N° 2048
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 octobre 2025
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2026 (n° 1906)
TOME VII
DÉFENSE
ÉQUIPEMENT des FORCES - DISSUASION
PAR M. François cormier-bouligeon
Député
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_______________________________________________________________________________________________________________Voir le numéro : 1906
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Pages
I. Un budget augmenté d’une sur-marche qui permet un réarmement à la hauteur des besoins des armées
A. Une sur-marche à la loi de programmation militaire qui bénéficie aux programmes d’équipements
1. Une budgétisation pour 2026 qui dépasse la programmation de la LPM 2024-2030
2. Une sur-marche qui bénéficie en priorité au programme 146
B. Un budget qui traduit l’accélération du réarmement français
1. Une montée en puissance qui se concrétise par la livraison d’équipements en 2025
2. Une année 2026 qui poursuit l’effort de réarmement
a. Un renouvellement des équipements pour l’ensemble des armées
b. Un effort qui se traduit par des livraisons et des commandes importantes en 2026
a. Point sur les retards et décalages des programmes capacitaires en 2025
b. Une sensibilité du programme 146 au report de charges
c. Des restes à payer importants sources de rigidité
d. Une instabilité budgétaire qui a pesé sur les programmes capacitaires
II. des crédits qui répondent à l’ambition de réarmement sur l’ensemble des programmes
A. Un programme structuré autour de grands systèmes de forces
B. Des crédits qui abondent l’ensemble des programmes capacitaires
1. Les crédits de la dissuasion
2. Les crédits d’équipements de commandement et de maîtrise de l’information
3. Les crédits d’équipements de projection, de mobilité et de soutien
4. Les crédits d’équipements d’engagement et de combat
5. Les crédits d’équipements de protection et de sauvegarde
6. Les crédits de préparation et de conduite des opérations d’armement
III. Les points de vigilance de votre rapporteur
A. Accélérer les grands chantiers pour éviter la rupture capacitaire
c. Le porte-avions nouvelle génération (PANG)
d. Le renforcement de la lutte anti-drones
B. Les coopérations européennes : des projets toujours en attente
D. Poursuivre l’effort en matière de financement et de transparence
A. Les drones, nouveau pilier tactique de la guerre
1. Un recours désormais systématique et massif aux drones dans les conflits
a. La rupture des années 2020 : vers une « dronisation » de la guerre
b. Des avantages opérationnels nombreux
c. Une accessibilité facilitée avec les drones aériens « low-cost »
2. Un intérêt international fort qui se traduit par des investissements étatiques massifs
B. Un creux capacitaire français et européen préoccupant dans le contexte géopolitique actuel
1. Une trame drones française en cours de consolidation
i. Une LPM qui doit être revue
ii. Une augmentation progressive dans les lois de finances
c. Une prise de conscience qui s’accélère dans les armées
i. Un intérêt des armées pour l’ensemble de la trame drones
ii. Des programmes d’armement multiples
iii. Une armée qui se prépare à la maîtrise des drones
d. Un effort qui doit être renforcé par des commandes accrues
i. Des commandes encore insuffisantes
ii. Un manque de transparence sur l’orientation des crédits
2. L’accélération des partenaires européens et de l’Union européenne
a. Une montée en puissance des pays européens malgré des difficultés persistantes
b. L’Union européenne en soutien de la production de drones
A. la nécessité de consolider la bitd française
1. Une BITD française innovante et indispensable au renforcement de la trame drones
a. Un dynamisme qui se traduit par la multiplication des projets industriels
b. Une structuration progressive de la filière drones
2. Des difficultés à structurer la production malgré une augmentation des commandes publiques
a. Un tissu industriel fragilisé
b. Une commande publique incertaine
c. Les limites à la production de masse
3. Des difficultés administratives et normatives à dépasser
a. Une complexité administrative à dépasser
b. Des procédures innovantes mises en place par l’administration
i. L’acquisition de systèmes sur étagère
iii. Des procédures de marché public innovantes
c. Un paysage normatif à simplifier
i. La certification du drone aérien
ii. La ségrégation de l’espace aérien
iii. Une accumulation de normes qui pèsent sur la production industrielle
B. Les drones, marqueurs des fragilités structurelles de la souveraineté nationale
1. La dépendance au marché international sur certains segments de production
a. La dépendance de la filière drones aux terres rares
b. Des éléments constitutifs des drones non disponibles sur le marché national
2. Des entreprises soumises à la pression étrangère
a. Un marché des drones saturé par la production internationale
b. La nécessité de soutenir les entreprises françaises face à l’export
c. Les entreprises face à la prédation étrangère
3. Les drones comme symboles des limites de l’Europe de la défense
a. Des échecs de drones européens répétés en raison des divergences d’intérêts nationaux
b. Quel avenir pour la trame drones européenne ?
III. Les recommandations de votre rapporteur
A. Accroître les financements des drones par une révision de la LPM
B. Assurer une industrie souveraine sur l’ensemble des segments de la trame drones
C. Clarifier la place de l’Union européenne dans la trame drones
a. Le soutien financier à l’industrie de défense
b. La production de matières premières
II. Audition du général d’armée aérienne Fabien Mandon, chef d’état-major des Armées
III. Audition de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement
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La France n’a jamais été soumise à autant de menaces militaires depuis la fin de la guerre froide. La guerre en Ukraine persiste au cœur de l’Europe et se prolonge sur le territoire de l’Union européenne sous une forme hybride. Les incursions de drones dans l’espace aérien de l’Union européenne et de l’OTAN en septembre et octobre 2025 sont des signaux très alarmants sur la dégradation de la situation géopolitique. Le risque d’un « choc dans trois ou quatre ans » ([1]) avec la Russie est désormais un horizon pris en compte par l’État-major des armées. En parallèle, les risques d’embrasement persistent au Moyen-Orient et au Proche-Orient, avec la guerre israélo-palestinienne et le conflit entre l’Iran et Israël.
En parallèle, d’autres conflits rendent notre monde moins sûr. La France a dû quitter plusieurs pays africains mais reste déployée au Levant dans la Corne de l’Afrique, en Europe de l’Est, pour apporter sa contribution aux efforts pour maintenir ou regagner la paix, ou, aux côtés de pays alliés, dans une posture dissuasive vis-à-vis de puissances hostiles.
Source : Armée de Terre ([2])
Dans un temps où, comme l’indiquait l’ancien ministre de la défense Sébastien Lecornu, « au lieu d’un ordre international dessiné au lendemain de la Seconde guerre mondiale (…) se dessine chaque jour davantage un désordre mondial alimenté par des puissances de déstabilisation », la France joue son rôle, en s’appuyant sur ses armées et leur efficacité, pour faire prévaloir le droit sur la force.
Dans ce contexte, la mission « Défense » fait l’objet d’un effort de réarmement sans précédent. La loi de programmation militaire 2024-2030 prévoit un budget de la défense record à 413 milliards d’euros. La trajectoire est entièrement respectée depuis 2024, ce qui doit être une fierté collective autant que la manifestation d’un grand sens des responsabilités au regard de la pression actuelle sur les finances publiques.
L’année 2026 accélère encore l’investissement de la Nation dans sa défense au travers d’une sur-marche inédite. Dans la continuité du discours aux armées du Président de la République le 13 juillet 2025 ([3]), la mission « Défense » se voit abonder de 6,7 milliards d’euros, qui comprend une sur-marche de 3,5 milliards d’euros par rapport à la LPM. Elle constitue, selon la ministre des Armées Mme Catherine Vautrin dans son audition du 21 octobre 2025 à la commission ([4]) « la première annuité de la future actualisation de la LPM 24-30 [qui sera] présentée d’ici la fin de l’automne. (…). 2026 est l’amorce de cette accélération ».
Le financement des équipements constitue une priorité dans l’orientation des crédits. Les crédits du programme 146 ne cessent de croître avec cette année une augmentation de 4,2 milliards d’euros en crédits de paiement. L’ensemble des armées voient leurs capacités renforcées, avec une attention portée à la dissuasion, à la frappe dans la profondeur, à la lutte anti-drones, aux systèmes d’information et au spatial. L’ambition des Armées reste de « gagner la guerre au premier choc », ainsi que l’avait indiqué le Chef d’État-major des Armées.
Les investissements en faveur des équipements se concrétisent. L’année 2025 a ainsi vu la livraison de la première frégate de défense et d’intervention (FDI) « Amiral Ronarc’h ». Elle voit également l’accélération des livraisons de missiles et des véhicules Scorpion, ainsi qu’un renforcement de la puissance aérienne par la poursuite de la livraison de Rafales.
Il convient ici de saluer notre BITD et son rôle structurant dans l’économie française dans maintes régions françaises. Composée de ses neuf maîtres d’œuvre industriels et de plus de 4 500 PME, ETI et start-up, parmi lesquelles de nombreuses pépites, le secteur de l’industrie de défense est à l’origine de 220 000 emplois directs et indirects sur tout notre territoire. Au-delà d’équiper nos forces armées, l’investissement dans les entreprises de la BITD est une dépense productive entraînant un fort dynamisme économique qui rayonne sur l’ensemble de la société. Fort de près de 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, la BITD française accomplit des prouesses technologiques à l’image du programme Scorpion auquel participent KNDS France, Arquus, Thalès, Texelis, Safran, MBDA et quelques autres encore. Ses équipements de pointe font la fierté de notre pays et illustrent la capacité de nos entreprises à produire tant en qualité qu’en quantité. Le 7 octobre dernier, Dassault Aviation et ses partenaires (Thalès, Safran, MBDA et de nombreuses PME sous-traitantes) ont ainsi livré leur 300e Rafale. Naval Groupe et ses partenaires dont TechnicAtome assurent avec succès des programmes ambitieux et complexes comme les FDI, les SNA de classe Suffren et les futurs SNLE 3G.
Votre rapporteur salue également le rôle de la DGA pour son expertise exceptionnelle et l’efficacité de son travail en lien avec les industriels dans un contexte des plus complexes, tant sur le plan politique que technologique. Le travail d’équipement de nos armées est exemplaire, permis grâce à l’exposition et l’actualisation des besoins de nos forces réalisées par le ministère et l’État-major des Armées. Cette chaîne, qui relie les autorités politiques et militaires aux entreprises de toutes tailles en passant par la délégation à l’armement assure la puissance des armes de la France dans un schéma de souveraineté qui nous distingue de la plupart des autres puissances et qu’il nous faut maintenir et renforcer.
Cet effort doit aujourd’hui être poursuivi, notamment dans des grands chantiers qui pèsent sur nos capacités de défense. Parmi les évolutions nécessaires, le porte-avions nouvelle génération, le remplacement du LRU et des AWACS, le développement du standard F5 du Rafale et le renforcement de notre dissuasion sont des éléments prioritaires. Les guerres modernes, qui combinent les effets de masse et de haute technologie, doivent aussi aboutir à interroger les équilibres des forces.
Le soutien à la BITD française doit également se poursuivre. Les travaux de simplification menés dans le cadre de la charte « Simplification DGA » vont dans le bon sens et permettent un meilleur dialogue avec l’industrie. La ministre des Armées Mme Catherine Vautrin a ainsi souligné l’importance de ce rapprochement avec l’industrie dans son audition à la commission et confirme les efforts réalisés en ce sens : « le ministère se pose en tiers de confiance pour les entreprises de la défense. Il y a encore deux ans, nous avions peu de proximité avec les territoires. (…) Notre BITD repose sur une articulation entre les grands donneurs d’ordre et leurs sous-traitants et je serai particulièrement vigilante à ce que leur relation soit la plus équilibrée possible, à ce que les opportunités dans l’industrie de défense soient connues de l’industrie civile, à ce que nous puissions identifier l’ensemble des innovations sur le territoire. Notre vigilance en matière de sourcing et d’innovation est absolument majeure. »
En parallèle, les coopérations européennes, notamment le MGCS, le SCAF et l’Eurodrone doivent aujourd’hui être remaniées pour assurer leur continuité et ne pas engendrer un vide capacitaire pour la France. À ce titre, votre rapporteur ne saurait qu’encourager la mise en place de solutions souveraines pour assurer notre indépendance et trouver une solution de repli en cas d’échec de la coopération.
Ces ambitions, qui sont absolument essentielles pour garantir la souveraineté nationale, sont cependant perturbées par des éléments politiques extérieurs à la défense. L’instabilité politique créée par le vote de la censure du gouvernement Barnier, suivi de la période de services votés, de gels et dégels successifs, a nécessité un engagement exceptionnel de nos administrations. Néanmoins, ces à-coups très forts mettent à mal nos entreprises. M. Emmanuel Chiva, dans son audition du 22 octobre ([5]), soulignait que le retard avait été rattrapé en octobre grâce à deux dégels successifs. Cependant, cette situation, qui pourrait être reproduite en 2026 si le budget n’était pas voté, engendre des retards et fragilise notre BITD. Votre rapporteur ne peut qu’appeler l’Assemblée nationale à se montrer à la hauteur de la situation internationale et à assurer les moyens nécessaires aux armées de la France.
Sur un plan plus anecdotique, la situation budgétaire n’a pas entraîné des perturbations uniquement pour les administrations. Le travail parlementaire a également été difficile à mener. Votre rapporteur rappelle que l’administration doit faire parvenir les questionnaires budgétaires au plus tard au dépôt du PLF 2026. Les retards, qui ont excédé 10 jours pour certains questionnaires, ne doivent pas se reproduire dans les prochaines années. Votre rapporteur appelle à un meilleur respect par le Gouvernement des pouvoirs de contrôle que la Constitution confie au Parlement, sans mésestimer qu’une part du retard est liée au contexte politique au sein de l’Assemblée nationale.
L’ensemble de ces éléments doit être lu sous le prisme de l’urgence et du devoir impérieux d’assurer nos capacités pour mieux protéger notre Nation. Ainsi que l’exprimait le Président de la République le 13 juillet dernier : « au fond, soyons simples. Pour être libre dans ce monde, il faut être craint. Pour être craint il faut être puissant. »
*
Votre rapporteur a dédié la partie thématique de cette année à une étude sur les capacités et les progrès français en matière de drones aériens.
Les drones sont devenus des éléments tactiques de première importance dans les conflits modernes. Depuis la guerre du Haut-Karabagh en 2020, les drones s’imposent comme des vecteurs qui peuvent faire basculer l’issue d’une guerre. La guerre en Ukraine témoigne de l’utilisation désormais systématique des drones. Ainsi que l’exprimait la ministre Mme Catherine Vautrin : « qui l’eût cru, il y a encore deux ou trois ans, que les trois-quarts des pertes infligées dans le conflit russo-ukrainien seraient le fait de drones et non plus le fait de frappes de missiles ou de canons ? »
Les plus grandes puissances militaires ont accéléré leurs investissements dans les drones. Les États-Unis, la Chine et la Russie sont à ce titre des compétiteurs notables pour la France. Certaines puissances moyennes se sont également imposées dans le paysage militaire, comme l’Ukraine, l’Iran et Israël. Face à cette dynamique mondiale, la France ne doit pas se laisser distancer. Or, elle accuse un retard capacitaire en la matière. Par le passé, des hésitations dans la programmation et l’intérêt tardif porté aux drones ont provoqué un creux capacitaire qu’il faut désormais rattraper.
Dans cette perspective, le PLF 2026 a accéléré l’orientation des crédits vers les grands programmes de drones. L’ensemble de la trame drones est concernée par cet effort. En parallèle, les projets industriels se multiplient. La BITD française, particulièrement innovante dans ce domaine, offre désormais des solutions variées et adaptées selon les besoins.
Malgré ces efforts, de nombreux obstacles se présentent encore. En ce qui concerne les financements, le budget doit encore être renforcé et mieux ventilé pour combler véritablement les besoins des armées. Des commandes doivent être passées sur l’ensemble de la trame. En parallèle, la formation et la mise à disposition des drones dans tous les régiments doivent s’imposer afin que l’ensemble de nos soldats soient prêts pour réagir à un conflit de haute intensité. La BITD doit également être mieux soutenue. Il est urgent de fournir à nos entreprises un cadre de commandes publiques plus favorable. La visibilité sur les commandes et les financements a été perturbée par le contexte budgétaire, ce qui nuit à la montée en force des entreprises dans le cadre d’une potentielle économie de guerre. À ce titre, la production de masse est un élément fondamental qui doit trouver une équation.
La coopération européenne est aussi au centre de la problématique des drones. Le rapprochement entre les industriels européens peine à aboutir, ainsi qu’en témoigne le projet de l’Eurodrone. En parallèle, la Commission européenne tente de soutenir les États dans leurs investissements face au retard de nombreux pays européens dans le domaine. Ces projets devront être questionnés pour savoir s’il est préférable d’opter pour une solution totalement souveraine ou pour une approche européenne.
— 1 —
Première partie : un budget qui assure le renforcement et la modernisation des armées face à la dégradation de la situation géostratégique
I. Un budget augmenté d’une sur-marche qui permet un réarmement à la hauteur des besoins des armées
A. Une sur-marche à la loi de programmation militaire qui bénéficie aux programmes d’équipements
1. Une budgétisation pour 2026 qui dépasse la programmation de la LPM 2024-2030
Les crédits de la mission « Défense » inscrits au PLF 2026 ont été augmentés par rapport à la trajectoire de la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030. La LPM prévoyait un effort budgétaire de + 3,2 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) en 2026. Le gouvernement propose d’accroître le budget de + 3,5 milliards d’euros supplémentaires en CP, portant le total de l’augmentation des crédits à + 6,7 milliards d’euros en CP par rapport à 2025. Cela correspond à une augmentation de + 11,3 % par rapport à 2025.
Les autorisations d’engagement (AE) se stabilisent avec une légère baisse de 444 millions d’euros par rapport à 2025. Cela équivaut à une baisse de - 0,5 % de crédits. Dans le cadre des restrictions budgétaires décidées par le Premier ministre, la mission « Défense » est donc préservée dans sa capacité d’investissement.
Au total, les ressources du budget 2026 s’élèvent à 93 milliards d’euros en AE et 66,7 milliards d’euros en CP. Hors pensions civiles et militaires de retraite, les CP s’élèvent à 57,1 milliards en 2026, contre 50,5 milliards d’euros en 2025.
ÉVOLUTION EN AE ET CP DE LA MISSION « DÉFENSE » EN 2026 (PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE INCLUSES) (EN MILLIARDS D’EUROS)
|
|
AE |
CP |
|
LFI 2025 |
93,5 |
60 |
|
PLF 2026 |
93,1 |
66,7 |
|
Variation annuelle |
- 0,4 % |
+ 11,2 % |
Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données des lois de finances et du PLF 2026.
Cet abondement de crédits bénéficie fortement à l’agrégat « Équipements ». Celui-ci se voit augmenté de + 5,2 milliards en crédits de paiement (+ 17%). Il accuse cependant une légère baisse en autorisations d’engagement de - 2 milliards d’euros (- 3 %). Pour rappel, cet agrégat regroupe dix opérations stratégiques : la dissuasion, les programmes à effet majeur, les autres opérations d’armement, les équipements d’accompagnement et de cohérence, l’entretien programmé du matériel, l’entretien programmé du personnel, les infrastructures de défense, la prospective et la préparation de l’avenir, l’environnement des programmes d’armement et le renseignement.
ÉVOLUTION DE L’AGRÉGAT « ÉQUIPEMENTS » EN 2026 PAR RAPPORT À 2025
(EN MILLIARDS D’EUROS)
|
|
LFI 2025 AE |
PLF 2026 AE |
Évolution en € |
Évolution en % |
LFI 2025 CP |
PLF 2026 CP |
Évolution en € |
Évolution en % |
|
Équipements |
64,8
|
62,8 |
- 2 |
- 3,1 % |
31,3 |
36,6 |
+ 5,2 |
+ 16,7 % |
Source : ministère des Armées, réponses aux questionnaires de votre rapporteur
La « sur-marche » est la traduction de l’engagement du Président de la République dans son discours aux armées le 13 juillet 2025 ([6]). Ces nouveaux crédits permettront de se préparer dans un environnement géostratégique dégradé et d’accélérer de notre réarmement.
2. Une sur-marche qui bénéficie en priorité au programme 146
La priorisation du P146 est continue depuis 2015 dans la conformité de la LPM 2024-2030.
La sur-marche est principalement orientée vers le programme P146, qui démontre la prise en compte du caractère prioritaire du financement des capacités de nos armées. Sur les + 6,7 milliards d’euros supplémentaires, + 4,2 milliards d’euros sont consacrés au P146.
Le P146 représente cette année 40,1 % des crédits de la mission « Défense » en CP hors pensions civiles et militaires de retraite. Cette proportion augmente depuis 2020. 76 % des crédits du programme sont des crédits d’investissement ([7]). Selon le projet annuel de performances, les financements de 2026 permettront de financer les priorités suivantes :
- Les missiles et les munitions, dont les munitions télé-opérées (MTO) ;
- Les drones, notamment les drones du combattant et les systèmes de drones tactiques légers (SDTL) ;
- L’espace, notamment l’action depuis l’espace ;
- La connectivité.
Au total, le P146 recevra 47,2 milliards d’euros en AE et 22,9 milliards d’euros en CP. Cela correspond à une diminution de - 8,2 % en AE et à une augmentation de + 22,5 % en CP. Pour rappel, la loi de finances pour 2025 avait acté une augmentation de + 110 % du P146 en AE, ce qui justifie le ralentissement en 2026.
VARIATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 146 EN 2026 (EN MILLIARDS D’EUROS)
|
|
AE |
CP |
|
LFI 2025 |
51,4 |
18,7 |
|
PLF 2026 |
47,2 |
22,9 |
|
Variation annuelle |
- 8,2 % |
+ 22,5% |
Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données des lois de finances et du PLF 2026.
La répartition des crédits de paiement par action ne varie pas massivement par rapport à la loi de finances pour 2025. Le PLF 2026 marque une continuité dans le financement des différents systèmes de force. L’action 9 « Engagement et combat » (32 % des dépenses) et l’action 6 « Dissuasion » (27 % des dépenses) resteront les principaux pôles de dépenses en 2026, suivi de l’action 7 « Commandement et maîtrise de l’information » (18 %), de l’action 8 « Projection-mobilité-soutien » (12 %), de l’action 10 « Protection et sauvegarde (9 %) et de l’action 11 « Préparation et conduite des opérations d’armement » (2 %).
Parmi l’ensemble des actions du P146, il est à noter que l’action 7 voit très fortement augmenter ses crédits. Les AE passent ainsi de 3 milliards d’euros en 2025 à 13,9 milliards d’euros en 2026 (+ 350 %) et les CP de 3,2 milliards d’euros en 2025 à 4,2 milliards d’euros en 2026 (+ 31 %). Les systèmes d’information et la communication sont donc une priorité pour l’année 2026.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS EN CP DU PROGRAMME 146 ENTRE 2021 ET 2026
Source : ministère des Armées, réponses aux questionnaires de votre rapporteur
Le projet annuel de performances traduit ces orientations : « le réarmement engagé donne la priorité aux moyens de souveraineté (dissuasion et espace), aux munitions et à la capacité des armées à s’engager à court terme (drones, défense sol/air, guerre dans le champ électromagnétique, frappes dans la profondeur), tout en accentuant l’investissement dans les technologies de rupture et en initiant un durcissement capacitaire dans tous les milieux » (p. 293 du PAP).
1. Une montée en puissance qui se concrétise par la livraison d’équipements en 2025
L’année 2025 aura été marquée par la poursuite de nombreux programmes d’armement d’importance, avec notamment :
- Pour le naval, la livraison de la première frégate de défense et d’intervention (FDI), d’un patrouilleur outre-mer, de deux avions de patrouille maritime ATL2 rénovés, de lots de missiles mer-mer EXOCET et de torpilles lourdes ARTEMIS ;
- Pour le terrestre, la poursuite du programme Scorpion avec une accélération du renouvellement du parc de véhicules (Jaguar, Griffon, Serval, MEPAC), de chars Leclerc rénovés, d’hélicoptères Tigre au standard HAD, de missiles moyenne portée et de munitions télé-opérées courte portée ;
- Pour l’aérien, la livraison de 13 Rafales, d’un avion A400M ATLAS, de 12 avions de chasse Mirage 2000D rénovés, d’hélicoptères de manœuvre nouvelle génération, de munitions AASM et air-air MICA ;
- Pour l’interarmées, des équipements de radio CONTACT, des stations de communication satellitaire SYRACUSE IV, des lots de missiles Aster, des fusils brouilleurs, des fusils d’assaut et de cinq systèmes de drones tactiques légers pour des fins d’expérimentation.
2. Une année 2026 qui poursuit l’effort de réarmement
a. Un renouvellement des équipements pour l’ensemble des armées
Le « TOP 10 » des programmes pour 2026 reflète l’effort de réarmement sur l’ensemble des capacités françaises. L’ensemble des milieux et des armées sont concernés avec :
- Pour l’armée de Terre : le programme Scorpion, le SAMP-T NG et le Tigre ;
- Pour l’armée de l’Air et de l’Espace : les Rafales, les systèmes de détection et de commandement aéroportés, le MICA et le SCAF ;
- Pour la Marine nationale : des avions de patrouille maritime (Patmar Futur), les sous-marins nucléaires d’attaque classe Suffren, la flotte logistique et le porte-avions nouvelle génération ;
- Des programmes polyvalents : l’instrument de renseignement et d’imagerie spatiale (IRIS), l’A400M, SYRACUSE IV et le contrôle du cyber.
Pour ces programmes, les autorisations d’engagement s’élèvent à 19,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement (41 % des AE du P146) et 5,9 milliards d’euros en crédits de paiement (26 % des CP du P146).
Classement des dix PRogrammes à effet majeur (PEM) du P146 les mieux dotÉes (PLF 2026) – hors dissuasion nuclÉaire
|
Rang |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
|
1 |
Rafale 3,5 milliards d’euros |
Rafale 1,1 milliard d’euros |
|
2 |
Patmar Futur 3 milliards d’euros |
Scorpion |
|
3 |
Instruments de renseignement et d’imagerie spatiale (IRIS) 2,2 milliards d’euros |
A400M |
|
4 |
SDCA Remplacement 1,7 milliard d’euros |
SAMP-T NG 580 millions d’euros |
|
5 |
Successeur MICA |
Sous-marin nucléaire d’attaque (Barracuda) 558 millions d’euros |
|
6 |
Syracuse IV 1,6 milliard d’euros |
SCAF 455 millions d’euros |
|
7 |
Défense surface-air basse couche 1,6 milliard d’euros |
Flotte logistique 397 millions d’euros |
|
8 |
Alerte spatiale avancée 1,6 milliard d’euros |
Tigre 381 millions d’euros |
|
9 |
Scorpion 1,3 milliard d’euros |
Porte-avions NG 360 millions d’euros |
|
10 |
SCAF |
Environnement CYBER 354 millions d’euros |
Source : ministère des Armées, réponses aux questionnaires de votre rapporteur.
L’accélération du réarmement et la modernisation des armées se traduisent dans les modifications de nomenclature. Des nouveaux programmes à effet majeur (PEM) sont créés du fait de l’acquisition de nouveaux matériels dans le cadre du réarmement. En particulier, sont créés des PEM dans les domaines suivants :
- Les drones avec les PEM « Drones navals » et « Drones sous-marins et de combat » ;
- Les systèmes d’information avec les PEM « Imagerie radar », « Liaisons de données tactiques » et « Exploitation des Données d’Intérêt Militaire » ;
- Les missiles avec les PEM « Missile balistique terrestre » et « Munitions petit calibre » (qui fait suite à la volonté du ministre de créer une chaîne de production de munitions de petit calibre sur le territoire national) ;
- La très haute altitude et le spatial avec les PEM « Très haute altitude » et « Alerte spatiale avancée ».
b. Un effort qui se traduit par des livraisons et des commandes importantes en 2026
- Les principales livraisons prévues en 2026
Les trois armées bénéficieront de la poursuite du renouvellement de leurs capacités en 2026.
Pour l’armée de Terre, il est prévu 30 véhicules blindés Jaguar, 122 véhicules blindés Griffon, 20 véhicules blindés mortiers embarqués pour l’appui au contact (MEPAC), 70 véhicules Serval, 21 chars Leclerc rénovés, 4 hélicoptères NH90, 6 hélicoptères de combat Tigre mis à hauteur au standard HAD et 230 TCO CP, 4 systèmes SAMP-T de nouvelle génération et 8 000 fusils d’assaut HK416.
Pour la Marine nationale, il est notamment prévu un patrouilleur outre-mer, un avion de patrouille maritime ATL2 rénové, trois avions de surveillance maritime, un SNA de classe Suffren (le « De Grasse ») et des lots de missiles ASTER 30 B1 et ASTER 15 navals.
S’agissant de l’armée de l’Air et de l’Espace, il est prévu un Rafale, deux avions de transport A400M ATLAS, un avion léger de surveillance et de reconnaissance, un C130 modernisé, un lot de missiles d’interception air-air MICA remotorisés et un A330 converti en MRTT.
La maîtrise de l’information constitue un élément important en 2026 avec la livraison de 21 stations de communication satellitaire SYRACUSE IV, 1 840 postes CONTACT et 2 630 récepteurs P3TS.
- Les principales commandes prévues en 2026
L’armée de Terre sera l’objet de nombreuses commandes en sa faveur. Il sera commandé 97 véhicules Serval, 70 camions-citernes nouvelle génération, des obus de 155 mm et un lot de missiles MMP.
La Marine nationale bénéficiera de la commande d’une frégate de défense et d’intervention (FDI), de 40 drones sous-marins, de 25 drones de surface et de deux bâtiments hydrographiques nouvelle génération.
L’armée de l’Air et de l’Espace sera aussi renouvelée avec la commande de deux Rafales, quatre systèmes SAMPT-NG, des successeurs des AWACS et des missiles d’interception à domaine élargi (MIDE).
La maîtrise de l’information continuera d’être renforcée avec la commande de huit stations de communication satellitaire SYRACUSE IV.
a. Point sur les retards et décalages des programmes capacitaires en 2025
Selon le ministère des Armées, les décalages de commandes et de livraisons sont provoqués par trois raisons principales : (i) des retards ou difficultés industriels, (ii) l’incertitude budgétaire, (iii) un ajustement du dispositif de qualification.
Pour 2024, les retards étaient les suivants :
- Pour les commandes : 4 kits MEDEVAC ; 5 600 P3TS OMEGA ; 14 vecteurs aériens SDT ; 1 lot de missiles MIDE ; 172 intégrations CONTACT ; 2 radars tactiques SCCOA5 ;
- Pour les livraisons : 9 drones SDT ; 2 C130 modernisés avec rénovation OACI et capacités forces spéciales ; 30 récepteurs OMEGA ; un radar fixe M/BA 3D ; 29 segments sol SYRACUSE IV ; 1 MLCM SLAMF ; 1 hangar SLAMF ; 3 moyens LAD marine ; 2 infrastructures Scorpion ; 4 véhicules légers pour les forces spéciales ; 2 lots de cartouches CINABRE ; 7 Griffon MEPAC.
Pour 2025, les retards projetés sont les suivants :
- Pour les commandes : chiffreurs IP supplémentaires ; bâtiments hydrographiques de nouvelle génération et du système de drones CHOF ;
- Pour les livraisons : 3 hélicoptères Tigre rétrofités HAD ; 8 véhicules légers des forces spéciales sur 28 ; 12 véhicules Scorpion sur 308 (Griffon).
Pour 2026, aucun décalage de commande ou de livraison par rapport au cadencement annoncé n’est prévu par le ministère des Armées.
b. Une sensibilité du programme 146 au report de charges
L’augmentation tendancielle du report de charges a pour conséquence de rigidifier les paiements et de réduire les liquidités. Une partie de la ressource de l’année suivante sera nécessairement destinée à financer les dépenses obligatoires de l’année précédente. Cela engendre une mise en réserve des crédits dès le début de l’année.
Le P146 est le programme pour lequel les variations du report de charges de la mission « Défense » sont les plus sensibles.
En ce qui concerne le programme 146, le montant du report de charges est passé de 2,9 milliards d’euros en 2023 (soit 2,7 milliards d’euros une fois retraité du gel de crédits opéré fin 2023 puis dégel et mis à la disposition du programme en janvier 2024) à un peu moins de 5 milliards d’euros en 2024, suivant en cela la croissance forte des ressources du P146.
Dans les conditions connues lors des travaux de programmation et actualisées au projet de loi de finances pour 2026, le plafond de report de charges ministériel est fixé à 7,5 milliards d’euros à fin 2025 et à 8,6 milliards d’euros fin 2026 soit 20 % des crédits de paiement hors titre 2 de la mission « Défense ».
Ce contexte oblige à piloter finement les paiements à chaque exercice de fin de gestion. La DGA doit alors prioriser ses paiements en tenant compte de la capacité des titulaires de marché à supporter le report de charges pour en minimiser l’impact sur les fournisseurs les plus fragiles (PME, ETI, startups).
c. Des restes à payer importants sources de rigidité
Le programme 146 porte la majeure partie (59 %) des restes à payer de la mission « Défense ». Les restes à payer fin 2026 pour la mission « Défense » sont estimés à 149 millions d’euros, dont 101 millions d’euros pour le P146. Le caractère pluriannuel des dépenses du programme 146 qui implique un niveau de restes à payer important est de nature à entraîner une certaine rigidité en gestion.
Le montant des restes à payer du programme 146 est globalement stable entre 2023 et 2024 après une augmentation de 3,8 milliards d’euros des restes à payer entre 2022 et 2023. Les principaux engagements en 2024 au titre des programmes à effet majeur ont porté sur les SAMP-T NG, Scorpion, PANG et VLTP (véhicule léger tactique polyvalent).
Prévision des restes à payer pour 2025 (en millions d’euros)
|
Prévisions d'évolution des restes à payer (en M€) |
2025 |
|
Total mission « Défense » |
126 644 |
|
dont programme 146 |
81 237 |
Source : ministère des Armées, réponses aux questionnaires de votre rapporteur
La Cour des comptes a signalé les risques de soutenabilité à moyen terme provoqués par le volume significatif de ces restes à payer. Ceux-ci semblent toutefois difficiles à limiter dès lors qu’ils sont corrélatifs à l’augmentation globale de l’investissement sur le P146. Une attention spécifique devra cependant être portée sur ce sujet par le responsable de programme.
d. Une instabilité budgétaire qui a pesé sur les programmes capacitaires
L’année 2025 a débuté sur des services votés. Cette situation a entraîné une libération ralentie des crédits en entrée de gestion. Le contexte de restriction des finances publiques a entraîné un surgel qui a fait grimper la réserve de précaution à 1,7 milliard d’euros.
Surgels du programme 146 en 2025 en (AE et CP)
|
AE en € |
LFI 2024 |
Montant initial de la réserve de précaution |
Montant des surgels |
Montant révisé de la réserve de précaution |
Taux de réserve nette |
|
P146 |
24 392 909 032 |
1 341 609 997 |
402 482 999 |
1 744 092 996 |
7,2 % |
|
|
|
|
|
|
|
|
CP en € |
LFI 2024 |
Montant initial de la réserve de précaution |
Montant des surgels |
Montant révisé de la réserve de précaution |
Taux de réserve nette |
|
P146 |
16 591 352 498 |
912 524 388 |
273 757 316 |
1 186 281 704 |
7,2 % |
Source : ministère des Armées, réponses aux questionnaires de votre rapporteur
Le surgel a été levé en deux étapes face au risque d’insoutenabilité. La levée anticipée de la réserve de précaution est une conséquence directe de la non obtention de la totalité des crédits prévus en 2024. Cependant, si la réserve de précaution a été entièrement levée en CP, les AE n’ont pas été libérées dans leur totalité au 31 août.
Dégels du programme 146 en 2025 en (ae et cp)
|
AE en € |
LFI 2025 |
Montant initial de la réserve de précaution |
Montant des surgels |
Montant du dégel |
Montant révisé de la réserve de précaution |
Taux de réserve nette |
|
P146 |
51 373 634 457 |
2 825 549 895 |
4 868 530 088 |
-265 269 259 |
7 428 810 724 |
14,5 % |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
CP en € |
LFI 2025 |
Montant initial de la réserve de précaution |
Montant des surgels |
Montant des dégels |
Montant révisé de la réserve de précaution |
Taux de réserve nette |
|
P146 |
18 689 519 719 |
1 027 923 585 |
268 080 637 |
-1 296 004 222 |
0 |
0,0 % |
Source : ministère des Armées, réponses aux questionnaires de votre rapporteur
Cette rigidité a entraîné un retard dans la passation des commandes. Si celles-ci ont été rattrapées en septembre 2025, les industriels ont témoigné de difficultés engendrées par ces retards sur la trésorerie et la production.
— 1 —
A. Un programme structuré autour de grands systèmes de forces
Le programme 146 est articulé autour de six actions budgétaires (n° 6 à 11) : cinq (n° 6 à 10) correspondent à des « systèmes de forces » (pour reprendre les termes du projet annuel de performances) et la sixième est liée aux opérations d’armement (n° 11).
● L’action 6 « dissuasion » regroupe l’ensemble des moyens dédiés à « assurer la crédibilité technique de la dissuasion », tels que les missiles des deux composantes et les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. Il convient cependant de relever que cette action budgétaire ne reflète qu’imparfaitement l’effort de la Nation en faveur de sa politique de dissuasion, dès lors qu’elle n’intègre pas le financement des équipements conventionnels participant à la mission de dissuasion nucléaire, tels que les programmes Rafale, l’avion-ravitailleur A330 MRTT ou encore le porte-avions. Au titre du PLF 2026, l’action « dissuasion » du programme 146 représente 8 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 6,1 milliards d’euros de crédits de paiement.
● L’action 7 « commandement et maîtrise de l’information » inclut les crédits liés aux moyens de recueil, de transmission et d’exploitation d’informations et de renseignement aux fins d’assurer notre autonomie de décision. Cette action couvre notamment de nombreux programmes spatiaux (satellites, maîtrise de l’espace), le système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), ou encore les drones et les avions de surveillance. Le PLF 2026 prévoit d’allouer à cette action 13,4 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 4,2 milliards de crédits de paiement.
● L’action 8 « projection-mobilité-soutien » réunit les moyens permettant aux forces de se projeter sur des théâtres d’opérations et d’assurer la mobilité intra-théâtre ainsi que le soutien des troupes. Les crédits liés aux avions de transport (A400M, A330 MRTT Phénix) et aux hélicoptères (NH 90, Cougar, HIL Guépard) sont notamment inscrits dans cette action. 885 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 2,8 milliards d’euros de crédits de paiement sont proposés pour cette action dans le PLF 2026.
● L’action 9 « engagement et combat » regroupe l’ensemble des équipements dédiés aux opérations en milieu hostile. Cette action inclut à titre d’exemple les crédits relatifs au porte-avions nouvelle génération (PANG), au Rafale, au programme Scorpion, aux sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), ainsi qu’à certains missiles (Exocet, missile moyenne portée MMP, missile de croisière naval…). Le PLF 2026 prévoit d’affecter à cette action 18,1 milliards d’euros à titre d’autorisations d’engagement et 7,3 milliards d’euros au titre des crédits de paiement.
● L’action 10 « protection et sauvegarde » recouvre les équipements dédiés à la protection du territoire national face à des menaces conventionnelles, terroristes ou NRBC. Les crédits liés au patrouilleur du futur, au programme Avismar d’avions de surveillance et d’interception maritime, aux systèmes sol-air du futur ou encore à la lutte anti-drones sont réunis dans cette action. Pour le PLF 2026, 6,3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 2 milliards d’euros de crédits de paiement sont prévus pour cette action.
● Enfin, l’action 11 du programme 146 « préparation et conduite des opérations d’armement » ne correspond pas à un « système de force » comme les actions précitées, mais réunit les crédits liés aux activités de la direction générale de l’armement (DGA). Pour l’année 2026, cette action représente 392 millions d’euros au titre des autorisations d’engagement et 348 millions d’euros au titre des crédits de paiement.
— 1 —
Depuis la fin des années 1980, le poids de la dissuasion varie entre 12,5 et 13,5 % des crédits de la mission « Défense ». Il comprend le renouvellement et le maintien en condition opérationnelle des deux composantes océaniques et aéroportée.
L’action « Dissuasion » voit ses crédits fortement diminuer en AE, qui passent de 26,1 milliards d’euros en LFI 2025 à 8 milliards d’euros dans le PLF 2026 (- 69 % des crédits). Les crédits en CP augmentent : ils passent de 5,7 milliards d’euros à 6,1 milliards d’euros, soit une augmentation de + 7 %.
La loi de finances pour 2025 avait été marquée par l’entrée en phase de réalisation de programmes structurants qui ont engendré une augmentation massive des AE (+ 608 % en 2025). Par conséquent, l’année 2026 voit diminuer les AE au profit de l’augmentation des CP, qui répercutent les programmes engagés en 2025.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS de L’ACTION 6 « DISSUASION » (PLF 2026)
(en millions d’euros)
|
Crédits par action et sous-action |
Autorisations d'engagement (M€) |
Crédits de paiement (M€) |
|||||
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
||
|
6 |
Dissuasion |
26 075,8 |
8 032,2 |
- 18 043,7 |
5 734,2 |
6 115,5 |
+ 381,3 |
|
06-14 |
Assurer la crédibilité technique de la dissuasion M51 |
7 491,9 |
177,2 |
- 7 314,7 |
876,1 |
821,3 |
- 54,8 |
|
06-17 |
Assurer la crédibilité technique de la dissuasion - Air sol moyenne portée amélioré (ASMPA) |
91,2 |
3 092,8 |
+ 3 001,5 |
142,4 |
236,4 |
+ 94,0 |
|
06-18 |
Assurer la crédibilité technique de la dissuasion Simulation |
715,2 |
767,6 |
+ 52,5 |
706,2 |
737,1 |
+ 30,9 |
|
06-19 |
Assurer la crédibilité technique de la dissuasion - Autres opérations |
4 917,2 |
1 685,2 |
- 3 232,0 |
1 756,5 |
1 983,3 |
+ 226,8 |
|
06-22 |
Assurer la crédibilité opérationnelle de la dissuasion - soutien et mise en œuvre des forces - toutes opérations |
1 099,3 |
1 636,4 |
+ 537,1 |
963,7 |
1 056,7 |
+ 93,0 |
|
06-23 |
Assurer la crédibilité technique de la posture - toutes opérations |
261,0 |
579,4 |
+ 318,4 |
544,0 |
470,0 |
- 74,0 |
|
06-24 |
Assurer la crédibilité technique de la dissuasion – SNLE 3G |
11 500,0 |
93,5 |
- 11 406,5 |
745,4 |
810,7 |
+ 65,3 |
Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2026.
Votre rapporteur souhaite attirer l’attention de la commission sur les programmes suivants :
La réalisation du programme SNLE 3G (sous-marin nucléaire lanceur d’engin de troisième génération) a été lancée début 2021. Destinés à remplacer les SNLE actuels de type « Le Triomphant », ces nouveaux sous-marins permettront un saut en performance opérationnelle en terme de détection et de discrétion acoustique. Le passage à l’étape 2 de la phase de réalisation est prévu pour fin 2025. Les SNLE 3G seront conçus pour porter les incréments futurs du missile M51.
Le missile M51 est un missile nucléaire stratégique à têtes multiples lancé depuis les sous-marins nucléaires lanceurs d’engin. Il évolue par une approche incrémentale, ce qui permet de l’adapter tous les dix ans environ à l’évolution des défenses antimissiles. Il se décline actuellement sous la version M 51.1 et M51.2.
Le M51.3, dont le développement a débuté en 2014, sera mis en service d’ici la fin de l’année 2025. Il bénéficiera d’une portée accrue et d’une plus grande résistance aux défenses anti-missiles adverses.
Le programme M51.4, dont les travaux préparatoires ont débuté en 2022, est entré en phase de réalisation à l’été 2025. Il présente des capacités renforcées en matière de portée et de précision. Airbus Defence and Space a été notifié du marché de développement et de production le 28 août 2025 avec sa solution Wedgetail, un avion de reconnaissance disposant notamment d’un système de radar avancé.
L’adaptation des infrastructures de l’Ile Longue inclut la création des installations destinées à la mise en œuvre du M51.3. Les coûts sont couverts par le programme 146.
Le programme a été lancé fin 2016 et sera achevé en 2027. Il améliore les performances opérationnelles du missile face à l’évolution des défenses adverses jusqu’à l’horizon 2035. La mise en service opérationnelle a été prononcée dans les forces aériennes stratégiques (FAS) fin 2023 et est prévue prochainement dans la force aéronavale nucléaire (FANU).
Ce programme se voit très fortement abondé en AE pour 2026, avec un passage de 91 millions d’euros en 2025 à 3,1 milliards d’euros en 2026. Les CP augmentent plus modérément et passent de 142 millions d’euros en 2025 à 236 millions d’euros en 2026.
Le nouveau missile ASN4G succédera à l’ASMPA rénové. La phase de préparation du programme a été lancée en 2018, son lancement en réalisation est prévu fin 2025. L’ambition capacitaire et technique a été confirmée fin 2021 avec un missile hypervéloce (hypersonique et manœuvrant) embarquable sous Rafale F5 à l’horizon 2035. Les études de la phase de préparation se poursuivent.
La dotation de l’action 7 « Commandement et maîtrise de l’information » s’élève à 13,4 milliards d’euros contre 3 milliards d’euros en 2025 (+ 350 %) en autorisations d’engagement et à 4,2 milliards d’euros contre 3,2 milliards d’euros en 2025 (+ 32 %) en crédits de paiement. Le programme voit donc ses AE augmenter fortement.
L’action est marquée par la création de quatre nouveaux PEM, avec « Liaisons de données tactiques » (07-35), « Très haute altitude » (07-62), « Alerte spatiale avancée » (07-45) et « Exploitation de données d’intérêt militaire » (07-68).
Elle est aussi marquée par un changement de périmètre, avec le passage de certaines sous-actions au programme 178. Les projets ARTEMIS IA, l’activité « Socle environnement SIA ([8])», le volet logistique du « SIA », le RDIP (réseau de desserte IP) et le programme DESCARTES sortent ainsi du P146. Cette modification s’explique par la création du Commissariat au Numérique de Défense qui implique une modification de l’architecture budgétaire.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 7
« COMMANDEMENT ET MAÎTRISE DE L’INFORMATION » (PLF 2026)
(en millions d’euros)
|
Crédits par action et sous-action |
Autorisations d'engagement (M€) |
Crédits de paiement (M€) |
|||||
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
||
|
07 |
Commandement et maîtrise de l’information |
2 970,1 |
13 380,9 |
10 410,8 |
3 181,2 |
4 200,4 |
1 019,3 |
|
07-22 |
07-22 - Commander et conduire – Hébergement Cloud' |
- |
100 |
+ 100 |
1,9 |
10,4 |
+ 8,5 |
|
07-23 |
07-23 - Commander et conduire - ARTEMIS IA |
56,0 |
- |
- 56,0 |
43,2 |
- |
- 43,2 |
|
07-24 |
07-24 - Commander et conduire - Système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) |
509,7 |
402,1 |
- 107,6 |
314,4 |
339,3 |
+ 24,8 |
|
07-25 |
07-25 - Commander et conduire - Système d'information TERRE |
103,0 |
87,2 |
- 15,8 |
55,6 |
43,7 |
- 11,9 |
|
07-27 |
07-27 - Commander et conduire - Géographie numérique |
69,8 |
125,5 |
+ 55,7 |
76,6 |
85,9 |
+ 9,3 |
|
07-28 |
07-28 - Commander et conduire - Autres opérations |
250,4 |
588,3 |
+ 337,9 |
96,4 |
218,2 |
+ 121,8 |
|
07-29 |
07-29 - Commander et conduire - Système d’information des armées (SIA) |
94,5 |
175,1 |
+ 80,6 |
103,9 |
69,9 |
- 34,0 |
|
07-30 |
07-30 - Communiquer - CYBER |
108,7 |
470,6 |
+ 361,9 |
227,2 |
483,9 |
+ 256,6 |
|
07-35 |
07-35 - Communiquer - Autres opérations |
104,9 |
211,6 |
+ 106,7 |
192,1 |
227,1 |
+ 35,0 |
|
07-36 |
07-36 - Communiquer - CONTACT |
50,0 |
724,0 |
+ 674,0 |
276,6 |
268,5 |
- 8,1 |
|
07-37 |
07-37 - Communiquer - DESCARTES |
210,1 |
- |
- 210,1 |
88,4 |
- |
- 88,4 |
|
07-42 |
07-42 - Espace - Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître - ROEM |
269,5 |
235,5 |
- 34,0 |
16,6 |
37,5 |
+ 20,9 |
|
07-43 |
07-43 - Espace - Communiquer - Moyens de communication satellitaire |
173,3 |
1 860,4 |
+ 1 687,0 |
386,0 |
516,2 |
+ 130,2 |
|
07-44 |
07-44 - Espace - Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître - ROIM |
110,5 |
2 232,0 |
+ 2 121,5 |
111,3 |
254,3 |
+ 143,0 |
|
07-45 |
07-45 - Espace - Maîtrise de l'Espace |
- |
2 072,0 |
+ 2 072,0 |
138,0 |
58,7 |
- 79,3 |
|
07-46 |
07-46 - Espace - Commander et conduire - OMEGA |
- |
160,0 |
+ 160,0 |
86,4 |
164,6 |
+ 78,2 |
|
07-50 |
07-50 - Communiquer - Transmission |
452,0 |
395,4 |
- 56,6 |
23,3 |
31,3 |
+ 8,0 |
|
07-60 |
07-60 - Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître - ALSR |
- |
- |
- |
19,8 |
38,6 |
+ 18,8 |
|
07-61 |
07-61 - Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître - CUGE |
- |
11,0 |
+ 11,0 |
117,0 |
94,9 |
- 22,1 |
|
07-62 |
07-62 - Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître - Drones aériens |
78,1 |
408,6 |
+ 330,5 |
238,0 |
353,4 |
+ 115,5 |
|
07-63 |
07-63 - Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître - Hawkeye |
2,1 |
1,3 |
- 0,9 |
189,5 |
215,0 |
+ 25,5 |
|
07-64 |
07-64 - Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître - ROEM |
50,5 |
1 181,8 |
+ 1 131,3 |
173,8 |
203,6 |
+ 29,8 |
|
07-67 |
07-67 - Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître - SDCA |
77,3 |
1 668,0 |
+ 1 590,7 |
28,2 |
277,4 |
+ 249,1 |
|
07-68 |
07-68 - Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître - Autres opérations |
114,5 |
70,6 |
- 43,9 |
53,7 |
11,3 |
- 42,4 |
|
07-69 |
07-69 - Communiquer - réseaux de théâtre |
85,0 |
200,0 |
+ 115,0 |
123,3 |
196,8 |
+ 73,5 |
Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2026
Votre rapporteur souhaite soulever les éléments suivants :
Les crédits abondent fortement le développement des systèmes d’information, notamment dans le cadre de leur mise en œuvre sur les théâtres d’opération.
Le Cloud projetable voit ses autorisations d’engagement passer de 0,00 euro en 2025 à 100 millions d’euros en 2026. Les crédits de paiement augmentent de 1,8 million d’euros à 10,3 millions d’euros. L’incrément 1 a été lancé en réalisation en 2025. Un lot a été commandé en 2025 et un lot sera de nouveau commandé en 2026 pour un total de trois lots à terme représentant 228 matériels. Le premier lot sera livré en 2026.
Le système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCOOA) poursuit sa progression. Avec un an de décalage dû à des retards industriels, le lancement en réalisation de l’incrément SCCOA 5 devrait avoir lieu 2026. En parallèle, en 2025 ont été livrés trois radars fixes M/BA 3D, un radar fixe d’approche et un STRIDA (système de traitement et de représentation des informations de défense aérienne) rénové. Il est attendu en 2026 la livraison d’un radar fixe M/BA 3D, d’un centre ACCS ([9]) de remplacement et d’un ACCS standard 1.
Pour le SI Terre, la livraison des derniers kits C-NUMTACT a eu lieu en 2025 (avec un an de retard). En 2026 sont prévues des commandes et des livraisons de calculateurs d’interfaces externes (CIE) et de calculateurs C3. Pour le SIA, le lancement de la phase de réalisation est repoussé d’un an et devrait être lancé en 2026.
L’opération GEODE 4D, qui vise à assurer les capacités d’élaboration et l’exploitation des données géographiques, verra ses crédits abondés. Les autorisations d’engagement passeront de 70 millions d’euros en 2025 à 125 millions d’euros en 2026 en AE. Une légère augmentation est également présente pour les CP, qui s’élèveront à 85 millions d’euros en 2026. 2026 sera marquée par le lancement de l’étape 2 de réalisation, avec un an de retard.
Le programme ARES ([10]) voit ses autorisations d’engagement augmenter à 2,1 milliards d’euros en 2026 et ses crédits de paiement à 58 millions d’euros. Ces crédits couvrent le lancement en réalisation de l’incrément 2, déjà en retard d’un an et qui n’est pas encore acté en octobre 2025. Ce nouvel incrément comprendra le successeur GRAVES ([11]), la capacité d’action dans l’espace EGIDE ([12]) (programme de défense des satellites) et le système de combat intégré ASTREOS ([13]).
En ce qui concerne l’activité CYBER, le programme est de nouveau abondé, avec un passage de 108 millions d’euros en AE en 2025 à 471 millions d’euros en AE en 2026. Les CP passeront de 227 millions d’euros en 2025 à 483 millions d’euros en 2026. Les incréments 1 et 6 ont été clos en 2025. Des commandes pour des moyens techniques de lutte informatique défensive (MTLID) ont été passées en 2025 pour une livraison attendue en 2026.
Le ROEM est fortement soutenu sur le plan budgétaire. Divisé en deux sous-actions (07-42 et 07-64), il cumule 1,2 milliard d’euros en AE et 241 millions d’euros en CP. La cible CERES a été atteinte, tandis que la cible CELESTE bénéficiera d’une mesure de réarmement. Pour le ROEM stratégique, celui-ci sera lancé en réalisation en 2026. Pour le ROEM tactique, 51 commandes ont été passées en 2025 pour une cible totale de 89. Deux systèmes ont été livrés en 2025 et 16 le seront en 2026.
Le programme CONTACT, qui permet d’assurer le réseau de radiocommunication tactique haut débit, se voit fortement abondé en crédits. Celui-ci passe de 50 millions d’euros en 2025 à 724 millions d’euros en 2026 en AE et de 276 millions d’euros en 2025 à 268 millions d’euros en 2026 en CP. De nombreuses livraisons ont eu lieu en 2025 et se poursuivront en 2026.
Le programme « SDCA interopérabilité », qui recouvre notamment les E-3F, aussi appelés AWACS. Les E-3F doivent être retirés du service d’ici 2035. La solution GlobalEye est privilégiée. Une déclaration conjointe a été signée au Bourget en 2025 en ce sens. En 2026, 1,7 milliard d’euros d’AE sont orientés vers le remplacement du SDCA.
La sous-action « réseau théâtre », qui vise à assurer la cohérence des capacités de connectivité au travers des programmes AGORA, ASTRIDE et RIFAN, accélère très fortement. La sous-action passe d’une dotation de 85 millions d’euros en 2025 à 200 millions d’euros en 2026. En 2025 a eu lieu le lancement en réalisation du second incrément AGORA. Le troisième incrément sera lancé en 2026. 61 RIFAN étape 3 seront commandés en 2026. Pour ASTRIDE, 31 systèmes ont été livrés en 2025 et 15 le seront en 2026. Des commandes supplémentaires ont été réalisées.
Les drones de contact (sous-action 07-28) voient leur dotation fortement augmenter. Les autorisations d’engagement atteignent 569 millions d’euros en 2026, pour 159 millions de crédits de paiement. 460 drones de contact ont été commandés en 2025 et 230 livrés. Pour les SDTL, un système a été commandé en 2025 et cinq ont été livrés.
Les drones aériens (sous-action 07-62) comprennent les SDT, SDAM, MALE REAPER et MALE européen. Les crédits augmentent sur la sous-action, avec 409 millions d’euros en AE en 2026 contre 78 millions d’euros en AE en 2025. Le programme subit néanmoins des retards. L’Eurodrone continue à rencontrer des difficultés d’arbitrage entre les États et entreprises européennes. La question du bimoteur reste centrale dans ces négociations. Le SDAM (système de drone aérien de la marine) est quant à lui décalé d’un an, le lancement en réalisation entrant en vigueur en 2025 et non en 2024 comme prévu initialement. La cible des SDT est divisée par deux par rapport à 2025.
Les capacités de communication satellitaires sont renforcées. Le PEM SYRACUSE IV est fortement abondé et passe de 60 millions d’euros en AE en 2025 à 1,7 milliard d’euros en AE en 2026. Cette affectation permettra de lancer le troisième incrément de SYRACUSE IV attendu pour fin 2026. En 2025, 123 systèmes ont été commandés et 129 livrés. Huit commandes seront passées en 2026 et 21 livraisons sont attendues.
Pour le programme ROIM (renseignement d’origine image), qui comprend notamment les PEM MUSIS et IRIS, les AE augmentent fortement. Ils passent de 111 millions d’euros en 2025 à 2,3 milliards d’euros en 2026. La mise sur orbite du troisième satellite MUSIS a eu lieu en mars 2025. La hausse des crédits permettra la commande des satellites IRIS, qui est encore en phase de préparation.
Pour la livraison du SIS NEXT dans le programme ARES, des difficultés industrielles ont obligé à un décalage du lancement en réalisation de l’incrément 2. Prévu initialement en 2023, il devrait débuter en 2025.
Pour OMEGA, les commandes accélèrent fortement. 160 millions d’AE sont engagés en 2026 contre 0,00 en 2025. Les commandes ont atteint 5 600 récepteurs en 2025. La livraison de 2 630 d’entre eux est prévue dès 2026. En matière de développement, après deux ans de retard, le premier prototype de récepteur bi-constellation a été réalisé en 2025. Le lancement du troisième incrément est attendu pour 2026.
L’action 8 « Projection – mobilité – soutien » connaît une forte baisse de crédits pour la seconde année consécutive. En 2026, les autorisations d’engagement s’établiront à 885 millions d’euros en 2026 contre 1,3 milliard d’euros en 2025 (- 32 %). Comme indiqué dans le précédent avis budgétaire, cette baisse est à relativiser car les autorisations d’engagement avaient doublé en 2024. Cet investissement continue à se traduire en 2026 avec une augmentation des crédits de paiements pour la seconde année d’affilée. Ceux-ci s’établiront à 2,8 milliards d’euros en 2026 contre 1,7 milliard d’euros en 2025 (+ 65 %).
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 8 « PROJECTION – MOBILITÉ – SOUTIEN » (PLF 2026)
(en millions d’euros)
|
Crédits par action et sous-action |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
|||||
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
||
|
08 |
Projection - mobilité - soutien |
1 263,1 |
885,5 |
- 377,7 |
1 667,0 |
2 776,5 |
1 109,6 |
|
08-42 |
08-42 - Projeter les forces - Avion de transport futur (A400M) |
12,6 |
255,5 |
+ 242,9 |
445,8 |
738,4 |
+ 292,6 |
|
08-43 |
08-43 - Projeter les forces - Autres opérations |
50,0 |
35,4 |
- 14,6 |
116,5 |
85,2 |
- 31,3 |
|
08-44 |
08-44 - Assurer la mobilité - VLTP |
3,5 |
4,3 |
+ 0,8 |
94,1 |
210,5 |
+ 116,4 |
|
08-45 |
08-45 - Assurer la mobilité - HIL |
76,0 |
75,8 |
- 0,2 |
168,6 |
333,0 |
+ 164,5 |
|
08-46 |
08-46 - Assurer la mobilité - Rénovation Cougar |
- |
- |
- |
0,4 |
- |
- 0,4 |
|
08-47 |
08-47 - Assurer la mobilité - Hélicoptère NH 90 |
45,0 |
2,3 |
- 42,7 |
238,9 |
365,1 |
+ 126,2 |
|
08-48 |
08-48 - Assurer la mobilité - Autres opérations |
254,8 |
139,8 |
- 115,0 |
116,1 |
129,5 |
+ 13,5 |
|
08-49 |
08-49 - Assurer la mobilité – Hélicoptères de manœuvre nouvelle génération (HM NG) |
- |
- |
- |
55,4 |
13,7 |
- 41,7 |
|
08-51 |
08-51 - Assurer la mobilité - FTLT |
400,0 |
150,0 |
- 250,0 |
20,5 |
65,0 |
+ 44,5 |
|
08-53 |
08-53 - Maintenir le potentiel ami et autre - Autres opérations |
44,5 |
42,3 |
- 2,2 |
61,5 |
198,5 |
+ 137,2 |
|
08-55 |
08-55 - Maintenir le potentiel ami et autre - MRTT |
110,0 |
180,0 |
+ 70,0 |
259,0 |
240,7 |
- 18,4 |
|
08-56 |
08-56 - Maintenir le potentiel ami et autre - Flotte logistique |
266,7 |
- |
- 266,7 |
90,2 |
396,8 |
+ 306,6 |
(1)Véhicule léger tactique polyvalent.(2) Hélicoptère interarmées léger.(3) Multi-rôle tanker transport.
Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2026
Plusieurs programmes majeurs sont portés par cette sous-action :
Pour rappel, l’A400M est un avion de transport quadrimoteur remplaçant la flotte de transport tactique du C160 Transall, retiré du service en 2022. Le programme est réalisé entre 6 pays (France, Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, Turquie et Belgique). La gestion est confiée à l’OCCAr. La LPM fixe un objectif de 35 A400M en 2030, permettant ainsi de préserver la chaîne de production A400M au moins jusqu’à début 2028.
Au 1er septembre 2025, vingt-quatre appareils ont été livrés à la France. L’essentiel des capacités tactiques est déjà disponible (autoprotection évoluée, blindage final, atterrissage sur terrains sommaires, ravitaillement en vol de chasseurs, d’avions de transport et d’hélicoptères, largage de parachutistes par les deux portes, largage de matériel par gravité jusqu’à 25 tonnes et éjection jusqu’à 16 tonnes, suivi de terrain automatique avec et sans visibilité).
Malgré ces ambitions, la viabilité de la production au-delà de 2028 a été interrogée l’année dernière dans le cadre du précédent avis budgétaire. L’année 2025 a cependant impulsé des évolutions.
Le 16 juin 2025, à l’occasion du salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, la France et l’Espagne ont signé avec Airbus et l’OCCAr une lettre d’intention destinée à assurer la production d’avions A400M Atlas jusqu’à fin 2028. La France et l’Espagne ont également l’intention d’anticiper la livraison de trois A400M Atlas en 2028 pour l’Espagne et de quatre avions sur 2028-2029 pour la France. Cet accord permet de stabiliser les projections en matière de commandes.
Au regard de ce nouveau contrat, la France a augmenté sa cible à 41 appareils d’ici 2029, tranchant ainsi en faveur du A400M après une hésitation sur la poursuite du programme. Ces avions reprendront les missions allouées actuellement au C-130H dont le retrait de service a été anticipé à fin 2029. La cible d’A400M pourra être revue en fonction du résultat de la réflexion globale sur les besoins en termes de mobilité par voie aérienne au profit des armées à l’horizon 2040.
Dans ce cadre, les enjeux principaux pour 2025 et 2026 seront :
- La livraison du 25e A400M fin 2025 et la livraison des 26e et 27e A400M en 2026 ;
- La notification du contrat pour le développement d’une capacité multi-mission sur A400M ;
- Le maintien de la chaîne de production A400M jusqu’à fin 2029 soit via des exports soit au travers de la livraison anticipée d’avions complémentaires ;
- Le lancement d’un nouveau standard dit Block Upgrade 1 en coopération avec les autres nations participant au programme.
Le programme VLTP (Véhicule léger tactique polyvalent) a pour objectif d’acquérir pour les trois armées, directions et services une nouvelle génération de véhicules légers, dont le niveau de protection dépend des contextes d’emploi. Le programme est découpé en plusieurs étapes, selon les différentes versions de véhicules (VLTP NP pour la gamme légère et VLTP P pour la gamme lourde).
L’étape 1, close, était dédiée au véhicule léger tactique polyvalent non protégé, version commandement-liaison (VLTP NP). La première commande a été notifiée en 2016 à Arquus. La totalité des 4 380 véhicules a été livrée aux forces en 2023.
L’année 2025 sera marquée par la finalisation de l’étape 2 dédiée au VLTP Non Protégé SANitaire (VLTP NP SAN), en phase de réalisation depuis septembre 2023. L’ensemble des 103 véhicules prévus devrait être livré d’ici la fin de l’année.
L’incertitude concernant les véhicules Guépard persiste par rapport à l’avis budgétaire de l’année dernière. Disposant d’un large spectre de missions opérationnelles (transport léger, soutien logistique léger, secours, appui au commandement, formation), le Guépard devrait remplacer l’Alouette III, Gazelle, le Dauphin, le Panther et le Fennec. Cependant, le Guépard est toujours en phase de réalisation depuis 2021. Le ministère indique que l’enjeu pour 2025 et 2026 est la poursuite du développement du Guépard, pour une cible de 169 Guépard à terme. Aucune échéance n’a été déterminée.
La LPM prévoit la livraison des derniers NH90 TTH. Au 1er septembre 2025, les livraisons s’établissaient à 65 hélicoptères pour l’armée de Terre avec un étalement des livraisons jusqu’en 2029. La cible totale est de 82 hélicoptères. L’année 2026 verra la mise en service d’un standard du TTH pour les Forces spéciales, actuellement en cours de développement et tel que prévu par la LPM. Des travaux sont en cours pour étudier la préparation d’une rénovation à mi-vie à l’horizon 2035.
Le programme flotte tactique et logistique terrestre vise à remplacer les flottes de camions en service dans les trois armées, directions et services. Une approche incrémentale est prévue pour s’adapter à l’évolution du besoin capacitaire. Le lancement de la préparation de l’incrément 1 a eu lieu en 2021. Les premières livraisons étaient prévues en 2026 mais ont été repoussées en 2027. Le premier incrément a été notifié à la société Arquus en avril 2024 pour une cible fixée à 450 camions au lancement en réalisation de ce premier incrément.
Les autres besoins, qui concernent les camions de charge utile 6t, les porte-blindés, ainsi que les camions logistiques lourds (en complément des porteurs polyvalents terrestres déjà acquis dans le cadre du programme PPT étape 1, clos en 2018) seront pris en compte dans le cadre des incréments ultérieurs.
La LPM 2024-2030 prévoit un parc de 2 086 camions FTLT pour la fin 2030. Dans le cadre du réarmement, il est prévu une accélération des livraisons par rapport à la LPM 2024-2030, sans évolution de la cible finale. Les enjeux pour 2025 concernent la commande de 165 camions de charge utile 6t et de camions de gamme commerciale pour la logistique métropolitaine. 70 véhicules seront commandés en 2026.
Le MRTT est destiné au ravitaillement en vol et au transport. Il remplacera le C-135FR et le KC-135RG. Les MRTT sont réalisés à partir d’A330-200, qui sont ensuite transformés. Ces avions confortent la composante aéroportée.
La LPM 2024-2030 a permis d’accélérer la conversion de 3 A330-200 en MRTT afin notamment d’anticiper le retrait de services des KC-135 en 2025 (au lieu de 2027-2028) dont le maintien en condition opérationnelle induit un coût de plus en plus important.
12 MRTT et 3 A330-200 ont été livrés entre 2018 et 2023. La conversion des 3 A330-200 sera échelonnée entre 2025 et 2027 au rythme d’un MRTT par an. Le premier de ces trois MRTT a été livré en juin. 13 MRTT sont donc en service dans l’armée de l’Air et de l’Espace en 2025. En parallèle, les derniers KC-135 ont été retirés du service à l’été 2025.
Les enjeux principaux pour 2025 et 2026 couvrent la conversion en MRTT du deuxième A330-200 et la maturation du développement de l’incrément 1 du standard 2 dédié à l’autoprotection et à la connectivité (antenne de communication satellitaire Melissa en connexion avec SYRACUSE IV). L’ensemble de ces éléments explique l’augmentation des crédits en autorisations d’engagement, qui passent de 110 millions d’euros en 2025 à 180 millions d’euros en 2026 (+ 63 %). Les crédits de paiement subissent une baisse et passent de 259 millions d’euros en 2025 à 241 millions d’euros en 2026.
Le programme a été lancé en réalisation en 2018. Il permet la production de quatre bâtiments ravitailleurs de forces (BRF). La LPM a instauré une cible totale à quatre BRF, dont un livré post-2030. Le « Jacques Chevallier » a été réceptionné le 13 juillet 2023 et a été admis au service actif en août 2024.
L’enjeu de 2025 repose sur la livraison du deuxième BRF, le « Jacques-Stosskopf ». Les essais à la mer du second BRF ont débuté en avril 2025 avec une réception prévue fin 2025. Son déploiement longue durée est prévu pour 2026.
La fabrication du tronçon avant du troisième BRF, « Émile-Bertin », a débuté en décembre 2023 en Italie et il sera acheminé à Saint-Nazaire où les travaux sont également en cours depuis le début de l’année. La mise à flot est prévue pour 2026 et la livraison pour mi-2027.
Les autorisations d’engagement de l’action 9 « engagement et combat », sont en légère baisse (- 5 %) pour s’établir à 18,1 milliards d’euros en 2026 contre 19,1 milliards d’euros en 2025. À noter que les AE avaient augmenté de + 108 % en 2025 par rapport à 2024. Conséquence de cet investissement, les crédits de paiement sont en augmentation en 2026 pour atteindre 7,3 milliards d’euros (+ 14 %) contre 6,4 milliards d’euros en 2025. Ils poursuivent ainsi leur accroissement.
Cette action est marquée par la création de nouveaux programmes à effet majeur, avec les PEM « Drone naval », « Drone sous-marin de combat », « Imagerie radar » et « Missile balistique terrestre ».
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 9 « ENGAGEMENT ET COMBAT » (PLF 2026)
(en millions d’euros)
|
Crédits par action et sous-action |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
|||||
|
2025 |
2026 |
Évolution |
2025 |
2026 |
Évolution |
||
|
09 |
09 – Engagement et combat |
19 063,2 |
18 098,5 |
-964,7 |
6 416,2 |
7 339,9 |
923,6 |
|
09-56 |
09-56 - Frapper à distance - Missile de croisière naval (MDCN) |
23,5 |
500,0 |
+ 476,5 |
10,7 |
5,6 |
- 5,1 |
|
09-59 |
09-59 - Frapper à distance - RAFALE |
1 085,4 |
3 584,7 |
+ 2 499,3 |
1 898,5 |
1 487,0 |
- 411,6 |
|
09-61 |
09-61 - Frapper à distance - Autres opérations |
433,9 |
3 740,4 |
+ 3 306,5 |
366,8 |
679,8 |
+ 313,0 |
|
09-62 |
09-62 - Frapper à distance - SCAF |
813,6 |
1 200,0 |
+ 386,4 |
295,2 |
454,5 |
+ 159,3 |
|
09-63 |
09-63 - Frapper à distance - Porte-avions |
10 251,0 |
594,8 |
- 9 656,2 |
271,8 |
476,6 |
+ 204,8 |
|
09-66 |
09-66 - Opérer en milieu hostile - Véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI) |
- |
- |
- |
0,9 |
1,5 |
+ 0,5 |
|
09-68 |
09-68 - Opérer en milieu hostile - Hélicoptère TIGRE |
0,5 |
25,8 |
+ 25,3 |
228,3 |
387,9 |
+ 159,6 |
|
09-69 |
09-69 - Opérer en milieu hostile - Future torpille lourde (FTL) |
- |
- |
- |
17,8 |
30,6 |
+ 12,8 |
|
09-71 |
09-71 - Opérer en milieu hostile - Évolution Exocet |
1 070,0 |
729,0 |
- 341,0 |
129,4 |
268,7 |
+ 139,3 |
|
09-73 |
09-73 - Opérer en milieu hostile - Frégates multimissions (FREMM) |
- |
- |
- |
4,4 |
5,1 |
+ 0,7 |
|
09-74 |
09-74 - Opérer en milieu hostile - SNA Barracuda |
1 002,6 |
- |
- 1 002,6 |
506,4 |
910,0 |
+ 403,6 |
|
09-75 |
09-75 - Opérer en milieu hostile - Autres opérations et conduire des opérations spéciales |
497,5 |
803,8 |
+ 306,3 |
460,3 |
541,3 |
+ 81,0 |
|
09-77 |
09-77 - Opérer en milieu hostile - SCORPION |
336,0 |
1 382,2 |
+ 1 046,2 |
1 252,6 |
1 222,1 |
- 30,5 |
|
09-78 |
09-78 - Frapper à distance - Mirage 2000 |
69,0 |
55,0 |
- 14,0 |
120,4 |
67,7 |
- 52,7 |
|
09-79 |
09-79 - Opérer en milieu hostile - Plateformes |
95,6 |
704,9 |
+ 609,3 |
216,1 |
292,5 |
+ 76,4 |
|
09-80 |
09-80 - Opérer en milieu hostile - MGCS Système de combat terrestre principal |
97,6 |
115,0 |
+ 17,4 |
15,2 |
20,6 |
+ 5,4 |
|
09-84 |
09-84 - Opérer en milieu hostile - MAST-F |
- |
- |
- |
3,7 |
29,3 |
+ 25,6 |
|
09-85 |
09-85 - Opérer en milieu hostile - SLAMF |
1 |
1 099,4 |
- 220,1 |
108,8 |
79,4 |
- 29,3 |
|
09-86 |
09-86 - Opérer en milieu hostile - ATL2 |
67,5 |
3 015,2 |
+ 2 947,7 |
58,4 |
90,1 |
+ 31,7 |
|
09-88 |
09-88 - Opérer en milieu hostile - missile moyenne portée MMP |
- |
548,2 |
+ 548,2 |
99,1 |
173,2 |
+ 74,1 |
|
09-89 |
09-89 - Opérer en milieu hostile - Frégates de taille intermédiaire (FTI) |
1 900,0 |
- |
- 1 900,0 |
351,4 |
116,5 |
- 235,0 |
Les points que votre rapporteur souhaite mettre en avant sont les suivants :
Ce programme voit doubler les autorisations d’engagement, qui passent de 1,1 milliard d’euros en 2025 à 3,6 milliards d’euros en 2026 (+ 227 %). Les crédits de paiement baissent légèrement, passant de 1,9 milliard d’euros en 2025 à 1,5 milliard d’euros en 2026.
Deux Rafales seront commandés en 2026 pour assurer le recomplètement de la flotte après le crash du 14 août 2024. La cible totale de la flotte reste maintenue à 288 avions en 2035.
Pour le Rafale F4, 2026 verra le lancement en réalisation de la capacité Suppression of Enemy Air Defense, qui permet notamment de neutraliser les défenses aériennes adverses positionnées en surface. Pour le F5 seront lancés les travaux de développement des principales capacités.
Selon l’armée de l’Air et de l’Espace, la soutenabilité de la sous-action reste un sujet d’attention avec des choix déterminants sur le Rafale, l’UCAV (drones de combat – Unmanned Combat Air Vehicle), le SCAF et les armements associés.
Le futur missile de croisière a pour objet d’assurer le maintien de la composante « frappe dans la profondeur » aéroportée à l’horizon 2030. Il est conduit conjointement entre la France et le Royaume-Uni et s’intègre dans le programme de coopération One Complex Weapon.
Le programme a été lancé en 2018. Il est entré en phase de préparation. Celle-ci vise à clarifier les études préalables sur le concept supersonique et le concept subsonique furtif. Il vise également à étudier l’élargissement de la coopération à d’autres nations européennes.
Malgré ces objectifs, le programme a pris du retard. Le lancement du stade de réalisation devait être réalisé en 2024. Il a été reprogrammé pour 2026.
Dans les réponses aux questionnaires budgétaires de 2025, le ministère avait indiqué ses craintes que « la montée en maturité des concepts RJ (concept supersonique manœuvrant) et TP (concept subsonique et furtif) n’était pas suffisamment démontrée fin 2024 ». Le SCALP NG, une évolution du missile SCALP actuel, avait été présenté comme une solution de repli pour éviter le risque de rupture capacitaire.
Ces craintes n’ont pas été réexprimées dans les questionnaires budgétaires de cette année. Il est prévu une acquisition commune avec le Royaume-Uni de nouveaux exemplaires de missiles SCALP/STORM SHADOW, mais ces acquisitions sont vues comme un complément au programme FMC. Le lancement en réalisation du programme pour l’incrément relatif à l’acquisition des missiles SCALP est prévu fin 2025/début 2026.
Une divergence persiste sur l’évolution du missile vers un concept supersonique ou un concept subsonique furtif. La France cherche aujourd’hui un compromis entre les deux concepts.
Le LRU devrait être retiré entre 2027 et 2030. Le LRU est en effet basé sur le M270 MLRS, un véhicule blindé produit par les États-Unis dans les années 1980. Le châssis du véhicule est vieillissant et les pièces détachées posent des problèmes de maintenance. Les modernisations successives n’ont pas permis de renouveler les problèmes d’usure structurelle et de motorisation.
Le programme « Frappe Longue Portée » vise à acquérir une capacité de frappe longue portée sol-sol pour des cadres d’emplois variés, depuis les opérations préventives de démonstration de puissance jusqu’aux opérations de coercition en haute intensité, dans la profondeur tactique (incrément 1.1) et dans la profondeur opérative jusqu’à 500 km (incrément 1.2).
Le lancement en réalisation de l’incrément 1.1 était prévu en 2025. Les travaux de programmation ont pris du retard et le calendrier est repoussé à 2026. La cible, la solution technique et le calendrier pour le successeur LRU sont en cours de mise à jour dans le cadre des travaux d’actualisation de la LPM.
Le projet annuel de performances est très peu explicite sur le successeur du LRU. Le programme, nommé « Frappe Longue Portée », est alimenté par seulement 315 millions d’euros en AE et 24 millions d’euros en CP pour 2026. Ces éléments apparaissent comme des signaux négatifs pour le développement du programme.
Les retards pris doivent aboutir rapidement à une solution afin de répondre au besoin urgent des armées et éviter la rupture capacitaire. Le remplacement du LRU est d’autant plus pressant que la guerre en Ukraine a démontré le rôle central des feux à très longue portée.
Les crédits orientés vers le SCAF doublent pour l’année 2026, avec 1,2 milliard d’euros en autorisations d’engagement en 2026 contre 813 millions d’euros en 2025 (+ 48 %) et 454 millions d’euros en crédits de paiement contre 295 millions d’euros en 2025 (+ 54 %). Il s’agit d’une forte accélération. Pour rappel, la sous-action ne faisait l’objet d’aucune autorisation d’engagement en 2024.
Le SCAF fait partie du programme Next generation weapon system within a Future Combat Air System, qui comprend un avion de combat de nouvelle génération, des drones accompagnateurs et un cloud de combat. Il s’agit d’un projet franco-germano-espagnol.
Ce programme a été lancé en 2019. Après une phase d’études conceptuelles, la phase 1 consacrée aux études de développement a débuté en décembre 2022. Cette première phase a représenté 1,8 milliard d’euros d’effort financier, dont 700 millions d’euros purement nationaux (cohérence avec PANG, développement des technologies moteur…). Une revue de cohérence capacitaire SCAF a été effectuée en 2022 pour assurer la coordination entre les capacités en interface.
La phase 2 permettra la réalisation des démonstrateurs avec un chasseur de sixième génération, des drones et un cloud de combat. Prévu initialement en 2025, le lancement de la phase 2 a cependant été reporté à avril 2026 en raison du calendrier politique allemand (organisation des législatives) et des difficultés industrielles (défis technologiques, divergences de points de vue) qui ralentissent les processus. Les principaux enjeux de 2025 et 2026 seront donc la finalisation des travaux de la phase dite « 1B » (recherches et technologies) pour aboutir à une architecture de référence du système et la préparation du lancement de la phase 2.
Selon le ministère des Armées, le programme peut difficilement faire l’objet de glissements supplémentaires. Le Président de la République et son homologue allemand ont convenu de décider de l’avenir du programme d’ici la fin de l’année. Des négociations sont en cours au niveau de la DGA afin de garantir le respect de son calendrier et une première capacité opérationnelle au début de la décennie 2040 (cf infra).
Ce programme est conduit conjointement avec le programme Futur missile de croisière (FMC) en coopération avec le Royaume-Uni. Il a pour objectif d’assurer la capacité antinavire de la marine à horizon 2030. Il est intégré à l’initiative One Complex Weapon.
Le programme a été lancé en 2019. Tout comme le FMC, qui est compris dans le même programme de coopération franco-britannique, il est aujourd’hui en phase de préparation depuis 2021. La phase de préparation devait initialement durer trois ans mais a été prolongée, notamment au regard de l’éventuelle intégration de l’Italie dans le programme.
Si le lancement de la phase de réalisation de l’opération FMAN était prévu en 2024, celui-ci a finalement été décalé en 2027. Tout comme le FMC, il persiste une divergence de points de vue sur le concept supersonique, soutenu par la France, et le concept subsonique furtif, soutenu par le Royaume-Uni.
Les crédits du MGCS augmentent fortement. La sous-action est dotée de 115 millions d’euros en autorisations d’engagement en 2026 contre 98 millions d’euros en 2025 (+ 17 %). Les crédits de paiement s’élèvent à 20,6 millions d’euros en 2026 contre 15,2 millions d’euros en 2025 (+ 35 %).
Le MGCS vise à remplacer le char Leclerc sur la base d’une coopération franco-allemande. Les travaux d’étude d’architecture se sont achevés en 2023 et un protocole a été conclu en 2024 pour restructurer le programme en huit piliers. Selon le ministère des Armées, des discussions sont en cours entre l’Allemagne et la France en vue de lancer les études pour la phase 1A portant sur le développement des technologies au sein de chaque pilier. Ces études sont prévues jusque 2032, date estimée du lancement en réalisation pour les premières livraisons en 2040.
Le MGCS a pris du retard par rapport aux prévisions de 2025. La notification du marché relatif à la phase 1A aux industriels devait avoir lieu au printemps 2025. Le projet avance donc difficilement et entraîne un risque de rupture capacitaire (cf infra).
Le programme Scorpion vise à moderniser les groupements tactiques interarmes (GTIA). Selon le ministère, dix ans après le lancement de Scorpion, la transformation de l’armée de Terre s’est poursuivie en 2025 conformément aux éléments de planification. 50 % de l’armée de Terre serait désormais « scorpionisée » selon les réponses aux questionnaires budgétaires.
Selon le ministère des Armées, le Griffon arrive à maturité avec une augmentation de la disponibilité du parc très positive pour les régiments. Le déploiement des différentes versions et sous-versions s’est intensifié.
Le Serval est également en cours d’appropriation par les forces. 2026 verra l’arrivée des premières sous-versions qui complèteront les capacités de l’armée de Terre. Il s’agit des versions génie, sanitaires, poste de commandement et de renseignement.
Quant au Jaguar, il a été qualifié dans son standard 2 en 2024. Le développement du standard 3, version pleinement opérationnelle, est en cours et il devrait être qualifié fin 2025 en vue d’une appropriation par les forces début 2026.
Enfin, le premier MEPAC (mortier de 120 mm embarqué sur Griffon) a été livré fin 2024. Le début du déploiement dans l’artillerie est en cours. Le MEPAC semble particulièrement bien né et donne d’ores et déjà satisfaction aux forces.
Les livraisons Scorpion sont globalement tenues à ce jour et le programme a permis de mettre en service des capacités en phase avec les rythmes de production des industriels. Pour ce qui concerne les commandes et livraisons les plus notables du domaine terrestre en 2025, on peut mentionner celles du domaine des véhicules terrestres, avec la poursuite de la modernisation Scorpion (Griffon, Jaguar, Serval, MEPAC) et de la rénovation mi-vie des chars Leclerc. 2025 marque également la fin des livraisons de VLTP NP SAN.
En 2026 les livraisons liées au programme Scorpion se poursuivront. C'est aussi le cas de poids lourds, véhicules légers et fardiers pour les parachutistes et Forces spéciales, comme celle du PEM « Véhicules forces spéciales » (VFS) renforçant la mobilité des parachutistes. Les premières livraisons de petits porteurs terrestres (PEM FTLT) débuteront également.
L’entrée en production des charges utiles plus complexes (DSA, C2...) constitue toutefois une étape plus sensible sur le plan technique, qui nécessitera un effort accru d’ingénierie. L’armée de Terre demeure donc particulièrement vigilante quant au bon déroulement de cette phase.
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ÉTAT DES LIEUX DES COMMANDES ET LIVRAISONS PRÉVUES EN 2025 ET 2026 Véhicules blindés Griffon : une commande de 253 véhicules Griffon a été notifiée en juillet 2024, conformément à la programmation. 150 véhicules seront livrés en 2025 et 122 sont prévus en 2026. La cible est fixée à 1 818 en 2035. Véhicules blindés Serval : Des développements sont encore en cours pour certaines versions complexes (versions GE – guerre électronique et NCT – noeud de communication tactique), les autres versions (notamment SAN et OA) étant toutes désormais qualifiées. 103 Serval ont été livrés en 2025 et 70 sont prévus en 2026. 97 nouvelles commandes seront passées en 2026. La cible est fixée à 2 038 en 2035. Véhicules blindés Jaguar : Le premier Jaguar a été livré en 2021. Le développement du Jaguar est incrémental. Le jalon R3 final de qualification est prévu pour décembre 2025. Il permettra notamment le tir avec un missile MMP. 33 Jaguar ont été livrés en 2025 et 30 sont prévus en 2026. La cible est fixée à 300 en 2035. MEPAC (Mortier embarqué pour l’appui au combat) : Les livraisons augmentent progressivement. 10 MEPAC ont été livrés en 2025 et 20 sont prévus en 2026. La cible est fixée à 54 (pas de date-cible annoncée). Des chars Leclerc : en 2025, 21 RMV Leclerc ont été livrés. En 2026, 21 RMV Leclerc seront de nouveau livrés. Ils bénéficient de mesures de réarmement pour le rétrofit des viseurs. La cible est fixée à 200 (pas de date-cible annoncée).
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Si ces évolutions sont à encourager, les objectifs de la LPM 2024-2030 ne sont pas encore remplis. Celle-ci prévoyait notamment le lancement en réalisation du programme de véhicules blindés d’aide à l’engagement (VBAE), succédant au véhicule blindé léger (VBL) et de l’engin de génie du combat (EGC). Ces deux programmes n’ont pas encore abouti.
La fin de l’année 2025 devrait être marquée par le lancement en réalisation du PANG grâce à des choix dimensionnant effectués début 2025. Les engagements pour 2026 couvriront les coûts de cette nouvelle phase, avec la poursuite de l’avant-projet du navire. La commande du marché principal de réalisation devrait être lancée en 2026.
En parallèle, le porte-avions Charles-de-Gaulle continue à être entretenu, avec, en 2026, la poursuite des travaux relatifs aux chaufferies nucléaires et la levée de risques relatifs au programme. Des enjeux persistent sur l’arrêt technique 3 du porte-avions, programmé pour 2027 et qui permettra l’entretien de la coque, des catapultes et de la chaufferie nucléaire. Un réexamen de sûreté nucléaire des chaufferies est actuellement en cours pour évaluer la résistance des enceintes de confinement pour permettre les modifications envisagées en 2027.
Le lancement du stade de réalisation et la notification du marché correspondant sont intervenus en avril 2017. La construction de la première FDI a débuté en octobre 2019. Suite à l’accélération de l’opération décidée par la ministre des Armées en mars 2021, les FDI 2 et 3 ont été commandées le 29 mars 2021. L’année 2025 a été marquée par la livraison de la première FDI « Amiral Ronarc’h » le 17 octobre.
Les principaux engagements prévus en 2026 couvriront : (i) les prestations d’expertise et d’essais et la commande de matériel embarqué et de gazole ; (ii) la commande de la cinquième FDI et (iii) des provisions pour hausses économiques et aléas.
Cette opération prévoit le remplacement des moyens actuels (chasseurs de mines tripartites, bâtiments remorqueurs de sonars, bâtiments base de plongeurs démineurs) par un système structuré autour d’un concept à base de drones.
L’étape 1 est en phase de réalisation. Suite à des difficultés industrielles, le premier des séries des systèmes de drones commandés au titre de l’étape 1 a été livré fin 2024 contre fin 2022 prévu initialement et les livraisons restantes sont échelonnées entre 2025 et 2026. Il s’agira d’assurer en 2025 et en 2026 la livraison et la qualification de systèmes de module de lutte contre les mines (MLCM), dont le calendrier reste fortement perturbé en raison de retards industriels, ainsi que de valider la définition des nouveaux drones sous-marins et en 2026 de lancer la production.
Le premier incrément de l’étape 2 portera sur l’acquisition d’une capacité intérimaire hauturière pour Brest à base de navires civils ainsi que de systèmes MLCM supplémentaires. Suite à des retards industriels, la feuille de route de l’étape 2 a été revue, avec un premier incrément de l’étape 2 envisagé en 2026. Des travaux sont en cours afin d’évaluer l’opportunité de réaliser l’acquisition en 2026 d’une première capacité intérimaire de guerre des mines pour des missions au large de Brest, en complément de l’acquisition de nouveaux systèmes de drones et de neutralisation.
Le premier SNA classe Suffren, réceptionné le 6 novembre 2020, a été admis au service actif le 1er juin 2022. Le deuxième sous-marin de la série, le « Duguay-Trouin », a été réceptionné le 28 juillet 2023. Le SNA « Tourville » est sorti de son bassin le 12 juillet 2024 pour réaliser ses premiers essais à la mer et notamment sa première plongée le 17 juillet 2024 ; il a été réceptionné le 16 novembre 2024. Son admission au service actif a été prononcée le 1er juillet 2025.
Pour le SNA « De Grasse », les enjeux de 2025 et de 2026 sont (i) son achèvement et ses essais à Cherbourg puis (ii) la réalisation de ses essais à la mer en 2026 en vue de sa livraison à l’été 2026. Pour les sous-marins suivants, l’enjeu principal est la poursuite de leur construction.
Le programme prend en compte la réalisation d’hélicoptères en version HAP (version antérieure d’appui-protection) et HAD (version courante d’appui-destruction), puis la transformation progressive en un parc homogène de HAD.
En novembre 2020, la ministre des Armées a décidé le lancement en réalisation du Standard 3 pour le Tigre en coopération avec l’Allemagne et l’Espagne. En l’absence de décision de l’Allemagne de participer à ce programme, le contrat de développement et de production du standard 3 en coopération franco-espagnole a été signé en mars 2022 par l’OCCAr.
L’année 2025 a été marquée par la livraison de quatre Tigre rétrofit HAP vers HAD. Six livraisons supplémentaires sont prévues pour 2026.
La sous-action 10 « protection et sauvegarde » poursuit son augmentation dans la continuité des deux exercices précédents. Les autorisations d’engagement augmentent fortement et passent à 6,3 milliards d’euros en 2026 contre 1,7 milliard d’euros en 2025 (+ 270 %). Les crédits de paiement s’élèvent à 2 milliards d’euros en 2026 contre 1,4 milliard d’euros en 2025 (+ 43 %). La sous-action continue donc de bénéficier d’un abondement de crédits proportionnellement supérieur aux autres sous-actions.
La sous-action est marquée par la création du nouveau PEM « Munitions petit calibre », preuve supplémentaire de l’accélération de la priorité donnée au renforcement des munitions.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 10 « PROTECTION ET SAUVEGARDE » (PLF 2026)
(en millions d’euros)
|
Crédits par action et sous-action |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
|||||
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
||
|
10 |
Protection et sauvegarde |
1 681,8 |
6 347,2 |
4 665,4 |
1 397,9 |
2 045,8 |
647,9 |
|
10-74 |
10-74 - Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens - SECOIA |
- |
39,3 |
+ 39,3 |
46,3 |
47,7 |
+ 1,4 |
|
10-75 |
10-75 - Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens - Patrouilleur futur |
- |
- |
- |
150,0 |
174,7 |
+ 24,7 |
|
10-76 |
10-76 - Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens - Missiles |
595,8 |
2 210,0 |
+ 1 614,2 |
221,8 |
243,3 |
+ 21,5 |
|
10-77 |
10-77 - Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens - AVSIMAR |
0,5 |
0,2 |
- 0,3 |
156,1 |
244,2 |
+ 88,1 |
|
10-79 |
10-79 - Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l'État, de la nation et des citoyens - Autres opérations |
556,8 |
663,1 |
+ 106,4 |
78,4 |
104,0 |
+ 25,7 |
|
10-82 |
10-82 - Assurer la protection des forces et des sites - Famille de systèmes sol-air futurs (FSAF) |
- |
1 040,0 |
+ 1 040,0 |
238,1 |
580,6 |
+ 342,5 |
|
10-86 |
10-86 - Assurer la protection des forces et des sites - Autres opérations et assurer la protection de l’homme |
521,5 |
1 822,1 |
+ 1 300,7 |
404,2 |
532,5 |
+ 128,3 |
|
10-87 |
10-87 - Assurer la protection de l'homme - e-SAN |
- |
- |
- |
6,6 |
- |
-6,6 |
|
10-88 |
10-88 - Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l'État, de la nation et des citoyens - BALLASTIERES |
7,2 |
40,4 |
+ 33,2 |
6,7 |
13,8 |
+ 7,1 |
|
10-89 |
10-89 - Assurer la protection des forces et des sites - LAD |
- |
532,0 |
+ 532,0 |
89,9 |
105,1 |
+ 15,1 |
Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2026.
En matière d’équipements, les éléments prioritaires sont les suivants :
L’enjeu du programme « patrouilleurs du futur » reste la poursuite de la livraison des patrouilleurs outre-mer et des patrouilleurs hauturiers.
Pour les patrouilleurs outre-mer, six bâtiments ont été commandés. Deux ont déjà été livrés entre 2023 et 2024. Le troisième a été livré en septembre 2025, avec une admission au service actif le 17 octobre 2025. Une livraison est prévue en 2026 et deux en 2027. Pour les patrouilleurs hauturiers, sept bâtiments ont été commandés en 2023. Le premier sera livré en 2027 et le dernier en 2030.
Le déficit en patrouilleurs reste prégnant. Selon la Marine nationale, il ne se résorbera qu’en 2032. Le trou capacitaire sera à son maximum en 2027.
Les missiles se voient très fortement abondés en crédits. La sous-action 10-76, qui finance les missiles « air-air », passe de 596 millions d’euros en 2025 à 2,2 milliards d’euros en 2026 en AE. Les CP augmentent légèrement en passant de 150 millions d’euros en 2025 à 175 millions d’euros en 2026.
En ce qui concerne 2025, un lot de MIDE a été commandé et un lot de MICA remotorisé a été livré. Pour 2026, un lot de MIDE sera livré, de même qu’un lot de MICA remotorisé. Les commandes accélèreront après 2026, avec : un lot de MIDE commandé et deux lots livrés ; un lot de missile de combat NG commandé et trois lots livrés ; un lot de MICA NG d’entraînement livré. En 2026 sera également lancé la phase de réalisation du MIDE RMV.
Sur la sous-action 10-82, qui comprend le système « air-sol futur », les crédits sont également augmentés avec le passage de 0,00 euros en 2025 à 1 milliard d’euros en 2026 en AE et de 293 millions d’euros en 2025 à 348 millions d’euros en 2026 en CP. Des livraisons de missiles ASTER 30 B1 navals et terrestres ont eu lieu en 2025 et seront prolongées en 2026. Une livraison de lots de missiles ASTER 15 navals est prévue en 2026, de même que quatre lanceurs SAMP-T rénovés.
Sur la sous-action 10-86, qui comprend le programme « Défense surface-air basse couche », l’effort perdure avec l’affectation de 1,6 milliard d’euros en AE (sur 1,8 milliard d’euros pour l’ensemble de la sous-action). Ces crédits permettent de financer les systèmes SIMBAD-RC (naval) et ATLAS-RC (terrestre), destinés à porter les missiles MISTRAL et MICA VL. La livraison d’un système SIMBAD-RC est attendue pour 2026.
Les munitions petit calibre se voient affectées de 80 millions d’euros d’AE sur la même action.
Portée par la sous-action 10-89, la lutte anti-drones voit également ses crédits augmenter. En AE, ils passeront de 0,00 euro en 2025 à 532 millions d’euros en 2026. En CP, ils passeront de 90 millions d’euros en 2025 à 105 millions d’euros en 2026.
L’année 2025 a été marquée par la livraison de 100 fusils brouilleurs et la commande de neuf systèmes PARADE. En 2026, la lutte anti-drones maritime sera renforcée avec trois livraisons de moyens de lutte anti-drones Marine (LAD Marine) et la commande de 80 autres.
Les ressources de l’action 11 « Préparation et conduite des opérations d’armement » augmentent en 2026. Les autorisations d’engagement s’établissent à hauteur de 393 millions d’euros en 2026 (+ 34 %), tandis que les crédits de paiement sont fixés à 348 millions d’euros (+ 19 %).
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 11 « PRÉPARATION ET CONDUITE DES OPÉRATIONS D’ARMEMENT » (PLF 2026)
(en millions d’euros)
|
Crédits par action et sous-action |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
|||||
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
||
|
11 |
Préparation et conduite des opérations d’armement |
319,7 |
392,9 |
73,3 |
293,0 |
348,3 |
55,4 |
|
11-89 |
Fonctionnement et soutien D²GA |
99,4 |
148,0 |
48,7 |
87,8 |
110,2 |
22,5 |
|
11-90 |
Investissements pour les opérations d’armement |
220,3 |
244,9 |
24,6 |
205,2 |
238,1 |
32,9 |
Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2026.
L’action 11, constituée de ressources budgétaires et extrabudgétaires, regroupe deux sous-actions auxquelles sont inscrits :
- Les crédits de fonctionnement et de soutien de la DGA et des services qui lui sont rattachés (hors titre 2), inscrits à la sous-action 11.89 ;
- Les crédits de fonctionnement et d’investissement des infrastructures d’expertise technique, d’évaluation et d’essais de la DGA, retracés à la sous-action 11.90.
Le budget d’activité de la DGA 2025 s’inscrivait dans le cadre du projet « Impulsion DGA » lancé par le délégué général pour l’armement en 2024, dont l’ambition est de mettre en œuvre une DGA moderne, réactive et en mesure de s’adapter aux grandes transformations du contexte international, technologique et économique qui s’impose à la Nation. Ce budget 2025 restait exposé à la hausse des coûts des facteurs et plus particulièrement à celle des prix de l’énergie et des transports déjà subie en 2024. Des mesures d’économie impactant le fonctionnement et les investissements techniques ont dû être mises en œuvre afin de maîtriser le coût d’intervention de la DGA.
Le budget 2026 a pour cadre la trajectoire financière fixée par la loi de programmation militaire 2024-2030 voulue par le Président de la République et adoptée en juillet 2023 augmentée d’une contribution à l’effort de réarmement d’un montant total de 221 millions d’euros de paiements sur cette période. L’effort de réarmement a pour objectif de renforcer les investissements techniques de la DGA afin de répondre aux nouveaux enjeux liés à la préparation de l’économie de guerre et au renforcement de l’effort sur les nouveaux espaces de conflictualité.
Le budget 2026, plus particulièrement celui d’investissement, doit permettre de mener à bien les travaux tels que :
- L’entretien des infrastructures et des réseaux techniques ;
- La poursuite de l’amélioration du niveau de sécurisation des réseaux informatiques ;
- La poursuite de l’accroissement des capacités d’expertise en cyberdéfense et en intelligence artificielle dont la finalisation du bâtiment modulaire dédié sur le site de DGA MI ;
- L’entretien des équipements des réseaux informatiques, des équipements d’hébergement, de stockage et de sécurité, pour les besoins locaux des sites DGA et pour les deux centres d’hébergement nationaux de la DGA ;
- L’appui externalisé des fonctions d’opérateurs et prestations d’assistance au fonctionnement des réseaux numériques de la DGA (Infogérance) ;
- La poursuite des approvisionnements d’équipements réseaux et d’hébergement nécessaires à la mise sous supervision des différents sites (Network Opération Center [NOC] et Security Operation Center [SOC]) et à la protection défense de sites d’essais priorisés ;
- Le maintien en condition opérationnelle, l’adaptation capacitaire et la mise aux normes des moyens d’essais de la DGA, en particulier pour répondre aux enjeux actuels d’entraînement des forces et des besoins d’essais futurs (hypervélocité, nouveaux espaces de conflictualité, etc.).
— 1 —
A. Accélérer les grands chantiers pour éviter la rupture capacitaire
Les recommandations émises l’année dernière par votre rapporteur perdurent pour 2026. Certains programmes stratégiques doivent être accélérés et trouver un dénouement en 2026.
La réflexion autour du remplacement des E-3F AWACS d’ici 2035 avance, comme demandé par votre rapporteur en 2024, avec notamment la signature d’une déclaration conjointe lors du salon du Bourget de 2025. La solution envisagée serait l’acquisition de deux systèmes GlobalEye produits par SAAB. Cet avion est doté de radars, d’une boule optronique et de capteurs résilients. Selon la DGA, il remplira les mêmes missions en matière de « détection, renseignement, identification et communication » mais avec des systèmes « plus récents, plus intégrés et nécessitant moins d’opérateurs » et avec un système d’autoprotection. Dans ce cadre, les crédits de la sous-action ont augmenté pour atteindre 1,7 milliard d’euros en AE en 2026 (contre 13 millions d’euros en 2025) et 270 millions d’euros en CP en 2026 (contre 0 en 2025).
Votre rapporteur salue l’accélération du programme, qui témoigne d’une coopération européenne dynamique. Ce choix est également intéressant sur le plan financier, le coût de nouveaux appareils étant bien inférieurs à celui du Boeing Defence Space and Security, mais aussi au coût du maintien opérationnel des AWACS et aux coûts liés au rétrofit du cockpit.
L’obsolescence des LRU sera déclarée en 2027. Il est donc urgent de trouver une solution de remplacement. Votre rapporteur maintient sa recommandation émise l’année dernière de privilégier une solution souveraine au LRU. Les industries accélèrent dans ce domaine.
Par exemple, Turgis et Gaillard a lancé un nouveau lance-roquette nommé « Foudre » en avril 2025.
En parallèle, Safran et MDBA, d’une part, et Thalès et ArianeGroup, d’autre part, ont respectivement créé des coopérations pour proposer une solution. Celles-ci ne seraient cependant pas prêtes avant mi-2026.
En cas de creux capacitaire, il est possible de se tourner temporairement vers de l’importation. La solution indienne Pinaka pourrait être une solution de repli peu coûteuse. Il s’agit d’un camion lance-roquettes multiple qui a déjà été au cœur des discussions fin 2024. Cette solution ne doit cependant pas arrêter la recherche d’une solution souveraine sur le moyen terme.
c. Le porte-avions nouvelle génération (PANG)
Le programme poursuit son développement. D’ici la fin 2025, l’avant-projet détaillé devrait être conclu pour un lancement en réalisation dans la foulée.
Un rapport parlementaire ([14]) récent proposait le décalage du programme en raison de l’effort budgétaire requis, tandis que d’autres programmes pourraient être privilégiés (munitions, défense sol-air, renseignement, drones…). Votre rapporteur ne partage pas cet avis. Il appelle à maintenir un haut niveau d’exigence dans le naval afin d’assurer la projection de la France sur tous les théâtres et éviter un creux capacitaire en 2038. Les efforts doivent être maintenus et accélérés.
d. Le renforcement de la lutte anti-drones
La violation de l’espace aérien européen et de l’OTAN en septembre et octobre 2025 par des drones à l’origine non qualifiée à 100 % appelle à une meilleure dotation capacitaire dans ce domaine. Les dispositifs de l’armée se multiplient, avec les systèmes MILAD, PARADE et BASSALT. Cependant, les armées sont encore trop peu équipées. En outre, la France doit suivre le rythme des innovations dans ce domaine.
L’année 2026 sera marquée par la poursuite du renforcement de moyens de lutte anti-drones, avec par exemple la livraison de neuf systèmes PARADE et la commande de moyens de lutte anti-drones pour la Marine nationale. Votre rapporteur appelle à des commandes bien plus massives, qui permettraient de doter de plusieurs appareils de lutte anti-drones l’ensemble des régiments. L’innovation doit aussi accélérer afin d’accroître la portée du brouillage, qui se limite pour l’instant à quelques kilomètres.
B. Les coopérations européennes : des projets toujours en attente
a. Le SCAF
Dans le rapport précédent, votre rapporteur a souligné l’importance du passage à la phase 2 du projet en 2025. Les confrontations entre industriels ont cependant perduré et se sont aggravées. Le projet est aujourd’hui suspendu à l’attente d’un accord sur une nouvelle gouvernance entre l’Allemagne et la France. Les divergences portent, d’une part, sur la gouvernance industrielle et, d’autre part, sur les choix techniques. La France souhaite ainsi un avion capable de se poser sur les porte-avions, donc plus léger, tandis que l’Allemagne souhaite un avion avec plus d’endurance, donc plus lourd.
Le ministère des Armées a indiqué que cette situation nécessite une revue franche entre partenaires des améliorations à apporter sur la gouvernance et des responsabilités industrielles du projet pour garantir pendant la phase 2 le respect du calendrier pour une mise en œuvre à horizon 2040.
Votre rapporteur se positionne toujours en faveur du programme. Celui-ci permet d’accélérer la coopération européenne dans le cadre d’une Europe de la défense qui doit se renforcer. Cependant, cela ne doit pas aboutir à renoncer à nos priorités, à savoir le maintien d’un format « avion de chasse » et un prix d’achat soutenable, capable d’assurer les missions liées à la dissuasion.
b. Le MGCS
La signature d’un mémorandum d’entente (MoU) par les ministres de la défense français et allemand en avril 2024 a marqué une étape importante pour ce projet, matérialisant l’impulsion donnée lors de leur rencontre d’Evreux de septembre 2023. Elle a en effet permis de s’accorder sur les fondamentaux du projet et de définir les prochaines étapes menant au lancement effectif des travaux de la phase 1 en 2025.
Le 4 avril 2025, l’autorité de concurrence fédérale allemande a validé la création de la société de projet dédiée au MGCS entre KNDS Deutschland GmbH & Co KG, KNDS France, Rheinmetall Landsysteme GmbH et THALES SIX GTS France SAS. Celle-ci sera en charge de la phase de définition de l’architecture du système qui doit être lancée début 2026.
Ces avancées ne doivent pas faire perdre de vue la compétition entre KNDS France et Rheinmetall. La mise en concurrence entre les deux entreprises ne doit pas affaiblir notre propre BITD. En outre, l’Allemagne a pour projet de développer un autre char de combat, le KF-51 « Panther » concurrent au programme MGCS, en partenariat avec l’Italie par le biais de son entreprise Leonardo.
Dans ce contexte, les solutions souveraines doivent être soutenues afin d’assurer, d’une part, une solution en cas de difficultés rencontrées dans le programme MGCS et, d’autre part, de conserver nos propres capacités nationales. Les rénovations du char Leclerc sont un pas en ce sens, bien qu’encore insuffisant face au risque de vétusté de cet engin.
À ce titre, il serait nécessaire de développer une solution intermédiaire, dont les briques technologiques pourraient être reprises dans le projet MGCS. Cela permettrait de concilier la protection de nos équipements en évitant le creux capacitaire tout en dynamisant la coopération européenne. Les industriels français pourraient prendre en charge ce nouveau besoin et faire des propositions de nouveaux chars de combat plus modernes et performants.
c. L’Eurodrone
Le programme est rentré en CDR (critical design review) le 25 août 2025. Le franchissement de la CDR devrait ainsi être prononcé avant la fin de l'année, ouvrant la voie à la production des prototypes destinés aux premiers essais en vol planifiés à partir de 2028. L’Eurodrone a pu bénéficier de 100 millions d’euros de subventions provenant du Programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (PEDID) pour les travaux de développement.
Le projet est cependant à l’arrêt. Les tensions proviennent à la fois du coût du drone et de ses orientations technologiques, avec une opposition entre la France et l’Allemagne sur le choix d’une motorisation simple ou double. Des retards ont en outre été provoqués par une certaine rigidité des procédures entre États.
Dans ce contexte, votre rapporteur propose de maintenir le programme, ainsi que l’avait indiqué l’ancien ministre des Armées Sébastien Lecornu. Une sortie du programme coûterait désormais plus cher que sa poursuite. En parallèle, des solutions nationales commencent à émerger. Il serait envisageable de maintenir la coopération européenne sur l’Eurodrone tout en diversifiant les modèles de drones MALE par des achats nationaux sur étagère.
Notre BITD française est confrontée à une succession de crises et à des fragilités inhérentes qui nuisent à son efficacité. Les décalages de commandes en 2025 ont provoqué un manque de visibilité et des tensions importantes sur la trésorerie des entreprises. L’ensemble de ces éléments sont développés infra à l’occasion de la partie thématique.
Plusieurs solutions peuvent être mises en place pour appuyer la BITD, explorées également dans la partie thématique, à savoir :
- Poursuivre la simplification des marchés publics, avec des recours plus fréquents aux appels à projet et une approche agile des commandes effectuées ;
- S’appuyer sur le développement incrémental et les achats sur étagère pour assurer une plus grande liberté aux industriels ;
- Accroître les financements des petites et moyennes entreprises par des subventions pour l’investissement, comme cela a été fait dans le cadre du « Pacte drones aériens de défense » ;
- Aider les entreprises à exporter, par des fonds de soutien et les aides à l’installation ;
- Protéger les entreprises des prédations étrangères par le développement d’un actionnariat français et européen et la formation des dirigeants aux risques d’ingérence ;
- Assurer une production de matières premières et en éléments essentiels (batteries, micro-processeurs, logiciels) par l’ouverture de mines et de gigafactories au niveau européen. L’Union européenne a un rôle fondamental dans ce domaine : elle doit assurer un développement de nos capacités par un financement plus important. Les analyses menées sur la réouverture de mines et la construction d’usines doivent s’accélérer et se concrétiser.
D. Poursuivre l’effort en matière de financement et de transparence
Dans la continuité des annonces du Président de la République, les crédits du programme P146 doivent poursuivre leur augmentation dans le respect de la LPM 2024-2030 pour atteindre 40 % du budget de la mission « Défense ». La sur-marche de cette année est une étape positive dans l’accélération de notre réarmement.
Ces efforts doivent être renforcés face aux risques d’un conflit de haute intensité dans les prochaines années. À ce titre, une actualisation de la LPM s’impose. Elle a été confirmée par la ministre des Armées Mme Catherine Vautrin durant son audition du 21 octobre 2025.
Ce renforcement du budget est cependant fragilisé par l’instabilité politique. À ce titre, votre rapporteur appelle à une plus grande sagesse dans l’approche des prochains mois : la France a besoin de stabilité pour investir correctement et massivement dans son armée.
Enfin, votre rapporteur tient à souligner la nécessité de réfléchir au partage des informations classifiées au sein de la commission. Du fait des éléments protégés, de nombreuses remarques d’auditionnés n’ont pas pu être repris dans ce rapport. Il est impossible pour le rapporteur d’exposer ces éléments à la commission du fait de la protection du secret défense et la nécessité de ne pas porter à la connaissance de puissances hostiles les informations les plus sensibles. Votre rapporteur réitère sa proposition de créer d’une nouvelle instance réunissant les membres du bureau de votre commission et les rapporteurs budgétaires. Cette commission restreinte permettra de rendre entièrement compte des éléments réunis durant le travail préalable au rapport.
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Seconde partie : accélérer la dronisation des armées pour faire face au nouvel environnement stratégique
Depuis cet été, plus de quarante incidents impliquant des drones ont été repérés en Europe. Des drones partis de Russie ont été aperçus ou se sont écrasés dans trois pays membres de l’OTAN : la Pologne, la Roumanie, la Lituanie. Ces événements témoignent de la place de plus en plus importante des drones aériens dans les conflits conventionnels ou hybrides. La « dronisation des champs de bataille » est un phénomène en marche dans lequel la France doit s’inscrire.
Les drones sont devenus un élément tactique incontournable capables de remettre en cause l’issue d’un combat. Leurs nombreux avantages opérationnels (adaptabilité, accessibilité, projection en profondeur) remanient l’équilibre des puissances et en font un pilier tactique dans l’approche de la guerre.
La France a rencontré par le passé un retard dans les drones aériens. Le creux capacitaire commence aujourd’hui à être comblé grâce à une accélération des financements sur l’ensemble de la trame drones. Le PLF 2026 permet une augmentation conséquente répartie sur les petits drones, les munitions télé-opérées, les drones tactiques et les drones MALE. En parallèle, les armées accélèrent la formation et intègrent les drones dans leurs entraînements et dans leurs déploiements opérationnels.
Malgré ces avancées, la France est néanmoins toujours confrontée à un creux capacitaire. Cette situation est d’autant plus alarmante que le risque d’un conflit de haute intensité a augmenté depuis le début de la guerre en Ukraine.
Au-delà de la dotation en drones, la France doit aussi assurer sa capacité à produire des drones de façon souveraine. Cette condition est essentielle pour protéger la nation des dépendances étrangères et maintenir sa capacité de déploiement en cas de conflit. Or, la BITD française, cœur de la production souveraine de drones, n’a pas encore terminé son processus de maturation. La structuration de la filière est contrariée par les commandes tardives de l’État, l’instabilité budgétaire et la concurrence internationale. Il sera donc nécessaire de revenir sur les forces et les faiblesses du secteur industriel des drones et de présenter des moyens pour améliorer sa solidité.
Ces enjeux dépassent bien évidemment les seuls drones aériens et touche l’ensemble de la trame drones. Cependant, au regard de l’étendue du sujet, votre rapporteur a préféré restreindre l’étude aux seuls drones aériens, laissant à regret de côté les drones maritimes (de surface et sous-marins) et les robots terrestres.
Dès à présent, votre rapporteur souhaite déterminer le périmètre de l’étude afin d’éviter toute confusion. Les éléments qui suivent se concentrent sur les drones aériens, qui incluent, pour votre rapporteur, tous les drones capables de voler, des petits drones jusqu’aux grands drones. Seront ainsi inclus dans l’étude les drones miniatures, les drones de court rayon d’action, les drones tactiques, les drones MALE, les drones HALE et les drones UCAV. Le recours à ces drones sera étudié pour les trois armées, qui utilisent chacune des drones aériens. Les munitions télé-opérées seront aussi abordées, mais avec plus de prudence. La doctrine des armées n’est pas encore stabilisée sur le sujet : les MTO sont à mi-chemin entre les drones et les munitions, qui ne présentent pas les mêmes contraintes que les autres formes de drones.
Votre rapporteur ne peut qu’appeler à une ou plusieurs missions d’information sur ces sujets.
À partir de ces premiers éléments d’analyse, votre rapporteur propose, au travers de cette partie thématique, de répondre à une triple question :
En premier lieu, quelles sont les capacités actuelles de la France en matière de drones aériens au regard de ses principaux partenaires et compétiteurs ?
En deuxième lieu, comment la France peut-elle accélérer le développement de drones dans le cadre de la menace d’un futur déploiement des forces ?
En dernier lieu, comment renforcer les capacités de notre BITD nationale dans la production de drones afin d’assurer notre pleine souveraineté ?
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I. Une trame drones française nécessitant une forte accélération face à la dronisation massive des champs de bataille
A. Les drones, nouveau pilier tactique de la guerre
1. Un recours désormais systématique et massif aux drones dans les conflits
a. La rupture des années 2020 : vers une « dronisation » de la guerre
La technologie du drone est ancienne. Les premiers projets de drones aériens datent de la Première guerre mondiale et les premiers déploiements des années 1950 ([15]). Jusqu’aux années 2000, les drones étaient utilisés pour des missions de repérage, de surveillance et de leurre. La France, par exemple, a eu recours à des drones CL-289 et des drones Crécerelle durant les conflits en ex-Yougoslavie ([16]).
L’usage des drones s’est accéléré à partir des années 2000 avec un recours de plus en plus fréquent dans les conflits. Le rôle des drones en lui-même a aussi commencé à évoluer. D’un outil de surveillance, le drone est passé à un outil offensif. Durant le conflit en Afghanistan, plus de 600 drones ont été déployés par les États-Unis, chargés de missiles et de bombes à guidage laser ([17]). La France a déployé des drones MALE dans des opérations au Mali et au Sahel ([18]).
Cependant, une rupture a été observée dans les années 2020 ([19]) avec une systématisation et une massification du recours aux drones dans les conflits. Ce phénomène s’est ancré dans la propagation des petits drones « low-cost », peu coûteux et permettant des attaques en masse.
Les premières attaques massives ont été déployées au Proche Orient, Moyen-Orient et Afrique. Jusqu’alors, le recours aux drones était restreint et privilégié par les États-Unis dans la lutte contre le terrorisme dans le cadre d’attaque ciblées.
Cette ouverture des champs de bataille aux drones s’est poursuivie avec la guerre du Haut-Karabagh en 2020 ([20]) qui a constitué une nouvelle rupture. Face à la déferlante inédite de drones, les commentateurs de l’époque ont repris l’expression de « guerre des drones » ([21]). Parallèlement, certains pays européens ont accéléré leur propre production pour s’adapter à ce nouveau mode de combat ([22]). La guerre russo-ukrainienne, le conflit entre le Pakistan et l’Afghanistan en 2022 et les frappes entre Israël et l’Iran en 2024 ont confirmé l’ancrage désormais définitif du drone dans les stratégies de guerre.
Le recours aux drones aériens dépasse les seuls conflits conventionnels. En raison de leur accessibilité, les drones aériens sont utilisés par des groupes paraétatiques et terroristes dans des conflits asymétriques. La crise en mer Rouge entre les Houthis et Israël depuis 2023 en est l’une des dernières illustrations les plus marquantes. Plus de 300 drones auraient été envoyés sur Israël par les Houthis depuis les attaques du 7 octobre ([23]). Ce conflit a touché la France : les frégates de la Marine nationale qui circulent à proximité du Yémen abattent régulièrement des drones houthis menaçants.
En réplique, certains États s’appuient également sur des drones pour mener des exécutions extra-judiciaires et lutter contre les groupes terroristes. C’est le cas, par exemple, des États-Unis, qui ont frappé des dirigeants islamistes dont Qassem Soleimani en 2019 ([24]), et du Nigéria qui mène des frappes contre les groupes terroristes au Sahel ([25]).
Les drones ont récemment démontré d’autres fonctions, notamment dans le cadre d’une guerre hybride. Les incursions de drones dans l’espace aérien européen en septembre et octobre 2025 ont été la source d’une « incertitude calculée dans les relations internationales » ([26]). Les États européens ont montré une grande hésitation face à l’inconnue sur la provenance de ces vecteurs et sur leur destination. Cette inquiétude s’est propagée aux civils face aux risques d’embrasement en cas de riposte. Au-delà de leurs capacités offensives, les drones représentent donc aussi un outil dans une guerre psychologique entre deux pays.
Cette « dronisation de la guerre » ([27]) interroge l’équilibre des puissances ([28]). Les drones offrent aujourd’hui de nouveaux moyens pour les pays les moins militarisés. Ils permettent aussi de mener des stratégies de guérilla et de harcèlement qui fragilisent l’ennemi. Le pilotage à distance est un moyen de compenser un nombre de soldats insuffisants et de protéger la ressource humaine. Le conflit en Ukraine démontre ce revirement de l’équilibre géostratégique.
L’utilisation systématique des drones s’étend aux drones navals et aux robots terrestres, qui font l’objet de nombreuses innovations. La prolifération des drones semble être un phénomène constant et pourrait modifier la guerre elle-même. Certains commentateurs font part d’une évolution vers des conflits entièrement dronisés où les combats se feraient sans contact humain direct. Le président ukrainien Zelensky a par exemple alerté l’ONU le 24 septembre 2025 sur le fait que « ce n’est qu'une question de temps avant que les drones ne combattent d'autres drones » ([29]).
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Le secteur des drones est marqué par une forte variabilité des technologies et des modèles qui rend difficile l’appréhension d’ensemble de la trame drones. La définition du drone est d’autant plus complexe que le vocabulaire français emploie de nombreux termes parfois divergents. Les appellations « munitions télé-opérées (MTO) », « vecteur » et « système de drones » renvoient par exemple au secteur du drone tout en distinguant l’usage qui en est fait. Un détour par la langue anglaise permet d’obtenir une première clarification de ce qu’est un drone. L’Union européenne et l’OTAN définissent le drone comme un véhicule caractérisé par l’absence de pilote et/ou par l’autonomie de l’appareil. Il s’agit d’un système capable d’opérer sans équipage à bord, de manière autonome ou semi-autonome, dans différents environnements : aérien, terrestre, maritime, sous-marin, voire spatial. Les termes d’usage sont ainsi « Unmanned vehicle » ou « Autonomous vehicle ». L’expression est ensuite déclinée en fonction du milieu dans lequel le drone est projeté. On parle ainsi de : - « Unmanned aerial vehicle » (UAV) ou « unmanned aircraft system » (UAS) pour les drones aériens ; - « Unmanned ground vehicle » (UGV) ou « unmanned ground system » (UGS) pour les robots terrestres ; - « Unmanned surface vehicle » (USV) ou « autonomous surface vehicle » (ASV) pour les drones de surface navals ; - « Unmanned undersea vehicle » (UUV) ou « unmanned underwater system » (UUS) pour les drones sous-marins. Aujourd’hui largement employés à des fins militaires, ces systèmes se distinguent de leurs équivalents civils par une sécurité renforcée, une plus grande précision et une autonomie accrue. Leurs capteurs sont plus sophistiqués et leur système de navigation est durci. Ces véhicules servent dans de nombreux domaines, en particulier pour des missions d’intelligence (renseignement), surveillance et reconnaissance (ISR), d’acquisition, de frappe de précision, ou encore de logistique et d’appui opérationnel. À noter que chaque drone est intégré à un « système de drones ». Ce système est composé du drone en tant que tel (aussi nommé « vecteur ») et de l’équipement qui permet aux militaires d’assurer son pilotage. Il comporte notamment la station de commandement et les liaisons radioélectriques qui permettent de diriger l’engin. Le système en lui-même peut varier selon les besoins, allant d’un poste sophistiqué à une manette similaire à une console de jeux vidéo. La difficulté de pilotage varie selon les paramètres, la formation pouvant aller de quelques heures à plusieurs mois. La trame drones est donc une notion large, réunissant des éléments à la fois cohérents dans leur définition et composites dans leur mode d’utilisation. Cette complexité ne doit cependant pas aboutir à une approche imprécise des drones, au risque de ne pas saisir les prochaines évolutions dans ce domaine. ([30])
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b. Des avantages opérationnels nombreux
De nombreux États ont pris conscience des avantages tactiques des drones aériens dans l’approche stratégique des conflits. En 2010, seuls trois pays possédaient des drones armés. En 2024, ils étaient plus de 40 ([31]).
En premier lieu, le drone est capable de remplir un vaste ensemble de missions stratégiques en phase offensive comme défensive. Son poids, sa taille et sa fonction varient en fonction du milieu de la mission attribuée. Selon les modèles, les drones peuvent remplir une à plusieurs fonctions à la fois comme le renseignement, la surveillance, l’acquisition, la frappe, le transport de charges ou le secours. Aujourd’hui, la plupart des drones militaires sont vendus comme des plateformes multi-rôles offrant une grande modularité pour l’emport d’équipements de pointe. Cette pluralité des fonctions est d’autant plus attractive que l’usage attribué à un drone n’est pas fixe.
En deuxième lieu, en matière de combat, les drones apportent de « l’agressivité, de l’évolutivité et de l’instabilité » ([32]). Sur le plan de l’agressivité, le drone permet de déployer une force invulnérable aux blessures physiques. Il peut frapper sa cible même si cela aboutit à sa destruction. Il présente des capacités qui dépassent les limites du corps humain en matière de vitesse, de distance et de précision de frappe. Le drone aérien offre également la possibilité de dépasser les obstacles géographiques, ce qui fut un élément clef pour l’Azerbaïdjan face aux montagnes du Haut-Karabagh. Le retour d’expérience en Ukraine rend compte de cette flexibilité : un soldat ukrainien blessé s’est vu secouru par un drone bombardier, détourné pour lui livrer un vélo électrique directement sur le terrain ([33]).
Ces qualités œuvrent à la déstabilisation de l’ennemi tout en permettant des frappes d’envergure. L’opération Spider Web menée par l’Ukraine le 1er juin 2025 a montré la capacité de l’Ukraine à frapper en profondeur et par surprise la Russie, pourtant supérieure sur le plan militaire. Cette opération a aussi témoigné des dégâts massifs pouvant être provoqués par une attaque de drones (attaque sur plusieurs bases aériennes et destruction de quarante avions militaires russes). Cette montée en puissance ukrainienne se confirme avec la récente attaque de plus de 250 drones dans la nuit du 5 au 6 octobre.
En troisième lieu, le secteur des drones est marqué par une innovation forte et continue qui repousse parfois chaque mois les capacités des drones aériens. Le développement de technologies de pointe telles que la navigation autonome en environnement GNSS-denied, la détection de mines par intelligence artificielle, le contrôle de vol en essaims ou la mise en service de drones hypersoniques témoignent de cette dynamique. Plus largement, les avancées en matière de radars, de capteurs optiques, de lasers, d’alliages légers, d’endurance et de logiciels embarqués renforcent encore l’attractivité de ces systèmes pour les États qui peuvent investir dans les drones de pointe.
En dernier lieu, les drones assurent une protection des unités offensives. D’une part, les drones éclairent le champ de bataille en amont du déploiement. D’autre part, le pilotage à distance permet une distanciation géographique entre le militaire et la cible. Si un déplacement est nécessaire, le recours à des véhicules terrestres blindés permet d’assurer la mobilité des forces tout en protégeant les pilotes.
En dernier lieu, les drones assurent une protection des unités offensives. Le pilotage à distance permet une distanciation géographique entre le militaire et la cible. Si un déplacement est nécessaire, le recours à des véhicules terrestres blindés permet d’assurer la mobilité des forces tout en protégeant les pilotes.
c. Une accessibilité facilitée avec les drones aériens « low-cost »
Le secteur des drones a été bouleversé par l’arrivée de drones « bon marché » dits « low-cost ». Ces drones offrent une très grande accessibilité aux forces.
Le drone Geran russe, variante locale du Shahed 136/238, constitue un exemple. La production industrielle de ce modèle a démarré au début de l’été 2023 ([34]). Depuis, une rapide augmentation des cadences a été observée, permettant une production quotidienne d’environ 170 Geran selon le service de renseignement militaire ukrainien. 5 000 unités peuvent ainsi être produites par mois. Leur coût unitaire est estimé entre 20 000 et 80 000 dollars pièce selon les versions. Le rapport résultat/coût est alors notable, avec des dégâts souvent importants sur l’ennemi pour un coût maîtrisé.
De nombreux modèles de drones « low-cost » existent aujourd’hui sur le marché. Il est possible de citer les Switchblades, utilisés en Ukraine et coûtant moins de 10 000 dollars ([35]), ou le Shahed iranien dont le coût unitaire est de 20 000 $ par unité ([36]).
Les drones « low-cost » sont utilisés en priorité pour leurs avantages offensifs par le biais de munition télé-opérées. Le but d’une attaque de drones à bas coût vise à saturer la défense aérienne de l’ennemi afin d’en diminuer l’efficacité. Le pays attaqué se voit contraint de riposter contre des dizaines, voire des centaines d’engins. Cet effet de masse peut changer le cours d’un combat. Un militaire rencontré durant un déplacement et anciennement déployé en Irak témoignait d’une expérience en ce sens : à l’occasion d’une attaque kurde, les États-Unis ont décidé d’envoyer une forte quantité de drones sur un groupe armé qui menaçait une zone. Les drones, qui n’étaient même pas armés, ont créé un effet de saturation qui a suffi à faire reculer les forces ennemies.
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FOCUS SUR LES MUNITIONS TÉLÉ-OPÉRÉES La munition télé-opérés (MTO) ne fait pas encore l’objet d’une doctrine stabilisée au niveau des armées. Elle se situe à mi-chemin entre le missile et le drone armé. Elle se rapproche de la munition rôdeuse, qui sont des systèmes d’armes hybrides présentant à la fois des caractéristiques de missiles et de drones aériens.
Pour le moment, la MTO est avant tout une munition dont l’objectif est de produire un effet militaire sur un objectif désigné. Pilotée à distance par un opérateur, elle reste sous contrôle jusqu’à la production de cet effet engendrant, dans tous les cas, sa destruction. |
Les drones « low-cost » sont non seulement accessibles en termes de coûts, mais également sur le plan technologique. Simples à construire, ils peuvent être fabriqués directement sur le terrain. L’Ukraine produit désormais près de 400 000 drones par mois, pour un coût moyen de 500 dollars, sans usine centralisée. Les assemblages se font dans des ateliers, des garages ou des hangars, souvent avec des pièces imprimées en 3D. Cette production décentralisée rend les chaînes moins vulnérables aux frappes russes. Ces drones sont bon marché mais capables de toucher des cibles stratégiques : à défaut d’abattre un appareil en un seul impact, des FPV peuvent viser des points sensibles — par exemple le réservoir d’essence — pour provoquer un incendie qui mettrait hors service l’ensemble de l’aéronef. En clair, ils peuvent mettre hors d’état de nuire des équipements militaires (radars, véhicules blindés, aéronefs, bâtiments de surface) valant plusieurs millions d’euros. Ainsi, la relation entre le coût de l’attaque et le coût des dommages potentiels est extrêmement favorable pour l’assaillant.
Cette adaptation directement sur le terrain est aussi expérimentée en France. Les régiments et les centres d’essais recourent à l’imprimante 3D et au « bricolage » pour réparer les drones en cas de casse. Des expériences sont également réalisées par la DGA TT. Celle-ci modifie des drones « low-cost » préexistants en y intégrant des éléments imprimés en 3D et des charges explosives. Cette approche expérimentale permet d’avancer sur les munitions télé-opérées tout en s’appuyant sur des éléments facilement accessibles.
Ces avantages opérationnels et financiers ont entraîné une augmentation du recours aux drones « low-cost » dans les conflits. Cette tendance s’illustre par exemple dans la guerre du Haut-Karabagh, dans la guerre en Ukraine et dans le conflit entre l’Iran et Israël.
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Un recours massif aux drones dans les conflits |
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Conflit |
Période |
Nombre estimé de drones |
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Azerbaïdjan - Arménie |
Sept. - nov. 2020 |
≈ 200 - 300 munitions rôdeuses utilisées dans l’offensive principale. |
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Russie - Ukraine |
2022 - 2025 (guerre en cours) |
200 à 1 000 drones Shahed/semaine contre l’Ukraine ([37]) (≈ 30 - 140/jour, pics début 2025) L'Ukraine a fabriqué plus de 1,5 million de drones FPV en 2024. |
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Israël - Iran |
Depuis le 7 oct. 2023 Attaque directe 13 -14 avr. 2024 |
Plus de 1 300 drones lancés contre Israël. ≈ 170 drones sur l’offensive, accompagnés de 30 missiles de croisière et 120 missiles balistiques. |
Sources : tableau produit par votre rapporteur sur la base d’informations en source ouverte.
Source : Center for strategic & international studies ([38])
2. Un intérêt international fort qui se traduit par des investissements étatiques massifs
En tant que première puissance militaire et avec plus de 900 milliards de dollars de budget alloués à la défense en 2025, les États-Unis investissent massivement dans les drones.
Dans le projet de budget pour 2025 ([39]), le Département de la défense proposait un investissement de 2,4 milliards d’euros pour les drones aériens.
L’armée américaine ne cesse d’acquérir et d’initier de nombreux programmes de développement mêlant drones de pointe et drones « low-cost ». Les programmes dépassent la dizaine dans le domaine de l’air (Raptor, Kratos XQ-58A Valkyrie, General Atomics YFQ-42A, MQ-25 Stingray, MQ-9 Reaper, MQ-1C Gray Eagle, ULTRA, UAV/VTOL T150/TRV150, LUCAS…).
Si les États-Unis ont d’abord privilégié des drones de grande taille au début de la guerre du Golfe, ils se tournent aujourd’hui vers la massification des systèmes à faible coût, capables de s’adapter aux changements géostratégiques sur la base du retour d’expérience de l’Ukraine. L’initiative Replicator rend compte ce changement de stratégie. Ce programme vise à déployer rapidement des milliers de systèmes autonomes « consommables » sur le champ de bataille dans les 18 à 24 mois. Il comprend le déploiement de la munition rôdeuse Switchblade 600 d'AeroVironment, pour laquelle le gouvernement a passé une commande d'environ 1 milliard de dollars. L’US Air Force a également travaillé sa capacité à concevoir, assembler et déployer des drones imprimés en 3D en moins de 24 heures (22,5 heures pour six drones) ([40]).
L’innovation menée par les entreprises américaines complète ce panorama et démontre l’avance des États-Unis en la matière. Dans le domaine civil, des entreprises telles que L3Harris et Maxar Intelligence ont lancé des logiciels permettant la mise en place d’essaims de drones au travers de l’intelligence artificielle.
b. La Chine
La Chine a pris le train de l’innovation stratégique avec une volonté claire de développer des systèmes autonomes avancés dans tous les domaines opérationnels.
En matière de systèmes aériens, la Chine travaille sur des drones hypersoniques dérivés du MD-22, ce qui ferait de ce pays le seul au monde à détenir un tel type d’armement. Parallèlement, la Chine aurait déployé un drone aérien supersonique WZ-8 pour survoler Taïwan ([41]). Le domaine civil se penche également sur les drones militaires. Le groupe chinois DJI a lancé le FC100 en juin 2025, un drone cargo destiné à la logistique industrielle et d’urgence, qui pourrait séduire des pays non alignés ou alliés de la Chine en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient. L'Aviation Industry Corp of China (AVIC) est quant à elle en phase d'essais pour son drone cargo bimoteur HH-100, annoncé comme 100 % chinois.
La force de la Chine reste ses capacités de production de drones « low-cost » de façon massive. Le marché international civil est aujourd’hui envahi par des drones (70 % de part de marché rien que pour DJI et 80 % du marché américain en 2024) pouvant coûter à peine 500 euros et disponibles sur des plateformes de livraison en ligne réputées. Ces drones civils, déjà détournés par les armées et utilisés en Ukraine, représentent une force de frappe inquiétante en cas de conflit avec la Chine qui s’appuierait sur sa filière civile pour produire en masse des drones à usages militaires.
c. La Russie
La Russie investit massivement dans les drones du fait de la guerre russo-ukrainienne. L’estimation de l’investissement total est difficile à réaliser. Certains think-tanks comme le Center for strategic & international studies tentent de fournir une grille d’analyse ([42]), avec des coûts totaux s’élevant à plusieurs milliards de dollars.
La guerre en Ukraine a provoqué une accélération de la production de drones par la Russie, ainsi qu’une diversification des plateformes et une adaptation forte à l’évolution des tactiques et des systèmes du terrain. Ainsi, la base industrielle et technologique de défense russe a rapidement réorienté sa production et son innovation pour faire des drones la pierre angulaire de sa stratégie.
Dans ce contexte, la Russie a fortement renforcé ses capacités en matière de drones « low-cost » consommables de type munitions télé-opérées. Il est possible de citer le drone kamikaze Geran-2, reproduction russe du Shahed 136 iranien dont la production a été accélérée par la Russie avec des cadences rapportées allant jusqu’à 5 000 unités par mois. D’autres modèles ont été développés, tels que le Zala Lancet et le Scalpel.
De ce fait, la Russie est aujourd’hui capable de lancer des attaques massives et destructrices de drones : en témoigne le mois de juin 2025 durant lequel la Russie a lancé près de 5 000 drones contre l’Ukraine, dont 537 drones durant la nuit du samedi 28 au dimanche 29 juin. Cela correspond à 15 fois plus de drones qu’un an plus tôt, au cours du mois de juin 2024 ([43]). Ces attaques continuent d’augmenter avec plus de 805 drones lancés sur Kiev dans la nuit du 6 au 7 septembre 2025 ([44]).
La Russie continue d’innover sur ses drones. Elle a ainsi lancé en 2025 une nouvelle version du drone Geran avec le Geran-3, plus massif et rapide et capable de porter une charge plus lourde. Elle a renforcé la résilience électronique des Geran-2 en intégrant des antennes antibrouillages chinoises. Les ingénieurs russes ont également commencé à installer des caméras supplémentaires sur leurs drones pour détecter les drones intercepteurs ukrainiens et permettre une manœuvre d’évitement.
d. L’Inde
L’Inde est caractérisée par la montée en puissance rapide de ses capacités en système autonomes, marquée par des acquisitions majeures et par le lancement de programmes ambitieux ([45]). Cet intérêt pour les drones s’inscrit dans une course régionale à l’armement, notamment en raison du conflit avec le Pakistan.
L’Inde a opté pour des acquisitions substantielles de drones MALE auprès des États-Unis, avec un contrat d’achat pour des drones Reaper MQ-9B qui s’élève à 4 milliards de dollars ([46]). Ce montant laisse imaginer les investissements conséquents du pays dans la filière. En témoigne par ailleurs le contrat de 38,5 millions de dollars conclu en début d’année 2024 pour acquérir 563 drones logistiques ([47]).
En parallèle, l’Inde s’efforce de produire un drone MALE souverain dans l’optique de la doctrine « Make in India » ([48]). La marine indienne a quant à elle choisi la start-up NewSpace Research & Technologies (NRT), basée à Bangalore, pour développer son drone naval ([49]).
e. Israël
Israël est l’un des premiers producteurs de drones au monde, aux côtés des États-Unis, de la Chine, de la Turquie et de l’Iran. Il était le premier exportateur mondial en 2013 ([50]).
Israël se distingue par un tissu industriel avancé soutenu par des entreprises nationales performantes et par des ventes tirées par l’export. Sont vendus à l’international des drones tel que l’Hermes 650 « Spark » d’Elbit et des munitions rôdeuses très recherchées comme le Hero 120 (susceptible d’être acquis par la Corée du Sud). Des drones israéliens ont été utilisés dans la guerre du Haut-Karabagh ([51]).
L’armée israélienne recourt fréquemment aux drones. Les drones aériens sont à la fois utilisés pour des frappes et dans une logique d’appui et de coordination des opérations aériennes.
Ces capacités sont également mises en œuvre de manière clandestine ou ciblée. Dans le cadre de l’opération « Rising Lion » contre l’Iran durant l’été 2025 ([52]), les opérations d’infiltration de drones aériens attribuées au Mossad ont illustré l’emploi opérationnel de ces systèmes dans des contextes sensibles.
f. La Turquie
La Turquie se caractérise par une montée en puissance rapide et prolifique de ses capacités en systèmes autonomes, portée par un tissu industriel très dynamique et de nombreux succès à l’export. Il s’agit aujourd’hui de l’un des plus grands producteurs de drones militaires ([53]).
La Turquie a équipé les forces azerbaïdjanaises durant la guerre du Haut-Karabagh ([54]) . En outre, elle a effectué des livraisons en faveur de l’Ukraine dans la guerre contre la Russie ([55]).
La Turquie a développé et testé des versions évoluées de ses drones emblématiques. C’est le cas du Bayraktar TB2T AI, qui dispose désormais d’un moteur amélioré, d’un plafond de vol augmenté et d’une navigation en GNSS denied. Le TB3 a aussi été amélioré, avec une intention d’embarquement sur le TCG Anadolu. Le Akinci, drone MALE bimoteur, a été récemment testé avec de nouveaux armements comme le missile supersonique IHA 230.
Le rapport qualité-prix de ces drones aériens est attractif. Le TB2 est vendu pour 5 millions de dollars contre 30 millions de dollars pour le Reaper ([56]).
Parallèlement, l’industrie turque multiplie les partenariats et les percées commerciales avec, par exemple, le rapprochement entre l’entreprise turque Baykart et l’entreprise italienne Leonardo ([57]) et la reprise de Piaggio Aerospace par Baykar ([58]). Les commandes à l’exportation continuent à être significatives. Des ventes ont récemment été conclues avec l’Indonésie (Anka S, TB3, Akinci) ([59]) , le Koweït (TB2 pour 367 millions de dollars ([60]) ), l’Ethiopie ([61]) et le Niger ([62]).
g. L’Iran
L’Iran s’est doté depuis les années 2000 d’une industrie nationale de drones en rapide expansion, portée par ses entreprises d’État (notamment HESA et Qods Aviation Industries) et par des branches du Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC) ([63]). Elle est aujourd’hui l’un des premiers producteurs mondiaux de drones.
Au-delà d’un coût unitaire très réduit (estimé entre 20 000 et 40 000 dollars), l’emploi tactique du Shahed en essaim constitue une vitrine de vente efficace, concrétisée par des déploiements russes de ces drones en Ukraine et par l’attaque de masse contre Israël le 13 avril 2024. Malgré les restrictions internationales, des exportations sont réalisées, notamment en faveur de la Russie. Celle-ci trouve un intérêt dans le faible coût du Shahed et dans sa capacité à couvrir de longues distances (2 500 km).
L’Iran a lui-même recours à des drones dans ses opérations. En juin 2020, le secrétaire général de l’ONU indique que les attaques subies par l’Arabie Saoudite en 2019 ont été causées par des drones d’origine iranienne ([64]). En janvier 2025, le régime iranien a dévoilé 1 000 nouveaux drones stratégiques capables d’atteindre Israël ([65]). En été 2025, des drones sont utilisés lors du conflit avec Israël, déjà mentionné au paragraphe précédent.
B. Un creux capacitaire français et européen préoccupant dans le contexte géopolitique actuel
1. Une trame drones française en cours de consolidation
a. Une programmation confuse au début des années 2000 qui n’a pas permis de prendre le virage capacitaire
Les avis convergent sur le fait que la France a pris du retard dans l’acquisition de drones aériens. Dès 2013, Jean-Yves le Drian, ministre des armées, faisait le constat que « le ministère autant que l’industrie a manqué le virage de ce type d’équipement » ([66]). Sébastien Lecornu, ancien ministre des armées, a confirmé cette analyse dans un entretien en octobre 2024, relevant « un échec collectif sur les drones, qui date de dix ou quinze ans » ([67]).
Ce retard a aussi été constaté par la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 2020 ([68]) consacré aux drones militaires : « Alors que ces matériels sont en augmentation dans la plupart des forces armées, la France a tardé, malgré la solidité de son industrie d'armement, à s'équiper, du fait de projets ponctuels, conduits sans vision stratégique cohérente sur le long terme. »
Ce retard a pris sa source dans l’intérêt tardif de la France pour les drones. Samuel Faure, maître de conférences en science politique, constate que les drones n’étaient pas un enjeu militaire en France avant les années 2000 ([69]). Malgré un premier déploiement lors de la Guerre du Golfe (1990-1991), l’armée rencontre un contexte de contrainte budgétaire liée à d’anciens programmes. La défense subit dans le même temps une diminution des crédits dans les années 1990 pour faire face à la dégradation du solde public ([70]).
Le déploiement de drones par la France durant les guerres dans les Balkans puis pendant la guerre en Afghanistan provoque un regain d’intérêt pour les drones, notamment face à l’accélération des financements de l’armée américaine. Au début des années 2000, les instances de commandement des armées commencent à prendre conscience du caractère prioritaire des drones. Malgré cette attention renforcée, des divergences apparaissent au niveau politique comme au niveau des armées. Sont interrogés (i) l’échelle à privilégier, entre le niveau national et européen, (ii) l’armée à prioriser, entre l’armée de Terre et l’armée de l’Air notamment, et (iii) le type de drone à prioriser, entre des drones tactiques et des drones MALE ou HALE.
En parallèle, les armées ont été confrontées à des interrogations éthiques. Le choix de recourir à des armes avec un degré d’autonomie avancée ne s’est pas fait naturellement. Cette hésitation s’est d’autant plus renforcée que le drone a commencé à être utilisé en matière offensive. La distanciation entre le militaire et la cible a été l’objet d’un débat éthique qui a parcouru (et parcourt encore) la société ([71]).
Ces hésitations ou interrogations stratégiques se sont traduites de façon concrète par des revirements qui ont déstabilisé la stratégie de long terme.
Face aux carences capacitaires, la France a pris la décision de se tourner vers l’international. En 2013, elle fait l’acquisition de 12 drones américains Reaper pour 670 millions d’euros ([72]). « Cette décision s'est inscrite dans le contexte du moment, celui d'un besoin opérationnel à satisfaire dans des délais resserrés, des hésitations répétées des pouvoirs publics et des industriels » ([73]). Ces achats ont été accompagnés de nombreuses contraintes imposées par les États-Unis : pas de déploiement hors du Sahel sans autorisation américaine ; maintenance exclusivement réalisée par l’industriel américain ; formation des militaires dépendante de la formation américaine.
Le projet de drones « Patroller », dont la conception a commencé en 2006 par Safran, est un exemple des conséquences d’une mauvaise programmation sur plus de 10 ans. En 2016, l’armée française a décidé d’acheter 14 drones Patroller pour un montant de 350 millions d’euros ([74]). Dans cette continuité, la loi de programmation militaire 2024-2030 avait décidé de porter à 28 le nombre de drones Patroller à disposition de l’armée de Terre. Or, malgré ces signaux positifs, le projet a subi de nombreux retards ([75]) : en 2022, les drones Patroller devant être mis à disposition de l’armée de Terre n’ont pas été livrés ([76]) . Le premier de la série n’a été livré qu’en mai 2024 en raison, selon le ministère de l’Économie et des Finances, de « difficultés techniques de mise au point, [conduisant] également à décaler la commande de vecteurs supplémentaires ».
Les effets de ce défaut de programmation sont difficiles à résorber. Une programmation militaire s’organise traditionnellement sur plusieurs dizaines d’années. L’ancien ministre des armées Sébastien Lecornu indiquait à ce titre la nécessité de désormais « sauter une génération technologique », précisant « qu’en 2030, la France doit être la pointe des différentes gammes de drones » ([77]).
b. Un financement qui augmente très fortement en 2026 après plusieurs années de budgétisation insuffisante
i. Une LPM qui doit être revue
Pour ce qui relève de la loi de programmation des finances publiques de 2024-2030, les crédits consacrés aux drones restent en-deçà des besoins réels constatés, notamment au niveau des drones aériens. La LPM 2024-2030 vise les objectifs capacitaires suivants :
Objectifs inscrits dans la LPM 2024-2030 en matière de drones
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Objectifs |
Parc fin 2023 |
Parc fin 2030 |
Parc horizon 2035 |
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Système de drones tactiques (SDT)/vecteurs |
1/5 |
5/28 + armement |
5/28 + armement |
|
Munitions télé-opérées |
0 |
Au moins 1 800 |
Au moins 1 800 |
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Systèmes de drone MALE
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4 systèmes Reaper |
4 systèmes Reaper + 1 système EuroMALE |
Au moins 6 systèmes EuroMALE |
Sources : tableau produit par votre rapporteur sur la base de la LPM 2024-2030.
Sur le plan du financement, la LPM prévoit 5 milliards d’euros pour financer les drones aériens, les drones de surface, les drones sous-marins et les robots terrestres sur six ans. Ce montant reste faible.
À ces 5 milliards d’euros de crédits peuvent être ajoutés une quote-part des 10 milliards de crédits pour l’investissement. Ces financements sont partagés entre plusieurs programmes, par exemple les armes à énergie dirigée, l’hypervélocité, l’intelligence artificielle ou le spectre électromagnétique.
|
OBJECTIFS EN MATIÈRE DE DRONES AÉRIENS PRÉVUS PAR LA LPM LOI n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense 2.2.3. Efforts prioritaires pour les armées du futur Drones et robots : 5 milliards d’euros de besoins programmés sur la période « Une accélération de l'usage des vecteurs télé-opérés et un élargissement du spectre de leurs missions seront engagés (drones aériens, de surface ou sous-marins comme robots terrestres). De nouveaux cadres contractuels pluriannuels mutualisant les besoins entre différents services de l'État seront recherchés pour simplifier l'acquisition des petits drones d'intelligence, surveillance et reconnaissance (ISR). Un dispositif de distinction de « drones de confiance » sera institué d'ici à la fin de l'année 2024. Pour atteindre de telles ambitions, la présente LPM doit à la fois développer des capacités stratégiques, ayant recours à un très haut niveau de technologie et dont les armées seront dotées en faible nombre, ainsi que des moyens beaucoup plus légers, évolutifs, low cost - low tech dont les évolutions se feront selon des cycles plus courts et agiles. Afin d'appuyer directement les forces au niveau tactique, différents systèmes seront développés : – des systèmes de drones tactiques, aux charges utiles et armements diversifiés amélioreront notre efficacité opérationnelle. L'armement du Patroller devra être finalisé d'ici à 2027 ; – des drones de contact ainsi que des munitions télé-opérées (MTO) apporteront performance, précision et létalité avec un rapport coût-efficacité favorable. L'ambition est de développer rapidement une filière française de MTO à bas coût et, à l'horizon 2030, d'atteindre la capacité de vol en essaims. La structuration de la filière des drones doit viser la mise en place d'une filière nationale robuste et agile, en étendant notamment le dispositif GCAS (groupe de contact, d'action et de soutien aux entreprises d'intérêt stratégique vital), afin de soutenir l'ensemble des acteurs industriels en mesure de fournir une production souveraine, non dépendante des approvisionnements étrangers ; (…) La présente LPM porte également une évolution dans le développement et l'emploi des drones :
L'entraînement des forces à l'emploi de ces nouveaux systèmes d'armes constituera également un enjeu majeur pour disposer du bon niveau de préparation et développer de nouveaux modes d'action. » |
ii. Une augmentation progressive dans les lois de finances
Les lois de finances ont vu une augmentation régulière des crédits orientés vers les drones aériens. L’année 2026 voit un abondement important des crédits, qui traduit la volonté de combler le creux capacitaire.
En 2026 (comme en 2025), les crédits pour les drones aériens sont principalement répartis en deux sous-actions :
- Sous-action 07-28 : Commander et conduire – Autres opérations. Cette sous-action comprend le programme à effet majeur « Drones de contact ». Elle recouvre les drones de légers et de taille réduite. Les autorisations d’engagement (AE) augmentent très fortement par rapport à 2025. En 2025, la sous-action s’était vue octroyer 150 millions d’euros en autorisations d’engagement et 53,8 millions d’euros de crédits de paiement pour les drones de contact. En 2026, ce montant passe à 568,5 millions d’euros (+ 278 %) en AE et 158,5 millions d’euros en CP (+ 198 %).
- Sous-action 07-62 – Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître – drones aériens. Cette sous-action comprend les PEM « SDT », « SDAM », « MALE Reaper », « MALE européen ». Elle recouvre les drones de plus grande envergure. En 2025, les AE s’élèvent à 78 millions d’euros et les CP à 238 millions d’euros. En 2026, ils s’élèvent à 408 millions d’euros en AE (+ 168 %) et 353 millions d’euros en CP (48 %).
Au total, les crédits débloqués pour les programmes de drones aériens hors UCAV en 2026 sont de 977,1 millions d’euros en AE et de 511,96 millions d’euros en CP en 2026.
Tableau récapitulatif des crédits orientés vers les drones aériens en 2026 par sous-action (en millions d’euros)
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Sous-action |
PEM/AOA |
Engagement (en millions d’euros) |
Paiement (en millions d’euros) |
|
07-28 |
Drones de contact |
568, 52 (+278%) |
158,53 (+198%) |
|
SOUS-TOTAL de la sous-action |
568, 52 |
158,53 |
|
|
07-62
|
AOA-CMI |
358,58 (non présent en 2025) |
51,13 (non présent en 2025) |
|
Très haute altitude |
50 (non présent en 2025) |
9,77 (non présent en 2025) |
|
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MALE européen |
- |
186,8 |
|
|
SDT |
- |
31,27 |
|
|
SDAM |
- |
55,11 |
|
|
MALE |
- |
19,35 |
|
|
SOUS-TOTAL de la sous-action |
408,58 (+423%) |
353,43 (+48%) |
|
|
09-59 |
UCAV |
11,32 (-98 %) |
195,41 (+282%) |
|
|
SOUS-TOTAL de la sous-action |
11,32 |
195,41 |
|
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TOTAL |
988,42 (+6,03%) |
707,37 (+106,35%) |
Sources : tableau produit par votre rapporteur sur la base du projet annuel de performances.
Tableau récapitulatif des crédits orientés vers les drones aériens en 2026 par domaine (en millions d’euros)
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Domaine |
PEM/AOA |
Engagement (en millions d’euros) |
Paiement (en millions d’euros) |
|
Drones aériens et drones de contact (hors UCAV) |
Total |
977,1 (+328%) |
511,96 (+75,5%) |
|
Drones aériens (UCAV compris) |
Total |
988,42 (+6,03%) |
707,37 (+106,35%) |
Sources : tableau produit par votre rapporteur sur la base du projet annuel de performances.
La France se saisit donc désormais du sujet des drones aériens. Il restera à contrôler que cet effort se maintient et qu’il est correctement utilisé pour combler les besoins réellement exprimés par les forces. L’enjeu reste de couvrir un désengagement capacitaire de plusieurs années qui ne peut être résorbé par un investissement qui ne serait que de court terme. La mention que le programme « Drones de contact » bénéficiera d’une mesure de réarmement est, à ce titre, très encourageante. Cet effort se solde par l’annonce de la sur-marche de 3,3 milliards d’euros, annoncée par le Président de la République le 13 juillet 2025 et que consacre le PLF 2026.
c. Une prise de conscience qui s’accélère dans les armées
i. Un intérêt des armées pour l’ensemble de la trame drones
Les besoins des armées couvrent en réalité l’ensemble des types de drones disponibles. Chaque drone dispose en effet de caractéristiques propres, qui diffèrent selon leurs missions (reconnaissance, surveillance, frappe), leurs capacités techniques (endurance, résistance, rapidité), leur taille et leur poids (du nano-drone au drone HALE). Ces différentes technologies permettent de couvrir des enjeux opérationnels différents. Ainsi, un petit drone, marqué par sa légèreté, sa rapidité et son faible coût, peut être lancé directement sur le champ de bataille pour mener une attaque en profondeur. À l’inverse, les drones de type MALE ou HALE, beaucoup plus endurants (jusqu’à 48 heures de vol) mais aussi plus lourds et plus chers, seront davantage utilisés pour la reconnaissance et la surveillance.
Les armées trouvent des avantages opérationnels dans chacun des drones disponibles sur le marché. La « complémentarité » est une notion partagée par les trois armées. Elle renvoie à la nécessité de se doter de différents modèles de drones afin de pouvoir recourir au vecteur le plus adapté selon la situation.
TYPOLOGIE DES DRONES MILITAIRES AÉRIENS ([78])
(SUR LA BASE DE L’ARTICLE D’ENCYCLOPÉDIE DE PHILIPPE CAZIN)
Drones miniatures : incluent les drones de moins de 50 centimètres dont les microdrones (>15 centimètres) et les nanodrones (> à quelques centimètres). Les missions principales sont la reconnaissance et la surveillance.
Drones de court rayon d’action : incluent les drones d’une envergure de 0,5 à 2 mètres. Le poids est inférieur à quelques kilogrammes. Les missions principales sont la reconnaissance et la surveillance.
Drones tactiques : incluent les drones d’une envergure de moins de 10 mètres et avec un poids inférieur à une tonne. L’endurance est de quelques heures. Les missions principales sont la reconnaissance et la surveillance.
Drones MALE (moyenne altitude et longue endurance) : incluent les drones aux dimensions importantes avec une endurance très élevée. Les missions principales sont la reconnaissance, la surveillance, des missions de désignation et de destruction d’objectifs au sol.
Drones HALE (haute altitude et longue endurance) : incluent des drones avec une endurance, une taille, un rayon d’action et une capacité d’emport très important (une à deux tonnes). Il peut voler au-dessus de 20 000 mètres. La taille se rapproche d’un avion civil. Les missions principales sont la reconnaissance et la surveillance.
UCAV (unmanned combat aerial vehicle), aussi appelés « drones de combat » : incluent les drones pilotés et équipés d’un système d’armes pour neutraliser ou détruire un objectif ([79]). Il se distingue des munitions télé-opérées (MTO), qui sont en elles-mêmes la munition et se détruisent à l’impact.
ii. Des programmes d’armement multiples
Les différents programmes permettent le développement des différents axes de la trame drones. Ils vont du petit drone jusqu’au drone MALE. Il existe six programmes principaux ([80]) :
- L’opération « Drones de contact », décidée par la LPM 2024-2030 et qui a pour objet l’acquisition de capacités de petits drones et de munitions télé-opérées, dans une approche incrémentale permettant d’exploiter les améliorations technologiques à cycles courts ;
- Le Système de drones tactiques (SDT), couvrant l’acquisition d’une capacité pérenne de drones tactiques pour l’armée de Terre en remplacement du système SDTI (système de drones tactiques intérimaires) qui a été retiré du service. Elle vise à répondre aux missions de renseignement au profit des unités tactiques en leur offrant une capacité de surveillance, d’acquisition, de reconnaissance et de renseignement (SA2R) ;
- Le Système de drone aérien pour la marine (SDAM), qui vise à doter les navires de premier rang de la Marine (FDI, FREMM, FDA, PHA) d’une capacité de drones aériens leur permettant d’accroître significativement leur portée de détection des menaces et leur maîtrise de la situation tactique. Ces drones devront être en mesure de décoller et apponter sur ces bâtiments dans les mêmes conditions de mer que les hélicoptères en service. Cette capacité doit leur permettre d’optimiser leur performance opérationnelle mais également d’accroître la protection des bâtiments, et par extension, de la force navale ;
- Le MALE Reaper, qui vise à répondre rapidement au besoin de systèmes de drones MALE (Moyenne altitude, longue endurance). Ces systèmes de drones capables d’opérer à l’échelle d’un théâtre d’opération offrent une possibilité de permanence sur zone importante pour apprécier la situation voire neutraliser d’éventuels objectifs militaires avec agilité et précision. Elle est composée de quatre systèmes de trois drones américains MQ9-Reaper intégrant des capacités de renseignement nouvelles et aptes à mettre en œuvre des armements ;
- Le MALE européen, dont l’objectif principal de l’opération est de disposer à l’horizon 2030 d’une capacité de drones MALE déployables pouvant être employée de manière souveraine et sans contrainte sur les zones d’intérêt pour effectuer des missions de type ISTAR (Intelligence, Surveillance, Target Acquisition and Reconnaissance) et de neutralisation d’objectifs militaires. Le MALE Européen a ainsi vocation à succéder progressivement au MALE REAPER. À l’issue d’une étude de définition initiée en 2016 et des négociations menées avec l’industrie, la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne ont donné mandat à l’Organisation conjointe de coopération en matière d’Armement (OCCAr) pour signer, en leur nom, le contrat de réalisation couvrant le développement, la production de systèmes et 5 ans de soutien. Ce contrat est entré en vigueur le 1er mars 2022 ;
- Le programme UCAV, qui inclut les travaux liés à la préparation du futur drone accompagnateur du Rafale standard F5, issu des travaux du démonstrateur nEUROn. Ce PEM a été créé dans le cadre des travaux LPM 2024-2030 ;
- Les drones sont également inclus dans la posture permanente de dissuasion assurée par la force océanique stratégique (FOST) et les forces aériennes stratégiques (FAS) avec la mise en place de moyens complémentaires en drones pour les trois niveaux de réactivité, à savoir : (i) l’échelon national d’urgence renforcé (ENU-R), (ii) le déploiement en intervention sur quatre théâtres pour la gestion de crise et (iii) l’opération d’envergure dans un contexte de combats pouvant aller jusqu’à la haute intensité.
PROGRAMMATION MILITAIRE FRANÇAISE ET RETOUR D’EXPÉRIENCE DE L’UKRAINE
Les armées ont appelé à la vigilance sur les retours d’expérience en Ukraine : si les munitions télé-opérées et les petits drones sont aujourd’hui au cœur du débat public, la France n’éprouve pas les mêmes besoins que l’Ukraine. Lors de l’audition de l’armée de l’Air et de l’Espace, il a ainsi été soulevé que l’Ukraine, à la différence de la France, disposait de faibles capacités dans l’aérien. Dans ce cadre, les petits drones et les munitions télé-opérées ont compensé la faiblesse des capacités aériennes.
À l’inverse, en cas d’attaque ennemie, la France dispose pour son armée de l’Air et de l’Espace d’équipements efficaces capables de riposter et de provoquer de larges dégâts. Parmi d’autres, il est possible de citer les Rafales et de l’évolution de ses standards ainsi que les Mirages 2000B S5. L’armée de Terre et la Marine nationale disposent aussi de nombreux moyens plus efficaces que des petits drones aériens. Enfin, la dissuasion nucléaire constitue une clef de voûte dont ne dispose par l’Ukraine contre la Russie.
Il convient néanmoins de garder à l’esprit que la configuration d’un conflit résulte toujours de choix stratégiques spécifiques. La physionomie finale des champs de bataille demeure, à ce titre, difficilement prévisible. Il serait donc illusoire de négliger un investissement conséquent et une planification éclairée autour de la trame drones, laquelle constitue aujourd’hui un atout tactique majeur pour le combat de demain. La vulnérabilité de l’Europe face aux survols récents de drones en est également un exemple.
Les besoins en matière de drones doivent être perçus en priorité à partir des remontées des armées. Une déformation de la perception de nos capacités par le biais d’un conflit extérieur pourrait aboutir à une programmation et à un financement inadéquat.
Ces différents programmes sont encourageants et démontrent la volonté de l’armée française d’accélérer dans le domaine des drones. Ils démontrent également la recherche d’un équilibre entre les différents types de drones. Il est également possible de noter l’effort d’actualisation des besoins, illustré par le changement de cap sur le programme SDT au profit d’autres, ce qui démontre la recherche d’équipements répondant aux nouveaux besoins opérationnels.
iii. Une armée qui se prépare à la maîtrise des drones
Ces programmes se traduisent de façon concrète par une accélération des entraînements. À titre d’exemple, l’École des drones, objet d’un déplacement, a consacré un hangar à la manipulation de petits drones. Les militaires s’exercent à manipuler les drones (stabilisation, accélération, évitement…) au travers d’un ensemble d’obstacles. À terme, l’armée souhaiterait fournir un drone pour 10 militaires pour assurer l’entraînement des forces.
Cette ambition se traduit également par la mise en place de formations spécialisées. Ainsi, l’École des drones a été instaurée en 2023 et implantée sur le même site que le 61e Régiment d’artillerie sur la base de Chaumont-Semoutiers. L’école dispose en 2025 d’une cinquantaine de formateurs, qui enseignent à des militaires les compétences nécessaires pour devenir instructeurs à leur tour. Une fois formés, les militaires retournent dans leur régiment d’origine et sont eux-mêmes habilités à former leurs compagnons d’armes. La procédure repose donc sur une propagation de la formation par une augmentation du nombre d’instructeurs.
En dernier lieu, l’accroissement de ces capacités s’illustre dans les essais techniques menés par la DGA TT basée à Bourges. Cette dernière effectue régulièrement des tests afin de repousser les capacités des drones, d’évaluer leur déploiement en conditions réelles et de déterminer les innovations à apporter.
Les différentes auditions et déplacements auprès des armées ont confirmé cette accélération d’ensemble. Les militaires interrogés ont indiqué que la problématique des drones était désormais parfaitement prise en compte par les achats d’équipement. Cela se traduit par une hausse des commandes, par une plus grande priorisation des programmes de développement de drones et par une accentuation de la formation.
L’optimisme sur la trame drones est partagé par les militaires de terrain, qui voient les effets de cet effort dans leur vie quotidienne. À ce titre, lorsque votre rapporteur a interrogé certains militaires sur le retard pris en la matière, il a été soulevé que la France a certes connu un retard, mais que la volonté actuellement exprimée de développer la trame drones, les décisions prises et les budgets votés permettraient de combler le vide capacitaire rapidement. L’effort est désormais suffisamment important pour constituer un ensemble de capacités rapidement. Une comparaison avec la conquête spatiale a été faite par un militaire sur le terrain : si la Russie était en avance sur les projets spatiaux dans les années 1950, les États-Unis, pourtant en retard, ont réalisé de très grands progrès dès lors qu’ils ont pris conscience de l’importance d’envoyer un homme sur la lune. En quelques années, les États-Unis ont surpassé la Russie et ont gagné la course dans le domaine spatial.
d. Un effort qui doit être renforcé par des commandes accrues
i. Des commandes encore insuffisantes
D’une part, même si les financements accélèrent, le rattrapage de la France n’est pas encore complet. La question de la course à l’armement se pose, notamment face aux investissements massifs des plus grandes puissances (États-Unis, Russie, Chine). Les ambitions de commandes inscrites dans le PLF 2026 ne paraissent pas encore assez importantes par rapport aux besoins exprimés. Ainsi, la trame haute (MALE et HALE) est en rupture capacitaire depuis 7 ans en raison des retards du drone Patroller. Les besoins des divisions et du corps d’armée ne sont pas couverts et ne le seront sans doute pas à brève échéance, d'autant que les financements ne semblent pas présents pour le moment, selon certains auditionnés.
En outre, certains programmes restent imprécis quant à leur réalisation. Certains programmes ne disposent pas d’échéanciers des commandes et des livraisons. Ceux-ci doivent être définis lors de leur lancement en réalisation. Cette imprécision limite le contrôle du Parlement sur la réalisation des objectifs fixés. Ce contrôle est d’autant plus nécessaire que certains responsables ont indiqué que la densification en cours ne couvre pas encore les besoins malgré la multiplication par deux du nombre de drones militaires entre 2023 et 2024.
COMMANDES PRÉVUES DANS LE PLF 2026 POUR LES DRONES AÉRIENS
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Opérations |
C/L |
Avant 2025 |
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2025 |
2026 |
Après 2026 |
Cible totale |
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Drones de contact – incrément 1 |
Commandes |
- |
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460 |
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- |
460 |
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Livraisons |
- |
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230 |
230 |
- |
460 |
|
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Drones de contact – incrément 2 |
Commandes |
4 |
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1 |
- |
- |
5 |
|
Livraisons |
- |
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5 |
- |
- |
5 |
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MALE européen |
Commandes |
4 |
|
- |
- |
2 |
6 |
|
Livraisons |
- |
|
- |
- |
6 |
6 |
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SDT |
Commandes |
14 |
|
- |
- |
- |
28 en 2025 |
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Livraisons |
1 |
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8 |
5 |
- |
28 en 2025 |
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UCAV |
Pas d’information dans le projet annuel de performances |
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SDAM |
L’échéancier de l’opération SDAM n’a pas encore été établi. La cible sera définie au lancement de la réalisation du programme |
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MALE REAPER |
Pas d’échéancier de commande |
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Sources : tableau produit par votre rapporteur sur la base du projet annuel de performances de 2026.
L’instabilité budgétaire de l’année 2025 a contribué aux retards de la trame drones. Les services votés, les gels puis les deux dégels survenus en cours d’année ont déstabilisé les commandes. Si celles-ci ont été progressivement rattrapées, la situation budgétaire contribue toutefois au manque de visibilité générale sur les programmes.
ii. Un manque de transparence sur l’orientation des crédits
Le fléchage des crédits manque de clarté. Pour les drones aériens, outre les crédits mentionnés ci-dessus, d’autres actions participent également au financement de la trame drones mais par le biais d’autres besoins opérationnels. C’est le cas notamment du maintien (i) du système opérationnel SAIM (exploitation des images des drones) ou (ii) du financement du SCAF, qui inclut le développement de drones accompagnateurs.
Or, ces sous-actions n’offrent aucune ventilation sur les crédits effectivement investis dans les drones. Il n’est pas indiqué si les drones seront financés par les crédits des sous-actions concernées ou s’ils seront ponctionnés sur les programmes des actions 07-28 et 07-62. Les documents fournis par l’administration manquent de précision pour comprendre dans son entièreté l’effort des armées en faveur des drones. La même difficulté se pose pour les crédits orientés vers l’innovation dans le programme 144 et les crédits pour la formation dans le programme 178.
Au-delà des sous-actions, une interrogation se pose sur le financement des « autres opérations d’armement » de la sous-action 07-62. Doté de 358 millions d’euros en AE et de 51,1 millions d’euros en CP, il reste pourtant non défini dans le projet annuel de performances. Il n’est pas possible de savoir ce que ces montants recouvrent à la seule lecture des documents budgétaires.
2. L’accélération des partenaires européens et de l’Union européenne
a. Une montée en puissance des pays européens malgré des difficultés persistantes
Les pays européens partenaires de la France suivent le même mouvement d’accélération capacitaire. Les financements orientés vers les drones ont globalement augmenté, ainsi que l’illustrent trois des plus grandes armées européennes.
Le Royaume-Uni a annoncé en juin 2025 un financement pluriannuel de 2 milliards de livres fléchés vers les drones ([81]). Cette enveloppe a permis d’orienter 600 millions de livres vers les drones sur l’année 2025 ([82]). Le plan prévoit de financer à la fois les drones « low-cost » et les drones les plus coûteux, dans une optique de complémentarité entre drones d’attaque, de surveillance et de reconnaissance. Un centre de recherche sera également créé afin de mieux coordonner les forces armées et de devenir leader en matière d’innovation. En parallèle, le Royaume-Uni souhaite accélérer les livraisons de drones à l’Ukraine, notamment des drones FPV. Ces financements font suite à des déclarations du gouvernement britannique indiquant que les drones étaient devenus « un composant essentiel du champ de bataille ».
L’Allemagne monte aussi progressivement en capacité. En avril 2025, le gouvernement a annoncé pour la première fois son souhait de se doter de drones « low-cost » et des munitions télé-opérées aptes au combat ([83]). À cette occasion, le ministère de la défense a indiqué que les drones étaient désormais déterminants dans les conflits. Les drones seront achetés auprès de plusieurs fabricants puis testés par les troupes afin de déterminer les modèles les plus à même de combler les besoins allemands. Outre les drones peu coûteux, le gouvernement allemand a également approuvé en septembre 2025 l’acquisition de drones de surveillance et de reconnaissance de type MALE ([84]).
La Pologne accroît ses forces dans le domaine des drones. En juillet 2025, un plan de 200 millions de zloty a été alloué à l’achat de drones, dont la moitié ira à la formation. Le gouvernement envisagerait de doubler les fonds si l’industrie démontre sa capacité à tenir le rythme de livraison. Un centre de drones a été créé en ce sens, qui permettra de mener des essais et d’assurer le développement de systèmes sans pilote. Des laboratoires seront constitués dans les unités militaires pour concevoir, assembler et entretenir les drones avec l’aide de l’impression 3D. Un travail sur les logiciels et l’intelligence artificielle sera aussi mené ([85]).
Malgré cette montée en puissance, les pays européens rencontrent des difficultés similaires à celles de la France. En premier lieu, le retard dans l’acquisition de drones est communément partagé. Les financements témoignent d’une préoccupation montante dans ce domaine mais ne permettent pas encore de rattraper les premiers pays producteurs et utilisateurs. Certaines décisions apparaissent même contraires au développement des capacités en la matière. À titre d’exemple, le Royaume-Uni a pris la décision de retirer à terme les 47 drones Watchkeeper de leurs capacités en raison de leur coût d’entretien.
En deuxième lieu, les BITD nationales demeurent encore immatures face aux demandes de production de masse. Les industries peinent à atteindre la taille critique pour répondre aux commandes. La concurrence internationale, le manque de financement et la fragmentation de l’offre accentue les difficultés de production. La Pologne a ainsi conditionné l’augmentation des commandes à la capacité des industries à prendre en charge les demandes du gouvernement ([86]).
En dernier lieu, les conséquences des crises successives et la pression sur les finances publiques provoquent un ralentissement des investissements. La priorisation de certains programmes aériens ou terrestres peut ainsi générer du retard dans le déploiement des crédits orientés vers les drones.
b. L’Union européenne en soutien de la production de drones
Les retards dans les drones militaires dans les pays européens sont une préoccupation exprimée par les instances de l’Union européenne. Dans un rapport de mai 2024, le Comité économique et social européen a relevé que les capacités en matière de drones étaient inexistantes, « alors qu’en Ukraine et au Moyen-Orient, des aéronefs sans équipage bon marché et disponibles dans le commerce affrontent avec succès des missiles coûteux transportant des technologies de pointe » ([87]). Ces préoccupations ont été de nouveau soulevées par le Parlement européen ([88]) et la Commission européenne ([89]) lors des incursions de drones russes dans l’espace aérien européen en septembre 2025.
Dans ce contexte, quelques pistes ont été soulevées. Elles consistent principalement en des financements. Pour les entreprises européennes, deux aides financières principales existent :
- Le Fonds européen de défense : créé en 2021, il dispose d’un budget de 7,3 milliards d’euros sur la période 2021-2027. Il permet de financer la recherche et le développement et de soutenir la production de technologies et d’équipements communs ([90]).
- Le programme « SAFE » (Security Action for Europe) ([91]) : adopté en mai 2025 et doté de 150 milliards d’euros, il permet de financer des achats communs d’armements. Il est une composante du programme ReArm Europe.
Un plan de financement supplémentaire a été annoncé par la Présidente de la Commission européenne le 30 septembre 2025 ([92]) dont un soutien de deux milliards d’euros à l’Ukraine pour lui permettre d’accroître sa capacité de production. Cependant, la décision a été repoussée le jeudi 23 octobre 2025. En parallèle, la Commission a émis l’idée d’un système de prêt de réparation pour l’Ukraine basé sur les actifs souverains russes immobilisés. Ce prêt ne pourrait être utilisé que dans le cadre d’achats européens, ce qui permettrait d’accroître les financements de la BITDE tout en soutenant l’effort de guerre de l’Ukraine.
Les efforts se font en dialogue avec l’OTAN, dont les instances mettent en avant les besoins en drones. Des appels d’offre ([93]), des formations ([94]) et des entraînements ([95]) ont été menés au niveau de l’OTAN, avec une participation des pays européens.
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II. Construire une trame drones souveraine et robuste : un impératif pressant pour assurer la protection de nos intérêts nationaux
A. la nécessité de consolider la bitd française
1. Une BITD française innovante et indispensable au renforcement de la trame drones
a. Un dynamisme qui se traduit par la multiplication des projets industriels
La BITD française se démarque par sa capacité d’innovation et l’anticipation des besoins des armées. Les entreprises ont prouvé à de nombreuses reprises leur efficacité.
Cette force de création se retrouve dans la production des drones, secteur particulièrement propice à l’innovation. Les commandes publiques croissantes et l’attention portée au niveau international sur ce type de vecteurs sont des paramètres encourageants qui engagent les entreprises à investir dans le secteur. En outre, le renouvellement constant des technologies en la matière engage les entreprises à s’adapter et à se projeter pour répondre aux besoins futurs. Ce dynamisme se perçoit d’autant plus dans le domaine des petits drones, moins complexes et plus rapides à produire, et dans lesquels de nombreuses PME investissent aujourd’hui.
L’organisation de la BITD en matière de drones diffère de l’organisation habituelle. Dans les drones, le champ est encore relativement peu investi par les grands donneurs d’ordre. De nombreuses PME se projettent dans ce secteur de façon indépendante, entraînant avec elles un ensemble de réseaux de sous-traitants. Parmi ces entreprises, il est possible de citer Delair, Turgis et Gaillard, Aura Aero, Novadem ou Parrot (qui est désormais une ETI). Des dizaines de PME sont référencées dans le domaine des drones aériens dans les adhérents des grands groupes industriels GICAT, GICAN et GICAS.
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LISTE DES ENTREPRISES PRODUCTRICES DE DRONES MILITAIRES INSCRITES DANS LES GROUPEMENTS INDUSTRIELS |
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GICAT |
GICAN |
GIFAS |
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Le secteur industriel des drones aériens est donc caractérisé par une très forte densité d’entreprises. Il est aussi défini par son organisation en réseau. Aux côtés des fabricants se trouvent des centaines d’autres entreprises fournisseurs qui délivrent les composants des drones (alliages, châssis, composants, logiciels, charges utiles...). De nombreuses entreprises fournisseurs sont aussi des PME.
Le dynamisme de la BITD se matérialise par la multiplication de projets depuis une quinzaine d’années. Les champions industriels accélèrent leurs investissements dans les drones. C’est le cas de MBDA avec la nouvelle munition télé-opérée « One way effector », annoncée durant l’été 2025 ([96]).
Les PME fournissent en parallèle des modèles qui bousculent le secteur des drones aériens. Certaines sont déjà fortement identifiées par les armées en raison de leurs réussites industrielles.
Parmi ces entreprises, Delair suscite un fort engouement. Créée en 2011, Delair s’est spécialisée dans les petits drones. Plusieurs modèles sont déjà disponibles, comme le DT-18, l’UX-11, le DT-46 et le CROW. Ceux-ci sont particulièrement appréciés par les forces de l’armée de Terre, qui utilisent ces drones sur le terrain avec des retours très positifs.
L’entreprise Turgis et Gaillard, également créée en 2011, génère aussi un vif intérêt des armées. Son drone Aarok, dont le premier vol avec pilote a eu lieu avec succès en septembre 2025 ([97]), pourrait constituer une solution souveraine de drone MALE.
Le Salon du Bourget a été l’occasion pour les entreprises d’exposer les nombreuses innovations engagées dans le domaine des drones. Ces avancées ont convaincu la DGA, qui a signé cinq conventions de subvention pour des drones aériens avec Aura Aero, Daher, Fly-R, SE Aviation et Turgis et Gaillard, considérés comme « acteurs majeurs de l’innovation dans le domaine des drones pour soutenir la réalisation de démonstrateurs MALE dès 2026 » ([98]). Un autre accord-cadre a été signé dans le cadre du programme de Système de drones aériens pour la Marine (SDAM) avec Airbus Helicopter et Naval Group pour l’acquisition de six systèmes VSR700.
Les entreprises travaillent déjà sur les innovations à venir. Parmi elles, le recours à l’intelligence artificielle et les vols en essaim apparaissent structurants.
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FOCUS SUR LES ESSAIMS DE DRONES La LPM prévoit des travaux d’innovation sur un démonstrateur essaims de drones ainsi qu’un passage à l’échelle dans le cadre du programme à effet majeur « Drones de contact ». En 2024, les forces, la DGA et l’AID ont expérimenté des essaims de drones sur étagère ou financé des projets innovants. Ces premiers travaux ont éclairé la feuille de route capacitaire sur les essaims de drones (en cours de construction). La suite des travaux sera composée de plusieurs briques : - Suivi des initiatives industrielles (florissantes et stimulées notamment par le conflit en Ukraine) ; - Expérimentation des solutions sur étagère dans les forces (SJO25, ORION26) ou dans les centres d’essais DGA ; - Montée en maturité des briques technologiques habilitantes pour les essaims (liaisons de données, intelligence artificielle, C2 …) ; - À terme, industrialisation des concepts retenus par les armées dans le PEM « Drones de contact ». La capacité à terme sera composée à la fois d’équipements achetés sur étagère (pour la réactivité) et d’équipements à façon pour la différenciation sur le champ de bataille (résistance au brouillage, algorithmes d’essaims intelligents…).
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b. Une structuration progressive de la filière drones
Le secteur du drone est très foisonnant et encore en cours de maturation. Des initiatives ont été prises pour accroître sa structuration.
En juin 2024, la DGA et les industriels se sont engagés autour d’un « Pacte drones aériens de défense » destiné à trouver des solutions adaptées et innovantes. Selon l’armée, ce pacte « se distingue par son modèle collaboratif, basé sur des échanges réguliers entre les différents acteurs » ([99]). Les acteurs auditionnés ont confirmé le caractère innovant et pertinent d’une telle approche, qui a permis de resserrer le dialogue entre l’administration et les 200 industriels concernés. Deux projets sont compris dans le pacte : l’acquisition de 1 000 drones pour l’exercice ORION 2026 d’une part, et la recherche de concepts de vecteur longue portée d’autre part. Des rencontres régulières sont organisées pour assurer la coordination entre les industriels. Un séminaire a ainsi été organisé le 2 décembre 2024 au ministère des Armées à l’initiative de la DGA et du GICAT ([100]).
Cette initiative a abouti à un succès. Le 30 juin 2025, l’armée de Terre a commandé 1 000 drones à la société Harmattan AI, PME française, pour 8 millions d’euros de commande publique ([101]). Cet achat a été en partie impulsé par des rencontres entre les membres du « Pacte drones aériens de défense » et les industries, permettant à l’armée de Terre de prendre connaissance du drone recherché. Un appel d’offres s’en est suivi, « comportant une vingtaine d’exigences seulement, pour viser un coût unitaire faible et une production rapide tout en répondant aux enjeux opérationnels » ([102]) d’après la DGA. En l’occurrence, l’armée de Terre avait exprimé le besoin d’un drone simple et robuste, immédiatement opérationnel. Grâce à un achat sur étagère, l’armée de Terre a trouvé dans le drone SORONA un modèle répondant à ses besoins. La livraison devrait être rapide du fait de la préexistence du modèle et devrait se faire en décembre 2025, soit moins d’un an après l’expression du besoin.
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LE PACTE DRONES AÉRIENS DE DÉFENSE ([103]) Le « Pacte drones aériens de défense » a pour objet d’instituer de nouvelles méthodes de travail entre la DGA, les forces armées et les industriels du domaine des drones aériens de contact de moins de 150 kg, domaine qui inclut les munitions télé-opérées. Ces systèmes représentent en effet un enjeu majeur opérationnel, notamment pour le combat aéroterrestre futur, et obéissent à des logiques et rythmes de développement courts, très différents des autres types de matériels militaires. Ainsi, l’État se doit de mettre en place des méthodes de travail adaptées reposant sur une concertation étroite entre l’État et l’industrie, pour disposer d’une BITD (base industrielle et technologique de défense) performante, apte à répondre aux besoins des armées françaises ou alliées, garantie d’un niveau suffisant d’autonomie stratégique dans le domaine. Ce pacte, établi entre l’État et les industriels français volontaires fait suite à une des recommandations issues des travaux du groupe de travail GICAT (Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres) - ADIF (Association du Drone de l’Industrie Française) initié en 2023. Le pacte engage réciproquement les différents signataires dans un collectif de travail dont l’objectif principal est d’améliorer la connaissance réciproque des parties prenantes tout en travaillant à une vision commune des sujets les plus prégnants pour assurer la capacité de la filière française à répondre aux besoins du ministère des Armées. Il s’agit notamment pour les industriels de mieux connaître les besoins opérationnels et pour le ministère des Armées de mieux apprécier les solutions, capacités et compétences des acteurs de la filière industrielle française des drones aériens. Cela se traduit concrètement par la mise en place de forums d’échanges État/Industrie. |
Au-delà du dialogue mené avec l’administration, les entreprises forment progressivement des coopérations. Turgis et Gaillard s’est associé à Thalès pour la fabrication du drone Aarok ([104]). Un partenariat entre Harmattan AI et l’équipementier français Lynred a été réalisé dans le cadre du « Pacte drones » ([105]). KNDS s’est rapproché de Delair pour développer le MV-25 OSKAR et le Damoclès, deux programmes de munitions télé-opérées ([106]) ([107]). Dans la même optique, KNDS s’est associé avec EOS Technologie et TRAAK dans le cadre du projet MATARIS, destiné à produire trois munitions télé-opérées de courte portée et une quatrième de longue portée ([108]).
L’ensemble de ces initiatives constitue un signe encourageant de la montée en maturité de la filière française du drone. Les PME, les ETI et les grands groupes apprennent à collaborer et démontrent leur capacité à initier rapidement des coopérations afin de répondre aux besoins tactiques et, à terme, de faire émerger des champions nationaux sur ce segment stratégique.
Des réflexions sont également menées au niveau des groupements industriels pour permettre une meilleure cohérence de la trame drones. Les industriels auditionnés témoignent d’une réflexion d’ensemble sur la structuration de la filière. Ils ont rapporté souhaiter la constitution de « briques technologiques » pour les drones aériens. Ces briques renverraient à des technologies communément partagées par les entreprises de drones et directement utilisables dans la production. Elles assureraient la diffusion des technologies et l’interopérabilité.
En parallèle, les groupements industriels et les instances de réflexion contribuent aux avancées de la filière par leurs travaux. Le GICAT et l’ADIF ont ainsi publié un rapport ayant fait date et qui propose un ensemble de recommandations pour la filière. Certaines préconisations ont été prises en compte par la DGA, telles que la simplification des procédures d’achat et les achats sur étagère. D’autres font encore l’objet d’échanges réguliers entre les industriels et l’administration.
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RAPPORT DRONES GICAT-ADIF (AVRIL 2024) Le GICAT et l’ADIF ont publié le 18 avril 2024 un rapport co-rédigé par M. Claude Chenuil, consultant Drones du GICAT, et M. Bastien Mancini, président de Delair et de l’ADIF. Ce rapport, qui conclut les travaux d’un groupe de travail créé dans le contexte de la guerre en Ukraine, établit une proposition de feuille de route technologique, industrielle et capacitaire centrée sur les drones aériens et les munitions télé-opérées (MTO) de moins de 150 kg destinés à l’armée de Terre. Ce rapport a été repris par l’administration et a abouti au « Pacte drones aériens de défense » signé le 17 juin 2024 (cf. supra).
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2. Des difficultés à structurer la production malgré une augmentation des commandes publiques
a. Un tissu industriel fragilisé
L’industrie de la défense dans son ensemble rencontre des difficultés depuis plusieurs années. La Direction générale du Trésor signalait en 2025 la situation économique fragile de l’industrie de la défense ([109]). Celle-ci présente une structure financière plus fragile que d’autres secteurs économiques, avec des marges plus faibles et une moindre capacité à créer de la valeur. Les entreprises ont un niveau d’endettement souvent plus élevé et une tendance à la sous-capitalisation. Elles sont engagées dans des cycles de production plus longs que les autres secteurs et dépendent fortement de la commande publique.
Source : Ministère de l’économie et des finances, Trésor-éco, mars 2025 : quelle était la situation financière des entreprises de la BITD avant la guerre en Ukraine ?
Les causes de ces fragilités économiques sont connues et ont déjà fait l’objet de rapports parlementaires ([110]). On note notamment :
- Un accès plus difficile au financement bancaire ;
- Une inadéquation avec les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance des investisseurs ;
- Une fragmentation de la BITD, composée de 9 champions nationaux et de 4 500 entreprises ;
- Des caractéristiques structurelles avec des cycles d’activité longs, des investissements élevés, des besoins en recherche et développement, des tensions récurrentes sur la trésorerie.
Le même constat a été fait pour les entreprises de drones. Le rapport GICAT-ADIF constate que la BITD est aujourd’hui « atomisée » entre des grands groupes industriels de défense qui cherchent à se positionner sur le marché et des PME-PMI nombreuses qui ne parviennent pas à atteindre une taille suffisante pour se projeter sur le marché. Ces difficultés économiques ont été renforcées par une accumulation de tensions sur le marché, provoquées par la crise du Covid-19, de l’inflation et les ruptures d’approvisionnements engendrées par la guerre en Ukraine. Les hausses de taxation consécutives à la guerre économique entre la Chine et les États-Unis ont accentué les difficultés déjà préexistantes pour la filière.
La BITD française est d’autant plus vulnérable qu’elle est confrontée à des BITD internationales compétitives : les États-Unis, la Chine, la Turquie, l’Iran, Israël ou encore l’Inde financent très fortement leurs BITD sur fonds publics.
À ces difficultés financières s’ajoutent aussi des tensions dans les ressources humaines. Des auditionnés, dont des champions industriels, ont fait part de manques sur la chaîne de production, depuis les ingénieurs jusqu’aux ouvriers spécialisés. Les évolutions réglementaires en matière d’apprentissage et la baisse des aides au recrutement ont d’autant plus complexifié les recrutements. Des initiatives ont été prises pour contrer cette tendance. Par exemple, le GICAN collabore avec cinq régions partenaires pour rencontrer 20 000 jeunes par an pour leur présenter les métiers de l’industrie de défense. Les baisses de dotations aux régions freinent cependant ce genre d’initiatives.
Le secteur des drones en lui-même comporte des spécificités qui contribuent à fragiliser les entreprises qui se lancent dans ce domaine. En premier lieu, le caractère dynamique du secteur entraîne des changements technologiques rapides sur des cycles de deux à trois ans. Ces délais peuvent être davantage réduits, comme le montre le développement de drones en six mois en Ukraine. Ce renouvellement constant des drones oblige les acteurs à suivre le rythme et à actualiser sans cesse leurs modèles et leurs productions. Les coûts supplémentaires engendrés représentent un risque, notamment pour les entreprises émergentes.
En deuxième lieu, le secteur des drones se distingue des autres marchés plus traditionnels par une captation moins forte du marché par les champions industriels au profit d’entreprises plus récentes et plus petites. Dans le domaine des drones aériens, le rapport GICAT-ADIF indique ainsi que seules quatre entreprises disposent aujourd’hui d’un chiffre d’affaires supérieur à 10 millions d’euros et seraient capables de supporter des investissements importants sans être obligées de recourir à du capital extérieur. Cette archipélisation des entreprises de drones de défense rend ce segment de la BITD française vulnérable à la concurrence internationale et aux chocs économiques. Elle limite la capacité des entreprises à solliciter le financement par actionnariat. Elle freine également la production de masse qui nécessite des commandes étatiques. Une consolidation du marché autour de quelques acteurs de taille suffisante serait nécessaire mais peine encore à émerger.
En troisième lieu, le domaine des drones militaires reste non rentable pour le moment. La plupart des entreprises du secteur ont une production duale, c’est‑à‑dire qu’elles produisent des drones militaires et civils dans le même temps. Les ventes de drones civils permettent de compenser les pertes engendrées par le secteur militaire, qui n’est pas rentable au regard de la faiblesse des commandes publiques actuelles.
En dernier lieu, les industriels soulignent une offre de composants des différentes parties d’un drone (équipements et sous-systèmes) faible face aux pays compétiteurs. Cette situation participe à la fragmentation du segment drones en provoquant des tensions d’approvisionnement sur l’ensemble de la chaîne. À cela s’ajoutent des problèmes de compétitivité, avec des prix parfois supérieurs au marché. L’Ukraine pourrait devenir « un rouleau compresseur sur le marché » sur les prochaines années en raison des compétences acquises dans le domaine des drones.
Les auditionnés ont cependant indiqué que la France n’était pas confrontée à un défi technologique. L’ensemble des acteurs nécessaires pour développer une trame drones solide sont présents sur le territoire. Les défis concernent donc en priorité la structuration de la filière, l’émergence de quelques champions dans le domaine des drones et la montée en puissance des équipementiers permettant de répondre aux demandes des fabricants sans risque de rupture d’approvisionnement.
b. Une commande publique incertaine
Les industriels témoignent d’un manque de visibilité sur les commandes publiques. La difficulté à programmer les commandes augmente les pertes et ne permet de pas de sécuriser les investissements. En cas de non-respect du calendrier, la trésorerie de l’entreprise peut être mise en danger malgré sa bonne situation financière.
Les services votés, puis le surgel au premier semestre 2025 suivis de deux dégels, ont décalé les commandes. Les entreprises auditionnées ont fait part de leurs inquiétudes sur la situation économique globale. Elles ont aussi avancé les effets financiers indésirables de l’instabilité, avec un moindre investissement et une prudence accrue des actionnaires.
Les débats sur les marges pèsent sur les négociations. Votre rapporteur plaide depuis plusieurs années pour que soit trouvé un juste milieu entre l’efficacité de la dépense publique et la capacité données aux entreprises de financer sur fonds propres leur développement. Durant son audition, le délégué général pour l’armement M. Chiva s’est déclaré en accord avec cette démarche. Les industriels considèrent en effet que leurs marges sont insuffisantes pour couvrir l’ensemble de l’investissement engagé en innovation, en ressources humaines et en fabrication. Les groupements industriels estiment ainsi les marges à 8 % des ventes en France ([111]), tandis qu’elles atteignent 15 % aux États-Unis. Or, sans marge, le développement sur fonds propres est impossible.
L’achat est nécessaire pour créer un cercle vertueux. Les entreprises manquent aujourd’hui de financements et de consolidation de leur trésorerie. Sans commandes suffisantes, leurs capacités d’investissement dans l’innovation et les chaînes de production diminuent. Or, l’une des problématiques principales rencontrées est d’arriver à faire émerger des entreprises de taille suffisante pour s’imposer sur le marché et parvenir à concurrencer les entreprises étrangères concurrentes.
Les commandes doivent arriver rapidement pour assurer le « saut technologique » souhaité par l’ancien ministre de la défense Sébastien Lecornu ([112]). Grâce aux commandes, les entreprises peuvent se projeter et financer des innovations, ce qui permet de combler les besoins des armées, qui rachètent les produits en plus grande quantité, ce qui alimente l’innovation et contribue à l’anticipation des besoins.
Les entreprises auditionnées plaident pour passer à l’échelle rapidement. Pour cela, une approche pragmatique est nécessaire. Face à un écosystème foisonnant, les entreprises ont désormais besoin de savoir avec qui travailler. Elles proposent quatre axes pour assurer l’efficacité de la commande publique :
- Assurer de la visibilité : la chaîne de production est dimensionnée en fonction des commandes publiques. Les « stop and go » doivent être limités au maximum ;
- Densifier les commandes : celles-ci doivent cependant être annoncées suffisamment en amont. La densification de la production demande aux entreprises du temps pour réorganiser les chaînes de production.
- Acter le principe de préférence européenne : l’absence de stratégie claire des pouvoirs vis-à-vis des investissements internationaux crée de l’incertitude pour les PME. Les investissements doivent être prioritairement tournés vers les entreprises européennes, et a fortiori nationales.
- Soutenir l’innovation : les crédits alloués doivent continuer de prendre en compte les nouvelles réalités de la guerre, notamment le besoin de développement des drones. L’innovation doit faire l’objet d’un abondement de crédits.
c. Les limites à la production de masse
Selon la DMAé, la BITD n’est pas capable, à l’heure actuelle, de produire des drones en masse. Une tendance à la massification est en cours pour les petits drones mais ne couvre par l’ensemble de la trame drones. La situation reste fragile. L’absence d’entreprise de taille critique et le manque de financement ne permettent pas la mise en place de chaînes de production intensives. Les industriels du secteur du drone ne disposent pas des infrastructures et des ressources humaines nécessaires. L’absence de débouchés garantis sur le marché national et international ne les encourage pas en ce sens.
Un rapprochement avec les très grands industriels civils a été soulevé par plusieurs auditionnés dans l’optique de massifier la production de drones. Le secteur de l’automobile dispose de chaînes de production déjà constituées ainsi que de la connaissance des processus de production de masse. Il serait possible d’utiliser ces infrastructures et ces compétences dans le cadre de la fabrication des drones aériens.
L’impression de retard dans la production de masse ne doit cependant pas inquiéter démesurément. D’une part, la DGA a souligné qu’il n’était pas nécessaire pour les armées de disposer de stocks importants de petits drones compte tenu de leur obsolescence rapide. L’important est d’assurer la formation et un stock limité pouvant être renouvelé au fur et à mesure des évolutions technologiques. La constitution de trop gros stocks est même considérée par l’administration comme une erreur de programmation capacitaire. Pour les drones de plus haute gamme de type MALE ou HALE, la production de masse n’est pas recherchée. Il s’agit de drones complexes dont le développement s’étend sur plusieurs années et dont les commandes se limitent à un nombre restreint de systèmes.
Sur l’intégration des drones dans l’économie de guerre, certains industriels se sont montrés rassurants. Il a été avancé qu’en cas de conflit, la France saura se mettre en ordre de marche pour accélérer la production comme cela a été fait en Ukraine. Dans ce cadre, les financements et le développement actuels des programmes doivent assurer le maintien de la production nationale et l’adaptation aux évolutions technologiques. La priorité est aujourd’hui à la qualité plutôt qu’à la quantité.
3. Des difficultés administratives et normatives à dépasser
a. Une complexité administrative à dépasser
Les industriels auditionnés ont rapporté une complexité des procédures internes à l’administration. Ces lourdeurs administratives retardent aussi les remontées entre l’expression des besoins au sein des régiments et leur prise en compte effective par les autorités gouvernementales. Elles nuisent également à la commande publique, dans un secteur où la rapidité et l’adaptation sont nécessaires pour suivre les évolutions technologiques des drones.
En premier lieu, les procédures de passation de commandes sont estimées trop longues par les industriels.
La mise en œuvre d’un programme d’équipements s’étend traditionnellement sur une dizaine d’années, avec trois phases identifiées. Dans un premier temps, l’armée exprime un besoin, qui doit être pris en compte par la DGA pour établir un projet. Cette phase peut s’étendre sur un ou deux ans. Ensuite, la commande publique est passée. Le choix de l’industriel peut parfois prendre quatre à cinq ans. En dernier lieu, l’industriel sélectionné livre la commande. La phase de production et de livraison peut durer deux à cinq ans.
Votre rapporteur confirme la lourdeur de cette procédure mais appelle aussi à la vigilance. Les procédures de commande publique sont en effet inadaptées aux petits drones et munitions télé-opérées, à la technologie simple et évolutive. Ces vecteurs appellent à des procédures simplifiées, avec une prise en compte rapide des besoins exprimés et une commande publique ramassée sur quelques mois.
Cependant, les plus gros vecteurs, tels que les drones tactiques, MALE et HALE, sont beaucoup plus complexes et coûteux. Dans ce cadre, il apparaît difficile de passer outre la procédure de commande publique habituelle, avec une programmation sur plusieurs années. Un excès de précipitation pourrait s’avérer contre-productif sur des équipements militaires de plusieurs millions d’euros avec une projection d’utilisation sur plusieurs années.
En second lieu, les armées comme les industriels ont témoigné de rigidités administratives dans l’expression des besoins. Les divers échelons administratifs ne permettent pas de répondre rapidement aux besoins opérationnels.
Pour assurer une plus grande marge de manœuvre, les régiments se sont vus octroyer une enveloppe de quelques centaines de milliers d’euros pour permettre des achats à leur niveau, selon un principe de subsidiarité. Il serait envisageable d’accroître davantage les montants mis à disposition. En parallèle, l’administration a recherché de la souplesse administrative en proposant un catalogue pour commander des drones de même que des pièces détachées. Ces éléments sont encourageants et efficaces sur les drones de petites tailles.
En revanche, pour les drones les plus coûteux de type MALE et HALE, il n’apparaît pas possible de fonctionner autrement que par une procédure de commande publique classique. Les différentes strates de décision apportent chacune une expertise particulière permettant à l’autorité de prendre la décision la plus en phase avec les orientations stratégiques nationales. Même sur les drones de moins de 150 kg, il est nécessaire de conserver une feuille de route cohérente au niveau national. À ce titre, les plus grosses commandes doivent rester à la main de la DGA, les achats au niveau des régiments devant servir principalement pour l’entraînement.
b. Des procédures innovantes mises en place par l’administration
L’administration a entrepris de nouvelles approches pour apporter de la flexibilité dans la commande publique.
i. L’acquisition de systèmes sur étagère
L’acquisition de systèmes sur étagère permet des livraisons rapides. Elle constitue un compromis entre un système répondant à un minimum de besoin et la disponibilité quasi immédiate. Les coûts sont différents des acquisitions plus classiques de la DGA comprenant des développements puisque, pour les achats sur étagère, les prix de vente unitaires comprennent une part d’amortissement du développement industriel. Dans le domaine des drones, l’acquisition sur étagère de drones Delair (DT-46) a permis une montée rapide en capacité dans le domaine des drones à décollage et atterrissage verticaux.
Cette démarche nécessite une connaissance fine de l’offre industrielle et des spécificités techniques du besoin militaire. Elle a été menée par la DGA pour l’acquisition de drone DELCO (drone « low-cost »). Elle a également abouti aux « Pacte drones aériens de défense » afin de mieux appréhender l’offre industrielle sur le segment de drone recherché.
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ORGANISATION DE LA DGA EN MATIÈRE DE DRONES L’organisation de la DGA sur les drones est transverse. En amont, la Direction de la préparation de l’avenir et de la programmation (DPAP), l’Agence de l’innovation de défense (AID) et la Direction de l’ingénierie et de l’expertise (DIE) œuvrent à analyser et faire émerger des solutions qui répondent aux besoins militaires, en lien avec l’État-major des Armées. La concrétisation de ces solutions est en partie mise en œuvre via un suivi de la Direction des opérations, du maintien en condition et du numérique (DOMN), de la négociation des contrats jusqu’à la livraison aux forces, avec le soutien des autres directions, à savoir la DID (Direction de l’industrie de défense), la DPAP, la DIE, l’AID et le SSDI (Service de la sécurité de défense et des systèmes d’information). La DGA met aussi à disposition l’expertise et les moyens d’essais de la DIE pour évaluer avec les Forces, au travers de scénarios les plus réalistes possibles, les performances de ces drones et élaborer les techniques de luttes les plus adaptées. La Direction internationale de la coopération et de l’export de la DGA (DICE) propose un accompagnement aux industriels pour l’export. La DID suit le déroulement du « Pacte drones aériens de défense ». Elle est notamment responsable du prononcé des adhésions au « Pacte drones », après s’être assurée de la véracité du dossier d’adhésion des entreprises et de leur crédibilité technique dans l’écosystème drones. De plus la DID a pour mission d’inciter les industriels à s’inspirer de la Note d’Orientation Industrielle « drones de contact » pour leur stratégie industrielle et pour le développement de nouveaux produits à moyen et long terme.
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L’approche incrémentale consiste à financer partiellement des candidats déclarés, en sélectionnant au fur et à mesure les candidats ayant réussi à obtenir les performances visées. En retour, l’administration expérimente les produits délivrés et fait des retours sur les besoins éprouvés durant les essais.
Cette approche se fonde sur un cycle court de deux à trois ans et engage les industriels à prendre des risques : ces derniers disposent alors d’un budget suffisant et d’une visibilité sur le moyen terme. La compétition les engage à innover et à répondre aux besoins exprimés par les armées. Cette méthode permet de garantir un certain nombre de performances, comme la disponibilité, la précision et la portée.
iii. Des procédures de marché public innovantes
L’administration a aussi proposé des procédures nouvelles, plus proches des besoins d’innovation rapide et d’adaptabilité des entreprises et permettant de couvrir la variabilité des besoins.
Dans le domaine des munitions télé-opérées, des contrats avec des délais très courts ont été établis en 2024. Les projets Colibri et Larinae s’étendent sur une durée respective de 18 mois et 24 mois, démonstration incluse. Delair a été retenu pour le projet Colibri avec ses drones DT26 et UX11 pour un coût unitaire de 20 000 €. La livraison devrait intervenir d’ici fin 2025. Il s’agit, pour l’ancien ministre des armées Sébastien Lecornu « d’une reconquête de souveraineté sur ce segment clé pour nos armées, en moins de deux ans » ([113]). Deux autres projets de types Colibri sont en cours pour des drones à voilure fixe d’une part et pour des drones quadrimoteurs d’autre part.
À la fin février 2025, dans le cadre du « Pacte drones aériens de défense », la DGA a lancé un appel d’offres restreint ouvert aux seules sociétés européennes avec une expression de besoin volontairement simplifiée, proche de l’offre du marché et comportant une vingtaine de spécifications seulement, pour viser un coût unitaire faible et une production rapide tout en répondant aux enjeux opérationnels. Sur les 11 candidatures retenues, sept industriels ont remis une offre. Sur les six soumissionnaires admis à participer à la démonstration précontractuelle, un seul (Harmattan AI) a réussi à répondre aux exigences minimales requises et a été retenu. Ces essais ont montré un écart important entre les fiches techniques des drones et leurs performances effectives. La notification du marché, intervenue fin juin, est assortie d’une commande de 1 000 drones qui seront livrés avant la fin 2025 en priorité aux unités qui prendront part à l’exercice Orion 2026.
Pour s’adapter aux évolutions technologiques rapides des drones et des enjeux de structuration de la filière, le ministère des Armées via la Direction générale de l’armement (DGA) a mis en place de nouveaux dispositifs d’acquisition comme la force d’acquisition réactive (FAR), le pacte « drones aériens de défense » mentionné plus haut ou une interprétation renouvelée de l’article R2322-15 du code de la commande publique.
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ARTICLE R2322-25 DU CODE DE LA COMMANDE PUBLIQUE Création Décret n° 2021-1111 du 23 août 2021 - art. 7 « L'acheteur peut passer sans publicité ni mise en concurrence préalables un marché ayant pour objet des fournitures ou des services dont la valeur estimée est inférieure au seuil de procédure formalisée et qui sont nécessaires à l'exécution de tâches scientifiques ou techniques sans objectif de rentabilité et spécialisées dans le domaine de la recherche, du développement, de l'étude ou de l'expérimentation, à l'exclusion des prestations de fonctionnement courant du service. » |
Cette simplification est également en cours au niveau européen. Afin de favoriser l’innovation, la Commission européenne a élaboré et présenté en juin 2025 son cinquième paquet Omnibus de simplification ([114]), spécifiquement consacré à la défense européenne, dans le but d’accélérer les investissements et la production dans le domaine de la défense. Ce paquet modifie la Directive 2009/81 CE ([115]) en y apportant plus de souplesse. Certaines propositions sont directement inspirées des suggestions de la DGA :
- Relèvement significatif des seuils des procédures formalisées (900 000 euros pour les fournitures et services et 7 millions d’euros pour les travaux) ;
- Introduction de la procédure du partenariat d’innovation dans la directive et allègement des contraintes par rapport aux partenariats d’innovation des marchés civils afin de faciliter le passage à l’échelle pour les marchés au-dessus des seuils ;
- Possibilité de passer un marché négocié sans mise en concurrence après un marché de recherche et développement (R&D) sous réserve du respect d’un ratio inférieur à dix entre le prix du marché série et le montant du marché de R&D.
Ces mesures sont adaptées aux évolutions technologiques rapides des drones et constituent des évolutions importantes et simplificatrices des modes d’acquisition du ministère des Armées dans le cadre de la commande publique. Elles doivent cependant encore être votées par le Parlement européen.
c. Un paysage normatif à simplifier
Au-delà des blocages administratifs, le contexte normatif est considéré comme trop complexe, à la fois par les industriels et par les armées ([116]). Ce niveau d’exigence normatif freine la production et les essais, alors que le secteur des drones a justement besoin d’agilité et de développement rapide.
i. La certification du drone aérien
Dans le domaine aérien, les industriels sont confrontés à la démarche de certification de leurs drones. Il leur est nécessaire d’obtenir ([117]) :
- Un certificat de type, délivré par l’autorité de certification qui couvre le type de produit (en l’occurrence le drone) ainsi que toutes les pièces et équipements installés sur celui-ci. Le certificat inclut la définition du type de drone, les limitations d’utilisation, la fiche de navigabilité, les spécifications de navigabilité applicables et toutes les autres conditions et limitations requises ;
- Un certificat de type supplémentaire, qui doit être demandé en cas de modifications majeures apportées à la définition de type ;
- Un certificat spécifique d’équipement, délivré pour approuver que l’équipement est conforme à une spécification technique d’équipement.
Les conditions de certification sont nombreuses et techniques. En témoigne la liste très réduite de drones actuellement certifiés par l’État. Or, ces conditions apparaissent peu utiles dans le cadre d’essais sécurisés.
LISTE DES DRONES AYANT OBTENU UNE CERTIFICATION PAR L’ÉTAT
Source : Ministère des Armées ([118])
Afin d’assurer une plus grande liberté des acteurs industriels, le gouvernement a introduit une évolution de la réglementation. Le concept de « drone certifiable/non certifié » a été fortement médiatisé durant l’année 2024. Il désigne un aéronef conçu selon des standards permettant une certification aéronautique, mais n’ayant pas encore formellement obtenu celle-ci. L’arrêté du 24 mars 2023 ([119]) complète cette situation en définissant trois catégories d’exploitation des drones de l’État : ouverte, intermédiaire et certifiée. Le drone certifiable/non certifié appartient à la catégorie intermédiaire. Son utilisation est autorisée sur la base d’une analyse de risque et d’une autorisation spécifique. Cela permet de mener des essais dans une zone circonscrite dans l’attente d’une certification officielle permettant au drone de naviguer dans l’espace aérien national.
CATÉGORIES D’EXPLOITATION DES DRONES DE L’ÉTAT
Source : réalisé par votre rapporteur sur la base de l’arrêté du 24 mars 2023
Cette forme de certification assouplie a été appliquée au drone MALE Aarok. Un vol test a ainsi été possible le 17 septembre 2025 et a été conclu par son succès.
ii. La ségrégation de l’espace aérien
Après avoir obtenu son certificat, le drone est soumis aux règles des espaces ségrégués en circulation aérienne militaire (CAM) ([120]). Cette réglementation fragmente l’espace aérien en plusieurs zones, dans lesquelles le drone militaire peut ou ne peut pas voler.
Votre rapporteur a pu observer la contrainte que cette réglementation fait peser lors des exercices de formation ou d’entraînement menés par les militaires. Les zones interdites au vol sont matérialisées par des cercles rouges qui fragmentent la carte et en-dehors desquelles le drone doit se frayer un chemin. Plus le drone vole haut, plus les cercles augmentent en circonférence, jusqu’à se toucher et empêcher tout passage du drone.
Cet encadrement est nécessaire pour assurer la sécurité des civils au sol et des avions circulant dans l’espace aérien. Cependant, il empêche les militaires de faire des vols en haute altitude. Or, en faible altitude, il est impossible de faire voler les drones à forte vitesse et sur une longue distance.
Des évolutions réglementaires pourraient être envisagées pour permettre aux régiments de bénéficier de zones pour des vols sans ségrégation de l’espace.
iii. Une accumulation de normes qui pèsent sur la production industrielle
Outre ces règles de navigabilité, les industriels sont également soumis à un ensemble des normes législatives et réglementaires qui encadrent leur activité.
Certaines règles soulevées par les industriels lors des auditions ont illustré les défauts que peut engendrer une réglementation trop dense. Il en est ainsi pour l’article D4154-1 du code du travail, qui interdit d’exposer les salariés intérimaires et titulaires d’un contrat à durée déterminé à certains composants chimiques. Cette réglementation touche le domaine de la soudure, qui génère des éléments nocifs pour la santé. Or, l’industrie du drone requiert des soudeurs spécialisés dans les chaînes de production. Cette situation empêche les entreprises de combler leurs besoins en ressources humaines de façon flexible, alors même que les personnes embauchées sont fortement spécialisées et formées aux risques de leur métier. Elle provoque aussi un risque juridique, les amendes étant élevées et pouvant déstabiliser les PME en construction.
Les enjeux des industriels de la défense rejoignent ici de façon plus générale la question de la complexité des normes auxquelles sont confrontés les chefs d’entreprise.
B. Les drones, marqueurs des fragilités structurelles de la souveraineté nationale
1. La dépendance au marché international sur certains segments de production
a. La dépendance de la filière drones aux terres rares
La dépendance de la France pour l’accès aux terres rares a déjà fait l’objet de plusieurs travaux parlementaires ([121]) ([122]). Les drones n’échappent pas à cette situation et le renforcement de la sécurité de l’approvisionnement est aujourd’hui une nécessité pour assurer la construction d’une trame drones solide.
La production des terres rares est aujourd’hui assurée majoritairement par la Chine et les États-Unis. La Chine concentrait à elle seule, en 2024, 69 % de la production minière mondiale et 88 % du raffinage et de la séparation des terres rares ([123]). Les États-Unis concentrent quant à eux 15 % de la part mondiale de l’extraction minière ([124]).
Dans un rapport de 2021 ([125]), les députés Jean-Marie Fiévet et Isabelle Santiago rappelaient la dépendance du secteur militaire français en minerais critiques, indiquant que 58 % des matières premières du secteur de la défense étaient assurés par la Chine. Les auteurs constataient également que la dépendance dépasse les seules terres rares. Certains métaux, comme l’acier, l’aluminium et le cuivre sont centraux dans les équipements.
La France est dans l’incapacité de répondre aujourd’hui à l’ensemble de ses besoins en minerais dans la production de drones. Les drones nécessitent en effet de nombreux matériaux qui relèvent de la liste des 34 matières premières critiques définies par l’Union européenne ([126]). Parmi les différents matériaux utilisés pour produire un drone, on retrouve par exemple le béryllium (alliage, équipements de communication, systèmes électro-optiques…), le cuivre (alliage, équipements de communication), le gallium (communication, systèmes d’identification, systèmes électro-optiques), le germanium (systèmes électroniques, systèmes de navigation inertielle…), l’aluminium (alliage léger, système avionique…), le nickel (alliage résistant à la corrosion…)… Les terres rares, qui se distinguent des matériaux critiques, se retrouvent particulièrement dans le système électronique avec, entre autres, le néodyme, le praséodyme et le dysprosium.
Schéma synthétisant les matières premières composant un drone
Source : Commission européenne ([127])
Au total, la Commission européenne, dans un rapport de 2020 ([128]), considère que 48 matières premières sont nécessaires pour la construction d’un drone, sur lesquelles 40 ne sont pas produites dans l’Union européenne.
La Commission européenne poursuit :
« Les matériaux particulièrement importants [dans la production de drones] sont les terres rares, le magnésium, le bismuth et le tungstène, pour lesquels le principal fournisseur est la Chine, et le niobium, pour lequel le principal fournisseur est le Brésil. 15 matériaux, à savoir le cobalt, le lithium, le titane, le silicium, le graphite naturel, le magnésium, le vanadium, l'antimoine, le bismuth, les borates, l'indium, le gallium, le tungstène, le tantale, le niobium, le béryllium et l'hafnium, ainsi que les groupes de matériaux des terres rares et des métaux du groupe du platine, sont considérés comme essentiels pour l'économie de l'UE (Commission européenne Commission européenne, 2020). La Chine est le principal fournisseur de la plupart des MRC pour les UV, avec plus de 39 %. L'Afrique du Sud et la Russie sont les autres principaux fournisseurs de MRC, avec respectivement 13 % et 6 % de la production mondiale. L'approvisionnement en MRC des pays européens est de 13 %.
« 14 matériaux transformés sont identifiés comme pertinents pour les drones, à savoir : les alliages d'aluminium, les alliages d'aluminium-magnésium, les alliages de magnésium, les alliages de nickel, les alliages de nickel-titane, les alliages de titane, aciers spéciaux, alliages à haute performance, métaux réfractaires, composites (CFC), fibres d'aramide (Kevlar), semi-conducteurs, ferroniobium et alliages magnétiques. Comme pour la robotique, les matériaux transformés pour les batteries au lithium, les moteurs et les piles à combustible sont également pris en compte dans l'étape « matériaux transformés » de la chaîne d'approvisionnement. »
Ce constat est d’autant plus alarmant que l’ensemble des matières premières listées sont également utilisées pour de nombreux autres programmes comme les Rafales, les missiles A400M ou les chars Leclerc.
L’Union européenne et la France disposent d’un potentiel dans l’industrie minière qu’il est urgent de développer. La carte ci-après ([129]), produite par EuroGeoSurvey, illustre les différents minerais présents dans les sols européens.
CARTE SITUANT LES MINERAIS CRITIQUES PRÉSENTS DANS LES SOLS EUROPÉENS
La Commission européenne a fait paraître en 2025 une liste des 13 terres rares et matériaux critiques pour l’Europe. Elle a proposé une liste de 47 projets stratégiques répartis sur 13 États membres de l’Union européenne. 25 de ces projets comportent des activités d’extraction, sur lesquels 22 projets concerneraient le lithium, 11 le graphite, 10 le cobalt et 7 le manganèse. La Commission européenne vise à garantir 25 % de la demande de l’Union européenne d’ici 2030.
Ces projets restent en-deçà des besoins en matière militaire. Il sera nécessaire de constituer, de manière urgente, une coopération renforcée dans ce domaine. En matière de minerais en effet, seule l’échelle européenne pourra assurer à la France et à l’Union européenne leur indépendance. D’une part, les pays européens ne disposent pas dans leur sol les ressources pour l’ensemble des matériaux critiques. D’autre part, les investissements nécessaires pour construire les infrastructures minières représentent un effort financier important qu’il est opportun de partager.
Dans l’attente de cette coopération, les recommandations de la Commission européenne peuvent être reprises, à savoir (i) diversifier l’approvisionnement en matériaux ; (ii) promouvoir la recherche et le développement ; (iii) encourager la collaboration internationale ; (iv) encourager les progrès en matière de réglementation.
b. Des éléments constitutifs des drones non disponibles sur le marché national
Un drone est composé de nombreux éléments et technologies qui sont souvent achetés par les entreprises sur le marché avant d’être assemblés dans un même appareil. Le drone est en lui-même composé d’éléments qui sont essentiels à son fonctionnement comme le châssis, les hélices, la batterie, les logiciels, le système de commande et de contrôle. Il est ensuite constitué d’un ensemble d’éléments utilisés à des fins militaires avec, par exemple, un laser, des radars, de la fibre optique, des caméras.
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COMPOSITION DE BASE D’UN DRONE La composition varie selon le type de drone. Le CNRS en référence plusieurs (multirotors, hélicoptères, avions, VTOL, dirigeables, rovers, bateaux, submersibles). Des éléments sont cependant fondamentaux pour faire fonctionner un drone. Il est nécessaire de disposer : - D’un autopilote (logiciel fonctionnant sur un système d’exploitation en temps réel sur un contrôle de vol) ; - D’une structure de base avec un châssis, des hélices et des bras supportant les moteurs et les hélices ; - D’un contrôleur de vol (gère la stabilité, l’altitude, la position et la stabilité d’un drone) - D’un système de propulsion (moteurs Brushless par exemple) ; - D’un système de commande et de contrôle (carte de contrôle de vol et radio) ; - D’un système d’alimentation (batterie, connecteurs, câbles) ; - De capteurs (gyroscope, accéléromètre, baromètre…) ; - D’un système de communication (transmetteur vidéo, antenne…) ; - De logiciels (programmation des missions, carte de contrôle, interface utilisateur).
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Or, les industriels sont confrontés aujourd’hui à une absence de solution nationale sur certains composants essentiels. L’Union européenne liste plusieurs composants avec une grande vulnérabilité dans le domaine des drones et de la robotique, notamment les éléments suivants : microprocesseurs, engrenages, processeurs graphiques (GPU), aimants, batteries Li-ion et piles à combustible, semi-conducteurs, fibres d'aramide et ferroniobium, actuateurs, capteurs, systèmes de navigation et de contrôle, unité de mesure inertielle (IMU). Il est également possible de mentionner les moteurs Brushless (« sans balais », fonctionnant avec des aimants), dont le sujet est revenu plusieurs fois durant les auditions avec les industriels. La Chine, les États-Unis et d’autres pays comme le Japon, Israël, la Corée du Sud et le Canada se partagent la prédominance sur le marché selon l’élément concerné.
La France est aujourd’hui en retard sur la production des batteries sur son territoire malgré la mise en place progressive de gigafactories. Les matières premières ne sont pas les seules à manquer : le tissu industriel en lui-même ne dispose pas d’usines capables de produire une technologie pourtant désormais basique. Dans ce cadre, la France importe les batteries intégrées dans les drones militaires utilisés par les armées. Dans un rapport publié en octobre 2024, le ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie constate ainsi que 83 % des batteries sont produites en Chine contre 7 % en Europe ([131]). La France a multiplié par sept ses importations de batteries depuis 2016, la Chine restant le principal fournisseur (40 % des importations).
Ces dépendances représentent un danger constant face à la montée des tensions internationales. Les tensions diplomatiques et commerciales entre la Chine et les États-Unis depuis l’élection de Donald Trump en 2024 ont provoqué un renchérissement du prix de ces composants qui pèse sur l’industrie de la défense([132]) ([133]), ce dont ont témoigné les entreprises auditionnées.
Il est intéressant de constater qu’en matière de batteries, le second fournisseur de la France est la Pologne ([134]) (30 % de l’importation). De même que pour les matières premières, un projet européen peut se nouer ici également. STMicroelectronics témoigne de cette capacité à développer la coopération européenne : entreprise franco-italienne de droit néerlandais, STMicroelectronics a réussi à devenir un leader mondial dans le domaine des puces électroniques. Sa place est telle que DJI, leader chinois de drones civils, est devenu l’un de ses premiers clients… Un renversement de la tendance est donc possible.
Au-delà du projet européen, la France doit cependant aller plus loin. Au regard du contexte géostratégique particulièrement dégradé, la France doit pouvoir assurer sa propre fourniture de batteries notamment dans le domaine de la défense afin d’être totalement indépendante en cas de conflit de haute intensité. Il s’agit donc aujourd’hui d’investir massivement dans l’industrie afin d’assurer la présence d’entreprises compétentes sur l’ensemble du segment drones et être capable de produire en masse.
Outre l’impact économique, la présence de composants étrangers dans les drones français fait planer le risque d’espionnage et de piratage. En cas de conflit ouvert, la France ne peut pas risquer une panne massive de drones en raison d’un blocage provoqué par un tiers étranger.
Certains industriels interrogés ont mis en avant la capacité à reconquérir la souveraineté dans ces domaines. Dans ce contexte, la première étape consiste à interroger le secteur, prendre connaissance des difficultés et abonder en financements publics.
2. Des entreprises soumises à la pression étrangère
a. Un marché des drones saturé par la production internationale
La puissance des entreprises internationales pousse l’armée française à préférer des produits étrangers pour certains vecteurs. Ce fut le cas des drones MALE Reaper, opérés par l’armée de l’Air et de l’Espace, de fabrication américaine. Pour les drones de contacts, une part importante des équipements en service provient de l’étranger. De même, les drones SB300 et PUMA sont de fabrication américaine. Le creux capacitaire, notamment sur le segment des drones MALE, encourage les armées à continuer à s’approvisionner sur le marché international. L’armée de Terre songe aujourd’hui à passer des commandes à l’entreprise portugaise TEKEVER, qui s’est d’ailleurs implantée en France ([135]).
À l’inverse, des entreprises françaises de drones délocalisent parfois leur production, complexifiant la construction d’une trame drones souveraine. La production de l’ANAFI USA, produit par Parrot, a ainsi été délocalisée en Corée du Sud.
b. La nécessité de soutenir les entreprises françaises face à l’export
Les industries françaises productrices de drones ont besoin de s’imposer à l’export.
Sur le court terme, l’exportation leur permet de compenser le manque d’investissement dans le secteur par des ventes à l’international. Elle est aussi une vitrine du génie français et contribue à attirer les capitaux dans des entreprises encore financièrement fragiles.
Sur le long terme, l’exportation est absolument nécessaire pour maintenir les capacités de production nationales et les compétences liées. En effet, lorsque les armées auront comblé leurs besoins, les commandes vont se stabiliser au niveau national. Les industriels ont indiqué qu’une baisse trop forte des commandes provoquerait la faillite des entreprises les plus prometteuses. Dans ce cadre, l’exportation est absolument cruciale pour assurer la croissance des entreprises, leurs investissements dans la recherche et le développement et leurs capacités de production.
Au-delà des commandes publiques, l’aide à l’investissement est central pour assurer les capacités des entreprises à l’export. Le crédit d’impôt recherche (CIR) constitue une aide appréciée par les entreprises.
En outre, des outils financiers ont récemment été instaurés en France ([136]), notamment gérés par Bpifrance avec :
- La création de « Definvest » en 2018, qui permet de sécuriser le capital des entreprises d’intérêt stratégique pour le secteur de la défense et de soutenir leur développement à long terme ([137]) ;
- Le fonds « Bpifrance Défense » lancé le 14 octobre 2025, qui permet aux particuliers d’investir dans des entreprises non cotées du secteur de la défense et de la souveraineté technologique ([138]) ;
- Le Fonds innovation défense ([139]), créé en 2021 et doté de 200 millions d’euros. Il permet des participations dans des entreprises présentant un potentiel d’innovations duales, ce qui est particulièrement le cas dans le secteur des drones.
c. Les entreprises face à la prédation étrangère
Les risques de prédation capitalistique ont été soulevés par le ministère des Armées dans une note de juillet 2025 ([140]). Le risque réside dans l’influence des actionnaires dans les décisions de l’entreprise, qui peuvent être alors prises à l’encontre de la stratégie française. La vulnérabilité financière des entreprises accroît le risque en cas d’afflux soudain de capitaux.
Les entreprises peuvent être soumises à d’autres formes d’ingérences étrangères. À ce titre, les attaques cyber sont en forte augmentation. Elles ont ainsi augmenté de moitié en 2024 ([141]). Les PME sont particulièrement vulnérables en raison de leur moindre capacité à financer des moyens de protection. Or, le secteur des drones est caractérisé par des PME porteuses de projets innovants. Elles doivent pouvoir être protégées face aux risques.
En dernier lieu, la prédation peut s’exercer à l’occasion de la vente d’un produit à l’étranger. La captation des technologies par les pays acquéreurs représente un risque de détournement des innovations de la France, ainsi que nous le témoignaient certains auditionnés.
3. Les drones comme symboles des limites de l’Europe de la défense
a. Des échecs de drones européens répétés en raison des divergences d’intérêts nationaux
Le projet d’un drone MALE européen est un serpent de mer depuis le lancement des premiers projets en 2010 ([142]). Cette ambition a cependant été contrariée par une succession d’échecs industriels qui ont illustré les tensions entre pays et entre entreprises concurrentes.
Le drone Talarion a constitué le premier projet de drone MALE européen. Il avait pour objectif de combler les besoins exprimés par la France, l’Espagne et l’Allemagne. Les financements ont été partagés entre les États, qui ont notamment financé les études préliminaires, et par l’entreprise EADS, désigné comme maître d’ouvrage. Lancé en 2007, il a été arrêté en 2012 en raison de la crise des dettes souveraines qui a provoqué un arrêt du financement. Le président exécutif d’EADS déclara en juillet 2012 : « Talarion est mort. Le programme est fini. (…). Nous avons investi sur fonds propres dans ce projet. Pour aller plus loin, nous avions besoin d’un engagement sérieux des États, nous ne l’avons pas eu » ([143]) .
Le projet Telemos, qui devait aussi proposer une solution de drone MALE européen, a également échoué. Le projet se fondait sur une collaboration entre la France et le Royaume-Uni avec une coopération entre BAE Systems et Dassault Aviation. Il s’inscrivait dans la continuité des accords de Lancaster House visant à renforcer la coopération franco-britannique dans le domaine de la défense. En 2012, le projet est abandonné malgré la coopération étroite entre les deux entreprises et des avancées encourageantes dans les études de conception ([144]). Le gouvernement français a pris la décision de mettre fin à la coopération bilatérale pour privilégier un projet de coopération européenne.
L’Eurodrone est le dernier projet de drone MALE européen en lice. Après avoir concentré les espoirs, le projet fait désormais face à de nombreuses difficultés. La proposition commune a été déposée en 2013 par Airbus Defence ans Space, Dassault Aviation et Aermacchi. En 2020, la France, l’Allemagne et l’Italie valident le contrat de réalisation. L’Espagne rejoint le projet en 2022. Les pays s’organisent au travers de l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr).
L’Eurodrone est aujourd’hui menacé en raison de l’accumulation de retards. Ceux-ci sont principalement dus à la complexité du montage industriel. Le projet implique une coordination étroite entre plusieurs partenaires industriels et militaires de différents pays, ce qui représente un défi technique et organisationnel. Les divergences dans les exigences techniques et les processus de validation peuvent également contribuer aux retards. Si les deux turbopropulseurs « Catalyst » offrent à l’Eurodrone de la vitesse et la possibilité de porter une charge utile de 2,3 tonnes, leur coût d’entretien et la taille du drone qu’ils engendrent interrogent la pertinence opérationnelle du drone.
Certains acteurs signalent que le cycle long de développement et de production de l’Eurodrone entraîne un décalage entre ce que permettra le drone et l’évolution des besoins des armées. Les retours d’expérience des opérations récentes interrogent le tryptique coût/déployabilité/vulnérabilité. Le général Bellanger, CEMAAE, a indiqué dans l’audition au Sénat déjà mentionné : « Ce projet prend beaucoup de retard. Certes, ce drone sera immédiatement navigable et correspondra aux spécifications que nous lui avions données, il y a de nombreuses années - mais les temps ont changé. Ce drone de 28 mètres d'envergure et de 17 tonnes nécessiterait des infrastructures énormes. Il tient difficilement la comparaison, en matière d'envergure et de coût, face à des modèles comme Aarok, même s'il s'agit d'équipement du bas du spectre... J'espère que les industriels des différentes nations concernées se mettront rapidement d'accord pour que nous soyons livrés avant 2031, date actuellement avancée ».
Le coût d’un abandon unilatéral du programme Eurodrone a été chiffré par le Ministère des Armées. L’ancien ministre Sébastien Lecornu déclarait à ce titre dans une audition au Sénat de 2024 : « Soit on décide de l’abandonner unilatéralement, et cela peut coûter aussi cher que si l’on commande vraiment l’objet. Soit on décide collectivement de faire évoluer le programme. Mais inversement, si l’on ne reçoit pas ce que l’on a commandé, c’est plutôt l’entreprise qui nous devra des pénalités » ([145]).
Au-delà, un éventuel abandon nécessitera d’identifier les solutions alternatives pour permettre à la France de disposer d’une capacité MALE répondant au plus près au besoin opérationnel. Le décompte des pénalités de retard ne peut avoir lieu qu’à la réception des travaux commandés. La phase actuelle de développement de l’Eurodrone n’étant pas terminée, aucune pénalité ne peut être exigée à ce jour. À la fin de cette phase, si les retards sont confirmés, les pénalités correspondantes seront reversées au budget global du programme 146 et pourront ainsi servir à d’autres investissements.
b. Quel avenir pour la trame drones européenne ?
Il est probable que les difficultés des projets de drones européens persistent sur le long terme. Elles s’ancrent dans la problématique de la conservation des défenses sans souveraineté nationale et nient à la synergie européenne des BITD nationales au sein de l’Union, thèse défendue par votre rapporteur. Une thèse qui se heurte aux stratégies agressives et hégémoniques de certains groupes industriels continentaux. Les divergences vis-à-vis de l’Europe de la défense persistent, avec une confrontation d’intérêt entre États et la volonté de conserver la défense sous le contrôle national. La BITDE souffre également de ses propres limites et de la concurrence entre les entreprises nationales.
L’Union européenne tente de dépasser ces limites par de nouveaux financements et la tentative de structuration du secteur du drone militaire à l’échelle européenne. Dans cette perspective, la Commission européenne a publié le jeudi 16 octobre une nouvelle feuille de route pour la préparation de la défense à l’horizon 2030 ([146]). Les drones font partie des priorités en matière de capacité, avec l’objectif de combler le retard d’ici 2030.
Après avoir rappelé que les États demeurent souverains en matière de défense nationale, la feuille de route indique que « la complexité du paysage des menaces souligne la nécessité pour les États membres d’agir ensemble, plutôt que de disperser leurs efforts dans des initiatives nationales non coordonnées. (…) Il est clairement nécessaire d’investir davantage, d’investir ensemble et d’investir au niveau européen ». La Commission appelle également à soutenir la BITDE au travers d’un « cadre réglementaire adapté, un marché à l’échelle du continent, une mobilité militaire accrue, davantage d’innovation et de compétences, et un réseau élargi de partenariats de défense avec les alliés et les partenaires ».
Les coalitions entre États membres ont été établies comme le second axe prioritaire de la feuille de route. Il est proposé que les États membres comblent collectivement leurs déficits de capacités d'ici 2030. En outre, la part des achats conjoints devrait converger vers l'objectif convenu de 35 % et les investissements de défense acquis auprès de la BITD de l’Europe devraient atteindre l'objectif politique d'au moins 55 % de l'investissement total. Les jalons principaux seraient les suivants :
- Mettre en place des coalitions dans tous les domaines prioritaires, désigner les pays chefs de file et co-chefs de file, ainsi que leurs plans de mise en œuvre respectifs jusqu’en 2030 d’ici le premier trimestre 2026 ;
- Lancer des projets dans tous les domaines prioritaires au cours du premier semestre 2026 ;
- Organiser au moins 40 % des marchés publics de défense sous forme d’achats conjoints d’ici fin 2027.
Ces propositions rejoignent celles déjà émises dans le Livre blanc pour une défense européenne, publié en mars 2025 ([147]).
Si les objectifs de réarmement sont ambitieux, votre rapporteur considère que l’Union européenne ne doit pas intervenir dans la constitution de la trame drones française. Son action ne saurait investir le champ purement régalien de la défense. La BITD nationale doit être priorisée. Elle peut reposer sur des financements européens, mais ne doit pas se laisser capter par une coopération imposée qui ne parvient pas à aboutir, ainsi qu’en témoignent les projets de drones MALE.
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III. Les recommandations de votre rapporteur
A. Accroître les financements des drones par une révision de la LPM
Le développement de la filière des drones aériens passe d’abord par un renforcement du financement public. À ce titre, la LPM doit être revue à la hausse. Plusieurs domaines doivent être ciblés :
- La recherche et le développement : l’enveloppe de dix milliards d’euros n’est pas assez importante pour couvrir les besoins, d’autant plus que les drones ne bénéficient pas de crédits fléchés. La LPM doit construire une enveloppe spécifique pour l’innovation pour les drones aériens. Les essaims de drones et le développement de l’intelligence artificielle doivent constituer des priorités ;
- Les essais : la DGA TT doit pouvoir mener des tests plus importants et plus fréquents. Pour cela, des crédits supplémentaires doivent lui permettre d’assurer ses besoins en équipements et en ressources humaines ;
- L’achat de drones par la puissance publique : cinq milliards d’euros sont consacrés aux drones dans la LPM, sur l’ensemble de la trame. Ce montant n’est pas suffisant pour couvrir les besoins des armées ;
- La formation : un investissement d’ampleur doit être fait, avec la création de nouvelles écoles de drones. Chaque militaire doit pouvoir bénéficier d’une formation et d’un drone pour s’entraîner régulièrement. Les drones de type MALE et HALE doivent aussi faire l’objet d’une formation généralisée.
Ce financement doit prendre en compte la complémentarité des besoins entre les différents types de drones. Les conflits futurs nécessiteront aussi des drones tactiques et MALE. À ce titre, les petits drones et les munitions télé-opérées ne doivent pas créer un déséquilibre dans l’orientation des crédits au détriment des autres formes de vecteurs. Un équilibre doit être trouvé entre les différentes capacités avec un paramétrage plus précis de la flotte à constituer.
Pour assurer l’efficacité des dépenses, le ministère des Armées doit en parallèle clarifier ses objectifs dans le domaine des drones. L’établissement d’une doctrine claire et l’harmonisation des approches dans les armées permettraient de constituer une trame drones compréhensible. Les analyses des besoins opérationnels doivent aboutir à des commandes pluriannuelles pour éviter les « stop and go » qui déstabilisent les forces et les industriels.
La trame drones doit continuer à faire l’objet de contrôle régulier par le Parlement. Dans le cadre de l’avis budgétaire, il n’a pas été possible de mener une étude sur les robots terrestres et les drones maritimes (de surface et sous-marins). Une mission d’information pourrait être menée dans ce domaine.
B. Assurer une industrie souveraine sur l’ensemble des segments de la trame drones
Pour contribuer au renforcement des entreprises du secteur du drone, plusieurs formes d’action peuvent être envisagées.
D’une part, les commandes de l’armée française doivent être accélérées de façon urgente. Sans commande, les entreprises ne peuvent pas compenser les investissements réalisés ni se démarquer sur le marché international. Les marges ne doivent plus constituer un tabou et doivent être augmentées en tendant vers le niveau des États-Unis (marges de 15 %).
Les commandes publiques doivent continuer à être simplifiées lorsque cela est possible. Dans le domaine des petits drones, la DGA doit poursuivre sur les procédures innovantes telles que l’appel d’offres Colibri ou le « pacte drones aériens de défense ». La démarche incrémentale et l’achat sur étagère, tels que mis en place par la DMAé, doivent être prolongés au regard des réussites industrielles permises par de tels procédés.
Les normes doivent aussi faire l’objet de simplification. La mise en place de zones non ségréguées pour les entraînements est nécessaire pour permettre aux armées de mener des essais de grande ampleur. En parallèle, les normes qui pèsent sur l’industrie doivent être revues et simplifiées. Les débats sont à ce titre récurrents sur les normes fiscales et sociales ainsi que sur les démarches administratives suivies par les entreprises.
Afin de structurer la production de drones, il est nécessaire que certaines entreprises atteignent la taille critique requise pour s’imposer sur le marché et entraîner dans son sillage l’ensemble des PME sous-traitantes. Pour cela, le ministère des Armées pourrait prioriser les entreprises les plus prometteuses dans leurs achats et renforcer la coopération avec elles.
Pour assurer la production de masse, un rapprochement avec les entreprises civiles doit être envisagé. Les entreprises de l’automobile disposent de connaissances dans les mécanismes de production de masse. Une plus forte coopération permettrait de constituer des chaînes de production efficaces et résilientes.
Dans l’attente de l’émergence de chaînes de production avec une taille suffisamment critique, il pourrait être possible de construire des usines à drones. Celles-ci seraient financées par le gouvernement et prêtes à l’emploi en cas de besoin soudain et massif de production de drones aériens comme le propose le président du GICAT.
La fourniture de drones à l’Ukraine participe aussi au soutien de la BITD française. À ce titre, des livraisons massives de drones légers et de munitions télé-opérées à l’Ukraine engendreraient un double bénéfice, avec d’une part la protection des intérêts européens et, d’autre part, l’accélération de la production de nos entreprises nationales.
Le renforcement de la souveraineté passe par un renforcement général de la BITD, trop fragmentée et dépendante des importations étrangères. Un travail de structuration doit être mené avec un abondement de subventions et d’aides publiques. Pour protéger les industries, un label « Drones de confiance » pourrait être réalisé. Ce projet est prévu dans la LPM.
C. Clarifier la place de l’Union européenne dans la trame drones
Les ambitions de coopération en matière de drones au niveau européen représentent, aux yeux de votre rapporteur, un risque pour la souveraineté nationale. La Commission européenne ne doit pas intervenir dans les programmes de défense nationale, qui sont des éléments régaliens fondamentaux.
En préalable, le rôle de la Commission doit être clarifié concernant son champ de compétences. Les déclarations de la Présidente de la Commission Mme Von der Leyen dans son discours sur l’État de l’Union sont, à ce titre, révélateurs d’une position qui dépasse les compétences attribuées par les traités. « L’Union européenne de la défense » qu’elle appelle de ses vœux ne doit pas aboutir à des programmes d’armement qui déposséderaient les États membres de leurs compétences souveraines.
Si l’Union européenne ne doit pas intervenir dans les politiques nationales, elle a cependant tout son rôle à jouer dans le soutien à l’industrie de la défense. Ses capacités de financement et de coordination européenne doivent s’établirent sur deux axes prioritaires : un soutien à la production par des fonds européens et l’accélération de la production de terres rares.
a. Le soutien financier à l’industrie de défense
La mise en commun des ressources des États au niveau européen est un avantage pour les entreprises. L’Union européenne présente l’avantage de faire jouer la concurrence entre les BITD nationales : chacune peut faire valoir ses projets et tenter de convaincre avec des idées innovantes. Les financements européens sont, à ce titre, un moyen de faire jouer la libre concurrence et de favoriser la création.
Les fonds comme la Facilité européenne pour la paix et le Fonds européen de défense contribuent à cette accélération. À ce titre, les entreprises doivent être encouragées à postuler grâce à des aides à candidature, qui pourraient être proposées par l’administration ou des instances comme Bpifrance. Grâce à ces aides, les entreprises de drones pourraient accroître leur production, ce qui provoquerait le cercle vertueux recherché, la production entraînant les commandes, qui elles-mêmes entraînent la production.
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FOCUS LE FONCTIONNEMENT DES FONDS EUROPÉENS La Facilité européenne pour la paix et le Fonds européen de défense présentent le même principe, également utilisé pour d’autres fonds comme le programme ASAP. Les fonds ont pour objectif de financer les investissements des entreprises de l’Union européenne dans la recherche, le développement et la production de technologies de défense. Selon les modalités du fonds, le financement peut être ouvert aux entreprises individuelles ou uniquement aux consortiums. Les projets font l’objet d’une candidature déposée par les entreprises et répondant à des objectifs et des critères précis. Voici la liste des fonds actuellement existants pour financer l’effort industriel dans la défense : - Le Fonds européen de défense (FED), qui finance la recherche, le développement et l’acquisition pour des projets avec une coopération entre États ; - L’EDIRPA (European Defence Industry Reinforcement through common Procurement Act), qui finance des achats conjoints de matériels sur étagère ; - L’instrument Safe, qui permet de financer des projets réalisés par l’industrie de défense ; - La Facilité européenne pour la paix, qui finance les actions relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) dans les domaines militaire de la défense.
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Aucun fonds existant aujourd’hui ne vise uniquement les drones aériens. Les fonds permettent actuellement de financer un grand nombre de programmes qui touchent tous les équipements et tous les milieux. Or, le soutien aux drones aériens tend à se perdre dans la multitude des objectifs visés. Pour réellement soutenir la production de drones, votre rapporteur propose la création de deux nouveaux fonds :
- Le premier dédié aux petits drones pesant moins de 150 kg ;
- Le second dédié aux drones plus lourds, depuis les drones tactiques jusqu’aux drones HALE.
Ces fonds s’inspireraient du fonds ASAP([148]) (Action de soutien à la production de munitions), mis en place en 2023 par l’Union européenne pour combler les creux capacitaires dans les munitions. Ils permettront de prendre en compte les spécificités propres aux différents types de drones. La trame drones sera ainsi uniformément développée. Le financement de l’innovation et de la formation devront également être intégrés dans l’abondement de ces deux fonds.
Ces fonds permettront l’émergence de quelques BITD nationales puissantes, qui entraîneront des BITD secondaires dans leur sillage. Les financements pourront être plus facilement orientés vers les entreprises les plus performantes. Les actionnaires et les acheteurs internationaux verront leur confiance renforcée si les projets sont portés par des entreprises puissantes. Ils pourront également se repérer plus facilement face à un nombre de fabricants réduit. Les BITD nationales pourront ainsi s’imposer sur le marché international et tirer l’ensemble de la production des autres pays dans leur voie.
b. La production de matières premières
L’Union européenne a également un rôle à jouer dans la production des matières premières et des composants essentiels constituant un risque pour la souveraineté. Comme indiqué précédemment, les terres rares et les composants comme les microprocesseurs et les batteries ne pourront être produits dans un seul pays.
D’une part, les matières premières ne sont pas uniformément réparties sur le territoire européen. Certains pays ne disposent pas de capacités de production minière. La construction de mines et d’usines de raffinage représente un coût important et difficile à supporter. D’autre part, les composants peuvent aussi faire l’objet d’une production commune à l’échelle européenne : cela assurera la capacité de production en masse de l’Union européenne et permettra la baisse des coûts par le jeu de la concurrence.
Des actions sont déjà mises en place en ce sens, avec par exemple la sélection de 47 projets européens, dont 25 projets d’extraction, 24 de transformation, 10 de recyclage et 2 de substitution de matières premières. 22,5 milliards d’euros seront orientés vers ces projets. Le règlement 2023/1781 sur les semi-conducteurs de 2023([149]) a également donné un élan vers une plus grande souveraineté dans le domaine.
Le financement pourrait être accéléré et de nouveaux fonds créés dans les secteurs les plus prioritaires. Une initiative avait été menée en ce sens en 2024 avec la création d’un fonds pour l’innovation concernant les batteries d’un montant d’un milliard d’euros. De nouveaux projets de fonds, cette fois-ci permanents, pourraient être instaurés. Pour cela, les études menées par la Commission pour déterminer les secteurs vulnérables et les besoins de l’Union européenne doivent être accélérées pour pouvoir établir une stratégie d’ensemble efficace et orienter correctement les financements.
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La commission a entendu Mme Catherine Vautrin, ministre des Armées et des Anciens combattants et Mme Alice Rufo, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées et des Anciens combattants, sur le projet de loi de finances 2026 (n° 1906), au cours de sa réunion du mardi 21 octobre 2025.
M. le président Jean-Michel Jacques. Mesdames les ministres, nous sommes particulièrement heureux de vous recevoir aujourd’hui pour cette audition, quelques jours après vos prises de fonctions et alors que les tensions s’accroissent chaque jour sur le flanc Est de l’Europe, à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, mais également, entre autres, au Moyen-Orient, en mer Rouge ou en Indo-Pacifique. Bref, les tensions sont nombreuses et ce projet de budget de la mission Défense pour 2026 est très attendu par mes collègues parlementaires.
Dans le projet qui nous est présenté, les crédits de paiement de la mission Défense passeraient à 57,2 millions d’euros en 2026. La marche de 3,2 milliards, prévue par la loi de programmation militaire (LPM) et la surmarche de 3,5 milliards annoncée par le président de la République semblent donc bien au rendez-vous, de même que la création de 800 emplois, conformément à l’article 7 de la LPM.
Au-delà de la conformité du présent budget à la trajectoire prévue par la LPM, dont j’ai été le rapporteur, vous nous direz surtout comment se répartissent les crédits prévus et quels grands choix ont été opérés.
Un certain nombre de sujets suscitent en effet l’attention de notre commission, comme l’a pointé le récent rapport de la mission d’information que j’ai présidée et conduite avec M. Yannick Chenevard et M. Sébastien Saint-Pasteur. Nous y soulignons, entre autres, que si les grands programmes structurants de nos armées sont cruciaux, les petits équipements, notamment les munitions, et la dronisation dans tous les milieux n’en demeurent pas moins importants. Les besoins émergents ou réaffirmés, qui changent compte tenu de l’évolution de la conflictualité, sont également relevés. Je pense par exemple au spatial, à la très haute altitude, à la guerre électronique à l’intelligence artificielle, à la défense sol-air ou à la lutte antidrones.
Par ailleurs, si des efforts ont déjà été entrepris depuis 2017 sur le terrain, beaucoup d’entre nous ont également constaté que ceux portant sur un certain nombre d’infrastructures immobilières doivent se poursuivre. Vous nous expliquerez, là aussi, comment le présent budget entend contribuer à relever ce défi.
La mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation, dont l’intitulé a évolué depuis l’année dernière – vous nous expliquerez peut-être pourquoi –, incarne, quant à elle, la solidarité de la nation envers les militaires et les anciens combattants en raison de leur engagement et de leurs sacrifices au service de la France ainsi que notre attachement à notre mémoire collective. Cette mission concerne également la dernière génération du feu, celles des jeunes combattants qui ont servi la France lors des opérations extérieures (Opex) récentes. C’est tout l’enjeu de la place donnée à ceux que nous appelons la quatrième génération du feu, à laquelle je suis personnellement très attaché.
Enfin, la revalorisation du point de pension militaire d’invalidité (PMI) et son mode de calcul sont une priorité pour les anciens combattants. Ce point assure la juste reconnaissance due à ceux des leurs qui ont été blessés dans leur chair ou dans leur âme. Les associations du monde combattant que nous avons reçues le 8 octobre dernier demandent notamment que soit activée la clause de revoyure pour comparer l’évolution du point avec le niveau de l’inflation. Vous aurez sans doute à cœur de répondre et de nous faire part des actions qui seront entreprises à cet égard.
Mesdames les ministres, je vous laisse la parole.
Mme Catherine Vautrin, ministre des armées et des anciens combattants. Alice Rufo, ministre déléguée, et moi-même mesurons évidemment la responsabilité et le privilège qui sont les nôtres de vous présenter le projet de loi de finances (PLF) relatif au ministère des armées et des anciens combattants.
Responsabilité, parce que le contexte international – vous l’avez dit, monsieur le président – ne cesse de se complexifier, engendrant un degré d’incertitude et de risque comme notre pays n’en a pas connu dans les décennies récentes. Responsabilité aussi parce que le contexte national demeure extrêmement volatile, ce qui n’est pas sans risque sur la dynamique de réarmement que ce gouvernement entend impulser.
Je veux évidemment, dès mes premiers mots, rendre hommage à mon prédécesseur, le premier ministre Sébastien Lecornu, qui, durant trois années, a œuvré sans relâche à renforcer, moderniser et transformer notre outil de défense. Sans jamais oublier de veiller avec beaucoup d’attention sur un sujet d’importance, tant pour la ministre déléguée que pour moi-même : le monde combattant et la mémoire, qui soutiennent la résilience et les forces morales de notre nation.
J’entends donc suivre le cap fixé par le président de la République le 13 juillet dernier. Et c’est évidemment tout l’objet de la discussion que je vous propose aujourd’hui.
Bien sûr, le budget que nous vous proposons respecte la LPM, votée par le Parlement et qui a pour vocation d’amorcer nettement l’accélération du réarmement. L’année 2026 sera le troisième exercice de mise en œuvre de la LPM, dont la marche sera respectée à l’euro près, comme vous l’avez dit monsieur le président : 3,2 milliards d’euros de plus qu’en 2025. Mais, elle va plus loin, en ajoutant à cette marche ce que nous avons appelé une surmarche, de 3,5 milliards d’euros. Par rapport à la loi de finances 2025, l’augmentation totale des crédits s’élève donc à 6,7 milliards d’euros, en application des décisions du président de la République consistant à augmenter la dotation de la LPM de 10 milliards en 2026-2027 pour aboutir en 2027 au quasi-doublement du budget de 2017. Je rappelle qu’à l’époque, il s’établissait autour de 32 milliards d’euros.
La mission Défense qui vous est présentée prévoit ainsi un budget de 57,1 milliards d’euros, soit une augmentation de 13 % comparé à la loi de finances initiale (LFI) de 2025.
Dans le contexte international, j’estime important de rappeler que nos compétiteurs, comme nos partenaires, réarment à un rythme au moins aussi élevé que le nôtre. Je crois, Mesdames et messieurs les parlementaires, que c’est un élément que nous devons avoir constamment présent à l’esprit.
Cette année 2025 a vu une nouvelle accélération de la bascule stratégique que nous connaissons, avec des menaces qui s’intensifient et se cumulent. Je pense évidemment d’abord à l’Ukraine, et de manière absolument indissociable, à la sécurité du continent européen. Trois ans et demi après le début de la guerre d’agression que la Russie mène sur le sol ukrainien, le constat est indiscutable : la Russie représente une menace durable aux frontières de notre Europe, pas seulement pour l’Ukraine, mais pour tout le continent. La Russie organise son armée, elle contraint sa société, elle oriente son économie de guerre.
Mercredi dernier, Alice Rufo et moi-même participions, à Bruxelles à une réunion des ministres de la défense de l’Otan. J’ai rencontré nombre de mes homologues et je peux vous dire que notre constat est partagé : multiplication des incursions dans les espaces aériens des alliés, utilisation d’une flotte fantôme pour contourner les sanctions, manœuvres hybrides contre nos institutions démocratiques, campagnes d’ingérence et de désinformation. Autant de facettes d’une menace russe, multiple et parfois invisible, mais pourtant bien réelle.
J’ai aussi pu rencontrer mon homologue ukrainien, Denys Chmyhal, et lui ai redit sans ambiguïté que la France, avec ses partenaires, se tient durablement aux côtés de l’Ukraine. L’Ukraine est en première ligne, elle tient face aux assauts russes, mais elle a besoin d’un soutien durable.
Au Proche et au Moyen-Orient, la sécurité de nos intérêts est aussi en jeu. Une reprise de la guerre entre la République islamique d’Iran et Israël ne manquerait pas de nourrir une escalade régionale aux conséquences imprévisibles, mais qui mettrait assurément en péril la sécurité de nos ressortissants et de nos intérêts dans la région.
En mer Rouge, les houthis continuent de faire peser une menace majeure sur le trafic maritime. À Gaza, on ne peut que saluer la réalisation de la première phase de l’accord de paix, qui a permis un cessez-le-feu, la libération de l’ensemble des otages et une reprise progressive de l’aide humanitaire, mais, nous l’avons constaté le week-end dernier, ce cessez-le-feu reste extrêmement fragile. Beaucoup reste à faire pour qu’une paix s’installe durablement.
Je pourrais égrainer tous les continents et lister les foyers d’instabilité, en Afrique, en Amérique latine ou dans l’Indo-Pacifique. Dans presque tous les cas, nos territoires d’outre-mer sont au cœur de ces enjeux, c’est-à-dire en première ligne face à ces menaces et au cœur de la compétition stratégique entre la Chine et les États-Unis d’Amérique. Nous sommes proches d’un point de bascule, qui nourrira les crises de demain. Je pense à l’affirmation de la puissance chinoise, qui ne fait pas mystère de son ambition de devenir la première puissance mondiale, et au pivot américain vers l’Asie, avec toutes leurs conséquences pour les Européens et notre sécurité.
S’y ajoutent, bien sûr, les autres menaces transnationales qui, loin de disparaître, s’accumulent : le terrorisme, la criminalité organisée, les trafics, mais aussi la combinaison d’enjeux climatiques, migratoires, énergétiques et commerciaux, qui rendent notre environnement de sécurité plus instable et plus incertain. La conflictualité s’étend à des champs toujours plus vastes : l’espace, le cyber, la guerre informationnelle ou encore les fonds marins. Au même moment, nous assistons à une très inquiétante conjonction : l’ordre mondial fondé sur la règle de droit s’effrite, donnant le sentiment que les règles du jeu international qui étaient communément admises le sont de moins en moins. La violence est utilisée de manière de plus en plus désinhibée. Le multilatéralisme est contesté, les traités désertés.
Si j’insiste sur ce contexte, c’est au fond pour porter un message simple : rien de ce que je vais vous dire de nos efforts budgétaires ne prend sens si on ne regarde pas le monde tel qu’il est, tel qu’il vient et non, malheureusement, tel que nous voudrions qu’il soit. La nouvelle revue nationale stratégique (RNS) pose ce regard lucide. Nous avons incontestablement changé d’ère et devons en tirer toutes les leçons pour notre réarmement. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si cette RNS a été publiée le 13 juillet.
Pendant près de trois décennies, l’Europe a désarmé, alors même que les périls montraient que le reste du monde s’armait. Désormais, le contexte actuel nous oblige et depuis 2017, sous l’impulsion du président de la République, après des décennies de baisse des crédits, de suppressions de postes, de fermetures de bases et de régiments et de contraction des soutiens, la France se réarme.
Se réarmer avec constance, c’est donc d’abord exécuter la LPM. Il s’agit de mon second point.
Lors de mes déplacements, je peux mesurer les effets produits par la LPM. J’ai vu ainsi au huitième régiment du matériel (RMAT), à Mourmelon, les nouveaux camions logistiques blindés. Dans ce régiment, comme pour toute la flotte logistique terrestre, la part des véhicules blindés va être multipliée par trois. Cela répond à un besoin critique pour faire face aux attaques de convois, comme on les voit à l’œuvre en Ukraine. Seront également livrés140 ateliers mobiles dans la brigade de maintenance et 120 porte-engins, dont 80 munis de cabines protégées.
Alors que la fin de gestion pour l’année 2025 n’a pas encore été atteinte, quels sont les sujets auxquels je serai attentive jusqu’au bout et sur lesquels, évidemment, je ne manquerai pas de vous informer ?
Tout d’abord, il faut rappeler que les crédits de la mission Défense, votés dans la LFI pour 2025 sont conformes aux annuités prévues par la LPM 2024-2030, soit une hausse de crédits de plus de 7 % – quelque 3,3 milliards d’euros – entre 2024 et 2025 pour atteindre 50,5 milliards.
Chacun a pu le noter, la mission Défense a été épargnée par les mesures de régulation budgétaire. Je pense aux surgels ou aux annulations de crédits mis en œuvre depuis le début de l’année. De plus, nous avons obtenu le dégel anticipé de l’intégralité de la réserve de précaution du programme 146 (P146), soit 1,3 milliard d’euros, afin de sécuriser le plan de commande des programmes d’armement, qu’il s’agisse du conventionnel ou de la dissuasion. Et les résultats sont concrets. Ainsi, au 30 septembre, les commandes de la direction générale de l’armement (DGA) étaient déjà de l’ordre de 12,8 milliards d’euros, soit un niveau jamais atteint à cette période de l’année dans notre histoire récente. De même, les paiements dépassent 16 milliards d’euros, ce qui représente un montant supérieur à ce qui avait été réalisé les années passées. L’enjeu est, comme toujours, que toute la base industrielle et technologique de défense (BITD) en profite. Et c’est l’élue locale qui le dit – je sais combien chacun d’entre nous est attaché à notre BITD.
Il faut également rappeler que, globalement, une année “normale” d’application du P146, c’est un premier temps où les équipes de la DGA vont principalement payer les fournisseurs, puis un second temps davantage dédié à l’engagement des commandes nouvelles, dont les contrats sont négociés tout au long de l’année. Il s’agit d’un rythme immuable qui ne doit surprendre personne, même si je comprends les impatiences, notamment lorsqu’elles proviennent des débats nés cet hiver autour de l’accélération de notre réarmement, à la suite de la bascule stratégique que nous traversons.
Même si les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) captent déjà plus de 70 % des paiements réalisés par le ministère, nous avons renforcé notre vigilance quant à l’accès au financement des entreprises de la défense. Mon prédécesseur avait initié un dialogue de place, le 20 mars dernier, dont nous percevons les premiers résultats. Ce rapprochement entre entreprises de la défense et monde financier a vu émerger plusieurs fonds, dotés chacun de plusieurs centaines de millions d’euros. Je salue également le lancement, la semaine dernière, du fonds BPIFrance Défense, qui permet aux Français désireux d’investir dans la défense de soutenir concrètement leur industrie. En complément, le ministère se pose désormais en véritable tiers de confiance pour les entreprises de la défense. Il y a encore deux ans, la proximité avec les territoires était trop faible. Les neuf attachés d’industrie de défense en région ont été installés. Leur nombre bien qu’encore insuffisant, révèle un changement d’état d’esprit et je les réunirai très prochainement.
Notre BITD repose sur l’articulation entre les grands donneurs d’ordres et leurs sous-traitants, et je serai particulièrement vigilante à ce que leur relation soit la plus équilibrée possible, à ce que les opportunités dans l’industrie de défense soient connues de l’industrie civile et à ce que nous puissions identifier l’ensemble des innovations sur le territoire. Notre vigilance en matière de sourcing d’innovation est absolument majeure.
Certains ont pu le noter, nous avons des enjeux sur la trajectoire de ressources de la LPM : dégel de la réserve de précaution et couverture des surcoûts qui dépasseraient de la provision, même s’ils devraient être sensiblement moins élevés que l’année dernière. À ce stade, je suis assez confiante, mais je resterai particulièrement vigilante jusqu’au dernier moment. Certes, la fin de gestion n’est pas d’actualité au mois d’octobre, mais il s’agit là d’un enjeu important : je ne doute pas que vous aurez à cœur, vous aussi, de suivre l’exécution de la programmation militaire telle qu’elle a été votée, même si je suis la première à reconnaître qu’une programmation n’est pas figée, mais doit vivre, évoluer, s’adapter.
Enfin, je veux vous dire mon attachement à ce que chaque euro soit correctement dépensé. Je serai donc très attentive à ce que les transformations profondes amorcées dans les années passées, aboutissent non seulement aux résultats prévus, mais éclairent également la voie pour d’autres réformes. Entre 2019 et 2024, les paiements annuels pour l’équipement des forces ont augmenté de plus de 50 %, tandis que nos effectifs restaient quasiment stables. La fonction immobilière et infrastructure se modernise, avec des effets perceptibles sur ses coûts – la baisse de 22 % sur le coût moyen d’une place d’hébergement, par exemple. Le commissariat au numérique de défense (CND), créé l’été dernier, permet une simplification opérationnelle pour 7 500 personnels autrefois dispersés dans un maquis d’acteurs. Cette efficacité est primordiale au vu de l’effort important que la nation va consentir pour ses armées à partir de 2026.
L’année 2026 est la première année de l’accélération de notre réarmement. Le PLF pour 2026 constitue la première annuité du futur projet d’actualisation de la LPM 2024-2030, que le président de la République m’a chargée de présenter d’ici à la fin de l’automne – j’y insiste, je souhaite que nous soyons prêts à cette échéance. Le projet d’actualisation qui vous sera proposé et qui sera débattu respectera évidemment le terme de la LPM actuelle prévu en 2030. Nous aurons l’occasion d’en débattre en détail, mais je voulais insister sur l’importance de l’année 2026, qui sera l’amorce de cette accélération.
Nous assistons également à une évolution de la façon de faire la guerre. Nous nous trouvons donc dans un moment où nous devons, à la lumière des enseignements que nous tirons des conflits en cours, et particulièrement de celui dont l’Ukraine est le théâtre, réinterroger certains équilibres de notre modèle d’armée. Le combat moderne combine des effets de masse et des effets de haute technologie. C’est ce qui fait la force de nos armées. Sur l’un des bâtiments parmi les plus complexes à construire au monde, un sous-marin nucléaire lanceurs d’engins (SNLE), comme dans les camps de Champagne, la rusticité et la force morale de nos soldats sont un facteur de succès. Comme aimait à le répéter mon prédécesseur, l’Ukraine nous a rappelé l’importance de la masse. Les récents conflits au Proche-Orient nous ont confirmé l’importance de la précision. Nous devons donc repenser, au sein de nos armées, l’équilibre entre équipements de très haute technologie et équipements plus rustiques, plus simples. C’est particulièrement vrai dans le domaine des munitions, où notre capacité à pénétrer les défenses adverses passera probablement par un panachage entre des munitions peu coûteuses, capables de saturer, et des munitions plus complexes, capables de percer les défenses avec la plus grande précision. Nous poursuivrons l’effort dans ce domaine.
Les munitions permettent aussi à nos hommes de s’entraîner, ce que confirme l’un des principaux retours d’expérience des conflits en cours. Il faut se préparer à des conflits durs, et donc s’entraîner et à cette fin. Pour cela, il faut des moyens, des munitions, mais aussi des équipements bien entretenus, j’oserais dire des équipements en état de marche.
Les conflits nous enseignent aussi que demain, plus encore qu’aujourd’hui, la victoire appartiendra à celui qui innovera le plus vite. Les progrès fantastiques observés sur les différents terrains de combat, pour tous les types de drones sont éloquents. Ils modifient en profondeur les rapports de force, la capacité de figer la manœuvre et de créer un impact psychologique redoutable sur l’adversaire. Qui eût cru, il y a encore deux ou trois ans, que les trois quarts des pertes infligées dans le conflit russo-ukrainien seraient le fait de drones et non plus de frappes de missiles ou de canons ?
L’innovation, finalement, c’est aussi une culture, un état d’esprit. C’est savoir ne pas s’arrêter devant une difficulté, devant une incompréhension, mais chercher sans cesse à la dépasser, à la contourner. Les guerres actuelles nous enseignent également que, pour aller vite, il faut savoir décentraliser la décision, faire confiance aux échelons subordonnés, déployer les énergies, responsabiliser, savoir faire passer à l’échelle les bonnes idées, les bonnes pratiques. Je veux que cet état d’esprit soit cultivé à tous les niveaux, dans les forces comme dans les états-majors. Une culture de la responsabilité est importante et s’il faut aller jusqu’à reconsidérer notre organisation, je le ferai. J’étais dans l’armée de terre et dans la marine la semaine dernière, et j’ai pu mesurer à quel point ces jeunes qui s’engagent, ont soif de servir, sont prêts à prendre des responsabilités. Nous devons créer les conditions d’une plus grande efficacité collective.
Dans tous les conflits, il y a des capacités sur lesquelles nous devons particulièrement faire des efforts, soit parce que nous les avons quelque peu délaissées dans le monde d’hier, soit parce qu’elles constituent de véritables game changers que nous ne devons pas rater. J’ai parlé des drones, mais il en va de même des frappes dans la profondeur. Beaucoup d’entre vous m’en ont déjà parlé. Au-delà des capacités nouvelles que nous observons déjà sur les champs de bataille, nous devons savoir tirer parti de l’expertise scientifique française, de premier rang, pour anticiper les ruptures technologiques de demain.
Au même titre que l’arme nucléaire ou l’accès à l’espace en leur temps, les intenses compétitions scientifiques actuelles dans les domaines de l’intelligence artificielle (IA) ou de la mécanique quantique recomposeront les rapports de force entre les États. La France dispose des atouts scientifiques, industriels et militaires nécessaires pour jouer un rôle clé dans cette évolution. Les armées doivent se donner les moyens d’y prendre toute leur part, pour garantir la supériorité opérationnelle de demain.
L’équilibre de notre modèle, entre active et réserves et peut-être demain volontaires, doit également être évoqué. Nous avons besoin d’une réserve active ; elle nous permet de rester ancrés dans nos territoires, de capter des compétences techniques, de développer l’esprit de défense dans la société civile et de donner à tous les jeunes qui la souhaitent la possibilité de servir leur pays.
Je voudrais maintenant détailler les composantes les plus dimensionnantes qui se dégagent de cette annuité budgétaire. Cette hausse inédite des crédits sera immédiatement visible dans les unités. Sur les grands programmes d’armement, hors dissuasion, plus de 3,4 milliards d’euros iront aux programmes à effets majeurs (PEM), pour la modernisation et le renouvellement des matériels des armées, avec des livraisons d’équipements emblématiques : un avion de renseignement – avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR) –, deux avions de transport A400M Atlas, un avion de transport stratégique et de ravitaillement A330 MRTT, quatre hélicoptères NH90, un sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda, 362 véhicules Scorpion, 21 chars Leclerc rénovés, des infrastructures Barracuda et Scorpion, 8 000 fusils d’assaut HK416, des kits et des missiles Exocet, des moyens de lutte antidrogue (LAD) et un patrouilleur outre-mer (POM).
Par ailleurs, 31,4 milliards d’euros de commandes seront passées en 2026, au seul profit des programmes d’armement hors dissuasion, soit une augmentation de 55 % par rapport à la LFI pour 2025. Seront ainsi commandés 40 systèmes de drones tactiques légers, une frégate de défense et d’intervention (FDI), deux Rafale, deux successeurs de l’avion AWACS, quatre systèmes sol-air de moyenne portée-terrestre nouvelle génération (SAMPT NG), 357 véhicules blindés Serval, des lots de munitions armement sol-air modulaire (AASM) et de gros calibres, des lots de missiles antichars et des munitions téléopérés ou encore des bâtiments hydrographiques de nouvelle génération et des systèmes de drones CHOF.
La préparation opérationnelle des forces bénéficie d’un budget de 8,5 milliards d’euros, 656 millions venant s’ajouter à l’effort entrepris depuis 2024. L’entretien programmé du matériel (EPM), pour le maintien en conditions opérationnelles (MCO), profite fortement de ce budget, avec une augmentation de 610 millions d’euros, en cohérence avec les hauts volumes d’engagement des années antérieures et permet la poursuite de la montée en gamme opérationnelle de nos forces.
Concernant la dissuasion, la hausse de 500 millions d’euros sera consacrée à la modernisation de deux de ses composantes : le SNLE de troisième génération (SNLE 3G), ainsi que le missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA) rénové et son successeur.
Les crédits dédiés à l’infrastructure, primordiale pour les unités, pour l’attractivité et la fidélisation, mais aussi pour l’accueil des équipements, atteindront 2,6 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 6 %. Ils financeront notamment la préparation et l’emploi des forces, les infrastructures Barracuda et Scorpion, l’école nationale des sous-officiers d’active (Ensoa) par exemple. Elle favorisera également le logement et l’hébergement des familles, un enjeu très important. Le plan Hébergement sera par exemple doté de 134 millions d’euros.
Enfin, les soutiens bénéficieront d’une hausse de 200 millions d’euros par rapport à 2025, notamment en vue de leur adaptation et leur préparation à l’hypothèse d’engagement majeur (HEM).
Les armées, ce n’est pas que du capacitaire. Le réarmement compte sur les ressources humaines et le réarmement ne serait rien sans elles. Ce constat a justifié l’ambition Fidélisation 360 degrés, lancée par Sébastien Lecornu. Ce plan produit désormais des effets concrets en matière de ressources humaines, qu’il importe de poursuivre pour répondre aux nouveaux défis. L’utilisation de systèmes d’armes plus complexes et à un niveau d’intégration plus élevé dans toutes les unités implique en effet de monter en gamme les compétences, notamment dans des domaines techniques tels que le cyber. Cet objectif est atteignable en renforçant la part de sous-officiers et d’officiers, mais aussi en dynamisant la promotion interne.
À iso-format d’armée, des compétences renforcées nécessitent donc un pyramidage plus important du personnel militaire, mais également civil. Ce renforcement est justifié par l’arsenalisation des compétences techniques, numériques et dans le domaine de l’intelligence artificielle. La masse salariale de 14 milliards d’euros, en progression de 3 %, permettra de financer des hausses d’effectifs : une augmentation de 800 équivalents temps plein (ETP) au bénéfice du réarmement capacitaire, soit 400 ETP particulièrement orientés vers les soutiens, 240 ETP dans le domaine de l’intelligence artificielle et la transformation numérique, 100 ETP dans celui du renseignement et de la cyberdéfense ainsi que 60 ETP dédiés à l’accélération des programmes d’armement.
Depuis 2024, le ministère atteint ses objectifs de recrutement et de fidélisation. Le nombre de départs, en 2024, a baissé d’environ 14 % par rapport à 2023 – soit 3 400 départs de moins. Les effets produits par les mesures de fidélisation, combinés aux bonnes perspectives de recrutement, ont permis l’atteinte du schéma d’emplois en 2024 – plus 456 ETP. Je peux d’ores et déjà affirmer que la cible de recrutements de 2025 sera atteinte, avec un accroissement de 630 ETP et qu’il en sera de même en 2026, avec les 800 ETP supplémentaires déjà évoqués. Les mesures de fidélisation consacrent un effort total de 159 millions d’euros supplémentaires, qui financeront des rattrapages de rémunération, une nouvelle protection sociale complémentaire et l’augmentation des fonds dédiés au logement.
Enfin, l’évolution de la conflictualité démontre que la réserve opérationnelle est déterminante pour assurer dans la durée la résilience des forces et renforcer l’active sur des segments critiques. L’année 2026 permettra ainsi d’avancer vers un modèle de ressources humaines plus intégré et hybride, tant dans l’active que dans la réserve, pour répondre aux enjeux opérationnels.
Parallèlement, le président de la République a annoncé son intention de donner à la jeunesse un nouveau cadre pour mieux servir au sein de notre armée. Le projet de service militaire permettra de préparer des réservistes plus nombreux, mieux entraînés, mieux équipés et mieux intégrés.
En conclusion, j’évoquerai les effets concrets de l’application de la LPM. Il s’agit d’abord d’accélérer dans les capacités les plus critiques pour faire face à un engagement majeur. Le sujet des munitions est souvent évoqué. Elles représentent un budget de 2,4 milliards d’euros, en hausse de 500 millions, soit une augmentation de 26 %, après celle de 27 % prévue dans la LFI 2025. Il s’agit en particulier de la livraison de missiles de moyenne portée (MMP), de munitions téléopérées (MTO) de courte portée, de missiles Aster, de missiles Mica remotorisés et de missiles Mistral 3. Plus de 750 millions d’euros seront consacrés à l’espace, soit une augmentation de 7 % par rapport à 2025, pour accélérer résolument dans le domaine de la connectivité, avec la diversification des sources – patrimoniales et New Space –, acquérir de nouvelles capacités de renseignement depuis l’espace, grâce à la commande d’un satellite Iris, et concrétiser plus rapidement des capacités d’action spatiale, au moyen de triplets de satellites patrouilleurs guetteurs.
Plus de 600 millions seront consacrés à l’acquisition de drones et robots en 2026, ce qui représente une hausse de 150 millions d’euros – 33 % – par rapport à 2025, au bénéfice de modules de lutte contre les mines sous-marines et les drones sous-marins et de surface, en particulier. La défense sol-air hors munitions, représentera un budget de 900 millions d’euros, contre 500 millions dans la LFI 2025, pour une modernisation de la défense surface-air (DSA) française contre les menaces du haut du spectre, tout autant que pour la lutte antidrones.
La priorité est également donnée à l’innovation et aux domaines de rupture. Plus de 400 millions d’euros seront ainsi dédiés à l’intelligence artificielle, soit une hausse de 33 % par rapport à 2025 afin d’assurer le déploiement à marche soutenue de la stratégie pour l’IA, de rendre opérationnel le nouveau supercalculateur classifié et de déployer la première unité robotique de combat terrestre autonome. Le budget de l’innovation s’établit à 1,3 milliard d’euros, soit une augmentation de 100 millions d’euros. Outre l’IA, les axes prioritaires d’investissement sont l’hypervélocité, les armes à énergie dirigée, les systèmes autonomes, les nouvelles technologies de l’énergie, la discrétion et la furtivité.
Certains efforts déjà prévus dans la LPM sont poursuivis et accentués. Ainsi, un budget de 1,7 milliard sera alloué à l’outre-mer, en augmentation de 200 millions par rapport à 2025. Il permettra le remplacement des hélicoptères Puma en Guyane par des Caracal, la poursuite de l’augmentation des effectifs de plus de 200 personnes en 2026, l’arrivée d’un patrouilleur outre-mer supplémentaire en Nouvelle-Calédonie, l’ajout de deux sections d’infanterie en Polynésie et le développement de nouveaux points d’appui, avec l’accueil des A400M et de vecteurs de renseignement. Le budget du renseignement dépassera 600 millions d’euros et profitera d’une hausse de 20 % par rapport à 2025, pour poursuivre la modernisation et la transformation de nos services de renseignement, grâce à l’adaptation de l’exploitation des données, au renforcement des capacités de la très haute altitude, à l’amélioration des capacités de renseignement spatiale, et à l’industrialisation des outils d’investigation numérique. Enfin, 500 millions d’euros supplémentaires seront consacrés au cyber, soit une augmentation de 66 % par rapport à 2025. L’objectif est de relever notre niveau de résilience et de renforcer nos capacités à agir de manière combinée sur les trois domaines de lutte informatique – défensive, offensive et d’influence.
Comme l’a dit le président de la République le 13 juillet, « Au fond, soyons simples : pour être libre dans ce monde, il faut être craint. Pour être craint, il faut être puissant ». Je suis convaincue que nous n’en avons plus le choix
Mme Alice Rufo, ministre déléguée auprès de la ministre des armées et des anciens combattants. Je souhaite en préambule remercier cette commission et son président, notamment pour les rapports parlementaires qu’ils ont produits et qui ont alimenté la RNS et la vie de la LPM. Merci aussi de m’avoir aidée à apprendre ce qu’était la diplomatie parlementaire en déplacement.
Je vous sais tous très attachés à cette mission, pour de bonnes raisons ; nous le sommes aussi. Cette mission n’a rien d’accessoire au regard de la situation stratégique décrite par la ministre des armées. Au demeurant, la RNS mentionne la notion de mémoire comme partie intégrante de la résilience nationale, pour la première fois, me semble-t-il. Nous nous trouvons en effet à une période de l’histoire où la lutte pour la vérité, la lutte pour le récit historique, contre certains récits révisionnistes est une réalité. Nous souvenir de la vérité, de ce que nous avons vécu, c’est nous souvenir de ce que nous sommes, mais aussi résister, de la manière la plus fondamentale, à tous les narratifs qui voudraient nous affaiblir. Vous les connaissez bien pour avoir notamment réfléchi au fait que l’influence est aujourd’hui une fonction stratégique au ministère des armées.
Cette mission est également très importante parce qu’elle est au cœur de la force morale qu’a évoquée la ministre, elle en est même le moteur. Force morale que, pour citer le général Leclerc, nous pouvons appeler le « patriotisme agissant » et qui concerne chacun et chacune d’entre nous. Cette mission n’est certes pas importante en volume, mais elle l’est en symboles, et même au-delà, en existence politique, au sens le plus noble du terme. J’ai l’honneur de vous la présenter devant deux de mes prédécesseurs, Mme la ministre Geneviève Darrieussecq et M. le ministre Jean-Louis Thiérot. Parmi les rapports importants que je citai en introduction figure bien sûr celui relatif à la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE), qui inspirera l’action future. J’ai évidemment une pensée pour Patricia Mirallès, dont le travail exceptionnel doit être salué ici. Je m’inscrirai dans la continuité de ce qu’elle a engagé.
Cette année, notre mission budgétaire change de nom, afin de la rendre plus lisible et pour mieux reconnaître les combattants les plus jeunes. Cette question avait été soulevée par votre commission et les associations y sont justement et légitimement attachées. La mission s’intitule donc désormais Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation. Vous l’avez souvent souligné au cours de vos débats, il est nécessaire d’apporter une plus grande reconnaissance à tous les combattants encore dans la vie active, qu’ils soient revenus d’Afghanistan, du Sahel, du Levant. C’est bien légitimement que nous changeons ce nom, en réponse à une demande historique des associations et des élus.
Le budget que je vous présente a été élaboré pour que la mémoire soit véritablement au service de la résilience nationale. Il comprend plusieurs axes : reconnaître les combattants, leurs proches, les victimes civiles de guerre et donner un sens collectif à ces sacrifices ; réparer – je vous y sais très attachés ; valoriser un patrimoine culturel et mémoriel qui nourrit la conscience de ce que nous sommes, notamment après les événements qui se sont déroulés ce week-end au Louvre puisque les armées ont des musées. L’attention est soutenue ; plusieurs audits ont ainsi été réalisés. Je me rendrai prochainement dans un musée et nous réunirons les responsables de la sécurité pour nous assurer que tout est sous contrôle dans ce domaine.
Par ailleurs, les équilibres sont préservés dans ce budget, marqué par l’érosion du nombre de ressortissants de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG), pour des raisons démographiques. Il s’inscrit évidemment dans l’effort de maîtrise des finances publiques dans lequel le gouvernement s’est engagé. Cet effort s’applique à tous et toutes, et donc à nous. Comme l’a indiqué la ministre des armées, nous devons être attentives à chaque euro dépensé. Pourtant, aucun des pans, aucun des grands équilibres du budget n’est abandonné. Nous devons y être collectivement vigilants puisque cette mission a, dans la vie de notre pays, une valeur particulière, stratégique, au-delà du symbole, notamment dans la période actuelle.
Le programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation sera doté de 1,66 milliard d’euros en crédits de paiement. La baisse de 6,2 % par rapport à la LFI 2025 s’explique principalement par l’érosion, malheureusement, du nombre de ressortissants de l’ONACVG, marqué par la disparition progressive de la génération liée à la guerre d’Algérie.
Sur les principales masses financières, il est utile de souligner les éléments suivants : 89 % des crédits du programme sont concentrés sur les actions relatives aux pensions militaires d’invalidité et aux droits de soutien des invalides – vous avez cité ce point majeur dans votre introduction, Monsieur le président ; 617 millions d’euros sont prévus pour les pensions militaires d’invalidité ; 464 millions d’euros sont consacrés à l’allocation de reconnaissance du combattant, qui exprime, depuis la Grande guerre, la reconnaissance de la nation envers ceux qui ont combattu. Cette allocation ne doit jamais être considérée ni comme une retraite, ni comme une aide sociale, ni comme une rente, c’est bel et bien une reconnaissance à laquelle nous sommes tous extrêmement attachés.
Compte tenu de la stabilité de l’indice de traitement brut grille indiciaire (ITBGI), l’indice qui sert de référence à l’actualisation de la valeur du point de PMI, et. donc du montant des pensions d’invalidité comme de l’allocation de reconnaissance du combattant, la valeur du point de PMI restera stable en 2026. Mais j’ai entendu ce que vous avez dit, monsieur le président. Je sais qu’un premier rapport a été remis en mai dernier et qu’un second est attendu début 2026 portant sur les effets de l’inflation. Je vous propose d’en discuter à ce moment-là car, si cette indexation est favorable, nous constatons que l’allocation stagne.
Les autres grandes priorités du programme s’inscrivent dans la continuité des précédentes et donneront le ton pour les années à venir. Le plan Blessés, pour 2023 à 2027, évoqué par la ministre, est un succès puisque 80 % des mesures engagées sont mises en œuvre ou en cours de l’être. Évidemment, la priorité n’est autre que d’aller au bout de sa réalisation d’ici à 2027. Nous le ferons naturellement avec les associations du monde combattant, le G12, que je réunirai dans quelques jours. De même, la consolidation du dispositif Athos de réhabilitation psychosociale des blessés psychiques se poursuivra. À partir du 1er janvier 2026, le programme relèvera intégralement de l’institution de gestion sociale des armées (Igesa). Il faut consolider ce dispositif, l’organiser et le soutenir parce qu’il doit durer. C’est dans cet objectif que je me rendrai à Bordeaux, dans quelques jours. Il existe en métropole, mais une réflexion est engagée concernant l’outre-mer. Il s’agira là aussi d’une de nos priorités.
Enfin, l’accent sera mis sur l’accompagnement de l’Institution nationale des Invalides, avec une subvention pour charge de service public qui reste stable.
En deuxième lieu, l’ONACVG fera l’objet d’un accompagnement résolu. Le PLF 2026 préserve ses moyens en effectifs et en subventions de fonctionnement. Il prévoit des investissements pour rénover le logiciel de traitement des dossiers dans une période où l’accès et la simplification ne sont pas des sujets neutres. De plus, cette année sera marquée par le nouveau contrat d’objectifs et de performance (COP) de l’ONACVG 2026-2028. Je sais que vous y serez attentifs puisqu’il s’agit de projeter l’office vers l’avenir et de le consolider.
Le troisième point concerne l’accompagnement des harkis, qui reste une des missions majeures du programme. Plus de 118,2 millions d’euros seront consacrés à la situation des rapatriés, essentiellement les harkis et leur famille. Ainsi, 58,8 millions d’euros seront spécifiquement dédiés au droit à réparation pour les harkis à la suite de la loi de 2022. Ce montant tient compte des conséquences de l’arrêt Tamazount de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et de l’extension de la liste des sites ouvrant droit à réparation, acceptée par le premier ministre. En cinq ans, une politique de réparation sans précédent a été déployée depuis septembre 2021, à la demande du président de la République. Les actions engagées dans son cadre ainsi que la valorisation de la mémoire des harkis doivent se poursuivre. Vous pouvez compter sur moi.
Quatrième point, l’activité mémorielle apparaît en léger repli en raison de la fin du cycle des commémorations des 80 ans de la Libération. J’en profite pour rendre hommage à l’ambassadeur Étienne et au général Delion pour cette réussite exemplaire qui a montré combien les commémorations pouvaient attirer nos concitoyens, créer de l’unité, rayonner dans les territoires et à l’international. J’ai proposé à l’ambassadeur de procéder à un retour d’expérience pour tirer toutes les leçons de cet exercice et investir de nouveaux espaces tant commémoratifs que culturels, d’autant que d’autres commémorations sont prévues l’année prochaine.
Enfin, je serai brève au sujet des actions concrètes en direction de la jeunesse puisque la ministre a déjà évoqué le sujet. Elles s’articuleront autour de trois leviers. Le premier est la journée défense et citoyenneté (JDC), avec le nouveau format « nouvelle génération » qui mobilisera 37 millions d’euros. Le deuxième concerne les actions d’insertion, d’éducation et de sensibilisation, avec le service militaire volontaire qu’a évoqué la ministre et qui existe déjà dans le cadre d’une expérimentation. Enfin, le dernier consiste en un soutien au monde scolaire et enseignant dans les efforts essentiels qu’ils conduisent au service de la transmission de la mémoire des conflits contemporains, notamment la mémoire de la Shoah. Nous y serons vigilants. Il y a en effet beaucoup d’antisémitisme en France : chacun doit en prendre conscience et lutter au plus tôt contre ce fléau.
Soutenez-nous dans ce pacte moral que constitue cette mission. Deux événements majeurs se produiront l’année prochaine, le centième anniversaire du Bleuet de France, qui culminera le 11 novembre, et les assises des correspondants de défense auxquelles je vous sais très attachés dans vos territoires. La ministre m’a demandé de veiller à la dynamisation de ce dispositif qui est extrêmement important.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Laurent Jacobelli (RN). Félicitations pour vos nominations, Mesdames les ministres. Avez-vous cependant conscience d’entrer dans un monde, celui du ministère des armées, où le virtuel semble avoir remplacé le réel ? Vous allez d’abord vous retrouver face au fantasme européen. On vous parlera d’avion du futur, de chars du futur, de financement commun européen de la défense et de toutes ces fadaises politiques qui trouvent leur origine dans l’idéologie européiste. Politique utopique, irréaliste et souvent néfaste pour notre pays, toutes ces lubies sont contraires aux intérêts économiques, sociaux et stratégiques de la France qui, eux, sont bien réels.
Quant au budget, il est tout aussi virtuel, comme nous le répétons depuis des mois. Certes, la hausse de ce budget des armées, sa sanctuarisation sont affichées, nous le saluons, mais les difficultés d’exécution constatée l’an dernier font douter sérieusement de sa sincérité. Effectivement, l’exercice précédent aura été marqué par de graves dysfonctionnements dans l’exécution de la LPM, aucune couverture budgétaire adaptée n’ayant été prévue pour financer les surcoûts liés aux opérations extérieures, au soutien à l’Ukraine, ou des dispositifs onéreux issus de l’Union européenne (UE) en matière de défense, provoquant des reports de charges qui atteignent des niveaux alarmants. Le respect des marches est donc virtuel, avec des conséquences qui sont, elles, bien concrètes : commandes ralenties, trésoreries de TPE-PME asphyxiées, mais surtout un ministère privé de marges de manœuvre, dans un contexte géopolitique incertain exigeant pourtant réactivité et agilité.
La montée en puissance de nos armées ne peut se bâtir ni sur des artifices comptables ni sur des chèques en bois et encore moins sur des chimères. Alors, permettez-moi de rappeler ces mots du général de Gaulle : « Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités. » Votre prédécesseur se réclamait du gaullisme sans jamais l’appliquer, qu’en sera-t-il de votre ministère ? Allez-vous enfin préférer la souveraineté nationale à l’idéologie européiste et la sincérité budgétaire aux tours de passe-passe comptables ? Il y va du respect de la parole donnée à nos armées, aux 271 000 femmes et hommes actifs qu’elles comptent – militaires, civils et réservistes –et dont l’engagement, lui, n’a rien de virtuel, contrairement à la parole et aux actes de certains ministres.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Les surcoûts opérationnels de 2025 ne sont pas encore stabilisés et devraient être sensiblement plus faibles qu’en 2024. S’ils devaient dépasser la provision de 750 millions d’euros, je serais extrêmement vigilante à l’application de la clause de couverture de la LPM pour préserver la dynamique du réarmement. Je suis donc bien dans le concret et non dans le virtuel. Le rehaussement de la provision à compter de 2026, de 1,2 milliard d’euros, viendra renforcer la visibilité nécessaire au pilotage budgétaire du ministère. Le report de charges est un outil budgétaire qui permet de lisser la montée en charge de nos commandes puisque certaines, passées en 2025, n’arriveront ni en 2025 ni 2026. Par conséquent, il est assez logique d’étaler le paiement de nos factures avec la livraison. C’est un agrégat technique suivi en interministériel, dont nous rendons compte et qui ne mécontente pas nos entreprises puisque nous passons les commandes.
Comme vous, Monsieur le député, puisque nous avons la chance de vivre dans la même région, je connais un certain nombre de sous-traitants et d’entreprises de notre BITD. Leur préoccupation est plutôt l’importance de la commande. Je me réjouis donc des annonces que j’ai pu faire parce qu’elles représentent de l’activité, dès demain, pour les entreprises de nos territoires. Nous sommes tous des relais sur le terrain, alors veillons tous à aller chercher tous les équipements qui existent sur le terrain. En d’autres termes, nous devons faire en sorte que la DGA ait correctement sourcé ses fournisseurs. Les commandes potentielles sont extrêmement importantes pour les entreprises de nos territoires. Vous me trouverez toujours à vos côtés pour travailler sur ce sujet.
M. Yannick Chenevard (EPR). Les empires sont de retour, nous en avons tous conscience. Le droit international est piétiné. L’économie et, avec elle, les tensions sont en train de basculer en Asie, ce que nous ne percevons pas bien dans la mesure où nos yeux sont rivés sur le conflit en Ukraine. Dans cette configuration, soulignons-le, le budget de nos armées est respecté à l’euro près depuis 2017. Il a donc fallu réparer et renouveler ; maintenant, il faut innover et s’adapter. Dans ce contexte, le réarmement, notamment naval, est partout : onze porte-avions aux États-Unis, le troisième porte-avions en Chine, deux porte-aéronefs en Grande-Bretagne et un en Italie. Je ne vous fais pas un dessin : le renouvellement est permanent. Pour la France, cette situation signifie une interrogation sur la permanence, et le besoin de la permanence, de l’alerte, notamment pour nos ou notre porte-avions.
Nous devons donc nous interroger dès maintenant et avant la fin de l’année sur l’importance du lancement en réalisation du porte-avions à propulsion nucléaire, en remplacement du Charles-de-Gaulle, qui doit être retiré du service en 2038.
Le deuxième élément concerne la dette grise, estimée aujourd’hui à 4,4 milliards d’euros. Nous consacrons chaque année 450 millions d’euros pour la réparer, mais nous savons qu’en réalité nous ne faisons que limiter la casse. Par conséquent, je souhaite savoir si nous envisageons un supplément.
Par ailleurs la fidélisation, vous l’avez rappelé madame la ministre, fonctionne ; les hommes du rang et les sous-officiers ont fait l’objet de modifications de la grille indiciaire. Cette année, ce sont les officiers qui doivent en bénéficier. Pouvez-vous confirmer que tel sera le cas ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. La décision relative au PANG, le porte-avions de nouvelle génération, doit être prise d’ici à la fin de l’année. Le maintien de l’alerte est un élément important. En toute humilité, je serais moins positive quant à la situation du Royaume-Uni, dont l’équipement fait face à des défauts d’entretien majeurs – ce qui ne me réjouit pas – et ne constitue donc pas un modèle en matière de maintenance.
Concernant la dette grise, concrètement, la forte croissance des investissements dans l’infrastructure du ministère apporte de nouvelles capacités, qui ne sont pas exclusivement tournées vers le volet opérationnel. Une cartographie du niveau de risque du patrimoine est donc réalisée chaque année, afin de disposer d’une vision globale de celui-ci et d’identifier les évolutions des risques. Il s’agit là d’un élément important de notre capacité de maintien en condition, de façon à optimiser l’emploi de nos ressources budgétaires. Ainsi, 933 millions d’euros de crédits de paiement seront consacrés aux conditions de vie et de travail.
Enfin, oui, la revalorisation de la grille des officiers sera appliquée cette année.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Ainsi, 6,7 milliards d’euros supplémentaires sont prévus pour le budget de la défense. La LPM n’en prévoyait que 3,2 milliards. Se pose donc une question simple : à quoi servent ces 3,5 milliards supplémentaires ? Deux hypothèses s’offrent à nous. Soit la LPM a été mal conçue et nécessite déjà une profonde révision. Dans ce cas, pouvez-vous nous dire à quels nouveaux programmes majeurs ces milliards d’euros sont consacrés et en quoi ils répondent aux conflits modernes ? Soit la LPM de 2024 reposait sur une sous-estimation du budget nécessaire et vous comblez ce trou. Autrement dit, avec ce budget pour 2026, vous faites l’aveu que la LPM a été bâclée, mal préparée, et que nous avions donc raison de voter contre.
Par ailleurs, vous créez les opérations de signalement stratégique (OSS) et vous fusionnez le financement des Opex et des missions opérationnelles (Misops). L’ensemble des Misops intègre donc désormais le BOP (budget opérationnel de programme) Opex et bénéficiera par conséquent de la solidarité interministérielle de fin de gestion. Cela revient à dire que la LPM et le budget de la défense ne visent que le financement d’une armée de casernes et à quelques entraînements stratégiques, les OSS. Désormais, dès lors que les armées basculeront en mode opérationnel, leur financement sera interministériel. En d’autres termes, les Misops ne sont plus couvertes par le financement normal des armées. Mais à quoi sert une armée qui n’est pas une armée opérationnelle ? Si les Misops ne relèvent plus du fonctionnement des armées, c’est donc qu’elles se rapprochent des Opex. Dans ce cas, pourquoi ne sont-elles pas soumises à un vote du Parlement ?
Il y a donc deux problèmes : le premier est démocratique, car au nom de quoi l’interministériel peut-il financer les Misops sans l’accord du Parlement ? Le second est budgétaire, car il s’agit là d’un tour de passe-passe qui fait reposer sur la solidarité interministérielle toutes les opérations des armées. C’est donc toute la sincérité budgétaire de la LPM qui est mise en question, car à moins qu’il n’y ait aucune mesure de fin de gestion, ce que personne ne peut croire, le budget des armées connaîtra une augmentation bien supérieure à 6,7 milliards d’euros.
Quelle est donc la logique de cette nouvelle organisation budgétaire ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Les membres de cette commission ont beaucoup travaillé sur cette LPM et ils ont apporté des réponses extrêmement importantes, mais le monde a incontestablement changé depuis 2023. L’évolution de la situation internationale, la gravité de cette situation, conduit à aller plus loin, à accélérer le réarmement, avec plus de drones, plus de munitions, plus d’activité, précisément pour aller vers ce que vous appelez de vos vœux : une armée opérationnelle. Cette armée opérationnelle doit s’entraîner. Il ressort de mes échanges avec nos régiments, dans mes précédentes fonctions comme aujourd’hui, l’impérative nécessité de l’entraînement. Pour cela, il faut des munitions, que nos militaires soient dans leurs régiments ou sur le terrain. C’est le sens de la surmarche que le président de la République a demandée lors de son discours de l’hôtel de Brienne le 13 juillet. Si nous ne l’avions pas fait, on nous aurait reproché d’attendre ; nous le faisons, je crois qu’il faut souligner la complémentarité entre la LPM et les surmarches proposées.
L’augmentation de 3,5 milliards vise à répondre aux besoins les plus critiques et les plus urgents, pour permettre plus de préparations opérationnelles, plus de drones et notamment plus de munitions téléopérées et plus de commandes. Et comme ces dernières ne seront pas forcément livrées en 2026, nous devons nous organiser.
Enfin, le PLF prévoit bien la sécurisation budgétaire des Misops, grâce à l’augmentation de la provision relative aux Opex, qui est effectivement élargie. Je ne reviens pas sur la doctrine des Opex, qui figure dans le rapport de mon prédécesseur.
Mme Anna Pic (SOC). Nous saluons les hausses des crédits prévues par le PLF 2026 pour la mission Défense qui représentent 6,7 milliards d’euros. Dès le début de l’examen de la LPM nous avions exprimé nos inquiétudes sur la sincérité de cette programmation. Et les missions au Sénat ou à l’Assemblée nationale ont bien montré qu’il y avait un problème. L’augmentation annoncée permettra-t-elle de financer les réorientations telles que la robotisation, la dronisation, ou se bornera-t-elle à rembourser les reports de charges, qui correspondent à du capacitaire déjà livré et pas encore payé ? Comment ferons-nous pour faire ce que vous souhaitez, c’est-à-dire nous réorienter vers la rusticité évoquée ?
« J’irai jusqu’à réorganiser, s’il le faut », avez-vous dit, madame la ministre. Nous aimerions avoir des précisions sur cette phrase, qui nous a fait tiquer.
Concernant le tissu industriel, le budget tel qu’il est présenté permettra-t-il de soutenir véritablement les TPE-PME puisque ces reports de charges ont largement pesé sur la trésorerie du tissu industriel, plus que sur les grands donneurs d’ordre ?
S’agissant du soutien à l’Ukraine, malheureusement considéré comme insuffisant par certains pays situés à la frontière orientale de l’UE, pouvez-vous préciser quelles suites seront données notamment au soutien de la France à l’initiative Sky Shield ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Réorganiser, c’est donner plus de subsidiarité aux échelons locaux des unités. Nous avons déjà donné la possibilité à nos régiments d’utiliser la somme que nous leur avons allouée pour acheter du matériel ou tester des drones. Cette initiative est particulièrement intéressante. La transformation de nos armées doit être le fruit de la stratégie nationale et des initiatives de celles et ceux qui les composent. C’est une marque de respect et de notre volonté de faire participer tout le monde. Cela ne doit donc pas vous faire tiquer.
Par ailleurs, la LPM est respectée depuis 2017, et offre ainsi une visibilité sur le temps long. Les arbitrages du président de la République, le 13 juillet, renforcent sa crédibilité. De plus, elle produit ses effets puisque les chiffres de commandes de la DGA sont historiques, et sur le terrain, les armées montrent leur efficacité. L’évolution en cours est donc extrêmement importante et se poursuivra, eu égard aux moyens mis en œuvre.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Évidemment, je m’associe aux félicitations de tous. Notre groupe se réjouit de cette hausse des budgets. Dès la LPM, nous avions bien dit qu’ils constituaient un minimum, qui supposait une accélération – c’est même l’objet d’un amendement que j’ai défendu. Le travail parlementaire est donc utile puisque nous constatons cette accélération.
Je veux aussi dire à Mme Rufo tout le plaisir que j’ai de voir le changement du nom de la mission, essentiel pour les forces morales. Il montre à nos hommes qu’après le service, ils peuvent encore servir leur pays.
Madame la ministre, vous arrivez aux affaires au moment où les survols de drones se multiplient en Europe. Il s’agit de menaces à la fois opérationnelles et hybrides, qui peuvent déstabiliser nos sociétés. Quelle stratégie entendez-vous mettre en œuvre pour y faire face au travers de ce budget ?
La Commission européenne vient de présenter un plan, Defense Readiness Roadmap 2030, dans lequel elle évoque beaucoup de boucliers, mais très peu d’épées et très peu de strikes. Du point de vue de la France, qui peut être singulier, comment appréhendez-vous la frappe dans la profondeur ? Comment mettre l’adversaire face à un dilemme stratégique ? Allons-nous utiliser l’initiative European Long-Range Strike Approach (Elsa), qui est un programme de frappes dans la profondeur ? Pour le mettre en place, la voix française doit être portée au sein de l’Europe.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Je souhaite tout d’abord vous remercier, monsieur le ministre pour votre travail ; vous venez de me remettre votre rapport sur la stratégie européenne industrielle de défense et j’aurai à cœur de reprendre vos différentes recommandations. Vous avez raison, cette LPM était une première marche et nous passons désormais à la deuxième marche. L’important est notre capacité à apporter des réponses concrètes.
Je partage votre avis sur les drones puisque les progrès fantastiques effectués, sur tous les terrains de combat et dans tous les types de drones, sont absolument éloquents. Incontestablement, les drones ont modifié les rapports de force et peuvent figer la manœuvre et créer un impact psychologique redoutable chez l’adversaire. Ils peuvent également – il faut en être très conscients – avoir un impact psychologique sur nos populations. La presse locale de Mourmelon relaie ainsi l’inquiétude des habitants à ce sujet. Notre pays doit donc être en mesure de travailler sur le sujet. Le PLF prévoit plus de 900 millions d’euros pour la défense sol-air, hors munitions, notamment pour la lutte anti-drones, grâce à la livraison de neuf systèmes Parade et de deux effecteurs laser, mais aussi pour une modernisation de la DSA contre les menaces du haut de spectre. Des expérimentations sont également en cours et le ministère adapte sa méthode d’acquisition pour dépenser au mieux les crédits, notamment grâce aux retours d’expérience de nos régiments. Ainsi, un de nos régiments a mis en place une technique visant à protéger les chars Leclerc contre les drones, illustrant de la sorte la fameuse idée « penser global, agir local ». Nous sommes exactement dans cette démarche, nous devons agir à tous les niveaux pour apporter des réponses.
Mme Alice Rufo, ministre déléguée. Le lendemain de notre rencontre à Bruxelles la semaine dernière, une feuille de route européenne comportant des éléments positifs a été adoptée. L’accélération d’acquisitions conjointes permet notamment de réaliser des économies d’échelle. De plus, une souveraineté européenne plus affirmée, combat que mène la France, apparaît dans le document.
Vous avez entièrement raison concernant le mix offensif défensif. Le réflexe défensif est très important, nous renforçons d’ailleurs les moyens de défense aérienne et antimissiles, la ministre l’a rappelé. En tout état de cause, la menace est réelle et nous sommes face à des adversaires qui savent jouer sur toute la gamme de ce mix offensif et défensif et sur celle de l’hybridité. Si nous ne nous transformerons pas en ce qu’ils sont, nous ne devons pas être naïfs non plus : aucun bouclier ne nous permettra de faire l’économie ni de la dissuasion nucléaire ni d’éléments offensifs, telles les capacités de frappe dans la profondeur. Elsa est une initiative intergouvernementale. Le ministère des armées est très attaché au fait que, dans cette définition, ce soit bien les nations qui travaillent pour définir leurs besoins capacitaires et opérationnels et les porter au niveau européen de manière cohérente et crédible.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Le constat est là : la France est une puissance moyenne, fortement endettée, alors qu’elle engage son réarmement. Mon groupe pointe le besoin urgent de faire des choix au regard du contexte géopolitique. L’union fait la force. L’autonomie stratégique doit s’inscrire dans un cadre européen fondé sur la mutualisation, la complémentarité industrielle et une autonomie décisionnelle partagée, source d’économies qui pourraient bénéficier aux autres politiques publiques. En ce sens, nous soutenons la coopération européenne de défense et le développement d’une BITDE.
Le soutien militaire continu à l’Ukraine est primordial et nous regrettons son faible montant de 57 millions d’euros dans le programme 146. De plus, nous encourageons le développement d’une stratégie de défense globale : diplomatie, défense, fin de notre dépendance aux énergies fossiles et de leur exportation, résilience de la société. Cette dernière s’illustre par le développement de la réserve avec des besoins en ressources humaines et en équipements, le soutien aux services de santé, un besoin d’hybridité accru de nos moyens et de nos infrastructures militaires civiles.
Les enjeux autour de la cybersécurité, la cyberdéfense, la lutte antidrones, le spatial, l’IA et le quantique sont exponentiels. Nous avons besoin d’une stratégie de sécurité élargie face aux menaces de guerre hybride, vous en avez parlé.
Nous échangeons sur le PLF 2026, alors même qu’une actualisation de la LPM 2024-2030 est en prévision. Alors, à quelle échéance cette actualisation est-elle envisagée ?
Nous réaffirmons aussi l’urgence de renforcer la stratégie climat et défense du ministère des armées. Les transitions à mettre en œuvre, environnementales, énergétiques et climatiques, sont colossales. Les forces armées voient depuis plusieurs années leurs métiers évoluer afin de répondre à ces enjeux. Quelles actions sont prévues pour permettre aux armées d’être résilientes et plus adaptées face au changement climatique ? Comment les objectifs de la LPM 2024-2030 pourront-ils être tenus ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Concernant l’actualisation de la LPM, l’objectif est de déposer un projet de loi au Parlement d’ici à la fin de l’année.
Par ailleurs, le renforcement du soutien à l’Ukraine est coordonné entre les pays européens par plusieurs éléments : livraisons de matériel, accord sur un prêt de réparation en Ukraine – dont une partie pourrait être utilisée pour accroître les acquisitions de matériel militaire européen, ce qui constitue bien une approche de la BITDE –, dix-neuvième paquet de sanctions de l’Union européenne qui sera prochainement adopté et renforcement de la lutte contre la flotte fantôme. Lors de notre visite à l’Otan, mercredi dernier, beaucoup ont mis en avant l’action menée par notre bâtiment et l’arraisonnement d’un navire de cette flotte fantôme.
Évidemment, pour bâtir l’Europe de la défense, plusieurs facteurs sont extrêmement urgents. Il faut nous préparer à un conflit de haute intensité en Europe, avec une échéance estimée à 2030, c’est-à-dire demain, identifier les domaines capacitaires sur lesquels nous accusons des retards pour les combler, développer des coopérations industrielles et acquérir en commun des matériels, ce qui rendra réelle une BITDE qui ne l’est pas encore aujourd’hui, accroître notre autonomie stratégique et renforcer le pilier européen de l’Otan. La semaine dernière le secrétaire à la défense des États-Unis nous a très clairement expliqué que l’Europe devait s’organiser pour assurer elle-même sa défense. Nous touchons là un sujet absolument majeur.
Mme Alice Rufo, ministre déléguée. Nous défendons le pilier européen de l’Otan depuis des années, de même que la souveraineté européenne. Certes, les Américains le disent de plus en plus clairement, mais c’est avec nos partenaires européens que nous devons en discuter.
Par ailleurs, la logique qui a prévalu ces dernières années concernant le soutien à l’Ukraine – une logique de cession, de montants financiers – est en train d’évoluer. Les discussions sont en cours au sujet du prêt pour réparations, de l’argent sera mobilisé pour l’Ukraine. Celle-ci peut aussi travailler dans le cadre de l’instrument européen Safe. Il s’agit surtout de savoir comment travailler avec la BITD ukrainienne et faire en sorte qu’elle nous apporte des choses et comment faire pour que le soutien à l’Ukraine permette aussi de renforcer la BITDE. Si l’argent que nous consacrons au soutien à l’Ukraine sert à acheter des équipements à des États tiers, ce modèle de soutien sera dans l’impasse. Nous sommes dans une période où tout cela peut évoluer.
La France n’a pas à rougir de son soutien financier, en matière de cessions ou même d’idées et de courage politique. Je me permets de rendre hommage à l’action du premier ministre : sans les livraisons de chars AMX10-RC, les livraisons de Léopard n’auraient pas été possibles. Sans le mouvement sur la capacité de frappe dans la profondeur du président de la République, le soutien à l’Ukraine n’aurait probablement pas pu évoluer comme il l’a fait. Sans la coalition des volontaires, il ne serait pas possible d’agir dans le domaine hybride comme nous souhaitons le faire sur la flotte fantôme en particulier. Sans le mouvement sur les pilotes et les avions de combat français, il est probable que le nombre de pays engagés serait moindre. Nous avons tout de même un vrai leadership en matière de soutien à l’Ukraine.
Quant au climat, vous avez parfaitement raison. L’hybridité porte aussi sur ce point. Nous sommes en effet confrontés à des enjeux globaux qui nous concernent tous, avec des cadres de coopération terriblement abîmés et, simultanément, à l’utilisation de ces contextes par nos adversaires. Nous avons donc deux raisons d’intégrer la lutte contre le changement climatique dans notre stratégie. La stratégie menée par le major général des armées pour l’adaptation de nos forces et la contribution des armées à la lutte contre le changement climatique doit être poursuivie et amplifiée.
Mme Josy Poueyto (Dem). Au nom de mon groupe, je vous adresse toutes nos félicitations pour votre relais au ministère des armées. C’est un beau ministère, où Sébastien Lecornu a laissé une empreinte forte et remarquée et où Patricia Mirallès, que je salue, a aussi réussi à faire avancer un certain nombre de dossiers, notamment au sujet du lien armée-nation au plus près du terrain. C’est ainsi que des assises des correspondants défense devraient avoir lieu très prochainement dans tous les départements et ainsi illustrer la phase de concertation destinée à faire émerger des propositions d’amélioration au service du lien armées-nation. L’enjeu consiste à déterminer les leviers de revalorisation du rôle des élus locaux au côté de nos forces. A-t-on une idée du budget à prévoir ? Où en sommes-nous ? À la lecture de l’actualisation de la RNS de juillet dernier, qui consacre une place importante à la résilience nationale, dans une démarche interministérielle et en lien direct avec les collectivités locales, il me semble que cet effort en faveur de l’animation de ce formidable réseau est indispensable. Comment entendez-vous poursuivre cette action et selon quel calendrier ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Je m’associe à l’hommage rendu à Patricia Mirallès dont chacun sait ici quelle a été l’implication.
Mme Alice Rufo, ministre déléguée. Effectivement, Patricia Mirallès avait lancé au printemps dernier les assises des correspondants défense (Cordef), avec l’objectif notamment de sonder les élus sur leurs missions et la façon dont nous les accompagnons. L’objectif est aussi de recueillir des propositions d’améliorations et de mieux mobiliser davantage encore ce réseau, comme vous l’appelez de vos vœux.
Un sondage a été lancé en mai 2025, auquel 10 % des correspondants défense ont répondu. Il montre que ceux-ci se sentent bien informés, s’agissant en particulier des activités mémorielles organisées dans leur département. Beaucoup sont à l’aise pour renseigner leurs concitoyens sur les journées défense et citoyenneté, mais des progrès restent à accomplir concernant leur niveau d’information sur les dispositifs territorialisés, comme la réserve ; certains rapportent se sentir insuffisamment associés aux rencontres avec nos forces armées. Nous devons y être attentifs et identifier les jalons : le congrès des maires sera ainsi l’occasion, je m’y engage, d’une rencontre ad hoc qui permettra de discuter et de prendre quelques décisions. Sur la base de ce constat, il est probable que, les élections municipales intervenant en mars prochain, nous devrons agir rapidement avec les nouveaux élus, pour mieux mobiliser, en lien avec les dispositifs qui seront annoncés.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Au-delà des relations avec les entreprises, votre présence dans vos circonscriptions est aussi nécessaire auprès des unités militaires qui s’y trouvent. Les régions ont également un rôle important à jouer. Jeudi dernier, le président de la région Grand Est Franck Leroy a ainsi signé avec le colonel Meyer une convention, avec l’idée d’un contrat armée-région. Pour entrer davantage dans le détail, je prendrai l’exemple de Suippes, où plusieurs régiments sont stationnés. La commune n’est desservie que par le bus, pas par le train. Or le bus s’arrête devant un régiment et pas devant l’autre. J’ai donc demandé à la députée Lise Magnier, avec le concours de notre délégué militaire départemental (DMD), d’utiliser cet accord pour y remédier, puisque la région est l’autorité organisatrice en matière de transports. Cette action a beau être purement pratique, elle est loin d’être inutile pour la vie des intéressés.
M. Didier Lemaire (HOR). Mesdames les ministres, au nom du groupe Horizons, je me joins à mes collègues pour vous féliciter pour vos nominations. Le projet de loi de finances pour 2026 consacre un effort inédit à la montée en puissance de notre outil de défense : + 6,7 milliards d’euros, dont une part significative vise à renforcer les ressources humaines, actives, comme de réserve avec la création de 4 400 postes de réservistes supplémentaires en 2026, nouvelle étape vers le doublement des effectifs d’ici à 2030. Cet objectif ambitieux qui participe pleinement au modèle RH voulu par la LPM 2024 2023 répond à un double enjeu : soutenir la préparation opérationnelle et retisser le lien armée nation, dans un contexte où les menaces hybrides nous obligent à accroître notre capacité de résilience nationale. Mais, selon des études récentes, la montée en puissance de la réserve se heurte malheureusement encore à plusieurs freins : contraintes professionnelles, manque de reconnaissance ou de valorisation et un turnover estimé à près de 20 % par an. Ces obstacles risquent d’affaiblir la dynamique amorcée si la fidélisation des engagés et l’attractivité de la réserve ne progressent pas au même rythme que les effectifs. Pourriez-vous préciser comment le ministère compte traduire budgétairement et concrètement en 2026 le plan Fidélisation 360, qu’il s’agisse du logement, des dispositifs de reconnaissance ou de la formation. Quelles mesures nouvelles envisagez-vous pour faciliter la conciliation entre engagement citoyen et carrière civile, notamment dans les domaines du cyber, de l’intelligence artificielle ou des langues, identifiés comme prioritaires pour nos armées ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Vous le savez, mon prédécesseur et mon ante prédécesseur avaient commencé, depuis 2020, par sous-exécuter la masse salariale et perdre des effectifs. En son temps, Florence Parly avait engagé une nouvelle approche. Sébastien Lecornu l’a résolument accentuée, après l’électrochoc de l’année 2023 et cet écart de cible de 4 000 ETP. Il a porté le plan Fidélisation 360, lancé dans un séminaire en mars 2024, voilà une petite année en somme. Cette démarche est incrémentale et partenariale parce qu’elle s’accomplit avec les collectivités, entre autres, et elle concerne évidemment les ressources humaines. Cela revient donc à parler de santé, d’infrastructures, de logement, d’emploi de conjoints, d’écoles, de garde d’enfants, bref à tout ce qui touche le quotidien des familles de militaires qui subissent la sujétion de cet engagement. Elle encapsule et réoriente différents plans, portant sur le logement ou la famille et se décline en six axes, dont l’objectif est de mieux accompagner la mobilité, d’améliorer les conditions de travail et de vie en emprise militaire, d’assurer une juste rémunération, d’individualiser les parcours et de gagner la bataille des perceptions.
Par ailleurs, le rattrapage de grille indiciaire des sous-officiers a été effectué en 2024, dans le calendrier prévu, comme seront publiées, avant la fin 2025, les grilles des officiers. L’individualisation des parcours est à l’œuvre, avec un effort sur la formation. Le rattrapage indemnitaire sur l’interministériel sera effectif en 2026 pour le service de santé des armées (SSA), avec un alignement sur la fonction publique hospitalière. Je suis extrêmement sensible à la réorganisation qu’a connue notre service de santé des armées. La situation commence à évoluer, mais le parcours sera long et nous devons encore travailler sur ce sujet majeur. Les déménagements se font désormais sans reste à charge ni avance de frais via les plateformes de déménagement et l’expérimentation en outre-mer sera prolongée en 2026. Le service de conciergerie, qui propose une offre de logement dans le parc privé, a été plébiscité lors de l’expérimentation auprès de 2 000 militaires.
Dans le domaine de la santé, c’est la constitution du réseau de bénévoles des 4 400 médecins généralistes et spécialistes dits solidaires, pilotés par la caisse militaire de sécurité sociale qui évalue l’avancement du dossier. Concernant l’emploi du conjoint, nous avons enregistré 1 109 nouveaux inscrits à Défense mobilité en 2024, pour 2 067 prestations délivrées et 885 conjoints qui ont accédé à un emploi. Je crois beaucoup au lien logement emploi. Si les personnels ont fait le choix d’habiter dans des zones très rurales, l’emploi, le logement ou les transports vers une ville moyenne deviennent en effet un sujet de préoccupation. Je suis également très sensible au célibat géographique, qui existe aussi dans d’autres fonctions publiques, dans la préfectorale par exemple, et aux conditions particulières des biactifs militaires. Ces situations spécifiques méritent d’être examinées pour répondre aux besoins des familles, sans jamais oublier la garde pour la petite enfance puisque les personnels de nos régiments n’ont souvent pas de famille là où ils sont. En l’espèce, nous avons créé 130 places de crèches ministérielles en deux ans, comprenant des offres pour les horaires atypiques, mais des progrès restent à accomplir. En tout cas, je le répète avec plaisir, les départs sont en baisse de 14 % et c’est un progrès, mais je suis parfaitement consciente qu’il faut aller plus loin.
Concernant la réserve opérationnelle, il y a des sujets de fond et de forme. S’agissant des seconds, il faut prendre en compte les problèmes administratifs pour faire face à la crise de croissance. Il convient tout d’abord de faire en sorte que toute personne faisant acte de candidature obtienne une réponse. C’est désormais le cas. Nous continuons également à assouplir les règles d’aptitudes médicales, à réduire le délai entre l’acte de candidature et la signature à dix semaines maximum et le délai de paiement de la solde à quarante-cinq jours maximum. S’agissant des infrastructures, nous consacrerons en 2026 20 millions d’euros en dépenses d’équipements afin d’améliorer les conditions d’hébergement, pour un budget d’infrastructures de 26 millions d’euros. L’idée est vraiment d’avancer.
Nous devons améliorer le lien avec les entreprises, mais aussi avec les jeunes, par le biais de Parcoursup. Pour les jeunes réservistes qui peuvent partir en théâtre d’opérations, quid de l’année scolaire ? La dernière personne dans ce cas que j’ai rencontrée a dû prendre une année de césure pour partir deux mois ; je ne suis pas certaine que tout le monde soit prêt à ce sacrifice. Je vous propose de continuer à cheminer sur ce sujet.
M. Yannick Favennec-Bécot (LIOT). À mon tour de saluer l’effort exceptionnel et légitime consenti en faveur de nos armées. Cet effort traduit notamment une attention à la dimension humaine : plus de moyens pour la formation, de meilleures conditions de vie et une politique de fidélisation indispensable à la condition des armées. Cet engagement sans précédent appelle une exigence : utiliser chaque euro à bon escient. À l’heure où l’on demande des efforts à l’ensemble des Français, l’adhésion citoyenne à un budget aussi ambitieux passe par la transparence et l’efficacité de son emploi sur tout le territoire. À ce titre, je souhaite vous interroger sur la mise en place dans les territoires des unités de réserviste de l’armée de terre. Le chef d’état-major a évoqué la création de régiments de réserve implantés dans les déserts militaires, chargés de mission de protection, d’appui aux populations et de soutien aux forces de sécurité intérieure. Pouvez-vous nous préciser comment cela s’articulera avec le tissu local et les autorités civiles et si une part de l’effort budgétaire 2026 soutiendra ce maillage territorial, facteur d’ancrage républicain, et de lien entre l’armée et la nation ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Effectivement, le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de terre, et le président de l’Association des maires de France (AMF), David Lisnard ont signé une convention de partenariat le 15 octobre dernier. L’armée de terre, avec plus de 500 implantations en France et outre-mer, est un acteur social et économique majeur. L’idée est de cultiver le lien entre l’armée et la nation en s’appuyant sur l’expérience des élus locaux lors des crises. C’est en effet à l’échelle des bassins de vie que nous devons pouvoir travailler en nous inscrivant sur le renforcement de ce lien avec une résilience territoriale.
À ce stade, nous en sommes encore aux objectifs. Nous en avons défini quatre, principalement. Le premier est une action auprès de la jeunesse. Nous voulons développer et renforcer la journée défense et citoyenneté en lui donnant une approche un peu plus militaire, de façon à revenir sur nos valeurs et sur ce que sont l’engagement et la vie militaire. Le deuxième objectif est l’ancrage territorial avec le renforcement de la présence de l’armée de terre et la possibilité de territorialiser des unités de réservistes. Nous devons donc travailler, à partir d’une cartographie, sur l’implantation de ces unités, ce qui fait partie d’un plan de renforcement de l’action de notre armée de terre. Ce plan n’est pas encore écrit et il sera intéressant que vous échangiez avec le général Schill lors de son audition afin que nous puissions avancer sur le sujet, ce qui signifie aussi entendre les attentes des élus locaux. C’est vraiment une démarche gagnant-gagnant. L’objectif suivant est de sécuriser. La gestion de crise permet de promouvoir des initiatives en matière de sécurité, de défense dans les communes. Nous avons pu constater l’hiver dernier lors de la crise Chido, combien l’armée avait été présente à Mayotte. Quatrième objectif, la collaboration c’est-à-dire un projet d’intérêt commun. Vous le savez, l’AMF a un réseau d’associations départementales, et les assemblées départementales rassemblent généralement l’immense majorité des maires du territoire. C’est donc le lieu rêvé pour échanger avec chacun des maires sur ces sujets. Nous prévoyons aussi des actions concrètes sur l’attractivité des implantations. En matière de sécurité, nous savons combien nos concitoyens sont prêts à accepter près de chez eux l’implantation de régiments. Je pense que nous pouvons travailler ensemble autour de tous ces éléments et construire l’élément supplémentaire de cet accord pour qu’il devienne réalité.
Mme Mereana Reid Arbelot (GDR). Nous avons beaucoup parlé de politique stratégique internationale, et c’est important. Je voudrais, quant à moi, porter la voix des vétérans et des travailleurs civils des essais nucléaires, et celle des outre-mer. Le 10 juin dernier, le rapport de la commission d’enquête parlementaire relative à la politique d’expérimentation nucléaire française et à l’ensemble de ses conséquences en Polynésie française, notamment à l’initiative du groupe Gauche démocrate et républicaine, définissait une série de recommandations d’ordres législatif, réglementaire et administratif.
Parmi ces recommandations, ce rapport encourage notamment la mise en place d’un dispositif proactif de recueil des archives privées auprès des civils et des vétérans sur tout le territoire national pour récupérer la masse immense de documents, écrits, photographies, films ou équipements – par exemple des dosimètres – relatifs au centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) qui dorment dans les armoires des particuliers. Ces documents sont perdus pour la recherche scientifique et historique et pourraient constituer parfois un risque pour la sécurité de l’État.
Le rapport souligne aussi le besoin d’un autre dispositif qui aurait pour vocation d’identifier les anciens travailleurs polynésiens, notamment sous-traitants du CEP, qui n’ont jamais bénéficié des pensions dues pour leur travail à l’édification et au fonctionnement du CEP, marquant aussi un manque de reconnaissance difficile à comprendre et qu’ils subissent en silence.
Le gouvernement et votre ministère en particulier sont-ils prêts à travailler sérieusement sur les recommandations dudit rapport et à accompagner des amendements allant dans ce sens lors des discussions sur le PLF ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Pour avoir été auditionnée par votre commission d’enquête, voilà bientôt deux ans, je mesure l’importance de ces sujets et nous les suivrons de près.
Mme Alice Rufo, ministre déléguée. Vous avez soulevé deux points. La mise en place d’un dispositif proactif de recueil des archives privées auprès des civils est une bonne idée et nous la soutenons. Nous y travaillerons avec vous, elle s’inscrira dans le cadre d’une démarche interministérielle en lien, évidemment, avec le gouvernement de la Polynésie française. Nous avons des suggestions à formuler pour garantir sa réussite. Ainsi, le fait que ce soit un fonds d’archives spécifique, géré par le centre de mémoire des essais nucléaires de Papeete, pourrait être un facteur de succès. En outre, des dispositifs existants peuvent également aider. Des actions avec les Archives nationales ont d’ores et déjà été mises en place à la suite de cette commission. Une convention entre le ministère des armées et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) est de plus en cours de rédaction.
Le dispositif d’identification des anciens travailleurs est une demande bien légitime, mais difficile à mettre en œuvre, du fait de l’ancienneté de la période concernée, de la dispersion des éléments d’identification. Nous y travaillons et sommes prêts à y travailler davantage. S’agissant des amendements évoqués, je réserverai ma réponse puisque je n’en connais pas la nature.
M. Bernard Chaix (UDR). Nous vivons un grand réarmement du monde. Les dépenses militaires ont triplé depuis les années 2000 et, face aux menaces qui pèsent sur l’Occident, de nombreux partenaires ont pris leurs responsabilités. Les États-Unis bien sûr, mais aussi nos alliés européens qui, en proportion, dépensent plus que nous. Je pense à la Pologne, à la Grèce et désormais à l’Allemagne. À contre-courant de ce grand réarmement, nos gouvernements n’ont cessé de couper dans le budget de nos armées. Ces choix ont des conséquences sur la place de la France dans le monde. Notre empreinte militaire se réduit et nous ne parvenons plus à peser dans les négociations de paix. C’est pourquoi, au groupe UDR, nous accueillons avec bienveillance l’augmentation des 6,7 milliards d’euros alloués à la mission Défense. Aussi, les 10 milliards d’euros supplémentaires d’autorisations d’engagement pour le programme Commandement et maîtrise de l’information montrent la détermination de se maintenir dans la course technologique. Moderniser nos capacités spatiales et cyber est devenu vital pour nos armées.
Cependant, nous appelons l’attention du gouvernement sur plusieurs difficultés. D’abord, concernant l’exécution du budget annuel, nous constatons un doublement du report de charges entre 2022 et 2025 qui a donné lieu à des retards de paiement pour nos industriels. Aussi, le remboursement des intérêts de notre dette est de 62 milliards d’euros, un poste de dépense presque équivalent à la mission Défense que vous présentez. Ainsi, sans cette dette abyssale, nous pourrions doubler les moyens de nos armées. Ouvrons les yeux : sans rigueur budgétaire, nos ambitions militaires seront toujours limitées. Dans ce contexte budgétaire contraint et sans véritable réduction de la dépense publique, comment envisagez-vous de préparer la France au nouvel objectif Otan, de consacrer 5 % du produit intérieur brut (PIB) à la défense d’ici à 2035 ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Merci d’avoir salué la montée en charge du budget porté particulièrement par mon prédécesseur, le Premier ministre. Pour être concrète et directe, je préciserai que la France dépasse en fait les 2 % de PIB depuis 2024. Nous devrions même dépasser 2,2 % en 2026.
S’agissant de l’objectif de l’Otan, chacun a reconnu qu’au-delà du pourcentage du budget, ce que la France avait mis en place avec la brigade Anne de Kyiv – accompagnement, formation, training, par exemple – devait également être pris en compte et quantifie.
Ma responsabilité vis-à-vis du président de la République, chef des armées, est de faire en sorte d’armer le pays, de lui fournir les ressources dont il aura besoin en 2030. Je le rappelle, seuls trois budgets du PLF enregistrent une hausse, le nôtre, dans des proportions très importantes, avec 6,7 milliards d’euros, la justice et l’intérieur. Il reste que nous devrons en effet engager la discussion parlementaire sur notre capacité à économiser pour dégager les ressources dont nous avons besoin.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons maintenant aux questions individuelles.
M. Frank Giletti (RN). En juin dernier, alors que se tenait le salon du Bourget, la France s’est finalement montrée déterminée à développer un drone à moyenne altitude et longue endurance (Male) 100 % souverain en contractant avec cinq entreprises françaises pour la réalisation de démonstrateurs dès 2026, démarche que je sollicitais déjà depuis plusieurs années. Or le PLF 2026 semble indiquer que la France participe toujours au programme européen dit Eurodrone dont les retards cumulés et les coûts annoncés – 7,1 milliards d’euros pour vingt systèmes – suscitent des interrogations sur sa capacité à répondre à nos besoins à l’horizon post 2030. Certes, cela exprime un besoin complémentaire au drone que nous développons souverainement, mais pour rappel, lorsque je lui posai la question devant cette même commission il y a de cela un an, votre prédécesseur se montra plutôt défavorable au maintien du projet en soulignant qu’étant donné l’année de retard encouru par l’Euromale, désormais porté à deux ans, le gouvernement ferait ce qui doit être fait. Dans ce contexte, le PLF 2026, notamment le P146, prévoit-il ou non des crédits dédiés à la tranche 26 de l’Eurodrone ? Si non, cela signifie-t-il que la France se retire du projet ? Si oui, comment justifiez-vous le maintien ou la priorité d’un engagement sur l’Eurodrone alors que vous déclarez simultanément pouvoir développer une solution souveraine ?
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Les récentes incursions de drones russes dans l’espace aérien européen ont renforcé le sentiment d’insécurité, au point qu’une récente étude montre que 80 % des Français considèrent la Russie comme une menace pour la souveraineté des pays de l’Union européenne. Face au régime du Kremlin, l’armée ukrainienne est notre première défense. L’aide militaire de la France se retrouve dans notre contribution à la Facilité européenne pour la paix (FEP). Nous bénéficions des dispositifs européens comme Safe et le règlement visant à renforcer l’industrie européenne de la défense au moyen d’acquisitions conjointes (Edirpa). Compte tenu de l’intensification des frappes russes en Ukraine et des menaces pesant sur le flan oriental, comment la France va-t-elle exprimer sa solidarité et renforcer son soutien militaire ? Je pense notamment et très concrètement en matière de défense aérienne par la livraison de SAMPT, de missiles Aster, Mistral et d’avions Mirage, ainsi que par une coopération industrielle accrue avec l’Ukraine, notamment en matière de drones et de lutte antidrones. Quelles informations pouvez-vous partager avec nous ? Est-ce budgété dans l’augmentation des crédits de la mission Défense en 2026.
M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Nous avons beaucoup parlé de drones et nous connaissons leur létalité sur les champs de bataille. Chaque nuit, sur le sol ukrainien, nous constatons l’importance que cet outil revêt. Nos territoires nationaux sont aussi concernés. Nous savons que nous devrons développer de nouveaux systèmes de défense, de lutte antidrones. Nous avons remis un rapport d’information sur la LPM, avec mon collègue Yannick Chenevard, sous la présidence de M. Jacques, qui montre que ces équipements sont en retard sur le volet naval. Dans la longue liste que vous avez présentée dans vos propos liminaires, vous n’avez pas évoqué de nouveau système antidrones. J’aurais donc souhaité connaître, en raison de l’impact que cela a sur nos populations et de l’importance que revêt la lutte antidrones sur nos territoires, les outils que vous comptez développer.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Prévu pour évoluer en Europe, depuis l’Europe, dans un environnement plutôt permissif, l’Euromale est clairement en décalage avec ce que le marché des drones Male peut offrir. Ce programme est complexe et cher. La décision n’est pas encore prise, mais une réflexion est en cours à ce sujet.
Concernant le soutien à l’Ukraine, la valorisation des matériels cédés à l’Ukraine s’élève à plus de 3 milliards d’euros depuis le début du conflit, en 2022. Nous verrons en fin d’année ce qui relève de la FEP, des coûts de formation, des recomplètements de cession non prévus par la LPM. C’est d’ailleurs tout le sens de son article 4. Évidemment, l’aide ne se mesure pas qu’en euros ou en matériel cédé. J’ai ainsi fait allusion aux efforts de formation des militaires ukrainiens, en évoquant notamment la brigade Anne de Kyiv. Nous formons tous les jours en France, en Pologne, dans soldats, des pilotes. Nous avons déjà formé 19 000 militaires ukrainiens. L’aide française, c’est aussi un engagement politique. À cet égard, l’action du président de la République n’a échappé à personne et dès jeudi, il participera au Conseil européen où le soutien à l’Ukraine sera encore au cœur des discussions. Cela étant, je ne vous cacherai pas que nous parvenons au bout de la logique des cessions. Il faut donc nous tourner vers une logique de partenariats industriels, chercher de nouveaux modes de financement. Nous avons engagé du crédit politique pour obtenir des financements pour l’Ukraine, notamment dans le cadre du G7 pour prendre le relais du budget. Les Ukrainiens doivent s’en servir pour pouvoir financer leur effort de guerre.
Quant à la lutte antidrones, les drones sont incontournables pour observer les conflits et savoir les utiliser est indispensable, mais il s’agit aussi, en effet, de savoir comment nous en protéger. La lutte est complexe, il faut donc innover. La LPM prévoit 5 milliards d’euros pour la défense sol-air et la lutte antidrones. La surmarche amplifiera cette dynamique, avec 2 milliards d’euros supplémentaires. Par exemple, vingt-quatre Serval de lutte antidrones seront acquis.
Mme Alexandra Martin (DR). Le 9 avril dernier, avec mon collègue Frédéric Boccaletti, nous avons présenté devant cette commission les conclusions de notre mission flash consacrée à la sensibilisation de la jeunesse à l’esprit de défense. Il est en effet impératif que la France renforce non seulement ses capacités militaires, mais aussi la cohésion, la résilience et la conscience civique de sa population, et en particulier de sa jeunesse. Nous avons donc formulé une proposition structurante : la création d’un parcours de citoyenneté à la culture de défense renforcée, qui débuterait dès le collège et se conclurait par un service national, à la majorité, soit militaire volontaire, soit civil obligatoire, avec notamment l’instauration d’un cours obligatoire de culture citoyenne et défense en remplacement de l’enseignement moral et civique (EMC) ou encore la formation accrue des enseignants, un recensement obligatoire ou la création de sections d’excellence défense et sécurité nationale dans les lycées. Outre que nous serions ravis de vous présenter ce rapport, dans quelle mesure pourriez-vus intégrer ces propositions dans les trois piliers présentés précédemment ?
M. Frédéric Boccaletti (RN). L’atout majeur qu’est l’étendue de notre zone économique exclusive (ZEE) peut devenir une faiblesse si nous n’assurons pas pleinement notre souveraineté. Aujourd’hui, la ZEE sert de zone de transit pour des trafics, notamment de stupéfiants, et subit une multitude de prédations. Sa protection exerce une pression considérable sur des capacités navales déjà au bord de la rupture. Nous souhaitons savoir où en est le ministère dans le déploiement des drones navals pour la surveillance de ces espaces ainsi que dans le développement des technologies de rupture. Nous observons l’abandon de la dixième tranche du programme Patrouilleurs hauturiers et sentons venir l’abandon des tranches 8 et 9. Pensez-vous sérieusement que l’on puisse se permettre de jouer avec la cible fixée par la LPM pour 2035, qui était déjà calibrée au plus juste ? Enfin, la lutte antimines revient sur le devant de la scène, notamment en mer Noire. Pouvez-vous nous confirmer que les délais de lancement de l’étape 2 du programme de système de lutte anti-mines navales futur (Slam-F), déjà retardé de quatre ans, seront enfin tenus ?
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Nous avons beaucoup parlé de matériel et de technologies, mais ce ministère repose d’abord sur des femmes et des hommes très engagés, qu’ils soient civils ou militaires, et nous avons besoin d’eux. Vous l’avez dit, nous avons aussi besoin de réservistes puisque le pilier important à venir sera aussi la réserve opérationnelle.
Sur le service militaire, il existe aujourd’hui un service militaire volontaire avec sept centres en France, qui sont en fait des services d’insertion sociale et professionnelle, tout à fait efficaces et qu’il nous faut poursuivre. Mais j’imagine que vous ne parliez pas de ce type de services en évoquant le service militaire. Une structuration ou une architecture sont-elles en cours d’élaboration ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Le lien entre la nation et la jeunesse, redonner un sens collectif à la notion d’engagement, c’est précisément l’objet du mandat que mon prédécesseur a confié au général Pierre-Joseph Givre, le directeur du service national et de la jeunesse pour rénover la JDC. Celle-ci vise à insister précisément sur la notion de militarité, qui avait été effacée au fil des années. Ce nouveau format est généralisé depuis le 1er septembre 2025. Il y a des cérémonies des couleurs, des tests, notamment pour détecter l’illettrisme, une mise en condition de repas en rations militaires, de l’immersion dans la réalité virtuelle du tir et une approche républicaine. Elle se déroule en outre au sein de formations militaires. La logique est donc de rapprocher les jeunes de nos régiments pour faire vivre ce lien durable. D’ailleurs, nous utiliserons des outils que les jeunes apprécient et notamment une application mobile. Tout cela doit évoluer en permanence. En tout cas, je prends l’engagement de vous recevoir et de lire votre rapport, madame la députée.
Concernant les études d’innovation sur l’utilisation des drones de surface et sous-marins, la surmarche prévoit la livraison de drones navals. Quant à la guerre des mines, des solutions innovantes sont à l’étude pour éviter la rupture de capacité parce que nous avons évidemment besoin d’une réponse sur le sujet.
Enfin, Madame Darrieussecq, je connais votre attachement à ce ministère, dans lequel chacun se souvient de votre action. Le président de la République nous a demandé de travailler à un engagement renforcé. L’idée est de repenser le modèle d’armée et de retrouver l’engagement de notre jeunesse sur la base d’un volontariat individuel et des besoins opérationnels des armées. En d’autres termes, nous ne sommes pas dans la logique des Établissements pour l’insertion dans l’emploi (Epid), portés plutôt par le ministère du travail et le ministère de la ville, qui consistent à accueillir des jeunes en rupture et à les aider à redémarrer leur parcours de vie. Nous cherchons plutôt un vivier supplémentaire de forces mobilisables pour nos armées, avec une montée en puissance progressive entre 2026 et 2030, budgétée afin de garantir son réalisme et sa soutenabilité. Le ministère des armées pilotera cette action. L’idée est vraiment d’avoir une gouvernance autour du service militaire sous la responsabilité du ministère des armées et un service civique sous la responsabilité du ministère de l’intérieur. C’est ainsi que nous améliorerons concrètement notre attractivité pour renforcer nos armées. Tout ce qui relève du cyber pourrait par exemple attirer de jeunes ingénieurs. L’approche internationale pourrait également être renforcée. Nous travaillerons dans cet esprit pour répondre à la commande du président de la République.
Mme Michèle Martinez (RN). Ma question s’adresse à Mme Rufo. Madame la ministre, nous ne critiquons jamais les fonctionnaires. Aussi, quand vous étiez directrice générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), nous ne vous tenions pas pour responsable des actions entreprises par cette direction pour bâtir une Europe de la défense qui ne repose sur rien et qui ne mène à rien. Ou plutôt si, qui mène à ce que la quasi-totalité des États membres de l’UE achète encore plus de matériel militaire américain.
Désormais, vous êtes comptable de ce projet idéologique mortifère puisque vous avez été nommée pour cela. Avec Emmanuel Macron, vous prétendez que l’Europe renforce notre sécurité et que la France a intérêt à céder toujours plus de souveraineté à Bruxelles. Mais votre Europe de la défense se résume à cette terrible photographie des dirigeants européens, alignés en rang d’oignons dans le bureau ovale.
Vous abdiquez sur tout : un commissaire nommé sur la défense en contradiction flagrante avec l’article 4 du Traité sur l’Union européenne (TUE), des programmes pour l’industrie européenne de la défense Edip et ReArm Europe qui permettront de remplir les carnets de commandes américains, renforçant notre dépendance stratégique. L’Allemagne nous piétine avec le système de combat du futur (Scaf) et l’avion de chasse de sixième génération (NGF), mais le budget qui nous est présenté ose définir comme cible le lancement…
Quand allez-vous arrêter de dépenser l’argent des Français pour vendre votre défense à Bruxelles ?
M. Thibaut Monnier (RN). Je commencerai mon propos en convoquant le stratège athénien Thucydide : « la force de la cité ne réside ni dans ses remparts ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses citoyens ». Ayons à l’esprit que la capacité à vaincre est aussi fonction du surcroît de combativité et de l’aptitude au sacrifice de nos soldats. Et cette aptitude dépend d’une condition cardinale : que chaque militaire ait l’assurance de la juste reconnaissance de la nation pour le sacrifice consenti. Vous l’avez dit d’ailleurs, il faut savoir réparer les conséquences de leur sacrifice. Madame la ministre, j’attire votre attention sur une profonde injustice qui frappe nos militaires qui décèdent par accident pendant un entraînement ou lors d’un exercice militaire de haute intensité sur le territoire national. Ils sont laconiquement attributaires de la mention « mort en service », une mention administrative qui fait fi des circonstances particulières de leur décès, une mention qui ne protège pas dignement ni leur famille ni leurs enfants. Afin de réparer cette injustice, nous avons déposé une proposition de loi transpartisane qui prévoit que tout militaire qui trouve la mort par accident lors d’un exercice ou d’une préparation de haute intensité soit reconnu comme mort pour le service de la nation, que son conjoint bénéficie d’une pension de réversion à taux plein et que ses enfants soient enfin reconnus pupilles de la nation. Quelle est votre position sur cette évolution nécessaire ?
M. Romain Tonussi (RN). Le dispositif des maisons Athos constitue une avancée pour la réhabilitation des militaires blessés psychiques. Mais alors que les précédents gouvernements s’étaient engagés sur un objectif de dix maisons d’ici à 2030, le projet de loi de finances pour 2026 ne prévoit aucune hausse de crédits. La dotation demeure limitée à 6,08 millions d’euros, correspondant au simple transfert des financements de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre vers l’Igesa (Institution de gestion sociale des armées) en raison du changement de gouvernance. Or le coût annuel moyen d’une maison avoisine 1 million d’euros. Dans ces conditions, l’objectif annoncé semble difficilement atteignable.
Par ailleurs, nous ne disposons toujours pas d’indicateurs publiés sur la capacité d’accueil, les délais d’accès, la répartition interarmées ou le taux d’occupation des structures existantes. Pouvez-vous nous préciser quelle trajectoire financière le ministère compte suivre pour atteindre les dix maisons prévues, et comment il envisage d’améliorer la transparence du suivi de ce dispositif ?
Mme Alice Rufo, ministre déléguée. Madame la députée Michèle Martinez, je vous remercie pour le respect que vous avez eu pour moi lorsque j’étais haute fonctionnaire ; il est profondément partagé de ma part pour les élus que vous êtes.
Non, la défense de l’Europe n’est pas mortifère – je ne vous suivrai pas sur ce point. Oui, c’est un problème si les financements additionnels européens ne font que financer du matériel sur étagère américain. L’Europe, pour soutenir l’Ukraine dans la durée et pour se réarmer, doit posséder une industrie forte. Vous trouverez difficilement plus vocal que la France sur la préférence européenne ; nous sommes parfois un peu seuls en Europe sur ce sujet mais nous continuerons de nous battre. Je le faisais en tant que fonctionnaire, et je continuerai en tant que ministre.
Les dirigeants européens se sont rendus à Washington avec le président Zelensky parce que les États-Unis doivent faire pression sur la Russie pour parvenir à un cessez-le-feu en Ukraine – si l’on pouvait faire confiance à la Russie pour entamer des négociations de paix, cela se saurait. Le soutien des partenaires européens pour obtenir l’arrêt de la guerre est important mais les États-Unis peuvent également agir utilement. C’est un élément de réponse, même si je sais que vous ne serez pas d’accord.
S’agissant du commissaire européen à la défense, nous sommes très vigilants sur les compétences de la Commission européenne et des États membres. Nous pensons que la Commission n’a pas de compétence en la matière car cela relève des États membres. Telle est la position que nous défendons à Bruxelles, notamment sur le sujet du contrôle export.
Le soutien à l’industrie française et européenne était la priorité de mon ministre lorsque j’étais DGRIS, et elle l’est toujours pour la ministre dont je suis désormais la déléguée. Nous défendons la souveraineté française et européenne parce que c’est la seule solution pour affronter un monde où la Russie, les États-Unis, la Chine et d’autres encore accélèrent considérablement. Si nous voulons nous battre à l’échelle, nous devons le faire dans le respect de la souveraineté française et des compétences des États, mais il faut le faire vite et à plusieurs.
Monsieur le député Thibaut Monnier, je partage votre préoccupation sur la reconnaissance du sacrifice consenti. Je vous demande de l’indulgence parce que je n’ai pas encore eu l’occasion de me plonger complètement dans ces sujets. Néanmoins, si chacun doit être reconnu à sa juste valeur, il faut aussi conserver des différences entre les approches pour que l’on sache ce que l’on reconnaît. Je reviendrai vers vous sur cette question ; si vous avez des propositions à faire, nous les étudierons.
Concernant les maisons Athos, je peux vous dire à ce stade que les grands équilibres sont maintenus dans le budget. Je prends seulement connaissance du dossier et je vais très vite me rendre dans l’une d’elles pour voir ce qui marche, ce qui ne marche pas et ce qui doit être amélioré. La mission que m’a donnée la ministre, c’est de faire en sorte que cela fonctionne et que cela soit consolidé. Nous ferons donc le nécessaire pour y parvenir. Je reviendrai vers vous sur cette question.
M. Damien Girard (EcoS). En février 2025, Sébastien Lecornu a confirmé l’objectif de dix-huit frégates de premier rang pour la marine nationale. Le format actuel, limité à quinze bâtiments, est en effet trop contraignant, alors même que nous connaissons une phase de conflictualité accrue à l’échelle internationale. Or le projet de loi de finances pour l’année 2026 ne retranscrit pas cet engagement de votre prédécesseur devenu premier ministre.
Pourtant, des solutions capacitaires réalistes existent afin de concilier ambition opérationnelle et soutenabilité économique. Je citerai l’exemple de la stratégie industrielle volontariste de nos voisins italiens : dans une logique de soutien à l’export, ils ont surdimensionné leur flotte en produisant des bâtiments immédiatement disponibles pour des clients étrangers, tout en les mettant à disposition de leur propre marine dans l’attente de la conclusion de ces contrats.
Faut-il comprendre que vous revenez sur l’objectif des dix-huit FDI (frégates de défense et d’intervention) annoncé par Sébastien Lecornu ? Pourquoi ne pas opter pour une stratégie de coques blanches, qui offrirait des marges de manœuvre stratégiques et budgétaires tout en soutenant l’industrie navale de défense ?
Mme Anne-Laure Blin (DR). La dissolution de plusieurs régiments du génie en France s’inscrit dans un contexte de transformation des armées, de réduction budgétaire, de restructuration capacitaire et de réorganisation stratégique. Face à l’instabilité, au retour des conflits de haute intensité et à l’accélération technologique, il est nécessaire d’adapter nos capacités. Le génie militaire est en première ligne dans la mobilité, le déploiement, la logistique et la sécurisation des forces. Quelles priorités capacitaires donnez-vous à cette composante essentielle de notre armée ?
L’économie de guerre passe aussi par une bataille bureaucratique. Il faut améliorer l’efficacité publique pour nos entreprises d’armement. Alors que vous avez rappelé votre attachement à nos entreprises de territoire, quelles mesures concrètes de simplification avez-vous identifiées pour leur permettre d’accélérer le développement du matériel et leur adaptation aux enjeux actuels ?
Mme Delphine Lingemann (Dem). J’appelle votre attention sur le rôle central des transmissions et du cyber dans la réussite de la trajectoire de la loi de programmation militaire et sur la nécessité de maintenir la surmarche budgétaire pour accompagner ces transformations.
L’objectif de la division 27, capable de déployer 10 000 à 12 000 hommes en trente jours au plus haut standard, suppose une interopérabilité totale avec nos alliés. Dans cet engagement en coalition, les transmetteurs sont au cœur de la manœuvre : ce sont eux qui raccourcissent la boucle opérationnelle et garantissent la supériorité informationnelle.
Je voudrais saluer le travail exemplaire du 28ᵉ régiment de transmissions d’Issoire, qui a développé un kit d’hybridation intégrant des solutions comme OneWeb. Cette innovation, primée par le grand commandement des transmissions, doit désormais passer à l’échelle. Il en faudrait 500 pour équiper l’ensemble de l’armée de terre. Comment le ministère entend-il accompagner ce passage du prototype à l’industrialisation, en lien avec nos partenaires de la base industrielle et technologique de défense, pour que cette innovation de terrain irrigue l’ensemble des forces ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. La LPM consolide l’objectif de quinze frégates, les trois supplémentaires étant prévues dans une LPM postérieure à 2030. Le projet de coques blanches n’a pas retenu l’attention parce qu’il serait coûteux, raison pour laquelle, à ce stade, il n’est pas notre priorité.
Concernant la simplification, le projet de loi d’actualisation de la LPM comportera des mesures visant à accélérer la production et à réduire les délais. Parmi les sujets dont nous devons discuter avec l’ensemble des entreprises de la BITD figurent les engagements de fourniture qui peuvent être pris pour que nos commandes soient livrées dans un délai plus court. C’est bien de faire du rehaussement capacitaire mais, très concrètement, nous avons besoin de maîtriser le calendrier des livraisons.
S’agissant du génie, la surmarche prévoit une augmentation du nombre des moyens de bréchage et de franchissement sur des espaces de 300 à 2 500 mètres, avec des camions permettant de poser des ponts de 12 mètres plus 12 mètres, soit 24 mètres en tout. Sur les théâtres d’opérations, ces véhicules constituent un réel atout.
Le ministère soutient l’innovation en accompagnant la BITD du prototypage à l’industrialisation. Le sourcing est assuré par l’Agence de l’innovation de défense, en lien étroit avec les forces. Il est prévu 1,8 milliard de commandes en 2026, avec des experts dans les forces et à la DGA pour capter ces innovations. J’en reviens à nos fameux experts dans les préfectures et à la connaissance que nous avons tous, dans nos territoires, d’entreprises disposant d’une capacité de passage à l’échelle. De même, nous pouvons faire appel à des jeunes talents dans le cadre du service militaire volontaire.
Le ministère des armées consacre enfin 200 millions à l’industrialisation au travers du fonds Innovation défense. Il dispose également d’une capacité à investir dans les entreprises prometteuses afin d’accompagner leur passage à l’échelle. Vous le voyez, les notions d’offre et de demande sont très importantes pour nous.
M. Édouard Bénard (GDR). En l’état actuel de la loi Morin, les ayants droit des victimes des essais nucléaires perdront au 31 décembre 2025 la possibilité de déposer un dossier de demande d’indemnisation pour un parent décédé. Un amendement a été adopté au Sénat en 2024 mais il était, semble-t-il, incomplet et n’a pas résolu ce problème. Afin de remédier à cette situation, le groupe GDR déposera un amendement au prochain PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) visant à instaurer une prescription décennale, à l’instar du régime existant pour l’amiante. Madame la ministre, nous soutiendrez-vous dans cette démarche en faveur des ayants droit ?
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Ma première question concerne la filière munitionnaire. La seule usine de production de munitions de 155 millimètres en France, située à Tarbes, a été reprise en 2021 par une entreprise, Europlasma, un serial repreneur en grand danger financier qui pratique une véritable cavalerie budgétaire. J’alerte sur ce sujet depuis trois ans et je le fais à nouveau devant vous. J’aimerais savoir si vous êtes prêtes à nommer, par exemple, un commissaire ou un ingénieur de l’armement pour s’assurer du suivi et de la mise en œuvre des engagements pris par Europlasma.
Ma deuxième question porte sur la lutte contre les ingérences et, une fois n’est pas coutume, la protection des parlementaires. Mon collègue Carlos Martens Bilongo a fait l’objet d’une manipulation, vraisemblablement ourdie par les Émirats arabes unis, reposant sur une fausse dénonciation auprès de Tracfin. Est-il prévu d’agir en direction des puissances étrangères qui pourraient avoir l’intention de nuire aux parlementaires ? Avons-nous des moyens et la volonté de mener des actions qui préservent notre intégrité ?
M. Laurent Jacobelli (RN). Il n’y a pas de plus beau combat que celui mené pour la France. En tant que rapporteur pour avis du budget du monde combattant, je souhaite appeler votre attention sur deux sujets qui, selon moi, constituent des affronts pour ceux qui ont tout donné à la patrie.
Tout d’abord, la revalorisation du point de PMI n’est pas prévue dans le budget pour 2026. Cette absence de revalorisation expose ceux qui ont payé si cher le prix de l’engagement national à une perte de pouvoir d’achat et, pour certains, à la précarité. Nous demandons solennellement la revalorisation du point PMI, au moins à hauteur de l’inflation. C’est une question de justice et de reconnaissance, mais surtout d’honneur. Il s’agit pour nous d’un sujet majeur.
Une autre mémoire mérite, elle aussi, davantage de respect : celle des harkis. Lors de mon déplacement à Rivesaltes, j’ai pu constater que le mémorial qui leur était consacré était détourné de son objet initial par la gauche, qui en assure la gestion, avec toutes sortes de manifestations chères à son idéologie mais reléguant la mémoire des harkis au rang de simple variable d’ajustement, comme s’il s’agissait d’une mémoire de seconde zone. C’est inacceptable.
Que comptez-vous faire sur ces deux points majeurs, qui ne sont pas à la hauteur du respect que nous devons à ceux qui ont tout donné pour notre pays ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Concernant Les Forges de Tarbes, nous suivons les investissements dans la BITD avec Bercy. Nous travaillons en lien étroit avec l’entreprise et son investisseur pour faire en sorte que les intérêts de la France soient respectés. Je ferai un point avec les autorités locales pour regarder ce que nous pouvons faire.
Amélie de Montchalin a répondu à votre collègue Carlos Martens Bilongo lors des questions au gouvernement. D’après les éléments qu’elle a fournis cet après-midi, une enquête a été ouverte après un signalement auprès de Tracfin. Sous le contrôle de l’autorité judiciaire, les services enquêteurs continueront à suivre le dossier.
Mme Alice Rufo, ministre déléguée. Concernant la loi Morin, l’amendement adopté au Sénat en janvier 2025 vise à prolonger jusqu’au 31 décembre 2027 la possibilité de déposer des dossiers de demandes d’indemnisation. Une mission a été mise en place par le haut-commissariat, qui s’appelle Aller vers, afin d’accélérer le rythme des dépôts de dossiers et de garantir que toutes les personnes qui peuvent légitimement demander une indemnisation auront pu le faire. Il va de soi que nous sommes ouverts à la discussion sur ce sujet si important.
S’agissant de la revalorisation du point PMI, nous n’en sommes qu’au début de la discussion, notamment sur le rapport à l’inflation. Je ne suis pas en mesure de vous dire aujourd’hui quel est le meilleur dispositif d’indexation, mais j’ai tout de même l’impression que le dispositif actuel présente des avantages ; je ne voudrais pas remettre en cause ce qui marche. Vous avez eu raison de rappeler, monsieur le rapporteur, qu’il s’agissait d’une question de reconnaissance : c’est même un honneur pour nous de verser la PMI. Je sais la revendication des associations en la matière. Je ne voudrais pas faire d’erreur sur un sujet aussi important. Il faut donc continuer d’y travailler.
Concernant les harkis, j’ai rappelé dans mon propos liminaire tout le travail qui avait déjà été accompli. J’ai également indiqué qu’il fallait porter plus d’attention à la mémoire des harkis. Au-delà du sujet, très important, de la réparation se pose la question de la mémoire. Je ne connais pas encore le site de Rivesaltes mais j’irai le visiter. Je sais que, dans cette commission, il y a déjà eu des débats sur un projet de fondation ou de fondation abritée. Nous devons poursuivre ensemble ces discussions.
M. Frank Giletti (RN). Je me fais le porte-parole de tous les rapporteurs, qui voient leurs conditions de travail se dégrader : le PAP (projet annuel de performances) devient de plus en plus indigent ; les questionnaires, pourtant envoyés avant le 10 juillet, ne reçoivent que peu de réponses – pour ma part, j’en ai envoyé soixante-dix mais n’ai reçu que quarante et une réponses, dont une quinzaine ces dernières heures – en dépit des relances de notre président ; les chiffres sur la disponibilité technique et sur la disponibilité technique opérationnelle qui, il y a trois ans, étaient publics, sont depuis deux ans en « diffusion restreinte » – nous ne les avons toujours pas. Convenons ensemble que ce ne sont pas de bonnes conditions pour travailler, sachant que les rapports devront être présentés dans une semaine. Je pense à nous mais également aux administrateurs, eux aussi confrontés à ces difficultés.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Monsieur le député, j’ai bien noté que vous avez parlé au nom de l’ensemble des rapporteurs. Sur ce sujet majeur, je vous indique que les les chiffres sur la disponibilité opérationnelle ont été transmis à votre président de commission. Ils sont donc consultables auprès de lui.
Concernant les questionnaires, toutes les réponses sont parties aujourd’hui. Je suis très consciente que la volatilité à laquelle nous assistons ne facilite pas les choses. Nous nous tenons à votre disposition autant que de besoin pour vous aider à effectuer le travail qui est le vôtre.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous confirme que nous les avons reçus cet après-midi et qu’ils sont consultables.
Je vous remercie, mesdames les ministres, pour vos réponses fournies à nos questions.
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La commission a entendu M. le général d’armée aérienne Fabien Mandon, chef d’état-major des Armées, sur le projet de loi de finances 2026 (n° 1906), au cours de sa réunion du mercredi 22 octobre 2025.
M. le président Jean-Michel Jacques. Mon général, nous vous accueillons aujourd’hui pour la première fois au sein de notre commission en tant que chef d’état-major des armées (CEMA), une fonction que vous occupez depuis le 1er septembre dernier. Vous étiez auparavant chef de l’état-major particulier du président de la République et vous succédez au général Burkhard, auquel je tiens à rendre un hommage appuyé. Il s’est en effet attaché à renouveler la vision stratégique de l’armée française, notamment avec son célèbre triptyque « compétition-contestation-affrontement ». Il a également poursuivi l’ambition principale de transformer les armées, dans la perspective d’un engagement de haute intensité. Il a fortement contribué à ce que la France dispose aujourd’hui de l’armée la plus efficace et opérationnelle en Europe, une armée dont l’arme essentielle repose sur ses valeureux soldats.
Dans votre premier ordre du jour, vous avez appelé à l’initiative et la prise de risque, en précisant que l’immobilisme ou le relativisme ne seront pas acceptés, dans la perspective de combats contre des adversaires plus massifs. Vous notez également que nous devons être craints pour être respectés. Vous vous faites ainsi l’écho des propos du président de la République en juillet dernier, quand il affirmait avec une conviction forte : « Pour être libres dans ce monde, il faut être craints. Pour être craints, il faut être puissants ».
Nos armées constituent un élément déterminant de cette puissance. Depuis 2017, nous défendons cette ambition, qui consiste à garantir à la France son autonomie d’analyse, de décision et d’action, conserver une dissuasion nucléaire robuste et crédible, ainsi qu’un rôle de puissance d’équilibre et de nation cadre au sein d’une coalition. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026, qui prévoit un budget de la défense en hausse de 6,7 milliards d’euros par rapport à 2025, s’inscrit dans cette ambition et l’accélère.
Chacun doit être conscient que la préservation de la paix, de notre modèle de société et de notre liberté dépend plus que jamais du budget que la nation consacre à la défense de ses intérêts et à la protection de la démocratie. Mon général, comment envisagez-vous d’assurer l’application intégrale de la marche de la loi de programmation militaire (LPM) et de sa surmarche, en garantissant la transformation et la modernisation de nos armées ? En d’autres termes, comment sera utilisé le budget consacré à la préparation et l’emploi des forces, ainsi qu’à leur équipement, à travers deux programmes de la mission défense, le 178 dont vous êtes le responsable et le 146 dont vous êtes co-responsable ?
M. le général d’armée aérienne Fabien Mandon, chef d’état-major des armées. Je suis à la fois honoré d’effectuer ma première intervention devant votre commission, mais aussi conscient de la responsabilité qui est la vôtre et votre rôle de représentants de la nation. Il me paraît en effet fondamental de faire preuve d’une très grande transparence et de pédagogie auprès de nos concitoyens au sujet des enjeux de défense.
En prenant mes fonctions de chef d’état-major des armées, je mesure à quel point la responsabilité est immense, à la fois en raison du contexte, mais aussi parce que notre société consacre de grands efforts pour sa défense, depuis des années. Dès 2026, un effort supplémentaire est prévu. Je tiens ainsi à profiter de ce moment de présentation du projet de loi de finances pour 2026, pour partager avec vous les éléments qui m’ont conduit à donner un cap aux armées pour le très court terme, sans pour autant renoncer au temps long.
En effet, le constat d’urgence est aujourd’hui partagé. L’évolution du contexte a été parfaitement décrite dans les revues stratégiques successives. La guerre se poursuit sur notre continent. Le conflit déclenché par la Russie en Ukraine affecte l’Europe et notre sécurité, en raison de la grande proximité géographique et de la rivalité stratégique. On peut tous espérer que cette guerre s’arrête. Tout le monde s’efforce d’œuvrer à l’arrêt de la guerre. Mais s’il intervient, sera-t-il définitif ? En 2008, la Russie menait une première attaque en Géorgie, puis ciblait la Crimée en 2014, avant de procéder à une nouvelle attaque en 2022 contre l’Ukraine. Je ne peux pas penser que c’était la dernière.
Formuler le pari que de telles guerres n’interviendront plus sur notre continent revient à refuser de voir une partie du risque qui pèse sur nos sociétés. La mécanique est assez simple. L’Ukraine résiste aujourd’hui vaillamment face à une Russie qui poursuit consciencieusement, malgré les espoirs de dialogue, un effort de guerre sur le terrain. Celui-ci se manifeste par des bombardements massifs du territoire ukrainien, de ses populations, de ses villes. L’industrie russe fait l’objet de toutes les priorités du pouvoir pour se durcir. Aujourd’hui, la capacité de production industrielle russe est largement supérieure à celle des pays européens dans des domaines critiques, notamment ceux des munitions et des équipements clés.
Les Russes produisent très vite et profitent de l’expérience de trois ans de guerre. Ils ont appris et se réorganisent, dans l’objectif clair d’être capables d’affronter l’Otan. Même si un accord de paix intervient, la Russie continuera de s’armer pendant des années. Ensuite, pour la première fois, des alliés de l’Otan ont tiré sur des objets militaires russes qui avaient franchi les frontières de l’Otan. Des drones ont passé la frontière en Pologne et en Roumanie, ont survolé le Danemark, des MiG ont traversé l’espace aérien estonien. Nous assistons très clairement à une désinhibition du recours à la force, une désinhibition de l’intimidation. Des actions, notamment hybrides, sont menées pour essayer de fragiliser nos sociétés, de saper notre solidarité, notre unité.
Mais les menaces vont bien au-delà de la seule Russie. La menace terroriste reste présente et nous restons très attentifs aux évolutions en cours au Proche-Orient et au Moyen-Orient, où la Syrie tente de se stabiliser. Les groupes terroristes ont repris des forces, ont migré vers le continent africain, où des États sont aujourd’hui en grande difficulté pour contrôler leur territoire face à des groupes djihadistes ou inspirés de Daech.
Nous observons également un effet de contamination : les techniques utilisées sur le front entre l’Ukraine et la Russie sont reprises dans des luttes indirectes entre puissances. Des terroristes utilisent aujourd’hui des drones comme des combattants ukrainiens ou des combattants russes pourraient le faire sur le front.
Au Proche et Moyen-Orient, de nombreux fronts ont été ouverts après les terribles attentats dont a souffert Israël en octobre 2023. La riposte militaire a conduit à une situation humanitaire absolument catastrophique à Gaza et le Liban essaye de renforcer sa sécurité; nous sommes présents sur place. Ensuite, si les affrontements entre Israël et l’Iran se poursuivaient, ils pourraient déstabiliser la région. Le commerce maritime est également une cible dans la zone. Notre Marine nationale a ainsi ouvert le feu à de nombreuses reprises en mer Rouge, afin de pouvoir protéger des navires de commerce.
Plus à l’est, le grand défilé militaire organisé par la Chine début septembre a marqué les esprits par la discipline affichée et les matériels exposés, avec notamment des missiles de très longue portée, des drones de tous types. Ces équipements reflètent bien le passage du « Made in China » au « Made by China », reflétant une qualité de production d’équipements qu’il faut absolument prendre en compte. Dans cette rivalité entre les Etats-Unis, la question est de savoir à quel moment cette grande puissance démographique économique, qui affirme un leadership international différent, utilise sa puissance militaire et décide de passer à une autre approche du monde. Les Chinois font à la fois preuve d’un grand professionnalisme, mais également d’une volonté de redéfinir les règles internationales. La France, par son action militaire, rappelle en permanence son attachement au respect des règles internationales.
Nos Outre-mers sont encore plus affectés que l’Hexagone par les effets du changement climatique, les défis environnementaux. Ici aussi, l’action des armées est majeure. Nous l’avons démontré après le cyclone Chido à Mayotte, en acheminant très rapidement des soins et des produits de première nécessité pour la population. Sur le plan très concret, nous avons utilisé les capacités spatiales disponibles pour communiquer : elles n’étaient pas européennes.
En Afrique, si la France a changé son approche, les défis demeurent toujours aussi importants. Nous l’avons observé au Sahel, à travers les mouvements d’une jeunesse qui fait état d’autres aspirations.
En résumé, il existe un risque évident sur notre sécurité dans différents domaines. À ce titre, nos partenaires doivent jouer un rôle clé, au premier rang desquels figurent les États-Unis. Depuis mon arrivée en poste, j’ai eu l’occasion de discuter avec le chef d’état-major des armées américain, mais aussi avec le commandeur suprême pour l’Europe à l’Otan, qui est également le responsable des forces américaines en Europe. Ces partenaires font part de leur volonté de rester des alliés très proches, conscients des défis à l’échelle du monde, et conscients que leur sécurité dépend aussi d’une Europe forte. Ils estiment qu’il existe un alignement, déjà à l’œuvre, entre la Corée du Nord, la Chine, la Russie et l’Iran. Seuls, ils ne peuvent pas faire face à l’ensemble de cette puissance rassemblée.
Cependant, depuis la présidence d’Obama, une bascule vers d’autres priorités que l’Europe, en direction de l’Asie, est intervenue du côté américain. Les Américains nous demandent de prendre nos responsabilités, depuis plusieurs années. Dans le cadre de la discussion sur les garanties de sécurité pour l’Ukraine, les Européens ont ainsi montré qu’ils étaient capables de fournir des réponses par eux-mêmes. Telle est la dynamique que nous essayons d’établir autour de l’axe franco-britannique, dans le cadre de la « coalition des volontaires ». Un état-major réunit au Mont Valérien de nombreux pays européens qui réfléchissent ensemble à la manière de sécuriser l’Ukraine. Mais au-delà de l’Ukraine, c’est la sécurité de l’Europe qui est en jeu et cela se fait sans les Américains.
Simultanément, nous devons intégrer l’incertitude provoquée par le président américain, dans sa façon de gérer les affaires du monde. Je ne porte pas de jugement sur cela. Je constate néanmoins que les Américains nous demandent de prendre nos responsabilités, de constituer une Europe forte pour les aider face aux défis futurs. Aujourd’hui, la France est très écoutée en Europe, parce qu’elle possède une crédibilité militaire importante et qu’elle est attendue pour montrer l’exemple.
De fait, les outils de régulation internationaux ne fonctionnent plus efficacement. Environ 800 soldats font partie des casques bleus au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Cependant, lors des moments de tension intervenus entre Israël et le Liban, et surtout les bombardements sur les forces du Hezbollah, l’ONU n’a pas été très présente pour être capable d’apaiser la situation. Il en va de même en République démocratique du Congo. En tant que responsable militaire, je dois agir en étant conscient que l’ONU n’est plus une entité permettant de réguler les conflits.
De même, je constate l’effet « BRICS+ », ces dix pays majeurs qui ne reconnaissent plus l’ordre international qui a été établi sans eux en 1945 et qui ne leur accordait pas la même place, à l’époque. La Chine, le Brésil, l’Inde, les pays du Golfe sont des acteurs qui aspirent à plus de considération, dès la constitution des coalitions. Or en l’absence de ces outils de régulation, c’est la loi du plus fort qui prime. C’est à ce titre qu’il faut effectivement être craint. Le fort peut passer à l’action s’il estime avoir face à lui une entité faible. Je pense d’ailleurs qu’il s’agit là aujourd’hui du calcul de Moscou, qui nous considère aujourd’hui comme trop faibles.
Pour ma part, je sais à quel point nos armées sont fortes, à quel point la France veille à sa défense. Depuis 2017, un effort exceptionnel a été engagé pour notre défense, se traduisant par des résultats concrets. Le défilé du 14 juillet constituait à ce titre une illustration de cet effort, qui concerne toutes les armées. Et les armées sont très conscientes de cet environnement, très prêtes. Malgré tout, la perception de la Russie est que l’Europe, collectivement, est faible.
C’est pourquoi le premier objectif que j’ai assigné aux armées a consisté à leur demander de se tenir prêtes à un choc à une échéance de trois à quatre ans, qui serait une forme de test. Le test existe déjà sous des formes hybrides, mais il pourrait être plus violent. L’effort de réarmement est fondamental, en premier lieu dans les perceptions. Si nos potentiels adversaires perçoivent que nous consacrons un effort pour nous défendre et que nous faisons preuve de détermination, alors ils peuvent renoncer. S’il a le sentiment que nous ne sommes pas prêts à nous défendre, je ne vois pas ce qui peut l’arrêter.
Malgré la vaillance des soldats ukrainiens aujourd’hui, la Russie grignote toutes les semaines un peu de terrain, grâce à sa capacité de production industrielle et sa capacité humaine. Pourtant, nous disposons de tout ce qui est nécessaire pour être sûrs de nous. En termes démographiques, économiques, de savoir-faire technologique, de capacités de production industrielle, la Russie ne peut pas nous faire peur, si nous avons envie de nous défendre. Il s’agit du deuxième axe de mes priorités.
J’ai entendu certains s’émouvoir de la capacité de notre artillerie à tenir un front en raison du nombre de soldats dans les armées françaises. Je ne demande pas plus de soldats que ce qui est prévu dans la loi de programmation militaire. En revanche, je demande que nous soyons plus forts entre Européens. En effet, l’Europe constitue la bonne échelle pour faire face à nos défis. En travaillant ensemble, en étant forts ensemble, nous sommes capables de faire face à tous les défis. À ce titre, la France dispose d’un leadership capable d’entraîner les Européens, en nous concentrant sur les bonnes dépenses. Il s’agit notamment de réduire le nombre de standards, en achetant et en développant ensemble.
Ensuite, pour opérer quelque part, il est nécessaire de réduire le flux logistique et la complexité de la logistique. Aujourd’hui, nous nous interrogeons tous sur la capacité de produire, en grande quantité et à faible coût, dans le cadre de l’économie de guerre. Nous avons besoin de champions européens offrant des capacités d’adaptation bien plus élevées, grâce aux effets d’échelle. Le deuxième axe concerne donc l’Europe, la bonne échelle pour traiter les défis auxquels nous faisons face.
Le troisième élément a trait à notre nation de manière plus large avec un rôle plus important de la réserve, qui bénéficiera d’un effort particulier dès 2026, notamment à travers une remontée en puissance du volume des jours d’activité réalisés et des réponses à tous ceux qui voudront s’engager dans cette réserve. Cette réserve constitue pour moi le premier complément nécessaire à une armée professionnelle pour assurer la résilience de la nation.
Au-delà, figure l’enjeu de la résilience de la nation. À la demande du président de la République, nous travaillons actuellement sur un nouveau service. Selon moi, la nation est en capacité de se mobiliser et de tenir en cas de choc important, lors des années à venir. Aujourd’hui, il est hors de notre portée de posséder un système très professionnel, à la taille de tous nos adversaires et prêt à 100 %, tout le temps. Nous ne serons pas prêts à 100 % ; peut-être à 80 %, mais nous compterons sur la mobilisation de la nation, dans tous les domaines.
Nous réaliserons en 2026 l’important exercice Orion, qui permettra de tester nos capacités, par exemple dans le domaine de la santé. En effet, à l’occasion des exercices majeurs effectués, nous nous sommes aperçus que la capacité de combat peut être limitée par le soutien sanitaire et la capacité à gérer un grand nombre de morts et de blessés. C’est la raison pour laquelle nous allons exercer un effort budgétaire sur la santé militaire, la médecine des forces et, à plus long terme, l’amélioration des capacités d’hospitalisation pour nos soldats.
En conclusion, vous aurez compris que nous sommes confrontés à des défis très importants, mêlés à un sentiment d’urgence. La production des systèmes complexes qui équipent nos forces, les munitions qui font la différence sur le terrain, par exemple les missiles embarqués par nos frégates, qui permettent de lutter contre les missiles houthis, prend trois ans.
Il demeure encore un certain nombre de freins, héritages d’une Europe qui a vécu en paix, d’un pays qui a inscrit le principe de précaution dans sa Constitution, qui n’aime plus prendre des risques. Or il nous faut prendre des risques si nous voulons être à la hauteur. Cela implique d’envisager les normes avec un autre regard. À ce titre, j’ai besoin de vous, législateurs. Certaines normes uniformes, conçues pour nous protéger, en viennent parfois à nous freiner, et nous font dépenser inutilement l’argent du contribuable. Désormais, il importe d’introduire une approche par la maîtrise des risques. Nous savons le faire, collectivement.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je donne la parole aux orateurs de groupe.
M. Frank Giletti (RN). Le groupe Rassemblement national et moi-même vous adressons toutes nos félicitations pour votre nomination et vous souhaitons de la réussite dans la tâche qui vous est confiée, tant nous savons qu’elle est difficile.
Permettez-moi, néanmoins, d’ouvrir mon propos avec gravité. La situation budgétaire de notre pays est certes dramatique, mais celle de notre défense, hélas, n’est pas plus encourageante. La France se découvre vulnérable, non pas faute de soldats courageux ou d’industriels talentueux, mais faute de vision claire, de sincérité budgétaire et de continuité dans l’effort de défense.
La LPM doit être ce cap, l’un des socles de notre souveraineté. Mais à la lecture des rapports parlementaires sur son exécution, une question s’impose. Cette LPM, déjà contestée dans sa conception, sera-t-elle seulement tenue ? Les signaux sont inquiétants, les articles comptables se multiplient, les engagements sont repoussés, les crédits reportés.
En clair, nous observons une LPM gonflée sur le papier, mais non exécutée dans les faits. Derrière les grands discours, les armées peinent à suivre le rythme, faute de financement réellement disponible. Il s’agit là d’un énième coup de communication de la part d’un gouvernement qui cumule les promesses non tenues. Ce dernier nous promettait une LPM de cohérence. Au RN, nous réclamions de la masse et de la cohérence, des effectifs suffisants, des moyens en nombre, des unités capables de tenir la haute intensité dans la durée, sur le terrain, de tenir les « cinq minutes de plus ». Or nous constatons aujourd’hui que nous n’aurons ni la cohérence annoncée, ni la masse nécessaire.
Simultanément, notre industrie de défense est plus que jamais plongée dans l’incertitude. Les hausses de cadence exigées sans commande ferme, les stocks promis mais jamais reconstitués minent la confiance. De nombreuses entreprises, des grands groupes jusqu’au PME, doutent désormais de la crédibilité de l’État et réalisent qu’elles ont investi à leurs frais sur la base de fausses promesses, ce qui menace bien souvent leur survie économique.
Pendant ce temps, la France continue à soutenir des programmes européens lourds, coûteux et bien souvent déconnectés de nos intérêts stratégiques, de nos besoins opérationnels et de l’impératif de souveraineté technologique. Mon général, vous êtes en première ligne pour constater les périls évidents de la situation actuelle. Pouvez-vous réellement nous affirmer que les armées françaises disposent aujourd’hui des moyens de tenir les ambitions affichées par la LPM ou bien devons-nous admettre que cette programmation, minée par l’insincérité budgétaire et l’absence de vision industrielle cohérente, s’éloigne peu à peu de sa vocation première, celle de garantir à la France une défense libre, indépendante et crédible ?
M. le général d’armée aérienne Fabien Mandon. Je ne partage pas votre constat, mais j’entends vos arguments. J’observe que depuis 2017, notre défense a connu des évolutions extrêmement positives. La première LPM était une LPM de réparation et nous vivons aujourd’hui une phase de modernisation, qui se traduit dans les faits.
Quand je discute avec nos soldats, je constate que leur moral est élevé, qu’ils s’engagent dans leurs missions, sont fiers de leurs équipements, en lesquels ils ont confiance. Ils sont en revanche attentifs à l’attention de l’État à l’endroit des militaires qui s’est notamment traduite par la revalorisation des grilles des militaires du rang, des sous-officiers, en attendant celle des officiers qui fonde beaucoup d’espoir. Beaucoup me parlent des questions de logement et d’hébergement, de l’emploi des conjoints. Le rapport 2025 du Haut comité d’évaluation de la condition militaire a effectivement montré une hausse des célibats géographiques en raison de l’emploi des conjoints, qui s’établissent aujourd’hui à hauteur de 10 %.
En revanche, je ne partage pas votre regard sur le côté négatif de la modernisation en cours. Nous conduisons un effort de cohérence, marqué par l’augmentation des entraînements, la hausse des munitions. De nouveaux drones s’ajouteront bientôt à notre équipement, des munitions ont été commandées, même si nous demeurons contraints par les délais de livraison. Il existe certainement quelques domaines critiques, mais la tendance favorable est bien établie. Nos armées sont aujourd’hui prêtes à mener les missions qui leur sont confiées. En 2026, nous bénéficierons de 31 milliards d’euros de commandes, et de 800 effectifs supplémentaires. Ce sont des sujets de long terme. Nous souhaiterions naturellement que tout aille plus vite, mais je pense que nous sommes dans le bon tempo, pour les trois années à venir.
M. Yannick Chenevard (EPR). Pendant trente-cinq ans, nos armées ont subi une déflation absolument irresponsable dans leurs effectifs. Un régiment sur deux avait fermé, de même que onze bases aériennes. La Marine nationale était passée de 135 à 85 bâtiments de combat. Heureusement, la situation s’est redressée depuis 2017, à travers deux LPM successives, une LPM de réparation et une LPM – actuellement en cours – de remontée en puissance.
La guerre en Ukraine retient évidemment notre attention, mais l’Asie et l’Indopacifique ne doivent pas pour autant être négligées. La mission Clémenceau 25 a permis de tirer des enseignements, notamment sur la place d’un groupe aéronaval dans la stratégie de puissance de la France.
Ma première question porte sur la permanence de l’alerte au sujet d’un groupe aéronaval, et la place du porte-avions. Peut-être sera-t-il utile de procéder à son lancement en réalisation dès cette année. Pouvez-vous nous en dire plus ?
La marche supplémentaire est légèrement supérieure à 3 milliards d’euros. Quelle précision pouvez-vous nous donner sur son usage ?
M. le général d’armée aérienne Fabien Mandon. Je vous rejoins ; j’aimerais pouvoir proposer une programmation permettant la permanence d’alerte d’un groupe aérien. En effet, la capacité à projeter des moyens aériens depuis la mer reste fondamentale dans notre stratégie. Les crises n’attendent pas le rythme des chantiers et des maintenances.
Un deuxième enjeu concerne la cohérence de notre modèle d’armée. Dans la capacité et les efforts qui sont consacrés par la Nation aujourd’hui, je ne peux pas rajouter un deuxième porte-avions comme cela. Donc nous allons déjà produire un bon porte-avions, ce qui est une très bonne nouvelle pour la France. La décision ne m’appartient pas, mais je recommande de lancer la réalisation du successeur du porte-avions Charles de Gaulle, mais dont la forme doit être réinterrogée car on ne peut pas se contenter de reproduire un outil qui a été conçu à la moitié du siècle dernier. La capacité à projeter de la puissance depuis la mer est essentielle mais la manière de le faire doit être revue pour intégrer l’évolution des technologies. Nous avons aujourd’hui besoin d’entretenir l’ensemble des secteurs de notre défense qui sont utiles face aux menaces auxquelles nous sommes confrontés.
M. Manuel Bompard (LFI-NFP). Mon général, le programme 178, dont vous avez la responsabilité, voit ses crédits de paiement augmenter de 1,2 milliard d’euros. Mais cette hausse est en grande partie artificielle, puisqu’elle intègre une augmentation du budget pour les opérations extérieures de près de 300 millions d’euros, un transfert de crédit issu du programme 212 lié à la création du commissariat du numérique de défense pour environ 250 millions d’euros, ainsi qu’une hausse de la contribution à l’Otan de plus de 200 millions d’euros.
Au total, l’augmentation réelle pour les forces représente donc environ 450 millions d’euros au sein de votre programme, sans même parler de l’effet de l’inflation. Or, le budget général qui nous est présenté contient à la fois la marche prévue par la loi de programmation militaire et la nouvelle sur-marche introduite dans ce projet de loi de finances. Pouvez-vous donc nous préciser ce qui, au sein des 450 millions d’augmentation réelle de votre programme 178, relève de la trajectoire initialement prévue par la LPM et ce qui découle de la nouvelle sur-marche ?
S’agissant maintenant d’une action plus précise de votre programme, l’élu marseillais que je suis s’étonne de constater la baisse des crédits et des engagements consacrés à la fonction santé, alors qu’un nouvel hôpital militaire doit être construit à Marseille. En effet, les autorisations d’engagement diminuent de 7,5 %, soit près de 20 millions d’euros, tandis que les crédits de paiement reculent de plus de 40 millions d’euros, soit une baisse de plus de 17 % par rapport au dernier budget. Pourquoi de telles diminutions interviennent-elles ? Elles semblent aller à l’encontre de tous les scénarios de préparation à un engagement majeur, objectifs pourtant affichés de cette loi de programmation militaire.
M. le général d’armée aérienne Fabien Mandon. Je souligne à mon tour l’augmentation de 1,2 milliard d’euros sur le programme 178 pour l’année 2026. Selon moi, la priorité porte effectivement sur la préparation des forces, d’abord qualitative en 2026, mais également quantitative en 2027 et 2028.
L’activité est très correcte dans certains secteurs, quand d’autres sont plus faibles, par exemple celui des unités blindées, dans lequel il est impératif de ré-augmenter les standards d’entraînement. Aujourd’hui, les déploiements réalisés sur le flanc Est de l’Otan, à vocation défensive, permettent de profiter de conditions d’entraînement avec nos alliés et de simuler des actions de combat de haute intensité, ce qu’on a beaucoup de mal à faire chez nous.
En Roumanie, j’ai par exemple assisté à des entraînements associant simultanément des opérations de reconnaissance, des drones, des chars Leclerc, des experts du génie qui brêchaient les obstacles, des démineurs. De la même manière, l’exercice Polaris constitue pour la Marine un événement important. En 2026, l’exercice Orion sera un entraînement militaire qui associera la nation, mais aussi de nombreux acteurs internationaux, dans le cadre de scénarios exigeants.
Si l’année 2026 ne nous permet pas d’atteindre immédiatement les niveaux d’entraînement que j’aimerais avoir, nous connaissons une phase de montée en puissance dans laquelle j’ai totalement confiance avec une amélioration qualitative et quantitative qui se développera jusqu’en 2029.
Enfin, 12 millions d’euros seront bien dévolus à l’hôpital Laveran et l’effort sera accentué en 2027. Ce projet, qui se poursuit, est majeur.
Mme Marie Récalde (SOC). Je partage le sentiment d’urgence que vous avez évoqué lors de votre propos liminaire.
Les acteurs de la supply chain souffrent et l’augmentation importante des restes à payer impacte très directement la BITD, car elle réduit la visibilité des grands ensembles et limite l’impact positif de la prise de commandes. Il est donc incontestable que la montée en puissance de la BITD est aussi importante que la montée en puissance de nos forces armées. Leurs deux destins sont liés. L’accélération budgétaire, qu’il faut noter et saluer, permettra-t-elle d’atteindre les objectifs pour 2035 sans retard ? Y aurait-il un autre modèle de commandes à imaginer pour enfin donner une meilleure visibilité à notre BITD ?
Ensuite, je tiens à évoquer la réserve. L’objectif affiché d’un réserviste pour un militaire a du sens, au vu des besoins d’un engagement de haute intensité. L’objectif de la fin de l’année 2025 sera-t-il atteint ? L’objectif de 100 000 réservistes est-il réaliste ? Du point de vue qualitatif, l’exercice budgétaire 2026 prend-il bien en compte certains besoins, en particulier le besoin de formateurs ? Qu’en est-il du contrat opérationnel de la réserve et quelles mesures peuvent-elles être prises pour améliorer l’intégration des réservistes dans les unités d’active ?
M. le général d’armée aérienne Fabien Mandon. Le nombre de réservistes s’établira à 47 000 à la fin de l’année ; il y aura 5 200 réservistes supplémentaires en 2026. Les objectifs qui ont été fixés seront tenus. J’attache une grande importance à la réserve grâce à laquelle les armées fonctionnent déjà aujourd’hui.
Vous avez par ailleurs souligné une thématique majeure pour nos armées ; celle de la masse. J’essaye d’être lucide ; il ne serait pas réaliste de proposer une armée professionnelle deux à trois plus grande que celle dont nous disposons actuellement. Je ne me vois pas demander à notre pays de produire un tel effort ; il nous faut donc obtenir la masse différemment. Le premier axe que j’ai fixé aux armées concerne l’Europe. L’union fait la force ; ensemble nous sommes plus forts.
Le deuxième axe consiste à obtenir la masse grâce au lien avec la nation, c’est-à-dire à travers les réservistes, qui apportent des compétences exceptionnelles dont nous avons besoin. Ils viennent contribuer à la défense, en en maîtrisant parfaitement les règles, le fonctionnement, les enjeux. De plus, notre jeunesse hyperconnectée sent bien qu’il se passe quelque chose, que des menaces pèsent sur le pays. Elle a envie de s’engager, aimerait apprendre un minimum de bases pour participer à sa défense. Les armées d’ailleurs sont très jeunes. En conséquence, la masse dont je parle est composée par la combinaison de cette réserve, de cette volonté d’engagement de la jeunesse et de notre capacité à mobiliser toute une nation pour fonctionner, en cas de grave problème.
Ensuite, sur le rythme de production de notre BITD, cela constitue effectivement un véritable enjeu, un domaine d’adaptation nécessaire de notre société. Mais je suis aussi lucide sur le passé récent : pendant des années, nous avons vécu une forte période de déflation dans les armées ; l’heure n’était alors pas à la commande massive. Cependant, je veux redire la chance que nous avons de posséder des industriels extraordinaires, dont les produits peuvent permettre aux armées françaises de remporter la victoire face à n’importe quel ennemi aujourd’hui.
Cette base industrielle, marquée par des années de faibles commandes, vit aujourd’hui un moment stratégique où on lui demande de produire vite et beaucoup. En tant que responsable des armées, j’ai besoin que les industriels puissent produire plus vite et en plus grande quantité, pas seulement des produits high tech, mais aussi des matériels, munitions et équipements rustiques, à bas coûts.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). La Commission européenne a produit le document Defense Readiness Roadmap, qui insiste beaucoup sur le bouclier et assez peu sur l’épée. Je pense à l’European Space Shield Initiative, l’European Sky Shield Initiative et le Eastern Flank Watch. Dans cette dialectique de l’épée et du bouclier, ne craignez-vous pas que l’on construise une ligne Maginot à l’est ?
L’opération Toile d’araignée (Spiderweb) a montré qu’il était possible de faire décoller des drones d’à peu près partout. Quel est votre regard à ce sujet ? Pensez-vous qu’il faille établir une voie française qui intègre l’épée à travers la capacité de frappe dans la profondeur conventionnelle, pour placer l’adversaire devant un dilemme et être capable de lui causer des dommages sérieux ? Je pense notamment aux réflexions sur le missile balistique terrestre, soit de manière strictement nationale avec Ariane, soit dans le cadre de l’initiative European Long-range Strike Approach (Elsa).
Ensuite, les conflits hybrides peuvent susciter des enjeux de défense opérationnelle du territoire (DOT) majeurs. En tant que chef d’état-major des armées, quelles sont votre vision et vos ambitions pour la DOT ?
M. le général d’armée aérienne Fabien Mandon. Vous posez une question pertinente concernant le bon équilibre entre l’épée et le bouclier. En premier lieu, la défense relève d’une responsabilité nationale ; et en tant que chef d’état-major des armées, je viens rendre compte aux parlementaires de l’état de notre défense et de ce que nous proposons. Je ne le fais pas à Bruxelles. Je suis assez interloqué par les prises de parole qui laisseraient penser que les choix s’opèrent ailleurs qu’au niveau des nations, en matière militaire.
Ensuite, il est nocif de laisser penser à nos concitoyens qu’il existe un bouclier parfait. Miser sur une espèce de mur anti-drones reviendrait à établir une ligne Maginot au XXIe siècle, c’est-à-dire à perdre de l’argent.
S’agissant du missile balistique tactique, ce qui compte c’est la capacité à frapper dans la profondeur sur des centaines de kilomètres. Le moyen, il faut le définir. Il nous faut également renouveler nos lance-roquettes unitaires, qui constituent une priorité dans les réarmements. Tout est question de priorité. Je pense que dans le combat futur, la capacité à atteindre les postes de commandement, les centres logistiques, les centres de production, les centres énergétiques d’un ennemi demeurera essentielle.
Une fois cette priorité affirmée, il faut réfléchir aux moyens de mise en œuvre. L’aviation classique demeure pertinente, mais le conflit ukrainien est également très riche en enseignements sur l’utilisation de drones à faible coût. De même, le potentiel des missiles balistiques est intéressant. Cependant, je reste très prudent sur l’aspect stratégique qui laisserait penser que l’on dissuade une capitale, en particulier une puissance nucléaire, en la menaçant avec des missiles balistiques. Kiev a subi des tirs de missiles balistiques mais pourtant, les Ukrainiens tiennent plus que jamais. Londres avait été largement touchée par les bombardements allemands lors de la deuxième guerre mondiale, ce qui n’avait pas empêché la Grande-Bretagne de gagner la guerre.
M. Damien Girard (EcoS). Vous avez souligné les efforts des militaires français pour se préparer à la guerre de haute intensité. Le débat budgétaire constitue précisément l’occasion de vous fournir les moyens de cette préparation. L’un des principaux enjeux porte sur une organisation fluide proche du terrain. Nos armées s’adaptent, elles réutilisent les dispositifs de subsidiarité créés au départ pour des besoins de petite logistique, afin de compenser les déficits capacitaires plus sensibles, notamment en matière de drones.
Cet usage démontre leur inventivité et leur engagement, mais ces dispositifs ne suffisent plus à couvrir les besoins initiaux et ne permettent pas de doter nos unités de manière pleinement satisfaisante. En compagnie de mon collègue Thomas Gassilloud, nous avons proposé dans le rapport parlementaire « Masse et haute technologie » deux leviers d’action : déléguer des enveloppes en pilotage autonome à chacune des trois armées à hauteur d’environ 100 millions d’euros chacune ; et ensuite renforcer les enveloppes budgétaires de subsidiarité à hauteur de 100 000 euros par formation administrative, avec une distinction claire entre les usages logistiques et la dotation capacitaire légère.
Cette organisation financière permettrait d’augmenter les marges de manœuvre de nos forces, de faciliter le retour d’expérience avec les industriels et de faire confiance à nos militaires dans leur préparation au théâtre opérationnel. Je la porterai au nom du groupe Écologistes et Social, à travers des amendements au PLF pour 2026, au sein de notre commission. Quelle est votre appréciation de ces deux propositions ?
M. le général d’armée aérienne Fabien Mandon. Je partage totalement les principes que vous avez évoqués. Je souhaite davantage de subsidiarité, et je crois à la capacité des gens confrontés aux problèmes sur le terrain à trouver les bonnes solutions. Nous devons collectivement accepter l’erreur et l’idée que certaines initiatives seront peut-être à contretemps des évolutions perçues sur le terrain. Aujourd’hui, chaque régiment dispose d’une enveloppe de 150 000 euros lui permettant d’innover. Je pense par exemple au travail de sous-officiers de cavalerie, qui ont développé un kit pour la protection des chars doté d’une notice type « Ikea » permettant à chaque unité de le reconstituer. Les opérationnels ont de très bonnes idées
Je souhaite que les soldats soient accompagnés sur le terrain par l’expertise de la DGA, pour favoriser l’innovation, le bon dialogue avec toutes les entreprises qui apportent des solutions et permettre de reproduire ces solutions dans d’autres unités. Il faut accepter la disparité. Espérer disposer du même équipement dans toutes les unités est illusoire alors que l’informatique est révolutionnée tous les ans. C’est un changement de culture.
L’armée de l’air et de l’espace souffre aujourd’hui d’une difficulté, dans la mesure où elle n’a pas la capacité à passer des achats en propre. Cependant, l’armée de Terre et la Marine disposent déjà de flux financiers. Je veux poursuivre cette démarche, qui doit être réalisée en lien avec la DGA et l’Agence de l’innovation de défense (AID), qui a recensé toutes les pépinières de solutions. Simultanément, je ne veux pas perturber le modèle global des armées. Cette subsidiarité ne peut être absolue et doit s’intégrer dans un équilibre global à concevoir.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Général, au nom du groupe Les Démocrates, je vous félicite pour votre nomination à la direction de l’état-major des armées. Je partage entièrement vos réflexions, notamment sur l’effet de masse nécessaire et l’obligation d’y réfléchir à l’échelle européenne. À ce titre, quel est le point de vue de nos partenaires européens dans ce domaine ? Où en sont les réflexions sur la résilience de la population à l’échelle européenne ? Il est essentiel que les pays européens s’accordent sur une instance de coordination, afin de pouvoir développer l’ensemble de ces politiques.
M. le général d’armée aérienne Fabien Mandon. Mes premiers contacts avec mes homologues européens m’ont rassuré dans ce contexte d’extrême gravité. Je m’attendais à certaines postures, mais j’ai rencontré des responsables militaires soucieux de trouver des solutions ensemble, et qui acceptent de faire tomber un certain nombre de « lignes rouges » qui existaient au préalable. Tous perçoivent la nécessité de travailler ensemble. Je vois que l’Europe n’est pas encore mûre pour accueillir ces questions, mais d’indéniables progrès ont été accomplis, et Bruxelles s’acculture aux questions de sécurité et de défense.
Il existe désormais des budgets, des mécanismes qui encouragent la coopération à réaliser en matière de recherche et de développement, ensemble. La conscience collective n’est pas encore totalement imprégnée par ces questions de défense, qui manquent encore d’incarnation. Par exemple, je relève l’absence de forum bruxellois européen pour conduire une discussion organisée autour des questions de défense, comme il en existe un au sein de l’Otan.
À ce sujet, il faut se garder d’établir une concurrence entre l’Union européenne et l’Otan. L’Otan est le cadre de l’apprentissage de la « grammaire » des opérations à plusieurs, l’interopérabilité, mais pour nombre de mes partenaires européens, il s’agit également de la seule structure de réflexion, par exemple lorsqu’il n’existe pas d’état-major national. Il ne s’agit donc pas de rejeter l’OTAN et d’encourager nous-mêmes de nouvelles structures européennes parce que nous nous tromperions et susciterions un rejet de nos partenaires. En revanche, je relève avec satisfaction qu’il y a quinze jours, trente-trois chefs d’état-major des armées ont répondu positivement à l’invitation que nous leur avions lancée, en marge du Conseil européen qui s’est déroulé au Danemark. La capacité d’entraînement française est donc bien réelle.
En matière de défis européens il faut repartir des besoins opérationnels, dans la mesure où toutes les discussions intervenant aux niveaux industriel et politique intègrent naturellement une logique parfois trop imprégnée d’intérêts nationaux. Dès lors, la première étape doit émaner des « utilisateurs », qui disposent de besoins communs, par exemple sur le système de combat aérien du futur.
M. David Habib (LIOT). L’armée française est respectée ; il s’agit de l’armée la plus opérationnelle d’Europe. En revanche, le problème est d’ordre politique et les événements intervenus au Sahel ne conduisent pas un certain nombre de nos partenaires étrangers à considérer que la France est le bouclier de l’Europe. À ce titre, l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord conserve encore beaucoup de force, de résonance. Par ailleurs, la qualité du renseignement militaire pose également parfois question, par exemple à la lumière des diverses « expertises » qui nous ont été délivrées au fil du temps, mais se sont avérées fausses. Je pense par exemple au rang de superpuissances militaires attribué à l’Irak, puis à l’Iran, à la supposée conquête en quelques semaines du territoire ukrainien par la Russie.
M. le général d’armée aérienne Fabien Mandon. Nous poursuivons nos efforts en matière de renseignement militaire ; 600 millions d’euros supplémentaires seront consacrés à la fonction renseignement en 2026. Ensuite, le renseignement militaire aide à comprendre les mécaniques à l’œuvre, mais demeure confronté aux incertitudes d’un monde en perpétuelle évolution. Nous en sommes conscients et portons un modèle d’armées cohérent, qui ne délaissent aucun pan de leur capacité d’action, particulièrement face à une surprise stratégique. Les services de renseignement israéliens, aussi performants soient-ils, ont pu eux aussi se faire surprendre par l’attaque du 7 octobre 2023.
Aujourd’hui, la France possède une capacité d’analyse autonome, qu’il importe de préserver à tout prix. Même s’il faut accepter de ne pas tout savoir, les échanges avec les partenaires permettent également de croiser les analyses et réduire les incertitudes.
M. le président Jean-Michel Jacques.Nous passons maintenant à une séquence de questions complémentaires.
M. Laurent Jacobelli (RN). Mon général donc je vous poserai une question en bon Français et vous serez libre de me répondre en Européen si vous le souhaitez. Nos armées sont confrontées à un défi majeur ; la fidélisation. En 2023, le taux de dénonciation des contrats avant leur échéance a atteint pratiquement un tiers. Mais c’est surtout la hausse des non-renouvellements qui doit nous alerter. Leur nombre est passé de 1 680 en 2019 à 2 920 en 2023, soit une augmentation de 70 %.
Le plan de fidélisation lancé en mars 2024 commence certes à produire quelques effets, mais il reste très en deçà des ambitions fixées par la LPM. Le rapport parlementaire de mes chers collègues sur l’exécution de cette même LPM évoque 265 000 équivalents temps plein (ETP), très loin de la cible fixée pour 2024, un écart de 4 576 personnels. Dans ces conditions, les objectifs de création de 6 300 postes nets d’ici 2030 paraissent hors de portée.
Mon général, pouvez-vous nous fournir les chiffres actualisés concernant les taux de dénonciation, de non-renouvellement et de désertion ? Surtout, estimez-vous que de nouvelles mesures sont nécessaires pour permettre de respecter les objectifs de la LPM ?
M. le président Jean-Michel Jacques. Je suis persuadé que le général répondra en très bon Français ; le chef d’état-major des armées ne peut être qu’un très bon Français.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Nous vous félicitons pour votre nomination. Comme vous l’avez souligné, la masse proviendra de la coopération entre les armées européennes ; j’y inclurai d’ailleurs les Britanniques.
Notre défense collective dépend essentiellement des facilitateurs stratégiques américains. Un journal a même chiffré à 1 000 milliards d’euros leur coût de remplacement. Si nous devions à plus court ou moyen terme réagir à une attaque venant de l’est et exprimer notre solidarité vis-à-vis des pays frontaliers, nous devrions faire sans ces facilitateurs. Comment nous y préparer ? En particulier sur quel système de C2 Single Air Picture pourrions-nous nous appuyer ?
Mme Catherine Rimbert (RN). Le PLF pour 2026 traduit la poursuite de la trajectoire ambitieuse de la LPM, avec une augmentation de plus de 6 milliards d’euros des crédits de la mission Défense. Mais derrière cette progression globale, de nombreuses inquiétudes demeurent concernant la disponibilité des matériels, le maintien en condition opérationnelle, la formation et la fidélisation des personnels. Nos armées font face à une érosion de la disponibilité des équipements liée aux coûts croissants du MCO et à la tension sur les chaînes industrielles. Dans ce contexte, comment garantir que les crédits nouveaux du PLF pour 2026 se traduisent par une amélioration concrète de la préparation opérationnelle et non pas par un simple rattrapage des surcoûts et des retards accumulés ? En d’autres termes, avons-nous les moyens humains et industriels de nos ambitions capacitaires ?
M. le général d’armée aérienne Fabien Mandon. La question de la fidélisation représente effectivement un enjeu, mais elle constitue un sujet de société, qui concerne tous les secteurs et toutes les organisations. Les armées sont un échantillon de la nation. Notre jeunesse est extrêmement motivée, effectue bien son travail, mais elle est également plus volatile et, bien que satisfaite, peut décider de partir après quelques années, parfois sans préavis. Nous vivons tous les mêmes défis mais il y a des réponses.
À cet égard, la revalorisation des grilles indiciaires a eu un effet positif en matière de fidélisation des militaires du rang et des sous-officiers. Nos jeunes nous placent en concurrence et s’ils estiment avoir fait leur part d’engagement après quelques années, ils peuvent décider de partir pour avoir mieux ailleurs. Le recrutement reste un défi permanent, mais les objectifs sont atteints grâce à un engagement collectif. Les années Covid ont été difficiles, mais en 2025, nous aurions pu recruter au-delà de l’objectif que nous nous étions fixé. Je n’ai donc pas d’inquiétude.
Ensuite, concernant le leadership américain, je ne souhaite surtout pas porter une dynamique de rupture avec les États-Unis. Je souligne à nouveau la qualité des discussions avec les responsables militaires américains et peux témoigner de l’intensité de la coopération avec les États-Unis, qui s’est notamment matérialisée durant les Jeux olympiques. Les Américains restent un acteur majeur.
Il serait erroné de laisser croire que nous sommes capables de retirer l’ensemble des équipements américains aujourd’hui à la disposition des Européens. En revanche, en ce moment même, une équipe d’officiers et de sous-officiers européens, notamment français, travaillent ensemble au Mont Valérien, sur un système de planification et de commandement franco-britannique. Cet exemple illustre notre faculté à établir des solutions européennes. Il n’en demeure pas moins que nous avons toujours besoin des Américains, qui demeurent des alliés.
Madame Rimbert, vous m’avez interrogé sur la cohérence entre les moyens et notre ambition. La France a pris les décisions qui nous permettent de faire face aux défis imposés par notre environnement stratégique. En conséquence, je ne me place pas dans une logique de peur ou d’insatisfaction. D’année en année, notre défense progresse et en 2026, nous proposons des améliorations très concrètes, afin d’être capables d’affronter un choc éventuel, dans trois à quatre ans.
Aujourd’hui, nos soldats sont bons ; ils sont forts. Les femmes et les hommes qui œuvrent dans les armées disposent de moyens extraordinaires pour accomplir leurs missions. L’armée française constitue une référence en Europe, et la France appartient aux grandes puissances. Il est toujours possible de se faire peur, mais je ne partage pas cet état d’esprit. J’ai confiance dans nos armées. Elles sont certes à la mesure de la taille de notre pays, mais elles sont solides. Il faut redire à nos concitoyens que les efforts paient.
M. le président Jean-Michel Jacques. Permettez-moi d’ajouter un commentaire. Parmi les jeunes qui quittent nos armées, un grand nombre d’eux reviennent en tant que réservistes.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Le 11 juillet dernier, votre prédécesseur, le général Burkhard, avait pointé le réchauffement climatique comme un facteur de déstabilisation, « catalyseur de chaos ». Inondations, incendies, cyclones ; chaque catastrophe met l’État sous pression et alimente le discours de défiance, notamment vis-à-vis des politiques publiques et sans doute vis-à-vis de la défense. De quelle manière vous saisissez-vous de ces enjeux ?
M. Laurent Jacobelli (RN). Ma question demeure la même ; j’attends une réponse à ma précédente intervention. La LPM prévoit 275 000 ETP, à l’horizon 2030. Allons-nous renoncer à cet objectif ? Comment faire si ces effectifs ne sont pas atteints ? En effet, j’ose espérer que ceux qui ont élaboré cette LPM imaginaient une cohérence entre le matériel, les hommes et la stratégie. En conséquence, si l’un des trois piliers ne correspond pas à l’objectif, j’imagine qu’il sera nécessaire de revoir les deux autres.
M. le général d’armée aérienne Fabien Mandon. Madame Hervieu, je vous remercie pour vos mots et souscris entièrement aux propos tenus par le général Burkhard au mois de juillet dernier. Le changement climatique constitue effectivement un catalyseur de crises. Nous avons pu le constater à Mayotte, mais également en Nouvelle-Calédonie. L’évolution de notre environnement génère des catastrophes, que nous devons intégrer dans nos analyses militaires d’anticipation. J’ajoute que cette préoccupation est également partagée par nos soldats, aujourd’hui.
Nous menons à ce titre diverses études, dans différents domaines, afin de préparer nos armées à s’adapter à l’évolution du climat. Dans la mesure où il s’agit de recherches du registre de l’anticipation, je ne les développerai pas plus devant vous aujourd’hui. Mais quoi qu’il en soit, je partage vos propos : nous devons nous préparer aux différences de température dans tous les milieux et faire preuve d’une hauteur de vue, dans le temps long. Je rappelle en effet que les grandes capacités s’anticipent à un horizon de vingt ans.
Monsieur Jacobelli, vous m’avez interrogé sur la cohérence des programmes en matière d’effectifs, d’infrastructures ou d’équipements. Soyez persuadé que ces sujets font l’objet d’une attention permanente. Je maintiens les propos déjà énoncés : l’objectif de notre format demeure à 275 000 soldats, ainsi que cela a été établi dans le cadre de la loi de programmation militaire 2024-2030.
Les éléments sur lesquels je peux aujourd’hui m’exprimer concernent nos capacités de recrutement et de formation, qui me permettent d’atteindre cet objectif. Si demain, nous devions affronter un choc de type Covid, je serais peut-être contraint de revenir vers vous pour une réévaluation de la cible. Mais à l’heure actuelle, je sais pouvoir atteindre cet objectif. Le facteur humain ne me contraint pas pour atteindre la capacité militaire nécessaire à la France.
M. le président Jean-Michel Jacques. Mon général, je vous remercie de nous avoir répondu aussi longuement.
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La commission a entendu M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances 2026 (n° 1906), au cours de sa réunion du mercredi 22 octobre 2025.
M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, nous poursuivons notre cycle d’audition consacré au projet de loi de finances (PLF) pour 2026 avec l’audition de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement. La direction générale de l’armement (DGA) remplit cinq grandes missions : équiper et soutenir les armées ; préparer l’avenir ; orienter et soutenir la base industrielle et technologique de défense (BITD) ; promouvoir la coopération et l’exportation et maintenir les capacités stratégiques, notamment en matière de dissuasion nucléaire.
Monsieur le délégué général, vous assurez le co-pilotage du programme 146, « Équipement des forces » avec le chef d’état-major des armées (CEMA). Le PLF pour 2026 traduit la poursuite de la montée en puissance prévue par la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, dont 2026 constitue la troisième annuité. À ce titre, le programme 146 bénéficie d’une enveloppe en forte progression liée à la sur-marche de 3,5 milliards d’euros.
Elle permettra d’assurer la continuité des grands programmes majeurs comme le Scorpion, le Rafale F5 et la dissuasion nucléaire, tout en consolidant de nouvelles capacités, par exemple les drones, la défense sol-air, la lutte anti-drones (LAD) ; et en accentuant la dynamique des livraisons de véhicules Scorpion, de frégates de défense, de munitions. Cela traduit l’exigence de répondre aux besoins opérationnels de nos armées, dans un contexte géostratégique durci. Dans le PLF pour 2026, l’équipement des forces représente plus de 50 % des autorisations d’engagement (AE), soit 47 milliards d’euros, et 34 % des crédits de paiement (CP), soit 23 milliards d’euros.
Dans ce cadre, nous souhaiterions obtenir des précisions sur les programmes prioritaires de la DGA, et notamment ceux mis en lumière par le retour d’expérience de la guerre en Ukraine, à l’instar des drones, de la défense sol-air, de la guerre dans le champ électromagnétique et des frappes en profondeur. Enfin, le contexte géostratégique nous rappelle l’urgence de disposer d’une BITD agile et réactive, capable de s’adapter à des besoins opérationnels qui évoluent constamment. Dans cette perspective, vous pourrez nous dresser un état des lieux des récentes initiatives prises par la DGA pour s’assurer de l’entrée dans une logique d’économie de guerre.
Enfin, dans notre rapport sur la mise en application de la loi de programmation militaire, rédigé avec M. Yannick Chenevard et M. Sébastien Saint-Pasteur, nous appelions à intensifier la simplification des normes et le retour à des pratiques contractuelles agiles ou innovantes pour coller au plus près aux besoins des armées. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement. Je salue une forme d’unité nationale autour des sujets de défense. Le Premier ministre, lors de son discours de politique générale, a rappelé l’importance du Parlement, et je mesure l’importance d’échanger avec vous autour de la préparation de notre avenir.
Le contexte est clair : aucune des menaces n’a faibli, induisant des effets capacitaires. Nous sommes passés d’une grille de lecture paix-crise-guerre à un continuum compétition-contestation-affrontement. Le théâtre ukrainien conforte le besoin de masse, mais il n’a pas non plus écarté les autres besoins. Le conflit au Moyen-Orient et les frappes américaines sur l’Iran témoignent ainsi de la nécessité de disposer de systèmes sophistiqués et performants.
Les menaces sur notre territoire sont toujours d’actualité, le terrorisme n’a pas disparu, renforçant les besoins en termes de renseignements. De nouvelles tentatives de déstabilisation interviennent par des survols de drones au-dessus d’aéroports européens et de certains camps militaires. Elles nous interpellent et nous obligent à nous adapter. Le retour du fait nucléaire et de sa grammaire nucléaire ; l’hybridation des menaces ; la hausse des attaques cyber, notamment sur les acteurs de notre BITD ; l’action dans l’espace ou l’intelligence économique obligent la France à continuer à se préparer à faire face à ces menaces, en investissant dans tous les milieux, dans tous les champs de conflictualité.
L’effort de défense se poursuit de manière extrêmement dynamique depuis 2022. Ce contexte justifie l’accélération de la trajectoire budgétaire, qu’il importe de confirmer à travers l’actualisation de la LPM annoncée en juillet par le président de la République.
Le début d’année 2025 a été particulièrement complexe, la période de service voté ayant retardé notre exercice de gestion d’environ deux mois. Cependant, nous avons su nous adapter, répondre aux besoins d’accélération des commandes et des livraisons aux armées. Dès cet été, le niveau des prises de commandes 2025 était équivalent à celui de 2024 à la même période. Aujourd’hui, nous en sommes à 12,9 milliards d’euros d’engagements, et 18,6 milliards d’euros de paiements.
Parmi les commandes clefs lancées en 2025 qui matérialisent cette accélération, il faut mentionner le lancement en réalisation du missile M51.4 de notre composante océanique, des lots de missiles Meteor, et des radars tactiques reposant sur le système de commandement et de conduite des opérations aérienne (SCCOA), radars utilisés pour la protection contre les drones.
D’ici la fin de cette année, nous passerons des commandes de munitions armement air-sol modulaire (AASM), des bombes guidées développées par Safran, des commandes dans le domaine spatial pour servir notre souveraineté. À titre d’exemple, nous avons signé un accord-cadre Paladin avec Infinite Orbits nous permettant d’envoyer des objets en orbite géostationnaire. Grâce à cette société, nous disposerons d’une première capacité d’action dans l’espace, d’inspection et de signalement stratégique. Le radar Aurore est quant à lui un radar de veille spatiale qui nous permet de développer les premières briques ultra haute fréquence (UHF) nécessaires pour disposer d’un système de veille avancée.
Nous poursuivons également des travaux dans le domaine des satellites d’observation spatiale, de la génération Iris. Enfin, certaines commandes sont liées à l’actualité, notamment la commande de systèmes anti-drones Parade, qui a été accélérée. Cette compilation de commandes nous permet de préparer le futur, mais également de remplir un certain nombre de besoins immédiats pour répondre aux défis d’aujourd’hui.
La LPM évolue, mais elle délivre également. Aujourd’hui, l’objectif de prise de commandes n’a jamais été aussi ambitieux. Le montant total sera conditionné par des décisions politiques fortes qui seront prises cette fin d’année. Je pense en particulier au lancement en réalisation du porte-avions de nouvelle génération (PANG), pour un montant de 6 milliards d’euros, mais également à des contrats à fort enjeu ; par exemple, le sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G). Le montant cumulé de ces deux contrats représente à peu près la moitié des objectifs que nous nous sommes fixés pour cette année 2025. Ces décisions nous engagent sur plusieurs décennies. La DGA reste donc extrêmement vigilante à opérer ces choix dans les bonnes conditions et dans les intérêts de l’État.
À présent, laissez-moi aborder les efforts de réarmement pour préparer la France à un engagement majeur. Cette concrétisation de l’effort de réarmement intervient dès 2026. L’ancien chef d’état-major des armées (CEMA), Thierry Burkhard parlait de « gagner la guerre avant la guerre » et le nouveau CEMA de « gagner la guerre au premier choc ».
Pour y parvenir, pour produire l’effet militaire, il nous faut disposer de munitions. Un certain nombre de commandes sont prévues en 2026-2027 : des missiles Aster, des bombes AASM, des missiles Meteor. Un effort conséquent sera également effectué sur les munitions télé-opérées de toute portée, qui sont intermédiaires entre des missiles et des drones armés, mais également sur les capacités de défense. Il se traduit par une augmentation quantitative et qualitative des effecteurs de défense sol-air et de lutte anti-drones, avec l’accélération des livraisons des systèmes SAMPT de nouvelle génération, qui portent les missiles Aster et bientôt les missiles Aster 30 B1NT. Il faut également relever la livraison de lanceurs Mica-VL, sans oublier la guerre électronique.
S’agissant des capacités dans l’espace, les satellites d’observation CSO ont été mis en orbite en 2018, 2020 et 2025. Nous disposons également d’un démonstrateur d’action dans l’espace et en orbite basse Toutatis, que nous avons lancé en 2024 avec la start-up U-Space. Ces capacités sont nécessaires pour préparer un engagement majeur et faire face aux diverses menaces précitées.
Par ailleurs, l’effort de défense doit également préparer le temps long et anticiper les ruptures technologiques. Je pense ainsi au développement d’une capacité renouvelée de frappe dans la profondeur, à la commande de travaux de montée en maturité des technologies nécessaires, afin de disposer d’un démonstrateur de la future génération de contre-mesures anti-torpille.
Il faut également mentionner la commande d’expérimentation, comme les ballons captifs tactiques (BALMAN), des ballons manœuvrants pouvant être dotés d’une charge utile, en particulier en termes de renseignement, persistante dans la très haute altitude (THA). Nous poursuivons le partenariat d’innovation PROQCIMA dans le domaine du quantique. PROQCIMA vise à développer deux prototypes d’ordinateurs quantiques universels tolérants aux fautes ; chacun doté de 128 qubits logiques et prêts à passer à l’échelle industrielle. Le passage à la phase 2 est prévu à l’horizon de la fin 2026, avec la sélection des trois projets les plus performants.
J’en profite pour inviter la commission à venir visiter le Forum innovation défense qui se tiendra au Parc des Expositions de la Porte de Versailles du 27 au 29 novembre. Il ne s’agit pas d’un salon commercial ou d’une opération de communication, mais d’un forum de présentation de projets d’innovation portés par le ministère des armées. Si vous le souhaitez, nous sommes prêts à organiser un parcours particulier pour les membres de la commission qui souhaiteraient s’y rendre.
Troisièmement, un effort de réarmement doit être réalisé au niveau européen, compte tenu de la diversité des capacités à acquérir et du possible désengagement de nos alliés américains. Les Européens s’organisent à travers des programmes en coopération, mais aussi à travers avec des achats communs, voire de l’export, y compris au sein de l’Union européenne (UE).
La DGA s’efforce d’être pragmatique dans ses coopérations et proactive dans ses démarches d’export. Ce contexte géostratégique nous impose d’entreprendre avec des partenaires partageant avec nous des intérêts communs, dans le cadre du passage d’un modèle de coopération de temps de paix à une coopération fondée sur les meilleurs athlètes, afin de gagner du temps. Cela implique d’être capable d’acheter sur étagère, ou de coopérer avec des pays dotés de capacités qui nous intéressent, pour gagner notamment en termes de délai d’approvisionnement. La France doit accepter d’acheter sur étagère des solutions plus performantes et plus rapidement disponibles à nos partenaires.
Il importe de conserver une BITD pérenne et compétitive, notamment face à une concurrence aujourd’hui mondialisée, composée à la fois d’acteurs classiques, mais également d’acteurs émergents comme Kratos ou Anduril ; tout en veillant à maintenir une industrie de défense nationale capable de répondre aux enjeux souverains. En complément, la France défend les acquisitions conjointes. La DGA contribue activement à l’accélération du réarmement de l’Europe, en s’investissant pour conquérir les ressources mises à disposition par la Commission, à condition qu’elles puissent irriguer la BITD française.
C’est le cas par exemple du mécanisme Security Action for Europe (SAFE), dont 16,2 milliards d’euros ont été alloués à la France, qui a porté en particulier deux projets, deux flagships, dont le bouclier antimissile européen Air Shield et le transport stratégique avec l’A400M.
La DGA est également productive pour organiser des communautés d’intérêts autour de projets concrets. Nous avons ainsi réuni en mai 2025 à Paris les différents directeurs nationaux d’armement et les directeurs d’agences, dont l’Agence européenne de défense (AED). Cette initiative a été une grande réussite et a abouti à 157 propositions de projets d’acquisition commune ou de partenariat, dont 52 sont portées par la France. Nous allons poursuivre cet effort dans les prochaines semaines.
Ces différentes actions contribuent naturellement au renforcement du pilier européen de l’Otan. À ce sujet, je tiens à vous faire part de la Task Force X, une initiative intéressante portée par le Commandement allié Transformation (ACT). Celle-ci a pour objet de trouver une réponse innovante face aux menaces maritimes. Nous avons mis en place une flotte expérimentale de près de quarante drones de surface, complétée par trente capteurs aériens et sous-marins qui ont été déployés réellement dans les eaux de la Baltique. Cette initiative a permis de faire travailler ensemble soixante-dix entreprises, dont cinq françaises, épaulées par la DGA et la marine nationale. Nous avons ainsi pu tester des systèmes en environnement réel.
Enfin, ce réarmement doit bénéficier à l’industrie française. Dans ce contexte, la DGA renouvelle sa relation avec l’industrie et réaffirme son rôle de stratège de la politique industrielle de défense. Il s’agit d’abord de « challenger », notre industrie pour l’inciter à produire plus vite et à coûts maîtrisés. Nous avons ainsi initié des revues avec les grands maîtres d’œuvre industriels, notamment pour les accompagner dans leurs plans d’affaires.
Nous agissons en faveur de la structuration et de l’orientation des filières industrielles. J’en veux pour preuve le lancement d’une relocalisation de filières petits calibres, afin de contribuer à la sécurisation de nos approvisionnements. L’année 2025 a également vu l’inauguration d’une nouvelle capacité de production de poudre d’Eurenco à Bergerac.
Les arrêtés stocks de la LPM imposent à nos industriels un stock minimal de matières, de composants, de rechanges ou de produits semi-finis. Cette action a pour objet d’offrir de la visibilité aux sous-traitants et de rendre nos acteurs de la supply chain plus résilients. À fin septembre 2025, sept arrêtés stocks ont été signés et ont été notifiés, concernant MBDA, KNDS, Arquus, Naval Group, Airbus, Safran et Dassault. Le travail est en cours avec Thales.
Nous encourageons nos industriels à prendre des risques, à travers l’autofinancement, mais nous accompagnons cette prise de risque, par exemple à travers des subventions. Nous avons ainsi agi de la sorte pour stimuler l’écosystème industriel et faire émerger des solutions dans le domaine des drones MALE (moyenne altitude, longue endurance) bas de spectre. Nous subventionnons à ce titre cinq acteurs industriels qui portent des projets innovants dans ce domaine.
Nous réalisons en outre des financements innovants, par exemple à travers l’anticipation de commandes. Nous avons ainsi adopté une approche des coques blanches de frégates de premier rang, afin d’optimiser le planning de production et rendre le matériel plus rapidement disponible pour l’export.
La DGA soutient également le tissu industriel sur l’ensemble de la chaîne de valeur, sur l’ensemble du territoire, vers les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Nous avons mis en place des attachés industriels de défense en région auprès des préfets de région, un plan d’aide aux entreprises PME et start-up de défense ; mais également identifié des PME critiques dites « goulets d’étranglement ». Une entreprise « critique » porte des caractéristiques propres en matière de délais et des coûts pour reconstituer des compétences ou un savoir-faire si elles étaient temporairement abandonnées ; un nombre limité d’alternatives nationales, qui peut impliquer un risque de dépendance ; et enfin l’emploi de matières premières rares ou de composants dont l’accès peut être interdit. La DGA suit également des entreprises dites stratégiques dès lors qu’elles détiennent un savoir‑faire ou des compétences indispensables pour le futur de nos systèmes d’armes.
En conclusion, depuis cinq ans, le nombre des programmes et opérations d’armement a augmenté de 50 %, passant de 167 opérations et programmes d’armement en 2020 à plus de 200 aujourd’hui, en 2025. Les niveaux de commandes ont triplé, de 13 milliards d’euros en 2020 à 44 milliards d’euros de commandes cette année. Les missions se sont multipliées, avec notamment la mission d’assistance à des alliés attaqués.
Ce défi nécessite de transformer encore plus vite l’institution DGA, sans qu’elle ne perde sa force, c’est-à-dire son expertise technique et stratégique en interne. La DGA dispose ainsi de ses propres centres d’essais. Certains ont été créés en 1961 et sollicitent une adaptation et un renouvellement des moyens, notamment des capacités dans le domaine de la dissuasion. Dans d’autres pays, cette expertise est souvent externalisée, conduisant à ralentir les processus ou à réduire la maîtrise des technologies critiques, la souveraineté et l’autonomie technologique.
La DGA veille à ce que la France conserve des capacités industrielles et technologiques indépendantes, pour être capable d’équiper les forces sur l’ensemble des composantes. Par exemple, peu de pays sont en mesure de produire leurs propres sous-marins, les rendant davantage dépendants de partenariats internationaux, et limitant évidemment leur autonomie décisionnelle.
La DGA poursuit la gestion de programmes complexes, en collaboration avec l’industrie, sur des périodes longues, dépassant les trente années. À titre d’illustration, lorsque nous construisons un porte-avions de nouvelle génération, nous allons jusqu’à concevoir les étapes de son démantèlement, en 2090. Ce modèle intégré s’inscrit dans une vision de long terme, qui s’appuie sur le cadre pluriannuel de la LPM, vecteur de stabilité et de visibilité pour tous, qui doit être respecté dans sa déclinaison annuelle pour être crédible. Encore une fois, gagner la guerre au premier choc implique d’équiper nos combattants. Tel est le rôle de la DGA, qui s’investit pleinement dans cette mission.
Monsieur le président, vous m’avez également interrogé sur les programmes prioritaires de la DGA. Il s’agit en premier lieu du renouvellement de nos composantes de la dissuasion, avec le lancement du missile M51.4, le SNLE 3G et la préparation du lancement de notre nouvelle composante de missiles aéroportés, le missile ASN4G. Dans les programmes conventionnels, nous travaillons sur le futur de l’aviation de chasse, la prochaine capacité de combat terrestre, les munitions. Dans le domaine spatial, nous n’attendons pas l’achèvement du programme Iris2 et avons commencé à travailler avec Eutelsat, dans le cadre de l’accord Nexus signé au Bourget.
Ensuite, nous recherchons activement une simplification des normes, dont certaines sont assez délétères pour le ministère des armées. Le règlement Reach a par exemple besoin d’être adapté aux défis que nous rencontrons. En interne, nous avons promu le principe du drone certifiable non certifié, c’est-à-dire un drone qui n’a pas besoin des autorisations de vol de la DGA pour opérer des vols opérationnels sous conditions.
Dans le domaine des achats, un décret a d’ores et déjà permis d’augmenter le seuil de certains marchés de défense et de sécurité de 100 000 euros à 300 000 euros au 1er janvier de cette année, en attendant la publication d’un autre décret. Enfin, nous conduisons en interne un important travail sur les normes, concernant par exemple la pyrotechnie, où nos normes sont plus contraignantes que celles de l’OTAN.
M. Thibaut Monnier (RN). Dans le cadre budgétaire normatif et énergétique en vigueur, il y a fort à craindre que notre BITD ne puisse garantir la montée en puissance de nos capacités de défense pourtant garantes de l’autonomie stratégique de la France, malgré les efforts louables de la DGA. Nos entreprises de la BITD font face à quatre pierres d’achoppement. Il s’agit d’abord de la contrainte de l’annualité budgétaire. L’explosion de la dette publique obère la capacité de financer la massification des commandes militaires. De plus, la LPM ne couvre pas certains investissements stratégiques comme le moteur M88 T‑REX développé par Safran qui doit permettre au futur Rafale F5 d’emporter le missile nucléaire ASN 4G.
La deuxième pierre d’achoppement concerne le manque de financement de prêts bancaires, qui empêche les entreprises d’atteindre une certaine résilience pour tenir la chaîne de sous-traitance, financer des technologies de rupture. La troisième contrainte est liée au prix de l’énergie et aux conséquences du marché européen de l’énergie, de l’électricité et du choix énergétique désastreux en faveur des renouvelables intermittents qui aggravent la volatilité des prix. Enfin, la quatrième pierre d’achoppement relève de l’enfer normatif européen qui, à travers les dispositifs Reach, CS3D et CSRD, exclut nos entreprises de défense des dispositifs d’investissement dits responsables.
Êtes-vous favorable à l’intégration dans la LPM du soutien à ces investissements de rupture à l’instar du moteur M88 T-REX ? Que pensez-vous de relever le plafond du livret A et de flécher l’épargne vers nos entreprises de défense ? Concernant le prix de l’énergie, quels sont les moyens envisagés pour garantir aux entreprises de la BITD un prix stable de l’électricité ? Ne faudrait-il pas explorer la piste d’une exonération des taxes d’acheminement, voire le recours à des outils de régulation du prix, à l’instar des contrats d’allocation de production nucléaire ou des contrats pour différence ? Enfin, quelle est votre position concernant la soumission des entreprises de défense au carcan normatif européen ?
M. Emmanuel Chiva. Un certain nombre de discussions sont en cours sur le règlement Reach, notamment concernant des simplifications et des exemptions génériques pour le monde de la défense ; mais aussi sur les permis et autorisations de construction liés à des capacités industrielles de défense. D’autres simplifications sont liées au fonds européen de défense (FED) et aux marchés publics de défense et de sécurité. Dans ce dernier domaine, le projet de la Commission européenne est inspiré de propositions formulées par la France.
Vous avez également évoqué les évolutions du moteur T-REX, pour préparer les 11 tonnes de poussée nécessaires au système de combat aérien du futur (SCAF), tout en conservant le niveau de performance du Rafale dans des configurations plus lourdes, sans compromis sur son rayon d’action. Des essais sont en cours au centre de la DGA de Saclay, pour pouvoir développer de nouvelles aubes, qui seront au cœur de la turbine haute pression d’un moteur qui pourrait être le T-REX.
Je ne peux répondre à votre question concernant l’électricité, qui ne relève pas de mon champ de compétences. S’agissant de l’investissement, nous avons d’abord adapté notre manière de passer des commandes auprès des PME et ETI, afin de les soutenir. Nous rendons visite à un quart des entreprises de la BITD chaque année, ce qui nous permet d’être sensibilisés à leurs enjeux de financement et notamment à la question des prêts bancaires. Nous avons également créé le Club des investisseurs de défense il y a quelque temps, qui regroupe aujourd’hui une trentaine de sociétés.
BPI France vient de lancer un produit d’épargne qui permet à chaque citoyen de pouvoir investir dans l’industrie de défense, à partir de 500 euros. Nous menons également une action auprès des banques pour les sensibiliser, notamment à travers de nos correspondants dans les principaux réseaux bancaires, afin de faciliter l’accès des PME aux prêts dans le domaine de la défense.
Mme Corinne Vignon (EPR). En 2017, la nation a alloué 32,3 milliards d’euros à sa défense. En 2026, elle y consacrera plus de 57 milliards d’euros, avec pour objectif d’arriver en 2027 au doublement du budget par rapport à 2017. Les investissements prévus par la LPM permettent de conforter les fondamentaux de notre défense, la crédibilité de notre dissuasion nucléaire et le renforcement de nos capacités cruciales en matière d’engagement majeur.
Pourtant, dans leur rapport d’information, mes collègues co-rapporteurs Yannick Chenevard et Sébastien Saint-Pasteur mettent en garde quant à l’effectivité de son application. Le rapport pointe d’abord que sur plusieurs points, la LPM a été bien respectée. Sur le plan capacitaire, les livraisons de matériel ont bien été effectuées, par exemple 35 Jaguar, 150 Griffon et 103 Serval. Il faut aussi mentionner le renforcement des capacités navales et aériennes.
Toutefois, il subsiste un différentiel entre les livraisons prévues et réalisées en 2024, qui se traduit par des reports concernant par exemple le satellite d’observation CSO, les systèmes de neutralisation et protection des drones en milieu maritime, les systèmes de drones tactiques vecteurs ou encore deux avions de patrouille maritime.
Enfin, le rapport pointe la complexité du cadre normatif et des procédures d’achat, notamment dans le domaine des soutiens, qui demeure un obstacle pour le développement capacitaire et notre BITD.
Monsieur le délégué, pouvez-vous et comptez-vous prendre en compte les conclusions de ce rapport ?
M. Emmanuel Chiva. La LPM vit, évolue, en fonction des nouvelles menaces et actions. Certains décalages peuvent intervenir en raison des difficultés techniques rencontrées par les industriels. Vous avez par exemple cité le système de drones tactiques. Mais ces décalages nous conduisent à nous engager dans d’autres opportunités. Je pense par exemple à l’accélération des systèmes de défense sol-air ou de la lutte anti-drones.
En 2025, nous devons livrer 33 véhicules Jaguar (dont 22 déjà livrés à ce jour) ; 162 blindés Griffon (dont 94 livrés à fin août) et 103 Serval, dont 99 ont déjà été livrés. En outre, la frégate de défense et d’intervention Amiral Ronarc’h a été livrée la semaine dernière à la marine nationale, moins de deux semaines après avoir effectué son premier trajet entre Lorient et Brest. Ensuite, treize Rafale devraient être livrés, cinq l’ont déjà été à fin août.
En résumé, la LPM vit. Elle doit permettre, tout en conservant la cible, de ménager un certain nombre d’adaptations pour nous permettre de répondre de manière réactive aux nouveaux défis.
Enfin, la question des soutiens ne relève pas de la DGA, mais nous discutons naturellement avec les services de soutien, pour disposer d’une approche globale et visible du coût global de possession d’un système.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je souhaite vous interroger en premier lieu sur l’échéancier des dépenses de l’agrégat de dissuasion. En deux ans, 34 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) ont été ouvertes, soit 35 % des AE du programme 146. Les échéances de paiement figurent dans le PAP, mais aucune donnée n’est fournie quant au calendrier de la production. J’aimerais vous entendre à ce sujet.
Pour l’année 2026, la hausse des crédits de paiement (CP) de 4,2 milliards d’euros s’accompagne d’une baisse des dépenses de fonctionnement de 30 %, soit presque 1,2 milliard d’euros de dépenses de fonctionnement en moins. Comment est-il possible de conjuguer les deux ?
Dans le domaine du cloud projetable, j’ai lu qu’il était question de recourir le plus possible à des achats sur étagère. Quels seront les fournisseurs ?
Par ailleurs, j’alerte depuis plusieurs années sur la situation des Forges de Tarbes. Hier, nous avons appris que son repreneur Europlasma avait licencié le directeur général des Fonderies de Bretagne. Le « boom » du secteur des munitions sur le marché européen est largement compensé par l’offre allemande. Quel est votre diagnostic sur la survivabilité d’une entreprise comme Europlasma ?
Enfin, j’ai déposé une résolution européenne concernant l’affectation des bandes de fréquence électromagnétiques à l’horizon 2030. La DGA est-elle intéressée par de nouvelles bandes ?
M. Emmanuel Chiva. Nous vous répondrons par écrit à cette dernière question, ainsi qu’à celle relative aux coûts d’intervention.
Europlasma honore aujourd’hui normalement ses engagements. La DGA porte une vigilance tout à fait particulière à ses fonderies, des instruments industriels qui ont su s’adapter pour répondre aux défis actuels. Nous suivons activement la situation des Forges de Tarbes et des Fonderies de Bretagne. À date, il n’y a pas lieu de s’inquiéter, puisqu’un montant doit encore être versé par l’investisseur, qui a jusqu’à la fin de l’année pour le faire.
S’agissant de la dissuasion, j’ai mentionné le renouvellement de nos trois composantes principales : M51.4, ASN4G et SNLE3G. Dans le cas du SNLE3G, l’enjeu porte sur la cohérence avec la nouvelle composante aéroportée, pour un horizon de mise en service vers l’année 2040.
Le programme sur les missiles M51 se poursuit, selon un échéancier que je ne peux détailler, compte tenu de la confidentialité du sujet.
S’agissant du cloud projetable, nous nous efforcerons de garantir un fonctionnement souverain, notamment grâce aux solutions de sociétés comme Thales. Je rappelle qu’il existe différents systèmes de protection des données, selon qu’il s’agit de protéger le cloud ou les données en elles-mêmes. Nous regardons de près l’approche data‑centrée, notamment car il s’agit d’une des stratégies aujourd’hui employée par l’Otan.
Mme Isabelle Santiago (SOC). La DGA est située au cœur de la résilience et de l’autonomie stratégique de notre pays. Elle doit conjuguer performance industrielle, souveraineté technologique et réactivité face à l’environnement.
Rapporteure pour le budget des forces armées terrestres, je constate que dans un temps d’innovations permanent, nos procédures d’achat et de contractualisation demeurent très figées. Les contraintes des codes de marché public, la rigidité de nos procédures freinent la mise à disposition rapide des innovations, surtout aux PME de défense.
Dans le domaine des drones, des munitions télé-opérées et du combat collaboratif, cette inertie peut devenir évidemment un enjeu stratégique. Ne faut-il pas accélérer la modification des marchés publics, tout en conservant une forme de sécurité financière et budgétaire ?
M. Emmanuel Chiva. Je le confirme : il faut évoluer, être plus réactifs, plus agiles. Nous avons agi en ce sens au sein de l’Agence de l’innovation défense (AID), qui doit désormais passer à l’échelle les innovations via la DGA.
Sans changer le code des marchés publics, beaucoup peut être accompli avec un nouvel état d’esprit. Nous avons par exemple mis en place un pacte drone, qui nous permet de nous concentrer sur ce qui nous intéresse. Nous avons ainsi la possibilité d’acheter des vecteurs sur étagère, et ensuite de pouvoir nous concentrer sur la standardisation des interfaces, notamment pour les charges utiles, les charges militaires ; et sur les liaisons de données résistantes au brouillage, soit les deux grands points d’attention.
En compagnie de l’état-major des armées (EMA), nous avons lancé « la révolution des affaires capacitaires », pour raccourcir les délais et améliorer les normes, qui nous empêchent de répondre immédiatement aux besoins des forces. La situation s’améliore cependant, comme en témoigne la mise en place d’une force d’acquisition réactive, qui enregistre déjà un certain nombre de succès. Je rappelle qu’elle intervient dès lors que le critère des délais est prépondérant dans une acquisition. À l’heure actuelle, quarante affaires sont ouvertes et certains marchés ont été passés en moins d’un mois, par exemple pour la brigade de combat, les exercices de l’armée de terre. Nous nous sommes par ailleurs investis dans le canon Proteus, un canon de 20 millimètres spécialisé dans la lutte anti-drones, à travers une approche incrémentale.
Vous avez également évoqué les achats sur étagère. Aujourd’hui, pour être efficace, il faut être au plus près des besoins. Nous avons donc constitué des équipes mixtes DGA-EMA, implantées au sein des centres, avec des équipes, à l’échelon local. Les équipements de moyens de communication sont supervisés par une équipe DGA-EMA spécialisée dans maîtrise de l’information, qui se trouve à Rennes. L’optronique est située à Bourges, l’aérolargage à Toulouse.
Ces multiples actions nous permettent d’accélérer et cette approche rencontre déjà des succès. À titre d’exemple, nous avons acheté des drones marins dérivants de longue endurance, des embarcations kamikazes dronisées, des protections anti-drones, des faux véhicules de leurrage pour la brigade bonne de guerre, des détecteurs de brouillage de positionnement satellite pour les fantassins.
Nous nous inscrivons donc dans une nouvelle dynamique de transformation, conjointement avec l’état-major des armées. Sous certaines conditions, elle nous permet d’aller plus vite, en privilégiant les délais et les coûts, en laissant une certaine créativité à la fois aux échelons locaux et aux industriels, qui peuvent nous proposer un certain nombre de systèmes, sans passer par de lourds et longs cahiers des charges et spécifications.
Nous nous orientons en outre vers la simplification du document unique de besoin. Nous formulons les effets que nous voulons obtenir ; charge aux industriels de nous proposer des solutions.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Je souhaite vous interroger sur la lutte anti-drones. Face à cette menace prégnante, qui engendre le blocage tactique, nous avons à la fois besoin de la protection du corps de bataille aéroterrestre, mais aussi de protéger nos opérateurs d’importance vitale (OIV) et nos points d’importance vitale (PIV), qui pourrait subir des attaques de déstabilisation. Quels outils la DGA développe-t-elle dans ce domaine ?
Ensuite, quelles actions peuvent-elles être entreprises face aux nouveaux types de menaces portées par les drones ? Je pense notamment aux drones guidés par fibre optique, non brouillables. Existe-t-il d’autres moyens que cinétiques de les abattre ? Où en sommes‑nous sur le sujet des essaims de drones, qui produisent des effets de masse ? Le dispositif Épervier de l’AID est-il en cours de déploiement ?
Par ailleurs, il semblerait qu’une première marche soit réalisée sur le missile balistique tactique, dont l’objectif est de fournir une capacité de frappe dans la profondeur à longue distance. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Enfin, vous avez brièvement mentionné l’acquisition de coques blanches concernant les frégates. Pourriez-vous nous fournir de plus amples détails à ce sujet ?
M. Emmanuel Chiva. Nous accélérons effectivement dans le domaine de la lutte anti-drones. L’AID a lancé le projet Épervier pour établir des solutions innovantes, notamment l’expérimentation d’un système de détection et de neutralisation en vol, pour une durée maximale de huit mois.
Le système Proteus d’artillerie sol-air mobile pour la lutte anti-drones est réalisé conjointement avec l’armée de terre, dans le but de densifier le nombre d’effecteurs. Un premier standard sera assemblé par la section technique de l’armée de terre ; un second standard fera l’objet d’une industrialisation à travers un marché qui sera posé par la DGA.
Nous sommes naturellement préoccupés par les essaims de drones, sujet sur lequel nous avions déjà longuement réfléchi lors de la préparation des Jeux olympiques de Paris. Nous avons conduit des premières expérimentations, avec des essaims anti-essaims, des armes électromagnétiques. La suite des travaux sera composée de plusieurs briques.
À ce titre, nous interrogeons nos homologues ukrainiens sur leur retour d’expérience pour lutter contre les menaces russes. Nous expérimentons des solutions sur étagère ou en centre d’essai de la DGA. À terme, la capacité sera composée à la fois d’équipements achetés sur étagère et d’équipements ad hoc, pour la différenciation sur le champ de bataille, et en particulier la résistance au brouillage de nos essaims de drones. Au‑delà des drones aériens, un certain nombre d’initiatives concernent les drones terrestres.
Au titre de la programmation actuelle, des évolutions incrémentales portent sur le SCCOA, le système de conduite de contrôle des opérations aériennes ; les systèmes intégrés de lutte anti-drones et la commande de dispositifs LAD additionnels. Nous allons en particulier commander neuf systèmes Parade d’ici fin 2025 pour densifier la protection, élargir la couverture. Les évolutions concernent également les effecteurs, les armes électromagnétiques, les armes lasers, les brouilleurs et systèmes de leurrage.
S’agissant du missile balistique terrestre, l’évolution du contexte nous impose effectivement de pouvoir disposer de capacités de frappe dans la profondeur. Ce domaine est discuté dans une enceinte européenne, le système European Long Range Strike Approach (ELSA), lancé par la France et auquel se sont alliés le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Suède, l’Italie et la Pologne, à travers neuf clusters d’intérêts qui couvrent toutes les portées : tactique, opérative, préstratégique.
L’approche adoptée sur les coques blanches permet d’assurer la continuité, notamment du chantier naval de Lorient, et préparer sa capacité à répondre aux besoins exports. Je rappelle que les exports ont connu l’année dernière la deuxième meilleure année de l’histoire de la BITD française, à hauteur de 21,6 milliards d’euros. La production de coques blanches nous permet d’ajuster les besoins nationaux et les demandes à l’export. Si la France remporte des compétitions, l’objectif est de répondre à la demande dans les délais contenus.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). La projection de visibilité et de trajectoire pour l’industrie est en cours de construction. Certaines PME et PMI souffrent. Des glissements dans les calendriers de livraison concernant plusieurs segments capacitaires ont également eu lieu dès 2024.
Comment soutenir directement les PME et PMI, afin qu’elles soient plus flexibles et adaptables aux besoins plus ou moins croissants de l’économie de défense ? Comment les PME et PMI peuvent-elles être mieux prises en compte dans le cadre des projets européens ?
Nous soutenons la coopération européenne de défense et le développement d’une BITD européenne (BITDE). La France doit s’engager pour une Europe de la défense plus cohérente. Nous sommes actuellement incapables de nous fédérer autour de grands projets comme l’Eurodrone, le système principal de combat terrestre (MGCS) et le SCAF. Quel est l’avenir de ces programmes ? Dassault souhaite avancer seul dans un environnement de coopération. Dans ce cas, comment la France se positionne-t-elle sur le SCAF ? Quelle image et quelle confiance renvoyons-nous à nos partenaires européens ? Si le SCAF est arrêté, combien aurons-nous dépensé pour un possible échec et comment financerons-nous l’après-SCAF ?
De son côté, KNDS est en mutation. Pourriez-vous nous partager l’avancée de la production du MGCS ? Enfin, avez-vous étudié l’acquisition de K239 Chunmoo en remplacement des lance-roquettes unitaire (LRU), comme solution intermédiaire ? Avez-vous étudié le développement de biens pouvant traiter la question des débris spatiaux ?
M. Emmanuel Chiva. Environ 80 % de nos contrats sont passés auprès de grands maîtres d’œuvre de l’industrie, de gré à gré – qui bénéficient ensuite indirectement à la chaîne de sous-traitance – mais 20 % sont passés directement auprès des 4 500 PME et des ETI de la BITD française, dont 1 200 sont critiques.
Le plan Défense des PME s’est poursuivi par Action PME, puis le plan en faveur des ETI, PME et start-ups (PEPS), lequel s’accompagne d’ailleurs par la mise en place d’un délégué aux PME et aux ETI et d’un médiateur des entreprises au sein de la DGA. Néanmoins, je ne nie pas la problématique du ruissellement. Le retard pris lors de la période de services votés a dû être compensé par des commandes aux grands groupes, pour des objets qui impliquent un certain nombre d’acteurs de la chaîne de sous-traitance. Nous travaillons conjointement avec les grands maîtres d’œuvre industriels, le Conseil des industries de défense françaises (CIDEF) et les groupements professionnels, afin d’offrir rapidement de la visibilité, à la fois en termes de commandes mais aussi d’avances de paiement aux PME et aux ETI.
Vous avez également évoqué Eurodrone. Le précédent CEMA avait écrit à ses homologues pour les questionner sur la pertinence opérationnelle d’un tel système, conçu à l’époque pour un emploi dans une zone non contestée. Il ne s’agit pas de savoir si nous nous sommes fourvoyés, mais de pouvoir nous adapter au contexte des conflits actuels. La réflexion est en cours avec nos partenaires, d’abord d’un point de vue opérationnel. Le programme Eurodrone peut effectivement faire l’objet d’un certain nombre d’adaptations ou d’ajouts de briques technologiques.
Permettez-moi de corriger un élément concernant le SCAF : Dassault n’a pas indiqué vouloir travailler seul. Dassault demande 51 %, c’est-à-dire le leadership clair sur l’architecture de l’avion et une gouvernance simplifiée. Nous travaillons actuellement à l’entrée dans la phase 2, la phase de prototype.
Aujourd’hui, une voie permettant d’y parvenir passe par une amélioration de la gouvernance et des responsabilités industrielles, afin de respecter nos lignes rouges. Elles sont au nombre de trois : une capacité initiale opérationnelle en 2040 au plus tard ; des moteurs capables d’assurer une poussée suffisante ; et la liberté d’export. Les autorités politiques ont convenu de trouver des solutions d’ici la fin de l’année. De notre côté, nous travaillons avec nos homologues allemands et espagnols pour relever ces différents défis.
La situation est complètement différente en ce qui concerne le MGCS. Une project company rassemble KNDS France, KNDS Allemagne, Rheinmetall et Thales. Nous discutons actuellement avec elle pour faire converger les positions, afin de fournir un premier contrat aux industriels pour une durée de quatre ans, dès le début de l’année prochaine, voire la fin de cette année. Se pose ici pour nous la question du maintien d’une capacité de chars lourds alors que les chars Leclerc seront bientôt frappés d’obsolescence. Il importe traiter la question de l’entrée en service de nouveaux chars à la charnière 2030-2040. En ce qui nous concerne, le projet MGCS n’est pas arrêté. Il n’est pas en défaut, mais en démarrage.
Vous m’avez questionné sur les déchets spatiaux. Le radar Aurore, qui bénéficiera de crédits européens, permettra de détecter des petits objets comme les nano-satellites cubiques et offrira une performance très supérieure à celle du radar de veille spatiale actuel. La question du traitement des débris spatiaux reste ouverte. Un certain nombre de sociétés et de startups ont approché l’Agence de l’innovation de défense à ce sujet.
Enfin, s’agissant du successeur du LRU, la LPM avait indiqué que la France se doterait de solutions souveraines. Dans le respect de la LPM, nous avons lancé un dialogue compétitif avec deux groupements, qui devront produire une démonstration de tir en mai 2026. La décision sera prise à l’issue de ces tirs ; elle pourra poursuivre la solution souveraine en prenant garde au délai de livraison ou opter pour des solutions sur étagère, y compris étrangères.
La solution HIMARS n’est pas envisageable, les Américains étant comme nous confrontés à des problématiques de production et de livraison dans les temps. Une autre solution consisterait à utiliser le missile EuroPULS, un missile israélien. Aujourd’hui, nous nous orientons davantage vers l’étude d’une solution dérivée du Pinaka, un lanceur indien, dans le cadre de nos relations globales et de coopération avec l’Inde. Une évaluation est en cours.
Il existe d’autres initiatives, qui sont d’ailleurs auto-financées par des industriels, que nous saluons et surveillons de près. Je pense notamment au projet Foudre de Turgis et Gaillard, qui a récemment signé avec Airbus pour adapter la conduite de tir.
Mme Sabine Thillaye (Dem). L’innovation en recherche reste un élément clé pour pouvoir parvenir à des avances stratégiques. J’ai constaté que dans le programme 144, un effort financier serait accentué au profit de l’Institut Saint-Louis, un institut franco‑allemand, né en 1958. Il effectue des recherches fondamentales et appliquées, des études techniques, des démonstrateurs de faisabilité technologique, ainsi que des expertises dans le domaine de l’armement. Quels sont les objectifs concrets de cet effort budgétaire supplémentaire ? Quelles sont les principales thématiques de recherche ? Quel regard portez‑vous sur l’Institut ?
Vous avez aussi évoqué le développement du New Space. J’ai été interpellé par une entreprise, Prométhée Earth Intelligence, qui est capable de fournir en un temps quasi réel des informations exploitables pour la défense. Ils ont signé un accord industriel stratégique avec l’Ukraine pour la doter d’une constellation souveraine de satellites d’observation de la terre. Cette entreprise dispose d’un soutien financier privé à hauteur de 97 %, mais le soutien financier public est très faible.
Comment la DGA entend-elle mieux intégrer les acteurs émergents du New Space dans la politique d’investissement de soutien de l’État, afin d’éviter que des entreprises innovantes ne quittent la France ou soient contraintes de fermer ?
M. Emmanuel Chiva. L’Institut Saint-Louis réunit un nombre impressionnant d’expertises. Il a connu des hauts et des bas au gré des relations entre la France et l’Allemagne. J’ai récemment rencontré mon homologue Jens Plötner et nous sommes convenus de nous rendre ensemble à l’Institut pour réaffirmer le soutien des États.
Celui-ci porte en effet un certain nombre de très beaux projets, comme celui des canons électromagnétiques. Je rappelle qu’un canon électromagnétique a en théorie la capacité de tirer à 400 à 600 kilomètres, avec une charge uniquement cinétique et non pyrotechnique. En augmentant les efforts sur ce centre, nous voulons réduire les délais entre le temps de la recherche, celui du cas d’usage et de l’industrialisation. Quoi qu’il en soit, soyez rassurée sur le fait que nous portons une attention particulière à cet opérateur, qui travaille d’ailleurs avec d’autres laboratoires en France et avec les instituts Fraunhofer en Allemagne.
Depuis 2021, le NewSpace constitue l’une des priorités de l’innovation ouverte, une innovation issue du monde civil et conduite par l’AID, qui joue son rôle de guichet unique. Il faut mentionner à ce titre l’appel à projets Flore sur l’observation du spectre radioélectrique, remporté par les petites sociétés U-space et Unseenlabs. Par ailleurs, la DGA considérera naturellement la solution proposée par la société Prométhée.
S’agissant des relations avec les sociétés, et notamment les start-up, nous avons créé avec l’AID un guichet unique permettant très facilement à des entreprises de nous exposer leur projet. Celles-ci sont ensuite contactées sous quinze jours, pour un premier état des lieux. Si les propositions suscitent notre intérêt, il nous revient de trouver le meilleur moyen de les accompagner, à travers diverses modalités. Il peut s’agir de projets d’accélération d’innovation, de subventions rapides, de subventions de thèse, de marchés publics.
M. Bernard Chaix (UDR). Les fleurons de notre BITD évoluent sur un marché ultra concurrentiel, une course technologique frénétique permettant aux hyper-puissances de peser dans les affaires du monde. Dans ce contexte, le programme 146 concentre les crédits les plus stratégiques notamment la dissuasion nucléaire et nos capacités aéronavales. Les récents événements en Iran nous rappellent à quel point nous devons maintenir notre crédibilité nucléaire.
Ainsi, l’augmentation des crédits consacrés aux porte-avions va dans le bon sens. Alors que la Chine envisage de disposer de six porte-avions d’ici 2035 et qu’elle bénéficie déjà – comme les États-Unis – de catapultes électromagnétiques, la France doit maintenir le cap concernant le PANG. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur la déclinaison des crédits 2026 pour le programme PANG ? Cette déclinaison sera-t-elle conforme à l’objectif de mise en service à l’horizon 2038 ?
M. Emmanuel Chiva. Le projet PANG a encore été réaffirmé hier par Mme la ministre. Il nous faut désormais accélérer sur les éléments clés, maintenir le cap sur les capacités. Il ne s’agit pas d’un porte-avions, mais d’un Catobar, une plateforme d’innovation qui bénéficie de catapultes électromagnétiques, de brins d’arrêt avancés ‑ d’ailleurs fournis par les États-Unis.
Comme je l’ai indiqué, la décision concernant le lancement en réalisation de ce PANG devra être prise d’ici la fin de l’année. Nous avons mis en place des systèmes de financement assez innovants en discutant avec l’industriel. Les crédits sont conformes au calendrier visé. Des anticipations ont été réalisées en 2024 pour le développement des chaudières K22, qui nécessite une expertise également nécessaire à nos sous-marins nucléaires d’attaque et à nos sous-marins nucléaires lanceurs d’engin.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous passons maintenant à une séquence de sept questions complémentaires, en commençant par une première série de trois questions.
Mme Sophie Errante (NI). Face aux rouleaux compresseurs chinois et nord‑coréens, au développement militaire accéléré, sur quelles briques technologiques devons-nous concentrer nos efforts ? Si le modèle de coopération doit évoluer, quelle direction faut-il emprunter ? Les joint-ventures semblent constituer une possibilité, mais nos entreprises européennes peinent à s’entendre. Comment éviter d’être en retard sur nos objectifs industriels ? Il y a eu urgence et je vous fais confiance pour trouver des solutions.
M. Frank Giletti (RN). Un article de M. Cabirol dans La Tribune m’a interpellé. Il y évoque la commande de 61 Rafale supplémentaires. Pouvez-vous nous en dire plus ? Est‑ce une fausse information ? J’en étais resté à une cible de 178 pour fin 2030 et de 225 à horizon 2035.
M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). La coopération avec le ministère de l’intérieur sur la lutte anti-drones lors des Jeux olympiques s’est bien déroulée. Qu’en est-il d’une coopération avec le ministère de la justice pour nos centres pénitentiaires ?
Ensuite, je souhaite évoquer le retour sur investissement sur les fonds européens, pour rassurer nos collègues eurosceptiques. Vous avez parlé de 16 milliards d’euros perçus au titre des prêts bonifiés du mécanisme Security Action for Europe (Safe).
Enfin, dans un article du Monde, certains chefs d’entreprise se plaignaient de ne pas encore voir la concrétisation du supplément de budget annoncé. Que pouvez-vous leur répondre ?
M. Emmanuel Chiva. Nos compétiteurs portent leurs efforts dans des domaines clés. Je pense notamment à l’ordinateur quantique, sur lequel la Chine concentre son attention, et publie de moins en moins. Il fait partie de ces ruptures technologiques qui peuvent engendrer des ruptures géostratégiques. Ensuite, la feuille de route d’aviation de combat chinoise est extrêmement ambitieuse.
D’autres domaines sont moins visibles, comme les armes à énergie dirigée, l’hypervélocité, l’intelligence artificielle, les systèmes autonomes. Le document de référence de l’orientation de l’innovation de défense (DrOID) a ainsi pointé les dix technologies prioritaires sur lesquelles l’effort devrait porter.
Un domaine est particulièrement bien manié par nos compétiteurs ; il recouvre la guerre cognitive, la désinformation. La manipulation de l’information dans le monde aujourd’hui est une technologie indissociable des opérations militaires actuelles. Ce sujet nous tient particulièrement éveillés. Comment détecter les manipulations de l’information ? Comment y répondre ? Comment éviter de subir la guerre cognitive qui pourrait nous être imposée avec des approches technologiques très variées, dans l’ensemble du champ des perceptions ?
En matière de coopération, nous portons l’effort sur le regroupement de best athletes, plus efficace que les coopérations équilibrées sur l’ensemble des piliers. La joint‑venture (JV) représente un modèle industriel intéressant, à condition de pouvoir établir un bon équilibre, dès son montage. Dans le domaine spatial, certaines JV en cours de création sont effectivement essentielles pour constituer la taille minimale critique nous permettant de faire face à une concurrence internationale. Dans ce cadre, les commandes du programme 146 sont importantes pour donner du poids à nos industriels, en particulier dans le domaine spatial, où nous faisons face à un nécessaire renouvellement de nos capacités.
Je n’ai pas lu l’article de Michel Cabirol concernant les Rafale. Deux Rafale supplémentaires sont prévus d’ici 2030 pour compenser la tragique attrition que nous avons connue en 2024. Mais la priorité est plutôt accordée à l’armement de nos capacités.
La lutte anti-drones doit effectivement faire l’objet d’un travail interministériel, comme cela fut le cas lors des Jeux olympiques. En revanche, il importe de bien distinguer l’usage de la lutte anti-drones sur notre territoire et sur un théâtre d’opération. En effet, sur le territoire national, un drone est moins susceptible de subir un brouillage et des contre-mesures de guerre électronique.
S’agissant des fonds européens, le taux de retour est supérieur à notre contribution, notamment pour le Fonds européen de défense. Toutefois, nous demeurons vigilants, afin que la base industrielle technologique de défense européenne bénéficie de la priorité. Il n’est pas question que l’argent européen destiné à la BITDE serve à acheter des armes hors Europe.
Enfin, la concrétisation des efforts sur le terrain, au profit des PME et ETI, a déjà été évoquée. Les retards sont liés à un manque de visibilité ou une visibilité trop tardive au sein de la chaîne de sous-traitance. Nous œuvrons à ce titre avec les industriels, pour disposer d’un schéma compatible.
Mme Alexandra Martin (DR). Aujourd’hui, les salles blanches de nos deux grandes entreprises de l’industrie du spatial sont désespérément vides de tout satellite de la défense française. La situation est très inquiétante pour l’avenir de ces entreprises et des équipementiers clés. Alors que l’Allemagne a annoncé investir 35 milliards d’euros dans le secteur du spatial de défense et que l’Italie est très active, que prévoit la DGA pour lancer dans les semaines à venir la poursuite du développement du programme d’observation Iris ou encore Syracuse 5, Égide ou Céleste ?
Mme Nadine Lechon (RN). Encore l’année dernière, le groupe Rassemblement National mettait en garde contre plusieurs projets, notamment franco-allemands, tels que le SCAF et le MGCS. Un an après, l’actualité récente nous a encore prouvé que le SCAF était un cuisant échec.
Il est fort probable que le MGCS connaisse le même sort, entraînant par la même occasion une perte de temps, de moyens, mais aussi de souveraineté. Nous devons financer prioritairement des projets souverains. D’autre part, nous devons soutenir des projets en commun avec des pays fiables, dont les intérêts sont compatibles avec les nôtres. Je pense par exemple à l’Espagne et à l’Italie.
La DGA a-t-elle encore un intérêt à financer des projets mort-nés et ne devrait-elle pas plutôt investir plus encore auprès de notre BITD et de coopérations internationales réellement viables ?
Mme Florence Goulet (RN). Monsieur le délégué général, vous avez salué dans votre propos le nouveau fonds d’investissement en défense de BPI France, qui ouvre des possibilités d’investissement aux particuliers dès 500 euros. Mais pensez-vous réellement que les petits épargnants vont investir dans ce fonds où ils peuvent perdre jusqu’à 100 % de leur capital ?
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). J’aimerais obtenir des éléments d’appréciation sur la stratégie de déploiement et d’acquisition des capacités d’alerte avancée dans le contexte de surdéploiement de la très haute altitude. L’Allemagne et la France ont tout récemment formalisé un accord d’application pour le programme Odin’s Eye. Le consortium industriel est placé sous l’autorité d’OHB. Non seulement ce portage nous pose question, car la collaboration avec les partenaires allemands n’est pas toujours optimale, mais nous nous interrogeons également sur l’utilité d’un tel système intégrant des capacités de détection en orbite. Nous disposons déjà d’un système d’alerte avancé à travers le radar transhorizon, Nostradamus, brique de l’alerte avancée conçue par l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera). Nostradamus bénéficie encore d’innovations paramétriques sous supervision de l’AID, pour affronter des menaces du type missiles hypervéloces.
Dans l’hypothèse d’un besoin réellement constaté, pourquoi notre pays ne s’engage-t-il pas dans un programme français de satellites à détecteurs infrarouges pour compléter l’infrastructure ? Il existe des précédents concluants en ce domaine, comme la démonstration Spirale initiée il y a vingt ans et testée à partir de 2009. Le Centre national d’études spatiales (CNES), l’Onera, la DGA et les industriels ont toute notre confiance pour relever le défi de convertir un démonstrateur en capacité opérationnelle.
M. Emmanuel Chiva. Dans le domaine satellitaire et dans la filière du spatial, la BITD française était en avance, mais il existe un risque réel de rattrapage par nos partenaires. C’est la raison pour laquelle nous avons maintenu en 2025 la mise en service opérationnelle du satellite CSO3. L’enjeu consiste à renouveler et de renforcer nos capacités, en maintenant un équilibre entre l’altitude géostationnaire et l’orbite basse.
En 2025, nous poursuivons la préparation d’IRIS, pour un lancement en réalisation en 2026. Le chef de l’État inaugurera bientôt le Commandement de l’espace. L’accord-cadre Paladin permettra d’opérer des objets en orbite géostationnaire.
S’agissant des capacités de communication, l’accord-cadre Nexus préfigure Iris2. Nous n’attendons donc pas le programme européen pour nous doter d’une capacité qui nous permettrait d’être résilients, par exemple en cas de coupure de Starlink.
S’agissant du renseignement d’origine électromagnétique spatiale, une consultation est en cours pour la capacité CELESTE. Par ailleurs, afin de bénéficier de la dynamique du New Space, nous avons lancé le Pacte espace il y a deux semaines, sur le modèle du Pacte drone. Celui-ci nous permet ainsi de remplir les salles blanches d’un certain nombre de nos industriels.
Les sujets SCAF et MGCS sont évoqués à chacune de mes venues devant la commission. Madame Lechon, je ne partage pas votre point de vue concernant un supposé échec du SCAF. En revanche, il s’agit d’un programme complexe, dont nous voulons modifier la gouvernance. Je rappelle que le SCAF n’est pas un avion, mais une plateforme connectée à un cloud de combat, avec des ailiers dronisés. Si nous voulons conserver son ambition initiale, il convient de travailler à plusieurs. Je crois toujours que nous pouvons y parvenir.
Nous diversifions aussi partenariats, par exemple, avec la Pologne dans le domaine spatial ; mais également avec la Suède, dans le cadre du programme Global Eye.
Le fonds d’épargne constitue une solution parmi d’autres. Il s’agit en l’espèce de lancer des produits complémentaires. Les mentalités ont heureusement changé, le financement de la défense n’est plus un repoussoir, ce qui était encore le cas il y a peu. L’évolution du contexte géostratégique a permis aux gens de changer de mentalité. Le fonds BPI France Défense constitue un bon moyen d’entretenir le lien entre la défense, les armées et la nation.
S’agissant de l’alerte avancée, je rappelle que la lettre d’intention a pour objet d’exposer des capacités complémentaires. Le système actuel utilise des capacités satellitaires nécessaires, dans la mesure où il ne s’agit pas uniquement de détecter, mais également de suivre la trajectographie des objets détectés pour savoir quelles sont leurs cibles et comment les intercepter. Le segment spatial est sous leadership allemand, mais la lettre d’intention spécifie un segment terrestre sous leadership français, et qui repose sur des capacités complémentaires.
Ces capacités complémentaires concernent notamment des radars UHF de très grande portée, des radars UHF aussi qui peuvent être mobiles, très complémentaires du segment spatial. De la même manière, le radar transhorizon Nostradamus est complémentaire des deux autres types de radar. Il ne peut cependant pas tout détecter à lui seul, notamment parce qu’il est dépendant des conditions atmosphériques.
En résumé, dans le domaine de l’alerte avancée, il existe une réelle volonté d’une capacité fédératrice européenne, précisément parce que certains aspects de l’alerte avancée qui dépendent de notre collaboration avec les États-Unis peuvent être remis en question, à l’aune des décisions politiques prises outre-Atlantique.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie pour ces réponses nourries et précises.
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La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. François Cormier-Bouligeon, les crédits relatifs à l’« Équipement des forces - dissuasion » de la mission « Défense » pour 2026, au cours de sa réunion du 29 octobre 2025.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. « Pour être libre dans ce monde, il faut être craint, et pour être craint, il faut être puissant. » Cette déclaration du président de la République lors de son discours aux Armées le 13 juillet dernier a suscité des réactions, mais je la reprends entièrement à mon compte. Notre nation fait face à une dégradation générale de la situation géopolitique qui doit conduire à assumer nos responsabilités. La situation européenne et mondiale nous oblige à réarmer nos forces, à moderniser nos équipements et à financer davantage encore notre effort en matière de défense.
Le ministère des Armées a pleinement pris en compte la nécessité d'accélérer nos programmes capacitaires. Il a ainsi été intégré au budget 2026 une surmarche à la LMP 2024‑2030, manifestation d'un nouvel engagement collectif en faveur de nos armées.
Pour la mission défense, les crédits de paiement augmentent de 6,7 milliards d'euros, soit une accélération de 3,5 milliards par rapport aux objectifs initialement fixés dans la LPM. Cet effort est appelé à se poursuivre, avec une actualisation de la LPM prévue cet automne. Nous ferons donc mieux que respecter la programmation, nous irons plus loin.
Le programme 146 est au cœur de ce défi. La programmation capacitaire représente en effet, aux côtés du recrutement des soldats, la pierre angulaire de l'expression de notre souveraineté. Le budget 2026 renforce à ce titre les efforts en faveur des équipements. Le programme 146 bénéficie d'une augmentation de 4,2 milliards d'euros en crédits de paiement. La surmarche est donc fortement orientée vers le renouvellement de nos équipements, orientation que nous ne pouvons qu'approuver.
Les priorités s'articulent autour de plusieurs axes majeurs : la dissuasion, qui demeure un programme fortement doté ; les munitions, du petit au gros calibre, poursuivant les engagements pris dans ce domaine ; les technologies de rupture, absolument essentielles dans un contexte d'accélération de l'innovation ; les capacités d'engagement à court terme, notamment les drones, la défense sol-air, la guerre dans le champ électromagnétique et les frappes dans la profondeur.
Parmi ces éléments, j'attire particulièrement votre attention sur les systèmes d'information et le spatial qui font l'objet d'une forte accélération cette année. L'action 7, « commandement et maîtrise de l'information », bénéficie ainsi de 13,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement, contre 4,6 milliards l'an passé. Dans cette action, nous relevons des augmentations significatives sur des projets tels que le remplacement de l'Awacs, le cloud projetable que j'appelais de mes vœux l'année dernière, le renseignement d'origine électromagnétique et le réseau de radiocommunication tactique haut débit. Sur le segment spatial, les augmentations concerneront notamment le programme Syracuse 4, le renseignement par imagerie et le programme Action et résilience spatiale (ARES).
Je souhaite partager plusieurs points d'attention relevés durant mes travaux. En premier lieu, l'année 2025 a été marquée par une exécution budgétaire perturbée. L'année a débuté dans le contexte spécifique des services votés après la censure du gouvernement Barnier, engendrant des retards d'un trimestre dans la libération des crédits. Parallèlement, la dégradation de nos finances publiques a conduit Matignon à procéder à des gels et surgels de crédits, y compris sur la mission défense et le programme 146, provoquant un ralentissement des programmes et des commandes.
Face au risque d'insoutenabilité du programme 146, le gouvernement a finalement décidé de dégeler ces crédits en deux temps, la seconde phase n'intervenant qu'à l'été 2025. Cette instabilité budgétaire a considérablement réduit la visibilité des armées comme des industriels sur l'avancement des programmes. Les répercussions sur la BITD ne sont pas négligeables. Les entreprises auditionnées ont toutes rapporté des difficultés dans la gestion de leurs commandes, avec d'importantes tensions sur la trésorerie, particulièrement pour les plus petites structures, tandis que les grands donneurs d'ordre signalaient une fragilisation de leur chaîne de production. Si la direction générale de l'armement (DGA) confirme que l'ensemble des commandes a été rattrapé en septembre, et je salue d'ailleurs son effort considérable, force est de constater que cette situation doit absolument être évitée l'année prochaine.
Malgré ce contexte budgétaire, je tiens également à souligner les avancées majeures réalisées en 2025. De nombreuses livraisons de commandes ont été effectuées, parachevées par un événement majeur : la mise à l'eau de la première Frégate de défense et d’intervention (FDI) le 17 septembre 2025. Je dois également mentionner la poursuite de livraison de véhicules Scorpion, permettant aujourd'hui d'atteindre un taux de 50 % de scorpionisation de notre armée de Terre, mais aussi la livraison de douze Mirage 2000 rénovés, d'hélicoptères de combat de type Tigre, de systèmes de lutte anti-drones, de missiles comme le MICA ou l'ASTER, et d'un A400M. L'année 2025 aura donc été riche et s'inscrit parfaitement dans les ambitions de la LPM telle que nous l'avions conçue en 2023. Cet effort se poursuivra en 2026 avec de nouvelles commandes et livraisons importantes pour les trois armées.
Le troisième point de mon rapport concerne les programmes qui, à mon sens, nécessitent encore un renforcement afin de garantir nos capacités. Mes recommandations sont au nombre de quatre.
Premièrement, nous devons assurer le remplacement des Awacs d'ici 2035. La solution semble sur le point d'être trouvée, ce qui constitue une excellente nouvelle. Le choix porte sur le GlobalEye, produit par l'entreprise suédoise Saab. Nous ne pouvons qu'appeler de nos vœux la bonne poursuite de ce programme, bénéfique pour nos forces, pour nos finances et pour une coopération européenne dynamique.
Deuxièmement, concernant le LRU, comme je l'ai exposé l'année dernière, le système est aujourd'hui vieillissant et rencontre des problématiques de maintenance. Une solution doit être trouvée rapidement. Le vecteur du LRU devra être retiré en 2027-2028. Or, le projet annuel de performance reste en deçà des ambitions de nos armées, avec seulement 315 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour 2026. Deux groupements d'entreprises travaillent actuellement à une solution souveraine. Ils doivent être soutenus. Cependant, dans l'urgence et pour éviter un trou capacitaire, nous ne devons éliminer aucune option et une solution intermédiaire pourrait être examinée avec un partenaire allié, notamment le partenaire indien avec le Pinaka.
Troisièmement, le PANG continue d'être un enjeu essentiel pour les prochaines années. Il s'agit de l'un des programmes les plus complexes, mais aussi l'un des plus centraux pour notre capacité de projection. Nous ne pouvons pas nous permettre de décaler l'entrée en service du PANG au risque de perdre nos capacités de projection. Nous devons poursuivre ce programme en permettant à nos entreprises de tenir les délais afin de doter la France d'un nouveau porte-avions en 2038.
Le renforcement de la lutte anti-drones constitue le dernier point que je souhaite soumettre à votre vigilance. L'espace aérien de l'Europe et de l'Otan a été violé à plusieurs reprises en septembre et octobre 2025. Cette situation a révélé des fragilités dans nos capacités de lutte anti-drones. Les systèmes commencent à irriguer nos armées, avec notamment les MILAD, PARADE et BASSALT ainsi que les fusils brouilleurs. Nous devons poursuivre nos efforts dans ce domaine afin de pouvoir réagir en cas d'attaque massive. Les commandes s'accélèrent en la matière, mais doivent atteindre un nouveau niveau qui pourra être concrétisé lors de l'actualisation de la LPM.
J’en viens désormais à ma partie thématique. Cette année, j’ai décidé de consacrer mes travaux à la trame drones. Au regard des exigences qu'impose le présent exercice, j'ai concentré mon étude thématique sur les drones aériens des trois armées, dont l'impact stratégique sur les conflits est sans commune mesure, comme le démontrent la guerre en Ukraine, au Haut-Karabakh ou les frappes entre l'Iran et Israël à l'été 2025.
Alors que la France avait pris un retard certain, la LPM 2024-2030 et les budgets successifs ont permis une accélération notable de l'investissement dans les drones. Les programmes nationaux se multiplient avec des achats de drones légers, de drones tactiques, drones de medium altitude long endurance (MALE) et de munitions télé-opérées. Nos armées s'équipent et s'entraînent, comme j'ai pu le constater lors de mes déplacements. Notre administration s'organise avec des procédures d'achat innovantes comme le « Pacte drones aériens de défense » ou le projet Colibri. Des essais sont menés par la DGA TT à Bourges et par les industriels. Les propositions se multiplient dans la BITD, portées par des entreprises souvent jeunes, nativement innovantes, qui s'affirment chaque jour sur le marché national. La France a donc réellement pris le virage capacitaire.
Néanmoins, des défis restent à surmonter. La question de l'organisation de la BITD française et de l'émergence d'entreprises de taille critique constitue l'une de nos principales problématiques. Les évolutions rapides des technologies représentent un autre défi avec, par exemple, des avancées en cours sur l'intelligence artificielle et les essaims de drones.
La question de la souveraineté demeure l'une des dernières limites pointées dans mon rapport avec l'absence de solutions de drones MALE pour l'instant et une dépendance au marché international pour certaines matières premières.
En conclusion, je salue le travail mené par la DGA et par le ministère des Armées. Le travail d'expression des besoins et d'interface avec notre BITD française dans un monde où les enjeux évoluent à grande vitesse sont des éléments essentiels sans lequel nos programmes de défense ne pourraient pas aboutir. Je ne peux qu'encourager la poursuite des politiques actuellement menées qui vont, selon moi, dans le bon sens, fondées sur l'accélération de notre réarmement, sur un rapprochement avec l'industrie de défense que nous devons consolider, sur la valorisation des innovations, la simplification des normes et des procédures internes et la mise en place de commandes publiques innovantes.
Comme j'ai eu l'occasion de le faire l'année dernière, j'appelle notre commission à la cohérence et à la cohésion face aux enjeux que la France rencontre actuellement et que chacun d'entre nous mesure parfaitement. L'adoption du budget défense engage tout à la fois des enjeux en matière de défense et de dynamisme économique en termes de richesse produite, d'innovation, d'emplois et de compétences. Je le mesure chaque jour à Bourges, qui renoue avec le fil de son histoire industrielle de défense depuis la LMP de 2019 et encore plus avec celle de 2024, après un quart de siècle de crise, et je suis certain que chacun d'entre vous le constate également dans son territoire.
Nous devons donc permettre, par le vote de ce budget, la validation de la surmarche et de l'ensemble des efforts pour les armées afin de construire le glaive et le bouclier dont notre nation a besoin.
Souvenons-nous de l'alerte du Général de Gaulle qui disait : « Les Français ne savent pas que la renaissance de la France tient du miracle. Ils pensent qu'il y a toujours un homme qui sauvera la France. Ils croient donc qu'ils peuvent agir à leur fantaisie et se quereller. Ce n'est pas vrai. Il n'y aura pas toujours un miracle pour sortir d'affaire les Français, ni la France. »
Pas de miracle donc, mais un effort de la nation tout entière auquel je vous appelle, puisqu'en effet, au regard de l'ensemble des éléments réunis et examinés par mes soins, j'émets un avis favorable à ce budget.
Je remercie Émilie Janin, toute jeune administratrice de l'Assemblée nationale et dont le mérite est d'autant plus exceptionnel qu'elle a été lancée dans le grand bain du programme 146 à la rentrée de septembre par la grâce d'une gestion que je qualifierais de « baroque » des ressources humaines de notre Assemblée. J'associe également à mes remerciements Éliette Courilleau ma collaboratrice, ainsi que Thibault Le Moteux, stagiaire à la Commission.
Mme Corinne Vignon (EPR). Je tiens à remercier Monsieur le rapporteur pour cet exposé d'une grande clarté.
La stratégie spatiale française formalisée en 2019 comprend de nombreux systèmes couvrant un ensemble de missions essentielles : l'observation avec la composante spatiale optique (CSO), la capacité de renseignement électromagnétique spatiale (Ceres), et la surveillance avec le radar au sol Grave. Nous devons toutefois nous adapter constamment pour éviter tout retard face aux évolutions stratégiques. Nous attendons avec intérêt la future stratégie de défense spatiale française ainsi que le positionnement de notre pays pour la prochaine réunion ministérielle de l'Agence spatiale européenne (ESA) en novembre.
Face à l'accélération de l'innovation, les systèmes nécessitent encore des améliorations significatives. Je pense particulièrement à la nouvelle génération de lanceurs, au développement des constellations, à la connectivité haut débit, et aux télécommunications sécurisées. Je note notamment l'abandon de Syracuse 4C, alors que les modèles 4A et 4B ont été lancés respectivement en 2021 et 2023. Il s'avère donc impératif de faire face aux pays compétiteurs et maintenir la capacité opérationnelle de nos armées. Pourriez-vous préciser les mesures supplémentaires envisagées pour 2026 concernant le domaine spatial ?
Mme Sophie Errante (NI). Votre rapport évoque le programme MGCS qui suscite des interrogations quant à son opérationnalisation à l'horizon 2040, moment où les chars Leclerc, même portés au standard XLR, auront atteint la limite de leur potentiel après près de 50 ans de service. Le chef d'état-major de l'armée de terre a d'ailleurs mentionné la possibilité d'un engin intermédiaire assurant la jonction entre les deux générations. Dans cette perspective, pouvez-vous préciser la crédibilité actuelle d'une solution intérimaire destinée à combler ce vide capacitaire critique et à assurer la transition entre le parc existant et le futur MGCS ?
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Concernant le spatial, je tiens à remercier Corinne Vignon pour sa question et à saluer le rapport remarquable qu'elle a présenté avec Arnaud Saint-Martin devant notre commission.
L'année 2026 sera marquée par très forte une augmentation des crédits en faveur du spatial. Les sous-actions couvrant les différents programmes connaîtront une hausse massive. La sous-action 7-43, dédiée aux moyens de communication par satellite, passera de 173 millions d'euros à 1,9 milliard d'euros. La sous-action 7-44, consacrée au renseignement spatial, à la surveillance et à la reconnaissance, évoluera de 110 millions d'euros à 2,2 milliards d'euros. Enfin, la sous-action 7-45, centrée sur la maîtrise de l'espace, atteindra 2 milliards d'euros.
Ces différentes sous-actions englobent des programmes majeurs que vous pourrez retrouver en détail dans mon rapport. Le CELESTE remplacera les satellites CERES à partir de 2029 pour les capacités de renseignement électromagnétique spatial. Le programme Syracuse 4 comprend déjà le satellite 4A en service depuis 2021 et le 4B depuis 2023. Ces dispositifs répondent aux besoins en matière de télécommunication par satellite. Les programmes Multinational Passe-bas Imagine System (MUNIS) et son successeur Infrastructure for Resilience, Interconnectivite and Security by Satellite (IRIS2) assurent quant à eux la capacité d'observation spatiale, tandis qu’ARES garantit la surveillance et la protection des satellites depuis le sol.
Les programmes de développement progressent avec des livraisons et des commandes prévues en 2026. Un satellite MUSIS a été livré en 2025, des stations pour Syracuse ont été livrées en 2025 et continueront à l'être en 2026 et au cours des années suivantes. Les programmes de recherche et développement se poursuivent malgré le ralentissement du programme Syracuse. Nous devons envisager son relancement, d'une part avec la reprise du Syracuse 4C pour éviter une rupture dans nos capacités spatiales, et d'autre part avec notre projection vers une nouvelle étape via le développement de la génération Syracuse 5.
Sur le char du futur, trois idées fondamentales doivent guider notre réflexion. Premièrement, nos chars Leclerc, même rénovés, présenteront une durée de vie limitée et devront être remplacés à l'horizon 2040. Deuxièmement, je reste favorable aux coopérations européennes sur ces sujets, avec toutefois une réserve importante : ces coopérations doivent servir nos besoins opérationnels et engendrer un moindre coût. Or, nous constatons que malgré la convergence des armées sur l'expression de leurs besoins et les efforts déployés par les ministres français et allemands depuis des mois pour faire avancer ce programme, nous rencontrons une problématique industrielle avec, soyons directs, un industriel allemand, Rheinmetall, dont les ambitions paraissent démesurées.
Nous devons absolument nous prémunir contre un éventuel échec du MGCS ou, à tout le moins, réfléchir à une capacité intermédiaire qui s'intégrerait dans le futur système MGCS. Mon approche sur cette question a évolué. Nous devons maintenant établir comme priorité absolue le rehaussement de l'ambition du plan national capacitaire « chars ». Il nous faut préserver les briques technologiques critiques et franchir un seuil politique déterminant avec le lancement concret d'une capacité de chars intermédiaires en 2026. Ce sujet suscitera certainement de riches débats et pourrait faire l'objet d'un consensus lors de l'actualisation de la LPM. Je considère que nous pourrions maintenir un échelon de coopération sur le châssis avec nos partenaires allemands, tout en préservant notre souveraineté, notamment sur la tourelle téléopérée, la puissance de feu et plusieurs autres éléments critiques. La sagesse nous impose d'avancer dans cette direction.
M. Yannick Chenevard (EPR). Le 25 octobre, le missile M51.3 a commencé à équiper la Force océanique stratégique (FOST). Les SNLE concourent à notre dissuasion nucléaire, et les SNLE de troisième génération remplaceront progressivement les types Triomphant. Le premier exemplaire devrait être livré aux environs de 2035 et le quatrième vers 2050, ce qui souligne l'importance du temps long dans la construction de ces systèmes stratégiques.
La livraison des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de nouvelle génération se poursuit, et je tiens à souligner l'excellence de ces bâtiments dont les équipages se montrent extrêmement satisfaits.
Pourriez-vous dresser un état des lieux de ces deux programmes et rappeler les efforts budgétaires qui y sont consacrés ?
M. Thomas Gassilloud (EPR). Je remercie le rapporteur pour son travail et son dialogue constant avec tous les industriels, pas uniquement ceux du Cher.
Vous l'aurez compris, ma position évolue vers une conviction : s'il est essentiel d'augmenter nos dépenses de défense, nous devons également repenser nos modes d'action. C'est pourquoi, après avoir questionné les deux milliards alloués à l'opération Sentinelle, je m'interroge sur les deux milliards consacrés à l'Eurodrone. Je ne remets pas en cause sa dimension européenne, mais bien le concept même de ce programme lancé en temps de paix pour un drone aux dimensions considérables - plus de 20 mètres d'envergure et dix tonnes, soit le double de l'envergure d'un Rafale. Quel est selon vous l'utilité militaire réelle de ces deux milliards d'euros ? Pour mettre cette somme en perspective, elle représente 10 000 euros par soldat. Avec un tel montant par soldat, nous aurions pu acquérir, par exemple, 20 drones tactiques pour chacun d'entre eux, plutôt que trois systèmes d'Eurodrone. Quelle est l'utilité militaire de cet investissement ? Disposez-vous d'une estimation du coût que représenterait une sortie de ce programme et des dépenses à venir si nous décidions d'y rester engagés ?
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je m'étonne qu'un fusil brouilleur coûte 70 000 euros. La lutte anti-drone doit constituer une priorité absolue et nous allons devoir équiper de très nombreuses unités. Je m’interroge sur l’accès à ces matériels.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Votre question sur nos sous-marins doit être l'occasion de nous féliciter à la fois de nos capacités militaires, qui sont très grandes et qui nous distinguent de nombreux pays compétiteurs, mais également de nous féliciter de l'excellence de notre industrie de défense française. Sur le programme des SNA, le programme Barracuda a permis de développer les SNA de classe Suffren, dont le premier a été admis au service actif le 1er juin 2022. Le deuxième de la série a été réceptionné le 28 juillet 2023, le Duguay-Trouin, et a été admis au service actif le 4 avril 2024. Le troisième, le Tourville, a été réceptionné le 16 novembre 2024, son admission au service actif ayant été prononcée le 1er juillet 2025.
Les enjeux se poursuivent en 2026 avec l'achèvement du SNA De Grasse que j'ai observé à Cherbourg dans les ateliers de Naval Group. Les essais à la mer sont prévus en 2026 en vue d'une livraison à l'été 2026. Après avoir eu l'opportunité, avec l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), de monter à bord de ces SNA de classe Suffren, je peux affirmer que leurs capacités sont sans commune mesure avec la génération précédente, et que le confort pour les femmes et les hommes qui sont amenés à y servir est absolument incomparable.
S'agissant des SNLE, vous avez raison de les mettre en parallèle avec les missiles qu'ils emportent. La réalisation du programme SNLE-3G a été lancée début 2021. Il est destiné à remplacer les SNLE de deuxième génération entrés en service de 1997 à 2010. Le passage à l'étape 2 est prévu pour fin 2025. Le SNLE-3G est conçu pour emporter les futurs missiles M51.3, mais surtout M51.4. Je peux attester que les travaux menés par la direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA-DAM) pour assurer l'innovation et la modernisation de notre capacité de dissuasion nucléaire progressent conformément à nos attentes et à nos financements. Le budget 2025 a marqué une accélération très forte de ces programmes, avec 11 milliards d'euros en autorisations d'engagement pour le programme SNLE-3G et 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement pour les SNA.
Les crédits ralentissent nécessairement en 2026, car il convient désormais de mettre en œuvre les programmes et écouler les crédits de paiement. Les crédits de paiement augmentent pour les deux programmes cette année, avec 810 millions investis pour le SNLE‑3G et 900 millions d'euros en crédits de paiement pour les SNA.
La question de l’Eurodrone reflète deux problématiques majeures : d'abord celle de la différenciation capacitaire, à savoir de quels équipements de haute performance nos armées doivent se doter et de quels équipements nous avons besoin en masse - c'est l'un des retours d'expérience du conflit en Ukraine. La seconde problématique soulevée concerne les ruptures technologiques. Ce programme a effectivement été lancé il y a maintenant de nombreuses années, en 2013, avec une proposition commune d'Airbus Defence & Space, de Dassault Aviation et d'Aermacchi. En 2020, la France, l'Allemagne et l'Italie ont validé le contrat de réalisation. L'Espagne a rejoint le programme en 2022, et les pays s'organisent à travers l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR).
Le ministre des Armées a confirmé en audition devant la commission de la défense nationale que ce programme accusait des retards. Au-delà de la problématique des délais, une forte incertitude existe sur la pertinence des spécifications de l'Eurodrone au regard de l'évolution des besoins opérationnels. Nous devons remplacer les Reaper que nos armées utilisent depuis de nombreuses années. Nous les avons acquis en urgence pour les opérations en Afrique, mais leur principale faiblesse réside évidemment dans la dépendance vis-à-vis des États-Unis, dépendance à la fois en termes de technologie, mais également par le fait que les Américains exercent un contrôle extrêmement intrusif sur l'utilisation que nous en faisons.
Nous devons les remplacer, d'où la réflexion sur l'Eurodrone. Toutefois, les critères pertinents que notre armée de l'Air et de l'Espace met en avant sont la mise en œuvre facile et rapide, avec le moins de moyens possibles, un coût d'exploitation maîtrisé et une efficacité opérationnelle avec un capteur performant. Or, nous constatons aujourd'hui que la proposition actuelle de l'Eurodrone doit être jugée plutôt défavorablement, car ce drone est manifestement trop imposant. La solution bimoteur proposée entraînerait des coûts d'exploitation excessivement élevés, ce qui nous amène à privilégier une solution monomoteur. De plus, le capteur nous semble trop limité par rapport aux besoins actuels.
Concernant votre question sur le coût de sortie et le coût d'investissement pour remplacer ce programme, je ne peux pas vous fournir de réponse précise. Vous avez cependant noté que Sébastien Lecornu a déjà indiqué que le coût de sortie du programme serait plus élevé que celui de sa poursuite. Nous devons probablement continuer à travailler sur la convergence des besoins avec nos partenaires, mais je crois que nous devons investir dans des solutions souveraines de drones MALE. Des industriels français sont prêts à relever ce défi, notamment Turgis & Gaillard, dont j'ai visité les installations à Blois il y a quelques semaines, et qui a effectué un deuxième essai en vol du drone AAROK. Je pense que nous devons poursuivre nos investissements dans cette direction.
Je vous invite à consulter mon rapport qui aborde la question de la masse des drones, des petits drones et des munitions télé-opérées sur lesquelles nous devons investir.
Madame la Ministre, je me pose exactement la même question que vous concernant les fusils brouilleurs, dont le prix élevé s'explique manifestement par des technologies complexes. Dans le cadre de nos travaux, nous devons impérativement mener une évaluation approfondie de ces fusils, comprendre précisément pourquoi ils coûtent aussi cher et explorer d'éventuelles alternatives.
M. le président Jean-Michel Jacques. Permettez-moi d'ajouter une remarque concernant le drone et son double moteur. J'avais posé cette question à un expert éminent sur ce sujet qui m'a expliqué que le bimoteur était important car si un drone équipé d'un seul moteur s'écrasait, se poserait la question de l'indemnisation des victimes potentielles, et par conséquent celle de la création d'un fonds d'indemnisation spécifique. Cette réflexion me rappelle les propos tenus récemment par le CEMA qui nous indiquait que les bâtiments des forces spéciales devaient être équipés d'ascenseurs pour les personnes en situation de handicap. Nous, parlementaires, nous devons nous saisir de ces questions, mais il est essentiel que chaque organisation prenne sa part de responsabilité pour éviter d'aboutir à de telles aberrations.
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La commission en vient maintenant aux interventions des représentants des groupes politiques.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous poursuivons l’examen pour avis des crédits des missions Sécurités, Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation et Défense.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. José Gonzalez (RN). Dans un monde de plus en plus conflictuel, l’examen du budget de la défense revêt une importance particulière. Notre chère France peut compter sur une armée exceptionnelle pour la défendre et faire respecter ses intérêts. Cet outil militaire, qui fait référence en Europe, repose sur des hommes et des femmes exemplaires, dévoués à leur patrie. Je tiens, au nom du groupe Rassemblement national, à les saluer et à leur témoigner notre plus profond respect.
Respecter nos militaires, c’est d’abord dire la vérité sur une réalité qu’ils connaissent et éprouvent sur le terrain. Certes, nous disposons d’un modèle d’armée complet, notre budget de la défense connaît sur le papier une hausse de 6,5 milliards d’euros, nos armées mènent avec succès des opérations comme Sagittaire, mais ce modèle est fragile. Malgré les surmarches annoncées, la loi de programmation militaire (LPM) est compromise et sa sincérité budgétaire remise en question : 13 milliards de recettes supplémentaires annoncées ne sont toujours pas réellement budgétées, et le secrétariat général pour l’administration (SGA) n’a pu donner aucune précision sur ces recettes miracles. L’inflation ronge le budget à hauteur de 30 milliards d’euros, selon les propres estimations du ministère des armées. Les reports de charges ont explosé avec un doublement en deux ans, passant de 3,8 milliards fin 2022 à plus de 8 milliards, et la surmarche de 3,5 milliards annoncée pour 2026 ne suffit même pas à les combler.
Malgré l’explosion de ces reports de charges, justifiés par une hausse légitime des achats de matériels, l’équipement des armées reste en souffrance et nous ne disposons plus, en tant que parlementaires, des données de maintien en condition opérationnelle (MCO), poste de dépenses traditionnellement coûteux.
Permettez-moi également, en tant que doyen de cette assemblée, de relativiser les accents triomphants du gouvernement quand il annonce des hausses budgétaires inédites ou qu’il disserte sur « l’économie de guerre », une expression fumeuse dans laquelle notre base industrielle et technologique de défense (BITD) ne se retrouve pas. La part du PIB consacrée à la défense était de 6,1 % en 1960, elle est estimée à 2,06 % cette année. Pour un pays qui n’est plus totalement en paix, comme le dit Sébastien Lecornu, il n’y a là rien d’exceptionnel – mais il est vrai que la modestie est une qualité peu développée en Macronie.
À cette situation financière déjà grave s’ajoute le coût de l’idéologie. Je pense aux lubies européistes qui, en dehors de toute logique industrielle, minent nos budgets, mettent à mal notre souveraineté et alimentent les carnets de commandes de la BITD américaine. C’est ainsi que 1,2 milliard d’euros sont budgétés pour le SCAF (système de combat aérien du futur) et 120 millions pour le MGCS (système principal de combat terrestre), c’est-à-dire pour des projets qui n’en finissent pas de mourir et que l’on maintient artificiellement en vie, au nom d’une Europe de la défense qui n’existe pas et que ne permet d’ailleurs aucun traité.
Autre idéologie : celle de l’écologisme débridé qui, dans un monde dangereux, ne voit pas d’autre priorité que d’imposer à nos armées des achats de véhicules électriques ou des plans de préservation de la biodiversité dans les casernes.
Nos armées doivent faire face à des failles capacitaires graves : manque de feu, manque de chars, manque de frégates, manque de Rafale, manque de munitions, manque d’entraînement pour tenir dans un conflit de haute intensité… Or, pour certains, la priorité est à l’écologie ou à l’Europe – Europe qui, avec ses programmes, va dépenser l’argent du contribuable français pour acheter américain, on le voit avec l’Allemagne qui passe commande de F-35.
Les armées ne sont rien sans les hommes et les femmes qui les composent. Là encore, il y a urgence. Pour 2026, les cibles de recrutement sont maintenues, mais c’est surtout à la fidélisation qu’il faut s’intéresser. En 2022, 35 % des primo-contrats étaient dénoncés. Certes, les efforts sont faits, notamment avec le plan Fidélisation 360, qui inclut désormais le plan Famille 2, tous deux en hausse pour 2026. Toutefois, sur un vecteur aussi stratégique que le logement pour assurer la fidélisation, les retards et les difficultés s’accumulent.
Respecter les armées, c’est enfin rétribuer à leur juste valeur ceux qui se sont battus en leur sein. Cette année encore, dans le monde combattant, la question du point de la pension militaire d’invalidité (PMI) cristallise les débats. Nous demandons qu’il soit aligné sur l’inflation, donc revalorisé d’au moins 1 %. Nous tenons également à la préservation de la politique de mémoire pour nos compatriotes juifs, qui font face à un antisémitisme débridé, ainsi que pour les anciens combattants indochinois ou harkis, si injustement maltraités.
Depuis l’adoption de la LPM, les constats que nous avons établis sur le manque de sincérité budgétaire, sur les failles capacitaires ou sur les enjeux liés aux ressources humaines se révèlent malheureusement justes.
Nous continuerons de mener notre combat en faveur d’une défense française solide, cohérente et souveraine. Pour reprendre une formule inscrite sur l’un des murs de la salle de notre commission, la raison d’être d’un État, c’est sa défense. Au Rassemblement national, nous aimons la France et nous voulons la défendre. Nous ne la sacrifierons pas à un délire d’État européen que d’aucuns, de manière plus ou moins assumée, appellent de leurs vœux. Vive nos forces armées et vive la France !
M. Yannick Chenevard (EPR). La situation internationale ne cesse de se dégrader. Les empires sont de retour, le droit international est piétiné : la loi du plus fort s’impose désormais. Depuis 2017, les lois de programmation militaire ont été exécutées à l’euro près. Compte tenu du contexte international, nous ne pouvons relâcher nos efforts. Pour 2026, les crédits de la mission Défense s’élèvent à 57,1 milliards d’euros – 6,7 milliards de plus qu’en 2025, soit une hausse de 13 %. Conformément aux annonces du président de la République, cette progression est supérieure de 3,5 milliards à la trajectoire initialement prévue par la LPM, ce qui représente 24,8 milliards de plus qu’en 2017.
Nous avons cru naïvement que la paix était durable. Si la société a profité des dividendes de la paix, nos armées ont largement réglé la facture. Avec le président Jean‑Michel Jacques et mon collègue Sébastien Saint-Pasteur, nous avons présenté un rapport d’information sur la mise en application de la loi de programmation 2024-2030. « Chacun doit mesurer que la préservation de la paix et de notre liberté dépend plus que jamais des décisions qui seront prises aujourd’hui », avons-nous souligné. Nous nous devons d’accompagner nos armées, et cela se traduit par le respect de la trajectoire de la loi de programmation militaire. Nous réparons, nous consolidons afin que le contrat opérationnel soit rempli.
En 2026, l’augmentation des crédits bénéficiera à l’ensemble des postes, mais ce sont plus particulièrement les matériels qui en profiteront, avec 13,9 milliards de crédits alloués aux investissements sur les équipements, soit une augmentation de 31,8 % par rapport à 2025.
Clé de voûte de notre sécurité nationale, le budget de la dissuasion connaît une augmentation de 7 %. Je rappellerai ici la nécessité de valider le lancement en réalisation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G), tout comme celui du porte-avions de nouvelle génération (PANG), qui doivent tous deux avoir lieu avant la fin de l’année.
Pour préserver le rang et la fiabilité de la France au sein de l’espace euro-atlantique et pour garantir la capacité de nos forces à s’engager, à l’emporter, une actualisation de la programmation militaire sera présentée à l’automne. Cette ambition oriente déjà le projet de loi de finances pour 2026, avec un effort ciblé sur des domaines capacitaires stratégiques : innovation, espace, drones, défense sol-air et munitions. Des investissements significatifs sont prévus au bénéfice de toutes les armées et de tous les milieux de conflictualité.
La mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation voit ses crédits reculer d’environ 6 %. Cette baisse tient d’abord à la diminution tendancielle du nombre d’ayants droit et d’ayants cause. L’enveloppe permet toutefois d’améliorer certains droits ou d’élargir l’éligibilité, lorsque cela est justifié. Le programme 169, doté de 1,66 milliard de crédits, garantit la reconnaissance et la réparation, finance la politique de mémoire et renforce le lien armée-nation. Quant au programme 158, il finance les réparations dues aux orphelins de la déportation et des persécutions antisémites ainsi qu’aux victimes de spoliation et d’actes de barbarie ; ces tâches essentielles seront remplies grâce aux 78,4 millions d’euros alloués en autorisations de programme (AE) et crédits de paiement (CP), une enveloppe dont le léger recul est dû à la décroissance naturelle du nombre de bénéficiaires.
Les crédits alloués à la mission Sécurités augmenteront de 371 millions pour atteindre 17 milliards. Elle concourt aux actions du ministère de l’intérieur et vise à assurer la sécurité de notre nation. Soulignons une nouvelle augmentation des effectifs attendue pour l’année 2026 et prévue par le projet de loi de finances.
Avec ce projet de budget, nous poursuivons les efforts entamés en 2017.
Nos armées ne valent que par celles et ceux qui les servent, et à qui je souhaite rendre hommage.
Mme Anna Pic (SOC). Au premier semestre 2023, lorsque nous examinions le projet de loi de programmation militaire 2024-2030, le groupe Socialistes et apparentés s’inquiétait de la sincérité des éléments budgétaires qui nous étaient présentés. Nous dénoncions un texte financièrement sous-doté au regard des principaux objectifs affichés ‑ maintenir notre modèle d’armée complet pour nous permettre d’être une nation-cadre auprès de nos partenaires européens et otaniens. Deux ans et demi plus tard, avec une surmarche de 3,5 milliards d’euros qui porte le budget de la mission Défense à 57,1 milliards, force est de constater que nous avions fait preuve de discernement et que nos préoccupations étaient fondées.
Une fois pris en considération les reports de charges, qui seraient plus justement désignés sous le terme d’impayés, et l’inflation, les ambitions nécessitaient d’être revues à la baisse. Bien sûr, nous accueillons avec une certaine satisfaction cette hausse des crédits, au vu du durcissement du contexte géostratégique et de la nécessité d’être au cœur de la nouvelle architecture de sécurité collective du continent européen que nous appelons de nos vœux. Néanmoins, cette augmentation ne doit ni se faire au détriment du modèle social auquel nous sommes attachés, ni nous dispenser de nous interroger sur les ambitions affichées par le gouvernement.
Le budget du ministère des armées est menacé par une crise de croissance induite par des rigidités budgétaires particulièrement préoccupantes. Ces dernières mettent en péril la soutenabilité à moyen terme de la trajectoire budgétaire. Elles se traduisent d’abord par une hausse des AE affectées non engagées, qui ont atteint 30,3 milliards fin 2023. Elles se manifestent ensuite par une hausse structurelle des restes à payer, qui ont quasiment doublé entre 2017 et 2024 pour atteindre 99 milliards fin 2024, si bien que près de 90 % des CP prévus en 2025, hors dépenses de personnel, étaient destinés à épurer ce stock qui continue d’être alimenté. Début 2025, ces rigidités étaient telles qu’au sein du programme 146, Équipement des forces, aucun crédit n’était disponible pour financer les nouveaux investissements prévus. Elles se révèlent aussi à travers une hausse anormale du report de charges, avec un stock de 8 milliards d’euros transféré de 2024 à 2025. Citons enfin une pratique budgétaire discutable de la réserve de précaution et une sous-estimation chronique des surcoûts, notamment pour les opérations extérieures (Opex) et les missions opérationnelles (Misops).
Parmi les conséquences de cette situation, soulignons des retards sur plusieurs segments capacitaires ou des reports, une absence de visibilité pour les acteurs de la BITD qui pèse cruellement sur la trésorerie des entreprises du secteur – tout particulièrement sur les PME et les ETI – et limite in fine la montée en puissance qu’exige d’eux l’injonction à l’économie de guerre, une baisse des crédits alloués au service de santé des armées, et une absence de marges de manœuvre pour renforcer l’ambition de la politique des ressources humaines et de l’action sociale du ministère.
Tout cela nourrit des inquiétudes sur notre capacité à faire preuve de souplesse en matière de redéploiements de crédits si cela s’avérait nécessaire au cours de l’année à venir, qui sera marquée par la réorientation et le renouvellement de la loi de programmation militaire.
Nous tenons également à souligner que, malgré des missions sans cesse élargies, la marine nationale ne profitera qu’à la marge de la surmarche budgétaire proposée. Si nous pouvons comprendre ce choix, nous tenons à saluer l’agilité de nos marins et appelons le gouvernement à répondre dans les plus brefs délais à certains de leurs vœux – je pense en particulier aux trois frégates qu’ils demandent de longue date.
Le budget de la mission relative au monde combattant connaît une baisse de crédits de 6,3 %. Certes, elle reflète la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires, mais elle affecte certaines enveloppes. Nous constatons l’absence de revalorisation du point de PMI en fonction de l’inflation et déplorons que le gouvernement n’ait pas transmis au Parlement le rapport qu’il devait lui remettre à ce sujet. Par ailleurs, les montants alloués à l’allocation de reconnaissance du combattant sont en baisse, tout comme la subvention d’action sociale à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), du fait de la fin de la mesure destinée aux pupilles de la nation devenus majeurs introduite en 2024, dont bénéficiaient 12 000 personnes.
Malgré l’ensemble de ces réserves, auxquelles nos amendements tenteront de répondre, nous voterons très probablement le budget de ces trois missions.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Examiner le budget de la défense, c’est toujours un moment de gravité. Ce que nous décidons aujourd’hui dans notre assemblée, c’est ce qui permettra demain de solder et surtout d’équiper celles et ceux qui portent les armes de la France au risque de leur vie et qui, en s’engageant, ont fait le choix de la mort comme hypothèse de travail. On ne peut avoir de discussions ici sans penser à ces femmes et ces hommes avec infiniment de gratitude.
Notre budget de la défense est marqué par un effort considérable : son augmentation s’élève à 6,7 milliards d’euros avec les marches et les surmarches. Cet effort répond à la gravité de l’heure, alors que pèsent des menaces à 360 degrés : flanc est de l’Europe –°le général Mandon a souligné cette menace majeure, à la suite de son prédécesseur, le général Burkhard –, Méditerranée, commerce maritime, outre-mer, menaces hybrides. Lors de l’examen de la LPM, le groupe Droite républicaine avait souligné que les objectifs fixés constituaient un minimum et que rien n’interdisait d’aller plus loin. Aujourd’hui, nous allons plus loin et nous saluons ce budget, en faveur duquel nous voterons.
Quelques points doivent toutefois retenir notre attention. Tout d’abord, nous ne voterons que des annuités budgétaires. C’est normal, car c’est une exigence de l’exercice, mais je regrette que des premiers jalons ne soient pas posés en vue des changements de format qu’opérera la future mise à jour de la LPM, qu’il s’agisse du nombre de frégates et de régiments ou de l’ampleur de la flotte aérienne. Il y a aussi une urgence : la frappe dans la profondeur. Certains éléments du budget concernent les lance-roquettes unitaires (LRU), mais il faut aller plus vite et réfléchir à nos capacités balistiques – missiles aérobalistiques et missiles balistiques terrestres –, qui sont décisives.
Enfin, je veux insister sur les coopérations. Nous souhaitons tous une mutualisation qui préserve notre souveraineté tout en permettant de faire plus et moins cher. Notre groupe sera favorable aux programmes comme ceux portant sur le SCAF ou le MGCS, à condition qu’ils répondent aux besoins, que le principe du best athlete s’applique et que la France conserve sa liberté de manœuvre au grand export, car il s’agit d’un élément de sa souveraineté et de sa diplomatie à l’échelle mondiale.
Cette hausse budgétaire n’est, je l’espère, qu’une première étape. Le budget de la défense représentera 2,2 % du PIB si le projet de loi de finances est voté ; pendant la guerre froide, lorsque la menace communiste était à nos portes, sa part était de 3,5 %.
Je terminerai en lançant un appel d’une certaine gravité. Tout ce que nous disons, tout ce que nous faisons n’aura de sens que si nous adoptons un budget. Nous ferons tout pour que ce soit le cas. Dans le cas contraire, les premiers qui souffriront, qui manqueront de moyens et d’entraînement, qui ne pourront pas assurer la sécurité des Français, ce sont nos soldats, nos militaires. La responsabilité commence ici, dans cette commission, et j’appelle tous les groupes à l’avoir à l’esprit quand viendra le moment de voter dans l’hémicycle. Nous le devons à la France, nous le devons à nos armées.
M. Damien Girard (EcoS). L’armée française est une armée expérimentée, efficace, en cours de modernisation. Toutefois, une révision de la LPM est nécessaire pour définir un modèle d’armée qui réponde aux menaces qui pèsent sur notre pays. Ces discussions budgétaires doivent être l’occasion de proposer les premiers éléments d’une doctrine de défense de sécurité globale, car la profondeur stratégique ne peut se penser uniquement en termes géographiques et capacitaires ; elle doit aussi se comprendre comme une capacité des sociétés à renforcer leur résilience face aux conséquences du réchauffement climatique et à maîtriser leur dépendance énergétique, industrielle ou alimentaire.
La France fait face à des puissances qui utilisent tout le spectre de la guerre hybride pour porter atteinte à ses intérêts de sécurité. Nous proposons ainsi de porter à 1 milliard d’euros par an l’effort consacré à la réserve opérationnelle de l’armée de terre. Nous proposons également de renforcer les moyens des services de santé des armées et de moderniser les infrastructures de santé, militaires comme civiles. Ces menaces étant continentales, il appartient à notre pays de s’inscrire pleinement dans un cadre européen, fondé sur la mutualisation des moyens, la complémentarité industrielle et une autonomie décisionnelle partagée.
Pour ces raisons, notre groupe appelle à la préparation, d’ici à 2027, d’un nouveau Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale et européenne, adossé à un débat démocratique approfondi sur notre modèle d’armée, nos dépendances et notre doctrine d’emploi des forces. Il s’agira d’aller beaucoup plus loin que le Livre blanc de la Commission européenne, qui ne remet pas en cause la dépendance européenne à l’Otan et aux États-Unis. Nous saluons à ce titre la poursuite des projets européens financés par le programme 146. Si nous partageons le constat que certains programmes européens présentent un risque de pilotage déséquilibré, nous refusons de claquer la porte et appelons à toujours rechercher des alternatives européennes. L’Europe, c’est en effet la masse, comme l’a déclaré devant notre commission le chef d’état-major des armées, le général Mandon. Et la masse est un facteur de supériorité stratégique. La dissuasion nucléaire ne suffit pas. L’agression d’un pays non doté d’armes nucléaires par un pays qui l’est montre la vulnérabilité de notre modèle. Nous devons renforcer notre dissuasion conventionnelle à l’échelle européenne pour être capables de répondre collectivement à une guerre de haute intensité. La France doit y prendre sa part, en tirant pleinement parti de ses atouts que sont ses forces aéronavales, ses capacités de frappe en profondeur ou ses divisions projetables.
Par ailleurs, même si l’on augmente les crédits dédiés à la défense, nous devrons toujours avancer avec des budgets contraints. Nous savons la nécessité d’un effort de défense accru, mais nous insistons pour que celui-ci ne se fasse jamais au détriment des budgets sociaux et écologiques, qui sont essentiels. Cet effort doit être débattu démocratiquement et financé en priorité par les plus aisés. La politique de défense n’a pas à rester un domaine réservé. Il importe que le Parlement soit pleinement associé à son pilotage. Nous proposons la création d’une instance parlementaire de suivi capacitaire et budgétaire de la LPM, dotée d’experts civils et militaires indépendants.
L’effort de défense doit suivre un principe de stricte suffisance et améliorer la gouvernance budgétaire de nos armées, dont les lourdeurs risquent d’annuler les effets bénéfiques de la LPM. Il faut renforcer la subsidiarité budgétaire, qui est un gage d’efficacité, comme l’a montré l’expérience de l’armée ukrainienne. Nous proposons 100 000 euros par formation administrative pour les achats d’équipements de proximité et 100 millions d’euros par armée pour les dépenses urgentes, en gestion autonome. C’est une révolution administrative nécessaire pour renforcer les capacités d’innovation, de subsidiarité et de réactivité de nos armées.
Enfin, nous devons envoyer un signal de solidarité à nos alliés ukrainiens et de constance stratégique à la Russie, qui entretient une menace systémique à notre encontre. La sécurité de l’Europe se joue aujourd’hui en Ukraine. La France lui a déjà apporté près de 8,6 milliards d’euros depuis 2022, mais l’effort européen s’essouffle – l’aide mensuelle a chuté de 57 % depuis le début de l’année. Il nous faut donc sanctuariser dans le PLF, au sein du programme 146, une ligne budgétaire dotée de 300 millions dédiée au soutien à l’effort de défense ukrainien. Cela représente seulement deux jours de combats de l’armée ukrainienne.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Il serait difficile de ne pas nous montrer satisfaits devant ce budget de la défense en forte progression, de 6,7 milliards d’euros. Il s’agit d’un effort remarquable dans la période budgétaire complexe que nous connaissons, tout comme est remarquable l’augmentation constante depuis 2017 du budget des armées, qui est passé de 32 à 57 milliards. Je veux saluer la vision et la volonté forte du président de la République, chef des armées.
Le présent budget s’inscrit dans un contexte international particulièrement tendu : guerre en Ukraine, instabilité au Moyen-Orient et au Proche-Orient, désengagement progressif des États-Unis. Cela impose d’accélérer la montée en puissance de nos armées et de nos engagements auprès de nos partenaires.
Ce budget vient renforcer de 3,6 milliards la trajectoire prévue par la LPM et concrétise de nouvelles ambitions portées par la révision de la revue nationale stratégique (RNS), à laquelle nous avons collectivement apporté notre contribution.
Les quatre programmes de la mission Défense progressent fortement, avec une dynamique particulière pour le capacitaire. Le réarmement donne la priorité aux moyens de souveraineté – dissuasion et espace –, aux munitions et à la capacité des armées à s’engager à court terme – drones, défense sol-air, guerre électromagnétique, frappes dans la profondeur ‑ tout en accentuant l’investissement dans les technologies de rupture.
La remontée en puissance ne saurait être uniquement matérielle ; elle repose aussi sur les femmes et les hommes qui composent nos armées. Ainsi, 830 postes supplémentaires seront créés, notamment dans des domaines stratégiques, et la politique salariale continuera de s’améliorer, en particulier avec le rattrapage indiciaire des officiers. En outre, la réserve opérationnelle poursuit sa montée en puissance.
Je veux remercier nos rapporteurs pour avis pour leurs analyses. Nous mesurons l’importance de l’adaptation permanente de nos armées et de l’agilité qui leur est nécessaire sur les plans stratégique, capacitaire et humain. Les enjeux sont majeurs dans le contexte international que nous connaissons. Permettez-moi de dire tout mon respect et ma gratitude à l’ensemble de la communauté de défense, militaire et civile. Nous veillerons à la révision de la LPM et à l’utilisation de la surmarche de 3,6 milliards.
Les crédits de la mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation, qui s’élèvent à 1,7 milliard d’euros, connaissent une baisse qui reflète principalement la diminution naturelle du nombre des bénéficiaires. Aucune des actions mises en œuvre en faveur du monde combattant n’a été supprimée. Toutefois, j’accorderai une attention particulière à la valeur du point de PMI. En 2022, il avait été décidé avec les associations – et je m’y étais personnellement engagée – qu’il y aurait une clause de revoyure tous les deux ans. Or cela n’a pas été le cas. Je demande instamment qu’elle soit mise en œuvre. Ce n’est pas forcément sur l’inflation qu’il faut aligner l’évolution du point de PMI ; déterminer sa progression nécessite de mener des études complexes.
Le programme Gendarmerie nationale, dont les crédits augmentent de 158 millions, est marqué par un renforcement du maillage territorial, le déploiement de cinquante-huit nouvelles brigades et la montée en puissance de la réserve opérationnelle, toutes choses importantes pour nos territoires qui comptent sur la gendarmerie pour assurer leur sécurité. Nous devons être sensibles à l’effort consacré à l’immobilier, qu’il faudra pérenniser, notamment en le plaçant parmi les priorités de la programmation pluriannuelle.
Le groupe Les Démocrates votera bien sûr ces trois budgets, après avoir examiné avec soin les amendements. Notre responsabilité est de trouver toutes les solutions pour que ce projet de loi de finances soit voté, faute de quoi nous mettrions nos armées, en particulier la gendarmerie, en grande difficulté. Ici, dans cette commission, nous voulons les faire avancer. Tâchons de ne pas les faire reculer dans l’hémicycle ! L’heure est trop grave.
M. Loïc Kervran (HOR). Les trois missions que nous examinons sont absolument essentielles pour la protection des Français et de leur territoire. Quand j’ai été élu député, il y a huit ans, la somme que notre pays consacrait à sa défense était d’un peu plus de 30 milliards d’euros ; si nous adoptons ce budget, elle avoisinera 60 milliards. Nous pouvons tous être fiers d’avoir accompagné cette montée en puissance.
Nous vivons dans un monde dangereux. La France est confrontée à de nombreuses menaces émanant d’acteurs variés. Aux conflits conventionnels s’ajoutent les menaces hybrides et de nouveaux champs de conflictualité comme le cyber, l’espace ou la désinformation. La Russie menace le flanc est de l’Europe, l’Indo-Pacifique demeure un foyer majeur de tensions, et les crises se multiplient au Proche-Orient et au Moyen-Orient.
Notre groupe déplore une forme de déconnexion entre le débat national et les priorités qui devraient guider l’action de la nation. Alors que la dette publique et le déficit menacent notre souveraineté, nous dépensons toujours plus. Alors que nous devrions renforcer la compétitivité de nos entreprises face aux géants étrangers, certains souhaitent au contraire taxer davantage, décourager l’investissement et l’entrepreneuriat. Nous espérons que le débat sur ces crédits permettra de nous recentrer sur les enjeux les plus pressants : la protection de nos intérêts et de notre souveraineté, la montée en puissance de nos armées, la participation de la nation tout entière à l’effort de défense.
Sur la mission Défense, avec une augmentation de 6,7 milliards d’euros, soit 3,5 milliards de plus que ce que prévoyait la trajectoire de la LPM, nous faisons le choix d’un réarmement rapide et maîtrisé. C’est un signal de fermeté adressé à nos adversaires, un gage de crédibilité envoyé à nos alliés, et une marque de confiance pour nos armées.
Le projet de loi de finances consacre des moyens inédits à la modernisation de nos équipements et au soutien de la base industrielle et technologique de défense. Ces investissements garantissent notre autonomie stratégique, mais ils irriguent aussi l’économie nationale et soutiennent des milliers d’emplois hautement qualifiés dans l’industrie et la recherche.
L’effort consenti pour les femmes et les hommes du ministère des armées mérite également d’être salué. Pensons au plan Fidélisation 360, à la création de nouvelles crèches, à la rénovation de logements, à la montée en puissance de la réserve, à la réforme statutaire des officiers.
Pour le monde combattant, le budget traduit la constance et la fidélité de la nation envers celles et ceux qui se sont engagés pour elle. Il poursuit une politique ambitieuse de réparation et d’accompagnement à travers, par exemple, le renforcement du dispositif Athos pour la prise en charge des blessures psychiques, et le soutien réaffirmé à l’Institution nationale des Invalides.
La mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation consacre la continuité de notre engagement envers les harkis et leurs familles. Elle incarne le devoir moral de l’État à l’égard des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie de la Seconde guerre mondiale. Elle est également tournée vers la jeunesse et vers l’avenir, à travers la journée défense et citoyenneté (JDC) nouvelle génération et le plan Ambition armées‑jeunesse.
Enfin, au sein de la mission Sécurités, la gendarmerie nationale, qui assure la protection de plus de la moitié de la population française, voit ses moyens augmenter tant pour les missions d’ordre et de sécurité publics que pour l’accroissement des effectifs – ce qui est bienvenu, si l’on veut réellement déployer de nouvelles brigades dans les zones rurales ‑ et la montée en puissance de la réserve opérationnelle.
Les crédits de ces trois missions forment un tout cohérent. Ils renforcent la crédibilité de la France sur la scène internationale, la protection des Français au quotidien et le lien armée-nation. Nous les adopterons, conscients de ce que nous devons à celles et ceux qui servent la France tous les jours et à qui nous rendons hommage.
M. Laurent Mazaury (LIOT). Au nom du groupe LIOT, je tiens d’abord à saluer l’engagement sans faille de tous nos militaires qui, chaque jour, œuvrent pour la sécurité de nos concitoyens et de notre République. Dans un contexte géopolitique toujours plus instable, le soutien des parlementaires envers nos militaires doit être à la hauteur. C’est pour cette raison que, sans suspense, notre groupe votera pour les crédits de ces trois missions. Ce vote favorable ne signifie pas pour autant que nous donnons un blanc-seing au gouvernement. Comme je n’ai que cinq minutes et que le cumul des crédits des trois missions représente 95 milliards d’euros, soit 19 milliards la minute, je vais limiter mon propos à trois sujets.
Je soulignerai d’abord le point le plus positif, la hausse de nos dépenses militaires de 6,7 milliards d’euros. Dans le contexte budgétaire actuel, notre groupe salue le respect de la programmation militaire et la surmarche pour accélérer notre réarmement. Le ministère des armées a gagné la bataille des chiffres avec Bercy, il doit maintenant gagner la bataille de l’opinion. Alors qu’on demande des efforts à tous nos services publics, aux écoles, aux hôpitaux, à la culture, il faut que le ministère des armées soit exemplaire. Il y a là un enjeu fort en termes d’acceptabilité. Cette bataille de l’opinion, il faut la gagner au niveau national, mais aussi au niveau européen. C’est sur cette base que l’on pourra prendre des décisions courageuses.
Si l’on cherche des crédits, il y a une manne financière qu’on ne peut plus laisser de côté : les avoirs russes gelés en France. J’ai déposé une proposition de résolution, très largement cosignée par les membres des différents groupes de notre assemblée, demandant que ce capital soit enfin mobilisé au profit de l’Ukraine. Il faut être clair à propos de ce conflit : l’agresseur, c’est Poutine ; l’ennemi, c’est la Russie. Dans ces conditions, il est légitime que ces avoirs contribuent à l’effort de guerre, mais surtout à la reconstruction, conformément au droit international. Au niveau européen, ça bloque : encore cette semaine, la Belgique s’est opposée à l’utilisation des avoirs. Pourtant, il ne faut pas attendre. La France peut agir seule sur les avoirs bloqués sur son territoire, faute de quoi il faudra financer les dépenses par la dette, et je ne pense pas que cela plaise à nos concitoyens.
Le deuxième sujet que je tiens à aborder concerne les conditions de vie de nos militaires. L’efficacité de nos armées passe par des conditions de logement et de vie décentes. C’est d’autant plus vrai pour l’armée de terre, où l’hébergement en caserne a historiquement une fonction éminemment structurante. Or, dans nos territoires, le parc est dégradé : les bâtiments sont souvent vétustes, parfois même insalubres. On a un peu l’impression que les conditions de vie sont devenues, au fil des années, la variable d’ajustement budgétaire du ministère. Lorsque je travaillais au cabinet du ministre de la défense, il y avait à côté de mon bureau une cellule ayant pour unique mission de traiter les problèmes liés aux bâtiments : les documents que j’ai pu voir étaient atterrants, mais nous pouvons malheureusement faire les mêmes constats aujourd’hui. Cette situation présente donc des risques : un risque de fracture sociale au sein même de l’institution militaire, un risque pour la préparation opérationnelle, un risque pour la cohésion des unités, et un risque pour l’attractivité des armées. Le général Hubert Bonneau a dressé le même constat pour la gendarmerie nationale : manque d’effectifs, unités sous tension, flotte automobile vétuste. Quand je vois défiler les milliards que nous votons pour les ministères, je ne peux pas accepter qu’ils ne profitent pas aux femmes et aux hommes qui servent la nation avec un dévouement remarquable.
Je consacrerai mon dernier point à nos liens avec l’Otan. Je rappelle que la logique de défense collective est au cœur de l’idée française d’autonomie stratégique de l’Europe. Elle passe par un renforcement du pilier européen de l’Otan. En 2026, la France reste le quatrième contributeur, avec près de 415 millions ; c’est louable, mais cela n’efface pas le regain de méfiance au sein même de l’organisation. L’enjeu, désormais, est qu’au-delà des contributions budgétaires, notre pays maintienne son niveau d’influence au sein de l’Alliance. Mon collègue David Habib est chargé d’un rapport sur ce sujet, et j’espère que votre commission suivra de près ses recommandations.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera pour ces crédits, tout en restant bien évidemment très attentif à leur mise en œuvre concrète.
M. Édouard Bénard (GDR). Le PLF pour 2026 prévoit une hausse de 13 % du budget de la mission Défense, soit un montant actualisé de 57,2 milliards de CP, hors pensions civiles et militaires de retraite. Cette somme astronomique marque une progression ô combien significative, conforme, semble-t-il, à la trajectoire fixée par la LPM. Au-delà de cette envolée budgétaire, une question subsiste : que nous dit ce budget de l’état réel de nos armées ? Est-il une nouvelle fois question de dépenser sans compter, ou s’agit-il de renforcer véritablement la capacité opérationnelle de la France ?
Le PLF pour 2026 concentre l’essentiel de ses efforts capacitaires dans ses trois armées. Pour l’armée de terre, le programme Scorpion continue de monter en puissance avec la modernisation du char Leclerc, la transformation d’infrastructures sur plusieurs dizaines de sites, ou encore la livraison des Griffon, des Jaguar et des Serval. Côté pile, l’objectif est clair et assumé, il s’agit de préparer nos forces armées au combat de haute intensité. Côté face, de nombreux problèmes demeurent. La reconstitution de nos stocks de munitions, notamment pour les petits calibres, avance lentement, et le maintien en condition opérationnelle reste sous tension, pesant sur la disponibilité de nos véhicules. Résultat : un équipement flambant neuf sans entretien régulier, des munitions insuffisantes, une capacité qui n’a plus de réelle que le nom.
Dans les airs, le constat est le même. Le budget 2026 consacre plusieurs milliards aux Rafale F5, aux drones Male (moyenne altitude longue endurance), ou encore au programme SCAF qui, soit dit en passant, suscite de plus en plus de frilosité à Berlin. En attendant, le taux de disponibilité de nos flottes aériennes peine encore à dépasser 65 %. En réalité, nous discutons du combat du futur alors que le combat au présent repose encore sur des appareils partiellement immobilisés. La modernisation est nécessaire, mais elle ne peut produire ses effets que si elle s’accompagne d’un soutien industriel solide, d’un nombre suffisant de techniciens spécialisés et d’un renforcement du MCO afin d’éviter les goulots d’étranglement.
Cette question du taux de disponibilité de nos armées renvoie à un enjeu plus large, celui de la transparence budgétaire. Le programme 146, Équipement des forces, fixe bien des objectifs pour l’année 2026 : un taux de réalisation des livraisons de 85 %, une évolution annuelle moyenne des délais de réalisation des opérations d’armement principales inférieure à deux mois, une évolution moyenne des devis à terminaison inférieure ou égale à 1,5 %, des intérêts moratoires inférieurs ou égaux à 0,5 %. Cependant, ces chiffres échappent au contrôle parlementaire, car nous ne savons pas quels programmes respectent pleinement leurs objectifs et lesquels dérapent. Sans cette visibilité, le Parlement ne peut pas contrôler efficacement la dépense publique et en mesurer les effets sur la disponibilité et la performance de nos forces armées. En ce sens, il serait légitime d’exiger la publication annuelle de ces données, programme par programme.
Cette quête de clarté est d’autant plus nécessaire que notre pays nourrit une ambition maritime de premier plan dans l’Indo-Pacifique, l’Atlantique, la Méditerranée et dans nos territoires ultramarins. Le PLF pour 2026 lui consacre 4,1 milliards d’euros, soit près d’un quart du budget de la préparation des forces. Parmi ces crédits, 108 millions sont fléchés vers le numérique naval, un demi-milliard vers les infrastructures portuaires et près de 600 millions vers le porte-avions du futur. Ici encore, ces milliards n’ont de sens que s’ils s’accompagnent d’une amélioration de la disponibilité réelle des frégates, des sous-marins ou des patrouilleurs. S’agissant du PANG, il est impératif d’anticiper les risques liés aux coûts et aux délais afin d’éviter qu’ils n’absorbent les crédits du MCO et fragilisent toute la flotte existante. Il serait donc pertinent que le Parlement dispose d’indicateurs et de trajectoires de disponibilité très précis pour mesurer la progression réelle du parc naval, ainsi que des plans de maintenance afin de prévoir d’éventuelles périodes de creux opérationnel.
Si ce budget traduit une volonté indéniable de réarmer la France, il doit cependant pouvoir reposer sur trois piliers essentiels : des forces réellement prêtes et disponibles ; une dépense publique transparente et mesurable ; une ambition stratégique mise en œuvre avec rigueur. Pour réarmer, il ne suffit pas d’acheter ; il faut également entretenir, former, anticiper et rendre des comptes.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Entêtement, effets d’annonce et rafistolage : ce n’est pas le titre d’une comédie, hélas, mais le sous-titre de la mission Défense de ce budget, qui est un véritable théâtre d’ombres.
Commençons par le début. Nous avons sous les yeux le budget défendu par une ministre qui n’a pris aucune part dans son élaboration, puisqu’elle l’a découvert à peu près en même temps que nous. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour l’idée que l’on se fait de la démocratie et du contrôle parlementaire, cela veut dire beaucoup. Notons ensuite que si la hausse des autorisations d’engagement et des crédits de paiement est incontestable, elle pose deux questions : d’une part, celle de la soutenabilité de la trajectoire budgétaire, que nous avions évoquée l’an dernier avant que le 49.3 nous prive de débats en séance ; d’autre part, celle de la sincérité, car il n’y a pas lieu de se réjouir d’une hausse deux fois plus élevée que celle prévue par la LPM. On ne le répétera jamais assez, si le budget de la défense a dû être doublé par rapport au niveau prévu il y a deux ans, soit plus d’un an après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, alors il faut nécessairement en conclure que le projet du gouvernement était soit sous-calibré, soit sous-budgété.
Cela n’émeut apparemment pas grand monde, mais c’est là aussi un problème démocratique fondamental. À chaque fois que nous avons ingénument demandé aux personnes auditionnées par notre commission quelles dépenses, au sein de chaque programme, bénéficiaient de la marche et quelles autres de la surmarche, nos interlocuteurs furent en peine de répondre. L’exécutif a avoué à demi-mot que le travail sur la LPM avait été bâclé, puisque le président de la République a annoncé une nouvelle loi de programmation militaire. Je constate néanmoins qu’elle ne figure pas dans l’ordre du jour prévisionnel communiqué par le gouvernement et partagé hier par la présidente Yaël Braun-Pivet. Celles et ceux qui traitent les sujets de défense avec sérieux – et il y en a ! – ne savent plus vraiment à quel saint se vouer.
On en est donc réduit à conjecturer que, aux yeux même de ceux qui l’ont faite, quelque chose dans cette LPM ne va pas et mérite d’être corrigé, tout en constatant que les orientations structurantes qu’elle comporte sont toutes confirmées, jusqu’à l’absurde parfois ‑ et jusqu’au sabotage, suis-je même tenté de dire. Il en va ainsi du projet de SCAF, mais aussi et peut-être surtout du MGCS, dont nous annonçons depuis des années qu’il signera la liquidation de la capacité industrielle française dans le secteur des chars, notamment du fait de la déloyauté du « partenaire » allemand, trop heureux que Rheinmetall demeure le seul acteur sur le marché européen à l’issue de ce fiasco programmé. Cette histoire est emblématique, et nous appelons à un sursaut. L’exécutif doit absolument cesser de se bercer d’illusions s’agissant de ce qu’il appelle abusivement « l’autonomie stratégique européenne », dont la seule manifestation concrète, le programme ReArm Europe, n’est autre chose qu’un moyen pour l’Allemagne de convertir son outil industriel et pour les États-Unis de consolider leur influence en vendant du matériel produit en Europe sous licence américaine. Il serait temps de se réveiller : le déclassement de la France n’est pas loin.
Le cadre géopolitique dans lequel le gouvernement situe son action n’a nullement changé, comme l’atteste l’explosion de la contribution financière à l’Otan, alors même que Trump, à la Maison-Blanche, menace et pressure ses alliés. Ses foucades n’ont d’ailleurs pas fini de nous mettre en danger, puisqu’il évoquait hier l’idée d’en finir avec la technologie des catapultes électromagnétiques qui doivent équiper notre futur porte-avions. Cette dépendance massive devrait cesser, à mon avis, de faire lever les yeux au ciel quand on l’évoque. Et que dire de la dépendance de la France tout entière vis-à-vis des services informatiques des Gafam ?
S’il est évident que dans les armées, soldats et officiers œuvrent sans relâche – et nous les saluons – pour anticiper la guerre de demain avec d’incontestables réussites, il est aussi clair qu’ils sont freinés par l’absence de réflexion politique sur le format des armées. On hésite à passer de quinze à dix-huit frégates, sujet d’importance certes, mais où en est-on du programme massif de drones dont la marine aurait besoin pour assurer notre souveraineté sur notre vaste territoire maritime et protéger nos approches ? Qu’on autorise en passant le membre du Conseil consultatif des Terres australes et antarctiques françaises (Taaf) que je suis à alerter sur le besoin de lancer la construction du Marion Dufresne 3, navire à la fois civil et militaire qui dessert les Taaf.
Il reste beaucoup à dire concernant l’espace, la frappe dans la profondeur, le changement climatique ou encore la production de munitions – nous y reviendrons lors de l’examen des amendements. Ne disposant que de cinq minutes, je suis obligé de dire brièvement qu’il est regrettable de devoir déposer, année après année, des amendements semblables pour revaloriser le point de PMI, garantir la demi-part fiscale des veuves et s’assurer que les droits des tirailleurs, des combattants d’Afrique du Nord et de leurs descendants sont réellement reconnus. Force est de constater qu’il y a loin des paroles sur la reconnaissance de la nation aux actes.
J’ajoute, monsieur le président, que mon groupe regrette que vous n’ayez pas suivi l’exemple de Thomas Gassilloud, qui avait choisi de saisir notre commission pour avis au sujet de la réforme des retraites. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, en cours d’examen devant la commission des affaires sociales, comporte des dispositions entravant le cumul emploi-retraite, un dispositif spécifique aux carrières militaires qui concourt à leur attractivité. Notre commission aurait dû éclairer ce point technique complexe, qui suscite non sans raison l’inquiétude dans nos armées. Le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire sera extrêmement vigilant à ce sujet durant l’examen du PLFSS en séance.
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La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense ».
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-DN3 de M. Damien Girard
M. Damien Girard (EcoS). Mon amendement vise à concrétiser l’adaptation opérationnelle de nos forces à la réalité de la guerre de haute intensité. La semaine dernière, le chef d’état-major des armées a confirmé devant nous la pertinence des propositions du rapport d’information sur la masse et la haute technologie, élaboré par M. Thomas Gassilloud et moi-même, s’agissant d’un besoin de confiance accrue dans l’autonomie capacitaire de nos forces. Des enveloppes à disposition des unités existent déjà, mais elles sont limitées et supposées être dédiées à des dépenses logistiques.
Faire confiance au terrain et à nos militaires est donc l’objet de cet amendement, qui vise à créer de véritables enveloppes de subsidiarité en offrant une marge de manœuvre supplémentaire aux unités administratives de base pour l’achat de petit capacitaire. Je garde ainsi en mémoire l’achat de drones sur ses fonds logistiques régimentaires par le 1er RHP (régiment de hussards parachutistes) de Tarbes afin de s’entraîner à ce nouvel outil. De telles enveloppes dédiées à l’innovation et à la dotation capacitaire seraient un terreau pour l’innovation, l’expérimentation et l’adaptation de nos forces, tout en permettant rattrapage du petit capacitaire encore manquant sur le terrain.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Le sujet est intéressant, mais il relève de l’actualisation de la LPM et je propose en outre de ne pas pénaliser la politique immobilière du programme 212.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Merci, monsieur Cormier-Bouligeon, de défendre la politique de logement du programme 212, qui est en effet fondamentale.
Pourrions-nous, au lieu d’évoquer les gages, avoir un débat sur le fond ? Notre groupe votera contre cet amendement parce que, d’après ce que j’ai compris des auditions que j’ai menées, l’essentiel du budget de la surmarche a déjà été affecté à des munitions. Cela pose problème : soit la LPM a été bien pensée, et les munitions auraient alors déjà dû être prévues, soit elle a été sous-évaluée, et nous avons alors besoin d’une surmarche. Je ne pense donc pas que la question soit de savoir si cela relève de la révision de la LPM, qui n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour du Parlement. De fait, puisque nous disposons de l’ordre du jour prévisionnel jusqu’en février, j’ignore si cette LPM sera examinée avant le début du mandat du prochain président.
M. Thomas Gassilloud (EPR). Je voterai contre l’amendement mais j’en soutiens le principe et souhaite que nous en débattions en séance publique.
Je voterai contre car il faut être attentif à l’affectation et au montant des crédits transférés. Il y a dans l’armée de terre 100 unités élémentaires et nous parlons de 150 000 euros par unité, soit 15 millions en tout et non 1,5 milliard.
Ce qui importe, c’est la subsidiarité. Il faut offrir aux chefs militaires de terrain davantage de souplesse et de réactivité pour acheter des équipements. Les enveloppes de subsidiarité de l’armée de terre sont sans doute les euros les mieux dépensés du ministère.
Elles permettent aux chefs de terrain de se fournir auprès d’entreprises de leur territoire, de façon réactive et utile, sans forcément passer sous les fourches caudines des classiques procédures d’attribution des marchés publics. Les augmenter un peu présente un grand intérêt pour nos forces. Si un chef de corps peut envoyer 1 000 personnes au combat, nous devrions pouvoir lui donner l’équivalent de 100 euros par personne pour acheter des petits équipements de terrain.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). La subsidiarité telle que la décrit notre collègue Thomas Gassilloud me laisse sceptique. Je comprends la logique de réactivité, de souplesse et d’efficience, mais en ce qui concerne le capacitaire stricto sensu, à l’exclusion du MCO, surtout s’il s’agit de munitions, sa proposition va trop loin.
M. Thomas Gassilloud (EPR). Ces enveloppes, d’un montant unitaire d’environ 150 000 euros, servent à trois choses dans les régiments : l’entretien des infrastructures – depuis la réforme des bases de défense, il faut parfois remonter très haut pour changer une ampoule ; le soutien aux familles ; l’achat de petits équipements à usage spécifique au régiment, dont les munitions ne font pas partie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN148 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à augmenter de 150 millions les crédits de la sous-action Soutien des forces par les bases de défense alloués au Centre interarmées de coordination du soutien (Cicos). Trois déficits structurels majeurs menacent le fonctionnement quotidien de nos forces.
Premièrement, la hausse des coûts de l’énergie des dernières années a grevé le budget des bases de défense de 160 millions. Deuxièmement, le Cicos ne récupère pas les 100 millions attendus en 2025 du compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État, en violation des dispositions de l’article 4 de la LPM 2024-2030, qui prévoit le retour de l’intégralité du produit des cessions immobilières du ministère des armées. Troisièmement, l’accumulation de la dette grise et les transferts de charges nouvelles, notamment liées aux grandes opérations d’armement, pèsent sur le soutien des bases de défense, dont les travaux de maintenance lourde ne peuvent plus être différés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN2 de M. Damien Girard
M. Damien Girard (EcoS). Cet amendement vise à rappeler le trou capacitaire significatif que constitue notre capacité réduite et largement obsolète de frappe dans la profondeur. L’acquisition au plus vite d’une capacité renouvelée de frappe dans la profondeur de quarante-huit systèmes est une priorité, comme le rappelle le rapport d’information « De la professionnalisation à l’hybridation, pour une transformation de notre défense » de la mission menée par Thomas Gassilloud et moi-même. Le présent amendement vise à préparer dès maintenant une politique de dotation capacitaire en la matière, par exemple en s’appuyant sur la solution Foudre de la société Turgis & Gaillard.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je partage l’avis de l’auteur de l’amendement, mais nous débattrons de ce sujet lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Avis défavorable.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les autorités militaires que nous avons auditionnées ont rappelé l’urgence d’un tel achat et de sa dotation aux unités. Je ne pense pas qu’ils ont le temps d’attendre une hypothétique révision de la LPM 2024-2030.
Malheureusement, nous ne voterons pas l’amendement car il lui manque la garantie que la capacité envisagée soit souveraine. La solution proposée par Turgis & Gaillard, que je suis avec beaucoup d’intérêt, est citée parmi d’autres. Or acheter américain ou indien sur étagère n’est pas exclu, ce qui réduirait notre capacité indépendante.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN6 de M. Damien Girard
M. Damien Girard (EcoS). Mon amendement vise à améliorer la préparation et la gestion de nos stocks face au retour des guerres de haute intensité. Il appelle le gouvernement à garantir une remise en service optimale de nos véhicules terrestres, notamment ceux retirés du service à l’occasion du programme Scorpion, afin de conforter la profondeur capacitaire de nos stocks.
Thomas Gassilloud et moi-même avons constaté que les stocks susceptibles d’être exploités en cas de besoin capacitaire urgent ou de soutien à un pays allié comme l’Ukraine ne peuvent l’être dans des délais satisfaisants, faute de capacité de reconditionnement et d’entretien. Nous pouvons éviter de reproduire les erreurs du passé en donnant à nos militaires les moyens humains et logistiques de stocker, dans des conditions propices à leur remise en service rapide, les équipements retirés des unités actives.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Sur ce segment, les dépenses que nous avons adoptées dans le cadre de la LPM 2024-2030 sont déjà élevées. Le taux de scorpionisation de notre armée de terre dépasse 50 %. Cette année, nous avons été livrés de 150 Griffon, 103 Serval et 33 Jaguar. En 2026, nous attendons 122 Griffon, 110 Serval et 30 Jaguar. Demander des dépenses supplémentaires me semble excessif. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN30 de M. Aurélien Saintoul et II-DN96 de M. Laurent Jacobelli (discussion commune)
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement quasi traditionnel vise à créer une ligne budgétaire dédiée à un système de char du futur souverain. Le partenariat avec l’Allemagne visant à produire le MGCS est voué à l’échec, comme nous le disons depuis un moment.
La récente association de Rheinmetall et de Leonardo dans le projet Marte (Main armoured tank of Europe) est une nouvelle démonstration que l’enjeu, pour les Allemands, ne consiste pas vraiment à aller au bout du projet mais bien à immobiliser la trésorerie de Nexter et à s’assurer que, in fine, l’entreprise française disparaisse du marché pour y rester seule. L’opération, habile, ne profite certainement pas à la France.
M. Laurent Jacobelli (RN). Faire semblant de s’allier, neutraliser l’adversaire économique, prendre le pas sur lui, développer ses propres solutions pour tuer un concurrent : c’est exactement la stratégie de l’Allemagne dans le cadre du développement d’un char européen. Si même certains de ses fervents défenseurs admettent que le MGCS pourrait aller dans le mur, c’est qu’il est temps de réallouer les montants qui lui sont dédiés au développement d’une solution souveraine, donc française – la souveraineté étant le propre des États, la souveraineté européenne n’existe pas.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il ne me semble pas pertinent d’opposer le MGCS et la capacité intermédiaire, d’autant qu’elles s’avéreront sans doute complémentaires. Nous aurons ce débat lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Je serai le premier à déposer un amendement prévoyant des crédits pour aller vers la capacité intermédiaire. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-DN4 de M. Damien Girard, II-DN47 de Mme Anna Pic et II-DN101 de Mme Caroline Colombier (discussion commune)
M. Damien Girard (EcoS). L’amendement II-DN4 vise à rappeler la nécessité, pour la marine nationale, de confirmer le format à dix-huit navires de premier rang, par exemple en recourant à une stratégie de « coques blanches » mises à disposition de la marine nationale et prélevées en cas de commande à l’export.
Mme Anna Pic (SOC). L’amendement II-DN47 vise à rappeler la nécessité de doter la marine nationale de ses dix-huit frégates de premier rang, prévues lors de l’examen de la LPM 2024-2030 pour lui permettre de faire face à une crise sans compromettre ses missions.
Une permanence sur zone requiert trois frégates, une alerte permanente deux. La France assure une permanence dans l’océan Indien, une en Méditerranée orientale, une dans l’Atlantique Nord et la Baltique, et deux alertes permanentes à Brest et à Toulon, où les deux frégates restantes sont en entretien. Le plafond capacitaire est atteint.
Mme Caroline Colombier (RN). La semaine dernière, devant cette commission, la ministre des armées a annoncé le renoncement aux trois frégates supplémentaires, pourtant considérées comme indispensables par le chef d’état-major de la marine. Cette décision est lourde de conséquences pour notre souveraineté.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il est exclu de mettre ce sujet de côté. Il fera l’objet d’un très beau débat lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030, à l’issue duquel nous serons sans doute nombreux à voter la même chose. Avis défavorable.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Chacun ici est convaincu de la nécessité de disposer de trois frégates supplémentaires. Il incombe à la marine d’en définir la nature et le tonnage pour que nous puissions y travailler lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030, ce qui est exclu dans le cadre en vigueur. Avis défavorable.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Disposer de trois frégates supplémentaires est une nécessité, chacun en convient. S’il faut distinguer la programmation pluriannuelle des annuités budgétaires, il est toujours bon que notre commission, en ces temps d’incertitude budgétaire, administre une piqûre de rappel. L’adoption d’amendements d’appel transférant la somme symbolique de 1 euro en offre l’occasion.
L’amendement II-DN47 est retiré.
Successivement, la commission rejette l’amendement II-DN4 et adopte l’amendement II-DN101.
Amendement II-DN81 de M. Thierry Tesson
M. Thierry Tesson (RN). Le ministre de la défense qu’était l’actuel premier ministre a reconnu à plusieurs reprises que nous pouvions aller plus loin. Il dispose désormais, dans un contexte budgétaire certes contraint, de tous les leviers.
Il serait bon que les crédits de la défense progressent à la hauteur des ambitions affichées. Cet amendement d’appel vise à minorer de 1 euro les crédits de l’action 08, Relations internationales et diplomatie de défense, du programme 144, Environnement et prospective de la politique de défense, au profit de l’action 09, Engagement et combat, du programme 146, Équipement des forces.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. J’ai peut-être mal compris les propos de notre collègue, mais dire que les crédits ne progressent pas à la hauteur des ambitions affichées alors même que nous allons voter une surmarche au sein d’une LPM record laisse songeur. Avis défavorable.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Les besoins sont identifiés. Nous en débattrons dans le cadre de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN82 de M. Frédéric Boccaletti
M. Frédéric Boccaletti (RN). La réduction d’une unité de la cible des patrouilleurs hauturiers est un signal capacitaire désastreux envoyé à nos marins. Y substituer un patrouilleur côtier de nouvelle génération n’est manifestement pas adapté à nos besoins. Nous craignons que le programme subisse, coup de boutoir après coup de boutoir, le même renoncement que celui constaté concernant les frégates de défense et d’intervention (FDI).
Si le gouvernement considère réellement que la défense est un budget sanctuarisé, nous proposons deux mesures de bon sens permettant d’allouer des ressources sur quatre ans au financement du dixième patrouilleur hauturier. À défaut, vous n’aurez ni masse ni cohérence.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. La LPM 2024-2030 prévoit sept patrouilleurs hauturiers ; la suivante en prévoira trois. Il faut savoir raison garder.
L’actualisation de la LPM permettra d’évaluer les besoins supplémentaires, dont je me permets de rappeler qu’ils exigent non seulement des crédits supplémentaires mais aussi une capacité industrielle. La LPM 2024-2030 offre un cadre dans lequel je suggère de rester. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN46 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). Nous donnons l’alerte. Si nous comprenons que les besoins sont partout dans le cadre de la montée en puissance de notre effort de défense, nous constatons que la hausse de 13 % des crédits de la mission Défense du projet de loi de finances pour 2026 ne bénéficiera qu’à la marge à la marine. C’est compréhensible à l’aune des priorités actuelles, mais les enjeux stratégiques, sur les océans, sont forts, de la capacité de projection et d’intervention à la dissuasion nucléaire des puissances dotées en passant par le contrôle des voies d’approvisionnement et la sécurisation des infrastructures sous-marines.
Tandis que le voisinage immédiat de la France demeure un espace de friction, elle doit assurer sa liberté d’action en mer et de navigation et faire respecter ses droits dans ses frontières maritimes, notamment au large de ses territoires ultramarins. Nous proposons de soutenir la montée en puissance de la marine nationale en fléchant 10 millions d’euros, en AE et en CP, de l’action 07 vers l’action 03 du programme 178.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Là comme ailleurs, la cohérence est de mise. Notre stratégie repose sur le renouvellement capacitaire de tous les secteurs, des patrouilleurs outre-mer (POM) aux frégates de surveillance (FS) en passant par le porte-avions de nouvelle génération (PANG) et les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA).
Il faut rester dans ce cadre, qui nous permet d’atteindre nos objectifs. Si demain nous devons monter en puissance, nous verrons comment faire dans le cadre de l’actualisation de la LPM 2024-2030, en gardant à l’esprit l’indispensable capacité industrielle.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN142 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le présent amendement vise à régler le problème posé par le statut d’officier marinier commissionné (OMC) des baleiniers civils de Polynésie, où la complexité de la navigation dans les atolls et du franchissement des récifs exige une solide expérience qui s’acquiert au contact d’aînés. La possibilité de servir sous contrat offerte aux baleiniers civils de Polynésie s’arrête, faute de pouvoir accéder au brevet supérieur, au grade de maître, atteint à l’âge de quarante-sept ans ou à l’issue de dix-sept ans de service. Il en résulte une perte de compétences obligeant à former de nouveaux baleiniers.
Il serait sage de permettre aux baleiniers civils de Polynésie d’accéder au brevet supérieur pour les conserver plus longtemps en service actif. Le montant de l’amendement est symbolique, mais la mesure proposée changerait le quotidien des forces armées en Polynésie française (FAPF).
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. C’est la troisième année consécutive, me semble-t-il, que nous soutenons collectivement cet amendement. Il y a quelque chose d’un peu inique à considérer que, après dix-sept ans de service, les gens ne sont plus en capacité de remplir leur mission. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN24 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel vise à soulever la question de la pertinence du PANG, dont nous ignorons s’il sera lancé d’ici à la fin de l’année. En 2040, un porte-avions sera-t-il en capacité de résister à des nuées de drones à faible coût – quelques dizaines de milliards d’un côté, quelques centaines de milliers d’euros de l’autre ? Sommes-nous certains de la pertinence d’un tel projet ? Par ailleurs, l’approvisionnement en catapultes électromagnétiques crée une dépendance à l’égard des États-Unis.
Cela fait beaucoup de questions pour un programme très onéreux. Nous souhaitons que le débat se tienne avant une éventuelle actualisation de la LPM 2024-2030.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Un porte-avions, c’est une base aérienne dont on ne connaît pas les coordonnées GPS. Un porte-avions parcourt à peu près 1 000 kilomètres par jour. Si un satellite le repère, il doit, au survol suivant, le rechercher dans une zone aussi grande que le département de la Loire.
Si les États-Unis ont onze porte-avions, si les Chinois en sont au troisième, si plusieurs pays tels que l’Italie envisagent la construction d’un porte-avions à propulsion nucléaire, c’est bien qu’il s’agit d’un outil de suprématie navale et aérienne. Au surplus, le porte-avions français emporte l’arme nucléaire. Avis défavorable.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. La plaidoirie de notre rapporteur pour avis Chenevard est impeccable. Avis défavorable.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous retirons l’amendement, qui visait à ouvrir le débat. Nous l’aurons avec la ministre en séance publique.
L’amendement est retiré.
Amendement II-DN133 de M. Frédéric Boccaletti
M. Frédéric Boccaletti (RN). La semaine dernière, j’ai rappelé à la ministre des armées l’importance stratégique de la protection de nos intérêts au sein de notre zone économique exclusive (ZEE) et les tensions croissantes qu’elle fait peser sur notre marine. Pour que cet atout en reste un, il est impératif d’être à la hauteur en matière de densité des équipements mobilisables.
Nous avons cru comprendre que la défense est un enjeu stratégique pour le bloc central et rappelons que les deux dernières LPM prévoient la rétrocession intégrale du produit des cessions immobilières du ministère. Nous appelons donc à la restitution des 150 millions issus de la vente de l’îlot Saint-Germain pour financer trois POM supplémentaires.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. La LPM 2024-2030 prévoit six POM, dont trois ont été livrés. Les trois autres le seront avant 2030. Pour l’heure, il ne semble pas nécessaire d’aller au-delà. Avis défavorable.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Notre stratégie est très équilibrée. Les nouveaux POM font trois fois la taille des précédents. D’une jauge de 1 300 tonnes, ils ont une allonge de 5 500 nautiques, soit près de 1 000 nautiques de plus que les précédents. Ils embarquent plus de marins. L’équilibre prévu par la LPM est parfait. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN90 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement devenu classique vise à réaffecter les fonds alloués au SCAF à un avion de chasse de sixième génération (NGF) souverain. Le blocage des industriels ne faisant plus de doute, il est urgent de trouver une solution faisant confiance à la BITD des Français, qui a toutes les capacités nécessaires pour créer le premier pilier du SCAF.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN29 de M. Bastien Lachaud, II-DN150 de M. Frank Giletti et II-DN5 de M. Damien Girard (discussion commune)
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement II-DN29 est un amendement d’appel, à hauteur de 50 millions. Il faut agir vite et faire vivre le débat sur l’avenir de la Patrouille de France, car rien n’avance.
Les Alpha Jet continuent de vieillir et sortiront bientôt du service actif sans qu’aucune solution souveraine n’existe. La Patrouille de France volera-t-elle un jour avec des avions qui ne seront pas français ? Ou bien nous sommes en capacité de lui fournir des Rafale, ou bien nous trouvons une solution alternative.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Il faut trouver une solution souveraine pour remplacer les avions de la Patrouille de France, qui assurent aussi la mission Red Air nécessaire à l’entraînement des forces de l’armée de l’air et d’espace (AAE).
M. Damien Girard (EcoS). Acquérir un segment d’aviation de chasse léger susceptible d’effectuer, à un coût maîtrisé, des missions d’entraînement, de démonstration et d’attaque au sol en milieu permissif offrirait à nos forces une masse intéressante, complémentaire du Rafale et respectueuse des contraintes budgétaires.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Ce sujet nous donnera l’occasion d’un échange de vues sans doute convergentes lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Pour l’heure, tenons-nous à l’annualité budgétaire 2026 rappelée par le ministre Jean-Louis Thiériot. Avis défavorable.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je suggère le retrait de l’amendement II-DN29 au profit du mien. J’émets un avis défavorable à l’amendement II-DN5, n’ayant pas entendu, lors des auditions que j’ai menées, l’expression d’un besoin en matière d’avion léger – les besoins identifiés sont la succession de l’Alpha Jet, le remplacement, dans l’aviation de transport tactique, des Casa et CH-130 vieillissants, et le NGF.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’aurais été ravi de retirer mon amendement au profit du vôtre, cher collègue. Malheureusement, il est moins-disant de 5 millions. Nous ne pouvons souscrire à ce manque de volontarisme.
Successivement, la commission rejette l’amendement II-DN29 et adopte l’amendement II-DN150.
En conséquence, l’amendement II-DN5 tombe.
Amendement II-DN117 de M. Romain Tonussi
M. Romain Tonussi (RN). Cet amendement vise à réorienter une partie des crédits consacrés à la transition écologique du patrimoine immobilier des armées vers la préparation et l’entraînement de l’AAE. Une part non négligeable des moyens est absorbée par des études environnementales et par des installations photovoltaïques dans les emprises militaires.
Ces démarches ne répondent pas toujours directement aux besoins quotidiens de nos forces, mais plutôt à des contraintes idéologiques. Nous souhaitons privilégier l’entraînement et les capacités de préparation opérationnelle de nos bases aériennes.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Avis favorable.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Notre collègue Tonussi évoque une dimension idéologique, dans le travail de nos armées, en matière de performance énergétique. J’y vois au contraire une preuve éclatante de pragmatisme. Les économies d’énergie réalisées sur le parc immobilier dégagent des marges financières.
Par ailleurs, il y a un enjeu de disponibilité et d’efficacité du service de l’énergie opérationnelle (SEO), y compris en opération. Croire que l’on peut se dispenser de préparer l’avenir et de réfléchir aux moyens de doter un camp des meilleurs standards en matière énergétique, c’est ne pas comprendre les besoins réels des armées en opération. Du point de vue du soutien, s’assurer de la plus grande diversité possible des ressources en énergie de nos soldates et de nos soldats est une priorité.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). J’ai eu la responsabilité de certains de ces dépenses, que j’ai engagées au sein du ministère. Le ministère des armées n’est pas un objet particulier qui vit à côté de la société. Nos militaires sont jeunes et, comme tels, très sensibles aux mesures environnementales, contrairement à ce que vous semblez penser, monsieur Tonussi. Ils ont à cœur de travailler dans un environnement où tout cela est mis en œuvre.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN68 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement devenu classique vise à assurer la réalisation de la promesse du gouvernement, qui est aussi celle du président de la République, d’augmenter de trente Rafale le format de l’aviation de chasse française, qui est sursollicitée.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous ne financerons pas deux escadrons supplémentaires sur l’annualité 2026, mais ce sujet nous offrira l’occasion d’un beau débat lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Par cohérence, je suis favorable à l’administration d’une piqûre de rappel s’agissant du format de notre flotte d’avions de chasse comme je l’étais s’agissant de nos frégates. Je voterai donc l’amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-DN70 de M. Frank Giletti et II-DN106 de M. Jean-Louis Thiériot
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Le moteur du futur Rafale standard F5 est un impensé de la LPM 2024-2030 et du projet de loi de finances pour 2026. Il faut absolument étudier l’évolution du moteur M88-T-REX produit par Safran. Les besoins électriques et la masse emportée du Rafale augmentent. Il faut passer, pour le Rafale actuel, d’un moteur de 7,5 tonnes de poussée à un moteur de 9 tonnes de poussée et, pour le Rafale standard F5 et le NGF, à un moteur de 11 tonnes de poussée.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Le moteur M88-T-REX peut constituer un jalon dans l’élaboration du Rafale standard F5 et du SCAF, qu’il soit produit en coopération ou non. À ce sujet, si le programme SCAF, qui suscite dans cette commission des inquiétudes répandues que je partage, devait ne pas aboutir, la responsabilité ne saurait en incomber à la France. Elle ne pourrait qu’incomber aux industriels ou à nos partenaires.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je suis parfaitement aligné avec ce que viennent de dire nos collègues. Il faut financer le développement du moteur M88-T-REX en répartissant la charge entre l’État et l’industriel. J’émets, une fois n’est pas coutume, un avis favorable à cet amendement d’appel.
La commission adopte les amendements.
Amendement II-DN69 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel vise à rétablir la cible de cinquante avions A400M prévue par la LPM 2013-2019. Sursollicités, ces avions ont fait preuve d’une efficacité remarquable dans les dernières crises.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis des rapporteurs pour avis, elle rejette l’amendement II-DN104 de M. Julien Limongi.
Amendements II-DN38 de M. Bastien Lachaud et II-DN151 de M. Frank Giletti (discussion commune)
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit de créer une ligne budgétaire Système d’alerte avancée pour dénoncer le nouveau programme de coopération franco‑allemand Odin’s Eye et le remplacer par un programme national ou en coopération sous direction française. Une nouvelle fois, la France fait le choix d’une coopération franco-allemande perdante.
En dépit de l’échec du MGCS et du SCAF, la France continue, au nom d’un intérêt franco-allemand illusoire, à abandonner son industrie et ses capacités : ce programme confié à l’industriel allemand OHB relègue nos acteurs nationaux à un rôle secondaire alors même que nous possédons toutes les briques technologiques permettant de le développer. Nous souhaitons que la France reprenne ses esprits et développe une capacité propre d’alerte avancée.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. En matière d’alerte avancée, la France avait de l’avance. Malheureusement, la LPM 2024-2030 n’en fait pas mention. Nous proposons la création d’un programme budgétaire dédié. La prolifération des missiles balistiques nous oblige à nous doter de cette capacité.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le sujet mérite une réponse un peu plus argumentée. Je constate que rien ne justifie ce programme sinon l’idéologie du franco‑allemand à l’exclusion du reste.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Il ne s’agit pas d’une coopération exclusive entre la France et l’Allemagne. Elle s’inscrit dans le cadre européen et inclut l’Espagne, l’Italie, la Lituanie et l’Autriche, en attendant que d’autres pays la rejoignent.
Compte tenu de l’ampleur des systèmes, la France n’a pas les moyens de développer seule un tel programme. Certes, elle en maîtrise les briques technologiques, mais ce programme vise à défendre l’espace aérien européen dans son ensemble et pas seulement l’espace aérien français.
M. Thomas Gassilloud (EPR). Le programme Odin’s Eye inclut des industriels français tels que Thales et MBDA ainsi que l’Onera (Office national d’études et de recherches aérospatiales). Par ailleurs, en dépit de divergences de vues en matière capacitaire selon les systèmes d’armes et les doctrines des uns et des autres, il s’agit d’assurer le suivi tactique des situations, qui est une exigence identique quelles que soient les différences, au demeurant légères, entre les doctrines défensives. Il semble possible d’avancer raisonnablement sur ce projet.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-DN152 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Par cet amendement d’appel je demande le développement d’un missile aérobalistique, qui est une nécessité pour l’armée de l’air et de l’espace. Les avantages opérationnels sont en effet connus : difficulté de détection, rapidité accrue, manœuvrabilité lors de la course finale et portée allant de 500 à 1 000 kilomètres, ce qui augmenterait de manière substantielle l’allonge d’un raid aérien conventionnel.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Je vous renvoie, à mon tour, à l’actualisation de la LPM.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN32 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement, lui aussi d’appel, vise à garantir l’existence des satellites de communication nécessaires à nos armées dans le cadre du projet IRIS² (infrastructure de résilience et d’interconnexion sécurisée par satellite). J’avais alerté notre commission l’année dernière sur les difficultés que nous traversions, mais la situation est encore plus compliquée que prévu, en raison de désengagements probables, notamment de l’Allemagne, qui consacre beaucoup d’argent au développement de sa propre constellation de satellites – on voit, là encore, que la coopération franco-allemande peut patiner. Le rapport que j’ai publié avec Mme Vignon insistait sur la nécessité d’assurer le déploiement du programme à l’horizon 2030, de garantir l’interopérabilité d’Iris² avec d’autres systèmes, comme Syracuse, et de renforcer les capacités d’observation militaire et les systèmes antibrouillage, à des fins de sécurisation, mais le problème reste entier.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous en avons débattu ce matin. Votre rapport a mis en lumière le besoin capacitaire dans ce domaine. Avis favorable.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je souscris au raisonnement qui sous-tend cet amendement. J’ai déploré, moi aussi, la situation dans un rapport consacré au spatial de défense. Il serait très hasardeux de renoncer à un satellite patrimonial ultrasécurisé au profit d’une constellation européenne civile de connectivité en orbite basse. Même avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN71 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel incite, dans la lignée des précédents, à une accélération du programme IRIS², qui va remplacer les satellites CSO (composante spatiale optique). Les décalages deviennent, en effet, préoccupants. Il faut sécuriser le passage à la réalisation industrielle afin d’éviter une faille capacitaire en matière de Roim (Renseignement d’origine image).
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il ne faudrait pas que notre collègue y prenne goût, mais j’émets un avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN72 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement relatif au programme Celeste, qui doit remplacer Ceres – capacité de renseignement électromagnétique spatiale – vise aussi à éviter un trou capacitaire, en matière de renseignement d’origine électromagnétique.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Même avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle rejette l’amendement II-DN116 de M. Thibaut Monnier.
Amendement II-DN35 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement vise à créer un programme de radars acoustiques pour la lutte contre les drones. La guerre en Ukraine démontre l’importance cruciale de disposer de programmes aussi performants que possible dans ce domaine.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN7 de M. Damien Girard
M. Damien Girard (EcoS). Il s’agit de contribuer à l’effort d’adaptation de nos armées, dans toutes leurs strates, au tournant capacitaire que constitue le développement des drones. Leur diffusion massive dans la société et l’armée est un élément fondamental de la capacité d’adaptation et d’innovation de l’Ukraine face à l’armée russe. Cet amendement, qui est inspiré d’une proposition de la mission d’information sur la masse et la haute technologie et s’inscrit dans la continuité de la création de l’École des drones de l’armée de terre, vise à doter chaque élève sous-officier et officier d’un drone FPV (vol en immersion) commercial, pour favoriser une appropriation systématique par nos forces de cet outil nouveau, qui transforme durablement le visage des théâtres d’opérations.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. J’ai plutôt l’impression, pour m’être rendu à l’École des drones et au 61e régiment d’artillerie, que la remontée actuelle des crédits est suffisante. Nos soldats m’ont dit qu’ils avaient surtout besoin de davantage de souplesse par rapport au catalogue au sein duquel ils peuvent passer commande au moyen des crédits de subsidiarité. Avis défavorable.
M. le président Jean-Michel Jacques. J’ajoute qu’il faut penser à la question de l’industrialisation.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN143 de M. Bastien Lachaud et II-DN50 de Mme Isabelle Santiago (discussion commune)
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je vous propose une augmentation de crédits afin de soutenir la montée en puissance du service de santé des armées (SSA). Malgré la hausse globale du budget de la fonction santé, les crédits de fonctionnement du SSA doivent baisser de 12 millions d’euros, ce qui constitue une incohérence.
Mme Anna Pic (SOC). Nous dénonçons également, par notre amendement, la baisse de 17 % des crédits alloués au service de santé des armées. Cette évolution est d’autant plus inacceptable que deux rapports, l’un de la Cour des comptes et l’autre du Sénat, critiquaient déjà en 2023 des choix budgétaires qui touchaient d’une manière disproportionnée à cette pièce maîtresse de notre outil de défense et appelaient, au contraire, à la consolider.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les deux amendements vont dans le même sens, mais je considère que le mien est mieux calibré, puisque la hausse des crédits qu’il propose correspond exactement à la baisse prévue pour les crédits de fonctionnement et aux besoins du service de santé des armées. J’invite donc au retrait de l’amendement II-DN50 au profit du mien.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Nous avons tous fait le constat ces dernières années, me semble-t-il, que ce qui s’est passé au SSA avait un effet destructeur. Je propose plutôt que la commission se saisisse de cette question en créant une mission d’information chargée d’établir un rapport sur la réalité des déflations de crédits qui sont intervenues et les besoins réels de remontée en puissance du SSA.
Mme Anna Pic (SOC). On nous explique chaque année que les rapports, ça va bien. En l’occurrence, il en existe plusieurs, de la Cour des comptes et du Sénat, qui dénoncent la situation. Nous avons déjà quelques éléments.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Tout cela n’est pas faute d’avoir lancé des alertes, notamment lors des débats consacrés à la loi de programmation militaire. Nous avons demandé au ministre une feuille de route claire pour les projets concernant le SSA. Remettre encore la question à demain serait une sorte de renoncement qui ne me paraîtrait pas très sage.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-DN141 de M. Bastien Lachaud et II-DN137 de Mme Catherine Hervieu (discussion commune)
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je propose, pour les mêmes raisons, une augmentation des crédits d’infrastructure du service de santé des armées.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Notre amendement vise aussi à augmenter les moyens alloués aux infrastructures de santé. La multiplication des crises et des conflits et le changement climatique exposent les combattants à des risques sanitaires qui évoluent, notamment lors des opérations extérieures. La feuille de route du SSA pour 2024‑2030 n’a été élaborée et validée qu’après l’adoption de la LPM. Aborder cette question lors des débats budgétaires me paraît tout à fait pertinent.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Tout cela est bien documenté dans mon rapport. Je demande le retrait de l’amendement II-DN137, qui me semble moins bien calibré que le mien.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-DN135 de Mme Catherine Hervieu
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Cet amendement vous séduira peut-être davantage puisqu’il propose une augmentation de crédits un peu plus faible – 3 millions d’euros au lieu de 5 – au profit du SSA.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Une hausse de crédits de 3 millions d’euros me paraît insuffisante, mais ce serait toujours mieux que rien. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN37 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement vise à enclencher un programme de nationalisation d’ArianeGroup. La privatisation du programme Ariane 6 était une lourde erreur stratégique et industrielle, qui a conduit à quatre années de retard pour le développement, la construction et le tir inaugural du lanceur, lequel a finalement eu lieu en juillet 2024. Nous avons ainsi subi une rupture temporaire, mais tout à fait délétère, de notre accès souverain à l’espace : les satellites Galileo ont été lancés grâce à SpaceX, ce qui est quand même assez scandaleux.
Il faut reconstruire notre autonomie stratégique en interrompant la longue marche vers la privatisation, qui se poursuit depuis les années 1990. L’indépendance de notre accès à l’espace n’a pas de prix, et c’est le minimum pour honorer notre statut historique de puissance spatiale. Nous devons, par ailleurs, veiller à anticiper l’après-Ariane 6, par la montée en puissance de MaiaSpace et la consolidation de nos efforts stratégiques, notamment pour contrer la concurrence de nos sympathiques partenaires allemands, qui développent la même gamme de lanceurs. La nationalisation d’ArianeGroup permettra de redonner de la puissance financière et capacitaire au programme spatial français dans ce domaine.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Même si vous proposiez en contrepartie l’installation d’un site d’ArianeGroup, je resterais opposé à un changement de capital. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN36 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement, qui vise à nationaliser Atos, avait été adopté l’an dernier, avant d’être balayé lors du recours au 49.3. La situation a passablement changé sur le plan financier, puisque le cours de bourse est sensiblement remonté. Les décisions de restructuration de la dette d’Atos ont permis aux banques d’éponger leurs pertes, d’une certaine façon, et Atos reste un acteur incontournable pour tout projet de mise en œuvre de la souveraineté numérique. En revanche, la situation industrielle n’a pas réellement évolué : c’est une liquidation ou en tout cas une vente à la découpe qui se dessine. Or il ne faudrait pas laisser se produire une catastrophe semblable à celle d’Alstom. Si nous voulons avoir une ambition en matière de souveraineté numérique, nous ne pouvons pas passer notre temps à confier notre destin à d’autres, à travers un financement des Émirats arabes unis, par exemple.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je salue votre cohérence idéologique, mais la nôtre est à l’opposé. Avis défavorable.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je crois que l’amendement avait été adopté, la dernière fois, grâce aux voix du Rassemblement national. Vous aurez peut-être un petit souci ce soir, monsieur Saintoul, en l’absence des membres de ce groupe.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN132 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement vise à vous alerter sur la situation de l’entreprise Europlasma, dont j’ai déjà dit à plusieurs reprises qu’elle était un dangereux repreneur en série. Elle a en effet repris les Fonderies de Bretagne – vous connaissez bien ce dossier, monsieur le président – ainsi que Valdunes et Luxfer. En réalité, ce repreneur met en danger l’ensemble des sites qu’il rachète successivement en faisant de la cavalerie budgétaire. La situation est en train de devenir critique : la bulle ne cesse de grossir et son explosion fera extrêmement mal. Nous ne proposons pas de nationaliser, stricto sensu, Europlasma, mais de racheter l’entreprise pour 1 euro symbolique. Faire bénéficier des escrocs – j’ose employer ce mot – d’argent public en récompense de leur cavalerie budgétaire n’aurait, en effet, pas de sens. Il est urgent de remettre de la cohérence dans la filière des munitions, qui est indispensable pour notre souveraineté.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je ne sais pas si nous pouvons aller dans la direction souhaitée par notre collègue. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’il existe un carnet de commandes, notamment pour des munitions de 155 mm. Les difficultés de l’entreprise ne peuvent donc pas venir d’un manque de commandes publiques. J’émets un avis défavorable à cet amendement, qui reviendrait quand même un peu à réaliser une nationalisation, mais nous devrons rester attentifs à l’avenir de ce groupe.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Permettez-moi d’apporter quelques précisions. Cette société a complètement obliqué à partir de l’invasion de l’Ukraine, en tout cas pour ce qui est des Forges de Tarbes, reprises en 2021. Elle a fait des annonces frauduleuses, comme celle de la conclusion d’un contrat avec l’Ukraine pour la livraison de 100 000 obus, alors qu’elle n’en produit pas plus de 40 000 par an depuis trois ans. Nous avons, par ailleurs, affaire à un mode de financement totalement opaque, reposant sur des instruments un peu complexes, qui relèvent de la finance dilutive, laquelle pose de graves problèmes, y compris selon l’Autorité des marchés financiers. Dans le cas des Forges de Tarbes, la solution la plus évidente était une réinternalisation au sein de Nexter, dont cette entreprise a été une filiale, mais cela s’est révélé impossible parce que, comme nous l’a dit un conseiller de la ministre de l’époque, Mme Parly, le partenaire allemand au sein de KNDS l’a refusé. Nous aurions tort de balayer d’un revers de la main un problème aussi profond.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN49 de Mme Isabelle Santiago
Mme Anna Pic (SOC). L’attractivité des carrières et la fidélisation, nécessaire, des hommes et des femmes qui servent dans nos armées dépendent des conditions de vie offertes aux militaires et à leur famille. Pourtant les crédits du programme 212 ne bénéficient d’aucune augmentation. Nous proposons, par cet amendement, de renforcer l’investissement dans les crèches et le logement.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La question du logement est évidemment cruciale pour la fidélisation des militaires, mais il ressort de mes auditions et de la lecture du bleu qu’il existe déjà une volonté du ministère d’investir massivement dans ce domaine. Comme je l’ai indiqué ce matin, la ligne budgétaire concernée est en hausse de 116 millions d’euros. Je préférerais que l’on évalue les réalisations que permettra cette hausse avant de confier au ministère plus d’argent : soyons prudents. Je vous demande de retirer cet amendement.
Mme Anna Pic (SOC). Je vais le retirer au profit du suivant, qui prévoit uniquement un renforcement de l’offre de structures d’accueil pour les jeunes enfants.
L’amendement est retiré.
Amendement II-DN53 de Mme Isabelle Santiago
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement concerne un enjeu majeur pour la condition des militaires et leur fidélisation. Le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire a encore rappelé dans un rapport publié cet été que près d’un militaire sur deux avait au moins un enfant à charge, ce qui représente au total 350 000 enfants, dont plus de la moitié a moins de 11 ans. Malheureusement, la mobilité régulière et les sujétions de service rendent souvent difficile la gestion des foyers familiaux. Dans ces conditions, il me paraît tout indiqué de renforcer les moyens d’accueil des enfants de militaires et j’émets donc un avis favorable à l’amendement.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). C’est effectivement un sujet important. La LPM comporte un plan Famille 2, repris dans le plan Fidélisation 360, qui prévoit des crédits en la matière. Je veux bien qu’on augmente toujours les lignes budgétaires, mais ce sont les capacités de mise en œuvre qui comptent. Prévoir 10 millions d’euros de plus, comme le demande cet amendement, serait facialement bien, mais on ne pourrait pas nécessairement déployer 10 millions supplémentaires pour créer des crèches.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Quand on augmente de 116 millions d’euros le budget prévu pour le logement, on sait comment dépenser ces crédits. Si nous prévoyons 10 millions de plus pour les crèches, on saura aussi comment les dépenser. Sinon, il faudra que la ministre démissionne pour laisser la place à quelqu’un de plus compétent. Si c’est ce que vous pensez, madame Darrieussecq, dites-le clairement.
Mme Anna Pic (SOC). Mme Santiago travaille sur les plans « famille » depuis de nombreuses années – elle a conduit plusieurs missions d’information à ce sujet. Si elle propose un tel amendement, il n’est pas d’appel. Nous aurons là un levier pour travailler conjointement avec les collectivités territoriales, qui souhaitent mieux insérer les familles de militaires dans les territoires. Nous saurons parfaitement comment dépenser ces 10 millions d’euros là où se trouvent des bases de défense.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, la commission rejette l’amendement II-DN54 de Mme Isabelle Santiago.
Amendement II-DN144 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à renforcer les moyens de la cellule Thémis, placée au sein du contrôle général des armées. La mission d’enquête sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) a appelé à un dimensionnement de cette cellule à la mesure des tâches qui lui sont confiées. Son effectif était de quinze personnes à la fin 2024, ce qui demeure largement insuffisant au vu de l’ampleur de ces violences, d’autant que le ministre précédent, Sébastien Lecornu, a engagé un renforcement de la lutte menée dans ce domaine au sein de la défense. Les armées ont recensé 42 faits de VSS en 2022, 49 en 2023, 252 en 2024 et 133 au premier semestre de cette année : la parole se libère, ce qui est une bonne chose. Nous devons mettre en face les moyens pour la recueillir.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN146 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La NPRM (nouvelle politique de rémunération des militaires) s’est notamment traduite par la création, en 2023, d’une prime de parcours professionnels (3PM), qui a fusionné l’ensemble des primes liées à la qualification professionnelle. La 3PM vise à valoriser les parcours de carrière et à reconnaître l’expertise acquise au fil du temps par les militaires. Seuls ceux du rang ne peuvent pas en bénéficier, car il n’existe aucune balise pour ce faire au sein de leurs carrières. Cela constitue un handicap en matière de fidélisation, particulièrement pour les militaires du rang expérimentés, dont le savoir-faire est précieux pour les armées. Mon amendement étendra le bénéfice de la 3PM aux militaires du rang à partir de huit ans de service. Cette mesure permettra de les fidéliser en reconnaissant leur parcours professionnel et leur expertise acquise, tout en alignant leur traitement sur celui des autres catégories de militaires.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis François Cormier-Bouligeon, la commission rejette l’amendement II-DN51 de Mme Isabelle Santiago.
Amendement II-DN18 de Mme Corinne Vignon
Mme Corinne Vignon (EPR). Depuis 2020, l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique, l’Inria, s’engage résolument aux côtés du ministère des armées dans le cadre d’une cellule « défense et sécurité » qui a déjà conduit plus de 120 projets stratégiques avec la DGA (direction générale de l’armement), la DRM (direction du renseignement militaire), l’Agence de l’innovation de défense ou le SGDSN (secrétariat général de la défense et de la sécurité nationales). Les domaines concernés sont essentiels : les drones, le renseignement spatial, la cybersécurité, l’intelligence artificielle, la détection de deep fakes, la protection de systèmes autonomes ou encore la fusion de données massives. Cet amendement vise à donner à l’Inria les moyens d’amplifier ces coopérations.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Pour avoir auditionné l’Inria et savoir ce que fait cet institut depuis de nombreuses années – il a notamment fait le choix, depuis un certain temps, de ne pas recourir aux Gafam –, j’émets un avis favorable. Les 5 millions d’euros prévus par cet amendement donneront à l’Inria une agilité supplémentaire pour répondre à certains appels d’offres ou à certaines demandes.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-DN33 de M. Aurélien Saintoul, II-DN95 de Mme Catherine Hervieu, II-DN26 et II-DN27 de Mme Natalia Pouzyreff (discussion commune)
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). L’amendement II-DN33 vise à augmenter les crédits destinés à la recherche stratégique. Les autorisations d’engagement pour cette sous-action doivent en effet baisser de 11,07 %, et les crédits de paiement de 15,92 %. Alors que les lignes budgétaires consacrées à la prospective de défense augmentent globalement, celle dédiée à la recherche stratégique est en baisse. Le signal ainsi envoyé est celui d’un désintérêt pour la réflexion stratégique indépendante au moment où la France devrait au contraire renforcer ses capacités d’analyse, d’anticipation et de compréhension des crises internationales, qui sont suraiguës en ce moment.
Ces capacités permettent de décrypter les mutations géopolitiques, militaires ou technologiques dans un contexte marqué par une instabilité mondiale croissante et des violations du droit international. La revue nationale stratégique de 2025 a ainsi rappelé à deux reprises que cette recherche constituait une priorité de la politique de défense. Les actes contredisent, hélas, le discours. L’augmentation des crédits de la recherche stratégique que nous proposons permettrait au gouvernement de tenir sa parole, alors que le budget des armées est globalement en hausse d’environ 13 % en 2026. Le groupe La France insoumise souhaite que les crédits destinés à la recherche stratégique suivent la même trajectoire.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Les crédits alloués à la sous-action Recherche stratégique ne doivent faire l’objet d’aucune baisse si nous voulons préserver la continuité, la diversité et la visibilité de la recherche française en la matière. Ces crédits doivent soutenir une réflexion nationale indépendante, l’anticipation des menaces émergentes et la formation d’une expertise souveraine dans les domaines de la stratégie, de la géopolitique, de la défense et des nouvelles conflictualités ; ils doivent également permettre l’ouverture de nouveaux champs d’investigation prioritaires : l’espace numérique et ses vulnérabilités, la désinformation et les opérations d’influence, la guerre hybride ainsi que les impacts sécuritaires du réchauffement climatique.
Comme le rappelle régulièrement la revue Défense nationale, la France a développé une pensée stratégique propre, alliant profondeur historique, approche globale et sens politique. Les financements de la recherche restent souvent modestes alors qu’ils sont essentiels pour la formation d’une nouvelle génération d’experts français et européens. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement qui vise à consolider les crédits alloués à la recherche stratégique.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Nos amendements ont le même objet. Dans un contexte géopolitique marqué par de profonds bouleversements, il importe de préserver les moyens de notre recherche stratégique et ainsi l’expertise développée dans nos think tanks.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable. Comme je l’ai dit ce matin lors de la présentation de mon rapport, l’essentiel de la baisse est faciale : des crédits passeront de l’action 07 à l’action 08 du programme 144. Il n’y a donc pas lieu d’adopter ces amendements. Je constate néanmoins qu’ils nous ont donné l’occasion, ce qui est vraiment heureux, de mettre en lumière l’importance de la recherche stratégique pour notre rayonnement et notre influence.
Les amendements II-DN26 et II-DN27 sont retirés.
La commission rejette successivement les amendements II-DN33 et II-DN95.
Amendement II-DN25 de Mme Natalia Pouzyreff
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Cet amendement fait suite au rapport de la mission « influence » que j’ai conduite avec Marie Récalde. Face à la guerre hybride menée par certains compétiteurs, je propose des crédits supplémentaires pour les travaux de recherche scientifique, en particulier ceux portant sur la guerre cognitive.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Même position que sur les amendements précédents. Les mêmes causes, à savoir des transferts de crédits d’une action à une autre, produisent les mêmes effets : demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Nous souhaitons, en réalité, la création d’une nouvelle ligne budgétaire, relative à la guerre cognitive. C’est important, au moins pour le symbole.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN8 de M. Damien Girard
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Cet amendement vise à aligner les moyens budgétaires de la réserve opérationnelle sur la réalité du besoin de masse de l’armée française. Notre cadre budgétaire fortement contraint ne permet ni de fidéliser les réservistes ni d’en faire un usage opérationnel totalement adapté aux besoins. Comment donner envie de consacrer du temps à son pays lorsque des équipements doivent être partagés entre plusieurs réservistes et que les paiements sont retardés de plusieurs mois, voire d’une année ? Le rapport de la mission d’information sur la masse et la haute technologie a évalué à 1 milliard d’euros les besoins budgétaires pour la montée en puissance de la réserve et la constitution d’une véritable division de réservistes low tech (basse technologie) pour augmenter notre profondeur stratégique.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je ne suis pas convaincu, à titre personnel, de l’utilité de la réserve opérationnelle dans ce cadre. Néanmoins, les auditions que j’ai menées ont montré qu’il était important de garantir aux réserves des moyens budgétaires stables, un équipement suffisant, assez de jours d’activité et des missions suffisamment intéressantes. Je salue à ce titre le rehaussement de la norme d’activité à quarante-cinq jours par an en 2026.
Il me semble que cet amendement manque de précision. S’il s’agit de garantir l’activité des réservistes, il serait préférable de verser tout ou partie des crédits concernés au programme 212, qui finance les dépenses de personnel de la mission Défense, y compris pour les réservistes. Or cet amendement ne vise que le programme 178. Je vous suggère de le retirer pour le retravailler en vue de la séance. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN147 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’ai longuement abordé ce matin la question de la différence entre les Missops et les Opex, le bleu budgétaire nous ayant informés que le financement de certaines Missops, sans qu’on sache exactement lesquelles, serait désormais complètement intégré dans le BOP (budget opérationnel de programme) consacré aux Opex, ce qui pose un vrai risque d’insincérité budgétaire. Je vous propose, en réponse, de créer un programme dédié aux Missops, qui permettra de déterminer précisément les surcoûts liés à ces opérations et l’éventuelle contribution interministérielle. Il ne faut pas, en tout cas, fusionner les Missops et les Opex. J’ajoute que l’adoption de cet amendement vous donnera le moyen de contrer mes prises de position concernant le risque de confusion entre ces missions, puisqu’une véritable distinction budgétaire sera désormais établie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN92 de Mme Catherine Hervieu
Mme Catherine Hervieu (EcoS). La menace durable qui est posée par la Russie confirme que la sécurité de l’Europe sur le long terme se joue en Ukraine. De cette épreuve doit émerger l’architecture de sécurité du continent européen pour les décennies à venir. Cependant, l’aide militaire apportée par les pays européens à l’Ukraine a fortement faibli ces derniers mois.
Ce soutien militaire a coûté jusqu’à présent 5,9 milliards d’euros à la France, auxquels s’ajoutent 400 millions investis dans le fonds bilatéral de soutien à l’Ukraine et la contribution de la France au mécanisme de la Facilité européenne pour la paix. Paris contribue à hauteur de 18 %, soit 2,3 milliards d’euros, à cette enveloppe financière des Vingt-Sept qui a été instaurée pour aider les États membres livrant des armes à Kiev.
Le présent amendement vise à conforter le financement de notre action pour l’Ukraine en augmentant la dotation de l’action 13, Soutien à l’effort de défense de pays tiers, du programme 146.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous sommes tous conscients, me semble-t-il, que la France prend pleinement sa part dans le soutien à l’Ukraine. Je suis obligé d’évoquer le canon Caesar, qui est une pépite berruyère, c’est-à-dire de Bourges, mais notre soutien à l’Ukraine ne s’y limite pas, puisqu’il inclut aussi la lutte antiaérienne, la lutte antichar ou encore la mobilité sous blindage. Nous faisons déjà beaucoup dans le cadre de notre contribution à la Facilité européenne pour la paix, du fonds bilatéral de soutien à l’Ukraine et du fonds de concours spécifique au sein du programme 146. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement II-DN149 de M. Bastien Lachaud est retiré.
Amendement II-DN131 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). Cet amendement d’appel vise à appeler l’attention du gouvernement et de la représentation nationale sur la nécessité de créer une direction des affaires européennes au sein de la DGA afin de contribuer à l’émergence d’une véritable BITD européenne, objectif qui nous paraît indispensable pour la structuration de l’architecture de sécurité collective à l’échelle du continent. L’idée de renforcer le pilier européen de l’Otan ne saurait suffire : nous devons aussi être en mesure de porter la voix de nos industriels, de travailler à l’élaboration et à la structuration de partenariats ou encore de faire de la prospective par filières. Pour des raisons de cohérence et d’efficacité, cette nouvelle direction de la DGA pourrait devenir l’interlocutrice privilégiée de la Commission européenne et de ses services.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. On voit qu’il existe une très importante divergence d’approche au sein du Nouveau Front populaire.
Mme Anna Pic (SOC). Quelle grande nouvelle !
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il faudrait au moins l’assumer devant les électeurs.
Vous voulez une BITD européenne. Nous souhaitons plutôt des coopérations entre les BITD nationales en Europe et nous plaidons plutôt pour un pilier européen au sein de l’Otan.
Par ailleurs, il existe déjà à la DGA des organes, tels que la direction internationale de la coopération et de l’export, la direction de l’industrie de défense et la direction de la préparation de l’avenir et de la programmation, qui prennent en compte la dimension européenne et dialoguent avec la Commission pour mettre en avant et soutenir les industries françaises dans le cadre des programmes européens.
Par conséquent, avis défavorable.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Nous devons privilégier les liens entre l’AED, l’Agence européenne de défense, dont nous avons eu l’occasion d’auditionner le directeur exécutif adjoint, et la DGA. Cela pourrait passer par la création de nouveaux canaux d’interaction, mais le montant prévu par cet amendement – 10 millions d’euros – me paraît un peu élevé.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Le rapporteur pour avis a cru pouvoir jeter une pierre dans le jardin du Nouveau Front populaire, mais il serait sans doute très édifiant de se reporter aux comptes rendus des interventions de nos collègues macronistes, qui ont toujours dit qu’ils croyaient en une BITD européenne – nous avons très régulièrement eu droit à ce genre de propos. Je suis un peu étonné d’entendre les mêmes collègues dire maintenant qu’ils n’en veulent pas. Ce sont peut-être des raffinements un peu byzantins, mais une telle évolution témoigne d’une capacité à louvoyer qui n’annonce rien de bon.
Mme Anna Pic (SOC). L’amendement visait à susciter une discussion. Je peux maintenant le retirer.
J’ajoute tout de même que l’idée qu’il faudrait structurer une BITD européenne apparaissait très clairement dans les propos tenus devant nous par les différents chefs d’état-major, notamment M. Mandon, lors des auditions de ces dernières semaines. Je ne crois donc pas que ce soit chez moi un tropisme proprement socialiste.
La création d’une direction européenne au sein de la DGA permettrait d’avoir un interlocuteur unique en la matière. Lors des auditions de la mission d’information sur la BITD qui est en cours au sein de la commission des affaires européennes, nous avons entendu des industriels, mais aussi d’autres acteurs, déclarer qu’il était difficile de trouver des spécialistes de ces questions. Par ailleurs, nous ne sommes peut-être pas suffisamment présents auprès de la Commission pour tirer le meilleur parti des outils qui ont été mis à la disposition de nos industriels et de nos armées pour construire une architecture de sécurité collective.
L’amendement est retiré.
Amendement II-DN48 de Mme Marie Récalde
Mme Anna Pic (SOC). Nous proposons de renforcer l’action internationale du ministère des armées au moyen d’une légère augmentation du budget alloué à la diplomatie de défense. Cet amendement fait suite à la mission d’information sur les stratégies d’influence.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. À en croire son exposé sommaire, cet amendement vise à « renforcer considérablement » l’action internationale du ministère des armées. Vous ne parlez plus que d’une de « légère augmentation » de ses crédits, ce qui me semble plus conforme, étant donné que vous proposez une hausse de 100 000 euros, sur un budget total de 98,1 millions. Mon avis est défavorable, même si je salue cette mise en valeur de notre diplomatie de défense.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN52 de Mme Isabelle Santiago
Mme Anna Pic (SOC). Cet amendement vise à créer un fonds de préfinancement au profit des PME et ETI participant à la base industrielle et technologique de défense, afin de soutenir notre souveraineté industrielle.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous sommes tous sensibles au financement des PME et ETI, mais la première chose à faire pour les aider serait de voter un budget dans les temps. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN107 de M. Sébastien Saint-Pasteur
Mme Anna Pic (SOC). Toujours pour soutenir la BITD, cet amendement vise à faciliter le passage de commandes fermes, à accélérer le recomplètement des stocks et à donner à nos TPE et PME la visibilité dont elles ont besoin s’agissant des munitions, des drones et des capacités anti-drones.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. L’objectif est louable, mais il y a un problème : l’action 11 du programme 146 que vous souhaitez abonder concerne le financement des activités de fonctionnement de la DGA. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN126 et II-DN125 de Mme Christine Arrighi
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Ces deux amendements ont le même objet : le renforcement de notre souveraineté fiscale à l’heure où l’effort de défense ne peut être que militaire.
Il s’agit d’abord d’aider les PME de la BITD à se mettre en conformité fiscale et à respecter les règles de transparence des marchés publics et des exportations, ce qui requiert un conseil public, compétent et disponible. Or le plafond d’emplois de la DGFIP (direction générale des finances publiques), dont c’est la mission, doit encore diminuer de 400 ETP (équivalents temps plein). Renforcer ses crédits de 3 ou 2 millions d’euros, comme y tendent respectivement les amendements II-DN126 et II-DN125, permettrait de mobiliser 60 ou 40 ETP supplémentaires et ainsi d’assurer un niveau minimal de service public fiscal auprès des entreprises.
De plus, ces moyens supplémentaires nous permettraient de mieux nous assurer que les grands groupes et leurs sous-traitants respectent le droit fiscal français. Il s’agirait donc aussi d’un outil de souveraineté économique et budgétaire, qui sécuriserait nos dépenses de défense et garantirait un juste retour pour l’État.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à l’idée de ponctionner les crédits de la mission Défense pour renforcer les effectifs de la DGFIP.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-DN40 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Comme nous l’avions fait lors de l’examen de la loi de programmation militaire, nous proposons ici de créer une nouvelle action, destinée à préparer l’après-pétrole. Lors de son audition par notre commission, le général Burkhard a en effet confirmé notre intuition en soulignant la nécessité d’anticiper la fin du moteur thermique. La somme que nous proposons d’allouer est modeste, mais elle permettrait d’enclencher une réflexion et même une action volontariste de la part du ministère sur une question qu’il ne faut pas négliger. Il serait illusoire de penser que, lorsque le peak oil (pic pétrolier) sera atteint, les armées pourront bénéficier des dernières gouttes de pétrole disponibles.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement réaffirme l’importance de consolider notre souveraineté énergétique, en plus d’anticiper les futurs besoins des forces armées. Il vise à prendre l’initiative de la transition énergétique et écologique, plutôt que d’en subir les conséquences, ainsi qu’à répondre aux enjeux capacitaires prégnants de nos armées. Les auditions que j’ai menées auprès des services de soutien et des unités responsables de la logistique et des acheminements ont montré combien la question énergétique conditionne la capacité opérationnelle de nos armées. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN1 de M. Damien Girard
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Par cet amendement nous soulignons le manque de moyens dont dispose le Parlement pour contrôler l’application concrète de la LPM. Dans un récent rapport d’information, Damien Girard et Thomas Gassilloud ont en effet constaté que notre institution a besoin de spécialistes de l’armement et des budgets régaliens. Nous proposons donc de dégager des crédits pour vérifier que les engagements du gouvernement sont tenus.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La création d’un institut parlementaire de suivi de la LPM est un objectif louable, tant nous nous interrogeons sur la sincérité de son exécution. Cependant il me semble qu’un tel amendement n’a pas sa place dans un projet de loi de finances. Il conviendrait plutôt de le défendre dans le cadre des discussions relatives au budget des assemblées parlementaires. Mon avis est donc défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense, modifiés.
Article 52 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
Amendement II-DN145 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’ai évoqué ce matin la rigidification de la trajectoire budgétaire de la mission Défense. Afin de la maîtriser, il me semble important de disposer d’un objectif et d’un indicateur de performance afférents.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je fais le même constat : avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Après l’article 68
Amendement II-DN34 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement vise à ce que le gouvernement établisse un état des lieux des moyens consacrés à la météo spatiale et à la lutte contre les débris spatiaux. Pareille proposition a déjà été approuvée l’an dernier à l’unanimité par notre commission, mais les problèmes restent entiers, voire deviennent critiques.
En matière de météo spatiale, il convient d’étudier le phénomène des éruptions solaires, qui peuvent endommager les plateformes et mettre en danger des opérations. Se pose également la question de la contractualisation avec des entreprises privées, alors qu’il convient évidemment de soutenir le développement d’applications et de services robustes.
Quant à la pollution spatiale, elle demeure un énorme problème. Le trafic orbital est largement contrarié par l’expansion de ce qu’on appelle les mégaconstellations. Nous connaissons celle d’Elon Musk, mais doivent s’y ajouter celle de Jeff Bezos, à laquelle sera associée Arianespace, ou encore la constellation chinoise Guowang. Le risque d’encombrement auquel nous faisons face interroge quant à l’avenir de l’industrie spatiale à court et moyen termes. Disposer enfin d’un rapport et donc d’un diagnostic à ce sujet permettrait d’éclairer nos décisions.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN130 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). Par cet amendement nous demandons un rapport évaluant le coût financier et les besoins humains nécessaires à la commande et au fonctionnement d’un deuxième porte-avions de nouvelle génération.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Nous avons déjà inclus une demande de rapport à ce sujet au sein de la LPM. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN55 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). La mer étant un espace très contesté et l’heure étant à la réduction de la dette publique, nous demandons la remise d’un rapport sur le coût de la sécurisation, par la marine nationale, du commerce maritime international, ainsi que sur son évolution. De fait, 90 % des échanges ont lieu par voie maritime, tandis que 98 % des transferts de données sont effectués grâce aux câbles sous-marins.
Je précise qu’une telle évaluation pourrait nous permettre de sortir ces dépenses du calcul de notre déficit, celles-ci étant en lien avec les intérêts de l’Union européenne.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. En mer rouge, Les navires commerciaux sont escortés par des bâtiments participant à l’opération Aspides, menée par l’Union européenne Le coût est donc partagé entre pays européens et avec l’Union européenne.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous soutiendrons cet amendement, même si nous aurions aimé que le rapport porte aussi sur les gains que cette action de l’État représente pour les compagnies maritimes, notamment en matière d’assurance. J’avais d’ailleurs posé cette question à la représentante de CMA-CGM lorsque notre commission l’a auditionnée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN39 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit là d’un amendement récurrent visant à demander au gouvernement la remise d’un rapport présentant une stratégie globale en matière de surveillance maritime, ainsi que le coût d’une telle stratégie. Nous répétons depuis des années que la marine n’a pas les moyens de surveiller l’ensemble de notre territoire maritime, le deuxième plus vaste du monde, c’est-à-dire d’assurer notre souveraineté pleine et entière. Nous avons besoin d’un plan global et ne pouvons-nous contenter d’une approche pointilliste.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis Yannick Chenevard, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN56 de M. Sébastien Saint-Pasteur
Mme Anna Pic (SOC). Par cet amendement, nous proposons la création d’un « marron » budgétaire, soit un rapport annuel annexé au projet de loi de finances, afin de disposer d’un suivi consolidé et transparent de l’accès des acteurs français, notamment les PME et ETI, aux financements européens de défense, et ce afin d’accompagner la montée en puissance de notre BITD.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN57 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). Dans la mesure où des zones floues entourent les Opex, les Misops et les Missint (missions intérieures), nous demandons un rapport sur les modalités de financement et le statut des forces déployées dans les différentes missions.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement fait écho aux préoccupations soulevées dans mon rapport pour avis et je suis ravi que d’autres parlementaires estiment qu’il y a un flou. De fait, le cadre juridique et financier des interventions de l’armée française à l’étranger est rendu opaque par une pratique arbitraire et illégitime du gouvernement, qui cherche à s’exonérer du contrôle parlementaire, pourtant prévu à l’article 35 de la Constitution.
Un rapport sur les opérations extérieures est bien transmis au Parlement chaque année. Cependant, je note que si le gouvernement y inclut les missions opérationnelles que nous assurons sur le flanc est de l’Europe, il refuse de modifier en conséquence le statut et la rémunération des militaires qui y participent. Il y a donc bien un problème : le ministère ne fait plus la différence entre les opérations.
Quoi qu’il en soit, je demande donc le retrait de cet amendement. Le rapport annuel du gouvernement ne nous apprend déjà rien, ce dernier ne souhaitant pas être honnête sur cette question.
Mme Anna Pic (SOC). Je reste optimiste ! Sébastien Lecornu, alors ministre des armées, nous avait promis les informations précises et transparentes que nous demandions depuis très longtemps. Je suis sûre qu’elles nous parviendront.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN58 de Mme Isabelle Santiago
Mme Anna Pic (SOC). Cet autre amendement du groupe SOC vise à renforcer le contrôle parlementaire sur la soutenabilité, donc la sincérité budgétaire de la mission Défense. En effet, malgré la hausse de 13 % des crédits qui lui sont alloués, nous craignons que le budget du ministère des armées ne connaisse une crise de croissance en raison de rigidités budgétaires particulièrement préoccupantes. Nous demandons donc qu’un rapport nous soit remis chaque année pour garantir la transparence et la cohérence de la trajectoire financière avec les ambitions affichées dans la LPM.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable : la Cour des comptes a déjà rendu un rapport à ce sujet cette année. D’ailleurs, dans le cadre de nos réflexions sur les moyens de l’Assemblée, peut-être pourrions-nous réfléchir à adosser cette institution à la nôtre !
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN154 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à obtenir un rapport sur les conséquences budgétaires qu’aurait le recours à un dispositif de recrutement fonctionnant sur un principe d’avance-retard. Nous en avons parlé, et M. Chenevard a lui-même fait part de sa préoccupation : il y a une inadéquation entre la gestion annuelle des recrutements et la programmation pluriannuelle du budget des armées.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN59 de Mme Isabelle Santiago
Mme Anna Pic (SOC). Par cet amendement nous demandons qu’un rapport nous soit remis sur l’exécution de la loi de programmation militaire, en intégrant le retour d’expérience du conflit en Ukraine. Les choses ont beaucoup évolué depuis la promulgation de cette loi et nous craignons que le délai de trois ans que nous nous sommes fixé nous empêche de réorienter nos capacités de manière dynamique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN61 de Mme Isabelle Santiago
Mme Anna Pic (SOC). Nous demandons ici une évaluation des besoins des conjoints de militaires en matière d’accès à l’emploi et à la formation, des dispositifs existants et des possibilités de coordination entre les politiques des ministères chargés des armées, du travail et des collectivités territoriales.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Comme je l’avais dit dans mon rapport pour avis de l’an dernier, l’accompagnement des conjoints de militaires est insuffisant pour compenser leurs difficultés. L’accès à l’emploi est très variable selon les territoires et les employeurs sont parfois réticents à les recruter, anticipant une mobilité proche du conjoint ‑ des difficultés qui touchent très majoritairement les femmes.
Les travaux engagés en faveur d’un éventuel pass emploi pour les conjoints de militaires allant dans le bon sens, je ne suis pas sûr qu’un rapport sur cette question suscite une évolution sensible. Sagesse.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). C’est notre job d’évaluer les politiques publiques ! Certes, il faut que l’Assemblée nous en donne les moyens et que nos questions fassent l’objet de réponses transparentes, mais ce travail est plus utile que beaucoup d’autres que nous pouvons faire ici.
Mme Anna Pic (SOC). Je suis parfaitement d’accord avec vous. Nous aimerions pouvoir conduire davantage de missions d’information et disposer des moyens suffisants pour ce faire, c’est-à-dire en n’étant pas restreints par des délais très courts ou par un nombre limité de déplacements. C’est à ces conditions que nous pourrions réaliser nous-mêmes les rapports que nous demandons.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je rappelle que six missions d’information ont toujours lieu simultanément : les administrateurs travaillant pour notre commission ne peuvent en faire davantage. De plus, tous les déplacements demandés ont été acceptés. Peut-être faudrait-il avoir les moyens de recruter davantage de collaborateurs ou d’administrateurs.
Mme Anna Pic (SOC). C’est cela même !
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN128 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). Ce dernier amendement vise à obtenir un rapport étudiant le coût d’une participation de la France à une coalition de pays chargés d’établir une zone d’exclusion aérienne en Ukraine.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). La question étant loin d’être tranchée, demander un rapport me semble prématuré.
La commission rejette l’amendement.
— 1 —
Auditions et déplacements du rapporteur pour avis
(par ordre chronologique)
1. Auditions
Delair – M. Bastien Mancini, président et cofondateur ;
Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) - M. Jean-Marc Duquesne, délégué général ;
Groupement des industries de construction et activités navales – M. Philippe Missoffe, délégué général ;
Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales – M. le général Frédéric Parisot, délégué général ;
Comité Richelieu – M. Jean Delalandre, délégué général ;
Direction de la maintenance aéronautique (DMAé) – IGA Marc Howyan, directeur ;
Dassault – M. Bruno Giorgianni, secrétaire du comité de direction, directeur des Affaires publiques et Sûreté ;
MBDA – M. l’amiral 2s Hervé de Bonnaventure, conseiller défense du CEO, M. Jean-René Gourion, directeur général délégué de MBDA France ;
État-major des Armées – M. le vice-amiral d’escadre Éric Malbrunot, sous-chef « plans et programmes » ;
Naval Group – M. Guillaume Rochard, directeur de la Stratégie, des Partenariats et des Affaires institutionnelles ;
État-major de l’armée de Terre – M. le général de brigade Philippe Le Carff, sous-chef d’état-major « plans et programmes » ;
État-major de la Marine nationale – M. le contre-amiral Rémi Thomas, Capitaine de vaisseau, sous‑chef d’état-major « Plans » ;
Direction générale de l’armement – IGA Erwan Salmon, directeur de l’unité de management Combat terrestre au sein de la Direction des opérations, du maintien en condition opérationnelle et du numérique ;
Airbus – M. Fabien Menant, directeur des Affaires publiques France ;
ArianeGroup – M. Hugo Richard, directeur de cabinet du président exécutif ;
Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Direction des applications militaires (DAM) – M. Jérôme Demoment, directeur des applications militaires du CEA ;
État-major de l’armée de l’Air et de l’Espace (EMAAE) – M. le général de brigade aérienne Arnaud Gary, sous-chef d'état-major « plans-programmes » ;
KNDS – M. Alexandre Dupuy, directeur des activités systèmes ;
Arquus – M. Emmanuel Levacher, directeur général ;
Direction générale de l’armement – M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement (DGA) ;
SAFRAN - M. Philippe Errera, directeur en charge du développement international et des affaires publiques.
2. Déplacements
Locaux de Turgis et Gaillard à l’aérodrome de Blois-Le-Breuil – rencontre avec M. Gaillard, directeur général ; et les employés de Turgis et Gaillard ;
Base aérienne de la base d’Avord – rencontre avec M. le colonel Xavier Rival, commandant de la base aérienne, les officiers et les personnels de la base ;
École des drones et 61e Régiment d’artillerie, site de Chaumont-Semoutiers – rencontre avec M. le colonel Thomas Loison, chef de corps du 61e Régiment d’artillerie, les officiers et les personnels du régiment.
([1]) Assemblée nationale. (s.d.). Projet de budget 2026 pour les Armées : audition du général d’armée Fabien Mandon, chef d’état-major des Armées, 22 octobre 2025. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/organes/commissions-permanentes/defense/actualites/projet-de-loi-de-finances-2026-audition-du-chef-d-etat-major-des-armees
([2]) Ministère des Armées. (s.d.). Opérations extérieures (OPEX) – missions opérationnelles (MISOPS).https://www.defense.gouv.fr/terre/missions-larmee-terre/operations-exterieures-opex-missions-operationnelles-misops
([3]) Élysée. (2025, 13 juillet). Discours aux armées depuis l'Hôtel de Brienne. https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2025/07/13/discours-aux-armees-depuis-lhotel-de-brienne
([4]) Assemblée nationale. (2025, 4 juin). ministre des Armées et des Anciens combattants. https://videos.assemblee-nationale.fr/video.17438725_68f795d695735.commission-de-la-defense--examen-de-la-premiere-partie-du-projet-de-loi-de-finances-pour-2026-suit-21-octobre-2025
([5]) Assemblée nationale. (s.d.). Projet de budget 2026 pour les Armées : audition de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement. https://videos.assemblee-nationale.fr/video.17452915_68f87f764bc66.commission-de-la-defense--m-emmanuel-chiva-delegue-general-pour-l-armement--m-christophe-maurie-22-octobre-2025
([6]) Élysée. (2025, 13 juillet). Discours aux armées depuis l'Hôtel de Brienne. https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2025/07/13/discours-aux-armees-depuis-lhotel-de-brienne
([7]) Cour des comptes. (2025, 13 mars). L'organisation budgétaire de la mission Défense. https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2025-05/20250507-S2025-0526-Organisation-budgetaire-mission-Defense.pdf
([8]) SIA : système d’information des Armées.
([9]) ACCS : Air Command and Control System – programme de l’OTAN.
([10]) ARES : Action et REsilience spatiale – programme permettant de renforcer les capacités nationales en matière de surveillance, de protection, de commandement et de contrôle dans le domaine spatial.
([11]) GRAVES : Grand Réseau Adapté à la Veille Spatiale.
([12]) EGIDE : programme de défense des satellites. Il vise à développer des capacités d’inspection, de surveillance et d’intervention en cas de menace.
([13]) ASTREOS : système de commandement et de contrôle des opérations pour le spatial. Il permet le traitement massif des données de surveillance spatiale.
([14]) Thomas Gassilloud et Damien Girard. (2025, 11 juin). Rapport d'information déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission de la défense nationale et des forces armées, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur le thème : "Masse et haute technologie : quels équilibres pour les équipements militaires français ?". Assemblée nationale. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion_def/l17b1564_rapport-information
([15]) Perrin, C., Roger, G., Bockel, J.-M., & Vall, R. (2017, 23 mai). Drones d'observation et drones armés : un enjeu de souveraineté (Rapport d’information n° 559, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées). Sénat. https://www.senat.fr/rap/r16-559/r16-559_mono.html
([16]) Cour des comptes. (2020). Rapport public annuel 2020 – Les drones militaires aériens : une rupture stratégique mal conduite. Paris : Cour des comptes. https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-02/20200225-05-TomeI-drones-militaires-aeriens.pdf
([17]) Universalis Edu. (2015, 22 octobre). DRONES. https://www.universalis-edu.com/encyclopedie/drones/3-les-systemes-de-drones-militaires/
([18]) Le Monde (2019, 19 décembre). La France déploie des drones armés au Sahel. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/12/19/l-armee-francaise-deploie-des-drones-armes-au-sahel_6023508_3212.html
([19]) Baudu, S., & Lassalle, J. (2021, 7 juillet). Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du règlement : en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la guerre des drones (nᵒ 4 320). Assemblée nationale. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b4320_rapport-information
([20]) Institut français des relations internationales (IFRI). (2024, 24 avril) Les drones, ennemis des systèmes de défense antiaériens | Ifri. https://www.ifri.org/fr/presse-contenus-repris-sur-le-site/les-drones-ennemis-des-systemes-de-defense-antiaeriens
([21]) The Guardian. (2020, 29 décembre). UK wants new drones in wake of Azerbaijan military success. https://www.theguardian.com/world/2020/dec/29/uk-defence-secretary-hails-azerbaijans-use-of-drones-in-conflict
([22]) Ibid.
([23]) Les Échos. (2024, 2 octobre). Israël : retour sur l'attaque balistique la plus massive de l'histoire militaire | Les Échos. https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/israel-retour-sur-lattaque-balistique-la-plus-massive-de-lhistoire-militaire-2122907
([24]) Le Monde. (2020, 3 janvier). Les États-Unis tuent le puissant général iranien Ghassem Soleimani dans une frappe en Irak. https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/03/le-general-iranien-ghassem-soleimani-aurait-ete-tue-dans-un-bombardement-a-bagdad_6024655_3210.html
([25]) Sourna Loumtouang, E. (2019). La guerre vue du ciel : l’usage des drones en terrain africain. https://shs.cairn.info/revue-a-contrario-2019-2-page-99?lang=fr
([26]) IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques). (2025, 26 septembre). Incursions russes et guerre hybride : l’Europe sous pression aérienne. IRIS. https://www.iris-france.org/incursions-russes-et-guerre-hybride-leurope-sous-pression-aerienne/
([27]) OpexNews. (2025, 11 mai). Dronisation de la guerre : un fait tactique majeur – OpexNews. https://opexnews.fr/dronisation-guerre-fait-majeur-ecole-etat-major/#:~:text=La%20dronisation%20de%20la%20guerre,%27%C3%89cole%20d%27%C3%A9tat%2Dmajor&text=L%27essor%20des%20drones%20sur,mani%C3%A8re%20de%20conduire%20la%20guerre
([28]) Baudu, S., & Lassalle, J. (2021, 7 juillet). Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du règlement : en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la guerre des drones (nᵒ 4 320). Assemblée nationale. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b4320_rapport-information
([29]) Euronews. (2025, 24 septembre). "Le droit international ne fonctionne pas sans amis puissants", déplore Zelensky devant l'ONU | Euronews. https://fr.euronews.com/2025/09/24/une-question-de-temps-avant-que-les-drones-ne-combattent-des-drones-alerte-zelensky-devant
([30]) Voir le tableau explicatif des différents types de drones et leurs usages page 77 pour plus de détails.
([31]) Conflits — Revue de Géopolitique. (2024, 7 août). Yémen : Comment l'innovation modifie l'équilibre des forces dans la région | Conflits : Revue de Géopolitique. https://www.revueconflits.com/yemen-comment-linnovation-modifie-lequilibre-des-forces-dans-la-region/
([32]) Ministère des Armées (France). (s.d.). Combat naval, prolifération des drones, quelles conséquences ? Ministère des Armées. https://www.defense.gouv.fr/marine/cols-bleus/cols-bleus-magazine/geopolitique/combat-naval-proliferation-drones-quelles-consequences#:~:text=Enfin%2C%20la%20prolif%C3%A9ration%20des%20drones,rendant%20plus%20ardu%20leur%20traitement
([33]) Libération. (2025, 8 août). Un soldat ukrainien bloqué sur le front s’échappe grâce à un vélo électrique livré par drone – Libération. https://www.liberation.fr/international/europe/un-soldat-ukrainien-bloque-sur-le-front-sechappe-grace-a-un-velo-electrique-livre-par-drone-20250804_OVLQFZDJYZHSPFM5T6WU7WV6FE/
([34]) Le Monde. (2025, 5 octobre). Guerre en Ukraine : le drone Geran, instrument russe d’une “stratégie d’imposition des coûts”. https://www.lemonde.fr/international/article/2025/10/05/guerre-en-ukraine-le-drone-geran-instrument-russe-d-une-strategie-d-imposition-des-couts_6644551_3210.html
([35]) Le Figaro. (2023, 2 mai). La France va acheter des drones kamikazes aux États-Unis. https://www.lefigaro.fr/actualite-france/la-france-va-acheter-des-drones-kamikazes-aux-etats-unis-20230502
([36]) Les Échos. (2025, 7 août). Geran-3, le jet drone fatal de l'armée russe. https://www.lesechos.fr/monde/europe/geran-3-le-jet-drone-fatal-de-larmee-russe-2180560
([37]) Benjamin Jensen, Yasir Atalan (2025, 13 mai). Saturation des drones : la campagne Shahed de la Russie. CSIS. https://www.csis.org/analysis/drone-saturation-russias-shahed-campaign
([38]) Center for Strategic & International Studies (CSIS). (2025, 19 février). Calculating the Cost-Effectiveness of Russia’s Drone Strikes. https://www.csis.org/analysis/calculating-cost-effectiveness-russias-drone-strikes
([39]) Office of the Under Secretary of Defense (Comptroller). (2023, 3 mars). FY 2024 Program Acquisition Cost by Weapon System. https://comptroller.war.gov/Portals/45/Documents/defbudget/FY2024/FY2024_Weapons.pdf
([40]) Observatoire des drones. (2024, mai-juin, p. 07). Bulletin de veille d’actualité n° 3 (Mai-Juin 2024). https://www.eurocrise.com/wp-content/uploads/2024/11/ObsDrones-Bulletin-de-veille-n3-Mai-Juin-2024.pdf
([41]) Zone Militaire. (2023, 23 avril). Un drone chinois a effectué un vol au profil inédit dans les environs de Taïwan. https://www.opex360.com/2023/04/28/un-drone-chinois-a-effectue-un-vol-au-profil-inedit-dans-les-environs-de-taiwan/#google_vignette
([42]) Center for Strategic & International Studies (CSIS). (2025, 19 février). Calculating the Cost-Effectiveness of Russia’s Drone Strikes
([43]) Le Grand Continent. (2025, 30 juin). La Russie a lancé près de 5 000 drones contre l’Ukraine en juin. https://legrandcontinent.eu/fr/2025/06/30/larmee-russe-a-lance-pres-de-5-000-drones-contre-lukraine-en-juin-soit-15-fois-plus-quau-cours-de-la-meme-periode-en-2024/
([44]) France Info. (2025, 7 septembre). Guerre en Ukraine : le siège du gouvernement endommagé dans une attaque sans précédent de drones russes sur Kiev. https://www.franceinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-des-bombardements-et-une-attaque-de-drones-russes-font-au-moins-deux-morts_7478284.html
([45]) L’Usine Nouvelle. (2025, 5 juillet). L'Inde veut se lancer dans la course aux drones civils et militaires et réduire sa dépendance à la Chine. https://www.usinenouvelle.com/article/l-inde-veut-se-lancer-dans-la-course-aux-drones-civils-et-militaires-et-reduire-sa-dependance-a-la-chine.N2234699
([46]) L’Usine Nouvelle. (2025, 5 juillet). L'Inde veut se lancer dans la course aux drones civils et militaires et réduire sa dépendance à la Chine. https://www.usinenouvelle.com/article/l-inde-veut-se-lancer-dans-la-course-aux-drones-civils-et-militaires-et-reduire-sa-dependance-a-la-chine.N2234699
([47]) Observatoire des drones. (2024, janvier/février). Bulletin de veille d’actualité n° 1.
([48]) Prime Minister of India. (n.d.). Make In India. https://www.pmindia.gov.in/en/major_initiatives/make-in-india/
([49]) Observatoire des drones. (2025, janvier/février, p. 13). Bulletin de veille d’actualité n° 7. https://www.defense.gouv.fr/sites/default/files/dgris/ObsDrones%20-%20Bulletin%20de%20veille%20n7%20-%20janvier-f%C3%A9vrier%202025.pdf
([50]) Les Échos. (2013, 3 octobre). Drones : les secrets de la success-story israélienne. https://www.lesechos.fr/2013/10/drones-les-secrets-de-la-success-story-israelienne-1099453
([51]) Marianne. (2020, 20 novembre). Israël-Azerbaïdjan, les liaisons dangereuses du drone. https://www.marianne.net/monde/geopolitique/israel-azerbaidjan-les-liaisons-dangereuses-du-drone
([52]) Center for Strategic & International Studies (CSIS). (2025, 13 juin). Ungentlemanly Robots : Israel’s Operation Rising Lion and the New Way of War. https://www.csis.org/analysis/ungentlemanly-robots-israels-operation-rising-lion-and-new-way-war
([53]) Les Échos. (2025, 22 août). La Turquie, le nouvel industriel de l'armement avec lequel il faut compter.https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/la-turquie-le-nouvel-industriel-de-larmement-avec-lequel-il-faut-compter-2182360
([54]) Le Monde. (2020, 7 octobre). Haut-Karabakh : l’Azerbaïdjan se félicite du renfort des drones de son allié turc. https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/07/haut-karabakh-l-azerbaidjan-se-felicite-du-renfort-des-drones-de-son-allie-turc_6055100_3210.html
([55]) Sciences Po Grenoble. (2021, 19 avril). Les drones, nouvelle arme de la diplomatie turque ? https://www.sciencespo-grenoble.fr/blogs/les-drones-nouvelle-arme-de-la-diplomatie-turque
([56]) Voir p. 17 nbp (1).
([57]) La Tribune. (2025, 6 mars). Leonardo et Baykar en passe de créer un géant italien des drones. https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/leonardo-et-baykar-en-passe-de-creer-un-geant-italien-des-drones-1019922.html
([58]) Zone Militaire. (2024, 30 décembre). L’italien Piaggio Aerospace va passer sous le contrôle du groupe turc Baykar. https://www.opex360.com/2024/12/30/litalien-piaggio-aerospace-va-passer-sous-le-controle-du-groupe-turc-baykar/
([59]) Observatoire des drones. (2025, janvier/février, p. 03). Bulletin de veille d’actualité n° 7.
([60]) The Defense Post. (2025, 18 juillet). Kuwait Launches Turkey-Made Bayraktar Combat Drones. https://thedefensepost.com/2025/07/18/kuwait-turkey-bayraktar-drones-2/
([61]) Courrier International. (2021, 15 octobre). Armement - Les ventes de drones militaires, un vecteur de l’influence turque en Afrique. https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/armement-les-ventes-de-drones-militaires-un-vecteur-de-linfluence-turque-en-afrique
([62]) RFI. (2022, 24 mai). La Turquie livre six drones Bayraktar TB2 au Niger. https://www.rfi.fr/fr/afrique/20220524-la-turquie-livre-six-drones-bayraktar-tb2-au-niger
([63]) Observatoire des drones. (2025, janvier/février, p. 05). Bulletin de veille d’actualité n° 7.
([64]) France 24. (2020, 13 juin). Attaques contre l'Arabie saoudite en 2019 : l'ONU pointe l'utilisation de drones et de missiles "d'origine iranienne". https://www.france24.com/fr/20200613-arabie-saoudite-attaques-2019-onu-drone-missilles-origine-iranienne
([65]) Le Grand Contient. (2025, 30 juin). L’Iran face à ses limites : 10 points sur les causes structurelles d’une cassure tactique. https://legrandcontinent.eu/fr/2025/06/30/iran-israel-militaire-industriel/
([66]) Vie Publique. (2013, 31 mai). Tribune de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, dans "Les Échos" du 31 mai 2013, sur la stratégie en matière d'acquisition de drones, intitulée "Pourquoi l'armée française a un besoin urgent de drones". Prononcé le 31 mahttps://www.vie-publique.fr/discours/188045-tribune-de-m-jean-yves-le-drian-ministre-de-la-defense-dans-les-echoi 2013 - Tribune de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, dans "Les Echo | vie-publique.fr
([67]) Le Point. (2024, 2 octobre). Sébastien Lecornu au « Point » : « La sécurité d’Israël n’est pas négociable ». https://www.lepoint.fr/politique/exclusif-sebastien-lecornu-au-point-la-securite-d-israel-n-est-pas-negociable-02-10-2024-2571747_20.php
([68]) Cour des comptes. (2020). Le rapport public annuel 2020. https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2020
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([73]) Cour des comptes. (2020). Le rapport public annuel 2020. https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2020
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([76]) Zone Militaire. (2025, 19 avril). Attendu par l’armée de Terre depuis 2016, le drone Patroller a encore des « difficultés techniques de mise au point ». https://www.opex360.com/2025/04/19/attendu-par-larmee-de-terre-depuis-2016-le-drone-patroller-a-encore-des-difficultes-techniques-de-mise-au-point/
([77]) Le Point. (2024, 2 octobre). Sébastien Lecornu au « Point » : « La sécurité d’Israël n’est pas négociable ».
([78]) Universalis Edu. (2015, 22 octobre). DRONES. https://www.universalis-edu.com/encyclopedie/drones/3-les-systemes-de-drones-militaires/
([79]) Ministère de la Culture (France). (s.d.). Drone armé. https://www.culture.fr/franceterme/terme/DEFE901
([80]) Projet annuel de performances 2026. FR_2026_PLF_DA_PGM_146 (4).pdf
([81]) The Guardian. (2025, 2 juin). UK to invest £2bn in drones to make army ‘10 times more lethal’. https://www.theguardian.com/politics/2025/jun/02/uk-to-invest-2bn-in-drones-to-make-army-10-times-more-lethal
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([88]) Parlement européen. (2025, 9 octobre). Une réponse unie aux récentes violations par la Russie de l’espace aérien et d’infrastructures critiques d’États membres de l’UE. (Résolution P10_TA(2025)0230). https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-10-2025-0230_FR.pdf
([89]) Commission européenne Press Release. (2025, 30 septembre). Déclaration de la présidente avec le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte.https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/statement_25_2254
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([91]) Vie Publique. (2025, 28 mai). Security for action for Europe : un programme européen pour les achats d'armements en commun. https://www.vie-publique.fr/en-bref/298766-programme-europeen-safe-150-milliards-deuros-de-prets
([92]) Commission européenne Press Release. (2025, 30 septembre). Déclaration de la présidente avec le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte.https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/statement_25_2254
([93]) OTAN. (2025, 18 juillet). Des drones autonomes s’affrontent dans le cadre d’une compétition soutenue par l’OTAN. https://www.nato.int/cps/en/natohq/news_237011.htm
([94]) OTAN. (s.d.). Cours sur l’exploitation des drones - Portail du QGNE. https://www.nshq.nato.int/Training/EventDetails/0cef2e9f-5056-8396-de13-66870d32ca69
([95]) OTAN. (2025, 25 septembre). L'OTAN présente ses nouvelles technologies lors du salon REPMUS/Dynamic Messenger 2025. https://www.nato.int/cps/en/natohq/photos_237805.htm
([96]) MBDA. (2025, 16 juin). MBDA dévoile ONE WAY EFFECTOR, une nouvelle solution pour saturer les défenses adverses. https://www.mbda-systems.com/fr/mbda-devoile-one-way-effector-une-nouvelle-solution-pour-saturer-les-defenses-adverses
([97]) Michel Cabirol. (2025, 11 septembre). Le drone Aarok (Turgis & Gaillard) a effectué son premier vol. https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/le-drone-aarok-turgis-gaillard-a-effectue-son-premier-vol-1032236.html
([98]) DGA. (2025, 18 juin). Bourget 2025 : La DGA accélère dans le domaine des drones. Ministère des Armées. https://www.defense.gouv.fr/dga/actualites/bourget-2025-dga-accelere-domaine-drones
([99]) Ministère des Armées. (2024, 9 décembre). [Le pacte « drones aériens de défense » : une première en matière d’achat d’armement. https://www.defense.gouv.fr/actualites/pacte-drones-aeriens-defense-premiere-matiere-dachat-darmement#:~:text=Le%20premier%20concerne%20l%27acquisition,concepts%20de%20vecteurs%20longue%20port%C3%A9e
([100]) DGA. (2025, 5 décembre). Le « pacte drones aériens de défense » désormais pleinement opérationnel. Ministère des Armées. https://www.defense.gouv.fr/dga/actualites/pacte-drones-aeriens-defense-desormais-pleinement-operationnel#:~:text=Des%20rencontres%20seront%20par%20ailleurs,la%20DGA%20et%20du%20GICAT
([101]) GIFAS. (2025, 4 juillet). La DGA commande 1 000 drones du combattant au français Harmattan AI. https://www.gifas.fr/press-summary/la-dga-commande-1-000-drones-du-combattant-au-francais-harmattan-ai
([102]) DGA. (2025, 3 juillet). La DGA commande 1 000 drones du combattant. Ministère des Armées.https://www.defense.gouv.fr/dga/actualites/dga-commande-1-000-drones-du-combattant#:~:text=La%20notification%20de%20ce%20march%C3%A9,la%20pr%C3%A9paration%20op%C3%A9rationnelle%20des%20combattants
([103]) François Cormier-Bouligeon. (024, 30 octobre). Tome VII - Défense : Équipement des forces - Dissuasion - 17e législature. Assemblée nationale. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion_def/l17b0527-tvii_rapport-avis#:~:text=Quant%20au%20programme%20146%2C%20il,euros%20(%2B12%2C6%20%25)
([104]) Thalès Group. (2025, 17 juin). Thales et Turgis Gaillard développent une solution de surveillance aéronautique 100 % française basée sur le drone MALE AAROK et le radar AirMaster S. https://www.thalesgroup.com/fr/actualites-du-groupe/communiques-de-presse/thales-et-turgis-gaillard-developpent-une-solution-de.
([105]) OpexNews (2025, 3 octobre). Harmattan AI équipe le drone Raybird pour les besoins de l’OTAN. https://opexnews.fr/harmattan-ai-skyeton-drone-raybird-otan/.
([106]) KNDS Group. (s.d.). MV-25 OSKAR, la munition rodeuse agile et précise. https://knds.com/fr/produits/munitions/mv-25-oskar.
([107]) Pierrick Merlet. (2025, 17 juin). Défense : Damoclès, ce nouveau drone kamikaze de KNDS et Delair dévoilé au Bourget. La Tribune. https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/defense-damocles-ce-nouveau-drone-kamikaze-de-knds-et-delair-devoile-au-bourget-1027572.html.
([108]) KNDS Group (s.d.). MATARIS : la première gamme française de munitions téléopérées. https://knds.com/fr/communiques-de-presse/mataris-la-premiere-gamme-francaise-de-munitions-teleoperees.
([109]) Bastien ALVAREZ, Quentin BON, Gaëtan MOUILLESEAUX, Baptiste SIOSSIAN. (2025, mars). " Quelle était la situation financière des entreprises de la BITD avant la guerre en Ukraine ? ". Trésor-Eco. https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/ea3a6a07-04a8-4ec4-af34-1d066bd794af/files/8293e924-b180-4aa4-9575-06331ed76b0f
([110]) Jean-Louis Thiériot, Françoise Ballet-Blu. (2021, 17 février). Mission flash sur le financement de la BITD. Assemblée nationale. https://www2.assemblee-nationale.fr/static/15/commissions/Defense/Rapport-BITD-170221.pdf
([111]) Emeric Salmon. (2025, 25 juin). Rapport d'information déposé en application de l'article 146 du règlement, par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur le soutien public à l’industrie de défense. Assemblée nationale. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion_fin/l17b1645_rapport-information
([112]) Ministère des Armées. (2025, 28 février). Économie de guerre : reconquérir le segment drones. https://www.defense.gouv.fr/actualites/economie-guerre-reconquerir-segment-drones#:~:text=L%27objectif%2C%20selon%20S%C3%A9bastien%20Lecornu,un%20certain%20nombre%20de%20march%C3%A9s%20%C2%BB
([113]) Ouest-France. (2024, 16 octobre). Que sont les drones kamikazes français bientôt à l’œuvre en Ukraine ?. https://www.ouest-france.fr/europe/ukraine/que-sont-les-drones-kamikazes-francais-bientot-a-luvre-en-ukraine-4a322538-8bc2-11ef-9133-31ed8d3d7b40
([114]) Représentation en France. (2025, 26 février). La Commission simplifie les règles en matière de finance durable, permettant aux entreprises d’économiser plus de 6 milliards d'euros. Commission européenne. https://france.representation.ec.europa.eu/informations/la-commission-simplifie-les-regles-en-matiere-de-finance-durable-permettant-aux-entreprises-2025-02-26_fr
([115]) Legifrance. (2009, 20 août). Directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000020983793
([116]) Institut Montaigne. (2023, juin). Innovation de défense, des instruments à renforcer. innovation-de-defense-des-instruments-renforcer-rapport.pdf
([117]) DGA. (s.d.). Certificats. Ministère des Armées. https://www.defense.gouv.fr/dga/navigabilite-aeronefs/certificats
([118]) DGA. (2025, 15 avril). Liste des certificats de type Drones. Ministère des Armées. https://www.defense.gouv.fr/sites/default/files/dga/20250415_NP_DGA-IP-ASA_liste_CT_drones.pdf
([119]) Legifrance (2023, 24 mars). Arrêté du 24 mars 2023 fixant les conditions d'utilisation des aéronefs militaires et des aéronefs appartenant à l'État et utilisés par les services de douanes, de sécurité publique et de sécurité civile qui circulent sans équipage à bord. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047371089#:~:text=a%C3%A9ronefs%20appartenant%20...-,Arr%C3%AAt%C3%A9%20du%2024%20mars%202023%20fixant%20les%20conditions%20d%27utilisation,circulent%20sans%20%C3%A9quipage%20%C3%A0%20bord
([120]) Legifrance. (2016, 20 juillet). Arrêté du 20 juillet 2016 fixant les règles et services de la circulation aérienne militaire. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000033017579/2022-07-23
([121]) Patrick Hetzel, Delphine Bataille. (2016, 19 mai). Les enjeux stratégiques des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques. Sénat. https://www.senat.fr/notice-rapport/2015/r15-617-1-notice.html
([122]) Jérôme Buisson. (2024, 30 octobre). Rapport d'information déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires étrangères sur les terres rares et les ressources naturelles stratégiques (M. Jérôme Buisson), n° 725 - 17e législature. Assemblée nationale. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion_afetr/l17b0725_rapport-information
([123]) Emmanuel Hache. (2024, 11 juillet). Gisement de terres rares découvert en Norvège : une bonne nouvelle pour la souveraineté minérale européenne ? IRIS. https://www.iris-france.org/187007-gisement-de-terres-rares-decouvert-en-norvege-une-bonne-nouvelle-pour-la-souverainete-minerale-europeenne/
([124]) Ibidem.
([125]) Jean-Marie Fiévet, Isabelle Santiago (2021, 5 mai). Rapport d'information déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission de la défense nationale et des forces armées, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des Armées. Assemblée nationale. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b4145_rapport-information
([126]) Consilium. (s.d.). Législation sur les matières premières critiques. Conseil européen. https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/critical-raw-materials/
([127]) Bobba, S., Carrara, S., Huisman, J. Mathieux, F., Pavel, C. (2020). Critical Raw Materials for Strategic Technologies and Sectors in the EU : A Foresight Study. Commission européenne. https://rmis.jrc.ec.europa.eu/uploads/CRMs_for_Strategic_Technologies_and_Sectors_in_the_EU_2020.pdf
([128]) Ibidem.
([129]) Louis Sellier. (2022, 28 juin). Transition énergétique et métaux rares : l’Europe, hyper dépendante. Fondation IFRAP. https://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/transition-energetique-et-metaux-rares-leurope-hyper-dependante
([130]) Fabien Frerot. (2024, 16 octobre). Qu’est-ce qu’un drone ? CRNS. https://indico.in2p3.fr/event/33908/contributions/147890/attachments/89687/135825/StarDice_Drone%20V3.pdf
([131]) Direction générale des entreprises. (2024, octobre). Thémas de la DGE N° 23 - Déploiement de l’électromobilité : comment développer l’offre européenne de batteries ?. https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/Publications/2024/themas/2024-themas-N23-batterie.pdf
([132]) The Wall Street Journal. (2025, 3 août). La Chine réduit l'approvisionnement en minéraux essentiels des entreprises occidentales du secteur de la défense. https://www.wsj.com/world/asia/china-western-defense-industry-critical-minerals-3971ec51
([133]) BFMTV. (9 août 2025). 80 000 composants touchés par des restrictions : la terrible dépendance de l'industrie de défense américaine vis-à-vis de la Chine. https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/defense/80-000-composants-touches-par-des-restrictions-la-terrible-dependance-de-l-industrie-de-defense-americaine-vis-a-vis-de-la-chine_AN-202508090208.html
([134]) Ibid.
([135]) Virginie Beaulieu. (2025, 1er octobre). « Un endroit avec une faible densité de population » : pourquoi Tekever implante son usine de drones en France. France Info ; https://france3-regions.franceinfo.fr/occitanie/lot/cahors/un-endroit-avec-une-faible-densite-de-population-pourquoi-tekever-implante-son-usine-de-drones-en-france-3225452.html
([136]) Bastien ALVAREZ, Quentin BON, Gaëtan MOUILLESEAUX, Baptiste SIOSSIAN. (2025, mars). " Quelle était la situation financière des entreprises de la BITD avant la guerre en Ukraine ? ". Trésor-Eco. https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/ea3a6a07-04a8-4ec4-af34-1d066bd794af/files/8293e924-b180-4aa4-9575-06331ed76b0f
([137]) Ministère des Armées. (s.d.). Les fonds d’investissements défense. https://www.defense.gouv.fr/sites/default/files/ministere-armees/Renforcez-et-soutenez-votre-d%C3%A9veloppement-avec-le-Fonds-Definvest-et-le-Fonds-innovation-d%C3%A9fense.pdf
([138]) BpiFrance. (2025, 14 octobre). Bpifrance lance le fonds « Bpifrance Défense », permettant aux particuliers d'investir dans des entreprises principalement non cotées du secteur de la défense et de la souveraineté technologique. https://presse.bpifrance.fr/bpifrance-lance-le-fonds-bpifrance-defense-permettant-aux-particuliers-dinvestir-dans-des-entreprises-principalement-non-cotees-du-secteur-de-la-defense-et-de-la-souverainete-technologique
([139]) BpiFrance (s.d.). Fonds spécialisés - Fonds Innovation Défense. https://www.bpifrance.fr/catalogue-offres/fonds-specialises-fonds-innovation-defense
([140]) Ministère des Armées. (2025, juillet). LIE n° 20 - Panorama des ingérences à l'encontre de la sphère de Défense en 2024. https://www.defense.gouv.fr/sites/default/files/drsd/LIE%20n%C2%B020%20-%20Panorama%20des%20ing%C3%A9rences%20%C3%A0%20l%27encontre%20de%20la%20sph%C3%A8re%20de%20D%C3%A9fense%20en%202024.pdf
([141]) Ibid.
([142]) IRSEM. (2018, 7 mars, p. 03). Un espace européen des drones. https://www.irsem.fr/storage/file_manager_files/2025/03/nr-irsem-n52-2018.pdf
([143]) Laurent Lagneau. (2012, 31 juillet). Le patron d'EADS enterre le drone Talarion. Zone Militaire. https://www.opex360.com/2012/07/31/le-patron-deads-enterre-le-drone-talarion/
([144]) Cour des comptes. (2020, février). Les drones militaires aériens : une rupture stratégique mal conduite (Rapport public annuel 2020, Tome I, p. 174). La Documentation française. https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-02/20200225-05-TomeI-drones-militaires-aeriens.pdf
([145]) Sénat. (2024, octobre). Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées : compte rendu de la semaine du 14 octobre 2024. https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20241014/etran.html
([146]) Représentation en Belgique. (2025, 16 octobre). « Notre politique est la production, notre but est la paix » : la commission propose une nouvelle feuille de route pour renforcer la défense européenne. Commission européenne. https://belgium.representation.ec.europa.eu/actualites/notre-politique-est-la-production-notre-est-la-paix-la-commission-propose-une-nouvelle-feuille-de-2025-10-16_fr
([147]) Représentation en France. (2025, 19 mars). La Commission présente le livre blanc sur la défense européenne et le plan « ReArm Europe ». Commission européenne. https://france.representation.ec.europa.eu/informations/la-commission-presente-le-livre-blanc-sur-la-defense-europeenne-et-le-plan-rearm-europe-2025-03-19_fr
([148]) Conseil de l’Union européenne. (2023, 7 juillet). Action de soutien à la production de munitions (ASAP) : accord du Conseil et du Parlement européen pour stimuler la production de munitions et de missiles dans l'UE.https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2023/07/07/asap-council-and-european-parliament-strike-a-deal-on-boosting-the-production-of-ammunition-and-missiles-in-the-eu/