Compte rendu

Commission
des affaires économiques

– Audition de M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation, sur l’agriculture et les états généraux de l’alimentation              2

– Informations relatives à la commission...................24


Mercredi
26 juillet 2017

Séance de 16 heures 30

Compte rendu
de la réunion n° 6

session extraordinaire de 2016-2017

Présidence
de M. Roland Lescure
Président

 


  1 

La commission des affaires économiques a entendu M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation, sur lagriculture et les états généraux de lalimentation.

M. le président Roland Lescure. Je tiens avant toute chose à associer la commission des affaires économiques à l’hommage qui a été rendu cet après-midi à notre collègue Corinne Erhel. Si je n’ai pas eu la chance de la connaître personnellement, je sais combien elle a contribué aux travaux de cette commission, et combien elle était proche de celles et ceux qui ont eu la chance de collaborer avec elle, y compris vous-même, Monsieur le ministre, lorsqu’elle était députée.

Nous auditionnons aujourd’hui M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je rappelle ce dont nous avons convenu : cette audition portera sur les enjeux liés aux états généraux de l’alimentation et à ceux de la filière agricole ; nous tiendrons une audition spécifique sur la pêche à la rentrée, afin de consacrer tout le temps qu’il mérite à ce sujet également important.

En 2016, le revenu moyen et net de charges d’un exploitant agricole français a chuté de plus de 20 %. Un agriculteur sur deux a perçu un revenu inférieur à 350 euros nets par mois. Une exploitation agricole disparaît toutes les quinze minutes. Plus que jamais, les paysans français sont « fauchés » dans tous les sens du terme, et il est urgent de s’atteler à ce défi. En même temps, les habitudes alimentaires changent, les défis écologiques sont plus grands que jamais et de nouveaux modes de production et de distribution, y compris les circuits courts, apparaissent.

Ce constat critique dresse un enjeu à la fois économique, social, sociétal et de développement durable. Ce fut l’un des sujets-clés de la campagne électorale et il reste l’une des priorités de l’agenda. Nous pouvons donc nous féliciter, Monsieur le ministre, du lancement des états généraux de l’alimentation, que vous avez ouverts jeudi dernier. Les acteurs seront mobilisés sur deux chantiers : d’une part, la création et la répartition de la valeur dès aujourd’hui et, d’ici à la fin de l’année, d’autre part, les attentes sociétales pour une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous. Il va de soi que notre commission s’impliquera et organisera d’ailleurs, au début de septembre, des auditions avec les principaux acteurs du secteur. L’objectif sera d’obtenir un panorama des enjeux et de débattre ouvertement des objectifs qui vont dans le sens de l’intérêt général, au-delà des intérêts divergents qui semblent parfois difficiles à réconcilier.

À titre personnel, Monsieur le ministre, j’ai deux questions liées. Tout d’abord, quelle méthode souhaitez-vous instaurer et quel dialogue envisagez-vous pour réconcilier les positions des acteurs de l’ensemble de la filière ? Ensuite, les grandes problématiques agricoles des négociations sont restées inchangées au fil des ans, notamment celle du partage de la valeur, qui est un débat ancien. Comment ces négociations permettront-elles enfin de résoudre ce problème ?

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous remercie, Monsieur le président, de votre invitation. Vous êtes venus nombreux, Mesdames et Messieurs les députés, pour échanger sur l’agriculture française et la « ferme France ». Je reviendrai à la reprise des travaux parlementaires, fin septembre, pour échanger sur un autre volet relevant du ministère dont j’ai la charge et qui me tient tout autant à cœur – la pêche, la conchyliculture et l’aquaculture. C’est un réel plaisir de parler d’agriculture et d’alimentation dans cette maison, que je connais bien, et je reviendrai à chaque fois que vous le souhaiterez pour expliquer et détailler les actions que j’entends conduire sous l’égide du Premier ministre et du Président de la République.

Les sujets qui m’occupent aujourd’hui sont très nombreux. J’ignore si mes collègues du Gouvernement ont parfois quelque répit, mais je sais que l’on ne s’ennuie pas au ministère de l’agriculture et de l’alimentation. On y travaille sur les questions agricoles et alimentaires, mais aussi sur l’environnement, l’Europe, l’international – autant de sujets qui occupent nos journées et qui concernent l’ensemble de nos territoires. Ils sont de nature très différente. Il y a d’abord la gestion de l’immédiat, ce que l’on appelle parfois « les crises » ; je préfère pour ma part parler d’aléas. Vous les connaissez, Monsieur le président : les conséquences du gel ou la crise des palmipèdes, la crise des pêches, des abricots, la sécheresse, et bien d’autres choses encore.

M. Sébastien Jumel. Et le lait !

M. le ministre. Et la crise du lait, en effet, sur laquelle je reviendrai ; je reconnais là l’esprit normand, Monsieur le député, que j’ai grand plaisir à retrouver dans cette salle.

Il faut gérer le court terme, notamment restaurer, dans les plus brefs délais, la confiance dans la parole de l’État en respectant les engagements pris quant aux dates de versement des aides, comme je l’ai indiqué tout à l’heure en réponse à une question d’actualité. En effet, c’est une question essentielle pour nous : elle tient non seulement au respect de la parole de l’État mais aussi à celui de la parole publique, qui nous concerne tous en tant que responsables politiques. Cette gestion du court terme est donc très importante.

Il y a aussi la gestion du moyen terme : c’est redonner des perspectives financières à nos agriculteurs en renforçant leur position dans les négociations que nous allons entamer à l’automne avec les transformateurs et les distributeurs. Le Président de la République l’a dit à de nombreuses reprises : il faut que les agriculteurs soient payés au juste prix pour vivre dignement.

Et il y a la gestion du long terme. C’est le chantier de la politique agricole commune (PAC) et de son financement, qu’il faudra conjuguer avec le cadre nouveau que constitue le défi du Brexit ; c’est aussi le chantier du droit européen en matière de concurrence. La main invisible du marché ne saurait être notre seule boussole. Nos agriculteurs ne sauraient être livrés aux seules forces de ces marchés.

Et il reste le très long terme : notre société est traversée par des débats de nature philosophique sur la nature de notre alimentation, sur la consommation de la viande, sur le bien-être animal et sur le nécessaire respect de la biodiversité, qu’il faut conjuguer avec celui de la condition de nos agriculteurs. Je pense à cet égard à la difficile question de la cohabitation du loup et de l’élevage dans les massifs montagneux, entre autres. Il est essentiel de répertorier les sujets et leur temporalité pour bien les traiter, et les traiter au fond.

Quel est le constat chiffré ? En termes de poids économique et social, le secteur agricole et agroalimentaire représente à lui seul 11 % du produit intérieur brut et emploie 1,2 million de personnes. La France est le premier bénéficiaire des aides de la politique agricole commune, avec 9 milliards d’euros, mais aussi la première puissance agricole et agroalimentaire en Europe. Ces secteurs demeurent structurellement exportateurs, avec un excédent commercial de plus de 9 milliards d’euros en 2016, 60 % de ces exportations étant destinées à l’Union européenne.

Malgré tous ces atouts, l’agriculture et l’alimentation doivent faire face à des difficultés connues : reconnaissons que les chiffres des revenus, publiés il y a quelques jours, sont mauvais, voire très mauvais dans certaines filières. Le résultat net par actif a chuté de 21,9 % par rapport à 2015. La valeur ajoutée brute de la branche agricole a baissé de 8,4 % en 2016 par rapport à l’année précédente ; c’est un recul très marqué, alors que ce taux était positif au cours des deux dernières années. Les filières peinent à s’organiser et à se structurer de manière efficace, et le dialogue entre les différents maillons est souvent insuffisant. Nos exportations restent dominées par les vins, les spiritueux, les céréales et les produits laitiers. En dix ans, la France a glissé de la troisième à la sixième place des pays exportateurs de produits agroalimentaires. Certains secteurs, en particulier l’élevage, connaissent des retards d’investissement, notamment pour assurer leur nécessaire compétitivité. Le poids économique des industries agroalimentaires dans les outre-mer est encore fortement concentré sur quelques filières structurantes. La gestion des risques constitue un défi et une urgence pour nous, afin de faire face aux menaces naturelles. La recherche française est au meilleur niveau international et pourtant, les liens avec l’enseignement supérieur et le monde économique ne sont pas suffisants pour augmenter la création de valeur et se prémunir contre les aléas. En dépit d’un marché de l’emploi porteur, les métiers et les formations de ce secteur souffrent souvent d’un manque d’attractivité. Enfin, la succession des crises, parfois conjoncturelles, souvent structurelles, fragilise de nombreux acteurs et altère davantage l’activité et l’attractivité des métiers. L’enjeu social doit être au cœur de nos préoccupations pour chacun des maillons de la filière. J’attache une importance particulière au développement de ce volet social dans l’agriculture.

Une fois dressé et partagé le constat de nos atouts et de nos fragilités, quel est notre cap et comment le concilier avec l’urgence à laquelle nous faisons face ? L’urgence, d’abord : l’urgence est de redonner confiance dans l’action des pouvoirs publics. Cette confiance a été altérée par les retards de paiement des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), notamment. Je me suis personnellement déplacé dans les bureaux de l’Agence de services et de paiements (ASP), à Montreuil, pour faire passer le message adéquat. Un calendrier visant à résorber les retards est désormais en place et je ferai tout pour qu’il soit respecté.

Si régler l’urgence est important, penser l’avenir l’est tout autant. C’est pour penser l’avenir que, conformément aux engagements pris par le Président de la République, nous avons lancé le 20 juillet dernier les états généraux de l’alimentation. Cette démarche innovante et transversale associe de nombreux membres du Gouvernement : santé, économie, environnement, enseignement supérieur, affaires européennes et recherche. Je souhaite également mobiliser les parlementaires, les experts, les filières, les transformateurs et les distributeurs. Je remercie d’ailleurs les parlementaires qui ont largement contribué à la réussite des débats de jeudi dernier. Nous mobiliserons les deux extrémités de la chaîne, c’est‑à-dire les producteurs et les consommateurs.

Ces états généraux de l’alimentation seront d’abord consacrés à la création et à la répartition de la valeur. On entend souvent parler de la nécessité de mieux répartir la valeur, et j’en suis profondément convaincu. Cependant, si l’on veut aboutir sur ce sujet capital, il faut aussi trouver les voies et les moyens d’accroître la création de valeur. Pour cette raison, j’attache beaucoup d’importance à ce que les deux facettes du chantier de la valeur fassent l’objet d’un travail simultané lors des états généraux de l’alimentation. Les premières orientations réglementaires et, le cas échéant, législatives, seront connues dès la fin des états généraux et viseront notamment à renforcer le rôle des organisations de producteurs dans la perspective des futures négociations commerciales.

Dès la rentrée, nous poursuivrons le travail sur les questions alimentaires. Comment garantir une alimentation plus saine, plus sûre, plus durable et accessible à tous ? Beaucoup a déjà été fait, mais nous devons sans cesse monter en gamme pour conserver et accroître notre excellence. Les questions sociétales, la sécurité sanitaire ou le gaspillage trouveront aussi toute leur place dans les états généraux de l’alimentation.

Pour conclure, je souhaite vous affirmer une conviction que j’ai chevillée au corps. Sans production, il n’y a pas de transformation ; sans transformation, pas de mise au marché ; sans marché, pas de création d’emplois ni de répartition des richesses ; sans qualité des produits, il n’y a pas de fidélisation des consommateurs ; sans agriculteurs, enfin, il n’y a pas de territoires ruraux. Si j’affirme ces convictions devant votre commission, c’est parce que je sais combien vous êtes attachés à ces territoires ruraux. Je viens moi-même d’un territoire rural, le département de la Manche, qui est l’un des premiers bassins laitiers d’Europe. Je sais à quel point le maillage de notre agriculture donne une richesse, une âme, une identité à ces territoires. Je sais les efforts que nous devons consentir pour que celles et ceux qui assurent le maillage et aménagent ce territoire puissent effectuer leur travail au quotidien. Nos éleveurs et nos agriculteurs se lèvent tôt le matin, travaillent durement et longtemps pour, à la fin, gagner peu. Qui peut continuer d’accepter qu’en France, une personne travaillant soixante-dix heures par semaine se contente d’un revenu équivalent à 400 euros par mois ? Personne. Dès lors, notre seule boussole, c’est de mettre tout le monde autour de la table – distributeurs, transformateurs, producteurs – et de renforcer ce triptyque dans un seul but : trouver des accords gagnants pour tous, étant entendu que chacun devra prendre ses responsabilités. L’État peut apporter sa contribution en matière réglementaire et législative et formuler des propositions, mais l’État et le Gouvernement constituent un ensemble lié qui ne doit pas faire oublier que tous les acteurs participant aux états généraux de l’alimentation ont une responsabilité éminente pour trouver des solutions. Nous sommes là pour les fédérer, les faire travailler ensemble et sortir de cette espèce de culture du conflit qui prévaut et qui veut qu’à chaque négociation, il y a toujours un des acteurs qui en sort broyé. Je crois à la culture du compromis, car elle peut permettre à chacune et à chacun de sortir d’une négociation la tête haute. Nul n’est naturellement ennemi de son porte-monnaie ni de ses finances, mais qu’est-ce qui nous anime aujourd’hui ? C’est de veiller à ce que nos agriculteurs puissent vivre dignement de leur travail, que nos transformateurs dégagent suffisamment de marges pour payer leurs salariés et investir, que les distributeurs continuent à faire leur métier, c’est-à-dire la promotion des produits et l’animation des territoires afin de valoriser les productions et le travail de nos éleveurs.

Au milieu de tout cela, il y a l’innovation et la formation. Nous devons faire entrer notre agriculture dans le XXIe siècle. De ce point de vue, l’innovation et la formation sont des enjeux capitaux. La France a l’agriculture la plus belle et la plus performante du monde. Nous sommes observés à l’étranger pour ce que nous défendons dans le domaine agricole. La semaine dernière, j’ai participé à mon premier Conseil européen de la pêche et de l’agriculture, et j’ai vu à quel point la voix de la France est attendue sur ce volet. La PAC reste le creuset de la construction européenne. C’est la première des politiques communes. Pour déployer une politique agricole ambitieuse, nous devons mettre tous les moyens de notre côté.

C’est à ces objectifs que je souhaite travailler avec vous en écoutant chacun d’entre vous, dans le respect de la diversité de vos sensibilités. Personne ne doit être oublié sur aucun territoire. Tels sont les engagements que je prends devant vous. Le défi est immense et, qui plus est, urgent pour de nombreuses filières et de nombreux agriculteurs. Nous sommes au travail depuis un mois ; nous allons le poursuivre. (Applaudissements.)

M. Guillaume Kasbarian. Ma question, Monsieur le ministre, porte sur le régime d’aides directes de la PAC. Les agriculteurs, notamment ceux de mon département, l’Eure-et-Loir, sont particulièrement inquiets pour deux raisons. Tout d’abord, d’après des informations qui circulent, il semble que l’on ait découvert une insincérité budgétaire dans la maquette de la programmation des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) et, plus généralement, dans le deuxième pilier de la PAC : un montant de 853 millions d’euros n’aurait pas été budgété pour honorer les engagements du précédent Gouvernement. Le second motif d’inquiétude est lié au premier : pour combler cette potentielle ardoise qui, si elle est avérée, est non négligeable, un transfert du premier pilier vers le deuxième pilier serait à l’ordre du jour. Les agriculteurs craignent donc que l’on prenne dans une poche ce que l’on verse dans l’autre.

Je sais que vous avez parfaitement connaissance de la crise que traverse le monde agricole ; c’est pourquoi le Gouvernement a placé au rang des priorités des états généraux de l’alimentation les prix et le revenu des producteurs. Dans ce contexte, la décision de ponctionner une nouvelle fois les aides directes des producteurs pourrait être vécue comme une injustice par les agriculteurs. Chaque année, le Gouvernement français doit notifier au plus tard le 1er août ses choix en matière de PAC. Aussi, pouvez-vous nous éclairer, Monsieur le ministre, sur les choix que vous allez notifier à Bruxelles le 1er août prochain concernant l’accès au régime des aides directes ?

M. Daniel Fasquelle. Vous rappelez régulièrement, Monsieur le ministre, que notre agriculture est l’une des plus belles et des plus performantes du monde ; c’est vrai. Permettez‑moi tout de même de formuler trois constats préoccupants : nous décrochons peu à peu des classements européens et mondiaux – la France ne possède plus la première agriculture d’Europe –, les revenus des agriculteurs n’ont cessé de se dégrader et l’agriculture risque de disparaître de certaines parties du territoire national. Il est donc indispensable, en ce début de législature, de réaffirmer la vocation de notre agriculture, qui est d’être la première en Europe, de produire et d’exporter, et de reposer sur des agriculteurs présents sur l’ensemble du territoire qui vivent de leur travail.

J’en viens ensuite aux défis auxquels nous faisons face. Le partage de la valeur est certes un sujet essentiel, mais j’ajouterai le défi de la capacité qu’ont les agriculteurs de faire face aux risques. Je vous ai signalé un épisode dramatique de grêle qui s’est produit dans le Pas-de-Calais ; il s’en produit régulièrement, de même que les périodes de sécheresse. L’agriculture n’est pas une activité comme les autres, car elle est soumise à des aléas très importants. Comment en tenir compte et aider les agriculteurs à faire face aux risques ? La question n’est pas encore résolue.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur le débat à venir concernant la PAC 2020 ? Quels sont les points clés déjà en discussion ?

Enfin, chacun sait que les solutions à nos problèmes ne viendront pas que de l’Europe ; elles viendront aussi de la France – car notre décrochage au niveau européen est bien la preuve que l’Europe constitue moins un handicap pour notre agriculture que nos propres règles. S’agissant du partage de la valeur, quid de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ? Envisagez-vous de la remettre à plat ? Quelles mesures envisagez-vous pour simplifier notre droit, en réponse aux plaintes récurrentes des agriculteurs ? Pouvez-vous évoquer deux secteurs essentiels qui souffrent depuis la disparition des quotas – je veux parler du lait et du sucre ?

M. Philippe Bolo. Permettez-moi de réitérer la question qui vient de vous être posée en séance publique en vous faisant part des nombreux retours qui proviennent de ma circonscription et sans doute de nombreuses autres sur le versement des aides de la PAC, en particulier les MAEC pour l’agriculture biologique. J’ai bien pris note de votre propos, mais il faudrait que nous puissions relayer avec certitude le message selon lequel ces versements seront effectués dans des délais plus raisonnables, sachant qu’actuellement, les retards atteignent jusqu’à deux ans, alors que la conjoncture est particulièrement difficile. Puisque l’un des objectifs des états généraux de l’alimentation vise à améliorer la répartition de la valeur ajoutée, il est indispensable que l’État lui-même se montre exemplaire et ne soit pas à l’origine de difficultés financières pour les agriculteurs.

M. Paul Christophe. Les aléas climatiques se multiplient depuis quelques années et provoquent des états de calamité agricole. Dans le département du Nord, les exploitations ont tout d’abord été touchées par une sécheresse climatique : l’hiver 2016-2017 a été exceptionnellement doux et les pluies n’ont pas été assez abondantes pour recharger les nappes phréatiques. Au printemps, la situation ne s’est pas améliorée puisqu’il n’est tombé que trois millimètres de précipitations dans les Hauts-de-France ; les cultures ont fortement souffert de cet épisode de sécheresse. Enfin, les exploitations ont été victimes de violents orages, avec des grêlons d’une taille exceptionnelle – de l’ordre de celle d’une balle de golf – qui ont décimé les champs et plantations de blé, de colza, d’orge, de lin, de pommes de terre ou encore de betteraves ; je vous ai d’ailleurs interrogé par écrit sur ces deux événements.

Pour se protéger contre les aléas climatiques, les agriculteurs peuvent souscrire des contrats d’assurance multirisques climatiques des récoltes. Cependant, ces contrats sont très complexes et trop coûteux : fixées à 30 %, les franchises représentent une charge exorbitante pour les agriculteurs. En conséquence, nombreux sont ceux qui renoncent à s’assurer. Le monde agricole souhaite une réforme des assurances agricoles afin de simplifier le fonctionnement des franchises et d’en réduire les coûts. En effet, plus les agriculteurs seront nombreux à s’assurer, plus les coûts seront bas pour les assurances. Aussi, Monsieur le ministre, pouvez-vous garantir le déblocage à court terme de fonds visant à aider les agriculteurs touchés par ces aléas climatiques ? À moyen terme, allez-vous engager une réforme de l’assurance agricole pour permettre aux agriculteurs de se protéger correctement ? Enfin, que pensez-vous de la proposition – appréciée dans le monde agricole – consistant à créer un compte épargne aléas climatiques et économiques qui serait alimenté librement pendant les années de bonnes récoltes et utilisable en cas de pertes d’exploitation ?

M. le ministre. En effet, Monsieur Guillaume Kasbarian, la préparation des choix en matière de PAC constitue l’un des premiers grands chantiers à venir sur le plan européen. Pour ma part, je suis convaincu de la nécessité de défendre une PAC forte au cœur du projet européen pour répondre aux enjeux de notre société, mais aussi une PAC dotée d’un budget à la hauteur de nos ambitions. Or le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne fait peser de nombreuses incertitudes sur le financement des politiques européennes, au premier rang desquelles figure la PAC. Je reste attaché à un budget fort de la PAC, qui ne saurait être la variable d’ajustement du futur cadre financier pluriannuel européen. Au-delà des objectifs définis dans les traités européens tels que la sécurité alimentaire et l’assurance d’un niveau de vie équitable, tous les nouveaux enjeux auxquels l’Union européenne doit faire face, notamment la lutte contre le changement climatique, sont de première importance. Nous avons saisi l’occasion fournie par la consultation publique qu’a organisée la Commission européenne pour rappeler la valeur ajoutée européenne de la PAC. Les résultats de cette consultation montrent que les citoyens européens sont globalement attachés à cette politique et qu’ils expriment de fortes attentes afin qu’elle accompagne un secteur d’avenir et réponde à nos défis communs. Il me paraît essentiel que la PAC continue d’accompagner un secteur qui participe au dynamisme et à la préservation des territoires ruraux, ainsi qu’à l’économie européenne au sens large. Le soutien au revenu garanti, notamment, permet de préserver la présence des agriculteurs sur les territoires et d’éviter l’abandon des zones rurales et les dégradations économiques et environnementales qui peuvent en résulter. La future PAC devra veiller à ce que l’agriculture européenne soit doublement performante, sur le plan économique comme sur le plan environnemental. Il s’agira d’encourager la généralisation des pratiques et des systèmes vertueux grâce à des mesures simples concernant l’ensemble des agriculteurs, mais aussi de mieux accompagner nos filières et de répondre aux prises de risques par des mesures ciblées et efficaces – j’y reviendrai.

Il est exact que le Gouvernement dispose de la possibilité de transférer des crédits entre le premier pilier de la PAC consacré aux aides à l’hectare et le deuxième pilier consacré au développement rural, à la production – notamment bio – et à la maîtrise des aléas. J’achèverai ce soir une large consultation des organisations professionnelles agricoles sur les besoins de financement identifiés jusqu’à 2020 au titre du deuxième pilier. Les besoins de financement recensés à ce jour résultent de la conjonction de plusieurs facteurs : la surprogrammation initiale des projets destinée à éviter la sous-consommation finale des crédits, mais aussi l’extension du périmètre des bénéficiaires de l’ICHN, le renforcement de la part de l’Union européenne dans l’éco-financement et, enfin, le dynamisme d’un certain nombre de dispositifs, notamment le développement des filières bio, et la montée en puissance de l’assurance récoltes.

Une fois qu’il aura été décidé, ce transfert donnera lieu à une notification à la Commission au 1er août, comme le prévoit un règlement européen. Je considère que la rigueur et la cohérence politique des décisions à prendre concernant l’utilisation des crédits de la PAC comme des crédits au niveau national sont une condition indispensable de la crédibilité de la France auprès de ses partenaires européens, particulièrement dans la perspective de la négociation de la PAC. Même s’ils sont difficiles, les choix de court terme ne doivent pas faire perdre de vue l’ambition de moyen terme qu’affichent les états généraux de l’alimentation. Mon unique souci est que les crédits de la PAC servent l’ensemble de l’agriculture française, avec une attention particulière portée aux zones les plus défavorisées et aux secteurs les plus fragiles comme l’élevage, ainsi qu’aux dynamiques de transformation en cours. J’aurai à communiquer dans les heures qui viennent sur le choix du taux de transfert qui sera retenu. Je ne peux néanmoins pas encore ouvrir ce sujet à la discussion dans la mesure où le tour des organisations syndicales n’est pas achevé ; or, la consultation des organisations est particulièrement importante, et chacun doit nous donner son avis.

D’ici au 1er août, nous vous informerons des arbitrages auxquels nous aurons procédé afin de permettre ce transfert qui résulte de l’impasse financière de près de 853 millions d’euros que nous avons trouvée – ce qui n’est pas rien. Je vous avoue que je m’en serais bien passé. La boussole que je suivrai sera celle d’une méthode de travail consistant à mettre les choses sur la table en toute clarté avec l’ensemble des organisations et des acteurs des filières. Nous nous heurtons à deux problèmes : tout d’abord, résoudre la difficulté tenant au financement de l’ICHN et au respect des engagements pris précédemment, qu’il nous revient d’honorer ; puis contribuer, avec les organisations syndicales et les acteurs des filières, à défendre l’ensemble des projets du monde agricole dans une PAC forte et ambitieuse, et au développement du secteur couvert par le deuxième pilier, le secteur bio, afin que les consommateurs accèdent aux produits qu’ils attendent et en lesquels ils ont confiance. C’est tout l’enjeu des prochaines heures ; dès la fin de cette audition, je poursuivrai les consultations des organisations syndicales qu’il nous reste à rencontrer, et nous vous ferons connaître nos arbitrages dans la foulée.

J’en viens à la gestion des risques. L’agriculture française et celle de l’Union européenne sont soumises à des aléas nombreux. Nos agriculteurs disposent aujourd’hui d’une palette d’outils comme l’assurance récoltes, mais aussi des outils propres à la filière viticole, touchée par le gel et la sécheresse. Nous devons donc renforcer notre stratégie de gestion des risques en améliorant l’efficacité des outils, notamment l’assurance récoltes – je sais que c’est attendu – et améliorer les dotations pour les aléas. À la suite des épisodes qui se sont produits dans le nord du pays, il serait bon que des dossiers nous remontent afin que nous puissions caractériser les difficultés que rencontrent les producteurs et les éleveurs, et déterminer les types de mesures de sauvegarde propres à remédier à ces situations. Je sais que nous devons être particulièrement attentifs à ces questions. Nous allons baisser de 30 % à 20 % les franchises de l’assurance récoltes, ce qui se répercutera sur la consommation des crédits du deuxième pilier, et nécessitera certains transferts.

Pour ce qui concerne l’évolution du prix du lait, j’ai conscience des difficultés que rencontrent actuellement les éleveurs laitiers, que je connais bien. Après deux années de crise, ils attendent une revalorisation significative des prix du lait. L’une des voies d’amélioration du prix du lait consiste à revaloriser les tarifs des produits de grande consommation, qui représentent environ la moitié des débouchés du lait. Cette revalorisation est aujourd’hui nécessaire mais elle ne peut être le fait que des acteurs économiques eux-mêmes. C’est pourquoi, comme je l’indiquais, il faut renforcer les organisations de producteurs afin qu’elles aient voix au chapitre dans le trilogue entre production, transformation et distribution. Dans ce secteur, en effet, on a trop longtemps divisé pour mieux régner ; or on s’aperçoit que lorsque les opérateurs sont réunis au sein d’organisations de producteurs solides, les négociations se déroulent mieux et les prix augmentent – nous en avons plusieurs exemples : ainsi ceux de l’association de producteurs Mont Blanc en Normandie, ou de l’organisation des producteurs de la filière Comté, dont on connaît le succès. Nous devons nous inspirer de ces exemples qui ont réussi. Je serai donc vigilant sur les avancées concrètes de ces négociations, qui doivent se matérialiser dès le mois de juillet s’agissant du prix du lait aux producteurs. Des avancées ont déjà été obtenues ; je les salue. Ce n’est cependant qu’un début, et il faut continuer de travailler avec l’ensemble des opérateurs. De ce point de vue, les états généraux de l’alimentation auront pour but de mettre tout le monde autour de la table et d’instaurer les espaces de dialogue indispensables pour formuler les propositions et les contributions de chacun des acteurs de la filière laitière en vue de redonner du pouvoir d’achat en même temps qu’un juste prix aux éleveurs et aux producteurs.

S’agissant des aides de la PAC, je l’ai dit lors des questions d’actualité et je le répète, nous avons arrêté un calendrier. J’ai bien conscience que le temps est long lorsque l’on attend des aides depuis 2015. Je connais des producteurs qui peinent à dégager un salaire de 900 à 1 000 euros par mois et à qui l’on doit plus de 30 000 euros d’aides, qu’ils attendent d’autant plus qu’elles sont essentielles au devenir de leurs exploitations. Nous avons donc établi un calendrier, et j’ai demandé à l’ensemble des directions du ministère, en particulier la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), d’être particulièrement vigilantes sur le respect de ce calendrier, que nous avons préféré élargir afin d’éviter toute mauvaise surprise. Je refuse en effet de devoir commenter en permanence les retards de l’ASP. Je ne manquerai pas de revenir devant vous en cas de problème pour vous tenir informés, car je sais que vous êtes tous interpellés par les producteurs et les agriculteurs de nos territoires, qui attendent beaucoup de ces aides. Je me suis engagé à respecter un calendrier, qui a été publié le jour de ma prise de fonctions, et je souhaite que nous nous donnions les moyens de nous y tenir.

M. Richard Lioger. La troisième circonscription de Moselle dont je suis l’élu s’étend tout à la fois sur une partie de la ville de Metz et sur des zones rurales – la combinaison de ces deux éléments est d’ailleurs d’une grande richesse pour un député. Comme de nombreux élus de circonscriptions partiellement ou entièrement rurales, je constate une crise majeure des vocations. Avez-vous prévu un dispositif propre à y remédier dans le cadre des aides que nous pourrions apporter aux jeunes agriculteurs ? Vous avez raison, Monsieur le ministre, de mettre l’accent sur la formation et la recherche, mais la crise des vocations, la difficulté à reprendre des exploitations, les faillites et les problèmes bancaires touchent plus spécifiquement les jeunes agriculteurs.

M. Sébastien Jumel. Vous mesurez, Monsieur le ministre, la désespérance, la détresse et la colère du monde agricole, qui sont proportionnelles au nombre d’exploitations qui ferment et au nombre de suicides que l’on déplore chaque année dans le monde agricole. Cette détresse alimente le sentiment d’être des oubliés de la République et exige que soient apportées en urgence des réponses à la hauteur des enjeux. J’approuve votre point de vue selon lequel le partage et la répartition de la valeur ajoutée entre producteurs, transformateurs et distributeurs doivent être au cœur de nos priorités ; il n’y a pas de système agricole durable sans rémunération des producteurs qui couvre les coûts de production. J’insiste sur l’exemple du lait : dans le canton d’Envermeu, que vous connaissez bien et où vous vous rendrez certainement, Monsieur le ministre, le prix de vente du lait, qui augmente, s’établit entre 310 et 315 euros pour mille litres tandis que les coûts de production s’élèvent à 338 euros. Tel est l’effet de ciseau qui asphyxie les exploitations laitières au point que 40 % d’entre elles ont fermé au cours des dix dernières années. La situation est plus grave encore dans le pays de Bray, que vous connaissez aussi.

Vous souhaitez favoriser la médiation dans le prolongement des états généraux de l’alimentation mais, jusqu’à présent, toutes les tentatives de médiation et de négociation visant à fixer un juste prix, notamment pour les producteurs primaires, ont échoué. Excluez‑vous que l’État, qui doit protéger, prenne des mesures réglementaires ou législatives ?

J’en viens à ma deuxième question.

M. le président Roland Lescure. Votre temps est écoulé.

M. Sébastien Jumel. Les groupes ont normalement trois minutes pour s’exprimer, Monsieur le président. Ma deuxième question porte sur la simplification : elle est un facteur supplémentaire d’asphyxie des agriculteurs.

M. le président Roland Lescure. La règle adoptée en votre présence par le bureau de la commission est de deux minutes pour tous, Monsieur Sébastien Jumel. Nous nous étions mis d’accord…

M. Sébastien Jumel. J’étais en désaccord !

M. le président Roland Lescure. Vous avez eu l’occasion d’exprimer votre point de vue. Nous avons prévu de revoir ces règles dans trois mois.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le membre du Conseil économique, social et environnemental que nous avons auditionné ce matin, M. Guillaume Duval, nous a invités à nous appuyer sur nos potentialités pour relancer la croissance, notamment en matière d’agriculture et d’alimentation. Comme vous l’avez rappelé, Monsieur le ministre, les états généraux de l’alimentation doivent être l’occasion de tirer parti de ce levier et de cette chance qu’est notre agriculture. Il faut que les agriculteurs et les éleveurs reprennent confiance. Concrètement, comment bâtir un modèle durable de rémunération qui repose sur une meilleure répartition de la valeur ajoutée ? Quelles sont vos propositions concrètes pour convaincre les distributeurs ? Tout dépendra également de la place que donnera l’Europe à l’agriculture dans la construction de la nouvelle PAC 2020.

L’agriculture de montagne ne doit pas être oubliée et doit conserver toute sa place dans cette nouvelle PAC, notamment en termes de compensation des handicaps naturels liés aux difficultés d’exploitation ainsi qu’aux surcoûts – sans parler du fonds risques, que vous avez évoqué.

Enfin, vous avez abordé la question du prédateur. Le ministre de l’environnement a récemment validé le plan d’abattage de quarante loups à partir du 1er juillet 2017 et jusqu’à la fin de l’année. Cette question peut faire sourire certains de nos collègues mais, sur le terrain, les éleveurs sont en grande détresse. D’aucuns soutiennent qu’une cohabitation est possible et que l’on peut trouver un compromis entre le pastoralisme et la présence du loup mais, en attendant, la situation est extrême. Et s’il n’y a plus de pastoralisme, il y aura encore plus de Canadair qui tourneront au-dessus de nos montagnes.

M. Julien Dive. Je remercie M. Guillaume Kasbarian de vous avoir interrogé sur les transferts entre le premier pilier et le deuxième pilier de la PAC, car plusieurs d’entre nous ont été alertés par les agriculteurs, les fédérations ou encore les syndicats. Vous avez rappelé, Monsieur le ministre, qu’il n’est pas tenable pour un paysan, au sens noble du terme, de vivre avec 400 euros par mois. Dans la région des Hauts-de-France, cet éventuel transfert entre les deux piliers de la PAC et l’effet de vases communicants qu’il entraînera pourrait représenter 32 millions d’euros, soit 15 euros par hectare, par an et par paysan. Pour une personne qui gagne 400 euros par mois, c’est énorme ! Ayez cette remarque à l’esprit, puisque vous êtes encore en pleine discussion avec les organisations syndicales.

Dans le cadre du plan Écophyto, votre prédécesseur sous la précédente législature a instauré la taxe des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), à laquelle M. Antoine Herth et moi-même nous étions opposés. Car si cette taxe est à la charge du revendeur de produits phytosanitaires, son coût sera forcément répercuté sur le prix payé par le paysan. Or les paysans connaissent leurs écosystèmes et leurs territoires et sont attentifs à la fertilité de leur terreau ; ils n’utilisent pas les produits phytosanitaires par plaisir. Le risque est qu’ils soient punis pour une décision qui ne leur appartient pas, qui peut être liée aux aléas climatiques : l’an dernier, par exemple, la moisson fut catastrophique en raison d’une hydrométrie excessive, ce qui a favorisé l’apparition de certaines maladies, et donc amené certains producteurs à traiter davantage.

Enfin, pouvez-vous esquisser le calendrier qui permettra de résoudre les retards de versement des MAEC pour ceux des exploitants qui ne les ont toujours pas perçus depuis 2015 ?

M. le ministre. Monsieur Richard Lioger, la formation et l’innovation sont essentielles car nous devons préparer les futures générations d’agriculteurs. Nous devons maintenir un appareil de formation de qualité sur l’ensemble du territoire. J’y suis très attaché. Le renouvellement des générations est aussi assuré grâce aux aides à l’installation de la PAC. Mais, pour que ces jeunes puissent s’installer, il nous faut travailler sur deux leviers : d’une part, les aides doivent être efficaces et affectées là où elles sont nécessaires ; d’autre part, les parcours d’installation sont trop complexes, au point que certains jeunes renoncent ; il faut faciliter l’installation, l’innovation et l’investissement et nous attacher à la simplification.

Il n’y a pas à proprement parler de crise des vocations, mais un secteur en butte à des difficultés auxquelles le Gouvernement entend répondre. C’est le sens de la mobilisation collective, engagée à travers les états généraux de l’alimentation : en redonnant de la valeur à l’amont, on redonne de la confiance, ce qui permettra aux plus jeunes d’embrasser une carrière agricole à laquelle on aura rendu de l’attractivité. Car s’il y a des difficultés – nous en connaissons tous sur nos territoires – il y a aussi des réussites, des agriculteurs qui gagnent leur vie, qui ont innové et investi. Ainsi, j’ai rencontré la semaine dernière en Meurthe‑et‑Moselle trois agricultrices, seules sur leur exploitation ovine, qui ont su trouver des marchés. Il faut se mobiliser pour montrer ce qui réussit. Les visites sur le terrain sont précisément l’occasion d’évaluer les politiques publiques et d’utiliser ces exemples de réussite pour essayer de les transposer sur d’autres territoires. Pourquoi ce qui fonctionne en Meurthe‑et‑Moselle ne fonctionnerait-il pas dans le Sud-Ouest ?

Monsieur Sébastien Jumel, les participants aux quatorze ateliers des états généraux de l’alimentation formuleront des propositions. Nous aurons ensuite probablement besoin d’outils législatifs et réglementaires pour répondre à ces défis. Je ne m’interdis pas de revoir la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, mais je ne prendrai pas les devants. Nous pourrons par ailleurs porter des mesures concrètes dans des projets de loi. Si, à la fin du mois de septembre, les discussions n’aboutissent pas avec la distribution et la transformation sur le premier chantier des états généraux de l’alimentation consacré à la création et à la répartition de la valeur, et qu’il s’avère donc nécessaire de modifier la loi, nous le ferons. C’est tout l’enjeu des états généraux, Madame Marie-Noëlle Battistel, que de convaincre le triptyque production-transformation-distribution de commencer par discuter, puis de travailler ensemble et de trouver des accords « gagnant-gagnant-gagnant ».

La question du loup ne me fait pas sourire davantage que vous, Madame. Elle m’occupe quotidiennement depuis mon arrivée au ministère… J’ai rencontré des éleveurs des Hautes-Alpes et de l’Aveyron, qui tous m’ont fait part de leur détresse face à leurs brebis égorgées. Et il n’y a pas que les brebis égorgées : c’est tout le troupeau qui se trouve bouleversé. Nous avons trouvé un accord avec M. Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire. Moi, je veux défendre les éleveurs et ma priorité est de tendre vers l’objectif « zéro attaque ». Nous donnons des moyens particuliers aux éleveurs pour se protéger : quarante loups pourront être abattus jusqu’en décembre. À la fin de l’année, nous proposerons un « plan loup » pluriannuel, adapté à chaque territoire. Nous voulons trouver des solutions durables pour répondre à la détresse des éleveurs, mais également pour maintenir le pastoralisme dans les secteurs de moyenne montagne.

Le coût très important de la politique menée autour du loup est supporté majoritairement par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Dans le cadre des actuelles discussions budgétaires, je ne vous cache pas que nous avons demandé un transfert d’une partie de son coût au ministère de la transition écologique et solidaire. Nous devons prendre en charge ce dossier ensemble et trouver ensemble des solutions, sans opposer les uns aux autres : la présence du loup est facteur de biodiversité dans certains massifs, mais nous devons aussi protéger les éleveurs, qui ne doivent plus vivre dans la crainte, chaque matin, de voir disparaître leur gagne-pain. Je me rendrai en Aveyron à la rentrée, et nous avons prévu avec M. Nicolas Hulot une série de déplacements dans les départements touchés. Nous sommes mobilisés sur cette question.

Les certificats d’économie de produits pharmaceutiques (CEPP) sont une taxe perçue sur les produits phytosanitaires, destinée à contribuer au financement de nouvelles techniques alternatives à ces produits. Il s’agit d’une expérimentation, et comme toute expérimentation, elle sera soumise à évaluation. Dès que nous en aurons les résultats, je reviendrai vers vous, je m’y engage.

Jusqu’à présent, sur la base des arbitrages rendus dans le passé, les paiements au titre de la PAC étaient échelonnés comme suit : priorité au premier pilier, puis à l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), puis aux mesures agro-environnementales. Les aides les plus importantes en termes de masse financière ont donc été payées, mais cela a également conduit à la situation que vous connaissez sur les MAEC et les aides à l’agriculture biologique. Nous voulons rompre avec cette logique et nous donner les moyens de traiter parallèlement l’ensemble de ces dossiers. Il ne s’agit plus de savoir s’il faut traiter en priorité les aides découplées à verser en 2017 ou les MAEC et les aides à l’agriculture bio dues au titre de 2015, le calendrier 2016 impose de traiter les deux en même temps.

Nous avons arrêté le calendrier suivant : début des paiements des MAEC et des aides à l’agriculture bio 2015 en novembre 2017 ; paiement des MAEC et des aides à l’agriculture bio 2016 au plus tard en mars 2018. La campagne de télédéclaration étant achevée depuis le 31 mai 2017, l’instruction des dossiers 2016 peut commencer. Le paiement des aides en question débutera en janvier 2018 et nous mettrons en place des apports de trésorerie remboursables (ATR) en octobre 2017, pour compenser le non-paiement des avances et acomptes habituellement versés en septembre et octobre. J’ai renforcé les moyens de l’Agence de services et de paiement (ASP) pour faire en sorte que ce calendrier soit tenu.

Mme Bénédicte Taurine. Vous avez parlé du loup mais, pour ma part, j’ai été alertée par des éleveurs sur la présence d’ours. La semaine dernière, pas moins de deux cents brebis sont mortes, et hier encore, trois cents ont été perdues on ne sait pas trop où. Les éleveurs se retrouvent dans une situation de grande détresse. Quelles mesures pourraient être mises en œuvre pour redonner confiance aux propriétaires de troupeaux, mais également aux bergers, confrontés en première ligne à cette problématique ?

Vous avez à peu près répondu sur les retards de versement des aides. Nous attendrons donc… Cela étant, je me souviens d’une des promesses de campagne du Président de la République : il avait évoqué une enveloppe de 200 millions d’euros pour rémunérer les agriculteurs pour « services environnementaux ». Quels seront les critères d’affectation de ces crédits ? Il ne faudrait pas que ces aides soient détournées de leur objectif premier comme cela a pu être le cas des droits à paiement de base (DPB) applicables aux estives, parfois attribués alors que les éleveurs ne sont plus dans l’estive. À partir de quand ce dispositif sera‑t-il mis en place ?

Mme Michèle Crouzet. Je suis députée de l’Yonne, département très orienté vers la grande culture, et par ailleurs originaire de la Nièvre, plus spécialisé dans l’élevage : je suis fille d’un éleveur de vaches allaitantes et un de mes frères est encore en activité. 490 000 exploitations agricoles sont réparties sur notre territoire, avec une baisse de plus de la moitié sur les vingt dernières années. Les moyennes et grandes exploitations représentent désormais les deux tiers des exploitations et concentrent 93 % de la surface agricole utile.

Dans un futur proche, un grand nombre d’agriculteurs vont cesser leur activité, soit pour partir en retraite, soit pour des raisons économiques. Du fait du coût d’achat forcément élevé, surtout pour les moyennes exploitations, leurs exploitations seront difficiles à céder à des jeunes qui veulent s’installer. De grands investisseurs ou de grands propriétaires risquent ainsi d’acheter ces terres et de produire selon des modèles économiques pas forcément conformes au modèle d’agriculture que nous souhaitons désormais. On peut craindre une intensification et une déformation des paysages – ce qui pourrait nuire au tourisme –, et une dégradation de la qualité de l’eau. Ainsi, dans la Nièvre, où l’on trouve encore beaucoup de haies et de petites exploitations, un agriculteur a acheté 2 000 hectares d’un seul tenant et traite ses cultures avec un hélicoptère… Cela change la donne, y compris en termes de paysage.

Dans ce contexte, les jeunes agriculteurs risquent de devenir salariés de ces grandes structures. Ils gagneront certes plus de 400 euros par mois, mais ce n’est pas forcément ce qu’ils souhaitaient. Comment aider davantage la transmission des exploitations, sachant que les prêts d’honneur de 50 000 euros octroyés aux jeunes qui s’installent, ne seront pas suffisants pour enrayer ce phénomène de concentration ? Comment également aider les agriculteurs qui souhaitent légèrement s’agrandir ?

M. André Villiers. Monsieur le ministre, vous aurez tout notre soutien pour construire une PAC forte et ambitieuse. Notre agriculture reçoit 9 milliards d’euros de l’Union européenne, alors que la France est contributrice nette au budget de l’Europe. Dans ce contexte, il est difficile d’expliquer à nos agriculteurs qui attendent depuis 2015 de recevoir le solde de leurs aides, comment on en est arrivé là, alors qu’il s’agit de l’argent du contribuable français… Je ne peux pas ne pas évoquer – je l’ai fait devant le ministre de l’économie et des finances la semaine dernière – le sommet de Fontainebleau de 1984 au cours duquel le Royaume-Uni a renégocié sa contribution nette.

Aux aléas climatiques et aux difficultés s’ajoute l’hyperadministration dont sont victimes les agriculteurs français, objets de contrôles en tout genre. On a peu parlé de ce fait divers dramatique survenu en Saône-et-Loire où un jeune éleveur de trente-sept ans est mort, abattu par la gendarmerie, à la suite d’un contrôle qui a mal tourné. Les agriculteurs sont en détresse et en colère : ils vivent ces contrôles la peur au ventre. Monsieur le ministre, j’aimerais participer à une mission d’évaluation de ces contrôles a posteriori. Ce qui m’amène à ma question : que savez-vous des dispositifs de contrôle en place dans les derniers pays qui ont intégré l’Union européenne ?

M. Max Mathiasin. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir mentionné l’agriculture des départements d’outre-mer (DOM) ans votre exposé liminaire. Comme vous le savez, dans les DOM, l’agriculture repose essentiellement sur la canne à sucre et la banane. Mais de gros efforts de diversification ont été entrepris au cours des dernières années, financés par le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité des régions ultrapériphériques (POSEI) dont le but est de développer la production de viande, de fruits et de légumes des DOM. Ces crédits sont des aides complémentaires à la production, un dispositif vertueux, dans lequel plus l’on produit, plus l’on est aidé. Au sein du POSEI, les crédits du conseil interministériel de l’outre-mer (CIOM) ont permis, depuis 2009, une augmentation remarquable de la production dite « de diversification ».

Les producteurs ont trois types d’inquiétude, dont ils vous ont fait part par courrier. Ils demandent en premier lieu le maintien de l’enveloppe annuelle de 40 millions d’euros votée chaque année depuis 2010 dans le projet de loi de finances initial ; en deuxième lieu, ils souhaitent que le ministère de l’agriculture ne recoure pas aux « stabilisateurs budgétaires » – autrement dit au gel des crédits – pour la campagne 2017-2018, à l’instar de ce qui s’est passé pour les deux campagnes précédentes ; en troisième lieu, ils plaident pour l’augmentation de 50 millions d’euros de ces crédits de diversification à l’horizon 2022, pour atteindre 90 millions d’euros par an.

Les inquiétudes de nos filières sont fondées, car ces secteurs représentent plusieurs dizaines de milliers d’emplois agricoles et permettent de réduire la dépendance de nos territoires aux importations. Ces crédits sont fondamentaux pour préserver les équilibres socio-économiques dans les DOM. Pourriez-vous nous indiquer la position du Gouvernement – ou la vôtre – sur ces sujets ?

M. le ministre. La position du ministre est généralement celle du Gouvernement… En tout cas, c’est mieux quand cela fonctionne ainsi !

M. Thierry Benoit. En général, c’est ce qui se passe au début ! Mais il peut y avoir des frondeurs, on a connu cela !

M. le ministre. Cela s’est vu parfois… Mais nous allons essayer de nous en tenir à cela !

Madame Bénédicte Taurine, le travail est en cours avec les services sur la rémunération pour services environnementaux, afin d’articuler les paiements avec les mesures poursuivant des objectifs similaires – notamment les MAEC –, d’identifier les sources de financement et de construire un dispositif eurocompatible. Mais vous avez bien fait de le rappeler, les agriculteurs sont aussi des aménageurs, qui entretiennent le paysage. Ces services environnementaux sont importants et doivent donner lieu à paiement.

La présence de l’ours pose effectivement un certain nombre de difficultés. Nous avons appris il y a quelques jours le décrochement d’un troupeau de 200 brebis en Ariège ; un phénomène similaire s’était produit dans les Hautes-Pyrénées il y a un an. Il s’agit là encore de concilier pastoralisme et présence de l’espèce, en en réduisant les impacts négatifs. En 2016, nous avons recensé 125 attaques d’ours sur des troupeaux d’ovins, mais également sur des ruches. Une stratégie est en cours de finalisation avec les acteurs concernés. Nous travaillons également sur le volet « ours » de la stratégie pyrénéenne de valorisation de la biodiversité, qui devra apporter des réponses à ces enjeux. Je vous invite à y participer, si ce n’est déjà le cas, et à nous faire part de vos suggestions.

Madame Michèle Crouzet, vous évoquez l’installation de gros investisseurs sur les terres agricoles. Vous avez raison, nous devons travailler sur les aides à l’investissement. Sous la précédente législature, M. Dominique Potier a défendu au sein de votre Assemblée une proposition de loi ambitieuse, devenue la loi du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle, dont l’objet est de protéger les terres au service de nos éleveurs et de nos agriculteurs. Je vous invite à en prendre connaissance.

La question est posée de l’évolution des structures de nos exploitations. Je suis pour ma part attaché à la pérennité des exploitations familiales. En France, nous avons la chance de disposer de modèles agricoles très divers, qui correspondent à des philosophies et des marchés différents. Le ministre de l’agriculture n’est pas là pour opposer les modèles les uns aux autres, mais pour les faire cohabiter, car ils sont complémentaires. Chacun de ces modèles doit pouvoir trouver ses débouchés et sa clientèle, afin de répondre aux besoins et aux envies des consommateurs. Nous avons probablement trop souffert au cours des dernières années de ces oppositions, de ces postures parfois, et des confrontations entre les modèles agricoles. Nous avons aujourd’hui besoin de sérénité. La France dispose d’outils d’encadrement et de gestion du foncier agricole parmi les plus contraignants : le statut du fermage avec le droit de préemption pour l’exploitant, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), qui ont priorité pour l’installation de jeunes agriculteurs et le renforcement des petites et moyennes exploitations.

Par ailleurs, à l’occasion de la dernière réforme de la PAC, la France a obtenu la prise en compte de la composition des groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC) pour l’allocation des aides. C’est une belle avancée. Les Français sont attachés au modèle familial du GAEC – une ferme, avec quelques associés, en polyculture ou spécialisée sur une production. Cela s’est accompagné de la mise en place du paiement redistributif aux 52 premiers hectares. La priorité est donc bien de soutenir ce modèle.

Effectivement, l’attractivité des métiers agricoles passe également par une aide à la reprise pour les jeunes. Il faut soutenir l’investissement. C’est le sens du plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE) géré avec les régions, dotées d’une compétence forte sur ces questions.

Mais il faut aller plus loin, les états généraux de l’alimentation vont nous y aider. Nous allons soutenir et labelliser des projets dans le cadre du plan de soutien aux investissements, afin d’accompagner les agriculteurs qui veulent investir, innover et renforcer l’attractivité de leur métier.

Monsieur Max Mathiasin, les soutiens publics doivent effectivement être adaptés à la diversité des situations des agriculteurs ultramarins, qui savent redoubler d’efforts pour améliorer leur compétitivité et accroître les taux de couverture des besoins d’approvisionnements des territoires. Le POSEI dispose de 278 millions d’euros de crédits européens du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), auxquels s’ajoutent 40 millions d’euros de fonds du conseil interministériel de l’outre-mer (CIOM) destinés aux filières animales et aux filières végétales de diversification et 128 millions d’euros pour la filière canne-sucre-rhum. Vous avez, je le pense, suivi les derniers débats sur la canne à sucre sur l’île de La Réunion. L’outre-mer dispose, par ailleurs, de programmes de développement rural (PDR) spécifiques.

Il convient, a minima, de maintenir le budget du FEAGA. Nous y travaillons. Avec les autorités de gestion des PDR, nous devons développer l’articulation des soutiens publics dans le cadre de la déclinaison des stratégies de filières. Le POSEI doit, quant à lui, être décliné par département d’outre-mer et être adapté à de nouveaux modèles d’exploitation ; le développement des conventions de filière va favoriser, j’en suis sûr, leur structuration. Dès 2018, les bénéficiaires du POSEI pourront effectuer leurs démarches en ligne. Ce sont des chantiers prioritaires pour l’outre-mer. De la même façon, les états généraux de l’alimentation sont ouverts aux outre-mer. Vous pourrez également vous exprimer, Monsieur le député, lors des assises de l’outre-mer, qui seront l’occasion d’aborder certains de ces chantiers.

Monsieur André Villiers, vous avez fait état de la contribution anglaise à la PAC. M. Michel Barnier, négociateur en chef de la Commission européenne chargée de la conduite des négociations avec le Royaume-Uni, est actuellement engagé dans des discussions avec les autorités britanniques, mais nous ne connaissons pas leurs demandes précises dans le cadre du Brexit. Lorsqu’elles seront connues, nous pourrons apporter un certain nombre de propositions. Tout le monde souhaite que le Royaume-Uni respecte les engagements financiers contractés en 2013 lors des négociations sur la PAC et les fonds européens. Je dois rencontrer M. Michel Barnier ; je sais que la ministre des affaires européennes dialogue également de manière constante et constructive avec lui. Certes, le Royaume-Uni a fait des déclarations, mais attendons de connaître ses demandes.

Après quelques semaines à la tête du ministère, je me rends compte des difficultés que posent la fiabilité, mais également l’acceptation des contrôles par les agriculteurs. À travers le prochain projet de loi sur le « droit à l’erreur », aboutissement d’un engagement du Président de la République, nous entendons réformer en profondeur la relation entre les personnes, les entreprises et l’administration, afin que l’État renforce son rôle d’accompagnateur, mais également de facilitateur au service des citoyens et des entreprises. Comme l’a déclaré le Président, le 2 mai dernier, « lorsqu’un contrôle constate, pour la première fois, une non-conformité, l’administration n’infligera pas de sanction mais aidera l’entreprise ou le citoyen à corriger. Cette mesure est particulièrement importante pour les petites entreprises ». Nul doute que cet engagement a retenu l’attention de nombreux agriculteurs : ce sont en effet de très petites entreprises, soumises à des réglementations nombreuses.

M. André Villiers. Et tatillonnes !

M. le ministre. J’ai mobilisé les services pour identifier toutes les réglementations nationales qui entrent dans ce champ. Nous souhaitons – je l’ai proposé au Président de la République, qui l’a accepté, puis au dernier conseil européen – impulser une initiative européenne sur ce « droit à l’erreur », afin d’harmoniser les règles en la matière dans les différents pays européens. En raison du poids de la réglementation européenne dans les secteurs dont j’ai la responsabilité, je souhaite réfléchir à un droit à la rectification, à une forme d’avertissement précoce – équivalente à la mise en demeure – ou de « carton jaune », qui permettrait d’infliger une sanction réduite en cas de faible irrégularité. Nous avons besoin d’étendre ces mécanismes. En portant cette initiative européenne de « droit à l’erreur », nous pourrions envoyer un signal fort pour rapprocher l’Europe de nos concitoyens – sur ces sujets, il y en a bien besoin.

M. Vincent Rolland. Monsieur le ministre, vous avez indiqué accorder la priorité à l’installation des jeunes agriculteurs. Mais, pour s’installer, encore faut-il trouver des terres. Et, pour cela, encore faut-il que des agriculteurs prennent leur retraite en étant assurés de vivre décemment. Cela soulève effectivement la question de la faiblesse des revenus des agriculteurs, que vous avez évoquée, mais également celle de la faiblesse des retraites agricoles. Même si vous partagez cette compétence avec le ministère des affaires sociales, quelles mesures comptez-vous prendre ?

Comme mes collègues, j’appelle votre attention sur les risques de désertification de la transhumance dans nos régions du fait de la présence du loup. Chaque semaine en Savoie, des troupeaux sont attaqués, des brebis sont égorgées ou se précipitent du haut des falaises, sans compter celles qui avortent. Et visiblement, les ovins et les caprins ne suffisent plus à ce prédateur : pourriez-vous nous indiquer si les dégâts causés aux bovins sont également indemnisés ?

M. Michel Delpon. Ma question porte également sur les retraites agricoles. Sous la précédente législature, les députés avaient voté leur revalorisation à 85 % du SMIC le 2 février dernier. Cette proposition de loi est en instance au Sénat ; la mesure est évaluée à 266 millions d’euros. Monsieur le ministre, les retraités qui touchent une petite pension attendent que cette loi soit votée au Sénat et promulguée. Le Gouvernement a-t-il la volonté d’aboutir et d’assurer son financement pour 2018 ?

M. Nicolas Turquois. Monsieur le ministre, c’est un agriculteur qui vous parle. L’agriculture, ce n’est pas le passé. Je tiens à attirer votre attention, ainsi que celle de mes collègues, sur le caractère très particulier de l’acteur économique qu’est l’agriculteur. L’agriculture se caractérise d’abord par de très lourds capitaux investis par unité de main‑d’œuvre : le ratio est proche de celui de l’industrie lourde. C’est ensuite une économie très asymétrique : des centaines de milliers d’agriculteurs face à des centrales d’achat qui se comptent sur les doigts d’une main. C’est enfin une activité acyclique : il faut un an pour produire du blé, quatre ou cinq ans pour mettre en place des vergers, des années pour constituer des troupeaux, alors que le marché réagit au jour le jour – l’exemple récent des producteurs de fruits concurrencés par des productions étrangères qui arrivent toutes en même temps à cause de la chaleur est là pour l’illustrer.

Cela étant dit, il existe encore quelques domaines où la France excelle : nous sommes le premier producteur mondial de semences agricoles – de céréales ou de légumes – et de plants de pommes de terre, de rosiers, etc. La filière réalise un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros, et un excédent commercial de 800 millions à 1 milliard d’euros, ce qui n’est pas négligeable dans la période actuelle. Cette activité conjugue enfin la performance économique et le souci de l’environnement, en privilégiant la diversité et en sélectionnant des variétés plus résistantes aux maladies et donc moins gourmandes en pesticides. Quels sont vos projets pour ce secteur ?

M. Thierry Benoit. Pourriez-vous très rapidement nous faire parvenir le calendrier de versements fixé à l’ASP ? Il y a quelques mois, vous faisiez partie d’une majorité dont le ministre de l’agriculture nous avait alors annoncé des dates concernant ces versements. Je ne lui en veux pas de ne pas avoir tenu ce calendrier, pas plus que je n’en veux à mon directeur départemental des territoires et de la mer (DDTM) de ne pas être en mesure de nous donner de nouvelles dates. Mais, à un moment donné, on ballotte les agriculteurs depuis si longtemps qu’il nous faut ce calendrier pour pouvoir le leur présenter !

Vous ne voulez rien vous interdire s’agissant des négociations commerciales. M. Daniel Fasquelle a évoqué la loi dite « LME » et je souhaite aussi mentionner la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 » ; en travaillant avec le ministre Stéphane Le Foll, nous avions réussi à faire référence au coût de production et au prix du marché dans les négociations commerciales. Dans les relations tripartites que vous avez évoquées à plusieurs reprises, je pense qu’il va falloir agir. Nous avons une spécificité en France, puisque les quatre centrales d’achat se sont regroupées pour former un cartel ou une oligarchie. Nous travaillons dans l’hémicycle à la moralisation de la vie publique ; je vous interpelle, Monsieur le ministre, afin que vous travailliez à une moralisation des relations commerciales entre les centrales, les industriels et les producteurs, le rapport étant aujourd’hui déséquilibré.

Vous avez raison, les filières peinent à s’organiser et à se structurer. Mais quelles sont vos propositions pour que les organisations de producteurs et leurs associations trouvent une vraie légitimité à négocier, pour les aider à devenir parties prenantes des négociations et donner ainsi de la souveraineté aux agriculteurs ?

Enfin, que comptez-vous faire pour améliorer le rôle de l’Autorité de la concurrence mais aussi celui de l’Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires ?

M. le ministre. Monsieur Michel Delpon, une proposition de loi effectivement adoptée en première lecture au début de l’année, dans le cadre d’une « niche » parlementaire, pose le principe d’une retraite des agriculteurs à 85 % du SMIC à partir de 2018. Cette disposition sera examinée dans le cadre général de la réforme sur les retraites.

Le Gouvernement souhaite que des droits nouveaux à la retraite soient ouverts et que la réforme aboutisse à plus de justice sociale. Ainsi, un euro cotisé ouvrira les mêmes droits à la retraite pour chacun. Cette réforme, qui doit inclure pleinement le milieu agricole, s’accompagnera d’une revalorisation des plus petites retraites.

La revalorisation des retraites agricoles intervenues en 2014 visait à garantir l’avenir et la justice du système des retraites avec deux mesures phares : le montant minimal de retraite global égal à 75 % du SMIC net pour les chefs d’exploitation qui ont effectué une carrière complète avec une montée en charge progressive, et l’attribution de points gratuits de retraite complémentaire obligatoire pour les collaborateurs et les aides familiaux. Au total, 660 000 personnes étaient concernées pour 280 millions d’euros d’avantages annuels supplémentaires en 2017. Aujourd’hui, la situation financière du régime de retraite complémentaire obligatoire est fragilisée et nous devons opérer un rééquilibrage qui sera partagé entre la solidarité nationale et l’ensemble des agriculteurs. Ces questions seront abordées dans le cadre de la réforme du système des retraites, mais je ne peux pas vous donner un calendrier particulier pour l’instant.

Je le répète, nous attachons beaucoup d’importance au problème du loup, le plafond fixant le nombre maximal de ces prédateurs pouvant être tués jusqu’au mois de décembre s’élevant à quarante, avec un sous-plafond de trente-deux loups pour les tirs de défense et de protection. À partir de l’automne, des discussions seront menées avec le groupe d’études « loups » de l’Assemblée nationale et l’ensemble des acteurs concernés afin de définir un plan de gestion pluriannuel. Il en est de même pour les ovins, les caprins et l’ensemble des animaux qui sont victimes de prédations. Bien évidemment, nous réfléchirons à la manière dont pourront être indemnisés les éleveurs.

Je vais vous faire parvenir le calendrier PAC qui a été arrêté. Loin de moi l’idée de rejeter la faute sur mon prédécesseur : nous nous sommes retrouvés dans un système très complexe, qui ne fonctionnait pas bien, et je sais à quel point il a été difficile pour M. Stéphane Le Foll de devoir redonner à chaque fois des délais supplémentaires. Aujourd’hui, l’objectif est de respecter le calendrier qui a fait l’objet d’un communiqué de presse le 21 juin dernier et que nous avons rappelé à deux reprises dans le cadre des questions au Gouvernement. Cela dit, je le répète, je peux faire parvenir un courrier à l’ensemble des membres de cette commission leur indiquant l’échéancier précis que nous avons mis en place.

J’avais moi-même voté la loi dite « Sapin 2 », promulguée en décembre 2016. Nous avons maintenant besoin de l’évaluer et d’en mesurer les effets sur les relations commerciales, mais je ne m’interdis pas de soutenir des mesures qui permettront de trouver des solutions concrètes. Lorsque j’ai rencontré l’ensemble des distributeurs, des transformateurs et des organisations de producteurs pour préparer les états généraux de l’alimentation, j’ai eu le sentiment que tout le monde souhaitait participer positivement à la mise au point de solutions concrètes. Mais tout cela se dit dans mon bureau, la porte fermée. Aujourd’hui, nous avons besoin que les choses puissent se dire ouvertement en présence des uns et des autres pour que nous puissions trouver ensemble les moyens d’agir. Ce matin, le président-directeur général de l’enseigne Lidl m’a expliqué comment il travaillait sur la valorisation des produits. J’ai bien entendu la volonté des autres distributeurs – je pense à Intermarché, Auchan, Leclerc, Système U, etc. – de trouver des solutions. Les acteurs de la transformation sont également ouverts à la discussion. Je veux profiter de cet alignement de planètes, si je puis dire, pour travailler avec eux afin d’accompagner nos agriculteurs.

Je souhaite également réfléchir à la manière dont nous pouvons bien structurer les organisations de producteurs, leur donner plus de poids et restructurer les filières. Lorsque des filières sont confrontées à des problèmes, il est difficile de leur demander de se rénover, de se réorganiser. Mais lorsqu’elles vont bien, c’est peut-être le bon moment pour penser à leur restructuration, à la manière dont elles doivent percevoir les marchés. Je ne suis pas sûr que produire pour produire doive rester le modèle. Peut-être faut-il s’interroger sur la manière dont les filières doivent fonctionner. Certes, l’exercice prendra du temps, mais c’est parce que nous aurons su réorganiser certaines filières qui rencontrent des difficultés aujourd’hui en travaillant avec les interprofessions que nous réussirons à recréer de la valeur.

M. Fabien Di Filippo. Les discours plein d’empathie ne suffisent malheureusement plus. Je me souviens d’avoir lu, pendant la campagne présidentielle, un tract de l’actuelle majorité proposant de rémunérer les agriculteurs pour leur activité d’entretien des paysages. J’espère que vous ne sous-estimez pas l’inquiétude que cela a pu provoquer chez nos amis agriculteurs qui attendent beaucoup plus de la part du nouveau Gouvernement, et en premier lieu des engagements concrets et des choix.

Je ne reviendrai pas sur la question de la répartition de la valeur que vous souhaitez, comme nous, plus équitable, mes collègues ayant fort bien expliqué le problème de la formation des prix dans la filière agricole. J’espère que vous êtes prêt, en tout cas, à un nouvel encadrement législatif des négociations commerciales pour garantir l’équité et la prise en compte des coûts de production.

Deux points posent problème. Le premier concerne la transmission des exploitations, les taxes constituant une véritable épée de Damoclès sur la tête des jeunes exploitants qui ont le courage et la passion pour se lancer dans cette belle activité. Êtes-vous prêt à faire un effort en la matière ? Le second concerne la surtransposition par la France des normes européennes qui étouffent l’agriculture et l’empêchent d’être davantage compétitive. Êtes-vous prêt à revenir sur certaines normes, et si oui sur lesquelles, et à interdire toute surtransposition où des normes françaises viennent s’ajouter aux normes européennes ?

Mme Graziella Melchior. Étant élue du Finistère, quatrième département laitier, je souhaitais moi aussi vous parler du lait ; mais vous avez déjà fait le tour de la question.

Certains agriculteurs sont en difficulté, parfois parce qu’ils sont mal équipés, qu’ils se sont trop endettés, qu’ils ne maîtrisent pas bien leurs charges ou n’ont pas une taille critique suffisante. Quels moyens pouvez-vous mettre en place pour les aider à sortir d’un système qui entraîne parfois des drames ? Envisagez-vous pour ces exploitants un traitement social du type assurance chômage universelle associé à des aides au désendettement ?

M. Gabriel Serville. Monsieur le ministre, nous partageons tous l’ambition que vous affichez de relancer la création de valeur par notre agriculture et d’en assurer une équitable répartition en permettant aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail par le paiement de justes prix.

À ce titre, je me permets d’appeler votre attention sur deux propositions de loi défendues par le groupe Gauche démocrate et républicaine, qu’il serait pertinent d’inscrire à l’ordre du jour des travaux du Parlement. La première vise justement à garantir le revenu des agriculteurs et la seconde, adoptée à l’unanimité par notre Assemblée au début de l’année, revalorise les retraites de nos agriculteurs.

S’agissant des états généraux de l’alimentation, je veux vous faire part de l’émotion des syndicats agricoles de Guyane qui regrettent de ne pas y avoir été associés alors que ce territoire est la seule région de France qui voit augmenter sa surface agricole utile. Pourtant, les préoccupations sont pléthoriques avec en tête de file la question de l’introduction illégale de produits agricoles, qui crée une concurrence déloyale à la production locale.

Quid de la possibilité pour les acteurs locaux d’établir un partenariat avec l’entreprise brésilienne de recherche AgricoleEmbrapa ? Quid de l’autorisation de mise sur le marché local de produits phytosanitaires pourtant fortement prohibés par les directives nationales et européennes ? En clair, et au-delà des accompagnements financiers, comment casser les verrous administratifs et les postures afin de permettre le progrès du modèle agricole guyanais ?

Mme Emmanuelle Ménard. Députée de la sixième circonscription de l’Hérault, j’aborderai un sujet qui ne l’a pas encore été aujourd’hui : la viticulture. Dans mon Midi, nos viticulteurs ne sont pas inquiets mais à bout. Ils ne sont pas contre l’Europe, mais ils voudraient une vraie Europe. Imaginez leur colère : alors qu’ils sont en concurrence directe avec nos voisins espagnols, ils ont des coûts de revient sans commune mesure. La main‑d’œuvre est plus chère, les charges salariales et patronales sont plus élevées et ils se voient interdits d’utiliser certains produits phytosanitaires autorisés de l’autre côté des Pyrénées. Si ce n’est pas de la concurrence déloyale, dites-moi comment l’appeler... ?

Mais ce n’est pas tout. Si vous avez la curiosité d’aller faire vos courses dans un supermarché, qu’allez-vous découvrir ? Que dans le même rayon, jamais le consommateur ne pourra faire la différence entre un bag in box (BIB) de vin français et un BIB de vin espagnol, à moins qu’il ne retourne le BIB en question et cherche à la loupe le made in Spain qui sera inscrit en tout petits caractères. Et vous voulez que nos vignerons ne soient pas en colère ! Et vous voulez aussi leur envoyer la police lorsqu’ils font des opérations coups de poing !

L’Europe devrait d’abord servir à cela : que chacun soit traité à égalité, qu’on ne prenne pas le consommateur pour un imbécile et qu’on paie à temps les aides européennes. J’ai entendu votre réponse dans l’hémicycle et à nouveau ici tout à l’heure à propos du paiement des aides, mais dans l’Hérault les aides de 2015 n’ont toujours pas été versées.

Aujourd’hui, chez moi, les caves sont parfois pleines de la récolte passée, une récolte qui n’a toujours pas été vendue. Et quand, l’année dernière, le vin de mon Languedoc était acheté à 85 ou 90 euros l’hectolitre, le vin espagnol était proposé à 65 ou 70 euros, parfois même à 45 euros, c’est-à-dire à moitié prix ! Et je ne vous parle pas de la question de l’irrigation dans mon département : seuls 20 000 hectares, toutes cultures confondues, sont irrigués sur 120 000 hectares cultivables. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire concrètement ?

M. le ministre. Je souhaite poursuivre et accentuer les travaux engagés s’agissant de la surtransposition dans notre pays des normes européennes et de la simplification. Dans cet esprit, et en accord avec l’ensemble des professionnels, je veux renforcer le rôle du comité de rénovation des normes en agriculture (CORENA) qui travaille sur les nouvelles normes et dont les réflexions sont abouties. Nous souhaitons qu’il puisse également s’attaquer au stock des réglementations existantes.

En la matière, il s’agit d’appliquer toute la loi et rien que la loi. Dès lors qu’une directive européenne peut très bien s’adapter à notre pays, il n’y a pas lieu d’y rajouter une surtransposition qui viendrait brimer ou fragiliser l’économie de nos exploitations. Nous souhaitons mener un travail avec l’ensemble des acteurs et, pour ma part, je travaille avec mon collègue ministre de la transition écologique et solidaire.

La loi permet des dérogations jusqu’en 2020 en ce qui concerne l’utilisation de certains produits phytosanitaires, pour répondre à des impasses techniques. Nous verrons ensuite comment parvenir à des accords au niveau européen. Là aussi, je fais confiance à la recherche, à l’innovation pour trouver des produits plus vertueux, qui ne mettent pas en danger la santé de nos concitoyens ni de ceux qui les utilisent. Toutes les garanties sont prises lorsqu’il y a des impasses techniques et des autorisations de mise sur le marché sont délivrées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et la direction générale de l’alimentation (DGAL). Nous tenons à continuer à respecter la loi.

Madame Graziella Melchior, je souhaite effectivement mettre en œuvre un volet social pour traiter un certain nombre de problèmes. Lors de mon audition devant la commission des affaires économiques du Sénat, j’ai indiqué que je souhaitais réfléchir à la mise en place d’une sorte de tutorat, de tuilage entre un exploitant qui doit réaliser de gros travaux de mise aux normes alors qu’il est à quatre ou cinq ans de la retraite et un jeune qui veut reprendre l’exploitation. L’agriculteur pourrait devenir salarié et continuer à travailler jusqu’à son départ à la retraite. Cela lui permettrait de réaliser les mises aux normes indispensables, de revaloriser son exploitation et ainsi de la transmettre plus facilement – on sait bien qu’une exploitation qui n’est pas aux normes est beaucoup plus difficile à céder. Et qui plus est, cela contribuerait à résoudre certaines difficultés sociales.

Monsieur Nicolas Turquois, la France est en effet le premier pays producteur et exportateur de semences. Cette filière d’excellence, qui doit relever des défis, n’est pas en danger particulier. Nous devons améliorer la compétitivité de notre agriculture, l’aider à faire face au changement climatique – la sécheresse touche de nombreux départements – et à réduire l’utilisation des intrants. Je fais confiance à la filière des semences pour relever ces défis et trouver de nouveaux produits qui pourront être utilisés demain.

Pour ce qui est des marges et des prix, nous travaillons au rôle des interprofessions et des organisations de producteurs, dans le cadre des premiers chantiers et des états généraux de l’alimentation. Des propositions concrètes seront formulées. Nous sommes en train de nommer un nouveau responsable de l’Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires et nous réfléchissons à la feuille de route qui lui sera donnée.

Monsieur Gabriel Serville, vous m’interrogez sur l’autorisation des produits phytosanitaires en Guyane. Nous avons un risque identique à gérer pour l’ensemble de nos concitoyens. Si besoin, nous pourrons faire une étude au cas par cas des usages et une analyse des méthodes alternatives qui auront été utilisées dans ce cadre. Je vous invite à nous envoyer une note sur la situation en Guyane. Je m’étonne que les organisations syndicales n’aient pas été conviées aux états généraux de l’alimentation ; nous ferons le nécessaire pour qu’elles puissent participer à la discussion que nous allons mettre en place dès la dernière semaine du mois d’août dans les ateliers du premier chantier sur la répartition et la création de la valeur, car elles y ont toute leur place.

Madame Emmanuelle Ménard, nous avons ouvert hier le premier comité mixte franco-espagnol du secteur vitivinicole. Alors que nous nous attendions à des discussions difficiles, ce premier comité s’est très bien passé pour deux raisons. D’abord parce que j’entretiens d’excellentes relations avec mon homologue espagnole, Mme Isabel Garcia Tejerina. Ensuite parce que les uns et les autres ont su se parler, faire les pas nécessaires pour que ce premier comité débouche sur d’autres rencontres, qui nous permettront de trouver ensemble des solutions. Il était nécessaire de mieux se connaître et de définir des positions communes dans les négociations européennes. Nous travaillons aujourd’hui avec l’ensemble des professionnels, notamment du Languedoc-Roussillon, pour renforcer les stratégies de positionnement sur le marché international et européen des vins sous appellation géographique et sans appellation géographique. Je considère, et cela vaut aussi pour beaucoup d’autres domaines, que c’est grâce à des espaces de dialogue et de concertation que nous parviendrons à faire en sorte que les vins français et les vins espagnols cohabitent sereinement dans notre pays. Ce sera beaucoup plus positif et fructueux que d’attaquer des camions espagnols lorsqu’ils franchissent la frontière.

Il existe aussi un comité mixte sur les fruits et légumes, qui donne des résultats. Cette année, en raison de la chaleur en France, les fruits espagnols et les fruits français se sont retrouvés au même moment sur les étals des magasins. Le comité a permis de trouver des accords avec les grandes et moyennes surfaces (GMS) pour favoriser les fruits français et nous avons débloqué une enveloppe de 280 000 euros pour assurer la promotion des fruits, notamment des pêches et des abricots français qui sont confrontés à la concurrence des fruits espagnols. La relation bilatérale qui existe entre nos deux pays nous permettra certainement de trouver les débouchés nécessaires pour répondre aux difficultés auxquelles vous faisiez allusion.

Pour ce qui est de l’endettement, il existe des dispositifs qui permettent aux agriculteurs de restructurer leur dette et d’alléger leurs annuités bancaires, notamment pour les secteurs en difficulté comme le lait. Les viticulteurs touchés par le gel peuvent également bénéficier de ces aides. Nous sommes en train de mesurer l’impact de la sécheresse sur certains territoires. Nous vous donnerons le résultat de ce travail dans les prochaines semaines.

Mesdames, Messieurs les députés, j’espère avoir été complet dans mes réponses. Bien évidemment, je demeure à la disposition de la Représentation nationale pour étudier les difficultés, les projets ou les belles réalisations que vous pouvez avoir sur l’ensemble de vos territoires. (Applaudissements.)

M. le président Roland Lescure. Monsieur le ministre, je vous remercie. Ce n’est que le début d’une conversation, l’agriculture étant un sujet important pour notre commission des affaires économiques et pour la France. Nous vous auditionnerons à la rentrée pour aborder les questions relatives à la pêche.

M. Rémi Delatte. Monsieur le président, l’audition d’un ministre présente toujours un intérêt, comme nous l’ont montré aujourd’hui l’affluence et le nombre de questions. Mais comme toutes les questions n’ont pas pu être posées, il serait opportun d’envisager une nouvelle audition du ministre dans les jours qui viennent.

M. le président Roland Lescure. Nous allons voir si nous pouvons organiser une nouvelle audition, mais je vous rappelle que la session extraordinaire est bientôt terminée.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Peut-être faudrait-il éviter que plusieurs députés posent la même question. Je comprends que certains aient besoin de montrer à leurs électeurs ce qu’ils font, mais si la question qu’ils voulaient poser l’a déjà été, il serait bon qu’ils interrogent le ministre sur un autre thème.

M. le président Roland Lescure. Votre remarque a été prise en compte avec grand intérêt.

*

 

Informations relatives à la commission

La commission a créé une mission d’information sur la couverture numérique du territoire dont Mme Laure de la Raudière et M. Éric Bothorel sont nommés co-rapporteurs.

La commission a nommé M. Didier Martin, rapporteur pour avis sur la première partie du projet de loi de finances pour 2018.


La commission a nommé les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2018 (seconde partie) :

 

PLF 2018  Missions

Rapporteur

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

 

Agriculture et alimentation

M. Jean-Baptiste Moreau

Écologie, développement et mobilité durables

 

Énergie

M. Philippe Bolo

Économie

 

Industrie

M. Sébastien Jumel

Entreprises

M. Vincent Rolland

Commerce extérieur

M. Paul Christophe

Communications électroniques et économie numérique

Mme Christine Hennion

Économie sociale et solidaire

M. Yves Blein

Investissements d’avenir

Mme Marie Lebec

Action extérieure de l’État

 

Tourisme

M. Éric Pauget

Outre-mer

M. Serge Letchimy

Recherche et enseignement supérieur

 

Grands organismes de recherche

M. Richard Lioger

Cohésion des territoires

 

Logement

Mme Stéphanie Do

Ville

Mme Annaïg Le Meur

 

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Membres présents ou excusés

 

Commission des affaires économiques

 

Réunion du mercredi 26 juillet 2017 à 16 h 30

 

Présents. - M. Damien Adam, M. Patrice Anato, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Philippe Bolo, M. Jacques Cattin, M. Sébastien Cazenove, M. Anthony Cellier, M. Paul Christophe, Mme Michèle Crouzet, M. Rémi Delatte, M. Michel Delpon, M. Nicolas Démoulin, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Stéphanie Do, Mme Christelle Dubos, Mme Sophie Errante, M. José Evrard, M. Daniel Fasquelle, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Antoine Herth, M. Philippe Huppé, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, M. Sébastien Leclerc, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, Mme Monique Limon, M. Richard Lioger, M. Didier Martin, M. Max Mathiasin, Mme Graziella Melchior, Mme Emmanuelle Ménard, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, M. Jérôme Nury, Mme Valérie Oppelt, M. Éric Pauget, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Benoit Potterie, M. Vincent Rolland, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Denis Sommer, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Bénédicte Taurine, Mme Huguette Tiegna, M. Nicolas Turquois, M. André Villiers

 

Excusés. - M. Alain Bruneel, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Véronique Hammerer

 

Assistaient également à la réunion. - M. Christophe Bouillon, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Éric Girardin, Mme Perrine Goulet, Mme Danièle Hérin, M. Daniel Labaronne, M. Guillaume Larrivé, M. Didier Le Gac, Mme Nicole Le Peih, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Stéphanie Rist, M. Gabriel Serville, M. Jean Terlier