Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

– Journée d’échange sur le thème de la pauvreté à l’école organisée conjointement avec la commission des affaires sociales :

 Audition de M. Jean-Michel Banquer, ministre de l’Éducation nationale, et de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé              2

– Présences en réunion.................................33

 


Mercredi
7 février 2018

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 27

session ordinaire de 2017-2018

Présidence de
M. Bruno Studer,
Président
et de
Mme Brigitte Bourguignon
Présidente de la commission des affaires sociales
 


  1 

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE LÉDUCATION

Mercredi 7 février 2018

La séance est ouverte à seize heures vingt-cinq.

(Présidence de M. Bruno Studer, président de la Commission,
et de Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales)

————

 

Dans le cadre de la journée sur le thème de la pauvreté à l’école, organisée conjointement avec la commission des affaires sociales, la commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, et de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

 

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je souhaite la bienvenue à la ministre de la santé et au ministre de l’éducation nationale. Ce matin, nous avons commencé nos travaux avec trois grands témoins. Nous allons poursuivre cette réflexion sur la pauvreté à l’école avec les ministres concernés, chaque intervention ne devant pas excéder deux minutes.

M. le président Bruno Studer. Je vous souhaite également la bienvenue au sein de cette commission conjointe des affaires culturelles et sociales. J’appuie les propos de Mme Bourguignon : pendant près de trois heures ce matin, nous avons pu aborder de façon approfondie certaines thématiques. Nous devons maintenant chercher des solutions pragmatiques avec les ministres. Je ne peux donc que vous inviter, chers collègues, à faire des propositions et des remarques concrètes, afin que les ministres vous apportent des réponses précises. Nous gagnerons ainsi tous en efficacité et en satisfaction.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Je suis très heureux d’être auditionné en compagnie d’Agnès Buzyn. Vous avez raison, sur le sujet, une intervention conjointe est très pertinente. Depuis la constitution du Gouvernement, nous avons longuement échangé et avons beaucoup travaillé ensemble pour aborder de manière efficace cette question cruciale. Je ne peux qu’adhérer à ce que vous venez de dire : ce type de réunion doit nous permettre d’être créatif et d’aller de l’avant. Mes propos liminaires seront donc brefs.

Je reviendrai simplement sur la stratégie de l’éducation nationale, qui vient évidemment s’articuler avec celle portée par Mme Buzyn. Le Président de la République l’a souligné récemment : la première des politiques sociales, c’est la politique éducative, qui est à la base de la lutte contre les inégalités. En effet, la première des inégalités, c’est l’inégalité devant le langage. C’est pourquoi j’accorde une importance décisive à ce qui se passe de zéro à six – voire sept – ans, non seulement d’un point de vue cognitif, car il est démontré que cette période est absolument cruciale pour le développement de l’enfant, mais également d’un point de vue social et pratique parce que, de ce bon départ pédagogique et éducatif, vont dépendre beaucoup de choses… Il a été amplement démontré, y compris par des économistes, que les moyens dépensés à cette période de l’enfance permettront d’en dépenser beaucoup moins plus tard. D’après un prix Nobel d’économie, le rapport est de un à huit. Dans ce contexte, les politiques publiques doivent être déployées prioritairement vers cette tranche d’âge.

Il convient également de ne pas oublier de faire le lien entre les deux ou trois premières années de la vie et ce qui se passe ensuite, à l’école maternelle, d’où l’importance de la cohérence de la politique de la petite enfance menée par Agnès Buzyn et de celle de la maternelle, que je conduis. D’où l’importance aussi des Assises de la maternelle que nous organisons à la fin du mois de mars et auxquelles vous êtes conviés. Cette audition contribuera à leur préparation. Boris Cyrulnik est chargé de les organiser. Elles seront l’occasion de réfléchir à une forme d’avant-gardisme français en matière d’écoles maternelles, à la lumière de tout ce que nous savons du développement de l’enfant et de ses besoins.

C’est à l’école que se joue la lutte contre les inégalités, par l’instruction et par l’éducation, mais aussi par les savoirs et les valeurs transmises. Nous voulons être à la hauteur. Le volontarisme pédagogique est le premier des outils. Parmi nos premières réalisations concrètes, il faut évidemment citer le dédoublement des classes de cours préparatoire (CP) dans les réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP +) : 5 600 classes seront dédoublées à la rentrée 2018. C’est donc une mesure très importante : à maturité, à la rentrée 2019, 340 000 enfants seront concernés chaque année, soit environ 170 000 enfants par cohorte – une cohorte représentant annuellement environ 750 000 enfants. Entre 15 et 20 % d’une génération sera ainsi concernée.

Le dédoublement produit déjà ses premiers fruits, pas encore totalement mesurés mais extrêmement positifs, d’un point de vue non seulement cognitif – entrée dans la lecture, l’écriture, le calcul –, mais aussi psychologique. Ces écoles primaires et ces familles nous disent que c’est la première fois qu’elles ont l’impression qu’une politique publique les avantage. C’est peut-être injuste par rapport à d’autres politiques publiques qui avaient le même objectif, mais les familles ont le sentiment d’une attention très spéciale. Souvent, d’ailleurs, elles comparent l’enfant qui en bénéficie aux aînés qui n’ont pas eu cette chance et, d’une certaine façon, cette comparaison les rend optimistes : elles sentent que quelque chose de particulier est en train de se passer. C’est également vrai à l’échelle de ces écoles, selon les premiers témoignages dont nous disposons.

Je ne vais pas détailler la politique que nous allons mener pour l’école primaire 
– j’ai déjà eu à m’exprimer à ce propos. Elle aura des impacts direct et indirect sur les buts que nous nous fixons. Au collège, nous avons instauré les « Devoirs faits ». Je sais que vous en avez parlé ce matin et j’y reviens très rapidement : 200 millions d’euros y sont consacrés dans le budget. Cette mesure extrêmement concrète vient en appui des familles, notamment les plus défavorisées. Elle existe systématiquement dans tous les collèges de France depuis le mois de novembre.

Ces deux mesures – dédoublement en REP + et « Devoirs faits » – étaient des engagements présidentiels. Ils ont été accueillis avec optimisme par les uns et scepticisme par les autres. Les premiers avaient peut-être un peu plus raison que les seconds puisque c’est aujourd’hui une réalité, concrétisée en quelques semaines !

Nous veillons à accompagner les élèves les plus fragiles lors des classes charnières, une attention particulière étant portée au CM2 et à la sixième, puis à la troisième et à la seconde : les stages de réussite organisés pendant les vacances scolaires sont un dispositif gratuit qui existe depuis 2017, année au cours de laquelle ils ont été déployés à hauteur de 15 millions d’euros. En 2018, nous y consacrerons 35 millions. Nous en attendons beaucoup. Un certain nombre de choses se jouent pendant les vacances et ces stages gratuits sont importants.

L’aide sociale et matérielle est également fondamentale. Cette année, nous avons revalorisé de 25 % les bourses de collège sur critères sociaux et consacré 65 millions d’euros aux fonds sociaux. Nous devons faire en sorte que ces fonds soient gérés de la bonne façon, qu’ils soient dépensés et efficaces.

Certaines questions relèvent des collectivités locales. Dans ce domaine, nous devons travailler au cas par cas mais nous constatons surtout d’importantes convergences entre le volontarisme des collectivités locales et celui de l’État. C’est le cas avec la restauration collective – sujet fondamental dans la lutte contre la grande pauvreté, en termes tant de qualité que de coût, afin qu’il soit le plus faible possible pour les familles –, ou avec la question du logement, qui a un impact direct sur la vie des élèves.

J’ai toujours considéré – et je le considère plus que jamais – que nos politiques éducatives doivent se baser sur une vision complète de l’enfant. Le débat n’est pas nouveau : l’école doit-elle s’occuper d’instruction ou d’éducation ? De très bons arguments plaident en faveur de chacune des deux thèses. Pour ma part, par pragmatisme, je privilégie la seconde car on ne peut tout simplement pas faire comme si certaines réalités en dehors de la classe n’existaient pas… J’ai trop souvent vu des écoles ou des collèges mettre sur pied avec leurs élèves, tout au long de la journée, d’excellents dispositifs qui étaient ensuite anéantis par le contexte familial de l’élève le soir, le week-end ou pendant les vacances. Nous devons disposer d’une vision « en continuum » des élèves. Le chef d’établissement est dans une position pivot fondamentale, entre l’éducatif et le social. Nous allons d’ailleurs réfléchir à son rôle.

S’agissant des conditions de vie de l’enfant, en dehors de la politique du logement, deux éléments concrets peuvent compenser certaines difficultés : la mesure « Devoirs faits », dont j’ai déjà parlé, mais aussi le Plan internat que nous préparons. Cette politique d’internat doit nous permettre d’offrir des milliers de lits supplémentaires aux élèves, donc d’apporter une solution « intégrale », tout en traitant des sujets de santé cruciaux pour l’enfant – temps de sommeil, rythme de vie, non-addictions, notamment aux écrans, etc. L’internat résout mieux ces problèmes que tout autre dispositif.

Enfin, il ne faut surtout pas oublier le lien avec les parents. Nous parlons beaucoup de ce sujet avec Agnès Buzyn, car il nous permettra de faire d’une pierre plusieurs coups, en étant attentifs à la communication entre l’institution et les parents d’élèves. Je souhaite revitaliser et donner de l’ampleur à un dispositif existant, celui de la « Mallette des parents ». Dans les zones les plus défavorisées plus qu’ailleurs, ces réunions en petits groupes – notamment en début d’année – sont un moyen de rencontrer les parents d’élèves et de faire passer un message de confiance mutuelle entre les parents et l’école. Si les messages sont avant tout éducatifs, ils peuvent également déborder sur des enjeux de santé, comme le temps de sommeil, qui a un retentissement évident sur le temps scolaire.

Sur l’ensemble de ces sujets, nous avons besoin d’échanger avec les parents afin que les objectifs éducatifs soient partagés. C’est absolument décisif, d’abord parce qu’il est démontré que la bonne relation parents-école est un des deux premiers facteurs de réussite d’un système éducatif, mais également parce que la politique générale de santé publique menée par Agnès Buzyn peut s’en trouver confortée. La lutte contre les addictions en est un bon exemple et s’articule avec la lutte contre la pauvreté. Dans les prochaines semaines, et à la lumière des discussions d’aujourd’hui, nous accentuerons la dimension interministérielle de cette politique. C’est également vrai pour la visite médicale à six ans : nous avons fait ensemble preuve d’une détermination totale, alors que le sujet n’est pas simple.

Notre volontarisme est tout aussi important en matière périscolaire : nous voulons renforcer la culture à l’école, en liaison avec la ministre de la culture – elle l’a évoqué devant vous –, mais également le sport – je vous en ai déjà parlé avec la ministre des sports. Cette question périscolaire est fondamentale : à l’école primaire comme au collège, nous tenons à réarticuler les temps scolaire et périscolaire, afin de disposer d’une vision d’ensemble du temps de l’enfant, afin de mieux articuler le travail des différents acteurs et de les responsabiliser. C’est le sens de mon Plan mercredi, en préparation, dont j’espère que nous aurons l’occasion de reparler : il doit nous permettre de mobiliser des ressources interministérielles afin d’être en mesure, commune par commune et, éventuellement, département par département, d’afficher l’offre périscolaire, culturelle et sportive, pour les élèves, quel que soit leur rythme scolaire.

La situation économique des familles ne doit pas être un frein à la réussite. C’est ce qui a caractérisé l’école de la République dans ses meilleures heures ; il n’y a aucune raison que ce ne soit pas le cas au XXIe siècle.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je ne vais pas être longue. Dès mon arrivée, en charge de la famille, de l’enfance et de la pauvreté, j’ai réfléchi à notre stratégie de lutte contre la pauvreté. En effet, le précédent gouvernement avait engagé un plan quinquennal couvrant très largement les questions liées de la pauvreté, en actionnant l’ensemble des leviers – logement, accès au travail, santé. Ce plan a porté ses fruits.

Je me suis donc demandé quelles actions nouvelles pouvaient être proposées pendant ce quinquennat. En analysant la pauvreté en France, j’ai été frappée par son changement de visage et l’accroissement important de la pauvreté des enfants et des jeunes. Trois millions d’enfants, soit 20 % des enfants français, vivent dans des familles dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté ; 33 % de ces enfants vivent dans des familles monoparentales. Ce sont des chiffres exorbitants !

Il m’a donc semblé nécessaire de cibler notre plan de lutte contre la pauvreté sur la pauvreté des enfants et des jeunes : il n’est pas tolérable que les enfants pauvres d’aujourd’hui soient les adultes pauvres de demain. Nous le savons, une dynamique vicieuse s’instaure quand on vit, enfant, dans un milieu pauvre : on n’accède alors pas à la prévention, à l’emploi, à la formation et à l’éducation de la même façon qu’un enfant favorisé. Le droit commun ne suffit pas pour sortir ces familles et ces enfants de la pauvreté : c’est la raison pour laquelle nous avons ciblé notre stratégie sur cette population, d’autant que son assignation à résidence dans la pauvreté est une spécificité française…

Cela n’a initialement pas été simple auprès des associations : elles souhaitaient que nous envisagions la pauvreté dans l’ensemble de ses composantes. Mais un ciblage ne veut pas dire que l’on exclut les autres populations. Au contraire, elles peuvent être « embarquées » par un certain nombre de mesures, notamment celles qui concernent les familles pauvres – nombreuses. Par ailleurs, je leur ai rappelé que les mesures contre la grande exclusion étaient maintenues.

En octobre, nous avons nommé un délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Il est évidemment impératif qu’il discute de notre stratégie de lutte contre cette pauvreté avec chaque ministre concerné – éducation nationale, logement, cohésion des territoires. Mais il a également lancé une large concertation. Plusieurs groupes de travail ont été créés, majoritairement focalisés sur la pauvreté des enfants. Ils visent, entre autres objectifs, à éradiquer la pauvreté des enfants, à prévenir la vulnérabilité des jeunes, à favoriser leur insertion et à renouveler les outils de la prévention et de l’accompagnement global.

Cette stratégie se veut inclusive : nous devons travailler concomitamment sur l’ensemble des composantes de la pauvreté, et non plus en « silo » – le logement d’un côté, l’insertion de l’autre –, car nous savons que seule une prise en compte globale de ces problématiques nous permettra d’avancer. Jean-Michel Blanquer l’a souligné s’agissant de la question du logement et de l’école.

À côté de ces groupes de travail, déployés dans les régions et à Paris, nous avons lancé une concertation citoyenne sur internet qui fonctionne bien, puisque nous avons déjà reçu plus de 4 000 contributions publiques. Nous devrions être en mesure de proposer fin mars une stratégie consolidée, qui ciblera spécifiquement les populations dont nous parlons.

Comme Jean-Michel Blanquer, je suis absolument convaincue que, plus tôt on travaille sur les mesures de prévention qui permettent de cibler ces populations extrêmement vulnérables, plus on est efficace. Une statistique doit nous interpeller : seuls 5 % des enfants de moins de 3 ans appartenant à ces 20 % de ménages les plus pauvres vont en crèche, contre 22 % en moyenne nationale. Très tôt, dès leur sixième mois, ces enfants n’accèdent pas à des professionnels de la petite enfance : les inégalités se creusent dès cet âge… Avec M. Blanquer, nous travaillons à ce continuum crèches-maternelles car nous voulons être vraiment efficaces, le plus tôt possible.

Nous avons déjà des idées sur le sujet, mais notre stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes étant en cours de concertation et les mesures non encore arbitrées, je ne pourrai malheureusement entrer dans le détail des propositions, même si les grandes directions et les objectifs sont clairement déterminés.

M. le président Bruno Studer. Nous sommes saisis de plus de cinquante demandes d’intervention : je vous serai reconnaissant d'être le plus concis possible et de faire part aux ministres de demandes et propositions très concrètes.

M. Raphaël Gérard. La grande pauvreté remet en cause l’idéal d’égalité des chances et le socle même de notre école républicaine. Il ne faut pas perdre de vue que les enfants pauvres sont, avant tout, des enfants de parents pauvres. La pauvreté des parents influe sur les rapports qu’ils nourrissent avec l’école et sur les chances de réussite scolaire de leurs enfants. De nombreux rapports soulignent que les rapports entre les parents issus de milieux populaires ou vivant dans la grande précarité et l’école peuvent être empreints de défiance, conduisant même à un désinvestissement dans la scolarité des enfants ou à des relations tendues avec les équipes pédagogiques.

Ces difficultés sont bien identifiées et prises en charge dans les milieux urbains et périurbains. Mais je voudrais appeler votre attention sur la situation particulière des territoires ruraux, où la pauvreté et l’isolement des parents sont un facteur aggravant d’échec scolaire. Je suis député de Charente-Maritime, dans une circonscription rurale où le taux de pauvreté est de trois points supérieur à la moyenne nationale. Nous sommes souvent confrontés à des familles isolées, monoparentales, où les mères vivent en situation de grande précarité. Plus d’une famille monoparentale sur trois est pauvre en Charente-Maritime. L’isolement de ces familles est renforcé par les possibilités restreintes de mobilité et par un accompagnement associatif moins dense.

Envisagez-vous des mesures spécifiques pour les territoires ruraux, permettant à ces parents de mieux accompagner la scolarité de leurs enfants ?

M. Maxime Minot. Monsieur le ministre, en décembre dernier, vous avez indiqué qu’il fallait permettre aux établissements qui le souhaitent d'adopter l’uniforme à l’école, sans toutefois imposer sa généralisation. Si ces propos vont dans le bon sens, il est regrettable de s’arrêter au milieu du gué. C’est pourquoi j’ai déposé une proposition de loi visant justement à instaurer l’uniforme dans tous les établissements du premier et du second degrés. Si l’uniforme ne résout pas la problématique de la pauvreté à l’école, il fait bien plus que masquer le problème comme certains le disent : il permet à l’école de la République d’être un lieu de savoir et d’apprentissage. Il permet de ne pas stigmatiser les élèves au motif qu’ils ne portent pas de vêtements de marque. Autrement dit, il aplanit les différences sociales, nées des inégalités de revenus des parents. Il est par ailleurs un élément de fierté susceptible de développer le sentiment d’appartenance des élèves à l’école, comme c’est déjà le cas au sein des associations sportives.

Je propose que le port de l’uniforme soit inscrit dans le règlement intérieur de chaque établissement qui sera libre, en concertation avec les parents d’élèves et les enseignants, de décider de ses modalités, pour l’adapter aux contraintes qui peuvent être différentes selon les territoires. Quel est votre avis ? Oserez-vous aller jusqu’au bout ?

Mme Justine Benin. Avant toute chose, je souhaite saluer le travail formidable réalisé en Guadeloupe par nos écoles et nos associations pour lutter toujours plus efficacement contre la pauvreté de nos plus jeunes et contre les inégalités sociales qu’elle induit. Il a à peine deux semaines, des Assises de l’éducation ont eu lieu dans le territoire. Parmi les thèmes développés, l’enjeu majeur des ressources humaines était évoqué, ainsi que l’importance d’une école inclusive.

Parler de pauvreté à l’école nous invite à appréhender différentes dimensions et à nous intéresser à la situation socio-économique de nos territoires. En Guadeloupe, le taux de chômage des 18-25 ans est de 56 % ; on compte 55 % de familles monoparentales ; le taux de pauvreté est de 19 % selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), avec un seuil de 588 euros ; 20 % de la population est illettrée et le taux de sorties sans diplôme du système éducatif approche également les 20 %. Ces statistiques sont deux fois supérieures aux moyennes nationales…

Je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement entend faire pour lutter plus efficacement contre la pauvreté à l’école en Guadeloupe et accompagner nos enfants sur le chemin de la réussite ?

Mme Sabine Rubin. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, les spécialistes que nous avons entendus ce matin nous ont interpellés à demi-mots sur certains choix budgétaires qui, mieux opérés, pourraient permettre de réguler ou d’amoindrir la pauvreté : pourquoi augmente-t-on les fonds d’accompagnement pour les jeunes en classes préparatoires et réduit-on parallèlement les crédits des fonds sociaux ?

Madame Buzyn, nous n’avons pas encore évoqué la situation des jeunes les plus précaires de notre pays : les mineurs non accompagnés, scolarisés dans nos collèges et nos lycées, conformément aux engagements internationaux de la France. Dans mon département de Seine-Saint-Denis, plus de 1 000 mineurs sont pris en charge. Ils sont sans doute bien plus nombreux. Parfois, comme j’ai pu le constater ce lundi, des tests osseux déterminent qu’ils sont majeurs : ils se trouvent alors brusquement à la rue. Votre délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes va-t-elle se pencher sur le cas des mineurs non accompagnés ?

Mme Béatrice Descamps. La situation précaire de certaines familles tend à les éloigner de l’école. Par manque de temps, de maîtrise de la langue, d’argent, de confiance en eux, d’intérêt ou d’informations, ces parents qui se sentent ou se mettent à l’écart de l’institution scolaire ne peuvent former de communauté solidaire avec le personnel éducatif. Cet éloignement peut engendrer chez les élèves un manque de confiance en eux particulièrement dommageable à leur épanouissement et à leur réussite. Ces derniers ont de surcroît des besoins particuliers et arrivent à l’école avec des fragilités psychologiques et physiques qui les empêchent d’appréhender les apprentissages comme tout enfant devrait pouvoir le faire. S’il ne s’agit aucunement de généraliser, les statistiques font état d’une inégalité devant la réussite scolaire qui s’explique notamment par la pauvreté et la précarité dans lesquelles vivent certaines familles. Il n’est pas question de stigmatiser les parents ni les enseignants – les uns comme les autres souhaitent la réussite de leurs enfants, de leurs élèves – mais de raccrocher au train de l’école les wagons que les circonstances peuvent isoler. Quelles mesures comptez-vous prendre pour recréer une communauté éducative entre parents et école en cas d’isolement ou de précarité des familles, tout en mettant en valeur les qualités professionnelles des enseignants et la confiance que vous et nous leur accordons ?

M. Cyrille Isaac-Sibille. La première des injustices, pour les enfants qui vivent dans la pauvreté, tient aux problèmes d’accès à la santé et à la culture en santé. Je suis heureux de vous voir côte à côte, madame et monsieur les ministres, car, jusqu’à présent, on avait l’impression que la santé et l’école étaient deux mondes séparés. L’éducation nationale a pris un peu d’avance puisqu’un parcours éducatif de santé a été instauré il y a quelques années mais ce parcours n’est pas forcément décliné dans les territoires. Le parcours éducatif de santé et la prévention sanitaire, que souhaite promouvoir Mme la ministre, seront un vrai progrès pour les familles fragiles. Je compte donc sur cette action mixte. J’espère que l’expérimentation que nous allons lancer au niveau territorial avec l’Agence régionale de santé (ARS) et le rectorat sera reprise au niveau national.

Mme Éricka Bareigts. Je souhaiterais revenir sur la dimension territoriale de la pauvreté à l’école, visée dans le cinquième rapport du Comité des droits de l’enfant des Nations unies. Il y a en effet à La Réunion 118 000 enfants pauvres.

L’inspecteur général Jean-Paul Delahaye, que nous avons entendu ce matin, préconise un renforcement sensible des postes de médecins et d’infirmiers scolaires ainsi qu’une extension des services sociaux dans les zones défavorisées. La pauvreté doit en effet être traitée globalement, sur les plans médical, social et éducatif. Pour financer ces actions, M. Delahaye a identifié une somme de 70 millions, aujourd’hui affectée à l’accompagnement des élèves des grandes écoles. Cette piste vous paraît-elle pertinente pour dégager les moyens de lutter contre la pauvreté ?

D’autre part, nous menons sur le terrain des travaux sur la maîtrise de la langue en milieu créolophone qui montrent l’efficacité des classes bilingues. Pourrions-nous aller plus loin demain et amplifier la lutte contre l’illettrisme – moyen de lutter contre la grande pauvreté des enfants d’aujourd’hui et des adultes de demain ?

Mme Fadila Khattabi. Je souhaite appeler votre attention sur la problématique de l’égalité d’accès aux cantines scolaires. Ces dernières jouent un rôle très important non seulement dans la croissance des enfants mais aussi à l’égard de leurs capacités d’apprentissage. Compte tenu de la situation de grande précarité dans laquelle se trouvent de nombreuses familles, le déjeuner est pour beaucoup d’écoliers le seul repas complet équilibré de la journée. C’est ce que met en avant un rapport de 2013 du Défenseur des droits qui, ayant été alerté de cas de refus d’accès à la cantine, avait décidé de s’intéresser de plus près à ce sujet. Depuis, la loi relative à l’égalité et la citoyenneté, adoptée sous la précédente législature, a fixé le principe selon lequel l’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés et dispose qu’il ne peut être établi entre eux aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille. Les communes dont les écoles primaires disposent d’un service de restauration scolaire doivent donc garantir à chaque élève le droit d’y être inscrit. Malheureusement, cette année encore, dans certaines écoles et communes, ce droit n’est pas respecté. Quels moyens d’action et de contrôle envisagez-vous de déployer dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants pour garantir l’égalité d’accès à la cantine des écoliers ?

M. Frédéric Reiss. Il est impératif de désamorcer « le conflit de loyauté » en favorisant le dialogue entre les parents éloignés de l’école et les enseignants et de conférer une image positive à l’école. Il est aussi impératif de permettre à tous les élèves d’acquérir le socle de connaissances, de compétences et de culture. Le dédoublement des classes de CP pour l’apprentissage de la lecture en REP est une bonne mesure qui devrait être étendue au milieu rural où la précarité existe aussi et où les classes ferment, au désespoir des élus locaux. Malgré l’existence de certains dispositifs, les enfants qui vivent dans la très grande précarité voient souvent leur réussite compromise. L’indicateur relatif au retard scolaire dans les collèges de REP+ est significatif : 74 % des enfants ayant au moins un an de retard ont des parents ouvriers ou inactifs. La corrélation entre enfants issus de milieux socio-économiques défavorisés et performance scolaire est évidente et confirmée par les tests de type PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves). La ségrégation sociale a un effet négatif sur les apprentissages fondamentaux. Si la mixité sociale ne se décrète pas, l’école doit avoir cette mixité pour objectif et se fixer des exigences de niveau et une pédagogie de projet. Quelle est votre position à ce sujet ?

M. Olivier Véran. Nous sortons d’une journée d’auditions consacrées, dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, à la santé des enfants scolarisés. La seule consultation médicale qui soit obligatoire est celle des enfants de six ans à l’école. Des progrès ont été enregistrés mais, rien qu’en REP et en REP+, encore au moins 25 % des enfants n’ont pas accès à cette consultation opposable. Comment améliorer la situation ?

Le deuxième volet auquel nous avons travaillé est la santé buccodentaire. Le programme « M’T Dents » touche de 25 à 40 % des enfants et il nous a été suggéré de faire davantage le lien entre le cahier scolaire et ce programme car les parents ne sont informés de son existence que par un courrier qui peut passer à la trappe. Quelles sont vos pistes de réflexion en matière de santé buccodentaire ?

Enfin, onze villes continuent à faire partie du réseau des services municipaux de santé scolaire. Lorsque l’État pourvoit, dans le cadre de l’éducation nationale, à la santé des enfants scolarisés, il alloue à cette politique environ 37 euros par an et par enfant. Lorsque c’est un service municipal qui s’en charge, il ne perçoit pas ces 37 euros qui ne sont pas reversés non plus par l’éducation nationale. Ces services municipaux représentent un coût important pour les communes. Pourrait-on envisager un partenariat renforcé entre l’État et ces communes de façon à développer le maillage des villes dotées de services municipaux de santé ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Le sujet difficile que nous abordons aujourd’hui m’évoque une publicité de l’Agence du Don en nature dans laquelle on entrevoit la tristesse d’une petite fille regrettant que ses camarades d’école reprochent à sa mère de ne pas s’occuper d’elle parce que ses baskets sont très usées. Cette publicité se conclut par ce bandeau révélateur : « Vivre en dessous du seuil de pauvreté, c’est aussi vivre en marge des autres. » Il nous faut mener une réflexion collective sur le rapport que notre société entretient avec la pauvreté qui conduit dans une large mesure à des phénomènes d’exclusion sociale et d’invisibilisation. Simone Weil disait très justement : « Pour se rendre invisible, n’importe quel homme n’a pas de moyen plus sûr que de devenir pauvre. » On peut légitimement penser que le taux élevé de non-recours aux minima sociaux est en partie dû au sentiment de gêne, voire de honte, que peuvent ressentir certaines personnes. Comment comptez-vous lutter contre ce non-recours et comment faire évoluer notre regard sur la pauvreté pour éviter qu’il soit stigmatisant ?

Mme la ministre. La question de la santé en outre-mer est spécifiquement traitée dans le cadre de la concertation en cours. Une rencontre territoriale se tiendra à La Réunion et nous trouverons également le moyen d’aborder le sujet avec les élus de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane.

Nous essayons effectivement d’améliorer l’accès de toutes les familles à la restauration scolaire. Beaucoup d’enfants arrivant à l’école le ventre vide, nous envisageons d’instaurer un système, déjà en place dans certaines communes, de distribution de petits‑déjeuners à l’école juste avant le début des cours.

La prévention et l’éducation à la santé sont une priorité de la stratégie nationale de santé. Nous allons donc améliorer le parcours d’éducation à la santé en obligeant chaque ARS à contractualiser avec le rectorat afin que ce parcours s’applique de façon plus homogène dans le territoire – son application dépendant aujourd’hui de la bonne volonté des proviseurs et des directeurs d’école. Ensuite, les nouveaux programmes scolaires qui ont été rédigés depuis 2012 prévoient plusieurs mesures en matière d’éducation à la santé. En tant que médecin membre du Conseil supérieur des programmes à l’époque, j’ai participé à l’élaboration de ces programmes qui prévoient la possibilité d’offrir une éducation à l’hygiène en maternelle, une éducation à l’alimentation à l’école primaire et enfin, au collège, des enseignements en sciences et vie de la terre et en éducation physique et sportive, appréhendée comme une source de bien-être et non de compétition.

La visite médicale à six ans est pour nous une priorité mais nous nous heurtons à une très grande difficulté de recrutement de médecins scolaires – un pour 9 000 élèves en moyenne dans le territoire. Nous observons un manque de coordination entre infirmières, médecins et travailleurs sociaux des collectivités qui n’entrent pas ou très rarement dans les écoles. Nous observons aussi un manque de partage d’informations entre les différents acteurs intervenant auprès de l’enfant. Des mesures seront annoncées dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes pour renforcer la pluriprofessionnalité et faire travailler les acteurs en réseau, tant au sein de l’école qu’à l’extérieur. Nous envisageons enfin de contractualiser avec les maisons de santé et les centres de santé pour qu’ils puissent intervenir à l’école afin de compenser le manque de médecins scolaires.

En ce qui concerne les services municipaux de santé, il nous faut établir une contractualisation entre l’ensemble des parties prenantes nécessaires au bien-être de l’enfant, dans les domaines médical et social.

M. le ministre. MM. Raphaël Gérard et Frédéric Reiss m’ayant tous deux interrogé sur notre action en milieu rural, je répondrai conjointement à leurs questions. Il convient en effet d’adapter nos outils d’intervention à ces territoires, s’agissant notamment du périscolaire. Je ne voudrais pas qu’on oppose nos politiques sociales rurales et urbaines : elles sont différentes mais complémentaires, c’est pourquoi nos moyens en matière scolaire ne sont pas plus orientés vers les milieux urbains que vers le monde rural. Le dédoublement des classes de CP est certes plus important en milieu urbain mais quand on dit cela, on ne vise pas uniquement les banlieues des grandes villes mais aussi les villes de ce qu’on appelle parfois la France périphérique. J’ai cité Blois, j’aurais aussi pu évoquer Romorantin dans le même département.

En milieu rural, nos moyens sont aussi fortement concentrés mais je ne pense pas que le dédoublement des classes y soit fondamental, sauf en REP. Toujours dans le Loir‑et‑Cher, il y a des fermetures de classes mais aucune fermeture d’école. De plus, ces fermetures sont compensées par des ouvertures dans les endroits démographiquement dynamiques. Je suis très attentif au maintien et à la redynamisation des écoles rurales qui peuvent contribuer à la lutte contre l’isolement. Cela suppose parfois des regroupements scolaires mais, en tout état de cause, ce sont les contrats départementaux de ruralité que nous sommes en train de conclure – dans le Lot et dans le Jura, notamment – qui nous permettront d’avoir une approche qualitative de la question.

Si les moyens doivent être équitablement répartis dans l’ensemble du territoire, au plan qualitatif, nous devons avoir une approche spécifique lieu par lieu sur plusieurs années. Je rêve d’en finir avec le psychodrame des fermetures annuelles de classes et de planifier ouvertures et fermetures dans un cadre pluriannuel. Cela nous permettrait de regarder les choses sereinement, sans polémique. Les contrats départementaux doivent permettre de répondre à votre attente – que je partage – et de mieux articuler les enjeux scolaires et la lutte contre l’isolement. Des études montrent qu’en milieu rural, l’addiction aux écrans est paradoxalement encore plus forte qu’en milieu urbain. On pourrait donc promouvoir des enseignements de découverte de la nature, par exemple.

En ce qui concerne la proposition de loi que vous avez déposée, monsieur le député Minot, je redirai que l’uniforme peut présenter un intérêt – et les représentants des départements d’outre-mer ne me contrediront probablement pas sur ce point. Ce peut être un moyen de lutter contre les inégalités visibles et peut donner lieu à des politiques sociales volontaristes si la collectivité décide de financer cet uniforme. Si la généralisation de ce dernier ne me semble pas faisable dans la société française telle qu’elle est aujourd’hui, il me paraît concevable d’offrir la possibilité de rendre l’uniforme obligatoire, voire d’y encourager, dès lors que cela fait consensus à l’échelon local. Cela se fait d’ailleurs déjà, notamment à l’internat d’excellence de Sourdun.

Pour répondre à Mme Rubin, j’aimerais souligner qu’il y a dans cet internat d’excellence une classe préparatoire dont plus de 50 % des élèves viennent d’une catégorie socioprofessionnelle (CSP) défavorisée. De même qu’on ne doit pas opposer le rural à l’urbain, on ne doit pas opposer une politique sociale qui, à partir de la maternelle, pousse les élèves à avancer, à une politique sociale qui tire les élèves vers le haut et contribue à la lutte contre les inégalités. Il est inexact de considérer que les moyens dédiés aux classes préparatoires seraient pour les riches tandis que d’autres moyens seraient uniquement pour les pauvres. Les choses sont beaucoup plus complexes que cela. Des politiques volontaristes ont été menées par des gouvernements de droite comme de gauche depuis dix à quinze ans, pour créer des classes préparatoires dans les quartiers défavorisés. J’ai parlé de Sourdun mais je pourrais également citer Montceau-les-Mines qui dispose d’une classe préparatoire et d’un internat destinés aux bacheliers professionnels. L’un de ces bacheliers, issu d’une CSP défavorisée, a intégré l’École polytechnique grâce aux colles qui l’y avaient préparé. Cela s’appelle la méritocratie républicaine et c’est une très bonne chose. Bien sûr, nous devons mettre autant de moyens que possible dans les politiques sociales, mais n’allons pas déshabiller Pierre pour habiller Paul en nous appuyant sur des raisonnements biaisés. On cite souvent le montant des dépenses sociales mais ce qu’il faut regarder, ce ne sont pas tant les chiffres que la manière dont les fonds sont dépensés et si les crédits sont effectivement consommés.

Mme la ministre. La délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes traite bien entendu la question des mineurs non accompagnés. Une mission étant en cours pour définir le rôle de l’État par rapport à celui des départements en la matière, je ne puis pour le moment vous en donner les conclusions. Pour éviter la sortie sèche de ces mineurs du dispositif d’aide sociale à l’enfance, il est nécessaire d’accélérer la délivrance des titres de séjour et de bien orienter ces jeunes vers l’apprentissage et la formation professionnelle.

J’ai oublié de dire que la convention d’objectifs et de gestion (COG) de la Caisse nationale d’allocations familiales, en cours de concertation, traiterait également des outre-mer.

Enfin, madame Firmin Le Bodo, nous avons évidemment la volonté de lutter contre le non-recours aux minima sociaux en allant chercher les potentiels bénéficiaires grâce au croisement, entre les différentes caisses, de leurs données numériques. Vous avez raison de dire que le regard sur la pauvreté doit changer mais c’est l’affaire de tous et pas seulement de l’État. Le refus d’accès à la cantine étant discriminatoire, il faut favoriser la tarification sociale. Ce peut être le rôle de l’État que de pousser les collectivités territoriales à appliquer cette tarification.

M. le ministre. Je vous confirme, monsieur Isaac-Sibille, que la mise en application, depuis quelques années, du parcours d’éducation en santé dans le système scolaire français va s’amplifier. L’éducation en santé fait partie des sujets auxquels nous travaillons ensemble et ce parcours est en cohérence avec d’autres mesures que nous avons prises.

Nous nous sommes fixé l’objectif que la visite médicale obligatoire à six ans soit effective pour tous les enfants de France, a fortiori pour les élèves issus de milieux défavorisés. Les chiffres que vous avez cités sont malheureusement exacts, monsieur Véran. Le problème n’est pas le manque de postes de médecins et d’infirmières mais d’arriver à pourvoir ces postes. La solution passe par plusieurs mesures. Il s’agit de rendre ces postes plus attractifs, de faire en sorte que des postes de médecine scolaire soient proposés à la sortie de l’internat et de faire en sorte que la médecine civile puisse intervenir en plus de la médecine scolaire.

Mme la ministre. Nous avons déjà ajouté des stages d’internat en médecine scolaire, pour que les jeunes étudiants se forment à cette médecine, qui peut être attractive.

Nous sommes par ailleurs en train de développer le service sanitaire, qui permettrait que des étudiants en formation aillent faire de l’éducation à la santé et de la promotion de la santé, voire mener quelques actions de repérage ou de dépistage, et apporter ainsi un appui aux médecins scolaires.

Plusieurs pistes sont donc en train d’être explorées pour la rentrée 2018.

Mme Nathalie Elimas. Les chiffres cités au début de votre intervention sont éloquents. On recense trois millions d’enfants pauvres en France, soit un enfant sur cinq, dont 30 000 sont à la rue avec leur famille. La lutte contre la pauvreté doit bien évidemment d’abord cibler les enfants.

Mon propos portera sur l’école, qui a un rôle prépondérant à jouer : en favorisant la réussite scolaire de ces enfants, elle leur offrira le moyen à long terme de sortir de la précarité. À plus court terme, elle pourrait être aussi un lieu stratégique, pour informer les parents de leurs droits et des aides financières dont ils pourraient bénéficier. Cela serait aussi une manière de construire un sentiment d’appartenance à une même communauté éducative et un sentiment de confiance.

Faute d’information, de nombreuses personnes ne demandent pas les prestations sociales auxquelles elles sont éligibles. Les antennes d’écoute de proximité se font plus rares et l’école est ainsi pour certains parents le seul lieu public où l'on pourrait identifier leur situation de précarité et les orienter efficacement.

Aussi, pour les familles en situation de précarité, l’école reste un point d’ancrage, une instance garante de stabilité qui structure les temps sociaux. Pourquoi ne serait-elle pas aussi un point central d’information pour favoriser l’accès aux droits ?

M. Gabriel Attal. Les inégalités sociales, la pauvreté, ont un impact dans l’école mais en ont aussi un en dehors : je pense évidemment aux activités périscolaires.

Ces dernières sont vectrices d’épanouissement et d’émancipation pour les enfants, mais aussi de stabilité pour les familles. L’assouplissement du cadre d’organisation des rythmes scolaires, la possibilité ainsi donnée aux communes de revenir à quatre jours de classe, s’est accompagnée de l’annonce d’un « plan mercredi » qui a vocation à répondre à cet enjeu. Or, pour atteindre cet objectif, ce plan devra bénéficier des financements adéquats. Pour cela, il est nécessaire que la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), qui finance les projets éducatifs territoriaux (PEDT), s’engage budgétairement. Aussi, pouvez‑vous m’indiquer l’état d’avancement des travaux de ce « plan mercredi », et l’architecture du financement et de la participation de la CNAF qui sont prévus ?

D’autre part – et j’associe ma collègue Anne Brugnera à cette question – je voudrais aborder le sujet des programmes de réussite éducative. Ces programmes, développés dans les quartiers de la politique de la ville, ne portent pas seulement sur la réussite scolaire mais aussi et surtout sur l’accès aux droits et sur l’accompagnement global de l’enfant avec sa famille. Une réorientation de la réussite éducative vers la lutte contre la pauvreté à l’école ne serait-elle pas une solution pour obtenir rapidement des résultats tangibles ? Cette réorientation pourrait s’opérer par la définition d’objectifs, mais aussi par une meilleure intégration, voire une montée en leadership de la caisse d’allocations familiales. Cela permettrait une coordination budgétaire complète des contrats locaux d’accompagnement scolaires (CLAS) et des fonds territoriaux en passant par les actions jeunesse et le financement du périscolaire et de l’extrascolaire.

Mme Emmanuelle Antoine. D’après le rapport de l’OCDE de juillet 2015, presque 140 000 jeunes sortiraient chaque année de l’école sans diplôme. Or ce phénomène touche davantage les enfants issus de milieux défavorisés, notamment les garçons. Il existe certes des classes-relais et des ateliers-relais, ou encore de très intéressantes initiatives privées telle Espérance Banlieues, mais, monsieur le ministre, quelles sont les mesures que vous envisagez pour lutter contre le décrochage scolaire ?

Mme Cathy Racon-Bouzon. « Pour bien faire, il faudrait une assistante sociale, un pédopsychiatre et une infirmière à temps plein dans l’école pour répondre à tous les besoins des enfants ». Ainsi s'exprime une enseignante d'une école du IIIe arrondissement de Marseille, quartier considéré comme le plus pauvre de France.

Depuis 1990, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) associent différents types de professionnels spécialisés dans l'aide à dominante psychologique, pédagogique ou relationnelle, qui ont pour mission de répondre aux difficultés des élèves dans l’acquisition et la maîtrise des apprentissages fondamentaux. À ce titre, ils jouent un rôle déterminant dans la réduction des inégalités scolaires ; ils apportent un concours précieux aux enseignants démunis face à la grande difficulté scolaire, en lien direct avec les inégalités sociales.

Entre 2008 et 2012, un tiers des postes RASED ont été supprimés, dont 50 % des postes de rééducateurs. Depuis cette date, seulement 2 % de postes RASED ont été recréés. Dans les Bouches-du-Rhône, la totalité des 175 postes de rééducateurs ont été supprimés, 40 postes d’adaptation ont été perdus depuis vingt ans et, sur les 112 postes de psychologues, 20 % sont vacants faute de recrutement. Même si on constate dans le département une reprise des postes à dominante pédagogique, il n’en reste pas moins que, sans poste dédié aux problématiques relationnelles et au rapport au savoir, les RASED ne sont plus à même de fonctionner, laissant depuis des années, dans notre département, des milliers d’enfants, leurs familles et leurs enseignants sans aide appropriée.

Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour remédier au manque préoccupant de personnels spécialisés dans nos écoles ?

Mme Elsa Faucillon. Madame la ministre, je voulais appeler votre attention sur la protection maternelle et infantile, qui est de la compétence des départements. Mais, même si je crois que la décentralisation est un moyen de rapprocher l’État des populations, le cadrage national en ce domaine pose aujourd’hui problème. En effet, la prise en charge maternelle et infantile est très inégale selon les territoires. Certaines collectivités souhaitent faire davantage, mais elles ont de moins en moins de moyens ; d’autres considèrent qu’elles peuvent se retirer de cette mission, c’est le cas du département où je suis élue, les Hauts‑de‑Seine. Que comptez-vous faire pour réinstaurer des seuils minimaux un peu plus élevés de prise en charge, notamment s’agissant des bilans des trois ans assurés par les médecins de la protection maternelle et infantile (PMI) ? Nous sommes face à une crise de recrutement, parce que les départements ne rémunèrent pas assez les médecins de PMI.

Nous avons abordé ce matin le thème du logement, qui n’est certes pas de votre ressort, monsieur le ministre. Mais les mauvaises conditions de logement et le surpeuplement ne nuisent-ils pas au sommeil, au repos et aux conditions de travail des enfants, tout comme à leur développement cognitif ? Faire progresser la scolarisation dès deux ans serait, je crois, susceptible d’aider le processus précoce des acquisitions chez les enfants. Qu’en pensez‑vous ?

M. Pierre-Yves Bournazel. Monsieur le ministre, vous portez cette année, dans les zones d’éducation prioritaires, une réforme de dédoublement des classes de CP qui se prolongera l’an prochain par le dédoublement des classes de CE1. Cette réforme va évidemment dans le bon sens. Élu d'une circonscription concernée, je puis vous assurer que les résultats de terrain sont très bons et je ne peux que vous encourager à poursuivre et amplifier votre politique.

Cela étant dit, l’école, qui doit contribuer à la lutte contre la pauvreté, ne peut pas tout. Comme membre du Gouvernement, vous intéressez-vous aussi à d’autres sujets ? Un enfant en grande précarité est un enfant en grande souffrance car il voit bien que ses parents sont minés et qu’il est différent des autres. Il faut aussi lutter contre ces préjugés sociaux. La culture peut ici apporter une réponse. Comment l’école peut-elle faciliter l’accès à la culture de ces enfants en grande difficulté ? Car il s’agit de décloisonner les territoires et de faire sortir les enfants de leur quartier, pour leur faire découvrir le monde. Cela peut les aider à sortir d’un quotidien dur et difficile. En comprenant mieux les difficultés qui sont les leurs, ils sauront aussi trouver la voie de les surmonter. Cet effort de long terme serait très utile. Comment le Gouvernement compte-t-il travailler à cette question ?

Mme Michèle de Vaucouleurs. Les accueils périscolaires dans les écoles maternelles et élémentaires reçoivent chaque jour des dizaines de milliers d’enfants, leur offrant ainsi la possibilité de faire leurs devoirs ou d’avoir un temps de loisirs encadré dans un environnement adapté, tout en permettant à leurs parents d’exercer une activité professionnelle. La CAF subventionne des contrats locaux d’accompagnements à la scolarité, mais, par manque d’information, tous les enfants qui pourraient en bénéficier n’y ont pas accès.

L’accueil périscolaire est essentiel à notre système éducatif et à notre politique familiale, et permet de lutter contre les inégalités lorsque les enfants ont accès à un mode de garde compatible avec la situation financière des familles. Dans un grand nombre de mairies, le tarif de ces accueils est aligné sur le quotient familial, tout comme celui de la cantine ; il s’adapte ainsi aux ressources des familles.

Cependant, dans certaines communes, les accueils périscolaires sont sujets à un tarif unique, ou bien à des tranches extrêmement larges, ce qui rend leur accès prohibitif pour certaines familles, de sorte que les parents limitent leur activité professionnelle aux heures de classe. De plus, pour les parents qui ont une activité professionnelle irrégulière, l’accès occasionnel aux garderies est facturé à prix fort, contrairement à une inscription régulière.

Cette politique tarifaire étant de la responsabilité des communes, quels vous paraissent être les leviers pour les inciter à proposer des tarifs prenant en compte le quotient familial des familles, pour les garderies comme pour les cantines, et cela même en cas de recours occasionnel au service ?

Mme Jacqueline Dubois. Nous voulons tous relever ce défi que tous les enfants trouvent leur place à l’école, s’y épanouissent, fassent les apprentissages nécessaires et réussissent leur parcours scolaire. Dans son rapport de 2015 sur la grande pauvreté et la réussite scolaire, Jean-Paul Delahaye conseillait de repenser la formation dans un continuum de la deuxième année de maternelle à la deuxième année de cours moyen, pour préparer les futurs enseignants à la réussite de tous les élèves.

Il proposait aussi d’y intégrer des temps d’activité associative en zone urbaine ou rurale, pour favoriser une connaissance concrète des lieux et des conditions de vie des enfants en milieu populaire. Ce sujet a d’ailleurs été relevé par les députées Aurore Bergé et Béatrice Descamps, lorsqu’elles ont présenté la semaine dernière le rapport conjoint de leur mission « flash » sur les relations entre l’école et les parents : elles y soulignent la distance qui s’observe parfois entre les jeunes enseignants et les milieux populaires.

Mon expérience de plus de vingt ans de professeure des écoles et de maître formateur spécialisé m’a convaincue que former tous les enseignants à l’accueil d’élèves en situation de handicap aurait des effets positifs pour l’appréhension et l’accueil des difficultés de tous les élèves. En effet, cela placerait les élèves dans une atmosphère de sécurité qui facilite les apprentissages en réduisant les tensions périphériques liées à l’appréhension de l’échec.

Selon l’OCDE, sur un panel de vingt-cinq pays, les enseignants français s’estiment le moins bien formés en matière de pédagogie. Monsieur le ministre, ne pensez‑vous pas que, pour répondre au défi de savoir bien enseigner à tous les élèves, la formation des enseignants gagnerait à commencer dès la licence ? Pareille remarque apparaît d’ailleurs dans le rapport Villani-Torossian sur les mathématiques.

Cette formation pourrait réserver du temps à l’approfondissement de la pédagogie, de la théorie et de la pratique, afin de construire, grâce à des expériences concrètes et variées, une professionnalisation progressive et efficace.

Mme Anne-Christine Lang. Je reviens sur la question de la prise en charge des moins de trois ans, c’est-à-dire des enfants âgés de deux à trois ans : tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit d’un âge-clé pour les apprentissages, donc pour la lutte contre les inégalités.

Afin de rétablir l’égalité des chances, il faudra sans doute un « choc d’offre » sur l’accueil de ces enfants dans les structures collectives. Au-delà de l’aspect qualitatif, un débat a lieu depuis bien longtemps sur la dimension qualitative de cet accueil : certains se demandent si c’est l’accueil en crèche qui offre à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire aux enfants âgés de deux à trois ans, toutes les stimulations nécessaires pour prévenir tous les retards dans les apprentissages, notamment dans l’apprentissage du langage.

À l’inverse, l’école, sans doute plus exigeante au plan des apprentissages, n’est pas toujours parfaitement adaptée aux tout petits. J’ajoute que, si on en croit une étude récente de France Stratégie, les bénéfices de la scolarisation précoce ne semblent pas parfaitement avérés.

Comment répondre alors aux besoins spécifiques de cette tranche d’âge, dont on répète qu’elle est déterminante ? Depuis la loi de 1989, les hommes et femmes politiques de droite comme de gauche ont cherché à inventer un type de structures adapté aux deux à trois ans. Ce furent d’abord les classes passerelles, sous Jospin, puis les jardins d’éveil proposés par le rapport Tabarot. Jugées inutiles et coûteuses, ces expériences furent largement abandonnées.

Or que nous disent les enseignements des sciences cognitives qui ont émergé depuis cette date ? Qu'entre le vingtième et le trentième mois de la vie, du fait de la plasticité de son cerveau, un enfant est capable d’apprendre n’importe quelle langue. Durant cette période, il assimile entre 100 et 500 mots, des règles de grammaire et un début de double articulation. Ce phénomène hors du commun ne se produit qu’une seule fois dans la vie, entre deux et trois ans.

Dès lors, ne pensez-vous pas que les spécificités que présentent ces enfants nécessitent des structures pédagogiques dédiées qui pourraient être expérimentées dans les réseaux d’éducation prioritaires où vous avez dédoublé les CP ? Si nous pouvons proposer aux enfants des familles les plus pauvres un parcours d’éducation et un continuum allant de ces structures spécifiques au CE1 dédoublé en passant par une classe de maternelle rénovée qui soit vraiment celle de l’épanouissement et du langage, nous aurions là une des politiques de lutte contre les inégalités les plus ambitieuses jamais menées.

Mme Maud Petit. Plusieurs évaluations internationales, notamment l’étude PISA, soulignent que « la corrélation entre le milieu socio-économique et la performance » est bien plus marquée en France que dans la plupart des autres pays de l’OCDE. En France, un élève défavorisé a quatre fois plus de risques d’être en difficulté, contre trois fois en moyenne dans les pays de l’OCDE. Sur les 34 États membres, seuls la Hongrie et le Luxembourg sont dans la même situation problématique que la France.

Face à ce constat regrettable, de quels moyens dispose l’éducation nationale pour détecter des difficultés qui dépassent le cadre scolaire, mais ont un impact considérable sur les chances de réussite des enfants à l’école ? Comment allier équité et bons résultats scolaires ?

Par ailleurs, je fais partie de ceux qui pensent qu’il faut scolariser les enfants relativement tôt, parfois dès deux ans : cela a aussi le mérite de permettre à des parents, notamment à des mères, de retrouver une activité professionnelle plus facilement, car ce sont souvent elles qui gardent l’enfant à la maison.

Mme Michèle Peyron. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, les principales victimes de l’obésité sont les personnes les plus pauvres : 18,7 % des hommes et 30 % des femmes gagnant moins de 450 euros par mois sont victimes d’obésité. L’OCDE a démontré que les enfants de parents obèses avaient trois fois plus de chance d’être victimes d’obésité à leur tour.

Si l’obésité infantile en France est restée aux alentours des 10 % ces vingt dernières années et devrait le rester au regard des projections de l’OCDE, le surpoids des enfants, notamment des garçons, serait en nette augmentation.

Les cantines scolaires représentent souvent pour les enfants les plus défavorisés le seul repas complet qu’ils peuvent avoir chaque jour. Les cantines scolaires sont donc une chance. Elles permettent à tous les enfants de pouvoir manger de manière équilibrée. C’est aussi là que s’apprend l’hygiène alimentaire.

L’obésité et le surpoids sont un grave problème de santé publique. C’est pourquoi le Gouvernement prévoit, dans le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, d’imposer dans le repas des cantines une part significative de produits issus de l’agriculture biologique. Cela permettra à tous les enfants d’accéder à une alimentation équilibrée et de qualité.

En outre, les enfants les plus démunis n’ont pas forcément un accès aisé à une activité sportive en dehors de la pratique sportive à l’école. Le manque d’activité sportive est également une cause du surpoids et de l’obésité.

Aussi, comment peut-on favoriser cette alimentation équilibrée et saine et une pratique sportive pour les enfants en dehors du cercle scolaire ?

M. Gaël Le Bohec. Madame la ministre, vous avez fait part de votre ouverture à une tarification sociale pour l’accès à la restauration scolaire. La question est de savoir jusqu’où aller et dans quelles circonstances. Quand on songe qu’un jeune issu de milieux défavorisés sur trois – voire, dans les milieux très défavorisés, trois jeunes sur quatre – ne déjeune jamais à midi, on ne peut qu’accueillir avec enthousiasme l’inscription dans la loi d’un principe de progressivité. Pourrait-on même envisager la gratuité pour un premier seuil, qui serait situé en dessous du seuil de pauvreté ?

M. le ministre. S’agissant du rôle de l’école dans l’exercice de la mission parentale, je suis tout à fait d’accord avec l’idée que l’école peut être un lieu pivot pour l’information des parents d’élèves. Le directeur d’école, ou le chef d’établissement, se trouve à la charnière des politiques éducatives et des politiques sociales. Dans l’évolution à venir, il pourrait former un trio, avec le maire de la commune et la caisse d’allocations familiales. Une coordination des dépenses sociales, parfois importantes dans un même territoire, serait alors possible. J’y vois un enjeu de progrès, car je suis très ouvert à l’implication de l’éducation nationale dans la cohérence des dépenses engagées au plan local.

J’en viens à la politique menée en direction des enfants entre zéro et six ans. Une étude de France Stratégie, à laquelle Mme Lang a fait allusion, a introduit quelques doutes quant aux effets de la scolarisation à deux ans. Je peux en nourrir moi-même, à partir de l’observation de la réalité. C’est pourquoi je veux faire preuve d’un grand pragmatisme et d’une grande ouverture d’esprit, pour offrir plutôt une large palette de solutions. La scolarisation à deux ans peut en être une ; j’y encourage même, dans certains cas, pour la rentrée prochaine. Mais j’attends aussi des enseignants et des inspecteurs pédagogiques qu’ils en aient une vision pragmatique. Car la crèche est parfois plus adaptée aux enfants de cet âge, notamment si on songe aux bains de langage organisés au sein de certaines crèches dans le cadre de l’opération « Parler bambin ».

Je reprends donc, madame Lang, votre vision d’un continuum qui court de la crèche au CE1. Si nous additionnons nos trois grandes politiques publiques, à l’intention des enfants de zéro à trois ans, des écoles maternelles et des cours de CP et CE1, nous obtenons ainsi les trois étages d’une fusée qui garantit aux enfants un bon départ dans la vie. Cette cohérence doit être cultivée.

Il est aussi parfois nécessaire de concentrer les moyens sur certains secteurs, en se fondant sur une appréciation nuancée des aspects qualitatifs et quantitatifs de la dépense. Ainsi, madame Racon-Bouzon, vous avez parlé des psychologues scolaires à Marseille. Ils font un travail très utile, mais ce travail ne doit pas forcément avoir lieu dans le cadre du dispositif RASED. Évitons donc tout fétichisme. Objet d’évaluations mitigées, le dispositif RASED n’apporte pas toujours de solution, car l’enfant est pris en charge pendant le temps scolaire, ce qui est parfois contre-productif. Les psychologues sont néanmoins présents et nous renforçons leur rôle dans le système scolaire, mais j’insiste sur la dimension qualitative de leur intervention, à savoir la bonne définition de leurs missions, la concentration dans un territoire et la formation continue. Des pistes d’amélioration existent à cet égard.

J’en termine par la culture et les activités périscolaires, sur lesquels MM. Attal et Bournazel m’ont interrogé. Oui, l’accès à la culture est un outil de lutte contre la pauvreté. Si la ministre de la culture était là, elle ne dirait pas autre chose. Il s’agit non seulement de l’éducation artistique et culturelle, mais aussi des établissements placés sous la tutelle du ministère de la culture, qui doivent être davantage ouverts pendant le temps scolaire : c’est toute la question des sorties scolaires, impliquant l’enjeu des transports scolaires.

En milieu urbain, certains réflexes sont à installer, car les possibilités offertes ne sont pas toujours exploitées. En milieu rural, aujourd’hui, beaucoup d’enfants ne font pas de sortie scolaire faute de transports. Malgré les coûts que cela représente, un travail doit être mené avec les régions pour augmenter le nombre des sorties scolaires. Les institutions de l’État, en particulier les institutions culturelles, sont en tout cas pleinement mobilisées sur ce sujet.

Cela n’est pas sans lien avec les activités périscolaires. Avec Agnès Buzyn, nous nous attelons à un « plan mercredi » qui revêt une dimension interministérielle forte, puisqu’il associe à l’éducation nationale non seulement le sport et la culture, mais aussi les affaires sociales. L’un des enjeux du plan est précisément de mettre en cohérence les financements de différents dispositifs.

Les PEDT étaient financés par un fonds et par les caisses d’allocations familiales. J’assume, en la matière, une certaine continuité, la rentrée prochaine le montrera. Mais, conçus au départ pour les communes ayant opté pour une semaine de quatre jours et demi, les PEDT ne concernaient pas celles qui avaient choisi la semaine de quatre jours. Le « plan mercredi » vise à les englober toutes. Avec lui, nous sortons d’ailleurs, sur le plan sémantique, d’un certain jargon : fidèle à son nom, le « plan mercredi » recouvre une offre aussi riche que possible pour tous les enfants, le mercredi et éventuellement au-delà ; il englobe les PEDT, en les élargissant dans la mesure des moyens que nous pourrons rassembler pour cela. C’est un sujet auquel j’attache une grande importance.

Mme la ministre. S’agissant des activités périscolaires, le Fonds national d’action sociale (FNAS) de la CNAF est aujourd’hui doté de six milliards d’euros. Sur ce montant, deux milliards sont dédiés aux crèches. Il faut y ajouter les fonds d’action territoriaux qui accompagnent des projets particuliers.

L’État ne peut pas fixer de tarifs nationaux. Les crédits de l’État permettent de faire baisser les tarifs, de manière homogène, pour l’ensemble des parents qui envoient leur enfant participer à une activité périscolaire. Il appartient aux communes d’adapter leur part de financement aux parents en difficulté. L’État ne peut intervenir sur leurs tarifs.

Dans le cadre du « plan mercredi », et des mesures que nous attendons de la CNAF, nous souhaitons renforcer l’action en faveur de l’exercice de la mission parentale. Ainsi, on améliore le lien entre écoles et parents. Cela permet aux parents de conquérir leur autonomie. En matière de lutte contre l’obésité, par exemple, certaines CAF animent déjà des ateliers d’éducation à l’alimentation. Renforcer les liens entre parents, écoles et action sociale nous semble en tout cas ajouter de la cohérence au système, dans le cadre d’un financement de la CNAF qui mobilise le FNAS.

Si les PMI relèvent de la compétence des départements, l’État pourrait cependant revoir le périmètre de leurs missions. On constate aujourd’hui une certaine perte d’attractivité des postes de médecin au sein de ces structures, chargées d’effectuer des actions très normatives de contrôle des crèches. Il me semble que nous pourrions ajouter un quatrième étage à la fusée évoquée tout à l’heure par Jean-Michel Blanquer, à savoir l’étage de la périnatalité. En effet, c’est aussi durant cette période que se créent, via les PMI, un certain nombre de liens entre les parents et les enfants, de nature à améliorer les compétences psychosociales. Je me suis rendue récemment au sein d’une PMI qui avait adopté le programme « Parler Bambin », qui a déjà fait ses preuves en crèche. Ce programme est également d’un grand intérêt à un stade plus précoce : des femmes qui gardaient leurs enfants à domicile, et n’avaient aucune idée de la façon de communiquer avec les moins d'un an, ont découvert avec « Parler Bambin » un moyen extraordinaire de le faire, qui leur a fait regretter de ne pas en avoir fait bénéficier leurs aînés. Nous devons travailler sur la parentalité à tous les âges de l’enfance : celui de la scolarité, celui de la petite enfance et celui de la crèche, mais aussi le plus jeune âge, voire la période précédant la naissance. Si l’État n’a pas vocation à normer ou à financer les PMI, il lui revient en revanche de redéfinir les missions de ces structures : en effet, il règne aujourd’hui dans ce domaine une trop grande hétérogénéité territoriale, à laquelle il convient de remédier.

M. Philippe Berta. J’avais initialement prévu de parler de l’obésité, mais je vais plutôt évoquer le dédoublement des classes : si cette pratique constitue une avancée majeure, comment pourrions-nous l’accompagner d’une pédagogie plus appropriée – je pense notamment à la pédagogie de projet –, de nature à mieux lisser les différences ?

M. Francis Vercamer. On sait que la réussite scolaire est un moyen de lutte contre la pauvreté, et la mixité sociale un moyen de réussite scolaire. Or, un récent rapport sur la politique de la ville a mis en évidence le fait que la ségrégation sociale s’accroissait entre les territoires et, au sein des territoires, entre les différents établissements scolaires – ce qui montre qu’il existe une stratégie d’évitement de certains établissements. Monsieur le ministre, comment allez-vous lutter contre cette stratégie d’évitement, afin de recréer de la mixité sociale dans les établissements concernés ?

Mme Delphine Bagarry. Ma question, qui s’adresse à M. Blanquer, se veut gentiment provocatrice. La semaine de quatre jours et demi avait permis à la communauté enseignante, aux municipalités, aux associations d’éducation populaire, aux associations sportives et aux parents de réfléchir ensemble aux opportunités qu’offrait la mise en place des nouveaux rythmes scolaires en matière d’éducation. La prise en compte d’un temps extra‑scolaire a été considérée dans nos communes comme une véritable chance pour l’ouverture aux arts, à la culture, au sport, et a été l’occasion de réaffirmer la place d’autres éducateurs pour l’éducation à la citoyenneté, l’ouverture au monde et l’apprentissage du vivre ensemble.

Dans un département rural comme les Alpes-de-Haute-Provence, le passage à la semaine de quatre jours et demi, même s’il a été considéré comme injustement subi, a permis aux communes et aux communautés de communes de s’organiser très intelligemment pour permettre aux enfants de profiter au mieux de ces nouveaux temps éducatifs. C’était une véritable chance pour les familles précaires, nombreuses dans ce département qui est le mien, et où l’isolement géographique va souvent de pair avec l’isolement social.

Malheureusement, beaucoup de communes sont revenues en arrière, c’est-à-dire à la semaine de quatre jours, dont la mise en œuvre est jugée plus facile, moins contraignante, moins chère – alors même que certaines s’étaient engagées dans un projet éducatif territorial. Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que ce retour à la semaine de quatre jours, résultant d’une décision prise par les communes au titre de l’autonomie de décision dont elles disposent, augmente encore un peu la précarité de certains enfants, et croyez-vous que le « plan mercredi » atteindra nos campagnes les plus reculées ?

Mme Sophie Mette. Les difficultés d’accès aux soins sont nombreuses. Parmi les plus significatives, on compte l’absence de médecin référent, des problèmes dentaires souvent liés à la malnutrition ou à de mauvaises habitudes alimentaires, ainsi que, pour les adolescents, des problèmes d’ordre gynécologique et d’accès à la contraception.

Si les services sociaux, les missions locales et l’académie de mon département, la Gironde, trouvent que le Gouvernement commence à prendre les bonnes décisions et qu’il faut absolument maintenir les aides et le soutien aux élèves, beaucoup de situations demeurent problématiques et sans réponse. Pouvez-vous nous indiquer quel est votre plan d’action et quel travail interministériel vous avez l’intention d’engager pour offrir aux élèves les plus pauvres un accès à tous les soins, qui participera aussi à leur réussite ?

Mme Martine Wonner. L’éducation est un droit pour tous, quelle que soit l’origine de l’enfant. À l’heure actuelle, 15 000 enfants sont accueillis en Île-de-France au sein de centres d’hébergement d’urgence destinés aux familles ou dans des hôtels sociaux, la moitié de ces enfants ayant moins de trois ans. Deux tiers sont en insécurité alimentaire, et 11 % ne sont pas scolarisés. Ces enfants en situation de grande précarité chronique se trouvent dans une situation de souffrance psychique, car la précarité abîme le cerveau.

L’exclusion de la société et l’impact de l’insécurité familiale pour des parents non régularisés, depuis parfois plus de cinq ans, constituent des facteurs aggravants. Le coût de l’hébergement inadapté atteint 250 millions par an. Pensez-vous pouvoir favoriser, grâce à votre plan, une logique d’augmentation du nombre de logements pérennes et une politique de régularisation ?

M. Michel Larive. Lors de la conférence des territoires du 17 juillet dernier, le Président de la République nous avait promis qu’il n’y aurait plus de fermetures de classes dans les écoles primaires. Pourtant, sept postes vont se trouver supprimés en Ariège dans le premier degré à la rentrée prochaine, et ce sont trois ou quatre écoles qui ne rouvriront pas après l’été. Au-delà d’une énième promesse non tenue, c’est l’impact sur les élèves, notamment ceux qui sont issus de familles défavorisées, qui me préoccupe. Le fléau qu’est la pauvreté ne se résoudra pas en fermant les écoles et en réduisant les effectifs : au contraire, il ne fera que s’aggraver. Plus vous réduisez les effectifs d’enseignants, plus la prise en charge des écoliers est lacunaire et plus les inégalités s’accroissent, car elles ne peuvent être gommées par le travail des équipes pédagogiques – dont je souligne ici la qualité. Or, plus les inégalités sont fortes, plus on compte de cas de pauvreté et d’extrême pauvreté. La politique menée en REP et REP+ souffre d’une véritable pénurie d’enseignants. Vous avez doublé les postes pour ces dispositifs, mais vous avez oublié de doubler les effectifs : on déshabille Pierre pour habiller Paul !

En Ariège, une seule école est concernée par le dispositif REP ; toutes les autres ont des difficultés comparables, et ne disposent d’aucune solution pour y remédier. En disant ceci, je n’oppose pas l’urbain au rural, puisque les deux sont concernés dans mon département. Dans nos campagnes comme partout ailleurs, nous ne pouvons pas condamner nos écoliers à la « reproduction sociale » décrite par Bourdieu. Comment expliquez-vous l’incohérence du discours tenu par le Gouvernement qui, d’un côté, promet le dédoublement des postes en REP, et, de l’autre, impose l’abandon de certaines écoles rurales ?

Mme Albane Gaillot. Je renonce à prendre la parole, monsieur le président, ma question portant sur la visite médicale et l’accueil sanitaire ayant déjà été posée.

Mme Stéphanie Rist. Je voudrais revenir sur le bilan médical du dépistage des enfants à six ans. Si les pistes que vous avez évoquées pour que cet examen puisse être réalisé auprès de l’ensemble des enfants – notamment une meilleure coordination des services sanitaires et l’attractivité de la médecine scolaire – sont intéressantes, on sait que depuis 2015, les missions des infirmières et des médecins scolaires sont très cloisonnées. À l’heure des délégations de tâches, pensez-vous revenir sur la définition de ces missions ?

Mme Béatrice Piron. Ma question s’adresse à M. le ministre. En tant qu’ancien chef d’entreprise du secteur de l’aide à la personne, j’ai été confrontée aux problèmes de mobilité des salariés, en particulier des plus défavorisés d’entre eux. Pour aider ceux qui n’ont pas le permis de conduire, mon entreprise a investi dans des vélos électriques. Cependant, j’ai très vite découvert que plus de la moitié de mes salariés ne savait pas se servir d’un vélo. En travaillant avec des vélo-écoles, qui s’installent en tant qu’associations dans les quartiers défavorisés, nous essayons d’aider les adultes. Cependant, nous avons également découvert que beaucoup d’adolescents et d’enfants ne savent pas non plus utiliser un vélo. La Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) m’a indiqué que des discussions étaient en cours avec l’éducation nationale sur la nécessité de savoir faire du vélo avant l’entrée du collège. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Mme Fannette Charvier. Pour ma part, j’ai une question pour chaque ministre.

La première, qui s’adresse au ministre de l’éducation nationale, porte sur l’éducation prioritaire. Je salue la mesure de dédoublement des CP et je ne reviendrai pas ici sur les écoles orphelines. Cependant, la conception actuelle de l’éducation prioritaire entraîne des effets pervers, et je constate que des acteurs peuvent en arriver à souhaiter la ghettoïsation de certains établissements, afin de conserver la labellisation et les moyens qui l’accompagnent. Monsieur le ministre, comment garantir à la fois une meilleure mixité sociale et le maintien des moyens là où ils sont nécessaires pour lutter contre les inégalités ?

Par ailleurs, madame Buzyn, je partage les remarques de mes collègues sur le non‑recours, et nous devons tous prendre conscience de la difficulté qu’ont certaines personnes à remplir tel ou tel formulaire de demande de prestations, notamment celui de la CMU-C. L’attribution de certaines prestations – par exemple l’aide pour une complémentaire santé (ACS) – ayant été automatisée pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), n’est-il pas envisageable d’étendre ce principe d’automatisation à d’autres prestations et à d’autres catégories de population ?

M. Stéphane Testé. Je voudrais revenir brièvement sur les manques en médecine scolaire. Madame la ministre, vous avez évoqué en la matière des pistes à court terme pour la rentrée 2019. Pour ce qui est des solutions plus pérennes, la recommandation de l’Académie de médecine consistant à instaurer un enseignement universitaire de la médecine scolaire est‑elle une piste que vous envisagez d’explorer ?

Mme Sylvie Charrière. Monsieur le ministre, je salue la politique volontaire que vous avez l’intention de déployer pour le développement des internats. Outre qu’ils permettront de fournir aux jeunes des conditions matérielles améliorant la qualité de leur travail personnel, les internats peuvent également favoriser l’épanouissement personnel de jeunes qui, à défaut, n’ont bien souvent pas accès aux activités culturelles et sportives – car, résidant souvent dans des cités situées à la périphérie des villes, ils sont éloignés du cœur culturel de celles-ci.

Si certaines communes proposent des tarifs indexés au quotient familial, ces pratiques représentent un coût important. Par ailleurs, le manque de stimulation se traduit bien souvent par un manque d’appétence pour ces pratiques. La création d’un internat dans les villes dotées d’un collège classé REP ou REP+ pourrait grandement favoriser la mixité sociale, pallier les difficultés liées aux conditions de vie des jeunes, et ainsi rétablir l’égalité des chances entre tous les élèves. Ouvrir ces internats au monde associatif et culturel, mais aussi aux volontaires, pourrait également contribuer à l’épanouissement des jeunes des quartiers défavorisés. Monsieur le ministre, allez-vous inciter les collectivités territoriales à mener une politique plus volontariste, afin de développer les internats de proximité dans les quartiers défavorisés ?

Mme Sandrine Mörch. Je voudrais vous parler de deux anciens enfants pauvres, dont je m’occupais quand ils avaient cinq et dix ans, et qui sont aujourd’hui âgés de vingt et un et vingt-six ans. Pour cela, je vais vous livrer leurs témoignages, recueillis par texto.

La plus jeune des deux, Badra, nous dit : « On se sent seul, à l’écart des autres enfants. Souvent les professeurs nous négligent, car ils savent que nos parents ne peuvent rien faire. On est souvent regardé de haut, on est méprisé, et c’est souvent à cause de cela que l’on devient le perturbateur de la classe ». Badra en a bavé et en a fait voir à ses profs, mais elle a réussi à intégrer une section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), elle en est sortie, elle a eu le bac, et elle est maintenant titulaire d’un CDI. Autant vous dire que cette jeune fille, qui avait un formidable potentiel, est devenue une héroïne pour les chefs d’établissement et pour tout le quartier !

Pour son frère Abou, c’est un peu différent. Sorti de prison depuis une semaine, il m’écrit ces mots : « Être un enfant pauvre, c’est de là que tout commence, tu ne te sens pas comme les autres et c’est là où tu commences à faire des conneries. Tu n’es pas concentré, tu n’es pas bien et tu n’as pas envie d’étudier. Moi je me rappelle que je détestais l’école. Le matin, tout le monde achetait son croissant, et moi j’étais là et je n’avais rien. Les élèves arrivent à l’école avec des chaussures neuves et toi, tu n’as rien… Moi, je me souviens, la prof me parlait, je la regardais mais je n’écoutais même pas, j’étais loin dans ma tête. Et puis un jour, tu suis quelqu’un qui te propose un joint en te disant : “ Crois-moi, si tu fumes ça, tu vas tout oublier ”. Après, tu commences à voler pour avoir la même chose que les autres, tellement tu es mal dans ta peau. Et pour te faire remarquer des autres élèves, tu fais des conneries. » Abou, qui était un enfant adorable, l’est toujours malgré ses quatre ans de prison et le fait qu’il soit devenu un petit caïd.

Ces témoignages m’inspirent une question : ne pourrait-on pas imaginer une structure conçue comme un sas, où les enfants pauvres passeraient tous les jours juste avant l’école, afin de pouvoir, comme les autres, arriver avec un croissant ou un goûter, avoir de nouveaux vêtements quand les leurs sont trop usés, et parler de leurs problèmes d’enfants à des adultes – tout cela pour leur permettre de se fondre ensuite dans l’école comme les autres, et ne pas être enfermés dans leur statut d’enfants pauvres ? Ce sas existe-il déjà sous une forme ou une autre, à défaut peut-on concevoir de le créer, peut-être sous la forme de parents‑relais ?

Mme la ministre. La question de Mme Mette portant sur l’accès aux soins des enfants pauvres revient, finalement, à s’interroger sur le « reste à charge » zéro, puisque c’est le « reste à charge » qui est à l’origine du non-recours aux soins, surtout pour les lunettes et les soins dentaires – je ne parle pas des audioprothèses, qui concernent rarement les enfants. C’est une priorité du Gouvernement que d’aboutir vite dans ce domaine, car il est intolérable qu’un enfant ne puisse avoir des lunettes à sa vue – quand c’est le cas, cela participe à la déscolarisation – et je pense que nous devrions disposer d’un calendrier de mise en œuvre des mesures d’ici la fin du mois de mai.

Mme Wonner a évoqué les centres d’hébergement d’urgence et la souffrance psychique des enfants concernés. S’il est rarement traité, ce sujet n’en est pas moins important : ces enfants ont effectivement besoin, plus que les autres, d’un accès aux soins psychiques. Je travaille actuellement au renforcement des mesures en faveur de la psychiatrie, notamment de la pédopsychiatrie et des centres médico-psychologiques (CMP), afin que nous soyons en mesure de répondre à l’augmentation des besoins, car il n’est pas normal que des enfants qui en ont besoin ne puissent pas accéder à un pédopsychiatre. Dans ce domaine, je renforce la formation afin que nous puissions créer des postes, notamment de chefs de clinique. Par ailleurs, je prévois que tous les généralistes aient accès à un stage de psychiatrie au cours de leur formation, car ils sont en première ligne. Enfin, des mesures de pérennisation ou de préservation des budgets dédiés à la psychiatrie et à la pédopsychiatrie vont être prises.

Évoquant le bilan à six ans, Mme Rist m’a interrogée sur les délégations de tâches et la redéfinition des missions de la médecine scolaire. Qu’ils soient infirmiers ou médecins, les personnels de la médecine scolaire dépendent de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) et de l’éducation nationale et ne sont donc pas des personnels du ministère de la santé. Pour autant, je pense que nous devons nous efforcer, en lien avec les agences régionales de santé (ARS) et les recteurs, de mieux coordonner les actions de l’ensemble des personnels intervenant auprès des enfants, qu’ils soient médecins généralistes de proximité ou pratiquant au sein d’un centre de santé, médecins scolaires ou infirmières. Le service sanitaire a vocation à prendre part à un certain nombre de missions, et nous devons engager une concertation afin que chacun trouve la place qui lui revient. Nous rendrons service aux enfants en mettant fin au manque de coordination actuel, qui se traduit par un travail en silo et une perte d’information en ligne.

Remédier au non-recours aux droits évoqué par Mme Charvier est l’un des aspects essentiels du plan de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, et l’automatisation de l’attribution de certaines prestations est l’une des pistes sur lesquelles nous travaillons. Cela peut se faire via les services numériques, mais il ne faut pas que l’informatisation à outrance se révèle délétère pour les familles qui n’ont pas accès au numérique, c’est pourquoi nous devons également veiller à préserver un accueil humain, notamment au sein des caisses d’allocations familiales. Par conséquent, nous numérisons davantage mais, dans le même temps, nous prenons soin de préserver, dans tous les lieux, un accueil humain permettant un accompagnement au numérique, afin de faciliter le recours aux droits.

Pour ce qui est de l’enseignement universitaire de la médecine scolaire, je veux dire à M. Testé qu’une réflexion est en cours sur la formation en premier et deuxième cycles des études médicales. Beaucoup de compétences transversales ne sont pas acquises au cours de la formation médicale du deuxième cycle, car l’enseignement se fait encore en maintenant cloisonnées les différentes disciplines : c’est le cas de la médecine de coordination, du travail en équipe pluriprofessionnelle ou encore de la médecine scolaire, matières qui ne sont pas du tout enseignées aux étudiants. Nous pouvons mieux faire dans ces domaines, en adaptant la formation des médecins non seulement à la médecine par discipline, mais aussi aux besoins de santé au sens large – santé mentale et santé physique – de la population, car cette formation n’a pas été revue à l’aune des besoins.

Enfin, Mme Mörch nous a livré un témoignage sur le regard porté sur les enfants pauvres, en particulier lors de leur arrivée à l’école le matin. Dans ce domaine, nous devons avancer sur la question du petit-déjeuner, notamment parce que cela peut permettre de résoudre certaines difficultés liées à l’alimentation pour un certain nombre de familles. Jean‑Michel Blanquer aura des mesures à proposer dans ce domaine, mais je peux d’ores et déjà annoncer que nous envisageons effectivement un sas, qui pourrait être financé par l’État.

M. le ministre. Ce point est fondamental, et les initiatives prises en la matière, par exemple pour le petit-déjeuner, ont d’ores et déjà fait la preuve de leur efficacité. Pour autant, elles ne doivent pas aboutir à la déresponsabilisation des parents : il ne faudrait pas qu’à force de compenser des fonctions parentales non assumées par ceux à qui elles reviennent, nous finissions par passer de l’autre côté du cheval, si vous me permettez l’expression, et par être contre-productifs par rapport aux objectifs visés. En matière d’alimentation, de gros progrès restent à accomplir pour que tous les enfants se trouvent à égalité.

Je reviens à une question de Mme Dubois à laquelle je n’ai pas répondu précédemment, qui portait sur la formation des professeurs. Je suis tout à fait favorable à la formation des professeurs à l’accueil des élèves en situation de handicap et je considère, comme vous, que la formation de tous les professeurs ne peut qu’avoir un rôle positif dans la lutte contre les effets de la pauvreté, en s’inscrivant dans une logique d’école inclusive. J’ai souvent évoqué cette question avec Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, et je peux vous confirmer que, pour les élèves en situation de handicap, des initiatives seront prochainement prises pour que la formation des professeurs et des personnels chargés de l’accueil des élèves concernés soit renforcée – surtout celle des professeurs. En la matière, comme l’a montré une récente mission des inspections générales, l’exemple italien, qui propose une vision globale de l’école inclusive, passant par la formation des professeurs, est très intéressant. Comme vous, je suis favorable à une formation des professeurs commençant plus tôt dans leur parcours, et sans doute sera-t-il tenu compte de ce principe dans les prochaines évolutions de la formation des enseignants.

La question de M. Berta sur le dédoublement des classes et la pédagogie est très importante. Si nous sommes heureux des premières mesures de dédoublement qui ont été prises, force est de reconnaître que l’aspect quantitatif est nécessaire, mais rarement suffisant, et doit se doubler d’une approche qualitative. C’est ce que nous avons fait et, de ce point de vue, les premières mesures de dédoublement peuvent être vues comme l’avant-poste d’une politique plus générale pour le primaire. Le fait que ces mesures figurent dans notre projet « 100 % de réussite au CP » montre bien que tous les élèves de CP sont concernés par la dynamique pédagogique induite par le dédoublement, et pas seulement ceux bénéficiant de la politique d’éducation prioritaire, qui ne représentent que 20 % des élèves. Nous avons réuni en séminaire les inspecteurs de l’éducation nationale afin de leur présenter les outils nécessaires à la mise en œuvre de cette nouvelle politique, et avons déployé des actions de formation qui ont lieu en ce moment même. Par analogie avec le choc d’offre évoqué tout à l’heure, je dirai que j’attends du dédoublement qu’il produise un choc psychologique positif, et surtout des effets qualitatifs ; en tout état de cause, il me paraît tout à fait justifié de mentionner le rôle de la pédagogie lorsqu’on évoque le dédoublement des classes.

M. Vercamer a raison de dire que les phénomènes de ségrégation sociale ont tendance à s’aggraver, et que nous devons agir en faveur de la mixité sociale. Nous pouvons le faire au moyen de différentes stratégies, et certaines expérimentations récentes, qui se caractérisent par un réel volontarisme en la matière, semblent intéressantes et vont faire l’objet d’une évaluation, dont les conclusions nous permettront d’avancer. J’insiste sur le fait que la mixité sociale ne se décrète pas, elle se provoque et s’encourage, notamment grâce à des mesures visant à renforcer l’attractivité des établissements les plus défavorisés. Pour ma part, je plaide pour des projets éducatifs renforcés à destination de ces établissements – et, plus largement, de tous les établissements confrontés à des problèmes d’attractivité. C’est le sens du rétablissement des classes bilangues dans ces établissements, mais aussi des sections européennes et des classes de latin et de grec, qui doivent concerner en priorité les établissements qui ne sont pas privilégiés. La même logique, qui peut concerner également les lycées pour d’autres sujets, sera poursuivie pour faire progresser au maximum la mixité sociale, qui reste un objectif à poursuivre.

Même si je l’ai déjà fait à de multiples reprises, je vais à nouveau répondre au sujet des postes en milieu rural, afin de ne pas donner à M. Larive l’impression que je souhaite esquiver sa question. Je répète donc qu’il y a une volonté politique d’agir en faveur de l’enseignement en milieu rural. Pour ce qui est de l’Ariège, il y aura effectivement sept postes en moins pour la rentrée, mais ce sont au moins vingt postes qui devraient être supprimés si le nombre de postes variait en fonction des évolutions démographiques. Ce département, qui bénéficie de dédoublements, a été l’un des premiers à signer une convention ruralité. J’ai demandé au sénateur ariégeois Alain Duran, qui a rédigé en 2016 un rapport sur les conventions ruralité, de continuer à travailler sur cette question – je rappelle à cette occasion que la signature de chaque convention ruralité s’accompagne de la mise à disposition automatique de cinq postes. La ruralité est pour nous une priorité, y compris dans le cadre de la lutte contre la pauvreté – je pense que nous sommes d’accord sur ce point, et qu’il est un peu vain de se comporter comme si nous ne l’étions pas – et il ne reste en fait qu’à déterminer comment faire valoir en la matière nos préoccupations d’ordre qualitatif.

Mme Bagarry a fait de la semaine de quatre jours et demi une description qui peut correspondre à la réalité dans certains cas, mais ne saurait refléter la situation de toutes les communes de France. Je rappelle que seulement 40 % des élèves étaient inscrits aux activités périscolaires à la suite de la réforme ayant institué la semaine de quatre jours et demi, et j’estime excessif de considérer que les décisions prises en la matière par les collectivités territoriales étaient systématiquement dictées par des considérations d’ordre matériel, au détriment de l’intérêt des enfants : en réalité, les choses sont beaucoup plus complexes que cela.

Il ne me paraît pas souhaitable de plaider par principe pour la semaine de quatre jours ou pour la semaine de quatre jours et demi, car il a été démontré que la vraie question n’était pas là. Je me suis rendu récemment dans les Alpes-Maritimes où j’ai pu constater que, ayant été contrainte de passer à la semaine de quatre jours et demi, la ville de Nice avait dû renoncer à envoyer des enfants de milieux défavorisés à la montagne pour une somme modique : cette sortie, qui avait lieu le mercredi quand les enfants pouvaient partir dès le matin, ne pouvait plus être organisée en une après-midi – à l’inverse, il existe des exemples de situations qui se sont améliorées grâce au passage à la semaine de quatre jours et demi. Notre action doit être guidée par le pragmatisme : il faut garder quatre jours et demi là où cette solution est satisfaisante, et revenir à quatre jours là où cela vaut mieux, ce qui nous permettra de passer à autre chose. Vous m’avez demandé si le « plan mercredi » atteindrait les campagnes : je ne sais pas si ce sera le nouveau refrain en matière scolaire, mais je peux vous assurer qu’il s’agit là d’un objectif qui nous tient à cœur, et que nous poursuivrons en adoptant une vision départementale – ce qui rappelle les enjeux des conventions ruralité.

Pour ce qui est de la question des médecins et infirmières scolaires, soulevée par Mme Rist, il est exact que leurs missions sont actuellement définies de façon un peu cloisonnée. Nous évoquons régulièrement ce sujet avec les organisations représentatives, et je pense qu’il existe des pistes d’amélioration professionnelle pour tout le monde dans le nouveau contexte créé par la coopération renforcée avec le ministère de la santé. En la matière, Mme Buzyn et moi-même sommes très ouverts aux évolutions qui pourraient paraître souhaitables.

Madame Piron, je connais l’initiative dont vous avez parlé et la trouve excellente. L’apprentissage du vélo est à rapprocher de celui de la natation, même si les enjeux en termes de mobilité sont plus importants.

L’éducation prioritaire a fait l’objet de plusieurs questions. Mme Charrière a abordé un aspect très important, celui des effets contre-productifs que peut induire la définition de l’éducation prioritaire. De toute évidence, nous devons faire évoluer nos concepts. Cela renvoie à notre détermination en matière de mixité scolaire : il est tout de même paradoxal qu’un objectif d’éducation prioritaire puisse renforcer la non-mixité sociale !

Il faut concevoir l’éducation prioritaire comme une stimulation de la réussite plutôt que comme l’indemnisation d’une souffrance. Grâce à des moyens supplémentaires, nous pourrons accentuer la mixité sociale et une fois celle-ci réalisée, sortir de l’éducation prioritaire. Ce devrait être un but, et l’atteindre une joie. Or ce n’est pratiquement jamais le cas aujourd’hui. Tout cela est certainement plus facile à dire qu’à faire, mais c’est cette philosophie de l’éducation prioritaire – efficacité au service des plus défavorisés – qui doit nous guider et faire l’objet de discussions avec les interlocuteurs concernés.

Les internats sont un outil essentiel de la politique d’éducation prioritaire. Oui, nous sommes en contact avec les collectivités locales pour renforcer les actions et leur donner davantage d’ampleur au travers d’un plan « internats ». L’exemple de la Seine-Saint-Denis, où le conseil départemental mène une politique de développement d’établissements de proximité, est parlant. Leur attractivité se trouve réduite du fait qu’ils se trouvent trop proches géographiquement des familles. Nous soutenons donc la collectivité pour que les beaux internats qu’elle a construits ces dernières années soient réellement occupés et utilisés. L’enjeu qualitatif, une fois encore, l’emporte : un internat n’est pas seulement un lieu avec des lits, mais d’abord et avant tout un projet éducatif qui doit bénéficier aux familles, un élan, un objectif.

Mme Mörch a évoqué le « sas », qui est un autre enjeu de l’éducation prioritaire. Ce que l’on appelle parfois les maisons des parents pourraient remplir cet objectif social, en servant de pivot entre les administrations sociales et les administrations de l’éducation.

Mme la ministre. Dans ma réponse à Mme Wonner, j’ai omis de parler de l’hébergement d’urgence. Nous travaillons main dans la main avec le ministère de la cohésion des territoires au plan « logement d’abord » afin de privilégier la prise en compte du lieu de scolarisation des enfants dans les propositions d’hébergement.

C’est une réalité, le parc d’hébergements, pensé pour des hommes seuls, n’est pas adapté aux familles avec enfants. Je me rends ce soir avec Julien Denormandie dans un centre d’hébergement pour familles ; notre objectif est de faire en sorte que la présence d’un enfant dans la famille soit prise en compte et qu’elle conditionne la forme d’hébergement. La stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants implique que ceux-ci ne subissent plus une politique d’hébergement inadaptée.

Concernant la régularisation, j’estime que les familles résidant en France depuis de nombreuses années et souffrant d’un hébergement qui ne peut être pérenne faute de régularisation doivent voir leur dossier examiné au cas par cas par les préfectures. Il n’est pas envisagé de politique de régularisation large, mais on doit appliquer le cas par cas aux familles avec enfants présentes sur le territoire depuis longtemps.

Mme Cécile Rilhac. Le rapport Delahaye de 2015 sur la grande pauvreté et la réussite scolaire l'a clairement mis en avant : l’augmentation de la pauvreté des enfants est un fait marquant. Pourtant, on en parle peu et les mentalités n'évoluent pas. Un rapport de l'Unicef paru en 2016 affirme pourtant que la vie et l'avenir de millions d'enfants sont en péril. Le choix est clair : soit nous investissons pour qu'aucun enfant ne soit laissé pour compte, soit nous subirons les conséquences d'un monde bien plus divisé et injuste.

En France, la situation est d'autant plus préoccupante que l'origine sociale pèse très lourd sur les destins scolaires. Certes, l'école a une grande responsabilité dans ce constat, mais l'échec scolaire de trop nombreux enfants issus de familles pauvres et la relégation sociale qui en résulte sont les révélateurs des problèmes de l'ensemble de notre société. Dans une société en crise économique et sociale depuis quatre décennies, la question de l'appartenance à la communauté nationale et les enjeux identitaires prennent progressivement le pas sur les questions sociales. À ce niveau d'inégalités, il devient absurde de parler d'égalité des chances. C’est à l’égalité des droits qu'il faut travailler.

Ne peut-on pas envisager un plan d’envergure pour endiguer le phénomène de la pauvreté à l'école, en ayant la lucidité de s'attaquer au problème en amont, c'est-à-dire au traitement de la pauvreté des familles ? Je pense particulièrement aux minima sociaux.

M. Pascal Bois. Parallèlement au volontarisme dont font preuve les communes pour l’accès des enfants aux pratiques culturelles, artistiques et sportives dans le cadre des TAP, des dispositifs d'accompagnement éducatif ont été instaurés dans un certain nombre d'écoles. Il s’agit notamment d'études surveillées, assurées par des enseignants volontaires et des intervenants agréés. Ce dispositif est très majoritairement payant. Le montant, souvent forfaitaire, est perçu par les communes, qui prennent en charge les rémunérations des intervenants. Cette participation financière – 30 euros par mois dans ma commune – risque d'écarter ceux qui ont le plus besoin de ces dispositifs.

L'Éducation nationale pourrait-elle envisager de prendre intégralement en charge l'organisation de ce service éducatif ou d'accorder une dotation aux communes pour la prise en charge financière des familles les plus modestes – en tenant compte éventuellement du quotient familial ?

Mme Michèle Victory. Le temps nous étant compté, je ne reprendrai pas les chiffres assez terribles qui ont été donnés. Si nous arrivons à nous mettre d'accord sur le fait que l'État doit accorder plus à ceux qui ont moins, traduction du principe exigeant de solidarité, nous devons continuer d'utiliser les outils mis en place par les précédents gouvernements.

Je n'en évoquerai que deux : la réforme de l'allocation des moyens aux écoles et collèges de France, qui a permis de doter ces établissements en fonction non plus seulement du nombre d'élèves mais aussi des différences de situations économique, sociale et géographique. Avec le passage de quatre à quinze profils académiques, ce nouveau modèle croisant les critères sociaux et territoriaux, favorise une prise en compte plus fine des difficultés rencontrées par les équipes éducatives et les chefs d'établissement. Il permet aussi de décrire plus justement la diversité de nos écoles dans toutes les communes.

Le second outil est la carte de l'éducation prioritaire, qui, en favorisant les réseaux entre écoles, collèges et parfois lycées, tend à favoriser la continuité des apprentissages tout au long de la scolarité. Cette carte était devenue moins lisible : des moyens importants pouvaient être donnés à des établissements accueillant des publics plutôt favorisés tandis que des établissements en difficulté ne figuraient pas sur la carte. La réforme de l'éducation prioritaire conduite en 2013 a permis de déployer de nombreux REP et REP +. La nouvelle carte, effective depuis 2015, comprend 350 REP + et 739 REP. Il est primordial de réexaminer régulièrement cette carte afin de l’ajuster aux évolutions des territoires et des populations scolaires. Je souhaite savoir quel bilan le ministère a déjà pu faire de cette carte et comment il en prépare la révision, qui devrait intervenir en 2019.

Mme Agnès Thill. Nous voulons tous que l'école de la République lutte contre les inégalités et joue son rôle d'ascenseur social. Mais, on le sait, la réussite ne dépend pas que de l'école ; les inégalités en dehors de l'école influent largement sur le parcours des élèves. Je continue à croire que des chemins sont envisageables.

Madame la ministre, j’ai connu dans mon jeune temps les cuti à l’école ! Si nous ne pouvons avoir des médecins scolaires, pourrions-nous avoir des infirmiers scolaires, ne serait-ce que pour vérifier la vision des enfants ?

Monsieur le ministre, vous avez évoqué les internats de proximité ; pouvez-vous parler des internats en territoires ruraux ? Cela concerne des élèves qui doivent faire jusqu’à une heure de car pour se rendre au collège ou au lycée et qui se trouvent parfois dans un état de pauvreté économique et culturelle.

M. Brahim Hammouche. Notre réunion de ce matin s'est terminée par un appel à la multidisciplinarité et à l'ouverture de l'école aux travailleurs sociaux, notamment pour qu'ils interviennent auprès de nos jeunes en situation de précarité. Les enseignants ne sont pas forcément préparés à ce travail d'accompagnement social. D’ailleurs, dans une étude de l'OCDE, et dans le rapport Delahaye sur la pauvreté de mai 2015, ils se perçoivent comme les moins formés en Europe aux approches pratiques et aux savoir-faire, notamment.

Pourrions-nous ouvrir l'école à d'autres savoir-faire ? Une formation continue, un compagnonnage permettraient aux enseignants d’appréhender le comportement global de l’enfant, la pauvreté et le sentiment de honte qu’elle peut engendrer. C’est ainsi que nous pourrions éviter des situations explosives.

Mme Josiane Corneloup. Au regard des problèmes financiers, sociaux, de logement ou de santé que rencontrent les familles vivant dans la grande pauvreté, il est nécessaire de définir une stratégie. Vous l’avez souligné, il faut pour cela des partenariats entre collectivités locales – communes et départements – éducation nationale, CAF, bailleurs sociaux.

Vous avez évoqué le dispositif « mallette des parents » avec des temps de concertation entre enseignants et familles à la rentrée. Les parents des enfants en état de grande pauvreté, souvent des mères isolées, vivent reclus, sans contact avec l'extérieur ; ils ont perdu confiance et estime de soi et souffrent de la barrière de la langue. Lorsque l'on sait qu'un enfant qui entend à l'école des choses très différentes de ce qu'il entend à la maison ne rentre pas dans les apprentissages, ne faudrait-il pas, monsieur ministre, aller plus loin ? Pourquoi ne pas réunir très régulièrement enfants, parents et enseignants formés ? Ces temps spécifiques pourraient être ceux des devoirs, de façon à associer les parents à l'éducation de leurs enfants. Cela permettrait aussi aux enseignants de connaître la réalité des parents.

Mme Jeanine Dubié. Tous les territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains connaissent la pauvreté. Je voudrais revenir sur le sujet extrêmement sensible de l'accueil des enfants entre 2 et 3 ans, notamment en montagne, où il n'existe pas de dispositif d'accueil de la petite enfance. Est-ce encore, monsieur le ministre, une priorité de votre gouvernement ?

Je souhaite aussi vous demander quel sort vous réserverez au dispositif des « classes passerelles », pour l'accueil des enfants de moins de 3 ans, auquel les parents sont associés.

Mme Audrey Dufeu Schubert. J’associe à mon intervention ma collègue Emmanuelle Fontaine. Vous avez raison, monsieur le ministre, la mixité sociale ne se décrète pas, elle s’encourage. Lorsque l’on se plonge dans le rapport de l'INA de 1965 sur l'évaluation des premières classes mixtes, on constate que l’on craignait alors que cette mixité ne déconcentre les garçons ! Personne, aujourd’hui, n'oserait remettre en question l'intégration des filles dans les classes. L’enjeu pour notre société est de faire en sorte que dans dix, quinze ou vingt ans, tous puissent penser que la mixité sociale est effectivement une chance.

Emmanuelle Fontaine souhaitait relater l’exemple d'un collège de sa circonscription, qui compte 90 % d'enfants issus de l'immigration, en situation de grande précarité. Lorsqu’elle a demandé au corps enseignant comment cela se passait pour les 10 % restants, on lui a dit que cela pouvait parfois poser des soucis… dans la mesure où il s’agissait d’enfants en situation de handicap, rassemblés dans une classe ULIS (unité localisée pour l'inclusion scolaire). Il me semble essentiel de mener un travail sur l’inclusion de tous les publics.

M. Jean-Louis Bricout. On attend de plus en plus de l'Éducation nationale, certainement parce que l’on observe des lacunes en termes d’éducation et de responsabilité parentale. Quelle sera votre action dans ce domaine, notamment pour le soutien à la parentalité, un enjeu majeur dans les territoires les plus difficiles ?

Dans les REP + le dédoublement des classes de CP est une bonne chose, même si nous rencontrons des « effets de zone », certains villages, situés en bordure, ne bénéficiant pas du dispositif. Un lissage est-il prévu ? Les dispositifs « plus de maîtres que de classes » et « classes passerelles », qui semblent bien fonctionner, seront-ils maintenus ou abandonnés ? Ne mériteraient-ils pas d’être mieux évalués ?

M. Marc Delatte. Pour rester optimiste face aux déterminismes, rappelons que la pauvreté n'est pas héréditaire. L’école est un moyen de s’en sortir dans une société qui n’est pas normée, mais pensée. Vos actions vont donc dans le bon sens.

Monsieur le ministre, vous vous êtes rendu avec Françoise Nyssen à Charmes, un village de l’Aisne où nous conduisons un projet de réussite éducative, dans le cadre de la pratique musicale collective, chorale et instrumentale. Il y a dix ans, j'ai créé un orchestre à l'école de Crouy, près de Soissons : les enfants ont retrouvé estime de soi et confiance et ont gagné en autonomie et en indépendance. Quels moyens consacrez-vous à ces actions conjointes avec les associations, et à la formation des enseignants à ces pratiques ?

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Nul besoin de démontrer que la précarité a un impact très fort sur la santé, dans ses déclinaisons sociale, physique, psychique ou neuro‑cognitive. Je peux en attester, ayant été moi-même médecin scolaire pendant treize ans. J’ai travaillé à la promotion de la santé à l'école, en milieu rural, et me suis trouvée directement confrontée à ces enfants en difficulté qui sont au cœur de notre mission.

Nul besoin non plus de répéter combien cette profession souffre de son manque d’attractivité. Le service auquel j’appartenais comptait autrefois seize médecins ; il en reste sept !

Il peut être difficile pour un médecin scolaire de décliner une politique de santé à la fois ambitieuse et cohérente. Il n’est pas facile d'inclure l'ensemble des protagonistes impliqués dans l'éducation et la santé des enfants. Madame la ministre, monsieur le ministre, comment comptez-vous promouvoir une politique de santé cohérente à l’école ?

Enfin, la qualité de vie à l’école pose question et rend souvent paradoxaux les messages d’éducation à la santé : on promeut la santé bucco-dentaire à l’école, mais il n’est pas possible de s’y laver les dents ; on promeut l’hygiène à l’école, mais on ne peut s’y laver les mains.

Mme Françoise Dumas. Nous avons beaucoup parlé du manque de confiance et du sentiment d'exclusion, qui peut être parfois plus fort que l'exclusion elle-même. L’éveil au sensible, la pratique artistique dès le plus jeune âge, concourent à la confiance en soi, au développement des connaissances intellectuelles et sociales. Dans le cadre du plan « mercredi », comptez-vous réaffirmer cet axe fort ? Il s’agit d'intervenir dès le plus jeune âge pour réduire le plus tôt possible les inégalités et faire de l'éveil au sensible un préalable de l’apprentissage des fondamentaux.

Mme la ministre. Mme Rilhac m’a interrogée sur la pauvreté des familles et l’investissement financier. Je rappelle que le RSA représente un investissement de 10 milliards, avec un barème spécifique pour les familles, et la prime d’activité, un investissement de 5 milliards. Pour autant, nous ne sommes pas très satisfaits de nos politiques. Si la question financière est majeure dans la lutte contre la pauvreté, l’accompagnement global des familles en difficulté, auxquelles ils manquent des fondamentaux et des compétences, est nécessaire.

La stratégie de lutte contre la pauvreté consiste à trouver les leviers pour mobiliser les compétences et coordonner un accompagnement global. Je pense aux actions autour des crèches d’insertion, qui permettent aux familles monoparentales, surtout aux femmes, de retrouver un emploi.

L’aspect financier est certes important, mais il ne peut être l’alpha et l’oméga d’une politique de lutte contre la pauvreté des enfants. Il nous faut travailler au repérage des familles en difficulté, à des interventions très précoces, dès la PMI – avant ou juste après la naissance –, dans les crèches, puis à l’école. Notre stratégie est de mobiliser de façon précoce tous les leviers autour de l’enfant et pas un levier indépendamment d’un autre.

À ma connaissance, madame Thill, nous ne manquons pas d’infirmiers, mais essentiellement de médecins scolaires. Le manque d’attractivité de cette profession est peut‑être dû à une activité un peu routinière, avec des perspectives de carrière insuffisantes, comme l'a fait remarquer Mme Tamarelle-Verhaeghe. Nous devons nous concerter avec l’ensemble des professionnels pour voir comment rendre leurs métiers plus attractifs, comment créer du lien entre eux, entre le milieu scolaire et le milieu extrascolaire, avec les travailleurs sociaux, les centres de santé. Ce travail ne fait que débuter, mais nous avons tous conscience de l’enjeu qu’il revêt.

Fin mars, après avoir beaucoup travaillé sur la question, nous présenterons un nouveau service sanitaire. L’idée est de déléguer à des étudiants en santé des missions d’éducation à la santé ou des missions de santé publique aussi bien à l’école, que dans les EPHAD ou dans les entreprises. Il ne s’agira pas seulement d’envoyer de jeunes médecins et infirmiers faire la promotion de la santé. Ils interviendront à partir d’objectifs bien définis, avec des outils pédagogiques. Le rôle de ce service sanitaire haut de gamme au sein de l’école pourra être valorisé dans le cadre des conventions entre ARS et rectorats. Le travail de mise en cohérence des acteurs de santé autour de l’école et des enfants ne fait que commencer.

C’est vrai, madame Tamarelle, il y a des paradoxes, comme l’absence de lavabos à l’école. Pour cela, il faut se tourner vers le ministre…

Monsieur Bricout, le soutien à la parentalité est un axe prioritaire de l’intervention des CAF. Ce sujet a été identifié depuis de nombreuses années, mais on constate une aggravation de la perte de confiance des parents dans leur capacité à éduquer. Il s’agit d’un problème majeur de société, avec des parents qui semblent très démunis.

M. le ministre. Je n’interviendrai qu’en complément des propos d’Agnès Buzyn, puisque nous sommes en plein accord sur l’ensemble des sujets.

M. Bois m’a interrogé sur les études surveillées, un sujet qui fait partie de l’aide éducative. La mesure « devoirs faits », qui s’applique au collège, a vocation à se déployer vers l’école primaire, mais avec subtilité, puisqu’elle ne doit pas écraser les dispositifs existants. Il ne s’agit pas de désavouer ou de déresponsabiliser les acteurs qui mènent des projets très intéressants. Il est certain qu’il faut additionner et articuler les initiatives et non les mettre en concurrence, le tout dans un esprit de lutte contre les inégalités sociales. Obtenir la gratuité là où elle n’existe pas peut constituer un objectif.

Je veux souligner, à l’attention de Mme Victory, qu’il y a une continuité dans les politiques publiques, ce qui est éminemment souhaitable en matière de lutte contre les inégalités. On insiste évidemment beaucoup sur les nouvelles mesures, mais elles ne doivent pas faire oublier que nous approfondissons d’autres actions.

Ainsi, les contrats ruraux, institués sous le quinquennat précédent, continuent de se déployer, en nombre comme en qualité. La politique de lutte contre le décrochage scolaire, qui a commencé autour de 2010, sera poursuivie et approfondie dans le quinquennat actuel. Elle donne ses premiers fruits, puisque l’on est passé de 120 000 à 100 000 décrocheurs.

La réforme de l’allocation des moyens appelle une certaine subtilité. La philosophie de l’éducation prioritaire est de donner plus à ceux qui ont besoin de plus. Le fait d’être passé à quinze critères est une chose que nous garderons, quitte à faire évoluer le cadre dans le même état d’esprit. J’estime aussi qu’il ne faut pas avoir une vision figée de la carte de l’éducation prioritaire. Celle-ci doit être dynamique. Comme prévu, elle sera revue à la rentrée 2019 ; les évolutions ne sont pas encore définies et feront l’objet de débats et de nombreuses concertations.

La question de Mme Thill sur les internats ruraux me donne l’occasion de compléter ce que j’ai déjà pu dire. Ils sont les premiers visés dans cette politique, preuve s’il en est que nous prenons en considération la ruralité. Aujourd’hui, plus de 20 000 lits restent vacants. Nous devons mener une politique de revitalisation rurale, en renforçant le lien ville‑campagne. J’y suis pleinement engagé. Je donne souvent l’exemple du collège de Marciac, dans le Gers, qui comptait 80 élèves dans les années 1970 et était probablement voué à disparaître. Le festival de jazz, créé par le principal du collège, d'ailleurs devenu maire de la commune, est un succès mondial, qui a profité à l’établissement, qui accueille désormais 220 élèves venus de tous les horizons et qui comporte une section musique et un internat rural. Les élèves y viennent de partout. C’est un magnifique exemple de la dynamique culturelle et des logiques de projets que nous devons développer.

Monsieur Hammouche, je suis d’accord avec vous sur la multidisciplinarité. Nous l’avons illustré cet après-midi avec Agnès Buzyn : nous allons essayer de faire en sorte que nos moyens humains et matériels soient mieux articulés, plus cohérents et soient parfois également disponibles dans des lieux communs, afin d’être plus efficaces au service de la lutte contre les inégalités.

Madame Corneloup, la « mallette des parents » a effectivement vocation à évoluer. Nous approfondissons et modifions actuellement le dispositif. Cela fait partie de ce dont nous pouvons discuter dans les mois à venir : il n’est pas impossible qu’à certains moments, les réunions ne soient pas seulement des réunions parents-professeurs, mais parents-élèves-professeurs. C’est un triangle fondamental et cela va dans le sens des messages que nous voulons faire passer en termes d’aide à la parentalité.

Un des mots-clés de cette audition est clairement le soutien à la parentalité, comme l’a dit à plusieurs reprises Agnès Buzyn et comme le suggérait M. Bricout, qui m’a par ailleurs interrogé sur les éventuels effets de contraste entre le dédoublement dans certaines écoles et l’absence de dispositifs dans d’autres. Il s’agit d’une politique de long terme, mais, encore une fois, notre politique est volontariste pour le monde rural.

Le dédoublement entraîne également une évolution de nos perceptions : le taux d’encadrement doit être d’autant plus favorable que les enfants sont jeunes. Vous le constaterez dans le futur, dans notre manière de concevoir nos dotations aux écoles.

Madame Dubié, il n’y aura pas de rupture dans le dispositif des classes passerelles pour les moins de trois ans. Nous sommes dans une logique très pragmatique. C’est le message transmis aux inspecteurs de l’Éducation nationale : ils ont les moyens de cette politique de scolarisation dès deux ans. Il ne s’agit pas de le faire coûte que coûte, mais uniquement chaque fois que l’on considère que cela remplit un objectif de lutte contre les inégalités sociales.

Je terminerai par les lavabos, c’est une façon comme une autre de conclure.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. On parle souvent de santé et d’éducation à la santé, mais cela doit avoir du sens car, sinon, il vaut mieux ne rien faire. Si vous en êtes d’accord, je souhaiterais porter une mission sur la cohérence de nos actions en la matière.

M. Jean-Michel Blanquer. Ce sujet des toilettes dans les établissements scolaires peut porter à sourire, mais il est fondamental et très sérieux. Cela relève des compétences des collectivités territoriales, mais nous devons y prêter une attention soutenue dans le cadre de cette vision globale et cohérente dont nous voulons disposer sur la santé à l’école, le bien être des élèves, l’égalité garçons-filles, et, en réalité sur tous ces sujets de vie quotidienne, jusqu’à la lutte contre le décrochage scolaire. Nous y travaillerons en lien avec les collectivités locales.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous remercie infiniment, ainsi que tous les commissaires des affaires culturelles et des affaires sociales qui sont là depuis ce matin. Nous reproduirons ce format de réunion, très intéressant. Il s’agissait d’une première : nous avons organisé les tables rondes le matin, puis les auditions des ministres l’après-midi. J’ai l’impression que cela a parfois changé le contenu des demandes des commissaires aux ministres.

Nous avons entendu beaucoup de questions autour de la prévention sanitaire chez les jeunes. Je tenais à vous informer que la commission des affaires sociales lance à ce propos une mission d’information, qui débutera ses travaux en mars. Je proposerai aux rapporteurs de cette mission d’ouvrir leurs auditions aux commissaires des affaires culturelles.

M. le président Bruno Studer. Je vous remercie, madame la présidente, ainsi que Mme et M. les ministres.

 

La séance est levée à dix-neuf heures.

————

 


Présences en réunion

Réunion du mercredi 7 février 2018 à 16 heures 15

Présents.  Mme Emmanuelle Anthoine, M. Gabriel Attal, Mme Géraldine Bannier, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Pascal Bois, M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Céline Calvez, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, Mme Fabienne Colboc, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Frédérique Dumas, Mme Nadia Essayan, M. Grégory Galbadon, M. Laurent Garcia, M. Raphaël Gérard, M. Yannick Kerlogot, Mme Anne-Christine Lang, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Josette Manin, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, Mme George Pau-Langevin, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Piron, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Pierre-Alain Raphan, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, Mme Cécile Rilhac, Mme Stéphanie Rist, M. Cédric Roussel, Mme Sabine Rubin, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, Mme Agnès Thill, Mme Michèle Victory

 

Excusés. M. Jean-Félix Acquaviva, M. Stéphane Claireaux, M. Alexandre Freschi, Mme Annie Genevard, Mme Cécile Muschotti, Mme Marie-Pierre Rixain

 

Assistaient également à la réunion. Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Bricout, Mme Elsa Faucillon, Mme Isabelle Florennes, M. Mansour Kamardine