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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 octobre 2025
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2026 (n° 1906),
TOME VIII
SÉCURITÉS
GENDARMERIE NATIONALE
PAR Mme Valérie BAZIN-MALGRAS
Députée
Voir le numéro : 1906
SOMMAIRE
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Pages
2. La poursuite des efforts sur la présence voie publique
1. L’effort soutenu de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte
b. À Mayotte, un effort structurellement important et intensifié suite au cyclone Chido
2. Une suractivité toujours préoccupante de la Gendarmerie mobile
c. Le développement des « compagnies de marche » pour soutenir l’activité opérationnelle
C. La montée en puissance de la gendarmerie se poursuit à travers plusieurs chantiers prioritaires
3. Le développement des capacités drones et de lutte anti-drones
1. La reprise de la hausse des effectifs, soutenue par un renforcement des capacités de formation
1. Les crédits de fonctionnement sont en faible recul
2. Les dépenses d’investissement sont en hausse, afin de soutenir l’effort en matière d’immobilier
a. L’immobilier constitue la priorité d’investissement pour le PLF 2026
b. Le parc de véhicules légers face à un déficit préoccupant de renouvellement
d. L’incontournable remplacement des FAMAS de la gendarmerie
Seconde partie : Après Chido, la Gendarmerie à Mayotte
I. La Gendarmerie nationale à Mayotte, servir l’Etat face aux défis structurels de l’archipel
A. Un archipel soumis à de nombreux défis structurels, aggravés par le passage de l’ouragan Chido
1. Une situation socio-économique mahoraise précaire
c. Le commandement de Gendarmerie de Mayotte met également en œuvre des capacités spécialisées
2. Maintien de l’ordre et lutte contre les violences de types urbaines
3. Assurer la sécurité des activités quotidiennes dans un environnement sécuritaire dégradé
a. Sécurisation des sorties touristiques et scolaires
4. Sécurisation des opérations de démolition d’habitats illégaux
5. Participation à la lutte contre l’immigration clandestine (LIC)
A. La gestion des catastrophes naturelles, une mission de référence de la Gendarmerie nationale
B. La préservation de la vie humaine, une priorité pour les militaires de l’ordre public
C. Les moyens et dispositifs déployés : l’impact sur la Gendarmerie nationale
1. Un renforcement massif des ressources humaines et capacitaires de la Gendarmerie
2. Un engagement couteux pour les crédits de la Gendarmerie
A. Restaurer des capacités dégradées par la crise
1. Une dégradation des capacités et des insuffisances structurelles révélées par la crise
a. Un parc de logement et d’infrastructures de gendarmerie fortement dégradé
b. Des insuffisances en matériel spécialisé et de soutien prépositionnés
B. Conforter la Gendarmerie dans son action pour la refondation de l’île
a. Mieux adapter les véhicules et moyens aériens aux contraintes du terrain Gendarmerie
b. Mettre en place une capacité spécialisée de renseignement en source ouverte
c. Mettre en place les infrastructures adaptées pour les équipes cynophiles
I. Audition du général d’armée Hubert Bonneau, directeur général de la gendarmerie nationale
Annexe : liste des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis et déplacement
Les crédits du programme 152 atteignent 7,05 milliards d'euros en crédits de paiement, hors CAS pensions, soit une hausse de 158,40 M€ par rapport à la LFI 2025. En intégrant les contributions au CAS pensions, la dotation totale du programme s'établit à 11,09 Md€.
Les crédits de personnel de la gendarmerie nationale atteignent 5,11 Md€, soit une hausse de 125 M€ par rapport à 2025.
Le schéma d'emploi prévoit 400 ETP supplémentaires, permettant de relancer la hausse des effectifs. En conséquence, le PLF 2026 permet le déploiement de 58 nouvelles brigades prévu pour 2026, après une « année blanche » en 2025, dynamique que votre rapporteure salue. L'effort devra être maintenu en 2027 : pour atteindre l'objectif global de 239 créations de brigades fixé par la LOPMI, ce sont encore 101 nouvelles brigades qui devront être déployées à l'avenir.
La montée en puissance de la réserve opérationnelle se poursuit, atteignant près de 39 000 personnels fin 2025, pour un budget porté à 100 M€. Votre rapporteure rappelle ses recommandations déjà exprimées dans son avis de l'année dernière : les réserves ne sauraient constituer une « variable d'ajustement » du budget de la gendarmerie et doivent donc voir leurs moyens budgétaires sanctuarisés à l’avenir pour atteindre l’objectif de 50 000 réservistes en 2027.
Les crédits hors-titre 2 atteignent 1,94 Md€, soit une hausse, limitée, de 33 millions d'euros. Bien qu'en progression, cette enveloppe reste contrainte et exige de la gendarmerie des arbitrages difficiles.
La gendarmerie porte un effort bienvenu sur l'immobilier à hauteur de 352,8 M€ en AE et 279 M€ en CP pour 2026, lançant enfin une dynamique de réhabilitation de son patrimoine domanial très vieillissant. Si cette évolution constitue une amélioration indéniable, elle ne permet pas de résorber l'intégralité de la dette grise accumulée au fil des années, évaluée par la gendarmerie à près de 2,2 milliards d'euros ; l’effort devra être maintenu sur la durée pour soutenir la politique de casernement, qui est au cœur du modèle de la force de gendarmerie.
Concernant le parc automobile, votre rapporteure ne peut qu’être alarmée. Sur la base d'un renouvellement optimal, il conviendrait de remplacer environ un huitième du parc chaque année. Pour un parc total de 33 600 véhicules légers, le besoin annuel de renouvellement est de 3 750 unités, ce qu’aucun des 4 derniers exercices budgétaires n’a atteint. L’année 2026 s’annonce difficile, avec un renouvellement qui pourrait atteindre 500 à 600 unités. Ce sous‑investissement chronique suscite le vieillissement du parc, qui atteint déjà 8 ans d’âge moyen.
Le vieillissement de la flotte d'hélicoptères suscite lui aussi un risque de rupture capacitaire. Cette alerte concerne particulièrement la flotte de 26 Écureuils, mise en service dans les années soixante-dix et représentant près de la moitié du parc en service. La Gendarmerie prévoit un retrait définitif du service de ces appareils à partir de 2028. Un renouvellement partiel est engagé avec l'acquisition de six H145 D3 devant être livrés entre 2025 et 2028, mais cette opération est insuffisante au regard des besoins. Le marché des H145 prévoit pourtant une tranche complémentaire de 22 appareils, qu’il est impératif de signer au plus vite.
Cette année, votre rapporteure a choisi de consacrer son avis thématique à la gendarmerie à Mayotte, notamment pour rendre compte de l'engagement de l'institution pendant le cyclone Chido.
Plus que jamais, la Gendarmerie, en collaboration étroite avec les autres forces armées, a constitué l'ossature de la réponse de l'État face à la crise. Dans l'immédiat après-Chido et dans les jours et semaines qui ont suivi, la mission de la Gendarmerie, renforcée depuis La Réunion et l’Hexagone, s'est centrée sur quatre actions majeures : le rétablissement des axes et relais de communication, le désenclavement des communes, le secours aux personnes et le maintien de l’ordre public. Les gendarmes ont souvent été les premiers à rompre l'isolement des populations. Les autorités auditionnées par votre rapporteure saluent unanimement le rôle majeur joué par l'institution dans la restauration de la confiance institutionnelle. Surtout, cette crise a démontré la force des deux atouts majeurs de la gendarmerie : sa militarité et son casernement. La proximité des personnels et la disponibilité immédiate des infrastructures opérationnelles ont permis une mobilisation rapide et continue des effectifs malgré les conditions extrêmes.
Le sentiment de votre rapporteure est que nous devons à la gendarmerie de Mayotte et aux Mahorais, de tenir les objectifs de la loi de refondation que nous avons votée cet été.
À l’instar d'autres services de l'État, la Gendarmerie nationale à Mayotte ne dispose pas aujourd'hui de l'assise nécessaire pour assurer pleinement ses missions. Le plan gouvernemental « Mayotte Debout » programme l'arrivée de 55 ETP supplémentaires, la domanialisation de logements gendarmerie et le renforcement de la brigade nautique.
Votre rapporteure déplore qu’à ce jour, aucune de ces mesures n'a été suivie d'une traduction budgétaire concrète. Cette situation place la Gendarmerie nationale dans une position délicate vis-à-vis de la population et des élus locaux qui attendent légitimement la mise en œuvre effective de ces annonces. Sans abondement spécifique, l’institution se verrait forcée de renoncer à ces engagements, ou à les financer à moyens constants, ce qui aurait un effet d’éviction sur sa programmation d’autres investissements nationaux.
Il est de notre responsabilité collective de doter ces engagements des moyens financiers qui leur correspondent.
Première partie : Les crédits relatifs à la Gendarmerie nationale dans le Projet de loi de finances pour 2026
La première partie de cet avis porte sur les crédits prévus pour la gendarmerie dans le PLF 2026 et s'articule autour de deux sous-parties complémentaires.
La première sous-partie revient sur les enjeux structurants qui marquent l'évolution de la Gendarmerie nationale dans le sillage de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur de 2023 (LOPMI).
La seconde sous-partie propose une présentation détaillée de l'évolution des crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale ».
I. la reprise du développement du maillage territorial de la Gendarmerie Dans un contexte de forte intensité de l’activité opérationnelle
A. Le budget 2026 renoue avec le développement des nouvelles brigades prévu par la LOPMI, après l’interruption de 2025
1. La hausse du schéma d’emploi permet de relancer le déploiement de nouvelles brigades en 2026, mais n’élimine pas les préoccupations quant au respect de la trajectoire de la LOPMI
Votre rapporteure déplore vivement l’« année blanche » intervenue en 2025 sur le schéma d’emplois, qui a interrompu l'élan de déploiement des brigades et retardé d'une année entière la réalisation des objectifs de la LOPMI, privant ainsi les territoires d'un renforcement attendu de leur sécurité. Le nombre de brigades déployées à la fin de cette année est donc stable : 80 soit 52 brigades mobiles et 28 brigades fixes, sur les 239 nouvelles brigades prévues d’ici 2027.
Le PLF 2026 permet de relancer le déploiement de nouvelles brigades, avec une hausse de +400 ETP, qui soutiendront le déploiement de +58 brigades en 2026. Cette hausse menée dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, doit être saluée. Les élus locaux ont été notifiés de l’ouverture de ces brigades, qui doit débuter dès décembre 2025.
Votre rapporteure exprime toutefois sa préoccupation quant à la bonne réalisation des objectifs de création de brigades prévus par la LOPMI, soit 239 brigades d’ici 2027. Pour rappel, ces 239 brigades se décomposent en 94 brigades fixes et 145 brigades mobiles.
Avec seulement 138 brigades créées entre 2024 et 2026, l’effort reporté pour 2027 serait considérable : il doit mécaniquement atteindre 101 brigades, faute de quoi les objectifs visés par la LOPMI ne seront pas atteints. Cela représenterait un déploiement en hausse de +120 % par rapport au rythme moyen des années 2024, 2025 et 2026. Les créations réalisées à ce stade concernant principalement des brigades mobiles (52 sur les 80 déployées), l’effort logistique reporté sur 2027 sera par ailleurs d’autant plus conséquent, car les brigades fixes ont une empreinte d’infrastructures et d’équipements plus forte.
Dans le cas contraire, le risque est de porter atteinte à la trajectoire votée par le Parlement dans la LOPMI. Celle-ci répond pourtant à une préoccupation citoyenne majeure, alors que la sécurité et la lutte contre la délinquance continuent de figurer parmi les enjeux politiques prioritaires pour les Français. 51 % des Français estiment en effet que la sécurité constitue l’enjeu qui compte le plus pour eux dans la perspective des élections municipales 2026 ([1]). Elle constitue en outre un rattrapage nécessaire, après des années de réduction de la présence de la gendarmerie : l’effectif de gendarmerie représentait 3,2 gendarmes pour 1 000 habitants en zone gendarmerie en 2007, ce ratio est de 2,8 gendarmes pour 1 000 habitants en 2025, selon le Directeur général de la gendarmerie nationale ([2]).
2. La poursuite des efforts sur la présence voie publique
La LOPMI vise à renforcer la présence sur le terrain de la gendarmerie et améliorer son efficacité opérationnelle face à la délinquance. Elle établit l’objectif de doublement de la présence des forces de l'ordre sur la voie publique d’ici 2030.
Cet objectif a été pris en compte par le Ministère, avec notamment la création dès 2024 d’une prime mensuelle dite "de voie publique" d'un montant de 50 euros, portée à 100 euros en juillet 2025. Elle vise à reconnaître l'engagement quotidien des gendarmes dans les missions de sécurité publique, en alignement avec la mesure équivalente accordée aux ressortissants de la Police nationale. Elle bénéficie aux personnels servant dans les unités de terrain directement au contact de la population, notamment les brigades territoriales, les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) et les brigades mobiles.
Une stratégie interne à la gendarmerie dédiée à la présence voie publique a été déployée au cours du premier semestre 2025, qui repose sur trois axes :
– l’optimisation de l’emploi des unités ; avec notamment une optimisation de l’emploi de certaines unités d’appui – notamment des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie, et des unités de contrôle des flux – au service de la présence sur la voie publique. La gendarmerie vise également à généraliser les mesures d’organisation permettant de réduire la charge administrative interne des unités au profit des services externes.
– la concentration des efforts ; avec notamment un effort porté sur le contact avec la population, la visibilité des services de gendarmerie, ainsi que l’emploi de la réserve opérationnelle sur les services externes. La présence de voie publique représente la quasi-totalité des missions des réservistes opérationnels.
– l’amélioration du commandement ; avec la prise en compte de l’effort de présence et de services sur le terrain dans les diagnostics territoriaux de délinquance et les stratégies opérationnelles locales.
La Gendarmerie nationale suit la poursuite de cet objectif à travers l’établissement des cahiers de service et du système d’information « Pulsar », liant les heures réalisées avec les missions concernées. D’août 2024 à juillet 2025, avec près de 54,6 M d’heures de présence voie publique (43,8 % de toutes les missions) la gendarmerie poursuit sa trajectoire d’accroissement, avec une hausse de 2,6 % par rapport à la période précédente.
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Août 2023 – Juillet 2024 |
Août 2024 – Juillet 2025 |
Évolution |
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Heures de PVP |
53 257 701 h 45 |
54 625 993 heures |
+2,6 % |
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Heures toutes missions confondues |
126 674 259 h 15 |
124 668 772 h 30 |
−1,6 % |
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Part PVP / heures totales |
42,04 % |
43,82 % |
+1,78 pts |
Évolution de la part d’heures de présence voie publique (PVP)
B. La Gendarmerie continue de faire face à une forte sollicitation opérationnelle qui pèse sur sa trajectoire de montée en puissance
Si l’année 2024 avait témoigné d’un niveau d’engagement exceptionnel en raison notamment des missions de sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris (JOP), l’« accalmie » opérationnelle attendue pour 2025 n’a pas eu lieu. La gendarmerie continue d’être engagée sur tous les fronts, en particulier dans les crises Outre-mer.
1. L’effort soutenu de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte
a. La crise en Nouvelle-Calédonie a exigé un renforcement massif du dispositif de la gendarmerie, qui se maintient en 2025
Au plus fort de la crise, 35 escadrons de gendarmerie mobile (EGM) étaient présents en Nouvelle-Calédonie, contre quatre à cinq escadrons habituellement. Ces escadrons sont déployés dans le cadre de rotation de trois à quatre mois. Plus de 2 870 gendarmes étaient présents sur ce territoire en septembre 2024, dont plus de 2 000 gendarmes mobiles, alors que l’effectif-socle est de 735 militaires.
Aujourd’hui, 20 escadrons demeurent sur place afin de maintenir un dispositif robuste et prévenir de nouveaux troubles.
Les autorités de gendarmerie estiment qu'il sera difficile de réduire significativement le dispositif en 2026. L’avenir institutionnel de l’île reste à trancher et le risque de nouveaux heurts comme la nécessité de mesures de sécurisation dans le cadre des élections ou d’un référendum portant sur la mise en œuvre des accords de Bougival nécessiteront un engagement soutenu de la gendarmerie.
Le coût de ce déploiement s'élève à environ 120 M€ par an (hors T2). Cette charge financière constitue un véritable défi budgétaire, dans la mesure où elle n'est pas intégrée expressément dans le socle du projet de loi de finances (PLF) dédié à la Gendarmerie nationale.
Le coût humain pour la gendarmerie de la crise en Nouvelle-Calédonie est lourd : au total, 684 gendarmes ont été blessés depuis le début de la crise en 2024 (dont 101 en 2025). Deux gendarmes ont été tués en mai 2024 : le gendarme Nicolas Molinari et l’adjudant-chef Xavier Salou.
b. À Mayotte, un effort structurellement important et intensifié suite au cyclone Chido
Votre rapporteure aura l’occasion de revenir en détail sur l’engagement majeur consenti par la gendarmerie à Mayotte dans la partie thématique de cet avis budgétaire.
L’engagement de la gendarmerie à Mayotte, déjà structurellement soutenu en raison de la situation sécuritaire de l’île et de la faiblesse du dispositif de brigades fixes, a très fortement augmenté pour faire face aux conséquences du cyclone Chido. 822 gendarmes ont été projetés en renfort, dont 579 gendarmes mobiles et 201 gendarmes territoriaux organisés en compagnies de marche.
Jusqu'à la mi-2025, 5,75 escadrons de gendarmes mobiles étaient déployés sur le territoire. Le dispositif a ensuite été réduit à 4,75 escadrons.
Le coût du dispositif exceptionnel à Mayotte est évalué par la gendarmerie à près de 50 M€ (hors T2) en 2025.
c. Des surcoûts qui compliquent la fin de gestion et risque des effets d’éviction sur d’autres chantiers structurants
En l'absence de financement fléché, ces dépenses exceptionnelles produisent un effet d'éviction sur les autres lignes budgétaires du programme gendarmerie. Les investissements essentiels, notamment en matière de renouvellement du parc de véhicules, risquent d'être significativement réduits ou différés. Au-delà de ces arbitrages contraints, la gestion de ces surcoûts complique également la fin de gestion 2025, fragilisant l'équilibre budgétaire global de l'institution.
Cette situation touche également les crédits de masse salariale. Pour 2025, le surcoût prévisionnel en crédits T2 consécutif aux engagements à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie est estimé à 31,9 M€ par la gendarmerie.
Aucun crédit spécifique n'est prévu dans le projet de loi de finances 2026 pour les engagements opérationnels exceptionnels à Mayotte et en Nouvelle‑Calédonie. Cette absence de provisionnement fait peser le risque d'une reproduction en 2026 de la situation budgétaire contrainte connue en 2025. Sans mécanisme de financement dédié, la Gendarmerie se trouve structurellement exposée à un arbitrage récurrent entre la réponse aux crises et le maintien de ses capacités opérationnelles courantes.
2. Une suractivité toujours préoccupante de la Gendarmerie mobile
a. Une activité toujours soutenue, excédant le niveau permettant l’aisance opérationnelle et le repos des gendarmes
Après une forte activité en 2024, l’année 2025 reste marquée par un niveau d'engagement exceptionnel de la gendarmerie mobile, fortement sollicitée pour les événements en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte, mais aussi des événements ponctuels hexagonaux nécessitant des dispositifs renforcés (Finale de la Ligue des Champions en mai, mouvement « Bloquons tout » en septembre etc.). Cette suractivité continue de peser significativement sur la disponibilité opérationnelle des unités et le bien-être des personnels, malgré la création de sept escadrons de gendarmerie mobile (EGM) ces deux dernières années, en application de la LOPMI.
Le taux de déploiement moyen s'est établi autour de 76,9 escadrons par jour en 2024 et 69,4 en 2025, alors que la cible retenue par la gendarmerie est de 68 escadrons/jour, afin de garantir une aisance opérationnelle et d’assurer le repos réglementaire des gendarmes. Ce niveau d'engagement soutenu a conduit à l'accumulation d'un reliquat de près de 24 jours de repos et permissions non pris par gendarme mobile en moyenne à la fin de l'année 2024, réduit à 20,9 en 2025.
La DGGN a décidé de mesures de gestion et d’aménagement pour les personnels de la gendarmerie mobile afin de faciliter leur repos et la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Elle a notamment décidé de sanctuariser les périodes d’indisponibilité pour les escadrons de gendarmerie mobile (EGM) de retour d’Outre-mer et de garantir à chaque militaire servant en EGM un volume de quatre semaines de permissions durant le tour de permissions estivales. Les commandants d’EGM, le centre national des opérations et les centres zonaux des opérations sont invités à définir les effectifs à engager selon une logique de juste besoin. L’emploi des unités dans un format à trois pelotons plutôt que quatre est par ailleurs généralisé dans l’Hexagone. Enfin, depuis 2024, les unités déployées en Outre-mer sont autorisées à procéder à des relèves internes de leurs militaires au cours de la rotation, permettant davantage de flexibilité. À cela s’ajoute la mise en place de « compagnies de marche », visant à soutenir la gendarmerie mobile sur certaines missions (voir infra).
b. Un poids conséquent des engagements de la gendarmerie mobile en Outre-mer, qui pallient les lacunes de gendarmerie territoriale
Au 1er septembre 2025, 38,5 escadrons de gendarmerie mobile sont engagés Outre-mer (dont 19,75 en Nouvelle-Calédonie), sur un total de 116 EGM existants au niveau national. En déploiement permanent (socle), l'Outre‑mer concentre à lui seul 22,5 EGM.
Par opposition à la gendarmerie territoriale, la raison d’être de la gendarmerie mobile est bien d’être projetée afin de remplir des missions principalement de maintien de l’ordre.
Mais le niveau d'engagement ultramarin est absolument considérable et reflète une réalité structurelle préoccupante : une partie substantielle des escadrons mobiles supplée au volume insuffisant de gendarmes départementaux dans les territoires ultramarins.
Le manque de capacités de gendarmerie départementale dans les territoires d'outre-mer, pourtant soumis à des contraintes souvent plus fortes que dans l’Hexagone, entraîne un recours régulier et important aux unités mobiles pour des missions de sécurité publique. Si, dans l’Hexagone on compte en moyenne un gendarme pour 800 à 1 000 habitants, ce ratio est inférieur dans la plus grande part des territoires ultramarins, certaines communes présentent des ratios particulièrement préoccupants. À titre d’illustration, la commune du Tampon à la Réunion dispose de 36 gendarmes pour 80 000 habitants, soit un ratio de 1 pour 2 222. Toujours à la Réunion, Saint‑Louis connaît un défi similaire avec 36 gendarmes pour une population de 55 000 habitants. Un effort de recensement mené par la Gendarmerie a permis d'établir qu'il faudrait 1 700 gendarmes supplémentaires pour atteindre un niveau satisfaisant de couverture de la population dans les territoires ultramarins.
Le nécessaire renforcement des moyens de la gendarmerie en outre-mer
Les territoires ultramarins concentrent une part disproportionnée de la criminalité nationale. Plus de 50 % des vols à main armée constatés par la Gendarmerie nationale se produisent outre-mer, un quart des faits de grande criminalité, et un quart des homicides. À cela s’ajoutent une situation sécuritaire plus ou moins instable selon le territoire, avec des tensions régulières sur l’ordre public (notamment en Nouvelle‑Calédonie, à Mayotte, en Martinique) ainsi que le développement des réseaux de trafics internationaux (tout particulièrement dans les Antilles).
99 % de la superficie des territoires ultra-marins est sous compétence de la Gendarmerie nationale. Elle y assure la sécurité publique au profit de 93 % des communes et 70 % de la population.
Pour faire face à ces défis, la Gendarmerie nationale en Outre-mer est armée de 4 300 officiers et sous-officiers affectés, de 1 500 réservistes et d'un socle d'environ 1 500 gendarmes mobiles en renfort, soit environ 22 escadrons déployés simultanément hors période de crise. Ce modèle repose structurellement sur des renforts, employés tant pour la gestion des crises que pour le quotidien opérationnel.
La dynamique démographique soutenue, l’accumulation des crises et le développement de la criminalité organisée appellent un renforcement des effectifs et des moyens de la gendarmerie outre-mer.
La Gendarmerie nationale identifie aujourd'hui un besoin structurel de 1 700 ETP supplémentaires, s'ajoutant à la cible de création dédiée aux 239 brigades prévues par la LOPMI.
Votre rapporteure attire l'attention sur l'enjeu crucial de l'encasernement dans les territoires ultramarins. Le dispositif d'encasernement garantit la cohérence avec le statut militaire des gendarmes et conditionne directement les capacités de réponse de l'État en situation de crise. L'exemple du cyclone Chido à Mayotte illustre parfaitement cette nécessité : le maintien opérationnel de la caserne de Pamandzi a permis de déployer simultanément un tiers des forces sur la réponse d'urgence et le relèvement de l'infrastructure tout en assurant la mise en sécurité des familles, tandis qu'une autre partie des effectifs pouvait être projetée sur le terrain pour accomplir les missions de service public.
La gendarmerie Outre-mer est confrontée à un besoin immobilier estimé à 900 millions d'euros. Cette somme considérable est nécessaire pour héberger l’ensemble des forces concernées, ainsi que renforcer la protection des casernes et les mettre aux normes anticycloniques et antisismiques, notamment dans l'océan Indien et les Antilles, zones particulièrement exposées aux risques naturels majeurs.
Des efforts capacitaires doivent également être conduits : la modernisation des moyens de communication, le renouvellement des véhicules de gestion de crise (particulièrement à Mayotte), le renouvellement des capacités aériennes (hélicoptères), le renforcement des moyens nautiques.
c. Le développement des « compagnies de marche » pour soutenir l’activité opérationnelle
La gendarmerie s’emploie à davantage mobiliser les gendarmes départementaux et les réservistes afin de préserver la disponibilité des unités de gendarmerie mobile.
Ainsi, le recours aux « compagnies de marche », constituées de gendarmes départementaux mobilisés temporairement, s'est intensifié. Ce dispositif permet de flécher prioritairement les gendarmes mobiles sur leur cœur de métier, le maintien de l'ordre, tout en assurant les missions de sécurisation.
Ces compagnies de marche ont notamment été utilisées lors des dispositifs de renforcement saisonniers (dispositifs estivaux de protection des populations – DEPP ‑ et dispositifs hivernaux de protection des populations – DHPP ‑) menés chaque année afin de renforcer les unités locales face aux flux de vacanciers. Les escadrons de gendarmerie mobile n’ont pas été employés en unité constituée dans le cadre de ces dispositifs, la gendarmerie privilégiant le recours à des compagnies de marche afin de préserver les capacités opérationnelles des gendarmes mobiles.
La génération de compagnies de marche a également été possible dans le cadre de la réponse à Chido à Mayotte, et ce dans des délais particulièrement contraints. Deux compagnies de marche, représentant un total de 201 gendarmes, en provenance de La Réunion et de l’Hexagone, ont été engagées à Mayotte. Si ce mode d'organisation a démontré son efficacité, il requiert une préparation importante en amont selon la gendarmerie et doit demeurer exceptionnel.
C. La montée en puissance de la gendarmerie se poursuit à travers plusieurs chantiers prioritaires
1. Le renforcement de la militarité et la formation opérationnelle du gendarme qui tient compte du contexte stratégique
L’actualisation de la Revue nationale stratégique (RNS) en 2025 prévoit une rénovation de la défense opérationnelle du territoire (DOT), dans laquelle la gendarmerie jour un rôle majeur, à l’instar des autres forces de sécurité.
Comme expliqué par le Directeur Général de la Gendarmerie Nationale devant notre Commission lors de son audition sur le PLF 2026, s’il n’y a pas de menace immédiate de guerre touchant le sanctuaire national, le risque de rétroactions sur le territoire français demeure réel, notamment contre la base industrielle et technologique de défense et imposant une préparation renforcée. Ces réflexions sont menées au sein de la gendarmerie, qui teste des dispositifs de sécurisation des zones et infrastructures d’intérêt, sur le territoire national, en appui d’un éventuel engagement majeur des armées.
Cette évolution s'accompagne d'un mouvement de consolidation de la militarité de la gendarmerie, qui se traduit concrètement dans la formation initiale et continue. Depuis trois ans, les contenus des scolarités des militaires de la gendarmerie renforcent la résilience, la résistance physique, le sens tactique et le discernement des élèves. Pour les sous-officiers en particulier, l'instruction tactique a été densifiée entre 2023 et 2024 pour appréhender les nouvelles menaces opérationnelles, tandis que leur formation initiale de 12 mois intègre désormais quatre mois de tutorat en unité à compter de 2025.
2. La montée en puissance des capacités d’investigation et de lutte contre la criminalité organisée, incarnée par la création de l’Unité nationale de police judiciaire
La création de l'Unité Nationale de Police Judiciaire (UNPJ) en septembre 2025 constitue une réforme structurelle majeure de l'organisation de la police judiciaire de la Gendarmerie nationale.
Cette nouvelle entité regroupe 1 100 personnels, auxquels s'ajoutent 200 réservistes mobilisables, et s'impose comme l'interlocuteur unique central pour la conduite des opérations de police judiciaire d'envergure, apportant une capacité d'appui mutualisée et d'animation opérationnelle.
L'objectif de cette création est de rendre l'action de la gendarmerie plus lisible et plus efficace sur le haut du spectre de la délinquance, notamment face à la criminalité organisée. L'UNPJ regroupe au sein d'un opérateur unique l'ensemble des outils de police judiciaire de niveau central, structurés autour de trois piliers : le renseignement criminel, l'investigation et la criminalistique.
Elle a vocation à réaliser plusieurs missions dans l’animation, la coordination et la planification des actions de police judiciaire de la gendarmerie, notamment :
– l’exploitation du renseignement administratif, de sécurité publique, judiciaire et humain et des données de masse, afin d’établir une cartographie de la menace pour comprendre les structures et cibler des individus et des groupes criminels. La mise en place d’un département des enquêtes et objectifs prioritaires doit servir cet effort de ciblage ;
– l’appui à l’action des échelons territoriaux de gendarmerie, avec la possibilité de mobiliser des task-forces adaptées à la situation ;
– la génération de forces polices judiciaires, à partir du centre national des opérations ;
– la conduite d’investigations de haut niveau, notamment concernant la criminalité organisée ;
– le renforcement et l’innovation en matière de capacités techniques et numériques de criminalistique ;
L'UNPJ est associée à l'État-major interministériel dédié à la lutte contre la criminalité organisée, créé en mai 2025.
3. Le développement des capacités drones et de lutte anti-drones
La préparation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 a constitué un catalyseur pour la modernisation de ces capacités, tant en matière de drones que de lutte anti-drones. Cet effort de remise à niveau se traduit dans la progression des crédits de paiement consacrés aux acquisitions de drones, qui atteignaient 2,04 M€ en 2024, avant de s'établir à 905 000 euros en 2025. La baisse constatée en 2025 s'explique par le pic d'investissement réalisé en amont des Jeux. S'agissant de la lutte anti-drones, une stratégie pluriannuelle structurante a été mise en place, également renforcée dans le cadre de la préparation des Jeux olympiques. Le coût total des acquisitions LAD de la Gendarmerie nationale s'élève à 9,4 millions d'euros pour la période 2016-2024. Pour la seule année 2024, 1,6 M€ ont été engagés.
La flotte de drones de la Gendarmerie nationale est composée de près de 900 appareils, opérée par 1 000 télé-pilotes de drones, formés au centre national d’instruction des forces aériennes de gendarmerie (CNIFAG). Les drones de la gendarmerie sont confrontés à une obsolescence particulièrement rapide. Dans ce domaine au cycle d’innovation très rapide, il est nécessaire d’être doté d’appareils les plus récents possibles. Or, seuls 235 drones (30 % de la flotte) ont moins de 5 ans.
La gendarmerie poursuit des travaux de recherche et développement centrés sur les drones dits « de moyenne endurance », catégorie sur laquelle les besoins opérationnels sont les plus importants et qui permettrait d'étendre significativement les capacités de surveillance et d'intervention.
La montée en puissance des capacités de lutte anti-drones de la gendarmerie
Face à l’essor rapide des usages de drones – récréatifs, professionnels ou à des fins malveillantes, la Gendarmerie nationale a mis en place une stratégie pluriannuelle de lutte anti-drones (LAD) qui doit se décliner sur les années 2025 à 2030.
Elle distingue trois formes de LAD : la LAD du quotidien (régulation des usages et judiciarisation des infractions) ; la LAD durcie (événements majeurs) ; la LAD de protection de la force (préservation de la liberté d’action des forces).
Le dispositif repose sur une organisation intégrée à trois niveaux. Au niveau national, la Section de protection anti-drones (SPAD) de la Garde Républicaine, armée par 20 personnels, constitue l’unité nationale de référence, largement mobilisée pour la protection événementielle. À l’échelon territorial, avec la mise en œuvre de capacités spécialisées régionalisées. Enfin, au niveau de l’intervention, le GIGN et ses antennes sont mobilisés pour répondre aux menaces de haute intensité.
La gendarmerie dispose pour cela de moyens opérationnels LAD comprenant plusieurs dizaines de systèmes spécialisés LAD, des véhicules équipés de brouilleurs omnidirectionnels et des kits de mobiles de détection et neutralisation. À cela s’ajoutent des lots spécifiques mis en œuvre par la SPAD.
II. Des crédits en progression, soutenant en priorité la croissance des effectifs et le renouvellement immobilier
Les crédits du programme 152, dédié au financement de la Gendarmerie nationale, atteignent 7,05 Md€ en CP (hors CAS pensions) dans le PLF 2026, soit une hausse de +158,4 M€ par rapport à la LFI 2025 (+2,3 %). En intégrant les contributions au CAS pensions, la dotation du programme en crédits de paiements s’établit à 11,09 Md€ pour le PLF 2026. Les dépenses en AE (hors CAS pensions) atteignent 7,12 Md€.
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Titre / Catégorie |
Autorisations |
Crédits de |
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2 – Dépenses de personnel |
9 153 |
9 153 |
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21 – Rémunérations d'activité |
4 603 |
4 603 |
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22 – Cotisations et contributions sociales |
4 512 |
4 512 |
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23 – Prestations sociales et allocations diverses |
37 |
37 |
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3 – Dépenses de fonctionnement |
1 612 |
1 570 |
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31 – Dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel |
1 612 |
1 570 |
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5 – Dépenses d'investissement |
385 |
363 |
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51 – Dépenses pour immobilisations corporelles de l'État |
385 |
363 |
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6 – Dépenses d'intervention |
10 |
6 |
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63 – Transferts aux collectivités territoriales |
10 |
6 |
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TOTAUX |
11 160 |
11 092 |
Ventilation des crédits du programme 152 par titre et catégorie pour le PLF 2026 (d’après le projet annuel de performance).
Ventilation des principales catégories de crédits de paiement du programme 152 pour le PLF 2026.
A. Les crédits de personnel : la reprise d’une trajectoire ascendante pour les effectifs se traduit par une hausse des dépenses
Les crédits de personnel (T2) de la Gendarmerie nationale atteignent 5,11 Md€ (hors CAS pensions) dans le PLF 2026, soit une hausse de +125 M€ par rapport à la LFI 2025 (+2,51 %). Cette hausse permet de relancer la dynamique de croissance des effectifs et de renforcer la réserve opérationnelle, en même temps que de financer des mesures catégorielles qui avaient été prévues en 2025.
1. La reprise de la hausse des effectifs, soutenue par un renforcement des capacités de formation
Comme évoqué infra, le schéma d'emploi prévu pour 2026 prévoit une augmentation de 400 équivalents temps plein (ETP), marquant la reprise de la croissance des effectifs de la Gendarmerie nationale, conformément aux objectifs fixés par la LOPMI, mais cette augmentation ne rattrape ni ne compense le retard accusé par les effectifs en raison de l’ « année blanche » de 2025.
Effectifs prévisionnels de la Gendarmerie au 31 décembre 2025
Cette hausse devrait aboutir à un total de 2 395 ETPs supplémentaires entre 2023 et 2026, soit près 70 % des effectifs supplémentaires de gendarmerie prévus par la LOPMI (3 540 ETPs prévus).
L'appareil de formation est fortement sollicité pour accompagner cette montée en puissance des effectifs, soutenue par une politique de recrutement d’une ampleur inédite. Avec plus de 12 000 recrutements en 2024, la gendarmerie n'a jamais autant recruté. Au 1er janvier 2025, près de 5 000 élèves gendarmes étaient en formation initiale, saturant les capacités d'accueil offertes par les infrastructures du Commandement des Écoles de la Gendarmerie Nationale (CEGN).
Afin de rester à périmètre constant, en prenant en compte les départs estimés à 12 902 personnes, la gendarmerie devrait recruter à hauteur de 13 302 ETP en 2026.
Pour répondre à ces besoins, la LOPMI a permis d'injecter +191 ETPs supplémentaires au profit de la formation initiale et continue, sur les exercices 2023 et 2024. Pour la formation initiale, la gendarmerie a engagé la création de nouvelles compagnies d’instruction au sein de ses écoles. Déjà amorcées (1 compagnie à Châteaulin, 1 à Fontainebleau, 1 à Rochefort), ces créations sont appelées à se poursuivre (2 à Fontainebleau, 1 à Rochefort, 6 à Dijon). En outre, la création de centres régionaux d'instruction depuis 2022 contribue à densifier la formation continue des militaires. Ces structures participent également à la formation d’une partie des gendarmes adjoints volontaires emploi particulier (GAV-EP), déconcentrée au sein des régions de gendarmerie.
Cet effort d’augmentation des effectifs s’accompagne d’un maintien de la sélectivité des recrutements dont la gendarmerie peut se féliciter. Les ratios de sélectivité sont maintenus à un niveau exigeant : 1 candidat retenu pour 6 lors des concours d'officiers de gendarmerie, 1 pour 3,5 pour les sous-officiers de gendarmerie, et 1 pour 2,5 pour les sous-officiers en appui des opérations du corps de soutien technique et administratif de la Gendarmerie nationale (CSTAGN).
2. Les mises en œuvre du rehaussement de la prime de voie publique et de la réforme de la grille indiciaire des officiers produiront leurs effets en 2026
Si aucune mesure catégorielle nouvelle n'est prévue pour 2026, deux dispositifs majeurs mis en œuvre en 2025 produiront leurs effets sur l'exercice à venir :
– La prime de voie publique a été rehaussée en juillet 2025, passant de 50 à 100 euros par mois, pour un coût budgétaire de 31,3 M€ en année pleine. Cette revalorisation reconnaît l'engagement quotidien des gendarmes affectés aux missions de sécurité publique sur l'ensemble du territoire.
– La seconde mesure structurante concerne la réforme de la grille indiciaire des officiers, programmée pour décembre 2025, à l'instar des autres forces militaires. Cette rénovation des parcours de carrière des officiers représente un coût de 20,31 millions d'euros pour 2026, atteignant 22,15 millions d'euros en année pleine. Cette réforme statutaire s'inscrit dans la continuité de celle du corps des sous-officiers de gendarmerie entrée en vigueur entre 2023 et 2024, ainsi que de la réforme de la haute fonction publique. Son objectif est d'harmoniser les grilles indiciaires et d'améliorer l'attractivité des carrières d'officiers au sein de la Gendarmerie nationale.
3. La montée en puissance de la réserve opérationnelle, si elle profite d’une attractivité forte en matière de recrutement, reste contrainte par le volume des crédits
Les crédits dédiés à la réserve opérationnelle connaissent une hausse significative pour 2026, avec une augmentation de +24 M€ qui porte l'effort budgétaire total à près de 100 M€. Cette progression fait suite à une dotation de 75 millions d'euros en 2025, elle-même en retrait par rapport aux 91 millions d'euros de 2024, année atypique en raison des JOP. Il convient de garantir la pérennité et la stabilité de ce renforcement budgétaire. L'évolution erratique des crédits observée sur la période récente, mise en exergue par votre rapporteure dans son avis sur le PLF 2025, est dommageable pour la montée en puissance de la réserve.
La réserve opérationnelle de premier niveau (RO1) poursuit son développement, et atteint 38 921 réservistes opérationnels au 31 août 2025.
L’objectif demeure d’atteindre un volume de 50 000 réservistes opérationnels pour 2030.
L'attractivité est forte, facilitant le recrutement. Comme le souligne le directeur général de la Gendarmerie nationale : « je sais monter aisément à 50 000 réservistes » ([3]) , mais à condition de disposer des crédits et de la capacité à donner du temps d'activité et des missions aux militaires recrutés.
Les anciens militaires ont cessé depuis plusieurs années de représenter la plus grande part des réservistes, au profit de la part des profils « ab initio » : la proportion d’anciens militaires atteint 30 %.
Le dispositif de formation a été rénové début 2025 pour renforcer les compétences des réservistes et favoriser leur employabilité opérationnelle. Elle se structure en deux blocs : une formation initiale de 15 jours combinant préparation militaire et formation militaire initiale du réserviste, suivie d'une formation complémentaire de 5 jours à accomplir dans les 18 mois suivant la contractualisation. Les officiers de réserve bénéficient quant à eux d'une formation initiale de quatre semaines.
La gendarmerie mobilise plusieurs leviers de fidélisation et de mobilisation des réservistes. La rémunération progresse grâce à l'avancement accéléré des militaires du rang au grade de gendarme de réserve à 18 mois de service. La fiabilité et la rapidité du règlement de la solde sont assurées par l'outil de gestion MINOTAUR. Par ailleurs, les réservistes ont accès aux mêmes récompenses et décorations que leurs homologues d'active pour les services accomplis et bénéficient d'une valorisation de leurs acquis de compétences et de l’accès à l’offre de formation continue. Toutefois, la condition majeure de la fidélisation des réservistes demeure l'attribution d'un volume suffisant de jours d'emploi, couplée à la mise à disposition de moyens adéquats et à la qualité des missions qui leur sont confiées.
Votre rapporteure rappelle à cet égard ses préoccupations exprimées dans son avis sur le PLF 2025 : les réserves ne sauraient constituer une « variable d’ajustement » du budget de la gendarmerie, et doivent voir leurs moyens budgétaires sanctuarisés.
B. Les crédits de fonctionnement et d’investissement : un effort soutenu pour l'immobilier, tandis que le parc automobile reste sous tension
Les crédits hors-T2 de la Gendarmerie nationale atteignent 1,94 Md€ dans le PLF 2026, soit une hausse de +33 Md€ par rapport à la LFI 2025 (+1,73 %).
La hausse limitée de l’enveloppe de crédits pour le fonctionnement et les investissements a conduit à des arbitrages difficiles pour la Gendarmerie, privilégiant les investissements immobiliers au détriment d'autres postes, notamment le renouvellement du parc automobile ou des hélicoptères.
1. Les crédits de fonctionnement sont en faible recul
Les crédits de dépenses de fonctionnement sont en léger recul pour le PLF 2026. Ils atteignent 1,57 Md€ en CP dans le PLF 2026, contre 1,59 Md€ en LFI 2025. Les autorisations d’engagement sont également en recul : 1,61 Md€ de crédits en AE sont prévus, contre 1,94 Md€ en LFI 2025.
Les crédits de fonctionnement de la Gendarmerie nationale se répartissent entre sept catégories de besoins :
– Brique « Immobilier – dépenses de l'occupant » (731,8 M€ en AE et 886,2 M€ en CP) ; Cette brique, la plus importante, finance principalement les loyers du casernement auprès des collectivités territoriales (643,3 M€ en CP), l'entretien du casernement (83,7 M€ en CP), les dépenses d'énergie et de fluides (136 M€ en CP) ainsi que le nettoyage et l'entretien ménager des locaux.
– Brique « Fonctionnement courant » (263,2 M€ en AE et 265,5 M€ en CP) ; Elle couvre les dépenses essentielles au quotidien : frais de déplacement, alimentation, frais de changement de résidence, formation des personnels, fournitures de bureau, téléphonie, dotation de fonctionnement des 3 829 unités élémentaires et frais de santé.
– Brique « Moyens lourds de projection et d'intervention – fonctionnement » (261,4 M€ en AE et 84,3 M€ en CP) ; Cette enveloppe assure le maintien en condition opérationnelle de la flotte aéronautique (250,7 M€ en AE, 63,5 M€ en CP), ainsi que l'entretien des véhicules blindés Centaure et VBRG (5,3 M€ en AE et 153 M€ en CP) et la fourniture de carburéacteur pour la flotte d’hélicoptères (5,4 M€ en AE et CP).
– Brique « Systèmes d'information et de communication ‑ fonctionnement » (192,9 M€ en AE et 119,7 M€ en CP) ; Elle finance les moyens de télécommunications (50 M€ en CP), les abonnements aux différents réseaux sécurisés et satellitaires, la bascule vers le Réseau radio du futur, le maintien en condition opérationnelle des systèmes et les licences logicielles.
– Brique « Moyens mobiles – fonctionnement » (119,7 M€ en AE et en CP) ; Cette dotation permet d'assurer la mobilité opérationnelle avec l'achat de carburant pour les véhicules (80 M€ en AE et CP), l'entretien et les réparations du parc automobile (37,6 M€ en AE et CP) ainsi que les locations de véhicules et frais de péage (2,1 M€ en AE et CP).
– Brique « Équipements – fonctionnement » (41,5 M€ en AE et 91,7 M€ en CP) ; Elle couvre l'habillement des militaires (40,7 M€ en CP), l'acquisition et l'entretien des matériels (17,6 M€ en CP), les moyens de protection et d'intervention incluant gilets pare-balles et équipements tactiques (14,5 M€ en CP), l'armement (5 M€ en CP), les munitions (8,4 M€ en CP) et le matériel de police technique et scientifique. Votre rapporteure tient à exprimer sa vive préoccupation et sa vigilance face aux dysfonctionnements de la plateforme Uniforces depuis le changement de prestataire intervenu en 2024, qui ont entraîné des retards de livraison de plusieurs mois, des commandes incomplètes
– Brique « Subventions et contributions aux opérateurs » (1,1 M€ en AE et 2,5 M€ en CP) ; Cette dotation finance les contributions de la Gendarmerie envers les organismes tiers.
a. Une hausse des crédits liés aux dépenses d’occupation de la Gendarmerie qui permet d’écarter le spectre des impayés de loyer
Les crédits liés aux dépenses d’occupation de l’immobiliser (loyer, entretien, nettoyage, énergie) sont en hausse : 886,2 M€ en CP, contre 854 M€ en 2025. La gestion pluriannuelle des baux de location explique un écart important avec le volume des AE ; 731,8 M€ en AE sont prévus en 2026, contre 781,8 M€ en 2025.
La problématique de paiement des loyers des casernes de gendarmerie, qui a marqué la fin de l'exercice 2024, ne se reproduira pas en 2025. Cette situation exceptionnelle avait résulté de la conjonction de plusieurs facteurs défavorables cumulés en début et en cours de gestion : baisse des crédits hors‑Titre 2 inscrits en LFI, annulation par décret de 20 millions d'euros de crédits, ainsi qu’une forte hausse des dépenses imprévues liées aux Jeux olympiques et Paralympiques ainsi qu'à la crise en Nouvelle-Calédonie.
Pour 2025, les loyers n'ont pas été concernés par la mise en réserve et les crédits dédiés ont été ajustés à la hausse, avec une augmentation de 24,5 millions d'euros par rapport à 2024. Cette hausse significative des crédits de fonctionnement permet de couvrir l'ensemble des charges de loyers dus aux bailleurs et écarte durablement le risque d'impayés, garantissant ainsi que l'État puisse honorer ses engagements envers les collectivités territoriales qui mettent à disposition ces infrastructures essentielles à l'exercice des missions de sécurité publique.
2. Les dépenses d’investissement sont en hausse, afin de soutenir l’effort en matière d’immobilier
Les crédits d'investissement de la Gendarmerie nationale sont en forte hausse : 363 M€ en CP (+20,7 % par rapport à la LFI 2025) et 385 M€ en AE (-1,8 %).
Ils se répartissent entre quatre catégories de besoins :
– Brique « Immobilier – dépenses du propriétaire » (352,8 M€ en AE et 278,9 M€ en CP) ; Cette brique, de loin la plus importante, finance les acquisitions, constructions, réhabilitations et la maintenance lourde de l’immobilier de la gendarmerie.
– Brique « Moyens lourds de projection et d'intervention ‑ investissement » (6,7 M€ en AE et 31,4 M€ en CP) ; Elle permet le renouvellement de la flotte d'hélicoptères avec le paiement des annuités du contrat d’acquisition de 6 hélicoptères H145 D3 dans le cadre d’un marché notifié en 2023 (dont 2 financés par le Royaume-Uni dans le cadre des accords Sandhurst), le paiement d'un simulateur de vol et des équipements aéronautiques.
– Brique « Moyens mobiles – investissements » (23,7 M€ en AE et 49,2 M€ en CP) ; Cette dotation assure la poursuite du renouvellement des véhicules de maintien de l'ordre, le paiement des engagements antérieurs et le renouvellement progressif du parc automobile de la gendarmerie.
– Brique « Équipements – investissement » (2,2 M€ en AE et 4 M€ en CP) ; Elle finance le plan décennal de renouvellement des plateaux techniques des cellules d'identification criminelle et solde les engagements antérieurs en matière d'équipements de police technique et scientifique.
a. L’immobilier constitue la priorité d’investissement pour le PLF 2026
Le PLF 2026 marque une hausse significative de l'investissement immobilier consacré à la Gendarmerie nationale.
Les crédits dédiés à ce poste pour 2026 atteignent 278,9 M€ en CP (soit une augmentation de +103,4 M€) et 352,8 M€ en AE (+57,6 M€).
Si cet effort constitue indéniablement une amélioration par rapport aux exercices précédents, il ne permettra pas pour autant de résorber l'intégralité de la dette grise s’il n’est pas maintenu dans la durée. Le parc immobilier domanial affiche une forte vétusté. La gendarmerie évalue sa dette d’investissement accumulée sur la période 2013-2023 à près de 2,2 Md€. Les besoins concernent tout particulièrement les opérations de maintenance et de réhabilitation lourdes.
La situation s'avère particulièrement préoccupante dans les territoires ultramarins, où les besoins sont considérables. Le besoin global en matière d'immobilier en Outre-mer pour permettre à la gendarmerie d’atteindre ses objectifs d’encasernement comme de standards de logement est estimé à 900 millions d'euros.
La Gendarmerie nationale souhaite porter à terme l’engagement à près de 400 M€ par an pour 2027 et les exercices suivants, qu’elle estime être le montant d’investissement annuel nécessaire pour maintenir un niveau satisfaisant de l’état du parc domanial et réduire durablement la vétusté. Elle estime un besoin annuel de 270 M€ par an pour soutenir les travaux de maintenance lourde et de 130 M€ pour la maintenance. Il faudrait à ce rythme compter environ dix années pour combler le retard infrastructurel et mettre à niveau l'ensemble du parc immobilier de la gendarmerie. La gendarmerie souhaite en outre soutenir sa politique d’encasernement, en particulier sur l’Outre-mer et les escadrons de gendarmerie mobile créés en 2023 et 2024.
Dans les dépenses d’immobilier, s’ajoutent les besoins relevant de l’entretien courant, qui relèvent des crédits de fonctionnement, estimés à 100 M€.
Le programme « Cap Satory » constitue un projet structurant pour la Gendarmerie nationale avec la réhabilitation et la reconstruction des infrastructures sur le site de Satory-Est. Il prévoit la réhabilitation d'environ 1 000 logements existants ainsi que la construction de 300 logements neufs, répondant ainsi aux besoins d'hébergement des personnels stationnés sur ce site historique de la gendarmerie. Le projet est entré dans sa phase opérationnelle. L'avis de marché, qui retient la formule d’un marché de partenariat, a été publié en septembre 2025. 23 M€ sur le PLF 2026 sont dédiés à la poursuite de cette opération.
b. Le parc de véhicules légers face à un déficit préoccupant de renouvellement
La situation du parc de véhicules légers de la Gendarmerie nationale suscite la préoccupation de votre rapporteure. Le parc accuse un retard significatif en matière de renouvellement, et les perspectives pour 2026 vont dans le sens d’une aggravation de la situation.
Les prévisions d'acquisition s'établissent à environ 2 000 véhicules pour 2025, mais devraient chuter autour de 500 à 600 véhicules pour 2026, selon les informations relayées à votre rapporteure lors des auditions.
Sur la base d'un renouvellement optimal, il conviendrait de remplacer environ un huitième du parc chaque année. Pour un parc total de 33 600 véhicules légers, le besoin annuel de renouvellement se situe ainsi autour de 3 750 unités.
La moyenne annuelle d'acquisition de véhicules pendant le plan de relance (2020-2022) s'élève à 3 635 véhicules, un niveau proche de l’optimum. Les années 2023 et 2024 ont été pratiquement blanches : seuls 428 véhicules ont été acquis en 2023 et 543 en 2024. Si le plan de renouvellement automobile 2025 marque une amélioration avec environ 2 000 véhicules, ce volume demeure insuffisant au regard de la cible nécessaire.
Cette politique de sous-investissement entraîne mécaniquement le vieillissement du parc opérationnel. Plus de 4 200 véhicules, soit près de 12,5 % du parc, dépassent d'ores et déjà les critères de réforme, fixés à une ancienneté de huit ans et un kilométrage de 200 000 kilomètres pour les véhicules légers.
c. Le vieillissement de la flotte d’hélicoptères suscite un risque de rupture capacitaire pour la gendarmerie
Votre rapporteure souhaite alerter également sur le sujet du renouvellement de la flotte d’hélicoptères de gendarmerie.
Ce sujet concerne particulièrement la flotte de 26 Écureuils, vieillissante car mise en service dans les années 70, et qui représente près de la moitié du parc en service dans la gendarmerie.
En effet, au 1er janvier 2025, la gendarmerie comptait 56 hélicoptères répartis en 3 flottes :
– 15 EC145 (âge moyen de 20 ans) ;
– 15 EC135 (âge moyen de 17 ans) ;
– 26 AS350 « Écureuil » (âge moyen de 40 ans).
L’ancienneté de la flotte d’AS350 entraîne une dégradation de la disponibilité des capacités aéronautiques. Ainsi, le taux de disponibilité atteint 54 % pour les hélicoptères Écureuils, contre 73 % en moyenne pour les EC 135 et EC 145. La gendarmerie prévoit un retrait du service définitif qui débutera en 2028. Huit d’entre eux ont d’ores et déjà été retirés prématurément du service pour des raisons de coûts de remise à niveau.
Un renouvellement partiel est engagé, mais qui ne satisfait pas encore l’ensemble des besoins :
– la gendarmerie a engagé, grâce aux crédits du plan de relance, l’acquisition de 10 H160 qui seront livrés de façon échelonnée dès 2025 ;
– un marché d’acquisition de H145 D3 a été signé en 2023 et prévoit une tranche ferme de 6 H145 D3 devant être livrés de 2025 à 2028. Ce marché prévoit une tranche complémentaire de vingt-deux appareils.
Votre rapporteure soutient qu’il est impératif d’engager au plus vite la tranche complémentaire de vingt-deux H145 D3 prévue dans ce marché, faute de quoi la gendarmerie risque une rupture capacitaire majeure. Elle fait écho aux propos du directeur général de la Gendarmerie nationale devant notre commission, évoquant un risque d’« abandon de missions » ([4]). Il ressort des auditions de votre rapporteure qu’il faille craindre qu’en l’absence de renouvellement significatif, la gendarmerie soit condamnée à réorganiser son dispositif aéronautique en Outre-mer ou remettre en cause son dispositif de secours en montagne.
d. L’incontournable remplacement des FAMAS de la gendarmerie
Le fusil d'assaut FAMAS, en dotation depuis plusieurs décennies au sein de la Gendarmerie nationale, arrive en fin de vie opérationnelle. Selon le directeur général de la Gendarmerie nationale, ces armes « sont à bout de souffle » et ne bénéficieront plus d'aucun soutien industriel à partir de 2030 ([5]) .
Un programme baptisé « Système d'arme de demain » est actuellement en phase d'étude, avec une définition technique du besoin en cours. Ce projet de remplacement du FAMAS constitue un enjeu majeur pour la capacité opérationnelle de la gendarmerie, nécessitant d'identifier rapidement un successeur adapté aux besoins des unités et, surtout, d'en assurer le financement dans les prochaines lois de finances. L'échéance de 2030 impose d'engager dès maintenant les arbitrages budgétaires nécessaires pour éviter une rupture capacitaire sur cet équipement essentiel à l'accomplissement des missions de sécurité publique.
Seconde partie : Après Chido, la Gendarmerie à Mayotte
I. La Gendarmerie nationale à Mayotte, servir l’Etat face aux défis structurels de l’archipel
A. Un archipel soumis à de nombreux défis structurels, aggravés par le passage de l’ouragan Chido
La gendarmerie de Mayotte opère sur un territoire marqué par de multiples crises et défis structurels. Le présent avis n’a pas vocation à détailler l’ensemble des difficultés auxquelles est confronté le département, déjà largement étayées par des travaux parlementaires récents, notamment relatifs à la loi de programmation pour la refondation de Mayotte ([6]). Mais les spécificités de l’activité de la Gendarmerie nationale dans l’archipel ne peuvent être comprises qu’au regard des multiples menaces pesant sur l’ordre public et l’action des services de l’État.
1. Une situation socio-économique mahoraise précaire
Mayotte est le département le plus pauvre de France. Il présente un tissu économique local très faible, fortement dépendant de l’action de l’État et des pouvoirs publics, ainsi que des conditions socio-économiques très en deçà des niveaux nationaux.
Mayotte présente une économie en croissance mais fragile. L’évolution du PIB est dynamique, atteignant +8,4 % en 2022 ([7]). Mais la production de richesse, absolue comme rapportée à la population, reste très inférieure aux autres départements français. Le PIB mahorais atteignait 3 144 M€ en 2022 ([8]). Le PIB par habitant à Mayotte était de 10 300 euros en 2022, contre 38 775 au niveau national ([9]). Le constat, déjà dressé par la Cour des comptes en 2022 ([10]), reste malheureusement d’actualité : l’archipel n’a pas encore trouvé les axes d’un développement économique durable, produit peu de valeur ajoutée et reste fortement dépendant des transferts de la métropole et de l’activité des pouvoirs publics. Ainsi, la consommation finale des administrations publiques représentait 63 % du PIB de Mayotte en 2022 ([11]). La balance commerciale, fortement déficitaire (-857 M€ en 2024) traduit la dépendance de l’archipel vis-à-vis de l’extérieur et la faiblesse des exportations (elles représentent 12,7 M€ en 2024) ([12]). Enfin, l’archipel se caractérise par le poids significatif de l’économie informelle : en 2015, les entreprises informelles représentaient près de deux tiers des entreprises marchandes du département ([13]).
La précarité de la situation économique de Mayotte rejaillit sur le niveau de vie et la situation professionnelle de ses habitants. Le taux de chômage y est élevé : il s’établit à 29 % en 2024 (contre 7,2 % dans l’Hexagone) ([14]). Le poids de l’économie informelle est conséquent. Il était estimé en 2015 que les entreprises informelles employaient 15 % de la population active occupée à Mayotte en 2015 ([15]). La population mahoraise témoigne d’un niveau de vie très inférieure au reste de la population française. Le niveau de vie médian à Mayotte s’établissait à 3 140 € par an en 2018, contre 23 000 € au niveau national. 77 % de la population mahoraise vivait sous le seuil de pauvreté en 2018, ce qui en fait le département le plus pauvre de France.
La situation de la jeunesse mahoraise est particulièrement préoccupante, avec des problématiques d’isolement, de précarité et de déscolarisation, qui alimentent la délinquance et les comportements à risque. Le taux de pauvreté chez les moins de 30 ans s’établissait à 85,4 % à Mayotte ([16]). Le taux de chômage des 15 à 24 ans s’établit à 59 % (contre 18,7 % au niveau national) ([17]). Avec une offre de formation limitée, de faibles dispositifs d’accompagnement culturels, de logement ou associatifs et la prévalence de modèles familiaux éclatés (notamment s’agissant des jeunes isolés étrangers), l’errance et l’isolement de la jeunesse mahoraise est devenu un défi majeur pour l’archipel et l’ensemble des services de l’État. Bien que le phénomène soit difficile à mesurer, le préfet avançait l’estimation de 4 000 mineurs non accompagnés sur le territoire en 2022 ([18]). Les autorités locales de gendarmerie évoquent 6 000 à 10 000 jeunes « sans repères parentaux » ([19]).
2. Une démographie sous forte pression, en raison d’une crise migratoire majeure et d’une forte natalité
Mayotte affiche une très forte croissance de sa population, qui est la plus jeune de France. La population de Mayotte, qui était de 40 000 habitants en 1975, est estimée à 321 000 personnes au 1er janvier 2024. Elle maintient sa forte croissance (+3,8 % par an en moyenne entre 2012 et 2017) ([20]). Certains acteurs locaux avancent que cette estimation est en deçà de la réalité, et évoquent une population comprise entre 400 000 et 500 000 personnes ([21]). La fécondité est largement supérieure à la moyenne nationale : 4,5 enfants par femme en 2023, contre 1,68 au niveau national ([22]). Mayotte comptabilise 10 000 naissances par an, soit près de 30 enfants par jour, l’équivalent d’une classe d’école. L’âge moyen des habitants de Mayotte est de 23 ans en 2023, contre 41 ans dans l’Hexagone.
La crise migratoire déstabilise profondément l’archipel. Mayotte subit de longue date un flux massif de migration, pour la majorité irrégulière. Elle est d’abord comorienne en provenance principalement des îles de Grande Comore et Anjouan- et malgache. En outre, l’arrivée, à Mayotte, d’une migration en provenance d’Afrique continentale –Somalie et Afrique des Grands Lacs, est un phénomène récent et un défi nouveau pour les services chargés de la politique migratoire ; elle représenterait 10 % du flux global d’arrivée de ces deux dernières années ([23]). La dynamique migratoire est massive et affecte profondément la situation socio‑spatiale de l’archipel. Près d’un habitant sur deux à Mayotte est de nationalité étrangère (entre 140 000 et 150 000 en 2023), une majorité de ces étrangers étant en situation irrégulière. La pression migratoire s’accompagne de la construction de réseaux de criminalité autour de l’activité de convoyage illégal transfrontière de personnes et de marchandises.
Du fait de leur situation irrégulière et d’une forte précarité socio‑économique, les populations immigrées investissent les marges urbaines de Mayotte, contribuant au développement de quartiers informels (bidonvilles). Ces quartiers constituent des zones insalubres, exposées aux risques sociaux et environnementaux. Les services de l’État, à commencer par la Gendarmerie nationale, y opèrent avec difficulté.
3. Un archipel affecté par une succession de crises, notamment sécuritaire, jusqu’à la catastrophe Chido
La pauvreté de l’île se conjugue avec des vulnérabilités structurelles majeures, qui alimentent un état constant de crise (sanitaire, hydrique, sociale etc.). L'accès à l'eau potable reste problématique pour une grande partie de la population. Les coupures d’eau sont structurelles depuis la crise hydrique de 2023 (entre deux et trois jours par semaine de coupure d’eau à la mi-2025). Les systèmes d'assainissement ne couvrent par l’ensemble des habitants de l’île, et les infrastructures de santé restent sous‑dimensionnées face aux besoins. En témoigne l’épidémie de choléra qui a frappé l’île en 2024, suscitant plus de 200 cas. Enfin, les tensions sociales liées à la pression démographique, l'insécurité chronique ou la précarité des conditions socio-économiques se traduisent régulièrement par des grèves générales paralysant l'ensemble de l'activité économique de l'île. Ces mouvements sociaux d'ampleur bloquent les infrastructures essentielles comme l'aéroport, le port et les axes routiers principaux. L'accumulation des frustrations liées à la pauvreté, au chômage massif et à l'inefficacité perçue de l'action publique alimente un cycle récurrent de contestation sociale qui fragilise davantage la stabilité institutionnelle et économique du territoire.
Surtout, les forces de sécurité intérieure sont en première ligne pour affronter la crise sécuritaire qui frappe Mayotte depuis plusieurs années. L’archipel connaît une augmentation de l’insécurité, qui s’incarne notamment dans la hausse de la violence juvénile marquée par un phénomène de « bandes ». Cette dynamique d’insécurité peut donner lieu à des actes particulièrement violents et spectaculaires : barrages sauvages et « coupeurs de route » ([24]), caillassages, affrontements violents entre groupes, extorsions, pillages et destructions de biens. En 2024, les services de la police et de la gendarmerie ont par exemple comptabilisé sur le département près de 618 vols avec armes (+7,5 % par an depuis 2016), 2 070 actes de violences physiques hors cadre-familial (+5,2 % par an depuis 2016), 2 248 dégradations et destructions volontaires (+7,7 % depuis 2016) ([25]). Les homicides (18 en 2024, soit +7,6 % par an) et tentatives d’homicides (56 en 2024, soit +13,7 % par an) sont également en progression. Le département a en particulier été marqué par des épisodes majeurs de troubles à l’ordre public au premier trimestre 2024.
Les militaires de la gendarmerie sont particulièrement engagés pour lutter contre l’insécurité et les troubles à l’ordre public, en témoigne l’attrition significative du personnel. La gendarmerie a recensé 618 agressions contre ses personnels à Mayotte en 2024, 1 094 en 2023 ainsi que près de 129 blessures suite à une agression, 223 en 2023 ([26]).
Le cyclone tropical Chido est venu percuter de plein fouet un département déjà accablé par ces crises structurelles. Avec un classement en catégorie 4 ([27]), le cyclone est le plus intense qu’ait connu l’archipel en 90 ans, avec des vents dépassant les 200 km/h. Il a dévasté le département, faisant officiellement près de 40 morts et plusieurs milliers de blessés. Les dégâts matériels ont été immenses. Les infrastructures essentielles comme le port, les locaux des administrations publiques, une grande partie des habitations, ont été endommagés. Dans un archipel où un tiers des habitants est en tôle et considéré comme précaire ([28]), les dégâts sont d’autant plus importants.
B. Les missions de la Gendarmerie, reflets de la complexité de l’action de l’Etat sur le territoire mahorais
1. Un dispositif de Gendarmerie à l’assise croissante mais qui reste sous‑dimensionné par rapport à sa zone de responsabilité
Le commandement de la gendarmerie de Mayotte (COMGENDYT), qui dépend du Commandement de la gendarmerie Outre-mer (CGOM), dispose d'un effectif total de 850 personnes (gendarmes et supports) à la mi‑2025. Ils se répartissent entre 140 personnels de soutien et 710 personnels opérationnels incluant les escadrons de gendarmerie mobile. Le centre de commandement de la gendarmerie est situé à Pamandzi, sur Petite Terre, la plus petite des deux îles principales de l’archipel.
Son dispositif est construit sur un modèle unique, qui rassemble sous une même autorité des capacités d’échelons départementale, zonal et régional, et qui s’explique par trois caractéristiques majeures :
- L’isolement géographique ; Si dans l’hexagone les renforts peuvent être rapidement acheminés d'une région à l'autre, les distances pour rejoindre Mayotte rendent extrêmement difficile la bascule de moyens d'un territoire à l'autre en cas de crise. Il faut entre 2 h 15 et 3 heures pour rejoindre le département en bateau depuis La Réunion, au moins 9 h 45 au départ de Paris.
- Le niveau de violence relativement plus élevé que sur le reste du territoire national ; à titre d’illustration, la police et la gendarmerie relevaient 716 faits de vols à main armée à Mayotte en 2024, soit le département avec le plus grand nombre de faits recensés, après la Guyane (1 054 faits) ([29]).
- La nature internationale de la criminalité organisée ; à l’instar d’autres territoires ultra-marins, Mayotte constitue « un îlot de prospérité au milieu d'un océan de misère » ([30]), avec un différentiel économique considérable avec les États voisins (Comores, Madagascar, Afrique australe et des Grands Lacs). Il attire des flux migratoires clandestins et réseaux criminels transnationaux.
a. La Gendarmerie départementale est en croissance mais reste encore sous-dimensionnée par rapport à sa zone de responsabilité
Le niveau départemental intègre les effectifs de gendarmerie départementale, qui représentent près de 320 gendarmes. Ils doivent assurer la couverture de la plus grande part du territoire du département, et ont vu leurs effectifs presque doubler en dix ans afin d’accompagner la dynamique démographique de l’archipel, d’un effectif théorique de 164 ETP en 2014 à 316 en 2024. La Gendarmerie nationale doit couvrir 16 des 17 communes de l’île ; Mamoudzou, chef-lieu de Mayotte, est placée en zone de compétence de la Police nationale.
Néanmoins, l’effectif de la Gendarmerie départementale reste sous‑dimensionné, par rapport au standard hexagonal, pour couvrir sa zone de responsabilité. Avec 316 gendarmes départementaux pour 321 000 habitants, cela représente en moyenne 1 015 habitants par gendarme d’unité élémentaire, quand la moyenne hexagonale s’établit à 528 habitants.
Zone de compétence de la Gendarmerie nationale à Mayotte (en bleu marine)
b. Le renfort massif de la Gendarmerie mobile est nécessaire pour assurer une couverture adéquate du territoire
L'échelon zonal représente 60 % des effectifs totaux, soit environ 400 gendarmes mobiles et près de 5 escadrons. Cette configuration a récemment évolué. Jusqu'à la mi-2025, 5,75 escadrons de gendarmes mobiles étaient déployés sur le territoire, mais les tensions sur les ressources humaines de la gendarmerie, dans un contexte global de suractivité de la gendarmerie mobile, ont conduit à réduire depuis ce nombre à 4,75 escadrons.
Les gendarmes mobiles sont présents sur des opérations semblables aux missions métropolitaines : maintien de l’ordre, renfort de la gendarmerie départementale, protection d’édifices sensibles, escortes sensibles, sécurisation d’opérations des services de l’État. Ils doivent également s’adapter aux spécificités des missions à Mayotte (violences urbaines, contributions aux actions de LIC -lutte immigration clandestine-) et aux conditions climatiques et urbaines mahoraises.
La gendarmerie mobile constitue, pour les autorités de gendarmerie, un élément essentiel de la capacité de couverture opérationnelle du terrain à Mayotte. L'équation, exprimée par une autorité de gendarmerie rencontrée sur place par votre rapporteure, est simple : « Avec 4 escadrons de gendarmerie mobile, nous perdons du terrain. À 5 escadrons, nous assurons une stabilité de la situation. À 6 escadrons, nous progressons ». Elle illustre l'importance critique de ces effectifs pour le contrôle territorial et la projection de forces dans un environnement où les défis sécuritaires sont constants. La descente récente à 5 escadrons place donc le dispositif dans une posture de maintien d’une situation stabilisée plutôt que de reconquête de l’espace, notamment dans les zones sensibles.
Outre les enjeux d'effectifs, votre rapporteure souhaite exprimer sa préoccupation quant aux conditions de logement des gendarmes mobiles. D’abord, une part significative de ces logements est en prise à bail extérieur, avec les inconvénients que cela suppose pour l’organisation de l’activité, mais aussi de concurrence pour le parc de logement dans un contexte de réduction du parc immobilier disponible dans l’archipel après Chido. Qu’ils logent en caserne ou dans un logement locatif, les gendarmes sont soumis à la crise hydrique structurelle qui frappe le département. Les tours d'eau, organisés quasi quotidiennement, imposent des coupures pouvant atteindre jusqu'à trente-six heures consécutives. Ces conditions matérielles dégradées, qui s'ajoutent à l'intensité opérationnelle des missions, pèsent inévitablement sur les conditions de vie et le moral des personnels déployés à Mayotte.
c. Le commandement de Gendarmerie de Mayotte met également en œuvre des capacités spécialisées
Enfin, la gendarmerie de Mayotte dispose de capacités spécialisées, dont certains relèvent d’une « régionalisation » des moyens mahorais de la gendarmerie pour tenir compte de l’isolement du territoire. La gendarmerie de Mayotte dispose ainsi d’une section de recherches, d’une antenne du GIGN et d’un groupe interministériel de recherche sur le département. Son organisation intègre également d’autres éléments spécialisés : un peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG), une brigade nautique côtière, une brigade de recherche, une maison de protection des familles, une brigade de gendarmerie des transports aériens et une section aérienne de gendarmerie. Un détachement des pelotons d’intervention de la Garde Républicaine (PIGR) est également positionné à Mayotte.
2. Maintien de l’ordre et lutte contre les violences de types urbaines
La première mission de la Gendarmerie nationale se concentre sur le maintien de l’ordre sur un territoire fractionné par les phénomènes de bandes, les actes de violences urbaines, les pillages et les règlements de compte entre différents groupes. La part d'atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes et les violences quotidiennes, notamment à l'encontre des forces de l'ordre, entretiennent un sentiment d'insécurité.
La délinquance à laquelle les gendarmes doivent faire face se développe tout particulièrement dans les bidonvilles, avec un phénomène de « bandes » difficile à endiguer. Les personnes qui habitent dans les « banga » (souvent des habitations de fortune) doivent subir un climat de violence banalisée. La situation a été particulièrement alarmante en 2023 et début 2024, pendant laquelle les chefs de bandes et les plus jeunes habitants ont fait régner un climat d’insécurité, s’appuyant sur ces zones où les activités professionnelles illégales sont très prégnantes et où les forces de l’ordre peinent à se projeter et se déplacer. 96 phénomènes de bandes au 1er semestre 2025 ont été relevés, surtout dans les communes de Koungou & Dembéni ([31]). Des rivalités territoriales mènent à des affrontements violents, dont les infrastructures, les populations civiles et les forces de l’ordre deviennent des dommages collatéraux.
La délinquance d’appropriation, notamment les vols à main armée et cambriolages représente une menace pour la sérénité des habitants de l’archipel. Le phénomène des « coupeurs de route », apparu à Mayotte il y a une dizaine d'années, a ainsi profondément marqué le quotidien des habitants. Cette criminalité a suscité un véritable bouleversement des pratiques sociales des Mahorais : dès la tombée de la nuit, les habitants s'imposent eux‑mêmes un couvre‑feu pour éviter d’être victime d’un vol à main armée s’appuyant sur un barrage sauvage d’un axe routier. Si les forces de gendarmerie sont parvenues au cours des années 2024 et sur la première moitié de 2025 à ramener ce phénomène à un niveau moins systématique, notamment en ciblant et en arrêtant les chefs de bande considérés comme prioritaires, la situation reste préoccupante. Bien que désormais épisodique plutôt que généralisé, le phénomène demeure fréquent avec des incidents chaque semaine.
Enfin, la sécurisation des espaces scolaires constitue une mission d’une intensité particulière pour les forces de gendarmerie, confrontées à une forte problématique de rixes impliquant des populations scolaires. Cette mission est donc quasi-quotidienne, extrêmement chronophage et très consommatrice de moyens humains et matériels. Les gendarmes travaillent en étroite collaboration avec le rectorat et s'efforcent d'assurer une présence constante ainsi qu'une capacité d'intervention très rapide. Le bilan est alarmant : sur la seule année scolaire 2024‑2025, sept enfants scolarisés ont été tués, essentiellement lors d'affrontements ou de règlements de comptes. Ces violences peuvent trouver leur origine dans des rivalités ancestrales entre quartiers ou villages, mettant aux prises des bandes d'enfants parfois très jeunes (onze, douze ans). Ces drames surviennent principalement sur le chemin de l'école et dans ses abords, les établissements eux‑mêmes parvenant à être sécurisés. La violence touche également les transports scolaires : les 300 bus qui assurent quotidiennement 1 700 courses sont régulièrement victimes de caillassages, aggravant encore la vulnérabilité des élèves dans leurs déplacements.
b. Des conditions d’engagement particulièrement éprouvantes nécessitant une approche spécifique du phénomène mahorais de violence urbaine par la Gendarmerie
L’intensité de la mission de maintien de l’ordre public justifie tout particulièrement la présence renforcée de la gendarmerie mobile et d’un détachement issu des pelotons d’intervention de la Garde républicaine (PIGR) sur le territoire. Rehaussé à 4 escadrons en 2022 et 2023, au plus fort de la crise sécuritaire sur le département, le dispositif de gendarmes mobiles a encore été renforcé après Chido. Un peloton d’intervention de la Garde Républicaine (PIGR) est également stationné à Mayotte. Avec un équipement généralement plus léger que celui qu’il met en œuvre dans l’Hexagone, le PIGR a vocation à assurer des missions délicates de rétablissement de l’ordre, d’identification et d’interpellation ainsi que de « quasi contre-guérilla » ([32]) dans les situations de violences urbaines. Armé de 16 militaires commandés par un officier, il assure une réserve d’intervention immédiate permanente de 12 militaires.
À Mayotte, les conditions d'engagement de la gendarmerie mobile présentent une intensité particulière liée à la position singulière du territoire sur le continuum de gestion de l'ordre public. Sur la majorité des interventions en France, les forces de l'ordre évoluent principalement dans un cadre de niveau d’intensité relevant du « maintien de l'ordre » avec des interventions ponctuelles dans un niveau supérieur d’intensité renvoyant au « rétablissement de l’ordre ». La situation mahoraise se caractérise par un glissement régulier vers le troisième niveau du continuum, celui des « violences urbaines » ([33]). Les unités déployées font face à des affrontements récurrents entre bandes, des barrages routiers, des tensions persistantes et des prises à partie qui les placent de facto dans une situation intermédiaire entre rétablissement de l'ordre et violences urbaines. L'engagement à Mayotte se distingue ainsi par une intensité opérationnelle soutenue, où le maintien de l'ordre au sens classique cède régulièrement la place à des interventions plus robustes.
La Gendarmerie est très régulièrement prise à partie dans le cadre des épisodes de violences urbaines. Intervenant généralement pour s’interposer entre bandes dans le cadre de rixes, ou pour mettre fin à des phénomènes de criminalité en bande organisée, les gendarmes et leurs véhicules sont très régulièrement attaqués dans des épisodes d’extrême violence (jets de pierre, jets de fers à béton notamment). Ils subissent une forte attrition, qui justifie l’usage de capacités blindées (notamment les 13 véhicules blindés à roues de la gendarmerie déployés à Mayotte). À lui seul le département de Mayotte représentait ainsi 11,3 % de la totalité des agressions de gendarmes recensées pour l’ensemble de la France en 2024, 20,3 % en 2023 ([34]).
L’état des véhicules de la Gendarmerie rend compte de l’intensité de certains épisodes de « caillassage », durant lesquels des barres en métal taillées sont parfois utilisées pour perforer les carrosseries et viser les militaires de la gendarmerie (voir trous de perforation dans les photos ci-dessous).
Véhicule de la Gendarmerie – photos prises lors du déplacement de votre rapporteure en juin 2025
La gendarmerie, à l’instar de la Police nationale, a su adapter ses modalités d’action pour faire face à cette intensité spécifique au contexte mahorais. L’usage de moyens intermédiaires (gaz lacrymogène, grenades, boucliers et bâtons) est privilégié. Les gendarmes rencontrés par votre rapporteure précisent que le recours aux armes létales demeure rarissime, et ce malgré un niveau de violence et de mise en danger des militaires qui atteint régulièrement le seuil pouvant justifier leur utilisation.
En outre, le Commandement de la gendarmerie de Mayotte, en concertation avec la Police nationale, a décidé depuis avril 2024 d’un changement de ses méthodes de gestion des violences urbaines. Cette nouvelle doctrine opérationnelle, qui privilégie désormais les actions de contact visant à identifier, cibler et appréhender rapidement les individus violents pour enrayer les phénomènes de groupes, plutôt que la gestion de foule par l'utilisation de grenades et gaz lacrymogènes, se révèle particulièrement efficace. En conséquence de ce changement de mode opératif et d’une moindre occurrence des phénomènes de violences urbaines, le nombre de tirs de grenades des forces de Gendarmerie à Mayotte a fortement baissé, près de -75 %, entre le 1er semestre 2024 (11 636 grenades) et le 1er semestre 2025 (2 935). Cette réduction massive permet une économie substantielle de munitions lacrymogènes tout en améliorant l'efficacité opérationnelle du dispositif.
c. Des difficultés opérationnelles subsistantes liées au contexte opérationnel et géographique du maintien de l’ordre à Mayotte
La gendarmerie se heurte néanmoins toujours à plusieurs difficultés dans ses opérations de maintien de l’ordre, notamment pour l’identification et l’interpellation des personnes suspectées de violences. D’abord, les gendarmes doivent composer avec un terrain urbain dense et dégradé et dans lequel les membres des bandes violentes peuvent aisément se dissiper, a fortiori lorsque les incidents ont lieu pendant la nuit. En outre, les nombreux habitats informels, bien que précaires, constituent juridiquement des domiciles protégés, ce qui impose le respect des procédures d'autorisation préalable par l'autorité judiciaire pour toute intervention.
Si la question de l’adaptation du cadre juridique d’action des gendarmes à Mayotte mériterait d’être étudiée de manière approfondie, votre rapporteure souhaite mettre en exergue la question de l’adaptation des moyens capacitaires dont dispose le COMGENDYT pour mieux appréhender les situations de rixes et violences urbaines, autour de deux axes, facilitant la surveillance et l’identification des individus violents :
- Renforcer les capacités drones ; Actuellement dotée d’une dizaine de drones (petits drones commerciaux) la gendarmerie de Mayotte a pu constater leur efficacité pour assurer la connaissance du terrain, le suivi de ses opérations dans les zones difficilement praticables et l’identification des individus suspectés de violences. Le COMGENDYT ne dispose toutefois que d’une capacité limitée et financée en partie sur son budget propre. 3 appareils sont financés directement sur les crédits de fonctionnement du commandement de Mayotte, six appareils sont issus d’une dotation par l’échelon national de gendarmerie. Il manque en outre d’une organisation pérenne pour cette capacité, qui dépend aujourd’hui de l’initiative individuelle de gendarmes mobiles, qui n’ont pas de formation ou de désignation d’emploi spécifiques. Compte tenu des limites de la capacité hélicoptère pour la Gendarmerie de Mayotte (1 seul appareil AS 350 « Écureuil » approchant les 40 ans d’ancienneté Gendarmerie nécessitant des arrêts techniques fréquents et affichant un coût d’emploi élevé), le renforcement de la capacité drones apparaît pourtant prioritaire pour l’action de la Gendarmerie à Mayotte.
Proposition : Structurer et renforcer la capacité drones tactiques de la Gendarmerie de Mayotte avec un budget dédié pour faciliter les actions de maintien de l’ordre et des formations spécifiques pour les pilotes
- Étudier l’emploi de munitions marquantes ; Pour la gestion des situations de violences urbaines de haute gravité, l'emploi de munitions non-létales et marquantes avec des armes intermédiaires pourrait être étudié. Cette solution offrirait des capacités accrues pour identifier les auteurs de violences (marquage persistant y compris en cas de changement de tenue) et renforcer les possibilités de mise à distance. Le dispositif MADI (marquage à distance individualisation), qui a connu certaines expérimentations au sein de la gendarmerie depuis 2021, pourrait être davantage étudié pour l’emploi dans le contexte sécuritaire mahorais, car permettant de faciliter la mise à distance et/ou l’interpellation des individus violents. Il a pour objectif de marquer tout auteur d'infraction grave dans un contexte de troubles à l'ordre public qui ne permet pas son interpellation dans le temps de la commission des faits.
3. Assurer la sécurité des activités quotidiennes dans un environnement sécuritaire dégradé
La gendarmerie a pour mission d'assurer le contrôle des transports et les patrouilles sur le territoire, une fonction essentielle pour maintenir une présence auprès des populations, les rassurer et permettre une intervention rapide en cas de signalement. La prévalence de la violence dans certains quartiers suscite une inquiétude croissante parmi les civils, qui nécessite des dispositifs qui n’ont pas d’équivalent sur le territoire français.
Ainsi, à Mayotte, l'escorte ou la présence préventive de la Gendarmerie est requise pour plusieurs activités : encadrement de randonnées, surveillance des plages ou accompagnement de sorties scolaires sont autant de missions qui s'ajoutent aux fonctions traditionnelles des forces de l'ordre. Depuis 2022, la Gendarmerie déploie l'opération « Matémembezi Ya Ounafassi » (balades tranquilles), consistant en des patrouilles annoncées sur les réseaux sociaux pour sécuriser les sentiers de randonnée, les plages et les sites naturels prisés. Ces dispositifs, notamment renforcés le week-end et durant la saison estivale, visent à permettre aux Mahorais et aux touristes de se réapproprier ces lieux sans craindre les agressions et rançonnements.
Mayotte témoigne d’une forte densité démographique et d’un réseau routier fortement congestionné. Entre 2017 et 2021, on dénombrait 49 tués ([35]). En 2024, le bilan s’établit à 26 accidents, avec 2 personnes tuées et 46 blessés. La gendarmerie assure des missions de contrôle du transport routier portant sur la vitesse, la prise de stupéfiants et d'alcool ainsi que sur les licences de taxi. Un plan départemental d'action sur quatre ans en faveur de la sécurité routière a été lancé en 2023, incluant notamment des partenariats avec Transdev pour la sécurisation du transport scolaire.
4. Sécurisation des opérations de démolition d’habitats illégaux
Le préfet de Mayotte, en ayant recours aux dispositions de la loi « ELAN », peut faire procéder à la destruction des habitats, souvent indignes et insalubres, construits sans droit ni titre, sur des terrains appartenant au Conseil départemental, au syndicat mixte d'eau et d'assainissement de Mayotte (SMEAM) et à des propriétaires privés. Ces opérations, qu’elles se tiennent en zone de compétence gendarmerie ou en zone police, se font avec le concours de la gendarmerie, seule force de sécurité intérieure à disposer d’unités de force mobile à Mayotte.
En 2024, 8 opérations ont été menées sur le département. 902 habitations illégales ont été détruites. Sur le premier semestre l’année 2025, 3 opérations ont été menées, et 6 sont programmées jusqu’à la fin de l’année. La quasi-totalité des opérations en zone gendarmerie comme en zone police nécessite une sécurisation par au moins un escadron de gendarmerie mobile.
5. Participation à la lutte contre l’immigration clandestine (LIC)
La lutte contre l'immigration clandestine (LIC) constitue une mission transversale à Mayotte, mobilisant l'ensemble des services de sécurité de l’État. Bien que cette mission relève prioritairement de la compétence de la police aux frontières, l'ampleur du phénomène impose la contribution de tous les acteurs publics présents sur le territoire.
En 2024, près de 20 000 personnes en situation irrégulière ont été expulsées de Mayotte, ce qui confirme la place du département comme le premier territoire français en matière de reconduites à la frontière. Le caractère répétitif des tentatives de franchissement, favorisé par la proximité géographique des îles des Comores crée un phénomène de « porte tournante » : un grand nombre de personnes reconduites réembarquent quelques jours plus tard pour tenter à nouveau la traversée, et ce au péril de leur vie. Toutefois, le profil des migrants évolue et complexifie davantage la gestion de cette crise migratoire. Aux côtés des ressortissants comoriens et malgaches, qui constituent historiquement l'essentiel des flux, apparaissent désormais des migrants originaires d'Afrique continentale : notamment Somaliens, Rwandais, Congolais, Burundais. Les migrants originaires de Somalie se trouvent dans une situation de blocage : impossibles à reconduire faute d'accord de réadmission avec leur pays d'origine, ils demeurent durablement à Mayotte dans l'attente hypothétique d'une ouverture vers le continent européen.
Un « point de bascule » dans la lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte : l’impératif renforcement des moyens
Le plan « Mur de fer » annoncé en avril 2025 par le Président de la République, vise à atteindre 35 000 reconductions à la frontière, soit une augmentation de 75 % par rapport à 2024.
Votre rapporteure souhaite alerter sur la nécessité de doter Mayotte de moyens adaptés pour la lutte contre l'immigration clandestine. Selon les autorités rencontrées sur place, l'île se trouve aujourd'hui à un "point de bascule". Si les investissements pertinents sont réalisés dans les cinq à dix ans qui viennent, il sera encore possible de stopper les flux migratoires et de réduire les effectifs de la population en situation irrégulière présente sur le territoire. Une dynamique soutenue de reconduites à la frontière, de l'ordre de 25 000 à 35 000 personnes par an, permettrait selon les autorités rencontrées par votre rapporteure de transformer profondément le visage de l'archipel en une décennie. À l'inverse, l'absence d'investissements suffisants risque de faire basculer définitivement la situation hors de contrôle, rendant caduque toute perspective de maîtrise migratoire.
Les moyens de détection doivent être renforcés. La préfecture mobilise trois avions P68 dans le cadre d'un contrat externalisé de surveillance du trait de côte, permettant d’assurer des vols de patrouille quotidiens qui ont démontré leur efficacité. La section aérienne de gendarmerie (SAG) armée par 8 personnels dont 3 pilotes, est également mobilisée pour des missions de détection par hélicoptère, mais son action reste limitée par la vetusté du matériel. Les radars de surveillance côtière de la Marine nationale, endommagés par Chido, ont été remplacés. Toutefois, le renforcement prévu du dispositif avec l'installation d'un quatrième radar plus perfectionné en 2027 doit impérativement être amené à son terme : il disposerait d’un champ de détection bien plus étendu, permettant de détecter les embarcations bien plus tôt.
Surtout, les moyens d’interception doivent permettre d’assurer une permanence du contrôle des arrivées, face aux stratégies de saturation des passeurs. Sur le plan maritime, le format actuel prévoit une permanence de trois intercepteurs de l'État en mer. Les capacités humaines et matérielles actuellement disponibles (intercepteurs de la brigade nautique de gendarmerie ainsi que les intercepteurs de la police aux frontières, dont certains endommagés par Chido) atteignent cet objectif au prix d’une forte tension. En outre, les deux vedettes de la gendarmerie maritime, essentielles pour la coordination des opérations, ont été détruites par Chido. Elles sont en cours de remplacement (une vedette remplacée à l’été 2025, remplacement de l’autre vedette programmée). Pour votre rapporteure, la restauration et l'augmentation des capacités d’interception doit constituer une priorité absolue.
La Gendarmerie prête son concours à la lutte contre l’immigration clandestine tant sur le volet terrestre que maritime. Depuis le cyclone Chido, sa contribution relative est croissante ; la part de la gendarmerie dans les interpellations est passée de 25 % à 40 % du total des opérations menées conjointement avec la police et la police aux frontières.
La brigade nautique de la gendarmerie de Mayotte dispose de 4 intercepteurs semi-rigides qui opèrent en continu. Le parc nautique doit passer en 2026 pour la gendarmerie de 4 à 5 intercepteurs. Si ses missions incluent également le secours en mer, la lutte contre l'immigration clandestine représente de facto la majorité de ses interventions. Coordonnée par le poste de commandement de l'action de l'État en mer, elle assure une couverture régulière du lagon, et ce malgré la dégradation importante du système de détection radar dans le sillage de Chido. Entre janvier et juillet 2025, la brigade nautique a réalisé en moyenne 511 interpellations par semaine en mer.
Sur le volet terrestre, la gendarmerie peut être amené à déployer l’ensemble de ses effectifs sans qu'aucune unité ne soit exclusivement dédiée à cette mission. Entre janvier et juillet 2025, une moyenne de 220 interpellations par semaine a été effectuée, soit 4 862 au total sur cette période.
II. Face à la catastrophe Chido, le rôle salué et essentiel de la Gendarmerie pour rétablir l’ordre public et soutenir la réhabilitation des services essentiels
A. La gestion des catastrophes naturelles, une mission de référence de la Gendarmerie nationale
1. Une mission historique pour la Gendarmerie nationale, suscitant des engagements d’ampleur ces dernières années
La participation à la gestion des crises naturelles majeures constitue l'une des missions historiques de la Gendarmerie nationale. Son action repose sur trois piliers fondamentaux. D’abord, son ancrage territorial, qui fait d'elle le premier acteur de sécurité présent au plus près des populations. Ensuite, sa militarité, qui lui confère robustesse et adaptabilité opérationnelle. Enfin, sa capacité à mettre en œuvre des capacités pivots susceptibles d'être projetées rapidement sur l'ensemble du territoire national.
Au cours des quatre dernières années, sur le territoire national, la gendarmerie a mobilisé près de 6 000 militaires dans le cadre d’interventions destinées à protéger les populations face à des catastrophes naturelles majeures. Sur la période considérée, cinq opérations ont été conduites en métropole (55,6 %) et quatre en outre-mer (44,4 %). S’agissant de l’outre-mer, les interventions se partagent à parts égales entre Mayotte et La Réunion, avec deux opérations chacune (50 % des événements outre-mer).
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Dates |
Type de catastrophe |
Localisation |
Nombre de militaires mobilisés |
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12 juillet – 14 août 2022 |
Mégafeu de forêt |
Gironde |
254 |
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28 octobre – 4 novembre 2023 |
Tempête Ciaran-Domingos |
Ouest de l’Hexagone |
2 310 |
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15 janvier 2024 |
Cyclone Belal |
La Réunion |
500 |
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17 octobre 2024 |
Inondations |
Rhône |
(non précisé) |
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14 décembre 2024 |
Cyclone Chido |
Mayotte |
1 169 |
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12 janvier 2025 |
Tempête Dikeledi |
Mayotte |
1 169 |
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28 janvier – 2 février 2025 |
Inondations |
Bretagne |
(non précisé) |
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27-28 février 2025 |
Cyclone Garance |
La Réunion |
945 |
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5-15 août 2025 |
Feu de forêt |
Aude |
250 |
2. Un dispositif national de gestion de crise renforcé avec la montée en puissance du Centre national des opérations (CNO)
Pour organiser la gestion d’une situation de crise majeure, la Gendarmerie peut compter sur un dispositif national robuste, renforcé en 2021 avec la création du Centre national des opérations (CNO). Cet organe central fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, armé par une centaine de militaires. Son contrat opérationnel est ambitieux : assurer le suivi des opérations quotidiennes, conduire simultanément deux ou trois engagements d'ampleur, ou piloter une situation de crise majeure. Ses missions couvrent la veille opérationnelle, la conduite et la planification des opérations, ainsi que l'animation, la formation et l'appui permanent aux échelons territoriaux, qu'il peut renforcer selon les besoins.
Le CNO constitue l'interlocuteur naturel du ministère de l'Intérieur mais aussi des autres centres de crise interministériels, en particulier le Centre de conduite des opérations du Ministère des Armées, avec lequel la coordination est cruciale pour la projection de moyens aériens ou navals.
Au niveau territorial, l’architecture de gestion de crise se décline selon un principe de subsidiarité et de montée en puissance progressive. Dès lors qu'un échelon territorial est dépassé par l'ampleur de la crise, l'échelon supérieur prend automatiquement le relais pour coordonner et renforcer l'action. Les centres zonaux des opérations (CZO), à l'échelon interdépartemental, constituent le pendant du CNO à leur niveau. Au niveau départemental, les échelons de commandement de premier niveau assurent le suivi opérationnel quotidien, la montée en puissance des dispositifs et le lien avec les autorités administratives (préfectures, sous-préfectures).
La gestion des crises Outre-mer fait l’objet d’une organisation particulière, qui mobilise particulièrement les équipes du Commandement de la gendarmerie outre-mer (CGOM). A l'instar des échelons zonaux métropolitains, le CGOM constitue un interlocuteur direct du CNO pour la conduite des opérations dans les territoires ultramarins, mais avec une démarche adaptée aux spécificités de ces théâtres éloignés et souvent plus exposés aux catastrophes naturelles.
B. La préservation de la vie humaine, une priorité pour les militaires de l’ordre public
Le cyclone Chido a frappé Mayotte le 14 décembre 2024, causant des dégâts considérables sur l'ensemble du territoire. Les infrastructures routières et de communication ont été gravement endommagées, isolant de nombreuses communes. Les vents violents ont détruit de nombreuses habitations, particulièrement dans les bidonvilles, et arraché la végétation, obstruant les axes de circulation. L'ensemble du réseau électrique et des télécommunications s'est trouvé hors service, rendant impossible toute coordination des secours dans les premières heures. Face à cette situation d'urgence, la gendarmerie a dû adapter immédiatement son dispositif opérationnel.
1. La gestion de crise post-Chido, centrée sur les missions de dégagement, de sécurisation et de secours d’urgence
Dans l’immédiat après-Chido et dans le développement de la réponse sur les jours et semaines qui ont suivi la mission de la gendarmerie s’est centrée sur quatre actions majeures :
- Le rétablissement des axes et relais de communication ; Dans les heures qui ont suivi le passage du cyclone, la Gendarmerie a joué un rôle déterminant dans le rétablissement des axes routiers en un temps record, une mission menée en collaboration avec les armées, alors que la quasi-totalité des infrastructures était dévastée. Cette manœuvre, coordonnée par le Commandement de la gendarmerie de Mayotte (COMGENDYT), en lien avec les militaires du 5e régiment étranger, s'est appuyée sur l'organisation de colonnes multimissions combinant désenclavement, sécurisation et assistance aux populations. La gendarmerie a pu s’appuyer sur ses moyens blindés (VBRG), faisant partie des rares forces capables d'opérer sur un terrain rendu impraticable par les destructions massives. La gendarmerie a également été essentielle dans le rétablissement des réseaux radios, qui a été effectué en seulement une semaine sur l'ensemble du territoire, un exploit logistique et technique dans un contexte post-catastrophe. C’est à l’occasion d’une opération de rétablissement d’un relais radio que le capitaine Florian Monnier, spécialiste des systèmes d’information déployé en renfort depuis le CNO, a trouvé la mort.
- Le désenclavement des communes ; Comme le rapporte une autorité de Gendarmerie auditionnée par votre rapporteur, cette mission a également mis à l’épreuve les capacités de médiation et d’information des forces. Chaque commune sinistrée se trouvait coupée du reste du territoire, générant un fort sentiment d'abandon parmi les habitants qui pensaient parfois avoir été les seuls touchés par le cyclone. Parmi l’ensemble des services publics, les gendarmes ont souvent été les premiers à rompre l'isolement des populations. Les autorités auditionnées par votre rapporteur saluent unanimement le rôle majeur joué par l’institution dans cette situation de détresse pour le territoire et la restauration de la confiance institutionnelle. L'accès à certaines localités et brigades s'est révélé particulièrement difficile. Trois jours ont ainsi été nécessaires pour rejoindre les brigades de Mtsamboro et de Mzouazia.
- Le secours aux personnes ; au global, les acteurs de la sécurité civile, dont la Gendarmerie nationale, ont pris en charge plus de 33 000 personnes lorsque Chido est survenu sur l’archipel. La gendarmerie a participé aux distributions de vivres par voie maritime ou aérienne organisées par les services de l’État, qui ont représenté près de 100 000 litres d’eau par jour et 281 tonnes de denrées alimentaires au global.
- La sécurisation et le maintien de l’ordre public, notamment pour les opérations de rétablissement des infrastructures vitales. Une partie de l’effort de la gendarmerie a porté sur le maintien de l’ordre, concentré dans les lieux d’importance vitale. 352 sécurisations ont ainsi été réalisées([36]). 14 000 appels ont été passés pour rassurer les populations([37]). L’audition de votre rapporteure avec le directeur de l’entreprise Électricité de Mayotte (EDM) a mis en exergue le rôle clé joué par la gendarmerie. En effet, bien que les agents d’EDM soient habitués à intervenir dans des contextes mettant en danger leur sécurité, le directeur d’EDM a souligné la nécessité de sécuriser les sites d’intervention et la base vie des renforts humains arrivant de l’Hexagone. Il a salué la qualité du travail, de la coordination et de la disponibilité des forces de gendarmerie, tributaire du rétablissement du réseau dans l’ensemble de l’archipel dans le courant du mois de janvier 2025.
2. Une mobilisation rapide malgré des conditions rudimentaires et des dommages importants sur les habitations et emprises de la Gendarmerie
Au lendemain du cyclone Chido, la situation de l’archipel était extrêmement précaire, affectant le dispositif de la gendarmerie. Les Gendarmes ont déploré de très nombreuses coupures électriques, dommages sur leur logement, ruptures des réseaux de communication. 70 % des gendarmes ont eu des dégradations de leurs habitations du fait de Chido([38]). En raison du manque de matériel de type Camp 150, les renforts ont dû être hébergés temporairement dans le gymnase du lycée de Pamandzi. Le manque de vivre pour les militaires et leurs familles s’est également fait ressentir([39]).
Pourtant, la rapidité de la mobilisation de la Gendarmerie a témoigné des atouts majeurs que constituent sa militarité et son mode de vie en caserne. La gendarmerie est caractérisée, dans les situations de catastrophe naturelle, par une double qualité de primo‑intervenant et de primo-affecté. Implantée au cœur des territoires, elle est souvent elle-même directement impactée par les événements : ses personnels vivent sur place, leurs familles subissent la catastrophe, et les casernes peuvent être endommagées. Paradoxalement, cette proximité constitue un atout majeur. Les casernes deviennent naturellement des points d'abri, de distribution de denrées, d'information et de sécurisation pour les populations sinistrées, constituant l'ossature de la réponse territoriale immédiate. Le logement en caserne offre également une sérénité aux militaires, qui savent leurs proches en sécurité et à proximité de leur lieu de service. Ce faisant elle permet une répartition optimale des effectifs : pendant qu'une équipe réduite assure le maintien et la sécurité de l'infrastructure militaire, la majorité des gendarmes peut se déployer rapidement et massivement sur le terrain pour porter secours aux populations. Face à l'ampleur de la catastrophe et la difficulté de certaines situations individuelles, l'État a proposé le rapatriement des ressortissants des services publics présents sur l'île et de leurs familles (incluant donc les familles de gendarmes) pour ceux qui le souhaitaient vers l’île de la Réunion ou l’Hexagone. Ce dispositif a notamment permis d’assurer une continuité scolaire pour les enfants.
La gendarmerie a pu en outre, dès l’immédiat post-Chido, s’appuyer sur une collaboration étroite avec les autres forces armées de l’archipel. Avant et pendant le cyclone, l’objectif a été de créer une zone refuge pour les militaires et les ayants droit afin de mettre à l’abri les familles et les ressources pour préserver les troupes d’inquiétudes personnelles. Cette zone a été déployées au Rocher, lieu d’implantation du 5e Régiment Étranger.
C. Les moyens et dispositifs déployés : l’impact sur la Gendarmerie nationale
La gendarmerie a su opérer une manœuvre logistique d’ampleur, mobilisant sa propre chaine nationale de soutien. Deux organes jouent un rôle déterminant dans cette chaîne logistique. Le Service du soutien et de la projection opérationnelle (SSPO) prépare et coordonne la projection des moyens dans le cadre des crises. Il a joué un rôle de premier plan lors du cyclone Chido à Mayotte, en organisant en urgence le pont aérien nécessaire à l'acheminement des renforts et du matériel. Les centres zonaux de soutien logistique (CZSL), répartis sur le territoire, constituent les relais régionaux de cette chaîne d'approvisionnement. La coordination de l'action logistique est assurée par le CNO, qui joue en particulier un rôle d'arbitrage et de priorisation des moyens.
Dans le cas de crise majeure dans les territoires ultramarins, comme ce fut le cas pour Chido, la gendarmerie dépend étroitement du dialogue et de la coopération avec les armées pour assurer la continuité des flux logistiques, via des moyens militaires de transport aérien ou maritime. Cette interdépendance illustre la nécessité d'une coordination interministérielle étroite, que le CNO est structuré pour faciliter.
La réponse au cyclone Chido a ainsi nécessité le déploiement de moyens aériens exceptionnels de l'Armée de Terre et de l'Armée de l'Air et de l'Espace (AAE). Un pont aérien a été établi depuis l'île de la Réunion, point d'appui de l'AAE dans l'océan Indien, permettant d'optimiser les rotations aériennes (norias) vers Mayotte. Dans un premier temps, deux avions de transport tactique légers Casa CN‑235 ont assuré l'acheminement des premiers secours et des biens de première nécessité. Cette capacité a été ensuite renforcée par le déploiement d'avions de transport stratégique A400M, permettant d'accroître significativement les volumes transportés. Un hélicoptère Super PUMA de l'armée de Terre a également été projeté pour faciliter les opérations héliportées sur zone. Au-delà de la seule projection de moyens humains et matériels, ce dispositif aérien a permis d'assurer dans les jours suivant la catastrophe des évacuations sanitaires médicalisées (MEDEVAC) de patients gravement blessés vers les structures hospitalières de la Réunion.
1. Un renforcement massif des ressources humaines et capacitaires de la Gendarmerie
L'anticipation logistique a constitué un facteur déterminant dans la capacité de réponse immédiate des unités de gendarmerie. Environ quarante‑huit heures avant le passage du cyclone Chido, des lots cyclone complets ont été déployés dans chaque unité de gendarmerie de Mayotte, permettant aux militaires d'être opérationnels dès les premières heures suivant la catastrophe. Ces kits de crise comprenaient l'ensemble du matériel nécessaire aux opérations de secours et de sécurisation : des équipements d'éclairage autonome (lampes), des outils de déblaiement et de découpe (tronçonneuses et disqueuses) indispensables pour dégager les axes de circulation et porter secours aux populations isolées, ainsi que des groupes électrogènes assurant l'autonomie énergétique des unités.
Après le cyclone, l'ampleur de la catastrophe a nécessité une montée en puissance considérable des effectifs de gendarmerie déployés sur le territoire mahorais. Aux 349 militaires de la gendarmerie de Mayotte normalement positionnés sur l'archipel, se sont ajoutés 822 gendarmes projetés en renfort depuis la métropole et la Réunion, soit une multiplication par plus de trois des effectifs présents. 579 gendarmes mobiles et 201 gendarmes territoriaux organisés en compagnies de marche ont été déployés, auxquels s’ajoutent des militaires apportant des capacités spécialisées et de soutien : personnel de compagnie de marche, enquêteurs et techniciens de l'Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN) pour les investigations post‑catastrophe, spécialistes du Service du Soutien à la Projection Opérationnelle et du Centre national des opérations assurant la coordination logistique et opérationnelle, personnels dédiés aux transports maritime et aérien, ainsi qu'une Équipe Médicale Opérationnelle de la Gendarmerie (EMOG) garantissant le soutien sanitaire des forces déployées
La gendarmerie a également déployé du matériel de soutien et spécialisé, dont quinze camions militaires TRM (Toutes Roues Motrices) et quatre Véhicules blindés à roues de la Gendarmerie (VBRG). Au global, pour la Gendarmerie, ce sont 200 mètres cubes de matériel qui ont été livrés par voie aérienne, 723 mètres cubes par voie maritime, permettant le soutien des militaires et de leurs opérations (matériel de protection, hébergement, alimentation, transmissions, équipement police judiciaire, armement et munitions etc.).
2. Un engagement couteux pour les crédits de la Gendarmerie
Au plus fort de la crise, plusieurs centaines militaires de la Gendarmerie ont été déployés, pour un surcoût de crédits de personnel (T2) estimé à 15,9 M€ (hors contributions CAS Pensions).
Surtout, la pérennisation du dispositif renforcé à Mayotte suscite un coût supplémentaire pour la gendarmerie sur l’exercice 2025, qui devrait se maintenir en 2026. Ainsi, la présence, à Mayotte, à la mi-2025, de 4,75 escadrons de gendarmerie mobile, ainsi que d’un renfort de 17 gendarmes départementaux, suscite un surcoût annuel de 7,2 M€ en crédits de personnel. Toutefois, ce dispositif demeure insuffisant au regard de la situation sécuritaire de l'île. Sans une augmentation significative et pérenne des effectifs de gendarmerie territoriale, il faudrait disposer d’entre 5 et 6 escadrons de gendarmerie mobile pour assurer véritablement la maîtrise et la reconquête de l'ordre public à Mayotte, selon les autorités de gendarmerie rencontrées par votre rapporteure.
S’agissant des crédits hors-T2, le coût du renforcement du dispositif mahorais atteindrait 44,9 M€ en 2025 (montant couvrant les frais d’alimentation, le déplacement, l’envoi de véhicules et matériel spécifiques de gestion de crises etc.). S’ajoute un surcoût de 0,4 M€ relatif à l’utilisation de moyens aéronautiques (vols d’hélicoptères), pour partie au profit d’autres administrations.
III. Après Chido, un renforcement nécessqire de la Gendarmerie pour accompagner la refondation de Mayotte
A. Restaurer des capacités dégradées par la crise
1. Une dégradation des capacités et des insuffisances structurelles révélées par la crise
a. Un parc de logement et d’infrastructures de gendarmerie fortement dégradé
De nombreux logements des gendarmes ont été sinistrés, ce qui a nécessité un effort spécifique pour reloger une partie des ressortissants de la gendarmerie, avec le concours de la Préfecture, qui a réquisitionné des établissements hôteliers, ainsi que des solutions externalisées comme Airbnb.
Les casernes et infrastructures opérationnelles de la gendarmerie ont été significativement dégradées. Plusieurs infrastructures essentielles sont concernées : la brigade nautique de Pamandzi a ainsi été détruite ; le hangar de la section aérienne a lui aussi été touché, les portes ayant été arrachées.
À la mi-2025, une partie significative des infrastructures et logements concernés n’ont pas encore été réparées. S’agissant des logements, cela s’explique principalement par un manque de prise en charge par les propriétaires attendant une aide de l’État ou des assureurs, ainsi que par une disponibilité limitée des matériels et capacités de reconstruction sur l’archipel dans les mois suivants Chido.
Face à l'ampleur des dégâts, des travaux d'urgence ont été engagés dès 2025 pour remettre en état les infrastructures les plus critiques. Ainsi, 720 000 euros de travaux d'urgence ont été débloqués pour les sites de Pamandzi et Sada, permettant de restaurer les capacités opérationnelles minimales de ces casernes essentielles au dispositif de sécurité de l'archipel. Toutefois, ces interventions d'urgence ne constituent qu'une première étape. Reste que les infrastructures et les logements de la gendarmerie ne sont pas encore totalement adaptés aux menaces naturelles auxquelles Mayotte est exposée, et de nombreux travaux de réparation, de mise aux normes et de renforcement restent à prévoir pour garantir la résilience du dispositif face aux futurs cyclones.
L'expérience de Chido a néanmoins démontré que le casernement constitue un atout majeur de la gendarmerie dans sa capacité de réponse aux crises : la proximité des personnels et la disponibilité immédiate des infrastructures opérationnelles ont permis une mobilisation rapide et continue des effectifs malgré les conditions extrêmes. Cette résilience opérationnelle, rendue possible par le modèle du casernement, plaide pour faire de la modernisation et du renforcement des casernes une priorité stratégique face aux crises futures, particulièrement dans les territoires ultramarins.
b. Des insuffisances en matériel spécialisé et de soutien prépositionnés
Le parc de véhicules de la gendarmerie à Mayotte, qui présentait déjà des insuffisances de disponibilité a subi des dégâts. Ce parc comprend 32 véhicules légers de la Gendarmerie, dont 14 sont actuellement indisponibles, ainsi que 39 véhicules civils, avec 5 hors service. S'y ajoutent 17 VBRG (véhicules blindés), dont 6 indisponibles, et 36 camions TRM, dont 5 ne sont pas opérationnels. Un préfinancement de 565 000€ a été avancé pour la réparation des véhicules endommagés, mais il reste sous-dimensionné par rapport aux besoins. Surtout, l’insuffisance des moyens de la sécurité civile a reporté une part très forte de l’effort sur les capacités de la gendarmerie, limitant de fait sa capacité opérationnelle propre. 50 % des véhicules des armées ont été réquisitionnés au profit de la sécurité civile.
Les capacités prépositionnées de la gendarmerie en matière d’alimentation en eau et en vivres ont atteint leurs limites. Les vivres de la gendarmerie (rations de combat de type RICR) ont été insuffisants pour couvrir l’ensemble des besoins des militaires et de leurs familles, a fortiori pour les militaires en renfort de la gendarmerie mobile, imposant le recours à des solutions externalisées mais complexes à mettre en œuvre (recours aux restaurateurs locaux en particulier).
Le manque de matériels de soutien spécialisé prépositionnés, notamment d’infrastructures de campagne, a constitué un frein à la montée en puissance dans la phase initiale. En témoigne l’installation d’une partie des gendarmes de la compagnie de marche et des gendarmes mobiles au sein du gymnase de Pamandzi. De même, l’insuffisance de matériel pour le dégagement des infrastructures et axes routiers (tronçonneuses, groupes électrogènes) a contraint la capacité de réaction initiale de la gendarmerie. Enfin, les capacités de génération d’énergie ont manqué dans les zones isolées, imposant une réflexion spécifique sur l’acquisition de solutions de stockage d’énergie portable et de panneaux solaire.
A la lumière du retour d’expérience de la gestion de Chido, votre rapporteure relaie la préconisation d’une densification des lots cycloniques de la gendarmerie à Mayotte et dans les autres territoires susceptibles d’être affectés par des phénomènes de cyclones, autour de deux axes :
- Renforcer le ravitaillement en eau et rations alimentaires prévu pour les lots cycloniques, d’une durée de couverture de 48 heures à 96 heures, permettant ainsi d'assurer l'autonomie des forces dans les premières phases critiques d'une crise, avant l'arrivée des renforts et le rétablissement des circuits logistiques classiques.
- Ajouter davantage de matériels de soutien spécialisé : tronçonneuses, lampes, groupes électrogènes, entre autres.
Proposition : Densifier les lots « cyclone » de la Gendarmerie nationale en Outre-mer
L'absence de moyens de communication spécialisés et opérationnels en situation dégradée a suscité une rupture de contact avec les brigades installées dans les zones sensibles et isolées. Ainsi, les brigades de M'Tsamboro et M'Zouazia ont été « coupées du monde » pendant près de 3 jours, ce qui a pesé lourdement sur la capacité opérationnelle, la bonne coordination des opérations, et suscité un stress évident pour le personnel concerné et leurs familles.
Cette situation révèle un axe d’effort nécessaire : celui d'implanter de nouveaux systèmes de communication plus fiables et résilients. Une démarche d'acquisition pour des équipements fiables de type Starlink a été engagée par la Gendarmerie pour Mayotte. La généralisation du système Starlink en Guyane française a fait ses preuves en termes de connectivité, de communication et de géolocalisation dans des zones isolées et en situation dégradée. Son déploiement à Mayotte permettrait de garantir la continuité des liaisons opérationnelles, même en cas de destruction des infrastructures de télécommunication terrestres, et constituerait un investissement essentiel pour la résilience du dispositif de sécurité de l'archipel.
Proposition : Généraliser la dotation de matériel de communication résilient (type Starlink) pour les brigades les plus isolées dans les territoires ultramarins
B. Conforter la Gendarmerie dans son action pour la refondation de l’île
1. Réaliser les engagements prévus pour la gendarmerie dans le cadre du plan « Mayotte Debout » et de la loi sur la refondation de Mayotte
Le plan "Mayotte debout" a été annoncé en décembre 2024 et s'articule autour de deux textes législatifs complémentaires. Une loi d'urgence a été adoptée dès février 2025, qui a permis le rétablissement rapide des services essentiels (électricité, eau, soins) et l'acheminement de fret humanitaire et la mise en œuvre de mesures de réparation. Une loi de programmation pour la refondation de Mayotte est entrée en vigueur en août 2025 et vise à corriger structurellement les difficultés du territoire autour de quatre axes : lutte contre l'immigration (durcissement des conditions de séjour, suppression des titres territorialisés en 2030), sécurité (visites domiciliaires, lutte contre l'habitat informel), développement économique et social (zone franche, convergence du SMIC et des prestations sociales), et réforme institutionnelle (création du Département-région de Mayotte).
La loi de refondation programme près de 4 milliards d'euros d'investissements prioritaires pour renforcer les infrastructures, les effectifs de sécurité et l'accès aux services essentiels. Un Établissement public de refondation de Mayotte, sur le modèle de celui mis en place pour Notre-Dame, a également été créé en mai 2025.
Comme évoqué par votre rapporteure dans la première partie de ce rapport, la gendarmerie nationale à Mayotte, à l'instar des autres services de l'État, ne dispose pas aujourd'hui de l'assise nécessaire pour assurer pleinement ses missions. Avec 316 gendarmes départementaux pour 321 000 habitants, soit un ratio de 1 015 habitants par gendarme d'unité élémentaire contre une moyenne hexagonale de 528 habitants, le sous-dimensionnement chronique du dispositif est patent. Ce constat justifie pleinement les efforts prévus par la loi de programmation pour la refondation de Mayotte, qui programme l'arrivée de 55 ETP supplémentaires.
La loi de refondation inscrit formellement un renforcement des moyens de la Gendarmerie nationale, mais votre rapporteure déplore que ces engagements ne sont pas à ce jour traduits dans les crédits budgétaires accordés à la gendarmerie pour 2026. Le texte adopté prévoit explicitement « la création des brigades de Dzoumogné (10 gendarmes) et de Bandrélé (10 gendarmes) et du peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) de Dembéni (20 gendarmes) ; le renfort du centre opérationnel de renseignement de la gendarmerie (5 gendarmes) ; des renforts de police judiciaire (effectif de 10 personnes) », soit 55 ETP supplémentaires annoncés par le Premier ministre dans le cadre du plan « Mayotte Debout ». À cela s'ajoutent la formation de 300 gendarmes et policiers auxiliaires mahorais ainsi que le renforcement des capacités de la Gendarmerie maritime. De même, sont prévus des efforts sur les logements et les infrastructures ([40]). Or, aucune de ces mesures n'a été suivie d'une traduction budgétaire concrète, plaçant la Gendarmerie nationale dans une position délicate vis-à-vis de la population et des élus locaux qui attendent légitimement la mise en œuvre effective de ces annonces. Sans abondement spécifique, l’institution se verrait forcée de renoncer à ces engagements, ou à les financer à moyens constants, ce qui aurait un effet d’éviction sur sa programmation d’autres investissements nationaux.
Proposition : Donner à la gendarmerie les moyens de réaliser les engagements du plan « Mayotte Debout » par un ajustement approprié des crédits et de son schéma d’emplois.
2. Consolider les infrastructures de la gendarmerie de Mayotte et accompagner le recentrage du dispositif vers Grande-Terre
Au-delà des effectifs, c'est l'ensemble du projet de consolidation des infrastructures de la gendarmerie qui constitue le grand absent de la loi de refondation de Mayotte. La Gendarmerie nationale a exprimé à votre rapporteur des besoins immobiliers considérables, estimés à 329,5 millions d'euros.
L'encasernement constitue un axe majeur de préoccupation pour la gendarmerie à Mayotte et un enjeu déterminant pour son efficacité opérationnelle. Actuellement, 83% des gendarmes ne vivent pas en caserne, une situation qui constitue une véritable difficulté structurelle. Cette dispersion géographique contraint lourdement la logistique, complique la mise en route opérationnelle des effectifs et pèse sur la gestion des familles des militaires. L'importance du logement en caserne est pourtant indéniable dans un contexte insulaire où les temps de déplacement et les contraintes sécuritaires rendent indispensable la proximité immédiate des personnels. La situation de l’immobilier de la gendarmerie à Mayotte est en outre rendue plus difficile par l’impossibilité de faire porter des projets locatifs par les collectivités ou les bailleurs sociaux locaux, compte tenu de la faible assise financière de ces acteurs.
Cet effort viserait d’abord la consolidation du schéma existant. Ainsi, 8M€ seraient consacrés à la remise à niveau du parc domanial (8M€), fortement dégradé par des années de sous-investissement et le passage de Chido. Il permettrait en outre la construction de la caserne de M’Tsamboro (12 M€) et l’extension de la caserne de Sada (9 M€).
Il viserait surtout la construction d'une nouvelle caserne pour l'état‑major du commandement de gendarmerie à Mamoudzou. Ce projet est évalué à 300 millions d'euros. Cette infrastructure majeure permettrait de recentrer les forces sur Grande-Terre où se concentrent leurs principales activités opérationnelles et d'améliorer significativement les conditions de logement des militaires. Or, ce projet structurant n'apparaît nulle part dans la loi de refondation, alors même qu'il conditionne la capacité de la gendarmerie à remplir durablement ses missions dans un contexte sécuritaire particulièrement exigeant. Pour votre rapporteure, cette omission interroge sur la prise en considération du travail accompli par la gendarmerie et sur la volonté de donner à cette force les moyens pérennes d'assurer la sécurité de l'archipel ; elle doit être corrigée.
Le transfert du commandement sur Grande-Terre permettrait le renforcement des points d'appui et de la capacité de logement et répondrait aux enjeux de développement du territoire. La plus grande part des infrastructures opérationnelles se trouvant sur Grande-Terre, ce transfert favoriserait la mobilité des matériels et des effectifs. L'urgence de ce projet est d'autant plus grande qu'il permettrait de répondre aux enjeux de développement du territoire. En effet, la zone cruciale située entre deux infrastructures majeures – le port de Longoni et le futur aéroport – n'est aujourd'hui couverte que partiellement par les forces de gendarmerie.
Proposition : Engager le projet de construction de la caserne de Mamoudzou
3. Poursuivre l’adaptation du matériel et des capacités de la gendarmerie aux spécificités des missions sur le territoire mahorais
a. Mieux adapter les véhicules et moyens aériens aux contraintes du terrain Gendarmerie
La Gendarmerie nationale formule des demandes d'adaptation du parc de véhicules pour répondre aux contraintes spécifiques du terrain mahorais et aux besoins opérationnels renforcés dans un contexte marqué par les violences urbaines. Plusieurs axes sont jugés prioritaires : le renouvellement de la gamme de véhicules légers, le remplacement de la gamme tactique « kakie » mahoraise, mais aussi l’achat de 3 blindés de taille intermédiaire pour l'antenne GIGN. Un besoin particulier concernerait l'acquisition de 8 véhicules blindés robustes qui devraient allier mobilité, manœuvrabilité, résistance et facilité de maintenance pour répondre aux exigences du terrain et à une délinquance locale toujours susceptible d’employer des barres de fer dans ses altercations avec les forces de sécurité intérieure.
S’agissant des véhicules lourds, la gendarmerie de Mayotte dispose actuellement d'une flotte de 13 véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG), qui termineront leur service opérationnel sur l'île. Cette concentration fait de Mayotte le troisième plus important groupement de VBRG après Satory et la Nouvelle-Calédonie, cette dernière étant elle-même en situation de crise. Si la situation sécuritaire s'est apaisée ces derniers mois, ces véhicules ont été déployés massivement durant le cyclone Chido, notamment pour rouvrir les routes et maintenir la circulation. À terme, 9 engins Centaure sont prévus pour l'escadron blindé de la gendarmerie mobile de Mamoudzou.
Le renforcement des vecteurs aériens doit également constituer une priorité pour assurer une pleine capacité opérationnelle de la gendarmerie sur l’archipel.
Hors temps de crise, le seul hélicoptère de l'État présent sur l'île est celui de la gendarmerie, ce qui pose un enjeu majeur de disponibilité opérationnelle. L'hôpital de Mayotte, ne disposant pas de moyens aériens propres, doit louer les services d'une société privée pour ses évacuations sanitaires urgentes. Cette situation illustre le sous-équipement chronique de l'archipel en moyens aériens étatiques et la sur-sollicitation des moyens de la gendarmerie pour des missions qui ne relèvent pas strictement de ses attributions premières.
Dans le cadre des futures opérations de renouvellement du parc d’hélicoptères de la gendarmerie, sujet majeur évoqué par votre rapporteure dans la première partie de son rapport, une réflexion devra être menée sur l'opportunité d'affecter à l'île un ou plusieurs de ces nouveaux appareils pour renforcer durablement les capacités d'intervention, de surveillance aérienne et de soutien aux autres services de l'État.
Votre rapporteure a également mis en exergue plus tôt dans ce rapport la nécessaire structuration des capacités drones, particulièrement utiles pour la gestion des opérations de maintien de l’ordre ou les opérations de sécurisation majeures.
b. Mettre en place une capacité spécialisée de renseignement en source ouverte
Au-delà des moyens matériels traditionnels, les enjeux de sécurité à Mayotte imposent un renforcement significatif des capacités de renseignement de la gendarmerie. Les capacités de renseignement actuellement déployées sur l'archipel apparaissent sous-dimensionnés face aux défis posés par les trafics, l'immigration clandestine et les violences urbaines.
Un sujet majeur émerge concernant les réseaux sociaux et les capacités de renseignement en sources ouvertes (OSINT). Les bandes, mais aussi la criminalité organisée et les réseaux de passeurs utilisent massivement les plateformes numériques pour organiser leurs activités, diffuser de l'information et recruter. Le COMGENDYT dispose d'ores-et-déjà de 3 enquêteurs formés aux techniques de renseignement en source ouverte, mais la conviction de votre rapporteure est que la Gendarmerie doit se doter d'une véritable cellule OSINT dédiée à Mayotte, capable d’assurer une veille permanente de ces flux d'information, d'identifier les acteurs clés et d'anticiper les mouvements de groupes ou les épisodes de tension. Elle permettra également de réaliser une cartographie actualisée du phénomène de bandes, largement alimenté et illustré sur les réseaux sociaux. Cette capacité, qui nécessite des moyens humains spécialisés et des outils technologiques adaptés, constitue un investissement indispensable pour améliorer l'efficacité opérationnelle de la lutte contre l'immigration irrégulière et les réseaux criminels.
Proposition : Structurer une capacité de renseignement OSINT pour la Gendarmerie de Mayotte
c. Mettre en place les infrastructures adaptées pour les équipes cynophiles
Les brigades canines constituent un instrument opérationnel particulièrement précieux à Mayotte, offrant un effet de réassurance significatif pour les gendarmes engagés dans des environnements souvent hostiles. Les équipes cynophiles déployées avec les escadrons de gendarmerie mobile lors de leurs rotations sur le territoire jouent un rôle essentiel dans les opérations de maintien de l'ordre, de recherche et de contrôle.
Toutefois, l'absence d'infrastructures adaptées compromet l'efficacité de ces moyens et les conditions de travail des maîtres-chiens. Il est impératif de créer des chenils dédiés sur Petite-Terre et sur Grande-Terre pour accueillir dans des conditions satisfaisantes les équipes cynophiles de la gendarmerie mobile. Ces infrastructures, qui font aujourd'hui défaut, sont indispensables pour assurer le repos, les soins et l'entraînement des chiens, tout en permettant aux maîtres-chiens d'exercer leur mission dans des conditions optimales.
Proposition : Mettre en place des infrastructures adéquates pour les équipes cynophiles de gendarmerie déployées à Mayotte
4. Renforcer les capacités de gestion de crise dans les territoires ultramarins par la création d’un commandement zonal des opérations dédié
La gestion du cyclone Chido a mis en lumière un enjeu structurel majeur : celui de l’absence d’un commandement zonal des opérations pour les opérations de gendarmerie en Outre-mer.
En effet, si dans tous les territoires métropolitains existe une déconcentration de la conduite des opérations, le Commandement de la gendarmerie d'outre-mer (CGOM), basé à Arcueil, ne dispose aujourd'hui d'aucune capacité de coordination opérationnelle. Dès qu'une crise survient dans un territoire ultramarin, sa gestion passe directement sous la responsabilité du Centre national des opérations (CNO), car le CGOM n’a pas aujourd’hui la compétence et les moyens d’opérer la conduite des opérations en propre. Cette organisation est insatisfaisante car elle ne permet pas au CGOM d'exercer pleinement sa compétence pourtant reconnue en matière de planification et de gestion opérationnelle pour les territoires ultramarins.
La création d'un centre zonal des opérations au niveau du CGOM, constituerait un renforcement décisif des capacités de planification et de projection de la gendarmerie dans les outre-mer. Cette structure permettrait d'assurer une coordination zonale des moyens, d'anticiper les crises spécifiques aux territoires insulaires et de maintenir une continuité opérationnelle entre le niveau local et le niveau national. Elle favoriserait également une meilleure connaissance des réalités ultramarines et une adaptation plus fine des doctrines d'intervention aux contextes particuliers de ces territoires. Cette création représenterait un investissement estimé par la gendarmerie à 1,25 million d'euros.
Votre rapporteure tient à souligner que cet investissement relève d'un bon sens anticipatif car les territoires ultramarins demeureront, dans les années à venir, des zones à forte propension de crises, qu'elles soient sécuritaires ou naturelles. Le cyclone Chido n'est pas un événement isolé mais le rappel d'une vulnérabilité structurelle de ces territoires pour la plupart insulaires. Doter le CGOM des capacités de coordination nécessaires permettrait de faire émerger une filière de compétences dédiées et un cycle structuré de retour d’expériences. L'anticipation et la préparation constituent les seules réponses responsables face à ces risques prévisibles.
Proposition : Créer un centre zonal des opérations au niveau du Commandement de la Gendarmerie d'Outre-mer (CGOM)
I. Audition du général d’armée Hubert Bonneau, directeur général de la gendarmerie nationale
La Commission a entendu le général d’armée Hubert Bonneau, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906), au cours de sa réunion du 15 octobre 2025.
M. le président Jean‑Michel Jacques. Mes chers collègues, nous auditionnons, dans le cadre de notre cycle budgétaire consacré au projet de loi de finances pour 2026, le général d’armée Hubert Bonneau, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN).
Mon général, c’est la première fois que nous avons le plaisir de vous auditionner depuis votre prise de fonctions. Nous nous en réjouissons sincèrement. En ce qui me concerne, j’ai eu l’occasion de travailler avec vous il y a plus de trente ans, au large de Toulon, de nuit – vous étiez capitaine au Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), moi maître dans les commandos marines –, dans le cadre du contre‑terrorisme maritime. Qui aurait dit alors que nous nous retrouverions ici ?
L’année 2025 a été marquée, comme la précédente, par une forte activité opérationnelle pour la gendarmerie, en raison de nombreux engagements sur le terrain métropolitain et outre‑mer, dont certains durables, notamment à Mayotte et en Nouvelle‑Calédonie. Si le budget 2025 de la gendarmerie nationale présentait une hausse significative, le gel du schéma d’emploi a interrompu la trajectoire de montée en puissance prévue par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), laquelle prévoyait la création, de 2023 à 2027, de 239 brigades de gendarmerie, de deux types : 144 brigades mobiles et 95 brigades fixes.
Près de 80 brigades ont été créées en 2024, dont une à Guidel, dans ma circonscription. En 2025, aucune création de brigade n’a eu lieu faute d’effectifs. Si tout va bien, plusieurs devraient être créées d’ici à la fin de l’année, dont une dans ma circonscription, à Bubry. Le programme 152 du projet de loi de finances pour 2026, dont Valérie Bazin‑Malgras est rapporteure pour avis, prévoit une hausse du budget de la gendarmerie à hauteur de 200 millions en crédits de paiement par rapport à 2025.
Il sera intéressant de vous entendre sur plusieurs points structurants pour l’avenir de la gendarmerie et du budget prévu pour 2026. S’agissant des ressources humaines, vous aborderez notamment la sécurisation de la trajectoire de croissance des effectifs prévue par la Lopmi et la gestion de la suractivité de la gendarmerie mobile.
Concernant les équipements, si l’effort d’investissement se poursuit avec un budget d’environ 360 millions, comment gérez‑vous le problème de la dette grise ainsi que l’arbitrage difficile avec d’autres postes d’investissement tels que le renouvellement du parc automobile et des véhicules spécialisés, notamment hélicoptères ?
Quant à la doctrine de la gendarmerie, nous aimerions comprendre comment s’articule votre volonté – régulièrement réaffirmée depuis votre prise de poste – du renforcement de la militarité des gendarmes. Cette réflexion nous intéresse particulièrement car nous commençons un cycle d’auditions sur la condition militaire.
M. le général d’armée Hubert Bonneau, directeur général de la gendarmerie nationale. C’est un honneur pour moi de me présenter devant vous, accompagné de M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances, et du colonel Lelong, chef du bureau de la synthèse budgétaire. J’évoquerai, avant de dire ce qu’est la gendarmerie, ses forces et ses points de vigilance, le contexte particulièrement exigeant et changeant dans lequel elle évolue.
Sur le plan stratégique, ce contexte est caractérisé par l’insécurité, qui n’est plus un sentiment mais qui est vécue par nos concitoyens et par les forces de l’ordre. Le niveau d’agressions qui visent ces dernières ainsi que celui de gendarmes blessés et malheureusement décédés en service est inédit. Les menaces internes et externes se rejoignent au sein de la criminalité organisée. Les crises extérieures, notamment la guerre en Ukraine, ont des conséquences sécuritaires en France.
La montée de la criminalité organisée connecte toutes les formes de délinquance, du trafic de stupéfiants à l’immigration illégale en passant par le vol en bande organisée, auxquelles il faut ajouter, moins visibles mais non moins réels, la criminalité environnementale et les enjeux du cyberespace, qui réplique et redouble les adversités du territoire physique. Tout ce qui existe dans le territoire physique existe dans le territoire virtuel, notamment les trafics – d’êtres humains, de faux papiers, d’armes, de stupéfiants.
Sur le plan budgétaire, le contexte est fait de contraintes, qui justifient des efforts à tous les niveaux, nous en sommes bien conscients, et imposent à la gendarmerie des renoncements. J’évoquerai ces points d’attention en espérant pouvoir compter sur le soutien des parlementaires, que je remercie pour leur engagement l’an passé, notamment en matière immobilière.
La gendarmerie, c’est quoi ? Je ne la définis pas sous l’angle de son rôle dans la sécurité publique et la police judiciaire. La gendarmerie, c’est une force armée dont la finalité est la couverture des territoires. La gendarmerie, c’est 102 000 militaires d’active, 5 000 personnels civils et 38 000 réservistes. Nous sommes compétents pour assurer 96 % de la sécurité de nos territoires, métropolitains et d’outre‑mer. C’est plus de 51 % de la population. La gendarmerie est répartie sur 33 000 communes ; dans 30 000 communes dépourvues de police municipale, elle est la seule force de sécurité.
Elle doit faire face à une augmentation des attentes en raison de l’augmentation de la population dans sa zone de compétence, à hauteur de 3 millions d’habitants depuis 2007, et de la hausse de la délinquance et des interventions, de plus de 25 % en dix ans. En 2025, nos effectifs ont presque retrouvé leur niveau de 2007, avant la RGPP – révision générale des politiques publiques –, à 250 ETP – équivalents temps plein – près, alors même que la population vivant en zone gendarmerie ne cesse d’augmenter.
Dans ce cadre, le contrat opérationnel de la gendarmerie est spécifique. Elle est la force garante de l’égalité d’accès au service public de la sécurité et de la continuité de l’État sur le territoire national. Pour moi, tout part du terrain. Tout part du local. Tout commence par le terrain. Aucun territoire n’est épargné. Je dis souvent qu’il n’y a pas de narcotrafic s’il n’y a pas de points de deal ni « Uber Shit ». Si vous n’avez pas de cambriolages, vous n’avez pas les organisations criminelles de l’Est telles que les Vory v Zakone, qui alimentent le crime international.
Cette couverture territoriale porte véritablement notre capacité d’action. Elle garantit la surveillance des territoires et le contrôle des flux – sujet majeur. Elle permet de détecter les signaux de basse intensité et de dissuader les passages à l’acte. Notre présence dans tous les territoires, dans la profondeur des territoires, est une absolue nécessité. C’est un repère pour la population et pour les élus, que je mets toujours en avant et qui relaient le besoin de sécurité. La finalité de la gendarmerie, c’est la couverture de territoire par son maillage et sa capacité de contrôle des flux.
Notre action repose sur la complémentarité entre quatre forces.
La première est la gendarmerie départementale, qui assure un maillage territorial reposant sur les brigades territoriales. Autrefois, on parlait souvent des quelque 3 000 points de vente de la gendarmerie. Moi, je n’ai pas de points de vente, parce que je n’ai rien à vendre. Nous essayons de produire de la sécurité. Nos 3 100 brigades territoriales sont des points d’appui offrant une capacité de montée en puissance qui est essentielle, car elle nous permet d’agir partout, comme l’ont montré les émeutes de 2023.
La gendarmerie nationale agit en coordination avec la police nationale, les autorités administratives et judiciaires, les élus et les polices municipales. Nous nous inscrivons dans un véritable continuum de sécurité, formalisé par les plans d’action départementaux de restauration de la sécurité au quotidien (PADRSQ) voulus par le précédent ministre de l’intérieur. Nous avons des résultats très intéressants en matière de baisse du nombre de vols, de dégradations et de destructions volontaires. Le nombre de procédures augmente significativement en matière de violences sexuelles et sexistes (VSS), notamment dans le domaine des violences intrafamiliales, ainsi que de police des transports en commun et de stupéfiants.
Nous avons – c’est notre deuxième force – des moyens spécialisés. Nous développons beaucoup nos chaînes spécialisées, qui appuient dès que cela est nécessaire nos unités territoriales. C’est une sorte de double maillage, incarnant deux principes essentiels de la gendarmerie : la subsidiarité et la complémentarité. Tout part du terrain, donc de la brigade départementale. Si l’affaire prend une importance départementale, nous travaillons avec des brigades de recherches, et ainsi de suite jusqu’à l’échelon régional ou zonal, celui des sections de recherches (SR). C’est une chaîne à la fois transverse et verticale.
Lorsque David Balland, patron de l’entreprise de cryptomonnaie Ledger, a été kidnappé et séquestré avec sa compagne, nous avons, en moins de cinquante heures, non seulement libéré l’un et l’autre mais gelé la chaîne de remontée des cryptoactifs. Cet exemple illustre l’évolution de la criminalité. Il y a quelques années, dans les affaires de séquestration, il s’agissait pour nous de remonter les communications téléphoniques, de baliser l’environnement et de traiter en direct pour la remise de rançon. Aujourd’hui, c’est fini. Les kidnappeurs appellent en passant par des VPN – réseaux privés virtuels – et peuvent aussi bien être à Hong‑Kong qu’aux États‑Unis ou en Amérique du Sud. Il faut donc contourner les VPN et retracer les cryptomonnaies, ce que nous savons très bien faire par nos chaînes spécialisées.
Notre troisième force est la gendarmerie mobile, qui fait face depuis plusieurs années à un niveau d’engagement inédit, notamment outre‑mer, encore accru l’an dernier par les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (JOP). Nous avons 116 escadrons de gendarmerie mobile (EGM), nous pouvons en déployer jusqu’à soixante‑huit tout en donnant des permissions aux personnels et surtout en les maintenant en condition opérationnelle grâce à des stages de recyclage réguliers au Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) de Saint‑Astier.
Cela n’est plus possible. Notre engagement quotidien moyen est compris entre 77 et 80 EGM/, ce qui signifie que nos gendarmes mobiles sont en déplacement plus de 200 jours par an. Nous avons outre‑mer une quarantaine d’escadrons en permanence, dont vingt en Nouvelle‑Calédonie. Leur quotidien n’est pas fait de maintien de l’ordre, mais d’appui aux forces territoriales pour garantir la sécurité publique. Ils ne sont donc plus tout à fait dans leur cœur de métier outre‑mer, tout en étant indispensables dans des secteurs tels que Saint‑Laurent‑du‑Maroni, la Martinique, Mayotte et la Nouvelle‑Calédonie.
Notre quatrième force est la réserve opérationnelle, qui est un apport particulièrement précieux et un atout majeur dans les territoires.
Monsieur le président, vous avez évoqué la militarité des gendarmes. Toutes ces forces font face à un durcissement des conditions d’exercice de leurs missions. C’est une réalité. Six gendarmes – auxquels je rends hommage – sont décédés en service ou en mission depuis le début de l’année ; 4 100 gendarmes ont été agressés sur le terrain et 8 000 blessés, soit une augmentation de 3,5 % par rapport à l’année dernière. Parmi les blessés, on compte 150 réservistes. Il est donc nécessaire d’aller vers des fondamentaux militaires de durcissement.
Pour faire face à cette situation sécuritaire, la gendarmerie s’adapte, par des redéploiements et des réajustements de forces, sans effectifs supplémentaires. Telle est la situation, il faut réagir. La gendarmerie, par son caractère militaire, sait en tenir compte et évoluer. J’évoquerai à ce sujet plusieurs dispositifs qui intéressent les élus.
Chaque année, depuis longtemps la gendarmerie prévoit des renforts dans les stations de ski en hiver et dans les stations balnéaires en été. Cette année, aucun gendarme mobile n’a été déplacé, ni en été ni en hiver. Les exigences accrues en matière de sécurité ont été confiées à la gendarmerie départementale. Pour caricaturer, l’hiver, nous mettons en montagne des gendarmes des plaines, l’été, nous mettons sur les côtes des gendarmes de l’intérieur. Les compagnies de marche (CDM) inaugurées aux JOP sont devenues une réalité quotidienne de la gendarmerie.
À Mayotte, où je me suis rendu dès le lendemain du passage du cyclone Chido, j’ai fait venir deux CDM de gendarmes départementaux, soit plus de 300 militaires, pour soutenir leurs camarades locaux. Ils ont immédiatement pris la relève des unités territoriales, poursuivi l’application des procédures et assuré la sécurité publique, en complément de la gendarmerie mobile elle aussi envoyée à Mayotte.
Concernant la nécessité absolue, pour la gendarmerie, de surveiller et de contrôler les territoires, l’évolution des menaces n’est pas moindre. Les routes des stupéfiants, qui reliaient les Antilles aux grands ports européens, se multiplient plus au sud, via l’Amérique du Sud et l’Afrique. Dans le sud de la France, nous faisons de plus en plus de saisies de cocaïne, sur les itinéraires de remontée vers l’Europe du Nord.
Il faut maîtriser et surveiller les territoires. J’ai donc proposé au ministre d’État, qui a avalisé l’idée, de transformer les escadrons départementaux de sécurité routière (EDSR) en unités de contrôle des flux, ce qui ajouterait à leur cœur de métier, grâce à une formation adéquate, la surveillance des trains, des littoraux dans le cadre de brigades nautiques, des ports secondaires, des aérodromes et des canaux, offrant une vision approfondie des flux dans les territoires ; fait une fois de plus sous le plafond des effectifs.
Dans le domaine de la police judiciaire, nous avons adapté le dispositif pour mieux surveiller, mieux contrôler et mieux agir. J’ai évoqué la subsidiarité de notre organisation à partir de l’échelon régional ; à l’échelle nationale, notre vision de la police judiciaire est incomplète, sinon par le biais des offices de la gendarmerie nationale, dont certains sont communs avec la police nationale. J’ai donc pris la décision de créer l’Unité nationale de police judiciaire (UNPJ), qui réunit les 1 200 enquêteurs des unités spécialisées de la gendarmerie nationale, telles que l’unité nationale cyber (UNC), pour appréhender la criminalité de façon plus transversale et renforcer notre impact.
Il est nécessaire non seulement de mieux travailler sur la criminalité organisée, mais de modifier en profondeur notre approche de la police judiciaire. Je dis souvent à mes gendarmes que nous ne travaillons plus sur la criminalité mais sur les criminels. Il faut, dans les territoires, mieux orienter l’action en renseignement administratif à vocation criminelle. Pour la gendarmerie, c’est une véritable révolution. Elle donne de bons résultats. Dans le Sud de la France, nous parvenons à déstructurer le réseau DZ Mafia, notamment en ciblant les collecteurs entre la France et l’Italie ; nous avons saisi plusieurs centaines de kilos d’or et de nombreux biens immobiliers. Tout cela est dû à l’action conjuguée de l’UNPJ et des SR.
En matière cyber, nous faisons un effort assez considérable. Le nombre d’infractions numériques a augmenté de 43 % en trois ans. Nous gardons un œil très attentif sur la criminalité environnementale, dont les gains illicites s’élèvent à 230 milliards par an, ce qui en fait la quatrième source de revenus criminels après les stupéfiants, la contrefaçon et le trafic d’êtres humains.
Nous inscrivons notre action dans un continuum sécurité‑défense. En tant que force armée de couverture des territoires, nous avons un rôle primordial dans la préservation des intérêts fondamentaux du pays et la défense opérationnelle du territoire, aux côtés des armées. Ce renforcement de notre position exige un durcissement de nos forces et l’engagement de la réserve opérationnelle dans un bloc de défense territoriale pour la préservation des activités d’importance vitale.
J’ai testé, depuis le début de l’année, un dispositif particulier dans trois départements de l’ouest du pays, le Finistère – département nucléaire –, l’Ille‑et‑Vilaine – département où le numérique est très présent – et la Seine‑Maritime – département commercial et industriel –, visant à agir de façon ciblée sur l’industrie de défense, les bases de défense, sur les points d’importance vitale (PIV) et les opérateurs d’importance vitale (OIV). En améliorant notre connaissance de ce qui pourrait se passer en cas d’engagement majeur de la France à l’Est, nous améliorons notre capacité à tenir le territoire national.
Nous investissons beaucoup en la matière, avec l’aide d’une réserve extraordinaire, dont les effectifs sont passés en trois ans de 33 000 à 38 000 réservistes et peuvent atteindre sans difficulté à 50 000, sous réserve qu’un budget y soit consacré. Notre jeunesse – on en entend peu parler – intègre énormément la réserve. Parmi les réservistes, 70 % sont des civils, contre seulement 30 % d’anciens militaires. Tous veulent s’engager là où ils vivent, de même que le gendarme travaille là où il vit.
Le budget de la gendarmerie doit soutenir notre modèle. La Lopmi et les deux derniers exercices budgétaires illustrent l’ampleur des enjeux budgétaires du programme 152. Pour la période 2023‑2027, la trajectoire portait une partie des besoins identifiés pour soutenir les évolutions structurantes de nos modes d’action. La Lopmi, c’est 3,3 milliards et 3 540 ETP. Tout n’a pas été réalisé. Les objets portés par la Lopmi sont la réserve opérationnelle, la création de 239 brigades, des investissements immobiliers et numériques, le soutien opérationnel, l’accompagnement psychologique et la formation de nos militaires.
Concrètement, le résultat est mitigé. L’application du programme 152 a subi des contraintes extérieures. Il a fallu donner la priorité aux opérations. L’an dernier, les événements de Nouvelle‑Calédonie ont obligé la gendarmerie à s’engager en masse l’année dernière au moment des JOP. Nous avons donné la priorité aux opérations sur la logistique. Les transferts de crédits ont rendu difficile le paiement des loyers. Le coût de l’engagement de vingt escadrons depuis un an en Nouvelle-Calédonie est de 155 millions, entièrement pris sur le budget de la gendarmerie.
Le budget 2026 prévoit une augmentation de 158 millions. L’effort consenti porte majoritairement sur le titre 2, qui serait porté à 5,1 milliards, hors compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, soit 125 millions supplémentaires par rapport à 2025. Cette progression couvre deux axes d’efforts prioritaires.
D’abord, il s’agit d’augmenter de 400 postes le schéma d’emplois, pour créer cinquante‑huit brigades fixes et mobiles. Cette année, nous n’en avons créé aucune. Toutes les créations sont reportées à 2026, sauf dix brigades dont la création est prévue en décembre 2025. En 2024, quatre‑vingts brigades ont été créées, avec 595 ETP. En 2025, le schéma d’emplois était de zéro. En 2026, prévus 400 ETP pour 58 brigades territoriales : brigades fixes et brigades mobiles. Tout cela porterait le schéma d’emploi de 2024 à 2026 à 2 395 ETP. Si nous créons les cinquante‑huit brigades prévues, nous aurons réalisé 70 % de l’objectif d’effectifs prévus par la Lopmi. Les 30 % restants devront l’être dans les années à venir. Quant aux sept recréations d’escadrons de gendarmerie mobile prévus dans la Lopmi, ils ont été réalisés et engagés dans le cadre de la sécurisation des JOP.
Ce schéma d’emplois ne comporte pas le rattrapage des effectifs initialement prévus pour 2025. La population ayant augmenté en zone gendarmerie, le rapport entre les effectifs de gendarmerie et la population n’a cessé de chuter depuis 2007. Ainsi, le nombre de gendarmes pour 1 000 habitants, qui était de 3,2 en 2007, est désormais de 2,8 – c’est la réalité de nos territoires. Même en augmentant les effectifs, je le répète, on ne rattrape pas les équilibres antérieurs à la RGPP. De fait, la population a encore augmenté de 9 % alors que la gendarmerie a perdu une somme conséquente d’ETP.
Permettez‑moi un aparté sur le plan Mayotte debout, qui intégrait 205 ETP supplémentaires – chiffre correspondant à ce qui était planifié, mais dont nous n’avons pas encore vu la réalisation. L’effort consenti par la gendarmerie mobile dans les outre‑mer en lieu et place des gendarmes départementaux représente environ 1 800 effectifs. Il y a donc, au regard de l’augmentation de la délinquance et de la population, un véritable manque de gendarmes territoriaux, que j’estime, pour les seuls outre‑mer, à 1 800.
L’enveloppe prévue pour la réserve opérationnelle était l’année dernière de 75 millions et nous demandons qu’elle soit portée à 100 millions dans le PLF pour 2026. Ce serait un premier pas, car je dois continuer à recruter, avec un objectif fixé par la Lopmi à 50 000 réservistes. Je sais le faire, mais je ne peux pas employer suffisamment mes réservistes – nous en sommes à peu près à vingt‑cinq jours d’engagement. J’essaie vraiment de promouvoir la réserve et j’ai donc besoin de crédits pour les engager les réservistes.
Hors titre 2, le projet de budget prévoit une évolution de 33 millions, avec un arbitrage en faveur de l’investissement. Les crédits immobiliers sont revenus l’année dernière à un niveau acceptable de plus de 300 millions d’euros. Le titre 5, porté cette année à 363 millions, augmente de 62 millions et la part de l’immobilier compte pour 352 millions programmés. Bien que ce chiffre paraisse élevé, il ne nous ramène pas encore au niveau de 2009, lors de notre intégration au ministre de l’intérieur, où ces crédits immobiliers étaient de 400 millions. La conséquence est simple, et renvoie à la « dette grise » évoquée tout à l’heure : le chiffre était ces dernières années inférieures à 100 millions alors qu’il nous faut 400 millions chaque année pour entretenir et rénover le parc domanial de l’État. Ce n’est plus possible et il nous faut trouver des solutions.
Un autre point essentiel concerne les véhicules. Puisqu’il faut faire des choix, les équipements passent ordinairement au second plan dans le budget, mais la question va nous rattraper. La durée de vie d’un véhicule étant de huit ans, je dois renouveler le parc de la gendarmerie d’un huitième tous les ans, soit 3 750 véhicules, or l’âge moyen de ce parc est déjà de huit ans. Il me manque donc aujourd’hui 10 000 véhicules. Sur les trois dernières années et sur 2026, en effet, j’aurais normalement besoin de plus de 15 000 véhicules, alors que, tout confondu, nous en avons renouvelé à peine 5 000. J’ai à peine doublé en quatre ans ce dont j’ai besoin sur une année.
Le maintien en condition opérationnelle de la flotte d’hélicoptères est un vrai problème. J’ai présenté au ministre de l’intérieur un contrat opérationnel sur la capacité opérationnelle de nos hélicoptères, qui doit être décliné par un contrat capacitaire. Or j’ai déjà perdu dix hélicoptères, qui ont atteint leur durée de vie maximale – la flotte d’Écureuil a plus de 40 ans et ces appareils doivent donc être retirés au fur et à mesure. Nous avons impérativement besoin d’une tranche complémentaire avec l’achat de vingt‑deux hélicoptères H145 D3 l’année prochaine. Si ce contrat n’est pas signé, la flotte d’hélicoptères de la gendarmerie sera significativement réduite et il nous faudra abandonner des missions.
Je conclurai en rappelant que la gendarmerie remplit aussi des missions spécifiques de nature militaire, qui touchent beaucoup à la DOT – défense opérationnelle du territoire –, dans la perspective d’un engagement de nos armées à l’extérieur et de la capacité que devra alors avoir la gendarmerie de remplir ces missions sur le territoire national en complément ou sous l’autorité des armées, au titre d’une loi spéciale permettant cette évolution vers la DOT. Il ne faut pas perdre de vue cette perspective, qui est pour nous très importante.
Toutefois, si je sais augmenter les effectifs des réservistes, je n’ai pas les moyens d’augmenter le volume des équipements. J’en veux pour exemple l’état du parc de l’armement. La gendarmerie est, en effet, entièrement équipée de Famas, qui ne seront plus soutenus à compter de 2030. Faute d’accroche dans le cadre de loi de programmation militaire (LPM), nous devons financer spécifiquement ces moyens sous plafond du budget de la gendarmerie. Voilà où nous en sommes aujourd’hui. J’ai également des besoins, pour ces missions spécifiques, d’équipement lourd – je pense à la mobilité et, si besoin, à l’augmentation du parc de blindés.
Nous sommes ainsi confrontés à des urgences qui ne peuvent être prises complètement en compte puisque la priorité va d’abord à l’immobilier et à l’équipement de mes brigadiers.
M. Pascal Jenft (RN). En tant qu’ancien gendarme de l’escadron 14/7 de Longeville‑lès‑Saint‑Avold et au nom du Rassemblement national, je veux d’abord rendre hommage à Denis Boyer, du même escadron, décédé voilà quelques jours lors d’un déplacement à Tahiti. Je salue sa mémoire et adresse tout mon soutien à sa famille et à ses frères d’armes. Plus largement, je veux rendre hommage à l’ensemble des gendarmes, femmes et hommes, pour leur engagement quotidien au service de la nation.
Mon général, les chiffres que vous nous avez donnés des agressions et des blessés depuis le début de l’année sont affolants. Cette progression dramatique des agressions contre les forces de l’ordre s’inscrit dans un climat de défiance croissante, souvent alimentée par certains discours politiques qui, sous couvert de contestation, fragilisent l’autorité républicaine et banalisent la violence à son encontre. Elle traduit, pour reprendre vos propres mots, une véritable libération de la violence dans notre pays.
Pour nous, la priorité nationale doit être limpide : il faut redonner à la gendarmerie les moyens de son action sur les plans matériel, humain et moral. Pour le Rassemblement national, la sécurité des Français et la protection de ceux qui la garantissent ne peuvent être relégués derrière d’autres priorités budgétaires.
Je me permets d’ailleurs une parenthèse : lors de la précédente audition, à laquelle vous étiez représenté par le général Petillot, j’avais posé une question sur le nombre croissant de démissions au sein de la gendarmerie. À l’époque, le phénomène a été minimisé. Aujourd’hui, avec le recul d’une année supplémentaire, partagez‑vous ce diagnostic ? Constatez‑vous aussi une hausse préoccupante du nombre de départs volontaires ou des difficultés pour fidéliser les jeunes engagés ?
Enfin, à la lecture du projet de loi de finances pour 2026, êtes‑vous toujours inquiet quant à la possibilité d’atteindre les objectifs d’effectifs fixés pour 2027 et, plus largement, avez‑vous le sentiment de devoir, une fois encore, faire plus avec moins pour répondre aux besoins matériels, infrastructures et sociaux de vos hommes ?
M. le général Hubert Bonneau. Il ne faut pas avoir d’inquiétudes sur le schéma d’emplois de la gendarmerie, qui est réalisé sans difficulté chaque année au 31 décembre. Il faut toutefois regarder les choses en face : nous avons, en effet, des trous à l’emploi, comme je l’ai constaté, moi qui suis un opérationnel, lorsque j’étais patron de la zone Ouest. C’est une réalité que les effectifs varient tout au long de l’année. Il y a des départs mais, chaque année, au 31 décembre, nos effectifs sont réalisés. Nos écoles sont pleines. Nous attirons et sommes une armée qui compte encore douze candidats pour un poste.
Comme vous l’avez souligné, le vrai problème n’est pas l’attractivité, mais la fidélisation. Il est vrai que nous avons des départs, et je m’en inquiète car je vois des gendarmes partir avant même d’avoir obtenu des droits à pension. Il faut en trouver la raison.
J’y vois plusieurs facteurs. Le premier est la dureté du métier. Je rends hommage tous les jours à mes gendarmes, qui font un métier extraordinaire. Nous ne sommes pas dans les conditions normales de nos concitoyens. Ils l’ont choisi, mais on leur demande de partir dans des endroits reculés du territoire, où l’accès aux soins et aux écoles, ainsi que l’emploi des conjoints, sont difficiles. C’est la réalité. En tant que militaires, les gendarmes sont disponibles et soumis à des sujétions extraordinaires. Leur vie n’est pas une vie de confort, elle est difficile, et nous leur devons donc des choses. Je fais beaucoup d’efforts sur le plan de l’immobilier pour que les conditions de vie des gendarmes soient assurées et qu’ils soient fiers de leur brigade – et pour que les élus le soient aussi. Dans certains endroits, que je ne citerai pas mais qui sont nombreux, il est difficile pour un gendarme de disposer de locaux adaptés pour entendre un enfant martyrisé ou une femme battue. Parfois, il faut le dire, nous ne donnons pas l’image d’un grand service public. L’immobilier est donc un facteur majeur.
Un autre élément essentiel est le sens du métier – savoir pourquoi on est gendarme. Nous travaillons beaucoup sur la compréhension de l’engagement, avec un parcours renforcé au niveau des écoles – raison pour laquelle je parle de durcissement, de compréhension de l’engagement. Tout au long de la carrière, des stages scandent l’arrivée dans le corps des gradés, avec un premier stage d’encadrement et de prise en compte d’une unité. Nous modifions également, car c’est essentiel, la formation des officiers sur les aspects militaires. Après avoir revu le statut des sous‑officiers de la gendarmerie, ce qui a eu des incidences indiciaires, nous devons cette année réformer celui des officiers pour en garantir l’attractivité, ce qui aura également des conséquences indiciaires. Nous voulons remettre le gendarme au centre pour le fidéliser, et c’est ce que je demande à mes officiers. Nous devons en effet, et vous avez raison de le souligner, maintenir et fidéliser les gendarmes dans leur métier. En la matière, les effets sont immédiats et c’est un serpent qui se mord la queue : j’ai des départs et je recrute, de nombreux jeunes arrivent et certains gradés perdent un peu le sens de ce mouvement. Plus je fidélise, mieux c’est. Nous y sommes très attentifs.
Pour ce qui est des violences à l’encontre des gendarmes, que j’ai évoquées tout à l’heure, ce qui m’inquiète est l’augmentation du nombre de blessés par arme à feu. Cette augmentation a été très sensible l’année dernière du fait notamment de la situation en Nouvelle‑Calédonie mais, malgré une certaine baisse, le niveau reste très élevé cette année, avec plus de trente blessés par arme à feu jusqu’ici cette année, contre trente‑huit l’année dernière. Nous constatons, comme vous le faites par le retour qu’en donnent les médias, une violence désinhibée, notamment la violence des mineurs et les lobbys criminels qui recrutent des jeunes sur internet pour les affecter à une franchise, comme la DZ Mafia. C’est une réalité à laquelle nos gendarmes sont confrontés partout sur le territoire.
M. Thomas Gassilloud (EPR). Je commencerai moi aussi par exprimer de la gratitude et de la fierté pour nos gendarmes et pour leur action dans les territoires, pour leur sens de la mission et pour l’organisation de la gendarmerie, laquelle combine la verticalité, qui donne beaucoup de puissance et de résilience, et la subsidiarité, qui lui permet d’être profondément ancrée dans les territoires et de trouver de l’efficacité au quotidien.
Ma première question porte sur le rôle de la gendarmerie nationale en matière de défense opérationnelle du territoire. Comme vous l’avez dit, le territoire national fait désormais l’objet de menaces hybrides, voire militarisées, et de risques de fait accompli dans nos outre‑mer. Pour y faire face, nous prévoyons le doublement des réserves des armées. Il me semble toutefois que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur ne nous a pas permis d’aller au bout de la réflexion sur l’articulation de la DOT avec les forces de gendarmerie, qui disposent d’un maillage très important et d’une très bonne connaissance des PIV – points d’importance vitale –, ainsi que de débouchés opérationnels en temps de paix, quel que soit le niveau de menace extérieure.
Je salue l’augmentation de plus de 25 millions d’euros des crédits consacrés à la réserve opérationnelle de premier niveau (RO1). Comment animez‑vous la réserve opérationnelle de deuxième niveau (RO2), qui est constituée de vos anciens gendarmes, soumis à des obligations de disponibilité pendant cinq ans ? Pouvez‑vous préciser l’articulation, pour la DOT, entre les forces de gendarmerie et les forces armées ? Nous devons en effet aller beaucoup plus loin en ce sens pour donner plus de cohérence à notre action.
Quant aux forces aériennes de la gendarmerie nationale et au projet d’acquisition de vingt‑deux H145, il faut rappeler que ces hélicoptères font du bleu et du rouge, et je pense qu’ils devraient faire aussi un peu de kaki. Ne pourrait‑on faire preuve d’un peu plus d’innovation dans la différenciation capacitaire, en étudiant l’acquisition de petits avions, de type Pilatus, ou même l’usage de drones pour vos missions de surveillance ?
Enfin, le projet de loi de finances prévoit le recrutement de 400 équivalents temps plein pour armer cinquante‑huit brigades en 2026. Pouvez‑vous me confirmer que la commune de Thurins, dans ma circonscription, verra bien l’arrivée de sa nouvelle brigade l’année prochaine ?
M. le général Hubert Bonneau. Oui, monsieur le député, cette arrivée est bien programmée.
Notre flotte d’hélicoptères est adaptée aux missions liées au contrat opérationnel de la gendarmerie, qui comporte de la surveillance, des missions de police judiciaire visant à intercepter, des missions d’engagement dans le cadre du maintien de l’ordre, avec notamment la gestion des foules, et le secours en montagne. Si on diminue la flotte, il faudra faire des choix quant au maintien de ces missions.
Les avions pourraient être adaptés aux difficultés de l’engagement opérationnel outre‑mer. En Polynésie française, par exemple, où j’ai eu l’honneur de commander, la distance entre Papeete et Nuku‑Hiva est la même qu’entre Paris et Moscou. Nous avons besoin de projeter davantage et mieux, ce qui ne peut pas se faire en hélicoptère, or les moyens des armées ne sont parfois pas disponibles et il est arrivé que cela retarder de quinze jours ou trois semaines des missions liées à des affaires de violences sexuelles très graves, voire de meurtre. Nous devons donc penser aux avions d’abord pour l’outre‑mer, et en premier lieu pour la Polynésie française et la Guyane.
L’avion est aussi un vecteur essentiel de surveillance du trait de côte, par exemple en Manche ou en mer du Nord pour la lutte contre l’immigration clandestine. Dans ce domaine, il peut être un véritable game changer. Je n’oublie pas, du reste, que la gendarmerie a été dotée d’avions jusqu’au tournant des années 1990‑2000, où un autre choix a été fait.
Il n’est que partiellement vrai que les drones peuvent réaliser des missions assumées aujourd’hui par les hélicoptères. Il nous est en effet difficile de développer des drones de moyenne endurance, parce que le marché français n’en dispose pas, ou du moins pas encore. Par ailleurs, nous ne pouvons faire évoluer ces appareils en l’air que dans un schéma aérien déterminé, où ils ne peuvent pas quitter un axe défini – la notification temporaire aérienne – pour être détournés ailleurs.
Il faut donc vraiment insister sur le maintien en condition opérationnelle de la flotte d’hélicoptères. Il est vrai qu’on peut tout faire – du bleu comme du secours –, et que nous devons également faire des opérations en engagement avec les armées. Le contre‑terrorisme maritime, par exemple, que nous évoquions tout à l’heure, est une absolue nécessité. Nous sommes confrontés à un choix : maintenons‑nous notre flotte ? La faisons‑nous évoluer ? Derrière tout cela, on trouve évidemment des enjeux budgétaires.
La RO2, qui procède de l’engagement, en principe obligatoire, de nos personnels d’active quittant le service, n’a pas encore été assez prise en compte et nous devons la restructurer, mais nous n’y sommes pas encore. Je rappelle à ce propos que la RO1 compte près de 39 000 réservistes et la RO2 31 300.
Le chaînage avec les armées dans le cadre de la DOT est aussi une absolue nécessité, qui doit se travailler dès maintenant. Sommes‑nous prêts, ou non, à l’hypothèse d’un engagement majeur ? Les armées ont engagé le process très vertueux des Stadef – stades de défense –, qui scande la montée en puissance, or je crois que la gendarmerie devra traverser de telles étapes. En Stadef 4 et en Stadef 3, nous aurons déjà des manifestations. Si la France sert de pays hôte ou de pays de transit, il y aura des manifestations, car il y aura des gens qui y seront opposés. Nous sommes déjà confrontés à des proxys – rappelez‑vous les cercueils devant la Tour Eiffel avant les Jeux olympiques, les mains jaunes sur le mur du mémorial de la Shoah et, très récemment, les neuf têtes de cochon déposées devant des mosquées. Ces actions sont le fait de proxys russes et il faut y travailler dès maintenant.
Dans les territoires, la gendarmerie doit maîtriser l’industrie de défense. Où est la BITD, la base industrielle et technologique de défense ? Comment prenons‑nous en compte les OIV– organismes d’importances vitales – et les PIV ? J’oriente déjà mes patrouilles dans ces directions et j’ai demandé à la gendarmerie nationale de remettre à plat tous ses dossiers relatifs aux OIV et PIV pour la fin de l’année. Nous devons avoir une parfaite connaissance de ce dispositif et savoir, par exemple, où habite le directeur de tel établissement et le récupérer au moment opportun – je n’en dirai pas plus car ces questions sont classifiées. Prendre cela en compte dès maintenant est une absolue nécessité, l’idée première étant de soulager les armées. Dans le dispositif actuel, en effet, celles‑ci viennent souvent en appui de la gendarmerie – je pense par exemple au 80e anniversaire du Débarquement, aux Jeux olympiques ou aux missions menées par nos camarades dans le cadre de l’opération Sentinelle. Il s’agira alors d’un schéma inverse, où il reviendra aux forces de sécurité intérieure d’appuyer les armées, celles‑ci étant engagées. Comment assurons‑nous la base arrière ? Nous y travaillons déjà et une partie de nos jeunes réservistes sont déjà engagés sur ce type de missions.
Le premier avantage de mission est qu’elle nous permet une meilleure couverture des territoires, avec une plus grande visibilité pour les gendarmes. Elle est également appréciée de ceux‑ci, car c’est une mission essentielle de contact avec la population, les élus et les responsables, et c’est essentiel. Ce segment est impératif pour notre maison.
M. Christophe Bex (LFI‑NFP). Je tiens à rendre hommage à nos forces de gendarmerie, dont je salue le dévouement et la présence quotidienne et rassurante aux côtés de nos concitoyens, garantissant notre sécurité publique en cette période fracturée de notre histoire. Dans certains de nos territoires, la gendarmerie, par sa proximité, est souvent le dernier service public auprès de nos concitoyens. Alors que François Bayrou avait annoncé que l’État devrait montrer l’exemple et qu’aucun département ministériel ne serait exempté, en annonçant une réduction de 3 000 postes dans la fonction publique et en fixant une règle de non‑remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite, ce nouveau budget amplifie le désengagement constant de l’État dans nos territoires, qui a forcément un impact sur la vie des gens – dont les gendarmes. Par ricochet, il oblige les communes, avec un budget contraint et une nouvelle baisse de 5 milliards pour 2026, à investir dans les polices municipales et des systèmes de vidéosurveillance. Pourtant, rien ne remplace la présence humaine d’une gendarmerie nationale bien formée pour la prévention des délits. Le tableau que vous avez dressé des effectifs, des matériels et de l’immobilier est alarmant, et votre démonstration concernant les véhicules parle d’elle‑même. Surtout, elle met en lumière l’abandon des territoires.
À combien estimez‑vous les besoins pour revenir au ratio de 2007 que vous avez présenté avant que la RGPP n’introduise le non‑remplacement d’un fonctionnaire sur deux et les fameuses coupes budgétaires ? Ceux qui persistent encore à réduire le train de vie de l’État ne comprennent pas les impacts concrets que cela aura sur la vie quotidienne.
M. le général Hubert Bonneau. Nous sommes presque revenus aux effectifs de 2007 – il manque encore 250 ETP. C’est la raison pour laquelle j’appelle de mes vœux la poursuite de la création des unités territoriales, les brigades, qui nous ramènera à un niveau acceptable.
Toutefois, si le gendarme fait beaucoup, il ne fait pas tout. Sa mission est bien de couvrir le territoire, mais il manque d’outils. Nous avons décidé de développer la technologie et sommes capables de faire remonter des « hits » fournis par la Lapi, ou lecture automatisée des plaques d’immatriculation. Je précise que nous ne travaillons pas sur des personnes, mais sur des véhicules, souvent volés, équipés de plaques falsifiées et utilisés pour des braquages ou dans des affaires de stups. Le gendarme qui voit passer ces véhicules ne peut pas les contrôler immédiatement, alors que la machine le peut. Devant un appareil de Lapi, le hit est automatique. Le STCL – système de traitement central Lapi –, validé à tous les niveaux, permet la remontée des lectures optiques pour la douane, la gendarmerie et la police. En réalité, nous avons en France, pour les forces étatiques, un nombre dérisoire de Lapi. La gendarmerie en a 100 – qui sont des Lapi mobiles d’ancienne génération – et on en compte moins de 600 pour l’ensemble des forces de police, de gendarmerie et des douanes, alors que la Belgique en a 5 000, le Royaume‑Uni 13 000 et le Brésil, dont le territoire est très étendu, 30 000 selon le benchmark auquel j’ai procédé.
Il faut être raisonnables et travailler l’efficacité. Nos gendarmes sont formidables, mais il faut leur donner des outils. Nous travaillons beaucoup dans ce sens et je vais présenter au ministre un plan en la matière. Il faut augmenter les capacités des gendarmes par l’intelligence artificielle (IA). C’est ce que nous faisons au quotidien. Nous avons la chance de développer des programmes natifs au sein de la gendarmerie et travaillons sur le numérique, le cyber et l’IA. On peut ainsi aider les gendarmes pour la prise de plaintes au moyen d’un logiciel dénommé Parole, capable de retranscrire directement les auditions entre deux personnes et que nous devons encore développer davantage, notamment pour les langues étrangères.
Il faut accompagner nos gendarmes au quotidien en leur donnant plus de moyens pour accomplir leurs missions. La technologie doit y parvenir. Il faut donc développer, comme j’essaie de le faire chaque année. J’ai ainsi créé des « labs » : nous disposons de laboratoires au sein de la gendarmerie, notamment au GIGN et à l’IRCGN, l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale. Nous n’avons pas de DGA – direction générale de l’armement –, mais j’ai créé un service capacitaire de la gendarmerie, capable de prendre les innovations, d’examiner le besoin et de passer immédiatement au développement. C’est très innovant et c’est une piste essentielle pour l’avenir.
M. Sébastien Saint‑Pasteur (SOC). Je me joins aux remerciements adressés à nos gendarmes qui, partout en France, répondent présent, de jour comme de nuit, et vivent des situations difficiles.
Le budget de la gendarmerie progresse légèrement dans le projet de loi de finances pour 2026. Selon vous, est‑ce suffisant pour un rattrapage et pour renforcer la présence, la proximité et la réactivité de la gendarmerie ? À vous entendre, il semble exister un décalage entre les discours très volontaristes du gouvernement sur la sécurité et la réalité – le nombre de gendarmes par habitant ou la réserve, par exemple.
L’UNPJ a été créée récemment pour que nous soyons plus efficaces et plus réactifs, sur les réseaux et sur l’ensemble du territoire, pour démanteler les points de deal, assécher l’argent sale, remonter les filières de cambriolage et de vol organisé, lutter contre les arnaques en ligne et mieux travailler avec les parquets spécialisés pour atteindre les têtes de réseaux et confisquer les profits. Disposez‑vous d’un premier bilan ? Quelles nouvelles actions l’UNPJ a‑t‑elle rendues possibles ?
Enfin, comme tout élu de territoire où se trouve une caserne, je suis concerné par l’immobilier et le nombre trop élevé de casernes mal isolées et très dégradées. C’est un enjeu de dignité, d’attractivité et d’efficacité pour notre modèle de gendarmerie qui repose sur des familles vivant en caserne – ce qu’évoquait déjà un rapport sénatorial en juillet 2024. Ne faudrait‑il pas inventer un nouveau modèle ? Thomas Gassilloud l’a évoqué, je vous propose quant à moi de venir l’expérimenter à la caserne de Cestas.
M. le général Hubert Bonneau. Concernant le dispositif de reprise, il faut le poursuivre et le renforcer en dépassant largement les 300 millions d’euros annuels, et en allant vers l’idéal de 400 millions, pour maintenir et rénover notre part domaniale. Mais cela ne suffira pas au vu de l’état de nos casernes : il nous faut inventer un nouveau système.
Du côté de la construction locative, les décrets de 1993 et 2016 ne sont plus adaptés. Les loyers n’ont cessé d’augmenter : 628 millions d’euros en 2024, contre 300 millions en 2009. Dans huit à dix ans, il est fort probable qu’on atteigne le milliard d’euros. Il nous faut donc revenir à la construction domaniale : la construction locative, sur le long terme, coûte deux fois plus cher.
Or nous n’avons pas les moyens d’investir dans l’immédiat, raison pour nous préparons un décret pour rendre possible la location avec option d’achat (LOA). Il s’agirait, en investissant avec des collectivités territoriales ou, lorsqu’elles ne sont pas en mesure d’investir, des bailleurs, de construire des brigades sur des terrains existants, de payer des loyers à taux fixe sur une vingtaine d’années, pour, à l’issue de cette période, racheter la part manquante. Tout le monde serait gagnant : la collectivité, le bailleur et enfin la gendarmerie, qui entretiendrait sa construction dans la durée et l’acquerrait à moindre coût.
Cette option, selon les sondages menés au sein de la gendarmerie et les analyses du directeur des soutiens et des finances (DSF), emporte l’adhésion et il nous faut à présent examiner avec Bercy ses modalités concrètes. C’est d’ailleurs la seule option que nous ayons. Je doute en effet de la soutenabilité d’un modèle exclusivement locatif dans les prochaines décennies. Si nous ne revenons pas à la domanialité, le modèle même de la gendarmerie – qui repose sur la militarité et la possibilité de mettre des gendarmes en disponibilité comme sur un maillage territorial avec une implantation en profondeur – pourrait s’écrouler. L’immobilier est la pierre angulaire de ce modèle.
Les premiers résultats de l’UNPJ, préfigurée entre janvier et juillet et lancée officiellement en septembre, vont au‑delà de nos espérances. Cette unité nous permet de concentrer nos moyens les plus techniques, comme l’unité nationale cyber ou l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) pour les constatations, et, surtout, d’apporter un appui inédit à nos unités territoriales.
Je vous donne un exemple récent. La section de recherches de Marseille, pourtant dotée d’effectifs conséquents, ne peut travailler seule sur les narcotrafics. Ainsi l’UNPJ leur envoie des experts dans différents domaines – analyse criminelle, cyber, renseignements criminels, etc. C’est un effectif déplacé permanent et une ressource nationale, forte de bientôt 200 enquêteurs, qui vient compléter les forces territoriales.
Dans l’affaire sur la DZ Mafia, on peut saisir 300 grammes de cocaïne, mais, derrière, on démantèle aussi, en lien avec la police italienne, un réseau de collecteurs qui ramassent et donnent l’argent en vue d’une transformation et d’un blanchiment. En l’occurrence, le blanchiment s’opère cette fois‑ci autour de l’or – qui vaut 100 euros le gramme, contre 30 euros pour la cocaïne, et quitte ensuite l’Europe – et de l’immobilier. Les spécialistes de très haut niveau de l’UNPJ, qui ont reçu les formations spécifiques de la gendarmerie, travaillent donc en appui de la section de recherches de Marseille sur le blanchiment présumé et la captation des avoirs criminels. C’est ainsi qu’on casse les structures. Peut‑être n’aurons‑nous pas saisi de stupéfiants cette fois‑ci, mais nous aurons pris 300 kilogrammes d’or, des dizaines de millions d’euros d’immobilier, des voitures de luxe et des montres. Nous continuerons d’ailleurs à enquêter, sur les cryptomonnaies comme sur de nombreux autres éléments : c’est une absolue nécessité.
Les premiers résultats de l’UNPJ sont donc tout à fait encourageants. Par ailleurs, j’ai proposé aux magistrats de continuer à privilégier la saisie des unités territoriales et des sections de recherches, et de cosaisir l’UNPJ pour obtenir des moyens supplémentaires. C’est la philosophie de cette action.
Mme Valérie Bazin‑Malgras (DR). En tant que rapporteure du budget de la gendarmerie et au nom de mon groupe, je vous remercie pour vos propos liminaires éclairants et salue l’engagement quotidien des gendarmes, qui assurent la sécurité des Français partout sur le territoire. Trois axes me semblent fondamentaux dans la trajectoire budgétaire pour notre gendarmerie : le schéma d’emploi, les capacités aériennes et l’immobilier.
La pause du schéma d’emploi en 2025 a mécaniquement ralenti la dynamique de proximité collectivement engagée par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), au moment où l’annonce de 239 brigades supplémentaires suscite des attentes légitimes dans nos territoires. Le projet de loi de finances pour 2026 doit redonner à cette dynamique un élan significatif par un schéma d’emploi positif, faute de quoi la parole de l’État perdra en crédibilité.
Du côté des capacités aériennes, la commande de six hélicoptères en 2023 a constitué un signal important mais n’était qu’une première étape. Le vieillissement des hélicoptères Écureuil engendre un risque de rupture capacitaire et il serait inacceptable que demain, une intervention de secours ou d’appui aérien échoue faute de disponibilité technique. Selon vous, quand sera‑t‑il nécessaire de lancer une deuxième commande ? Est‑elle déjà arbitrée avec le ministère de l’intérieur ?
Enfin, l’effort de rattrapage est visible pour l’immobilier et je salue l’augmentation de 100 à 300 millions d’euros en autorisations d’engagement cette année. Or, vous l’avez dit, 425 millions d’euros sont nécessaires pour enrayer la dette grise. La qualité du casernement joue aussi un rôle déterminant pour l’attractivité et la fidélisation des personnels. Peut‑on espérer que l’exercice 2026 s’inscrive dans cette dynamique de rattrapage ?
Sur ces trois sujets, le groupe Droite républicaine sera un appui pour accompagner les besoins de nos gendarmes, que je tiens une nouvelle fois à saluer, tant pour leur engagement que pour leur dévouement quotidien au service de la sécurité et de la protection des Français. C’est tout le sens de mes questions aujourd’hui.
M. le général Hubert Bonneau. L’érosion de la flotte d’hélicoptères Écureuil, qui a aujourd’hui quarante ans, est en effet un problème majeur, notamment en outre‑mer. À Mayotte, un hélicoptère est à bout de souffle et un autre, en Nouvelle‑Calédonie, a effectué une autorotation alors qu’il sortait d’entretien et a donc été retiré. Heureusement, un équipage parfaitement aguerri a pu le faire amerrir en catastrophe. Depuis la sortie difficile du covid, nous rencontrons en outre un problème d’obsolescence et de rupture d’approvisionnement pour les hélicoptères EC135.
Ces difficultés nous obligent à des fermetures temporaires de sections aériennes de gendarmerie (SAG). Entre janvier et octobre 2025, nous avons fermé six sections, par périodes d’un ou deux mois et à tour de rôle, afin de faire tourner les hélicoptères et permettre une permanence. Six autres fermetures temporaires sont programmées d’ici au début de l’année 2026.
Retrouver une capacité forte sur l’entretien et le renouvellement des machines est donc un enjeu majeur. Une commande complémentaire d’hélicoptères est prévue dans le cadre d’un marché de 355 millions d’euros que nous devons passer avant le début de l’année 2027. Sinon, il faudra faire des choix pour notre flotte, l’ouverture des SAG et le maintien des missions.
Par ailleurs, oui, nous appelons de nos vœux la poursuite de la création des brigades. Il nous manque à l’heure actuelle 1 145 ETP prévus par la Lopmi et, alors que le programme devait se terminer en 2027, nous devrons probablement aller au‑delà car il nous reste 100 brigades à créer.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Je souhaite exprimer mon soutien aux gendarmes, qui œuvrent au plus près des habitants, et souligner la nécessité de liens de qualité avec les élus locaux pour bâtir une synergie d’action.
L’immobilier, au fondement de la gendarmerie, est effectivement une priorité. Le cas de la caserne Deflandre, à Dijon, avec ses coupes récurrentes de chauffage et d’eau chaude, révèle la discontinuité des politiques budgétaires. Ce sont 60 millions d’euros qui sont prévus pour sa réhabilitation mais les travaux ne commenceront pas avant 2027 alors que la situation dure depuis des décennies. Le projet de loi de finances pour 2026 voit nettement augmenter la brique « immobilier ». C’est une avancée mais, comme vous l’avez souligné, celle‑ci est insuffisante pour combler tous les besoins. Dès lors, comment construire de nouvelles brigades ?
En outre, la réhabilitation énergétique globale des bâtiments est un enjeu climatique et un enjeu d’économies. Pouvez‑vous partager avec nous les avancées de l’expérimentation des marchés globaux de performance énergétique à paiement différé (MGPEPD) lancés cette année ainsi que la phase d’identification des projets ?
Enfin, quels sont les impacts du retard de l’adoption du projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité sur les besoins d’investissement pour la lutte contre la cybercriminalité ? Nous avons un an de retard pour appliquer la directive européenne.
M. le général Hubert Bonneau. Nous sommes tout à fait d’accord sur la nécessité du contact et de la confiance, dans une société fracturée où augmentent violences et radicalité.
Je demande aux gendarmes, quel que soit leur grade, de créer cette confiance avec nos concitoyens en multipliant, par exemple, les patrouilles sur le terrain. Mais c’est difficile, compte tenu de la judiciarisation de la société et de l’augmentation du nombre de plaintes, chronophages pour les agents. Les violences intrafamiliales représentent par exemple un tiers de l’ensemble des gardes à vue : s’en charger est une nécessité absolue mais cela prend l’énergie et le temps nécessaires au travail de terrain.
Du côté des élus, la relation entre la brigade et le maire est essentielle, dans la mesure où le maire est souvent en première ligne, avant les gendarmes. Nous travaillons d’ailleurs avec les maires sur les violences faites aux élus par le biais du centre d’analyses et de lutte contre les atteintes aux élus (Calae), installé au ministère de l’intérieur.
Je demande aussi aux commandants de brigades de renforcer ce lien en présentant systématiquement aux maires leur service et leurs orientations et en s’assurant de leur compréhension et de leur appui. Nous leur sommes redevables et il faut en effet partager davantage.
M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances de la gendarmerie nationale. La caserne Deflandre est un sujet bien connu, en réflexion depuis des années. Nous avions envisagé, en l’absence de crédits, un marché de partenariat qui ne s’est pas réalisé. Avec l’augmentation des crédits immobiliers, nous repassons en crédits domaniaux et sommes en mesure de lancer la rénovation de la caserne : les études, cette année, et les travaux en 2027.
La rénovation énergétique est une préoccupation puisque, depuis le 1er janvier 2025, nous ne sommes plus censés louer des logements avec un diagnostic énergétique inférieur à l’étiquette E. Or, chance ou non, la gendarmerie n’est pas dans l’obligation de réaliser ces diagnostics et ne connaît donc pas l’état de son parc. Les comparaisons menées sur des casernes avant et après rénovation montrent toutefois qu’une bonne moitié des logements sont étiquetés F ou G.
En 2025, le dispositif du MGPEPD, qui permet de faire des travaux énergétiques et de les rembourser par un loyer payé sur une quinzaine années, avait été envisagé pour les casernes de Bourgoin Jallieux et de Mont‑de‑Marsan. Les crédits devaient être portés par la direction de l’immobilier de l’État (DIE) dont les contraintes budgétaires ont empêché le lancement des travaux. Nous n’avons donc pas pu tester le modèle MGPEPD sur ces projets, qui seront réalisés l’an prochain, mais sur les crédits immobiliers de l’État.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). J’apprends que les travaux prévus à Mont‑de‑Marsan seront différés. Mais il existe effectivement des urgences – urgences qui durent depuis des années. Je suis également sensible aux enjeux de fidélisation des familles, et non pas des seuls gendarmes – une fidélisation difficile lorsque les logements sont vétustes et thermiquement inadaptés. Le sujet est donc grave mais je vois que vous en tenez compte. Il faut vraiment des moyens.
Sur ce point, existe‑t‑il un plan pluriannuel d’investissement, visible et suivi ? Vos services d’infrastructures sont‑ils en mesure de porter des augmentations de budget ? En effet, quand les moyens augmentent beaucoup, ils deviennent difficiles à employer, ce qui constitue un obstacle à la réalisation des projets.
Je salue à mon tour la gendarmerie, aimée des citoyens comme des élus des zones rurales. Mon département conjugue ruralité et tourisme et les réservistes lui sont indispensables. Merci également de vous organiser face aux nouveaux enjeux, qu’ils soient sécuritaires, technologiques ou liés à la résilience de la nation.
M. le général Hubert Bonneau. Nous avons souffert quelque temps du manque de crédits et il faut aujourd’hui relancer la machine.
Notre programme d’investissement immobilier est établi sur cinq ans. Notre directeur des soutiens et des finances est en train de rebâtir le schéma immobilier de la gendarmerie – nous proposons ainsi le décret sur la LOA pour revenir à de l’immobilier d’État.
Je suis quant à moi préoccupé par la conduite des opérations au niveau départemental : la chaîne immobilière étant fragilisée, je coordonne les niveaux national, régional et départemental pour renforcer la capacité des sections des affaires immobilières à reprendre les programmes. Cela se fera, grâce à notre impact militaire.
Ce temps de latence s’explique aussi par notre mobilisation, en 2025, sur un plan de rénovation des gendarmeries - réfection des accueils, des cages d’escalier, mise en conformité des ascenseurs – qui au moins, a eu des résultats. À Dijon, les 300 millions de travaux seront pris sur les crédits immobiliers de l’État. La reprise est donc progressive mais nous devons rapidement monter en puissance.
M. François Desmadryl. La difficulté tient au fait que nous ayons une programmation en interne mais que nous dépendons de l’annualité budgétaire. Nous n’avons pas de visibilité sur nos budgets pour les années 2027, 2028 ou 2029. Or, pour l’immobilier, l’inertie et le stop and go – 200 millions d’euros pendant le plan de relance, plus rien l’année suivante – sont délétères pour les projets comme pour les équipes : nous avons besoin de crédits dans la durée.
M. le président Jean‑Michel Jacques. Nous en venons aux questions des autres orateurs.
M. Emmanuel Taché (RN). Dans la seizième circonscription des Bouches‑du‑Rhône – à Arles, aux Saintes‑Marie‑de‑la‑Mer, à Saint‑Martin‑de‑Crau –, le narcotrafic n’est plus un phénomène urbain : il gangrène nos villages, nos zones rurales, voire nos écoles. Le gang DZ Mafia s’y est implanté, avec des règlements de comptes souvent meurtriers. Les gendarmes de la compagnie d’Arles agissent avec courage mais ils manquent de moyens et d’effectifs. Les trafiquants imposent leurs propres lois malgré la mobilisation des unités de contrôle des flux. Le Rassemblement national le dit depuis des années : des pans entiers de notre territoire échappent à l’autorité de l’État faute de sanctions réelles et d’investissements, comme vous l’avez souligné. Comment la gendarmerie pourrait‑elle renforcer la lutte contre les réseaux structurés et rétablir l’ordre dans ces zones rurales oubliées ?
Je salue nos forces de l’ordre locales et nos militaires qui maintiennent la République debout malgré le laxisme d’un État qui, jusqu’ici, a reculé devant les trafiquants.
M. Jean‑Louis Thiériot (DR). Je souhaite à mon tour exprimer mon immense gratitude à l’égard de nos gendarmes. J’ai la chance qu’il y ait dans ma circonscription, à Melun, un groupement et une compagnie qui font un travail remarquable ; ils incarnent la militarité et la proximité, notamment avec les élus.
Je me suis battu, au moment du plan de relance, pour que nous obtenions les blindés Centaure. Nous en avons aujourd’hui quatre‑vingt‑dix : pourriez‑vous nous en faire un retour d’expérience (retex) ? Pensez‑vous qu’il soit nécessaire d’en avoir davantage, pour la DOT notamment, dans la perspective de missions de maintien de l’ordre sur le haut du spectre, ou de Stadef élevés ?
On sait qu’un réserviste ne s’use que si l’on ne s’en sert pas : quel seuil faudrait‑il selon vous fixer, en nombres de jours de réserve opérationnelle ? Les réservistes avec lesquels j’échange laissent souvent entendre que leur matériel n’est pas le même que celui des gendarmes d’active. Que faudrait‑il faire pour y remédier, et combien cela coûterait‑il ?
Enfin, les évolutions nécessaires pour pouvoir faire de la LOA sont‑elles purement réglementaires ou bien législatives ?
Mme Nadine Lechon (RN). Avec une multiplication par deux des violences physiques depuis 2017, une explosion du crime organisé, une hausse constante des coups et blessures en milieu rural et une insécurité alarmante dans les outre‑mer, le rôle des gendarmes n’a jamais été aussi important. Si des actes forts sont nécessaires, comme l’instauration d’une présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre, il faut également répondre au manque de moyens de nos forces. Les véhicules font évidemment partie de ces moyens. À la suite d’une question écrite que je lui ai posée, le ministre de l’intérieur m’a indiqué en juin dernier qu’il était nécessaire de renouveler 4 000 véhicules par an mais que, depuis des années, cet objectif n’était jamais atteint. Cette lacune a un effet réel sur l’efficacité et sur la disponibilité de nos gendarmes. J’aimerais donc connaître vos besoins en matière de véhicules, aussi bien en matière de nombre que de spécialisation.
M. le général Hubert Bonneau. Pour les questions liées au narcotrafic, il n’y a pas la zone de compétence de la gendarmerie d’un côté et celle de la police de l’autre. S’il est vrai que les points de deal sont moins nombreux en zone gendarmerie, l’« Uber Shit » s’y développe massivement et les passages y sont nombreux pour des livraisons ou des points de contact. Le narcotrafic irrigue tous les territoires : le nombre de consommateurs n’est pas moins important en zone gendarmerie qu’en zone police.
Le sujet doit être envisagé dans sa globalité. Je m’efforce d’orienter le travail de la gendarmerie de telle sorte que nous puissions porter des coups massifs à partir du renseignement criminel, du ciblage des individus et du travail sur les structures ; c’est essentiel. Il est vrai que nos gendarmes sont confrontés au quotidien aux points de deal et aux trafiquants, et qu’ils doivent réagir. Mais, pour démanteler le trafic, il faut prendre le taureau par les cornes en visant le haut, en cassant les structures. C’est ce que nous avons fait par exemple dans le cadre de l’opération que j’évoquais précédemment. En effet, les structures sont organisées : elles blanchissent l’argent en diversifiant leurs investissements dans l’immobilier ou les labels musicaux par exemple, et elles pratiquent l’extorsion. La criminalité organisée est structurée autour du narcotrafic, mais celui‑ci n’est pas sa seule activité.
Aujourd’hui, il faut mettre en avant les évolutions contenues dans la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. La présomption de blanchiment, par exemple, est une disposition essentielle. Elle permet d’éviter de nombreuses étapes puisque c’est désormais à l’auteur présumé des faits de justifier de son patrimoine ; à défaut, celui‑ci est saisi. Cette loi offre de nombreuses possibilités sur le plan judiciaire, que nous devons décliner sur le plan administratif au travers des pouvoirs des préfets. C’est cette double déclinaison que je demande à mes gendarmes aujourd’hui.
Les Centaure sont un véritable game changer. Ils ont été mis à contribution comme jamais les véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG) ne l’avaient été jusqu’alors. Rappelons qu’il ne s’agit pas d’engins de maintien de l’ordre. Leur doctrine d’emploi est tout autre : ils doivent permettre aux gendarmes d’agir sous le feu. Ils peuvent ainsi être employés dans le cadre d’opérations de rétablissement de l’ordre, en cas de guérilla urbaine, d’insurrection – comme ce fut le cas en Nouvelle‑Calédonie – mais aussi pour du secours ou pour des opérations plus militarisées. Les Centaure sont une véritable réussite. Nous en avons quatre‑vingt‑dix, ce qui n’est pas suffisant dans le contexte actuel. Il nous en faudrait davantage, dans le cadre notamment de la DOT.
S’agissant enfin de nos réservistes, je considère qu’il faudrait pouvoir les employer au minimum une vingtaine de jours par an. Le vrai sujet, c’est le budget : aujourd’hui, je ne peux plus en employer, faute d’argent ! Ceux à qui nous ferions tout de même appel ne seraient rétribués qu’en janvier de l’année prochaine. Je ne peux pas faire autrement. Cela crée parfois un sentiment de rupture : alors que l’engouement est réel au départ, ils me disent ensuite que l’on ne veut plus les employer ! Les 100 millions d’euros dont nous disposons sont insuffisants pour l’emploi des réservistes – sachant que la demande, pour l’engagement à servir dans la réserve (ESR), est autour de vingt‑cinq ou trente jours.
Il faudrait donc largement plus de 150 millions d’euros, sachant que le sujet est aussi celui de l’équipement. Le service national universel (SNU) n’est plus mais, dans les départements de gendarmerie, nous avons de nombreuses classes de cadets qu’il faut maintenir. J’ai eu la chance et l’honneur de remettre des diplômes à des jeunes issus de cités, en particulier à des filles. Des centaines de personnes étaient présentes, et j’ai passé un long moment à faire des photos avec les familles. Beaucoup m’ont dit que c’était leur premier diplôme. Ces classes, nombreuses en Bretagne, constituent une chance : elles sont une façon d’engager une partie de la jeunesse, qui pourrait plus tard rejoindre la gendarmerie. Pourtant, je n’ai pas de financement et suis obligé de travailler avec de généreux donateurs pour équiper ces jeunes au quotidien.
J’en viens enfin à notre parc de véhicules, qui est vieillissant. L’âge moyen de nos 3 000 motos dépasse 7 ans : il va falloir penser très vite à les renouveler. Pour les véhicules, il s’établit à 8 ans, l’âge auquel nous devons le renouveler. Nous avons donc déjà un retard conséquent : sur 27 000 véhicules, plus de 10 000 auraient déjà dû être remplacés. Pour nos 3 700 poids lourds enfin, l’âge du parc atteint 15 ans ; nous avons fait le choix de renouveler les véhicules de maintien de l’ordre, car c’est absolument nécessaire. Il faut savoir que nos escadrons de gendarmerie mobile traversent parfois la France : celui de Sarreguemines peut être à Dax demain. Ils sont en outre parfois exposés à des chocs, au cours des manifestations. Le renouvellement de notre parc est donc urgent !
Mme Corinne Vignon (EPR). Je partage votre avis, mon général, s’agissant des rénovations à mener et des programmes domaniaux à mettre en place. La première pierre du programme prévu à Balma, dans ma circonscription, sera d’ailleurs posée très prochainement.
J’ai eu l’occasion de rencontrer le groupe d’observation et de surveillance (GOS) de Toulouse, placé sous l’autorité de l’excellent général Thibaut Lagrange. Il se trouve que les véhicules mis à sa disposition sont souvent des Peugeot 3008 ou des Renault Scenic, c’est‑à‑dire les mêmes que ceux de la police : les personnes surveillées les repèrent immédiatement. Pour leurs missions sensibles de surveillance, les GOS ont absolument besoin de véhicules banalisés, qui pourraient être issus de saisies. Pensez‑vous avoir la possibilité d’en obtenir ?
Mme Michèle Martinez (RN). Permettez‑moi de revenir sur la militarité de la gendarmerie, qui fait sa force. En cas de conflit majeur, les gendarmes ne sont pas forcément au combat mais ils assurent un rôle majeur sur notre territoire. Pour reprendre la formule du général Burkhard, il faut « gagner la guerre avant la guerre ». Cela implique de défaire ceux qui, sur notre sol, tentent de nous déstabiliser, et de pouvoir lutter contre ces forces de l’ombre en cas d’engagement majeur de nos armées. La phase 4 de l’exercice Orion l’a anticipé. Nul doute que, sur notre sol, des mouvements séditieux – soutenus d’ailleurs par des partis politiques – pourront se mobiliser et nous nuire, en cas de coup dur. À cela s’ajoute la mouvance islamiste qui, dans ses dimensions djihadiste comme frériste, reste la première menace pour la sécurité et la cohésion nationales.
Dans ce contexte, vos forces sont en première ligne au quotidien pour infiltrer, se renseigner et contrer les actions hostiles d’une galaxie d’organisations qui n’hésiteront pas à nous frapper dans le dos. Comment anticipez‑vous l’action que vous devriez mener contre ces mouvements hostiles en cas de conflit de haute intensité ?
M. Julien Limongi (RN). Je souhaiterais évoquer la politique immobilière de la gendarmerie nationale, plus particulièrement la question de la sécurisation des emprises et des logements de service. Dans plusieurs territoires, les brigades sont implantées dans des sites anciens, parfois exposés ou insuffisamment protégés par des dispositifs de clôture ou de vidéoprotection qui ne répondent plus aux standards actuels. Ces situations soulèvent des questions en matière de protection des personnels et de leurs familles comme de préservation du matériel sensible. Dans ma circonscription de Seine‑et‑Marne, la brigade de Rozay‑en‑Brie, située le long de l’axe très fréquenté de l’ancienne route nationale 4, illustre bien cette problématique : son niveau de sécurisation est très limité – de simples grillages, sans vidéoprotection – alors qu’elle est exposée, à proximité, à une forte délinquance itinérante.
Pouvez‑vous nous préciser la stratégie de la direction générale de la gendarmerie nationale en matière de mise à niveau et de sécurisation du parc immobilier et des brigades ? Quels moyens le budget 2026 permettra‑t‑il de consacrer notamment aux casernes anciennes en zone périurbaine ou rurale, qui sont exposées à des risques spécifiques ?
M. Christophe Bex (LFI‑NFP). Vous avez évoqué le paiement de plus de 1 milliard d’euros de loyers à terme, ajoutant vouloir revenir à un parc domanial qui coûtera beaucoup moins cher. Comment en sommes‑nous arrivés là ? Est‑ce à cause de la politique des partenariats public‑privé ? Cela concerne la gendarmerie mais aussi tout le secteur public d’une façon générale, notamment les universités et les prisons. Cette situation grève le budget de la gendarmerie, alors qu’elle a besoin d’argent pour accomplir ses missions.
M. Daniel Grenon (NI). Je souhaite exprimer ma gratitude à l’ensemble des gendarmes qui assurent chaque jour notre sécurité.
Les événements survenus en Nouvelle‑Calédonie l’année dernière ont révélé une faille dans notre système. Le déploiement massif de gendarmes sur place, en raison du conflit, a engendré une forte hausse des dépenses que le gouvernement n’avait pas anticipée. Face à cette situation, la gendarmerie a été contrainte de reporter le paiement des loyers de plusieurs mois, à l’automne. Les moyens financiers prévus pour la gendarmerie dans le projet de loi de finances pour 2025 se sont révélés inadaptés. Alors que notre pays fait face à de multiples menaces, il est à craindre que des situations similaires ne puissent se reproduire. Selon vous, le gouvernement a‑t‑il véritablement pris la mesure, pour l’élaboration du budget pour 2026, des enjeux soulevés par l’émergence de nouveaux conflits susceptibles d’accroître les dépenses de gendarmerie ?
M. le général Hubert Bonneau. Je vous confirme d’abord que, pour les missions de surveillance et de police judiciaire, le recours aux véhicules saisis se développe – je tiens à cet égard à saluer l’activité de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), au niveau national comme local. Je regrette que le GOS de Toulouse ne soit pas suffisamment bien doté, mais je confirme que l’utilisation des véhicules saisis dans le cadre de ces missions est totalement intégrée à nos dispositifs. L’an dernier, 321 d’entre eux ont été affectés à la gendarmerie.
Dans le cadre d’un conflit de haute intensité, ce sont d’abord les services de renseignement qui ont un rôle essentiel : il faut saluer le travail de la DGSI – direction générale de la sécurité intérieure – et de la DNRT – direction nationale du renseignement territorial –, au sein de laquelle sont intégrées des centaines de gendarmes. Le renseignement territorial a une vision nationale de ce qui se passe au quotidien dans l’ensemble des territoires, et la gendarmerie y contribue. Beaucoup de choses remontent ainsi : la montée des radicalités, que j’évoquais, est une réalité. Rappelez‑vous de l’opposition qu’ont suscitée les projets d’installation de centres d’accueil pour demandeurs d’asile décidés par les maires de Callac et de Saint‑Brevin‑les‑Pins ; ce sont les gendarmes qui ont vécu ces situations.
La haute intensité nous renvoie au fondement même de la gendarmerie, au cœur de ce quoi doit être son action – la surveillance des territoires – et au principe de militarité.
S’agissant de la sécurisation des casernes de gendarmerie, l’évaluation globale du besoin s’élève à 450 millions d’euros. Or il y a là une nécessité : on ne peut pas combattre le crime organisé et lui porter des coups en imaginant que cela n’aura pas de conséquences sur les forces de l’ordre, et potentiellement sur leurs familles. Je salue d’ailleurs la mémoire de nos trois camarades carabiniers italiens, décédés hier lors d’une opération. Nos casernes outre‑mer sont probablement davantage visées que les autres, à l’occasion de montées en pression parfois rapides. Leur sécurisation pose de véritables problèmes, compte tenu de leur état de vétusté ; de plus en plus de gendarmes sont logés en dehors des casernes. Ce sujet est pris en compte.
La sécurisation des casernes est donc un vrai sujet pour le directeur et pour toute la direction générale. Nous avons un plan de sécurisation d’environ 15 millions d’euros par an, qui est insuffisant et qu’il faudrait pouvoir mieux doter. Si la prise de conscience est réelle, je ne peux toutefois éluder la difficulté liée à l’insuffisance de crédits.
S’agissant enfin des dépenses imprévisibles, je dis parfois que ce n’est pas le directeur général qui commande la gendarmerie, mais l’événement – l’autre contrainte majeure étant le temps. Nous proposons des budgets visant à faire face aux situations actuelles, en anticipant ce qui pourrait arriver, mais nous ne sommes jamais sûrs de rien. En tant que militaires, nous devons faire face aux situations en étant offensifs et, à un moment donné, faire des choix. Je demande beaucoup d’adaptabilité et de souplesse car, encore une fois, ce qui commande véritablement, c’est l’événement.
M. le président Jean‑Michel Jacques. Nous vous remercions, mon général, pour vos réponses. Merci aussi, mes chers collègues, pour vos questions.
La commission a examiné, pour avis, sur le rapport de Mme Valérie Bazin-Malgras, les crédits relatifs à la mission « Sécurités » : Gendarmerie nationale, du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906), au cours de sa réunion du 29 octobre 2025
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je tiens à témoigner ma reconnaissance et à saluer l'engagement, le dévouement et le courage de tous nos gendarmes qui assurent notre protection et notre sécurité au quotidien.
Je remercie également tous les officiers, sous-officiers, gendarmes et personnels de la gendarmerie auditionnés pour la qualité et la pertinence de nos échanges, ainsi que Thibaut Houriez, l'administrateur de la commission, pour son travail efficace dans la préparation des auditions et l'élaboration de ce rapport.
En dépit de fortes contraintes budgétaires, le PLF 2026 maintient l'effort en faveur de la gendarmerie nationale et relance la montée en puissance du maillage territorial visé par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) de 2023. Les crédits du programme 152 atteignent ainsi 7 milliards d'euros en crédit de paiement hors compte d'affectation spéciale des pensions, soit une hausse de 158 millions d'euros par rapport à la loi de finances de 2025.
Les crédits de personnel progressent parallèlement aux effectifs, avec un schéma d'emploi positif. Cette question des effectifs est capitale et appelle toute notre vigilance. En 2025, aucune création de nouvelle brigades n’était intervenue. Je déplore cette « année blanche », qui a privé les territoires d'un renforcement attendu et nécessaire de leurs services publics de sécurité. Le PLF 2026 renoue heureusement avec une trajectoire en hausse et permet le déploiement de 58 nouvelles brigades, dynamique que je salue. L'effort devra cependant se poursuivre en 2027 pour atteindre l'objectif global de 239 créations de brigades fixées par la LOPMI, ce qui implique encore 101 nouvelles brigades à déployer.
La montée en puissance de la réserve opérationnelle se poursuit également, avec un budget conforté en 2026. Je réitère les recommandations exprimées dans mon avis précédent : les réserves ne sauraient constituer une variable d'ajustement budgétaire et doivent voir leurs moyens sanctuarisés dans les exercices à venir pour atteindre l'objectif de 50 000 réservistes en 2027.
L'activité opérationnelle des unités de gendarmerie mobile demeure préoccupante, avec une sollicitation très forte en 2025, notamment en Outre-mer, au-dessus du standard d'aisance opérationnelle. La gendarmerie, consciente de ces difficultés, met en place des mesures d'aménagement pour les personnels de la gendarmerie mobile afin de faciliter leur repos et la conciliation entre vie professionnelle et familiale. Elle recourt notamment à des « compagnies de marche », constituées de gendarmes départementaux et réservistes mobilisés temporairement. Ces unités ont par exemple été déployées pour des dispositifs saisonniers de protection des populations ou en renfort à Mayotte après le cyclone Chido.
J’en viens maintenant aux crédits d’équipement, de fonctionnement et d’investissement. Bien qu'en progression, cette enveloppe reste contrainte et exige de la gendarmerie des arbitrages difficiles. La gendarmerie porte un effort bienvenu sur l'immobilier, lançant enfin une dynamique de réhabilitation de son patrimoine domanial très vieillissant. Cette évolution constitue une amélioration indéniable mais ne permet pas de résorber immédiatement l'intégralité de la dette grise accumulée au fil des années, évaluée à plus de 2 milliards d'euros. L'effort devra donc s'inscrire dans la durée pour soutenir la politique de casernement, élément central du modèle de la gendarmerie nationale.
La situation du parc automobile s'avère alarmante. Un renouvellement optimal nécessiterait le remplacement d'environ un huitième du parc chaque année, objectif qu'aucun des trois derniers exercices budgétaires n'a atteint. L'année 2026 s'annonce également difficile avec un renouvellement bien en deçà des besoins. Ce sous-investissement chronique entraîne le vieillissement et une moindre disponibilité du parc, déjà porté à sa limite.
Le vieillissement de la flotte d'hélicoptères suscite quant à lui un risque sérieux de rupture capacitaire, particulièrement pour les hélicoptères « Écureuil ». Mise en service dans les années soixante-dix, cette flotte représente près de la moitié du parc en service et la gendarmerie prévoit un retrait définitif de ces appareils à partir de 2028. Un renouvellement partiel est engagé avec l'acquisition de six nouveaux hélicoptères H145 qui seront livrés entre 2025 et 2028, mais cette opération reste insuffisante face aux besoins. Le marché des H145 prévoit pourtant une tranche complémentaire. Je soutiens qu’il faut signer cette tranche complémentaire au plus vite. Le directeur général de la gendarmerie a clairement évoqué ce danger devant notre commission : sans renouvellement de ses hélicoptères, la gendarmerie sera contrainte à un abandon de mission. Très concrètement, cela signifie une remise en cause des missions de secours en montagne ou de l'action de la gendarmerie en Outre-mer.
J'ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport à la Gendarmerie de Mayotte afin de rendre compte de l'action de l'institution pendant le cyclone Chido.
Je tiens à rendre hommage au chef d'escadron Florian Monnier du Centre national des opérations de la gendarmerie, décédé en service à Mayotte en décembre 2024 lors d'une mission de renfort à la suite du cyclone. Je rends également hommage à l'adjudant Nicolas Verriez de la Brigade de gendarmerie maritime de Mayotte, décédé en service en septembre de cette année.
Dans ce département soumis à de fortes tensions sécuritaires et migratoires, les gendarmes déploient une énergie quotidienne considérable pour assurer l'ordre public. Ces militaires font face à des affrontements récurrents entre bandes, à une forte prévalence des vols à main armée, et à des tensions qui dégénèrent parfois en violences urbaines. Les gendarmes et leurs véhicules subissent régulièrement des attaques d'une extrême violence avec jets de pierres et fers à béton. Le département de Mayotte représentait ainsi 11,3 % de la totalité des agressions de gendarmes recensées pour l'ensemble de la France en 2024.L'engagement à Mayotte se caractérise par une intensité opérationnelle soutenue. Je citerai également pour exemple la sécurisation des espaces scolaires. Cette mission très chronophage vise à garantir l'école comme sanctuaire face à un phénomène de violence juvénile accablant. Durant l'année scolaire 2024-2025, sept mineurs scolarisés ont été tués, essentiellement lors d'affrontements ou de règlements de comptes, principalement sur le chemin de l'école et ses abords. Les établissements eux-mêmes parviennent à être sécurisés grâce à l'action du rectorat, de la police et de la gendarmerie.
En décembre 2024, le cyclone Chido, d'une ampleur sans précédent depuis 90 ans, a frappé violemment cet archipel déjà fragile. Plus que jamais, la gendarmerie, en collaboration étroite avec les autres forces armées, a constitué l'ossature de la réponse de l'État face à cette crise.
Dans l'immédiat après-Chido et durant les jours et semaines qui ont suivi, la mission de la gendarmerie, renforcée depuis La Réunion et l'hexagone, s'est concentrée sur quatre actions majeures, menées avec succès : le rétablissement des axes et relais de communication ; le secours aux personnes ; le maintien de l'ordre public ; le désenclavement des communes. J'insiste particulièrement sur ce point : les gendarmes ont souvent été les premiers à rompre l'isolement des populations. Les autorités auditionnées saluent unanimement le rôle majeur joué par l'institution dans la restauration de la confiance institutionnelle.
Surtout, cette crise a démontré la force des deux atouts majeurs de la gendarmerie qu'il convient impérativement de préserver et de conforter : sa militarité et son casernement. La proximité des personnels et la disponibilité immédiate des infrastructures opérationnelles ont permis une mobilisation rapide et continue des effectifs, malgré des conditions extrêmes.
Mon sentiment profond est que nous devons, à la gendarmerie de Mayotte et aux Mahorais, de tenir les objectifs de la loi de refondation que nous avons votée cet été. À l'instar d'autres services de l'État, la gendarmerie nationale à Mayotte ne dispose pas aujourd'hui de l'assise nécessaire pour assurer pleinement ses missions. Le plan gouvernemental « Mayotte debout » programme l'arrivée de 55 ETP supplémentaires et des moyens renforcés. Je déplore qu'à ce jour, aucune des mesures annoncées n'ait été suivie d'une traduction budgétaire concrète. Cette situation place la gendarmerie nationale dans une position particulièrement délicate vis-à-vis de la population et des élus qui attendent légitimement la mise en œuvre effective de ces annonces.
Sans abondement spécifique, l'institution se verrait contrainte de renoncer à ses engagements ou à les financer à moyens constants, ce qui aurait inévitablement un effet d'éviction sur la programmation d'autres investissements nationaux. Il relève de notre responsabilité collective de doter ces engagements des moyens financiers qui leur correspondent. Je proposerai un amendement sur ce sujet.
En conclusion, j'exprime un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités » pour 2026, sous réserve, bien entendu, des points de vigilance que j'ai exposés.
Mme Sophie Errante (NI). Je souhaite vous interroger sur les solutions industrielles permettant de massifier rapidement la construction des bâtiments et logements, notamment pour nos brigades de gendarmerie. Si les budgets ont effectivement été renforcés, je déplore comme vous une année blanche sur l'immobilier et les habitations. Avez-vous connaissance de méthodes permettant de changer d'échelle et d'approche concernant la massification de la réhabilitation ? Dans les Pays de la Loire, nous disposons de belles entreprises aujourd'hui très impliquées dans ce domaine.
M. Pascal Jenft (RN). Je souhaite attirer votre attention sur le talon d'Achille de la gendarmerie nationale : le logement. Nos gendarmes vivent trop souvent dans des casernes vétustes et parfois insalubres. Cette situation affecte directement le moral, la cohésion et la fidélisation des personnels. Depuis deux ans, les alertes se multiplient concernant la hausse des loyers et la dégradation du parc immobilier. Le général Hubert Bonneau l'a rappelé le 15 octobre : la situation est critique. En 2025, 73 % du budget partiront dans les loyers, et en 2026, ce chiffre atteindra 77 %. Nous faisons face à un cercle vicieux qui condamne la gendarmerie à l'immobilisme.
L'an passé, j'ai déposé un amendement sur ce sujet que je représenterai aujourd'hui. Nos gendarmes méritent mieux que des murs fissurés et des logements précaires, ils méritent la reconnaissance concrète de la nation.
J'ai constaté que vous partagiez ce constat sans appel dans votre rapport. Il devient urgent de créer un front dédié à la rénovation et à la construction des casernes pour redonner de la dignité à ceux qui assurent notre sécurité. Pensez-vous que la gendarmerie puisse continuer encore longtemps dans ces conditions ?
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je partage entièrement vos préoccupations concernant le logement. Nous pouvons toutefois noter une augmentation des crédits destinés à la rénovation des logements. À Satory, une importante rénovation va être engagée, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Les besoins en rénovation sont présents sur l'ensemble du territoire. La gendarmerie nationale en est pleinement consciente.
Je tiens à souligner qu'une démarche a été engagée avec les bailleurs sociaux pour optimiser les investissements réalisés, permettant potentiellement à ces logements d'intégrer le patrimoine de la gendarmerie nationale. Les rénovations ne seront donc pas effectuées à fonds perdus, puisque la gendarmerie pourra bénéficier de ces appartements.
Comme je l'ai mentionné, nous constatons une augmentation des crédits qui, bien qu'insuffisante, représente néanmoins une évolution positive. Il conviendrait certainement d'amplifier encore davantage cet effort. Nous y travaillerons et des amendements seront déposés à ce sujet. Cette orientation demeure positive, car pendant de nombreuses années, cette problématique n'avait pas reçu l'attention qu'elle méritait. Les casernements sont essentiels au bon accomplissement des missions de nos gendarmes et, malheureusement, un nombre important de logements se trouve dans un état de vétusté préoccupant. Soyez assurés que nous ferons tout, collectivement, pour remédier à cette situation.
Mme Catherine Rimbert (RN). Je souhaite évoquer les familles de nos gendarmes qui ne doivent pas être oubliées. En cas de décès en service d'un de leurs proches, elles vivent un double drame : le deuil et le silence de l'administration. Que pensez-vous de la création d'un dispositif national d'accompagnement pour ces familles, constituant en quelque sorte un guichet unique, offrant un soutien psychologique et des démarches simplifiées ?
Mme Nadine Lechon (RN). En septembre dernier, le régiment de cavalerie de la Garde républicaine était dans le viseur de la Cour des comptes qui estimait que cette unité était inutile, désuète et trop onéreuse. La Cour, sans l'exprimer explicitement, préconisait sa disparition. Il faut être particulièrement aveugle pour soutenir de telles assertions. Sur le fond comme sur la forme, le régiment de cavalerie de la Garde républicaine sert avec brio la nation. Il contribue au maintien de l'ordre, peut mener des opérations, se forme au combat et constitue un véritable symbole intemporel et prestigieux pour le pays entier. Ces considérations dépassent largement les simples débats budgétaires.
Le budget consacré au régiment de cavalerie de la Garde républicaine a-t-il été revu à la baisse ?
M. le président Jean-Michel Jacques. La Cour des comptes avait également considéré les armées comme coûtant trop cher et n'étant pas suffisamment employées.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Il existe un service d'action sociale dans nos armées. Ce dispositif robuste mérite toute notre attention et il me paraît préférable d’y concentrer les efforts. Je partage entièrement votre préoccupation : les familles ne doivent pas être laissées-pour-compte lorsqu'un drame survient. Je sais que la gendarmerie accorde une attention toute particulière aux familles touchées. Elle remplit cette mission avec soin et nous pouvons faire confiance à ce dispositif d'action sociale de nos armées, qu'il convient néanmoins de renforcer. Vous avez parfaitement raison, nous resterons vigilants concernant l'accompagnement des familles de nos militaires, et particulièrement de nos gendarmes.
Concernant la Garde républicaine, je partage totalement votre analyse. Une telle remise en question est tout simplement aberrante et inacceptable. La Garde républicaine fait partie intégrante du prestige de la gendarmerie nationale et, plus largement, de la France. Je m'engage pleinement, comme vous tous sans doute, à défendre cette institution que nous chérissons et qui rend d'inestimables services. J'ai d'ailleurs pu constater à Mayotte l'existence d'un service de forces spéciales au sein de la Garde républicaine qui accomplit un travail remarquable, et nous pouvons nous féliciter de sa présence. Soyez assurée que nous veillerons à ce que le budget soit respecté et que notre Garde républicaine continue à rayonner.
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La commission en vient maintenant aux interventions des représentants des groupes politiques.
M. José Gonzalez (RN). Dans un monde de plus en plus conflictuel, l’examen du budget de la défense revêt une importance particulière. Notre chère France peut compter sur une armée exceptionnelle pour la défendre et faire respecter ses intérêts. Cet outil militaire, qui fait référence en Europe, repose sur des hommes et des femmes exemplaires, dévoués à leur patrie. Je tiens, au nom du groupe Rassemblement national, à les saluer et à leur témoigner notre plus profond respect.
Respecter nos militaires, c’est d’abord dire la vérité sur une réalité qu’ils connaissent et éprouvent sur le terrain. Certes, nous disposons d’un modèle d’armée complet, notre budget de la défense connaît sur le papier une hausse de 6,5 milliards d’euros, nos armées mènent avec succès des opérations comme Sagittaire, mais ce modèle est fragile. Malgré les surmarches annoncées, la loi de programmation militaire (LPM) est compromise et sa sincérité budgétaire remise en question : 13 milliards de recettes supplémentaires annoncées ne sont toujours pas réellement budgétées, et le secrétariat général pour l’administration (SGA) n’a pu donner aucune précision sur ces recettes miracles. L’inflation ronge le budget à hauteur de 30 milliards d’euros, selon les propres estimations du ministère des armées. Les reports de charges ont explosé avec un doublement en deux ans, passant de 3,8 milliards fin 2022 à plus de 8 milliards, et la surmarche de 3,5 milliards annoncée pour 2026 ne suffit même pas à les combler.
Malgré l’explosion de ces reports de charges, justifiés par une hausse légitime des achats de matériels, l’équipement des armées reste en souffrance et nous ne disposons plus, en tant que parlementaires, des données de maintien en condition opérationnelle (MCO), poste de dépenses traditionnellement coûteux.
Permettez-moi également, en tant que doyen de cette assemblée, de relativiser les accents triomphants du gouvernement quand il annonce des hausses budgétaires inédites ou qu’il disserte sur « l’économie de guerre », une expression fumeuse dans laquelle notre base industrielle et technologique de défense (BITD) ne se retrouve pas. La part du PIB consacrée à la défense était de 6,1 % en 1960, elle est estimée à 2,06 % cette année. Pour un pays qui n’est plus totalement en paix, comme le dit Sébastien Lecornu, il n’y a là rien d’exceptionnel – mais il est vrai que la modestie est une qualité peu développée en Macronie.
À cette situation financière déjà grave s’ajoute le coût de l’idéologie. Je pense aux lubies européistes qui, en dehors de toute logique industrielle, minent nos budgets, mettent à mal notre souveraineté et alimentent les carnets de commandes de la BITD américaine. C’est ainsi que 1,2 milliard d’euros sont budgétés pour le SCAF (système de combat aérien du futur) et 120 millions pour le MGCS (système principal de combat terrestre), c’est-à-dire pour des projets qui n’en finissent pas de mourir et que l’on maintient artificiellement en vie, au nom d’une Europe de la défense qui n’existe pas et que ne permet d’ailleurs aucun traité.
Autre idéologie : celle de l’écologisme débridé qui, dans un monde dangereux, ne voit pas d’autre priorité que d’imposer à nos armées des achats de véhicules électriques ou des plans de préservation de la biodiversité dans les casernes.
Nos armées doivent faire face à des failles capacitaires graves : manque de feu, manque de chars, manque de frégates, manque de Rafale, manque de munitions, manque d’entraînement pour tenir dans un conflit de haute intensité… Or, pour certains, la priorité est à l’écologie ou à l’Europe – Europe qui, avec ses programmes, va dépenser l’argent du contribuable français pour acheter américain, on le voit avec l’Allemagne qui passe commande de F-35.
Les armées ne sont rien sans les hommes et les femmes qui les composent. Là encore, il y a urgence. Pour 2026, les cibles de recrutement sont maintenues, mais c’est surtout à la fidélisation qu’il faut s’intéresser. En 2022, 35 % des primo-contrats étaient dénoncés. Certes, les efforts sont faits, notamment avec le plan Fidélisation 360, qui inclut désormais le plan Famille 2, tous deux en hausse pour 2026. Toutefois, sur un vecteur aussi stratégique que le logement pour assurer la fidélisation, les retards et les difficultés s’accumulent.
Respecter les armées, c’est enfin rétribuer à leur juste valeur ceux qui se sont battus en leur sein. Cette année encore, dans le monde combattant, la question du point de la pension militaire d’invalidité (PMI) cristallise les débats. Nous demandons qu’il soit aligné sur l’inflation, donc revalorisé d’au moins 1 %. Nous tenons également à la préservation de la politique de mémoire pour nos compatriotes juifs, qui font face à un antisémitisme débridé, ainsi que pour les anciens combattants indochinois ou harkis, si injustement maltraités.
Depuis l’adoption de la LPM, les constats que nous avons établis sur le manque de sincérité budgétaire, sur les failles capacitaires ou sur les enjeux liés aux ressources humaines se révèlent malheureusement justes.
Nous continuerons de mener notre combat en faveur d’une défense française solide, cohérente et souveraine. Pour reprendre une formule inscrite sur l’un des murs de la salle de notre commission, la raison d’être d’un État, c’est sa défense. Au Rassemblement national, nous aimons la France et nous voulons la défendre. Nous ne la sacrifierons pas à un délire d’État européen que d’aucuns, de manière plus ou moins assumée, appellent de leurs vœux. Vive nos forces armées et vive la France !
M. Yannick Chenevard (EPR). La situation internationale ne cesse de se dégrader. Les empires sont de retour, le droit international est piétiné : la loi du plus fort s’impose désormais. Depuis 2017, les lois de programmation militaire ont été exécutées à l’euro près. Compte tenu du contexte international, nous ne pouvons relâcher nos efforts. Pour 2026, les crédits de la mission Défense s’élèvent à 57,1 milliards d’euros – 6,7 milliards de plus qu’en 2025, soit une hausse de 13 %. Conformément aux annonces du président de la République, cette progression est supérieure de 3,5 milliards à la trajectoire initialement prévue par la LPM, ce qui représente 24,8 milliards de plus qu’en 2017.
Nous avons cru naïvement que la paix était durable. Si la société a profité des dividendes de la paix, nos armées ont largement réglé la facture. Avec le président Jean‑Michel Jacques et mon collègue Sébastien Saint-Pasteur, nous avons présenté un rapport d’information sur la mise en application de la loi de programmation 2024-2030. « Chacun doit mesurer que la préservation de la paix et de notre liberté dépend plus que jamais des décisions qui seront prises aujourd’hui », avons-nous souligné. Nous nous devons d’accompagner nos armées, et cela se traduit par le respect de la trajectoire de la loi de programmation militaire. Nous réparons, nous consolidons afin que le contrat opérationnel soit rempli.
En 2026, l’augmentation des crédits bénéficiera à l’ensemble des postes, mais ce sont plus particulièrement les matériels qui en profiteront, avec 13,9 milliards de crédits alloués aux investissements sur les équipements, soit une augmentation de 31,8 % par rapport à 2025.
Clé de voûte de notre sécurité nationale, le budget de la dissuasion connaît une augmentation de 7 %. Je rappellerai ici la nécessité de valider le lancement en réalisation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G), tout comme celui du porte-avions de nouvelle génération (PANG), qui doivent tous deux avoir lieu avant la fin de l’année.
Pour préserver le rang et la fiabilité de la France au sein de l’espace euro-atlantique et pour garantir la capacité de nos forces à s’engager, à l’emporter, une actualisation de la programmation militaire sera présentée à l’automne. Cette ambition oriente déjà le projet de loi de finances pour 2026, avec un effort ciblé sur des domaines capacitaires stratégiques : innovation, espace, drones, défense sol-air et munitions. Des investissements significatifs sont prévus au bénéfice de toutes les armées et de tous les milieux de conflictualité.
La mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation voit ses crédits reculer d’environ 6 %. Cette baisse tient d’abord à la diminution tendancielle du nombre d’ayants droit et d’ayants cause. L’enveloppe permet toutefois d’améliorer certains droits ou d’élargir l’éligibilité, lorsque cela est justifié. Le programme 169, doté de 1,66 milliard de crédits, garantit la reconnaissance et la réparation, finance la politique de mémoire et renforce le lien armée-nation. Quant au programme 158, il finance les réparations dues aux orphelins de la déportation et des persécutions antisémites ainsi qu’aux victimes de spoliation et d’actes de barbarie ; ces tâches essentielles seront remplies grâce aux 78,4 millions d’euros alloués en autorisations de programme (AE) et crédits de paiement (CP), une enveloppe dont le léger recul est dû à la décroissance naturelle du nombre de bénéficiaires.
Les crédits alloués à la mission Sécurités augmenteront de 371 millions pour atteindre 17 milliards. Elle concourt aux actions du ministère de l’intérieur et vise à assurer la sécurité de notre nation. Soulignons une nouvelle augmentation des effectifs attendue pour l’année 2026 et prévue par le projet de loi de finances.
Avec ce projet de budget, nous poursuivons les efforts entamés en 2017.
Nos armées ne valent que par celles et ceux qui les servent, et à qui je souhaite rendre hommage.
Mme Anna Pic (SOC). Au premier semestre 2023, lorsque nous examinions le projet de loi de programmation militaire 2024-2030, le groupe Socialistes et apparentés s’inquiétait de la sincérité des éléments budgétaires qui nous étaient présentés. Nous dénoncions un texte financièrement sous-doté au regard des principaux objectifs affichés ‑ maintenir notre modèle d’armée complet pour nous permettre d’être une nation-cadre auprès de nos partenaires européens et otaniens. Deux ans et demi plus tard, avec une surmarche de 3,5 milliards d’euros qui porte le budget de la mission Défense à 57,1 milliards, force est de constater que nous avions fait preuve de discernement et que nos préoccupations étaient fondées.
Une fois pris en considération les reports de charges, qui seraient plus justement désignés sous le terme d’impayés, et l’inflation, les ambitions nécessitaient d’être revues à la baisse. Bien sûr, nous accueillons avec une certaine satisfaction cette hausse des crédits, au vu du durcissement du contexte géostratégique et de la nécessité d’être au cœur de la nouvelle architecture de sécurité collective du continent européen que nous appelons de nos vœux. Néanmoins, cette augmentation ne doit ni se faire au détriment du modèle social auquel nous sommes attachés, ni nous dispenser de nous interroger sur les ambitions affichées par le gouvernement.
Le budget du ministère des armées est menacé par une crise de croissance induite par des rigidités budgétaires particulièrement préoccupantes. Ces dernières mettent en péril la soutenabilité à moyen terme de la trajectoire budgétaire. Elles se traduisent d’abord par une hausse des AE affectées non engagées, qui ont atteint 30,3 milliards fin 2023. Elles se manifestent ensuite par une hausse structurelle des restes à payer, qui ont quasiment doublé entre 2017 et 2024 pour atteindre 99 milliards fin 2024, si bien que près de 90 % des CP prévus en 2025, hors dépenses de personnel, étaient destinés à épurer ce stock qui continue d’être alimenté. Début 2025, ces rigidités étaient telles qu’au sein du programme 146, Équipement des forces, aucun crédit n’était disponible pour financer les nouveaux investissements prévus. Elles se révèlent aussi à travers une hausse anormale du report de charges, avec un stock de 8 milliards d’euros transféré de 2024 à 2025. Citons enfin une pratique budgétaire discutable de la réserve de précaution et une sous-estimation chronique des surcoûts, notamment pour les opérations extérieures (Opex) et les missions opérationnelles (Misops).
Parmi les conséquences de cette situation, soulignons des retards sur plusieurs segments capacitaires ou des reports, une absence de visibilité pour les acteurs de la BITD qui pèse cruellement sur la trésorerie des entreprises du secteur – tout particulièrement sur les PME et les ETI – et limite in fine la montée en puissance qu’exige d’eux l’injonction à l’économie de guerre, une baisse des crédits alloués au service de santé des armées, et une absence de marges de manœuvre pour renforcer l’ambition de la politique des ressources humaines et de l’action sociale du ministère.
Tout cela nourrit des inquiétudes sur notre capacité à faire preuve de souplesse en matière de redéploiements de crédits si cela s’avérait nécessaire au cours de l’année à venir, qui sera marquée par la réorientation et le renouvellement de la loi de programmation militaire.
Nous tenons également à souligner que, malgré des missions sans cesse élargies, la marine nationale ne profitera qu’à la marge de la surmarche budgétaire proposée. Si nous pouvons comprendre ce choix, nous tenons à saluer l’agilité de nos marins et appelons le gouvernement à répondre dans les plus brefs délais à certains de leurs vœux – je pense en particulier aux trois frégates qu’ils demandent de longue date.
Le budget de la mission relative au monde combattant connaît une baisse de crédits de 6,3 %. Certes, elle reflète la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires, mais elle affecte certaines enveloppes. Nous constatons l’absence de revalorisation du point de PMI en fonction de l’inflation et déplorons que le gouvernement n’ait pas transmis au Parlement le rapport qu’il devait lui remettre à ce sujet. Par ailleurs, les montants alloués à l’allocation de reconnaissance du combattant sont en baisse, tout comme la subvention d’action sociale à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), du fait de la fin de la mesure destinée aux pupilles de la nation devenus majeurs introduite en 2024, dont bénéficiaient 12 000 personnes.
Malgré l’ensemble de ces réserves, auxquelles nos amendements tenteront de répondre, nous voterons très probablement le budget de ces trois missions.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Examiner le budget de la défense, c’est toujours un moment de gravité. Ce que nous décidons aujourd’hui dans notre assemblée, c’est ce qui permettra demain de solder et surtout d’équiper celles et ceux qui portent les armes de la France au risque de leur vie et qui, en s’engageant, ont fait le choix de la mort comme hypothèse de travail. On ne peut avoir de discussions ici sans penser à ces femmes et ces hommes avec infiniment de gratitude.
Notre budget de la défense est marqué par un effort considérable : son augmentation s’élève à 6,7 milliards d’euros avec les marches et les surmarches. Cet effort répond à la gravité de l’heure, alors que pèsent des menaces à 360 degrés : flanc est de l’Europe –°le général Mandon a souligné cette menace majeure, à la suite de son prédécesseur, le général Burkhard –, Méditerranée, commerce maritime, outre-mer, menaces hybrides. Lors de l’examen de la LPM, le groupe Droite républicaine avait souligné que les objectifs fixés constituaient un minimum et que rien n’interdisait d’aller plus loin. Aujourd’hui, nous allons plus loin et nous saluons ce budget, en faveur duquel nous voterons.
Quelques points doivent toutefois retenir notre attention. Tout d’abord, nous ne voterons que des annuités budgétaires. C’est normal, car c’est une exigence de l’exercice, mais je regrette que des premiers jalons ne soient pas posés en vue des changements de format qu’opérera la future mise à jour de la LPM, qu’il s’agisse du nombre de frégates et de régiments ou de l’ampleur de la flotte aérienne. Il y a aussi une urgence : la frappe dans la profondeur. Certains éléments du budget concernent les lance-roquettes unitaires (LRU), mais il faut aller plus vite et réfléchir à nos capacités balistiques – missiles aérobalistiques et missiles balistiques terrestres –, qui sont décisives.
Enfin, je veux insister sur les coopérations. Nous souhaitons tous une mutualisation qui préserve notre souveraineté tout en permettant de faire plus et moins cher. Notre groupe sera favorable aux programmes comme ceux portant sur le SCAF ou le MGCS, à condition qu’ils répondent aux besoins, que le principe du best athlete s’applique et que la France conserve sa liberté de manœuvre au grand export, car il s’agit d’un élément de sa souveraineté et de sa diplomatie à l’échelle mondiale.
Cette hausse budgétaire n’est, je l’espère, qu’une première étape. Le budget de la défense représentera 2,2 % du PIB si le projet de loi de finances est voté ; pendant la guerre froide, lorsque la menace communiste était à nos portes, sa part était de 3,5 %.
Je terminerai en lançant un appel d’une certaine gravité. Tout ce que nous disons, tout ce que nous faisons n’aura de sens que si nous adoptons un budget. Nous ferons tout pour que ce soit le cas. Dans le cas contraire, les premiers qui souffriront, qui manqueront de moyens et d’entraînement, qui ne pourront pas assurer la sécurité des Français, ce sont nos soldats, nos militaires. La responsabilité commence ici, dans cette commission, et j’appelle tous les groupes à l’avoir à l’esprit quand viendra le moment de voter dans l’hémicycle. Nous le devons à la France, nous le devons à nos armées.
M. Damien Girard (EcoS). L’armée française est une armée expérimentée, efficace, en cours de modernisation. Toutefois, une révision de la LPM est nécessaire pour définir un modèle d’armée qui réponde aux menaces qui pèsent sur notre pays. Ces discussions budgétaires doivent être l’occasion de proposer les premiers éléments d’une doctrine de défense de sécurité globale, car la profondeur stratégique ne peut se penser uniquement en termes géographiques et capacitaires ; elle doit aussi se comprendre comme une capacité des sociétés à renforcer leur résilience face aux conséquences du réchauffement climatique et à maîtriser leur dépendance énergétique, industrielle ou alimentaire.
La France fait face à des puissances qui utilisent tout le spectre de la guerre hybride pour porter atteinte à ses intérêts de sécurité. Nous proposons ainsi de porter à 1 milliard d’euros par an l’effort consacré à la réserve opérationnelle de l’armée de terre. Nous proposons également de renforcer les moyens des services de santé des armées et de moderniser les infrastructures de santé, militaires comme civiles. Ces menaces étant continentales, il appartient à notre pays de s’inscrire pleinement dans un cadre européen, fondé sur la mutualisation des moyens, la complémentarité industrielle et une autonomie décisionnelle partagée.
Pour ces raisons, notre groupe appelle à la préparation, d’ici à 2027, d’un nouveau Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale et européenne, adossé à un débat démocratique approfondi sur notre modèle d’armée, nos dépendances et notre doctrine d’emploi des forces. Il s’agira d’aller beaucoup plus loin que le Livre blanc de la Commission européenne, qui ne remet pas en cause la dépendance européenne à l’Otan et aux États-Unis. Nous saluons à ce titre la poursuite des projets européens financés par le programme 146. Si nous partageons le constat que certains programmes européens présentent un risque de pilotage déséquilibré, nous refusons de claquer la porte et appelons à toujours rechercher des alternatives européennes. L’Europe, c’est en effet la masse, comme l’a déclaré devant notre commission le chef d’état-major des armées, le général Mandon. Et la masse est un facteur de supériorité stratégique. La dissuasion nucléaire ne suffit pas. L’agression d’un pays non doté d’armes nucléaires par un pays qui l’est montre la vulnérabilité de notre modèle. Nous devons renforcer notre dissuasion conventionnelle à l’échelle européenne pour être capables de répondre collectivement à une guerre de haute intensité. La France doit y prendre sa part, en tirant pleinement parti de ses atouts que sont ses forces aéronavales, ses capacités de frappe en profondeur ou ses divisions projetables.
Par ailleurs, même si l’on augmente les crédits dédiés à la défense, nous devrons toujours avancer avec des budgets contraints. Nous savons la nécessité d’un effort de défense accru, mais nous insistons pour que celui-ci ne se fasse jamais au détriment des budgets sociaux et écologiques, qui sont essentiels. Cet effort doit être débattu démocratiquement et financé en priorité par les plus aisés. La politique de défense n’a pas à rester un domaine réservé. Il importe que le Parlement soit pleinement associé à son pilotage. Nous proposons la création d’une instance parlementaire de suivi capacitaire et budgétaire de la LPM, dotée d’experts civils et militaires indépendants.
L’effort de défense doit suivre un principe de stricte suffisance et améliorer la gouvernance budgétaire de nos armées, dont les lourdeurs risquent d’annuler les effets bénéfiques de la LPM. Il faut renforcer la subsidiarité budgétaire, qui est un gage d’efficacité, comme l’a montré l’expérience de l’armée ukrainienne. Nous proposons 100 000 euros par formation administrative pour les achats d’équipements de proximité et 100 millions d’euros par armée pour les dépenses urgentes, en gestion autonome. C’est une révolution administrative nécessaire pour renforcer les capacités d’innovation, de subsidiarité et de réactivité de nos armées.
Enfin, nous devons envoyer un signal de solidarité à nos alliés ukrainiens et de constance stratégique à la Russie, qui entretient une menace systémique à notre encontre. La sécurité de l’Europe se joue aujourd’hui en Ukraine. La France lui a déjà apporté près de 8,6 milliards d’euros depuis 2022, mais l’effort européen s’essouffle – l’aide mensuelle a chuté de 57 % depuis le début de l’année. Il nous faut donc sanctuariser dans le PLF, au sein du programme 146, une ligne budgétaire dotée de 300 millions dédiée au soutien à l’effort de défense ukrainien. Cela représente seulement deux jours de combats de l’armée ukrainienne.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Il serait difficile de ne pas nous montrer satisfaits devant ce budget de la défense en forte progression, de 6,7 milliards d’euros. Il s’agit d’un effort remarquable dans la période budgétaire complexe que nous connaissons, tout comme est remarquable l’augmentation constante depuis 2017 du budget des armées, qui est passé de 32 à 57 milliards. Je veux saluer la vision et la volonté forte du président de la République, chef des armées.
Le présent budget s’inscrit dans un contexte international particulièrement tendu : guerre en Ukraine, instabilité au Moyen-Orient et au Proche-Orient, désengagement progressif des États-Unis. Cela impose d’accélérer la montée en puissance de nos armées et de nos engagements auprès de nos partenaires.
Ce budget vient renforcer de 3,6 milliards la trajectoire prévue par la LPM et concrétise de nouvelles ambitions portées par la révision de la revue nationale stratégique (RNS), à laquelle nous avons collectivement apporté notre contribution.
Les quatre programmes de la mission Défense progressent fortement, avec une dynamique particulière pour le capacitaire. Le réarmement donne la priorité aux moyens de souveraineté – dissuasion et espace –, aux munitions et à la capacité des armées à s’engager à court terme – drones, défense sol-air, guerre électromagnétique, frappes dans la profondeur ‑ tout en accentuant l’investissement dans les technologies de rupture.
La remontée en puissance ne saurait être uniquement matérielle ; elle repose aussi sur les femmes et les hommes qui composent nos armées. Ainsi, 830 postes supplémentaires seront créés, notamment dans des domaines stratégiques, et la politique salariale continuera de s’améliorer, en particulier avec le rattrapage indiciaire des officiers. En outre, la réserve opérationnelle poursuit sa montée en puissance.
Je veux remercier nos rapporteurs pour avis pour leurs analyses. Nous mesurons l’importance de l’adaptation permanente de nos armées et de l’agilité qui leur est nécessaire sur les plans stratégique, capacitaire et humain. Les enjeux sont majeurs dans le contexte international que nous connaissons. Permettez-moi de dire tout mon respect et ma gratitude à l’ensemble de la communauté de défense, militaire et civile. Nous veillerons à la révision de la LPM et à l’utilisation de la surmarche de 3,6 milliards.
Les crédits de la mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation, qui s’élèvent à 1,7 milliard d’euros, connaissent une baisse qui reflète principalement la diminution naturelle du nombre des bénéficiaires. Aucune des actions mises en œuvre en faveur du monde combattant n’a été supprimée. Toutefois, j’accorderai une attention particulière à la valeur du point de PMI. En 2022, il avait été décidé avec les associations – et je m’y étais personnellement engagée – qu’il y aurait une clause de revoyure tous les deux ans. Or cela n’a pas été le cas. Je demande instamment qu’elle soit mise en œuvre. Ce n’est pas forcément sur l’inflation qu’il faut aligner l’évolution du point de PMI ; déterminer sa progression nécessite de mener des études complexes.
Le programme Gendarmerie nationale, dont les crédits augmentent de 158 millions, est marqué par un renforcement du maillage territorial, le déploiement de cinquante-huit nouvelles brigades et la montée en puissance de la réserve opérationnelle, toutes choses importantes pour nos territoires qui comptent sur la gendarmerie pour assurer leur sécurité. Nous devons être sensibles à l’effort consacré à l’immobilier, qu’il faudra pérenniser, notamment en le plaçant parmi les priorités de la programmation pluriannuelle.
Le groupe Les Démocrates votera bien sûr ces trois budgets, après avoir examiné avec soin les amendements. Notre responsabilité est de trouver toutes les solutions pour que ce projet de loi de finances soit voté, faute de quoi nous mettrions nos armées, en particulier la gendarmerie, en grande difficulté. Ici, dans cette commission, nous voulons les faire avancer. Tâchons de ne pas les faire reculer dans l’hémicycle ! L’heure est trop grave.
M. Loïc Kervran (HOR). Les trois missions que nous examinons sont absolument essentielles pour la protection des Français et de leur territoire. Quand j’ai été élu député, il y a huit ans, la somme que notre pays consacrait à sa défense était d’un peu plus de 30 milliards d’euros ; si nous adoptons ce budget, elle avoisinera 60 milliards. Nous pouvons tous être fiers d’avoir accompagné cette montée en puissance.
Nous vivons dans un monde dangereux. La France est confrontée à de nombreuses menaces émanant d’acteurs variés. Aux conflits conventionnels s’ajoutent les menaces hybrides et de nouveaux champs de conflictualité comme le cyber, l’espace ou la désinformation. La Russie menace le flanc est de l’Europe, l’Indo-Pacifique demeure un foyer majeur de tensions, et les crises se multiplient au Proche-Orient et au Moyen-Orient.
Notre groupe déplore une forme de déconnexion entre le débat national et les priorités qui devraient guider l’action de la nation. Alors que la dette publique et le déficit menacent notre souveraineté, nous dépensons toujours plus. Alors que nous devrions renforcer la compétitivité de nos entreprises face aux géants étrangers, certains souhaitent au contraire taxer davantage, décourager l’investissement et l’entrepreneuriat. Nous espérons que le débat sur ces crédits permettra de nous recentrer sur les enjeux les plus pressants : la protection de nos intérêts et de notre souveraineté, la montée en puissance de nos armées, la participation de la nation tout entière à l’effort de défense.
Sur la mission Défense, avec une augmentation de 6,7 milliards d’euros, soit 3,5 milliards de plus que ce que prévoyait la trajectoire de la LPM, nous faisons le choix d’un réarmement rapide et maîtrisé. C’est un signal de fermeté adressé à nos adversaires, un gage de crédibilité envoyé à nos alliés, et une marque de confiance pour nos armées.
Le projet de loi de finances consacre des moyens inédits à la modernisation de nos équipements et au soutien de la base industrielle et technologique de défense. Ces investissements garantissent notre autonomie stratégique, mais ils irriguent aussi l’économie nationale et soutiennent des milliers d’emplois hautement qualifiés dans l’industrie et la recherche.
L’effort consenti pour les femmes et les hommes du ministère des armées mérite également d’être salué. Pensons au plan Fidélisation 360, à la création de nouvelles crèches, à la rénovation de logements, à la montée en puissance de la réserve, à la réforme statutaire des officiers.
Pour le monde combattant, le budget traduit la constance et la fidélité de la nation envers celles et ceux qui se sont engagés pour elle. Il poursuit une politique ambitieuse de réparation et d’accompagnement à travers, par exemple, le renforcement du dispositif Athos pour la prise en charge des blessures psychiques, et le soutien réaffirmé à l’Institution nationale des Invalides.
La mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation consacre la continuité de notre engagement envers les harkis et leurs familles. Elle incarne le devoir moral de l’État à l’égard des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie de la seconde guerre mondiale. Elle est également tournée vers la jeunesse et vers l’avenir, à travers la journée défense et citoyenneté (JDC) nouvelle génération et le plan Ambition armées‑jeunesse.
Enfin, au sein de la mission Sécurités, la gendarmerie nationale, qui assure la protection de plus de la moitié de la population française, voit ses moyens augmenter tant pour les missions d’ordre et de sécurité publics que pour l’accroissement des effectifs – ce qui est bienvenu, si l’on veut réellement déployer de nouvelles brigades dans les zones rurales ‑ et la montée en puissance de la réserve opérationnelle.
Les crédits de ces trois missions forment un tout cohérent. Ils renforcent la crédibilité de la France sur la scène internationale, la protection des Français au quotidien et le lien armée-nation. Nous les adopterons, conscients de ce que nous devons à celles et ceux qui servent la France tous les jours et à qui nous rendons hommage.
M. Laurent Mazaury (LIOT). Au nom du groupe LIOT, je tiens d’abord à saluer l’engagement sans faille de tous nos militaires qui, chaque jour, œuvrent pour la sécurité de nos concitoyens et de notre République. Dans un contexte géopolitique toujours plus instable, le soutien des parlementaires envers nos militaires doit être à la hauteur. C’est pour cette raison que, sans suspense, notre groupe votera pour les crédits de ces trois missions. Ce vote favorable ne signifie pas pour autant que nous donnons un blanc-seing au gouvernement. Comme je n’ai que cinq minutes et que le cumul des crédits des trois missions représente 95 milliards d’euros, soit 19 milliards la minute, je vais limiter mon propos à trois sujets.
Je soulignerai d’abord le point le plus positif, la hausse de nos dépenses militaires de 6,7 milliards d’euros. Dans le contexte budgétaire actuel, notre groupe salue le respect de la programmation militaire et la surmarche pour accélérer notre réarmement. Le ministère des armées a gagné la bataille des chiffres avec Bercy, il doit maintenant gagner la bataille de l’opinion. Alors qu’on demande des efforts à tous nos services publics, aux écoles, aux hôpitaux, à la culture, il faut que le ministère des armées soit exemplaire. Il y a là un enjeu fort en termes d’acceptabilité. Cette bataille de l’opinion, il faut la gagner au niveau national, mais aussi au niveau européen. C’est sur cette base que l’on pourra prendre des décisions courageuses.
Si l’on cherche des crédits, il y a une manne financière qu’on ne peut plus laisser de côté : les avoirs russes gelés en France. J’ai déposé une proposition de résolution, très largement cosignée par les membres des différents groupes de notre assemblée, demandant que ce capital soit enfin mobilisé au profit de l’Ukraine. Il faut être clair à propos de ce conflit : l’agresseur, c’est Poutine ; l’ennemi, c’est la Russie. Dans ces conditions, il est légitime que ces avoirs contribuent à l’effort de guerre, mais surtout à la reconstruction, conformément au droit international. Au niveau européen, ça bloque : encore cette semaine, la Belgique s’est opposée à l’utilisation des avoirs. Pourtant, il ne faut pas attendre. La France peut agir seule sur les avoirs bloqués sur son territoire, faute de quoi il faudra financer les dépenses par la dette, et je ne pense pas que cela plaise à nos concitoyens.
Le deuxième sujet que je tiens à aborder concerne les conditions de vie de nos militaires. L’efficacité de nos armées passe par des conditions de logement et de vie décentes. C’est d’autant plus vrai pour l’armée de terre, où l’hébergement en caserne a historiquement une fonction éminemment structurante. Or, dans nos territoires, le parc est dégradé : les bâtiments sont souvent vétustes, parfois même insalubres. On a un peu l’impression que les conditions de vie sont devenues, au fil des années, la variable d’ajustement budgétaire du ministère. Lorsque je travaillais au cabinet du ministre de la défense, il y avait à côté de mon bureau une cellule ayant pour unique mission de traiter les problèmes liés aux bâtiments : les documents que j’ai pu voir étaient atterrants, mais nous pouvons malheureusement faire les mêmes constats aujourd’hui. Cette situation présente donc des risques : un risque de fracture sociale au sein même de l’institution militaire, un risque pour la préparation opérationnelle, un risque pour la cohésion des unités, et un risque pour l’attractivité des armées. Le général Hubert Bonneau a dressé le même constat pour la gendarmerie nationale : manque d’effectifs, unités sous tension, flotte automobile vétuste. Quand je vois défiler les milliards que nous votons pour les ministères, je ne peux pas accepter qu’ils ne profitent pas aux femmes et aux hommes qui servent la nation avec un dévouement remarquable.
Je consacrerai mon dernier point à nos liens avec l’Otan. Je rappelle que la logique de défense collective est au cœur de l’idée française d’autonomie stratégique de l’Europe. Elle passe par un renforcement du pilier européen de l’Otan. En 2026, la France reste le quatrième contributeur, avec près de 415 millions ; c’est louable, mais cela n’efface pas le regain de méfiance au sein même de l’organisation. L’enjeu, désormais, est qu’au-delà des contributions budgétaires, notre pays maintienne son niveau d’influence au sein de l’Alliance. Mon collègue David Habib est chargé d’un rapport sur ce sujet, et j’espère que votre commission suivra de près ses recommandations.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera pour ces crédits, tout en restant bien évidemment très attentif à leur mise en œuvre concrète.
M. Édouard Bénard (GDR). Le PLF pour 2026 prévoit une hausse de 13 % du budget de la mission Défense, soit un montant actualisé de 57,2 milliards de CP, hors pensions civiles et militaires de retraite. Cette somme astronomique marque une progression ô combien significative, conforme, semble-t-il, à la trajectoire fixée par la LPM. Au-delà de cette envolée budgétaire, une question subsiste : que nous dit ce budget de l’état réel de nos armées ? Est-il une nouvelle fois question de dépenser sans compter, ou s’agit-il de renforcer véritablement la capacité opérationnelle de la France ?
Le PLF pour 2026 concentre l’essentiel de ses efforts capacitaires dans ses trois armées. Pour l’armée de terre, le programme Scorpion continue de monter en puissance avec la modernisation du char Leclerc, la transformation d’infrastructures sur plusieurs dizaines de sites, ou encore la livraison des Griffon, des Jaguar et des Serval. Côté pile, l’objectif est clair et assumé, il s’agit de préparer nos forces armées au combat de haute intensité. Côté face, de nombreux problèmes demeurent. La reconstitution de nos stocks de munitions, notamment pour les petits calibres, avance lentement, et le maintien en condition opérationnelle reste sous tension, pesant sur la disponibilité de nos véhicules. Résultat : un équipement flambant neuf sans entretien régulier, des munitions insuffisantes, une capacité qui n’a plus de réelle que le nom.
Dans les airs, le constat est le même. Le budget 2026 consacre plusieurs milliards aux Rafale F5, aux drones Male (moyenne altitude longue endurance), ou encore au programme SCAF qui, soit dit en passant, suscite de plus en plus de frilosité à Berlin. En attendant, le taux de disponibilité de nos flottes aériennes peine encore à dépasser 65 %. En réalité, nous discutons du combat du futur alors que le combat au présent repose encore sur des appareils partiellement immobilisés. La modernisation est nécessaire, mais elle ne peut produire ses effets que si elle s’accompagne d’un soutien industriel solide, d’un nombre suffisant de techniciens spécialisés et d’un renforcement du MCO afin d’éviter les goulots d’étranglement.
Cette question du taux de disponibilité de nos armées renvoie à un enjeu plus large, celui de la transparence budgétaire. Le programme 146, Équipement des forces, fixe bien des objectifs pour l’année 2026 : un taux de réalisation des livraisons de 85 %, une évolution annuelle moyenne des délais de réalisation des opérations d’armement principales inférieure à deux mois, une évolution moyenne des devis à terminaison inférieure ou égale à 1,5 %, des intérêts moratoires inférieurs ou égaux à 0,5 %. Cependant, ces chiffres échappent au contrôle parlementaire, car nous ne savons pas quels programmes respectent pleinement leurs objectifs et lesquels dérapent. Sans cette visibilité, le Parlement ne peut pas contrôler efficacement la dépense publique et en mesurer les effets sur la disponibilité et la performance de nos forces armées. En ce sens, il serait légitime d’exiger la publication annuelle de ces données, programme par programme.
Cette quête de clarté est d’autant plus nécessaire que notre pays nourrit une ambition maritime de premier plan dans l’Indo-Pacifique, l’Atlantique, la Méditerranée et dans nos territoires ultramarins. Le PLF pour 2026 lui consacre 4,1 milliards d’euros, soit près d’un quart du budget de la préparation des forces. Parmi ces crédits, 108 millions sont fléchés vers le numérique naval, un demi-milliard vers les infrastructures portuaires et près de 600 millions vers le porte-avions du futur. Ici encore, ces milliards n’ont de sens que s’ils s’accompagnent d’une amélioration de la disponibilité réelle des frégates, des sous-marins ou des patrouilleurs. S’agissant du PANG, il est impératif d’anticiper les risques liés aux coûts et aux délais afin d’éviter qu’ils n’absorbent les crédits du MCO et fragilisent toute la flotte existante. Il serait donc pertinent que le Parlement dispose d’indicateurs et de trajectoires de disponibilité très précis pour mesurer la progression réelle du parc naval, ainsi que des plans de maintenance afin de prévoir d’éventuelles périodes de creux opérationnel.
Si ce budget traduit une volonté indéniable de réarmer la France, il doit cependant pouvoir reposer sur trois piliers essentiels : des forces réellement prêtes et disponibles ; une dépense publique transparente et mesurable ; une ambition stratégique mise en œuvre avec rigueur. Pour réarmer, il ne suffit pas d’acheter ; il faut également entretenir, former, anticiper et rendre des comptes.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Entêtement, effets d’annonce et rafistolage : ce n’est pas le titre d’une comédie, hélas, mais le sous-titre de la mission Défense de ce budget, qui est un véritable théâtre d’ombres.
Commençons par le début. Nous avons sous les yeux le budget défendu par une ministre qui n’a pris aucune part dans son élaboration, puisqu’elle l’a découvert à peu près en même temps que nous. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour l’idée que l’on se fait de la démocratie et du contrôle parlementaire, cela veut dire beaucoup. Notons ensuite que si la hausse des autorisations d’engagement et des crédits de paiement est incontestable, elle pose deux questions : d’une part, celle de la soutenabilité de la trajectoire budgétaire, que nous avions évoquée l’an dernier avant que le 49.3 nous prive de débats en séance ; d’autre part, celle de la sincérité, car il n’y a pas lieu de se réjouir d’une hausse deux fois plus élevée que celle prévue par la LPM. On ne le répétera jamais assez, si le budget de la défense a dû être doublé par rapport au niveau prévu il y a deux ans, soit plus d’un an après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, alors il faut nécessairement en conclure que le projet du gouvernement était soit sous-calibré, soit sous-budgété.
Cela n’émeut apparemment pas grand monde, mais c’est là aussi un problème démocratique fondamental. À chaque fois que nous avons ingénument demandé aux personnes auditionnées par notre commission quelles dépenses, au sein de chaque programme, bénéficiaient de la marche et quelles autres de la surmarche, nos interlocuteurs furent en peine de répondre. L’exécutif a avoué à demi-mot que le travail sur la LPM avait été bâclé, puisque le président de la République a annoncé une nouvelle loi de programmation militaire. Je constate néanmoins qu’elle ne figure pas dans l’ordre du jour prévisionnel communiqué par le gouvernement et partagé hier par la présidente Yaël Braun-Pivet. Celles et ceux qui traitent les sujets de défense avec sérieux – et il y en a ! – ne savent plus vraiment à quel saint se vouer.
On en est donc réduit à conjecturer que, aux yeux même de ceux qui l’ont faite, quelque chose dans cette LPM ne va pas et mérite d’être corrigé, tout en constatant que les orientations structurantes qu’elle comporte sont toutes confirmées, jusqu’à l’absurde parfois ‑ et jusqu’au sabotage, suis-je même tenté de dire. Il en va ainsi du projet de SCAF, mais aussi et peut-être surtout du MGCS, dont nous annonçons depuis des années qu’il signera la liquidation de la capacité industrielle française dans le secteur des chars, notamment du fait de la déloyauté du « partenaire » allemand, trop heureux que Rheinmetall demeure le seul acteur sur le marché européen à l’issue de ce fiasco programmé. Cette histoire est emblématique, et nous appelons à un sursaut. L’exécutif doit absolument cesser de se bercer d’illusions s’agissant de ce qu’il appelle abusivement « l’autonomie stratégique européenne », dont la seule manifestation concrète, le programme ReArm Europe, n’est autre chose qu’un moyen pour l’Allemagne de convertir son outil industriel et pour les États-Unis de consolider leur influence en vendant du matériel produit en Europe sous licence américaine. Il serait temps de se réveiller : le déclassement de la France n’est pas loin.
Le cadre géopolitique dans lequel le gouvernement situe son action n’a nullement changé, comme l’atteste l’explosion de la contribution financière à l’Otan, alors même que Trump, à la Maison-Blanche, menace et pressure ses alliés. Ses foucades n’ont d’ailleurs pas fini de nous mettre en danger, puisqu’il évoquait hier l’idée d’en finir avec la technologie des catapultes électromagnétiques qui doivent équiper notre futur porte-avions. Cette dépendance massive devrait cesser, à mon avis, de faire lever les yeux au ciel quand on l’évoque. Et que dire de la dépendance de la France tout entière vis-à-vis des services informatiques des Gafam ?
S’il est évident que dans les armées, soldats et officiers œuvrent sans relâche – et nous les saluons – pour anticiper la guerre de demain avec d’incontestables réussites, il est aussi clair qu’ils sont freinés par l’absence de réflexion politique sur le format des armées. On hésite à passer de quinze à dix-huit frégates, sujet d’importance certes, mais où en est-on du programme massif de drones dont la marine aurait besoin pour assurer notre souveraineté sur notre vaste territoire maritime et protéger nos approches ? Qu’on autorise en passant le membre du Conseil consultatif des Terres australes et antarctiques françaises (Taaf) que je suis à alerter sur le besoin de lancer la construction du Marion Dufresne 3, navire à la fois civil et militaire qui dessert les Taaf.
Il reste beaucoup à dire concernant l’espace, la frappe dans la profondeur, le changement climatique ou encore la production de munitions – nous y reviendrons lors de l’examen des amendements. Ne disposant que de cinq minutes, je suis obligé de dire brièvement qu’il est regrettable de devoir déposer, année après année, des amendements semblables pour revaloriser le point de PMI, garantir la demi-part fiscale des veuves et s’assurer que les droits des tirailleurs, des combattants d’Afrique du Nord et de leurs descendants sont réellement reconnus. Force est de constater qu’il y a loin des paroles sur la reconnaissance de la nation aux actes.
J’ajoute, monsieur le président, que mon groupe regrette que vous n’ayez pas suivi l’exemple de Thomas Gassilloud, qui avait choisi de saisir notre commission pour avis au sujet de la réforme des retraites. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, en cours d’examen devant la commission des affaires sociales, comporte des dispositions entravant le cumul emploi-retraite, un dispositif spécifique aux carrières militaires qui concourt à leur attractivité. Notre commission aurait dû éclairer ce point technique complexe, qui suscite non sans raison l’inquiétude dans nos armées. Le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire sera extrêmement vigilant à ce sujet durant l’examen du PLFSS en séance.
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La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Sécurité ».
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-DN75 de M. Pascal Jenft
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Cet amendement d’appel est relatif à la montée en puissance de la réserve opérationnelle de la gendarmerie. Le PLF pour 2026, qui intègre un rehaussement significatif du budget de la réserve, s’inscrit dans une dynamique favorable qu’il conviendra de préserver dans la durée.
En revanche, cet amendement, qui mentionne les besoins en effectifs, ne me paraît pas bien placé, car il ne vise pas à abonder les crédits du titre 2 du programme. Sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN139 de Mme Valérie Bazin-Malgras
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Il vise à financer cinquante‑cinq postes supplémentaires pour la gendarmerie de Mayotte, conformément au plan Mayotte debout lancé par le Premier ministre après le cyclone Chido. Sur le terrain, les gendarmes font face à une tension sécuritaire extrême avec seulement 316 effectifs pour 321 000 habitants. Les engagements pris par l’État n’ont reçu aucune traduction budgétaire concrète, fragilisant la crédibilité de l’action publique. Le présent amendement propose donc de réaffecter 3 millions d’euros du programme 161 vers le programme 152, afin de respecter la parole donnée et de renforcer durablement la sécurité à Mayotte.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je comprends l’intention, qui est louable. Néanmoins, je doute de l’opportunité de diminuer le budget de la sécurité civile alors que son action est importante, notamment à Mayotte.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Il faut que la parole donnée soit respectée. Pour trouver des crédits supplémentaires, je n’avais d’autre choix que de ponctionner le programme Sécurité civile. Je me suis rendue à Mayotte : ce renfort est nécessaire.
M. Thomas Gassilloud (EPR). Je comprends également l’intention. Il s’agit d’un amendement d’appel, dans la mesure où la répartition des moyens est une décision relevant de l’exécutif. J’espère que vous le redéposerez en séance afin que nous puissions débattre de ce sujet.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN73 de Mme Nadine Lechon
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. En 2024, plus de 5 000 gendarmes ont été blessés en mission. Ce sacrifice nous oblige à garantir la meilleure prise en charge possible. Cet amendement rappelle cette exigence.
Dans un esprit de responsabilité budgétaire, il me paraît toutefois préférable de ne pas augmenter encore les crédits du programme Gendarmerie nationale, dont le budget, déjà en hausse, permettra notamment d’améliorer la prise en charge des militaires blessés. Avis défavorable.
M. Laurent Jacobelli (RN). Si j’en crois Mme Bazin-Malgras, seuls les députés du groupe Droite républicaine peuvent augmenter le budget de la gendarmerie nationale. C’est tout à fait étonnant. Nous nous en souviendrons.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Si j’ai défendu l’amendement II-DN139, c’est parce que le Premier ministre avait pris des engagements dans le cadre du plan Mayotte debout.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN66 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti (RN). Cet amendement d’appel, qui ne crée pas de charge, vise à souligner la nécessité de recruter plus de gendarmes. En effet, les effectifs de la gendarmerie n’ont pas évolué depuis 2007 ; seuls 72 % des objectifs de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) sont atteints alors que la programmation arrive à échéance dans deux ans. Le ratio entre le nombre de gendarmes et le nombre d’habitants est passé de 3,2 ‰ en 2007 à 2,8 ‰ aujourd’hui.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Votre amendement est mal placé car il ne vise pas des dépenses de titre 2. Sagesse.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Nous nous abstiendrons sur tous les amendements d’appel, dans la mesure où ils s’adressent directement au gouvernement, lequel est absent en commission. J’imagine que nous débattrons de nouveau de ces sujets en séance.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN67 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti (RN). Dans le même esprit, il vise à augmenter les effectifs des réservistes de la gendarmerie nationale, qui participent également à la défense opérationnelle du territoire.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Comme le précédent, cet amendement est mal placé, car il ne vise pas à abonder les crédits du titre 2. Sagesse.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Par principe, je ne voterai que les amendements d’appel à 1 euro afin d’interpeller le gouvernement sur ces sujets. L’une des ambitions majeures du budget de la défense est la cohérence, à laquelle contreviennent les mouvements de crédits.
En l’occurrence, la défense opérationnelle du territoire (DOT) est essentielle ; je voterai donc cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-DN14 de M. Daniel Grenon et II-DN 76 de M. Pascal Jenft (discussion commune)
M. Daniel Grenon (NI). Je tiens d’abord à rendre hommage à l’ensemble de nos gendarmes. Chaque jour, sur l’ensemble du territoire national, y compris dans les outre-mer, ils assurent avec courage, dévouement et professionnalisme la sécurité de nos concitoyens, souvent au péril de leur vie.
Les événements survenus l’an dernier en Nouvelle-Calédonie ont toutefois révélé la fragilité de notre organisation. En effet, le déploiement massif de gendarmes sur place, rendu indispensable par la gravité de la situation, a entraîné une hausse considérable des dépenses que le gouvernement n’avait pas anticipée. S’y sont ajoutées les exigences de sécurité exceptionnelles liées à la tenue des Jeux olympiques, dont le coût a également été sous‑évalué. Face à cette accumulation, la gendarmerie a été contrainte, à l’automne dernier, de reporter de plusieurs mois le paiement de ses loyers.
Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2026 apparaissent dès lors inadaptés aux réalités opérationnelles auxquelles elle est confrontée. Alors que notre pays fait face à des menaces multiples, qu’elles soient terroristes, sociales ou géopolitiques, il est à craindre que de telles situations se reproduisent. Cet amendement d’appel vise donc à alerter le gouvernement sur le manque de moyens alloués à la gendarmerie.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Ces amendements alertent sur les risques d’impayés de loyer de la gendarmerie, à la suite des difficultés qui avaient marqué la fin de gestion 2024. Toutefois, en 2025 et dans le PLF pour 2026, les crédits de fonctionnement ont été augmentés afin de remédier à ce problème. En conséquence, ces amendements ne me paraissent pas pertinents. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-DN 78 de M. Pascal Jenft
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Les auteurs de cet amendement appellent notre attention sur les problèmes relatifs à l’immobilier, alors que la vie en caserne est au fondement de l’institution. Les auditions que j’ai menées en tant que rapporteure pour avis ont mis en évidence l’ampleur des besoins.
Le PLF pour 2026 prévoit un effort bienvenu en la matière. S’il ne permet pas de relever immédiatement l’ensemble des défis, il s’inscrit dans une dynamique favorable. Je veillerai à ce que cet effort s’inscrive dans la durée. Dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, il ne me paraît toutefois pas pertinent d’accroître davantage les efforts en matière d’immobilier alors que la gendarmerie fait face à d’autres besoins urgents, s’agissant notamment des véhicules ou des hélicoptères. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Il existe un vrai enjeu en matière d’immobilier. En dépit du principe d’annualité budgétaire, je réclame depuis longtemps l’élaboration d’une programmation pluriannuelle qui nous donnerait plus de visibilité et nous permettrait d’agir plus efficacement.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-DN140 de Mme Valérie Bazin-Malgras, II-DN15 de M. Daniel Grenon et II-DN 77 de M. Pascal Jenft (discussion commune)
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Mon amendement d’appel II-DN140 pointe la vétusté critique du parc d’hélicoptères de la gendarmerie nationale. Près de la moitié de la flotte, composée de AS350 Écureuil mis en service dans les années 1970, affiche un taux de disponibilité tombé à 54 %. Sans renouvellement rapide, la gendarmerie fera face à une rupture capacitaire dès 2027, compromettant notamment la réalisation de missions de secours et d’intervention. Il est urgent d’engager la commande de la tranche complémentaire de vingt-deux appareils, prévue par le marché d’acquisition de 2023, pour garantir la continuité des missions de la gendarmerie.
M. Daniel Grenon (NI). Mon amendement d’appel II-DN15 vise à alerter sur la situation préoccupante du maintien en condition opérationnelle de la flotte d’hélicoptères de la gendarmerie nationale. Celle-ci peut assurer des missions de secours, de maintien de l’ordre, de transport de matériel ou de personnel, de protection de sites stratégiques, voire de lutte contre le terrorisme.
Selon le projet annuel de performances annexé au PLF pour 2026, la disponibilité du parc actuel, composé notamment de vingt-six AS350 Écureuil âgés de plus de 40 ans, se dégrade rapidement. Leur taux de disponibilité est ainsi tombé à 54 % en 2024. Quant au taux de disponibilité des autres modèles, les EC135 et les EC145, il est respectivement de 75 % et de 70 %, bien loin de l’objectif de 90 % visé par le commandement de la gendarmerie il y a quelques années.
Les difficultés croissantes d’approvisionnement en pièces détachées entraînent un allongement des visites périodiques et une saturation des capacités de maintenance. Cette situation contraint certaines unités à suspendre temporairement leurs activités.
Le vieillissement des Écureuil, qui présentent désormais des signes de corrosion structurelle, accentue cette tension. La perte de dix appareils renforce la nécessité de commander dès 2026 une tranche complémentaire de vingt-deux hélicoptères EC145 D3, faute de quoi certaines missions accomplies spécifiquement par les hélicoptères de la gendarmerie devront être abandonnées.
Vous l’aurez compris, la flotte d’hélicoptères de la gendarmerie est dans une situation critique et risque de ne plus être opérationnelle si nous ne réagissons pas rapidement.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je suis favorable à l’ensemble de ces amendements en discussion commune. La flotte d’hélicoptères de la gendarmerie nationale doit être renouvelée le plus rapidement possible.
La commission adopte l’amendement II-DN140.
En conséquence, les amendements II-DN15 et II-DN77 tombent.
Amendement II-DN121 de Mme Catherine Rimbert
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Avis défavorable. L’action sociale des armées assure déjà l’accompagnement des familles de gendarmes décédés en service ou en activité.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Jean-Michel Jacques. Madame la rapporteure pour avis, il ne vous reste plus qu’à nous donner votre avis sur ces crédits, tels qu’ils viennent d’être modifiés.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Même si nous ne sommes pas tous satisfaits, un réel effort a été accompli en matière budgétaire. Je souhaite donc que ces crédits soient adoptés.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Sécurités relatifs à la gendarmerie nationale, modifiés.
Annexe : liste des personnes auditionnées
par la rapporteure pour avis et déplacement
Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) :
- M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances ;
- M. le général de corps d’armée Édouard Hubscher, directeur des ressources humaines de la gendarmerie nationale ;
- M. le général de corps d’armée Lionel Lavergne, directeur des opérations et de l’emploi;
- M. le général de corps d’armée Pierre Poty, commandant du commandement de la gendarmerie d’outre-mer ;
- M. le général de division Jean-François Morel, chef du centre national des opérations de la gendarmerie ;
2. Déplacement
Visite de la gendarmerie à Mayotte – dont entretiens avec le général de brigade Lucien Barth, commandant de la gendarmerie de Mayotte, et le colonel Olivier Casties, commandant en second de la gendarmerie de Mayotte.
([1]) Baromètre Odexa et Mascaret pour Public Sénat et la presse régionale, juin 2025
([2]) Audition du 15 octobre 2025
([3]) Audition du 15 octobre 2025
([4]) Audition du 15 octobre 2025.
([5]) Entretien de votre rapporteure.
([6]) LOI n° 2025-797 du 11 août 2025 de programmation pour la refondation de Mayotte.
([7]) Insee, « Produit intérieur brut 2022 à Mayotte ».
([8]) Idem.
([9]) Idem.
([10]) Cour des comptes, « Quel développement pour Mayotte ? », 2022.
([11]) Insee, « Produit intérieur brut : +8,4 % à Mayotte en 2022 dans un contexte de forte hausse des prix », 2024.
([12]) Institut d’émission des départements d’Outre-mer, Rapport annuel économique de Mayotte 2024, 2025.
([13]) Insee, Enquête sur les entreprises mahoraises en 2015.
([14]) Insee, Enquête Emploi à Mayotte en 2024.
([15]) S. Daubrée, F. Roubaud, C. Torelli et C. Zanuso, La mesure du secteur informel dans un département français d’outre-mer : le cas de Mayotte, 2021.
([16]) Conseil d’orientation des politiques de jeunesse, Rapport « Jeunes d’Outre-mer », 2025.
([17]) Insee, Tableau de bord de l’économie française.
([18]) Mayotte Hebdo, « Jeunes en errance à Mayotte : « On voit des gens qui se bougent » », juin 2022.
([19]) Audition de votre rapporteure avec une autorité de la Gendarmerie.
([20]) Insee, L'essentiel sur… Mayotte, 2024.
([21]) Audition de votre rapporteure avec une autorité de la Gendarmerie.
([22]) Insee
([23]) Audition de votre rapporteure
([24]) Groupes ou individus érigeant des barrages sauvages dans le but de couper un axe de circulation, afin de forcer les usagers à l’arrêt, et donnant lieu à des vols, extorsions et agressions physiques.
([25]) Données du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI).
([26]) Base de données de la Gendarmerie.
([27]) Sur l’échelle de Saffir-Simpson, qui classe l’intensité des cyclones tropicaux de 1 à 5.
([28]) École urbaine de Sciences Po. (2025). Les synthèses du Lab 2025 : Habitat précaire et informel en zone à risque à Mayotte. Défis, opportunités et comparaisons internationales.
([29]) Sur la base du nombre de victimes recensées ; Données du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI)
([30]) Audition d’une autorité de Gendarmerie par votre rapporteure
([31]) Audition de votre rapporteure avec une autorité de la Gendarmerie.
([32]) Audition de votre rapporteure avec une autorité de la Gendarmerie
([33]) Audition de votre rapporteure avec une autorité de la Gendarmerie
([34]) Bases de données de la Gendarmerie
([35]) Document général d’orientation pour les années 2023-2027 pour la sécurité routière, préfecture de Mayotte.
([36]) Point de situation du 15 janvier 2025 de la Gendarmerie nationale.
([37]) Idem.
([38]) Audition de votre rapporteure avec une autorité de la Gendarmerie.
([39]) Commandement de la Gendarmerie de Mayotte, Bureau soutien finances, “Bilan Chido à 6 mois”, 24 juin 2025.
([40]) Notamment, le plan Mayotte Debout prévoit 13 millions d’euros au titre de la domanialisation des logements gendarmerie et 1,3 millions d’euros au titre des infrastructures nécessaires à la brigade nautique