Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Audition de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, sur le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 4)              2

– Informations relatives à la Commission.....................36

– Présences en réunion.................................37

 

 

 

 

 


Mardi
4 juillet 2017

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 2

session extraordinaire de 2016-2017

Présidence de
Mme Brigitte Bourguignon,
Présidente


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 4 juillet 2017

La séance est ouverte à vingt-et-une heures.

(Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente)

La commission des affaires sociales procède à l’audition de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, sur le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 4)

Mme la présidente. Chers collègues, je vous remercie de votre présence en nombre à cette réunion qui marque l’ouverture de nos travaux. Avant de passer au point principal de notre ordre du jour, il nous faut procéder à la nomination de rapporteurs sur quatre projets de loi.

Sur le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 4), j’ai reçu la candidature de M. Laurent Pietraszewski.

Je constate qu’il n’y a pas d’opposition. Il en est ainsi décidé.

Sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-31 du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (n° 6), j’ai reçu la candidature de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.

Je constate qu’il n’y a pas d’opposition. Il en est ainsi décidé.

Sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé (n° 7), j’ai reçu la candidature de Mme Élisabeth Toutut-Picard.

Je constate qu’il n’y a pas d'opposition. Il en est ainsi décidé.

Sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé (n° 8), j’ai reçu la candidature de M. Thomas Mesnier.

Je constate qu’il n’y a pas n’y a pas d'opposition. Il en est ainsi décidé.

M. Boris Vallaud. Le groupe Nouvelle Gauche demande la nomination d’un rapporteur d’application issu de l’opposition, qui pourra présenter, au titre de l’article 86, alinéa 7, du Règlement, une contribution écrite annexée au rapport de la commission. Je me porte candidat à cette fonction.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je n’y vois aucune objection, mais je propose que nous procédions à cette nomination demain matin, pour laisser à d’autres candidats éventuels le temps de se déclarer.

M. Boris Vallaud. Chacun, ayant été avisé de la tenue de notre réunion, pouvait y siéger et présenter sa candidature. Je suis donc d’avis que la commission se prononce sans attendre.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je constate qu’il n’y a pas d’autres candidatures émanant de groupes d’opposition ou minoritaires, et que la candidature de M. Boris Vallaud ne rencontre pas d’opposition. M. Vallaud est donc nommé rapporteur d’application.

Je vous informe que les auditions des rapporteurs venant d’être nommés sur les trois projets de loi autorisant la ratification d’ordonnances en matière de santé débuteront demain. Elles auront lieu entre nos réunions du matin et de l’après-midi et seront ouvertes à tous les commissaires qui souhaitent y participer.

Nous en venons au point principal de notre ordre du jour : l’audition de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, sur le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social et la discussion générale de celui-ci.

Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vous être rendue disponible pour cette audition et pour l’examen des articles du projet de loi que nous engagerons demain. Ce dialogue se poursuivra en séance, pendant la navette, et tout l’été. Notre rapporteur suivra avec attention l’avancée des discussions avec les partenaires sociaux. Notre commission aura également, le moment venu, à statuer sur les ordonnances issues de ce dialogue. J’insiste sur ce point : le code du travail ne sera pas déjà réécrit à l’issue de l’examen du présent projet de loi – nous ne sommes qu’au début du processus.

Après votre intervention, madame la ministre, je donnerai la parole à notre rapporteur, puis aux orateurs intervenant au nom des groupes politiques, pour cinq minutes chacun. Ce ne sera pas l’organisation type de nos travaux pendant la suite de la législature, mais le bureau de la commission a unanimement considéré que l’importance du texte justifiait une procédure particulière. Après la réponse de Mme la ministre à ces premières interventions, les autres commissaires qui le souhaitent pourront intervenir pendant deux minutes chacun ; Mme Pénicaud répondra après chaque salve de trois ou quatre questions.

M. Sébastien Chenu. Nous avons reçu vendredi seulement le projet de loi d’habilitation qu’est venue nous présenter Mme la ministre, et la date limite de dépôt des amendements a été fixée hier, lundi, à 17 heures. Le délai qui nous a été consenti pour prendre connaissance de ce texte est donc particulièrement bref, alors même qu’à peine élus, certains d’entre nous ne disposent encore ni de bureaux, ni de matériel informatique, ni de collaborateurs. À cela s’ajoute que répondre à la convocation du Parlement en Congrès nous a aussi pris du temps. Qu’elle traduise de la désinvolture à l’égard de la représentation nationale ou qu’elle vise à empêcher les parlementaires de travailler en commission, une telle manière de faire augure mal de la manière dont nous serons appelés à travailler ensemble. Outre cela, cette méthode, qui fait écho au choix de la majorité de légiférer par ordonnances en matière de dialogue social, nous inquiète. Elle rompt avec le discours du président de la République expliquant hier au Congrès qu’il fallait du temps pour penser la loi. De ce temps, d’évidence, nous ne disposons pas.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous prie de conclure.

M. Sébastien Chenu. J’y viens, après avoir rappelé que l’Assemblée nationale avait été soucieuse de garantir l’efficacité du dialogue social. Or, si la commission a décidé de recevoir les partenaires sociaux, chaque représentation syndicale disposera demain, en tout et pour tout, d’un temps de parole de dix-huit minutes. Je le redis, la méthode de travail retenue me paraît assez désobligeante à l’égard de la représentation nationale.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je rappelle que j’ai repoussé de 48 heures la limite de dépôt des amendements, reportée à lundi. L’attribution des bureaux ne relève pas de ma compétence, mais je sais qu’en l’attente de l’affectation des locaux, des postes de travail ont été mis à la disposition de tous les députés qui le souhaitaient dans des salles aménagées à cet effet. Nous veillerons, à l’avenir, à ce que les rapporteurs soient nommés le plus tôt possible mais, pour l’heure, nous devons agir dans un temps contraint, c’est ainsi.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la présidente, je vous remercie de votre accueil. Monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour votre élection, au terme d’une campagne intense caractérisée par une grande écoute de nos concitoyens, que vous avez su convaincre. Je suis heureuse et honorée d’être présente aujourd’hui devant votre commission pour vous présenter la méthode, inédite, d’élaboration de ce projet de loi d’habilitation, et surtout le cadre qu’il propose pour contribuer à la rénovation de notre modèle social.

Le Premier ministre a exposé aujourd’hui la raison du recours aux ordonnances qui, prévu par la Constitution, n’est pas aussi rare qu’on le laisse entendre. De grands textes ont été publiés par cette voie : ainsi, le gouvernement de Pierre Mauroy en a usé en 1982 pour instituer la semaine de 39 heures, la cinquième semaine de congés payés et la retraite à l’âge de 60 ans.

L’urgence de ce texte est dictée par la situation économique et sociale de notre pays. Le principe d’un premier train de réformes par le biais d’ordonnances ayant été posé par le candidat Emmanuel Macron, devenu président de la République, on ne saurait dire d’une méthode annoncée d’emblée qu’elle est une surprise. Le grand mouvement qui s’est produit lors des élections a traduit les très fortes attentes de nos concitoyens : ils ne veulent plus du statu quo mais demandent l’amélioration et le renforcement du dialogue social au bénéfice du progrès social, de la justice sociale et de la performance économique.

Votre présidente l’a rappelé, un débat parlementaire aura lieu sur la loi d’habilitation et, sur le fondement de ce mandat, le Gouvernement élaborera des ordonnances. Elles seront publiées fin septembre, avant qu’un projet de loi de ratification vous soit soumis. Le mandat est donc précisément encadré, en amont et en aval.

La méthode choisie consiste à mêler, le plus possible, démocratie sociale et démocratie politique. Nous sommes engagés dans une concertation intense avec les huit organisations représentatives des syndicats et des employeurs. Elle a commencé le 9 juin, et 48 réunions bilatérales se tiendront jusqu’au 21 juillet. Au terme de ces discussions avec eux et avec vous, le Gouvernement rédigera les projets d’ordonnances à la fin du mois d’août ; elles seront, comme elles doivent l’être, soumises aux six organisations consultatives avant d’être publiées d’ici la fin du mois de septembre. Je vois pour avantage à ce que la consultation ne soit pas terminée que les partenaires sociaux, le Gouvernement et votre commission réfléchissant de conserve, le mandat contenu dans la loi d’habilitation sera précisé de semaine en semaine jusqu’à la publication des ordonnances.

J’ai conscience que, même si le délai réglementaire de 72 heures ouvrées pour le dépôt des amendements a été respecté, l’examen du texte a lieu dans un temps court ; mais la rapidité n’empêche ni la qualité ni l’intensité des débats.

J’en reviens à l’exercice de la démocratie sociale. Les partenaires sociaux ont été reçus d’abord par le président de la République, puis par le Premier ministre et moi-même. Huit réunions bilatérales ont ensuite eu lieu au ministère. Et, comme je vous l’ai dit, mes équipes, depuis le 9 juin, ont rencontré et rencontreront chaque organisation syndicale et patronale lors de multiples réunions. À la fin de l’examen de chacun des thèmes qui se traduisent par un article du projet de loi d’habilitation, nous publions un récapitulatif. Cela a eu lieu la semaine dernière à propos du premier volet du texte, à propos duquel je pourrai donc vous en dire davantage que ce qui figure dans le projet de loi.

Pourquoi devons-nous rénover notre modèle social ? La France a une forte histoire sociale. Il ne s’agit pas de copier quelque autre modèle en faisant fi de cette histoire ; ce serait absurde et il n’en est pas question. Nos valeurs d’égalité, de justice et de liberté demeureront et continueront d’irriguer notre modèle social. Mais le monde change, et si le socle des droits fondamentaux doit rester stable, la manière par laquelle il se traduit doit évoluer. Nous ne pouvons nous limiter à répondre aux questions qui se posaient hier ; nous devons apporter une solution à celles qui se présentent aujourd’hui et anticiper celles de demain.

La première des raisons qui nous oblige à adapter, au-delà du code du travail, l’ensemble de notre modèle social, est l’internationalisation de l’économie. La mondialisation des chaînes de valeur a pour double effet la création et la destruction d’emplois. La destruction d’emplois, phénomène avéré dans certains secteurs et certains territoires, pose le problème de la protection des salariés et de la redynamisation de certaines régions, mais j’insiste sur le fait qu’en France, un emploi sur trois dans le secteur privé est lié à l’international. C’est grâce aux exportations que nos petites et moyennes entreprises, comme nos grands groupes, peuvent créer de nouveaux emplois car ils conquièrent de nouveaux marchés. Les investissements étrangers dans notre pays se traduisent par deux millions d’emplois salariés directs, et le tourisme est le vecteur d’un million d’emplois environ. La dynamique internationale est donc à la fois un atout si on sait l’utiliser et un risque réel pour certains secteurs et certaines entreprises.

Le deuxième défi qu’il nous faut affronter, celui qui aura probablement le plus d’impact au cours des années à venir, est la transformation numérique. Ce à quoi nous avons déjà assisté est sans commune mesure avec l’ampleur et l’accélération des changements à venir. Une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), que corroborent de nombreux autres travaux, montre que, d’ici une décennie, 10 % des emplois sont susceptibles d'être détruits par le développement de la robotisation, de la numérisation et de l’intelligence artificielle. Parallèlement, entre 15 % et 20 % d’emplois nouveaux devraient voir le jour, tandis que – c’est sans doute la donnée la plus frappante – 50 % des emplois devraient être profondément transformés. Le défi consistera donc à adapter le marché du travail, et permettre à chaque actif de saisir ces évolutions comme une opportunité et ne pas les subir – au risque, sinon, de voir une partie de la population décrocher, incapable de bénéficier de la dynamique à l’œuvre.

Le troisième défi qu’il nous faut prendre en considération, ce sont les nouvelles attentes des salariés. Chacun d’entre vous aura constaté au cours de la campagne électorale que les attentes des salariés – les jeunes particulièrement, mais ce ne sont pas les seuls – ne sont plus celles qu’elles étaient il y a vingt ou trente ans. Chacun, certes, cherche un travail intéressant, bien rémunéré et stable, mais de plus en plus nombreux sont ceux qui revendiquent des évolutions professionnelles tout au long de la vie. Demain, on ne travaillera plus sous le même statut et dans la même entreprise la vie durant. Ce n’est déjà largement plus le cas aujourd’hui, et très souvent, les parcours mêlent entreprenariat, salariat et autres formes d’emploi. Dans le même temps, l’aspiration à l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ainsi qu’à la recherche du bien-être et de l’efficacité au travail est beaucoup plus vive au sein des générations actuelles qu’elle ne l’était précédemment. C’est une autre raison pour laquelle nous devons gagner en souplesse et permettre de discuter ces questions dans le cadre du dialogue social.

L’ampleur de ces défis est telle que tout ne repose pas sur le code du travail sur lequel nous allons nous concentrer au cours des prochaines semaines. Notre vision de la rénovation du modèle social, que nous souhaitons partager avec votre commission et avec les partenaires sociaux, est que la réforme du droit du travail s’inscrit dans une transformation d’ensemble beaucoup plus vaste. C’est ce que j’appelle le Rubik's cube : six volets sont intriqués, qui doivent bouger concomitamment. Il faut faire évoluer le code du travail pour libérer les énergies en sécurisant la situation des salariés et celle des entreprises. Nous devrons aussi revenir sur la formation professionnelle ; des consultations commenceront dès l’automne de manière à soumettre à votre examen un texte à ce sujet au printemps 2018. Chacun admet que l’apprentissage est une priorité essentielle ; nous devrons en traiter ensemble. Le souci d’améliorer le pouvoir d’achat se traduira dans le projet de suppression des cotisations salariales d’assurance chômage le 1er janvier prochain – cela correspondra pour les salariés à un gain de 2,4 %. Ma collègue ministre des solidarités et de la santé portera la réforme des retraites. Enfin, nous pensons nécessaire de faire évoluer l’assurance-chômage pour passer d’une approche statutaire à un système axé sur les parcours des individus.

Apprentissage, assurance-chômage, formation professionnelle : ces différents éléments nous permettront de rénover le modèle social en contribuant à la sécurisation des parcours professionnels. C’est pourquoi nous envisageons de vous soumettre au printemps prochain, probablement de manière concomitante, trois textes relatifs à ces questions liées entre elles. Procéder de la sorte, c’est parier sur l’humain, définir comment protéger les salariés et, surtout, donner des atouts aux salariés et aux entreprises pour appréhender le futur.

Dans ce contexte, nous jugeons nécessaire de rénover le droit du travail en renforçant les principes de liberté et de sécurité. Contrairement à ce que j’ai entendu dire, il ne s’agit pas de liberté pour les uns et de sécurité pour les autres. Je juge que les salariés et les employeurs ont, tous, besoin à la fois de liberté et de sécurité.

Pour les salariés, la liberté consiste d’abord à pouvoir se former pour garantir la possibilité d’une évolution professionnelle, être en mesure de changer de métier ou d’entreprise, de se muer en entrepreneur, de choisir le télétravail, et aussi de participer mieux aux négociations dans l'entreprise, voire aux décisions stratégiques – bref, être acteur de sa trajectoire professionnelle. Aujourd'hui, la liberté n’est pas toujours au rendez-vous. L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a ainsi montré que, dans sept cas sur dix, c’est l’employeur qui est à l'initiative de la formation, singulièrement quand on est peu qualifié : les cadres ont pris quatre fois sur dix l’initiative de leur formation mais les employés et les ouvriers ne sont que deux sur dix dans ce cas. Nous devrons traiter ce sujet dans les mois qui viennent.

La liberté, pour les entreprises, c’est celle de se réorganiser plus rapidement pour conquérir des marchés – c’est décisif dans la compétition internationale, et conquérir des marchés signifie créer des emplois en France. C’est aussi de négocier des normes adaptées à des besoins spécifiques, non pas unilatéralement mais par le biais du dialogue et de la négociation avec les représentants du personnel et les délégués syndicaux, pour conjuguer performance économique et performance sociale. Selon une intéressante étude de l’OCDE, une grande partie des entreprises dit qu’elles ne parviennent pas à intégrer les innovations à temps faute de pouvoir se réorganiser assez vite, ce qui entrave la conquête de marchés. Les gains de productivité et la création de richesse en sont limités et par ricochet, à terme, les créations d’emplois.

Mais il faut aussi plus de sécurité. Pour les salariés, la première précarité étant le chômage, la première sécurité est la compétence, dont le premier levier est la formation. De cela aussi nous reparlerons dans quelques mois. Il faut aussi une plus grande sécurité juridique des relations collectives et individuelles de travail et une sécurité des évolutions de carrière. Pour les entreprises comme pour les salariés, il faut partir du principe qu’un droit trop compliqué est un droit inaccessible : la complexité nuit à l’effectivité.

Il faut plus de sécurité pour les entreprises : sécurité juridique dans les évolutions d’organisation nécessaires, dans les négociations au service de la compétitivité et de l’emploi, dans la clarté des règles et des sanctions. Actuellement, à titre d’exemple, un licenciement sur quatre fait l’objet d’un recours en demande de dommages et intérêts devant les prud'hommes. En 2016, la durée moyenne des affaires traitées au fond est de 21,9 mois, de 29 mois en cas de renvoi en formation de départage ; le taux d’appel était de 60 %. En cas de licenciement reconnu abusif d’un salarié dont l’ancienneté dans l’entreprise est de vingt ans, la sanction infligée à l’entreprise s’étage de huit à quarante mois de salaire. Cette incertitude dissuade beaucoup de petites entreprises d’embaucher ou de transformer les contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée. Quant aux salariés, ils éprouvent un sentiment d’iniquité face à la variation des jugements prononcés.

Rénover notre droit du travail, c’est cela : donner plus de liberté et plus de sécurité aux salariés et aux entrepreneurs par le renforcement du dialogue économique et social dans les entreprises et dans les branches. Ce faisant, nous sommes dans la continuité de l’histoire sociale française. Il ne s’agit pas de détruire l’existant, de plaquer un modèle, mais, sur la base des fondations connues, de donner un plus grand espace d’initiative, permettant de négocier au sein de l’entreprise et de la branche pour anticiper les évolutions.

Cette conviction n’est pas théorique, et je remercie les huit organisations patronales et syndicales qui ont toutes participé au débat et fait des propositions. Femme de terrain depuis quarante ans, j’ai pu vérifier d’expérience quel levier de performance économique est le dialogue social de qualité et combien la performance économique peut permettre plus de justice sociale et de partage. C’est ce que j’appelle le dialogue économique et social.

Le premier volet du projet de loi d’habilitation porte sur la bonne articulation des niveaux de négociation et des possibilités d’intervention de la négociation collective, pour donner plus de capacité d’initiative aux entreprises et aux salariés. C’est l’objet de l'article premier.

Pour lever toute ambiguïté, je tiens à souligner que ce projet n’emporte pas l’inversion de la hiérarchie des normes. La loi demeure le socle fondamental des droits et des devoirs qui s’appliquent à tous les citoyens et le socle législatif du code du travail est évidemment la matrice donnant les règles générales, encadrant l’ensemble des acteurs et définissant les relations de travail entre les salariés et les employeurs dans un souci de justice, de protection et d’efficacité. Pour autant, ce code n’a pas vocation à savoir exactement ce qui se passe chaque jour dans les millions d’entreprises employant des salariés en France. C’est pourquoi l’articulation entre l’entreprise et la branche est aussi importante.

Pourquoi la branche, se demandera-t-on ? Il se trouve que le nombre de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME) est très élevé dans notre pays et que, considérant ne pas être en mesure de tout négocier à leur propre niveau, elles souhaitent des repères. D’autre part, il existe des domaines où, en accord avec les partenaires sociaux et, je l’espère, avec vous, nous considérons que la branche est le niveau de discussion adéquat. En conséquence, nous sommes favorables à une plus grande marge de manœuvre dans l’accord d’entreprise, tout en renforçant la branche dans son rôle de régulateur économique et social. En bref, notre approche n’est pas « ou l’entreprise, ou la branche » mais bien le renforcement du dialogue social dans les deux cas.

Cela suppose évidemment que, pour jouer pleinement ce rôle, les branches soient rapidement plus fortes, moins nombreuses et mieux structurées. Une loi précédente a déjà donné pour cap la réduction à 200 des 750 branches existantes. L’éventuelle accélération de ce calendrier sera étudiée.

L'articulation actuelle entre l’accord de branche et l'accord d'entreprise est complexe et insécurisée dans une grande majorité de champs de la négociation. Or, je l’ai dit, la complexité ne favorise pas le dialogue social. C’est pourquoi nous souhaitons clarifier ce qui relève du niveau de la branche et ce qui relève du niveau de l’entreprise.

D’autre part, les entreprises ne sont pas suffisamment encouragées à privilégier la norme négociée avec les délégués syndicaux et les représentants du personnel par rapport à la décision unilatérale de l’employeur. Il doit y avoir une incitation à privilégier le dialogue social.

Enfin, la loi ne peut tenir compte des spécificités économiques et sociales des secteurs d’activité, qui pourraient être mieux régulés par des accords de branche.

Compte tenu de ces éléments et la concertation sur ces questions étant achevée, je puis vous dire ce vers quoi nous tendons pour clarifier et sécuriser l’articulation entre l’accord d’entreprise et l’accord de branche.

Nous pourrions répartir les domaines de négociation en trois blocs. Le premier bloc serait constitué des domaines dans lesquels les accords de branche priment de manière impérative et systématique sur les accords d'entreprise. Il s’agirait, au minimum, des minima conventionnels, des classifications, de la mutualisation des financements paritaires – fonds de financement du paritarisme, fonds de la formation professionnelle, fonds de prévoyance, complémentaire santé et compléments d'indemnité journalière. Pourrait aussi figurer dans ce premier bloc, ce qui serait un progrès par rapport à l’existant, la négociation relative à la gestion et à la qualité de l’emploi – durée minimale du temps partiel et compléments d'heures, nouvelle régulation des contrats courts, conditions de recours au contrat à durée indéterminée (CDI) de chantier. En l’absence d'accord de branche spécifique, c’est la loi actuelle qui continuerait de s’appliquer dans l’entreprise ; mais si, dans la sagesse du dialogue social, on parvient à trouver un accord mieux adapté et convenant aux employeurs comme aux syndicats de salariés, nous autoriserions les branches à le faire. Enfin, demeurerait obligatoire au niveau des branches la définition des modalités de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dont le principe est énoncé dans la loi.

Le deuxième bloc serait constitué des domaines pour lesquels la branche peut décider, sans y être obligée, de faire primer son accord sur les accords d’entreprise. Il en serait ainsi de la prévention des risques professionnels et de la pénibilité, du handicap et des conditions et moyens d’exercice d'un mandat syndical, incluant la reconnaissance des compétences acquises et les évolutions de carrière, domaine dans lequel nous ressentons collectivement qu’il faut progresser.

Le troisième bloc, enfin, serait constitué des domaines qui ne figurent pas dans les deux blocs précédents. La primauté serait en ce cas accordée à l’accord d’entreprise. Cela signifie que lorsqu’il existe un accord d’entreprise majoritaire et un accord de branche sur la même thématique, l’accord d'entreprise prime puisque la branche n’a pas décidé d’en faire un thème obligatoire. Néanmoins, lorsqu’il n'existe pas d’accord d'entreprise, c'est l’accord de branche qui s’applique.

Par ces aménagements qui peuvent sembler techniques, nous ouvrons la porte à l’innovation sociale dans les entreprises, ce à quoi, j’en suis convaincue, les entreprises et les organisations syndicales aspirent avec force.

L’article 2 du projet de loi d’habilitation a trait au renforcement du dialogue social et économique dans l’entreprise. Entre dans ce cadre la fusion de trois des quatre instances d’information-consultation du personnel – comité d’entreprise, délégués du personnel et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – ; la question du dialogue social dans les TPE et PME, reposant actuellement sur un dispositif qui, pour des raisons connues de tous, fonctionne mal ; le renforcement des acteurs et de la formation dans les TPE et PME.

Si nous proposons de fusionner trois des instances représentatives du personnel mais pas la quatrième – les délégués du personnel, qui ont le pouvoir de négociation –, c’est que la fusion envisagée permettra déjà de simplifier le dispositif et aussi de mieux faire appréhender la dimension sociale de l’entreprise. Lors des réunions du comité d’entreprise, on parle de la marche des affaires et de l’organisation ; puis, l’après-midi, quelqu’un d’autre traite, au CHSCT, de la santé, de la sécurité et des conditions de travail – comme si ces sujets n’étaient pas intimement liés ! Dans le rapport, intitulé Bien-être et efficacité au travail, que Henri Lachmann, Christian Larose et moi-même avons rendu au Premier ministre en février 2010, il apparaissait clairement que les risques psycho-sociaux ne découlent que partiellement de comportements individuels : ils résultent bien plus largement de l’éloignement de la prise de décision, et de l’organisation du travail. Que, demain, dans la même instance, même si se forment des commissions spécialisées, on ait une vision économique et sociale d’ensemble de l’entreprise, et se renforcera un dialogue social de qualité qui permettra aux entreprises d’évoluer dans une recherche constante de convergence entre l’intérêt des salariés et celui de l’entreprise. Cette approche, que beaucoup d’entreprises expérimentent avec succès, nous paraît extrêmement importante.

Si le dialogue social dans les TPE et PME nous paraît aussi important, c’est que ces dernières regroupent 55 % des emplois en France et que les marges de création d’emplois y sont plus importantes que dans les grandes entreprises. Bien sûr, il ne sera pas simple de faire évoluer ce dialogue, tant nous sommes attachés au modèle actuel.

Enfin, j’en viens à la sécurisation juridique des relations de travail. Il n’y a pas de modèle social durable si les règles qui s’y appliquent sont incertaines. Il est problématique que les entreprises qui veulent se réorganiser ou faire évoluer leurs effectifs ne connaissent pas parfaitement les règles du jeu. Le cas particulier des employeurs contraints, pour de pures raisons de forme, de verser des dommages et intérêts aux salariés licenciés, en sus de leurs indemnités légales et conventionnelles, n’est pas très fréquent, mais il a des effets considérables car il dissuade les employeurs d’embaucher. Prenons l’exemple frappant d’un boulanger employant cinq salariés. Un concurrent s’installe en face de sa boulangerie. Le boulanger, perdant 25 % de ses parts de marché, doit licencier un salarié. S’il oublie de préciser dans sa lettre de licenciement que le poste de ce salarié est supprimé, il sera condamné par les prud’hommes. Les employeurs qui se retrouvent dans une telle situation se comptent par dizaines de milliers. Une telle insécurité juridique, surtout dans les TPE et PME, n’est pas bénéfique aux salariés. Lever ces rigidités et ces incertitudes renforcera la confiance dans le dialogue social et permettra de poursuivre le mouvement, déjà engagé au cours de ces dernières années, de renforcement de la conciliation en amont et de diminution du nombre de recours contentieux prud’homaux. Il est de l’intérêt général qu’employeur et salariés puissent se mettre d’accord le plus possible.

Telles sont les principales mesures que nous envisageons dans le projet de loi d’habilitation. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je donne maintenant la parole au rapporteur, puis aux représentants des groupes.

M. Laurent Pietraszewski, rapporteur. Madame la ministre, vous avez indiqué vouloir donner plus de place aux accords de branche. Quelle place laissera-t-on aux accords d’entreprise en ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, ainsi que la pénibilité, qui ont vocation à relever de la branche ?

M. Aurélien Taché. Avant de débuter mon intervention, je tiens, au nom des députés du groupe La République en marche, à remercier Mme la ministre et son cabinet pour leur disponibilité, pour leur réactivité et pour les éclaircissements qui viennent de nous être apportés sur le projet de loi. Compte tenu de votre expérience, madame la ministre, vous avez toute la légitimité pour mener cette réforme. Soyez assurée du soutien des députés de mon groupe.

Le chômage de masse s’est installé depuis longtemps en France et pèse sur notre société. La réforme du dialogue social a été annoncée tout au long de cette campagne : c’est l’un des grands chantiers du quinquennat à venir. Conformément aux engagements du Président de la République, nous allons engager une rénovation profonde de notre modèle social, en concertation avec les partenaires sociaux.

Deux impératifs guident cette réforme, qui vise au renforcement du dialogue social et à la sécurisation des entreprises comme des salariés : la liberté et l’égalité. En luttant contre les rigidités, qui sont autant de freins à l’emploi, c’est plus de sécurité et de protection que nous offrons aux individus. Notre droit du travail ne peut se contenter de protéger ceux qui travaillent déjà : il doit aussi permettre l’accès à l’emploi. Nous devons libérer le travail et inciter tout un chacun à prendre des responsabilités dans un dialogue social rénové.

Avec ce texte, il ne s’agit donc pas seulement de réformer notre droit du travail, mais bien de réformer l’ensemble de notre modèle social. Vous l’avez rappelé, cette loi d’habilitation n’est que le premier volet d’un programme bien plus ambitieux, que proposera le Gouvernement au cours des cinq années à venir.

Le projet de loi d’habilitation présenté ce soir poursuit trois objectifs : élargir le champ de la négociation collective, simplifier le dialogue social, assurer la sécurité juridique des employeurs et des salariés.

Je pense notamment à l’article 2, qui prévoit la fusion des instances représentatives du personnel en une seule entité : cette disposition contribue pleinement à la logique de simplification qui est celle du Gouvernement. L’article met un terme à des effets de seuil qui dissuadent aujourd’hui les entreprises ne souhaitant pas créer d’instances représentatives supplémentaires d’embaucher des salariés. On renforce aussi les prérogatives de cette instance en regroupant l’ensemble des sujets importants pour la vie de l’entreprise en un lieu unique. On renforce ainsi la démocratie sociale, objectif premier de cette réforme.

Je pense aussi à la primauté de la négociation collective, prévue par l’article 1er : tout en préservant les principes intangibles de notre droit, le texte prévoit de définir l’ensemble des domaines dans lesquels l’accord d’entreprise pourra déroger aux accords professionnels, interprofessionnels ou de branche. Ainsi, nous rapprochons la négociation collective du terrain. Les acteurs de l’entreprise n’ont-ils pas un rôle à jouer dans la définition de la norme ? On a parfois l’impression que ce sont les plus concernés qui sont le moins associés à cette définition. Notre groupe considère qu’il faut faire confiance aux individus, aux acteurs de terrain, et arrêter de donner à penser que les défenseurs des salariés seraient tous par nature « légicentristes ». Que l’on songe au regretté Edmond Maire, ancien secrétaire général de la CFDT, qui, je crois, n’a rien à envier à ceux qui s’autoproclament défenseurs des salariés !

Les Français ont fait le choix d’accorder leur confiance à cette majorité et approuvent l’engagement clair du Président de la République. Aujourd’hui, ils attendent de nous que nous agissions avec responsabilité et efficacité et que nous obtenions rapidement des résultats. La méthode des ordonnances répond à cet impératif d’urgence. En tant que parlementaires, nous laissons ainsi une marge de manœuvre plus large au Gouvernement pour discuter directement avec les partenaires sociaux, conformément à l’esprit de cette réforme. Madame la ministre, vous avez rappelé tout à l’heure que les ordonnances étaient loin d’être toujours synonymes de régression sociale. Vous avez notamment évoqué celles de 1982, qui ont permis la cinquième semaine de congés payés, les 39 heures et bien d’autres avancées en matière de droit social. Ainsi, nous n’effaçons pas des années de lutte sociale mais partons simplement d’un constat simple : notre droit du travail est aujourd’hui en grande partie dessiné pour les grandes entreprises industrielles, quand 55 % des emplois en France sont dans les PME et les TPE. Nous avons donc un objectif clair : donner à tous les salariés et à toutes les entreprises la liberté et la sécurité nécessaires pour faire converger performance sociale et performance économique. En amont, et tout au long de la procédure législative, le Gouvernement a discuté et continue à dialoguer avec les partenaires sociaux afin que la loi soit élaborée en lien avec ceux qui seront chargés de l’appliquer. La qualité de cette concertation a d’ailleurs été unanimement saluée par différents dirigeants syndicaux. Cette concertation va en effet beaucoup plus loin que ce qu’impose le code du travail.

Si votre exposé a été précis et détaillé, j’ai néanmoins plusieurs questions à vous poser. Sans entrer dans le détail des négociations avec les organisations syndicales et patronales, pourriez-vous nous dresser un premier bilan du cycle de concertations qui s’est achevé à la fin du mois de juin ? Grâce à cette loi, vous souhaitez faire du dialogue social un élément prépondérant au sein de l’entreprise, et non plus seulement au niveau de la branche, et faire en sorte que les règles du jeu soient décidées au plus près du terrain. Quelles pistes entendez-vous suivre, compte tenu du fait que seules 4 % des entreprises de onze à quarante-neuf salariés ont un délégué syndical pour négocier un accord ? Enfin, notre pays se caractérise malheureusement par un faible taux de syndicalisation : environ 11 %. Comment comptez-vous redonner à nos concitoyens confiance dans le dialogue social ?

M. Gérard Cherpion. Nous sommes, nous aussi, heureux d’être là ce soir, et nous le sommes d’autant plus que nous avions déposé il y a deux ans une proposition de loi, rejetée à l’époque par ceux-là mêmes qui soutiennent ce projet de loi aujourd’hui – puisque M. Macron était alors ministre de l’économie –, et dont certaines dispositions se retrouvent dans ce projet de loi d’habilitation. Il est dommage que nos propositions n’aient pas été prises en compte à l’époque : nous aurions pu gagner un peu de temps.

Concernant la méthode retenue, vous avez raison, madame la ministre, de souligner que le recours aux ordonnances est prévu par la Constitution. Vous avez fait référence à 1982. Mais il s’était déjà écoulé un certain temps entre le début du septennat de François Mitterrand et le recours aux ordonnances à cette date. Le Gouvernement agit aujourd’hui dans la précipitation alors que le Président de la République nous a expliqué à Versailles qu’il ne fallait pas légiférer ainsi mais prendre notre temps, réfléchir et avancer dans une large concertation. L’article L. 1 du code du travail impose une concertation avec les partenaires sociaux : vous l’avez appliqué de sorte que la règle est respectée. Mais il serait bon que le Parlement soit lui aussi respecté dans cette affaire. La concertation sociale n’est encore pas terminée que nous sommes dès aujourd’hui amenés à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances. Nous ne sommes pas en terrain connu puisque plusieurs sujets n’ont pas encore été tranchés en matière de dialogue social. Il nous est donc difficile de prendre une position définitive sur ce texte.

Certains sujets ont été tranchés, tels que l’articulation entre la branche et l’entreprise. Le compromis qui a été trouvé à ce sujet, correspondant peu ou prou à ce que nous avions proposé à l’époque, nous satisfait. La branche reste régulatrice et peut garder la maîtrise de certains sujets qui seront définis à l’avance, parmi lesquels la pénibilité. D’autre part, l’accord d’entreprise est étendu. En revanche, sur le reste, le mystère reste entier. Qu’allez-vous proposer concernant les modalités de négociation dans les entreprises de moins de 50 salariés ? Vous nous avez indiqué que la concertation était actuellement en cours sur ce point : c’est ennuyeux, car vous avez également rappelé que la majorité des entreprises en France comptait moins de 50 salariés. Nous sommes donc en train de délibérer sur un texte qui reste imprécis s’agissant de plus de la moitié des entreprises concernées. L’extension de la primauté de l’accord d’entreprise n’est équitable que si l’on facilite réellement la négociation dans les entreprises qui n’ont pas de délégué syndical, voire qui n’ont pas d’instance représentative du personnel. Pouvez-vous nous présenter l’état actuel de la concertation sur cette question ?

Les commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) entrent dans le champ de l’habilitation législative. Or, elles n’ont pu entrer en fonction qu’au début du mois de juillet, sous réserve, d’ailleurs, que les textes aient bien été appliqués dans les délais. Comment comptez-vous mettre en place le compte pénibilité, sachant que les dix critères qui ont été définis posent des problèmes d’application, en particulier dans les PME et TPE ?

Plus globalement, les calendriers de la négociation sociale et du Parlement étant totalement imbriqués – et ce, dans un certain désordre –, comment envisagez-vous d’informer le Parlement des avancées de la concertation au jour le jour ? Cet après-midi, dans son discours de politique générale, le Premier ministre a semblé indiquer que la concertation allait se poursuivre, évoquant les partenaires sociaux mais pas les parlementaires. Cela veut-il dire que ces derniers seront exclus de cette concertation et de la préparation définitive des ordonnances ?

M. Patrick Mignola. Mon propos s’inscrit dans le droit fil de ce que disait notre collègue Cherpion à l’instant. Le moment est venu de fixer, dans le cadre de cette loi d’habilitation, un périmètre de discussion pour qu’un dialogue social constructif se poursuive entre la représentation syndicale et le Gouvernement. Il va de soi, dans notre esprit, que les parlementaires ont vocation à être tenus régulièrement informés de ce dialogue et qu’ils pourront également, lors de l’examen du projet de loi de ratification des ordonnances, s'exprimer sur les points dont nous ne pouvons discuter dès ce soir.

Au nom du Mouvement démocrate, j’aimerais rappeler ce qui justifie le recours à la procédure des ordonnances. Si cette dernière peut nous paraître inconfortable, elle s’impose au regard de l’histoire. Madame la ministre, vous avez fait référence à 1982 : on pourrait aussi évoquer les ordonnances du général de Gaulle en 1959, tout comme les décrets-lois du Front populaire en 1936. Nous avons ainsi fait évoluer notre législation sociale selon des procédures imposant la rapidité et l’urgence, au rythme d’une réforme tous les vingt à vingt-cinq ans. La dernière grande évolution que nous ayons connue a été celle de 1982, puisque les réformes des années 2000 n’ont malheureusement été que partielles.

Comme vous l’avez rappelé, ce texte s’inscrit dans un projet global. Si nous voulons aller vite aujourd’hui à vos côtés, c’est parce qu’il ne s’agit pas seulement de faire évoluer le code du travail, mais aussi notre modèle social. Il est donc impératif que vous nous indiquiez selon quel calendrier vous comptez mettre en œuvre la baisse des charges sociales salariales, la réforme de la formation professionnelle, la relance de l’apprentissage, la réforme des retraites et la mise en place de l’assurance-chômage pour tous. Pourriez-vous notamment nous confirmer que cette baisse des charges interviendra bien au 1er janvier 2018 ?

Vous nous proposez, dans le cadre de cette loi d’habilitation, de renforcer le dialogue social. Le Mouvement démocrate est extrêmement attaché à ce dernier. Nous devons non seulement le revivifier dans notre pays, mais aussi, et surtout, assurer, à l’intérieur des entreprises, des relations de confiance entre employeur et salariés. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que, dans les TPE et les PME, les employeurs et les salariés s’efforcent ensemble, au cours de réunions managériales, de définir des stratégies, de trouver des solutions, des marchés, des modes d’organisation, mais que, en réunion des instances représentatives du personnel, ils n’évoquent que des sujets qui fâchent. Il s’agit bien, par ce texte, de leur permettre de discuter, dans ce cadre, non seulement de la sécurité de l’entreprise et du salarié, mais également de la stratégie de l’entreprise. Car lorsqu’une entreprise crée de la richesse, outre le fait qu’elle pérennise ses emplois et peut en créer d’autres, elle produit des recettes fiscales fort bienvenues, compte tenu de l’état de nos finances publiques.

Je terminerai en appelant l’attention de mes collègues sur trois points. S’agissant des branches, il conviendra de donner aux salariés une capacité de mobilité professionnelle. En ce qui concerne les organes représentatifs, il importe de trouver la meilleure souplesse possible pour que les TPE et PME puissent mener le dialogue social en évitant l’édification d’une nouvelle superstructure qui pourrait les gêner. Enfin, en matière prud’homale, il convient de rassurer l’ensemble de nos concitoyens quant au fait que les fautes graves ou inexcusables de l’employeur ne seront pas concernées par l’application du barème.

M. Francis Vercamer. Le groupe Les Constructifs se félicite que nous commencions la législature en abordant le sujet délicat qu’est la réforme du marché du travail. Au-delà du seul droit du travail, c’est bien d’emploi qu’il est question dans ce texte – l’emploi qui, je le rappelle, a donné lieu à l’un des échecs les plus lourds du quinquennat précédent, l’inversion annoncée de la courbe du chômage ne s’étant jamais produite. L’évolution de l’emploi permettra à nos concitoyens de juger de la présente législature.

La réforme du droit du travail est, de longue date, un sujet délicat, devenu encore plus sensible depuis l’adoption de la loi dite El Khomri et la cristallisation d’une opposition aux dispositions de ce texte. Il est donc souhaitable de dépassionner le sujet pour aboutir à une réforme qui puisse rassembler le plus grand nombre sur des principes nouveaux et des mesures vraiment structurantes. De ce point de vue, la méthode de concertation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux nous semble – pour le moment – intéressante.

En revanche, notre groupe regrette vivement que sur ce sujet sensible, les travaux de l’Assemblée nationale commencent mal. Passe encore que le Gouvernement ait choisi de procéder par ordonnances – c’est son droit, même si cela ne me semble guère aller dans le sens des propos tenus par le Président de la République sur la revalorisation du Parlement. Mais les parlementaires que nous sommes n’ont disposé que de bien peu de temps entre l’adoption du projet de loi en Conseil des ministres, le début de son examen en commission aujourd’hui et le délai limite de dépôt des amendements hier en fin d’après-midi, alors que les auditions préalables n’ont même pas encore eu lieu. Il faut bien admettre que le Parlement a connu des conditions de travail plus respectueuses. Nous souhaitons vivement que ces conditions de travail soient davantage prises en compte à l’avenir.

Notre groupe voit dans la réforme proposée l’occasion d’une mise à jour de notre législation du travail autour de trois objectifs : un droit du travail plus lisible pour l’employeur comme pour le salarié, parce que davantage en phase avec les réalités vécues par la communauté de travail au sein de l’entreprise ; un droit du travail plus souple, qui prenne en compte l’émergence de nouvelles formes de relations de travail – en lien, notamment, avec des innovations technologiques toujours plus rapides ; un droit du travail qui concilie la sécurité du salarié sur son lieu de travail et, plus largement, dans le cadre de sa relation de travail, avec la sécurité juridique de l’employeur ; enfin, un droit du travail qui repose davantage sur la négociation dans l’entreprise, sans pour autant nier le cadre régulateur de la branche professionnelle. Notre groupe sera d’ailleurs vigilant sur ce point particulier, car s’il est indispensable de développer la négociation et les accords d’entreprise afin de mieux prendre en compte la réalité vécue par chacun au quotidien, il convient dans le même temps de prendre garde que cette orientation ne soit pas propice à l’installation d’une situation de concurrence déloyale entre les entreprises. De ce point de vue, tant les dispositions législatives de l’ordre public social figurant dans le code du travail que celles relevant du cadre collectif des accords de branche sont d’une absolue nécessité.

En revanche, nous regrettons que dans le cadre de la refonte des instances représentatives du personnel, le secteur public ne soit pas visé dans le texte. Il nous paraît curieux que le Gouvernement continue à appliquer deux poids et deux mesures aux secteurs public et privé.

Une autre lacune de ce texte concerne le traitement des effets de seuil qui dissuadent certaines entreprises d’embaucher un onzième, un vingt-et-unième ou un cinquantième salarié.

Alors que l’on veut revaloriser le dialogue social, le financement des organisations syndicales n’est pas non plus abordé dans le projet de loi. Or, ce financement a fait l’objet de nombreuses études, notamment du rapport Perruchot, auquel j’avais participé, et que la majorité de l’époque n’avait pas souhaité rendre public.

J’évoquerai également le problème récurrent des indemnisations prud’homales. Sous le quinquennat précédent, le sujet avait été abordé dans le projet de loi dit Macron, puis retiré du texte. Nous aimerions avoir l’assurance que le plafond prévu par la réforme pour ces indemnisations ne devienne pas demain un plancher voire une norme, comme cela arrive souvent.

Enfin, comme le président de notre groupe l’a rappelé dernièrement, nous souhaiterions que les groupes politiques soient associés à la rédaction de ces ordonnances.

M. Boris Vallaud. Je vous remercie, madame la ministre, du temps que vous voulez bien nous consacrer ce soir. Nous partageons avec vous le diagnostic d’un monde du travail entré dans une phase de changements profonds du fait de la mondialisation de l’économie, de la transition écologique et de la révolution numérique dont vous disiez vous-même qu’elle n’a donné à voir qu’une part d’elle-même. Nous partageons également le constat d’une désarticulation de notre modèle, conçu au cours des Trente Glorieuses. Sans doute les entreprises ont-elles aujourd’hui des besoins nouveaux pour innover, conquérir des marchés et s’adapter aux cycles économiques. Mais nous sommes aussi convaincus que les travailleurs n’ont pas besoin de moins de sécurité. Face à la fragmentation des parcours professionnels et à la mise à mal du triptyque traditionnel « formation initiale, emploi, retraite », il est indispensable de sécuriser les parcours professionnels pour que chaque travailleur puisse accéder à l’emploi et s’y maintenir ou accéder à une formation. C’est un enjeu primordial dans un pays où la peur de l’échec professionnel et du chômage est à un des niveaux les plus élevés en Europe.

Pour notre part, nous avons la conviction qu’il nous faut concevoir le modèle social des trente prochaines années, raison pour laquelle l’urgence à légiférer nous paraît relative. Ce modèle social ne se construit, selon nous, ni dans le conservatisme forcené au nom des acquis, ni dans la tentation libérale, qui n’est pas un parangon de modernité. L’un et l’autre font des victimes. Vous en conviendrez tous, bien que nous ne voulions pas des mini-jobs dans notre pays, nous les avons. La France a un tiers des contrats à durée déterminée (CDD) de moins d’un mois de toute l’Europe. Dans notre pays, 100 000 travailleurs cumulent plus de quarante CDD chaque année : quelle vie ont-ils ? Ont-ils la possibilité de fonder une famille, de se loger, de se soigner, de se nourrir ? Gardons cela à l’esprit alors que nous cherchons à trouver un équilibre entre flexibilité et sécurité et que nous est proposé aujourd’hui le volet de la flexibilité.

Je dirai un mot de la méthode des ordonnances retenue par le Gouvernement. Elle avait été annoncée. Il serait donc de mauvaise foi d’en être surpris. Mais il nous faut néanmoins tenir compte de l’expérience qui a été celle de la précédente Assemblée et du taux d’abstention enregistré lors des élections législatives : je ne peux m’empêcher de penser que, dans le rapport des citoyens à leurs représentants, nous sommes passés de l’ère de la défiance à celle, bien plus inquiétante, d’un rejet que nous ne pouvons ignorer. Les grandes réformes ne peuvent être menées sans donner lieu à un débat citoyen sincère, à un dialogue social approfondi et à un débat parlementaire respectueux du pluralisme et des droits de l’opposition.

Nous sommes en droit de nous interroger quant à l’urgence de ce texte – y a-t-il vraiment encombrement législatif ? – et à la technicité du sujet – qui, selon vous, madame la ministre, rendrait ce dernier inaccessible au débat parlementaire. Nous aurions préféré que le Gouvernement commence par évaluer les réformes passées, comme le Président de la République l’avait suggéré. Nous aurions aimé nous poser la question du risque d’instabilité réglementaire et législative et de l’inflation des textes – que le Président de la République a souhaité éviter. Enfin, le flou de l’étude d’impact et des dispositions du texte qui nous est soumis est tel que le Gouvernement ne nous semble pas satisfaire à son obligation de dire ses intentions.

Les ordonnances sont frustrantes pour la représentation nationale, car elles l’empêchent de formuler des propositions sur le renforcement de la sécurisation des parcours professionnels. Je pense au compte personnel d’activité et au conseil en évolution professionnelle comme droit universel à l’accompagnement. Au moment où nous examinons ce projet de loi d’habilitation, il nous est impossible d’apprécier avec justesse l’équilibre de la réforme, entre la sécurité que vous promettez et la flexibilité que vous nous proposez. Nous vous ferons part, tout au long des débats, de nos accords et désaccords, de nos inquiétudes aussi. Il en est déjà une que nous partageons : elle concerne les inégalités et la pauvreté.

M. Adrien Quatennens. « Emmanuel Macron l’avait annoncé, nous le faisons. » Tels furent vos mots et, avant cela, ceux de M. le Premier ministre. C’est la seule justification que nous ayons obtenue de votre part quant à la nécessité de recourir aux ordonnances. Au-delà du caractère autoritaire que revêt cette procédure, je souhaite vous faire part, comme certains de mes collègues, de notre émotion face à la méthode que vous appliquez. Nous sommes convoqués ici en session extraordinaire. Beaucoup d’entre nous ne disposent pas encore de leur bureau ni même des collaborateurs qu’ils doivent encore recruter. La plupart d’entre nous découvrent les règles de l’Assemblée nationale mais, visiblement, dans un pays où l’urgence sociale est criante, où il y a neuf millions de pauvres et tant d’autres problèmes, la priorité absolue de votre Gouvernement est de légiférer sur ce sujet. Nous ne comprenons guère les raisons de cet empressement, sinon qu’il s’agit d’empêcher le pays de prendre conscience de l’ampleur de ce que vous vous apprêtez à faire. Qui est menacé d’asphyxie à très court terme si votre projet de loi n’est pas adopté ? Les Françaises et les Français qui ont la chance de partir en vacances découvriront probablement à leur retour que votre Gouvernement aura été habilité à légiférer sur à peu près tout ce qui concerne l’ordre social des 18 millions de personnes travaillant dans le secteur privé.

Indépendamment de la méthode retenue, il nous est difficile d’analyser ce projet de loi puisque vos intentions sont assez floues. C’est, pour beaucoup d’entre nous, par voie de presse – par des fuites auxquelles vous avez violemment réagi – que nous avons appris quelles étaient ces intentions. Finalement, la trajectoire de la « marche » dont la majorité se réclame semble se préciser. En l’état, ce projet de loi permet absolument tout. Sous couvert d’un exposé des motifs qui ferait passer des vessies pour des lanternes, vous vous apprêtez à renverser la hiérarchie des normes puisque vous faites de l’accord d’entreprise la règle et que vous reléguez au second plan l’accord de branche. Nous en venons, avec ce projet de loi, à l’équivalent d’un code du travail par entreprise, ce qui est à peu près aussi absurde et accidentogène que s’il y avait autant de codes de la route que de rues. La fusion des instances représentatives du personnel consacre au niveau législatif la baisse des moyens alloués aux organisations syndicales. Vous proposez également de faciliter les licenciements économiques.

Vous invoquez souvent, au sein du Gouvernement, la liberté et le dialogue social : c’est un déni du rapport de force qui existe dans l’entreprise. Je citerai la formule célèbre selon laquelle, « entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Madame la ministre, vous avez récemment parlé du code du travail en des termes peu flatteurs, affirmant qu’il n’était fait que « pour embêter 95 % des entreprises ». Or, il est le fruit d’une histoire, faite de luttes et d’acquis très importants. De plus, le ministère à la tête duquel vous avez été désignée a été créé pour protéger les salariés. Derrière les poncifs qu’utilise votre majorité se cache une forme de dureté sociale. Pourtant, les études de l’OCDE comme le bilan du quinquennat précédent prouvent qu’il n’y a pas de corrélation entre la remise en cause des droits des travailleurs et la baisse du chômage. Votre Gouvernement comme votre majorité prospérant en semant la confusion, notre travail consistera à dissiper l’écran de fumée qui vous permet d’agir de la sorte.

M. Pierre Dharréville. Madame la ministre, vous nous exposez ce soir un texte par lequel le Parlement autoriserait le Gouvernement à œuvrer à notre place et en notre nom pour refondre entièrement le code du travail. Ce premier acte que vous nous demandez d’accomplir, depuis notre élection à l’Assemblée nationale, nous paraît pour le moins osé, voire exagéré. Vous nous demandez d’abdiquer la responsabilité qui nous a été confiée par les électeurs. Il nous faudrait, pour accepter cela, de très bonnes raisons – que j’ai eu grand peine à trouver dans les explications que vous nous avez fournies tout à l’heure. J’ai bien entendu votre référence à l’épisode heureux des lois Auroux en 1982. Cette comparaison pourrait paraître habile mais elle ne tient guère et fait apparaître votre texte comme un retour de bâton.

Voici quelques mois seulement, des centaines de milliers de personnes ont défilé dans la rue pour demander l’abrogation de la loi El Khomri qui modifiait déjà substantiellement le code du travail. Dans la dernière enquête d’opinion publiée en janvier, la majorité des Français s’opposait à cette réforme. Le sujet est donc extrêmement sensible. Avez-vous pris la peine de dresser un bilan sérieux des mesures prises il y a un an ? Je n’en ai pas vu la trace pour l’instant.

Le projet que vous nous avez transmis nous semble viser à une refonte radicale du code du travail. Il nous frappe à la fois par son imprécision et par l’étendue des mesures que vous souhaitez prendre. Le sujet est suffisamment important pour que nous prenions le temps d’en débattre sérieusement au Parlement et dans le pays. Nouveauté ne saurait rimer avec précipitation, dans la torpeur de l’été. Rien, pour nous, ne justifie cette loi d’exception.

Dans votre exposé des motifs, j’ai eu le regret de constater le flou de vos intentions. Je crois que nous ne faisons pas le même diagnostic : pensez-vous vraiment que ce soient les droits des salariés qui font obstacle au développement de l’emploi dans notre pays ? Ne pensez-vous pas que cela ait à voir avec l’appétit financier des actionnaires ? Vous évoquez l’égale liberté de l’employeur et du salarié : ne faites-vous pas un peu trop vite abstraction du lien de subordination entre les deux, et du rapport de force qui existe entre un petit nombre de grands propriétaires et l’immense majorité de ceux qui vivent de leur force de travail – ou qui le voudraient bien ? Au cours de ces trente dernières années, le rapport de force dans notre société a largement basculé en faveur des premiers et le projet de loi que vous nous proposez risque encore d’aggraver cette situation et de dégrader les conditions de vie de millions de nos concitoyens.

Vous avez évoqué les TPE : il conviendra de prêter une attention particulière à ce sujet, ainsi qu’aux entreprises sous-traitantes qui subissent la pression des multinationales. Je ne crois pas que la complexité – que vous considérez comme un obstacle – disparaîtra avec le système que vous souhaitez mettre en place et qui revient effectivement à instaurer un code du travail par entreprise. Le détricotage que vous nous promettez se fera au détriment de la loi et il s’agit bien, effectivement, d’inverser la hiérarchie des normes.

Comment les organisations syndicales ont-elles réagi lorsque vous leur avez proposé d’intervenir dans la relation entre les salariés syndiqués et les syndicats ? Nous souhaiterions proposer l’adoption de nouveaux droits tendant à la sécurisation des parcours professionnels.

En résumé, il faudrait se garder, madame la ministre, de ne faire la loi que pour la France qui réussit.

Mme la ministre. Monsieur le rapporteur, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la pénibilité ont effectivement vocation à relever de la branche, les accords d’entreprise devant s’inscrire dans ceux de branche.

Je ne partage pas la conception de l’entreprise développée par certains d’entre vous, notamment MM. Dharréville et Quatennens. Notre pari, c’est de faire confiance aux acteurs de terrain et au dialogue social, et non de nous inscrire dans la lutte des classes. Certes, les salariés et les employeurs n’ont ni le même rôle ni les mêmes moyens, mais nous croyons que le dialogue social permettra de rétablir un équilibre de « co-construction » et de faire converger performances économiques et sociales au sein de l’entreprise.

Dans cet esprit, nous serons à l’écoute de toutes vos suggestions d’amélioration, tant au stade de l’habilitation que de la ratification.

S’agissant du problème spécifique des TPE, soulevé par MM. Taché et Cherpion, il faut souligner que seules 4 % des entreprises de moins de 50 salariés disposent aujourd’hui de délégués syndicaux… Le dispositif actuel visant à y favoriser le dialogue social ne fonctionne donc pas. Pour autant, trouver une solution non bureaucratique n’est pas simple. Les discussions sont en cours avec les organisations patronales et syndicales, sur la base de différentes hypothèses. Si vous le souhaitez, je reviendrai la semaine prochaine vous les exposer, dans les formes qui conviendront à Mme la présidente.

Un point de méthode : nous ne faisons pas les choses à l’envers, contrairement à ce que certains d’entre vous laissent entendre. Au contraire, nous avons tenu à engager, dès avant le débat parlementaire, la concertation avec les partenaires sociaux, ce qui me permet aujourd’hui de me présenter devant vous en portant à votre connaissance une partie des fruits de la concertation, notamment sur le premier volet de la réforme.

Monsieur Cherpion, l’équilibre qui sera trouvé entre la branche et l’entreprise dépendra fortement, c’est vrai, des modalités de négociation dans les entreprises de moins de 50 salariés. Les commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) sont entrées en fonction au 1er juillet 2017. Le renforcement de leur rôle figure néanmoins dans le projet de loi d’habilitation, alors même que, comme vous l’avez souligné, nous n’avons pas encore pu évaluer leur efficacité. Ces commissions restent un sujet de préoccupation pour les TPE et les PME. C’est pourquoi le champ d’application de l’ordonnance est défini de manière large, afin de pouvoir utiliser cette disposition si nécessaire, mais ce ne sera pas forcément le cas.

Concernant la pénibilité, il n’est pas question de revenir sur les droits des salariés, pour des raisons évidentes de justice sociale. En revanche, l’application des dispositions actuelles est extrêmement complexe, notamment pour les plus petites entreprises et les artisans. Le socle de droits ne sera donc pas modifié : seule le sera la manière de mesurer la pénibilité, afin de la simplifier. Le comité d’orientation des conditions de travail (COCT) devant être consulté préalablement sur ce sujet, je serai en mesure de vous apporter des précisions la semaine prochaine, au cours de l’examen du projet en séance. L’objectif est de régler cette difficulté au plus tard en septembre, car les dispositions doivent s’appliquer dans les TPE et PME à partir du 1er octobre et suscitent beaucoup d’angoisse.

Monsieur Mignola, s’agissant du calendrier, la suppression des cotisations salariales au titre de l’assurance chômage sera bien effective au 1er janvier 2018. L’apprentissage, la formation professionnelle et l’assurance chômage, soit ce que nous appelons la sécurisation des parcours professionnels, seront quant à eux traités lors de la session de printemps 2018, ce qui implique de commencer à travailler avec les partenaires sociaux et les parlementaires dès l’automne. La réforme des retraites sera défendue par ma collègue Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, probablement au second semestre 2018.

Concernant la souplesse et le dialogue social, notamment dans les TPE, il convient de faire preuve d’innovation. Beaucoup d’entreprises et de partenaires sociaux comprennent mal, tant du côté syndical que patronal, que la « co-construction », qui existe naturellement au quotidien dans l’entreprise, fasse l’objet d’un cadre plus formel, plus conflictuel, dès lors qu’on parle de social. L’accord d’entreprise, ce n’est pas le pouvoir unilatéral de l’employeur, mais un accord conclu en concertation entre partenaires responsables. Si les gens ne sont pas d’accord, ils ne concluront pas.

Cette « psychologie de la confiance », fondamentale pour l’évolution culturelle de notre pays, est déjà une réalité dans de nombreuses entreprises, qui décloisonnent les sujets de négociation, dans une démarche dynamique favorable à la justice sociale, au progrès et à la performance économique. J’ai ainsi visité il y a quelques jours, à Cholet, une entreprise de menuiserie industrielle où a été conclu un accord très innovant, « mixant » la question de la qualité de vie au travail et celle de l’égalité professionnelle, qui font en principe l’objet de négociations séparées : pour répondre à un problème de manque d’effectifs, les syndicats ont proposé l’embauche de femmes, qu’il a fallu, du coup, former, mais dont il a fallu, surtout, adapter les postes, notamment sur le plan ergonomique – ce dont les hommes, au passage, se sont fort bien accommodés ! Des histoires comme celle-là, il y en a plein sur le terrain, et nous voulons favoriser ce type de dynamique en permettant d’aborder tous les sujets ensemble. Pour autant, les dispositifs de sécurisation actuels seront évidemment maintenus pour les entreprises dans lesquelles cette démarche ne fonctionnerait pas.

Monsieur Vercamer, vous avez raison : le code du travail doit être plus souple, plus lisible et donc plus sécurisant.

Vous avez également raison de dire que les accords de branche ont deux avantages. D’une part, ils pourront servir de base à des « accords types » afin d’aider les plus petites entreprises dans la conduite du dialogue social. D’autre part, ils permettront de traiter les problématiques de concurrence déloyale. Mais, pour cela, les partenaires sociaux dans les plus petites entreprises devront se mobiliser, afin que notre « modèle mental » de négociation évolue. La France, en effet, est désormais moins un pays de grandes entreprises industrielles qu’un pays de plus petites entreprises, de services. C’est tout l’intérêt de la vision par branche, qui permettra de coller au plus près des réalités économiques, tout en garantissant la protection des salariés.

Les effets de seuil, c’est vrai, ne sont effectivement pas directement évoqués dans la négociation actuelle, mais ils le sont indirectement, via la question de la représentativité et de l’effectivité du dialogue social dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Je le souligne, les barèmes d’indemnités légales et conventionnelles de licenciement ne seront pas modifiés par l’ordonnance. Seuls les dommages et intérêts versés en cas de contentieux ou de licenciement abusif sont concernés, et feront l’objet d’un barème – avec plancher et plafond –, prenant en compte différents critères, notamment l’ancienneté.

Quant au secteur public, il n’est pas dans mon champ de compétences.

Monsieur Vallaud, il convient effectivement de revoir profondément notre modèle social. Nous ne partons certes pas de rien, mais un saut qualitatif reste à effectuer. Je ne crois pas à l’effet protecteur mécanique du code du travail sur l’emploi. Le dynamisme de l’emploi est au contraire multifactoriel, lié à la confiance, à la souplesse et à la capacité des acteurs à se saisir des situations.

De nombreuses études comparatives, notamment celles de l’OCDE, soulignent combien notre système, qui croit être le plus protecteur, est en réalité le plus rigide et contribue au développement du travail précaire… Si 85 % des Français sont titulaires d’un contrat à durée indéterminée (CDI), il est aujourd’hui très difficile pour les plus jeunes d’accéder à ce type de contrat, ce qui contribue à les maintenir dans la précarité. Un système rigide protège, certes, mais empêche malheureusement les plus fragiles d’entrer… Notre volonté est donc de redynamiser le marché du travail, pour permettre la création d’emplois moins précaires, en améliorant la souplesse et le dialogue social.

S’agissant de l’urgence de l’examen de ce texte, évoquée par plusieurs d’entre vous, nous répondons à une demande forte de changement, portée par l’élan des élections présidentielle et législatives. Ce projet de loi n’est pas une surprise, mais une promesse de campagne. Le Président de la République s’était engagé à traiter prioritairement ce sujet lors de son élection.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous remercie pour ces réponses. Nous allons passer aux questions des députés. Elles donneront lieu à une réponse de Mme la ministre par série de trois questions.

M. Gilles Lurton. Je souscris à l’essentiel du projet de loi, même si je regrette que le Parlement soit privé de son pouvoir de légiférer sur un sujet aussi essentiel. Pour autant, la méthode n’est pas plus brutale que l’usage de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution que nous avons connu sous la précédente législature, sur un sujet similaire…

Je souhaiterais disposer de clarifications sur quelques points : vous avez pour ambition de « faire évoluer dès cet été notre droit du travail pour prendre en compte la diversité des attentes des salariés et des besoins des entreprises », selon les termes de l’exposé des motifs du projet de loi. Concrètement, quelles mesures seront d’application immédiate pour les salariés ?

J’ai également noté votre volonté de mieux articuler accord de branche et accord d’entreprise, en privilégiant, autant que faire se peut, le premier au détriment du second. La branche jouera donc un rôle essentiel pour réguler la concurrence et définir les garanties économiques et sociales. J’avais déposé un amendement en ce sens lors de l’examen du projet de loi de Mme El Khomri visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs. Cet amendement avait été rejeté. Je me réjouis donc de cette ouverture, qui correspond à la réalité de certains secteurs d’activités, notamment des plus petites entreprises du bâtiment.

S’agissant de l’apprentissage, je note également votre volonté de le refonder. Les TPE étant les plus susceptibles de recruter des apprentis, comment faire pour le relancer dans ces entreprises, alors qu’il a été mis à mal au cours des cinq dernières années ?

M. Olivier Véran. Les règles régissant l’organisation du travail sont complexes, très complexes, sans doute trop complexes : seul un expert est capable de se repérer entre la loi, les négociations de branche, d’entreprises, les différents seuils dont le franchissement emporte des conséquences majeures, les délégués du personnel, les délégués syndicaux, les salariés mandatés, les comités d’entreprises, les CHSCT – et je ne parle pas des multiples critères du compte personnel de prévention de la pénibilité !

La simplification et la réorganisation sont donc indispensables, dans un cadre sécurisé. Nous vous soutiendrons car, à la clé, des emplois seront créés.

Je ne reviendrai donc pas sur le fond de la réforme, mais sur sa forme et sur la pédagogie de la réforme. Il y aura toujours ceux qui hurlent au loup, code du travail à la main – un code dont je doute qu’ils l’aient lu en entier –, il y aura de l’autre côté ceux qui considèrent que l’on ne va pas assez loin, mais, pour ceux qui voudront se saisir des progrès contenus de la loi, comment, dans un contexte aussi chargé d’affects, assurer concrètement la pédagogie de la réforme ?

M. Jean-Louis Bricout. Merci, madame la présidente, de m’accueillir dans cette commission.

Je tenais, madame la ministre, à vous faire part de mes craintes quant à la philosophie de l’article premier de votre projet de loi, qui place la négociation d’entreprise au cœur du nouveau dispositif. Je suis inquiet pour les salariés, mais également pour l’économie de proximité et pour les entreprises artisanales de nos territoires, en raison du risque que se développe une concurrence de proximité malsaine.

J’illustrerai cette crainte par un exemple : aujourd’hui, dans le cadre d’appels d’offres publics ou de demandes de devis de particuliers, les petites entreprises transmettent à leurs clients des devis basés sur les bordereaux de prix établis par la profession, en l’occurrence la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB). Cela évite une concurrence par les prix, au détriment des marges de ces entreprises fragiles. Le client arbitre ainsi sur la base de la qualité de la relation commerciale et de la prestation. La réforme prévue, en faisant basculer le dialogue au niveau de l’entreprise, ne risque-t-elle pas d’enclencher une guerre des prix, au détriment de la qualité, et de rendre difficile pour la profession l’utilisation d’un outil collectif performant de sécurisation économique des entreprises et de réponse aux appels d’offres ?

Mme la ministre. Monsieur Lurton, nous reparlerons d’apprentissage à l’automne. Le diagnostic doit être partagé et sa redynamisation est effectivement indispensable. J’ai déjà engagé un chantier avec mon collègue Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, concernant l’orientation, afin que l’apprentissage soit traité sur le même plan que les filières plus « nobles » : songez que certains rectorats continuent de placer l’apprentissage et le redoublement sur le même plan !

Mais ce chantier recouvre d’autres problématiques, qui seront abordées tant avec le Parlement, à l’automne, qu’avec les régions, qui jouent un rôle fondamental en la matière. Nous prendrons le temps nécessaire pour cibler ensemble les évolutions indispensables.

S’agissant du calendrier d’application des mesures prévues, notamment celles concernant les salariés, il est difficile de faire la part des mesures concernant les uns ou les autres, car nous cherchons à renforcer les points de convergence au sein des entreprises. En tout état de cause, dès la publication des ordonnances, seront d’application directe la simplification des instances représentatives du personnel (IRP), les dispositions concernant la pénibilité – sur lesquelles, je l’espère, nous aurons avancé – ainsi que le barème des dommages et intérêts accordés par les conseils de prud’hommes. Ces ordonnances comportent peu de décrets d’application.

Monsieur Véran, la complexité nuit effectivement à l’égalité et à l’exercice réel des droits. Cet exercice est aujourd’hui rendu complexe pour deux raisons.

D’une part, l’accès à la connaissance des règles du code du travail et des accords de branche est très difficile pour beaucoup de salariés et d’employeurs : c’est pourquoi, parallèlement à ce projet de loi, nous travaillons à une numérisation « intelligente » et thématisée du code du travail, directement utilisable par les salariés et par les employeurs, et nous souhaitons qu’il en soit de même pour les accords de branche.

La pédagogie de la réforme est fondamentale, vous avez raison. Notre réforme est structurante et structurelle. Elle peut donc paraitre éloignée des préoccupations quotidiennes des entreprises et des salariés, mais ce n’est pas le cas, comme le montre le dialogue constructif qui se noue déjà dans certaines entreprises, sur lesquelles il faudra s’appuyer. La valeur de l’exemple est fondamentale en la matière. Ce travail de pédagogie, utile et indispensable, sera aussi le vôtre, mesdames et messieurs les députés.

Monsieur Bricout, les accords de branche gardent toute leur importance. À cet égard, dans l’exemple que vous évoquez, la situation ne devrait donc pas changer. Pour autant, il convient d’être attentif aux éventuels angles morts et effets collatéraux de la réforme. Sur ce point, le rôle des parlementaires est précieux. Mon équipe est à votre disposition pour étudier avec vous le cas de figure que vous avez évoqué.

M. Jean-Pierre Door. Je tiens à revenir sur le compte de prévention de la pénibilité. Il s’agit d’un dispositif complexe, lourd, et dont les coûts de gestion sont importants, avec un risque de contentieux non négligeable. Il est en outre sous-financé : les coûts de gestion sont estimés à 2,5 millions d’euros à l’horizon 2040, alors que les cotisations attendues représentent moins de 800 000 euros, tout en pesant fortement sur les TPE et les PME.

Si notre groupe est plutôt favorable à l’ensemble des dispositions de ce projet de loi, nous souhaitons disposer de précisions sur ce sujet, afin d’être rassurés et de pouvoir rassurer les plus petites entreprises.

Mme Justine Benin. Conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement a souhaité engager une rénovation profonde de notre modèle social. Vous avez rappelé, madame la ministre, notre attachement fort à l’égalité devant la loi, mais également entre les territoires.

Certes, il convient de donner plus de liberté aux salariés et aux entreprises, mais pas au détriment de la sécurité. L’emploi des jeunes, préoccupation majeure sur le territoire national, l’est encore plus outre-mer, et notamment en Guadeloupe. C’est un sujet d’importance vitale pour notre pays. Pour reprendre les mots du Premier ministre, si nos outre-mer sont une chance, ils sont également un défi. Pourriez-vous nous préciser quelles seront les mesures spécifiques prévues par le Gouvernement afin que l’outre-mer relève le défi de l’emploi et du dialogue social ? Nos territoires accueillent en effet, en majorité, des entreprises de moins de cinquante salariés.

Pourriez-vous également me confirmer que les principales dispositions spécifiques aux outre-mer, prévues par les précédentes lois – celle du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et celle du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle outre-mer –, seront préservées et consolidées ?

Mme Laurence Dumont. Je ne vous détaillerai pas, madame la ministre, tout le mal que je pense de la méthode. Par ailleurs, la comparaison avec les lois de 1982, lois de progrès social, est pour le moins malvenue. Alors que les dispositions des ordonnances de 1982 faisaient consensus, votre projet inquiète plus de 60 % des Français.

Sachant que vous disposez d’une majorité confortable, la députée que je suis ne peut se résoudre à ce passage en force et à cet abaissement du Parlement. Vous allez, au milieu de l’été, réécrire un texte qui concerne tous les Français, en créant un code du travail par entreprise, ce qui est une folie !

Je vous soumets une proposition constructive : en application de l’article 83 du Règlement de l’Assemblée nationale, qui dispose que toute personne a la possibilité de déposer des observations sur les documents de l’étude d’impact, je vous demande la création d’un espace public de consultation citoyenne sur le site de l’Assemblée nationale, afin, comme vous le souhaitez, de renforcer la place du citoyen dans l’élaboration de la loi.

Je ne reviendrai pas sur la question de la hiérarchie des normes, déjà évoquée.

S’agissant des licenciements économiques, le projet de loi propose de redéfinir le périmètre d’appréciation des difficultés économiques : est-ce un moyen de revenir sur l’appréciation de ces difficultés au niveau mondial ? Quels seront les garde-fous pour les salariés ?

Quel est, enfin, l’avenir du compte personnel de prévention de la pénibilité dont bénéficient actuellement 800 000 salariés ?

Mme la ministre. Monsieur Door, les dispositions relatives à la pénibilité sont effectivement complexes, mais les discussions sont en cours pour simplifier le dispositif sans créer une nouvelle « usine à gaz » pour les petites entreprises. De la même façon, des pistes concernant son coût à moyen terme sont actuellement évoquées par les partenaires sociaux, afin qu’il ne pèse pas sur la compétitivité des entreprises. Je serai en mesure de vous en parler plus précisément la semaine prochaine, après consultation du COCT.

Madame Benin, l’égalité réelle outre-mer est un vrai sujet. Par ailleurs, le tissu des TPE et des PME y est encore plus important qu’en métropole. Les dispositions prévues par les ordonnances connaitront effectivement une application particulière outre-mer. Je vous propose de mobiliser l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) et son réseau régional pour appuyer le dialogue social renforcé qui devra se développer outre-mer. Si vous le souhaitez, mes services seront à votre disposition.

Madame Dumont, il n’y aura pas un code du travail par entreprise ! Le code du travail – unique – restera un socle, pour tous les salariés et toutes les entreprises. En revanche, tout ne peut être centralisé dans la loi, et les partenaires sociaux doivent être considérés comme des acteurs non pas mineurs, mais majeurs. Les normes sociales, complémentaires et correspondant mieux à la vie des entreprises et aux attentes des salariés, doivent donc pouvoir se développer, dans le respect de la loi. Mais il faut, pour cela, croire au dialogue social…

Nous ne revenons pas, je le répète, sur la hiérarchie des normes. Ce qui est du domaine de la loi s’applique à tous, il n’y a pas de sujet en la matière.

Il en va différemment de la définition du périmètre d’appréciation de la cause économique du licenciement. Au sein de ce gouvernement, nous croyons profondément à l’Europe, même si nous considérons qu’elle a besoin d’être transformée, notamment pour en renforcer la dimension sociale. Pour autant, nous ne pouvons pas suivre votre analyse. Aucun pays européen n’a d’ailleurs pris de disposition allant dans le sens que vous préconisez.

En outre, un système qui n’est pas réciproque n’est sans doute pas plus protecteur, et je crois pouvoir en témoigner. Depuis trois ans, j’ai rencontré à peu près un millier d’investisseurs étrangers, dont des Allemands, des Danois, etc. Ils m’ont dit qu’ils investissaient certes un peu en France, où ils trouvent des compétences, des talents, un certain engagement, un bon niveau de productivité et d’infrastructures, mais aussi qu’ils faisaient leurs gros investissements ailleurs, parce que notre pays n’accepte pas la réciprocité sur le plan social.

Notez que je ne suis pas allée chercher d’exemple au niveau mondial, et que je me suis contentée du niveau européen. Quoi qu’il en soit, nous avons ouvert cette discussion dans le cadre du projet de loi d’habilitation. Nous nous donnons la possibilité d’y réfléchir. Nous en discuterons dès la semaine prochaine dans le cadre des concertations que nous avons programmées avec les partenaires sociaux. Je serai alors en mesure de vous présenter des propositions un peu plus concrètes.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Madame Dumont, je tiens à vous préciser que tout citoyen peut d’ores et déjà aller sur le site de l’Assemblée et déposer une contribution sur le texte qui l’intéresse.

M. Bernard Perrut. Madame la ministre, les réflexions et propositions du Gouvernement sont en cohérence avec un certain nombre de combats que nous avons menés ici lors du précédent quinquennat.

L’intérêt du texte dépendra aussi des outils de négociation qui seront donnés aux petites et moyennes entreprises. C’est sur ce point que je voudrais insister, puisque les ordonnances souhaitent étendre de manière significative la primauté de l’accord d’entreprise, afin de permettre à celles-ci de s’adapter à leurs besoins. Toutefois, cette ouverture du champ de la négociation crée une opportunité qui reste difficile à saisir pour les TPE et PME dépourvues de délégué syndical.

La loi du 8 août 2016 a déjà facilité la validation des accords conclus par des élus non mandatés en supprimant l’approbation de la commission paritaire de branche. Actuellement, un accord peut être signé par des membres titulaires élus au comité d’entreprise ou à la délégation du personnel ou, à défaut, par des délégués du personnel titulaires représentant la majorité des suffrages lors des dernières élections professionnelles.

L’extension de la primauté de l’accord d’entreprise n’a donc de sens que si on donne aux petites entreprises la possibilité d’accéder plus facilement à la négociation. Êtes-vous prête, madame la ministre, à reconsidérer le rôle que pourraient tenir en particulier les délégués du personnel dans la négociation d’accords collectifs ?

Par ailleurs, pour permettre la continuité du dialogue social dans l’ensemble des entreprises, y compris les très petites, et, en l’absence d’institutions représentatives du personnel, l’employeur doit pouvoir organiser l’élection d’un salarié chargé de négocier un accord pour le compte de ses collègues, avant de soumettre cet accord pour validation à l’approbation de l’ensemble des salariés.

Êtes-vous favorable, madame la ministre, à cette possibilité qui permettrait, notamment aux TPE, de bénéficier de la souplesse ouverte par l’extension des domaines du code du travail où s’applique la primauté de l’accord d’entreprise ?

Mme Carole Grandjean. Merci, madame la ministre, pour les éléments que vous nous apportez ce soir. J’ai bien entendu que le modèle social serait renouvelé et qu’il intégrerait, notamment, des révisions concernant les conditions de détachement des travailleurs à l’article 5 de votre projet.

Nous subissons en France la concurrence de travailleurs venant de pays européens, dans des conditions sociales qui créent un décalage avec nos salariés français. Je suis députée de Meurthe-et-Moselle, département qui se situe au carrefour de plusieurs frontières. Au quotidien, des artisans, des professionnels du bâtiment et des transports, des salariés me font part des difficultés que crée pour eux la concurrence de ces travailleurs détachés qui viennent de pays européens.

Pouvez-vous nous préciser les mesures que vous proposez en la matière ? Car ces salariés attendent beaucoup de nous aujourd’hui.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Madame la ministre, je souhaite intervenir d’abord sur la méthode utilisée. Je trouve en effet dommage que le premier acte de cette législature consiste à déléguer notre pouvoir de légiférer.

J’interviendrai ensuite sur les contrats de chantier – et notamment les contrats de projet. Dans la mesure où ils sont déjà en vigueur dans le bâtiment et les travaux publics (BTP), un bilan a-t-il été fait dans ce cadre ? Pourquoi privilégier ce type de contrat, qui est plus précaire qu’un CDD classique, puisque son terme n’est pas connu à l’avance et qu’il ne donne pas lieu au versement des indemnités de précarité ?

Pour aller dans le sens de ma collègue Justine Benin, j’ajouterai que chez nous, outre-mer, plus de la moitié des jeunes de moins de vingt-six ans sont au chômage, que la formation initiale y est très faible et que la formation professionnelle y rencontre de nombreuses difficultés, notamment en raison du tissu économique, dont vous avez parlé tout à l’heure.

Je rappellerai enfin que nous avons une représentation syndicale un peu particulière, avec des syndicats locaux, majoritaires chez nous, mais qui n’ont pas de représentativité nationale. J’aimerais donc savoir comment ils ont été inclus dans la concertation en cours avec les syndicats.

J’espère que les acquis que nous avons obtenus dans la législature précédente seront préservés. Je pense par exemple à l’applicabilité automatique en outre-mer des conventions et accords collectifs, dans le cadre de la loi travail, ou au report de vingt-cinq à trente ans de l’âge limite de l’entrée en apprentissage.

Mme la ministre. Monsieur Perrut, la façon d’organiser le dialogue social dans les PME et TPE est probablement un des sujets les plus difficiles, sinon en théorie, du moins en pratique.

On peut reconnaître aujourd’hui que la formule du mandatement a échoué. Il faut donc trouver d’autres solutions, en cherchant à s’inspirer de celles qui ont réussi. Je suis consciente de ne pas répondre totalement à votre question, mais elle fait partie des sujets que nous devrons examiner avec les partenaires sociaux, pour revenir très vite vers vous.

On ne saurait se satisfaire de la situation que connaissent les TPE et PME, qui emploient la moitié des salariés de notre pays, surtout dans le cadre de la primauté accordée à l’accord d’entreprise, comme vous l’avez souligné.

Madame Grandjean, je profiterai de l’occasion que vous m’offrez pour faire le point sur la question des travailleurs détachés, même si elle est extérieure à l’objet du présent texte. Comme vous l’avez constaté, nous avons pris, au nom de la France, une position assez forte au niveau européen.

La France est très concernée par le sujet. Nous comptons 280 000 détachés européens sur notre sol. Nous sommes le deuxième pays « importateur » de contrats de salariés détachés. Mais nous sommes aussi le troisième pays « exportateur », car il y a beaucoup de Français détachés à l’étranger – dans des pays frontaliers ou plus lointains.

En outre, comme vous l’avez fait observer à propos de la Meurthe-et-Moselle, que je connais bien pour y avoir vécu, le phénomène est très concentré dans certains secteurs – construction, transports, agriculture – et dans certains territoires. Si 280 000 travailleurs détachés, c’est à la fois beaucoup et peu par rapport aux 18 millions de salariés que compte notre pays, le fait est que nous sommes confrontés, dans ces secteurs, dans ces territoires, aux principes de libre circulation des personnes et de libre prestation de services, et à la concurrence, déloyale ou non.

La position que j’ai prise, au nom du Gouvernement, et dont le président de la République s’est entretenu à plusieurs reprises avec la Chancelière allemande et avec plusieurs chefs de gouvernement européens, est la suivante.

En premier lieu, nous n’avons pas accepté ce qui était proposé par la Commission européenne. Certes, la formule « à salaire égal, travail égal » était intéressante, mais on n’y incluait pas les charges sociales. En outre, il convenait, selon nous, de progresser encore sur quatre points.

Premier point : la coordination contre la fraude. L’inspection du travail française ne contrôle que le volet français du détachement. Elle ne peut pas contrôler à la source l’entreprise qui envoie des détachés. Il est donc nécessaire de disposer d’une plate-forme européenne de coordination contre la fraude.

Deuxième point : la réduction du détachement dans le temps. Si la durée moyenne de détachement des salariés qui arrivent en France est actuellement de quarante-huit jours, plusieurs pays ont proposé de limiter cette durée à douze ou vingt-quatre mois. Cela constituerait une mesure opportune de protection.

Troisième point : l’intégration des transports dans la directive sur le détachement. Cela m’amène à aborder la question du cabotage, qui intéresse tout particulièrement nos PME locales qui font du transport régional ou interrégional, car elles sont menacées par la concurrence des entreprises étrangères qui font transporter à moindre coût des marchandises – entre Brest et Strasbourg, par exemple – par leurs camions, une fois que ceux-ci ont délivré leur chargement. C’est principalement pour cela que nous avons demandé – mon ministère s’était coordonné sur ce point avec celui des transports – que l’on considère le transport, y compris le cabotage, comme étant concerné de plein droit par la directive sur le détachement, alors qu’il était normalement traité dans un autre contexte.

Quatrième et dernier point : nous pensons qu’il faut agir sur le règlement de sécurité sociale – qui est un autre texte, différent de la directive sur le détachement, mais qui est discuté en même temps – pour sécuriser la règle « à travail égal, salaire égal ».

Mais nous sommes vingt-sept, et la France bénéficie elle aussi du détachement. Elle ne peut donc pas adopter une attitude uniquement défensive. Il faut trouver des règles du jeu équitables, assurant à la fois la protection des salariés concernés et celle des entreprises, en termes de concurrence et de lutte contre la fraude.

Cela m’amène à aborder un thème que je n’ai pas encore évoqué : les sociétés « boîte aux lettres », créées à seule fin de détacher des salariés. On peut considérer que c’est un détournement, sinon de la lettre, du moins de l’esprit du détachement. C’est pourquoi nous avons proposé que, dans le cadre du règlement de sécurité sociale européen, les salariés concernés doivent avoir déjà travaillé au moins trois mois dans l’entreprise. J’ajoute qu’un dispositif de contrôle commun nous permettrait d’éviter ces effets d’aubaine, qui sont négatifs.

En résumé, nous ne sommes pas défensifs en matière de détachement, qui peut permettre à des salariés français de trouver du travail, notamment frontalier. Mais nous considérons que les règles actuelles sont insuffisantes pour protéger les salariés, et que le risque de dumping social est réel, comme on l’a parfois constaté.

L’Allemagne et la France, ainsi que d’autres pays, ont tenu le même discours. La présidence maltaise de la Commission a fait reporter le vote, ce qui était une bonne chose, car on a ainsi évité d’opposer une partie de l’Europe à l’autre, et préservé une chance de parvenir à une convergence. La présidence estonienne a repris le sujet, qui sera à l’ordre du jour dans les prochains mois.

Cela m’a éloigné de la loi d’habilitation, et je vous prie de m’en excuser, mais c’est un sujet qu’il faudra régler si l’on veut mener à bien la construction d’une Europe sociale.

Madame Vainqueur-Christophe m’a interrogée sur les contrats de projet et de chantier.

Il existe aujourd’hui un contrat de chantier, principalement dans le secteur de la construction. Celui-ci permet à des salariés d’être en CDI, sur des chantiers de longue durée, en moyenne de trois ans. Car, en dehors des protections qui lui sont propres, le CDI a des effets importants dans la vie quotidienne – il permet, par exemple, de trouver plus facilement un logement, d’obtenir des prêts. La différence entre CDD et CDI ne s’apprécie pas seulement en matière de droit du travail, mais également en matière de qualité de vie. C’est pour cela que l’on a créé les CDI de chantier à destination de ceux qui travaillent dans les grands chantiers de construction – je pense à celui du Louvre à Lens, dont on savait lors de son lancement qu’il durerait trois ans. Mais cela nous semble exclusivement un sujet de branche, qu’on ne peut pas traiter au niveau de l’entreprise.

Dans un autre secteur, la fédération SYNTEC, qui regroupe les bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseil, a signé un accord très équilibré permettant la signature de tels contrats pour les grands projets de transformation informatique – quiconque a eu affaire, dans sa vie professionnelle, à un progiciel de gestion intégré est conscient de ce que cela représente ! Encore une fois, dans des secteurs où c’est pertinent, nous pensons intelligent de permettre aux partenaires sociaux de discuter de tels accords au niveau d’une branche.

Mais revenons aux outre-mer, où la situation de l’emploi et l’accès à la formation professionnelle ont encore plus d’importance que dans le reste du territoire français – en raison, notamment, du taux élevé de chômage sur ces territoires ; je suis d’ailleurs tout à fait d’accord pour que nous travaillions ensemble sur de tels sujets quand ils viendront en discussion.

Madame la députée, nous n’avons pas encore rencontré les syndicats particuliers des outre-mer, car nous rencontrons en priorité les huit organisations patronales et syndicales, dites « représentatives » au sens de la loi. Mais nous organisons aussi des consultations avec des gens qui ne sont pas « représentatifs » au niveau interprofessionnel – la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) ou d’autres. Je pense que dans ce cadre-là, mon équipe est tout à fait prête à étudier avec vous et avec les syndicats particuliers comment « instancier » cela dans les outre-mer.

M. Arnaud Viala. Madame la ministre, merci pour votre intervention et pour les compléments d’information que vous nous apportez au fur et à mesure. Comme l’ont dit les orateurs du groupe Les Républicains, cette réforme a été rendue nécessaire par la situation économique de notre pays, alors même que la loi El Khomri, dont les mesures avaient en quelque sorte été « congelées » par l’utilisation de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, nous avait laissé un goût d’inachevé.

Je voudrais vous poser trois questions.

La première concerne le document-cadre devant servir de base aux discussions qui vont se poursuivre tout l’été. Pourquoi celui-ci ne contient-il pas de déclaration d’intentions sur la simplification du code du travail ? C’est un besoin essentiel, que nous font remonter l’ensemble des acteurs économiques et des salariés de notre pays, comme vous l’avez-vous-même déclaré dans votre propos. Le code du travail est en effet devenu un énorme pavé qui, à bien des égards, est devenu illisible. Une telle déclaration d’intentions aurait pu figurer à l’article 1er.

Ma deuxième question, qui a été soulevée à plusieurs reprises, concerne la prise en compte des TPE et des PME. J’ai rédigé des amendements en ce sens, à plusieurs endroits du texte qui nous est actuellement présenté. Par exemple, les seuils y sont évoqués de manière très imprécise, alors que la précision s’imposait. Et pour moi, le bon seuil ne se situe pas à 50 salariés, mais beaucoup plus bas, car certaines TPE ne comptent qu’un, deux, trois ou cinq salariés.

Ma troisième et dernière question est de savoir pourquoi vous avez choisi de ne vous adresser qu’aux entreprises privées. Selon moi, certains sujets intéressent également les acteurs économiques publics. Il faut absolument répondre aux questions que ceux-ci se posent, en termes de dialogue social, dans leur secteur.

Mme Éricka Bareigts. Madame la ministre, je voudrais revenir sur les territoires d’outre-mer, car les réponses que vous avez données à leur propos m’ont semblé très incomplètes.

D’abord, j’ai l’impression que nos 3 millions de concitoyens ultramarins ont été oubliés dans cette approche, s’agissant du moins des ordonnances portant renforcement du dialogue social.

Nos économies sont des économies insulaires, avec de profondes singularités et des enjeux extrêmement importants – notamment l’ancrage océanique des territoires. Situés au voisinage de continents puissants, nous sommes confrontés à une très forte concurrence et à d’extrêmes difficultés. Ainsi, le taux de chômage atteint 27% à Mayotte, 22 % à La Réunion, et 44 % chez les jeunes. Dans un tel contexte, comment imaginer que les contrats « de chantier » pourront constituer une réponse acceptable pour les ultramarins ? Je pense en effet que les salariés vont être considérés comme des « salariés kleenex » et que cela va provoquer une très grande instabilité professionnelle.

Ensuite, nous avons des particularités. Je pense aux structurations de filiales. Par exemple, lorsque de grands groupes s’installent, leurs filiales locales, trop éloignées de la société-mère, ne peuvent bien souvent pas bénéficier d’un comité d’entreprise. D’autre part, nous n’avons pas, ou peu, de structuration par branche sur nos territoires.

Dans un tel contexte, je reprends une question qui vous a déjà été posée, n’ayant pas bien saisi la réponse : avez-vous associé les partenaires sociaux de nos territoires aux discussions ? Avez-vous une autre méthode permettant de nous assurer que nos territoires sont associés à cette discussion ?

Enfin, je ferai une suggestion reprenant la logique de co-construction que nous proposait le président du groupe de la République en marche. Nous pourrions profiter de la tenue des Assises des outre-mer pour nous associer à la co-construction de ces ordonnances qui concernent les territoires ultra-marins autant que les autres territoires.

M. Brahim Hammouche. Les mutations actuelles du monde du travail nous invitent à refonder le contrat social en remplaçant le réformisme et le pragmatisme au cœur de ce projet de refondation, et en proposant un mode équilibré de régulation sociale fondé sur le dialogue et l’intelligence collective.

Je prends note, à cet égard, de votre volonté de rendre au syndicalisme les voies et moyens de ses ambitions – par exemple, possibilité de généralisation du chèque syndical ; accès plus facile aux règles tant pour les salariés que pour les employeurs – et je m’en félicite. Cependant, la nouvelle articulation des normes que vous proposez nécessite un travail de réassurance pédagogique, et dans le cadre de ce nouveau contrat de confiance que vous proposez aux acteurs économiques et sociaux, les discussions s’ajusteraient prioritairement au plus près des réalités de terrain, au cœur de l’entreprise, sans méconnaître pour autant le rôle régulateur des branches.

Dans cette perspective, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer l’état d’avancement de la restructuration de ces branches ? Pouvez-vous retracer pour nous une feuille de route, et nous informer du calendrier à venir concernant ce chantier ?

Par ailleurs, lors de la précédente législature, un compte personnel d’activité avait été mis en place. Que deviendra-t-il avec la réforme du code du travail qui est en cours ?

Enfin, nous avons en Moselle un code du travail particulier, avec un certain nombre d’avantages liés au régime local. Que va devenir ce code du travail ? Et puisque vous avez évoqué la suppression des cotisations salariales, que deviendra le régime local ?

Mme la ministre. Monsieur Viala, je vous répondrai que les termes de simplicité, de recherche de clarté et de simplification reviennent en permanence, aussi bien dans l’exposé des motifs que dans le texte du projet de loi.

J’ajouterai que la lourdeur et la complexité du code du travail ne tiennent pas aux quelques principes généraux qui y sont posés, mais au fait que celui-ci est beaucoup trop précis et bourré d’exceptions – afin de régler de nombreux cas concrets. À partir du moment où l’on réaffirmera les principes, mais où un certain nombre de choses pourront être traitées au niveau de la branche et de l’entreprise, le code du travail s’allégera mécaniquement. On pourra ainsi réécrire certaines pages d’autant plus facilement que l’on connaîtra clairement ce qui relèvera de la loi, de la branche ou de l’entreprise, car la maxime selon laquelle ce qui se conçoit bien s’énonce clairement s’applique aussi au code du travail.

J’ai déjà répondu sur les seuils. Comme l’ont signalé à juste titre nombre d’entre vous, ceux-ci sont déterminants pour la représentation du personnel et la qualité du dialogue social. Effectivement, à 10 ou 50 salariés, ce n’est peut-être pas la même chose. Mais quoi qu’il en soit, c’est à travers ce prisme que nous souhaitons aborder le sujet.

Enfin, vous avez évoqué, comme M. Vercamer, le secteur public. Je dois donc vous redire que le code du travail s’applique au secteur privé, et que seul le secteur privé entre dans mon champ de responsabilité. J’ai bien compris votre question, mais ce n’est pas dans ce cadre ni ce soir que l’on peut la traiter.

Madame Bareigts, vous avez raison, l’ancrage insulaire donne au marché du travail des outre-mer des caractéristiques fortes. Permettez-moi cependant de « rebondir » sur une remarque que vous avez faite concernant le contrat de chantier.

Le contrat de chantier est une façon de remplacer des CDD et de l’intérim par des CDI améliorés – et non l’inverse. Et je peux vous citer un cas, celui de la construction navale, où l’entreprise et les organisations professionnelles étaient d’accord pour prendre un marché avec un contrat de chantier, mais, les textes ne sécurisant pas suffisamment celui-ci, l’affaire ne s’est pas faite et le marché n’a pas été remporté.

Quand on dit qu’il faut raisonner par branche, c’est parce que l’on pense à un certain nombre de situations de ce type. Il n’est pas question de généraliser le contrat de chantier. Mais lorsque celui permet de gérer le moyen terme et d’embaucher davantage en CDI, on peut dire qu’il sert l’intérêt général.

Comme votre collègue, vous avez insisté sur le fait que l’on puisse prendre en compte les situations des organisations syndicales qui ne sont pas représentatives au sens de la loi et du code du travail. Je l’ai dit, nous consultons en priorité les organisations dites « représentatives » au sens légal, mais nous seront amenés à consulter aussi les autres dans les semaines qui viennent.

Monsieur Hammouche, j’ai vécu, moi aussi, en Moselle, et je suis sensible à la question que vous avez soulevée. Elle ne relève pas de la loi d’habilitation, mais elle pourrait être traitée, le cas échéant, dans le cadre des ordonnances. Nous sommes donc en train d’examiner le sujet, afin de pouvoir vous apporter rapidement des éclaircissements.

Par ailleurs, la loi du 8 août 2016 sécurise le processus de restructuration des branches, et nous nous inscrivons dans cette continuité. Aujourd’hui, nous sommes déjà passés de 850 branches à 750 environ, et le processus continue. Le travail le plus facile consiste à supprimer les branches totalement inactives. Ensuite, il faut procéder à des regroupements, et des discussions sont en cours à cette fin dans de nombreuses branches.

La difficulté est d’ordre psychologique autant que matériel. En effet, la branche n’est pas seulement considérée comme un cadre de référence avec des règles communes pour des métiers proches, mais aussi comme une sorte d’identité professionnelle. Cela dit, une branche élargie peut tout à fait prévoir, dans tel ou tel secteur, des dispositions un peu différentes pour tel ou tel métier spécifique.

Quoi qu’il en soit, la loi a prévu que les branches, une fois la fusion réalisée, disposeront de cinq ans pour harmoniser éventuellement leurs dispositions. En effet, il y a parfois des branches très proches par leurs métiers, mais dont les dispositions sont très éloignées pour la simple raison qu’elles ont évolué différemment.

Avec 750 branches, le dialogue social est difficile. Il y a de nombreuses branches très petites, qui n’ont pas les moyens de mener une réflexion et qui produisent très peu de normes sociales. Si l’on veut que les branches jouent pleinement leur rôle, leur regroupement est essentiel. Nous considérons ainsi que les branches territoriales qui n’ont pas déposé d’accord depuis quinze ans sont inactives et n’ont plus lieu d’être ; il faut donc qu’elles se regroupent. Quant à celles qui n’ont pas négocié depuis dix ans et qui comptent moins de 5 000 salariés, on peut légitimement se demander si elles apportent quelque chose aux entreprises et aux salariés.

La loi a fixé un calendrier sur trois ans, mais il est envisagé de gagner un an. Les discussions en cours devraient aboutir à 600 branches environ, mais l’objectif final est de 200 branches. Cela nous assurera des branches fortes, capables à la fois d’appuyer les petites entreprises et de renforcer les modalités du dialogue social. Nous allons devoir mettre une certaine « pression » en faveur de ce regroupement, car c’est une condition majeure du renforcement du dialogue social.

Mme Caroline Fiat. Madame la ministre, vous ne cessez d’en appeler à la « confiance ». Et si l’on faisait confiance aux salariés en leur accordant un droit de veto suspensif sur les orientations stratégiques des entreprises ? Faites la démonstration que la confiance dont vous parlez n’est pas à géométrie variable !

En second lieu, la barémisation des dommages et intérêts revient à fixer le montant d’un préjudice a priori. Est-ce là votre conception de la justice ?

Enfin, vous dénoncez le travail précaire, alors que vous étendez le contrat de chantier. Contre le travail précaire, nous avons une proposition à vous soumettre : pas plus de 10% de CDD dans les PME, pas plus de 5% dans les grandes entreprises. Qu’en pensez-vous ?

M. Joël Aviragnet. Ma question devrait s’adresser à M. Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, puisqu’elle concerne le prélèvement à la source. Mais c’est à vous que je la pose, puisque le Gouvernement a décidé d’intégrer dans sa réforme du droit du travail une mesure qui relève du financement de l’État. En effet, dans l’article 9 de votre projet de loi, vous demandez au Parlement de vous autoriser à reporter d’un an l’entrée en vigueur du prélèvement à la source, initialement prévue pour le 1er janvier 2018. Or il s’agit d’une réforme attendue de longue date par nos concitoyens, et votée par la majorité précédente dans son principe comme dans ses détails et son calendrier. Il appartient au Gouvernement, en vertu de l’article 21 de notre Constitution, d’assurer l’exécution de la loi.

Cette réforme, comme je l’ai dit, relève des questions fiscales, donc de la commission des finances et du ministère de l’action et des comptes publics. A ce titre, elle devrait être examinée dans le cadre d’une loi de finances, et non dans celui d’une loi ordinaire. C’est d’autant plus vrai que le Gouvernement souhaite adopter cette réforme par ordonnance. Or l’article 47, alinéa 3, de la Constitution prévoit qu’en matière fiscale le Gouvernement peut prendre des ordonnances « si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours » ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Ce mélange des portefeuilles et des compétences n’est pas de nature à inspirer confiance au Parlement.

Enfin, j’ai peur que ce report de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source ne serve à cacher au contribuable la hausse de la CSG prévue par le Gouvernement. Hasard du calendrier ? Cette hausse de la CSG interviendrait exactement à la même date que celle définie par votre Gouvernement pour l’entrée en vigueur du prélèvement à la source, au 1er janvier 2019.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Monsieur Aviragnet, la commission des finances est saisie pour avis de cet article, et en débattra demain à 11 heures 45.

M. Joël Aviragnet. Vous m’en voyez ravi, madame la présidente.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Madame la ministre, ma question concerne le volet relatif à la sécurisation juridique des relations du travail.

La reprise du travail après un arrêt maladie de longue durée nécessite une visite de la médecine du travail. Bien souvent, cette visite n’est pas possible dans les délais légaux, en raison de la forte pénurie de médecins du travail – et de médecins tout court, d’ailleurs. Quelle adaptation proposez-vous afin d’éviter d’éventuels conflits sociaux ou d’éventuelles tensions sociales ? Et qu’en est-il de la refonte de la médecine du travail ?

M. Gabriel Serville. Après quelques années de baisse, les chiffres du chômage en Guyane sont repartis à la hausse. Ainsi, à ce jour, 23 % de la population active est au chômage, soit un peu plus de deux fois le pourcentage national. Hélas, cette situation semble laisser tout le monde totalement indifférent. Vous comprendrez donc à quel point je déplore le choix fait par le Gouvernement de ne pas ouvrir le débat parlementaire sur un sujet aussi important que l’accès à l’emploi, la protection des travailleurs et la stimulation de nos acteurs économiques.

Je trouve également regrettable que, nulle part dans le projet qui nous est soumis aujourd’hui, ni même dans l’exposé des motifs ou dans l’étude d’impact, il ne soit fait mention des adaptations nécessaires aux réalités observées dans nos territoires d’outre-mer qui, je le rappelle, en matière d’emploi comme ailleurs, n’ont rien à voir avec les réalités de la France hexagonale.

Aussi est-il impératif que les élus et les représentants des salariés des entreprises ultramarines soient entendus dans le cadre de vos concertations. Sur de nombreux sujets, vos ordonnances ne pourront pas faire l’économie de certains degrés d’adaptation. Je pense notamment au compte pénibilité, au contrat de chantier, ou encore à la question du dialogue social.

Par ailleurs, serait-il possible d’avoir davantage de visibilité sur votre feuille de route, notamment en ce qui concerne la discrimination à l’embauche ? En effet, en dépit du corpus légal, l’Observatoire des discriminations, qui lutte contre certaines pratiques juridiquement condamnables, est complètement débordé.

Mme Jeanine Dubié. Merci, madame la ministre, pour votre présentation et les explications que vous avez apportées sur cet important projet de loi, en ce début de législature.

Je ne reviendrai pas sur la méthode des ordonnances utilisée par le Gouvernement, qui a été largement remise en cause ce soir par mes collègues, à juste titre d’ailleurs. Je partage en effet leur préoccupation en la matière. Cela étant dit, j’aurai deux questions à vous poser.

Ma première question porte sur les CDI de projet, à propos desquels vous avez déjà répondu. Mais je souhaiterais quelques précisions sur votre définition de la notion de « projet ». Celle-ci sera-t-elle définie dans le cadre de la loi d’habilitation ? Souhaitez-vous tout de même encadrer ce contrat, de façon à protéger le salarié ? Quelle sera la durée maximale de ce contrat ? Il semble que dans le bâtiment et les travaux publics, cette durée soit de vingt-quatre mois. N’y a-t-il pas là un risque de généralisation, qui pourrait entraîner, à terme, la fin du CDI tel qu’on le connaît actuellement ?

Ma deuxième question porte sur le périmètre des licenciements économiques. Vous souhaitez, par ce projet de loi, prendre en compte le périmètre géographique et celui du secteur d’activité dans lequel la cause économique est appréciée. Nous avons déjà eu le débat lors de la précédente loi sur le droit du travail, et nous avions alors souhaité que les difficultés économiques soient appréciées à l’échelle de l’espace économique européen. Quel périmètre entendez-vous retenir ?

Mme la ministre. Pour se faire confiance, madame Fiat, il faut être deux. Le droit de veto unilatéral n’a pas de sens ; le dialogue social, si.

Quant à la limitation du nombre de CDD par entreprise, le Gouvernement – et c’est sans doute aussi le souhait des députés qui, tous les jours, sont au contact de nos concitoyens – est attaché à prendre des mesures adaptées aux réalités. En limitant à 10 % le nombre de CDD par entreprise, nous tuerions la quasi-totalité du secteur culturel français, par exemple, où ces contrats sont majoritaires – ce que l’on peut regretter ou non. Compte tenu de la manière dont se font les projets et les financements dans ce secteur, ce serait une catastrophe. Cet exemple suffit à démontrer que nous devons être pragmatiques.

Le CDI reste autant que possible la norme et le but, et tout ce que nous pouvons faire, les uns et les autres, pour lutter contre la précarité et favoriser le long terme est utile. Pour ce faire, il faut accepter de la souplesse – c’est le paradoxe. C’est ainsi que nous pourrons créer la possibilité de véritables contreparties permettant de multiplier les CDI. Ce n’est pas en décrétant des mesures « hors sol », éloignées de la réalité des entreprises et des marchés, que nous y parviendrons.

La médecine du travail, madame Firmin Le Bodo, est un sujet que nous devons traiter – un amendement le concernant me permettra d’y revenir plus en détail demain – car les problèmes que vous avez soulevés sont tout à fait réels.

Puisque nous avons abordé l’ensemble des sujets avec les organisations représentatives, monsieur Serville, le temps est en effet venu de consulter les autres organisations, notamment celles d’outre-mer, et nous allons explorer selon quelles modalités nous pourrons les rencontrer afin d’examiner ce qui doit être adapté, le cas échéant.

J’ai cité, madame Dubié, les secteurs de la construction navale et de l’informatique, où les logiques de marché reposent sur de grands chantiers. Il arrive que les CDI se prolongent au-delà d’un seul et même chantier – et c’est précisément pour conserver les compétences dont elles disposent que les entreprises concernées signent des CDI de chantier, même s’il arrive que ce ne soit pas possible faute de nouveau chantier. Aujourd’hui, le CDI de chantier protège mieux que la situation qui prévaut dans certaines branches, où les contrats d’intérim et les CDD se multiplient, au détriment de la sécurité de l’emploi et parfois de la sécurité tout court, sur un même chantier – pour un même salarié ou non. L’encadrement par la loi et la définition par accord de branche permettront d’éviter les dérives, et cette double précaution contribuera davantage à la lutte contre la précarité que l’inverse.

S’agissant de l’Europe sociale, deux rendez-vous importants se profilent à l’automne. Le premier a trait à la directive sur les travailleurs détachés ; je l’ai évoquée. Le second sera le grand rendez-vous social de l’Europe en novembre, à Göteborg, à l’occasion duquel nous formulerons avec d’autres pays plusieurs propositions car si la France doit protéger, l’Europe doit protéger aussi, et plus elle le fera, plus ses membres, y compris les grands pays comme le nôtre, seront forts face à la compétition mondiale, pour le bénéfice des salariés comme des entreprises. La feuille de route sera longue, car à vingt-sept le processus est lent ; mais quelle puissance ! Lorsque les Vingt-Sept et leurs 500 millions de citoyens prennent position, cela fait une grande différence non seulement pour les Européens, mais aussi dans le monde.

Mme la présidente. Nous allons clore ce débat, étant entendu que ceux de nos collègues qui auraient encore des questions à poser pourront le faire au cours de l’examen des articles et amendements. Je vous remercie, madame la ministre, pour la précision de vos réponses et pour le temps que vous nous avez consacré ce soir. Tous les parlementaires présents ont pu trouver réponse à leurs questions, et je vous sais gré de vous être pliée à cet exercice délicat en ayant un échange interactif.

En début de séance, M. Vallaud a fait part de son souhait de déposer une contribution écrite : nous y avons répondu favorablement. Le groupe de la France insoumise a exprimé le même souhait. Je vous annonce donc que chaque groupe d’opposition ou minoritaire pourra, par l’intermédiaire de son secrétariat général, déposer une contribution auprès du secrétariat de la commission. Ces contributions ne devront pas excéder 13 000 caractères, espaces compris, soit cinq pages environ, et elles devront être transmises douze heures au plus tard après la fin des nos travaux afin d’être intégrées au rapport. Cette règle me paraît équitable pour tous les groupes.

M. Boris Vallaud. La contribution à laquelle vous faites référence et la nomination d’un rapporteur d’application sont deux choses différentes, madame la présidente.

Mme la présidente. En l’espèce, toutes les contributions seront soumises au même régime s’agissant du format et du délai.

Nous auditionnerons demain matin les partenaires sociaux. Nombreux sont ceux d’entre nous qui auraient aimé participer à l’hommage qui sera rendu au même moment à Mme Simone Veil, mais nous ne pouvons plus déplacer ces auditions essentielles. Je vous proposerai donc d’observer une minute de silence en son honneur.

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*  *


Informations relatives à la Commission

La commission des affaires sociales a désigné :

M. Laurent Pietraszewski, rapporteur sur le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 4) ;

En application de l’article 145-7, alinéa 2 du Règlement, M. Boris Vallaud, rapporteur sur l’application de la loi issue du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 4) ;

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, rapporteure sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-31 du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi n° 201641 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (n° 6) ;

Mme Élisabeth Toutut-Picard, rapporteure sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé (n° 7) ;

M. Thomas Mesnier, rapporteur sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé (n° 8).

 

 

La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.


Présences en réunion

Présents. - M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Bagarry, Mme Ericka Bareigts, M. Belkhir Belhaddad, Mme Justine Benin, M. Bruno Bilde, M. Bruno Bonnell, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Marine Brenier, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Guillaume Chiche, Mme Christine Cloarec, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Albane Gaillot, Mme Carole Grandjean, Mme Florence Granjus, M. Jean-Carles Grelier, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Fiona Lazaar, Mme Charlotte Lecocq, Mme Geneviève Levy, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thierry Michels, M. Patrick Mignola, M. Bernard Perrut, Mme Valérie Petit, Mme Michèle Peyron, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Mireille Robert, Mme Laëtitia Romeiro Dias, M. Aurélien Taché, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Adrien Taquet, Mme Élisabeth Toutut-Picard, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, Mme Annie Vidal, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner

Excusés.  

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Louis Bricout, Mme Céline Calvez, Mme Laurence Dumont, Mme Josette Manin, Mme Christine Pires Beaune, M. Gabriel Serville, M. Arnaud Viala