Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Audition de M. Nicolas DUFOURCQ, directeur général de BPI-Groupe 2

–  Information relative à la commission................21

–  Présences en réunion...........................22

 

 

 


Mercredi
20 septembre 2017

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 15

session extraordinaire de 2016-2017

 

 

Présidence

 

 

 

de M. Éric Woerth,

Président


  1 

La commission entend M. Nicolas Dufourcq, directeur général de BPI-Groupe.

M. le président Éric Woerth. C’est devant la commission des finances qu’a été renvoyé au fond le projet de loi créant la Banque publique d’investissement (BPI), et en 2015, deux membres de notre commission, Véronique Louwagie et Laurent Grandguillaume, ont respectivement été la présidente et le rapporteur de la mission d’information de notre assemblée sur la BPI – Joël Giraud, rapporteur général, et Éric Alauzet, rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, s’en souviennent puisqu’ils avaient participé à ces travaux, dressant un bilan de l’activité de la BPI quelque temps après sa création.

Je rappelle également que deux membres de notre commission siègent au comité national d’orientation de Bpifrance. Ils sont nommés par le président de l’Assemblée nationale sur proposition du président de la commission des finances. Pour ce faire, nous devons respecter le principe de parité, au sens politique mais aussi plus physique : je proposerai donc au président de l’Assemblée de désigner nos collègues Olivia Gregoire et Nicolas Forissier.

Merci, monsieur le directeur général, de nous présenter la BPI, son organisation, ses perspectives, avant que nos collègues vous posent leurs questions.

M. Nicolas Dufourcq, directeur général de BPI-Groupe. Bpifrance est une banque et en tant que telle, elle est régulée par la Banque centrale européenne (BCE). Certes, ce n’est pas une banque comme les autres mais, du point de vue de sa régulation, elle est pilotée comme n’importe quelle banque privée à capitaux publics.

Elle possède une grosse demi-douzaine de métiers, que je balaierai rapidement. Ces métiers proviennent d’organisations historiques bâties progressivement ces cent dernières années et qui ont fini par se concaténer dans une seule et même organisation. En 2012, quand on m’a demandé de proposer une organisation pour cette peau de panthère, j’ai hérité d’un râteau et nous avons essayé, autant que possible, d’en faire une entreprise.

Le premier métier est la garantie : nous garantissons les banques françaises sur leurs crédits les plus risqués. Cela représente quelque 8,5 milliards d’euros de crédits accordés par les banques commerciales françaises chaque année, essentiellement à de toutes petites entreprises, des très petites entreprises (TPE) ou petites PME, et nous garantissons ces banques à hauteur de 60, voire 70 %, avec des fonds de garantie. Ces derniers, des sortes de poches de provisions collectives, sont alimentés par trois sources : l’État, via le programme 134 du budget, les conseils régionaux, qui nous accordent des crédits pour « surgarantir », c’est-à-dire pour passer les quotités de garantie de 50 ou 60 % à 70 % du risque, ou un peu plus, enfin la Commission européenne, essentiellement au titre du plan Juncker, via le programme InnovFin et le Fonds européen d’investissement (FEI).

C’est une activité fondamentale, permettant de garantir chaque année une quinzaine de milliers de crédits, qui ne seraient tout simplement pas consentis s’ils n’étaient garantis. Il s’agit typiquement de transmission, de développement, de création d’entreprise. Les prêts à la création d’entreprise des banques privées françaises sont garantis par Bpifrance.

Notre deuxième métier est le crédit, sur nos fonds propres. Bpifrance a environ 20 milliards d’euros de fonds propres, sur lesquels quelque 3 milliards sont alloués à notre établissement de crédit. Cela nous permet de consentir chaque année 16 milliards d’euros de crédits, pour une moitié des crédits à l’investissement et pour une autre des crédits de trésorerie, de court terme. Il s’agit uniquement de crédit aux entrepreneurs : nous ne finançons pas d’infrastructures ni d’immobilier, nous n’avons pas d’activité avec les particuliers et nous ne gérons pas non plus les comptes de nos clients.

Soit le crédit à l’investissement est garanti, par des hypothèques, soit il ne l’est pas. Le cœur de métier de Bpifrance, ce sont les prêts sans garantie : des prêts que nous faisons en blanc à des entrepreneurs, jusqu’à 10 millions d’euros, en général sur sept ans, toujours avec un différé de remboursement d’un ou deux ans, qui permettent de financer tout l’immatériel de l’entreprise : le développement, les recrutements, l’informatique, la construction de stratégies internationales... Comme vous l’imaginez, ces prêts, même s’ils sont parfois un peu plus chers, en facture, que les prêts que l’on peut trouver sur le marché, sont particulièrement appréciés des entrepreneurs français, et très demandés, parce que leur patrimoine n’est pas hypothéqué. Dans la mesure où ils sont sans garantie, Bpifrance doit se protéger et il faut donc, là aussi, des fonds de garantie. Ces fonds sont alimentés par l’État
– le programme 134 ou le programme d’investissements d’avenir (PIA) –, les régions et la Commission européenne. L’équation est extrêmement simple : plus on a d’argent dans ces fonds de garantie, plus on peut réaliser de prêts sans garantie.

Le troisième métier est le financement de l’innovation. Nous sommes le grand bras armé de l’État dans ce domaine depuis la création de Bpifrance en 2012. Nous distribuons chaque année 1,3 milliard d’euros de subventions, avances remboursables, prêts à taux zéro (PTZ), venture loans, prêts à l’amorçage, prêts à l’innovation, à environ 5 000 entreprises, par le biais de notre réseau de cinquante agences régionales – environ mille personnes – qui prennent 95 % des décisions. Nous sommes très décentralisés.

Les ressources de ce financement sont l’État, via le programme 192 du budget
– les « aides à l’innovation », qui sont des avances remboursables et des PTZ – et, pour des programmes en général plus importants, le PIA. Les aides à l’innovation représentent en moyenne 100 000 euros par entreprise et nous en réalisons 5 000 par an. Les programmes collaboratifs peuvent quant à eux s’élever à plusieurs millions d’euros, dans la filière du laser, de l’hydrogène... Une autre ressource, mais bien plus faible, est le programme H2020 de la Commission européenne.

Le quatrième métier, depuis le 1er janvier de cette année, est l’assurance-crédit, qui était prise en charge par la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface) et l’est à présent par Bpifrance Assurance Export. Nous assurons à l’export les banques de nos clients. Cela représente chaque année entre 16 et 18 milliards d’euros en couverture. Nous instruisons et gérons les dossiers pour le compte de l’État, car c’est une assurance d’État. Toutes les décisions – et c’est parfois un peu excessif – sont prises dans des commissions qui se tiennent à Bercy, mais elles sont préparées et, ensuite, exécutées par nous.

Ensuite viennent des métiers de fonds propres, relevant de notre filiale, Bpifrance Investissement, qui est la plus grosse société de gestion française, gérant à peu près 18 milliards d’euros de fonds propres, investis dans toutes les catégories du paysage.

Le premier métier à cet égard est le capital-risque. Nous avons 2 milliards d’euros de capital-risque sous gestion, c’est-à-dire logés dans des fonds ou poches et investis, ou désinvestis, par nos équipes du 6, boulevard Haussmann, spécialisées par grands thèmes : une trentaine de personnes sur la « biotech », une trentaine sur le digital, une équipe sur la transition énergétique, une sur les maladies rares... C’est le plus gros fonds de capital-risque français. Il s’agit aussi de capitaux qui nous sont confiés en gestion par le PIA.

Le deuxième métier de fonds propres est l’investissement dans les petites et moyennes entreprises (PME). Nous avons pour cette activité une équipe de quelque quatre-vingts personnes dans toute la France. Nous investissons dans environ cent PME chaque année et vendons nos participations dans à peu près quatre-vingts. La particularité de ce métier, c’est que 60 % de nos opérations sont sur des entreprises qui n’avaient jamais ouvert leur capital. Notre rôle est de convaincre les familles d’ouvrir leur capital et elles le font plus aisément avec Bpifrance qu’avec un fonds privé. Nous gérons à ce titre environ 500 lignes de portefeuille, contre 200 lignes pour le capital-risque.

Un autre métier est ce que nous appelons les « mid cap » et les grandes participations. Les « mid cap » concernent les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Nous sommes investis dans une petite centaine d’ETI et procédons chaque année à une petite vingtaine de gros investissements de cette nature : par exemple, 180 millions d’euros dans l’entreprise Sermeta à Morlaix. Nous co-investissons toujours avec des partenaires privés. Notre rôle est de faire monter en graine de belles ETI familiales françaises, qui seront potentiellement des groupes du CAC 40 en 2030.

Quant à notre activité de larges participations, il s’agit de notre héritage de fonds souverain. Nous sommes actionnaires d’Orange à hauteur de 10 %, de STMicroelectronics à hauteur de 13 %, d’Eutelsat à hauteur de 25 %... Nous avons tout un portefeuille de participations cotées, qui représente environ 14 milliards d’euros et s’enrichit puisque nous venons d’acquérir 12 % du capital de Peugeot. Il s’allège aussi : nous avons vendu cette année nos participations dans Schneider et Eiffage. Il se transforme, enfin, en fonction de l’histoire de nos participations : quand Technip fusionne avec une grande entreprise américaine comme FMC, nous en profitons pour monter au capital, afin de sanctuariser l’essence française de l’entreprise.

Je terminerai par présenter nos trois grandes priorités transverses, qui qualifient tous nos métiers. La première est l’accompagnement. Nous sommes convaincus que la banque à l’ancienne n’est plus adaptée aux besoins des entrepreneurs, qui ont besoin de faire partie d’un écosystème complet d’accompagnement. Le crédit, les fonds propres ne suffisent plus : les entrepreneurs ont besoin de conseil, de présence humaine, de coaching. Nous sommes fondamentalement une banque coach. Nous allons annoncer demain avec M. Bruno Le Maire le fait que les accélérateurs que Bpifrance a commencé à développer et qui sont des sortes de centres sportifs pour entrepreneurs, où nous les prenons complètement en charge de la manière dont les athlètes sont préparés aux Jeux olympiques, comptent actuellement 300 entreprises et que nous allons passer à 4 000. J’étais vendredi dernier en Pays de la Loire avec M. Bruno Retailleau pour inaugurer l’accélérateur Pays de la Loire, et nous ferons la même chose dans toutes les régions. De même, nous inaugurons demain soir l’accélérateur de la filière aéronautique, et nous le ferons également dans toutes les filières.

C’est ainsi 4 000 « athlètes » que nous aurons dans nos centres. Les centres sont marginalement du financement mais, passant par un centre, l’entreprise double de taille et va donc ensuite chercher du financement, des fonds propres. Nous avons toujours dit, depuis 2012, que nous avions l’intention de créer un réseau social d’entrepreneurs avec une banque autour, et c’est ce que nous faisons. C’est un élément absolument majeur de l’identité de Bpifrance et c’est probablement ce qui explique que nous ayons la plus grosse croissance de la banque française aujourd’hui : 20 % de croissance sur les crédits au premier semestre.

La deuxième grande priorité transversale est l’international. C’est une obsession de Bpifrance : nous ne lâchons pas nos clients, nous ne pouvons accepter que trois quarts des PME et 50 % des ETI ne soient pas à l’international. Nous avons un petit côté harceleur à cet égard mais c’est assumé. Nous avons toute une gamme de produits adaptés – crédits export, prêts à l’export, cautions, garanties, assurances... – mais ce n’est pas suffisant : le cœur du sujet, c’est, à côté des instruments financiers, le consulting, le coaching, l’accompagnement, la présence physique et humaine, pour susciter la volonté de l’entrepreneur d’aller à l’étranger, le mondialiser dans sa tête, et ensuite l’accompagner, ou le faire accompagner par notre partenaire Business France.

Enfin, notre troisième priorité transversale est l’expertise sectorielle. Il faut être conscient du fait que tout devient beaucoup plus compliqué, que chaque mois est plus complexe que le mois précédent, dans tous les secteurs : mobilité, chimie, logistique... On ne peut plus être banquier généraliste et nous professionnalisons donc nos troupes, notamment dans l’activité de fonds propres, de façon qu’elles aient une compréhension intime des conséquences de la révolution technologique digitale sur les modèles opérationnels de chaque secteur.

M. le président Éric Woerth. Nous vous remercions, monsieur le directeur général, pour cette présentation d’ores et déjà très complète. Je souhaite néanmoins que vous nous en disiez davantage sur les TPE et en particulier sur les outils qui leur sont destinés et que développe la BPI un peu partout en France – l’accès des TPE au financement paraît en effet des plus compliqués.

Vous avez également évoqué l’innovation. La diminution des crédits du programme 192 est assez structurelle – des crédits ont encore été annulés au mois de juillet dernier. Cela entrave-t-il la capacité de Bpifrance à financer l’innovation ?

Mme Émilie Cariou. À travers les activités d’octroi de garantie de prêts d’investissement, Bpifrance a permis d’injecter près de 25 milliards d’euros dans l’économie française en 2016, soit plus d’un point de produit intérieur brut (PIB). Le succès de Bpifrance est donc indéniable et nous le saluons tous ; il concerne toutes les entreprises à tous les stades de leur vie. Bpifrance n’en est pas moins, parfois, victime de son succès : je pense en particulier au développement du marché du capital-risque en France. Dans ce domaine, qui consiste à financer de jeunes entreprises innovantes, de nombreux investisseurs privés sont aujourd’hui réticents à investir si Bpifrance ne fait pas partie du tour de table. Ne craignez‑vous pas que l’effet de levier de Bpifrance se transforme en effet d’éviction de l’initiative purement privée ? Pouvez-vous nous rassurer sur la maîtrise des risques de ce type d’investissement et pouvez-vous nous donner des exemples de succès qu’ont permis les investissements en capital de Bpifrance ?

Bpifrance finance le développement et la croissance des TPE et des PME mais le but est malgré tout l’émergence et la multiplication des ETI, qui constituent un maillon essentiel de la compétitivité de l’économie française. L’action de Bpifrance a-t-elle permis de combler le retard français en la matière ? Ne sommes-nous pas encore en retard en ce qui concerne le capital-développement ? Comment expliquez-vous, par exemple, que l’entreprise française BlaBlaCar soit allée en 2015 se financer – à hauteur de 200 millions de dollars – sur le marché américain et non pas sur le marché français ou européen ?

De nombreux fonds sont financés sur les ressources du PIA. Quels enseignements tirez-vous des PIA 1 et 2 ? Selon vous, le PIA 3 a-t-il été bien calibré et pensez-vous que sa reprise dans le cadre d’un grand plan d’investissement de 50 milliards d’euros, annoncé par le Gouvernement, est une bonne chose ?

Enfin, Bpifrance intervient souvent directement dans le financement des fonds de fonds plutôt qu’en investissement direct – pour quelles raisons, selon vous ? Ce recours aux fonds de fonds permet-il un contrôle des sommes effectivement investies dans les entreprises ?

Nous nous interrogeons par ailleurs sur la doctrine d’investissement que vous venez d’évoquer. Bpifrance détient des participations stratégiques dans plusieurs grandes entreprises telles que STMicroelectronics et elle a récemment acquis une participation dans le groupe PSA. Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous différencie de l’Agence des participations de l’État (APE) et quelle est votre stratégie par rapport à cette dernière ?

Ensuite, Bpifrance a été un acteur central du préfinancement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). La disparition de celui-ci étant prévue pour 2019, quel usage Bpifrance fera-t-elle des sommes mobilisées au titre de ce préfinancement ? Est-il par exemple prévu d’accentuer le soutien apporté aux entreprises souhaitant se développer à l’international ? J’ai bien compris qu’il s’agissait d’une des préoccupations premières de Bpifrance.

Enfin, je m’associe à la question du président au sujet des TPE puisque si le financement des PME s’est amélioré ces dernières années, il reste une belle marge de progression concernant celui des TPE et, dans certains départements, l’écart se révèle criant par rapport à la moyenne française. Aussi comment Bpifrance peut-elle aider les TPE, sachant que nous avions interrogé la directrice générale du Trésor à ce sujet, laquelle nous avait indiqué La Banque postale alors qu’il ne s’agit pas forcément de l’acteur vers lequel les TPE vont spontanément se tourner et en particulier dans certains secteurs très spécialisés ?

M. Olivier Damaisin. La réforme de la fiscalité du capital, par le biais de la création de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et du prélèvement forfaitaire unique (PFU), permettra de libérer de l’épargne du capital, et par conséquent de financer l’économie réelle, en particulier les entreprises. Cependant, si ce capital libéré n’est pas orienté vers l’investissement productif, on peut s’interroger sur le changement réel des comportements qui en découlera. Ainsi, le dispositif ISF-PME visait à opérer cette orientation et à pallier le déficit de financement de certaines entreprises. Sa disparition dans le cadre de la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) et de la création de l’IFI pose la question des outils à disposition des épargnants pour soutenir les PME. Quelles sont vos pistes, vos recommandations en la matière ? Enfin, j’y insiste, comment assurer que le capital libéré participera bien au financement de l’investissement productif ?

Mme Marie-Christine Dalloz. À vous entendre, monsieur le directeur général, on comprend bien que l’activité de Bpifrance est très diverse et qu’elle recouvre des métiers totalement différents : qu’il s’agisse d’être emprunteur ou d’apporter des financements en termes de fonds de concours ou de subventions, qu’il s’agisse par ailleurs de la durée des financements, de court terme ou de sept ans, l’approche n’est pas la même.

La deuxième activité de Bpifrance, selon vous, est celle qui concerne les crédits en direct : 50 % de crédits d’investissement, soit 8 milliards d’euros par an, pour une durée de sept ans, avec des encours possibles sans garantie. Le système bancaire étant ce qu’il est, on saisit très bien l’attrait pour les concours financiers sans garantie qui n’existent pas par ailleurs – les banques ayant plutôt tendance à multiplier les garanties qu’à les supprimer. Les chiffres que vous nous donnez dans votre bilan d’activité couvrent la période 2012-2016, ce qui n’est pas très parlant si l’on considère que 2012 est l’année de création de l’activité « Encours prêts sans garantie » qui a, pendant ce laps de temps, progressé de 184 %. Il serait plus intéressant de connaître les données de ces toutes dernières années.

Ensuite, en ma qualité de rapporteure spéciale notamment chargée des investissements d’avenir, je souhaite savoir quelles sont les sommes décaissées au titre du PIA 1 – l’enveloppe est, j’imagine, aujourd’hui, déjà largement entamée –, mais aussi au titre du PIA 2. Et, concernant le PIA 3, le commissaire général à l’investissement vous a-t-il indiqué quelles orientations étaient envisagées ? Que va-t-on précisément financer dans le cadre du PIA 3 ?

Enfin, pour ce qui est des 50 milliards d’euros de grands investissements annoncés par le Gouvernement, s’agit-il uniquement d’une enveloppe de participations de l’État ou bien cette somme intègre-t-elle les opérateurs du secteur privé ? En outre, cette enveloppe comprend-elle le Grand Paris ?

M. Mohamed Laqhila. Il y a près d’un an, la Cour des comptes pointait du doigt l’augmentation des frais de fonctionnement de Bpifrance, de sa masse salariale et de la gestion de ses locaux notamment. Vous avez répondu à la Cour. Qu’en est-il en 2017 : les dépenses concernées ont-elles été réduites, ont-elles augmenté, sont-elles stabilisées ?

Ensuite, il semble que le Gouvernement souhaite privilégier une forme de financement mixant davantage les fonds d’investissement institutionnels et ceux des opérateurs privés. Un nouveau fonds, présenté la semaine dernière, « Eiffel croissance directe », incarne, d’après M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État, cette nouvelle politique. Quelle sera dès lors la place de la BPI si d’autres fonds de ce type sont créés ?

M. Philippe Vigier. Il suffit d’examiner la balance des paiements de la France pour se rendre compte que sa capacité d’exportation reste l’une de ses grandes faiblesses structurelles. J’ai noté que vous entendiez faire en la matière un effort particulier pour l’année 2017 et atteindre la somme de 150 millions d’euros de prêts à l’export tout en mettant en avant la fameuse assurance export. Ne croyez-vous pas que la vraie question n’est pas plutôt l’implantation des entreprises françaises sur les marchés étrangers ? Quelle stratégie a été mise en place, avec d’autres opérateurs, pour améliorer la capacité exportatrice de la France ?

Ensuite, vous allez consacrer 1 milliard d’euros à l’innovation – fort bien. Nous avons appris ici même, la semaine dernière, que la vente des participations de l’État rapporterait environ 10 milliards d’euros. Or cette somme, dont nous imaginions qu’elle serait « injectée » dans l’innovation, ne serait en fait que de 500 millions d’euros. Quel sera donc le rôle de la BPI alors que l’innovation doit être au cœur du projet français et qu’on semble en faire un parent pauvre ? Quelle sera l’articulation entre l’action de la BPI et le PIA 3, qui soulève un grand enthousiasme ? Car j’ai peur, là encore, que le réveil ne soit douloureux.

Enfin, en ce qui concerne les start-up, comment fait-on pour trouver 100 000 ou 200 000 euros lorsqu’on a un projet innovant et qu’on n’a pas de collectivité ou de porteur capable d’accompagner ce projet ? En janvier 2017 nous étions le troisième pays du monde créateur de start-up ; or, malheureusement, toutes ces pépites sont pour beaucoup laissées à l’abandon.

M. Jean-Louis Bricout. C’est un plaisir de vous recevoir au sein de la commission des finances, monsieur le directeur général, pour nous présenter le bilan de Bpifrance après quelques années d’existence seulement. Incontestablement, Bpifrance est une réussite et ce n’est pas rien de le dire, réussite qu’on doit à la volonté du président Hollande qui en avait fait l’un de ses premiers engagements, ainsi qu’à votre ténacité grâce à laquelle la BPI est devenue incontournable.

Le bilan pour l’année 2016 de l’activité de la BPI dans la région Hauts-de-France fait apparaître 788 millions d’euros en soutien de trésorerie – c’est vous dire l’importance de cet outil pour nos territoires. J’ai noté par ailleurs que vous aviez repris les activités de la Coface afin de pouvoir proposer une offre plus globale, améliorant de la sorte les services aux entreprises exportatrices – l’enjeu est essentiel non seulement, cela vient d’être rappelé, pour la balance commerciale, mais aussi pour faire grandir nos entreprises, donc pour faire en sorte que les PME deviennent des ETI et les ETI des entreprises du CAC 40. Bpifrance est chargée de l’assurance-crédit à l’exportation, de l’assurance prospection, de la garantie des cautions et des préfinancements, de l’assurance-change et de l’assurance des investissements. Quel bilan faites-vous après ces quelques mois de reprise d’activité ?

Vous avez transféré environ 250 équivalents temps plein (ETP) de la Coface, chargés de ces enjeux à l’export qui sont répartis sur le territoire au sein de quarante‑sept agences. Vous n’êtes pas présent dans tous les départements et notamment dans l’Aisne. Pourtant, ne serait-ce que dans ma circonscription, nous avons des besoins importants : nous avons la chance de compter des fleurons de l’industrie qui ont cette vocation à l’export comme Le Creuset, Materne, Nestlé, Givenchy, mais aussi des petites entreprises qui, j’y insiste, ont de gros besoins en trésorerie. Avez-vous une démarche volontariste dans ces territoires qu’on dit souvent oubliés ?

Par ailleurs, la ville de Saint-Quentin, dans mon département, a été sélectionnée pour rejoindre les réseaux thématiques « French Tech », label qui doit renforcer le poids des entreprises dans leurs négociations et leurs échanges avec les grandes entreprises numériques aux niveaux national et international, et qui doit faciliter l’accès des start-up aux bourses de la BPI. Quel bilan en faites-vous ?

Enfin, quels sont vos résultats à la suite de l’intervention de la BPI destinée à renforcer la trésorerie des entreprises agricoles ?

M. le directeur général de BPI-Groupe. L’ensemble de vos questions couvre tout le champ de nos préoccupations et de nos actions.

Le président Woerth m’a interrogé sur les TPE. Nous les touchons de diverses manières et de façon croissante. Nous sommes en effet très conscients et des plus sensibles aux TPE pour une raison simple : la pyramide économique française est constituée, au sommet, de quelques grands groupes, puis de quelques ETI, de nombreuses PME, enfin d’un nombre considérable de TPE. Or ce ne sont pas les grands groupes ni les ETI qui vont recruter massivement, non plus que les grosses PME. Aussi, si nous voulons lutter contre le chômage, faut-il absolument nous occuper des TPE. Et cela d’autant plus que les patrons de TPE, après tant d’années de difficultés qui les ont fatigués voire découragés, constituent un réservoir d’énergie incroyable pour le pays. Donc, libérer cette énergie, c’est favoriser la croissance et l’emploi.

Nous avons lancé, il y a un an, un prêt destiné aux TPE intitulé « prêt croissance TPE », qui est en outre notre premier prêt en ligne, et qui peut atteindre 50 000 euros sans garantie. Alloué à d’assez grosses TPE puisque d’au moins trois salariés, il est assis sur des fonds de garantie qui ne sont dotés que par les conseils régionaux. Nous avons commencé avec Valérie Pécresse et la région d’Île-de-France, qu’elle préside, et nous poursuivons cette expérience, de facto, dans toutes les régions : Bretagne, Hauts-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est... À la fin de l’année 2018 vous pouvez faire l’hypothèse que le « prêt croissance TPE » sera présent dans la France entière. Je précise que rien n’est prévu, dans le programme 134 du budget de l’État, pour financer ce prêt qui relève donc entièrement de la qualité de la relation que nous entretenons avec les conseils régionaux – et il se trouve qu’elle est très bonne.

Reste que cela ne suffit pas. De petites TPE, de moins de trois salariés, ont besoin de moins d’argent. Nous sommes donc en train de lancer un « prêt flash TPE » de 10 000 euros sans garantie qui, en réalité, est la somme dont certaines TPE ont besoin – ainsi d’un menuisier qui va acheter des machines d’occasion : aujourd’hui, cela lui est impossible, sa banque ne lui finançant pas un tel achat. Ces prêts seront eux aussi en ligne : on ne peut, avec seulement un millier de personnes appartenant au réseau, toucher un million de TPE. Vous pouvez de surcroît nous aider en faisant connaître cet outil à l’opinion publique. J’ajoute que notre activité de garantie ne concerne que les TPE. Les 8 milliards d’euros de crédits bancaires privés que nous garantissons ne touchent que des TPE. Cette activité ne croît que de 2 à 3 % par an et il faudra faire beaucoup plus. Nous dialoguons avec La Banque postale, qui se reporte assez facilement sur nous. Reste que si vous m’interrogez sur ce même sujet dans un an, il faudra que je sois en mesure de vous en dire bien davantage. Je suis en effet convaincu que c’est le sujet central aujourd’hui.

M. le président Éric Woerth. Les 8 milliards d’euros dont vous parlez représentent autant de prêts sans garantie accordés aux TPE ?

M. le directeur général de BPI-Groupe. Non, il s’agit de 8 milliards d’euros de crédits des banques privées – Crédit agricole, groupe Banque populaire et Caisse d’épargne (BPCE)... – que nous garantissons à 60 ou 70 %. Il se trouve que ces crédits sont accordés à des TPE mais ils ne sont pas sans garantie

M. le président Éric Woerth. Quel est le délai moyen d’instruction d’un crédit TPE aujourd’hui ?

M. le directeur général de BPI-Groupe. Pour nos crédits sans garantie, il est en moyenne de quinze jours. Ce sont les crédits les plus simples du marché puisque le contrat ne fait que trois pages et qu’ils ne nécessitent pas la masse documentaire demandée pour les crédits avec garantie.

Par ailleurs, l’aide aux TPE est un sujet à ce point fondamental que nous envisageons éventuellement de développer une offre d’accélérateurs pour ces entreprises, car l’implication humaine est un aspect encore plus important pour ces structures que pour les PME.

En ce qui concerne le programme 192, sa diminution est en effet un problème. À sa création, en 2012, Bpifrance disposait de 250 millions d’euros ; aujourd’hui, la programmation à moyen terme ne prévoit plus que 136 millions. D’où l’idée qui avait été lancée de créer une fondation pour l’innovation. Ce n’est pas que nous ayons besoin de 300 ou 400 millions d’euros – nous ne cherchons pas à devenir Israël du jour au lendemain et nous sommes solidaires de l’ajustement budgétaire français – mais, si l’on veut assurer le financement structurel de l’innovation française, il nous faut au moins 200 millions d’euros par an. Et je parle ici des milliers d’entreprises qui reçoivent une aide à l’innovation de 100 000 euros. Car ce ne sont pas grâce aux PIA, aux programmes collaboratifs et à leurs milliards de subventions qu’ont été repérées les licornes françaises mais grâce au travail des chargés d’affaire innovation de Bpifrance au sein de nos directions régionales : qu’il s’agisse de DBV Technologies, aujourd’hui cotée au Nasdaq, ou de BlaBlaCar, toutes les deux ont commencé par une aide à l’innovation. L’aide à l’innovation ne doit donc pas être un processus top-down mais bien bottom-up, à partir de l’humus d’où, dans nos régions, surgissent des pousses dont Bpifrance va accompagner le démarrage par une aide à l’innovation.

Mme Cariou m’a interrogé sur les risques d’éviction dans le capital‑risque. Je ne crois pas que ce soit un vrai sujet de préoccupation. Bpifrance dispose en effet d’un fonds de financement direct – les 2 milliards d’euros que j’ai évoqués –, dont la moitié est composé par Large Venture, notre fonds destiné à proposer aux entreprises en croissance de gros tickets d’investissement, exactement comme ceux que BlaBlaCar est allé chercher aux États-Unis, alors qu’il aurait pu les prendre chez nous, puisque l’offre existait et que tout le monde à l’époque souhaitait investir chez BlaBlaCar.

Il faut savoir en effet qu’il y a actuellement à Paris énormément d’argent prêt à être, dès demain matin, investi dans l’innovation au travers du capital‑risque. Cette « poudre sèche » est évaluée à 6 milliards d’euros. Et, si BlaBlaCar n’a pas voulu de cet argent, c’est qu’elle savait qu’un fonds américain lui ouvrirait des portes pour se développer aux États‑Unis, manière de dire qu’un fonds de capital-risque, ce n’est pas uniquement un pourvoyeur de capitaux, mais aussi une école d’entreprenariat et une structure d’accompagnement.

C’est sur ces deux derniers points que les quatre-vingt-dix fonds qui constituent l’écosystème du capital‑risque français doivent encore progresser. Il faut que les grands entrepreneurs du capital-risque français aient envie d’être incubés dans un atelier parisien plutôt qu’à Londres, au sens où l’on parlait, à la Renaissance, de l’atelier de Ghirlandaio ou de Léonard de Vinci... En d’autres termes, les fonds français doivent devenir des marques de renommée mondiale, attractives pour les grands entrepreneurs. C’est déjà le cas pour certains d’entre eux comme Partech, Bpifrance, ISAI, Ventech ou Alven, qui sont de bonnes marques, même si elles ne sont pas encore au niveau des grandes Américaines, Andreessen Horowitz, Accel, Insight ou Summit.

Avant Bpifrance, ce financement du growth, ainsi que l’on désigne le capital investissement, n’existait pas en France. Il y avait là une énorme faille de marché que l’on avait pris l’habitude de désigner sous le terme de « vallée de la mort ». Nous avons donc créé le fonds Large Venture et avons fait en sorte qu’il serve de fonds de fonds à des acteurs privés, afin qu’ils créent à leur tour d’autres fonds de growth. Aujourd’hui, il en existe cinq à Paris, l’idéal étant que nous en ayons trois de plus.

Mais il n’est pas toujours évident de convaincre des acteurs privés de gérer des fonds de 500 à 600 millions d’euros, dans un monde où survit la tradition du micro-capital-risque. Pourtant, on ne pourra pas construire un écosystème français d’innovation à rayonnement mondial en ne misant que sur des fonds de 60 millions d’euros. Ce sont des fonds de 600 millions d’euros qu’il nous faut et des équipes qui savent gérer 2 milliards d’euros. On y arrivera.

Bpifrance fait sienne sans réserve une logique de puissance selon laquelle les ETI doivent devenir grandes, les PME se transformer en ETI et les TPE en PME. Parallèlement, il faut que le capital-risque français acquière un rayonnement mondial.

On ne doit donc pas parler d’éviction et, si notre part de marché diminue dans le capital-risque au profit de celles des investisseurs privés, c’est que les fonds français se développent et que les Américains, alléchés par les chiffes français, commencent à arriver.

Cela étant, soyons clair, nos ETI – en particulier dans le domaine industriel – souffrent bel et bien d’un retard considérable, qu’il faudra vingt-cinq à trente ans pour rattraper. Les erreurs commises ces trente dernières années n’empêchent pas néanmoins qu’il reste en France une industrie qui mérite d’être financée et accompagnée, et des chefs d’entreprise auxquels il faut redonner l’envie de doubler ou de tripler la taille de leur société. C’est pour moitié du conditionnement psychologique car le reste est là : les ingénieurs, la technostructure et le financement. Il faut donc convaincre les entrepreneurs de ne plus se projeter dans une croissance réduite mais dans une croissance forte.

En ce qui concerne les PIA et les 50 milliards d’euros annoncés pour l’innovation, je n’en sais guère plus que vous.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais vous en serez tout de même le bras armé...

M. le directeur général de BPI-Groupe. C’est vrai en matière de distribution, mais nous en ignorons le contenu précis. En tant qu’opérateur, nous ne participons pas au travail d’élaboration et ne sommes informés qu’à la fin. Reste que les PIA 1 et 2 ont été majeurs pour l’innovation. Ils constituent une exception mondiale que beaucoup d’États nous envient. Surtout, cette incroyable manne de capitaux publics nous a permis de rattraper en trois ans au lieu de quinze notre retard systémique dans le domaine de la French Tech. Sur le fond, ce sont donc des instruments formidables, même si, sur la forme, il y aurait à dire sur leur mode de gestion et les pratiques collaboratives, qui devraient mieux impliquer les opérateurs.

On nous annonce que le PIA 3 sera moins important. Nous savons pour l’instant qu’il comportera un ensemble de nouveaux fonds d’investissement qui nous seront confiés en gestion, notamment un fonds Frontier Venture, qui doit permettre de financer un maillon essentiel de la chaîne, entre le transfert de technologie et l’amorçage, quand le chercheur a encore sa blouse blanche et hésite à devenir entrepreneur – cela concerne notamment les centres hospitaliers universitaires (CHU) et les universités. Un second fonds, tout aussi intéressant car il nous permet d’investir dans les filiales étrangères des PME et des ETI françaises, va également nous être confié en gestion. Bref, nous comptons beaucoup sur ce PIA 3 mais attendons pour l’instant l’apparition de la fumée blanche, qui nous indique que l’État a achevé de définir l’articulation des différentes actions.

Quant à notre mission de fonds de fonds, elle a pour objectif d’amorcer un écosystème de capital risque performant. Avec 1,1 milliard d’euros d’investissement dans les fonds privés français pour la seule année 2017, nous sommes le plus gros fonds de fonds européen. Ce que l’assurance vie ne fait pas, Bpifrance le fait. Nous sommes présents à hauteur de 20 % dans les fonds de capital‑risque et dans les fonds de capital‑développement à destination des PME, qui sont parfois assez risqués ; dans les autres secteurs, notre participation est plus faible.

Notre politique est de faire en sorte que la place de Paris héberge à terme de grandes marques du capital‑investissement, dont la renommée traverse les frontières. Je ne veux pas en effet que se produise dans le monde du capital-risque et du capital-investissement ce qui s’est produit dans le secteur des chasseurs de tête, de la banque d’affaires, de l’audit, du marché de l’art, des experts-comptables et des cabinets de conseil, ces activités qui recrutent nombre de nos talents en sortie d’école et où, il y a trente ans, tous les grands noms étaient français, avant d’avoir été littéralement liquidés par les grands cabinets anglo-saxons, Ernst & Young, Spencer Stuart, Sotheby’s, etc. Cela doit d’autant moins se produire pour le capital-investissement et le capital-développement que cela équivaudrait à renoncer à une partie de notre souveraineté économique, puisqu’il s’agit d’entrer au capital d’entreprises françaises.

Il est donc stratégique pour nous de soutenir l’écosystème français de fonds au travers de notre activité de fonds de fonds. En la matière, le PIA nous aide, puisque il nous confie des fonds en gestion, ce qui nous permet précisément d’augmenter nos mises de fonds – les dernières s’élevant à 100 millions d’euros par fonds.

En ce qui concerne ce qui nous différencie de l’APE dans nos participations stratégiques, j’en resterai à la doctrine publiée sur le site de l’APE, qui spécifie que cette dernière s’implique dans les grandes infrastructures souveraines, l’énergie, les aéroports et tout ce qui touche à la défense et au secteur militaire.

M. le président Éric Woerth. Il me semble que le portefeuille de l’agence ne se réduit pas à cela.

M. le directeur général de BPI-Groupe. Sans doute, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle, voyant que Bpifrance aurait du mal à investir ses 2 milliards d’euros de liquidités dans des PME et qu’il lui fallait un ticket significatif, nous avons racheté la participation de l’APE dans Peugeot. Mais Thales, dans le domaine de la défense, la SNCF, EDF, Areva qui touchent à des infrastructures souveraines, ainsi qu’Orange relèvent tout à fait normalement de l’APE.

Le fait que nous arrêtions le préfinancement du CICE ne libèrera pas d’argent puisque l’activité de prêteur de Bpifrance n’est pas financée sur un stock de liquidités. Comme toutes les banques, nous empruntons l’argent que nous prêtons – 7 milliards d’euros par an – sur les marchés internationaux, en Chine, en Norvège, aux États-Unis. C’est néanmoins dommage car cela nous rapportait un peu d’argent, qui nous permettait de financer notre prêt TPE ou l’aide à l’innovation. Quoi qu’il en soit, le préfinancement est maintenu jusqu’à la disparition du CICE, et il faut faire savoir aux entreprises qu’il est encore temps d’y avoir recours. Cela vaut la peine.

En ce qui concerne l’export, je ne sais pas par quel terme définir notre situation. Disons qu’elle est dramatique et se résume en un chiffre : 15 milliards d’euros de déficit annuel par rapport à l’Allemagne, ce qui signifie que, sur les dix dernières années, nous avons transféré 150 milliards d’euros de fonds propres français, sans retour, vers l’Allemagne. Et cela ne s’améliore pas.

Ce que montrent ces résultats catastrophiques, c’est que notre système de soutien à l’export doit être restructuré en profondeur. Bpifrance ne peut endosser l’entière responsabilité de cette situation. Notre rôle est d’inciter nos entrepreneurs à être ambitieux, en leur expliquant qu’il n’y a aucune raison d’avoir peur de l’export. Là encore en effet, le mal est pour moitié dans la tête des chefs d’entreprise, ce qui nous incite à beaucoup travailler la psychologie collective.

L’un d’entre vous a évoqué les carences du financement des start-up. C’est un faux problème : si une start-up ne trouve pas à se financer dans notre pays, c’est qu’elle est mauvaise. Une start-up qui se crée en France peut compter sur les 30 000 euros de la bourse French Tech : c’est la « love money » de l’État. Elle peut aussi bénéficier de l’aide à l’innovation de Bpifrance, ce qui l’amène à 130 000 euros. Viennent ensuite les concours type « jeunes entreprises innovantes ». Si le projet est bon, il permettra de remporter 20 000 euros supplémentaires, auxquels peuvent encore s’ajouter 10 ou 15 000 euros du conseil régional. Si j’avais disposé, lorsque j’ai créé des entreprises il y a trente ans, de cette manne de près de 200 000 euros pour m’aider à démarrer...

M. Charles de Courson. Aujourd’hui, vous seriez riche !

M. le directeur général de BPI-Groupe. Nous avons également en France un réseau de fonds de capital d’amorçage dans toutes les régions, dotés au total de 1 milliard d’euros. L’amorçage français est donc financé, et le système fonctionne. Cela ne dispense pas de l’entretenir. Il faut, chaque année, maintenir la température à un niveau suffisamment élevé, sachant que, dans notre pays, elle peut très vite retomber.

Vous m’avez interrogé sur la fiscalité du capital et la suppression de l’ISF-PME. Certains fonds qualifiés de retail, qui se partagent entre le private equity classique et le dispositif ISF-PME, vont devoir se réorienter. C’est une raison supplémentaire qui plaide en faveur du déblocage de l’assurance vie. Il n’est pas normal en effet qu’elle investisse moins dans le capital-risque ou le capital-investissement que l’assurance vie du nord de l’Europe ou les fonds de pension néerlandais. Les « zinzins », les grands investisseurs institutionnels français doivent investir dans le capital investissement, ce qu’ils ne font pas assez. Certains sont très largement en deçà des 2 %, d’autres légèrement au-dessus, mais c’est avant tout une affaire de volonté.

M. Christophe Jerretie. Sur des projets d’investissement innovants, Bpifrance assure à la fois les fonctions de banquier et de levier de développement. Dans les faits, elle endosse fréquemment le rôle de chef de file. Confirmez-vous que c’est ainsi qu’elle entend se positionner face aux opérateurs territoriaux ?

Je voulais par ailleurs avoir votre sentiment, d’une part, sur la multiplication des expertises demandées par Bpifrance, qui représente un coût supplémentaire par rapport au plan de financement initial et, d’autre part, sur le fait que la différence entre les taux proposés préalablement à la signature du contrat et ceux qui figureront en fin de compte dans le contrat six mois plus tard a, là encore, un impact non négligeable sur le plan de financement.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le directeur général, vous vous appuyez notamment sur les régions. Qu’en est-il du réseau bancaire traditionnel, que connaissent bien les entreprises – qui parfois d’ailleurs bénéficient de la garantie de Bpifrance sans le savoir ? Lors d’une mission d’information achevée en 2015, nous nous étions aperçus que les agents du réseau bancaire traditionnel n’étaient pas toujours bien formés et ne disposaient pas toujours des informations nécessaires.

Vous aviez évoqué lors des auditions de cette mission un projet de fondation pour l’innovation. Ce projet a-t-il vu le jour ?

Enfin, le préfinancement du CICE est une mission forte de Bpifrance. Notre mission avait constaté un taux de sinistralité élevé, avec d’importantes difficultés de recouvrement. Est-ce pour cette raison que le nombre d’entreprises qui bénéficient de ce préfinancement est passé de quelque 17 000 entreprises en 2014 à moins de 15 000 en 2016 ?

M. Charles de Courson. Quand la BPI a été créée, on s’est beaucoup demandé comment ce nouveau « machin » allait s’insérer dans le système bancaire existant. Quelle est aujourd’hui votre part de marché dans vos différentes activités ?

Plus précisément, en matière de garantie des crédits bancaires, comment vous situez-vous par rapport aux autres fonds de garantie présents sur le marché ? Vos fonds sont‑ils équilibrés ? En matière de crédit à court terme, de la même façon, où vous situez‑vous ? Le préfinancement du CICE se monte en 2016 à 4,3 milliards d’euros, ce qui doit représenter quelque 20 % de la totalité du dispositif : ce n’est pas rien. En matière de crédit à l’investissement, vous représentez 6 à 7 milliards : là encore, où vous situez-vous sur le marché ?

Bref, avez-vous trouvé votre place dans le système bancaire, et quel est votre apport spécifique ?

Mme Marie-Ange Magne. Ma question concerne également votre action de soutien aux entreprises de taille intermédiaire. Vous avez lancé en 2014 le fonds « ETI 2020 », afin d’accompagner les ETI à long terme et de favoriser leur développement international. Trois ans plus tard, quel premier bilan dressez-vous de cette stratégie ? Que répondez-vous à la Cour des comptes qui en conteste la rentabilité ? Ce fonds concerne les ETI « à potentiel » : comment les choisissez-vous ? Enfin, quels sont les résultats de votre action pour les ETI elles-mêmes ?

M. Jean-Paul Mattei. Au cours de ma longue expérience professionnelle, j’ai vu évoluer le financement des PME et je peux dire que Bpifrance offre une véritable lisibilité. Toutefois, je constate que notre système bancaire s’appuie entièrement sur vous : les banques s’en remettent à votre jugement et ne jouent finalement plus leur rôle. Cette situation est regrettable, car les délais en sont rallongés, et la fluidité diminuée.

Les commissions demandées par Bpifrance sont relativement importantes. Quelle est la part du risque, et quelle est celle des frais financiers et de la rémunération de vos services ?

Quel est le « taux de casse » au sein de vos investissements, notamment dans le cas des start-up ?

Enfin, le rapport Grandguillaume-Louwagie de septembre 2015 préconisait la généralisation des prêts « rebond ». Où en est-on sur ce point ?

M. Marc Le Fur. Je commence par témoigner de la réactivité et de l’efficacité de Bpifrance dans ma région. Toutefois, votre existence est due à l’absence dans notre pays de fonds de pension, ainsi qu’à la relative frilosité de nos banques : ne servez-vous pas quelquefois d’alibi à ces dernières, qui demandent aux entrepreneurs qui les sollicitent de commencer par obtenir le soutien de la BPI ?

Bpifrance est, me semble-t-il, assez absente du secteur agro-alimentaire, peut-être parce que celui-ci est dominé par les coopératives, dont la structure du capital est très singulière. Certaines coopératives sont en plein développement : comment pouvez-vous les aider ?

J’ai bien noté les évolutions que vous avez exposées concernant le financement des toutes petites entreprises. Au mois de juillet, j’avais interrogé votre directeur régional sur le financement des entreprises individuelles, et il m’avait annoncé des évolutions très prochaines. Où en êtes-vous ?

M. le directeur général de BPI-Groupe. S’agissant de notre insertion dans le système bancaire, tout se passe très bien, tant au niveau de la Fédération bancaire française (FBF), qui est très policée, que des différentes places régionales – Lille, Marseille... Nous faisons vraiment partie de l’écosystème de la banque territoriale. Nous participons très fréquemment à des pools bancaires, notamment pour conclure des pools avec des prêts sans garantie. Il arrive aussi que l’entrepreneur nous aime tellement qu’il nous demande de constituer le pool... Les banques tordent le nez, et cela ne doit pas se produire trop souvent, car notre rôle n’est pas de devenir les chefs d’orchestre : nous sommes une banque coup-de-pouce, une banque courte-échelle ! Nous ne deviendrons pas la banque de l’entrepreneur, et nous ne gérerons jamais son compte.

En matière de crédit aux entreprises, notre part de marché s’élève à 3,5 % à 4 %, ce qui est tout à fait raisonnable.

Les taux de Bpifrance ne sont pas nécessairement ultra-compétitifs ; nous sommes très exigeants sur la discipline du résultat – coefficient d’exploitation, produit net bancaire, rentabilité même de nos opérations... Les taux de rentabilité que l’État et la Caisse des dépôts nous demandent ne sont pas faciles à atteindre quand les taux sont très bas. Nous y parvenons pourtant. Et, malgré le fait que nous sommes parfois quelques points de base au-dessus du marché, l’entrepreneur nous préfère souvent, grâce à la qualité de la relation que nous entretenons avec lui. Il sait que nous allons traverser les épreuves ensemble – je dis toujours que nous avons trente mois d’âge d’or, puis que les épreuves recommencent... Mais Bpifrance sera toujours là. C’est ce qui explique l’incroyable fidélité de nos clients.

S’agissant de l’évolution des taux au cours des négociations, c’est un problème qui se pose à toutes les banques – je précise que cela vaut pour les contrats complexes, qui sont montés en six mois plutôt qu’en quinze jours.

Monsieur Bricout, Bpifrance est très attachée aux « territoires oubliés ». Nous ne sommes pas une banque avec des agences et des guichets où nous recevrions nos clients. Nous avons des bureaux, mais nos collaborateurs sont le plus souvent dans leur véhicule pour aller voir les entrepreneurs. Le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) a créé une nouvelle catégorie, celle des « villes Dauge » – ces villes secondaires, qui se situent à l’écart des axes routiers et qui connaissent souvent de grandes difficultés. Notre démarchage nous y amène régulièrement. Quand par ailleurs nous nous installons à La Roche-sur-Yon, à Bourg-en-Bresse, à Compiègne... beaucoup d’entrepreneurs viennent nous voir. Ils sont toujours enchantés de ne plus avoir à se déplacer ; et d’autres, qui ne se déplaçaient pas du tout, deviennent nos clients. Nous continuerons probablement d’étendre notre maillage territorial – lentement, car nous devons convaincre nos actionnaires d’engager les fonds nécessaires. Cela vaut la peine : le retour sur investissement est à peu près immédiat, car il y a des entrepreneurs partout.

Monsieur Le Fur, c’est vrai, nous intervenons assez peu dans le secteur agro‑alimentaire. Le Crédit agricole « fait le boulot » ; nous travaillons en bonne intelligence, mais il n’a pas forcément très envie de nous voir arriver dans ce secteur... Rappelez-vous le plan de financement de la trésorerie des agriculteurs, à l’automne 2016. En revanche, nous finançons les entreprises industrielles du secteur agro-alimentaire. Nous sommes notamment actionnaires de filiales de coopératives, travail que nous sommes seuls à effectuer : nous sommes chez Sofiprotéol, chez Vivescia, chez Limagrain... Ce sont de gros tickets – souvent une centaine de millions d’euros.

Madame Louwagie, vous relevez que le nombre d’entreprises bénéficiaires du préfinancement du CICE a diminué. Ce n’est pas faute de tenter de vendre le produit ! Mais le stress de trésorerie a beaucoup reculé. Parmi les 17 000 entreprises bénéficiaires en 2014, beaucoup venaient simplement chercher un millier d’euros pour payer à la fin du mois le salaire de la coiffeuse. Cela, c’est fini. Cette baisse est donc plutôt une bonne nouvelle.

Quant à la fondation pour l’innovation, notre idée a été reprise par le Gouvernement, qui prévoit, vous le savez, de créer un fonds de 10 milliards d’euros dédié à l’innovation. La suite ne dépend plus de nous.

Monsieur Le Fur, monsieur Mattei, s’agissant des banques, je serai moins critique que vous. Elles sont revenues sur le marché et font preuve d’un vrai dynamisme commercial. Au premier semestre, notre taux de croissance sur le crédit à l’investissement était de 20 % ; mon collègue de la banque Arkéa m’indiquait hier qu’il n’en était pas loin. Certes, tout le monde n’est pas à ce niveau. Et la culture des banques, évidemment, n’est pas la nôtre : il faut que le client soit bon, avec un bon bilan... Le client en zone grise pose toujours problème. Mais elles font en ce moment, je crois, un effort commercial.

S’agissant des entreprises en nom propre, nous ne sommes pas prêts à annoncer quoi que ce soit aujourd’hui.

M. Philippe Chassaing. Il a déjà été question des « territoires oubliés ». Pourriez‑vous préciser votre réflexion sur ce point ? Quelle stratégie de déploiement entendez-vous mettre en place pour les années à venir ?

M. Patrick Hetzel. En ces temps de restriction des budgets de la défense, j’ai noté avec grand intérêt que vous venez de signer avec la direction générale de l’armement (DGA) un accord pour créer un fonds d’investissement. Destiné plutôt à des start-up, il serait doté d’environ 50 millions d’euros.

Certaines entreprises de ce secteur sont considérées comme stratégiques : il est nécessaire d’assurer la pérennité de cette filière en France. Comment Bpifrance peut-elle participer à la consolidation de notre industrie de l’armement ? Est-il possible d’aller au-delà de l’accord déjà signé avec la DGA ?

Mme Christine Pires Beaune. Quelles sont les entreprises qui font appel au préfinancement du CICE ? J’ai l’impression que beaucoup ignorent encore que cette possibilité leur est ouverte.

Avez-vous dressé une carte par département des interventions de la BPI, en faisant apparaître le nombre et le type d’entreprises, ainsi que le volume financier injecté ?

Vous disposez, je crois, de titres en commun avec l’APE. Y a-t-il une réflexion commune sur ce que doivent être les participations publiques ? Quels titres mériteraient selon vous d’être éventuellement cédés ?

Est-il nécessaire de passer par les régions pour obtenir le prêt « flash » de 10 000 euros ?

Avez-vous été sollicités pour intervenir outre‑mer, à la suite des récents événements dramatiques ?

Je termine en disant que nous avons inauguré la semaine dernière Ecotitanium, usine qui recycle le titane. La BPI et le PIA sont intervenus pour rendre possible cette belle réussite, exemple de ce que l’on peut faire sur nos territoires.

M. Hervé Pellois. J’ai moi aussi reçu des témoignages très positifs, dans ma circonscription, de la réactivité et de l’efficacité de Bpifrance.

La BPI envisage-t-elle de soutenir les projets d’innovation de PME qui existent depuis plus de trois ans ? Cela permettrait de consolider ces entreprises.

S’agissant de la structuration des projets, les dispositifs sont jugés pertinents et complets. Ils souffrent néanmoins de certaines limites : ainsi, si un projet est présenté trop tôt devant un comité de haut niveau, le risque existe qu’une réponse négative entraîne des refus en cascade. Les acteurs locaux en préviennent les porteurs de projet, et les orientent pour qu’ils candidatent au bon moment, mais la BPI est-elle consciente de ce phénomène ? Envisagez-vous des améliorations, par exemple une « deuxième chance » qui permettrait de mieux prendre en considération l’évolution d’un projet ?

M. Jean-Pierre Vigier. Bpifrance possède plus de 13 % du capital de l’opérateur Orange. Vous le savez, la couverture du réseau mobile est parfois très mauvaise, notamment dans les territoires ruraux. Les opérateurs nous disent qu’ils n’investiront pas, car ce n’est pas rentable. Pouvez-vous, comme actionnaire, faire entendre votre voix et pousser Orange à agir ? Ces territoires ruraux ont besoin d’une couverture mobile pour se développer économiquement.

Mme Amélie de Montchalin. Le fonds « France investissement tourisme », créé en 2015 par M. Laurent Fabius, a déjà accompagné trente entreprises du secteur touristique pour 53 millions d’euros. Aujourd’hui, ce fonds serait doté de 100 millions d’euros. À l’heure où la France veut redevenir l’une des principales destinations touristiques dans le monde, je souhaiterais savoir comment vous comptez soutenir et protéger les start-up françaises du secteur, et attirer les grands investisseurs. Pour résumer, quelles sont vos ambitions pour le tourisme ?

Mme Émilie Bonnivard. Avec la Caisse des dépôts, vous avez créé la Foncière Développement Tourisme afin de favoriser la rénovation et l’augmentation des capacités d’hébergement dans les zones touristiques. Vous intervenez beaucoup s’agissant des résidences de tourisme ou des gros opérateurs. Qu’en est-il de l’hôtellerie indépendante et familiale, élément fondamental de la restructuration et de l’aménagement du territoire dans les zones rurales ? La transmission et la mise aux normes notamment, qui nécessite beaucoup de capitaux, constituent des enjeux majeurs.

M. le directeur général de BPI-Groupe. Avec la DGA, nous avons effectivement créé un « fonds défense », doté de 50 millions d’euros. Toutefois, ce fonds n’est pas exclusivement dédié aux start-up ; il consacrera ses investissements aux PME stratégiques, avec des tickets de 2 à 3 millions d’euros. S’il est nécessaire de faire plus, ce sont les fonds propres de BPI France qui co‑investiront avec le fonds. Nous sommes évidemment très sensibles à ce secteur. Nous investissons d’ailleurs déjà dans des secteurs, tel celui des semi-conducteurs,  qui sont stratégiques pour la défense.

Le préfinancement du CICE concerne beaucoup les petites entreprises, les TPE. Malheureusement, elles sont encore trop nombreuses à continuer d’ignorer l’existence de ce produit, aussi, n’hésitez pas à le faire connaître : nous procédons au préfinancement en deux ou trois jours. Le système est extrêmement simple et rapide, parfaitement informatisé.

La cartographie des interventions de Bpifrance existe, bien entendu, et nous vous la transmettrons.

Le seul titre que nous possédons en commun avec l’APE, c’est Orange, sur lequel nous avons effectivement des échanges. Pour le reste, l’APE est totalement souveraine. En revanche, lorsqu’il s’agit de vendre des éléments du portefeuille de Bpifrance, cela passe naturellement par un comité d’investissement, et nous avons alors un dialogue constructif.

Le prêt « flash » de 10 000 euros est financé par les régions, mais, pour en bénéficier, il faut s’adresser aux chargés d’affaires de la BPI, via le site internet.

BPI France dispose d’une direction régionale dans la Caraïbe ainsi qu’à La Réunion ; nous avons été très actifs, particulièrement en reportant le paiement des échéances bancaires.

S’agissant de l’accompagnement, j’ai entendu votre judicieuse remarque au sujet des projets présentés trop tôt qui se heurtent à un refus, ce qui crée un effet de réputation se reportant sur toutes les autres commissions.

Sur la couverture territoriale, Orange a, de facto, un contrat d’engagement avec son actionnaire, l’État au sens large, qui a été discuté avec l’APE et la BPI ; c’est sur la base de ce contrat que nous rappelons régulièrement ses obligations à l’opérateur. Je suis d’accord avec vous : il existe sur le territoire national des zones totalement blanches.

Sur le tourisme, nous augmenterons si nécessaire notre fonds de 100 millions d’euros sur les fonds propres de BPI France, qui disposait déjà de ce qui s’appelait le Crédit hôtelier, créé en 1923. Traditionnellement, nous avons toujours eu une grosse spécialisation dans le secteur du tourisme. De fait, nous investissons beaucoup actuellement. Pour ce qui est de l’hôtellerie de campagne, nous intervenons surtout au travers de notre gamme de crédits à la rénovation hôtelière et de la restauration.

S’agissant des charges de BPI France, elles sont très tenues, ainsi que le montrent les comptes. Alors que notre établissement a plus que doubler sa taille depuis sa création, les charges n’ont évidemment pas été multipliées par deux – loin de là. Le coefficient d’exploitation de notre activité de crédit, indicateur central dans le monde bancaire, est de 45 % : je mets quiconque au défi de trouver en France une banque faisant du crédit aux entrepreneurs – singulièrement dans cette catégorie – avec un tel coefficient.

Un moyen de connaître le taux de perte dans les crédits avancés aux start-up consiste à mesurer le pourcentage de ces entreprises remboursant leurs avances remboursables, de celles qui remboursent leurs prêts à taux zéro, et de celles qui remboursent leur prêt à l’innovation ou à l’amorçage. Ceux-ci s’élèvent respectivement à 55 %, 60 %, et 70 % – les prêts à l’innovation ayant lancés il y a seulement deux ans et avec un différé de remboursement, nous ne disposons que de peu de reculs. Il y a donc bien de la sinistralité.

Mais la bonne question n’est-elle pas de savoir si nous prenons assez de risques ? Ne faudrait-il pas qu’il y ait plus de start-up qui ne remboursent pas ? C’est ce que nous disent nos collègues israéliens, qui considèrent que notre taux de remboursement des aides à l’innovation est trop élevé, et que nous ne prenons pas assez de risques.

Mais tout s’enchaîne : il en est ainsi parce que les moyens du programme budgétaire 192 sont trop faibles. Lorsque l’on dispose de ressources budgétaires limitées, on cherche à aider l’innovation au maximum, de façon à satisfaire le plus d’entreprises possible. C’est cela qui nous conduit à construire nos équations d’effet multiplicateur sur les hypothèses de remboursement que j’ai mentionnées. Si nous voulions un taux de 30 % seulement de remboursement, nous financerions beaucoup plus d’entreprises mais il nous faudrait beaucoup plus de moyens budgétaires.

M. Fabrice Le Vigoureux. En tant que banque publique, vous tirez une partie de votre légitimité et de votre raison d’être des défaillances du marché, et de la difficulté pour certains acteurs privés du financement de mesurer et, parfois, d’assumer le risque.

Vous avez largement évoqué les jeunes entreprises innovantes, notamment dans le domaine du numérique, ainsi que les mesures prévues à leur intention. Mais je sais que vous avez aussi un dispositif en faveur des étudiants, dont beaucoup s’autocensurent, et ne s’engagent pas dans des études longues ou des mastères spécialisés parce qu’ils n’évoluent pas dans un milieu familial adéquat ou qu’ils ne bénéficient pas des leviers de financement nécessaires.

Vous avez mis en place un fonds de garantie, qui permet à des étudiants d’emprunter jusqu’à 15 000 euros avec des différés d’amortissement. Or ce fonds est très vite consommé. La dotation est-elle suffisante ? Quel est le taux de refus, car il ne s’agit pas d’un droit au crédit ? Ce fonds vous donne-t-il satisfaction ?

Par ailleurs, vous avez indiqué que vos interventions en fonds propres concernaient souvent des entreprises n’ayant jamais ouvert leur capital, et qui préfèrent s’adresser à Bpifrance plutôt qu’à un fonds privé. Est-ce parce que vous êtes plus patient, moins gourmand en dividendes et que vous disposez d’un temps long ? En quoi êtes-vous plus rassurant lorsque vous intervenez auprès de ces entreprises familiales qui sont en général très réticentes à s’ouvrir ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Les territoires ruraux, et notamment les plus fragiles d’entre eux, bénéficient-ils d’une politique particulière ?

De quels moyens disposez-vous pour faire en sorte que l’épargne populaire de ces territoires serve à leur développement plutôt qu’à celui de territoires plus favorisés ?

M. Daniel Labaronne. Avez-vous un fonds dédié pour les entreprises qui affichent clairement des préoccupations éthiques et de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ?

Par ailleurs, vous avez souvent fait référence à vos homologues israéliens : au niveau européen, existe-t-il une BPI Allemagne ou une BPI Italie ?

M François Pupponi. S’agissant des territoires oubliés, il faut prendre en compte la banlieue. Vous indiquez mettre en place un nouveau maillage territorial : combien d’agences sont‑elles prévues dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ? Quel est le pourcentage d’intervention dans ces quartiers au regard du nombre total de vos actions ?

En outre, pouvez-vous me confirmer que vous auriez investi 7 millions d’euros en quatre ans en Corse, région française dont 31 % du PIB est réalisé dans le tourisme, soit l’équivalent de l’investissement pour un hôtel à Strasbourg ?

M. le directeur général de BPI-Groupe. Le fonds de garantie pour les étudiants est doté par le ministère de l’éducation nationale, et ses crédits sont en général épuisés à l’été. Nous sommes enchantés de servir cette prestation, qui nous paraît très importante, mais nous vivons une période de rationnement budgétaire...

Les familles préfèrent s’adresser à la BPI, parce qu’elles ont le sentiment que nous sommes patients, et que nous les accompagnerons dans la durée. De facto, nos durées d’investissement sont de l’ordre de sept à huit ans, pas de quatre à cinq ans. En outre, par le passé – fort heureusement, les choses sont en train de changer –, les fonds d’investissement privés donnaient aux familles l’impression de se poser immédiatement la question de savoir comment ils pourraient ressortir le plus vite possible. Ouvrir le capital constitue pour ces familles un acte grave au regard de leur identité. Le faire au bénéfice de ce qu’elles perçoivent comme relevant de la puissance publique – Bpifrance, même si elle a tous les attraits d’une banque privée, c’est l’État – est un grand motif de fierté. Et, incontestablement, cela joue. Au demeurant, nous n’investissons jamais seuls, mais toujours en co‑investissement avec des fonds privés. Ainsi, une fois que la famille s’est adressée à nous, nous cherchons un fonds privé. Notre mission consiste à apporter du deal flow neuf au marché du capital‑investissement.

Nous ne sommes pas encore prêts à vous proposer un plan pour les territoires ruraux : je dis simplement que nos agents se rendent à Issoudun ou Charleville‑Mézières pour rencontrer les entrepreneurs. Cela ne prend pas la forme d’un plan particulièrement structuré. Du reste, je ne pense pas malheureusement que nous aurons les moyens d’ouvrir des agences dans chacune de ces villes.

Nous sommes effectivement actifs dans le domaine de la RSE, notamment à travers notre politique de crédits et d’investissements directs. En outre, nous finançons des fonds privés spécialisés, qu’ils soient à impact ou qu’ils relèvent de la RSE.

Nous finançons par ailleurs des fonds intervenant beaucoup dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Je pense notamment au fonds « Impact Partenaires », qui constitue notre bras armé pour les investissements en fonds propres dans ces zones. Ce dispositif fonctionne très bien – je vous encourage à rencontrer son président, M. Mathieu Cornieti, qui est un investisseur formidable.

Nous avons décidé de créer avec lui un fonds finançant en fonds propres des franchises dans les quartiers. On ne peut se contenter de dire aux jeunes qu’ils n’ont qu’à créer leur entreprise. Cela ne fonctionne pas. En revanche, on peut leur proposer d’être franchisés – de Courtepaille, par exemple, ou toute autre marque. L’entreprise est alors en quelque sorte préfabriquée et nous apportons les fonds propres nécessaires. C’est le fonds « Impact croissance », qui marche très bien.

Nous finançons aussi le fonds « Citizen capital », autre très beau fonds d’impact. Très peu d’équipes disposent d’un tel savoir-faire ; nous serions ravis d’en financer plus, mais elles ne sont guère nombreuses.

Enfin, il est possible que nous n’ayons pas assez investi dans le tourisme en Corse, vous connaissez les chiffres mieux que moi ; nous allons nous pencher sur la question.

M. le président Éric Woerth. Merci beaucoup, Monsieur le directeur général, pour ces réponses. Nous sommes là au cœur du financement de l’économie française, sujet qui sera d’actualité au cours des mois à venir.

 

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Information relative à la commission

La commission a décidé de proposer à M. le Président de l’Assemblée nationale de désigner Mme Olivia Gregoire et M. Nicolas Forissier pour siéger au comité national d’orientation de Bpifrance.

 

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 20 septembre 2017 à 9 heures

 

Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean‑Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, Mme Sarah El Haïry, M. Olivier Gaillard, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, M. Stanislas Guerini, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, M. Gilles Le Gendre, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Amélie de Montchalin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, M. Pierre Person, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Sylvia Pinel, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, M. Xavier Roseren, M. Laurent Saint-Martin, M. Benoit Simian, Mme Marie‑Christine Verdier-Jouclas, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

 

Excusés. - M. Jean-Noël Barrot, M. Joël Giraud, M. François Jolivet, M. Jean Lassalle, Mme Cendra Motin, M. Jean-François Parigi, Mme Valérie Rabault, Mme Muriel Ressiguier, M. Olivier Serva

 

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