Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

–  Examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2016 (n° 5) (M. Joël Giraud, Rapporteur général)               2

–  Examen d’un rapport d’information préalable au débat d’orientation des finances publiques (M. Joël Giraud, Rapporteur général)              17

–  Présences en réunion...........................28

 

 

 


Mercredi
12 juillet 2017

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 6

session extraordinaire de 2016-2017

 

 

Présidence

 

 

 

de M. Éric Woerth,

Président


  1 

La commission examine le projet de loi de règlement du budget et dapprobation des comptes de lannée 2016 (n° 5) (M. Joël Giraud, Rapporteur général).

M. le président Éric Woerth. La commission, après une matinée dense, est appelée cet après-midi à se pencher sur deux sujets sur lesquels je remercie et félicite notre rapporteur général d’avoir travaillé aussi vite. Nous commencerons par le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2016 et nous nous pencherons ensuite sur le rapport d’information préalable au débat d’orientation des finances publiques.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Nous allons examiner en commission le premier texte financier de notre législature. Et celui-ci porte sur le dernier exercice de la précédente législature puisqu’il s’agit du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes 2016.

Avant d’examiner les articles qui le composent et l’unique amendement dont il fait l’objet, je ferai une brève présentation pour rappeler les enjeux que soulève ce texte et les principaux chiffres qu’il est bon, me semble-t-il, d’avoir en tête.

Vous avez raison, monsieur le président, de souhaiter que le Parlement porte davantage attention aux lois de règlement : le temps que l’on y consacre est généralement inversement proportionnel à la quantité d’informations disponibles à examiner...

Outre le projet de loi, plusieurs dizaines d’annexes nous sont fournies par le Gouvernement, conformément aux prescriptions de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) : cinquante rapports annuels de performances portant sur les missions du budget général, les comptes d’affectation spéciale et les comptes de concours financiers ; sept annexes développant l’examen des crédits et présentant l’exécution des comptes de commerce et des comptes d’opérations monétaires ; le compte général de l’État, d’un volume de 290 pages, accompagné de son rapport de présentation, ainsi que le rapport sur le contrôle interne de gestion...

À cela, il faut ajouter les documents produits par la Cour des comptes : son rapport sur l’exécution du budget bien sûr, mais aussi les soixante-quatre notes d’analyse de l’exécution budgétaire, les fameuses NEB.

Tout ceci représente plusieurs milliers de pages ; il est essentiel que, dans le cadre des activités de contrôle du Parlement, les rapporteurs spéciaux et la commission, dans son ensemble, se saisissent pleinement de ces informations précieuses pour améliorer l’efficience des politiques publiques.

La loi de règlement comprend sept articles qui seront mis aux voix les uns après les autres.

Il s’agit d’abord d’un article liminaire qui porte sur le déficit public, c’est-à-dire le solde en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, lesquelles incluent l’État mais aussi les administrations de la sécurité sociale et des collectivités locales.

Viennent ensuite six autres articles qui portent sur le seul budget de l’État en comptabilité budgétaire, budget qui constitue l’objet essentiel de la loi de règlement. Celle-ci est à l’État ce que le compte administratif est aux collectivités territoriales.

L’article liminaire fait état d’un déficit public de 3,4 % du PIB pour 2016. C’est un taux encore élevé, mais deux fois moindre qu’en 2009, année qui a suivi les débuts de la crise financière. La baisse du déficit se poursuit mais à un rythme qui ralentit ces dernières années.

Le déficit structurel se situe actuellement à 1,6 % ou 1,7 % selon les hypothèses retenues par la France sous la précédente législature. La Commission européenne l’estime quant à elle à 2,5 %. L’objet de cette loi de règlement n’est pas de revenir sur les hypothèses précédemment fixées ; celles-ci seront rediscutées dans le cadre de la prochaine loi de programmation des finances publiques qui sera examinée à la rentrée. J’émettrai donc un avis défavorable sur tous les amendements qui viseraient à réécrire l’article liminaire.

L’État porte l’essentiel du déficit public. Son déficit budgétaire est de 69,1 milliards d’euros. Ce résultat a pu être atteint grâce au solde exceptionnellement élevé des comptes spéciaux, qui se situe à 6,8 milliards d’euros.

Une loi de règlement est l’occasion de répondre à deux questions : premièrement, la situation s’améliore-t-elle d’exécution en exécution ? Deuxièmement, les objectifs fixés par le législateur dans la loi de finances initiale, voire dans la loi de finances rectificative, ont-ils été atteints ?

On peut répondre de façon positive à ces deux questions puisque le déficit budgétaire est en baisse et qu’il est moins élevé que ce qui avait été prévu en loi de finances initiale et en loi de finances rectificative.

Depuis 2012, le déficit budgétaire de l’État a été réduit de 18 milliards d’euros. Il l’aurait été de 30 milliards d’euros sans les compensations supplémentaires versées à la sécurité sociale : l’État a dû prendre à sa charge 12 milliards supplémentaires d’allégements de cotisations sociales décidés en 2014 dans le cadre de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité.

Pour 2016, les recettes nettes du budget général ont été de 300,3 milliards d’euros, dont 284,1 milliards d’euros de recettes fiscales nettes. Elles sont inférieures de 3,1 milliards, soit environ 1 %, à ce qui avait été prévu en loi de finances initiale. Les dépenses nettes du budget général ont été de 376,2 milliards d’euros, soit 310,7 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent les prélèvements sur recettes à l’Union européenne, de 19 milliards d’euros, et aux collectivités territoriales, de 46,5 milliards d’euros.

Les dépenses ont été tenues, puisqu’elles sont inférieures d’un milliard d’euros à la prévision. Mais ce résultat a été en grande partie atteint grâce aux moindres dépenses réalisées sur la charge de la dette – 3 milliards d’euros – et les prélèvements sur recettes – 2 milliards d’euros –, ainsi qu’à une augmentation des reports de crédits – 928 millions d’euros.

Les normes de dépenses de l’État ont également été respectées pour les mêmes raisons, avec une sous-exécution de 400 millions d’euros sur le périmètre de la norme en valeur et une sous-exécution de 3,6 milliards d’euros sur le périmètre plus large de la norme en volume. Cela représente une baisse de 0,93 % par rapport à ce qui avait été voté en loi de finances initiale, soit une différence très faible, à un moment où l’on discute de modifications de crédits en cours de gestion.

Hors prélèvements sur recettes, et en intégrant les fonds de concours, les dépenses se sont élevées à 314,4 milliards d’euros. Elles sont composées à près de 40 % de dépenses de personnel et à près de 27 % de dépenses d’intervention.

Les recettes sont inférieures aux prévisions, surtout en raison de l’impôt sur les sociétés (IS). Le bénéfice fiscal de l’année 2015, qui sert d’assiette pour l’IS payé en 2016 pour la majorité des entreprises, avait été surestimé par le précédent gouvernement.

Cette mauvaise nouvelle explique que l’évolution spontanée des impôts a été plus faible que prévu : 5,2 milliards d’euros au lieu de 8,7 milliards d’euros, soit 3,5 milliards d’euros de moins. Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) et la suppression de la contribution exceptionnelle sur l’IS et d’autres revenus ont également coûté plus cher que prévu : 1,6 milliard d’euros de plus, pour être exact.

Nous avons eu, en revanche, de bonnes nouvelles s’agissant du solde des comptes spéciaux puisque celui-ci est supérieur à ce qu’avait prévu la loi de finances initiale : avec une différence de 5,4 milliards d’euros, il atteint un niveau record de 6,8 milliards d’euros. Toutefois, ce solde ne sera pas récurrent, comme l’a souligné la Cour des comptes. Il comprend notamment 1,7 milliard d’euros de ventes de participations dans des sociétés d’aéroport et 2,4 milliards d’euros de remboursements versés à l’État par l’Agence française de développement (AFD), remboursements qui ont pour contrepartie une recapitalisation du même montant payé par le budget général de l’État.

La dette de l’État quant à elle poursuit sa progression en 2016, à un rythme toutefois ralenti par rapport aux exercices antérieurs. L’encours de la dette a augmenté de 45 milliards d’euros, soit un niveau faible par rapport au niveau d’endettement annuel moyen : 98 milliards d’euros de 2007 à 2011 et 62 milliards d’euros de 2012 à 2016.

Enfin, l’exercice 2016 est marqué par une rupture de tendance forte, avec une augmentation des effectifs de l’État par rapport à 2015, alors qu’ils avaient continuellement diminué depuis 2007.

Pour terminer, je rappelle l’existence de la comptabilité générale de l’État qui offre une présentation différente de celle que nous venons d’examiner. Elle est établie selon le principe des droits constatés comme pour une entreprise : elle est encore perfectible puisqu’elle fait l’objet de quatre réserves substantielles de la Cour des comptes, mais la situation s’est améliorée puisqu’en 2006, lorsqu’elle a été créée, les réserves étaient au nombre de treize.

Cette comptabilité générale est commentée dans mon rapport écrit qui sera publié en fin de semaine. Elle offre aussi beaucoup d’informations intéressantes sur la situation patrimoniale de l’État. Elle nous apprend, par exemple, que la situation nette de l’État est négative à hauteur de 1 200 milliards d’euros. Cela donne parfois le tournis...

Je termine sur ce constat pour rappeler l’impérieuse nécessité de réussir le rétablissement des comptes publics sous ce quinquennat.

En attendant, je vous invite à adopter le présent projet de loi de règlement sans modification. Ce n’est, après tout, qu’une « loi des comptes » : on peut changer l’avenir, difficilement le passé.

M. le président Éric Woerth. L’exercice 2016 n’a pas été aussi performant qu’il aurait pu l’être, c’est le moins que l’on puisse dire. Si l’on observe une légère diminution du déficit de l’État, on recense des éléments exceptionnels de toute nature : une augmentation du nombre de fonctionnaires, un déficit public nominal de 3,4 %... Autant de tendances que la Cour des comptes avait déjà critiquées.

Mme Christine Pires Beaune. Ce matin, M. le ministre de l’économie et des finances a exprimé le souhait que davantage de temps soit consacré à la loi de règlement, quitte à en réserver moins au projet de loi de finances. J’estime que c’est une très bonne idée.

Avez-vous déjà réfléchi à la question, monsieur le président, monsieur le rapporteur général ? Si oui, avez-vous des propositions à formuler ?

M. le président Éric Woerth. Je souscris pour ma part à cette orientation, mais je reste prudent : cela fait longtemps que de telles idées sont mises en avant mais elles n’ont jamais été concrétisées. Au début d’une législature, beaucoup de bonnes intentions sont exprimées mais elles sont rarement suivies d’effets.

Il faudrait revenir sur les modalités de la discussion budgétaire, trop longue et confuse dans sa seconde partie.

Nous sommes en train de réfléchir à un toilettage, tout comme le Gouvernement. Nous examinons notamment le rôle des rapporteurs spéciaux, leur capacité à agir durant les séances publiques. Il y a beaucoup de choses à revoir, notamment des doublons qui apportent de la confusion au lieu de la clarification attendue. Inversement, le projet de loi de règlement est examiné à la va-vite, généralement en une matinée ou un après-midi, alors que l’exécution budgétaire constitue un élément très important pour préparer l’avenir.

Je suis en parfait accord avec le principe posé par le ministre ; je souhaite simplement que les changements soient effectifs. Dans cette perspective, nous formulerons des propositions.

M. le rapporteur général. Le bureau de la commission des finances s’est déjà penché sur ce sujet. Notre objectif est que chacun de ses membres apporte sa pierre à l’édifice de manière que nous puissions examiner des propositions plus concrètes lors d’une prochaine réunion. Sur la réforme de la seconde partie de la discussion budgétaire, les services de la commission ont déjà commencé à travailler. Ceux qui ont vécu les affres de l’examen des crédits budgétaires savent à quelles redondances il donne lieu. Des gains de temps nous permettraient de nous concentrer davantage sur ce « compte administratif » et d’en tirer les meilleurs enseignements possibles.

M. le président Éric Woerth. Je précise que le bureau se réunira à nouveau avant la fin de la session extraordinaire.

M. Gilles Carrez. Dans le prolongement de ce que vient de dire Christine Pires Beaune, je veux relever un élément extrêmement important dans l’exécution, c’est le décret d’avance qui nous a été présenté ce matin. Même si nous ne disposons que d’une semaine pour donner un avis, je pense qu’il faudrait recevoir au plus vite des responsables de programmes et de missions concernés, en particulier dans les secteurs qui font l’objet de très importantes annulations des crédits. Comme l’a souligné à juste titre ce matin Valérie Rabault, notre ancienne rapporteure générale, les annulations ne portent pas uniquement sur des crédits mis en réserve, loin s’en faut. Il y a un effet d’accumulation qui peut se révéler très préoccupant.

Il serait bon de programmer des auditions portant sur la mission Défense, la mission Travail et emploi, éventuellement sur le logement. Nous n’avons pas eu de réponses ce matin, mais le 1,2 milliard qui vient en plus des 3 milliards dans les décrets semble renvoyer à des mesures réglementaires qui consistent soit à fermer le robinet pour les contrats aidés, soit à revoir à la baisse, je ne sais trop comment, les montants des aides personnalisées au logement (APL). Or nous savons par expérience que lorsqu’on touche aux APL en cours d’année, cela fait du bruit sur le terrain... Nous sommes là au cœur des problèmes d’exécution budgétaire qui relèvent des lois de règlement.

Seconde observation : nous devrons regarder de près, au vu de l’exécution du budget 2016, ce qu’il en est des recettes fiscales, notamment de l’impôt sur les sociétés. Je suis très inquiet de leur évolution spontanée. J’ai l’impression qu’elles connaissent une sorte d’essoufflement : on ne retrouve pas les « taux d’élasticité » au moment des retours de croissance. Si j’ai bien compris les ministres ce matin, ils espèrent que la croissance revenue apportera des dizaines de milliards de recettes fiscales ; or ce n’est pas du tout cette évolution que l’on a observée en 2016. J’invite le rapporteur général à y regarder d’un peu plus près.

M. le président Éric Woerth. La commission a invité mardi prochain 18 juillet, à douze heures quinze, le chef d’État-major des armées, le général Pierre de Villiers, le directeur général de la gendarmerie nationale et le directeur général de la police nationale, sachant que les délais sont très courts.

M. le rapporteur général. Autrement dit, nous sommes déjà en train d’y travailler, même si ce n’est pas facile de trouver des créneaux dans un délai aussi contraint.

Mme Amélie de Montchalin. Si les auditions ont bien lieu, il serait bon d’insister sur les quatre réserves substantielles émises par la Cour des comptes : les limites générales dans l’étendue des vérifications ; les anomalies relatives aux stocks militaires et aux immobilisations corporelles ; les anomalies relatives aux immobilisations financières ; les anomalies relatives aux charges et aux produits régaliens. Il faut comprendre comment, dans le prochain cycle budgétaire, nous pourrons exercer collectivement une vigilance sur ces points, au-delà des rapports spéciaux.

Mme Émilie Cariou. Pour des raisons de délais, nous n’avons pu déposer un amendement en commission. Nous le ferons en séance publique pour demander au Gouvernement un document de politique transversale sur les moyens alloués à la lutte contre l’évasion fiscale. Beaucoup de services de l’État y travaillent – le ministère des finances, le ministère de la justice, le ministère des affaires étrangères ; il serait bon qu’ils puissent suivre davantage une stratégie commune et avoir une vision plus claire des moyens alloués à cette lutte, susceptible de rapporter beaucoup de recettes fiscales.

M. François Cornut-Gentille. J’enfonce le clou pour dire toute l’importance qu’il faut accorder à la loi de règlement. Je me réjouis du consensus de plus en plus large qui s’exprime à ce sujet, notamment dans la nouvelle majorité. C’est une bonne chose.

Rappelons toutefois que ce consensus remonte à un certain temps et que cela n’avance pas pour autant... Il est trop tard pour changer les choses pour la présente loi de règlement mais j’aimerais que nous enclenchions dès à présent une mécanique qui rende le processus irréversible.

Au-delà des membres du bureau, il serait bon d’associer d’autres parlementaires ayant réfléchi à cette question, notamment les rapporteurs spéciaux. Un des enjeux renvoie à la période de l’année où la loi de règlement doit être examinée. Si son examen intervient tôt, alors il faut que la Cour des comptes travaille plus tôt afin que nous puissions élaborer nos conclusions. Une possibilité intéressante, bien qu’elle puisse dérouter quelque peu, serait de faire précéder la discussion de la loi de finances initiale par un examen approfondi de la loi de règlement.

Si majorité et opposition élaboraient un dispositif suffisamment costaud, ancré dans un large consensus, ce serait une marque forte de changements dans les pratiques de notre assemblée et de la commission des finances.

M. le président Éric Woerth. Absolument.

M. le rapporteur général. Je partage cet objectif. Rappelons tout de même que les rapporteurs spéciaux ont le pouvoir de contrôler l’exécution du budget tout au long de l’année, et pas seulement de façon ponctuelle à l’occasion de leur rapport budgétaire. Certains exercent cette faculté, d’autres pas. Lui redonner de la vigueur permettrait d’aboutir à une loi de règlement plus pertinente.

M. le président Éric Woerth. C’est juste. Au demeurant, plus les contrôles seront étalés dans l’année, mieux ce sera. Le phénomène de concentration est infernal.

M. Charles de Courson. Je préviens les jeunes collègues que nous n’avons jamais réussi à changer cela en vingt-cinq ans : on s’est toujours « planté »... Il faut peut-être réessayer sous une autre forme. L’une des idées des membres du bureau était de prendre deux ou trois missions qui posent des problèmes particuliers et de demander aux rapporteurs spéciaux de nous dire ce qu’ils pensent de leur exécution.

Pour en revenir au présent projet de loi de règlement, je trouve que le rapporteur général n’est pas allé assez loin dans son analyse. Il suggère, mais modestement, que la dépense n’a pas été contenue contrairement aux apparences. Pourquoi ? Comme il l’a fait remarquer, nous gagnons 3 milliards d’euros sur les intérêts de la dette et 1,2 milliard d’euros sur le prélèvement sur recettes européen – la tendance va s’inverser dès l’année prochaine et ce mouvement se renforcera après le Brexit. Si on retire ces 4,2 milliards d’euros, c’est-à-dire si on raisonne à structures constantes, on remarque que la croissance du budget de l’État se poursuit à un rythme encore élevé.

Mme Marie-Christine Dalloz. On a même dégradé la situation...

M. Charles de Courson. En commentant la page 13 du document, M. le rapporteur général se réjouit du freinage de la croissance de la dette. Il n’en est rien, mes chers collègues ! Entre 2015 et 2016, l’encours de la seule dette de l’État est passé de 1 576 milliards d’euros à 1 621 milliards d’euros, ce qui correspond à une hausse de 45 milliards d’euros. Comme vous avez tous du bon sens, vous vous demandez comment la dette peut n’augmenter que de 45 milliards d’euros alors que le déficit est de 70 milliards d’euros. En fait, c’est très simple : on a fait de la prime d’émission à tour de bras, en émettant à des taux pouvant atteindre 5 % alors que les taux à dix ou quinze ans allaient de 1 % à 1,25 %. En conséquence, le prix de remboursement n’est plus de 100 mais de 75 ou 80. On peut d’ailleurs aller à 10 % ou 15 % tant qu’on y est, et on va même faire baisser la dette ! Ce n’est absolument pas le cas.

Lors des débats parlementaires de la législature précédente, M. Eckert, alors secrétaire d’État au budget, avait donné des chiffres : les primes d’émission ont porté sur quelque 20 milliards d’euros en 2015 et en 2016, des montants inédits, incomparablement plus élevés que les 2 ou 3 milliards d’euros par an qui se pratiquaient classiquement. En ajoutant ces 40 milliards d’euros, on s’aperçoit que l’on n’a pas du tout freiné la dette... En fait, sur les cinq années de la dernière législature, on frise les 90 milliards d’euros – disons 80 ou 85 milliards d’euros pour tenir compte de quelques remboursements ! Vous voyez qu’il n’y a pas de freinage de la dette.

Pour avoir discuté longuement avec notre rapporteur général, je sais qu’il est très sensible à ces questions. On nous dit que cette pratique a toujours existé. Certes, mais pas à hauteur de 20 milliards par an ! Grosso modo, nous émettons entre 180 milliards et 190 milliards d’euros par an et nous remboursons à peu près 110 milliards. C’est énorme ! L’Agence France Trésor (AFT), que nous avons interrogée, nous répond qu’il y a une demande du marché... Ce n’est pas une réponse ! On peut parfaitement faire des emprunts classiques sans jouer à ce petit jeu des primes d’émission. Bien sûr qu’il existe une demande de marché et que nous pourrions encore augmenter les taux d’intérêt à 7 % ou 8 %, sachant que nous en avons trouvé à 5 % et 5,5 %.

Cette pratique s’apparente à de la dissimulation pure et simple du niveau de la dette de l’État. Les montants ont atteint environ 80 milliards d’euros en cinq ans et la tendance s’accentue au fil des ans, ce qui explique l’apparent ralentissement de la courbe. Il faudrait auditionner de nouveau les membres de l’AFT et les cuisiner un peu sur cette affaire. Dissimuler l’importance des charges financières n’est pas dans l’intérêt de l’État. On le paiera dans les années à venir par des charges financières plus élevées. L’opération est neutre d’un point de vue économique. Si je puis me permettre de vous faire une modeste suggestion, monsieur le rapporteur général, il faudrait modifier votre rapport sur ce point : ce freinage est un faux freinage !

M. le rapporteur général. Nonobstant ma totale sensibilité au sujet, je vous signale que le rapport écrit détaillera ces données de manière plus précise que vous ne le dites. Vous y trouverez les réponses à vos questions. Pour remettre les choses en perspective, rappelons qu’en 2011 nous en étions à 41 % de réémissions de titres anciens et que nous sommes passés à 19 % en 2016 : on peut considérer que c’est déjà un progrès. Cela étant, je retiens votre idée d’auditionner les responsables de l’AFT, ce qui serait de bon aloi pour avoir un nouveau regard sur la loi de règlement.

M. le président Éric Woerth. Monsieur de Courson, vous avez interrogé le ministre sur les primes d’émission, en faisant la même démonstration. Il a répondu que, comme nous allons bientôt entrer dans une période de hausse des taux, les primes d’émission seraient moins intéressantes.

M. Charles de Courson. Certes ! Si les taux remontent à 5 %, nous n’émettrons pas à 10 %, ce serait trop voyant. Mais quand les taux sont à 1 %, voire négatifs, c’est tentant.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le rapporteur général, chaque page de votre document fait apparaître des sujets d’inquiétude. Parlons des collectivités territoriales. Pour analyser le déficit de 69,1 milliards d’euros, nous devons intégrer les éléments exceptionnels. Or nous n’allons pas retrouver chaque année les 4,1 milliards d’euros de baisse des prélèvements sur recettes des collectivités territoriales : qu’il s’agisse des communes, des départements ou ses régions, elles sont à bout de souffle et nous ne pouvons pas continuer à les presser. Nous n’allons pas non plus avoir tous les ans une charge de la dette de l’État en baisse de 1,7 milliard d’euros, comme l’a rappelé Charles de Courson. Ces éléments exceptionnels auraient dû contribuer à faire baisser le déficit réalisé de l’État.

Deux pages de votre document m’inquiètent particulièrement : l’endettement et l’évolution des effectifs de l’État.

Vous ne pouvez pas écrire, monsieur le rapporteur général, que « lendettement de lÉtat se poursuit, à un rythme ralenti ». Ce ralentissement est artificiel. Quand on fait 69,1 milliards d’euros de déficit, il faut bien emprunter de l’argent. En 2012, 2013 et 2014, nous constations une certaine constance dans le recours à l’emprunt. L’artifice utilisé en 2015 et 2016 a été dénoncé : le montant des rachats de primes d’émission a atteint 23 milliards d’euros en 2015 et 21 milliards d’euros en 2016. C’est colossal. À un moment donné, il faudra le prendre en compte dans la réalité.

Autre sujet d’inquiétude : l’évolution des effectifs de l’État. L’effet du non‑remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux – une mesure prise quand vous étiez ministre, monsieur Woerth – se lit d’une manière flagrante dans le graphique. Or les effectifs sont repartis à la hausse. Vous le savez comme moi, il faudra prendre en compte les salaires mais surtout le compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, tous les éléments incontournables de l’ensemble de la fonction publique de l’État. Vos projections n’en tiennent pas compte.

Tous ces facteurs, y compris la réduction de notre contribution à l’Union européenne, auraient dû nous conduire à un déficit inférieur. Le projet de loi de règlement donne un éclairage sur une situation passée sur laquelle on ne va pas revenir. Si on le complétait par les décrets qui nous ont été présentés ce matin, on prendrait la mesure de la réelle difficulté : certains facteurs favorables ne vont pas se représenter et la tendance risque même de s’inverser.

M. le rapporteur général. Vous venez de conclure, madame la députée, avec la phrase que j’allais utiliser : nous examinons les comptes de 2016, qui sont figés, et non un document de prospective. Notre idée est précisément de faire en sorte que la loi de règlement soit mieux intégrée à des éléments de prospective. Je prends acte de vos remarques mais je maintiens mes propos qui se rapportent à la situation figée de 2016. La « réforme » envisagée tend bien à permettre une mise en perspective des comptes de l’année passée grâce aux éléments de la loi de finances de l’année en cours. Le document conservera un caractère figé puisqu’il s’agit d’un compte administratif, mais il sera plus utile. En tout cas, j’ai pris bonne note de vos remarques.

Mme Valérie Rabault. J’ai une question sur le tableau concernant la répartition des dépenses nettes du budget général de l’État. Tous les titres augmentent dans des proportions très limitées, sauf les dépenses d’intervention qui ont augmenté de 10 milliards d’euros entre 2015 et 2016. À quoi correspondent ces dépenses d’intervention ? Qu’est-ce qui justifie cette augmentation ?

M. le rapporteur général. Cela correspond à la prime d’activité pour un montant de 2,5 milliards d’euros, à la création du CAS Transition énergétique pour un montant de 5,5 milliards d’euros, et pour le reste à des mesures de périmètre.

Mme Valérie Rabault. Pour le CAS Transition énergétique, j’avais le chiffre de 4,8 milliards d’euros en tête, et, par définition, on le retrouve du côté recettes. En dehors des dépenses liées aux CAS, quel est le montant net de l’augmentation des dépenses d’intervention ?

M. le rapporteur général. Il y a aussi les allocations logement, pour un montant de 4,5 milliards d’euros qui ont été reprises par l’État à titre de compensations à la sécurité sociale des mesures du pacte de responsabilité et de solidarité.

Mme Valérie Rabault. Désolée, mais je ne comprends pas.

M. le rapporteur général. Dans le rapport, vous verrez qu’à périmètres constants, la variation est de 500 millions d’euros. La hausse que vous constatez est simplement liée au fait que les périmètres ont bougé.

M. Charles de Courson. Il faudrait une présentation à périmètres constants pour 2015 et 2016 afin de montrer la dynamique des charges qui ont été transférées au budget général. Il faudrait les deux références parce que nous n’aboutissons pas tout à fait aux mêmes conclusions.

M. le président Éric Woerth. Êtes-vous satisfaite de ces explications, madame Rabault ?

Mme Valérie Rabault. Je suis désolée, monsieur le président, mais je ne comprends pas ce que sont ces charges transférées au budget général.

M. le président Éric Woerth. Si vous privez la sécurité sociale d’une recette, l’État est tenu de compenser cette perte.

M. le rapporteur général. C’est la compensation du pacte de responsabilité et de solidarité, qui entraîne des pertes de recettes pour la sécurité sociale.

Mme Valérie Rabault. Je ne comprends plus rien... Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) est à 20 milliards d’euros et le pacte de responsabilité et de solidarité à 20 milliards d’euros. Et là, on a 10 milliards d’euros d’augmentation de dépenses d’intervention. En plus, le pacte de responsabilité a été mis en œuvre au 1er janvier 2015.

M. Gilles Carrez. La compensation se faisait en général par transfert de recettes inscrites au budget de l’État – notamment de morceaux de TVA – vers le budget de la sécurité sociale. Dans ce cas, exceptionnellement, ce ne sont pas des recettes, mais des dépenses – les 4 à 5 milliards d’euros d’allocations logement payées par les caisses d’allocations familiales – qui ont été transférées au budget de l’État. C’est ce qui explique la forte augmentation des dépenses d’intervention.

Mme Valérie Rabault. Ce sont donc les allocations logement.

M. le rapporteur général. C’est cela.

M. le président Éric Woerth. On ne peut pas contester cette compensation ; c’est un simple problème de périmètre. Au fond, cela revient à la même chose : cela fait un peu plus de recettes et un peu plus de dépenses.

M. Jean-Noël Barrot. Au risque de répéter ce qui a été dit, j’approuve l’idée d’inviter dès septembre les responsables de programmes et de missions à discuter avec les rapporteurs spéciaux des écarts par rapport aux prévisions.

S’agissant des recettes, on remarque que l’exécution est remarquablement proche de la prévision pour tous les impôts, sauf pour l’impôt sur les sociétés (IS), dont l’écart est de quasiment 10 %, soit de 3 milliards d’euros. Pourquoi arrive-t-on à prédire si précisément les recettes de TVA et si mal les recettes d’IS ? Que peut-on faire pour améliorer ce point ?

M. le rapporteur général. Le bénéfice fiscal de 2015 a tout simplement été non conforme aux prévisions. Je ne peux rien dire de plus sinon qu’il faudrait avoir des instruments de mesure plus précis pour éviter les erreurs. Ce n’est pas évident. En loi de finances rectificative, la correction avait déjà été effectuée, comme vous pouvez le constater sur le même tableau.

M. Jean-Noël Barrot. Le modèle sous-jacent utilisé pour prédire les recettes d’IS semble moins robuste que celui qui est utilisé pour les recettes de la TVA ou des impôts sur le revenu (IR). Il serait intéressant de savoir pourquoi il l’est moins.

M. le rapporteur général. L’assiette de l’IS fluctue plus que celle de la TVA

M. le président Éric Woerth. La volatilité de l’IS est infiniment plus importante.

Mme Émilie Cariou. En effet. Les recettes de TVA sont calculées sur le chiffre d’affaires généré tous les mois alors que l’IS dépend du régime des groupes et de la manière dont ils se restructurent. Il serait intéressant de voir si les pertes d’IS proviennent des grands groupes ou des petites entreprises. Est-ce qu’elles sont essentiellement liées au régime des groupes ou à des mesures fiscales ? Au cours de ces années, je ne vois pas quelles mesures fiscales auraient pu bouleverser profondément l’IS. Celles qui l’avaient bouleversé étaient entrées en vigueur bien avant. Il faut faire une analyse un peu microéconomique des grands groupes pour voir comment ils sont structurés.

Mme Marie-Christine Dalloz. N’est-ce pas en 2016 qu’a été adopté le nouvel acompte d’IS ?

M. Charles de Courson. Nous avions pris une petite mesure d’anticipation de recettes pour 2017 par rapport à celles de 2016...

M. le rapporteur général. L’augmentation du cinquième acompte.

M. le président Éric Woerth. Mesure classique...

M. Charles de Courson. Et elle a été accentuée en 2017.

M. le rapporteur général. Pour l’heure, madame Cariou, nous ne savons pas si les pertes d’IS proviennent d’une catégorie particulière d’entreprises. Il serait effectivement intéressant d’avoir un instrument d’analyse.

Mme Véronique Louwagie. Les comptes de 2016 sont finalement médiocres compte tenu du contexte favorable. Il faudrait comparer la situation de la France à celle de nos voisins. Avec l’Espagne, la France est le seul pays à afficher un déficit excessif.

Nous devrions aussi nous interroger sur la baisse de 10 % de l’IS, d’autant que nous constatons des variations importantes depuis plusieurs années. Il serait intéressant de connaître l’évolution des bases selon les catégories d’entreprises.

En ce qui concerne la charge de la dette, je voudrais réagir sur un propos tenu cette semaine par un membre du Gouvernement. Il n’est pas opportun, selon lui, de brandir le risque d’une augmentation des taux comme un chiffon rouge. Le tableau sur l’endettement de l’État a pourtant de quoi nous alerter : entre 2012 et 2016, la charge des intérêts a baissé de 28 milliards d’euros et nous n’avons pas su en profiter pour diminuer nos dépenses. Nous devons être vigilants et ce tableau doit nous inquiéter.

M. Mohamed Laqhila. Si les comptes reflètent une nette amélioration, il ne faut pas oublier les quatre réserves substantielles soulevées et évaluées à 5,5 milliards d’euros par la Cour des comptes. Si on tenait compte de ces réserves, le déficit ne serait pas de 75,6 milliards d’euros mais de 81,1 milliards d’euros. Quelle attitude adopte-t-on par rapport à ces réserves ?

M. le rapporteur général. Le chiffre donné correspond à une comptabilité générale, différente de la comptabilité budgétaire qui est la seule à prendre en compte ici. Un expert-comptable comme vous connaît bien la différence entre la comptabilité générale, d’ordre privé, et la comptabilité budgétaire, celle de l’État.

M. Jean-Paul Mattei. La perte de recettes de l’IS ne serait-elle pas due au fait que certaines entreprises auraient beaucoup investi et bénéficié d’amortissements dérogatoires ? Dans ce cas, elle serait un bon signe.

Le solde des comptes spéciaux apparaît comme le seul rayon de soleil dans ces documents. Qu’y a-t-il dans ces comptes spéciaux ? Puisque le rapporteur général a l’air de considérer que l’embellie sera éphémère, j’aimerais avec plus d’explications sur ce poste.

M. le rapporteur général. Il s’agit principalement de l’Agence française de développement (AFD), à hauteur de 2,4 milliards d’euros, des participations financières de l’État, à hauteur de 1,3 milliard d’euros, et du compte d’avance aux collectivités territoriales, à hauteur de 1,381 milliard d’euros.

M. le président Éric Woerth. Pour l’AFD, ne s’agit-il pas d’une recapitalisation ? C’est une dépense du budget général et une recette du CAS. Il faut considérer l’ensemble de l’opération.

M. le rapporteur général. Tout à fait.

M. Mohamed Laqhila. S’agissant de l’impôt sur les sociétés, il y avait un dispositif de soutien à l’investissement productif, sous forme d’amortissement.

M. le rapporteur général. Le « suramortissement Macron », puisque c’est ainsi qu’on l’appelle, n’a pesé que pour 0,5 milliard d’euros. Il ne constitue donc pas l’explication du phénomène d’écart à la prévision initiale.

Je retiens cependant que nous devons examiner de plus près les évolutions d’impôt sur les sociétés, tant sur son montant que sur sa ventilation entre les entreprises. Peut-être cela nous conduira-t-il à nous intéresser de plus près à l’optimisation fiscale.

M. le président Éric Woerth. Je ne pense pas. L’optimisation fiscale se traduit en fait assez peu dans les comptes, du moins pour le moment.

Mme Marie-Christine Dalloz. Si elle pouvait se traduire, chaque année, par une baisse exactement équivalente de l’impôt sur les sociétés, ce serait idéal pour qui voudrait l’estimer... Mais ce n’est pas vraiment le cas. Rappelons d’ailleurs qu’elle est légale et encadrée : nous ne parlons pas de fraude fiscale.

J’ai eu l’occasion, avec Éric Woerth, de me pencher de près sur la question. Si c’était aussi simple, cela se saurait... Les schémas sont complexes. Qui plus est, à trop s’appesantir sur ce genre de sujets, on fait souvent fuir les sièges sociaux à l’étranger... Il y a un équilibre à trouver entre notre volonté de les conserver et l’encadrement de l’optimisation fiscale.

M. le rapporteur général. Tant qu’il ne s’agit pas d’optimisation fiscale agressive, tout va bien !

Mme Amélie de Montchalin. En luttant contre elle dans le projet de loi de finances, notre groupe veut soutenir les efforts menés au niveau international, les initiatives de l’OCDE et du G20, du groupement contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (base erosion and profit shifting, BEPS), ainsi que les initiatives de la Commission européenne. Beaucoup d’efforts sont faits pour harmoniser l’assiette.

Un document transversal serait utile pour disposer d’une image des moyens alloués par l’État à ces initiatives. Mais la plus grande partie de l’effort est faite en dehors de la France. Nous aspirons seulement à une vision claire des moyens alloués à la lutte, désormais historique, sur le plan international pour l’harmonisation des assiettes fiscales et la lutte contre la fraude ou les politiques d’optimisation fiscale parfois abusives ou agressives.

M. le président Éric Woerth. La France a en effet été leader dans ce domaine et l’OCDE s’est saisie de la question sur son initiative.

M. Charles de Courson. J’aurais deux questions à poser au rapporteur général.

Premièrement, quelle est l’incidence du CICE sur l’impôt sur les sociétés ?

Deuxièmement, s’agissant des effectifs de l’État, je constate que l’on a fait baisser le nombre des emplois publics effectifs, tandis que près de 31 843 emplois restent ouverts et non pourvus. Où sont ces 31 843 emplois ? Car, même en cessant de créer des emplois, ces emplois déjà ouverts demeurent.

M. le rapporteur général. Vous trouverez dans mon rapport un tableau retraçant le rendement net de l’impôt sur les sociétés depuis 2013, avant et après le CICE. Les recettes brutes s’élèvent à 41,7 milliards d’euros, le coût budgétaire du CICE se chiffrant à 11,7 milliards d’euros en restitutions et imputations, soit à peu près le même montant que l’année précédente. En 2016, l’impôt sur les sociétés aura donc rapporté 30 milliards d’euros, après imputation du CICE, contre 33,5 milliards d’euros en 2015 et 35,3 milliards d’euros en 2014.

Quant à votre seconde question, le tableau concerne le stock des emplois publics. Mais le flux des entrées et des sorties sera analysé dans le rapport que je publierai. Vous y retrouverez l’intégralité de l’analyse.

La commission en vient à lexamen des articles du projet de loi.

Elle adopte larticle liminaire.

Puis elle adopte successivement les articles 1er à 6.

Elle examine ensuite lamendement CF2 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous avons eu un débat ce matin sur l’article 32 de la loi organique relative aux lois de finances, lequel dispose que les lois de finances doivent être présentées de façon sincère. M. Michel Sapin nous a soutenu en substance que ce n’était pas le travail de la Cour des comptes d’évaluer cette sincérité, mais celui du Conseil constitutionnel. Or celui-ci a rejeté un recours sur l’insincérité du document budgétaire. Pourtant, il s’est bel et bien révélé, a posteriori, insincère.

Actuellement, le Haut Conseil des finances publiques ne se prononce que sur les hypothèses macroéconomiques et les perspectives de recettes correspondantes, non sur les dépenses. Avec mon collègue Gilles Carrez, nous jugeons que la Cour des comptes pourrait également se prononcer sur les dotations budgétaires. Telle est l’idée de notre amendement.

M. le rapporteur général. Je comprends parfaitement l’intention, puisqu’il s’agit de garantir la parfaite information du Parlement lors de la discussion du projet de loi de finances. Mais il pose quelques problèmes. La loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques détaille les compétences du Haut Conseil des finances publiques, de sorte qu’il paraît difficile de les modifier par la voie d’une loi ordinaire et provisoire. Au reste, le Haut Conseil a adopté une vision extensive de ses compétences, à tel point qu’il a analysé de manière spontanée les risques pesant sur les dépenses. On ne saurait le lui reprocher. Autrement dit, il nous incite déjà à une analyse des dépenses.

Enfin, nous avons entendu le Gouvernement, représenté par ses deux ministres. Ils nous ont dit vouloir engager une réflexion plus générale sur la procédure et la gouvernance budgétaires. Il serait de bon ton de traiter la question du suivi des prévisions de dépenses dans ce cadre. Je vous suggère de retirer cet amendement ; faute de quoi, j’émettrai un avis défavorable.

M. Gilles Carrez. Je ne suis pas convaincu par l’argument de la loi organique : nous avons pris la précaution de ne demander un avis au Haut Conseil que pour la seule année 2018. Il ne s’agirait donc pas d’une extension pérenne des compétences du Haut Conseil.

Mais je voudrais insister sur un point : il est rarissime de voir un rapporteur spécial dénoncer ce qu’il estime une sous-budgétisation d’une mission. Or, avant de saisir un organisme tel que le Haut Conseil, c’est à nous, parlementaires, que revient ce travail ; c’est le travail des futurs rapporteurs spéciaux de mettre en garde le Gouvernement sur de possible sous-budgétisations.

Sur le plan positif, grâce à la mission du Haut Conseil, le Gouvernement a déjà été obligé d’être plus sérieux sur les prévisions de recettes. Un réel progrès a été réalisé en ce domaine au cours de la précédente législature. Le problème rencontré sur le budget de 2017 ne porte que très peu sur les recettes ; en revanche, il y a un vrai problème de sous-budgétisation. C’est tout l’intérêt de cet amendement et nous souhaiterions vivement en débattre en séance avec le Gouvernement.

M. Charles de Courson. En tant que rapporteur spécial de la mission Agriculture, j’ai déjà été amené à dénoncer une sous-budgétisation. Mais un rapporteur spécial ne peut pas déposer d’amendement, puisqu’il est interdit d’augmenter les crédits d’une mission. Il ne peut donc que signaler la difficulté et tout au plus proposer une ventilation nouvelle.

M. le président Éric Woerth. Ces remarques relatives à la sous-budgétisation trouveraient, sans doute, une résonance plus forte qu’il y a quelques années.

M. Charles de Courson. Sur le fond, la quasi-totalité des membres de cette commission ne sont pas tenus par le passé. Certes, on peut attendre Godot, la grande réforme, etc. ; mais Gilles Carrez a parfaitement répondu sur l’argument de la loi organique. Le rapporteur général nous indique que le Haut Conseil commence déjà à évaluer les dépenses. Certes, il le fait, mais à dose homéopathique et sans base législative claire. Avec notre amendement, il en aurait une.

Disons-le : le système actuel de la réserve de précaution est mauvais – M. Darmanin et même M. Eckert l’ont reconnu. On parlait de 12 milliards l’année derrière, mais elle avait déjà été « mangée » à hauteur de 7 milliards au moment du vote de la loi de finances... Le Gouvernement s’est déjà engagé à mieux l’évaluer et à la réduire. Il serait certainement content d’une initiative comme la nôtre.

M. Stanislas Guerini. Personne ne contestera l’intérêt de disposer d’un avis qualifié sur les prévisions de dépenses, comme c’est déjà le cas sur la partie recettes. Mais il me semble difficile cet amendement sans avoir interrogé le Haut Conseil sur ses capacités à le mettre en œuvre.

M. Saïd Ahamada. Ce qui s’est produit cette année ne doit pas se reproduire. Je suis assez d’accord avec le rapporteur général : il faut prendre le temps nécessaire. Le Haut Conseil des finances publiques est une option, mais il y en a d’autres : la Cour ces comptes, ou même les parlementaires pourraient aussi se saisir de la question des dépenses.

On peut émettre des avis, certes. Mais, dans une collectivité territoriale, les manquements budgétaires peuvent conduire à la mise sous tutelle. Dans le secteur privé, ils entraînent constatation d’une faute du gérant. Mais qu’en est-il si le budget de l’État est manifestement insincère ? Le risque politique est une chose, mais si l’on pouvait aller plus loin...

M. François Pupponi. J’approuve cet amendement. On ne peut pas rester sans rien faire après une annonce aussi grave et solennelle du Premier président de la Cour des comptes. Nous ne pouvons pas ne pas réagir. Après avoir constaté cette année quelque chose de grave, la commission des finances doit marquer qu’elle ne veut pas que cela se reproduise.

Enfin, cher collègue Stanislas Guerini, nous n’avons pas à nous demander, lorsque nous votons la loi, si celui qui doit l’appliquer l’appliquera... C’est à nous de décider de ce que l’on doit faire. Ou alors, si nous commençons par nous poser la question, je connais d’avance la réponse !

Mme Véronique Louwagie. Nous sommes tous d’accord pour dire que nous ne voulons pas que la situation observée cette année se reproduise. Nous avons tous été choqués, comme l’ont marqué les mots employés. Qui plus est, cela affaiblit la France au sein de l’Europe ; c’est également un élément à prendre en compte.

Nous souhaitons tous développer le pouvoir de contrôle du Parlement. Nous passons trop de temps à légiférer et pas assez à contrôler l’action du Gouvernement. Nous devons donner à l’Assemblée nationale les moyens et les outils pour remplir cette mission. Il nous faut plus de transparence. Cet amendement nous en offre le moyen et garantira de surcroît davantage de transparence.

Enfin, notre collègue Stanislas Guerini semble nourrir des doutes sur les compétences du Haut Conseil de finances publiques en matière d’estimation des dépenses...

Mme Amélie de Montchalin. Non sur ses compétences, mais sur ses capacités.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais quant à moi le rassurer.

M. Charles de Courson. Notre collègue Stanislas Guerini s’est en effet interrogé sur les capacités du Haut Conseil. Est-il en mesure d’évaluer les sous-budgétisations ? La réponse est oui : cet organe est présidé par le Premier président de la Cour des comptes, qui dispose de l’expertise des rapporteurs de la Cour et de leurs notes de consolidation. Ils sont parfaitement aptes à donner au Haut Conseil les informations lui permettant d’émettre un avis éclairé.

M. le rapporteur général. L’avis rendu le 24 septembre 2016 par le Haut Conseil des finances publiques avait précisément relevé de façon limpide des problèmes de sous-budgétisation récurrente pour les missions Défense, Agriculture, alimentation, forêt et affaires ruralesetc. Ces avis sont d’une grande pertinence et d’une grande sagacité ; pour autant, nous ne pouvons les transformer en amendements, pas plus que les rapports spéciaux. Le Haut Conseil a entrepris de s’autosaisir en matière de dépenses par le biais d’une interprétation extensive de ses compétences et cela lui permet d’émettre des avis très intéressants sur toutes ces questions ; mais si nous nous mettons à consacrer une extension de ses compétences, fût-elle provisoire, dans une loi ordinaire, nous nous exposons à de sérieux problèmes, au risque de nous retrouver avec un effet induit totalement opposé à ce que nous souhaitons tous : bénéficier d’avis préalables, éclairés et pertinents.

Enfin, pour ce qui est de la procédure, jamais nous ne disposerons dans les quinze jours des avis nécessaires. Je suis favorable à une nouvelle gouvernance pour repérer les sous-budgétisations, comme les deux ministres eux-mêmes en ont exprimé le souhait ce matin, mais l’amendement que vous proposez ne me semble pas répondre pas à cet objectif ; pire, il peut avoir des effets pervers en accordant une compétence simplement provisoire.

M. Éric Alauzet. Il me semble cependant qu’il y a un petit problème : la sous-budgétisation n’est pas le seul facteur de dérapage des dépenses ; il faut aussi penser aux aléas, ce qui pose la question de la réserve de précaution. Il y a aussi des controverses : je vous renvoie au débat autour d’Areva. Personne ne sait précisément comment l’affaire se terminera. De même pour les amendes que Bruxelles pourrait nous imposer, et qui sont autant d’épées de Damoclès au-dessus de nos têtes : autant de sujets qui exigeraient que nous soyons éclairés sur les fourchettes hautes et les fourchettes basses. En tout état de cause, la sous-budgétisation n’est pas l’unique problème. L’approche retenue me semble trop rétrécie.

M. Gilles Carrez. C’est précisément l’objet de l’amendement. Nous ne parlons pas des aléas, mais des « sous-budgétisations manifestes ». Ce faisant, nous avons voulu cerner un problème spécifique.

La commission rejette lamendement.

M. le président Éric Woerth. Je prends note de l’abstention du groupe Les Républicains et du groupe Les Constructifs sur l’ensemble du projet de loi de règlement.

La commission adopte lensemble du projet de loi de règlement.

 

La commission en vient à lexamen du rapport dinformation préalable au débat dorientation des finances publiques.

M. le rapporteur général. Les résultats du passé doivent éclairer l’avenir ! Il est donc logique que le débat d’orientation des finances publiques intervienne juste après l’adoption en première lecture du projet de loi de règlement par notre commission.

Ce débat a pour support un rapport du Gouvernement que nous avons reçu hier soir et qui nous a été présenté ce matin par les ministres. Il est éclairé par le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques. Il est habituel que le rapporteur général présente également un rapport, non pas pour répéter ce qu’a dit le Gouvernement, mais pour apporter un éclairage complémentaire.

Mon rapport écrit sera publié lundi. Il vise à répondre à au moins quatre questions
– et répondra sans doute à nombre d’autres que vous vous posez.

Première question : quelles sont les hypothèses retenues concernant l’évolution économique du pays ? On sait en effet que les résultats en matière de finances publiques sont étroitement dépendants du contexte macroéconomique.

Deuxième question : quelles sont les obligations de la France, quelles sont les normes de finances publiques que nous devons respecter pour nous conformer aux engagements européens ?

Troisième question : quels sont les objectifs que s’est fixés le Gouvernement et qui seront proposés au Parlement dans les prochaines lois de finances ? Nous pourrons ainsi vérifier si nos objectifs sont conformes à nos engagements.

Enfin, quatrième question, de loin la plus importante : quels sont les moyens qui sont envisagés pour atteindre ces objectifs, en recettes et en dépenses ?

Tout d’abord, je considère que les hypothèses retenues par le Gouvernement sont crédibles et prudentes. La prévision pour 2017 d’une croissance de 1,6 % est conforme à la prévision de l’INSEE. La croissance accélérerait très légèrement ensuite.

Le Gouvernement prévoit une croissance potentielle d’environ 1,3 % sur la période allant de 2017 à 2022. La Commission européenne ne prévoit sur la même période qu’une croissance de 1,1 %. Mais, contrairement à elle, le Gouvernement prend en considération les réformes structurelles envisagées, qui vont élever notre potentiel de croissance.

Il est tout à fait normal qu’en période de reprise, la croissance effective soit plus élevée que la croissance potentielle. Cela permettra de résorber le retard de croissance des années passées. Selon le Gouvernement, le retard sera rattrapé en 2020 : cette année-là, notre PIB effectif sera égal au PIB potentiel. Je sais que ce point va susciter des débats passionnés dans notre commission, car tout le monde n’est pas du même avis... Mais il s’agit d’une hypothèse à partir de laquelle les soldes conjoncturel et structurel seront calculés.

Quels sont ensuite les engagements européens de la France ?

Le premier, et le plus connu, est que le déficit public doit être inférieur à 3 % du PIB. Mais il existe également un critère de dette : celle-ci ne doit pas être supérieure à 60 % du PIB. Ce dernier critère est plus souple, car il est considéré comme respecté si la dette est en diminution suffisante selon des proportions prévues par les textes européens. Une règle transitoire est prévue jusqu’en 2020 en cas d’évolution positive du solde structurel.

Ces deux premiers critères constituent les fameux « critères de Maastricht ». Lorsqu’ils ne sont pas respectés, une procédure pour déficit excessif est ouverte à l’encontre du pays concerné. La France fait l’objet, cela a été rappelé, d’une telle procédure depuis 2009. Au plus fort de la crise, quinze pays de la zone euro ont fait l’objet d’une telle procédure ; nous ne sommes aujourd’hui plus que deux, la France et l’Espagne.

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire est allé plus loin et a posé la règle de l’équilibre des comptes publics. Cet équilibre est réputé atteint lorsque le déficit structurel est inférieur à 0,5 % du PIB. Le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance prévoit que, tant que l’équilibre structurel n’est pas atteint, le déficit structurel doit baisser d’au moins 0,5 point de PIB par an.

Nous allons voir que les objectifs ne sont pas entièrement conformes à ces normes.

En effet, le Gouvernement prévoit une trajectoire ambitieuse de réduction du déficit public, puisque celui-ci serait de 0,5 % à la fin du quinquennat. Mais, dans un premier temps, il baisserait peu. Il augmenterait même légèrement en 2019, passant à 2,9 % du PIB sous l’effet de la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales – soit 1,9 % à périmètre constant. En 2019, en effet, le coût du CICE sur les salaires versés en 2018 s’ajoutera au coût de la baisse des cotisations sociales décidées pour les salaires versés en 2019.

On observe également que le Gouvernement n’entend pas appliquer strictement et aveuglément la règle de l’ajustement structurel minimal de 0,5 point de PIB. On peut s’en féliciter car cela permettra de soutenir la croissance. Je suis sûr que notre ancienne rapporteure générale sera de cet avis, car c’est un sujet qu’elle a souvent abordé ces dernières années. Mais l’on pourrait aussi se demander aussi pourquoi cette règle est maintenue dans les textes européens.

S’agissant des moyens envisagés, le Gouvernement entend surtout agir sur le niveau de la dépense publique : le rétablissement des comptes publics ne doit pas se faire par un alourdissement des prélèvements obligatoires, mais doit, au contraire, être concomitant à un allégement des prélèvements obligatoires.

En ce qui concerne les dépenses, en 2017, le Gouvernement a prévu de respecter l’objectif de 3 % de déficit public grâce à des mesures de régulation en dépenses. Celles-ci s’élèvent à 4,47 milliards d’euros et prendront trois formes : un décret d’avance, pour 3 milliards d’euros, que nous analyserons la semaine prochaine ; un décret d’annulation de crédits de 274 millions d’euros ; des mesures de redressement additionnelles, à hauteur de 1,15 milliard d’euros, visant principalement les aides personnalisées au logement (APL) et la réduction du volume des contrats aidés au second semestre 2017.

Pour les années suivantes, le Gouvernement s’est fixé un objectif ambitieux en termes d’évolution de la dépense publique. Ainsi, le ratio de dépense publique par rapport au PIB devrait baisser de 3 points de PIB d’ici à 2022 et passer de 56 % en 2017 à 53 % en 2022. Cela signifie que la dépense publique devra évoluer à un rythme plus faible que le taux de croissance du PIB.

Le taux de croissance de la dépense publique, en volume, sera nul lors des exercices 2018, 2019 et 2020. Cela représente un rythme inédit de maîtrise de la dépense publique, qui n’a quasiment jamais été observé au cours de la période récente. Le Gouvernement a indiqué que pour l’exercice 2018, cela se traduirait même par une baisse de la dépense en volume pour l’État et ses opérateurs. Certaines mesures d’économies ont d’ores et déjà été annoncées, telles que le gel du point d’indice de la fonction publique – ce qui représente 2 milliards d’euros – et le rétablissement du jour de carence pour la fonction publique – ce qui représente 400 millions d’euros. D’autres mesures d’économies sont prévues et seront échelonnées sur le quinquennat : suppression de 120 000 postes de fonctionnaires ; réorientation du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3), dans le cadre d’une articulation avec le grand plan d’investissement programmé par le Gouvernement ; arrêt ou réorientation de projets d’infrastructures de transport ; ralentissement du recours aux contrats aidés. Ces différentes mesures n’ont pas encore été chiffrées.

Parallèlement, le Gouvernement s’est engagé à prendre diverses mesures de dépenses nouvelles, qui ne font pas encore l’objet de chiffrages précis et seront, pour certaines, mises en œuvre au cours du quinquennat. On peut citer notamment les revalorisations de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), du minimum vieillesse et de la prime d’activité. Le grand plan d’investissement représentera un effort de 50 milliards d’euros.

Le Gouvernement œuvrera en faveur de la construction de 15 000 places supplémentaires de prison sur le quinquennat et renforcera les moyens dédiés à l’effort de défense, qui devra atteindre 2 % du PIB d’ici à 2025.

Enfin, le Gouvernement a annoncé son intention de proposer au Parlement un important programme de baisse d’impôts. L’objectif est de faire baisser le taux des prélèvements obligatoires d’environ un point de PIB à la fin de la législature. Le taux de prélèvements obligatoires devrait ainsi passer de 44,6 % aujourd’hui à 43,5 % du PIB en 2022. Rappelons que le record avait été atteint en 2013 avec 44,8 % du PIB.

Le calendrier de mise en œuvre de ces différentes mesures n’est pas entièrement détaillé dans le rapport du Gouvernement ; mais les ministres ont fourni des précisions ce matin en commission. Les prélèvements obligatoires baisseront de 11 milliards d’euros dès 2018, dont 7 milliards au titre des mesures prises sous la précédente législature – il s’agit essentiellement de la hausse du CICE, pour 4 milliards d’euros.

Le Gouvernement prévoit des mesures nouvelles de baisses d’impôt pour 7 milliards d’euros, et des mesures de hausse pour environ 3 milliards, soit au total une baisse nette de 4 milliards d’euros.

La réforme de la taxe d’habitation représenterait un allégement de fiscalité dès 2018 de 3 milliards d’euros. Je rappelle que le produit de la taxe d’habitation payée par les ménages atteint environ 19 milliards d’euros.

Le remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par une imposition sur la fortune immobilière permettra une baisse de la fiscalité sur les patrimoines financiers de 3 milliards d’euros. La création de la flat tax sur les revenus de l’épargne doit entraîner une baisse d’environ un milliard d’euros supplémentaire.

Le rapport contient aussi des indications sur les hausses envisagées. La hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) a pour objet de financer la suppression des cotisations salariales d’assurance maladie et d’assurance chômage, ce qui représente environ 18 milliards d’euros. Une hausse de la CSG de 1,7 point rapporterait environ 22 milliards d’euros, ce qui signifie qu’il resterait encore 4 milliards pour financer des mesures de compensation en faveur notamment des fonctionnaires et des indépendants, qui ne sont pas assujettis à ces cotisations salariales d’assurance maladie et chômage.

Parmi les hausses, il est aussi prévu un alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence. Actuellement, un litre de gazole est taxé à 53 centimes alors qu’un litre de sans plomb 98 est taxé à 65 centimes.

Il faut également mentionner la hausse des taxes sur le tabac. Actuellement, pour un prix de vente au détail de 7 euros, le droit de consommation représente environ 4,46 euros du prix d’un paquet de cigarette. Porter à 10 euros le prix d’un paquet de cigarettes supposerait donc d’augmenter de 67 % le droit de consommation sur les tabacs. La recette serait affectée à la sécurité sociale.

D’autres hausses, particulièrement appréciées de votre serviteur, pourraient porter sur les boissons sucrées. Mais elles ne figurent pas dans le rapport du Gouvernement.

Nous avons également obtenu des précisions sur le calendrier : s’agissant des ménages, les quatre principales mesures fiscales envisagées entreraient bien en vigueur des 2018, ou du moins en partie pour la taxe d’habitation ; il en va de même s’agissant des principales mesures fiscales à destination des entreprises, à l’exception de la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales, qui n’interviendrait qu’en 2019.

D’une manière générale, le rapport que je publierai lundi mentionnera une série de chiffres utiles au débat pour chacune des mesures fiscales envisagées.

Nous nous retrouverons en séance publique pour en débattre le 20 juillet.

Mme Véronique Louwagie. Merci, monsieur le rapporteur général, pour cette présentation.

Je voudrais revenir sur l’évaluation à 1,153 milliard d’euros des mesures de redressement additionnelles que vous mentionnez, qui viennent s’ajouter aux décrets d’avance et d’annulation pour parvenir aux 4,5 milliards d’économie annoncés par le ministre. D’après vos graphiques, ces mesures concerneraient les APL et la réduction du volume des contrats aidés. C’est une somme énorme, qui plus est sur six mois seulement ! Je suis très inquiète des incidences que de telles mesures pourraient avoir, notamment sur les familles qui perçoivent les APL, qui n’ont pas été prévenues. Il me semble qu’une étude d’impact est indispensable, tant pour les APL que pour la réduction des contrats aidés. De plus, j’ai noté ce matin que le ministre parlait de 300 millions d’euros à économiser sur les contrats aidés, et de 400 millions sur les APL : j’ai peut-être mal compris, mais des précisions sont à coup sûr nécessaires.

S’agissant de la flat tax sur les revenus du capital, c’est-à-dire du prélèvement forfaitaire unique, plusieurs questions ont été posées ce matin, ainsi que lors des questions au Gouvernement cet après-midi, sur la définition des « revenus du capital ». Dans vos documents, vous évoquez une taxe sur les revenus de l’épargne – ce qui voudrait dire que les revenus immobiliers ne seraient pas touchés – et plus loin une taxe sur les revenus du capital. On ne sait pas donc pas bien ce qu’il faut comprendre. Dans la mesure où l’ISF sera remplacé par un impôt sur la fortune immobilière, une étude d’impact sera là aussi indispensable : j’appelle l’attention de tous les propriétaires immobiliers et de tous les titulaires de revenus fonciers sur les conséquences de ces dispositifs.

Enfin, nous ne savons toujours rien ni des conséquences pour les collectivités territoriales de la réforme de la taxe d’habitation, ni des mesures qui seront prises en faveur des travailleurs indépendants pour compenser l’augmentation de la CSG, ni encore d’autres dispositifs que les ministres se sont engagés à mettre en place – je pense aux exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires et à la possibilité pour les couples de déclarer leurs revenus de manière séparée.

M. le rapporteur général. Ces questions se posent en effet, et je partage certaines de vos interrogations, même si les ministres ont commencé d’y répondre ce matin. Loin de moi l’idée de me dérober, mais je ne suis pas en mesure de répondre à la place du Gouvernement. J’attends, comme vous, des précisions, notamment sur les économies complémentaires : les éléments indiqués ne recouvrent pas l’intégralité de la somme. Il faudra interroger le Gouvernement en séance publique.

Mme Émilie Cariou. J’ai cru pour ma part comprendre que la flat tax porterait sur les plus-values de cession de valeurs mobilières, ce qui exclurait les titres immobiliers. Il faudra y revenir.

Le Gouvernement prévoit de supprimer la quatrième tranche de la taxe sur les salaires. Dispose-t-on d’un chiffrage ?

M. le rapporteur général. Je vous ferai la même réponse : il faudra interroger le Gouvernement en séance publique.

M. François Pupponi. S’agissant des contrats aidés, si le Gouvernement veut fermer le robinet, ce sera une économie réelle. Mais, s’agissant des APL, et en cours d’année, je ne comprends pas. Le Gouvernement espère-t-il que des gens qui y auraient droit aux APL y renonceraient ? C’est un sacré pari sur l’avenir : s’ils les demandent, il y aura un écart d’un milliard d’euros à la fin ! Mais si l’on décide de modifier les APL, cela signifierait que l’on diminuerait d’autorité les APL existantes : cela me paraît surréaliste. Ou alors, on considère que les allocataires possibles ne la demanderont pas ; mais s’ils la réclament, cela fera un écart d’un milliard à la fin !

M. Gilles Carrez. Le barème est fixé par voie réglementaire, donc le Gouvernement peut le modifier facilement, et si quelques dizaines ou centaines de milliers de ménages sortent du barème, cela fera tout de suite une économie importante. Mais, si l’on fait cela en cours d’année, on va en entendre parler très rapidement !

M. François Pupponi. Certains avaient également proposé de remettre en question les 2 milliards d’euros que représentent les APL accordées aux étudiants. Mais il faudrait le savoir : ce n’est pas neutre, ni budgétairement, ni économiquement, ni socialement !

M. le rapporteur général. Je rappelle que la présente réunion a pour objet de vous présenter un projet de rapport d’information sur l’orientation des finances publiques, afin de préparer le débat qui aura lieu prochainement en séance publique. Toutes les questions que vous posez, qui sont parfaitement légitimes et ont vocation à nourrir le débat, feront l’objet d’une réponse du Gouvernement. Je rappelle que nous ne sommes pas ici pour voter ou amender des dispositions et que nous ne disposons d’aucune étude d’impact, mais seulement des éléments qui viennent de nous être communiqués.

M. François Pupponi. J’entends bien, monsieur le rapporteur général, mais en tant que membres de la commission des finances, nous avons tout de même besoin de disposer d’un minimum d’informations pour comprendre ce qui se passe. Le Gouvernement ne peut pas annoncer qu’il va faire 4,5 milliards d’euros d’économies sans nous dire de quoi il s’agit !

M. le président Éric Woerth. Quand nous avons interrogé le ministre ce matin au sujet des 4,5 milliards d’euros d’économies, il a évoqué un « refroidissement de dépenses », ce qui, selon nous, n’existe pas : en tout état de cause, il faut préciser lesquelles seront « refroidies », et comment. Nous devrions en savoir plus prochainement, mais je vous rappelle que le rapporteur général n’a obtenu communication du rapport sur les orientations des finances publiques qu’hier, assez tard dans la soirée.

M. Charles de Courson. Comme d’habitude !

M. le rapporteur général. Pas tout à fait : l’an dernier, le rapport nous avait été transmis carrément au tout dernier moment !

M. Éric Coquerel. Je m’apprêtais à poser des questions mais, compte tenu de vos explications, je crois qu’il vaut mieux que je les réserve pour la séance publique – tout en déplorant une situation qui ne me paraît pas vraiment normale.

M. le rapporteur général. Elle est normale dans le sens où la présente réunion a pour objet de nous permettre de préparer la séance, et non d’apporter des réponses précises à des questions portant sur le fond. Je vous invite cependant à poser toutes les questions que vous souhaitez : en tant que rapporteur général, il m’importe de savoir quelles interrogations le document qui vous est soumis suscite au sein de l’ensemble des groupes.

M. Éric Coquerel. Je veux tout d’abord préciser, à l’intention de ceux qui pourraient en douter, que je suis en désaccord avec les baisses des dépenses et des impôts proposées, notamment en ce qui concerne leurs modalités.

Pour ce qui est du CICE – la plus grande dépense fiscale de l’État, je le rappelle –, j’aimerais comprendre sur quel bilan des quatre années passées on s’est fondé pour proposer d’augmenter d’un point ce dispositif de crédit d’impôt.

J’aimerais également savoir quelle compensation est prévue pour les villes qui vont être victimes de la réforme de la taxe d’habitation. L’idée selon laquelle le coût de cette mesure pourrait être compensé par une hausse de la CSG ne paraît pas très crédible dans la mesure où les villes les plus touchées seront justement celles qui accueillent les populations les plus défavorisées – je pense notamment à certaines communes de Seine-Saint-Denis, qui m’ont déjà alerté. Je suis d’autant plus perplexe que l’on annonce 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires, sous la forme d’une baisse des dotations des collectivités territoriales : dans ces conditions, lorsqu’on est ainsi attaqué des deux côtés, il est permis de douter des effets positifs sur l’économie et sur l’égalité dans l’ensemble du territoire...

Par ailleurs, les mesures proposées s’inscrivent dans une logique politique de baisse de la fiscalité visant à provoquer une relance. Mais quelle relance peut-on attendre de diminutions fiscales bénéficiant aux plus fortunés de nos concitoyens – je pense à la réforme de l’ISF, ou encore à la flat tax, qui va profiter à ceux dont la fortune provient de dividendes et d’autres revenus financiers ? À mon sens, ce n’est certainement pas avec ces mesures que l’on va obtenir une relance de la consommation populaire.

M. le rapporteur général. Je rappelle que le document en votre possession est destiné à permettre à chacun de poser des questions s’inscrivant dans le processus de l’élaboration de la loi de finances ; et de ce point de vue il me semble remplir parfaitement sa fonction.

Si, sur le fond, le ministre répondra mieux que moi à la plupart de vos questions, je vous précise cependant, au sujet du CICE – un dispositif dont je n’ai jamais été un zélateur farouche, puisque j’ai même fait voter, lors de son adoption, un amendement demandant la mise en place d’un observatoire des contreparties –, que vous pouvez vous référer sur ce sujet à un rapport très intéressant de la précédente rapporteure générale, ainsi qu’à des documents de France Stratégie évaluant l’impact du dispositif.

M. Charles de Courson. Je vous avoue que le document présenté par le rapporteur général m’inquiète, pour plusieurs raisons.

On peut voir qu’il nous est proposé de ne pas réduire le déficit public pendant trois ans : celui-ci est fixé à 3 % après les mesures correctrices pour 2017, à 2,7 % pour 2018 et 2,9 % en 2019. L’ajustement structurel devrait être au moins de 0,5 % – comme cela a été rappelé au précédent gouvernement, qui s’est contenté de prendre quelques mesures correctrices tout à fait insuffisantes – si l’on voulait qu’il soit conforme à nos engagements communautaires. Autrement dit, cela ne tient pas... J’aimerais savoir si cette trajectoire relative aux déficits et à la dette va être soumise à la Commission européenne.

Plusieurs de nos collègues se sont interrogés au sujet de la réduction des aides personnalisées au logement et des contrats aidés. Pour ma part, je n’y vois qu’une technique consistant à baisser par décret le plafond de revenus permettant d’être éligible à l’APL.

Comment peut-on croire au graphique faisant apparaître une évolution de la dépense publique réduite à 0 % en volume de 2018 à 2020 ? De ce point de vue, il serait intéressant de savoir quelle est la répartition de la dépense entre les trois blocs que sont le budget de l’État, celui des collectivités locales et celui de la sécurité sociale, étant précisé que le bloc des collectivités locales bénéficie, en vertu de la Constitution, d’un principe d’autonomie de gestion.

L’arrêt ou la réorientation de projets d’infrastructures de transport ne sauraient être considérés comme des économies : il s’agit tout au plus de non-dépenses supplémentaires – il en va de même du PIA. Quant à la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires, on peut d’ores et déjà considérer, même si cela n’est pas précisé, qu’elle représente 4,2 milliards d’euros.

Pour ce qui est des nouvelles dépenses, la construction de 15 000 places de prison correspond à un coût que j’estime, à raison d’un peu plus de 100 000 euros la place, entre 1,5 milliard et 2 milliards d’euros.

Pour conclure, j’évoquerai la fiscalité sur le tabac. Si vous appliquez une augmentation, je peux vous dire, moi qui habite à proximité des frontières belge et luxembourgeoise, que vous n’allez pas aboutir à une diminution de 500 millions d’euros des recettes fiscales, mais à une vraie dégringolade de ces recettes. Je rappelle que 25 % du tabac actuellement consommé en France est importé et qu’à chaque fois que l’on augmente la fiscalité sur le tabac sans coordination européenne, cela se solde invariablement par une augmentation des importations. Celles-ci représentent 33 % de la consommation dans le département de la Marne, et environ 50 % dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais – je ne vous parle même pas de la situation dans les Pyrénées-Atlantiques, où plus personne n’achète son tabac de ce côté-ci de la frontière !

M. le rapporteur général. Je suis parfaitement conscient de la situation que vous évoquez au sujet du tabac puisque je suis amené à franchir deux fois la frontière franco-italienne pour me rendre de Paris à ma circonscription : je vois donc bien ce qui se passe dans les zones frontalières, même si je ne suis pas fumeur.

Je ne répondrai pas à toutes vos questions, notamment à celles que j’ai moi-même déjà posées au ministre en ma qualité de rapporteur général et pour lesquelles je n’ai pas encore obtenu de réponse – je pense en particulier à la répartition des dépenses entre les trois blocs que sont l’État, les collectivités territoriales et administrations de sécurité sociale.

Pour ce qui est des trajectoires figurant dans ma présentation, ce sont avant tout celles présentées par le Gouvernement, et que j’ai reprises afin de susciter le débat.

Mme Christine Pires Beaune. Pour ma part, je voudrais remercier le rapporteur général pour les éléments d’information qu’il porte dès maintenant à notre connaissance en vue d’une séance publique prévue le 20 juillet, car j’ai souvent eu l’occasion de déplorer, au cours des cinq dernières années, que les membres de cette commission soient informés très tardivement : ils l’ont souvent été en fin de journée pour la séance du lendemain ! Ce que je souhaite maintenant, monsieur le rapporteur général, c’est que vous nous transmettiez les réponses que nous attendons à mesure que vous les obtiendrez vous-même. Nous pourrons peut-être ainsi gagner du temps lors de la séance publique, sur certaines questions au sujet desquelles nous aurons déjà obtenu des réponses.

M. le rapporteur général. Non seulement je peux le faire, mais j’entends bien m’y employer. Vous trouverez déjà, dans le rapport qui sera publié lundi, des éléments de réponse aux questions posées aujourd’hui – et je ne manquerai pas de vous faire ensuite connaître au fur et à mesure toutes les précisions qui seront portées à ma connaissance, dans la plus totale transparence.

M. Stanislas Guerini. Pouvez-vous me confirmer que les chiffres relatifs à la revalorisation de l’AAH, du minimum vieillesse et de la prime d’activité correspondent à des dépenses annuelles, tandis qu’à la ligne suivante, la somme de 50 milliards d’euros pour le plan d’investissement est celle prévue pour la durée totale du quinquennat ?

M. le rapporteur général. Je vous le confirme, cher collègue.

M. Jean-René Cazeneuve. J’aimerais savoir si la projection sur cinq ans est à périmètre constant : au-delà de la taxe d’habitation, d’autres dépenses ou recettes font-elles l’objet d’une répartition différente entre l’État et les collectivités locales ? En d’autres termes, si des responsabilités sont déplacées de l’État vers les collectivités locales, comme c’est le cas pour la taxe d’habitation, le budget s’en trouve-t-il modifié ?

M. le rapporteur général. Nous ne parlons pas ici d’une loi de règlement du budget de l’État, mais de mesures ayant vocation à s’appliquer à l’ensemble des administrations publiques. Il ne saurait donc être question de modifications ou d’aléas de périmètre en la matière.

M. Vincent Ledoux. En ce qui concerne le tabac, il ne faut pas négliger le trafic de tabac illicite, qui représente 41 % de la consommation dans le département du Nord.

Pour ce qui est de l’aide publique au développement, que nous avons évoquée un peu rapidement ce matin, j’aimerais savoir si les crédits qu’il est prévu de réduire sont des crédits en réserve, auquel cas on peut espérer que l’impact des mesures prises sera limité. Je rappelle que le nouveau Président de la République a fixé pour objectif d’y consacrer, d’ici à 2030, 0,7 % du produit intérieur brut, et je me demande si cet objectif sera tenu.

Enfin, en matière de méthodologie, on nous parle d’une Conférence nationale des territoires (CNT) sans nous en indiquer les modalités d’organisation – il paraît que le sujet va être discuté lundi au Sénat. Pouvez-vous d’ores et déjà nous préciser si cette conférence fera l’objet de déclinaisons dans les départements et les autres territoires ? Les élus locaux, notamment les maires, sont en attente de renseignements sur ce point afin de pouvoir faire remonter les informations en leur possession – et éventuellement certaines inquiétudes.

M. le rapporteur général. Je ne peux vous répondre au sujet de la Conférence nationale des territoires tant que le Premier ministre ou le ministre de la cohésion des territoires n’auront pas communiqué sur ce point. À titre personnel et en tant qu’élu local
– pour quelques jours encore –, j’imagine mal que la CNT puisse ne pas faire l’objet de déclinaisons locales.

Pour ce qui est de l’aide publique au développement, ce sujet a été évoqué sous l’angle des annulations de crédits opérées par voie de décrets d’avance. Il sera nécessaire d’obtenir mardi des précisions sur ce point, et nous sommes nombreux ici à le souhaiter car nous sommes soucieux de voir la France tenir ses engagements. Le ministre a évoqué ce matin les procédures de financement mises en place – en oubliant de préciser qu’elles ont été obtenues par voie d’amendements parlementaires, adoptés de haute lutte... Il faudra obtenir des précisions en la matière dans le cadre de l’examen du décret d’avance, notamment en termes de pérennité du dispositif et d’évolution des taxes mises en place, afin de nous assurer que ces taxes permettent d’atteindre les équilibres correspondant aux engagements internationaux de la France.

M. Jean-Paul Mattei. Sur la forme, je suis choqué que l’on stigmatise l’investissement immobilier en parlant d’un impôt sur la fortune immobilière, ce qui ne me paraît pas correspondre à l’esprit de la réforme. Il ne faut pas perdre de vue que cette forme d’investissement est de nature à créer des emplois non délocalisables, notamment dans le secteur de la construction et de la transition énergétique – en particulier en matière de rénovation.

En ce qui concerne cette forme d’imposition forfaitaire qu’est la flat tax, j’appelle votre attention sur le fait qu’il pourrait suffire à quelqu’un de transférer ses biens immobiliers dans une structure soumise à l’impôt sur les sociétés pour qu’ils soient assujettis au régime des revenus mobiliers. Il va donc falloir préciser sur quels types de revenus portera la flat tax, mais j’ai bien conscience du fait que cette question a plutôt vocation à être posée au ministre de l’économie.

M. le président Éric Woerth. Effectivement. Je partage votre opinion.

M. Éric Alauzet. En matière de trajectoire du déficit public, le document qui nous a été communiqué fait apparaître un gap important entre 2018 et 2019. J’espère que le passage de 2,7 % à 1,9 % ne se fait pas par construction, c’est-à-dire qu’il n’implique pas la transformation du CICE en baisse de cotisations, ce qui nécessiterait de rajouter 20 milliards d’euros.

M. le président Éric Woerth. C’est toujours un peu par construction : il subsiste invariablement une part d’imprévisibilité...

M. Éric Alauzet. Par ailleurs, on peut constater que les mesures de réduction de dépenses portent sur des montants moins importants que celles prévoyant de nouvelles dépenses... On mesure l’effort qu’il sera nécessaire de conduire.

Je m’étonne de voir que l’alignement progressif de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence est censé rapporter 2 milliards d’euros, alors que la mesure précédemment adoptée, consistant à taxer l’essence d’un centime de moins et le gazole d’un centime de plus, ne devait procurer qu’environ 300 millions d’euros de recettes supplémentaires par an – mais peut-être la somme de 2 milliards d’euros correspond-elle à un cumul sur cinq ans ?

Enfin, on n’évoque pas la contribution climat-énergie, qui doit rapporter des recettes supplémentaires. Avez-vous des précisions à nous apporter sur ce point ?

M. le rapporteur général. Certains des chiffres que nous avons repris sont issus des réponses que nous ont faites ce matin MM. Bruno Le Maire et Gérald Darmanin. Ils ont évoqué la trajectoire carbone et l’alignement progressif de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence, et cité le chiffre de 2 milliards d’euros. Sur ce point, j’ai cru comprendre qu’il y aurait d’autres mesures que celle consistant à aligner progressivement la fiscalité du diesel sur celle de l’essence, mais cela reste à préciser.

M. Daniel Labaronne. Pouvez-vous nous indiquer comment il faut interpréter la mesure consistant en un gel du point d’indice de la fonction publique et censée permettre 2 milliards d’euros d’économies par an ? Est-ce à dire que l’on s’engage à geler le point d’indice durant toute la durée du quinquennat ?

M. le rapporteur général. Cela s’entend en tendance par rapport à la mesure qui n’aura pas été prise.

M. le président Éric Woerth. Exactement, par rapport à une augmentation d’environ 1 % qui n’aura pas lieu. Cela dit, l’estimation de 2 milliards d’euros est sans doute un peu élevée : il est probable que l’économie effectivement réalisée sera plutôt de l’ordre de 1,8 milliard d’euros.

M. le rapporteur général. Je précise que l’estimation de 2 milliards d’euros provient de la Cour des comptes.

En application de larticle 145 du Règlement, la commission autorise, à lunanimité, la publication du rapport dinformation.

*

*     *


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

Réunion du mercredi 12 juillet 2017 à 16 heures 15

 

 

Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Éric Coquerel, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Sarah El Haïry, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, Mme Olivia Gregoire, M. Stanislas Guerini, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, Mme Aina Kuric, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Vincent Ledoux, M. Marc Le Fur, M. Gilles Le Gendre, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Amélie de Montchalin, Mme Catherine Osson, M. Jean-François Parigi, M. Hervé Pellois, M. Pierre Person, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, M. Xavier Roseren, M. Laurent Saint‑Martin, M. Jacques Savatier, M. Benoit Simian, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth

 

Excusés. - M. Jean-Louis Bricout, M. M’jid El Guerrab, Mme Cendra Motin, M. Olivier Serva

 

 

————