Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Audition de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées 2

 Information relative à la Commission...................32

– Présences en réunion..............................33

 

 

 

 


Mercredi
11 octobre 2017

Séance de 16 heures 55

Compte rendu n° 3

session ordinaire de 2017-2018

Présidence de
M. Bruno Studer,
Président


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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE LÉDUCATION

Mercredi 11 octobre 2017

La séance est ouverte à seize heures cinquante-cinq.

(Présidence de M. Bruno Studer, président)

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La Commission des affaires culturelles et de léducation procède à laudition de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.

M. le président Bruno Studer. Mes chers collègues, en votre nom à toutes et tous, je souhaite la bienvenue à Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, car le champ de compétence de notre commission croise à de très nombreux titres celui de votre portefeuille, et sur une thématique aussi transversale que la vôtre, nous aurons très certainement de nombreux dossiers à traiter en commun dans les mois et dans les années à venir, que ce soit en matière d’éducation, de culture, de médias, mais aussi de sport, ou de politique de la jeunesse.

Vous étiez très attendue – au sens positif du terme – par l’ensemble des membres de la commission des affaires culturelles et d’éducation, dont les interventions, lors des auditions de vos collègues du Gouvernement, ont témoigné de leur intérêt pour la question de la place de nos concitoyens handicapés dans les politiques publiques et dans la société. Ils sont impatients de connaître votre feuille de route et les priorités qui seront les vôtres pour les cinq années à venir ; c’est pourquoi je vous donne la parole sans plus tarder, madame la secrétaire d’État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vais commencer par vous présenter mes collaborateurs ici présents : Virginie Magnant, directrice de cabinet ; Patrice Fondin, conseiller éducation, jeunesse, vie associative ; Yanis Bacha, conseiller sport, culture, réseaux sociaux ; Karen Martinon, cheffe de cabinet, conseillère parlementaire et conseillère diplomatique. Je remercie également M. Jean-Marc Huart, directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale, d’être à nos côtés aujourd’hui.

Je suis très heureuse de pouvoir vous présenter cette belle mission portée par le secrétariat d’État aux personnes handicapées, rattaché au Premier ministre, ce qui est très important pour sa transversalité. L’une des premières annonces faites par le Conseil des ministres en juin dernier a consisté à annoncer que le handicap serait une priorité du quinquennat ; le Président de la République a alors réaffirmé ses engagements consistant à faire des citoyens en situation de handicap des citoyens à part entière, en fixant comme premier objectif de changer le regard sur le handicap et les personnes handicapées, afin que nous les voyons vraiment comme des personnes.

Ce bel engagement, nous l’avons décliné en partant d’une expertise des besoins et des attentes des personnes en situation de handicap, afin de construire une politique publique avec eux et pour eux. Le signal était lancé : le handicap allait traverser et irriguer toutes les politiques publiques de droit commun, pour devenir un sujet complet au sein de chaque ministère et dans toutes les compétences des ministres.

Dès le mois de juillet, une première feuille de route est venue concrétiser cet engagement, lorsque le Président de la République a dévoilé les contours du quatrième plan « autisme », qui portait la marque d’un vrai changement de regard, d’une vraie dignité donnée aux personnes autistes, désormais écoutées au plus haut niveau de l’État et surtout objet d’une réelle concertation de tous les acteurs. Quatre ministres étaient présents : la ministre des solidarités et de la santé, le ministre de l’éducation nationale, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et moi-même, ainsi que des représentants de toute la société civile, les départements, les recteurs, les inspections, les administrations, pour aborder dans ce quatrième plan des sujets qui n’avaient pas été couverts par les précédents
– nous ne partons pas de rien –, notamment en ce qui concerne la prise en charge précoce des personnes autistes, l’emploi des adultes, la recherche, la formation des professionnels. Cela aura également été l’occasion de faire le point sur les actuels consensus scientifiques, car la recherche avance.

Tout était réuni pour lancer ce plan sur la base d’une méthode concertative très intéressante, puisque partant du terrain. La concertation est assurée soit par les agences régionales de santé (ARS), soit par les rectorats, qui sont très impliqués dans une politique de parcours fluide de l’enfant et du jeune autiste, soit par les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE). La concertation associe désormais les départements, jusqu’alors insuffisamment impliqués alors qu’ils sont les maîtres d’œuvre de la politique du handicap sur le territoire. Les comités de pilotage sont activés et les plans de concertations sont en cours, pour un rendu prévu début 2018. Nous pourrons revenir devant vous à ce moment afin de vous présenter les propositions devenues effectives.

Parallèlement, le Président de la République a réaffirmé l’un de ses engagements de campagne, celui de revaloriser l’allocation aux adultes handicapés (AAH), qui constitue un revenu minimum pour les personnes handicapées, afin de concourir à la lutte contre la pauvreté de ces publics, qui subissent leur état et se trouvent souvent empêchées de travailler. Cela a constitué le deuxième chantier du début de quinquennat.

Le troisième chantier a été celui de la rentrée scolaire, en concentrant notre action sur une situation dont nous avons hérité. Je tiens à féliciter toutes les administrations, celle de l’éducation nationale comme les ARS, qui se sont mobilisées durant tout l’été afin de pouvoir dresser un état précis des besoins d’accompagnement des enfants en situation de handicap, sujet crucial pour les familles. Afin d’être en mesure d’anticiper les besoins des services décentralisés de l’éducation nationale et des ARS, et surtout les moyens nécessaires pour assurer l’accompagnement, un énorme travail a été accompli, consistant notamment à aller chercher, au sein des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), toutes les notifications en cours.

Heureusement, tous les élèves n’ont pas besoin d’un accompagnement : l’évaluation en aide humaine est effectuée par les MDPH dans le cadre d’un projet personnalisé de scolarisation, aboutissant à définir une compensation pour une situation de handicap, déclinée selon trois axes : l’aide à l’apprentissage, l’aide à la socialisation, l’aide à la vie quotidienne, qui correspondent aux missions des accompagnants. En accord avec l’éducation nationale, nous avons pu estimer le besoin à environ 100 000 accompagnants pour honorer les notifications anticipées lors de la rentrée scolaire. Ainsi, nous avons pu sanctuariser le nombre de 50 000 contrats aidés, auxquels s’ajoutent des accompagnants de droit public, les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), recrutés dans le cadre d’un contrat plus pérenne au sein de l’éducation nationale – un CDD de six ans susceptible de déboucher sur un CDI. Nous avons réussi à bâtir un panorama paraissant à même de couvrir les besoins.

Certes, il s’est encore trouvé des enfants sans auxiliaire de vie scolaire (AVS) à la rentrée, non pour une question de moyens, les budgets ayant été sanctuarisés, mais en raison des problèmes techniques de recrutement. Recruter 50 000 contrats aidés – heureusement, certains étaient déjà en poste et devaient donc simplement être renouvelés – n’est pas chose aisée. Pour être éligible au contrat aidé, il faut être soi-même éloigné de l’emploi, et les services de l’État font preuve à cet égard d’une vigilance qu’on ne saurait leur reprocher, mais qui se traduit par des problèmes de disponibilité de personnels à l’instant « T » de la rentrée. Certains territoires connaissaient une tension particulière du fait de l’état de leurs bassins d’emplois, mais l’éducation nationale s’est montrée attentive et a procédé aux ajustements qui s’imposaient. Une cellule « aide handicap école » assortie d’un numéro vert a été mise en place, et a même été renforcée afin de permettre aux familles de trouver des réponses à leurs interrogations. L’éducation nationale a donc été pleinement mobilisée pour que cette rentrée scolaire se passe au mieux.

Dès le 20 septembre dernier, un comité interministériel du handicap (CIH) s’est tenu à Matignon, sous l’égide du Premier ministre et selon le format « conseil des ministres », c’est-à-dire en présence de tous les ministres ou de leurs représentants. La question posée à chacun d’eux était très simple : « Comment comptez-vous améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées dans votre domaine de compétences ? ». Car ce que les personnes en situation de handicap veulent, c’est tout simplement vivre la vie la plus ordinaire possible, dans le droit commun, dans tous les domaines – scolaires, professionnelle, sociale, culturelle, sportive –, comme tout un chacun, et surtout bénéficier d’un accès simplifié au droit et d’une meilleure lisibilité de tout ce qui peut leur permettre de compenser leur handicap.

Cinq grandes thématiques ont été abordées au cours de ce CIH, qui a été ouvert par deux personnes en situation de handicap : Josef Schovanec, autiste de haut niveau, qui a posé la problématique de la visibilité de la personne et du changement de regard porté sur le handicap, ainsi que Ryadh Sallem, athlète paraplégique paralympique, champion de natation, de basket et de rugby fauteuil, qui a rappelé le besoin des personnes handicapées de vivre une vie ordinaire. Des jeunes déficients intellectuels, en apprentissage dans le centre de formation d’apprentis (CFA) rattaché à un lycée hôtelier, étaient également présents et ont assuré le service et l’accueil des ministres et de la presse durant toute cette journée. C’était l’occasion ou jamais de changer le regard ; et pour changer le regard, il faut donner de la visibilité aux personnes.

Une fois cette commande passée aux ministres, chacun d’eux a travaillé dans sa politique de droit commun, cherchant à identifier les leviers à activer pour changer la vie quotidienne des personnes handicapées. Tout le parcours de vie des personnes handicapées a été passé en revue, de la crèche à l’université : comment améliorer l’accès à la crèche pour les enfants handicapés, puis l’accès à l’école et à une vraie formation professionnelle, tout cela en vue d’accéder à un véritable parcours d’emploi, puisque l’une des demandes les plus importantes des personnes handicapées est de pouvoir accéder au monde du travail, ce qui soulève des questions en termes de formation professionnelle, de qualification, d’accès à l’emploi mais aussi et surtout de maintien dans l’emploi ; l’accès à une vie sociale, culturelle et sportive la plus épanouie possible, toujours dans le droit commun, a également été évoqué.

Enfin, l’accent a été mis avec force sur la thématique suivante : comment accéder à ces droits et simplifier l’accès aux droits ? Comment ne plus avoir à faire tout au long de sa vie la preuve de son handicap ? C’est pour les personnes en situation de handicap un vrai parcours du combattant : face aux institutions, elles doivent en permanence prouver qu’elles sont éligibles à une compensation. Nous avons là un réel effort de simplification et d’allégement des procédures à faire pour en finir avec ces évaluations successives, compliquées, souvent redondantes et particulièrement pénibles à vivre.

Un axe important des réformes à accomplir est celui de l’amélioration des délais et du service rendu par les MDPH, qui cristallisent beaucoup d’attentes et d’insatisfactions de la part de nos concitoyens. Je rappelle que ces maisons sont gérées par les départements avec une gouvernance prenant la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP), dans lequel sont mis à disposition des personnels de différents horizons – éducation nationale, ARS, conseil départemental, milieu hospitalier. Les équipes pluridisciplinaires des MDPH ont pour tâche de travailler à l’évaluation des besoins de compensation. Les missions qui leur ont été confiées n’ont cessé de se complexifier au fil du temps ; la multiplication de dispositifs, d’outils, de référentiels s’est traduite par un allongement des délais au fil des ans. À cela il faut ajouter que faute de disposer d’un système d’information unique, nous n’avons pas de pilotage national des politiques du handicap ni de vision d’ensemble des places disponibles sur le territoire, des droits notifiés et de la situation des personnes.

Nous avons par conséquent demandé à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), qui gère l’animation des MDPH, d’accélérer le déploiement d’un système d’information commun aux 102 MDPH ; nous avons embarqué les départements et les présidents de conseils départementaux dans cette dynamique visant à nous doter enfin d’un outil informatique qui nous permettra de piloter beaucoup mieux la politique du handicap. C’est un très gros chantier, qui implique de déployer un nouveau référentiel des métiers, mais qui améliorera réellement les délais de traitement, la qualité de l’évaluation et le service rendu.

Vous n’êtes pas sans savoir qu’un tel bouleversement d’un système informatique se traduit par un allongement, au moins temporaire, des délais de traitement des dossiers. Nous devons tenir bon car, à terme – un terme que nous espérons avancer à fin 2018, début 2019 –, nous devrions enfin pouvoir disposer d’une idée précise de ce que nos citoyens attendent et surtout d’une vision de l’état des places disponibles sur le territoire, en établissements médicaux comme au sein des différents services.

Parallèlement, changer le regard, cela passe aussi par une capacité à mobiliser les talents des personnes en situation de handicap. De ce point de vue, l’obtention des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 va constituer un très beau tremplin en permettant une accélération de la mise en accessibilité des transports pour les citoyens handicapés – en Île‑de‑France, mais pas seulement – et surtout la possibilité de faire connaître et reconnaître les talents et les compétences des athlètes paralympiques en leur donnant une grande visibilité dans les médias. L’espoir véhiculé par l’image de ces athlètes de haut niveau va également nous permettre de développer, en partenariat avec la ministre des sports, les thématiques du sport pour tous et du sport santé, ce qui, nous l’espérons, aidera nos concitoyens en situation de handicap à améliorer leur quotidien.

Changer le regard sur le handicap, c’est aussi permettre aux personnes en situation de handicap d’accéder à la culture, mais surtout à la pratique artistique. Pour cela, nous travaillons en étroite collaboration avec la ministre de la culture, Françoise Nyssen, pour améliorer la pratique artistique dans les conservatoires, dans les théâtres et tous les lieux de création artistique, toujours dans l’idée de rester dans le droit commun, c’est-à-dire la proximité. Cela implique de travailler sur la formation des professionnels du sport et de la culture qui accueillent des personnes en situation de handicap, car nous ne voulons plus que les personnes handicapées voient les portes se fermer à leur approche et s’entendent conseiller d’aller voir un spécialiste : au contraire, il faut que toute personne en situation de handicap puisse être accueillie où elle le souhaite, à proximité de chez elle, pour pouvoir vivre sa vie de la façon la plus simple et la plus ordinaire possible.

La rentrée scolaire étant passée, nous avons, conformément aux engagements du Président de la République et à la mission qui m’a été confiée, ouvert un chantier copiloté avec l’éducation nationale et mon secrétariat d’État, visant à améliorer la professionnalisation des accompagnants – AVS, AESH, etc. C’est une problématique récurrente. Des réunions ont déjà eu lieu afin de réfléchir à la professionnalisation de ces accompagnants, à leur cadre d’emploi, leur statut, et de voir comment pérenniser leurs missions afin de parvenir à une meilleure anticipation des moyens dès la rentrée 2018.

Parallèlement, l’éducation nationale s’est engagée à ouvrir, sur le quinquennat, 250 unités localisées d’inclusion scolaire, surtout au sein des collèges et des lycées, afin de constituer un maillage sur le territoire et de tracer un parcours pour les élèves handicapés, afin de les faire monter en qualification. Aujourd’hui, il reste encore un plafond de verre à briser pour l’accès aux études supérieures et à une vraie formation. Ce plafond de verre tient pour une part aux personnes concernées elles-mêmes, qui ont fortement tendance à s’autocensurer ; nous voudrions qu’au contraire, les personnes handicapées et les jeunes cherchent à aller plus loin, au bout de leurs rêves, de leurs ambitions et de leurs attentes. Mais il tient aussi au maillage des différents dispositifs dans le secondaire. Nous travaillons également sur ce point avec la ministre de l’enseignement supérieur, afin de permettre aux étudiants handicapés d’accéder aux études supérieures et de les y accompagner ; une mission d’ambassadeur en service civique va d’ailleurs être proposée à des étudiants, visant à favoriser l’accès des étudiants handicapés et surtout à les placer dans des conditions de vie quotidienne beaucoup plus confortables durant leurs études supérieures.

La rupture de parcours est due aussi à l’usure sociale des familles, qui baissent parfois les bras devant la multitude de difficultés auxquelles doit faire face un jeune handicapé voulant suivre des études supérieures : les problèmes de mobilité, de transport, d’accès aux bâtiments et au logement, constituent un tout encore plus prégnant pour l’étudiant handicapé que pour l’étudiant valide. Un gros travail s’impose pour favoriser le parcours des étudiants handicapés dans le secondaire et dans les études supérieures, afin de leur permettre d’obtenir une qualification – d’autant plus indispensable que le taux de chômage des personnes handicapées est le double de celui des personnes valides, et que leur qualification est nettement inférieure à celle du reste de la population, puisqu’elle se situe au niveau V de la classification de l’INSEE – sortie après l’année terminale de CAP ou BEP ou une sortie de second cycle général et technologique avant l’année terminale, autrement dit avant le bac.

Enfin, je vous informe que la rapporteure spéciale de l’ONU sur le droit des personnes handicapées est actuellement en France pour rédiger un rapport sur la situation de notre pays dans ce domaine ; elle donnera une conférence de presse sur ce thème vendredi. Faisant partie des nombreux ministres qui l’ont reçue, je peux vous dire qu’elle a manifesté un intérêt particulier pour la question du droit des personnes handicapées. Il faut savoir que nous avons en France un taux de mise sous tutelle – impliquant une perte du droit de vote – assez élevé par rapport aux autres pays ; c’est un point auquel l’ONU est très sensible. Nous allons devoir nous employer durant le quinquennat à améliorer le droit des citoyens handicapés à être de vrais citoyens.

M. le président Bruno Studer. Je suis tout à fait d’accord avec vous sur la question du plafond de verre que vous avez évoqué au sujet des études supérieures, madame la secrétaire d’État. Et comme notre commission est particulièrement sensible au thème de la ruralité, nous savons que ce plafond de verre existe parfois dès l’accès au lycée, surtout en milieu rural. J’ai pu le constater sur mon territoire, où une jeune fille devant entrer au lycée s’est vu refuser l’accès à l’internat – une pétition a été lancée pour la soutenir, qui a déjà recueilli près de 10 000 signatures. Je pense qu’il y aura beaucoup à faire en la matière dans les prochains mois.

Mme Frédérique Meunier. Ayant moi-même une expérience en ce qui concerne les enfants autistes, du fait de la présence d’un institut médico-éducatif (IME) dans ma commune de Malemort en Corrèze, je réagis à un article publié ce matin, intitulé : « L’autisme victime de coupes budgétaires ». Il y est question des menaces qui semblent peser sur l’avenir du centre expert autisme du Limousin (CEAL), une structure unique en France, créée en 2014 à Limoges et assurant l’accueil et le suivi de façon intensive de 47 enfants atteints d’autisme grâce à un budget annuel de près de 1,8 million d’euros, soit 38 000 euros par enfant. Début septembre, à la suite d’une mission qu’elle avait elle-même diligentée, l’agence régionale de santé a annoncé oralement que le budget de ce centre allait se trouver amputé de 30 à 40 %, estimant que le succès local du CEAL serait à l’origine d’une inégalité territoriale. Je trouve injuste et inquiétant de diminuer les moyens d’un territoire au motif que le système unique qu’il a mis en place provoquerait une inégalité territoriale. Madame la secrétaire d’État, peut‑on envisager une aide de l’État afin de permettre un fonctionnement pérenne de ce centre efficace, et dont le modèle aurait vocation à être décliné partout en France ?

Mme Brigitte Liso. À l’occasion du comité interministériel du handicap qui s’est tenu le 20 septembre dernier à Matignon, le Premier ministre a annoncé une augmentation de 90 euros de l’AAH. Au même moment, une nouvelle base de calcul relative à la prise en compte des ressources du conjoint vient tempérer l’enthousiasme des associations de personnes handicapées. Dans le cadre d’une meilleure prise en considération du handicap de ces personnes, ne serait-il pas souhaitable de rester dans une logique de revenus individuels ?

Mme Cécile Rilhac. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie pour votre analyse des problématiques du handicap. « Les personnes en situation de handicap et celles qui les accompagnent ont droit à la solidarité nationale. Elles ont besoin de bien plus encore, et elles peuvent nous apporter davantage », a déclaré notre Premier ministre le 4 juillet dernier, lors de son discours de politique générale. Je me réjouis que l’inclusion des personnes en situation de handicap devienne une priorité du Gouvernement, car si la question du handicap a progressé depuis douze ans, notamment grâce à la loi de 2005, il reste encore beaucoup à faire.

Ma question portera sur les accompagnants, c’est-à-dire les professionnels qui accompagnent, tout au long de leur vie, les personnes porteuses de handicap, mais aussi et surtout les nombreux aidants familiaux qui sacrifient leur vie sociale et professionnelle pour s’occuper de ces personnes. Ces aidants, qui accomplissent quotidiennement un travail formidable, souffrent pourtant d’un manque de formation et de reconnaissance. Constamment obligés de concilier leurs obligations professionnelles et leur rôle d’accompagnant, certains aidants familiaux décident parfois d’abandonner leur emploi pour se consacrer à une personne dépendante, ce qui peut entraîner la perte de leur droit à la retraite. Ces personnes ne devraient pas être pénalisées par leurs choix – si on peut parler de choix dans ces situations –, car leur quotidien est déjà très difficile. Pourriez-vous nous préciser votre feuille de route concernant les aidants, et plus particulièrement les aidants familiaux ?

Mme Gisèle Biémouret. Madame la secrétaire d’État, vous aviez annoncé, conjointement avec le ministère de l’éducation nationale, la mise en place d’un comité de pilotage hebdomadaire afin de suivre les problèmes liés à la rentrée scolaire et aux difficultés que rencontrent les enfants en situation de handicap. Avez-vous un bilan chiffré de la situation, afin que nous sachions où nous en sommes ?

Il semble qu’il subsiste des problèmes : ainsi, dans mon département, certains enfants ne sont toujours pas accompagnés. Pour ce qui est de la formation des personnes intervenant auprès des enfants porteurs de handicap, vous aviez fait remarquer que l’objectif du diplôme de niveau V n’était peut-être pas assez ambitieux. Quelles sont vos propositions pour faire évoluer leur statut ?

Par ailleurs, vous avez également évoqué, au sujet de l’adaptation pédagogique, des classes accueillant des enfants handicapées. Pourriez-vous nous préciser quelles sont les pistes à suivre pour essayer de diminuer le nombre d’accompagnants, et de faire en sorte que les enfants soient inclus sans être forcément assistés de personnels accompagnants ?

Mme Marie-Pierre Rixain. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur le polyhandicap. Dans ma circonscription de l’Essonne, l’association Les Tout‑Petits prend en charge les personnes atteintes d’un polyhandicap. Cette notion étant très méconnue, je rappelle qu’elle désigne un dysfonctionnement cérébral entraînant des déficiences motrices, perceptives, cognitives et de la construction des relations avec l’environnement physique et humain. Les Tout-Petits mettent en place une approche particulière autour de la pratique artistique, qui permet aux personnes en situation de polyhandicap de communiquer leurs émotions, mais aussi de créer des liens avec leur famille et leur entourage – j’ai pu le constater en visitant une exposition.

Par quels moyens – je pense éventuellement au plan Polyhandicap signé en décembre 2016 – pourrions-nous envisager de développer cette pratique artistique et l’intégrer durablement auprès des personnes atteintes de handicap ?

M. Michel Larive. Le candidat Emmanuel Macron parlait d’une « priorité au handicap ». Plusieurs ministres et secrétaires d’état ont par la suite annoncé une augmentation de l’allocation aux adultes handicapés. En réalité, le projet de loi de finances pour 2018 réserve un sort bien différent aux personnes handicapées, invalides ou victimes du travail.

L’AAH est menacée, avec la réforme des critères de prise en compte des ressources du conjoint et de la conjointe ; la revalorisation de l’allocation se trouve ainsi neutralisée, de fait, pour des dizaines de milliers d’entre eux. Les personnes en situation d’invalidité vont voir leurs revenus sensiblement impactés par la hausse de la CSG. Elles ont une autre perte de ressources directe à prévoir, liée à la suppression de la prime d’activité. Cette mesure est étendue aux victimes du travail en emploi qui, elles aussi, verront leur pouvoir d’achat dégringoler.

L’excédent de la branche « accidents du travail » ne contribue toujours pas à l’amélioration de l’indemnisation des victimes du travail. Il s’agit pourtant d’une revendication portée par de nombreux collectifs prenant en charge les questions liées au handicap, notamment la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH).

Enfin, la suppression brutale des contrats aidés va considérablement fragiliser l’insertion des personnes handicapées dans l’emploi. Pour les personnes handicapées, les invalides et les victimes du travail, le projet de loi de finances pour 2018 sonne comme un véritable coup de massue. Comment comptez-vous assurer à ces publics la garantie de la solidarité nationale ?

Mme la secrétaire d’État. Madame Meunier, un centre expert a vocation, comme son nom l’indique, à être un centre de ressources et d’information. Le fonctionnement d’un tel centre ne relève pas des budgets médico-sociaux, puisque sa mission consiste essentiellement à établir un diagnostic et à mettre des ressources à disposition : c’est seulement à l’issue du diagnostic que peut intervenir une prise en charge effective et complète par des thérapeutes et des rééducateurs ; or la situation de l’autisme, vous avez raison, a besoin d’une prise en charge complète et globale, qui respecte toutes les bonnes pratiques édictées par la Haute autorité de santé. C’est également la raison pour laquelle un centre de ce type ne correspond pas à un niveau budgétaire unique pouvant constituer une variable d’ajustement.

La problématique majeure en matière d’autisme réside, au-delà de l’expertise et du diagnostic, dans la prise en charge : et c’est là que le quatrième plan autisme va pouvoir nous donner des pistes en termes de parcours. Un effort assez important a été fait en direction des tout-petits, avec la création d’une unité d’enseignement en maternelle pour enfants autistes (UEM) par département. Je suis tout à fait d’accord avec vous pour considérer que c’est insuffisant, puisque chacune de ces unités fonctionne au sein d’un groupe scolaire, en école inclusive conformément au principe de société inclusive que l’on cherche à privilégier, et nécessite un encadrement d’« un pour un ». Cela ne résout donc le problème que d’une dizaine d’enfants au maximum.

Je serai très attentive à ces unités d’enseignement en maternelle et surtout à ce qui va se passer pour les enfants qui vont en sortir, car l’une de nos priorités consiste à permettre aux personnes autistes de bâtir des parcours – domaine où il reste encore beaucoup à inventer. Une réflexion est en cours sur ce point avec le ministre de l’éducation nationale. Si, à la sortie de ces unités, certains enfants peuvent réussir à intégrer un parcours, soit en unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS), soit en intégration individuelle avec une auxiliaire de vie scolaire, certains doivent malheureusement être dirigés vers des établissements spécialisés.

Au-delà du diagnostic et de la ressource experte, ce qui pose problème aujourd’hui, c’est une prise en charge efficiente. Les MDPH notifient des dispositifs de prise en charge, mais nous sommes encore très en deçà de la réalisation des moyens nécessaires. À compter du 1er janvier prochain, 90 MDPH s’engageront dans la démarche « Une réponse accompagnée pour tous », destinée aux enfants pour lesquels aucune solution n’a encore été trouvée, ou dont la prise en charge n’est satisfaisante. « Une réponse accompagnée pour tous » procède d’une philosophie très différente : la MDPH s’emploie à mettre tous les acteurs d’un territoire ensemble pour trouver les ressources qui manquent. Cette démarche innovante vise à généraliser une vraie culture de coopération entre le médico-social, le sanitaire, et tous les acteurs concernés au niveau d’un territoire, afin de trouver les ressources les plus adaptées.

Ce sont 15 millions d’euros de moyens supplémentaires qui sont inscrits dans le PLFSS pour 2018 et dans le programme 157 pour trouver des réponses et éviter ainsi les exils forcés en Belgique, mais aussi en Corrèze, historiquement terre d’accueil d’un grand nombre d’établissements spécialisés : malheureusement, il est tout aussi compliqué de se rendre de Paris en Corrèze que de se rendre en Belgique. On compte aujourd’hui plus de 6 000 citoyens français – 4 500 adultes, 1 500 enfants – accueillis en Belgique ; on ne peut espérer créer autant de places d’un coup de baguette magique. L’idée de départ est de stopper le flux d’exil et de trouver des réponses de proximité, car c’est ce que demandent les familles.

Plus largement, notre objectif consiste à transformer l’offre médico-sociale afin d’être en mesure de répondre à un plus grand nombre de besoins, dans une logique de parcours. C’est un peu le paradoxe français : d’un côté, on souhaite une société inclusive, de l’autre la seule réponse « protégeante » dont nous disposons consiste à créer des établissements spécialisés, autrement dit des murs. Cela vient du fait que nous n’avons pas assez travaillé sur l’environnement depuis la loi de 2005, qui affirmait que c’est l’environnement qui doit s’adapter aux spécificités de la personne handicapée. Aujourd’hui, les familles ont l’impression de devoir choisir entre le milieu ordinaire – qui comporte encore énormément de violence, parce que la société n’est pas préparée à regarder et à prendre en compte la différence, notamment en ce qui concerne le polyhandicap ou l’autisme, trop dérangeants aux yeux de nos concitoyens – et les murs protecteurs d’un établissement.

Pour ma part, je pense qu’il existe une alternative, à travers des services professionnels, bien musclés, qui vont accompagner les personnes handicapées en milieu ordinaire et en même temps travailler sur l’environnement, comme le font déjà beaucoup de services médico-sociaux – ainsi les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD). Toute ma feuille de route est conçue autour de l’objectif consistant à bâtir cette société inclusive et à transformer l’offre médico-sociale en déplaçant le centre de gravité du médico-social vers le service du parcours en milieu ordinaire. Cela implique de travailler en coopération avec l’éducation nationale ; rien ne nous empêche d’ailleurs de rêver en regardant ce qui se fait au Danemark, par exemple, où les plateaux techniques d’accueil des enfants handicapés sont installés au sein des écoles : ainsi, il n’y aurait plus qu’une seule école, très professionnelle, qui accueille et scolarise tous les enfants de la République. Nous n’en sommes pas encore là, mais nous pourrions tendre vers ce modèle en transformant en services l’offre médico-sociale actuellement proposée par les établissements. Cela va constituer l’une de mes priorités que d’engager une réflexion sur ce point avec les ARS et tous les acteurs des territoires, en vue de répondre au mieux aux attentes des personnes en situation de handicap.

Oui, madame Liso, j’estime que l’engagement du Président de la République de travailler sur la notion de pauvreté des personnes handicapées est tenu. C’est une mesure sans précédent qui a été prise avec le relèvement de l’AAH qui aura lieu d’ici à fin 2019. Cela va se faire en quatre temps : en plus des augmentations indiciaires du 1er avril interviendront deux revalorisations, en novembre 2018 – portant l’AAH à 860 euros – et en novembre 2019 – portant l’allocation à 900 euros. Ce sont plus de 870 000 bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés qui vont bénéficier à taux plein de cette hausse importante de leur pouvoir d’achat. Je rappelle que cette allocation n’a pas vocation à compenser la situation de handicap : elle est conçue comme un revenu minimum d’existence. Actuellement, 20 % des bénéficiaires de l’AAH travaillent et l’un de nos objectifs consiste à permettre à nos concitoyens en situation de handicap d’accéder plus facilement au monde du travail.

J’ai entendu dire que la revalorisation de l’AAH allait faire des perdants chez les couples : c’est faux, puisqu’elle s’accompagne d’un rapprochement des règles de prise en compte de la situation familiale des bénéficiaires. En effet, le coefficient multiplicateur du plafond de revenus des couples, qui est actuellement de 2, va passer à 1,9 au 1er novembre 2018, puis 1,8 au 1er novembre 2019 ; il restera supérieur aux coefficients applicables à d’autres minima – notamment le RSA, où il est de 1,5. La prise en compte de la spécificité de la personne handicapée est maintenue, car il s’agit d’une situation vraiment subie. Le niveau de ressources garanti aux couples est ainsi stabilisé à 1 620 euros, un niveau supérieur de plus de 7 % au seuil de pauvreté pour les couples, qui est de 1 512 euros. Seuls 7,5 % des bénéficiaires de l’AAH en couple ont des ressources situées au-dessus du plafond de 1 620 euros, et leur situation restera strictement inchangée. De ce fait, certains sont plus gagnants que d’autres, monsieur Larive, mais personne n’est perdant.

J’entends souvent dire également, et vous venez de le répéter, monsieur le député, que les bénéficiaires de compléments de ressources vont subir une perte significative de pouvoir d’achat ; c’est faux. En réalité, nous allons simplement faire fusionner, comme le prévoyait la loi de 2005, les deux compléments de ressources de l’AAH destinés à compenser l’absence de revenus professionnels des personnes handicapées exposées à des frais de logement – le complément de ressources (CR) d’une part, la majoration pour la vie autonome (MVA) d’autre part. Le rapprochement, qui n’aura lieu qu’en 2019, va constituer un élément de simplification, car il va permettre de supprimer une deuxième évaluation, très pesante. La coexistence des deux compléments étant partiellement soumise à cette surévaluation, les droits des bénéficiaires actuels sont maintenus, et la fusion des compléments n’interviendra qu’au fil des nouvelles demandes.

Mme Rilhac m’a interrogée au sujet des accompagnants et aidants familiaux. J’étais vendredi dernier à Lyon pour l’inauguration de la « maison de répit ». Ce projet de grande envergure, porté par la fondation France Répit, a vu le jour grâce à un financement mixte associant des fonds publics et un mécénat privé, et bénéficie pour son fonctionnement d’un agrément délivré par l’ARS Auvergne Rhône-Alpes. Si cette structure est unique, c’est parce qu’elle accueille l’aidant et l’aidé ; elle permet également l’envoi d’une équipe mobile d’évaluation à domicile lorsqu’elle est contactée par une famille qui craque. Quand l’équipe d’évaluation estime qu’il y a effectivement urgence, elle peut décider qu’il y a lieu de déclencher la prise en charge à la fois de l’aidant et de l’aidé, comprenant un séjour d’un mois destiné à permettre la remise en route de la dynamique aidant-aidé, au besoin en réajustant la prise en charge faite à domicile.

Pour mener ce projet à bien, la fondation France Répit a conclu des partenariats privés, notamment avec les laboratoires Mérieux, extrêmement impliqués, et qui ont d’ailleurs cédé un terrain afin de permettre la construction des bâtiments. De son côté, l’ARS a fait preuve d’une grande agilité pour débloquer tous les verrous – elle a ainsi permis la création d’une structure accueillant enfants et adultes, ce qui permet de travailler pleinement sur la dynamique aidant-aidé. Vous avez raison, madame la députée : plus de huit millions de nos concitoyens sont aidants familiaux de personnes âgées ou handicapées ; sans eux, je ne sais pas comment nous ferions.

J’en profite pour vous annoncer que nous confions une mission à Mme Dominique Gillot sur la meilleure façon d’aider l’aidant familial à concilier sa fonction avec sa vie professionnelle. Il faut aussi lui permettre de valoriser ses années d’interruption, et, s’il le souhaite, de reprendre une formation. Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, sont également saisies de la question des aidants familiaux : l’aidant doit pouvoir accéder à l’information et à la formation. Il faut aussi qu’il soit lui-même aidé. Lyon « métropole aidante » a, par exemple, décidé de mettre en place tout un réseau d’information, avec des cafés des aidants et d’autres initiatives. Les territoires s’emparent de cette problématique qu’il nous faut absolument porter, car il s’agit vraiment de l’un des piliers de notre société de solidarité.

Madame Biémouret, depuis la fin du mois de mai, nous tenons une réunion hebdomadaire pour préparer et suivre la rentrée scolaire. En septembre, il y avait encore des enfants sans AVS en raison de problèmes structurels de recrutement dont je vous ai parlé. Nous sommes particulièrement vigilants sur ces questions, car il est indispensable de prendre en compte les besoins spécifiques des enfants au sein des classes. Il faut recruter des personnels vraiment motivés. Aujourd’hui, pour ces contrats aidés, la sélection s’opère d’ailleurs sur ce seul critère puisqu’il n’existe pas de formation initiale.

À la rentrée, le taux de couverture des accompagnants atteignait 98 %. Il ne manquait que 2 % d’entre eux, me direz-vous, mais cela concerne encore des centaines d’enfants et de familles, et ce n’est pas satisfaisant. En conséquence, nous restons absolument vigilants et, de son côté, l’éducation nationale est totalement mobilisée. La réunion des recteurs qui s’est tenue hier signalait qu’il n’y avait pas d’alerte particulière – je m’exprime sous le contrôle du DGESCO. Quelques territoires sont encore sous tension en raison de problématiques de bassins d’emploi, et des enfants sont en attente de places en ULIS. Nous savons que ces dernières sont saturées, et nous devrons organiser au mieux la programmation des ouvertures prévues. L’important reste que nous puissions répondre au plus grand nombre.

Effectivement, viser le diplôme de niveau V n’est pas assez ambitieux : il peut être difficile pour un accompagnant qui n’a pas le baccalauréat d’accompagner un enfant qui le prépare. Cela dit, il s’agit de gravir une première marche en attendant une qualification supérieure. Les premières promotions de ce diplôme vont bientôt avoir terminé leur formation.

Quoi qu’il en soit, il faut nous demander ce que nous voulons faire de l’école inclusive. Il ne revient pas aux accompagnants de la porter ; il faut solliciter toutes les ressources disponibles et, surtout, travailler sur une coopération avec le médico-social. Des spécialistes des adaptations et de la rééducation travaillent déjà au sein des établissements médico-sociaux, il faut que ces professionnels puissent en sortir pour se mettre aux services des parcours en milieu ordinaire, notamment au service de la scolarisation des enfants handicapés. Il s’agit donc d’un gros enjeu de coopération. Beaucoup de choses se font déjà : des formations communes conjointes entre le monde de l’éducation nationale et le monde du médico-social avaient été lancées et vont certainement se poursuivre. Il est essentiel de mettre autour d’une même table deux mondes aux cultures différentes.

Les parents d’enfants handicapés ont cela d’extraordinaire qu’ils arrivent à réunir les énergies et à faire se croiser les regards. C’est ainsi que l’on peut réussir un parcours. Le handicap est une force, car il mobilise toutes les énergies, tous les talents et toutes les compétences autour de projets.

Nous devons nous intéresser à la formation des enseignants non spécialisés ; nous travaillons avec M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, à l’élaboration d’un programme de formation qui leur sera destiné.

Une grande réforme de l’enseignement spécialisé est en cours avec la mise en place du certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’éducation inclusive (CAPPEI). Ceux qui auront suivi cette formation deviendront une véritable ressource pour diffuser la culture du handicap dans les établissements scolaires. Vous le constatez, nous ne manquons pas de leviers pour faire vivre cette école inclusive.

Madame Rixain, je connais bien l’association Les Tout Petits ; elle fait un travail extraordinaire auprès les personnes polyhandicapées. La pratique artistique est essentielle, comme vous l’indiquiez, mais il existe d’autres axes de travail. Il faut surtout développer les communications alternatives pour permettre l’échange entre les enfants polyhandicapés, les professionnels et l’entourage – je pense au particulier aux liens avec la famille.

Mme Marie-George Buffet. Madame la secrétaire d’État, les Jeux olympiques et paralympiques de Londres ont constitué une étape très importante en termes de visibilité du handicap ; j’espère qu’il en ira de même en France, en 2024. Mais que ferons-nous dans les sept ans qui nous séparent de cette échéance ?

La France sait maintenant qu’elle organise les Jeux, ce qui va susciter des envies chez les jeunes, parmi lesquels certains sont handicapés. Pourtant, aujourd’hui, nos équipements sportifs scolaires sont vieillissants, et pas toujours accessibles. Pour les sept prochaines années, pouvons-nous penser, de façon interministérielle, à un plan de mise en accessibilité des équipements sportifs et de réalisation de nouveaux équipements, mais aussi à un plan d’aide à l’encadrement dans les clubs sportifs, quelle que soit la discipline, pour l’accueil des enfants touchés par le handicap ?

On nous parle beaucoup de ce que les Jeux laisseront derrière eux, mais l’ouverture d’un nouveau bassin olympique en Seine-Saint-Denis ne nous aidera pas à réparer ou à construire les piscines nécessaires pour accueillir les enfants. Comment, d’ici à 2024, construire l’héritage que nous laisserons après les Jeux ?

Enfin, juste après l’attribution des Jeux, nous apprenons que le budget des sports est en baisse de 7 % : ce n’est pas un message très positif. Pour les sept ans à venir, êtes-vous en mesure d’animer un mouvement interministériel en faveur de l’accueil des enfants touchés par le handicap qui veulent avoir une pratique sportive ?

Mme Cathy Racon-Bouzon. Madame la secrétaire d’État, il semble que certaines caisses régionales d’assurance maladie refusent de rembourser des soins en faveur d’enfants porteurs de handicap, pris en charge par des centres d’action médico-sociale précoce. Ces centres jouent un rôle fondamental dans le dépistage et la rééducation des enfants des premier et deuxième âges ; mais parce qu’ils sont débordés, ils adressent parfois des familles à des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes ou des orthophonistes libéraux pour éviter des délais d’attente trop longs ou parce qu’ils sont plus près.

Les articles L. 2132-4 et suivants du code de la santé publique autorisent les centres à avoir recours au secteur libéral sous certaines conditions. Ces familles ne devraient donc pas se voir refuser le remboursement de soins indispensables, car la gestion du handicap ne doit pas être une question de moyens.

Pourriez-vous adresser des instructions aux caisses régionales d’assurance maladie par voie réglementaire afin qu’elles soient plus souples dans l’interprétation de ces dispositions législatives ?

M. Philippe Berta. Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué à juste titre la question de la fluidité du parcours de vie de la personne handicapée ; ce point me paraît essentiel. Je vous félicite pour les 8 000 postes supplémentaires obtenus par des temps budgétaires difficiles.

Qu’êtes-vous prête à envisager en termes de formation initiale et continue des accompagnants ? Qu’en est-il de la formation des enseignants ? Des modules spécifiques apparaîtront-ils enfin dans les programmes des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) afin que les enseignants puissent gérer plus simplement qu’aujourd’hui les situations auxquelles ils sont confrontés ?

M. Pierre-Yves Bournazel. Les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 sont l’occasion d’accélérer certaines politiques publiques en faveur des personnes en situation de handicap, particulièrement celles relatives à l’accessibilité des transports en commun ou des équipements.

Le Grand Paris Express, 100 % automatisé, et ses nouvelles gares, 100 % accessibles, seront un héritage direct de ces Jeux olympiques et paralympiques, mais il est indispensable de prendre garde au respect de certains délais. En effet, aujourd’hui, rien n’est acquis si l’on songe aux difficultés rencontrées pour sécuriser les financements pour 2024, notamment ceux de la ligne 18 et de la ligne 17. Il est par ailleurs nécessaire d’établir et de diffuser une cartographie des lignes et des stations de métro accessibles. Vos services, ceux du ministère des transports, la RATP et le Syndicat des transports d’Île-de-France doivent se rapprocher pour avancer sur ce sujet. Comptez-vous prendre des initiatives sur ce dernier point ? Pouvez-vous nous rassurer sur les financements des lignes 17 et 18 du Grand Paris Express au rendez-vous de 2024 ?

Mme Fabienne Colboc. Le quatrième plan autisme concernera la prise en charge précoce, l’inclusion scolaire, l’inclusion sociale des adultes, l’appui aux familles, et la recherche et la formation des professionnels.

Parce que j’ai été sollicitée dans ma circonscription, je souhaite savoir si des fonds seront mis en place en faveur de structures associatives d’initiatives citoyennes, en dehors des instituts médico-éducatifs (IME) ou du milieu scolaire. Ces associations utilisent l’ensemble des pédagogies et méthodologies connues et reconnues, elles organisent des ateliers spécifiques, et elles assurent des prises en charge individuelles adaptées. Je pense au projet d’une maman que j’ai rencontrée, mais aussi aux enfants qui ont besoin d’être stimulés alors qu’ils ne bénéficient d’aucune structure d’accueil, ainsi qu’à leurs parents qui aspirent parfois à un répit.

Mme Annie Genevard. Sous la précédente législature, s’il y a une notion en matière éducative qui a constamment fait l’unanimité, c’est bien celle d’inclusion scolaire. À l’évidence, tout n’a pas totalement abouti en la matière et il faut encore œuvrer en ce sens comme vos propos le montrent, mais la ligne est fixée.

Le plan autisme prévoyait la création d’unités d’enseignement en classe maternelle (UEM). J’ai contribué à encourager la création de l’une d’entre elles dans ma circonscription. Grâce à la bienveillance de l’inspecteur d’académie, qui a bien voulu jouer le jeu, une classe spécialisée s’est ouverte, et les parents sont très contents. Le plus remarquable est que cette classe dédiée aux enfants autistes est installée dans une école ordinaire, et tout le monde tire aujourd’hui bénéfice de cette situation. Les parents sont évidemment désireux d’une action suivie. Après la maternelle, pourquoi pas une classe primaire, et pourquoi ne pas aller encore au-delà ? L’attente suscitée par la création de ces unités est donc forte. Les parents de l’école maternelle de Montlebon s’interrogent et nous interrogent sur le parcours scolaire que nous permettrons à leurs enfants d’effectuer après cette expérience fructueuse.

Mme Ramlati Ali. Madame la secrétaire d’État, j’ai été alertée par des parents d’élèves concernant le refus quasi systématique par le médecin scolaire de mettre en place des plans d’accompagnement personnalisé (PAP) pour les élèves qui, en compensant leur handicap par leurs efforts personnels, obtiennent des résultats honorables. La position officielle de certains médecins scolaires pour s’opposer, par exemple, à un tiers temps supplémentaire lors des examens, dispositif peu coûteux, est la suivante : seuls les élèves en situation d’échec ont le droit de bénéficier de ces mesures d’accompagnement.

Quels seraient les résultats de ces élèves handicapés s’ils avaient pu bénéficier d’un léger aménagement ? Ils sont, de fait, véritablement désavantagés lorsqu’ils cherchent à intégrer des filières sélectives puisqu’ils ne sont jugés que sur leurs résultats. Que comptez‑vous faire pour rétablir l’égalité des chances de ses élèves dont le handicap réel est trop léger pour être reconnu par les MDPH, mais qui les pénalise au quotidien, surtout quand l’institution refuse de les aider avec des dispositifs qui leur sont théoriquement ouverts ? Un rappel du principe de l’ouverture des PAP à tous les élèves vivant une situation de handicap, quel qu’il soit, et non seulement à ceux qui se trouvent en situation d’échec, ne serait-il pas le bienvenu ?

Mme la secrétaire d’État. Madame Buffet, que faisons-nous d’ici à la tenue des JO ? La ministre des sports est totalement résolue à travailler sur le sport pour tous, notamment à l’école. Une convention sera signée avec le ministre de l’éducation nationale pour développer le sport à l’école et, en particulier, la pratique par les enfants en situation de handicap : bien souvent, les professeurs de sport sont démunis face à eux, et ces enfants se retrouvent sur la touche avec le chronomètre… Beaucoup trop de dispenses sont aussi accordées malgré le véritable enjeu de santé.

Une grande enquête est en cours dans les établissements médico-sociaux sur l’état des pratiques sportives. Le sport doit être partie intégrante du projet d’établissement, et notamment du projet d’accueil individualisé au sein des établissements spécialisés.

Nous effectuons aussi un travail en commun avec la fédération française de handisport et avec celle du sport adapté pour favoriser la pratique sportive, les aider à développer le nombre de licenciés et à travailler sur la formation de leurs animateurs spécialisés. Il faut également agir directement auprès des personnes en situation de handicap pour lever l’autocensure à la pratique sportive.

Madame Racon-Bouzon, les centres d’action médico-sociale précoce accueillent des enfants de 0 à 6 ans avec tous types de handicap, sans besoin de notification aux MDPH. Cette prise en charge précoce est essentielle. J’ai reçu cette semaine les représentants de l’association nationale des équipes contribuant à l’action médico-sociale précoce, avec lesquels j’ai évoqué les sujets que vous avez abordés. Nous soutenons d’ailleurs une grande campagne, intitulée « Agir tôt », qui se déroulera en 2018, afin de sensibiliser au dépistage et la prise en charge précoce, ce qui permettra, en particulier, d’éviter les surhandicaps.

Les prises en charge complémentaires sont aujourd’hui possibles. Les textes existent, et nous relancerons la Caisse nationale d’assurance maladie pour qu’ils soient appliqués sur les différents territoires. Une véritable avancée a eu lieu en matière de prise en charge des transports pour le déplacement des familles, mais il a fallu attendre longtemps. Un gros effort d’équité entre les territoires reste à faire au niveau des prises en charge dites complémentaires ou des doubles prises en charge.

Monsieur Berta, l’éducation nationale a consenti un véritable effort en transformant des contrats aidés en contrats AESH, avec 8 000 postes supplémentaires. Un cadencement de transformation pour professionnaliser l’accompagnement est en place, et nous menons une réflexion avec le ministre de l’éducation nationale pour amplifier cette professionnalisation. Nous réfléchissons aussi de façon plus large pour que les accompagnants « traversent les murs ». Il faut en effet éviter les ruptures d’accompagnement entre l’école, le centre de loisirs et l’activité sportive, par exemple. Le besoin soutenu de compagnie et d’accompagnement de certains enfants handicapés se fait sentir aussi lorsqu’ils sortent de la classe et qu’ils participent à des activités péri et extrascolaires. Cela dit, nous ne partons pas de rien. Beaucoup de choses ont été écrites sur ce sujet. Je pense en particulier au rapport remis en 2013 par le groupe de travail interministériel présidé par Mme Pénélope Komitès. Nous devons travailler avec les collectivités localement, et éviter les ruptures de parcours et d’accompagnement. Il nous faut raisonner en besoin global.

Afin d’outiller correctement les enseignants, nous travaillons aussi sur la formation et sur les personnes-ressources. Nous devons résoudre un problème d’information : les enseignants doivent savoir où trouver les ressources spécialisées et les personnes qui les aideront à travailler sur les adaptations pédagogiques. Cela concourra sans doute à diminuer le besoin en accompagnants. Charles Gardou parle de travailler les « plans inclinés » du savoir : sans doute l’aide humaine peut-elle être compensée par un « plan incliné » qui permette les apprentissages adaptés.

Évidemment, il nous faut aussi valoriser les validations d’acquis d’expérience car les accompagnants ont souvent acquis au fil des années une solide expérience pratique sans avoir accès au diplôme. Il faut jouer sur ce levier pour une montée en qualification.

Monsieur Bournazel, les Jeux olympiques et paralympiques nous permettront de booster l’accessibilité, mais là encore, nous ne partons pas de rien ; beaucoup a déjà été fait, notamment pour les bus en Île-de-France. Un très grand nombre de lignes sont désormais accessibles. Dans ce domaine, il faut aussi améliorer l’information dont disposent nos concitoyens. Nous travaillons avec Mme Élisabeth Borne, ministre des transports, sur le sujet, mais aussi avec le secrétariat d’État chargé du numérique afin de recenser les applications qui fournissent des informations sur l’accessibilité des transports.

Les lignes de métro 17 et 18 sont l’objet de nos préoccupations. Nous tenons surtout à tracer le chemin des parcours possibles : il y a encore trop de ruptures parce que le déplacement n’est pas pensé en cheminement. En tout cas, nous sommes particulièrement vigilants, et vous pouvez compter sur la pugnacité de mon conseiller, M. Yanis Bacha : il ne lâche rien, il teste tout… Il nous fait énormément avancer par la preuve du réel.

Madame Colboc, ce que vous dites sur l’autisme est tout à fait juste. Il faut que nous utilisions l’intelligence collective, en particulier celle des associations, et celle des personnes qui, depuis leur naissance, se sont débrouillées, à défaut de bénéficier de prises en charge suffisantes. La création des pôles de compétences et de prestations externalisées (PCPE) constitue une réponse au problème de la coordination avec les professionnels libéraux. Sur beaucoup de territoires encore, les familles s’essoufflent énormément à coordonner les soins 
– je parlais d’usure sociale des familles. Les PCPE visent à mettre en résonance tous ces acteurs et à assurer une coordination pour une prise en charge calibrée et effective.

Madame Genevard, l’inclusion sociale est un mouvement de société. Les jeunes parents la réclament. Ils ne veulent plus être dans un « à côté » et privilégient le « vivre ensemble ». Le plan autisme permettra de veiller à l’évaluation des unités d’enseignement maternelle et à l’élaboration de parcours. Nous procédons à un véritable suivi de cohorte pour connaître les besoins futurs des enfants concernés. Pourquoi ne pas imaginer de généraliser les unités d’enseignement externalisées, des établissements médico-sociaux en primaire, en collège, en lycée ? Il en existe déjà dans de nombreux territoires ; nous devons évaluer leurs bienfaits. En tout état de cause, ces unités d’enseignement doivent être au cœur de l’école pour que nous puissions rendre cette dernière inclusive.

Madame Ali, comment faire pour que la spécificité des enfants qui ne relèvent pas d’une MDPH soit prise en charge ? Je répondrai PPRE, PRE, PAP, PPS… Il s’agit de différents plans mis en œuvre par l’éducation nationale : le programme personnalisé de réussite éducative (PPRE), le programme de réussite éducative (PRE), le plan d’accompagnement personnalisé (PAP), le projet personnalisé de scolarisation (PPS). Vous constatez qu’il existe une véritable gradation de la réponse. Peut-être avons-nous été un peu loin : il va falloir sans doute simplifier et recentrer les choses.

Le médecin scolaire est au cœur de l’élaboration du PAP. Ce plan permet d’éviter l’embolie des MDPH lorsque l’enfant n’a besoin que d’une adaptation pédagogique et non de compensations qui relèvent de la MDPH. Il s’agit d’un très bon outil d’adaptation pédagogique qui suit l’enfant et permet de ne pas perdre de vue tout ce qui a déjà été fait.

Le tiers temps relève des médecins de l’éducation nationale au niveau des rectorats 
– le passage par la MDPH n’est pas nécessaire. Sa mise en place pose tout de même un problème d’organisation à l’éducation nationale ; qui plus est, cette réponse apparaît souvent inadaptée pour un enfant par nature fatigable, qui aurait davantage besoin d’un allégement de son évaluation que d’un temps supplémentaire. Nous devons travailler avec l’éducation nationale pour définir une évaluation équitable, et qui prenne en compte la fatigabilité de l’enfant handicapé.

Mme Nadia Essayan. Ma question était, à l’origine, la même que celle que Mme Fabienne Colboc vous a posée tout à l’heure sur les initiatives locales prises par les parents dépourvus de moyens par rapport à l’ampleur de la tâche. Avant de quitter notre réunion, Mme Colboc m’a toutefois soufflé que votre réponse ne permettait pas de comprendre sur quoi ces parents pouvaient s’appuyer…

Vous nous avez assuré tout à l’heure que, du fait de l’évolution de l’AAH, personne n’était perdant et qu’il y aurait même des gagnants. Mais un problème demeure lorsque les adultes handicapés arrivent à la retraite. Très concrètement, je peux vous dire que les ressources de mon frère baissent et que, sans la solidarité familiale, sa situation serait assez compliquée.

Mme George Pau-Langevin. Madame la secrétaire d’État, vous avez annoncé la sanctuarisation des contrats aidés dans le secteur scolaire, ce dont je me réjouis, car cela permet que l’inclusion scolaire demeure une réalité. Il reste que de nombreuses personnes en situation de handicap sont elles-mêmes titulaires d’un contrat aidé, en particulier dans les associations. Comment comptez-vous traiter ce problème sachant que le nombre global de contrats va diminuer ?

Enfin, lorsque l’établissement médico-social est, en quelque sorte, intégré au milieu scolaire, comment parvenez-vous à créer une culture commune qui permette aux enfants de passer sans rupture de continuité d’une structure médico-sociale à une structure classique ?

Mme Anne-Christine Lang. Madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous raconter une histoire comme il en existe des milliers, celle de Lucie, jeune fille trisomique, dernière d’une fratrie de quatre enfants. Lucie habite Paris.

Quand elle était petite, Lucie a voulu apprendre à nager. Ses parents se sont rendus dans les piscines municipales pour l’inscrire à des cours de natation. Las ! alors que ses copines d’école rejoignaient un groupe, Lucie a dû rentrer chez elle. « Nous sommes désolés, mais nous ne prenons pas ces enfants-là », ont dit les maîtres-nageurs. Ses parents ont alors écrit aux maîtres-nageurs, au service des sports, aux élus pour protester. Ils se sont battus pour que leur fille puisse apprendre à nager, et puis… rien.

Plus tard, alors qu’elle quittait l’école primaire, les parents de Lucie ont souhaité qu’elle poursuive sa scolarité en ULIS. Ils ont formulé une demande auprès du référent MDPH. La décision est tombée comme un couperet : la demande était refusée, et Lucie était orientée en IME sans qu’à aucun moment, aucun échange n’ait eu lieu avec les parents pour justifier cette décision. Lucie était devenue un dossier examiné par une commission de trente personnes travaillant dans des bureaux. Aucune d’entre elles ne connaissait Lucie, aucune ne l’avait rencontrée ne serait-ce qu’une seule fois. Les parents de Lucie ont alors écrit des lettres pour demander à être reçus, pour échanger, pour comprendre, à la MDPH, au rectorat, aux élus, et puis… rien.

Juste avant l’été, la famille au grand complet a voulu voir une exposition dans un grand musée parisien, le plus grand musée du monde. Las ! quand ils se sont présentés à la porte réservée aux personnes porteuses de handicap, la famille n’a pas pu entrer. Une seule personne, le père ou la mère, était autorisée à accompagner l’enfant. Pour profiter de l’exposition en famille, il a donc fallu que tous fassent plus d’une heure de queue. Puis Lucie s’est impatientée, elle s’est assise par terre, elle s’est mise à pleurer : la famille a dû renoncer et rentrer chez elle. Les parents de Lucie on écrit des lettres, à la direction du musée, au ministère, aux élus, et puis… rien.

Si je vous raconte cette histoire, madame la secrétaire d’État, ce n’est pas seulement parce qu’elle me touche personnellement, mais pour montrer à quel point la vie quotidienne des personnes porteuses de handicap et de leur famille est encore, en 2017, dans une grande ville européenne, un combat quotidien contre les préjugés et l’ignorance, mené dans une absence totale de bienveillance. Nous savons combien vous êtes sensible à ces sujets et déterminée à agir pour que cessent ces humiliations, pour que changent les mentalités et les comportements envers les personnes porteuses de handicap ; nous comptons sur vous !

Mme Béatrice Descamps. Dans vos propos liminaires, vous avez précisé qu’il était nécessaire de faire évoluer les conditions de travail et les moyens des MDPH. Est-il envisagé de revoir les termes des conventions constitutives afin de réévaluer la participation de l’État au budget de ces organismes ? Aujourd’hui, la convention qui régit la MDPH du Nord, la plus grosse de France, se fonde sur l’activité constatée en 2007 alors qu’elle a doublé depuis…

Mme Agnès Thill. Depuis plusieurs années, l’inclusion en milieu scolaire a permis à des enfants d’effectuer toute leur scolarité en milieu ordinaire, ils souhaitent donc, et c’est bien normal, poursuivre leur insertion professionnelle en milieu ordinaire sans rejoindre un établissement ou service d’aide par le travail (ESAT).

Pour accompagner cette dynamique, la loi de finances pour 2017 prévoyait 5 millions d’euros afin de financer le dispositif de l’emploi accompagné. Un appel à projets a été lancé afin de retenir les dispositifs proposant le meilleur accompagnement des personnes dans l’emploi ordinaire. L’année 2017 a marqué le démarrage de ce dispositif, qui devait être évalué pour identifier les initiatives locales ayant vocation à se généraliser. Alors que les crédits ont été reconduits pour l’année 2018, pouvez-vous dresser un bilan de cette première année en termes de projets financés, de publics touchés, et de résultats constatés ? Une évolution du dispositif est-elle prévue pour les années à venir ?

M. Gaël Le Bohec. Des progrès restent à faire du côté des instituts médico-éducatifs. Les IME sont confrontés à des difficultés en Ille-et-Vilaine, dans le Finistère, et plus largement sur l’ensemble de notre territoire. Ils ont pour mission d’accueillir les enfants et adolescents atteints de handicap, de troubles de la personnalité, moteurs, sensoriels, et de la communication.

En 1989, sous l’impulsion de l’acteur Michel Creton, un amendement a permis aux personnes porteuses de handicaps lourds atteignant l’âge de vingt ans de rester dans ces établissements pour mineurs lorsqu’elles ne pouvaient pas trouver une place dans les établissements pour adultes. Cette disposition, évidemment essentielle, se doit de soutenir tous les citoyens les plus fragiles ; mais elle pose désormais d’autres problèmes. D’une part, la mission première des IME, la prise en charge des enfants de six à vingt ans, est mise en difficulté par l’augmentation croissante du nombre d’enfants et d’adultes concernés. D’autre part, nombre d’IME sont aujourd’hui saturés : certains parents se trouvant sans solution pour leurs enfants, il n’est pas rare que l’un d’eux soit dans l’obligation d’abandonner sa carrière, ce qui entraîne bien évidemment une baisse des revenus de la famille. Les mères sont souvent les premières concernées.

Le Gouvernement envisage-t-il d’octroyer aux IME, via l’assurance maladie, les moyens suffisants pour accroître leurs capacités d’accueil ? Les établissements signalent que les demandes se multiplient. Quelle vision prospective avez-vous en la matière ? Entendez‑vous mener parallèlement une politique de prise en charge d’accueil des adultes en situation de handicap ?

Mme la secrétaire d’État. Madame Essayan, je suis désolée si ma réponse sur les initiatives des parents n’a pas été pas assez complète. Le terreau associatif de notre pays est extraordinaire, et c’est bien souvent le combat des parents qui a fait bouger les lignes des politiques publiques. Soyez assurée que je suis à l’écoute de ces initiatives pour pouvoir les consolider, les évaluer et, éventuellement, les faire essaimer !

La réforme de l’AAH menée en 2017 permet de maintenir cette allocation après l’âge de la retraite. C’est une amélioration, c’est en flux. C’est bien sûr une réponse partielle à votre question, mais les choses sont déjà en cours.

Madame Pau-Langevin, vous avez raison, il nous faut absolument préserver l’éducation inclusive. Je tiens à rappeler que les contrats aidés sont destinés aux salariés éloignés de l’emploi : il ne s’agit donc pas d’une forme d’emploi pérenne. Pour les personnes handicapées, nous privilégions un retour à l’emploi sur la longue durée ; or très peu de contrats aidés étaient transformés en contrats pérennes. D’autres outils existent pour amener la personne handicapée à l’emploi. Nous préférons travailler, avec Mme Pénicaud, à inscrire les personnes handicapées, en proportion de leur nombre au sein de la population, dans le grand plan de formation professionnelle et dans le plan d’apprentissage.

Pour l’accès à l’emploi, en particulier pour les jeunes, le levier de l’apprentissage est formidable. Il permet d’abord à l’entreprise de découvrir les besoins de ces personnes, les adaptations nécessaires, la façon de communiquer avec elles. On voit bien que l’idée de l’ouverture de l’école depuis la loi de 2005 a permis la scolarisation et la formation professionnelle de populations qui ont appris à apprendre et à travailler avec les autres, et qui souhaitent continuer à le faire. Il va falloir que les chefs d’entreprise réalisent qu’une nouvelle population arrive. Elle n’est pas forcément diplômée ni forcément employables au sens classique du terme – avec un diplôme correspondant à une offre d’emploi –, mais, pour autant, elle comprend des personnes qui ont des vraies compétences, et qui ont envie de travailler au milieu des autres.

C’est le sens du dispositif mis en place en faveur de l’emploi accompagné dont nous parlait Mme Agnès Thill. 5 millions d’euros y sont consacrés. C’est une petite enveloppe pour une action que je suis dans l’incapacité d’évaluer aujourd’hui, car rien n’est encore en place. Les appels à candidature et à projets ont été lancés, et les réponses doivent arriver à partir du 15 octobre. Cela dit, une nouvelle fois, nous ne partons pas de rien : de très nombreuses associations s’occupent déjà d’emploi accompagné. Cette enveloppe n’est destinée qu’à 1 000 travailleurs handicapés. C’est un échantillon de très petite taille, mais il sera particulièrement intéressant de le suivre car il permettra le développement de pratiques différentes d’accompagnement. L’enveloppe est complétée par l’association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées pour 2 millions d’euros, et par le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique pour 500 000 euros. Je vous donne rendez-vous à la fin de l’année 2018 pour évaluer l’intérêt de ce dispositif reproduit à l’identique dans le PLFSS – nous aurons donc la possibilité de l’abonder. Notre but reste de sécuriser les parcours pour tous les travailleurs handicapés. L’emploi accompagné, qui est une sorte d’ingénierie de « job coach », doit permettre de faire monter en qualification toute la politique publique de l’emploi des travailleurs handicapés.

Madame Lang, votre histoire de Lucie fait écho à celle de beaucoup d’autres. Lucie a eu la malchance d’être tombée sur des gens dont la conduite n’est pas acceptable. Je crois néanmoins que la situation a changé aujourd’hui. Le fait que de plus en plus d’enfants handicapés soient à école, participent aux pratiques sportives de l’école, aillent avec leurs camarades a la piscine, a changé le regard des maîtres-nageurs et des centres sportifs. Les ULIS se sont ouvertes ; au sein des MDPH, les équipes pluridisciplinaires sont désormais censées répondre aux projets de vie des familles : elles ne doivent pas proposer des orientations que ces dernières n’ont pas demandées. Vous pouvez compter sur ma détermination pour travailler avec les MDPH et analyser leurs pratiques. L’une des missions de la nouvelle directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie consistera à les interpeller afin d’assurer une équité des pratiques sur le territoire dans la droite ligne de l’application de la loi.

Ce que vous décrivez de l’accès au Louvre, s’il s’agit bien du Louvre, m’étonne énormément parce que cette institution mène une politique exemplaire d’accueil des enfants victimes de handicap. La petite Lucie n’a vraiment pas eu de chance… Normalement, la carte d’invalidité sert de coupe-file pour éviter que les enfants attendent – il n’y a pas d’accès spécifique. La politique du Louvre en matière d’accessibilité a été testée à plusieurs reprises par de nombreuses personnes…

Mme Anne-Christine Lang. C’était juste avant l’été. Une seule personne était autorisée à accompagner la titulaire de la carte. Les autres devaient faire la queue !

Mme la secrétaire d’État. Nous serons heureux d’avoir des détails afin de travailler sur ce genre de problème pour améliorer les choses pour le plus grand nombre.

Pour ce qui est des MDPH, Madame Descamps, il est vrai que la convention constitutive date et que la gouvernance a un peu vieilli. Nous sommes en train de nous interroger, en partenariat avec les départements. Les présidents de conseils départementaux sont mobilisés sur la politique handicap, ce qui n’était pas le cas ces trois dernières années. Nous avons renoué le dialogue, il y a une vraie écoute. Ils sont très mobilisés pour être partie prenante au déploiement du système d’information commun et très attentifs à faire monter en qualification leurs équipes pluridisciplinaires. Mais vous l’avez dit : ce sont des équipes qui viennent de partout, de différents milieux – conseil départemental, éducation nationale – et qui relèvent de rythmes de conventions collectives différentes. Nous allons certainement réévaluer cette gouvernance, sans prendre de décision immédiate, mais il est important de travailler sur toute la chaîne, et de restaurer une certaine équité, au niveau des pratiques, sur tout le territoire.

Monsieur Le Bohec, je pense que Michel Creton avait bien fait à l’époque, mais on se demande aujourd’hui si c’était vraiment une bonne réponse, à voir cette embolisation qui met à mal les personnes et les équipes professionnelles. Accueillir des enfants de six ans dans des établissements où, parfois, on trouve des personnes de trente ou trente-cinq ans pose un vrai problème. La vraie problématique se situe au niveau du nombre de places pour les adultes handicapés, notamment les adultes handicapés vieillissants. Notre mouvement vers l’école inclusive a du reste le mérite de faire sortir certains enfants de ces établissements en les accompagnant.

Cela rejoint la question du parcours partagé : oui, il faut développer cette coopération commune, travailler pour déplacer le centre de gravité et faire sortir des professionnels pour accompagner les enfants et ainsi libérer des places. La réforme des tarifications offre un autre levier. Le programme Sérafin va permettre de servir le plus grand nombre : au lieu de travailler sur un prix de journée au sein des établissements, nous réfléchissons à des prix de prestations, ce qui offrirait beaucoup plus de souplesse sur les temps partagés et les parcours coordonnés. C’est une piste d’amélioration.

M. Yannick Kerlogot. Bonjour madame la secrétaire d’État. Est-il possible d’avoir un exemple de mesures concrètes confirmant l’engagement du candidat Emmanuel Macron à faire changer le regard sur le handicap ? Il avait entre autres proposé, pour mieux faire connaître le handicap, d’instaurer une sensibilisation systématique dans les écoles primaires et les collèges, notamment en favorisant les personnes concernées dans les classes. C’est un élément que j’avais trouvé dans son programme et qui m’avait semblé très intéressant. Pour ma part, j’ai été enseignant pendant vingt ans en maternelle et j’ai pu mesurer au quotidien l’intérêt de l’intégration des enfants handicapés en milieu ordinaire, mais avec un personnel professionnel.

Parmi les mesures concrètes envisagées, trouve-t-on celle du binôme, qui permet de tisser une relation interpersonnelle de soutien entre une personne valide et une personne handicapée dans les différents milieux de vie ? Envisage-t-on de mettre en place une telle formule dans le milieu scolaire, dans les classes ? Peut-on imaginer un élève, en responsabilité, entretenir un lien permanent avec un camarade atteint de handicap ?

M. Maxime Minot. Madame la secrétaire d’État, permettez-moi d’appeler votre attention sur les handicaps moins apparents. Ces handicaps, que l’on qualifie d’invisibles, ne font pas toujours l’objet d’une prise en charge adaptée par les pouvoirs publics. Les personnes qui en souffrent se sentent souvent abandonnées et souhaitent que leur pathologie soit reconnue et traitée. Je pense notamment aux effets dévastateurs que peuvent entraîner la maladie de Lyme, la fibromyalgie, l’endométriose, la polyarthrite, les traumatisés crâniens, et plus généralement les douleurs chroniques qui touchent de nombreux Français. Pouvez-vous nous détailler la politique que vous comptez mener à propos de ces handicaps, sans doute plus discrets, mais tout aussi importants ?

Mme Claire O’Petit. Madame la secrétaire d’État, vous le savez, près de 500 000 demandeurs d’emploi handicapés sont inscrits à Pôle emploi. Leur taux de chômage est près de deux fois plus élevé que celui du « tous publics ».

La tenue des Jeux paralympiques à Paris est certes une formidable opportunité pour sensibiliser nos concitoyens, mais elle pourrait aussi permettre que les personnes porteuses d’un handicap profitent des emplois qui seront créés. Aussi, prévoyez-vous de travailler de concert avec la ministre du travail afin de mettre en place un plan d’action permettant aux travailleurs handicapés de bénéficier de la tenue des Jeux paralympiques à Paris ?

M. Régis Juanico. Madame la secrétaire d’État, je voulais revenir sur les questions de pouvoir d’achat. Vous avez évoqué 870 000 bénéficiaires des mesures de pouvoir d’achat parmi les personnes en situation de handicap. Je participais ce week-end au comité départemental de la Loire de l’Association des paralysés de France, en présence de son président national, Alain Rochon. L’Association ne fait pas la même lecture que vous de ces mesures : elle craint que, du fait des modalités choisies, elles entraînent une stagnation ou un recul du pouvoir d’achat pour plus de 500 000 personnes en situation de handicap.

Nous avons abordé tout à l’heure la question des allocataires de l’AAH vivants en couple. Avec le gel du plafond de ressources appliquées aux couples, ce sont 230 000 personnes qui, par effet mécanique, ne bénéficieront pas d’une augmentation de pouvoir d’achat. Sur les compléments de ressources, vous avez parlé de simplification ; mais en fait vous allez les aligner sur le montant le plus faible. Donc, au mieux, 65 000 personnes gagneront 15 euros de pouvoir d’achat par mois ; au pire, ce sera une perte de 90 euros par mois.

Reste le cas des 250 000 salariés titulaires d’une pension d’invalidité. Vous avez prévu qu’à compter du 1er janvier 2018, la prime d’activité sera supprimée pour les salariés qui bénéficient d’une pension d’invalidité. Cela représente une perte moyenne de pouvoir d’achat de 158 euros par mois. Et je ne parle pas de la réduction des APL de 5 euros par mois pour bon nombre de gens ! Comptez-vous prendre des mesures correctrices pour que personne n’y perde ?

Mme Sandrine Mörch. Je vous propose une bouffée d’air frais. Je voudrais évoquer des montagnards, certains sont sur leurs deux jambes, d’autres sur leurs fauteuils. Tous grimpent des dénivelés de 500 à 1 000 mètres, mangent dans des refuges d’altitude et dorment à la belle étoile – c’est la jolie partie de l’histoire. L’association UMEN a mis en place des « joëlettes », des sortes de chaises à porteur auxquelles s’attellent six marcheurs. Grâce à cet équipement, une personne handicapée, parfois sévèrement, ou des personnes âgées ou à mobilité réduite peuvent accéder à des sommets, ou se promener à la campagne, dans un effort et un réconfort totalement partagés. Les clivages tombent et l’inclusion se fait tout naturellement.

L’association UMEN connaît actuellement des difficultés financières, d’une part parce qu’elle était financée pour environ 20 % de son budget par des aides de type contrats aidés ou réserve parlementaire ; d’autre part parce que ses méthodes inclusives, qui ne portent pas directement et exclusivement sur le handicap, lui interdisent l’accès à certaines formes d’aides.

Comment remplacer le bricolage associatif habituel par un financement pérenne, et comment orienter les aides en priorité vers les initiatives qui adoptent une perspective inclusive ? C’est vital, pour le physique comme pour le mental des valides et des non valides.

M. Stéphane Claireaux. Le combat au service des personnes en situation de handicap est une des priorités du Gouvernement, qu’il faut saluer et encourager. C’est en ce sens que j’avais contribué à faire inscrire dans l’article 84 de la loi « Égalité réelle outre-mer » une mesure pour l’emploi des personnes en situation de handicap. Cet article instaure la prise en compte, au sein du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, des données sur l’emploi des personnes en situation de handicap en outre-mer, afin de favoriser l’emploi local. Le comité national institué au sein de ce fonds est chargé d’établir un rapport annuel qui comporte désormais ces données spécifiques aux territoires ultramarins.

En effet, les quotas d’emploi de personnes en situation de handicap dans la fonction publique font l’objet d’une application inégale en outre-mer, notamment dans les petites collectivités comme la mienne à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cela s’explique par le fait que les effectifs servant de base à la détermination de ces quotas sont les effectifs nationaux des administrations. Il peut en résulter un non-respect des obligations à l’échelon local dans les services de l’État en outre-mer. Le Gouvernement va-t-il se saisir de ce problème et poursuivre l’élan donné par la loi relative à l’égalité réelle outre-mer, en mettant en œuvre les mesures qui permettront de répondre concrètement aux réalités en matière d’emploi de personnes handicapées dans les administrations de l’État de nos petits territoires d’outre-mer ?

Mme Géraldine Bannier. Cette question n’est pas vraiment la mienne, mais plutôt celle d’un garçon de ma circonscription, Jean-Charles. Ce jeune homme très dynamique de 32 ans s’est retrouvé tétraplégique du jour au lendemain, le 7 août 2016, à la suite d’un plongeon dans une eau trop peu profonde. Pour l’instant, Jean-Charles passe sa vie en centre de rééducation, pour un coût de 400 euros par jour, soit 12 000 euros par mois, entièrement pris en charge par la Sécurité sociale. II souhaite évidemment, et on le comprend, un retour à domicile, qu’il estime à un coût mensuel de 6 500 euros, soit moitié moins que l’hospitalisation. Seulement, une fois comptées les indemnités de Sécurité sociale et la prestation de compensation du handicap versée par le département, il resterait malgré tout 1 780 euros par mois à sa charge. C’est intenable. Il est donc obligé de rester pour l’instant en centre de rééducation… Sa question est la suivante : pourquoi ne favorise-t-on pas davantage le maintien à domicile des personnes handicapées, puisque le coût de prise en charge est au final moins élevé pour les finances publiques ? Pourquoi la solution la moins coûteuse et la plus adaptée est-elle si difficile à mettre en place ?

Après m’en être entretenue avec votre collaborateur, j’ai compris qu’il y avait peut‑être un problème de coordination et de dialogue entre l’État et le département. Quelles solutions peut-on envisager ?

Ce garçon m’a aussi confié qu’une de ses plus grandes difficultés, outre le fait de devoir réapprendre à vivre avec le handicap, était de se retrouver à toujours devoir quémander. Il en souffre énormément.

M. le président Bruno Studer. Moi qui vous encourage tant à partager les auditions de la commission, je me rends compte en vous écoutant que celles-ci ne sont pas sous-titrées. S’il y a parmi nous des députés membres des groupes de travail pour une nouvelle Assemblée nationale, je pense que c’est une piste qui mériterait d’être évoquée. Nous devons commencer par donner l’exemple. J’avais déjà demandé qu’un meeting soit traduit en langage des signes, c’était la première des exigences. Je me rends compte que je n’ai pas immédiatement songé à aller plus loin dans cette direction, mais cela doit vraiment être un aspect à encourager et auquel il faut réfléchir.

Mme la secrétaire d’État. Monsieur Kerlogot, vous avez raison, il faut changer de regard : nous serons extrêmement vigilants à la retransmission des Jeux paralympiques de Paris par France Télévisions, et j’espère que nous ferons aussi bien que ce qui s’est fait à Londres.

Sur la sensibilisation au sein de l’école, beaucoup de choses se font déjà, et je tiens encore une fois à saluer les associations qui s’impliquent énormément dans des programmes de sensibilisation, ou encore les acteurs qui travaillent depuis très longtemps avec l’éducation nationale, comme la MAIF, qui organise des rencontres extraordinaires. Ils balisent une journée complète sur le handicap au sein de collèges, en partenariat avec des associations, et font faire des parcours à tous les collégiens.

Les enseignants pratiquent déjà beaucoup le tutorat, où un élève valide fait office d’accompagnant. Une telle formule suppose de travailler avec finesse : il ne faut pas que cela devienne une charge pour le tuteur. Il faut que cela puisse tourner, que l’on puisse en parler, mais ce sont toujours des temps citoyens d’échange. Vous parlez de binômes au sein de l’école, pourquoi pas ? Mais je voudrais surtout vous solliciter pour une initiative que nous voudrions développer, une initiative européenne, le « duo day », qui a lieu en avril. Tout le monde est sollicité pour travailler toute une journée avec une personne handicapée, lui faire découvrir un métier, du président de la République jusqu’aux citoyens et aux artisans, en passant par nos politiques.

Nous voudrions vraiment pouvoir porter cette journée européenne qui se décline déjà en Irlande et en Belgique. Je pense que la France a un signal à envoyer. Comment faire découvrir votre profession, comment découvrir les talents d’une personne handicapée ? Nous vous solliciterons certainement pour participer à ce « duo day » où une personne valide et une personne handicapée vivent toute une journée en binôme.

Monsieur le député Minot, vous nous avez parlé du handicap invisible et vous avez tout à fait raison : 80 % des handicaps sont invisibles. Le spectre est très important et peut aller du handicap psychique aux troubles sensoriels. Soyez assurés que le secrétariat d’État est sensible à toutes les situations de handicap. Du reste, lors du comité interministériel du handicap, nous n’avons pas parlé de types de handicap. La commande était : comment améliorer la vie quotidienne des personnes en situation de handicap ? Nous ne nous sommes pas concentrés sur un type de handicap, exception faite du lancement du quatrième plan autisme, qui était déjà préparé. Ma volonté est de servir le plus grand nombre de personnes en situation de handicap, notamment tous les handicaps invisibles et les maladies rares. Nous souhaitons que chacun puisse vivre de la manière la plus ordinaire avec son handicap, ce qui pose la question de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Il faut que nous valorisions cette reconnaissance pour que les personnes se sentent libérées d’une situation qui les met en difficulté, et qu’elles puissent au contraire s’en servir comme d’un atout.

Nous devons mener tout un travail sur la politique de l’emploi, pour valoriser la situation de handicap et en faire un atout et non plus une charge. Elle est souvent vue comme une contrainte, et non pas comme une incitation. Comptez sur nous pour travailler sur tous les types de handicaps.

Madame O’Petit, vous m’avez interpellée sur les Jeux olympiques et paralympiques. Il y aura une loi olympique, et je compte sur votre vigilance pour que le paralympisme et toutes ses spécificités soient bien pris en compte. Une grande partie de l’organisation sera réservée aux bénévoles, et notamment aux bénévoles en situation de handicap, pour qu’ils participent de manière visible car c’est aussi une façon de changer le regard. Quant aux travailleurs handicapés, ils seront traités comme les autres travailleurs pour l’accès aux emplois créés. Je n’ai pas de réponse plus satisfaisante dans la mesure où il est difficile de réserver des emplois : nous sommes dans le droit commun. Si vous avez des suggestions, je suis tout à fait preneuse.

Monsieur Juanico, vous m’avez parlé de l’AAH et des inquiétudes de ceux qui pourraient y perdre. Je tiens à le répéter : personne n’est perdant sur l’AAH, ni les couples ni les personnes seules. Certains sont plus gagnants que d’autres, c’est vrai, mais personne n’est perdant. Je pourrai vous fournir tous les chiffres : globalement, plus de 870 000 allocataires vont être gagnants de presque un treizième mois. Pour la majorité des couples, cela représentera 180 euros, surtout ceux qui sont tous les deux allocataires de l’AAH. Certes, 75 000 bénéficiaires ne gagneront pas de façon nette, mais personne ne sera perdant. Nous tenons les calculs à votre disposition et nous pourrons tout à fait en discuter plus en détail. C’est assez technique, je dois le reconnaître, et il entre dans ma feuille de route de rendre tout cela beaucoup plus lisible. Les simulations des droits doivent être beaucoup plus simples et visibles, et nous travaillons à cela dans le cadre de l’amélioration de l’accès aux droits.

Madame Mörch, j’aime beaucoup votre histoire montagnarde… Oui, il faut lever l’autocensure à l’égard des pratiques sportives tout à fait épanouissantes et qui font partie de la reconstruction. J’étais hier à la Villette avec Laura Flessel, où nous inaugurions la journée de l’Adapt pour vivre sans limite. L’Adapt est une grosse association qui travaille pour un mode de vie normal dans la cité. Leur journée complète était consacrée à faire voler les personnes handicapées, même lourdement, dans une tuyauterie de soufflerie, avec le concours de la Fédération française de parachutisme. Cela leur apprend à prendre conscience de leur corps, et c’était absolument remarquable.

J’ai entendu votre appel pour aider les associations qui recevaient des subventions ou qui ne bénéficient plus des contrats aidés. Nous travaillons avec deux hauts commissaires et un chargé de mission, M. Borello et M. Itier, qui ont été nommés pour réfléchir à la gouvernance des associations et les accompagner pour qu’elles fonctionnent différemment, en accédant au mécénat privé, au mécénat privé-public et à tous les dispositifs innovants qui existent pour les associations qui connaissent des problématiques de financement. Nous sommes vigilants et nous espérons pouvoir avancer sur ce dossier.

Monsieur Claireaux, votre question est très pointue et je ne peux y répondre aujourd’hui. Je me rapprocherai de la ministre des outre-mer pour vérifier que les collectivités locales remplissent leurs obligations d’emplois. Sur l’ensemble du territoire national, c’est la fonction publique territoriale qui est la plus proche du quota de 6 % de personnes handicapées : c’est la plus vertueuse des fonctions publiques.

M. Stéphane Claireaux. Le problème que je soulève concerne les services de l’État.

Mme la secrétaire d’État. Très bien. Nous serons vigilants et nous vous apporterons une réponse précise ultérieurement.

Madame Bannier, vous nous avez parlé de Jean-Charles, que je salue. Je tiens à lui dire qu’aujourd’hui, avec la prestation de compensation du handicap, il devrait pouvoir bénéficier de beaucoup plus d’heures que ce que vous dites. Je suis prête à étudier attentivement son dossier. Je vous propose de nous mettre en relation pour lui apporter une réponse précise. Il est possible d’aller au-delà, jusqu’à vingt-sept ou vingt-huit heures et 13 000 euros par mois de prestations de compensation d’aide humaine, quand il y a vraiment des besoins. Je ne sais pas de quelle MDPH il s’agit, mais je vous propose de nous rapprocher pour que mon cabinet puisse aider Jean-Charles à réaliser son projet de vie dans la dignité qui lui est due, et surtout pour qu’il n’ait plus besoin de quémander ce qui lui est dû.

M. Gabriel Attal. Madame la secrétaire d’État, vous avez abordé la question de l’éducation artistique et culturelle, qui nous est chère et pour laquelle nous militons tous, puisqu’il s’agit d’un chantier prioritaire du Président de la République.

Je souhaitais aborder le sujet de l’accessibilité des établissements de diffusion de spectacle vivant, pas uniquement en termes de mobilité, mais aussi de surtitrage et d’audiodescription. J’ai lu qu’à peine 10 % des salles étaient équipées. Existe-t-il un plan pour renforcer l’équipement des salles, et pour que ce matériel soit davantage accessible aux personnes en situation de handicap ?

Mme Emmanuelle Anthoine. Depuis leur création en 2006, les MDPH ont vu leur activité s’accroître fortement : dans mon département de la Drôme, on recensait 15 000 demandes en 2006 ; il y en a 40 000 en 2016. Cela induit des difficultés pour traiter les dossiers et prendre en considération au mieux les situations individuelles. Parallèlement, les MDPH connaissent des réformes en cascade : la mise en œuvre d’une réponse accompagnée pour tous exigera de mobiliser des moyens humains supplémentaires ; le déploiement d’un système d’information commun constitue un véritable bouleversement et exigera du temps ; de la même façon, la mise en place d’un portail pour le suivi de l’effectivité des orientations vers les services et les établissements et la gestion des places disponibles, rendue indispensable pour la mise en œuvre d’une réponse accompagnée pour tous mobilisera de l’expertise et des ressources humaines. Sans parler de la dématérialisation des échanges avec les partenaires et les usagers, de la mise en œuvre des nouveaux formulaires ou encore du dispositif des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques…

Si ces nouvelles dispositions sont perçues très positivement par les MDPH, celles-ci se savent incapables de mener de front toutes ces mesures. Elles souhaitent également une pause dans le cycle des réformes, le temps de mettre en œuvre celles qui sont déjà engagées. Madame la secrétaire d’État, envisagez-vous de fixer des priorités aux MDPH, et de les accompagner dans la mise en œuvre de ces dispositifs, au-delà de l’appui technique de la Caisse nationale de la solidarité et de l’autonomie ?

M. François Cormier-Bouligeon. Madame la secrétaire d’État, je voulais vous interroger sur les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, mais ces questions ont déjà été posées. Sachez que vous pouvez compter sur les députés de la République en Marche pour soutenir les sportifs en situation de handicap ; nous avons notamment cosigné une trentaine d’amendements dans ce sens pour le prochain budget.

Mais je fais le choix de vous interroger sur un tout autre sujet, parce que j’ai fait une rencontre exceptionnelle vendredi dernier. Tandis que j’étais à Ménétréol-sous-Sancerre, j’ai été accueilli par un couple d’artisans boulangers, représentants les artisans boulangers du département du Cher et de la région Centre-Val-de-Loire. Après avoir évoqué les questions de l’artisanat, ils m’ont interpellé sur le cas d’un de leurs deux enfants, Nicolas, âgé de 13 ans, qui est atteint de paralysie cérébrale. Deux assistantes de vie font un travail exceptionnel aux côtés de ses parents – je peux en témoigner car j’ai eu la chance de rencontrer Nicolas à l’issue de ce rendez-vous : c’est un garçon radieux qui a illuminé ma journée. De ces échanges, j’ai retenu trois difficultés soulevées par les époux Rolland, et pour lesquelles votre cabinet a, me semble-t-il, déjà été saisi ; ils connaîtront du reste votre réponse grâce à la retransmission vidéo.

Première difficulté : le manque de structures d’accueil dans les territoires ruraux. Les premières structures d’accueil sont à cinquante kilomètres. Deuxièmement, le coût très élevé du matériel nécessaire dans ce type de handicap, et donc la question de la prise en charge. Troisième difficulté : les familles concernées font naturellement tout pour améliorer la santé de leurs enfants en essayant notamment les méthodes dites alternatives ; la question de leur prise en charge est posée. Que peut-on faire pour améliorer la situation sur ces trois aspects ?

M. Patrick Vignal. Madame la secrétaire d’État, en tant que président de l’association des centres villes en mouvement, je suis très engagé dans le renouveau des espaces de vie. La législation a déjà permis d’améliorer notablement la vie de nos concitoyens porteurs de handicap. Néanmoins, nous devons aller plus loin. Je vous propose quelques pistes qui pourraient favoriser l’accessibilité des centres-villes afin qu’ils redeviennent des lieux de vie et d’activités économiques forts pour tous les citoyens.

Tout d’abord, je suis exaspéré par le degré d’incivilité de la part de quelques individus qui ne respectent pas les règles élémentaires du vivre ensemble et parsèment les trottoirs d’obstacles – véhicules stationnés, poubelles et autres immondices – mettant ainsi en danger toutes celles et ceux dont la mobilité est réduite. Le centre des villes doit être accessible pour tous nos concitoyens. Pour combattre cet incivisme, je plaide pour une répression sans faille. Un travail commun entre les institutions et la police nationale est plus que nécessaire.

Nous pourrions ensuite accélérer la mise en service d’avertisseurs vocaux, notamment sur les espaces de traverse de voies de circulation : cette information vocale réduit les sources de danger pour toutes les personnes mal voyantes.

Le parc de logements accessibles aux personnes handicapées ne répond pas suffisamment à la demande. Dans le cas de rénovation des centres-villes, nous pourrions envisager des aides à la transformation d’habitats existants permettant ainsi d’augmenter l’offre en direction de ce public. Je connais des personnes en fauteuil qui doivent se faire porter à bras pour accéder à leur logement… Ce n’est plus possible.

Enfin, je suis souvent interpellé sur le coût d’aménagement du véhicule familial.

Il va de soi que l’ensemble de ces problèmes doivent faire l’objet d’une réflexion avec les associations de handicapés, qui font sur le terrain un travail remarquable. Madame la secrétaire d’État, j’aimerais avoir votre avis sur les aménagements des centres-villes pour les personnes en situation de handicap.

Mme Anne Brugnera. Ma question provient également du témoignage d’un de mes concitoyens, mais je tairai les prénoms et les détails de leur vie quotidienne. Elle concerne de nombreuses personnes aujourd’hui prises en charge dans des foyers de vie. Dans ces cas, 70 % de leurs revenus, AAH incluse, sont reversés au conseil départemental qui gère la structure. Pouvez-vous me confirmer que l’augmentation de l’aide se répercutera mécaniquement sur les recettes de ces organismes ? Comment peut-on s’assurer que cette hausse permettra une meilleure prise en charge des personnes handicapées dans ces foyers de vie ? C’est un souci pour les familles, qui sont souvent éloignées de ces foyers et aimeraient être sûres que les fonds versés sont utilisés pour le bien de leurs enfants.

Mme Valérie Bazin-Malgras. Madame la secrétaire d’État, il y a quelques jours, au sein de cette même commission, j’ai interrogé M. le ministre de l’éducation nationale sur l’amélioration de l’accès à l’école pour tous les élèves en situation de handicap. Il nous a confirmé que mi-septembre, 3 500 situations n’étaient toujours pas résolues, non par manque de moyens, mais du fait de problèmes de recrutement. Il est allé jusqu’à préciser que toute personne qui souhaitait bénéficier d’un contrat aidé était bienvenue à l’éducation nationale pour participer à l’accueil des élèves en situation de handicap.

Cet éclairage nouveau sur les difficultés à accompagner les enfants scolarisés en milieu ordinaire, et qui ont besoin d’un AVS ou d’un AESH, montre bien qu’il y a urgence à repenser notre système d’aide aux enfants handicapés. Madame la secrétaire d’État, quels sont les projets, les ambitions et les mesures prioritaires que vous entendez mettre en place pour que les enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire aient tous une chance de s’y épanouir ?

Mme Béatrice Piron. Madame la secrétaire d’État, ma question porte également sur les AVS… En un mois, dans ma circonscription, j’ai été interpellée pour quatre cas particuliers pour lesquels des améliorations significatives sont encore attendues.

Je parlerai aujourd’hui des élèves en classe préparatoire scientifique qui ont besoin d’AVS spécialisés, autant du fait de la matière – on n’assiste pas de la même façon en allemand ou en travaux pratiques de chimie en classe préparatoire – que du handicap – on n’assiste pas de la même façon un malvoyant, un malentendant ou un paraplégique.

Quel est le calendrier de travail du comité que vous avez préparé, et sa composition ? Des AVS expérimentés pourront-ils y participer pour apporter leur contribution sur leur expérience et leur expertise ?

M. Stéphane Testé. Je souhaitais revenir sur les problèmes d’accessibilité des transports publics. Un vaste chantier a d’ores et déjà été engagé pour la mise en accessibilité des gares franciliennes. D’ici à 2025, deux cent soixante-huit gares, dont deux cent neuf gares SNCF, devraient être accessibles, ce qui profitera aux 40 % de Franciliens ayant une mobilité réduite de façon durable ou passagère. Mais à ce jour, seulement cent quarante-six gares sont accessibles en Île-de-France. Et malheureusement, fin août, SNCF Réseau a annoncé de façon unilatérale le report de la mise en accessibilité de plusieurs gares franciliennes, contre l’avis d’Île-de-France Mobilités et de la région Île-de-France. Pourtant, au-delà des Jeux paralympiques de 2024, la mise en accessibilité des gares est une priorité et nombre de gares ne répondent pas actuellement aux normes PMR, comme celle du Raincy sur la ligne E du RER, qui a disposé d’une dérogation au motif qu’elle a des voies en courbe.

Comment entendez-vous accélérer le développement de l’accessibilité des transports publics, en Île-de-France et partout sur le territoire ? De quels outils dispose le Gouvernement afin de contraindre la SNCF à respecter ses engagements ?

Mme Sylvie Charrière. Madame la secrétaire d’État, même si vous avez lancé de nombreuses pistes très prometteuses, je tenais à vous alerter sur la situation dans mon département.

Les chiffres sur lesquels je m’appuie sont issus de la MDPH de Seine-Saint-Denis. À l’heure actuelle, 330 jeunes en âge scolaire sont à leur domicile, sans prise en charge ; 130 jeunes qui devraient être en établissement suite à une décision de la MDPH sont maintenus en ULIS alors qu’ils ont une orientation IME ou IMPRO ou ITEP. Par effet domino, des jeunes qui devraient être en ULIS sont en classe banale ou en SEGPA. Cent quarante jeunes sont dans des institutions en Belgique ainsi que quatre cents adultes. Il y a 3 400 orientations de jeunes du département en IME, IMPRO, ITEP mais il n’y a que 1 800 places dans les établissements de Seine-Saint-Denis.

On voit bien qu’à l’échelle de ce département, nous sommes très loin de l’objectif « zéro sans solution ». Pourtant le département a adopté un plan ambitieux en octobre 2016 qui devrait porter ses fruits en 2025 et aboutir à la création de 1 000 places supplémentaires. La secrétaire d’État de l’époque, Ségolène Neuville, s’était engagée à apporter le soutien financier de l’État. Mais en attendant, il y a urgence face à des situations humaines inacceptables. Pouvez-vous nous assurer que les engagements pris par le précédent gouvernement seront tenus ?

M. Raphaël Gérard. Madame la secrétaire d’État, je suis élu d’une circonscription rurale où beaucoup a été fait en matière d’accessibilité aux personnes handicapées. En revanche, je suis de plus en plus alerté par des élus locaux de petites communes qui se retrouvent désemparés face à l’inflation et la modification des normes qui se superposent au point que l’obligation de résultat se retrouve totalement écrasée par l’obligation de moyens à laquelle ils doivent répondre.

Ainsi, un maire m’a alerté cette semaine sur son intention d’organiser l’accessibilité de son église paroissiale aux personnes à mobilité réduite. Il avait lancé un projet estimé à 37 000 euros. Mais l’église est classée : après intervention des divers services de l’État concernés, le budget est passé à 290 000 euros… Résultat de la décision : il ne le fera pas.

Aujourd’hui, de plus en plus, nos élus ruraux font le choix de différer des investissements plutôt que de les voir remis en question par un changement de normes ; cela vaut pour les écoles. Pour remettre l’inclusion des personnes en situation de handicap au cœur du sujet, ne serait-il pas utile de mettre en place dans les territoires, au sein des préfectures par exemple, des médiateurs des normes habilités à rendre un avis éclairé et pragmatique, projet par projet, plutôt que de systématiquement objecter des normes qui se révèlent contre‑productives par rapport à l’objectif ?

Mme Jacqueline Dubois. Madame, je dois vous dire combien il est plaisant que la personne en charge de ce secrétariat d’État connaisse aussi bien le sujet, tant il est attendu de l’action gouvernementale en faveur des personnes handicapées. Je suis moi-même issue de ce milieu, en tant qu’enseignante spécialisée.

Je vous remercie des orientations que vous avez données pour le rapprochement des établissements médico-éducatifs (IME) et des établissements scolaires ordinaires. Ce faisant, vous avez répondu à la première question que j’avais préparée, et à beaucoup d’autres que j’aurais pu vous poser.

Je me bornerai donc à soulever le cas des enfants qui présentent des troubles du comportement. Ils ont une intelligence préservée, mais leur handicap empêche les apprentissages et provoque nombre de difficultés, aussi bien en milieu ordinaire que dans les instituts éducatifs thérapeutiques et pédagogiques où ils sont accueillis. Quelles sont les pistes envisagées pour anticiper au maximum la prise en charge de ces jeunes et diminuer l’aggravation de ces difficultés ?

Mme la secrétaire d’État. Monsieur Attal, l’éducation artistique est bien une des priorités du comité interministériel, la ministre de la culture l’a bien précisé. Des crédits seront dédiés au soutien à l’équipement des lieux de diffusion du spectacle vivant ; cet engagement a été annoncé, il va falloir le définir et y travailler. Mais c’est bien une des priorités retenues.

Sur les MDPH, madame Anthoine, vous m’avez signalé l’inflation des demandes, qui est généralisée. Ce ne sont pas des réformes en cascade : toutes les réformes que vous avez citées sont en cours, et elles sont indispensables si nous voulons améliorer la situation à moyen terme. Effectivement, à court terme, elles vont entraîner beaucoup de problèmes, et nous allons accompagner davantage les MDPH. La CNSA est totalement mobilisée là-dessus ; sa nouvelle directrice, Anne Burstin, verra sa feuille de route précisée sur l’accompagnement des MDPH pour améliorer le service rendu aux personnes en situation de handicap.

Madame Bazin-Malgras, j’ai déjà répondu sur le périmètre et les ambitions du chantier de l’accompagnement. Une communication sera faite dans les deux mois qui viennent, conjointement avec le ministre de l’Éducation nationale et notre cabinet, pour vous informer de l’état de l’avancement des chantiers.

Sur l’accessibilité, des agendas d’accessibilité ont été déposés par de nombreuses collectivités qui demandent un report à trois, six ou neuf ans, en fonction les difficultés de mise en accessibilité. Nous avons l’ambition d’accélérer ces agendas et de rendre leurs contenus totalement transparents. C’est un engagement du président, et il sera tenu en 2018. Nous souhaitons surtout travailler avec les collectivités locales, et relancer les « ambassadeurs de l’accessibilité », expérimentés sous la précédente législature. Mais ils étaient rattachés aux préfets, ce qui ne nous paraît pas le bon niveau de rattachement. Nous allons travailler avec les collectivités locales pour que ces ambassadeurs de l’accessibilité puissent vraiment être effectifs. Ils seront en service civique et auront pour mission d’accompagner les petits commerçants, tout ce qui fait la vie quotidienne de nos citoyens handicapés, autour de la notion de parcours et de cheminement. C’est une aussi des priorités et nous travaillons en toute transparence et en concertation, en nous appuyant sur le savoir‑faire des associations qui connaissent leur territoire et qui pourront justement accompagner ces ambassadeurs pour la formation.

Madame Charrière, la situation de la MDPH de Seine-Saint-Denis vaut malheureusement pour toute l’Île-de-France, qui connaît un grand retard d’équipement des établissements médico-sociaux. Nous allons bien sûr honorer les engagements précédents s’agissant des créations, et nous souhaitons même les accélérer car il y a un réel problème de sous-équipement de l’Île-de-France par rapport à l’ensemble du territoire. Nous sommes totalement mobilisés pour y répondre correctement.

Monsieur Gérard, vous avez tout à fait raison, il faut aller vers une simplification des normes, il faut penser qualité d’usage et services rendus à la personne. Cela rejoint la question de M. Vignal sur la rénovation des centres-villes : le logement inclusif est un outil, et grâce à l’observatoire du logement inclusif, nous souhaitons innerver les centres-villes afin de permettre à la personne handicapée d’y vivre, ce qui limitera les problèmes de transport et les coûts, tout en changeant le regard des autres, dans le respect de la citoyenneté et du projet de vie de chacun.

Il existe beaucoup de projets sur l’habitat inclusif, dont je pourrai vous faire part ultérieurement. De nombreuses initiatives sont mises en place avec les bailleurs sociaux, qui travaillent très intelligemment là-dessus, et avec les associations qui portent des innovations. C’est certainement l’une des clés du vivre ensemble dans une citoyenneté totalement partagée.

Monsieur Cormier-Bouligeon, je vous propose également de mettre en lien la famille de Nicolas et mon cabinet, si ce n’est déjà fait. Le vrai enjeu est celui de la formation des professionnels pour la prise en charge des handicaps complexes tels que la paralysie cérébrale. J’ai récemment fait passer un message à la Fondation motrice qui fait un travail énorme sur la recherche pour la paralysie cérébrale.

S’agissant de la SNCF, monsieur Testé, vous avez raison : nous y travaillons conjointement avec Mme Borne. Nous sommes partie prenante des assises de la mobilité pour améliorer l’accessibilité des stations. Nous sommes tout à fait vigilants et sensibles à cette question.

Madame Dubois, les troubles du comportement sont vraiment un sujet majeur, car ils peuvent mettre en péril et l’enfant, et la classe et l’enseignant. Le dispositif ITEP-SESSAD est assez innovant, dans la mesure où la famille n’a pas à repasser devant une MDPH : il y a donc une vraie notion de parcours. Il faudra évaluer ce nouveau dispositif, qui n’a qu’une année d’existence. Mais les équipes enseignantes et les professionnels du médico-social qui se sont engagés dans cette dynamique estiment déjà que cela fonctionne mieux et permet de garantir une meilleure fluidité de parcours et, du coup, de faire vivre un vrai temps partagé : l’enfant peut aller souffler avec une équipe plus protectrice, plus étayante, puis revenir à l’école. De tels dispositifs, beaucoup plus fluides, permettent surtout d’alléger les MDPH dès lors que l’on parle de notification de parcours et non plus de notification d’établissement. C’est une piste de progrès.

M. le président Bruno Studer. Merci beaucoup, madame la secrétaire d’État.

La séance est levée à dix-neuf heures dix.

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Information relative à la Commission

La Commission a désigné Mmes Aurore Bergé et Béatrice Descamps, rapporteures de la mission flash de suivi des propositions de la mission d’information sur les relations entre l’école et les parents (rapport n° 2117, déposé le 9 juillet 2014 et présenté par Mme Valérie Corre).

 


Présences en réunion

Réunion du mercredi 11 octobre 2017 à 16 heures 55

Présents.  Mme Ramlati Ali, Mme Aude Amadou, Mme Emmanuelle Anthoine, M. Gabriel Attal, Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, Mme Gisèle Biémouret, M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Anne Brugnera, Mme Marie-George Buffet, Mme Céline Calvez, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, M. Stéphane Claireaux, Mme Fabienne Colboc, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Frédérique Dumas, Mme Nadia Essayan, Mme Elsa Faucillon, M. Grégory Galbadon, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, M. Pierre Henriet, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, Mme Anne-Christine Lang, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Brigitte Liso, Mme Josette Manin, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, Mme Claire O'Petit, Mme George Pau-Langevin, M. Guillaume Peltier, Mme Béatrice Piron, Mme Cathy Racon-Bouzon, Mme Cécile Rilhac, Mme Marie‑Pierre Rixain, M. Cédric Roussel, Mme Sabine Rubin, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, M. Patrick Vignal

 

Excusés.  M. Lénaïck Adam, M. Pascal Bois, M. Alexandre Freschi, M. Laurent Garcia, Mme Maud Petit, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Thierry Solère, M. Bertrand Sorre