relativement courte. Ces missions participent en outre à entretenir les capacités opérationnelles des forces aériennes. Les déploiements dans le cadre du concept ACE permettent d’accroître la connaissance mutuelle des forces et le renforcement de l’interopérabilité avec les forces alliées.
Le déploiement du système de défense sol-air MAMBA en Roumanie constitue néanmoins une exception notable. Ce dispositif a un impact réel sur la disponibilité des systèmes en France et sur l’entraînement des forces, en raison de sa durée qui a été prolongée à plusieurs reprises. Initialement prévu pour six mois, ce déploiement s’étend désormais sur trois ans, soit six fois plus longtemps que la durée initialement envisagée.
b. Une mobilisation de l’ensemble de la chaîne des soutiens logistiques
Le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), appuyé sur le centre du soutien des opérations et des acheminements (CSOA), assure le rôle central de coordination de la manœuvre de soutien et logistique au profit de l’État-major des armées. Le CSOA garantit la cohérence des actions relatives au soutien global des engagements opérationnels des Armées sur le flanc est, en coordonnant notamment : les acheminements stratégiques et transports interarmées ; le soutien au stationnement en opérations (SST) ; la condition du personnel en opérations (CPO) ; la prévention et maîtrise des risques en opérations (PMROPS).
Pour les missions de l’Armée de Terre (Lynx, Aigle, Gerfaut), qui représentent la plus grande part des efforts de soutien, le contrôle opérationnel des éléments de soutien nationaux revient au commandement Terre pour l’Europe (CTE).
Les acheminements et la manœuvre logistique s’appuient de manière croissante sur des moyens de transport terrestres. Initialement réalisé majoritairement par voie aérienne militaire et affrétée, l’acheminement s’appuie désormais principalement sur le transport ferroviaire, qui s’impose comme le mode de prédilection permettant la massification des flux et la réduction des coûts. Cette évolution est significative, passant de 77 trains en 2022 à 148 trains en 2024 (soit près de 34 000 tonnes). La voie aérienne reste réservée aux besoins urgents (préavis courts ne permettant pas d’obtenir les autorisations de passage de frontières) et aux impératifs de confidentialité. À cela s’ajoutent les moyens propres de l’Armée de Terre mobilisés, avec 16 convois routiers militaires mis en œuvre par les régiments du Train de la brigade Logistique sous commandement du Commandement terre pour l’Europe (CTE) pour les missions du flanc est.
Le soutien au stationnement (SST), qui comprend les infrastructures, est coordonné, pour les missions de l’Armée de Terre, au niveau du CTE, en lien avec le Service d’infrastructures de la Défense (SID) et le CSOA. Le SST consiste à maintenir, adapter, restaurer ou créer les infrastructures nécessaires au soutien et à la protection de la force, aux combattants et à leurs matériels. Pour les missions de l’Armée de Terre, qui représentent la plus grande part du dispositif, l’Adjoint interarmées de soutien au stationnement (AISST) du Commandement Terre Europe (CTE) coordonne les sujets SST avec la nation hôte, le CSOA et les autres organismes interarmées, dont le SID.
c. La mobilisation des services de soutien interarmées
Plusieurs services interarmées sont engagés dans le soutien des missions sur le flanc Est de l’OTAN :
Le Service d’infrastructure de la défense est pleinement engagé sur le développement et le maintien des infrastructures en opérations sur le flanc Est de l’OTAN, principalement en Roumanie (sites de Cincu, Constanta, Capu Midia et Iasi). Le camp de Cincu a notamment fait l’objet d’une extension majeure, passant d’une capacité d’accueil de 750 à 2 000 militaires entre 2022 et début 2025, pour un investissement global d’environ 115 M€.
Cet engagement n’est pas neutre pour les ressources humaines du SID, déjà soumis à des tensions d’effectifs. En 2025, il est en capacité de projeter en permanence 100 militaires (mandat de 4 mois en moyenne), sur les 6 445 agents qui composent le service.
Le surcoût budgétaire généré par l’engagement du SID dans ces opérations est négligeable, car le financement des opérations des infrastructures relatives au flanc est relève du programme 178 “Préparation et emploi des forces”, via les BOP d’armées concernés selon le milieu d’intervention (terrestre ou aérien).
Le Commissariat numérique de défense (CND) joue un rôle déterminant dans le déploiement et le soutien des systèmes d’information et de communication (SIC). En tant que directeur technique des réseaux, il assure l’analyse des besoins SIC, la validation des architectures, le déploiement et l’interconnexion du dispositif SIC ainsi que son soutien depuis le territoire national. Sa responsabilité sur les moyens SIC s’exerce jusqu’au niveau du théâtre, où les Armées prennent le relais avec leurs propres moyens.
L’activité liée au flanc est génère une charge absorbable pour le CND, (notamment compensée, selon le CND, par le désengagement parallèle des forces d’Afrique) : en 2024, 17 personnes ont été projetées (1 276 jours sur le terrain).
Le Service du commissariat aux armées (SCA) assure le soutien permanent des trois missions opérationnelles majeures (LYNX en Estonie, AIGLE en Roumanie, GERFAUT en Pologne) par le déploiement de détachements modulaires du Commissariat (DMC). Le SCA garantit le soutien des emprises (alimentation, hébergement, multiservices incluant la gestion des véhicules, l’entretien des espaces communs et la gestion des déchets), la distribution des équipements individuels (compléments de paquetage pour climats froid et grand froid, équipements NRBC et de protection balistique) et le soutien administratif de la force.
L’opération Aigle en Roumanie représente un enjeu particulier : l’absence de ressources logistiques roumaines suffisantes sur le site de Cincu a nécessité la mise en place d’un soutien de vie en campagne quasi-exclusivement basé sur les matériels du SCA. Avec 56 personnels déployés et 56 M€ de dépenses en 2024, le DMC de Cincu est aujourd’hui le plus conséquent déployé par le SCA, tous théâtres d’opération confondus. Les coûts des dispositifs Lynx et Gerfaut atteignant respectivement 3 et 4,70 M€ sur la même année.
En outre, le SCA a été particulièrement mis à contribution sur les exercices d’expansion de force, comme Dacian Fall, à l’automne 2025. Pour cet exercice, le matériel spécialisé dit de « vie en campagne » (VEC) et les vivres opérationnels envoyés spécifiquement pour cet exercice représentent un poids/volume d’environ 170 équivalents vingt pieds (EVP) ([17]), dont 77 000 rations de combat.
Le SCA souligne en outre que l’engagement sur ces théâtres aux conditions hivernales particulièrement rigoureuses nécessite le déploiement de matériels spécifiques, comme des générateurs à air chaud (destinés à chauffer les espaces de vie et d’hébergement du personnel déployé) ou l’ajout de matériels (ex : les galeries destinées à protéger du froid certains matériels de vie en campagne). Cela augmente le poids logistique et le risque d’usure prématurée des matériels.
Le rôle du Service de l’énergie opérationnelle (SEO) est primordial dans le soutien logistique pétrolier apporté au cours des opérations menées sur le flanc Est de l’OTAN. Les actions mises en oeuvre par le SEO au profit de ces opérations (Aigle, Lynx, Gerfaut, mais aussi la mission de déploiement Enhanced Air Policing en Lituanie) ont nécessité des effectifs dédiés à hauteur de 18 équivalents temps plein (ETP), pour un coût de 5,6 M€.
Le Service interarmées des munitions (SIMu) assure le soutien munitions des opérations sur le flanc Est de l’OTAN par un déploiement permanent, représentant 12 personnels en 2025 répartis sur les différents théâtres (10 en Roumanie). Les coûts associés à ce dispositif sont principalement portés par le BOP OPEX, la part revenant directement au SIMu est peu significative (environ 45 000 € en 2024, essentiellement pour l’achat de consommables destinés à la manutention des munitions).
Les surcoûts liés aux munitions pour l’Armée de Terre sur les trois théâtres représentent des volumes financiers importants, particulièrement concentrés sur l’opération Aigle (77 M€ en 2024), tandis que Lynx et Gerfaut mobilisent respectivement 8,5 M€ et 1,8 M€.
Le Service de Santé des Armées assure le soutien des forces françaises déployées sur le flanc Est de l’OTAN, en opération et en exercice, principalement sur le niveau 1 (médecine avancée). Les Armées se reposent sur les structures des nations hôtes pour les éventuels actes lourds et hospitalisations. Les effectifs mobilisés atteignent 34 personnes pour le flanc est (hors déploiements navals, sur lesquels le niveau de déploiement du SSA est le même que pour toute autre mission navale), dont 25 pour la seule mission Aigle. Au total, les surcoûts générés par l’activité sur le flanc est du SSA atteignent 1,27 M€.
d. Le risque d’une fatigue opérationnelle pour les personnels les plus sollicités
Pour les unités les plus sollicitées ces déploiements répétés pèsent significativement sur le moral des personnels. Certaines instances ont alerté votre rapporteur sur une baisse du moral dans certaines unités très engagées (par exemple celles concourants aux capacités sol-air). L’impact sur les familles est réel et la conciliation entre vie privée et vie militaire se trouve réduite à l’ « état de néant » pour les personnels suremployés ([18]).
3. La perspective de projection de soldats français en Ukraine dans le cadre d’un éventuel cessez-le-feu et de la « coalition des volontaires »
La France pourrait participer à la "coalition des volontaires", alliance internationale créée en mars 2025 pour soutenir l’Ukraine, sous le leadership du Royaume-Uni et de la France. Elle regroupe à ce jour une trentaine d’États dont plusieurs membres de l’OTAN et de l’Union européenne. Son objectif principal est d’accorder un soutien militaire, humanitaire et politique à l’Ukraine tout en maintenant la pression sur la Russie et en facilitant les négociations de paix. Votre rapporteur observe toutefois qu’à ce stade, cette coalition se résume essentiellement à des déclarations d’intention, sans traduction juridique ou opérationnelle concrète. Les modalités d’action, les contributions effectives de chaque État membre et le cadre juridique de cette initiative restent à définir.
Le Président de la République aurait engagé la France à participer à une éventuelle « force de réassurance » sur le sol ukrainien ([19]), qui associe 26 États membres de cette coalition. Dans l’hypothèse d’un cessez-le-feu entre les belligérants, un contingent de militaires serait susceptible d’être déployé en Ukraine. Selon l’Élysée, des contributions formalisées de chaque État participant ont été discutées et établies entre les états-majors des pays concourants.
Lors de l’audition de votre rapporteur avec des autorités militaires françaises, il a été confirmé que les armées françaises sont en effet préparées à un tel déploiement, si la décision politique devait être prise. L’armée française dispose de moyens en alerte, aériens et terrestres, prêts à être déployés pour assurer la stabilisation de la situation et d’une garantie de sécurité pour l’Ukraine.
Sur le plan budgétaire, les autorités militaires ont assuré que cette prise d’alerte est neutre budgétairement. Elle constitue en outre une opportunité pour une revue capacitaire et des moyens de projection.
Toutefois, plusieurs incertitudes subsistent. Le contexte politique demeure imprécis, avec des points cruciaux à clarifier concernant notamment la position américaine et les modalités de financement de la force coalisée. Pour le budget des armées, la décision d’un tel déploiement entraînerait nécessairement des surcoûts majeurs. Le Gouvernement semble de fait s’y préparer, puisqu’il a choisi d’ajouter le sujet des garanties de sécurité à l’Ukraine dans les éléments présentés dans les documents annexés au PLF 2026 en justification de la hausse de la provision OPEX : « Cette augmentation substantielle de la provision traduit l’effort consenti afin de couvrir les besoins liés aux missions opérationnelles, en particulier sur le flanc est de l’Europe, dans un contexte de préparation des garanties de sécurité à l’Ukraine. »
Le risque de prise à partie et le coût humain comme budgétaire éventuel d’une telle mission, s’ils dépendent naturellement de la situation et du mode d’action retenus, ne peuvent être ignorés.
Au-delà des aspects opérationnels, cette perspective soulève un enjeu démocratique majeur. L’exécutif ne saurait décider seul, sans la représentation nationale, d’une intervention qui intègrerait un risque réel de belligérance pour la France. Un vote du Parlement apparaît indispensable avant la prise d’une telle décision. Il serait conforme à l’esprit de l’article 35 de la Constitution, qui prévoit que la déclaration de guerre et les interventions sont autorisées par le Parlement.
Or, le cadre juridique des missions sur le flanc est de l’OTAN utilisé jusqu’ici emprunte une voie confuse, recourant particulièrement à la catégorie imprécise de « MISSOPS », illustrant la volonté du Gouvernement de ne pas faire voter et décider le Parlement sur ces questions stratégiques.
B. Une confusion persistante du cadre juridique relatif aux opérations sur le flanc oriental de l’OTAN, au détriment des droits du Parlement
1. Les engagements sur le flanc oriental de l’OTAN sont intégrés dans la notion imprécise de « mission opérationnelle » (MISSOPS)
L’essentiel des engagements sur le flanc Est de l’OTAN est réalisé sous un régime budgétaire et opérationnel qui serait celui des « missions opérationnelles » (MISSOPS), régime pourtant indéfini. Ainsi, relèvent des Missops les engagements terrestres en Roumanie (Aigle), Estonie (Lynx), Pologne (Gerfaut), certains déploiements maritimes (pour 2025, par exemple missions Noble Shield et Brilliant Shield) et certains déploiements de l’Armée de l’air et de l’espace (ceux relevant de la mission otanienne Air Shielding et le détachement sol-air en Roumanie).
Sur le plan opérationnel, la qualification de MISSOPS s’applique aux engagements opérationnels des forces armées conduits hors du territoire national sous le commandement du CEMA lorsqu’identifiés comme tels par une directive opérationnelle de commandement émise par le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) et associée à un régime indemnitaire et des imputations budgétaires.
2. Les MISSOPS, comme les OPEX, souffrent d’une imprécision juridique qui s’explique notamment par la volonté du Gouvernement de contourner le Parlement
a. La fragilité juridique de la notion d’OPEX
Votre rapporteur déplore que, malgré des réserves répétées, l’imprécision du statut juridique des engagements opérationnels, des OPEX et MISSOPS, se maintienne malgré des engagements du Ministre des Armées à clarifier la classification applicable aux interventions des forces à l’étranger. Il réitère donc ses alertes.
Il rappelle qu’il n’existe pas aujourd’hui de définition légale ou jurisprudentielle d’une OPEX. Une OPEX s’appréhende principalement par le socle juridique des droits qui lui sont associés ([20]).
Les opérations extérieures se définissent en effet par leurs effets juridiques, énoncés à l’article L. 4123-4 du code de la défense, qui constituent le régime le plus protecteur pour les militaires, directement hérité du régime des opérations de guerre. Cette qualification est réservée aux projections présentant les risques les plus élevés et ne peut résulter que d’un arrêté conjoint des ministres de la Défense et du Budget.
Les OPEX s’appréhendent également par leur chaîne de qualification.
La Constitution prévoit dans son article 15 que le Président de la République est le chef des armées. En cette qualité, il préside les conseils et les comités supérieurs de la défense nationale, alors même que le Premier ministre est en charge de la défense nationale selon l’article 21 de la Constitution. Les orientations en matière d’OPEX semblent pourtant être en premier lieu prises par le Président de la République puisque le code de la défense dans son article R.*1122 1 précise que « Le conseil de défense et de sécurité nationale définit les orientations en matière […] de conduite des opérations extérieures, de planification des réponses aux crises majeures ». Hors de ces cas, la responsabilité de l’emploi des forces semble relever du Gouvernement et notamment du ministre des Armées « responsable […] de l’emploi des forces », tandis que l’article R.*3121-1 du même code précise que « le chef d’état-major des armées assiste le ministre dans ses attributions relatives à l’emploi des forces » dans les conditions prévues aux articles D. 3121- 6 et D. 3121-7 du même code. ». C’est aussi le sens de la décision du Conseil constitutionnel du 28 novembre 2014, qui prévoit que « le Gouvernement décide, sous l’autorité du Président de la République, de l’emploi de la force armée » ([21]).
Dans tous les cas, l’article 35 de la Constitution précise que la décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger relève du Gouvernement.
b. L’absence de définition rigoureuse de MISSOPS, au détriment de la prévisibilité juridique et budgétaire
Contrairement aux opérations extérieures (OPEX), qui sont mentionnées à l’article L. 4123-4 du Code de la défense, les missions opérationnelles ne sont l’objet d’aucune définition législative ou constitutionnelle. Cette appellation relève d’une simple pratique administrative qui désigne, par exclusion, l’ensemble des déploiements opérationnels à l’étranger n’ayant pas reçu la qualification d’OPEX.
Le ministère des Armées et des Anciens combattants définit ainsi les MISSOPS comme un « régime de droit commun » ([22]), regroupant tous les déploiements opérationnels à l’étranger, régis par les dispositions du droit commun issues du Code de la Défense et applicables aux militaires.
Dans cette logique, elles ouvrent en principe aux militaires déployés l’ensemble des droits de droit commun applicables aux opérations, à l’exclusion des droits spécifiques réservés aux OPEX.
Cette construction juridique confère en pratique au Ministre des armées un pouvoir discrétionnaire pour qualifier, au cas par cas, la nature d’un déploiement militaire et ses conséquences juridiques, créant ainsi une incertitude préjudiciable aux droits des personnels déployés.
En ce qui concerne les MISSOPS du flan est de l’OTAN, le ministère des Armées et des Anciens combattants élabore depuis 2022 un statut ad hoc qui suscite une convergence vers un statut OPEX, dans le traitement budgétaire (surcoûts imputés sur le BOP OPEX, financement interministériel éventuel des dépassements en fin de gestion) comme dans les effets juridiques et financiers pour les militaires impliqués (voir ci-après).
c. Des MISSOPS dont les effets juridiques et financiers sont définis au cas par cas
L’analyse des régimes juridiques applicables révèle une construction ad hoc du statut des différentes MISSOPS, entièrement articulée autour des effets produits pour les militaires concernés plutôt qu’autour de la nature objective des missions accomplies.
S’agissant de la rémunération, le statut de Missops n’emporte aucune conséquence formalisée. Les militaires déployés en mission opérationnelle (MISSOPS) à l’étranger bénéficient en effet :
– Soit, (s’il s’agit d’un renfort temporaire à l’étranger tel que défini par le référentiel opérationnel des militaires) de l’indemnité de sujétions pour service à l’étranger (ISSE) ;
– Soit, dans les autres cas, de l’indemnité de sujétions d’absence opérationnelle (ISAO) dans les conditions fixées par le décret n° 2021-1701 du 17 décembre 2021.
Ainsi, le référentiel de rémunération applicable est en pratique établi au cas par cas, au détriment de la sécurité juridique et budgétaire, en fonction du souhait du Ministère d’attribuer un régime plus ou moins rémunérateur. Ainsi, le bénéfice de l’indemnité de sujétions pour service à l’étranger (ISSE), a été ouvert par un arrêté de décembre 2021 ([23]) aux militaires impliqués dans les « missions de réassurance dans le cadre du Traité de l’Atlantique Nord ».
S’agissant des dispositions de reconnaissance de la participation ou relatifs aux blessures et décès, le régime MISSOPS est également inconstant :
– Les militaires en MISSOPS peuvent, en sus des dispositions de droit commun ouvertes à tout militaire blessé ou décédé en service, obtenir l’attribution de droits complémentaires, mais sans que cette attribution ne soit automatique. Le bénéfice du congé du blessé, le titre de reconnaissance de la Nation, l’attribution de la qualité de combattant, sont fondés sur des rédactions ad hoc qui n’utilisent pas les catégories juridiques MISSOPS et OPEX et laissent par conséquent à l’administration toute latitude pour les interpréter. En outre, les militaires concernés peuvent bénéficier de la réparation intégrale des préjudices subis du fait d’une blessure ou d’une maladie – mais uniquement « si la MISSOPS présente un degré d’intensité et de dangerosité comparables à une "opération extérieure" » ([24]). Cette condition d’équivalence introduit une nouvelle incertitude, puisqu’elle suppose une appréciation subjective a posteriori du « degré d’intensité et de dangerosité » d’une mission qui n’a précisément pas été qualifiée d’OPEX.
– Les militaires déployés en MISSOPS ne bénéficient pas, en principe des droits spécifiques aux OPEX : attribution de la mention « mort pour la France » et droit à la sépulture perpétuelle, attribution d’une médaille ; régimes plus avantageux que le droit commun (campagne double, abaissement à 10 % du taux d’invalidité indemnisable).
Dans le cadre des opérations de réassurance sur le flanc oriental de l’Europe, un arrêté interministériel du 6 octobre 2022 ([25]), dont les effets ont été prolongés par un arrêté du 23 mai 2024 ([26]), permet d’accorder aux militaires concernés, ainsi qu’à leurs ayants-cause, du 20 février 2022 au 19 février 2024, le bénéfice de la couverture majorée des risques invalidité et décès prévue par l’article L. 4123-4 du code de la défense ([27]). Par extension, cet arrêté attribue, selon certaines dispositions, la mention « Mort pour la France » à un militaire français décédé dans le cadre de ces opérations ([28]). En revanche le bénéfice de la carte de combattant ne leur est pas en principe ouvert, suscitant une frustration déjà relayée par votre rapporteur dans son rapport sur le PLF 2025.
Au-delà de ses conséquences sur les droits des militaires, l’utilisation par le Gouvernement des catégories administratives d’OPEX et de MISSOPS constitue un instrument permettant de contourner la notion constitutionnelle d’« intervention des forces armées à l’étranger » prévue à l’article 35 de la Constitution. En fragmentant les déploiements opérationnels selon des qualifications juridiques discrétionnaires, le Gouvernement s’exonère de l’autorisation parlementaire qui devrait s’appliquer de manière systématique à toute intervention militaire à l’étranger.
d. L’application arbitraire de l’article 35 de la Constitution par le Parlement
Évoquant les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle et la « pratique constante » ([29]), le ministère des Armées et des Anciens combattants défend une interprétation particulièrement restrictive de l’article 35 de la Constitution, que votre rapporteur récuse fermement. Selon cette lecture gouvernementale, trois critères cumulatifs permettraient de déterminer si un déploiement opérationnel relève effectivement de cet article : la nature et l’importance des moyens militaires déployés, la dangerosité de la zone d’intervention et la probabilité qu’un militaire soit tué ou blessé par des causes directement liées à l’existence d’une situation de crise ou de conflit armé, ainsi que l’existence d’une intentionnalité de combat.
Or, d’une part, les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle de 2008 invoqués à l’appui de cette grille de lecture ne sont pas cités, ce qui ne permet pas d’en vérifier la pertinence.
D’autre part, la « pratique constante » mise en avant par le Gouvernement est précisément celle que votre rapporteur entend dénoncer : elle apparaît en contradiction manifeste tant avec la lettre qu’avec l’esprit de l’article 35 de la Constitution.
Lors de la révision constitutionnelle de 2008, le constituant avait explicitement entendu instaurer une information et une autorisation systématiques du Parlement sur toutes les interventions des forces armées à l’étranger par modification de l’article 35 de la Constitution, une intention largement étayée par les travaux parlementaires de 2008 :
– Comme le souligne le rapport Warsmann de 2008 fait au nom de la Commission des lois de l’Assemblée nationale ([30]), le mécanisme issu de la révision constitutionnelle « se caractérise tout d’abord par l’absence de définition restrictive des interventions devant faire l’objet d’une information du Parlement ». Le terme d’« intervention » avait été délibérément choisi pour « englobe[r] ce que l’on désigne habituellement sous le vocable "d’opérations extérieures" », mais également « des opérations à caractère humanitaire », l’objectif étant surtout de ne pas rendre l’information du Parlement dépendante de la qualification juridique d’une opération.
– Le ministre de la Défense, M. Hervé Morin a défini, lors des débats à l’Assemblée nationale sur la révision constitutionnelle de 2008, le sens que le Gouvernement donnait alors à la notion d’intervention des forces armées à l’étrange, comme couvrant « l’envoi des militaires constitués en corps à des fins opérationnelles » ([31]). Cette définition implique pleinement la mise en œuvre de la procédure de l’Article 35 de la Constitution pour les missions opérationnelles, en particulier sur le flanc est de l’OTAN.
– Le rapport du comité Balladur ([32]), à l’origine de la proposition de modification de l’Article 35, déplorait que « les assemblées assistent, sans être appelées à donner leur sentiment autrement que par le biais de la discussion budgétaire ou de débats très généraux, au déroulement d’opérations militaires qui engagent la réputation de notre pays et, parfois, son avenir. ». Pour votre rapporteur, la projection d’un volume conséquent de forces armées sur le flanc Est de l’OTAN constitue indéniablement un cas de projection de forces susceptible d’engager la réputation de la France, ainsi que son avenir, compte tenu du volume de forces mobilisé et des efforts consentis par les Armées.
Le texte de l’Article 35 de la Constitution est clair : « Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort. ».
Pourtant, malgré cette intention clairement exprimée et formalisée du constituant, la pratique gouvernementale a vidé l’article 35 d’une grande partie de sa portée en réintroduisant une application sélective et discrétionnaire, au mépris des droits du Parlement. Seules certaines opérations et engagements ont été soumises au dispositif de l’article 35 : Afghanistan (2008), Tchad, République centrafricaine, Côte d’Ivoire, Liban et Kosovo (2009), Libye (2011), Mali (2013), Centrafrique (2013), Irak (2014), Syrie (2015). Depuis 2015, malgré des engagements croissants et pérennes, en particulier sur le flanc est de l’OTAN, constituant de fait une bascule stratégique majeure pour les armées, le Parlement n’a pas été amené à se prononcer au titre de l’article 35.
L’opération Barkhane illustre d’autant plus cette dérive : après un vote initial en 2012, l’opération s’est poursuivie pendant sept années, jusqu’en 2022, sans que le Parlement ne soit de nouveau consulté. Durant cette période, le dispositif a pourtant connu des évolutions substantielles en termes d’effectifs, de zones d’intervention et d’objectifs opérationnels qui auraient amplement justifié une nouvelle saisine parlementaire.
Cette application arbitraire transforme ce qui devait être un mécanisme systématique d’autorisation parlementaire en une faculté discrétionnaire de l’exécutif, réintroduisant précisément la « querelle sémantique » ([33]) que la réforme de 2008 entendait abolir. Le Gouvernement s’arroge ainsi le droit de définir unilatéralement, au cas par cas, quelles interventions méritent l’information et le contrôle du Parlement, dénaturant fondamentalement l’équilibre institutionnel recherché par le constituant.
3. Les promesses de clarification par le Gouvernement des modalités juridiques d’engagement des forces armées à l’étranger ne sont pas tenues
L’imprécision du cadre juridique applicable aux déploiements sur le flanc Est de l’OTAN est telle que le Gouvernement et l’administration semblent eux-mêmes perdre la maîtrise de leurs propres catégories :
– D’une part, les MISSOPS du flanc est figurent dans le rapport pour l’année 2025 sur les opérations extérieures et les missions intérieures de la France remis au Parlement ([34]), alors même que le Gouvernement refuse formellement de les assimiler au régime des OPEX ou de les soumettre au mécanisme de contrôle parlementaire prévu à l’article 35 de la Constitution sur les interventions étrangères.
– D’autre part, les dépenses relatives aux MISSOPS sont intégrées, pour le PLF 2026, dans la provision pour surcoûts « OPEX-MISSINT » de la missions Défense, brouillant davantage la frontière entre ces catégories censées être distinctes. Cette évolution budgétaire traduit une reconnaissance implicite de la nature opérationnelle exceptionnelle des MISSOPS, tout en maintenant formellement leur exclusion du régime protecteur des OPEX et du contrôle parlementaire.
Le ministre des Armées lui-même a reconnu cette confusion lors de son audition par la commission de la Défense en 2023, déclarant qu’il était nécessaire de clarifier la distinction entre mission opérationnelle et OPEX. Dans cette continuité, le ministre a indiqué avoir « demandé à l’EMA de me faire des propositions pour clarifier les choses sur le sujet, considérant que nous sortons désormais de cette période d’urgence de traitement de ce dossier post-réassurance du flanc oriental. De fait, nous devrons nécessairement mieux clarifier les choses » ([35]).
Lors de son audition du 4 novembre 2024, il a réitéré cet aveu : « Le défaut de lisibilité du système vous chagrine. Nous avons des pistes pour établir une classification en trois volets, et j’espère que nous pourrons la co‑construire ensemble. » ([36]).
Malgré la proposition de co-construction formulée publiquement devant la représentation nationale, aucune suite n’a été donnée à ces engagements. Le ministre des Armées et des Anciens combattants semble avoir renoncé à mettre fin à un « sujet de lisibilité » dont il a pourtant lui-même reconnu l’existence et le caractère problématique. Cette inertie délibérée confirme que le maintien de l’imprécision juridique répond davantage à une stratégie de contournement du contrôle parlementaire qu’à une quelconque impossibilité technique de clarification.
Votre rapporteur rappelle sa position sur le sujet, déjà exprimée dans son avis sur le PLF 2025. Il considère que tout déploiement pérenne de corps de soldats français à l’étranger, qu’il soit qualifié de « mission opérationnelle » (MISSOPS) ou d’« opération extérieure » (OPEX), doit relever systématiquement de l’article 35 de la Constitution. Toutes les interventions militaires en cours sur le flanc Est de l’OTAN devraient donc être soumises au vote du Parlement.
Proposition : Systématiser la mise en œuvre de la procédure d’information et de contrôle du parlement prévue à l’article 35 de la Constitution pour toutes les projections à l’étrangers de militaires constitués en corps à des fins opérationnelles
II. Le PLF 2026 porte une réforme du financement des surcoûts opérationnels, mais qui ne résoudra pas les risques d’insincérité budgétaire
A. Des coûts conséquents des engagements opérationnels, qui minent la sincérité de la LPM et du budget de l’État
1. Une provision systématiquement dépassée, entraînant des ouvertures nettes en fin de gestion qui affectent in fine l’ensemble du budget de l’État
a. Un traitement spécifique des surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures
Les surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures des armées font l’objet d’un traitement budgétaire spécifique, retracé dans les actions 06 (crédits HT2 des opérations extérieures) et 07 (crédits HT2 des opérations intérieures) du programme 178 ainsi que dans les actions 59-01 (crédits T2 des opérations extérieures OPEX) et 59-02 (crédits T2 des opérations intérieures) du programme 212.
En exécution, le suivi des surcoûts OPEX et des missions opérationnelles est réalisé selon deux modalités différentes suivant la nature des dépenses correspondantes :
– Certaines dépenses sont imputées directement sur des budgets opérationnels de programme (BOP) dédiés aux OPEX-MISSINT (BOP OPEX-MISSINT du programme 212 pour les dépenses de T2 et BOP OPEX-MISSINT du programme 178 pour les dépenses hors T2).
– Une partie des surcoûts, qui ne peut être directement imputée sur ces BOP spécifiques, est avancée par d’autres BOP. C’est le cas pour l’ensemble des crédits concourant au financement des MISSOPS. Les crédits des BOP-MISSINT sont ensuite reventilés en fin de gestion pour abonder ces autres BOP à hauteur des dépenses ex post qu’ils ont supportées.
b. Une provision systématiquement dépassée en gestion, nécessitant un financement par la solidarité interministérielle ou par redéploiement de crédits
La sous-dotation récurrente de la provision OPEX-MISSINT constitue le premier écueil du dispositif actuel, générant un dépassement constant des crédits prévus en loi de finances initiale. La Cour des comptes fait remarquer que ce dépassement est systématique sur les quinze dernières années ([37]). Pour la seule année 2024, le besoin de financement dépassant la provision initiale atteint 1 054 M€.
Évolution des surcoûts opérationnels sur 2022, 2023 et 2024 (en M€)
Source : ministère des Armées et des Anciens combattants.
Source : ministère des Armées et des Anciens combattants.
Les surcoûts liés aux missions opérationnelles (MISSOPS), majoritairement sur le flanc est de l’OTAN, expliquent une grande part du dépassement récurrent des derniers exercices budgétaires. L’évolution des surcoûts MISSOPS révèle un engagement structurel et pérenne : 570,3 M€ de crédits en 2022 (48,4 M€ de crédits T2, 521,9 M€ de crédits hors T2), 480,9 M€ de crédits en 2023 (67 M€ de crédits T2, 414 M€ de crédits HT2), 460 M€ de crédits en 2024 (85,8 M€ de crédits T2, 374,2 M€ de crédits HT2). Le budget des MISSOPS concerne quasi-exclusivement le flanc est de l’OTAN, et plus particulièrement la Roumanie (326,3 M€ en 2024, soit 71 % des surcoûts MISSOPS totaux) et l’Estonie (50,6 M€ en 2024).
Afin de financer les surcoûts, la loi de programmation militaire 2024-2030 prévoit deux mécanismes distincts de financement par solidarité interministérielle, l’un pour les surcoûts opérationnels (article 5), l’autre pour le soutien à l’Ukraine (article 4). En pratique, le financement des surcoûts MISSOPS s’opère selon des arbitrages de fin de gestion difficilement prévisibles, qui privilégient soit le recours à la solidarité interministérielle, soit à des redéploiements de crédits au sein de la Mission défense.
2. Une incertitude forte pour les budgets des armées et un risque d’atteinte à la trajectoire prévue par la LPM
Cette situation contraint in fine la gestion budgétaire, avec deux issues possibles qui ne sont pas satisfaisantes.
D’une part, le financement interministériel des surcoûts des MISSOPS en vertu de l’article 4 (soutien Ukraine) et 5 (Opérations extérieures) de la LPM, choix opéré pour les exercices 2022 et 2023, avec plusieurs écueils :
– Le financement interministériel est illogique si le Gouvernement refuse par ailleurs de qualifier les MISSOPS d’OPEX, puisque le texte de l’article 5 de la LPM renvoie explicitement aux opérations extérieures : « En gestion, les surcoûts des opérations extérieures et des missions intérieures, nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette provision font l’objet d’un financement interministériel. »
– En outre, ce financement interministériel en fin de gestion pèse sur le budget de l’État et fait assumer à l’ensemble des ministères des dépenses du périmètre Défense qui n’avaient pas été prévues en LFI, dévoyant de fait les arbitrages entre périmètres ministériels prévus par la Loi de Finances initiale. Cette situation est difficilement acceptable d’un point de vue démocratique, a fortiori lorsque la mission Défense est la seule à voir dans le PLF 2026 son budget significativement augmenter, quand le reste des périmètres ministériels sont astreints à un régime strict d’économies.
D’autre part, l’absence d’ouverture nette avec un effet de compression ou d’éviction sur le budget des armées, choix opéré l’exercice 2024, et qui apparaît le plus susceptible d’être opéré pour l’exercice 2025 au regard des auditions de votre rapporteur. Les armées doivent ainsi absorber en cours de gestion sur leur BOPs des surcoûts dont elles anticipaient un remboursement.
L’exemple de l’Armée de l’Air et de l’Espace (AAE) en 2024 est particulièrement révélateur. Dans un contexte budgétaire contraint, le ministère des Armées et des Anciens combattants n’a obtenu qu’un financement partiel des surcoûts par le budget général (solidarité inter-programmes) en 2024. Dès lors, un mécanisme d’auto-assurance des armées a été mis en place et est reconduit pour 2025. Or, l’AAE contribue au soutien à l’Ukraine via des formations et des cessions de matériels et munitions impliquant des rotations de transport aérien et un soutien technique (fourniture de pièces) pour le maintien en condition opérationnelle des matériels. Pour le BOP Air, le montant de l’auto-assurance au titre des surcoûts 2024 a été arrêté par l’EMA à hauteur de 60,4 M€. Ce mécanisme d’auto-assurance est intrinsèquement porteur de risque pour l’activité de l’AAE au regard d’un BOP Air finançant à 80 % l’activité aérienne.
Cette option risque une remise en cause de la sincérité de la trajectoire de la LPM 2024-2030. En effet, la loi de programmation militaire prévoit une remontée en puissance significative des armées, avec des efforts accrus en matière d’activité opérationnelle, d’entraînement et de maintien en condition opérationnelle (MCO). Or, ces ambitions sont directement minées par le mécanisme d’auto-assurance des surcoûts opérationnels.
Cette situation crée pour les armées une triple incertitude qui nuit à la bonne exécution de leur gestion : une incertitude en cours d’année sur le niveau réel de ressources disponibles ; une incertitude sur la nécessité d’absorber les surcoûts en interne ; une incertitude sur la capacité à maintenir le niveau d’activité programmé.
Cette incertitude de gestion est également mise en exergue par la Cour des comptes dont des représentants ont été auditionnés par votre rapporteur. La Cour des comptes note que « Cette situation génère une tension importante sur la trésorerie de la mission Défense, qui doit prendre sous enveloppe en cours d’année les surcoûts des MISSOPS, sans garantie d’une éventuelle ouverture de nouveaux crédits en loi de fin de gestion pour les couvrir » ([38]). Les magistrats auditionnés font remarquer que « l’attente de ressources interministérielles nuit à la fluidité de la gestion ministérielle en cours d’année. » ([39]).
B. Une réforme de l’architecture budgétaire du financement des opérations qui ne met pas fin au risque d’insincérité budgétaire
1. Une provision OPEX-MISSINT étendue aux MISSOPS, créant un nouveau paradigme budgétaire périlleux pour la sincérité du budget de la Défense et de l’État
a. En planification, une provision OPEX-MISSINT probablement sous‑dimensionnée en raison de l’extension implicite du périmètre aux MISSOPS
Le projet de loi de finances pour 2026 opère une augmentation substantielle de la provision OPEX-MISSINT, accompagnée d’une extension implicite de son périmètre aux missions opérationnelles (MISSOPS). Cette évolution, si elle répond à la réalité des engagements opérationnels, constitue un infléchissement majeur par rapport à la LPM 2024-2030, dont votre rapporteur estime qu’elle est insuffisamment justifiée.
Pour les opérations extérieures (OPEX), le PLF 2026 prévoit : 240 M€ en crédits T2, contre 100 M€ en 2025 (soit +140 %) ; 870 M€ en crédits hors T2, contre 570 M€ en 2025 (+300 M€, soit +53 %). Pour les opérations intérieures (MISSINT), le PLF 2026 prévoit : 60 M€ de crédits T2, contre 50 M€ en 2025 (+10 M€) ; 30 M€ de crédits T2, inchangée par rapport à 2025.
Au total, la provision OPEX-MISSINT du PLF 2026 s’établit à 1 200 M€, soit une augmentation de 450 M€ (+60 %) par rapport à 2025. Le PLF 2026 s’écarte donc significativement de la trajectoire programmée par la LPM.
Cette dotation est probablement sous-provisionnée, car inférieure de plusieurs centaines de M€ aux surcoûts opérationnels observés lors des trois derniers exercices complets. Pour rappel la moyenne des exercices 2022, 2023, et 2024 atteint 1 683 M€. Le ministère des Armées et des Anciens combattants n’apporte en outre pas d’éléments en justification du montant retenu de 1 200 M€.
Surtout, les documents annexés au PLF 2026 suggèrent une extension implicite du périmètre aux MISSOPS, avec des effets en gestion, qui risquent de miner la transparence budgétaire de la mission Défense. En effet, le PAP du PLF 2026 justifie l’augmentation consentie au programme 178 en des termes révélateurs : « Cette augmentation substantielle de la provision traduit l’effort consenti afin de couvrir les besoins liés aux missions opérationnelles, en particulier sur le flanc est de l’Europe, dans un contexte de préparation des garanties de sécurité à l’Ukraine. ».
b. En gestion, un risque de pente glissante pour la traçabilité des financements et la sincérité budgétaire
Au-delà des questions de provisionnement, l’architecture budgétaire du financement des opérations pose des problèmes structurels de traçabilité et de contrôle qui fragilisent la sincérité de l’exécution.
L’absence de ligne ou de programme budgétaire dédié pour chaque OPEX dans l’architecture budgétaire nuit à la transparence. De même, l’hétérogénéité des modalités de gestion – certaines opérations disposant d’un responsable d’unité opérationnelle (RUO) distinct tandis que d’autres font l’objet d’une imputation intégrée sur les BOP d’armées – complique le suivi budgétaire.
La Cour des comptes a relevé cette difficulté dans son rapport 2025 consacré à l’organisation de la mission Défense, ainsi que ses notes d’exécution budgétaire : une partie des coûts opérationnels ne sont pas imputés en cours d’année sur le BOP qui leur est spécifique. Une compensation entre les BOP d’imputation (d’armées ou de services de soutien) et le BOP OPEX intervient en fin de gestion ([40]). Ainsi, en exécution, la consommation du BOP OPEX ne traduit qu’une part des coûts réels.
Or, il ressort des auditions de votre rapporteur que la situation de gestion tel qu’elle s’applique aujourd’hui aux OPEX serait étendue aux MISSOPS à partir de 2026. Les Armées pourront imputer directement les dépenses liées qu’elles estimeront éligibles sur le BOP OPEX-MISSINT.
Le changement du mode de gestion des surcoûts opérationnels constitue une réforme majeure du paradigme budgétaire de la mission Défense et des opérations extérieures.
Or, le Secrétaire général pour l’administration du ministère des Armées et des Anciens combattants, qui dispose de la compétence pour les affaires financières, n’a pas jugé opportun d’évoquer cette réforme substantielle alors qu’il était précisément auditionné sur ce sujet par votre rapporteur. Questionné par votre rapporteur en réunion de commission sur le sens de cette omission ([41]), il a invoqué le « timing » de l’audition réalisée par votre rapporteur le 14 octobre. Il convient de rappeler que le dépôt du projet de loi de finances est intervenu le 14 octobre, en mépris des délais prévus par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ce qui rend cet argument difficilement recevable.
L’intégration des MISSOPS dans la provision OPEX-MISSINT crée un risque d’opacité budgétaire. En effet, en raison de l’absence de cadre légal et réglementaire, les critères d’éligibilité des missions au titre de MISSOPS donnant droit remboursement sur le BOP OPEX et au financement interministériel restent flous. Les rotations sur le flanc est (Roumanie, Estonie) sont manifestement incluses. En revanche, le statut des missions suivantes demeure indéterminé : les missions de formation bilatérales hors cadre OTAN ; les déploiements de courte durée pour exercices multinationaux ; les renforts ponctuels sur des théâtres de crise ; les contributions à des dispositifs européens de défense etc. Les critères permettant de qualifier un déploiement de surcoût – notamment en termes de durée et de format – ne sont pas définis, et la tentation pourrait exister, en cours de gestion, d’imputer sur la provision OPEX-MISSINT des dépenses qui relèvent en réalité du fonctionnement courant.
Puisque les MISSOPS constituent un régime indéfini et de droit commun, l’ensemble des déploiements des forces armées hors du territoire national, par exemple un déploiement naval en Méditerranée ou l’Océan Atlantique, pourrait théoriquement relever d’un financement par la provision OPEX et la solidarité interministérielle.
Cette opacité est d’autant plus problématique que les surcoûts opérationnels alimentent des demandes récurrentes de financement interministériel en fin de gestion, comme noté par les représentants de la Direction du Budget auditionnés par votre rapporteur. Le risque est ainsi de faire supporter par l’ensemble des secteurs ministériels le coût d’objets budgétaires mal définis et mal suivis.
Votre rapporteur recommande un traitement budgétaire particulier des missions opérationnelles en loi de finances et dans les documents annexés, distinguant entre autres les missions relevant du renforcement du flanc est de l’OTAN ([42]). Cette proposition fait écho à celle des magistrats de la Cour des comptes, qui estiment que les missions de réassurance sur le flanc est devraient, dès la loi de finances initiale, faire l’objet d’une prévision de dépenses individualisée, comme la provision pour les OPEX-MISSINT ([43]).
Proposition : Mettre en place un traitement budgétaire spécifique des missions opérationnelles (MISSOPS) en loi de finances et les documents annexés, distinguant les missions relevant du renforcement du flanc est de l’OTAN
I. Audition de M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration
La commission a entendu M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration, sur le projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906), au cours de sa réunion du mercredi 22 octobre 2025.
M. le président Jean-Michel Jacques. Monsieur le secrétaire général, nous vous accueillons à présent pour évoquer le projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Votre champ de compétences couvre l’ensemble de la chaîne du soutien de l’administration. Il intègre des domaines aussi variés que les affaires financières, les affaires juridiques, les infrastructures, la politique immobilière et le logement, les ressources humaines, la politique environnementale, ainsi que l’action culturelle et mémorielle. Vous jouez ainsi un rôle majeur dans le pilotage et l’exécution des crédits de la mission Défense. Vous êtes d’ailleurs responsable du programme 212, « Soutien de la politique de défense », dont notre rapporteur pour avis est M. Bastien Lachaud.
Concernant les axes structurants pour l’avenir du soutien des armées et de l’administration du ministère pour 2026, je retiendrai pour ma part trois enjeux.
Le premier enjeu porte sur la politique de ressources humaines. Depuis 2017, des efforts ont été menés en matière de recrutement, de formation et de fidélisation. Vous pourrez revenir sur la mise en œuvre prévue dans la loi de programmation militaire (LPM), et particulièrement sur la réforme très attendue concernant les officiers, sur les plans statutaire et indiciaire.
Ensuite, concernant la trajectoire financière, une surmarche de 6,7 milliards d’euros est prévue. Pouvez-vous nous fournir de plus amples détails sur les programmes qui en bénéficieront ? D’autres actions sont-elles prévues ? Je pense par exemple à l’amélioration des conditions de vie, la modernisation des systèmes d’information ou encore la simplification administrative.
Par ailleurs, le PLF pour 2026 prévoit une forte hausse des crédits de paiement (CP) consacrés à la politique immobilière, avec une augmentation de plus de 14 % par rapport à 2025, pour un total de plus de 943 millions d’euros. Vous aurez sans doute l’occasion de nous en dire davantage, d’autant plus que le service d’infrastructure de la défense (SID) a connu en 2025 une transformation profonde.
Enfin, lors de votre dernière entrevue ici en commission, nous avions échangé sur la potentielle crise de croissance liée au fort volume de commandes prévues dans la LPM et d’éventuelles implications pour la soutenabilité budgétaire. Nous serions donc intéressés d’avoir votre point de vue sur cette question ou sur tout autre sujet que vous souhaitez porter à notre connaissance.
M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration du ministère des armées et des anciens combattants. Mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux de m’adresser à vous aujourd’hui pour reprendre nos échanges sur les budgets de la défense et les politiques qu’ils financent. Mon propos s’inscrit naturellement dans le prolongement des échanges que vous avez eus hier avec les ministres Vautrin et Rufo. Il se focalisera sur les questions qui dépendent du champ de mes responsabilités.
Je souhaite revenir sur quelques éléments de contexte. Le premier élément repose sur la continuité, à partir du socle de la LPM 2024-2030, et sur une accélération du réarmement, par la logique des surmarches, dont celle du budget 2026. Le deuxième élément est relatif au cadre budgétaire global de l’État et de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire un cadre contraint, qui implique de concilier l’ambition capacitaire et la maîtrise des dépenses publiques. Le troisième élément, bien connu, a trait à l’environnement international, son instabilité et la réactivité qu’il exige de notre part. Le quatrième élément est lié à l’exigence renforcée de rigueur et de priorisation des actions et des dépenses du ministère des armées, afin de respecter la soutenabilité financière et l’efficacité opérationnelle.
Mon intervention s’inscrira donc en quatre temps : les grands équilibres du budget ; la montée en puissance du modèle RH assez sensiblement renouvelé ; l’habitat, c’est-à-dire l’hébergement et le logement ; la politique des infrastructures et son bras armé, le SID.
Le PLF pour 2026 marque la poursuite et même l’accentuation d’un effort important du pays en faveur de sa défense. Elles se traduisent par la logique de surmarche qui s’ajoute à la marche inscrite dans la trajectoire de la LPM initiale d’un montant de 3,2 milliards d’euros pour l’annuité 2026.
Vous m’avez invité à exposer de façon aussi détaillée que possible l’usage ou l’affectation de ces crédits supplémentaires de 6,7 milliards d’euros, soit une augmentation de 13 % par rapport à 2025. Il faut noter une augmentation de 10 % au programme 144, qui passe à 2,3 Md€. Les crédits du programme 146 augmentent de 22 % et passent à 23 milliards d’euros ; ceux du programme 178 atteignent 16 milliards d’euros (+11 %). Le programme 212 augmente de plus de 3 %, dont une hausse de 550 millions d’euros dédiée à la masse salariale. Ainsi, de 2015 à 2025, le budget de la défense aura presque littéralement doublé en valeur courante, passant de 29 milliards d’euros à 57,1 milliards d’euros en 2026.
Sur le plan thématique, il faut noter en premier lieu un renforcement des ressources consacrées, hors dissuasion, aux programmes à effets majeurs de la direction générale de l’armement (DGA), soit 3,4 milliards d’euros ; ainsi qu’une augmentation des moyens consacrés à l’entretien programmé des matériels, pour plus de 600 millions d’euros. La dissuasion reçoit 487 millions d’euros de ressources supplémentaires. La provision pour les opérations extérieures (Opex) et les missions intérieures (Missint) enregistre une hausse de 450 millions d’euros, dont 150 millions pour la masse salariale.
Monsieur le président, vous m’avez également invité à évoquer la dimension RH de cet effort de réarmement. La LPM votée en 2023 a clairement établi un modèle RH en voie d’hybridation, c’est-à-dire une armée à la fois composée de professionnels et de réservistes, dans une mesure bien plus importante que par le passé. Ainsi, à l’horizon de 2035, la cible porte sur une armée composée de deux militaires d’active pour un réserviste. Ces réservistes sont composés des anciens militaires qui ont cessé d’être d’actifs, mais aussi de tous les citoyens qui souhaitent s’engager. L’hybridation intègre une dernière catégorie, à savoir le volontariat, à travers un service national volontaire.
L’année 2025 devrait confirmer le retournement de tendance entamé en 2024, première année depuis longtemps à enregistrer un schéma d’emploi positif conforme à celui inscrit dans la loi de finances et aux termes de l’autorisation budgétaire donnée par le Parlement.
L’année 2025 en cours devrait également voir la réalisation du schéma d’emploi, soit 630 effectifs supplémentaires, et dans les mêmes conditions, c’est-à-dire en modulant nos efforts pour ne pas dépasser la cible, ne pas aller au-delà des termes du schéma d’emploi. Au budget 2026, 800 emplois supplémentaires sont prévus à la fois sur les fonctions de soutien, notamment au commissariat des armées et au service de santé, et sur des fonctions davantage inscrites dans la mutation qualitative et capacitaire de l’outil de défense. Je pense ici à la transformation numérique, dont l’intelligence artificielle, mais aussi le renseignement et la cyberdéfense. Cet effort d’augmentation du format RH maintient en 2026, le ratio de 75 % de personnels militaires et 25 % de personnels civils.
La réserve militaire bénéficiait d’un montant de crédit de 220 millions d’euros en 2025. Nous proposons de l’augmenter de 98 millions d’euros (+44 %) dans le budget 2026. L’effectif autorisé de réservistes est de 47 600 au budget de 2025 ; nous vous proposons de l’augmenter de 4 400 et donc de le porter à 52 000 en 2026.
Nous prévoyons également d’augmenter la norme d’activité en la passant de trente‑cinq à quarante-cinq jours par réserviste. Cet effort maintient et accentue même son intensité en 2026. Le turnover demeure toujours très élevé et concerne plus de 25 000 sorties, entraînant une cible de recrutement à 25 870 l’an prochain. Ainsi, près de 10 % de la composition humaine du ministère des armées se renouvelle en une année, soit des taux exceptionnels. Peu d’organisations humaines fonctionnent selon des flux aussi intenses, associés à de très lourds corollaires, notamment en matière de formation. Je rappelle ainsi que le ministère des armées dispose de soixante-dix écoles et centres de formation.
En résumé, la machine RH tourne à plein régime, suscitant une saturation des capacités dans les écoles, des goulots d’étranglement, des problématiques en matière d’hébergement et de restauration.
L’année 2026 ne comportera pas de nouvelles mesures catégorielles dans le budget, dans le cadre de la maîtrise des comptes publics et de la proportionnalité des efforts en faveur de la défense. En revanche, 2026 sera marquée par l’extension en année pleine des mesures catégorielles de 2025, notamment la grille indiciaire des officiers qui doit entrer en vigueur à la fin de l’année, soit un montant de 80 millions d’euros.
L’habitat recouvre à la fois l’hébergement et le logement. L’hébergement constitue une obligation légale pour les militaires du rang. Ensuite, le ministère dispose d’un parc de plus de 33 000 logements, en métropole et outre-mer. Environ 8 000 de ces logements sont domaniaux, c’est-à-dire qu’ils appartiennent à l’État, et sont confiés en gestion, mais aussi en régénération à la structure Nové. Celle-ci a été créée par le ministère des armées pour assurer en concession la politique de rénovation qualitative et de développement quantitatif du parc, dans le cadre du plan Ambition Logement.
Ce contrat prévoit plusieurs phases, à partir de son entrée en vigueur et pour une durée de trente-cinq ans. La première, qui s’achèvera avant 2030, est une phase d’investissement massif dans les ensembles de logements. Ainsi, sur les 8 000 logements, 2 500 connaîtront des chantiers en 2026. Cet effort initial emporte naturellement des conséquences notables. Il sera ainsi nécessaire de reloger les occupants des logements rénovés.
En 2026, 545 constructions neuves seront livrées : 74 à Cherbourg, 59 à Caen, 62 à Toulon, 87 à Vannes, 100 à Pontoise. En outre 2 310 seront entièrement réhabilitées, remises au niveau des meilleures normes, notamment en termes d’efficacité énergétique, dont 76 à Pau, 72 à Brétigny-sur-Orge, 102 à Toulon, 200 à Paris.
L’hébergement concerne les enceintes militaires et au premier ordre, les militaires du rang. Mmes Parly et Darrieussecq ont lancé un plan spécifiquement dédié à l’hébergement, auquel 1 milliard d’euros ont été consacrés. L’effort ne se dément pas, puisque le plan qui lui a succédé sur la période 2024-2030 prévoit 1,2 milliard d’euros. Les équipes du ministère, et notamment du secrétariat général pour l’administration, ont à cœur de le maintenir dans la durée.
En 2026 sera ainsi livré un nouveau bâtiment de 200 places pour l’école des sous‑officiers de l’armée de l’air à Rochefort, pour un total de 18 millions d’euros. . L’an prochain, nous livrerons également à Castelnaudary 330 places en casernement, pour un montant de 10,8 millions d’euros. Il faut noter que les appels d’offres lancés par le SID nous ont permis de contractualiser avec de nouveaux opérateurs sur les chantiers d’hébergement et d’abaisser de 22 % le coût unitaire de la place.
La dernière partie de mon propos liminaire est consacrée au service d’infrastructure de la défense. Le SID représente un actif d’une immense valeur pour le ministère des armées, l’héritage d’une administration presque consubstantielle de l’État, les Ponts et Chaussées. Le SID emploie plus de 6 000 personnes, aux deux tiers des personnels civils, et exerce la plénitude des compétences d’un service concepteur, constructeur, capable de maintenir dans la durée un très grand nombre d’ouvrages nécessaires à la politique de défense. Il s’agit par exemple des infrastructures les plus complexes, les plus techniques, celles qui sont nécessaires à la dissuasion ou à la mise en œuvre de matériels qui sont eux-mêmes toujours plus techniques.
Ce service, constitué il y a une vingtaine d’années, est en cours de transformation. En effet, la LPM prévoit d’abord une augmentation de près du tiers du volume d’ouvrages à produire et plus généralement de l’activité du service. Or le cadrage RH est sensiblement constant sur la période. Dès lors, il est nécessaire de réaliser un indispensable gain d’efficacité pour produire les effets attendus. Cette approche impose une modernisation des méthodes, de l’organisation, et probablement un déplacement vers le haut des attributions, c’est-à-dire plutôt la maîtrise d’ouvrage, et moins la maîtrise d’œuvre, bien qu’il faille absolument conserver un volant incompressible de capacités en la matière.
Il faut également continuer de rechercher les méthodes les plus frugales de satisfaction des besoins exprimés par les armées bénéficiaires. Il s’agit ainsi de discuter des besoins exprimés, des spécifications, et essayer de rechercher le meilleur ratio coût-avantage, y compris en détourant certaines spécifications figurant dans l’expression de besoins initiale. Pour y parvenir, il est nécessaire de disposer d’un service solidement campé sur ses compétences, sur son expertise, et dont le positionnement dans le ministère lui permet aussi de résister aux pressions venant de toutes parts, autour du fameux triptyque coût‑délai‑performance.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie et cède la parole aux orateurs de groupe.
M. José Gonzalez (RN). Monsieur le secrétaire général, les missions que vous portez sont considérables : soutenir nos forces, moderniser nos outils, administrer un grand ministère tout en préparant l’avenir. Il s’agit là d’un défi immense, dont nous sommes pleinement conscients, et nous félicitons l’ensemble de vos services. Mais nous le constatons tous : l’écart se creuse entre la stratégie affichée et la réalité du terrain.
Les procédures se multiplient, les chaînes de décision s’allongent et trop souvent, les acteurs de terrain ont le sentiment d’une défense devenue un peu trop administrative, un peu trop éloignée de ceux qui exécutent la mission. Je précise que ce constat ne concerne pas que le seul secrétariat général des armées (SGA). Nous partageons votre ambition de moderniser et de rationaliser, mais elle ne doit pas se traduire par une perte d’efficacité, ni par un affaiblissement de nos capacités internes.
Face au sentiment de centralisation technocratique ressenti sur le terrain par nos militaires, quelles orientations pourraient, selon vous, redonner fluidité et dynamique à nos armées ?
Le plan « poignée de portes » offre un exemple des actions à accomplir, mais il reste très limité. L’échelon chef de corps est certainement le plus approprié pour assurer cette gestion, sur le terrain. Comment pensez-vous aller plus loin ? Notre priorité porte sur une défense forte, agile, souveraine, une défense qui fasse confiance à ses propres hommes et à son propre savoir-faire.
M. Christophe Mauriet. Toute grande organisation doit lutter contre cette tendance à rechercher la centralisation, à normer et à encadrer les initiatives qui sont prises localement. Comme vous l’avez indiqué, cette tendance ne s’observe pas dans les seules directions administratives qui relèvent du secrétariat général. Régulièrement, les radiographies des normes réalisées au ministère des armées nous montrent que les échelons les plus normatifs sont ceux qui relèvent de l’ensemble du ministère, y compris des services relevant des états-majors.
Vous me demandez ce que nous prévoyons de faire en la matière et avez cité à juste titre le plan « poignées de porte ». Plus généralement, ce sujet concerne la petite maintenance, qui a un impact direct sur les conditions de vie et de travail dans les unités relevant des forces, mais également les services ou les administrations.
Dans le cadre de la transformation du SID, nous avons engagé un dialogue avec la base sur la mise en correspondance entre les problématiques, les budgets qui peuvent y être consacrés et les modalités de réalisation, notamment sur les questions de maintenance. Nous avons également réécrit une partie des règles qui régissent le fonctionnement ou les rapports entre les commandants de bases de défense et les services interarmées présents dans le ressort territorial de la base de défense. Il s’agit là d’un effort continu, une « hygiène » de tous les instants.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Monsieur le secrétaire général, cette année, votre ministère a décidé de fusionner le financement des Opex et des missions opérationnelles (Misops) dans un budget opérationnel (BOP) unique.
Concrètement, les Missops relèvent désormais du même mode de financement que les opérations extérieures (Opex). Dès qu’une mission devient opérationnelle, dès que les armées agissent à l’étranger, son financement ne dépend plus du budget du ministère des armées, mais du mécanisme de solidarité interministérielle de fin de gestion.
Il s’agit là d’une philosophie budgétaire pour le moins inquiétante. Elle revient à dire que le budget de la défense ne finance plus une armée d’action, mais une armée cantonnée à ses casernes ou à quelques entraînements. À quoi sert de voter une LPM si, à chaque opération à l’étranger, nous revenons à solliciter la solidarité interministérielle ?
Et si les Missops sont désormais assimilées aux Opex, pourquoi ne sont-elles pas soumises aux mêmes contrôles parlementaires ? Pourquoi le Parlement n’est-il toujours pas consulté ? Cette fusion fausse la sincérité du budget, masque le coût réel des opérations et fragilise la lisibilité de la loi de programmation militaire. En outre, cela s’est opéré dans la plus grande opacité. Lors de mes auditions budgétaires, rares ont été ceux capables de définir précisément le périmètre des Missops.
Quant à vous, monsieur le secrétaire général, l’après-midi même de la publication des bleus budgétaires, vous ne m’en avez pas tenu informé alors que je vous interrogeais précisément sur ces évolutions. Était-ce parce que vous ne le saviez pas vous-même – je n’ose le croire – ou parce que cette décision a été prise dans la précipitation, ou bien parce que vous n’avez pas jugé bon d’en informer le rapporteur budgétaire ?
Quelle est la logique réelle de cette réforme ? Surtout, pourquoi faire reposer systématiquement les opérations militaires de la France à l’étranger sur un financement interministériel au lieu d’assumer leur financement dans la LPM quand elles sont prévisibles, et ainsi les soumettre au vote du Parlement ?
M. Christophe Mauriet. L’audition à laquelle vous avez bien voulu me convier avait lieu juste avant le discours de la déclaration de politique générale du Premier ministre et la présentation des principaux faits budgétaires contenus dans le projet de PLF.
Ensuite, je conçois la difficulté d’appréhender ce concept de Missops. Les surcoûts de certaines Missops seront désormais financés par le BOP Opex/Missint. Mais un navire qui quitte le port peut déjà être considéré en Missops, qui peut tout autant concerner un partenariat militaire opérationnel avec un État allié, comme au Gabon ou aux Émirats arabes unis.
Il est faux de considérer que la loi de finances initiales financerait une armée de casernes. Il faut faire l’effort de saisir le concept de Missops. Mais je conçois tout à fait qu’étant relativement nouveau venu dans la longue liste des acronymes maniés au ministère des armées, ce processus soit largement encore en devenir.
M. Guillaume Garot (SOC). Je souhaite revenir sur l’externalisation. Nous avons reçu la semaine dernière les organisations syndicales qui déploient une approche particulièrement intéressante sur le sujet. Elles expliquent ainsi que toute externalisation ou toute réinternalisation est chronophage, coûteuse et qu’elle peut dégrader les conditions de travail.
L’externalisation doit toujours être un choix libre de l’administration et non un pis‑aller, car des moyens humains et des compétences manqueraient. Il y a un an, vous nous aviez dit que le ministère était allé trop loin en matière d’externalisation, ajoutant que « Nous avons mis un terme à cette approche constatant les effets d’une politique d’externalisation probablement menée de façon excessive et trop dogmatique ». Vous aviez alors confirmé qu’il était indispensable de prévoir les budgets suffisants pour effectuer des opérations de maintenance courante.
Un an après, ma question est assez simple : quelle est aujourd’hui la ligne du ministère en matière d’externalisation, dans un cadre pluriannuel ? Des internalisations prioritaires doivent-elles intervenir en 2026 ?
M. Christophe Mauriet. Il est exact qu’au début des années 2000, une politique quasi-systématique a consisté à rechercher, par principe, des prestations réalisées par des opérateurs économiques tiers. Cette période s’est achevée en 2012. En matière de logement, le ministère fait preuve de pragmatisme en ayant recours au groupement Nové qui associe un grand nom de la filière bâtiment et travaux publics (BTP) et un grand nom de la gestion locative auprès des opérateurs de l’économie marchande. En réalité, il n’existe pas – et depuis longtemps – au sein du ministère, d’administration en régie capable de produire les effets attendus sur le parc des logements domaniaux.
Il ne faut jamais se laisser imposer le recours à une externalisation. En réalité, le raisonnement économique, fonctionnel, consistait à susciter l’intérêt d’un opérateur privé et à l’intégrer contractuellement dans un projet, la concession Ambition Logement. Au-delà, Florence Parly l’a signalé dès le début 2022 : il n’existe pas de recherche par principe d’un opérateur extérieur de prestations au détriment de prestations en régie.
S’agissant des infrastructures, nous avons renversé la tendance, en renforçant la partie du SID consacrée à ces travaux en régie. Soyez convaincus de notre recherche des modalités les plus économes pour la satisfaction de nos besoins opérationnels.
Mme Valérie Bazin-Malgras (DR). Je vous remercie pour votre présence devant notre commission, ainsi que pour la clarté et la précision des éléments transmis sur ce projet de loi de finances. L’administration du ministère des armées joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre concrète de notre politique de défense. Je tiens à saluer le travail des personnels qui, dans la discrétion, garantissent le bon fonctionnement de nos armées et le lien entre la nation et ceux qui la servent.
Je souhaite attirer plus particulièrement votre attention sur la partie du budget consacrée aux anciens combattants. Ce budget, au-delà de sa dimension financière, est porteur d’un message moral et républicain, celui de la reconnaissance de la nation envers celles et ceux qui ont servi sous les drapeaux. Pourriez-vous nous préciser comment les crédits prévus dans le PLF pour 2026 permettront de maintenir, voire de renforcer, les dispositifs de soutien et de reconnaissance en faveur du monde combattant, notamment en ce qui concerne la revalorisation de la retraite du combattant et l’accompagnement social des veuves et des familles ?
M. Christophe Mauriet. Votre question me donne l’opportunité de m’inscrire dans la suite des déclarations effectuées de manière très claire, très solennelle, par les ministres hier après-midi. Elles ont ainsi évoqué la signification de ce budget, la portée politique et sociale de l’ensemble de ces dispositifs au profit des différentes générations du feu.
La notion clé concerne la reconnaissance. Aujourd’hui, la capacité du pays à mobiliser sa population et la capacité du ministère à recruter et à fidéliser, dépendent d’un ensemble de facteurs, qu’il s’agisse des questions de rémunération, de conditions de travail, d’hébergement, de pensions, de reconnaissance. La reconnaissance est elle-même multifactorielle et concerne notamment les décorations, les instruments pécuniaires. Chaque année, nous menons de longues discussions interministérielles à ce sujet. En outre, le projet de loi de finances peut voir ses modalités modifiées de manière significative lors des séances publiques.
Soyez convaincue que l’ensemble des dispositifs de reconnaissance ne cesse d’être travaillé intensément. Ce sujet n’est pas négligé par l’ensemble des administrations, certainement pas par celle du ministère des armées et encore moins par les directions financières, des ressources humaines ou des affaires juridiques qui travaillent sur ces dispositifs tous les ans.
Ces dispositifs sont effectivement complexes, nombreux et concernent toutes sortes de situations. Depuis le décret de 2022, la clause de revoyure sur la revalorisation du point d’indice des pensions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (PMIVG) est annuelle. Cela sera le cas en 2026. Nous avons pleinement présent à l’esprit cette question, en partie cadrée par référence à l’évolution de l’ensemble des rémunérations publiques. De ce point de vue, les dispositifs introduits dans le décret de 2022, auxquels Mme Geneviève Darrieussecq a pris une part importante, sont protecteurs des droits des bénéficiaires.
Mais il existe une corrélation évidente avec la politique générale des rémunérations des agents publics. Au premier ordre, le dynamisme du point fonction publique se reflète sur l’indexation du point PMIVG. Lorsque vous examinerez plus en détail le programme 169, vous verrez que ce budget contient un certain nombre de mesures qui ne se contentent pas simplement de prendre acte de la diminution inéluctable de la population des bénéficiaires.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Monsieur le secrétaire général, vous avez évoqué l’avancement des chantiers de rénovation pour l’hébergement et le logement. La gestion du parc appartenant à l’État mobilise la conclusion de conventions comportant divers types de bailleurs. Quelles ressources possédez-vous pour mener à bien ces projets de conventions ? D’une manière générale, nous avons bien conscience que des compromis doivent être effectués en matière de politique immobilière, notamment des arbitrages concernant le maintien en condition opérationnelle (MCO). Je pense notamment aux problématiques liées aux conditions de vie en enceinte militaire. L’entretien du patrimoine et la régénération des actifs immobiliers sont essentiels.
Je souhaite mettre en lumière la stratégie de défense durable 2024-2030 qui finance la transition écologique. Ainsi, 161 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 128 millions de crédits de paiement sont dédiés à la performance énergétique, aux réseaux d’eau, à la biodiversité, aux mises aux normes des installations classées. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur la répartition des autorisations d’engagement et de crédits de paiement pour les différents objectifs de transition écologique ?
Enfin, la résorption de la dette grise au rang de priorité numéro un en matière immobilière constitue un sujet aussi dont notre commission pourrait se saisir, grâce vos apports.
M. Christophe Mauriet. Les logements domaniaux, propriétés de l’État, ne constituent qu’une minorité de ce parc de logements, dont 19 650 sont conventionnés, à travers 1 200 conventions actives auprès de 150 bailleurs. Nous disposons d’une grande variété de partenaires dans toutes les régions. Les financements consacrés sont également élevés, puisqu’en 2026, plus de 200 millions d’euros porteront sur la concession et plus de 100 millions d’euros sur les réservations et les loyers.
Conformément aux instructions de Sébastien Lecornu lorsqu’il était ministre des armées, un grand nombre d’initiatives ont été menées en direction des collectivités territoriales et des opérateurs qui sont au plus proche de ces collectivités. Du point de vue de l’État propriétaire-investisseur, la politique est centrée sur les logements domaniaux ; mais du point de vue du service à rendre à la communauté des ressortissants défense, elle est tournée vers le conventionnement et la très grande richesse des opérateurs du logement locatif.
Vous m’interrogez également sur la rénovation énergétique, la politique de développement durable dans les armées et l’état général du patrimoine infrastructurel du ministère. En premier lieu, la notion de dette grise est un concept à la portée essentiellement analytique et pédagogique. Mais, en vérité, le ministère des armées ne s’inscrit pas dans une logique de conservation patrimoniale de ses infrastructures. Les infrastructures représentent une capacité parmi d’autres pour produire des effets militaires.
Les infrastructures n’existent et ne sont maintenues à un niveau d’efficacité capacitaire que dans la mesure où elles servent une finalité militaire, à proprement parler. Le terme de MCO est essentiel : il s’agit de maintenir l’ouvrage en condition opérationnelle, en situation de produire les effets attendus. Il ne s’agit pas, dans l’absolu, d’entretenir sa valeur patrimoniale comme une fin en soi. En conséquence, il importe de réaliser le quantum de maintenance strictement indispensable pour continuer à faire produire les effets attendus à l’ouvrage.
Ensuite, nous conduisons en 2026 un grand contrat de performance énergétique sur le camp de Suippes. Celui-ci permet d’associer au ministère des armées des compétences, des savoir-faire sur la production d’une énergie décarbonée, et ainsi d’inciter à l’efficacité, puisque la rémunération du co-contractant en dépend.
Depuis 2011, nous avons diminué les émissions de gaz à effet de serre liées aux infrastructures du ministère de près de 50 %. Au terme d’un plan assez fastidieux de remplacement des anciennes chaudières par de nouvelles, nous avons à peu près complètement décarboné la production de chaleur. Nous avons également déjà signé une cinquantaine de conventions écologiques avec une pluralité de partenaires. Nous sommes extrêmement impliqués dans la politique de préservation de la ressource en eau, qui nous conduit à réaliser des dépenses importantes à la base navale de Toulon, mais aussi par exemple sur le camp de Canjuers, y compris au profit des communes qui sont à proximité immédiate et qui sont elles-mêmes soumises à des chocs hydriques.
Le ministère est « utilitariste » dans son approche des infrastructures. Dans le fond, les infrastructures constituent l’une des composantes, parmi d’autres, pour faire produire à l’outil de défense les effets recherchés. Le ministère est en même temps engagé de façon très massive dans les questions de développement durable et de transition écologique. Il y a été poussé, dans les années récentes, par certains membres du gouvernement. Je salue particulièrement Mme Darrieussecq à ce sujet.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je tiens à profiter de mon temps de parole pour remercier le SID, qui a fêté ses vingt ans en juin dernier. Je veux saluer au nom de mon groupe ce service qui a su évoluer et se restructurer en permanence face aux défis, aux ambitions du ministère ; et à la très forte augmentation des budgets depuis 2017. Il est beaucoup question de base industrielle et technologique de défense (BITD), mais il s’agit là de travaux de BTP, qui font travailler les entreprises locales, dans nos régions.
Ensuite, je souhaite évoquer le plan Famille, mis en place pour améliorer la vie des militaires et des familles en tenant compte des spécificités de leur métier. Il se déploie depuis 2018 et ses mesures ont été accentuées dans le plan Fidélisation 360, depuis 2024. Environ 80 % d’entre elles ont été déployées, selon un rapport.
Nous avons reçu la semaine dernière les organisations syndicales des personnels civils de la défense, qui regrettent de ne pas avoir accès, ou alors très partiellement, à ces mesures. Or la fidélisation des effectifs civils de la défense est pourtant essentielle, notamment dans certaines spécialités. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
M. Christophe Mauriet. Le plan Famille, désormais intégré dans ce plan Fidélisation 360, comporte à 75 % des mesures qui sont aussi bien accessibles aux personnels civils qu’aux personnels militaires. Mais il est évident que certains dispositifs du plan Famille n’ont de portée que pour les militaires.
Mme Lise Magnier (HOR). Nous devons poursuivre un réel effort en matière de qualité de vie de nos militaires et de leurs familles. Vous avez détaillé dans vos propos liminaires les investissements et les volumes de logements confiés à Nové, ainsi que les objectifs de rénovation globale et de construction pour 2026 en matière de logements. Pouvez-vous nous fournir de plus amples détails sur les réalisations et les objectifs en matière d’hébergement, notamment pour nos militaires du rang ?
Le contrat Ambition Logement et le plan de rénovation des casernements constituent des leviers essentiels du plan Fidélisation 360. Où en est la mise en œuvre effective de la rénovation de l’hébergement dans nos casernements ? Combien de chambres ont-elles d’ores et déjà été rénovées ? Combien demeurent-elles à rénover globalement ? Reste-t-il encore des points noirs ou des points bloquants dans l’hébergement et la qualité de l’hébergement de nos militaires ? Avez-vous pu les traiter en priorité ? Enfin, sous quel délai l’ensemble du parc d’hébergements aura-t-il été entièrement rénové ? Me rendant très fréquemment dans les unités de l’armée de terre, dans nos grands camps de Champagne, je constate que nous avons besoin d’accélérer ces rénovations.
M. Christophe Mauriet. Je vous remercie de poser cette question, qui nous plonge au cœur de la formulation des choix publics. Naturellement, dans un monde idéal, l’armée de terre devrait rester inflexible dans l’affirmation de la priorité sur les conditions d’hébergement dans ses casernes. Mais simultanément, elle voit arriver les matériels commandés à la DGA il y a très longtemps et qui sont absolument vitaux pour remplacer des flottes, dont certaines ont plus de quarante ans. En outre, elle a besoin d’infrastructures techniques pour être capable de mettre en œuvre les véhicules Scorpion. Dans un tel cadre de tension, le dialogue ministériel est intense.
Les mesures de bascule d’efforts d’une ligne vers l’autre sont recherchées systématiquement. À titre d’exemple, le SID veille toujours à s’assurer que l’armée de terre tient vraiment à telle spécification, à telle surface, à tel calendrier de livraison de ses infrastructures techniques.
Il s’agit de sauvegarder, autant que possible, les montants programmés que j’ai précédemment rappelés : 1 milliard d’euros dans le plan hébergement initial 2017-2022 et à nouveau 1,2 milliard d’euros dans cette législature. Depuis le début de cet exercice, 21 000 places d’hébergement ont été livrées. Les 2 000 places qui seront commandées dans le budget 2026 se répartissent notamment de la manière suivante : 450 places pour les stagiaires du centre d’instruction naval à Brest ; 190 places pour deux bâtiments cadres célibataire (BCC) sur la base aérienne 106 à Mérignac ; 160 places pour le 6e régiment de génie à Angers. Il faut également mentionner la livraison de plus de 2 900 places, dont 150 places sur la base navale de Toulon, 330 places pour le 4e régiment étranger de Castelnaudary.
Avoir identifié, établi et individualisé un plan hébergement a permis de modifier l’approche de ces sujets, qui étaient auparavant les variables d’ajustement des politiques d’infrastructures. En outre, le maintien de l’enveloppe de crédits au programme 212 et de la responsabilité de la direction des territoires de l’immobilier et de l’environnement traduit l’effort consenti à ce sujet sur le long terme.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous passons maintenant à une séquence de quatre questions complémentaires, en commençant par une première série de deux questions.
Mme Sophie Errante (NI). Ma question concerne la direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement, en charge de la vision et de la gestion immobilière du ministère des armées. A-t-elle aujourd’hui pour mission de favoriser la massification et, au‑delà, d’adopter une gestion du mètre carré le plus utile, et à quel coût ? A-t-elle également pour mission d’électrifier les flottes de véhicules pour les usages quotidiens et ceux de nos militaires ? La France dispose de grandes et belles entreprises capables de massifier la rénovation thermique des bâtiments.
M. Julien Limongi (RN). Lors de la précédente loi de programmation militaire, le ministre des armées avait annoncé un budget intégrant un approvisionnement de 13,3 milliards d’euros de ressources complémentaires, c’est-à-dire extrabudgétaires. Depuis deux ans, nous avons de plus en plus conscience que le ministre de l’époque, M. Lecornu, savait probablement que ces crédits n’existaient pas réellement. Avec le recul, cela nous apparaît encore plus clair aujourd’hui.
Bien entendu, vous n’êtes que l’exécutant de la politique budgétaire du gouvernement et vous devez composer avec les décisions qui vous sont confiées. Mais en toute sincérité budgétaire, je voudrais savoir si ces marges « fantômes » de 13,3 milliards sont toujours comptabilisées dans le budget et si le gouvernement compte toujours les utiliser pour boucler le budget de nos armées. Prend-il aujourd’hui en compte ce chiffre dans ses projections et sa planification ?
M. Christophe Mauriet. Il est évident que ces ressources extrabudgétaires ont un caractère hétérogène aux crédits votés dans la loi de finances en tant que telle. Mais raisonnons a contrario : si nous n’avions pas produit de tels efforts pour aller activer ces ressources susceptibles de bénéficier à la politique de défense, tout observateur n’aurait-il pas été fondé à nous reprocher notre manque de volontarisme et d’ambition ?
En période longue, dans les plans de financement des programmations militaires, il a toujours existé un panachage entre un budget en bonne et due forme, tel que les crédits votés en loi de finances, et des ressources à caractère extrabudgétaire. Ensuite, la LPM votée en 2023 est remarquablement conservatrice en termes de mobilisation de ressources extrabudgétaires. Par le passé, certaines hypothèses ont conduit à faire des paris qui ont parfois été perdus. En réalité, si l’on compare la LPM votée en 2023 à celles qui ont précédé, elle présente plutôt un caractère robuste en termes de panachage des différents types de ressources. Ensuite, nous continuons de produire nos meilleurs efforts pour activer le potentiel de ressources extrabudgétaires dans une LPM qui décrit une trajectoire de longue portée.
Madame la députée, vous avez évoqué le thème de la massification et de la recherche de l’efficacité, de « l’industrialisation » sur certaines actions. Nous menons effectivement un tel travail systématique. La politique immobilière globale du ministère est à la charge de la direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement. En revanche, le SID est en charge de la contractualisation, de la conclusion d’accords-cadres, du sourçage des prestataires en mesure de réaliser ces opérations.
L’électrification de la flotte des véhicules légers de la gamme commerciale relève plutôt du service du commissariat des armées, qui poursuit actuellement une ambition commune à l’ensemble de la société. Les préoccupations des citoyens français sont les mêmes, qu’ils soient civils ou militaires. Le ministère cherche lui aussi à employer les procédés les plus décarbonés pour remplir ses missions.
Mme Michèle Martinez (RN). L’année dernière, j’ai rendu hommage à l’action de vos services, qui jouent un rôle essentiel pour la fidélisation de nos militaires et le quotidien de leurs familles. Je maintiens mes propos, mais j’aimerais toutefois alerter sur le plan Ambition Logement, qui présente retards et difficultés. En tant que parlementaires, nous ne disposons que peu de données accessibles, mais les retours du terrain sont nombreux et particulièrement négatifs. Le PLF pour 2026 réaffirme l’ambition et la cible sur le volet logement, mais le décalage entre l’objectif et la réalité interpelle.
Le logement est pourtant indispensable à la fidélisation, laquelle représente un enjeu majeur pour nos armées. Monsieur le secrétaire général, quel est votre regard sur le plan Ambition Logement ? Pourquoi, malgré les moyens engagés, les résultats se font-ils attendre ?
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Le ministère des armées est également un acteur culturel majeur. J’y suis très attachée, tant il s’agit d’un des piliers du lien armée‑nation. Le ministère dispose ainsi de plusieurs musées et établissements patrimoniaux, dont le musée national de la Marine, le musée de l’Air et de l’Espace, le service historique de la défense (SHD), des musées régionaux.
Cette ambition culturelle persiste-t-elle dans le ministère ? Les budgets confortent-ils les différentes orientations souhaitées par les musées ?
M. Christophe Mauriet. Madame la ministre, les ambitions affichées par les musées sont toujours extrêmement volontaristes. Les équipes de direction de ces établissements sont d’une qualité remarquable et génèrent de magnifiques projets. Néanmoins, le ministère doit également faire preuve de discipline, confronter les objectifs et réaliser des arbitrages toujours contraints. À ce titre, les ambitions culturelles doivent être prises en compte dans une grande « matrice » d’arbitrage. Cependant, nous ne descendons pas en dessous d’un certain seuil ; il demeure des moyens d’investissement, même si les subventions pour charge du service public sont confortées sur un crible peut-être un petit peu plus strict que dans la période précédente.
Il existe donc des contraintes de focalisation, de hiérarchisation et de concentration des efforts sur les effets militaires qui justifient le projet d’actualisation de la programmation dont vous allez être saisis, et conduisent à prioriser des choix, y compris pour la politique culturelle du ministère. Nous nous sommes par ailleurs engagés dans un projet de réorganisation et de modernisation du SHD, le troisième grand service d’archives de l’État.
Le plan Ambition Logement constitue un magnifique objet pour le ministère des armées et pour l’État. Aujourd’hui, vous vous faites l’interprète d’une perception plus modérée à son égard. Nous produisons un effort de rénovation extrêmement intense sur ce parc de 8 000 unités de logement. En conséquence, 2 500 logements seront indisponibles en 2026, car ils seront complètement rénovés. Toutes choses égales par ailleurs, cela signifie qu’il a fallu reloger 2 600 foyers ou familles. En dépit des efforts d’information et de pédagogie que nous avons conduits, et qu’il convient d’améliorer, il est évident que nous suscitons des mécontentements, temporairement. Nous nous sommes attachés à programmer une période de transition la plus brève possible, à partir de 2022. Ainsi, nous aurons réalisé 90 % de l’effort de régénération et de constructions neuves d’ici 2029.
Encore une fois, j’estime que le montage Ambition Logement est remarquable. Bien que l’État ne soit pas obnubilé par la gestion de la dette grise, qu’il ne soit pas un fonds immobilier ou une société foncière, il a intégré la nécessité de ne pas aller au-delà d’un certain niveau de spécification. Nous nous sommes donné toutes les chances de rattraper le temps perdu, en y ayant consacré de très nombreuses ressources au début de la concession. Cette anticipation permet de mettre en service le plus tôt possible des logements totalement neufs ou totalement rénovés. Elle offre aussi l’opportunité de disposer de ressources de loyer supérieures pour le concessionnaire, diminuant son besoin d’endettement et simultanément les frais financiers facturés à l’État.
Nous agissons donc selon une grande cohérence, même s’il est évident que la période de transition n’est pas exempte d’inconvénients. Cette transition comporte en outre d’autres aspects, dont un concernant la régularisation des charges. À la différence des Français locataires dans le parc ordinaire, les ressortissants de la défense n’avaient pas forcément été habitués à un distinguo bien explicite entre le loyer à proprement parler et les charges d’eau ou d’électricité. Sur les 6 500 décomptes envoyés aux ressortissants, 42 % sont créditeurs, 58 % sont débiteurs, pour une moyenne de 550 euros. Par ailleurs, 600 occupants doivent régulariser un arriéré supérieur à 1 000 euros.
En résumé, des facteurs psychologiques liés à la transition s’accompagnent de petits tiraillements que nous devons prendre en compte. De la même manière, nous devons également aller davantage vers les intéressés. Toutes les parties prenantes, y compris les états‑majors locaux, doivent y prendre leur part. Quoi qu’il en soit, il est indéniable qu’Ambition Logement constitue une très belle politique du ministère des armées.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie.
II. Audition des représentants de syndicats des personnels civils de la défense
La commission a entendu les représentants de syndicats des personnels civils de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906), au cours de sa réunion du mercredi 15 octobre 2025.
M. le président Jean-Michel Jacques. Les 62 000 personnels civils de la défense sont un pilier du fonctionnement de nos armées. Ils représentent près d’un quart des effectifs totaux du ministère et la tendance est à l’augmentation des recrutements dans cette catégorie, en particulier pour les nouveaux métiers stratégiques, identifiés comme tels dans la loi de programmation militaire (LPM), de la cyberdéfense, de la digitalisation ou encore de l’intelligence artificielle.
Les organisations syndicales jouent un rôle majeur dans la représentation de ces personnels, notamment au sein des différentes instances de dialogue social du ministère. J’ai également constaté l’importance de leurs travaux lors de l’examen de la loi de programmation militaire.
Sont représentées aujourd’hui les organisations syndicales suivantes, dans l’ordre des résultats des élections professionnelles de décembre 2022 : la CFDT, Force Ouvrière Défense, l’Unsa Défense et la CFTC Défense. Nous avions également convié la Fédération nationale des travailleurs de l’État CGT et Défense CGC, mais ces organisations nous ont indiqué qu’elles ne seraient pas représentées.
Je vous remercie de votre présence et me réjouis que nous puissions aborder ensemble les principaux enjeux sociaux du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 en ce qui concerne les personnels civils de la défense, notamment la politique des ressources humaines – en particulier les mesures relatives aux recrutements, aux rémunérations et à la gestion des parcours professionnels –, les politiques d’accompagnement social – c’est-à-dire les dispositifs prévus dans le cadre des plans « famille » et Fidélisation 360, ainsi que les mesures relatives à la mobilité et au logement des personnels –, mais aussi les conditions de travail et la protection des agents – je pense à l’amélioration du cadre de travail, à la mise en œuvre de la réforme de la protection sociale complémentaire en santé et à la garantie complémentaire de prévoyance facultative, qui sera proposée à partir du 1er janvier prochain.
J’ajoute une question plus personnelle sur le centre de formation de la défense de Bourges, qui offre des formations professionnelles et continues. Ce dispositif est-il suffisant à vos yeux ? Faut-il développer davantage ce modèle ? Des synergies avec les collectivités locales ou les industriels sont-elles possibles ?
M. Albert Corbel (FEAE-CFDT). Je vous remercie de nous accueillir en ce moment crucial pour l’avenir de la défense nationale, de notre base industrielle et technologique de défense (BITD) et du personnel civil, c’est-à-dire les agents de l’État, dont vous avez parlé, ainsi que les salariés des entreprises du secteur.
Alors que le budget pour 2026 est en passe d’être débattu à l’Assemblée – c’est presque une surprise –, nous souhaitons vous alerter sur les risques majeurs qui pèsent sur la réalisation des ambitions stratégiques de la France. J’insisterai, pour ma part, sur la BITD, qui est sous tension et attend des commandes fermes. Les industries de la défense, qu’elles soient de grands groupes ou des sous-traitants, sont confrontées à une incertitude budgétaire persistante. Malgré l’annonce d’une augmentation du budget, de 3,5 milliards d’euros en 2026, une part importante des crédits sera absorbée par les reports de charge et les restes à payer des programmes déjà engagés – près de 100 milliards d’euros depuis la fin 2024. Or sans commandes fermes, les entreprises hésitent à investir, à embaucher ou à monter en cadence. Cela se traduit par des freins à l’embauche et à la montée en compétences, ainsi que par une sous-utilisation des capacités industrielles, voire des creux de charges dans certains sites, dont un qui vous est sans doute cher, monsieur le président, celui de Lorient, mais également celui de Saint-Nazaire.
Par ailleurs, les conditions de travail et de production sont fragilisées. La montée en puissance de la production militaire se heurte à des limites physiques et sociales. Le taux d’utilisation des capacités est de 90 % selon l’Insee. Le vieillissement de l’outil industriel est une contrainte : le taux d’amortissement moyen est estimé à 73,7 %. On se heurte également à une pression sur les salariés, qui se traduit par une hausse des cadences, des recours massifs à l’intérim et des difficultés de recrutement et de transfert de compétences. Les efforts demandés aux salariés ne peuvent être la seule variable d’ajustement. Il faut aussi des investissements ciblés, de la visibilité budgétaire et une politique industrielle cohérente.
Le personnel civil du ministère des armées est une composante de la communauté de défense qui est trop souvent oubliée, alors qu’elle représente environ 65 000 âmes sur les quelque 270 000 que comprend la communauté de défense. Les agents civils du ministère – les ouvriers de l’État, les techniciens, les ingénieurs, le personnel médico-social et le personnel du service social –, assurent chaque jour le soutien aux forces et la continuité du service public de la défense.
À responsabilités égales, ces agents sont confrontés à des écarts de traitement injustifiés avec leurs collègues militaires, et à des plafonds de verre quand il s’agit d’obtenir des responsabilités managériales – encore trop souvent réservées aux militaires –, à des parcours de carrière trop statiques, sans réelles garanties de progression sociale pour toutes celles et tous ceux qui le veulent, à un manque de reconnaissance statutaire et salariale et, enfin, à des risques psychosociaux croissants, dans des environnements exigeants. Nous demandons une politique de ressources humaines ambitieuse, équitable et respectueuse de leur engagement.
Nous souhaitons également évoquer nos craintes d’une dépendance stratégique accrue. Il faut être vigilant face à la tentation d’un réarmement rapide par des importations, notamment en provenance des États-Unis, de la Corée et de la Turquie, car cela affaiblirait notre souveraineté industrielle et mettrait en péril notre BITD.
L’accord commercial conclu entre les États-Unis et l’Union européenne en juillet dernier a permis d’éviter une hausse des droits de douane américains, qui devaient s’élever à 30 % mais ont finalement été fixés à 15 % pour la majorité des produits européens. Nous ne ferons pas de commentaires sur le bilan global de la négociation, mais nous soulignons que l’Europe s’est engagée à acheter 750 milliards de dollars de produits américains, dont des équipements militaires et de l’énergie – gaz naturel liquéfié ou pétrole. On peut parler, à cet égard, d’incohérence ou de cacophonie : l’Europe prétend développer son autonomie stratégique mais, sous la pression de l’administration Trump, elle externalise sa défense. En l’état, l’accord commercial avec les États-Unis fragilise la cohérence des politiques industrielles européennes et met en péril la souveraineté technologique du continent. Heureusement, le pouvoir reste entre les mains des États membres.
Le budget de la France, nous le disons avec force, doit permettre de confirmer les grands programmes nationaux ou menés en collaboration. Je ne citerai que les principaux : le porte-avions nouvelle génération, le système principal de combat terrestre (MGCS), le Rafale, le missile M51 et le système de combat aérien du futur (Scaf). Le budget doit aussi permettre de soutenir les industriels grâce à des commandes fermes et à une planification claire, et d’investir dans la formation, en lien avec les régions et les industriels, pour garantir les compétences de demain.
Le budget est à la fois un levier stratégique, un outil industriel et un engagement envers les femmes et les hommes qui servent la nation. Nous vous appelons à la vigilance et à la responsabilité lors de vos arbitrages budgétaires : la BITD, le personnel civil et la souveraineté de la France en dépendent.
M. Valéry Michel (Force ouvrière Défense). Nous avons répondu favorablement à l’invitation de la représentation nationale, qui souhaitait donner la parole aux élections syndicales représentatives du ministère des armées dans le cadre des travaux sur le projet de loi de finances pour 2026. Malgré le contexte, FO Défense reste respectueuse de cet usage républicain et profite de cette audition pour présenter son cahier revendicatif en toute liberté et indépendance mais, si vous voulez bien excuser cette expression, en aucun cas dans un esprit de moine-soldat.
En premier lieu, FO Défense demande l’abrogation de la réforme des retraites, qui a reculé l’âge de départ à 64 ans et prévu l’allongement de la durée de cotisation. La retraite est la mère des réformes pour le patronat et la mère des batailles pour Force ouvrière. Le premier ministre a annoncé la suspension de la réforme Borne-Macron sur l’âge et de la réforme Hollande-Touraine sur la durée de cotisation. FO reste toutefois prudente quant à la mise en œuvre de cette mesure et à sa concrétisation pour les salariés concernés. Cette suspension permettra-t-elle de réparer les régressions déjà subies ? Si le gouvernement a dû reculer, ce n’est pas grâce à des manœuvres politiciennes mais grâce à la mobilisation sociale, qui a su imposer ses revendications. Elle saura avoir de nouveau lieu si l’intérêt des salariés était menacé.
Le PLF pour 2025 a été favorable à l’industrie de défense et à la modernisation de l’équipement des forces. Mais ce choix s’est fait sans revalorisation des personnels civils du ministère, qui restent les grands oubliés de la politique de défense et subissent un réel appauvrissement. FO ne cesse d’alerter sur la baisse du pouvoir d’achat des agents, qui a encore été réduit par la suppression de la garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa) et par la perte de 10 % de la rémunération en cas de maladie ordinaire. Depuis l’an 2000, 31,5 % du pouvoir d’achat ont été perdus à la suite des politiques d’austérité. La preuve par l’exemple : il faut vingt ans de carrière pour gagner 103 euros de plus quand on est un agent de catégorie C, et dix ans pour 20 euros supplémentaires quand on appartient à la catégorie B ; dans la catégorie A, on fait dix ans de carrière juste au-dessus du smic.
FO exige une réévaluation immédiate de 10 % du point d’indice, afin que le gouvernement démontre qu’il existe un réel engagement de sa part envers les agents publics, après des années de forte inflation. FO revendique, en parallèle, le rattrapage des pertes subies depuis 2000, au moyen d’un plan pluriannuel de revalorisation du point d’indice. Pour éviter tout nouveau décrochage de la valeur du point par rapport à l’inflation, FO demande son indexation annuelle. Par ailleurs, FO continue de revendiquer la généralisation du complément de traitement indiciaire, le CTI, à tous les corps et cadres d’emploi de la santé et du travail social. Ensuite, FO exige une amélioration de la grille indiciaire qui mettrait en valeur les missions des agents et redonnerait vraiment de l’attractivité à l’emploi public. En 2000, un agent de catégorie B débutait à 120 % du smic ; il ne débute aujourd’hui qu’à 101,8 %. En catégorie A, on était à 139 % du smic à l’époque, contre seulement 106,5 % en 2025.
De plus, la mise en œuvre de la protection sociale complémentaire obligatoire, présentée comme un progrès, s’est révélée trop coûteuse pour les ayants droit, ce qui a conduit FO à retirer sa signature de l’accord initial. Il est apparu qu’il existait un excédent au titre de l’exercice budgétaire 2025, ce qui permettrait de baisser les cotisations en 2026, mais l’administration a refusé d’examiner cette proposition de FO.
Le projet de doublement des franchises médicales ne ferait qu’alourdir la succession de mesures inéquitables que nous avons déjà connue. Cette évolution accentuerait la précarisation des agents et la perte de confiance envers les politiques salariales qui sont menées. De même, FO condamne le système de prévoyance, certes facultatif, qui reste à la carte et s’éloigne du régime statutaire qui prévalait jusqu’alors.
Les transformations sont incessantes. Depuis des années, les réformes se succèdent ‑ RGPP (révision générale des politiques publiques), MAP (modernisation de l’action publique), réorganisations structurelles, réinternalisations, suppressions et transferts de postes. À chaque fois, les personnels civils en subissent les conséquences sans reconnaissance réelle, sans valorisation ni, souvent, accompagnement digne de ce nom. Le ministère s’est transformé à un rythme soutenu, parfois brutal, sans attendre le départ naturel des agents. Aujourd’hui encore, à chaque comité social d’administration ministériel, nous découvrons des arrêtés de restructuration listant de nouveaux établissements affectés.
Même si, sur le papier, les effectifs globaux augmentent – le schéma d’emplois pour 2026 prévoit ainsi 830 postes supplémentaires, dont 30 pour les opérateurs –, les suppressions de poste sont réelles, notamment dans les métiers dits de soutien, et laissent des agents sans affectation, désorientés et parfois en souffrance. Pourtant, les moyens financiers pour l’accompagnement des suppressions et transformations de poste ont été largement réduits depuis 2024. FO Défense demande que les personnels civils soient de nouveau accompagnés humainement et financièrement.
Le dialogue social est fragilisé. Or nous rappelons qu’un dialogue social de qualité est une condition première si l’on veut des évolutions comprises et partagées par le plus grand nombre. Le ministère a perdu la culture de la négociation, limitée à quelques accords-cadres. Lorsque le ministre est absent lors du comité social d’administration, le signal envoyé aux agents est négatif, même si les organisations syndicales ont été reçues, au terme de multiples sollicitations. FO demande que la nouvelle ministre des armées reprenne le chemin d’un dialogue social réellement constructif. La loi de transformation de la fonction publique a considérablement détérioré le dialogue social en diminuant le champ de compétences des commissions administratives paritaires, les CAP. Nous demandons qu’elles retrouvent l’intégralité de leurs prérogatives.
Les politiques de ressources humaines, à deux vitesses, sont incohérentes et fragmentées. D’un côté, certaines filières bénéficient de dispositions indemnitaires ou statutaires spécifiques, comme la prime Imoma – indemnité de mise en œuvre et de maintenance des aéronefs – pour les agents travaillant dans le domaine de l’aéronautique, et la prime du Levant, liée aux sujétions spécifiques de fonction sur un site isolé. D’un autre côté, la majorité des agents civils ne sont pas rétribués à la hauteur de leurs missions et restent donc dans l’attente d’une revalorisation globale et juste.
Les contractuels représentent désormais près d’un quart des effectifs civils. FO Défense n’est pas opposée à la contractualisation lorsqu’elle répond à un besoin ponctuel – ce que FO appelle les niches de spécialité. Mais le recours massif aux contractuels, au détriment des titulaires, fragilise la continuité des missions et déstabilise les équipements d’un grand ministère régalien. La titularisation de ces agents, très souvent en situation de précarité, car beaucoup sont en CDD, se révèle nécessaire. FO Défense revendique donc l’organisation de concours spécifiques – un plan Sauvadet 2 pour les agents contractuels qui le souhaitent.
Nous vous alertons aussi sur la disparition progressive des ouvriers de l’État, faute de recrutements ambitieux. Si rien n’est fait, un pan entier du savoir-faire technique du ministère disparaîtra. À moyen terme – en 2030 –, les ouvriers de l’État n’auront plus le dimensionnement nécessaire pour remplir pleinement leurs missions d’expertise, nécessaires pour les capacités opérationnelles des forces.
Plus globalement, notre département ministériel a la main sur des politiques RH qui permettent d’améliorer les conditions de travail à cadre budgétaire constant. L’accord-cadre sur le temps de travail qui est actuellement en négociation en est un parfait exemple.
Les outils informatiques sont indignes d’un grand ministère. Il faut que vous soyez conscients de ce qui se passe : cela peut surprendre, mais les systèmes d’information du ministère des armées sont à la traîne. Nos outils RH sont archaïques et nos réseaux saturés. Les agents perdent un temps considérable à pallier des dysfonctionnements quotidiens, notamment du côté des gestionnaires payeurs. C’est paradoxal et même choquant dans un ministère en pointe dans le domaine militaire. Il est urgent de moderniser les systèmes d’information pour permettre une gestion efficace et respectueuse des agents. La direction des ressources humaines du ministère (DRH-MD) et le nouveau commissaire au numérique doivent être particulièrement réactifs en la matière.
M. le président Jean-Michel Jacques. Le temps qui vous était imparti étant nettement dépassé, je vous propose d’aborder plus tard, à la faveur des questions, les autres points de votre propos, afin que nous puissions entendre tous les intervenants.
M. Laurent Tintignac (Unsa Défense). Si vous avez compris le processus suivi pour la nomination d’un premier ministre et la constitution d’un nouveau gouvernement en France en 2025, c’est sans doute qu’on vous l’a mal expliqué. Si je commence par un peu de second degré, en dépit de l’ordre du jour on ne peut plus sérieux de cette audition budgétaire, c’est pour souligner que nous ne sommes pas seulement des représentants des personnels du ministère des armées mais aussi des citoyens.
Nous représentons 65 000 agents civils, soit 24 % des effectifs globaux du ministère – une armée de « pas kaki » tout aussi indispensable, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, à maintes reprises, devant votre commission.
Le monde est entré dans une ère de déraison. Une nouvelle règle s’impose, celle de la loi du plus fort. Le budget des armées ne peut donc servir de variable d’ajustement, comme ce fut le cas durant de nombreuses années. La période des dividendes de la paix a, hélas, été éphémère. Le monde a changé, mais la défense reste « la première raison d’être de l’État », selon la sentence du général de Gaulle qui figure sur un mur de cette salle de réunion.
Sans anticiper les orientations de la revue nationale stratégique, qui préfigureront la prochaine loi de programmation militaire, le président de la République, chef des armées, a annoncé cet été que l’évolution prévue pour le budget de la défense atteindrait sa plénitude dès l’annuité 2027, sans attendre le terme en 2030 de l’actuelle loi de programmation militaire qui prévoyait que le budget de la défense devait augmenter de plus de 3 milliards d’euros en 2026, troisième année d’exécution de la LPM. C’est l’illustration, si celle-ci est nécessaire, du fait que notre pays fait face à des menaces persistantes, qui sont de plus en plus hybrides.
Vous avez évoqué, monsieur le président, la stratégie en matière de ressources humaines. Elle conduit à une réorientation des recrutements qui donne une place prépondérante au cyber, au renseignement, à l’intelligence artificielle ou encore au numérique. Les armées doivent désormais faire face à des menaces non traditionnelles, dans de nouveaux champs de conflictualité.
Vous êtes membres d’une commission, celle de la défense et des forces armées, dont nous croyons fermement que vous l’avez choisie par conviction et intérêt pour toutes les questions et tous les débats qui concernent le ministère, dans le souci de préserver sa richesse humaine. Jetons un regard dans le rétroviseur : je vous invite à relire nos propos tenus ici même en octobre 2024. L’Unsa vous faisait alors part de l’idée qu’elle se fait de la communauté de défense, constituée de populations, les unes civiles et les autres militaires, qui sont toutes engagées pour la même cause, le service public de la sécurité.
S’agissant du personnel, les mesures catégorielles sont quasi inexistantes et saupoudrées quand elles existent. Ainsi, plus de la moitié des agents de catégorie C, qui perçoivent les plus petites rémunérations, ne bénéficieront d’aucune revalorisation cette année, et l’autre moitié aura à peine 25 euros mensuels brut en plus. C’est dire l’indigence des mesures prévues. Une révision des grilles indiciaires devient urgente.
Il y a un an aussi, l’Unsa rappelait qu’il existe au sein de ce ministère pas comme les autres, dont vous avez décidé de soutenir et d’embrasser le destin par votre engagement, une population endémique, qui est celle des ouvriers de l’État, encore constituée de quelque 10 000 agents. Vous avez montré en 2024, et les années précédentes, un vif intérêt pour les métiers exercés par cette population, qui entretient les Rafale de l’armée de l’air et de la marine, qui permet aux forces spéciales, grâce à une disponibilité H24 et 365 jours par an, d’assumer leurs missions en ayant la garantie d’avoir un matériel optimal sur le plan de la sécurité, qui entretient l’ensemble des moyens de l’armée de terre, qui assure la préservation et le stockage des capacités munitionnaires, et qui permet aux opérations extérieures de se dérouler dans de bonnes conditions, ou du moins les moins mauvaises possible.
Pourtant, à l’été 2025, un rapport de la Cour des comptes a tout simplement détruit cette population, présentée dans des termes peu élogieux. Les magistrats de la Cour ont préconisé de mettre un terme définitif aux recrutements dans cette catégorie socio‑professionnelle. Vous qui êtes au fait des soubresauts sociaux au sein du ministère, comment avez-vous réagi à une telle attaque contre des agents dont les métiers sont indispensables tant au maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels aéronautiques et terrestres qu’au soutien commun aux armées ?
Par ailleurs, l’Unsa souhaite vous interpeller sur une question de souveraineté nationale susceptible d’entraîner des conséquences qui, si elles se confirmaient, iraient à rebours de la volonté politique de réindustrialiser la nation.
Le service industriel de l’aéronautique, le SIAé, est l’industriel étatique de référence pour le maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques. Il s’est donc vu confier en 2018 l’entretien et le soutien de la flotte d’Hercules C-130H, composée de quatorze aéronefs, dans le cadre d’un contrat de MCO verticalisé. En juillet dernier, l’armée de l’air et de l’espace a annoncé un retrait du service anticipé de cette flotte, en 2029, la principale raison évoquée étant l’augmentation significative des coûts de soutien, due à l’âge et à l’état des machines.
La France dispose en outre d’une flotte de quatre C-130J, quasi neufs, qui ne sont qu’une version modernisée du C-130H – les deux versions sont identiques à 80 %. Leur contrat de maintien en condition opérationnelle arrivant à son terme, la direction de la maintenance aéronautique, organisme d’État, a lancé un appel d’offres pour un contrat de soutien industriel. Cet appel d’offres exclut l’industriel étatique, le SIAé, pourtant certifié par Lockheed, le constructeur de la machine.
Il existe ainsi une forte probabilité que le contrat de soutien soit confié à un industriel non français, ce qui irait à l’encontre de la volonté de renforcer l’industrie française en cette période de budgets contraints. Par ailleurs, le SIAé dispose déjà de toutes les infrastructures pour accueillir la machine – l’organisation industrielle et tous les matériels de servitude, dockage, bancs d’essai, valises de test – et, bien sûr, de connaissances et savoir-faire acquis. Enfin, s’il fallait encore vous convaincre, le service industriel de l’aéronautique a la certification du constructeur, Lockheed, obligatoire pour prétendre entretenir cette flotte basée à Évreux, où le SIAé dispose d’une antenne.
C’est donc à vous, membres de la commission, qu’il appartient de saisir la nouvelle ministre des armées pour la convaincre de l’intérêt d’une internalisation en ce qui concerne le C-130J, afin d’éviter tant des disparités que la disparition, sur notre sol, d’activités fortement étatiques. Nous avons vu qu’une proposition de loi avait été déposée hier, sur le bureau de l’Assemblée nationale, pour nationaliser l’entreprise ArcelorMittal. Ne perdons pas non plus des compétences qui existent au sein de l’État.
Bien d’autres sujets d’actualité auraient eu leur place dans cette déclaration de l’Unsa Défense. Je pense au service de santé des armées, au service national nouvelle génération, à la réalité des rémunérations des agents publics, sur le plan de recrutement, basé à 55 % sur l’emploi contractuel, ainsi qu’au gel des salaires ouvriers depuis 2017, mais le temps nous est compté. Je reste, avec Nathalie Martin, à votre disposition pour aborder ces questions en tout lieu et en tout temps, comme le veut l’adage du ministère.
M. Didier Lenfant (CFTC Défense). Le contexte budgétaire national est incertain, les arbitrages sont complexes et nous ne pouvons ignorer les tensions économiques. L’année écoulée a montré à quel point les aléas budgétaires peuvent avoir un impact concret sur les agents du ministère des armées. Cette année encore, les contraintes budgétaires pèsent lourdement sur la gestion des ressources humaines, la conduite des missions et la capacité à les planifier, d’autant qu’en cette période de tensions internationales, les civils pourraient être amenés à s’impliquer davantage, dans des conditions qui restent à définir.
Les mesures catégorielles prises pour les personnels civils restent largement en deçà des besoins réels. Le maintien des compétences, pourtant vital pour la continuité des missions, est menacé par l’insuffisance des revalorisations, la faiblesse des perspectives d’évolution des rémunérations et la difficulté à rendre nos carrières attractives, face à la concurrence du secteur privé ou des autres administrations publiques.
La fidélisation des personnels, dont le rôle est de plus en plus central dans les équipes, est mise à mal par l’absence de perspective claire de reconnaissance statutaire, sauf pour certaines filières, telles que le cyber et le numérique. De même, les recrutements de fonctionnaires peinent à compenser les départs à la retraite en cours ou à venir. L’enjeu est donc à la fois d’attirer de nouveaux talents et de conserver ceux qui sont déjà formés.
En outre, les disparités de rémunération entre les personnels du ministère, à métier équivalents et à ancienneté identique, commencent à être très mal vécues. Ces dernières années, aucune mesure catégorielle globale n’a été prise en faveur des personnels civils, faute d’un budget suffisant pour cela. Les quelques mesures ciblées qui ont été prises ne résolvent pas le problème de fond, d’autant que la transparence nécessaire en matière de rémunération n’est toujours pas d’actualité, malgré nos demandes répétées et alors que la directive européenne imposant la transparence en la matière devrait être transposée en France en mars 2026.
La CFTC Défense continue de défendre la revalorisation du point d’indice, qui constitue l’outil le plus juste, le plus lisible et le plus efficace pour préserver le pouvoir d’achat de tous les agents. L’argument de la contrainte budgétaire ne saurait justifier une stagnation prolongée du point d’indice, alors que les agents subissent de plein fouet l’inflation et la dégradation de leur niveau de vie. Même si la part des primes augmente pour certains, cela n’empêche pas la dégradation continue du taux de remplacement de la retraite.
Par ailleurs, la simplification des procédures administratives est plus que jamais indispensable. Trop de process restent chronophages, rigides et déconnectés des réalités du terrain. La CFTC Défense demande que chaque réforme et chaque outil soient conçus avec les agents et pour eux, pour faciliter leur travail et non pour le complexifier. L’IA est attendue, mais il est encore un peu tôt pour en mesurer les effets.
La réinternalisation de certaines fonctions RH au niveau des chaînes d’emploi suscite des interrogations. Si elle peut répondre à des besoins, elle nécessite un accompagnement solide des personnels concernés. Ils doivent être formés, repositionnés et disposer de garanties d’emploi. La gestion RH doit être anticipée, claire et concertée. Nous rappelons enfin que la réinternalisation projetée reprend un modèle de gestion déjà utilisé dans le passé.
Le futur SIRH, le système d’information des ressources humaines, est attendu comme un levier d’amélioration de la gestion des carrières et du suivi administratif. Pour qu’il soit une réussite, il doit être pensé comme un outil au service de l’humain et il ne faut pas qu’il complexifie les tâches. La CFTC Défense s’interroge par ailleurs sur le délai entre sa conception et sa mise en œuvre. Puisque les besoins continueront à évoluer avant et après son lancement, il faudra être agile dans ce domaine.
Enfin, si les restructurations peuvent permettre de répondre aux nécessités d’adaptation de notre ministère depuis plus de vingt ans, la CFTC Défense alerte sur leur fréquence excessive – il y a bien souvent deux campagnes par an. Une restructuration, pour être acceptée, doit être compréhensible, utile et anticipée. Trop souvent, ce n’est pas le cas. Les agents ont besoin de stabilité pour s’engager pleinement dans leurs missions, surtout que certains ont vécu plusieurs fois une transformation de l’organisation.
La CFTC Défense continuera à défendre une vision responsable, humaine et équilibrée de la fonction publique au sein du ministère des armées. Le maintien des compétences, l’attractivité des métiers, la qualité de vie au travail et la reconnaissance de l’engagement des agents doivent être des priorités, même et surtout dans un contexte budgétaire difficile.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. José Gonzalez (RN). Les personnels civils du ministère des armées ne font pas les guerres, certes, mais sans eux aucune victoire n’est possible. Vous êtes les artisans silencieux de la défense française. Vous êtes un pilier de notre souveraineté. Sans vous, les avions ne décollent pas, les véhicules ne roulent pas, aucun soldat ne part en mission dans de bonnes conditions. Les ratés du système Louvois – le logiciel unique à vocation interarmées de la solde – nous le rappellent : sans le concours du personnel civil, aucun militaire ne serait payé correctement, avec des conséquences dramatiques pour les familles, la fidélisation, et plus largement, l’efficacité des armées.
Nous partageons votre constat : l’externalisation à outrance a pu déstructurer nos capacités internes. Nous interrogeons la pertinence de certaines de ces externalisations. La concurrence du secteur privé est forte et il faudra agir sur l’attractivité du métier. À nos yeux, vous n’êtes pas une variable d’ajustement budgétaire. Nous considérons que pour respecter les objectifs de la LPM en vigueur, vos effectifs et vos missions doivent être sanctuarisés. La LPM pour les années 2024 à 2030 plaçait la cohérence avant la masse. Telle qu’elle est exécutée, elle ne permet ni masse, ni cohérence.
En tant que parlementaires, nous n’avons pas accès aux données budgétaires concernant le MCO. Toutefois, nous sommes conscients que des efforts majeurs sont nécessaires dans ce domaine. Sans vous, nous n’y parviendrons pas. Je vous assure de tout notre soutien. Si le Rassemblement national présente un contre-budget prévoyant 15 milliards d’euros d’économies, il sanctuarise la mission Défense, tant nous sommes convaincus de son importance stratégique dans un monde de plus en plus conflictuel.
Le plan « famille » bénéficie également aux personnels civils de la défense. Quels axes d’amélioration identifiez-vous en la matière dans le cadre du PLF ?
M. Albert Corbel. Oui, monsieur le président Jacques, la question des centres de formation est importante. Nous la mettons régulièrement sur la table et nous l’avions placée au centre des négociations sur la LPM – pour laquelle vous étiez rapporteur –, ce qui avait donné lieu à des discussions intéressantes avec le secrétaire général pour l’administration. Celui-ci souhaitait aller plus loin que vous ne le proposiez dans la réintégration de la formation au sein du ministère, mais aussi au sein des industries du secteur privé de défense.
Le centre de formation de Bourges est suffisant dans ses domaines de compétences, mais ce ne sont pas à proprement parler des compétences industrielles – ou pas suffisamment. Peut-être faudrait-il envisager des formations communes aux civils et aux militaires, dans le cadre d’associations avec les écoles de formation des militaires existantes ? Cela renforcerait l’idée d’une appartenance commune des deux catégories de personnel à la communauté de défense, tout en permettant aux civils de bénéficier des plateformes techniques de ces écoles, qui sont d’une qualité exceptionnelle. Je ne vois pas pourquoi, actuellement, la formation des civils et celle des militaires sont séparées.
De grosses entreprises du secteur, telles que Naval Group, KNDS France, Airbus, Dassault ou MBDA ont recréé en leur sein des structures de formation pour les personnels, car les compétences attendues dans ces structures ne sont pas communément enseignées dans les centres de formation d’apprentis, qu’ils dépendent ou non de l’éducation nationale. Il faudrait prendre exemple sur ces entreprises, en territorialisant la démarche avec les branches professionnelles, la région et le département. Il serait possible de s’appuyer sur les crédits alloués par l’État à l’apprentissage en 2025. Une réflexion doit être menée à ce sujet ; elle sera intéressante.
M. Valéry Michel. Notre position est alignée avec celle de la CFDT concernant les écoles. La moyenne d’âge des agents titulaires du ministère des armées est de 49 ans. C’est six ans de plus que la moyenne d’âge des agents de la fonction publique de l’État. Pour les métiers techniques du ministère de la défense, notamment, il faut en revenir aux écoles de formation technique développées dans les années 1960, à l’époque où, pour garantir sa souveraineté, l’État avait lancé de grands programmes, notamment de dissuasion, en créant, à côté du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), la DGA, la direction générale de l’armement.
Le recrutement est une question centrale, mais insuffisamment débattue au sein du ministère. Ce sont essentiellement d’anciens militaires qui sont recrutés, ce qui explique que de nombreux agents sont recrutés alors qu’ils ont entre 47 et 49 ans. Nous n’y sommes pas opposés, mais nous nous interrogeons sur l’attractivité du ministère pour les jeunes titulaires d’un CAP (certificat d’aptitude professionnelle), d’un BEP (brevet d’études professionnelles), d’un bac pro, d’un BTS (brevet de technicien supérieur), d’une licence, d’un master ou d’un doctorat, ou diplômés d’un IUT (institut universitaire de technologie). Cette jeunesse ne s’oriente pas vers la défense, alors que nous avons de nombreux métiers à leur proposer. Il faudrait abaisser l’âge moyen des agents et permettre l’arrivée de nouvelles compétences, d’un nouveau regard. C’est tout l’intérêt de diversifier les écoles de formations, telles que celle de Bourges. En outre, les bonnes formations proposées dans les écoles militaires doivent être ouvertes aux personnels civils.
M. Laurent Tintignac. Oui, monsieur Gonzalez, vous avez raison sur le principe. La France a perdu une grande part de ses capacités industrielles au cours des trente dernières années, à cause d’externalisations à outrance, menées au nom des dividendes de la paix.
Les efforts en matière de MCO s’inscrivent dans la même logique. L’État a perdu beaucoup de compétences ; le ministère des armées a par exemple perdu les compétences nécessaires à l’entretien des radars au sol, alors qu’elles sont stratégiques.
J’ai déjà donné un autre exemple, celui de la flotte de quatre Hercules C-130, qui est basée en France et sert principalement aux forces spéciales pour assurer leurs missions dans des conditions de sécurité optimales. À vrai dire, nous attendions un peu de stabilité de votre côté, pour vous envoyer à chacun un dossier technique vous permettant d’appuyer notre demande concernant cette flotte auprès de la ministre et des autres autorités. Il est scandaleux qu’un site industriel appartenant au ministère des armées ne puisse accueillir cette flotte étatique.
Du fait de la répartition des effectifs du ministère – 210 000 militaires pour 65 000 personnels civils –, le plan « famille » bénéficie d’abord aux militaires, quand bien même les personnels civils n’en sont pas exclus. Les indemnités sont désormais plus lisibles pour les personnels militaires – je pense notamment à la prime de compétences spécifiques des militaires ou à l’indemnité de garnison –, ce qui facilite la compréhension des bénéfices de ce plan. Lancé par Florence Parly, il a récemment permis de mettre en exergue la situation compliquée en matière de logement des personnels civils. Le ministère des armées est le seul ministère de la République à disposer à la fois d’un parc domanial – qui représente 25 % des logements – et d’un parc baillé ou conventionné – pour 75 % des logements. Même si l’idée semble avoir été mise en sommeil, le ministère envisageait de réserver le parc domanial au personnel militaire et d’en sortir les personnels civils, qui auraient eu entre douze et dix-huit mois pour quitter leur logement. Nous avons réussi à porter le délai à six ans pour tout le monde, mais ce cas montre que les personnels civils sont déconsidérés dans le plan « famille », par rapport aux militaires. Comme l’a rappelé M. Corbel, il faudrait que, des deux côtés de la table, militaires et civils comprennent qu’ils appartiennent à une même communauté de défense – pour nous, cette notion ne fait pas débat.
M. Didier Lenfant. La CFTC Défense est favorable au développement des écoles et au renforcement de leurs missions. Dans le passé, nous disposions d’une structure de formation pour attirer les jeunes, leur permettre d’atteindre le niveau d’exigence nécessaire aux métiers spécifiques de la défense, et les fidéliser. Nous ne parvenons pas à reproduire cette mécanique, par manque d’attractivité auprès des jeunes générations – à part pour certains métiers très spécifiques, souvent dans des parcours courts, qui permettent de rebondir dans la suite de la carrière. Une vraie réflexion doit donc être menée sur les écoles. Si les industriels eux-mêmes ont réinternalisé les formations, c’est parce que la démarche est utile.
Le problème n’est pas tant que les militaires soient plus nombreux que les civils, mais que, au prorata de leurs effectifs, les civils bénéficient moins que les militaires des mesures du plan « famille ». On aimerait que les bénéfices soient au moins répartis en proportion des effectifs. La communication est sûrement insuffisante. Le package social mériterait d’être amélioré. Le plan « famille » pourrait ainsi redonner de l’attractivité à nos métiers.
M. Thomas Gassilloud (EPR). Nous avons conscience de l’importance des civils de la défense pour le bon fonctionnement du ministère des armées et donc pour la défense nationale. Avec plus de 60 000 civils de la défense, le ministère des armées est l’un des principaux employeurs civils. Certains de ces personnels sont également engagés en tant que militaires de réserve.
Vous avez évoqué le rapport publié cet été par la Cour des comptes concernant les ouvriers de l’État, qu’elle a dans son collimateur depuis une quinzaine d’années. En 2012 déjà, elle estimait que ce statut était trop avantageux et utilisé de manière excessive. Elle proposait même de le supprimer. En 2021, elle est revenue à la charge, qualifiant le statut de « coûteux » et soulignant un taux d’absentéisme « élevé ». Le nombre d’ouvriers de l’État a d’ailleurs quasiment diminué d’un tiers entre 2019 et 2023. Pouvez-vous nous expliquer de manière pédagogique ce qui fait l’importance de ce statut ?
La logique d’économie de guerre a été lancée il y a plus de trois ans désormais. Comment s’est passé le dialogue social pour la montée en cadence des productions, notamment dans le cadre de la BITD ? Pour ma part, j’estime qu’il faudrait également imaginer ce que pourrait être une remontée en puissance plus brutale de nos capacités de production, en cas d’engagement majeur. Le cadre juridique actuel vous semble-t-il adapté à une telle évolution, ou faudra-t-il prévoir un régime dérogatoire ?
Enfin, pourriez-vous dresser un bilan de l’évolution de l’apprentissage au sein des personnels civils du ministère des armées ?
M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Le groupe LFI déplore les conditions dans lesquelles cette audition est organisée. Nous, députés, n’avons eu connaissance des annexes budgétaires au projet de loi de finances pour 2026 qu’hier soir. Nous n’avons donc pas eu le temps d’examiner le détail des mesures budgétaires prévues par le gouvernement. Nos interlocuteurs sont, j’imagine, dans la même situation que nous. C’est absurde. Une telle audition ne prendrait tout son sens qu’après nous avoir laissé le temps d’étudier les documents budgétaires et d’entendre le ministre concerné.
Cela étant dit, je remercie les représentants syndicaux d’avoir quand même accepté de dialoguer avec nous. Les fonctionnaires civils du ministère des armées sont des fonctionnaires comme les autres et à ce titre, ils ont eu à subir huit années d’austérité, de maltraitance sociale, sous les différents gouvernements macronistes.
La France insoumise est attachée à un service public de la défense protecteur de ses salariés et au service du bien commun. Nous nous efforcerons donc, tout au long du débat budgétaire, de proposer des amendements fidèles à cet idéal. Si les personnels civils ne sont pas assujettis aux contraintes des militaires, ils n’en restent pas moins essentiels au fonctionnement du ministère des armées, par exemple pour le maintien en condition opérationnelle. Il est donc absurde de fragiliser l’attractivité de ces métiers et les conditions de travail, comme l’ont fait les gouvernements successifs. Il est également dangereux de recourir trop fréquemment à des contractuels pour ces missions stratégiques.
Observe-t-on une contractualisation des missions des fonctionnaires civils de la défense ces dernières années ? Certains services sont-ils plus touchés que d’autres ?
De nombreux emplois de catégorie C verront bientôt leur salaire rattrapé par le smic, à cause de la sous-indexation récurrente du point d’indice. Le ministère vous a-t-il fait des propositions concrètes pour enrayer cette dynamique ?
M. le président Jean-Michel Jacques. Cher collègue, nous sommes tous soumis aux contraintes du calendrier budgétaire.
M. Albert Corbel. Si nous revendiquons le maintien du statut – ou quasi-statut – des ouvriers de l’État, c’est pour leur capacité à remplir les missions techniques et industrielles dans les métiers en tension du ministère, grâce à leur formation. Ce statut reste a priori attractif, par rapport aux emplois dans les autres industries du secteur de la défense. Certains nuanceront peut-être ce propos, au vu de l’évolution des crédits consacrés aux mesures catégorielles, au titre 2 du budget du ministère. De fait, aujourd’hui, quand une personne a le choix entre le ministère des armées et l’industrie privée de défense, elle choisit souvent le privé – mais je veux rester prudent en disant cela ; l’industrie privée a également besoin de recruter. Le statut d’ouvrier de l’État devrait en tout cas être conservé et même amélioré, afin de concrétiser la volonté, exprimée par différents ministres, de rendre le ministère des armées attractif.
Il y a un peu plus d’un an, vous nous aviez auditionnés dans le cadre d’un cycle consacré à la défense globale. À la question de savoir si, au vu de l’intensification des activités de défense, la création d’un cadre dérogatoire serait souhaitable, je vous avais répondu que la France « n’est pas en guerre » – nous espérons qu’elle ne le sera jamais. Pour nous, organisations syndicales, rien ne justifie actuellement de déroger au code du travail. Nous jouerons par ailleurs notre rôle de relais d’opinion, si l’intensification de la production est nécessaire et s’il faut fournir un effort plus considérable.
La question est surtout budgétaire : il faut donner au ministère des armées et aux entreprises du secteur industriel de la défense les moyens de recruter du personnel dans des conditions favorables.
La politique d’apprentissage du ministère subit les aléas budgétaires – elle est en général présentée comme une variable d’ajustement. Nous ne connaissons pas encore les mesures catégorielles prévues dans le projet de loi de finances pour 2026, y compris pour l’apprentissage, car nous venons de recevoir ce document. Pour tout vous dire, je ne l’ai pas encore consulté.
Mme Isabelle Lavigne (FEAE-CFDT). Depuis l’adoption de la loi de transformation de la fonction publique, nous observons une augmentation du nombre d’agents sous contrat au ministère des armées. Cette évolution est bienvenue pour certains métiers très pointus et spécifiques, pour lesquels le statut de fonctionnaire n’est pas forcément le plus adapté.
Il en résulte toutefois des effets de bord. Il est désormais plus rapide pour les employeurs de recruter un contractuel qu’un fonctionnaire. Certains employeurs se tournent donc plus facilement vers ce mode de recrutement, ce qui augmente le turnover et accroît le risque de perte de compétences dans certains services, y compris dans des secteurs structurants. Par exemple, les gestionnaires payeurs ont récemment été confrontés à une situation de tension telle qu’ils se sont collectivement trouvés en situation de risque psycho‑social.
La sous-indexation du point d’indice rapproche certains salaires du smic. Le ministère a essayé de faire des efforts, en saupoudrant des primes, afin d’éteindre les incendies, quand la concurrence avec le secteur privé ou les autres ministères était trop défavorable. Mais cela ne concerne que certains métiers et les parts indemnitaires ne sont pas prises en compte dans le calcul de la retraite.
Les tickets mobilité, créés afin de dynamiser les carrières des agents, fragilisent leur montée en compétences à long terme. Par exemple, les ingénieurs moteurs du SIAé ont besoin d’au moins dix ans d’expérience pour être pleinement opérationnels. Ils ne bénéficient donc pas de ces mécanismes et se tournent vers d’autres employeurs, notamment dans le secteur privé.
M. Valéry Michel. Monsieur Lahmar, je me suis exprimé tout à l’heure concernant les agents de catégorie C et les agents contractuels – ceux-ci sont en majorité employés dans le cadre de CDD et précaires. Il leur faut un plan Sauvadet 2, c’est-à-dire un plan de titularisation. Leur situation affecte le modèle RH du ministère. En outre, le salaire des catégories C est en train d’être rattrapé par le smic. Les agents publics se paupérisent.
Monsieur Gassilloud, notre fédération n’est pas fermée au dialogue social concernant les dérogations, au vu de la situation, mais nous restons attentifs à la réglementation et aux statuts. Sur un claquement de doigts, le ministère a dépêché trois ou quatre assistantes sociales dans un A400M à destination de Mayotte, après le passage du cyclone Chido. Sur un claquement de doigts, il envoie des personnels civils dans un autre pays européen pour aider au maintien opérationnel d’aéronefs. À la demande du service du commissariat des armées, des cuisiniers partent vivre quinze jours dans des conditions quasi militaires au camp de La Courtine, dans le cadre d’un exercice interallié. Bref, les dérogations existent déjà.
Notre organisation syndicale est favorable à ouvrir la discussion et à mettre le sujet sur la table – même si, comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, le ministère de la défense a perdu sa capacité de négociation. Nous sommes convaincus que le personnel civil, très attaché à sa mission de service public, saura répondre aux besoins, au profit des forces.
L’apprentissage est un vaste débat. De mémoire, seuls 7 % de nos apprentis restent au sein du ministère de la défense après leur formation ; les autres partent soit parce qu’ils poursuivent leur parcours académique, soit en raison de la complexité pour intégrer le ministère. Il y a aussi une question de tempo : on observe un décalage – de six mois ou plus – entre les dates des concours et la fin des contrats d’apprentissage, ce qui explique le départ des jeunes vers d’autres sphères. Des améliorations ont été obtenues, je tiens à le souligner, notamment pour les ouvriers de l’État : l’essai d’embauche se fait désormais à la date du recrutement, sans attendre l’obtention du diplôme – cette flexibilité et cette gestion plus intelligente des situations ont permis de garder les apprentis au sein du ministère.
Néanmoins, ce faible taux de fidélisation des apprentis doit nous conduire à nous interroger. Les jeunes nous disent ne pas vouloir poursuivre une carrière de personnel civil, en raison de la complexité de la gestion des ressources humaines au sein du ministère : en deux ans d’apprentissage, ils ont connu des problèmes de rémunération, de trop-perçu, une insuffisance de suivi de la part de la DRH faute de compétences en la matière, etc. En définitive, ils ont perdu toute confiance dans le ministère. Pourtant, il est essentiel de recruter des jeunes au sein des armées et l’apprentissage est, à ce titre, un bon vecteur d’attractivité et de fidélisation des personnels. Nous espérons que les annonces faites dans le cadre du PLF pour 2026 permettront de maintenir ces enjeux.
M. Mohamed-Ali Anfif (FO Défense). Historiquement, les ouvriers de l’État étaient très ancrés au ministère de la défense et représentaient le plus gros des effectifs civils : il y a trente-cinq ans, ils étaient encore 80 000 sur 120 000 personnels civils ; depuis 2019, leur nombre a chuté de 34 %. Ils exercent des métiers très spécifiques, qui nécessitent une expertise pointue : le MCO, bien sûr, mais aussi des postes techniques à la DGA, liés à la dissuasion.
La Cour des comptes n’a de cesse d’attaquer ce statut, compte tenu de l’importance de la masse salariale. Cependant, ce corps doit être préservé, ne serait-ce que parce qu’il répond à une demande des employeurs, qui peuvent ainsi recruter en interne : le chef d’un établissement de maintenance de l’armée de terre ou de l’armée de l’air, du SIAé ou de la DGA ayant un besoin dans un métier spécifique publie une fiche de poste et peut recruter un agent, dans le cadre d’un contrat lié à l’établissement – ce n’est pas anodin, car cela lui confère une forme de fidélisation et nous savons combien l’attractivité et la fidélisation sont importantes.
Ensuite, le chef d’établissement a la possibilité de suivre l’évolution de carrière de l’agent de bout en bout, non seulement sur le plan du salaire et du parcours, mais aussi en matière de formation professionnelle. Actuellement, de nombreux ouvriers de l’État démissionnent, tout juste formés dans nos établissements spécifiques, pour rejoindre le privé. C’est pourquoi, face aux difficultés d’attractivité du ministère et à la perte des compétences, il est primordial de maintenir ce corps, de faire cesser les attaques à son encontre et de donner une meilleure visibilité aux chefs d’établissement et au ministère qui en ont bien besoin dans le contexte actuel et pour répondre aux enjeux de demain.
M. Laurent Tintignac. Les rapports récurrents de la Cour des comptes semblent s’appuyer sur une réalité qui date d’au moins vingt ou trente ans, sans prendre en compte la restructuration ni les réformes engagées concernant cette population. Celle-ci se concentre autour de vingt et un métiers qui représentent l’essentiel des métiers stratégiques du ministère – MCO aéronautique et terrestre, entretien et entreposage des capacités munitionnaires, etc. D’ailleurs, les industriels qui sont en concurrence avec les établissements du ministère des armées ne s’y trompent pas et proposent à ces agents des rémunérations davantage en adéquation avec leurs compétences – à tel point que nombre d’établissements du ministère voient leurs compétences ouvrières captées par l’industrie, pour quelques centaines d’euros supplémentaires par mois. Il est donc essentiel de maintenir ce corps et seul le statut d’ouvrier de l’État permettra de répondre à ce problème de concurrence avec le privé.
M. Lahmar a évoqué le service public de la défense ; nous préférons parler de service public de la sécurité. Il est souvent question en France du service public de la santé ou de l’éducation ; les militaires, et les personnels civils qui leur viennent en soutien, participent aussi au grand service public de la sécurité des citoyens. Vivre dans un pays en paix n’a pas de prix, même si le budget des armées représente un coût important.
Vous avez également évoqué le recours aux agents contractuels. Le plan de recrutement du ministère des armées prévoit une proportion de plus de 50 % d’agents sous contrat – nous préférons cette appellation à celles d’agents contractuels ou d’agents non titulaires. L’année dernière, sur 5 100 recrutements opérés, 55 % étaient des contractuels. Cela s’explique par une facilité de gestion et de recrutement et la disponibilité immédiate des contractuels – la situation résulte, en réalité, de la lourdeur des procédures de recrutement des agents titulaires, puisque deux années sont parfois nécessaires entre l’expression d’un besoin par l’employeur et l’arrivée effective d’un agent sur le poste. Ne nous cachons pas non plus derrière notre petit doigt : le ministère peut proposer aux agents contractuels des rémunérations semblables à celles pratiquées par le secteur privé à compétences égales, alors qu’il ne peut pas le faire pour les agents titulaires, en raison des grilles indiciaires et de la politique de rémunération publique.
Vous avez également évoqué les emplois de catégorie C, qui représentent environ 10 000 agents sur les 60 000 personnels civils. Rappelons que, dans la fonction publique en général, 46 % des agents relèvent de cette catégorie et qu’il s’agit d’une population majoritairement féminine. Vous avez dit que leur rémunération est proche du smic ; c’est faux, elle est déjà au smic – telle est la réalité des grilles indiciaires. Il existe un dispositif, le minimum garanti de la fonction publique, qui permet, à chaque fois que le smic est revalorisé sur la base de l’inflation, que les agents de catégorie C ne perçoivent pas des rémunérations inférieures au smic – pour l’heure, le premier échelon des agents de la catégorie C commence à 1 euro au-dessus du smic.
M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Les personnels civils ont une place décisive dans le soutien aux forces et dans leur capacité à répondre aux besoins de la nation.
Qu’en est-il du décrochage du pouvoir d’achat par rapport à l’inflation ? Des efforts ont été consentis pour certains profils – je pense aux primes accordées dans le secteur du numérique –, mais la question des agents relevant de la catégorie C est primordiale. Disposez‑vous de données permettant de mesurer l’évolution de leur pouvoir d’achat ?
La garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa) a été supprimée récemment. Compte tenu de la pyramide des âges des personnels civils, cette décision suscite des inquiétudes, notamment pour le pouvoir d’achat des personnes en fin de carrière qui n’ont pas forcément de perspectives d’évolution.
Les systèmes informatiques, vous m’avez évoqué, connaissent des dysfonctionnements – nous gardons en mémoire les turbulences provoquées au sein des armées par le logiciel Louvois. Qu’en est-il exactement ?
Enfin, nous devrons rester très vigilants en matière d’externalisation si nous voulons garder nos capacités et nos compétences en interne.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). En effet, le personnel civil de la défense joue un rôle essentiel dans un contexte géopolitique et national difficile.
Le recrutement de civils doit répondre à des besoins dans des métiers spécialisés, aux compétences rares – métiers du numérique, du cyber, du nucléaire, soudeurs, etc. –, avec des conditions de travail et de rémunération adaptées.
L’externalisation affaiblit les conditions de travail des personnels en France, sans pour autant permettre une meilleure maîtrise des coûts. Il faut également développer l’internalisation du MCO. Par ailleurs, dans le domaine de la défense, il faut rester vigilant quant à l’externalisation de métiers liés à la sécurité intérieure et extérieure du pays, qui sont stratégiques.
Vous avez évoqué la paupérisation des catégories B et C, et le déclassement continu des cadres civils du ministère des armées. Vous avez également présenté vos propositions de revalorisation, ainsi que les enjeux de qualité de vie au travail et de santé des personnels ‑ j’insiste sur ce point –, auxquels le parcours de carrière et l’évolution professionnelle permettront de répondre.
Enfin, je voudrais mettre en avant l’enjeu de la transition écologique, de la politique environnementale et de la gestion des risques, en lien avec les changements climatiques, aux niveaux national, européen et international. Le recul du financement de ces politiques est un indicateur inquiétant de la prise en compte de la réalité des faits scientifiques, notamment du rôle du ministère des armées sur ces sujets.
Nous avons formulé plusieurs propositions de mesures fiscales, qui visent à abonder le financement et à soutenir votre action en matière de protection des droits des salariés : retour de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune), recentrage du crédit d’impôt recherche sur les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME).
Mme Mereana Reid Arbelot (GDR). Vos interventions en tant que représentants des personnels civils du ministère des armées sont précieuses pour nous éclairer sur une réalité que les chiffres budgétaires seuls ne peuvent traduire. Les dernières prises de parole publiques laissent entrevoir une priorité accordée aux moyens matériels, technologiques et opérationnels, au détriment des moyens humains. Vous êtes les grands oubliés des priorités politiques.
Je pensais axer mes questions sur la formation, notamment initiale, mais ce thème a déjà été largement abordé. Existe-t-il outre-mer des établissements ou des antennes locales de formation, qui favoriseraient le recrutement de proximité et permettraient de valoriser les compétences locales ?
J’aimerais également connaître les modalités d’accompagnement en formation continue des personnels civils de défense, pour une évolution de carrière. Cet axe est-il préconisé par le ministère et, dans l’affirmative, ces modalités sont-elles identiques dans les territoires ultramarins à celles observées dans l’Hexagone ?
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je suis heureuse de vous retrouver après nos nombreux échanges passés, notamment avec Florence Parly que j’ai eu l’honneur d’accompagner dans ses missions.
Permettez-moi de revenir sur le sentiment selon lequel les personnels civils viendraient en opposition aux militaires. Il faut combattre cette idée tant l’engagement des civils de la défense est primordial – je tiens à le saluer – et complémentaire de celui des militaires. Leurs sujétions sont fortes et je ne crois pas qu’un seul civil ait jamais fait défaut vis-à-vis de cet engagement. Ils font partie intégrante de la communauté de défense et c’est à ce titre qu’il faut considérer leur carrière.
Je suis bien sûr favorable à une formation commune avec les militaires dans des domaines très technologiques : cela permettrait aussi de souder les équipes et de favoriser une meilleure connaissance entre les deux communautés.
Je suis également favorable à une plus grande prise en compte des personnels civils dans le plan « famille », que j’ai eu l’honneur de défendre pendant quelques années : cela permettrait une meilleure intégration dans la communauté de défense.
Comment mieux faire connaître la diversité des métiers que vous représentez et fidéliser les personnels civils, grâce à des évolutions de carrière ? C’est sans doute en renforçant l’accès à la formation continue et en rendant possible ces évolutions qu’on permettra aux agents concernés de se sentir mieux au sein de la communauté de défense.
M. Albert Corbel. Le décrochage en matière de pouvoir d’achat des agents de la fonction publique en général – et non pas seulement des agents du ministère des armées – est incontestable, du fait de la non-majoration de la valeur du point d’indice – toutes les études le démontrent. La CFDT Fonctions publiques mène en permanence des négociations avec le ministère de la fonction publique et défend des exigences salariales en vue d’augmenter le pouvoir d’achat.
Toutefois, cela ne règle pas le problème des employés de la catégorie C – dont une majorité de femmes –, qui sont honteusement sous-payés dans la fonction publique. Parmi eux, ceux qui vivent dans des grandes métropoles ou des régions telles que l’Île-de-France sont encore plus paupérisés, en raison du coût du logement et des transports. Cela m’amène à rebondir sur le sujet de l’organisation du travail, même s’il n’est pas directement lié au pouvoir d’achat : pour la CFDT – et je suis sûr que les autres organisations syndicales partagent ce point de vue –, le télétravail doit être maintenu et favorisé autant que possible : outre des gains en matière d’espace de travail et de coûts immobiliers pour le ministère, il permet aux agents d’acheter un logement moins onéreux dans une zone plus éloignée, tout en leur évitant une perte de temps dans les transports.
Le pouvoir d’achat, qui constitue la préoccupation majeure des Français, ne doit donc pas être abordé sous le seul prisme du salaire ; d’autres leviers sont possibles pour l’augmenter – je viens d’en citer un. La Gipa, récemment abandonnée à la suite d’une décision gouvernementale, permettait de compenser la perte de pouvoir d’achat. Nous nous sommes bien sûr révoltés contre cette décision, mais elle est désormais entérinée. Nous essaierons de négocier la création d’un nouvel outil de maintien du pouvoir d’achat pour les agents qui, pour diverses raisons, sont bloqués à un indice sommital de leur carrière pendant plus de quatre ans – durée à partir de laquelle était versée la Gipa –, afin d’éviter un décrochage supplémentaire.
Les systèmes d’information du ministère des armées, en particulier dans le domaine des ressources humaines, sont à bout de souffle et pas interconnectés, ce qui pose de sérieux problèmes tant pour les usagers que pour les gestionnaires, confrontés aux plaintes des premiers. Le ministère cherche à améliorer la situation et réfléchit à des systèmes d’information RH regroupant l’ensemble des données ; cela doit se faire rapidement, car la situation est dramatique. Pour cela, il faut que le budget le permette et vous aurez peut-être la possibilité d’intervenir en ce sens.
Nous ne sommes pas hostiles à l’implantation de l’intelligence artificielle dans les process, c’est-à-dire dans l’accompagnement et l’aide à l’activité professionnelle, sous réserve qu’elle ne se fasse pas au détriment de l’emploi et qu’elle permette d’améliorer la qualité du travail. Nous serons donc très vigilants pour que les personnels soient formés afin d’intervenir dans de nouvelles missions, qui auront davantage de sens. Ce sera ainsi du gagnant-gagnant, puisque le sens de la mission est un facteur de performance. Je tiens à souligner que la CFDT négocie, depuis un peu plus d’un an, un accord-cadre relatif à l’implantation de l’intelligence artificielle au ministère ; les discussions sont actuellement au point mort – je ne comprends pas très bien pourquoi –, mais nous insisterons sur le sujet.
Mme Isabelle Lavigne. Le versement de la Gipa permettait aussi d’évaluer le nombre d’agents qui se trouvaient en situation de décrochage et qui avaient besoin d’un complément financier. Sa suppression nous prive de cette visibilité et ne permet plus de mesurer l’étendue du décrochage, qui aura forcément un impact au cours des prochaines années – nous sommes potentiellement en train d’accumuler une dette sociale.
M. Albert Corbel. Permettez-moi de répondre à votre question sur le recul des financements de la transition écologique. Une transition écologique juste figure au cœur des préoccupations de la CFDT, en particulier de la CFDT Défense, dans le cadre de l’activité du ministère des armées et des entreprises du secteur de la défense. Tous les ministères ont dû développer un plan Environnement. Vous pouvez compter sur les interventions des militants et des élus de la CFDT Défense dans le cadre des instances de dialogue formel et informel pour inciter à une meilleure prise en compte de l’environnement dans les missions du ministère des armées, de l’entraînement des forces et de la conception des équipements de défense. C’est l’un de nos soucis majeurs. Nous avons bien conscience que la biodiversité et la survie du vivant – je ne parle pas de la planète qui, elle, survivra à tout – sont menacées et qu’il faut rester attentif sur ce plan.
Quant au plan « famille », il est en théorie ouvert aux civils, mais il y a des avantages dont ils ne peuvent bénéficier pour des raisons structurelles.
Si nos propos ont pu laisser penser que nous opposions les populations au sein de la communauté de défense, soyez assurés que ce n’est pas notre volonté, bien au contraire : tous les personnels, qu’ils portent l’uniforme ou non, font partie d’une même communauté et travaillent ensemble à une défense efficace des intérêts de la France et de la population française, voire plus largement dans le cadre de la participation à l’Otan ou à l’Union européenne. Voilà la ligne que nous défendons. L’intendance suivra, disait le général de Gaulle ; c’est un homme que j’admire beaucoup mais sur ce point, nous ne sommes pas d’accord. Aujourd’hui, l’intendance ne peut plus suivre, car elle n’existe plus. Il n’y a plus de distinction entre intendance, soutien et opérationnel : il n’y a plus que de l’opérationnel, au sein duquel on agit en tant que soutien.
Mme Isabelle Lavigne. Le ministère est fortement mobilisé en faveur de la formation continue, notamment à travers un service dédié, assez important – j’en profite pour saluer son action. Les limites viennent peut-être plutôt du processus d’appel d’offres, de la capacité à passer les marchés pour couvrir les besoins de formation et à recevoir des réponses, car en interne, tout est fait pour permettre aux agents de se former. Nous avons d’ailleurs plutôt un bon taux de formation, puisqu’un agent sur deux bénéficie d’une formation au cours de l’année.
M. Valéry Michel. En effet, nous n’opposons pas les personnels civils et militaires. J’ai parlé des difficultés à recruter des jeunes, mais il se trouve qu’une bonne partie des personnels civils sont d’anciens militaires, qui continuent, en tant que civils, d’apporter à cette institution qu’ils connaissent bien leurs compétences et leur expérience. Les personnels civils connaissent donc très bien leurs missions. Mais il se trouve qu’ils sont chargés de l’intendance, qui s’est largement dégradée. Comme vous le savez, les choix budgétaires conduisent à prioriser systématiquement l’opérationnel au détriment du soutien aux forces, et donc des 64 000 personnels civils. C’est notre rôle, en tant que représentants du personnel, de les défendre. Nous sommes fiers d’eux, de leur mission et de leur travail, et fiers de ce que l’on fait pour eux.
S’agissant de la transition écologique, les bonnes intentions du début et le bel élan d’il y a trois ans se sont essoufflés : nous avions des réunions, de vraies ambitions, mais depuis un an, il ne se passe plus rien, au moins en matière de dialogue social ‑ l’encéphalogramme est plat.
Je ne reviens pas sur la Gipa et la situation des agents de catégorie C, déjà largement débattues, mais je voudrais dire un mot de la qualité de vie et des conditions de travail, sujet très important pour notre organisation syndicale. La rémunération est évidemment centrale, mais elle ne fait pas tout en termes de conditions de travail. Au-delà du rôle des ressources humaines, on ne parle pas suffisamment de la perte de la médecine de prévention, qui touche notre ministère comme l’ensemble de la fonction publique. Or, compte tenu de la conjoncture et de l’ensemble des problématiques que nous avons évoquées, de plus en plus d’agents souffrent de difficultés de santé et d’un certain mal-être pouvant aller jusqu’au burn-out ‑ même s’il faut être très prudent avec ce terme. Dans ces conditions, l’absence de médecine de prévention se fait beaucoup sentir. Je ne veux pas être passéiste, mais à une époque, la prévention était une chose que nous savions faire. Aujourd’hui, les plans de prévention ont été abandonnés. À nos yeux, il est pourtant important de répondre à l’exigence des personnels civils en matière de prévention et de pouvoir identifier les causes du mal-être au travail.
M. Laurent Tintignac. S’agissant des rémunérations publiques, il y a un chiffre aisé à retenir : depuis 2000, l’inflation a augmenté de 22 %, quand la rémunération des agents publics – ceux du ministère des armées comme l’ensemble des agents de la fonction publique d’État, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière – n’a progressé que de 6 %. Le cœur du problème concerne les agents de catégorie C, qui sont les moins bien rémunérés. Mais entendons-nous bien : nous ne pourrons régler leur situation qu’en nous attaquant, plus largement, au problème des grilles indiciaires, car toute révision de la seule grille de la catégorie C entraînerait mécaniquement des conséquences sur celle de la catégorie B, et ainsi de suite. Nous demandons donc une révision générale des grilles de la fonction publique.
S’agissant des systèmes d’information défaillants, j’ai au moins un exemple en tête. Dans le cadre des négociations avec la DRH du ministère des armées sur la révision de l’accord-cadre en matière d’aménagement et de réduction du temps de travail, les représentants des personnels et l’administration ont recensé pas moins de trente-cinq systèmes de gestion du temps de travail différents pour les seuls personnels civils. Cela vous donne une idée de la dispersion et de la complexité du sujet. L’idéal serait de n’en avoir plus qu’un ; si nous descendons à trois ou quatre, ce sera déjà pas mal.
Je ne suis pas un expert de la transition écologique, mais le ministère me semble plutôt exemplaire en la matière. Malgré des fonctions et des emprises variées, il s’attache à limiter son empreinte sur tous ses sites, en métropole comme en outre-mer. Nous avons des chargés de prévention et des chargés d’environnement. Si vous avez l’occasion de vous rendre au camp d’entraînement de La Courtine ou à celui de Carpiagne, près de Marseille, vous verrez combien le ministère est soucieux de préserver les écosystèmes, la nature et l’environnement. La gestion des déchets, notamment dans le domaine munitionnaire, lui importe beaucoup. Il est également engagé en faveur de la prévention des risques et cherche en permanence des produits de substitution pour les substances les plus dangereuses utilisées sur certains matériels des armées.
Il n’y a pas de centre de formation en outre-mer – nous en avons même fermé en métropole. En revanche, il y existe un dispositif appelé régiment du service militaire adapté ‑ RSMA – qui, bien que relevant du ministère des outre-mer, est piloté, animé et commandé par des personnels civils et militaires du ministère des armées. Le RSMA conduit avec attachement, compétence et conviction une mission remarquable de formation et d’acculturation des jeunes à la discipline, au savoir-vivre et au vivre ensemble. En toute objectivité, cette mission, que j’ai eu l’occasion de visiter il y a quelques semaines, est magique : voir ces jeunes partis de zéro devenir, grâce à la formation du ministère des armées, des hommes et des femmes capables de vivre ensemble et de comprendre le sens de la vie, c’est vraiment formidable, d’autant que le RSMA s’attache à les former aux métiers dont leur territoire a besoin – le but n’est pas de les en extraire.
M. Didier Lenfant. Le problème des SIRH tient principalement à leur multiplicité. Tout à notre envie de nouveauté, de créativité et d’innovation, nous ne regardons pas suffisamment ce qui existe déjà. L’innovation est évidemment souhaitable – et le ministère s’y emploie –, mais en cette matière, il serait préférable de s’en tenir à des solutions plus standardisées. Nous avons tendance à empiler les processus : il faudrait commencer par cartographier les systèmes existants. Notre vision de la simplification reste très théorique : en pratique, les agents font face, au quotidien, à une multiplicité de processus incompréhensibles, complexes, chronophages et inefficaces. Pour trouver l’outil le plus simple et le plus efficace possible, il faut repartir de la base et impliquer les agents qui utilisent ces systèmes au quotidien.
Enfin, la paupérisation des cadres civils est liée notamment à des taux contraints de parcours professionnel. Le point d’indice est, hélas, quasiment gelé depuis de nombreuses années, ce qui entraîne un décrochage des pensions. À carrière équivalente, les agents ‑ notamment les fonctionnaires – partent avec un taux de remplacement de plus en plus faible. Il faudrait donc redynamiser les parcours et décloisonner les changements de corps et de catégorie, car le taux de promotion par rapport au nombre de proposables est de plus en plus faible : sur 100 agents méritants, il y en a peut-être 3 qui vont passer, et les 97 autres attendront très longtemps. Les parcours stagnent, et avec eux la motivation des agents et leurs rémunérations, qui ne sont pas suffisamment compensées par ailleurs.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie pour cette audition très intéressante. C’est toujours un plaisir de vous recevoir et d’échanger avec vous.
III. Examen des crédits
La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Bastien Lachaud, les crédits inscrits au programme 178 « Préparation et emploi des forces » et au programme 212 « Soutien de la politique de défense », pour les dépenses afférentes à la logistique interarmées et aux soutiens de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2026, au cours de sa réunion du mercredi 29 octobre 2025.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La hausse des crédits de la mission défense se poursuit en 2026 avec 66,7 milliards d’euros en crédits de paiement, représentant une augmentation substantielle de 11,3 % par rapport à 2025. Ainsi, le dynamisme des dépenses de défense contraste fortement avec l’austérité mise en œuvre par le gouvernement pour les autres politiques publiques.
L’augmentation pour 2026 se décompose en une marche de 3,2 milliards d’euros, conformément aux prévisions de la LPM, à laquelle le gouvernement a ajouté une surmarche supplémentaire de 3,5 milliards. Je déplore que cet ajustement majeur de la trajectoire de la LPM n’ait pas fait l’objet d’un débat spécifique au Parlement.
Je redoute en outre que cette hausse apparente ne se traduise pas par de nouvelles capacités militaires, mais serve essentiellement à absorber la surchauffe budgétaire du ministère des Armées.
En effet, la mission défense fait face à des rigidités structurelles alarmantes.
Les reports de charges, correspondant aux paiements dus durant l’année courante mais reportés à l’exercice suivant, atteignent 8 milliards d’euros. Ils ont augmenté de 2 milliards depuis 2023. Au-delà des seuls reports de charges, c’est l’ensemble des restes à payer de la mission défense qui connaît une croissance exponentielle. Ces restes à payer, incluant les reports de charges, correspondent aux paiements à venir occasionnés par des engagements déjà réalisés. Ils constituent donc l’essentiel de la contrainte budgétaire pesant sur l’emploi des crédits de paiement appelés à être ouverts dans les années à venir.
Les restes à payer ont considérablement augmenté et représentent aujourd’hui près de 3,4 fois le budget hors T2 de la défense. J’insiste sur ce point : à ce jour, pour apurer l’intégralité des engagements du ministère des Armées, il faudrait décaisser immédiatement l’équivalent de trois ans et cinq mois de dépenses de fonctionnement et d’investissement.
Cette rigidification budgétaire soulève un double enjeu démocratique et stratégique. D’une part, le respect de la souveraineté populaire exige de préserver une capacité d’évolution de la politique de défense en fonction des choix collectifs exprimés par la voie démocratique. La rigidification budgétaire actuelle prive les futurs décideurs de cette marge de manœuvre. D’autre part, se pose un enjeu d’efficacité de la dépense publique. Comment réagir si les orientations actuelles devenaient obsolètes ou si des besoins urgents surgissaient alors que la mission défense ne permettrait plus de soutenir de nouveaux engagements ?
Les représentants du ministère des Armées, notamment le secrétaire général pour l’administration, estiment que le niveau des restes à payer et des reports de charges ne devrait pas susciter d’inquiétude. Le secrétaire général y voit un « découvert autorisé » pour le ministère des Armées qui s’expliquerait par les trajectoires budgétaires de certains programmes du ministère, notamment d’armement. Je laisse au secrétaire général pour l’administration le soin de justifier cette interprétation.
Cette situation me paraît préoccupante. Le ministère des Armées devrait transmettre au Parlement davantage d’informations concernant la trajectoire prévue pour l’inflexion de la courbe des restes à payer afin d’assurer la soutenabilité de la mission défense.
J’en viens maintenant au périmètre de mon avis budgétaire. Concernant les dépenses relatives au programme 178, les crédits du périmètre des soutiens connaissent une hausse. Le PLF 2026 introduit une nouveauté avec la création du Commissariat au numérique de défense (CND) en septembre 2025. Il vise à centraliser l’ensemble des services compétents en matière numérique pour la défense au sein d’une même instance. Je salue cette création, car l’éparpillement des responsabilités en matière numérique avait engendré une organisation en silos inefficace, même s’il conviendra d’évaluer les effets de cette réforme majeure dans la durée. Le premier défi du CND consistera à renforcer les ressources humaines sur la fonction numérique du ministère, en déficit chronique.
Les crédits du programme 212, consacrés aux fonctions transverses du ministère ainsi qu’à l’ensemble des crédits du personnel des Armées, augmentent également pour s’établir à 25,6 milliards en crédits de paiement. Je constate un effort notable sur la politique immobilière avec 116 millions d’euros de hausse en crédits de paiement. Il faut s’en réjouir, tant le logement et l’état des infrastructures constituent un irritant chronique pour les militaires.
Concernant les ressources humaines du ministère, l’embellie constatée en matière de recrutement et de fidélisation en 2024 se poursuit en 2025. Le schéma d’emploi de 2025 sera atteint et le PLF prévoit une progression de 800 équivalents temps plein (ETP) pour 2026. Toutefois, l’objectif de la LPM pour 2030 ne pourra être atteint sans rattrapage du retard accumulé depuis 2023, dépassant aujourd’hui 4 000 postes.
Face à ce constat, je regrette que les cibles d’effectifs inscrites dans la LPM ne soient pas adaptées annuellement pour tenir compte du déficit accumulé par les Armées sur leurs objectifs antérieurs. Or, les Armées bénéficient actuellement d’un contexte favorable en matière d’attractivité et de fidélisation qui pourrait ne pas perdurer en raison de l’évolution démographique. En effet, la baisse de la natalité réduit mécaniquement les classes d’âge susceptibles d’être recrutées dans les années à venir. La conjoncture actuelle constitue donc une fenêtre d’opportunité pour rattraper une partie substantielle du retard accumulé. Le plafonnement annuel engendre des conséquences aberrantes. Ainsi, à la fin 2024, les recrutements ont été interrompus pour ne pas dépasser le schéma d’emploi annuel, alors que de nombreux candidats attendaient de pouvoir intégrer les Armées.
La partie thématique de mon rapport est consacrée au financement des missions sur le flanc est de l’Otan et à l’organisation budgétaire des surcoûts opérationnels. Depuis l’intensification de la guerre en Ukraine en février 2022, la France a considérablement renforcé sa présence et ses actions militaires sur le flanc est de l’Otan. Cette forte sollicitation génère des surcoûts importants, évalués globalement à 460 millions d’euros pour 2024 pour les seules missions opérationnelles. Je souhaite souligner trois points d’attention majeurs sur ce sujet.
Premièrement, la provision annuelle initiale, prévue par l’article 5 de la LPM, est systématiquement dépassée. La hausse de cette provision à 1,2 milliard d’euros pour 2026 manque totalement de clarté et entretient une opacité dommageable au contrôle démocratique des décisions budgétaires. Elle se situe en outre en deçà des surcoûts constatés les années précédentes, qui atteignaient par exemple 1,8 milliard en 2024.
Deuxièmement, un changement d’imputation budgétaire intervient en 2026. À partir de cette année, le mode de gestion des opérations extérieures (Opex) sera étendu aux missions opérationnelles (Missops), permettant aux armées d’imputer directement sur le budget opérationnel de programme (BOP) Opex/missions intérieures (Missint) les dépenses qu’elles estimeront éligibles, sans que les critères d’éligibilité ne soient clairement définis. Cette réforme majeure crée un risque d’opacité et fait peser sur l’ensemble des politiques publiques le coût d’objets budgétaires indéterminés du fait de la clause de financement interministériel.
Troisièmement, l’imputation des surcoûts opérationnels relevant des Missops, missions sur le flanc est de l’Otan, sur le BOP Opex/Missint est illégitime, car l’article 5 de la LPM qui détermine cette provision et la possibilité d’un financement interministériel ne dispose que des « opérations extérieures et des missions intérieures ». Cela alors que le gouvernement se refuse à qualifier juridiquement les Missops ainsi financées comme opérations extérieures.
Surtout, la perspective d’un déploiement de forces françaises en Ukraine dans ce que l’Élysée appelle « la coalition des volontaires » rend plus urgente que jamais la nécessité de rétablir une pratique conforme à l’article 35 de la Constitution.
L’engagement envisagé présente un risque de prise à partie ou de belligérance et constituerait une rupture stratégique majeure pour la France. Un tel déploiement ne saurait relever d’une décision unilatérale de l’exécutif dissimulée sous la qualification administrative de Missops. L’ampleur de l’engagement, les risques encourus par les soldats français, le coût humain et budgétaire potentiel, ainsi que les implications géopolitiques d’une présence militaire française entre la Russie et l’Ukraine, exigent impérativement l’information et l’autorisation préalables du Parlement, conformément à l’esprit de la révision constitutionnelle de 2008 et à la lettre de la Constitution.
Pour conclure, je dois souligner, comme l’année dernière, les difficultés récurrentes du dialogue budgétaire avec le ministère des Armées et le gouvernement. Que dire lorsque je découvre la réforme substantielle de la provision pour les surcoûts opérationnels à la réception du projet annuel de performance, alors même que j’auditionnais le secrétariat général pour l’administration du ministère précisément sur ce sujet le jour même, sans qu’aucune information ni explication spontanées ne me soient transmises ? Cette pratique d’omission s’inscrit dans un contexte plus large de retard systématique. Les réponses aux questionnaires budgétaires ont tardé, tout comme le dépôt du PLF, intervenu le 14 octobre 2025, au mépris des délais prévus par les articles 39 et 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il aura donc fallu un mois au gouvernement Lecornu pour déposer un budget qui, manifestement, reprend la copie du gouvernement précédent.
Cette situation nuit gravement à la qualité du contrôle parlementaire. J’appelle à un changement de pratique et au rétablissement d’un dialogue budgétaire sincère, transparent et respectueux des délais légaux. Je remercie le président de la Commission qui s’est lui-même ému dans un courrier à la ministre de cette situation.
En raison des éléments précités, j’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission défense.
M. Thierry Tesson (RN). En tant que co-rapporteur d’une mission d’information sur la guerre électronique, j’ai constaté que pour ces experts, le problème de fidélisation relève moins d’aspects salariaux que des conditions de vie : qualité des logements, disponibilité des crèches, offres de soins, etc. Quelles seraient les recommandations prioritaires que nous pourrions formuler pour améliorer la fidélisation de ces techniciens de haut niveau ?
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Vous avez évoqué à juste titre les enjeux de respect de la démocratie en termes de contrôle de la trajectoire budgétaire concernant le domaine de la défense. La semaine dernière, lors des auditions budgétaires, vous mentionniez que la fusion des Missops dans le BOP Opex conduisait à un modèle où la LPM finance une armée de casernes, tandis que les opérations extérieures sont systématiquement prises en charge par la solidarité interministérielle. Pouvez-vous préciser votre analyse sur ce point ? Plus largement, que préconisez-vous pour remédier au manquement démocratique que constitue la systématisation du recours au cadre Missops pour l’envoi de troupes à l’étranger ?
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Concernant les conditions de vie des militaires, nous observons depuis de nombreuses années un délitement manifeste que nous tentons de corriger depuis plusieurs LPM. Les 116 millions d’euros alloués en 2026 à la politique immobilière constituent une première réponse face à ce qui représente un véritable fléau. Deux zones géographiques sont particulièrement critiques – Paris et Toulon – où nos militaires peinent à se loger en raison d’une offre totalement insuffisante. Un travail approfondi s’impose sur cette question essentielle.
J’avais porté, il y a quelques années, un amendement sur la rénovation des lieux de restauration qui avait été adopté. Cette initiative a permis de relancer un processus indispensable alors que nous constations la fermeture régulière de restaurants pour cause de conditions d’hygiène totalement indignes.
Cet après-midi, je présenterai un amendement sur le financement des bases de défense visant spécifiquement à résoudre une situation paradoxale : aujourd’hui, les rénovations dont le montant est supérieur à 500 000 euros sont financées et gérées par le service d’infrastructure de la Défense (SID) tandis que celles inférieures relèvent directement des bases de défense. Conséquence directe de ce système : aucune rénovation n’est effectuée entre 200 000 et 500 000 euros – trop coûteuses pour les bases de défense mais insuffisantes pour déclencher l’intervention du SID. Nous sommes face à une situation aberrante où l’on attend que les bâtiments se dégradent suffisamment pour que le coût des rénovations dépasse le seuil des 500 000 euros et puisse ainsi être pris en charge par le SID. Mon amendement vise à remédier à cette situation pour améliorer les conditions de vie de nos militaires.
Sur la question plus large de la fidélisation, nous devons considérer tant les conditions de vie que la question salariale. Des réformes ont été engagées concernant les primes et la grille indiciaire. La grille des officiers doit d’ailleurs être révisée le 15 décembre prochain, mais force est de constater que ces mesures sont d’ores et déjà inadaptées et insuffisantes. Les premiers échelons de la grille des militaires du rang sont d’ores et déjà tassés par la hausse du smic, en raison de la non-indexation du point d’indice de la fonction publique sur ce dernier. Nous assistons ainsi à un nivellement par le bas, problématique que la réforme de la grille indiciaire mise en œuvre il y a trois ans visait à résoudre. Il apparaît donc indispensable aujourd’hui de travailler sur le point d’indice de la fonction publique plutôt que sur des mesures catégorielles, puisque sans indexation sur le smic, nous continuerons à courir après des solutions temporaires.
Concernant le risque d’une armée de caserne, je me trouve quelque peu démuni dans mon rôle de rapporteur. Avant la publication des bleus budgétaires, aucun de mes interlocuteurs n’a évoqué cette situation ni cette nouvelle modalité de gestion. Les auditions postérieures à cette publication n’ont guère été rassurantes, l’ensemble de mes interlocuteurs m’ayant confié ignorer quelles dépenses pourraient être imputées sur ce BOP et quelles Missops seraient concernés – s’agit-il de l’ensemble des Missops ou uniquement de ceux déployés sur le flanc est de l’Otan ? Nous n’avons pas obtenu de réponse claire.
Si nous interprétons strictement le bleu budgétaire, nous pouvons comprendre qu’il s’agit de l’ensemble des Missops, avec une attention particulière à celles du flanc est de l’Otan. La création des opérations stratégiques spécifiques (OSS) semble bien extraire certains exercices du champ des Missops et de leur financement sur le BOP Opex, ce qui renforce l’hypothèse que l’ensemble des Missops non transformées en OSS seraient financées par ce mécanisme. Dans cette configuration, dès qu’une unité française devient opérationnelle, l’ensemble des budgets passerait par ce BOP ouvrant droit à un financement interministériel. Cette situation contrevient manifestement à l’article 5 de la LPM. Nous assistons à un mélange des genres entre Missops et Opex qui trouve ici une concrétisation budgétaire particulièrement préoccupante.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Je souhaite formuler une observation plutôt qu’une question. Nous ne trancherons pas en quelques instants ce sujet récurrent, dont notre collègue Bastien Lachaud est l’ardent promoteur, du rapport Opex/Missops. Je tiens simplement à souligner qu’une question fondamentale sous-tend ce débat : considérons-nous que les opérations menées en Europe avec nos alliés européens et ceux de l’Otan relèvent d’opérations extérieures, de missions extérieures, ou constituent véritablement la défense de notre sécurité commune ? Dès lors que nous estimons que la sécurité de la France commence à se jouer sur le Dniepr ou sur la Vistule, la distinction devient quelque peu artificielle.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Qu’en est-il de l’hébergement au sein des casernes ? Cette question concerne particulièrement l’armée de terre pour laquelle il s’agit d’une obligation. Nous avons engagé, grâce au « plan Famille », un important travail de rénovation qui n’est manifestement pas achevé. Des lignes budgétaires spécifiques permettent-elles d’accélérer ces rénovations ?
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les 116 millions d’euros que j’évoquais concernent effectivement la politique immobilière. Le plan hébergement comprend 149 millions d’euros de crédits de paiement pour l’année 2026 et prévoit la commande de 2 080 places et la livraison de 2 920 places.
Pour répondre à la remarque du ministre Thiériot, je m’en remets aux analyses des constituants de 2008. Le ministre de la Défense de l’époque, Hervé Morin, expliquait que le gouvernement donnait à la notion d’intervention des forces armées, terme employé dans l’article 35, le sens d’un « envoi de militaires constitués en corps à des fins opérationnelles ». Il ne mentionnait pas explicitement le combat, et la distinction entre « fins opérationnelles » et « missions opérationnelles » me paraît particulièrement ténue.
Je pourrais également citer le rapport du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions, le « comité Balladur », à l’origine de la proposition de modification de l’article 35, qui déplorait que « les assemblées assistent sans être appelées à donner leur sentiment, autrement que par le biais de la discussion budgétaire ou de débats très généraux, au déroulement d’opérations militaires qui engagent la réputation de notre pays et parfois son avenir ».
Vous venez vous-même d’affirmer que nos opérations à l’est engagent la défense même de notre nation. J’estime que notre avenir est effectivement en jeu, et les observations du rapport Balladur demeurent malheureusement d’actualité. La manière dont le gouvernement met en œuvre la réforme constitutionnelle de 2008 ne répond pas à la volonté exprimée par les constituants de l’époque, ce que je ne peux que regretter.
M. Yannick Chenevard (EPR). La LPM fixe un objectif final en termes de recrutement, mais les flux varient considérablement d’une année à l’autre. Nous constatons que parfois de nombreuses personnes se présentent aux portes des armées, parfois beaucoup moins. Que pensez-vous d’une approche qui consisterait à définir uniquement un objectif final à atteindre, sans encadrer de manière rigide les objectifs annuels ? Ainsi, lors des années de forte demande de recrutement, nous pourrions ajuster les volumes à la hausse, avec la certitude que l’objectif final serait atteint par l’addition de ces différents volumes annuels.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). La fin du service national universel (SNU) est programmée pour début 2026. Il pourrait être remplacé par un service militaire volontaire. Cette transformation impliquerait des coûts d’encadrement en ETP et d’équipements qui ne figurent pas dans le PLF 2026. Avez-vous identifié et quantifié les coûts qu’engendrerait ce remplacement ?
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je ne peux que souscrire aux propos de notre collègue Chenevard. Nous accusons actuellement un déficit de quatre mille six cents ETP par rapport au plan de marche de la LPM. Mon rapport propose la mise en place d’un dispositif « d’avance-retard » permettant de recruter davantage lorsque les conditions sont favorables afin de compenser les périodes moins propices au recrutement. Ce mécanisme se heurte au principe d’annualité budgétaire mais nous faisons face à une contradiction fondamentale entre une LPM qui planifie sur 7 ans et un budget qui fixe des seuils annuels. Nous devons impérativement travailler à l’instauration de ce dispositif « d’avance-retard », une demande également portée par les différentes directions des ressources humaines de nos armées qui ont besoin de cette souplesse de gestion.
Les années à venir s’annoncent particulièrement difficiles en matière de recrutement. Notre retard sera de plus en plus compliqué à rattraper, même avec une augmentation des postes ouverts dans les prochaines années. Nous assistons à un véritable jeu de dupes : afficher un objectif final sans donner aux armées les moyens de l’atteindre quand elles en ont la possibilité. J’espère que vous soutiendrez les propositions de mon rapport en ce sens.
Le PLF 2026 ne prévoit effectivement aucun crédit spécifique pour le service militaire volontaire issu de la réforme du SNU, ce qui suscite une vive inquiétude. Plusieurs de mes interlocuteurs, notamment au sein de l’armée de terre qui accueillerait l’immense majorité des participants à ce service, expriment leur préoccupation face à l’absence de quantification des coûts. Cette absence découle directement du flou entourant les objectifs en termes d’effectifs. Nous sommes confrontés à un discours politique dépourvu de réalisation concrète, tant en termes d’effectifs que de calendrier.
Les armées nous indiquent qu’elles pourront absorber un effectif relativement faible de quelques milliers de personnes. Au-delà, il faudra concevoir un dispositif ad hoc. La question des ETP n’est pas la seule à se poser. Un service militaire volontaire implique nécessairement un casernement, et donc des infrastructures d’hébergement. Or, les deux mille nouvelles places prévues pour réception en 2026 seraient largement insuffisantes. Nous faisons face à un double problème : celui des ETP et celui des infrastructures. La plupart des casernes qui servaient autrefois au service militaire ont été vendues, détruites ou laissées à l’abandon, ce qui nous renvoie à la dette grise du ministère. La remise en état des casernes dont nous disposons encore entraînerait des frais considérables et ces installations seraient totalement insuffisantes pour répondre aux besoins d’un service militaire volontaire à pleine charge.
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La commission en vient maintenant aux interventions des représentants des groupes politiques.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous poursuivons l’examen pour avis des crédits des missions Sécurités, Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation et Défense.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. José Gonzalez (RN). Dans un monde de plus en plus conflictuel, l’examen du budget de la défense revêt une importance particulière. Notre chère France peut compter sur une armée exceptionnelle pour la défendre et faire respecter ses intérêts. Cet outil militaire, qui fait référence en Europe, repose sur des hommes et des femmes exemplaires, dévoués à leur patrie. Je tiens, au nom du groupe Rassemblement national, à les saluer et à leur témoigner notre plus profond respect.
Respecter nos militaires, c’est d’abord dire la vérité sur une réalité qu’ils connaissent et éprouvent sur le terrain. Certes, nous disposons d’un modèle d’armée complet, notre budget de la défense connaît sur le papier une hausse de 6,5 milliards d’euros, nos armées mènent avec succès des opérations comme Sagittaire, mais ce modèle est fragile. Malgré les surmarches annoncées, la loi de programmation militaire (LPM) est compromise et sa sincérité budgétaire remise en question : 13 milliards de recettes supplémentaires annoncées ne sont toujours pas réellement budgétées, et le secrétariat général pour l’administration (SGA) n’a pu donner aucune précision sur ces recettes miracles. L’inflation ronge le budget à hauteur de 30 milliards d’euros, selon les propres estimations du ministère des armées. Les reports de charges ont explosé avec un doublement en deux ans, passant de 3,8 milliards fin 2022 à plus de 8 milliards, et la surmarche de 3,5 milliards annoncée pour 2026 ne suffit même pas à les combler.
Malgré l’explosion de ces reports de charges, justifiés par une hausse légitime des achats de matériels, l’équipement des armées reste en souffrance et nous ne disposons plus, en tant que parlementaires, des données de maintien en condition opérationnelle (MCO), poste de dépenses traditionnellement coûteux.
Permettez-moi également, en tant que doyen de cette assemblée, de relativiser les accents triomphants du gouvernement quand il annonce des hausses budgétaires inédites ou qu’il disserte sur « l’économie de guerre », une expression fumeuse dans laquelle notre base industrielle et technologique de défense (BITD) ne se retrouve pas. La part du PIB consacrée à la défense était de 6,1 % en 1960, elle est estimée à 2,06 % cette année. Pour un pays qui n’est plus totalement en paix, comme le dit Sébastien Lecornu, il n’y a là rien d’exceptionnel – mais il est vrai que la modestie est une qualité peu développée en Macronie.
À cette situation financière déjà grave s’ajoute le coût de l’idéologie. Je pense aux lubies européistes qui, en dehors de toute logique industrielle, minent nos budgets, mettent à mal notre souveraineté et alimentent les carnets de commandes de la BITD américaine. C’est ainsi que 1,2 milliard d’euros sont budgétés pour le SCAF (système de combat aérien du futur) et 120 millions pour le MGCS (système principal de combat terrestre), c’est-à-dire pour des projets qui n’en finissent pas de mourir et que l’on maintient artificiellement en vie, au nom d’une Europe de la défense qui n’existe pas et que ne permet d’ailleurs aucun traité.
Autre idéologie : celle de l’écologisme débridé qui, dans un monde dangereux, ne voit pas d’autre priorité que d’imposer à nos armées des achats de véhicules électriques ou des plans de préservation de la biodiversité dans les casernes.
Nos armées doivent faire face à des failles capacitaires graves : manque de feu, manque de chars, manque de frégates, manque de Rafale, manque de munitions, manque d’entraînement pour tenir dans un conflit de haute intensité… Or, pour certains, la priorité est à l’écologie ou à l’Europe – Europe qui, avec ses programmes, va dépenser l’argent du contribuable français pour acheter américain, on le voit avec l’Allemagne qui passe commande de F-35.
Les armées ne sont rien sans les hommes et les femmes qui les composent. Là encore, il y a urgence. Pour 2026, les cibles de recrutement sont maintenues, mais c’est surtout à la fidélisation qu’il faut s’intéresser. En 2022, 35 % des primo-contrats étaient dénoncés. Certes, les efforts sont faits, notamment avec le plan Fidélisation 360, qui inclut désormais le plan Famille 2, tous deux en hausse pour 2026. Toutefois, sur un vecteur aussi stratégique que le logement pour assurer la fidélisation, les retards et les difficultés s’accumulent.
Respecter les armées, c’est enfin rétribuer à leur juste valeur ceux qui se sont battus en leur sein. Cette année encore, dans le monde combattant, la question du point de la pension militaire d’invalidité (PMI) cristallise les débats. Nous demandons qu’il soit aligné sur l’inflation, donc revalorisé d’au moins 1 %. Nous tenons également à la préservation de la politique de mémoire pour nos compatriotes juifs, qui font face à un antisémitisme débridé, ainsi que pour les anciens combattants indochinois ou harkis, si injustement maltraités.
Depuis l’adoption de la LPM, les constats que nous avons établis sur le manque de sincérité budgétaire, sur les failles capacitaires ou sur les enjeux liés aux ressources humaines se révèlent malheureusement justes.
Nous continuerons de mener notre combat en faveur d’une défense française solide, cohérente et souveraine. Pour reprendre une formule inscrite sur l’un des murs de la salle de notre commission, la raison d’être d’un État, c’est sa défense. Au Rassemblement national, nous aimons la France et nous voulons la défendre. Nous ne la sacrifierons pas à un délire d’État européen que d’aucuns, de manière plus ou moins assumée, appellent de leurs vœux. Vive nos forces armées et vive la France !
M. Yannick Chenevard (EPR). La situation internationale ne cesse de se dégrader. Les empires sont de retour, le droit international est piétiné : la loi du plus fort s’impose désormais. Depuis 2017, les lois de programmation militaire ont été exécutées à l’euro près. Compte tenu du contexte international, nous ne pouvons relâcher nos efforts. Pour 2026, les crédits de la mission Défense s’élèvent à 57,1 milliards d’euros – 6,7 milliards de plus qu’en 2025, soit une hausse de 13 %. Conformément aux annonces du président de la République, cette progression est supérieure de 3,5 milliards à la trajectoire initialement prévue par la LPM, ce qui représente 24,8 milliards de plus qu’en 2017.
Nous avons cru naïvement que la paix était durable. Si la société a profité des dividendes de la paix, nos armées ont largement réglé la facture. Avec le président Jean‑Michel Jacques et mon collègue Sébastien Saint-Pasteur, nous avons présenté un rapport d’information sur la mise en application de la loi de programmation 2024-2030. « Chacun doit mesurer que la préservation de la paix et de notre liberté dépend plus que jamais des décisions qui seront prises aujourd’hui », avons-nous souligné. Nous nous devons d’accompagner nos armées, et cela se traduit par le respect de la trajectoire de la loi de programmation militaire. Nous réparons, nous consolidons afin que le contrat opérationnel soit rempli.
En 2026, l’augmentation des crédits bénéficiera à l’ensemble des postes, mais ce sont plus particulièrement les matériels qui en profiteront, avec 13,9 milliards de crédits alloués aux investissements sur les équipements, soit une augmentation de 31,8 % par rapport à 2025.
Clé de voûte de notre sécurité nationale, le budget de la dissuasion connaît une augmentation de 7 %. Je rappellerai ici la nécessité de valider le lancement en réalisation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G), tout comme celui du porte-avions de nouvelle génération (PANG), qui doivent tous deux avoir lieu avant la fin de l’année.
Pour préserver le rang et la fiabilité de la France au sein de l’espace euro-atlantique et pour garantir la capacité de nos forces à s’engager, à l’emporter, une actualisation de la programmation militaire sera présentée à l’automne. Cette ambition oriente déjà le projet de loi de finances pour 2026, avec un effort ciblé sur des domaines capacitaires stratégiques : innovation, espace, drones, défense sol-air et munitions. Des investissements significatifs sont prévus au bénéfice de toutes les armées et de tous les milieux de conflictualité.
La mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation voit ses crédits reculer d’environ 6 %. Cette baisse tient d’abord à la diminution tendancielle du nombre d’ayants droit et d’ayants cause. L’enveloppe permet toutefois d’améliorer certains droits ou d’élargir l’éligibilité, lorsque cela est justifié. Le programme 169, doté de 1,66 milliard de crédits, garantit la reconnaissance et la réparation, finance la politique de mémoire et renforce le lien armée-nation. Quant au programme 158, il finance les réparations dues aux orphelins de la déportation et des persécutions antisémites ainsi qu’aux victimes de spoliation et d’actes de barbarie ; ces tâches essentielles seront remplies grâce aux 78,4 millions d’euros alloués en autorisations de programme (AE) et crédits de paiement (CP), une enveloppe dont le léger recul est dû à la décroissance naturelle du nombre de bénéficiaires.
Les crédits alloués à la mission Sécurités augmenteront de 371 millions pour atteindre 17 milliards. Elle concourt aux actions du ministère de l’intérieur et vise à assurer la sécurité de notre nation. Soulignons une nouvelle augmentation des effectifs attendue pour l’année 2026 et prévue par le projet de loi de finances.
Avec ce projet de budget, nous poursuivons les efforts entamés en 2017.
Nos armées ne valent que par celles et ceux qui les servent, et à qui je souhaite rendre hommage.
Mme Anna Pic (SOC). Au premier semestre 2023, lorsque nous examinions le projet de loi de programmation militaire 2024-2030, le groupe Socialistes et apparentés s’inquiétait de la sincérité des éléments budgétaires qui nous étaient présentés. Nous dénoncions un texte financièrement sous-doté au regard des principaux objectifs affichés ‑ maintenir notre modèle d’armée complet pour nous permettre d’être une nation-cadre auprès de nos partenaires européens et otaniens. Deux ans et demi plus tard, avec une surmarche de 3,5 milliards d’euros qui porte le budget de la mission Défense à 57,1 milliards, force est de constater que nous avions fait preuve de discernement et que nos préoccupations étaient fondées.
Une fois pris en considération les reports de charges, qui seraient plus justement désignés sous le terme d’impayés, et l’inflation, les ambitions nécessitaient d’être revues à la baisse. Bien sûr, nous accueillons avec une certaine satisfaction cette hausse des crédits, au vu du durcissement du contexte géostratégique et de la nécessité d’être au cœur de la nouvelle architecture de sécurité collective du continent européen que nous appelons de nos vœux. Néanmoins, cette augmentation ne doit ni se faire au détriment du modèle social auquel nous sommes attachés, ni nous dispenser de nous interroger sur les ambitions affichées par le gouvernement.
Le budget du ministère des armées est menacé par une crise de croissance induite par des rigidités budgétaires particulièrement préoccupantes. Ces dernières mettent en péril la soutenabilité à moyen terme de la trajectoire budgétaire. Elles se traduisent d’abord par une hausse des AE affectées non engagées, qui ont atteint 30,3 milliards fin 2023. Elles se manifestent ensuite par une hausse structurelle des restes à payer, qui ont quasiment doublé entre 2017 et 2024 pour atteindre 99 milliards fin 2024, si bien que près de 90 % des CP prévus en 2025, hors dépenses de personnel, étaient destinés à épurer ce stock qui continue d’être alimenté. Début 2025, ces rigidités étaient telles qu’au sein du programme 146, Équipement des forces, aucun crédit n’était disponible pour financer les nouveaux investissements prévus. Elles se révèlent aussi à travers une hausse anormale du report de charges, avec un stock de 8 milliards d’euros transféré de 2024 à 2025. Citons enfin une pratique budgétaire discutable de la réserve de précaution et une sous-estimation chronique des surcoûts, notamment pour les opérations extérieures (Opex) et les missions opérationnelles (Misops).
Parmi les conséquences de cette situation, soulignons des retards sur plusieurs segments capacitaires ou des reports, une absence de visibilité pour les acteurs de la BITD qui pèse cruellement sur la trésorerie des entreprises du secteur – tout particulièrement sur les PME et les ETI – et limite in fine la montée en puissance qu’exige d’eux l’injonction à l’économie de guerre, une baisse des crédits alloués au service de santé des armées, et une absence de marges de manœuvre pour renforcer l’ambition de la politique des ressources humaines et de l’action sociale du ministère.
Tout cela nourrit des inquiétudes sur notre capacité à faire preuve de souplesse en matière de redéploiements de crédits si cela s’avérait nécessaire au cours de l’année à venir, qui sera marquée par la réorientation et le renouvellement de la loi de programmation militaire.
Nous tenons également à souligner que, malgré des missions sans cesse élargies, la marine nationale ne profitera qu’à la marge de la surmarche budgétaire proposée. Si nous pouvons comprendre ce choix, nous tenons à saluer l’agilité de nos marins et appelons le gouvernement à répondre dans les plus brefs délais à certains de leurs vœux – je pense en particulier aux trois frégates qu’ils demandent de longue date.
Le budget de la mission relative au monde combattant connaît une baisse de crédits de 6,3 %. Certes, elle reflète la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires, mais elle affecte certaines enveloppes. Nous constatons l’absence de revalorisation du point de PMI en fonction de l’inflation et déplorons que le gouvernement n’ait pas transmis au Parlement le rapport qu’il devait lui remettre à ce sujet. Par ailleurs, les montants alloués à l’allocation de reconnaissance du combattant sont en baisse, tout comme la subvention d’action sociale à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), du fait de la fin de la mesure destinée aux pupilles de la nation devenus majeurs introduite en 2024, dont bénéficiaient 12 000 personnes.
Malgré l’ensemble de ces réserves, auxquelles nos amendements tenteront de répondre, nous voterons très probablement le budget de ces trois missions.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Examiner le budget de la défense, c’est toujours un moment de gravité. Ce que nous décidons aujourd’hui dans notre assemblée, c’est ce qui permettra demain de solder et surtout d’équiper celles et ceux qui portent les armes de la France au risque de leur vie et qui, en s’engageant, ont fait le choix de la mort comme hypothèse de travail. On ne peut avoir de discussions ici sans penser à ces femmes et ces hommes avec infiniment de gratitude.
Notre budget de la défense est marqué par un effort considérable : son augmentation s’élève à 6,7 milliards d’euros avec les marches et les surmarches. Cet effort répond à la gravité de l’heure, alors que pèsent des menaces à 360 degrés : flanc est de l’Europe –°le général Mandon a souligné cette menace majeure, à la suite de son prédécesseur, le général Burkhard –, Méditerranée, commerce maritime, outre-mer, menaces hybrides. Lors de l’examen de la LPM, le groupe Droite républicaine avait souligné que les objectifs fixés constituaient un minimum et que rien n’interdisait d’aller plus loin. Aujourd’hui, nous allons plus loin et nous saluons ce budget, en faveur duquel nous voterons.
Quelques points doivent toutefois retenir notre attention. Tout d’abord, nous ne voterons que des annuités budgétaires. C’est normal, car c’est une exigence de l’exercice, mais je regrette que des premiers jalons ne soient pas posés en vue des changements de format qu’opérera la future mise à jour de la LPM, qu’il s’agisse du nombre de frégates et de régiments ou de l’ampleur de la flotte aérienne. Il y a aussi une urgence : la frappe dans la profondeur. Certains éléments du budget concernent les lance-roquettes unitaires (LRU), mais il faut aller plus vite et réfléchir à nos capacités balistiques – missiles aérobalistiques et missiles balistiques terrestres –, qui sont décisives.
Enfin, je veux insister sur les coopérations. Nous souhaitons tous une mutualisation qui préserve notre souveraineté tout en permettant de faire plus et moins cher. Notre groupe sera favorable aux programmes comme ceux portant sur le SCAF ou le MGCS, à condition qu’ils répondent aux besoins, que le principe du best athlete s’applique et que la France conserve sa liberté de manœuvre au grand export, car il s’agit d’un élément de sa souveraineté et de sa diplomatie à l’échelle mondiale.
Cette hausse budgétaire n’est, je l’espère, qu’une première étape. Le budget de la défense représentera 2,2 % du PIB si le projet de loi de finances est voté ; pendant la guerre froide, lorsque la menace communiste était à nos portes, sa part était de 3,5 %.
Je terminerai en lançant un appel d’une certaine gravité. Tout ce que nous disons, tout ce que nous faisons n’aura de sens que si nous adoptons un budget. Nous ferons tout pour que ce soit le cas. Dans le cas contraire, les premiers qui souffriront, qui manqueront de moyens et d’entraînement, qui ne pourront pas assurer la sécurité des Français, ce sont nos soldats, nos militaires. La responsabilité commence ici, dans cette commission, et j’appelle tous les groupes à l’avoir à l’esprit quand viendra le moment de voter dans l’hémicycle. Nous le devons à la France, nous le devons à nos armées.
M. Damien Girard (EcoS). L’armée française est une armée expérimentée, efficace, en cours de modernisation. Toutefois, une révision de la LPM est nécessaire pour définir un modèle d’armée qui réponde aux menaces qui pèsent sur notre pays. Ces discussions budgétaires doivent être l’occasion de proposer les premiers éléments d’une doctrine de défense de sécurité globale, car la profondeur stratégique ne peut se penser uniquement en termes géographiques et capacitaires ; elle doit aussi se comprendre comme une capacité des sociétés à renforcer leur résilience face aux conséquences du réchauffement climatique et à maîtriser leur dépendance énergétique, industrielle ou alimentaire.
La France fait face à des puissances qui utilisent tout le spectre de la guerre hybride pour porter atteinte à ses intérêts de sécurité. Nous proposons ainsi de porter à 1 milliard d’euros par an l’effort consacré à la réserve opérationnelle de l’armée de terre. Nous proposons également de renforcer les moyens des services de santé des armées et de moderniser les infrastructures de santé, militaires comme civiles. Ces menaces étant continentales, il appartient à notre pays de s’inscrire pleinement dans un cadre européen, fondé sur la mutualisation des moyens, la complémentarité industrielle et une autonomie décisionnelle partagée.
Pour ces raisons, notre groupe appelle à la préparation, d’ici à 2027, d’un nouveau Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale et européenne, adossé à un débat démocratique approfondi sur notre modèle d’armée, nos dépendances et notre doctrine d’emploi des forces. Il s’agira d’aller beaucoup plus loin que le Livre blanc de la Commission européenne, qui ne remet pas en cause la dépendance européenne à l’Otan et aux États-Unis. Nous saluons à ce titre la poursuite des projets européens financés par le programme 146. Si nous partageons le constat que certains programmes européens présentent un risque de pilotage déséquilibré, nous refusons de claquer la porte et appelons à toujours rechercher des alternatives européennes. L’Europe, c’est en effet la masse, comme l’a déclaré devant notre commission le chef d’état-major des armées, le général Mandon. Et la masse est un facteur de supériorité stratégique. La dissuasion nucléaire ne suffit pas. L’agression d’un pays non doté d’armes nucléaires par un pays qui l’est montre la vulnérabilité de notre modèle. Nous devons renforcer notre dissuasion conventionnelle à l’échelle européenne pour être capables de répondre collectivement à une guerre de haute intensité. La France doit y prendre sa part, en tirant pleinement parti de ses atouts que sont ses forces aéronavales, ses capacités de frappe en profondeur ou ses divisions projetables.
Par ailleurs, même si l’on augmente les crédits dédiés à la défense, nous devrons toujours avancer avec des budgets contraints. Nous savons la nécessité d’un effort de défense accru, mais nous insistons pour que celui-ci ne se fasse jamais au détriment des budgets sociaux et écologiques, qui sont essentiels. Cet effort doit être débattu démocratiquement et financé en priorité par les plus aisés. La politique de défense n’a pas à rester un domaine réservé. Il importe que le Parlement soit pleinement associé à son pilotage. Nous proposons la création d’une instance parlementaire de suivi capacitaire et budgétaire de la LPM, dotée d’experts civils et militaires indépendants.
L’effort de défense doit suivre un principe de stricte suffisance et améliorer la gouvernance budgétaire de nos armées, dont les lourdeurs risquent d’annuler les effets bénéfiques de la LPM. Il faut renforcer la subsidiarité budgétaire, qui est un gage d’efficacité, comme l’a montré l’expérience de l’armée ukrainienne. Nous proposons 100 000 euros par formation administrative pour les achats d’équipements de proximité et 100 millions d’euros par armée pour les dépenses urgentes, en gestion autonome. C’est une révolution administrative nécessaire pour renforcer les capacités d’innovation, de subsidiarité et de réactivité de nos armées.
Enfin, nous devons envoyer un signal de solidarité à nos alliés ukrainiens et de constance stratégique à la Russie, qui entretient une menace systémique à notre encontre. La sécurité de l’Europe se joue aujourd’hui en Ukraine. La France lui a déjà apporté près de 8,6 milliards d’euros depuis 2022, mais l’effort européen s’essouffle – l’aide mensuelle a chuté de 57 % depuis le début de l’année. Il nous faut donc sanctuariser dans le PLF, au sein du programme 146, une ligne budgétaire dotée de 300 millions dédiée au soutien à l’effort de défense ukrainien. Cela représente seulement deux jours de combats de l’armée ukrainienne.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Il serait difficile de ne pas nous montrer satisfaits devant ce budget de la défense en forte progression, de 6,7 milliards d’euros. Il s’agit d’un effort remarquable dans la période budgétaire complexe que nous connaissons, tout comme est remarquable l’augmentation constante depuis 2017 du budget des armées, qui est passé de 32 à 57 milliards. Je veux saluer la vision et la volonté forte du président de la République, chef des armées.
Le présent budget s’inscrit dans un contexte international particulièrement tendu : guerre en Ukraine, instabilité au Moyen-Orient et au Proche-Orient, désengagement progressif des États-Unis. Cela impose d’accélérer la montée en puissance de nos armées et de nos engagements auprès de nos partenaires.
Ce budget vient renforcer de 3,6 milliards la trajectoire prévue par la LPM et concrétise de nouvelles ambitions portées par la révision de la revue nationale stratégique (RNS), à laquelle nous avons collectivement apporté notre contribution.
Les quatre programmes de la mission Défense progressent fortement, avec une dynamique particulière pour le capacitaire. Le réarmement donne la priorité aux moyens de souveraineté – dissuasion et espace –, aux munitions et à la capacité des armées à s’engager à court terme – drones, défense sol-air, guerre électromagnétique, frappes dans la profondeur ‑ tout en accentuant l’investissement dans les technologies de rupture.
La remontée en puissance ne saurait être uniquement matérielle ; elle repose aussi sur les femmes et les hommes qui composent nos armées. Ainsi, 830 postes supplémentaires seront créés, notamment dans des domaines stratégiques, et la politique salariale continuera de s’améliorer, en particulier avec le rattrapage indiciaire des officiers. En outre, la réserve opérationnelle poursuit sa montée en puissance.
Je veux remercier nos rapporteurs pour avis pour leurs analyses. Nous mesurons l’importance de l’adaptation permanente de nos armées et de l’agilité qui leur est nécessaire sur les plans stratégique, capacitaire et humain. Les enjeux sont majeurs dans le contexte international que nous connaissons. Permettez-moi de dire tout mon respect et ma gratitude à l’ensemble de la communauté de défense, militaire et civile. Nous veillerons à la révision de la LPM et à l’utilisation de la surmarche de 3,6 milliards.
Les crédits de la mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation, qui s’élèvent à 1,7 milliard d’euros, connaissent une baisse qui reflète principalement la diminution naturelle du nombre des bénéficiaires. Aucune des actions mises en œuvre en faveur du monde combattant n’a été supprimée. Toutefois, j’accorderai une attention particulière à la valeur du point de PMI. En 2022, il avait été décidé avec les associations – et je m’y étais personnellement engagée – qu’il y aurait une clause de revoyure tous les deux ans. Or cela n’a pas été le cas. Je demande instamment qu’elle soit mise en œuvre. Ce n’est pas forcément sur l’inflation qu’il faut aligner l’évolution du point de PMI ; déterminer sa progression nécessite de mener des études complexes.
Le programme Gendarmerie nationale, dont les crédits augmentent de 158 millions, est marqué par un renforcement du maillage territorial, le déploiement de cinquante-huit nouvelles brigades et la montée en puissance de la réserve opérationnelle, toutes choses importantes pour nos territoires qui comptent sur la gendarmerie pour assurer leur sécurité. Nous devons être sensibles à l’effort consacré à l’immobilier, qu’il faudra pérenniser, notamment en le plaçant parmi les priorités de la programmation pluriannuelle.
Le groupe Les Démocrates votera bien sûr ces trois budgets, après avoir examiné avec soin les amendements. Notre responsabilité est de trouver toutes les solutions pour que ce projet de loi de finances soit voté, faute de quoi nous mettrions nos armées, en particulier la gendarmerie, en grande difficulté. Ici, dans cette commission, nous voulons les faire avancer. Tâchons de ne pas les faire reculer dans l’hémicycle ! L’heure est trop grave.
M. Loïc Kervran (HOR). Les trois missions que nous examinons sont absolument essentielles pour la protection des Français et de leur territoire. Quand j’ai été élu député, il y a huit ans, la somme que notre pays consacrait à sa défense était d’un peu plus de 30 milliards d’euros ; si nous adoptons ce budget, elle avoisinera 60 milliards. Nous pouvons tous être fiers d’avoir accompagné cette montée en puissance.
Nous vivons dans un monde dangereux. La France est confrontée à de nombreuses menaces émanant d’acteurs variés. Aux conflits conventionnels s’ajoutent les menaces hybrides et de nouveaux champs de conflictualité comme le cyber, l’espace ou la désinformation. La Russie menace le flanc est de l’Europe, l’Indo-Pacifique demeure un foyer majeur de tensions, et les crises se multiplient au Proche-Orient et au Moyen-Orient.
Notre groupe déplore une forme de déconnexion entre le débat national et les priorités qui devraient guider l’action de la nation. Alors que la dette publique et le déficit menacent notre souveraineté, nous dépensons toujours plus. Alors que nous devrions renforcer la compétitivité de nos entreprises face aux géants étrangers, certains souhaitent au contraire taxer davantage, décourager l’investissement et l’entrepreneuriat. Nous espérons que le débat sur ces crédits permettra de nous recentrer sur les enjeux les plus pressants : la protection de nos intérêts et de notre souveraineté, la montée en puissance de nos armées, la participation de la nation tout entière à l’effort de défense.
Sur la mission Défense, avec une augmentation de 6,7 milliards d’euros, soit 3,5 milliards de plus que ce que prévoyait la trajectoire de la LPM, nous faisons le choix d’un réarmement rapide et maîtrisé. C’est un signal de fermeté adressé à nos adversaires, un gage de crédibilité envoyé à nos alliés, et une marque de confiance pour nos armées.
Le projet de loi de finances consacre des moyens inédits à la modernisation de nos équipements et au soutien de la base industrielle et technologique de défense. Ces investissements garantissent notre autonomie stratégique, mais ils irriguent aussi l’économie nationale et soutiennent des milliers d’emplois hautement qualifiés dans l’industrie et la recherche.
L’effort consenti pour les femmes et les hommes du ministère des armées mérite également d’être salué. Pensons au plan Fidélisation 360, à la création de nouvelles crèches, à la rénovation de logements, à la montée en puissance de la réserve, à la réforme statutaire des officiers.
Pour le monde combattant, le budget traduit la constance et la fidélité de la nation envers celles et ceux qui se sont engagés pour elle. Il poursuit une politique ambitieuse de réparation et d’accompagnement à travers, par exemple, le renforcement du dispositif Athos pour la prise en charge des blessures psychiques, et le soutien réaffirmé à l’Institution nationale des Invalides.
La mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation consacre la continuité de notre engagement envers les harkis et leurs familles. Elle incarne le devoir moral de l’État à l’égard des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie de la Seconde guerre mondiale. Elle est également tournée vers la jeunesse et vers l’avenir, à travers la journée défense et citoyenneté (JDC) nouvelle génération et le plan Ambition armées‑jeunesse.
Enfin, au sein de la mission Sécurités, la gendarmerie nationale, qui assure la protection de plus de la moitié de la population française, voit ses moyens augmenter tant pour les missions d’ordre et de sécurité publics que pour l’accroissement des effectifs – ce qui est bienvenu, si l’on veut réellement déployer de nouvelles brigades dans les zones rurales ‑ et la montée en puissance de la réserve opérationnelle.
Les crédits de ces trois missions forment un tout cohérent. Ils renforcent la crédibilité de la France sur la scène internationale, la protection des Français au quotidien et le lien armée-nation. Nous les adopterons, conscients de ce que nous devons à celles et ceux qui servent la France tous les jours et à qui nous rendons hommage.
M. Laurent Mazaury (LIOT). Au nom du groupe LIOT, je tiens d’abord à saluer l’engagement sans faille de tous nos militaires qui, chaque jour, œuvrent pour la sécurité de nos concitoyens et de notre République. Dans un contexte géopolitique toujours plus instable, le soutien des parlementaires envers nos militaires doit être à la hauteur. C’est pour cette raison que, sans suspense, notre groupe votera pour les crédits de ces trois missions. Ce vote favorable ne signifie pas pour autant que nous donnons un blanc-seing au gouvernement. Comme je n’ai que cinq minutes et que le cumul des crédits des trois missions représente 95 milliards d’euros, soit 19 milliards la minute, je vais limiter mon propos à trois sujets.
Je soulignerai d’abord le point le plus positif, la hausse de nos dépenses militaires de 6,7 milliards d’euros. Dans le contexte budgétaire actuel, notre groupe salue le respect de la programmation militaire et la surmarche pour accélérer notre réarmement. Le ministère des armées a gagné la bataille des chiffres avec Bercy, il doit maintenant gagner la bataille de l’opinion. Alors qu’on demande des efforts à tous nos services publics, aux écoles, aux hôpitaux, à la culture, il faut que le ministère des armées soit exemplaire. Il y a là un enjeu fort en termes d’acceptabilité. Cette bataille de l’opinion, il faut la gagner au niveau national, mais aussi au niveau européen. C’est sur cette base que l’on pourra prendre des décisions courageuses.
Si l’on cherche des crédits, il y a une manne financière qu’on ne peut plus laisser de côté : les avoirs russes gelés en France. J’ai déposé une proposition de résolution, très largement cosignée par les membres des différents groupes de notre assemblée, demandant que ce capital soit enfin mobilisé au profit de l’Ukraine. Il faut être clair à propos de ce conflit : l’agresseur, c’est Poutine ; l’ennemi, c’est la Russie. Dans ces conditions, il est légitime que ces avoirs contribuent à l’effort de guerre, mais surtout à la reconstruction, conformément au droit international. Au niveau européen, ça bloque : encore cette semaine, la Belgique s’est opposée à l’utilisation des avoirs. Pourtant, il ne faut pas attendre. La France peut agir seule sur les avoirs bloqués sur son territoire, faute de quoi il faudra financer les dépenses par la dette, et je ne pense pas que cela plaise à nos concitoyens.
Le deuxième sujet que je tiens à aborder concerne les conditions de vie de nos militaires. L’efficacité de nos armées passe par des conditions de logement et de vie décentes. C’est d’autant plus vrai pour l’armée de terre, où l’hébergement en caserne a historiquement une fonction éminemment structurante. Or, dans nos territoires, le parc est dégradé : les bâtiments sont souvent vétustes, parfois même insalubres. On a un peu l’impression que les conditions de vie sont devenues, au fil des années, la variable d’ajustement budgétaire du ministère. Lorsque je travaillais au cabinet du ministre de la défense, il y avait à côté de mon bureau une cellule ayant pour unique mission de traiter les problèmes liés aux bâtiments : les documents que j’ai pu voir étaient atterrants, mais nous pouvons malheureusement faire les mêmes constats aujourd’hui. Cette situation présente donc des risques : un risque de fracture sociale au sein même de l’institution militaire, un risque pour la préparation opérationnelle, un risque pour la cohésion des unités, et un risque pour l’attractivité des armées. Le général Hubert Bonneau a dressé le même constat pour la gendarmerie nationale : manque d’effectifs, unités sous tension, flotte automobile vétuste. Quand je vois défiler les milliards que nous votons pour les ministères, je ne peux pas accepter qu’ils ne profitent pas aux femmes et aux hommes qui servent la nation avec un dévouement remarquable.
Je consacrerai mon dernier point à nos liens avec l’Otan. Je rappelle que la logique de défense collective est au cœur de l’idée française d’autonomie stratégique de l’Europe. Elle passe par un renforcement du pilier européen de l’Otan. En 2026, la France reste le quatrième contributeur, avec près de 415 millions ; c’est louable, mais cela n’efface pas le regain de méfiance au sein même de l’organisation. L’enjeu, désormais, est qu’au-delà des contributions budgétaires, notre pays maintienne son niveau d’influence au sein de l’Alliance. Mon collègue David Habib est chargé d’un rapport sur ce sujet, et j’espère que votre commission suivra de près ses recommandations.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera pour ces crédits, tout en restant bien évidemment très attentif à leur mise en œuvre concrète.
M. Édouard Bénard (GDR). Le PLF pour 2026 prévoit une hausse de 13 % du budget de la mission Défense, soit un montant actualisé de 57,2 milliards de CP, hors pensions civiles et militaires de retraite. Cette somme astronomique marque une progression ô combien significative, conforme, semble-t-il, à la trajectoire fixée par la LPM. Au-delà de cette envolée budgétaire, une question subsiste : que nous dit ce budget de l’état réel de nos armées ? Est-il une nouvelle fois question de dépenser sans compter, ou s’agit-il de renforcer véritablement la capacité opérationnelle de la France ?
Le PLF pour 2026 concentre l’essentiel de ses efforts capacitaires dans ses trois armées. Pour l’armée de terre, le programme Scorpion continue de monter en puissance avec la modernisation du char Leclerc, la transformation d’infrastructures sur plusieurs dizaines de sites, ou encore la livraison des Griffon, des Jaguar et des Serval. Côté pile, l’objectif est clair et assumé, il s’agit de préparer nos forces armées au combat de haute intensité. Côté face, de nombreux problèmes demeurent. La reconstitution de nos stocks de munitions, notamment pour les petits calibres, avance lentement, et le maintien en condition opérationnelle reste sous tension, pesant sur la disponibilité de nos véhicules. Résultat : un équipement flambant neuf sans entretien régulier, des munitions insuffisantes, une capacité qui n’a plus de réelle que le nom.
Dans les airs, le constat est le même. Le budget 2026 consacre plusieurs milliards aux Rafale F5, aux drones Male (moyenne altitude longue endurance), ou encore au programme SCAF qui, soit dit en passant, suscite de plus en plus de frilosité à Berlin. En attendant, le taux de disponibilité de nos flottes aériennes peine encore à dépasser 65 %. En réalité, nous discutons du combat du futur alors que le combat au présent repose encore sur des appareils partiellement immobilisés. La modernisation est nécessaire, mais elle ne peut produire ses effets que si elle s’accompagne d’un soutien industriel solide, d’un nombre suffisant de techniciens spécialisés et d’un renforcement du MCO afin d’éviter les goulots d’étranglement.
Cette question du taux de disponibilité de nos armées renvoie à un enjeu plus large, celui de la transparence budgétaire. Le programme 146, Équipement des forces, fixe bien des objectifs pour l’année 2026 : un taux de réalisation des livraisons de 85 %, une évolution annuelle moyenne des délais de réalisation des opérations d’armement principales inférieure à deux mois, une évolution moyenne des devis à terminaison inférieure ou égale à 1,5 %, des intérêts moratoires inférieurs ou égaux à 0,5 %. Cependant, ces chiffres échappent au contrôle parlementaire, car nous ne savons pas quels programmes respectent pleinement leurs objectifs et lesquels dérapent. Sans cette visibilité, le Parlement ne peut pas contrôler efficacement la dépense publique et en mesurer les effets sur la disponibilité et la performance de nos forces armées. En ce sens, il serait légitime d’exiger la publication annuelle de ces données, programme par programme.
Cette quête de clarté est d’autant plus nécessaire que notre pays nourrit une ambition maritime de premier plan dans l’Indo-Pacifique, l’Atlantique, la Méditerranée et dans nos territoires ultramarins. Le PLF pour 2026 lui consacre 4,1 milliards d’euros, soit près d’un quart du budget de la préparation des forces. Parmi ces crédits, 108 millions sont fléchés vers le numérique naval, un demi-milliard vers les infrastructures portuaires et près de 600 millions vers le porte-avions du futur. Ici encore, ces milliards n’ont de sens que s’ils s’accompagnent d’une amélioration de la disponibilité réelle des frégates, des sous-marins ou des patrouilleurs. S’agissant du PANG, il est impératif d’anticiper les risques liés aux coûts et aux délais afin d’éviter qu’ils n’absorbent les crédits du MCO et fragilisent toute la flotte existante. Il serait donc pertinent que le Parlement dispose d’indicateurs et de trajectoires de disponibilité très précis pour mesurer la progression réelle du parc naval, ainsi que des plans de maintenance afin de prévoir d’éventuelles périodes de creux opérationnel.
Si ce budget traduit une volonté indéniable de réarmer la France, il doit cependant pouvoir reposer sur trois piliers essentiels : des forces réellement prêtes et disponibles ; une dépense publique transparente et mesurable ; une ambition stratégique mise en œuvre avec rigueur. Pour réarmer, il ne suffit pas d’acheter ; il faut également entretenir, former, anticiper et rendre des comptes.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Entêtement, effets d’annonce et rafistolage : ce n’est pas le titre d’une comédie, hélas, mais le sous-titre de la mission Défense de ce budget, qui est un véritable théâtre d’ombres.
Commençons par le début. Nous avons sous les yeux le budget défendu par une ministre qui n’a pris aucune part dans son élaboration, puisqu’elle l’a découvert à peu près en même temps que nous. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour l’idée que l’on se fait de la démocratie et du contrôle parlementaire, cela veut dire beaucoup. Notons ensuite que si la hausse des autorisations d’engagement et des crédits de paiement est incontestable, elle pose deux questions : d’une part, celle de la soutenabilité de la trajectoire budgétaire, que nous avions évoquée l’an dernier avant que le 49.3 nous prive de débats en séance ; d’autre part, celle de la sincérité, car il n’y a pas lieu de se réjouir d’une hausse deux fois plus élevée que celle prévue par la LPM. On ne le répétera jamais assez, si le budget de la défense a dû être doublé par rapport au niveau prévu il y a deux ans, soit plus d’un an après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, alors il faut nécessairement en conclure que le projet du gouvernement était soit sous-calibré, soit sous-budgété.
Cela n’émeut apparemment pas grand monde, mais c’est là aussi un problème démocratique fondamental. À chaque fois que nous avons ingénument demandé aux personnes auditionnées par notre commission quelles dépenses, au sein de chaque programme, bénéficiaient de la marche et quelles autres de la surmarche, nos interlocuteurs furent en peine de répondre. L’exécutif a avoué à demi-mot que le travail sur la LPM avait été bâclé, puisque le président de la République a annoncé une nouvelle loi de programmation militaire. Je constate néanmoins qu’elle ne figure pas dans l’ordre du jour prévisionnel communiqué par le gouvernement et partagé hier par la présidente Yaël Braun-Pivet. Celles et ceux qui traitent les sujets de défense avec sérieux – et il y en a ! – ne savent plus vraiment à quel saint se vouer.
On en est donc réduit à conjecturer que, aux yeux même de ceux qui l’ont faite, quelque chose dans cette LPM ne va pas et mérite d’être corrigé, tout en constatant que les orientations structurantes qu’elle comporte sont toutes confirmées, jusqu’à l’absurde parfois ‑ et jusqu’au sabotage, suis-je même tenté de dire. Il en va ainsi du projet de SCAF, mais aussi et peut-être surtout du MGCS, dont nous annonçons depuis des années qu’il signera la liquidation de la capacité industrielle française dans le secteur des chars, notamment du fait de la déloyauté du « partenaire » allemand, trop heureux que Rheinmetall demeure le seul acteur sur le marché européen à l’issue de ce fiasco programmé. Cette histoire est emblématique, et nous appelons à un sursaut. L’exécutif doit absolument cesser de se bercer d’illusions s’agissant de ce qu’il appelle abusivement « l’autonomie stratégique européenne », dont la seule manifestation concrète, le programme ReArm Europe, n’est autre chose qu’un moyen pour l’Allemagne de convertir son outil industriel et pour les États-Unis de consolider leur influence en vendant du matériel produit en Europe sous licence américaine. Il serait temps de se réveiller : le déclassement de la France n’est pas loin.
Le cadre géopolitique dans lequel le gouvernement situe son action n’a nullement changé, comme l’atteste l’explosion de la contribution financière à l’Otan, alors même que Trump, à la Maison-Blanche, menace et pressure ses alliés. Ses foucades n’ont d’ailleurs pas fini de nous mettre en danger, puisqu’il évoquait hier l’idée d’en finir avec la technologie des catapultes électromagnétiques qui doivent équiper notre futur porte-avions. Cette dépendance massive devrait cesser, à mon avis, de faire lever les yeux au ciel quand on l’évoque. Et que dire de la dépendance de la France tout entière vis-à-vis des services informatiques des Gafam ?
S’il est évident que dans les armées, soldats et officiers œuvrent sans relâche – et nous les saluons – pour anticiper la guerre de demain avec d’incontestables réussites, il est aussi clair qu’ils sont freinés par l’absence de réflexion politique sur le format des armées. On hésite à passer de quinze à dix-huit frégates, sujet d’importance certes, mais où en est-on du programme massif de drones dont la marine aurait besoin pour assurer notre souveraineté sur notre vaste territoire maritime et protéger nos approches ? Qu’on autorise en passant le membre du Conseil consultatif des Terres australes et antarctiques françaises (Taaf) que je suis à alerter sur le besoin de lancer la construction du Marion Dufresne 3, navire à la fois civil et militaire qui dessert les Taaf.
Il reste beaucoup à dire concernant l’espace, la frappe dans la profondeur, le changement climatique ou encore la production de munitions – nous y reviendrons lors de l’examen des amendements. Ne disposant que de cinq minutes, je suis obligé de dire brièvement qu’il est regrettable de devoir déposer, année après année, des amendements semblables pour revaloriser le point de PMI, garantir la demi-part fiscale des veuves et s’assurer que les droits des tirailleurs, des combattants d’Afrique du Nord et de leurs descendants sont réellement reconnus. Force est de constater qu’il y a loin des paroles sur la reconnaissance de la nation aux actes.
J’ajoute, monsieur le président, que mon groupe regrette que vous n’ayez pas suivi l’exemple de Thomas Gassilloud, qui avait choisi de saisir notre commission pour avis au sujet de la réforme des retraites. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, en cours d’examen devant la commission des affaires sociales, comporte des dispositions entravant le cumul emploi-retraite, un dispositif spécifique aux carrières militaires qui concourt à leur attractivité. Notre commission aurait dû éclairer ce point technique complexe, qui suscite non sans raison l’inquiétude dans nos armées. Le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire sera extrêmement vigilant à ce sujet durant l’examen du PLFSS en séance.
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La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense ».
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-DN3 de M. Damien Girard
M. Damien Girard (EcoS). Mon amendement vise à concrétiser l’adaptation opérationnelle de nos forces à la réalité de la guerre de haute intensité. La semaine dernière, le chef d’état-major des armées a confirmé devant nous la pertinence des propositions du rapport d’information sur la masse et la haute technologie, élaboré par M. Thomas Gassilloud et moi-même, s’agissant d’un besoin de confiance accrue dans l’autonomie capacitaire de nos forces. Des enveloppes à disposition des unités existent déjà, mais elles sont limitées et supposées être dédiées à des dépenses logistiques.
Faire confiance au terrain et à nos militaires est donc l’objet de cet amendement, qui vise à créer de véritables enveloppes de subsidiarité en offrant une marge de manœuvre supplémentaire aux unités administratives de base pour l’achat de petit capacitaire. Je garde ainsi en mémoire l’achat de drones sur ses fonds logistiques régimentaires par le 1er RHP (régiment de hussards parachutistes) de Tarbes afin de s’entraîner à ce nouvel outil. De telles enveloppes dédiées à l’innovation et à la dotation capacitaire seraient un terreau pour l’innovation, l’expérimentation et l’adaptation de nos forces, tout en permettant rattrapage du petit capacitaire encore manquant sur le terrain.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Le sujet est intéressant, mais il relève de l’actualisation de la LPM et je propose en outre de ne pas pénaliser la politique immobilière du programme 212.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Merci, monsieur Cormier-Bouligeon, de défendre la politique de logement du programme 212, qui est en effet fondamentale.
Pourrions-nous, au lieu d’évoquer les gages, avoir un débat sur le fond ? Notre groupe votera contre cet amendement parce que, d’après ce que j’ai compris des auditions que j’ai menées, l’essentiel du budget de la surmarche a déjà été affecté à des munitions. Cela pose problème : soit la LPM a été bien pensée, et les munitions auraient alors déjà dû être prévues, soit elle a été sous-évaluée, et nous avons alors besoin d’une surmarche. Je ne pense donc pas que la question soit de savoir si cela relève de la révision de la LPM, qui n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour du Parlement. De fait, puisque nous disposons de l’ordre du jour prévisionnel jusqu’en février, j’ignore si cette LPM sera examinée avant le début du mandat du prochain président.
M. Thomas Gassilloud (EPR). Je voterai contre l’amendement mais j’en soutiens le principe et souhaite que nous en débattions en séance publique.
Je voterai contre car il faut être attentif à l’affectation et au montant des crédits transférés. Il y a dans l’armée de terre 100 unités élémentaires et nous parlons de 150 000 euros par unité, soit 15 millions en tout et non 1,5 milliard.
Ce qui importe, c’est la subsidiarité. Il faut offrir aux chefs militaires de terrain davantage de souplesse et de réactivité pour acheter des équipements. Les enveloppes de subsidiarité de l’armée de terre sont sans doute les euros les mieux dépensés du ministère.
Elles permettent aux chefs de terrain de se fournir auprès d’entreprises de leur territoire, de façon réactive et utile, sans forcément passer sous les fourches caudines des classiques procédures d’attribution des marchés publics. Les augmenter un peu présente un grand intérêt pour nos forces. Si un chef de corps peut envoyer 1 000 personnes au combat, nous devrions pouvoir lui donner l’équivalent de 100 euros par personne pour acheter des petits équipements de terrain.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). La subsidiarité telle que la décrit notre collègue Thomas Gassilloud me laisse sceptique. Je comprends la logique de réactivité, de souplesse et d’efficience, mais en ce qui concerne le capacitaire stricto sensu, à l’exclusion du MCO, surtout s’il s’agit de munitions, sa proposition va trop loin.
M. Thomas Gassilloud (EPR). Ces enveloppes, d’un montant unitaire d’environ 150 000 euros, servent à trois choses dans les régiments : l’entretien des infrastructures – depuis la réforme des bases de défense, il faut parfois remonter très haut pour changer une ampoule ; le soutien aux familles ; l’achat de petits équipements à usage spécifique au régiment, dont les munitions ne font pas partie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN148 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à augmenter de 150 millions les crédits de la sous-action Soutien des forces par les bases de défense alloués au Centre interarmées de coordination du soutien (Cicos). Trois déficits structurels majeurs menacent le fonctionnement quotidien de nos forces.
Premièrement, la hausse des coûts de l’énergie des dernières années a grevé le budget des bases de défense de 160 millions. Deuxièmement, le Cicos ne récupère pas les 100 millions attendus en 2025 du compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État, en violation des dispositions de l’article 4 de la LPM 2024-2030, qui prévoit le retour de l’intégralité du produit des cessions immobilières du ministère des armées. Troisièmement, l’accumulation de la dette grise et les transferts de charges nouvelles, notamment liées aux grandes opérations d’armement, pèsent sur le soutien des bases de défense, dont les travaux de maintenance lourde ne peuvent plus être différés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN2 de M. Damien Girard
M. Damien Girard (EcoS). Cet amendement vise à rappeler le trou capacitaire significatif que constitue notre capacité réduite et largement obsolète de frappe dans la profondeur. L’acquisition au plus vite d’une capacité renouvelée de frappe dans la profondeur de quarante-huit systèmes est une priorité, comme le rappelle le rapport d’information « De la professionnalisation à l’hybridation, pour une transformation de notre défense » de la mission menée par Thomas Gassilloud et moi-même. Le présent amendement vise à préparer dès maintenant une politique de dotation capacitaire en la matière, par exemple en s’appuyant sur la solution Foudre de la société Turgis & Gaillard.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je partage l’avis de l’auteur de l’amendement, mais nous débattrons de ce sujet lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Avis défavorable.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les autorités militaires que nous avons auditionnées ont rappelé l’urgence d’un tel achat et de sa dotation aux unités. Je ne pense pas qu’ils ont le temps d’attendre une hypothétique révision de la LPM 2024-2030.
Malheureusement, nous ne voterons pas l’amendement car il lui manque la garantie que la capacité envisagée soit souveraine. La solution proposée par Turgis & Gaillard, que je suis avec beaucoup d’intérêt, est citée parmi d’autres. Or acheter américain ou indien sur étagère n’est pas exclu, ce qui réduirait notre capacité indépendante.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN6 de M. Damien Girard
M. Damien Girard (EcoS). Mon amendement vise à améliorer la préparation et la gestion de nos stocks face au retour des guerres de haute intensité. Il appelle le gouvernement à garantir une remise en service optimale de nos véhicules terrestres, notamment ceux retirés du service à l’occasion du programme Scorpion, afin de conforter la profondeur capacitaire de nos stocks.
Thomas Gassilloud et moi-même avons constaté que les stocks susceptibles d’être exploités en cas de besoin capacitaire urgent ou de soutien à un pays allié comme l’Ukraine ne peuvent l’être dans des délais satisfaisants, faute de capacité de reconditionnement et d’entretien. Nous pouvons éviter de reproduire les erreurs du passé en donnant à nos militaires les moyens humains et logistiques de stocker, dans des conditions propices à leur remise en service rapide, les équipements retirés des unités actives.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Sur ce segment, les dépenses que nous avons adoptées dans le cadre de la LPM 2024-2030 sont déjà élevées. Le taux de scorpionisation de notre armée de terre dépasse 50 %. Cette année, nous avons été livrés de 150 Griffon, 103 Serval et 33 Jaguar. En 2026, nous attendons 122 Griffon, 110 Serval et 30 Jaguar. Demander des dépenses supplémentaires me semble excessif. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN30 de M. Aurélien Saintoul et II-DN96 de M. Laurent Jacobelli (discussion commune)
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement quasi traditionnel vise à créer une ligne budgétaire dédiée à un système de char du futur souverain. Le partenariat avec l’Allemagne visant à produire le MGCS est voué à l’échec, comme nous le disons depuis un moment.
La récente association de Rheinmetall et de Leonardo dans le projet Marte (Main armoured tank of Europe) est une nouvelle démonstration que l’enjeu, pour les Allemands, ne consiste pas vraiment à aller au bout du projet mais bien à immobiliser la trésorerie de Nexter et à s’assurer que, in fine, l’entreprise française disparaisse du marché pour y rester seule. L’opération, habile, ne profite certainement pas à la France.
M. Laurent Jacobelli (RN). Faire semblant de s’allier, neutraliser l’adversaire économique, prendre le pas sur lui, développer ses propres solutions pour tuer un concurrent : c’est exactement la stratégie de l’Allemagne dans le cadre du développement d’un char européen. Si même certains de ses fervents défenseurs admettent que le MGCS pourrait aller dans le mur, c’est qu’il est temps de réallouer les montants qui lui sont dédiés au développement d’une solution souveraine, donc française – la souveraineté étant le propre des États, la souveraineté européenne n’existe pas.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il ne me semble pas pertinent d’opposer le MGCS et la capacité intermédiaire, d’autant qu’elles s’avéreront sans doute complémentaires. Nous aurons ce débat lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Je serai le premier à déposer un amendement prévoyant des crédits pour aller vers la capacité intermédiaire. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-DN4 de M. Damien Girard, II-DN47 de Mme Anna Pic et II-DN101 de Mme Caroline Colombier (discussion commune)
M. Damien Girard (EcoS). L’amendement II-DN4 vise à rappeler la nécessité, pour la marine nationale, de confirmer le format à dix-huit navires de premier rang, par exemple en recourant à une stratégie de « coques blanches » mises à disposition de la marine nationale et prélevées en cas de commande à l’export.
Mme Anna Pic (SOC). L’amendement II-DN47 vise à rappeler la nécessité de doter la marine nationale de ses dix-huit frégates de premier rang, prévues lors de l’examen de la LPM 2024-2030 pour lui permettre de faire face à une crise sans compromettre ses missions.
Une permanence sur zone requiert trois frégates, une alerte permanente deux. La France assure une permanence dans l’océan Indien, une en Méditerranée orientale, une dans l’Atlantique Nord et la Baltique, et deux alertes permanentes à Brest et à Toulon, où les deux frégates restantes sont en entretien. Le plafond capacitaire est atteint.
Mme Caroline Colombier (RN). La semaine dernière, devant cette commission, la ministre des armées a annoncé le renoncement aux trois frégates supplémentaires, pourtant considérées comme indispensables par le chef d’état-major de la marine. Cette décision est lourde de conséquences pour notre souveraineté.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il est exclu de mettre ce sujet de côté. Il fera l’objet d’un très beau débat lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030, à l’issue duquel nous serons sans doute nombreux à voter la même chose. Avis défavorable.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Chacun ici est convaincu de la nécessité de disposer de trois frégates supplémentaires. Il incombe à la marine d’en définir la nature et le tonnage pour que nous puissions y travailler lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030, ce qui est exclu dans le cadre en vigueur. Avis défavorable.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Disposer de trois frégates supplémentaires est une nécessité, chacun en convient. S’il faut distinguer la programmation pluriannuelle des annuités budgétaires, il est toujours bon que notre commission, en ces temps d’incertitude budgétaire, administre une piqûre de rappel. L’adoption d’amendements d’appel transférant la somme symbolique de 1 euro en offre l’occasion.
L’amendement II-DN47 est retiré.
Successivement, la commission rejette l’amendement II-DN4 et adopte l’amendement II-DN101.
Amendement II-DN81 de M. Thierry Tesson
M. Thierry Tesson (RN). Le ministre de la défense qu’était l’actuel premier ministre a reconnu à plusieurs reprises que nous pouvions aller plus loin. Il dispose désormais, dans un contexte budgétaire certes contraint, de tous les leviers.
Il serait bon que les crédits de la défense progressent à la hauteur des ambitions affichées. Cet amendement d’appel vise à minorer de 1 euro les crédits de l’action 08, Relations internationales et diplomatie de défense, du programme 144, Environnement et prospective de la politique de défense, au profit de l’action 09, Engagement et combat, du programme 146, Équipement des forces.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. J’ai peut-être mal compris les propos de notre collègue, mais dire que les crédits ne progressent pas à la hauteur des ambitions affichées alors même que nous allons voter une surmarche au sein d’une LPM record laisse songeur. Avis défavorable.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Les besoins sont identifiés. Nous en débattrons dans le cadre de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN82 de M. Frédéric Boccaletti
M. Frédéric Boccaletti (RN). La réduction d’une unité de la cible des patrouilleurs hauturiers est un signal capacitaire désastreux envoyé à nos marins. Y substituer un patrouilleur côtier de nouvelle génération n’est manifestement pas adapté à nos besoins. Nous craignons que le programme subisse, coup de boutoir après coup de boutoir, le même renoncement que celui constaté concernant les frégates de défense et d’intervention (FDI).
Si le gouvernement considère réellement que la défense est un budget sanctuarisé, nous proposons deux mesures de bon sens permettant d’allouer des ressources sur quatre ans au financement du dixième patrouilleur hauturier. À défaut, vous n’aurez ni masse ni cohérence.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. La LPM 2024-2030 prévoit sept patrouilleurs hauturiers ; la suivante en prévoira trois. Il faut savoir raison garder.
L’actualisation de la LPM permettra d’évaluer les besoins supplémentaires, dont je me permets de rappeler qu’ils exigent non seulement des crédits supplémentaires mais aussi une capacité industrielle. La LPM 2024-2030 offre un cadre dans lequel je suggère de rester. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN46 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). Nous donnons l’alerte. Si nous comprenons que les besoins sont partout dans le cadre de la montée en puissance de notre effort de défense, nous constatons que la hausse de 13 % des crédits de la mission Défense du projet de loi de finances pour 2026 ne bénéficiera qu’à la marge à la marine. C’est compréhensible à l’aune des priorités actuelles, mais les enjeux stratégiques, sur les océans, sont forts, de la capacité de projection et d’intervention à la dissuasion nucléaire des puissances dotées en passant par le contrôle des voies d’approvisionnement et la sécurisation des infrastructures sous-marines.
Tandis que le voisinage immédiat de la France demeure un espace de friction, elle doit assurer sa liberté d’action en mer et de navigation et faire respecter ses droits dans ses frontières maritimes, notamment au large de ses territoires ultramarins. Nous proposons de soutenir la montée en puissance de la marine nationale en fléchant 10 millions d’euros, en AE et en CP, de l’action 07 vers l’action 03 du programme 178.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Là comme ailleurs, la cohérence est de mise. Notre stratégie repose sur le renouvellement capacitaire de tous les secteurs, des patrouilleurs outre-mer (POM) aux frégates de surveillance (FS) en passant par le porte-avions de nouvelle génération (PANG) et les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA).
Il faut rester dans ce cadre, qui nous permet d’atteindre nos objectifs. Si demain nous devons monter en puissance, nous verrons comment faire dans le cadre de l’actualisation de la LPM 2024-2030, en gardant à l’esprit l’indispensable capacité industrielle.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN142 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le présent amendement vise à régler le problème posé par le statut d’officier marinier commissionné (OMC) des baleiniers civils de Polynésie, où la complexité de la navigation dans les atolls et du franchissement des récifs exige une solide expérience qui s’acquiert au contact d’aînés. La possibilité de servir sous contrat offerte aux baleiniers civils de Polynésie s’arrête, faute de pouvoir accéder au brevet supérieur, au grade de maître, atteint à l’âge de quarante-sept ans ou à l’issue de dix-sept ans de service. Il en résulte une perte de compétences obligeant à former de nouveaux baleiniers.
Il serait sage de permettre aux baleiniers civils de Polynésie d’accéder au brevet supérieur pour les conserver plus longtemps en service actif. Le montant de l’amendement est symbolique, mais la mesure proposée changerait le quotidien des forces armées en Polynésie française (FAPF).
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. C’est la troisième année consécutive, me semble-t-il, que nous soutenons collectivement cet amendement. Il y a quelque chose d’un peu inique à considérer que, après dix-sept ans de service, les gens ne sont plus en capacité de remplir leur mission. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN24 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel vise à soulever la question de la pertinence du PANG, dont nous ignorons s’il sera lancé d’ici à la fin de l’année. En 2040, un porte-avions sera-t-il en capacité de résister à des nuées de drones à faible coût – quelques dizaines de milliards d’un côté, quelques centaines de milliers d’euros de l’autre ? Sommes-nous certains de la pertinence d’un tel projet ? Par ailleurs, l’approvisionnement en catapultes électromagnétiques crée une dépendance à l’égard des États-Unis.
Cela fait beaucoup de questions pour un programme très onéreux. Nous souhaitons que le débat se tienne avant une éventuelle actualisation de la LPM 2024-2030.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Un porte-avions, c’est une base aérienne dont on ne connaît pas les coordonnées GPS. Un porte-avions parcourt à peu près 1 000 kilomètres par jour. Si un satellite le repère, il doit, au survol suivant, le rechercher dans une zone aussi grande que le département de la Loire.
Si les États-Unis ont onze porte-avions, si les Chinois en sont au troisième, si plusieurs pays tels que l’Italie envisagent la construction d’un porte-avions à propulsion nucléaire, c’est bien qu’il s’agit d’un outil de suprématie navale et aérienne. Au surplus, le porte-avions français emporte l’arme nucléaire. Avis défavorable.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. La plaidoirie de notre rapporteur pour avis Chenevard est impeccable. Avis défavorable.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous retirons l’amendement, qui visait à ouvrir le débat. Nous l’aurons avec la ministre en séance publique.
L’amendement est retiré.
Amendement II-DN133 de M. Frédéric Boccaletti
M. Frédéric Boccaletti (RN). La semaine dernière, j’ai rappelé à la ministre des armées l’importance stratégique de la protection de nos intérêts au sein de notre zone économique exclusive (ZEE) et les tensions croissantes qu’elle fait peser sur notre marine. Pour que cet atout en reste un, il est impératif d’être à la hauteur en matière de densité des équipements mobilisables.
Nous avons cru comprendre que la défense est un enjeu stratégique pour le bloc central et rappelons que les deux dernières LPM prévoient la rétrocession intégrale du produit des cessions immobilières du ministère. Nous appelons donc à la restitution des 150 millions issus de la vente de l’îlot Saint-Germain pour financer trois POM supplémentaires.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. La LPM 2024-2030 prévoit six POM, dont trois ont été livrés. Les trois autres le seront avant 2030. Pour l’heure, il ne semble pas nécessaire d’aller au-delà. Avis défavorable.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Notre stratégie est très équilibrée. Les nouveaux POM font trois fois la taille des précédents. D’une jauge de 1 300 tonnes, ils ont une allonge de 5 500 nautiques, soit près de 1 000 nautiques de plus que les précédents. Ils embarquent plus de marins. L’équilibre prévu par la LPM est parfait. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN90 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement devenu classique vise à réaffecter les fonds alloués au SCAF à un avion de chasse de sixième génération (NGF) souverain. Le blocage des industriels ne faisant plus de doute, il est urgent de trouver une solution faisant confiance à la BITD des Français, qui a toutes les capacités nécessaires pour créer le premier pilier du SCAF.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN29 de M. Bastien Lachaud, II-DN150 de M. Frank Giletti et II-DN5 de M. Damien Girard (discussion commune)
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement II-DN29 est un amendement d’appel, à hauteur de 50 millions. Il faut agir vite et faire vivre le débat sur l’avenir de la Patrouille de France, car rien n’avance.
Les Alpha Jet continuent de vieillir et sortiront bientôt du service actif sans qu’aucune solution souveraine n’existe. La Patrouille de France volera-t-elle un jour avec des avions qui ne seront pas français ? Ou bien nous sommes en capacité de lui fournir des Rafale, ou bien nous trouvons une solution alternative.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Il faut trouver une solution souveraine pour remplacer les avions de la Patrouille de France, qui assurent aussi la mission Red Air nécessaire à l’entraînement des forces de l’armée de l’air et d’espace (AAE).
M. Damien Girard (EcoS). Acquérir un segment d’aviation de chasse léger susceptible d’effectuer, à un coût maîtrisé, des missions d’entraînement, de démonstration et d’attaque au sol en milieu permissif offrirait à nos forces une masse intéressante, complémentaire du Rafale et respectueuse des contraintes budgétaires.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Ce sujet nous donnera l’occasion d’un échange de vues sans doute convergentes lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Pour l’heure, tenons-nous à l’annualité budgétaire 2026 rappelée par le ministre Jean-Louis Thiériot. Avis défavorable.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je suggère le retrait de l’amendement II-DN29 au profit du mien. J’émets un avis défavorable à l’amendement II-DN5, n’ayant pas entendu, lors des auditions que j’ai menées, l’expression d’un besoin en matière d’avion léger – les besoins identifiés sont la succession de l’Alpha Jet, le remplacement, dans l’aviation de transport tactique, des Casa et CH-130 vieillissants, et le NGF.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’aurais été ravi de retirer mon amendement au profit du vôtre, cher collègue. Malheureusement, il est moins-disant de 5 millions. Nous ne pouvons souscrire à ce manque de volontarisme.
Successivement, la commission rejette l’amendement II-DN29 et adopte l’amendement II-DN150.
En conséquence, l’amendement II-DN5 tombe.
Amendement II-DN117 de M. Romain Tonussi
M. Romain Tonussi (RN). Cet amendement vise à réorienter une partie des crédits consacrés à la transition écologique du patrimoine immobilier des armées vers la préparation et l’entraînement de l’AAE. Une part non négligeable des moyens est absorbée par des études environnementales et par des installations photovoltaïques dans les emprises militaires.
Ces démarches ne répondent pas toujours directement aux besoins quotidiens de nos forces, mais plutôt à des contraintes idéologiques. Nous souhaitons privilégier l’entraînement et les capacités de préparation opérationnelle de nos bases aériennes.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Avis favorable.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Notre collègue Tonussi évoque une dimension idéologique, dans le travail de nos armées, en matière de performance énergétique. J’y vois au contraire une preuve éclatante de pragmatisme. Les économies d’énergie réalisées sur le parc immobilier dégagent des marges financières.
Par ailleurs, il y a un enjeu de disponibilité et d’efficacité du service de l’énergie opérationnelle (SEO), y compris en opération. Croire que l’on peut se dispenser de préparer l’avenir et de réfléchir aux moyens de doter un camp des meilleurs standards en matière énergétique, c’est ne pas comprendre les besoins réels des armées en opération. Du point de vue du soutien, s’assurer de la plus grande diversité possible des ressources en énergie de nos soldates et de nos soldats est une priorité.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). J’ai eu la responsabilité de certains de ces dépenses, que j’ai engagées au sein du ministère. Le ministère des armées n’est pas un objet particulier qui vit à côté de la société. Nos militaires sont jeunes et, comme tels, très sensibles aux mesures environnementales, contrairement à ce que vous semblez penser, monsieur Tonussi. Ils ont à cœur de travailler dans un environnement où tout cela est mis en œuvre.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN68 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement devenu classique vise à assurer la réalisation de la promesse du gouvernement, qui est aussi celle du président de la République, d’augmenter de trente Rafale le format de l’aviation de chasse française, qui est sursollicitée.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous ne financerons pas deux escadrons supplémentaires sur l’annualité 2026, mais ce sujet nous offrira l’occasion d’un beau débat lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Par cohérence, je suis favorable à l’administration d’une piqûre de rappel s’agissant du format de notre flotte d’avions de chasse comme je l’étais s’agissant de nos frégates. Je voterai donc l’amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-DN70 de M. Frank Giletti et II-DN106 de M. Jean-Louis Thiériot
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Le moteur du futur Rafale standard F5 est un impensé de la LPM 2024-2030 et du projet de loi de finances pour 2026. Il faut absolument étudier l’évolution du moteur M88-T-REX produit par Safran. Les besoins électriques et la masse emportée du Rafale augmentent. Il faut passer, pour le Rafale actuel, d’un moteur de 7,5 tonnes de poussée à un moteur de 9 tonnes de poussée et, pour le Rafale standard F5 et le NGF, à un moteur de 11 tonnes de poussée.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Le moteur M88-T-REX peut constituer un jalon dans l’élaboration du Rafale standard F5 et du SCAF, qu’il soit produit en coopération ou non. À ce sujet, si le programme SCAF, qui suscite dans cette commission des inquiétudes répandues que je partage, devait ne pas aboutir, la responsabilité ne saurait en incomber à la France. Elle ne pourrait qu’incomber aux industriels ou à nos partenaires.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je suis parfaitement aligné avec ce que viennent de dire nos collègues. Il faut financer le développement du moteur M88-T-REX en répartissant la charge entre l’État et l’industriel. J’émets, une fois n’est pas coutume, un avis favorable à cet amendement d’appel.
La commission adopte les amendements.
Amendement II-DN69 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel vise à rétablir la cible de cinquante avions A400M prévue par la LPM 2013-2019. Sursollicités, ces avions ont fait preuve d’une efficacité remarquable dans les dernières crises.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis des rapporteurs pour avis, elle rejette l’amendement II-DN104 de M. Julien Limongi.
Amendements II-DN38 de M. Bastien Lachaud et II-DN151 de M. Frank Giletti (discussion commune)
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit de créer une ligne budgétaire Système d’alerte avancée pour dénoncer le nouveau programme de coopération franco‑allemand Odin’s Eye et le remplacer par un programme national ou en coopération sous direction française. Une nouvelle fois, la France fait le choix d’une coopération franco-allemande perdante.
En dépit de l’échec du MGCS et du SCAF, la France continue, au nom d’un intérêt franco-allemand illusoire, à abandonner son industrie et ses capacités : ce programme confié à l’industriel allemand OHB relègue nos acteurs nationaux à un rôle secondaire alors même que nous possédons toutes les briques technologiques permettant de le développer. Nous souhaitons que la France reprenne ses esprits et développe une capacité propre d’alerte avancée.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. En matière d’alerte avancée, la France avait de l’avance. Malheureusement, la LPM 2024-2030 n’en fait pas mention. Nous proposons la création d’un programme budgétaire dédié. La prolifération des missiles balistiques nous oblige à nous doter de cette capacité.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le sujet mérite une réponse un peu plus argumentée. Je constate que rien ne justifie ce programme sinon l’idéologie du franco‑allemand à l’exclusion du reste.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Il ne s’agit pas d’une coopération exclusive entre la France et l’Allemagne. Elle s’inscrit dans le cadre européen et inclut l’Espagne, l’Italie, la Lituanie et l’Autriche, en attendant que d’autres pays la rejoignent.
Compte tenu de l’ampleur des systèmes, la France n’a pas les moyens de développer seule un tel programme. Certes, elle en maîtrise les briques technologiques, mais ce programme vise à défendre l’espace aérien européen dans son ensemble et pas seulement l’espace aérien français.
M. Thomas Gassilloud (EPR). Le programme Odin’s Eye inclut des industriels français tels que Thales et MBDA ainsi que l’Onera (Office national d’études et de recherches aérospatiales). Par ailleurs, en dépit de divergences de vues en matière capacitaire selon les systèmes d’armes et les doctrines des uns et des autres, il s’agit d’assurer le suivi tactique des situations, qui est une exigence identique quelles que soient les différences, au demeurant légères, entre les doctrines défensives. Il semble possible d’avancer raisonnablement sur ce projet.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-DN152 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Par cet amendement d’appel je demande le développement d’un missile aérobalistique, qui est une nécessité pour l’armée de l’air et de l’espace. Les avantages opérationnels sont en effet connus : difficulté de détection, rapidité accrue, manœuvrabilité lors de la course finale et portée allant de 500 à 1 000 kilomètres, ce qui augmenterait de manière substantielle l’allonge d’un raid aérien conventionnel.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Je vous renvoie, à mon tour, à l’actualisation de la LPM.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN32 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement, lui aussi d’appel, vise à garantir l’existence des satellites de communication nécessaires à nos armées dans le cadre du projet IRIS² (infrastructure de résilience et d’interconnexion sécurisée par satellite). J’avais alerté notre commission l’année dernière sur les difficultés que nous traversions, mais la situation est encore plus compliquée que prévu, en raison de désengagements probables, notamment de l’Allemagne, qui consacre beaucoup d’argent au développement de sa propre constellation de satellites – on voit, là encore, que la coopération franco-allemande peut patiner. Le rapport que j’ai publié avec Mme Vignon insistait sur la nécessité d’assurer le déploiement du programme à l’horizon 2030, de garantir l’interopérabilité d’Iris² avec d’autres systèmes, comme Syracuse, et de renforcer les capacités d’observation militaire et les systèmes antibrouillage, à des fins de sécurisation, mais le problème reste entier.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous en avons débattu ce matin. Votre rapport a mis en lumière le besoin capacitaire dans ce domaine. Avis favorable.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je souscris au raisonnement qui sous-tend cet amendement. J’ai déploré, moi aussi, la situation dans un rapport consacré au spatial de défense. Il serait très hasardeux de renoncer à un satellite patrimonial ultrasécurisé au profit d’une constellation européenne civile de connectivité en orbite basse. Même avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN71 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel incite, dans la lignée des précédents, à une accélération du programme IRIS², qui va remplacer les satellites CSO (composante spatiale optique). Les décalages deviennent, en effet, préoccupants. Il faut sécuriser le passage à la réalisation industrielle afin d’éviter une faille capacitaire en matière de Roim (Renseignement d’origine image).
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il ne faudrait pas que notre collègue y prenne goût, mais j’émets un avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN72 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement relatif au programme Celeste, qui doit remplacer Ceres – capacité de renseignement électromagnétique spatiale – vise aussi à éviter un trou capacitaire, en matière de renseignement d’origine électromagnétique.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Même avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle rejette l’amendement II-DN116 de M. Thibaut Monnier.
Amendement II-DN35 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement vise à créer un programme de radars acoustiques pour la lutte contre les drones. La guerre en Ukraine démontre l’importance cruciale de disposer de programmes aussi performants que possible dans ce domaine.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN7 de M. Damien Girard
M. Damien Girard (EcoS). Il s’agit de contribuer à l’effort d’adaptation de nos armées, dans toutes leurs strates, au tournant capacitaire que constitue le développement des drones. Leur diffusion massive dans la société et l’armée est un élément fondamental de la capacité d’adaptation et d’innovation de l’Ukraine face à l’armée russe. Cet amendement, qui est inspiré d’une proposition de la mission d’information sur la masse et la haute technologie et s’inscrit dans la continuité de la création de l’École des drones de l’armée de terre, vise à doter chaque élève sous-officier et officier d’un drone FPV (vol en immersion) commercial, pour favoriser une appropriation systématique par nos forces de cet outil nouveau, qui transforme durablement le visage des théâtres d’opérations.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. J’ai plutôt l’impression, pour m’être rendu à l’École des drones et au 61e régiment d’artillerie, que la remontée actuelle des crédits est suffisante. Nos soldats m’ont dit qu’ils avaient surtout besoin de davantage de souplesse par rapport au catalogue au sein duquel ils peuvent passer commande au moyen des crédits de subsidiarité. Avis défavorable.
M. le président Jean-Michel Jacques. J’ajoute qu’il faut penser à la question de l’industrialisation.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN143 de M. Bastien Lachaud et II-DN50 de Mme Isabelle Santiago (discussion commune)
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je vous propose une augmentation de crédits afin de soutenir la montée en puissance du service de santé des armées (SSA). Malgré la hausse globale du budget de la fonction santé, les crédits de fonctionnement du SSA doivent baisser de 12 millions d’euros, ce qui constitue une incohérence.
Mme Anna Pic (SOC). Nous dénonçons également, par notre amendement, la baisse de 17 % des crédits alloués au service de santé des armées. Cette évolution est d’autant plus inacceptable que deux rapports, l’un de la Cour des comptes et l’autre du Sénat, critiquaient déjà en 2023 des choix budgétaires qui touchaient d’une manière disproportionnée à cette pièce maîtresse de notre outil de défense et appelaient, au contraire, à la consolider.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les deux amendements vont dans le même sens, mais je considère que le mien est mieux calibré, puisque la hausse des crédits qu’il propose correspond exactement à la baisse prévue pour les crédits de fonctionnement et aux besoins du service de santé des armées. J’invite donc au retrait de l’amendement II-DN50 au profit du mien.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Nous avons tous fait le constat ces dernières années, me semble-t-il, que ce qui s’est passé au SSA avait un effet destructeur. Je propose plutôt que la commission se saisisse de cette question en créant une mission d’information chargée d’établir un rapport sur la réalité des déflations de crédits qui sont intervenues et les besoins réels de remontée en puissance du SSA.
Mme Anna Pic (SOC). On nous explique chaque année que les rapports, ça va bien. En l’occurrence, il en existe plusieurs, de la Cour des comptes et du Sénat, qui dénoncent la situation. Nous avons déjà quelques éléments.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Tout cela n’est pas faute d’avoir lancé des alertes, notamment lors des débats consacrés à la loi de programmation militaire. Nous avons demandé au ministre une feuille de route claire pour les projets concernant le SSA. Remettre encore la question à demain serait une sorte de renoncement qui ne me paraîtrait pas très sage.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-DN141 de M. Bastien Lachaud et II-DN137 de Mme Catherine Hervieu (discussion commune)
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je propose, pour les mêmes raisons, une augmentation des crédits d’infrastructure du service de santé des armées.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Notre amendement vise aussi à augmenter les moyens alloués aux infrastructures de santé. La multiplication des crises et des conflits et le changement climatique exposent les combattants à des risques sanitaires qui évoluent, notamment lors des opérations extérieures. La feuille de route du SSA pour 2024‑2030 n’a été élaborée et validée qu’après l’adoption de la LPM. Aborder cette question lors des débats budgétaires me paraît tout à fait pertinent.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Tout cela est bien documenté dans mon rapport. Je demande le retrait de l’amendement II-DN137, qui me semble moins bien calibré que le mien.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-DN135 de Mme Catherine Hervieu
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Cet amendement vous séduira peut-être davantage puisqu’il propose une augmentation de crédits un peu plus faible – 3 millions d’euros au lieu de 5 – au profit du SSA.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Une hausse de crédits de 3 millions d’euros me paraît insuffisante, mais ce serait toujours mieux que rien. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN37 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement vise à enclencher un programme de nationalisation d’ArianeGroup. La privatisation du programme Ariane 6 était une lourde erreur stratégique et industrielle, qui a conduit à quatre années de retard pour le développement, la construction et le tir inaugural du lanceur, lequel a finalement eu lieu en juillet 2024. Nous avons ainsi subi une rupture temporaire, mais tout à fait délétère, de notre accès souverain à l’espace : les satellites Galileo ont été lancés grâce à SpaceX, ce qui est quand même assez scandaleux.
Il faut reconstruire notre autonomie stratégique en interrompant la longue marche vers la privatisation, qui se poursuit depuis les années 1990. L’indépendance de notre accès à l’espace n’a pas de prix, et c’est le minimum pour honorer notre statut historique de puissance spatiale. Nous devons, par ailleurs, veiller à anticiper l’après-Ariane 6, par la montée en puissance de MaiaSpace et la consolidation de nos efforts stratégiques, notamment pour contrer la concurrence de nos sympathiques partenaires allemands, qui développent la même gamme de lanceurs. La nationalisation d’ArianeGroup permettra de redonner de la puissance financière et capacitaire au programme spatial français dans ce domaine.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Même si vous proposiez en contrepartie l’installation d’un site d’ArianeGroup, je resterais opposé à un changement de capital. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN36 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement, qui vise à nationaliser Atos, avait été adopté l’an dernier, avant d’être balayé lors du recours au 49.3. La situation a passablement changé sur le plan financier, puisque le cours de bourse est sensiblement remonté. Les décisions de restructuration de la dette d’Atos ont permis aux banques d’éponger leurs pertes, d’une certaine façon, et Atos reste un acteur incontournable pour tout projet de mise en œuvre de la souveraineté numérique. En revanche, la situation industrielle n’a pas réellement évolué : c’est une liquidation ou en tout cas une vente à la découpe qui se dessine. Or il ne faudrait pas laisser se produire une catastrophe semblable à celle d’Alstom. Si nous voulons avoir une ambition en matière de souveraineté numérique, nous ne pouvons pas passer notre temps à confier notre destin à d’autres, à travers un financement des Émirats arabes unis, par exemple.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je salue votre cohérence idéologique, mais la nôtre est à l’opposé. Avis défavorable.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je crois que l’amendement avait été adopté, la dernière fois, grâce aux voix du Rassemblement national. Vous aurez peut-être un petit souci ce soir, monsieur Saintoul, en l’absence des membres de ce groupe.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN132 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement vise à vous alerter sur la situation de l’entreprise Europlasma, dont j’ai déjà dit à plusieurs reprises qu’elle était un dangereux repreneur en série. Elle a en effet repris les Fonderies de Bretagne – vous connaissez bien ce dossier, monsieur le président – ainsi que Valdunes et Luxfer. En réalité, ce repreneur met en danger l’ensemble des sites qu’il rachète successivement en faisant de la cavalerie budgétaire. La situation est en train de devenir critique : la bulle ne cesse de grossir et son explosion fera extrêmement mal. Nous ne proposons pas de nationaliser, stricto sensu, Europlasma, mais de racheter l’entreprise pour 1 euro symbolique. Faire bénéficier des escrocs – j’ose employer ce mot – d’argent public en récompense de leur cavalerie budgétaire n’aurait, en effet, pas de sens. Il est urgent de remettre de la cohérence dans la filière des munitions, qui est indispensable pour notre souveraineté.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je ne sais pas si nous pouvons aller dans la direction souhaitée par notre collègue. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’il existe un carnet de commandes, notamment pour des munitions de 155 mm. Les difficultés de l’entreprise ne peuvent donc pas venir d’un manque de commandes publiques. J’émets un avis défavorable à cet amendement, qui reviendrait quand même un peu à réaliser une nationalisation, mais nous devrons rester attentifs à l’avenir de ce groupe.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Permettez-moi d’apporter quelques précisions. Cette société a complètement obliqué à partir de l’invasion de l’Ukraine, en tout cas pour ce qui est des Forges de Tarbes, reprises en 2021. Elle a fait des annonces frauduleuses, comme celle de la conclusion d’un contrat avec l’Ukraine pour la livraison de 100 000 obus, alors qu’elle n’en produit pas plus de 40 000 par an depuis trois ans. Nous avons, par ailleurs, affaire à un mode de financement totalement opaque, reposant sur des instruments un peu complexes, qui relèvent de la finance dilutive, laquelle pose de graves problèmes, y compris selon l’Autorité des marchés financiers. Dans le cas des Forges de Tarbes, la solution la plus évidente était une réinternalisation au sein de Nexter, dont cette entreprise a été une filiale, mais cela s’est révélé impossible parce que, comme nous l’a dit un conseiller de la ministre de l’époque, Mme Parly, le partenaire allemand au sein de KNDS l’a refusé. Nous aurions tort de balayer d’un revers de la main un problème aussi profond.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN49 de Mme Isabelle Santiago
Mme Anna Pic (SOC). L’attractivité des carrières et la fidélisation, nécessaire, des hommes et des femmes qui servent dans nos armées dépendent des conditions de vie offertes aux militaires et à leur famille. Pourtant les crédits du programme 212 ne bénéficient d’aucune augmentation. Nous proposons, par cet amendement, de renforcer l’investissement dans les crèches et le logement.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La question du logement est évidemment cruciale pour la fidélisation des militaires, mais il ressort de mes auditions et de la lecture du bleu qu’il existe déjà une volonté du ministère d’investir massivement dans ce domaine. Comme je l’ai indiqué ce matin, la ligne budgétaire concernée est en hausse de 116 millions d’euros. Je préférerais que l’on évalue les réalisations que permettra cette hausse avant de confier au ministère plus d’argent : soyons prudents. Je vous demande de retirer cet amendement.
Mme Anna Pic (SOC). Je vais le retirer au profit du suivant, qui prévoit uniquement un renforcement de l’offre de structures d’accueil pour les jeunes enfants.
L’amendement est retiré.
Amendement II-DN53 de Mme Isabelle Santiago
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement concerne un enjeu majeur pour la condition des militaires et leur fidélisation. Le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire a encore rappelé dans un rapport publié cet été que près d’un militaire sur deux avait au moins un enfant à charge, ce qui représente au total 350 000 enfants, dont plus de la moitié a moins de 11 ans. Malheureusement, la mobilité régulière et les sujétions de service rendent souvent difficile la gestion des foyers familiaux. Dans ces conditions, il me paraît tout indiqué de renforcer les moyens d’accueil des enfants de militaires et j’émets donc un avis favorable à l’amendement.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). C’est effectivement un sujet important. La LPM comporte un plan Famille 2, repris dans le plan Fidélisation 360, qui prévoit des crédits en la matière. Je veux bien qu’on augmente toujours les lignes budgétaires, mais ce sont les capacités de mise en œuvre qui comptent. Prévoir 10 millions d’euros de plus, comme le demande cet amendement, serait facialement bien, mais on ne pourrait pas nécessairement déployer 10 millions supplémentaires pour créer des crèches.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Quand on augmente de 116 millions d’euros le budget prévu pour le logement, on sait comment dépenser ces crédits. Si nous prévoyons 10 millions de plus pour les crèches, on saura aussi comment les dépenser. Sinon, il faudra que la ministre démissionne pour laisser la place à quelqu’un de plus compétent. Si c’est ce que vous pensez, madame Darrieussecq, dites-le clairement.
Mme Anna Pic (SOC). Mme Santiago travaille sur les plans « famille » depuis de nombreuses années – elle a conduit plusieurs missions d’information à ce sujet. Si elle propose un tel amendement, il n’est pas d’appel. Nous aurons là un levier pour travailler conjointement avec les collectivités territoriales, qui souhaitent mieux insérer les familles de militaires dans les territoires. Nous saurons parfaitement comment dépenser ces 10 millions d’euros là où se trouvent des bases de défense.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, la commission rejette l’amendement II-DN54 de Mme Isabelle Santiago.
Amendement II-DN144 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à renforcer les moyens de la cellule Thémis, placée au sein du contrôle général des armées. La mission d’enquête sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) a appelé à un dimensionnement de cette cellule à la mesure des tâches qui lui sont confiées. Son effectif était de quinze personnes à la fin 2024, ce qui demeure largement insuffisant au vu de l’ampleur de ces violences, d’autant que le ministre précédent, Sébastien Lecornu, a engagé un renforcement de la lutte menée dans ce domaine au sein de la défense. Les armées ont recensé 42 faits de VSS en 2022, 49 en 2023, 252 en 2024 et 133 au premier semestre de cette année : la parole se libère, ce qui est une bonne chose. Nous devons mettre en face les moyens pour la recueillir.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN146 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La NPRM (nouvelle politique de rémunération des militaires) s’est notamment traduite par la création, en 2023, d’une prime de parcours professionnels (3PM), qui a fusionné l’ensemble des primes liées à la qualification professionnelle. La 3PM vise à valoriser les parcours de carrière et à reconnaître l’expertise acquise au fil du temps par les militaires. Seuls ceux du rang ne peuvent pas en bénéficier, car il n’existe aucune balise pour ce faire au sein de leurs carrières. Cela constitue un handicap en matière de fidélisation, particulièrement pour les militaires du rang expérimentés, dont le savoir-faire est précieux pour les armées. Mon amendement étendra le bénéfice de la 3PM aux militaires du rang à partir de huit ans de service. Cette mesure permettra de les fidéliser en reconnaissant leur parcours professionnel et leur expertise acquise, tout en alignant leur traitement sur celui des autres catégories de militaires.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis François Cormier-Bouligeon, la commission rejette l’amendement II-DN51 de Mme Isabelle Santiago.
Amendement II-DN18 de Mme Corinne Vignon
Mme Corinne Vignon (EPR). Depuis 2020, l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique, l’Inria, s’engage résolument aux côtés du ministère des armées dans le cadre d’une cellule « défense et sécurité » qui a déjà conduit plus de 120 projets stratégiques avec la DGA (direction générale de l’armement), la DRM (direction du renseignement militaire), l’Agence de l’innovation de défense ou le SGDSN (secrétariat général de la défense et de la sécurité nationales). Les domaines concernés sont essentiels : les drones, le renseignement spatial, la cybersécurité, l’intelligence artificielle, la détection de deep fakes, la protection de systèmes autonomes ou encore la fusion de données massives. Cet amendement vise à donner à l’Inria les moyens d’amplifier ces coopérations.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Pour avoir auditionné l’Inria et savoir ce que fait cet institut depuis de nombreuses années – il a notamment fait le choix, depuis un certain temps, de ne pas recourir aux Gafam –, j’émets un avis favorable. Les 5 millions d’euros prévus par cet amendement donneront à l’Inria une agilité supplémentaire pour répondre à certains appels d’offres ou à certaines demandes.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-DN33 de M. Aurélien Saintoul, II-DN95 de Mme Catherine Hervieu, II-DN26 et II-DN27 de Mme Natalia Pouzyreff (discussion commune)
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). L’amendement II-DN33 vise à augmenter les crédits destinés à la recherche stratégique. Les autorisations d’engagement pour cette sous-action doivent en effet baisser de 11,07 %, et les crédits de paiement de 15,92 %. Alors que les lignes budgétaires consacrées à la prospective de défense augmentent globalement, celle dédiée à la recherche stratégique est en baisse. Le signal ainsi envoyé est celui d’un désintérêt pour la réflexion stratégique indépendante au moment où la France devrait au contraire renforcer ses capacités d’analyse, d’anticipation et de compréhension des crises internationales, qui sont suraiguës en ce moment.
Ces capacités permettent de décrypter les mutations géopolitiques, militaires ou technologiques dans un contexte marqué par une instabilité mondiale croissante et des violations du droit international. La revue nationale stratégique de 2025 a ainsi rappelé à deux reprises que cette recherche constituait une priorité de la politique de défense. Les actes contredisent, hélas, le discours. L’augmentation des crédits de la recherche stratégique que nous proposons permettrait au gouvernement de tenir sa parole, alors que le budget des armées est globalement en hausse d’environ 13 % en 2026. Le groupe La France insoumise souhaite que les crédits destinés à la recherche stratégique suivent la même trajectoire.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Les crédits alloués à la sous-action Recherche stratégique ne doivent faire l’objet d’aucune baisse si nous voulons préserver la continuité, la diversité et la visibilité de la recherche française en la matière. Ces crédits doivent soutenir une réflexion nationale indépendante, l’anticipation des menaces émergentes et la formation d’une expertise souveraine dans les domaines de la stratégie, de la géopolitique, de la défense et des nouvelles conflictualités ; ils doivent également permettre l’ouverture de nouveaux champs d’investigation prioritaires : l’espace numérique et ses vulnérabilités, la désinformation et les opérations d’influence, la guerre hybride ainsi que les impacts sécuritaires du réchauffement climatique.
Comme le rappelle régulièrement la revue Défense nationale, la France a développé une pensée stratégique propre, alliant profondeur historique, approche globale et sens politique. Les financements de la recherche restent souvent modestes alors qu’ils sont essentiels pour la formation d’une nouvelle génération d’experts français et européens. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement qui vise à consolider les crédits alloués à la recherche stratégique.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Nos amendements ont le même objet. Dans un contexte géopolitique marqué par de profonds bouleversements, il importe de préserver les moyens de notre recherche stratégique et ainsi l’expertise développée dans nos think tanks.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable. Comme je l’ai dit ce matin lors de la présentation de mon rapport, l’essentiel de la baisse est faciale : des crédits passeront de l’action 07 à l’action 08 du programme 144. Il n’y a donc pas lieu d’adopter ces amendements. Je constate néanmoins qu’ils nous ont donné l’occasion, ce qui est vraiment heureux, de mettre en lumière l’importance de la recherche stratégique pour notre rayonnement et notre influence.
Les amendements II-DN26 et II-DN27 sont retirés.
La commission rejette successivement les amendements II-DN33 et II-DN95.
Amendement II-DN25 de Mme Natalia Pouzyreff
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Cet amendement fait suite au rapport de la mission « influence » que j’ai conduite avec Marie Récalde. Face à la guerre hybride menée par certains compétiteurs, je propose des crédits supplémentaires pour les travaux de recherche scientifique, en particulier ceux portant sur la guerre cognitive.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Même position que sur les amendements précédents. Les mêmes causes, à savoir des transferts de crédits d’une action à une autre, produisent les mêmes effets : demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Nous souhaitons, en réalité, la création d’une nouvelle ligne budgétaire, relative à la guerre cognitive. C’est important, au moins pour le symbole.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN8 de M. Damien Girard
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Cet amendement vise à aligner les moyens budgétaires de la réserve opérationnelle sur la réalité du besoin de masse de l’armée française. Notre cadre budgétaire fortement contraint ne permet ni de fidéliser les réservistes ni d’en faire un usage opérationnel totalement adapté aux besoins. Comment donner envie de consacrer du temps à son pays lorsque des équipements doivent être partagés entre plusieurs réservistes et que les paiements sont retardés de plusieurs mois, voire d’une année ? Le rapport de la mission d’information sur la masse et la haute technologie a évalué à 1 milliard d’euros les besoins budgétaires pour la montée en puissance de la réserve et la constitution d’une véritable division de réservistes low tech (basse technologie) pour augmenter notre profondeur stratégique.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je ne suis pas convaincu, à titre personnel, de l’utilité de la réserve opérationnelle dans ce cadre. Néanmoins, les auditions que j’ai menées ont montré qu’il était important de garantir aux réserves des moyens budgétaires stables, un équipement suffisant, assez de jours d’activité et des missions suffisamment intéressantes. Je salue à ce titre le rehaussement de la norme d’activité à quarante-cinq jours par an en 2026.
Il me semble que cet amendement manque de précision. S’il s’agit de garantir l’activité des réservistes, il serait préférable de verser tout ou partie des crédits concernés au programme 212, qui finance les dépenses de personnel de la mission Défense, y compris pour les réservistes. Or cet amendement ne vise que le programme 178. Je vous suggère de le retirer pour le retravailler en vue de la séance. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN147 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’ai longuement abordé ce matin la question de la différence entre les Missops et les Opex, le bleu budgétaire nous ayant informés que le financement de certaines Missops, sans qu’on sache exactement lesquelles, serait désormais complètement intégré dans le BOP (budget opérationnel de programme) consacré aux Opex, ce qui pose un vrai risque d’insincérité budgétaire. Je vous propose, en réponse, de créer un programme dédié aux Missops, qui permettra de déterminer précisément les surcoûts liés à ces opérations et l’éventuelle contribution interministérielle. Il ne faut pas, en tout cas, fusionner les Missops et les Opex. J’ajoute que l’adoption de cet amendement vous donnera le moyen de contrer mes prises de position concernant le risque de confusion entre ces missions, puisqu’une véritable distinction budgétaire sera désormais établie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN92 de Mme Catherine Hervieu
Mme Catherine Hervieu (EcoS). La menace durable qui est posée par la Russie confirme que la sécurité de l’Europe sur le long terme se joue en Ukraine. De cette épreuve doit émerger l’architecture de sécurité du continent européen pour les décennies à venir. Cependant, l’aide militaire apportée par les pays européens à l’Ukraine a fortement faibli ces derniers mois.
Ce soutien militaire a coûté jusqu’à présent 5,9 milliards d’euros à la France, auxquels s’ajoutent 400 millions investis dans le fonds bilatéral de soutien à l’Ukraine et la contribution de la France au mécanisme de la Facilité européenne pour la paix. Paris contribue à hauteur de 18 %, soit 2,3 milliards d’euros, à cette enveloppe financière des Vingt-Sept qui a été instaurée pour aider les États membres livrant des armes à Kiev.
Le présent amendement vise à conforter le financement de notre action pour l’Ukraine en augmentant la dotation de l’action 13, Soutien à l’effort de défense de pays tiers, du programme 146.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous sommes tous conscients, me semble-t-il, que la France prend pleinement sa part dans le soutien à l’Ukraine. Je suis obligé d’évoquer le canon Caesar, qui est une pépite berruyère, c’est-à-dire de Bourges, mais notre soutien à l’Ukraine ne s’y limite pas, puisqu’il inclut aussi la lutte antiaérienne, la lutte antichar ou encore la mobilité sous blindage. Nous faisons déjà beaucoup dans le cadre de notre contribution à la Facilité européenne pour la paix, du fonds bilatéral de soutien à l’Ukraine et du fonds de concours spécifique au sein du programme 146. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement II-DN149 de M. Bastien Lachaud est retiré.
Amendement II-DN131 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). Cet amendement d’appel vise à appeler l’attention du gouvernement et de la représentation nationale sur la nécessité de créer une direction des affaires européennes au sein de la DGA afin de contribuer à l’émergence d’une véritable BITD européenne, objectif qui nous paraît indispensable pour la structuration de l’architecture de sécurité collective à l’échelle du continent. L’idée de renforcer le pilier européen de l’Otan ne saurait suffire : nous devons aussi être en mesure de porter la voix de nos industriels, de travailler à l’élaboration et à la structuration de partenariats ou encore de faire de la prospective par filières. Pour des raisons de cohérence et d’efficacité, cette nouvelle direction de la DGA pourrait devenir l’interlocutrice privilégiée de la Commission européenne et de ses services.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. On voit qu’il existe une très importante divergence d’approche au sein du Nouveau Front populaire.
Mme Anna Pic (SOC). Quelle grande nouvelle !
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il faudrait au moins l’assumer devant les électeurs.
Vous voulez une BITD européenne. Nous souhaitons plutôt des coopérations entre les BITD nationales en Europe et nous plaidons plutôt pour un pilier européen au sein de l’Otan.
Par ailleurs, il existe déjà à la DGA des organes, tels que la direction internationale de la coopération et de l’export, la direction de l’industrie de défense et la direction de la préparation de l’avenir et de la programmation, qui prennent en compte la dimension européenne et dialoguent avec la Commission pour mettre en avant et soutenir les industries françaises dans le cadre des programmes européens.
Par conséquent, avis défavorable.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Nous devons privilégier les liens entre l’AED, l’Agence européenne de défense, dont nous avons eu l’occasion d’auditionner le directeur exécutif adjoint, et la DGA. Cela pourrait passer par la création de nouveaux canaux d’interaction, mais le montant prévu par cet amendement – 10 millions d’euros – me paraît un peu élevé.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Le rapporteur pour avis a cru pouvoir jeter une pierre dans le jardin du Nouveau Front populaire, mais il serait sans doute très édifiant de se reporter aux comptes rendus des interventions de nos collègues macronistes, qui ont toujours dit qu’ils croyaient en une BITD européenne – nous avons très régulièrement eu droit à ce genre de propos. Je suis un peu étonné d’entendre les mêmes collègues dire maintenant qu’ils n’en veulent pas. Ce sont peut-être des raffinements un peu byzantins, mais une telle évolution témoigne d’une capacité à louvoyer qui n’annonce rien de bon.
Mme Anna Pic (SOC). L’amendement visait à susciter une discussion. Je peux maintenant le retirer.
J’ajoute tout de même que l’idée qu’il faudrait structurer une BITD européenne apparaissait très clairement dans les propos tenus devant nous par les différents chefs d’état-major, notamment M. Mandon, lors des auditions de ces dernières semaines. Je ne crois donc pas que ce soit chez moi un tropisme proprement socialiste.
La création d’une direction européenne au sein de la DGA permettrait d’avoir un interlocuteur unique en la matière. Lors des auditions de la mission d’information sur la BITD qui est en cours au sein de la commission des affaires européennes, nous avons entendu des industriels, mais aussi d’autres acteurs, déclarer qu’il était difficile de trouver des spécialistes de ces questions. Par ailleurs, nous ne sommes peut-être pas suffisamment présents auprès de la Commission pour tirer le meilleur parti des outils qui ont été mis à la disposition de nos industriels et de nos armées pour construire une architecture de sécurité collective.
L’amendement est retiré.
Amendement II-DN48 de Mme Marie Récalde
Mme Anna Pic (SOC). Nous proposons de renforcer l’action internationale du ministère des armées au moyen d’une légère augmentation du budget alloué à la diplomatie de défense. Cet amendement fait suite à la mission d’information sur les stratégies d’influence.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. À en croire son exposé sommaire, cet amendement vise à « renforcer considérablement » l’action internationale du ministère des armées. Vous ne parlez plus que d’une de « légère augmentation » de ses crédits, ce qui me semble plus conforme, étant donné que vous proposez une hausse de 100 000 euros, sur un budget total de 98,1 millions. Mon avis est défavorable, même si je salue cette mise en valeur de notre diplomatie de défense.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN52 de Mme Isabelle Santiago
Mme Anna Pic (SOC). Cet amendement vise à créer un fonds de préfinancement au profit des PME et ETI participant à la base industrielle et technologique de défense, afin de soutenir notre souveraineté industrielle.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous sommes tous sensibles au financement des PME et ETI, mais la première chose à faire pour les aider serait de voter un budget dans les temps. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN107 de M. Sébastien Saint-Pasteur
Mme Anna Pic (SOC). Toujours pour soutenir la BITD, cet amendement vise à faciliter le passage de commandes fermes, à accélérer le recomplètement des stocks et à donner à nos TPE et PME la visibilité dont elles ont besoin s’agissant des munitions, des drones et des capacités anti-drones.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. L’objectif est louable, mais il y a un problème : l’action 11 du programme 146 que vous souhaitez abonder concerne le financement des activités de fonctionnement de la DGA. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN126 et II-DN125 de Mme Christine Arrighi
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Ces deux amendements ont le même objet : le renforcement de notre souveraineté fiscale à l’heure où l’effort de défense ne peut être que militaire.
Il s’agit d’abord d’aider les PME de la BITD à se mettre en conformité fiscale et à respecter les règles de transparence des marchés publics et des exportations, ce qui requiert un conseil public, compétent et disponible. Or le plafond d’emplois de la DGFIP (direction générale des finances publiques), dont c’est la mission, doit encore diminuer de 400 ETP (équivalents temps plein). Renforcer ses crédits de 3 ou 2 millions d’euros, comme y tendent respectivement les amendements II-DN126 et II-DN125, permettrait de mobiliser 60 ou 40 ETP supplémentaires et ainsi d’assurer un niveau minimal de service public fiscal auprès des entreprises.
De plus, ces moyens supplémentaires nous permettraient de mieux nous assurer que les grands groupes et leurs sous-traitants respectent le droit fiscal français. Il s’agirait donc aussi d’un outil de souveraineté économique et budgétaire, qui sécuriserait nos dépenses de défense et garantirait un juste retour pour l’État.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à l’idée de ponctionner les crédits de la mission Défense pour renforcer les effectifs de la DGFIP.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-DN40 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Comme nous l’avions fait lors de l’examen de la loi de programmation militaire, nous proposons ici de créer une nouvelle action, destinée à préparer l’après-pétrole. Lors de son audition par notre commission, le général Burkhard a en effet confirmé notre intuition en soulignant la nécessité d’anticiper la fin du moteur thermique. La somme que nous proposons d’allouer est modeste, mais elle permettrait d’enclencher une réflexion et même une action volontariste de la part du ministère sur une question qu’il ne faut pas négliger. Il serait illusoire de penser que, lorsque le peak oil (pic pétrolier) sera atteint, les armées pourront bénéficier des dernières gouttes de pétrole disponibles.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement réaffirme l’importance de consolider notre souveraineté énergétique, en plus d’anticiper les futurs besoins des forces armées. Il vise à prendre l’initiative de la transition énergétique et écologique, plutôt que d’en subir les conséquences, ainsi qu’à répondre aux enjeux capacitaires prégnants de nos armées. Les auditions que j’ai menées auprès des services de soutien et des unités responsables de la logistique et des acheminements ont montré combien la question énergétique conditionne la capacité opérationnelle de nos armées. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN1 de M. Damien Girard
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Par cet amendement nous soulignons le manque de moyens dont dispose le Parlement pour contrôler l’application concrète de la LPM. Dans un récent rapport d’information, Damien Girard et Thomas Gassilloud ont en effet constaté que notre institution a besoin de spécialistes de l’armement et des budgets régaliens. Nous proposons donc de dégager des crédits pour vérifier que les engagements du gouvernement sont tenus.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La création d’un institut parlementaire de suivi de la LPM est un objectif louable, tant nous nous interrogeons sur la sincérité de son exécution. Cependant il me semble qu’un tel amendement n’a pas sa place dans un projet de loi de finances. Il conviendrait plutôt de le défendre dans le cadre des discussions relatives au budget des assemblées parlementaires. Mon avis est donc défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense, modifiés.
Article 52 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
Amendement II-DN145 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’ai évoqué ce matin la rigidification de la trajectoire budgétaire de la mission Défense. Afin de la maîtriser, il me semble important de disposer d’un objectif et d’un indicateur de performance afférents.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je fais le même constat : avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Après l’article 68
Amendement II-DN34 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement vise à ce que le gouvernement établisse un état des lieux des moyens consacrés à la météo spatiale et à la lutte contre les débris spatiaux. Pareille proposition a déjà été approuvée l’an dernier à l’unanimité par notre commission, mais les problèmes restent entiers, voire deviennent critiques.
En matière de météo spatiale, il convient d’étudier le phénomène des éruptions solaires, qui peuvent endommager les plateformes et mettre en danger des opérations. Se pose également la question de la contractualisation avec des entreprises privées, alors qu’il convient évidemment de soutenir le développement d’applications et de services robustes.
Quant à la pollution spatiale, elle demeure un énorme problème. Le trafic orbital est largement contrarié par l’expansion de ce qu’on appelle les mégaconstellations. Nous connaissons celle d’Elon Musk, mais doivent s’y ajouter celle de Jeff Bezos, à laquelle sera associée Arianespace, ou encore la constellation chinoise Guowang. Le risque d’encombrement auquel nous faisons face interroge quant à l’avenir de l’industrie spatiale à court et moyen termes. Disposer enfin d’un rapport et donc d’un diagnostic à ce sujet permettrait d’éclairer nos décisions.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN130 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). Par cet amendement nous demandons un rapport évaluant le coût financier et les besoins humains nécessaires à la commande et au fonctionnement d’un deuxième porte-avions de nouvelle génération.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Nous avons déjà inclus une demande de rapport à ce sujet au sein de la LPM. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN55 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). La mer étant un espace très contesté et l’heure étant à la réduction de la dette publique, nous demandons la remise d’un rapport sur le coût de la sécurisation, par la marine nationale, du commerce maritime international, ainsi que sur son évolution. De fait, 90 % des échanges ont lieu par voie maritime, tandis que 98 % des transferts de données sont effectués grâce aux câbles sous-marins.
Je précise qu’une telle évaluation pourrait nous permettre de sortir ces dépenses du calcul de notre déficit, celles-ci étant en lien avec les intérêts de l’Union européenne.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. En mer rouge, Les navires commerciaux sont escortés par des bâtiments participant à l’opération Aspides, menée par l’Union européenne Le coût est donc partagé entre pays européens et avec l’Union européenne.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous soutiendrons cet amendement, même si nous aurions aimé que le rapport porte aussi sur les gains que cette action de l’État représente pour les compagnies maritimes, notamment en matière d’assurance. J’avais d’ailleurs posé cette question à la représentante de CMA-CGM lorsque notre commission l’a auditionnée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN39 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit là d’un amendement récurrent visant à demander au gouvernement la remise d’un rapport présentant une stratégie globale en matière de surveillance maritime, ainsi que le coût d’une telle stratégie. Nous répétons depuis des années que la marine n’a pas les moyens de surveiller l’ensemble de notre territoire maritime, le deuxième plus vaste du monde, c’est-à-dire d’assurer notre souveraineté pleine et entière. Nous avons besoin d’un plan global et ne pouvons-nous contenter d’une approche pointilliste.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis Yannick Chenevard, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN56 de M. Sébastien Saint-Pasteur
Mme Anna Pic (SOC). Par cet amendement, nous proposons la création d’un « marron » budgétaire, soit un rapport annuel annexé au projet de loi de finances, afin de disposer d’un suivi consolidé et transparent de l’accès des acteurs français, notamment les PME et ETI, aux financements européens de défense, et ce afin d’accompagner la montée en puissance de notre BITD.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN57 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). Dans la mesure où des zones floues entourent les Opex, les Misops et les Missint (missions intérieures), nous demandons un rapport sur les modalités de financement et le statut des forces déployées dans les différentes missions.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement fait écho aux préoccupations soulevées dans mon rapport pour avis et je suis ravi que d’autres parlementaires estiment qu’il y a un flou. De fait, le cadre juridique et financier des interventions de l’armée française à l’étranger est rendu opaque par une pratique arbitraire et illégitime du gouvernement, qui cherche à s’exonérer du contrôle parlementaire, pourtant prévu à l’article 35 de la Constitution.
Un rapport sur les opérations extérieures est bien transmis au Parlement chaque année. Cependant, je note que si le gouvernement y inclut les missions opérationnelles que nous assurons sur le flanc est de l’Europe, il refuse de modifier en conséquence le statut et la rémunération des militaires qui y participent. Il y a donc bien un problème : le ministère ne fait plus la différence entre les opérations.
Quoi qu’il en soit, je demande donc le retrait de cet amendement. Le rapport annuel du gouvernement ne nous apprend déjà rien, ce dernier ne souhaitant pas être honnête sur cette question.
Mme Anna Pic (SOC). Je reste optimiste ! Sébastien Lecornu, alors ministre des armées, nous avait promis les informations précises et transparentes que nous demandions depuis très longtemps. Je suis sûre qu’elles nous parviendront.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN58 de Mme Isabelle Santiago
Mme Anna Pic (SOC). Cet autre amendement du groupe SOC vise à renforcer le contrôle parlementaire sur la soutenabilité, donc la sincérité budgétaire de la mission Défense. En effet, malgré la hausse de 13 % des crédits qui lui sont alloués, nous craignons que le budget du ministère des armées ne connaisse une crise de croissance en raison de rigidités budgétaires particulièrement préoccupantes. Nous demandons donc qu’un rapport nous soit remis chaque année pour garantir la transparence et la cohérence de la trajectoire financière avec les ambitions affichées dans la LPM.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable : la Cour des comptes a déjà rendu un rapport à ce sujet cette année. D’ailleurs, dans le cadre de nos réflexions sur les moyens de l’Assemblée, peut-être pourrions-nous réfléchir à adosser cette institution à la nôtre !
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN154 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à obtenir un rapport sur les conséquences budgétaires qu’aurait le recours à un dispositif de recrutement fonctionnant sur un principe d’avance-retard. Nous en avons parlé, et M. Chenevard a lui-même fait part de sa préoccupation : il y a une inadéquation entre la gestion annuelle des recrutements et la programmation pluriannuelle du budget des armées.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN59 de Mme Isabelle Santiago
Mme Anna Pic (SOC). Par cet amendement nous demandons qu’un rapport nous soit remis sur l’exécution de la loi de programmation militaire, en intégrant le retour d’expérience du conflit en Ukraine. Les choses ont beaucoup évolué depuis la promulgation de cette loi et nous craignons que le délai de trois ans que nous nous sommes fixé nous empêche de réorienter nos capacités de manière dynamique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN61 de Mme Isabelle Santiago
Mme Anna Pic (SOC). Nous demandons ici une évaluation des besoins des conjoints de militaires en matière d’accès à l’emploi et à la formation, des dispositifs existants et des possibilités de coordination entre les politiques des ministères chargés des armées, du travail et des collectivités territoriales.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Comme je l’avais dit dans mon rapport pour avis de l’an dernier, l’accompagnement des conjoints de militaires est insuffisant pour compenser leurs difficultés. L’accès à l’emploi est très variable selon les territoires et les employeurs sont parfois réticents à les recruter, anticipant une mobilité proche du conjoint ‑ des difficultés qui touchent très majoritairement les femmes.
Les travaux engagés en faveur d’un éventuel pass emploi pour les conjoints de militaires allant dans le bon sens, je ne suis pas sûr qu’un rapport sur cette question suscite une évolution sensible. Sagesse.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). C’est notre job d’évaluer les politiques publiques ! Certes, il faut que l’Assemblée nous en donne les moyens et que nos questions fassent l’objet de réponses transparentes, mais ce travail est plus utile que beaucoup d’autres que nous pouvons faire ici.
Mme Anna Pic (SOC). Je suis parfaitement d’accord avec vous. Nous aimerions pouvoir conduire davantage de missions d’information et disposer des moyens suffisants pour ce faire, c’est-à-dire en n’étant pas restreints par des délais très courts ou par un nombre limité de déplacements. C’est à ces conditions que nous pourrions réaliser nous-mêmes les rapports que nous demandons.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je rappelle que six missions d’information ont toujours lieu simultanément : les administrateurs travaillant pour notre commission ne peuvent en faire davantage. De plus, tous les déplacements demandés ont été acceptés. Peut-être faudrait-il avoir les moyens de recruter davantage de collaborateurs ou d’administrateurs.
Mme Anna Pic (SOC). C’est cela même !
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN128 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). Ce dernier amendement vise à obtenir un rapport étudiant le coût d’une participation de la France à une coalition de pays chargés d’établir une zone d’exclusion aérienne en Ukraine.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). La question étant loin d’être tranchée, demander un rapport me semble prématuré.
La commission rejette l’amendement.
Annexe : liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis
([1]) Audition du 21 octobre 2025.
([2]) Rapport « Bilan des cessions immobilières du ministère des Armées », 2024, Cour des comptes.
([3]) Décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable.
([4]) Décret n° 2024-278 du 28 mars 2024 relatif à la sécurité des approvisionnements des forces armées et des formations rattachées.
([5]) Rapport sur l’organisation budgétaire de la mission Défense, Cour des comptes, 2025.
([6]) Rapport thématique 2025.
([7]) Idem.
([8]) Arrêté du 24 mai 2023 pris pour l’application du décret n° 2023-395 du 24 mai 2023 relatif à la prime de parcours professionnels.
([9]) Annonces du 18 mars 2024.
([10]) Rapport thématique 2025.
([11]) Instruction relative aux permissions, aux congés de fin de campagne, aux autorisations d’absence, aux quartiers libres des militaires et aux autorisations d’absence des militaires candidats à une élection politique, 5 juillet 2018.
([12]) Audition d’une autorité militaire par votre rapporteur.
([13]) https://www.defense.gouv.fr/terre/actualites/mission-eumam-fin-mandat-francais-pologne.
([14]) Site du ministère des Armées et des Anciens combattants.
([15]) « "Prêts à décoller au coup de sifflet": comment les trois Rafale et 68 militaires français basés en Pologne se préparent à détruire des drones russes en cas de nouvelle intrusion », BFM, 17 septembre 2025.
([16]) « "Alpha Scramble" : des Rafale français en Pologne, polognes de l’Otan face aux drones russes », L’Express, septembre 2025.
([17]) Unité de mesure correspondant au volume standard occupé par un conteneur de vingt pieds.
([18]) Audition de votre rapporteur avec des instances de concertation militaire.
([19]) Conférence de presse du 4 septembre 2025, Élysée.
([20]) La LPM de 2013 renvoie toutefois à l’intervention : « l’intervention extérieure a pour objectif d’assurer, par la projection de nos capacités militaires à distance du territoire national, la protection de nos ressortissants à l’étranger et la défense de nos intérêts stratégiques et de sécurité, comme de ceux de nos partenaires et alliés ; elle doit nous permettre d’exercer nos responsabilités internationales. »
([21]) Décision n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014.
([22]) Réponses du ministère des Armées et des Anciens combattants à votre rapporteur.
([23]) Arrêté du 20 décembre 2021 fixant le référentiel opérationnel des militaires placés sous l’autorité du ministre de la défense.
([24]) Réponse adressée par le ministère des Armées et des Anciens combattants à votre rapporteur dans le questionnaire budgétaire.
([25]) Arrêté du 6 octobre 2022 accordant aux militaires participant à l’opération « Opérations en Europe orientale » le bénéfice des dispositions de l’article L. 4123-4 du code de la défense.
([26]) Arrêté du 23 mai 2024 modifiant l’arrêté du 6 octobre 2022 et accordant aux militaires le bénéfice des dispositions de l’article L. 4123-4 du code de la défense.
([27]) Article L. 4123-4 du code de la défense : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000036679191/
([28]) Article L511-1 : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074068/LEGISCTA000031710007/#LEGISCTA000031710619
([29]) Réponses du ministère des Armées et des Anciens combattants au questionnaire de votre rapporteur.
([30]) Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, 2008.
([31]) Assemblée nationale, séance du mardi 27 mai 2008.
([32]) Rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, 2008.
([33]) Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, 2008.
([34]) Rapport sur les opérations extérieures et les missions intérieures de la France, juin 2025.
([35]) Audition de M. Sébastien Lecornu, ministre des Armées, sur le projet de loi de finances 2024, 19 octobre 2023.
([36]) Audition de M. Sébastien Lecornu, ministre des Armées, sur le projet de loi de finances 2025, 14 octobre 2024.
([37]) Rapport sur l’organisation budgétaire de la mission Défense, Cour des comptes, 2025.
([38]) Rapport sur l’organisation budgétaire de la mission Défense, Cour des comptes, 2025.
([39]) Audition de votre rapporteur.
([40]) Rapport sur l’organisation budgétaire de la mission Défense, Cour des comptes, 2025.
([41]) Audition du 22 octobre 2025.
([42]) Ibid.
([43]) Ibid, recommandation n °6.