Compte rendu

Commission
des affaires économiques

– Examen pour avis, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement (n° 155) (Mme Célia de Lavergne, rapporteure pour avis)              2

– Informations relatives à la commission...................10


Mardi 21 novembre 2017

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 22

session ordinaire de 2017-2018

Présidence
de M. Roland Lescure,
Président,
 


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La commission a procédé à l’examen pour avis, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement (n° 155) (Mme Célia de Lavergne, rapporteure pour avis)

M. le président Roland Lescure. Chers collègues, la commission mixte paritaire (CMP) qui s’est réunie ce matin au Sénat n’est pas parvenue à un accord sur le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement. Nous examinons donc, en nouvelle lecture, ceux des articles restant en discussion pour lesquels la commission du développement durable, saisie au fond, nous a donné délégation : les articles 4, 5 bis A, 5 bis, 5 ter A et 5 ter.

Si la plupart des 46 amendements déposés sont rédactionnels, trois ou quatre d’entre eux se prêteront à une discussion plus approfondie. En application de la procédure de la délégation, les amendements que nous adopterons seront repris en l’état par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure pour avis. Chers collègues, l’Assemblée nationale a examiné ce projet de loi, en première lecture, les 3 et 4 octobre. Le Sénat l’a pour sa part examiné les 7 et 8 novembre derniers. Si nous sommes réunis cet après-midi, c’est en raison de l’échec de la commission mixte paritaire réunie ce matin. Mon collègue Jean‑Charles Colas-Roy, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, et moi-même, appelions pourtant un accord de nos vœux. Si le Sénat a su apporter des améliorations au texte lors de sa première lecture, il a, dans l’ensemble, soutenu une vision passéiste et rétrograde de ce que doivent être la transition énergétique et l’avenir de nos sites industriels. Ce projet de loi ambitieux et responsable avait pourtant trouvé dans notre assemblée un équilibre, portant l’ambition d’un texte fort, symbolique et engageant pour la France en matière de lutte contre le dérèglement climatique, tout en veillant à préserver nos territoires, nos entreprises et les sites industriels concernés et à les inscrire dans une vision d’avenir de la transition écologique et solidaire.

Nos débats en commission des affaires économiques porteront uniquement sur les articles restant en discussion, pour lesquels nous avons une délégation au fond. Avant de les aborder plus spécifiquement, laissez-moi vous donner un aperçu des modifications du texte dans son ensemble, puisque nous l’avions examiné pour avis, en première lecture, sur l’ensemble des articles. Adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées, les trois articles 2 bis, 5 et 8 ne sont plus en discussion. Le Sénat a apporté au texte adopté par l’Assemblée nationale des modifications importantes et a introduit plusieurs articles nouveaux. Parmi ces initiatives, il faut saluer certaines avancées – je pense aux articles 3 bis, 7 bis A, 7 ter et 10. Toutefois, certaines autres dispositions qu’il a adoptées limitent considérablement la portée de la loi et expliquent que la commission mixte paritaire, qui se tenait ce matin même au Sénat, n’ait pas pu aboutir.

Le Sénat a notamment introduit une série de dérogations à l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures, notamment une disposition prévoyant que les hydrocarbures liquides ou gazeux destinés à un usage non énergétique ne seront pas concernés par cette interdiction. Outre le fait qu’il semble difficile de s’assurer, en délivrant un permis, de l’usage qui sera fait des produits extraits, cette disposition contrevient à l’esprit du projet de loi, qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le cinquième rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est très clair : il est nécessaire de renoncer à l’exploitation d’au minimum 80 % des ressources d’hydrocarbures pour limiter la hausse de la température à deux degrés à l’échelle mondiale, et ce quel que soit l’usage de ces hydrocarbures. Le Sénat veut nous faire croire que les usages non énergétiques ne seraient pas polluants. Or le raffinage et la pétrochimie comptent pour près de 3 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle européenne et 23 % des émissions issues de l’industrie.

Le projet de loi que nous examinons doit être ambitieux, à la hauteur du défi posé par le réchauffement climatique auquel nous sommes aujourd’hui confrontés. Le 6 décembre 2015, lors de la COP21, le Sénat avait signé la résolution de l’Union interparlementaire, et y siégeaient 247 des 348 sénateurs actuels. Devant le monde entier, ils avaient alors « réaffirm[é] avec force [leur] préoccupation sur les conséquences du changement climatique et [leur] volonté d’en tenir compte dans les lois nationales et les forums parlementaires régionaux ». La position du Sénat est donc incompréhensible. Il nous reviendra aujourd’hui en commission des affaires économiques, demain en commission du développement durable, la semaine prochaine dans l’hémicycle, de rétablir l’ambition initiale du texte et d’assumer pleinement la responsabilité que nous avons vis-à-vis de la planète et vis-à-vis de nos enfants.

Un dernier mot sur les usages non énergétiques. Le caractère progressif de la sortie de l’exploitation des hydrocarbures à l’horizon 2040 doit permettre d’accompagner les entreprises et les territoires dans leur reconversion. Certes, aujourd’hui, les hydrocarbures sont utilisés dans des domaines dans lesquels les alternatives propres et économiquement viables ne sont pas encore toutes mises sur le marché, mais cela ne doit nous conduire ni à réduire la portée de la loi, ni à affaiblir le signal que nous envoyons à tous les autres États. Il est possible et nécessaire de soutenir et d’accélérer la recherche, publique et privée, le transfert de technologies, la mise sur le marché de produits plus vertueux, ainsi que le déploiement à grande échelle d’alternatives aux usages actuels des hydrocarbures. Comme l’a rappelé le ministre d’État Nicolas Hulot lors de l’examen du texte à l’Assemblée, « la contrainte n’est pas l’ennemie de l’innovation, elle en est bien souvent la condition ».

Ce projet de loi fera donc l’objet d’une nouvelle lecture dans chacune des deux chambres au cours des prochaines semaines.

Nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner les articles pour lesquels la commission des affaires économiques a reçu une délégation au fond. J’ai déposé plusieurs amendements pour revenir, sur certains points, à la rédaction adoptée par l’Assemblée en première lecture ou pour trouver une troisième voie entre les dispositions adoptées par l’Assemblée et celles adoptées par le Sénat.

L’article 4, relatif au stockage de gaz, a été largement modifié au Sénat, qui a intégré, dans le corps de l’article, le contenu du projet d’ordonnance qui faisait l’objet d’une concertation entre les différents acteurs depuis l’été. Si le Sénat a pu le faire, c’est parce que la concertation avec les acteurs gaziers a bien avancé entre le début du mois d’octobre et le début du mois de novembre, parallèlement à l’examen parlementaire du projet de loi
– plusieurs points techniques sont encore en discussion et renvoyés à des textes réglementaires. Dès lors, je suis favorable à l’idée de conserver cette nouvelle rédaction de l’article 4. Elle nous fait gagner du temps et nous assure que la réforme sera en place pour l’hiver 2018-2019, ce que notre commission appelle de ses vœux. La CMP n’ayant pu aboutir, le calendrier de la procédure accélérée étant fragilisé et le travail de concertation ayant bien avancé, il est préférable de conserver cette nouvelle rédaction.

L’article 5 porte sur la rémunération, par les gestionnaires de réseaux, des fournisseurs pour leurs prestations de gestion des clients en contrat unique. Je me félicite de l’adoption conforme de cet article, qui ne fait donc plus l’objet de discussions. Il permettra de sécuriser le dispositif du contrat unique. Confier à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) la définition des montants et niveaux de rémunération assurera une concurrence non biaisée entre fournisseurs, dans l’intérêt du consommateur d’énergie.

L’article 5 bis A confère à la CRE un pouvoir d’approbation des modèles de contrats d’accès aux réseaux conclus entre les gestionnaires de réseaux et les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel. Le Sénat n’a adopté qu’un amendement de précision technique. Cet article ne pose pas de difficulté.

L’article 5 bis porte sur l’éolien offshore. Le raccordement des éoliennes en mer ne sera plus, financièrement, à la charge du producteur mais sera réalisé par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité (RTE) sur ses propres fonds. Son coût sera couvert par le tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE). En première lecture, le Sénat a étendu à la partie terrestre du raccordement le régime d’indemnisation des producteurs d’énergie marine renouvelable, initialement prévu pour les avaries ou dysfonctionnements pouvant intervenir sur la seule liaison sous-marine de raccordement. Si cette modification renforce la portée de la réforme et contribue à la libération du potentiel de l’éolien offshore, elle introduit en revanche une insécurité juridique en raison de l’emploi de l’expression de « réseaux d’évacuation », applicable au raccordement de droit commun des sites de production terrestres. Créant donc deux régimes d’indemnisation possibles pour un même objet, elle serait source d’insécurité juridique. J’ai donc déposé un amendement pour y remédier, tout en renforçant les garanties apportées aux producteurs.

L’article 5 ter A est issu d’un amendement voté par notre commission en première lecture pour sécuriser juridiquement un nouveau schéma de distribution de l’électricité qui s’est développé dans certains immeubles depuis quelques années : un unique compteur est installé pour tout l’immeuble et un réseau intérieur, n’appartenant pas au réseau public de distribution d’électricité, achemine l’électricité à tous les occupants. Le Sénat a adopté une disposition qui restreint encore davantage la notion de réseau intérieur en la circonscrivant aux immeubles de bureaux – nous avions retenu la notion plus large de « bâtiments à usage tertiaire ». J’ai déposé un amendement qui, sans fragiliser le monopole de la distribution publique d’électricité, revient à la rédaction de l’Assemblée pour prendre en compte le fait que les bâtiments actuellement construits sont de moins en moins à mono-usage et peuvent être affectés simultanément à différentes activités du secteur tertiaire.

L’article 5 ter porte sur l’obligation, pour les fournisseurs, de faire figurer dans les offres de fourniture les proportions de gaz naturel et de biométhane dans le gaz proposé. Le Sénat a adopté une disposition prévoyant que l’information sur la proportion de biométhane dans le gaz proposé ne figurera que dans le cadre des offres dites « vertes » et non dans toutes les offres. Dans un souci de transparence, il semble souhaitable d’informer tous les consommateurs, et non uniquement ceux qui souscrivent volontairement une offre verte, de la part de biométhane contenue dans le gaz qu’ils consomment. J’ai déposé un amendement en ce sens.

Ce projet de loi sera discuté demain en commission du développement durable, et probablement le 29 novembre en séance publique.

Monsieur le président, chers collègues, votre rapporteure et le rapporteur de la commission du développement durable ont toujours abordé et continueront d’aborder ce texte dans un esprit de co-construction et d’ambition progressiste.

Mme Huguette Tiegna. Monsieur le président, chers collègues, nous nous réunissons une nouvelle fois en commission pour examiner un des textes importants de ce début de quinquennat, qui met fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et porte également plusieurs dispositions relatives à l’énergie. Notre pays a toujours été à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique. Il est donc légitime que la France soit le premier pays à se montrer exemplaire en la matière. Le 10 octobre dernier, nous étions fiers des travaux menés au sein de cette assemblée, qui avaient permis d’aboutir à un texte ambitieux et équilibré grâce à l’adoption de 15 amendements en commission et 61 en séance publique. L’examen du texte au Sénat a entraîné d’importantes évolutions, dont de nombreuses dérogations à l’interdiction d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures, notamment pour l’outre-mer, la recherche publique et les usages non énergétiques.

La réunion de la commission mixte paritaire de ce matin n’a pas permis de trouver un accord sur les articles restant en discussion. Je le regrette profondément. Il est important que nous trouvions des compromis et que nos deux assemblées puissent avancer ensemble.

Le Sénat avait néanmoins beaucoup trop affaibli le texte, et des compromis révisant à la baisse les ambitions de ce projet de loi n’étaient pas possibles. Il est de notre devoir de faire perdurer l’esprit de ce texte et de réaffirmer les objectifs que nous nous sommes fixés au cours de son examen en première lecture.

Notre commission est donc saisie au fond sur cinq articles.

L’article 4 est relatif au stockage souterrain de gaz naturel : cette réforme est utile et nécessaire pour anticiper l’hiver 2018-2019. L’article 5 bis A, introduit par notre rapporteure en séance publique, vise à sécuriser le cadre juridique d’adoption des contrats d’accès aux réseaux et leur transmission à la CRE. L’article 5 bis est très important, puisqu’il facilite le raccordement des éoliennes en mer. Notre pays est très en retard dans ce domaine, alors que nos voisins, notamment le Royaume-Uni, comptent déjà de nombreuses éoliennes offshore ; cette disposition permettra donc de faciliter leur développement. L’article 5 ter A sécurise juridiquement le nouveau schéma de distribution d’électricité et les réseaux intérieurs de bâtiments. Enfin, l’article 5 ter a trait à l’information sur les proportions respectives de biométhane et de gaz naturel dans les offres de fourniture.

Si le Sénat a, dans sa globalité, respecté l’esprit de ces articles, je proposerai au nom du groupe La République en Marche, deux amendements aux articles 5 bis et 5 ter A afin de renforcer juridiquement les dispositifs et de revenir à la rédaction adoptée à l’Assemblée nationale en première lecture.

Mes chers collègues, nos ressources énergétiques de demain ne sont rien d’autres que le vent, l’eau et le soleil. Nos outils de production électrique seront notamment les éoliennes, la méthanisation, la géothermie, les barrages et les panneaux photovoltaïques. Ce changement sera source de création de nouvelles mobilités, tels les véhicules électriques et hydrogènes, mais également de nouveaux et nombreux emplois, notamment dans les territoires ruraux.

Ce projet de loi interroge la société : que souhaitons-nous pour demain ? Il permet d’envoyer un signal fort, celui d’une France qui prend ses responsabilités. Notre groupe est entièrement mobilisé pour accompagner le Gouvernement dans cette nécessaire transition énergétique.

M. Fabien Di Filippo. Monsieur le président, chers collègues, en première lecture, nous avions dénoncé en cette réforme mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures uniquement en France à la fois un non-sens écologique et un affaiblissement économique. C’est un affaiblissement économique car cela nous poussera, pour 1 % de notre consommation, à augmenter nos importations, cela affectera directement ou indirectement 7 000 emplois et cela provoquera des difficultés supplémentaires pour nos territoires, notamment ceux qui souffrent déjà beaucoup. C’est aussi un non-sens écologique, puisque ce faible pourcentage d’énergie fossile produite en France est celui qui pollue le moins : une tonne de pétrole produite en France produit trois fois moins de dioxyde de carbone qu’une tonne de pétrole importée. Nous voulions plutôt, pour notre part, rompre avec cette politique d’affichage et avec cette conception punitive de l’écologie, au profit d’une écologie du progrès.

Tout en combattant ce texte, dont le principe – l’interdiction de la production d’hydrocarbures en 2040 – n’a pas été remis en cause par le Sénat, nous soutenons les améliorations introduites par nos collègues sénateurs, qui en réduisent la portée. Je pense notamment à l’autorisation de la recherche à but de connaissance scientifique, à la non‑rétroactivité pour les demandes en cours d’instruction, à la notion de rémunération normale dans le cadre d’une concession issue du droit de suite, ou à la prise en compte du point de départ réel d’une prolongation de permis. Quel que soit l’effort fait pour définir des conditions de délivrance de concessions issues du droit de suite pour une durée allant au-delà de 2040, aucune notion économique ne paraît satisfaisante pour étayer cette extension, car le vrai problème est d’y fixer un terme alors que le projet de loi initial n’en comportait pas. L’idée même d’un « butoir » au droit de suite est une atteinte aux droits des demandeurs d’une concession et aux règles actuelles du code minier, que nous dénonçons.

Les articles 4 et 5 ne sont pas ceux qui posent le plus de problèmes. En ce qui concerne l’article 4, je note avec satisfaction que vous acceptez la transposition directe des dispositions qui devaient être prises par ordonnance. Le rôle du Parlement en sortira, une fois n’est pas coutume depuis le début de cette législature, un peu grandi. Quant à l’article 5, nous serons vigilants sur les conséquences de certains alinéas en termes de prix payé pour le consommateur que nous ne souhaitons voir sous aucun prétexte augmenter.

Telle est la position du groupe Les Républicains.

M. Paul Christophe. Notre groupe n’est pas surpris de l’échec de la commission mixte paritaire. Certains ajouts effectués par le Sénat allaient effectivement dans un sens opposé à celui fixé par le Gouvernement. Cependant, le travail du Sénat sur les articles 4 à 5 ter, qui nous occupent, a plutôt été constructif.

Aussi me limiterai-je à deux remarques. Concernant l’article 5 bis et le raccordement des énergies marines renouvelables, il y a eu en première lecture une sorte de consensus. Cette réforme prévoit que les coûts de raccordement aux installations d’énergie renouvelable en mer seront supportés non plus par le producteur, mais par RTE via le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE). Au Sénat, la rapporteure, bien que favorable au texte, a soulevé le risque de censure par le Conseil constitutionnel de cette mesure, qui pourrait être considérée comme un cavalier législatif. J’aimerais connaître l’analyse de notre propre rapporteure sur ce point. J’y serai particulièrement vigilant, puisque le nouveau régime devrait s’applique à compter de l’appel d’offres en cours pour l’implantation d’éoliennes au large de Dunkerque, territoire que je connais bien.

Sur l’article 4, le Sénat a fait le choix d’inscrire directement dans la loi le paquet de mesures sur le gaz naturel que le Gouvernement avait prévu de prendre par ordonnance. C’est une bonne chose, l’objectif étant de parvenir à une application au plus vite, pour l’hiver prochain. Il faut cependant que cet article 4 reflète bien les mesures mises sur la table depuis 2014, lors de la concertation avec les acteurs du secteur gazier. Cela semble être le cas pour le point central de la réforme, à savoir la mise aux enchères des capacités de stockage. J’observe que trois habilitations à légiférer subsistent à propos de l’approvisionnement gazier, dont l’une n’est pas négligeable, qui concerne le délestage. Je souscris aussi, Madame la rapporteure, à vos propositions d’amendement, visant à sécuriser juridiquement le nouveau dispositif.

Enfin, même si cela concerne l’article 6, je me réjouis de l’adoption – le Gouvernement s’en étant remis à la sagesse du Parlement – d’un amendement visant à ce que les critères de durabilité appliqués aux biocarburants importés soient plus sévères. J’avais déposé un amendement similaire en première lecture, et j’espère que cette mesure sera confirmée en nouvelle lecture.

Mme Delphine Batho. Le Sénat a certes apporté des améliorations d’ordre technique au projet de loi, mais il l’a surtout dénaturé, adoptant une position complètement anachronique, partagée par le groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale. Le groupe Nouvelle Gauche le regrette, compte tenu de la gravité de l’interpellation lancée par 15 000 scientifiques lors de la COP23 la semaine dernière. Le Sénat semble d’accord avec l’objectif lointain que fixe le projet de loi, mais considère que l’on peut interdire l’exploitation et la recherche de pétrole partout sauf là où il y en a, et sauf quand les compagnies pétrolières le demandent ! C’est pourquoi l’échec de la CMP nous rassure.

Je salue le travail de notre rapporteure pour avis, et approuve les amendements que nous nous apprêtons à examiner, même si nous avons toujours la même réserve concernant les réseaux intérieurs de distribution. Je me félicite en particulier que la rapporteure pour avis ait déposé un amendement identique au nôtre afin de rétablir l’obligation, pour les fournisseurs de gaz, d’indiquer la part de biométhane que comporte leur offre. S’agissant des autres dispositions du texte, je pense que le débat aura lieu de façon plus approfondie demain, en commission du développement durable.

Mme la rapporteure pour avis. L’échec de la CMP s’explique par un affrontement entre deux visions divergentes. On ne peut, selon moi, vouloir la transition énergétique « à condition que mon territoire, mon entreprise ou le fond de mon jardin soit préservé ». Contrairement à ceux qui voudraient que les choses continuent à fonctionner comme avant, notre majorité essaie d’aller de l’avant en se fixant des objectifs ambitieux mais réalistes. La loi vise l’horizon 2040. Elle laisse donc vingt-deux années à nos entreprises, à nos territoires et à la collectivité nationale pour trouver des solutions conformes à nos ambitions en matière de transition énergétique – des ambitions nécessaires pour la France et pour la planète.

Quant à savoir si l’article 5 bis est un cavalier législatif, le titre même du texte et la nature des articles que nous avions adoptés dès le début de nos travaux en commission nous permettent tout à fait de faire figurer dans la loi la disposition évoquée.

M. Philippe Bolo. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés souscrit entièrement à ce projet de loi, qui fait de la France le premier pays au monde à interdire la recherche et l’exploitation des hydrocarbures sur son territoire. Dans le contexte de la COP23, nous sommes face à un texte essentiel qui place la France au premier rang dans le combat contre le réchauffement climatique. Je me réjouis que le riche débat qui a eu lieu en première lecture à l’Assemblée nationale ait permis de compléter le texte gouvernemental. Plusieurs amendements structurants ont été adoptés, prévoyant notamment la reconversion des sites et le développement d’autres énergies comme la géothermie ou l’hydrogène. Ces amendements permettent, d’une part, d’accompagner le changement pour les entreprises qui exploitent aujourd’hui les hydrocarbures et, d’autre part, de les aider à maintenir les savoir-faire acquis dans la formation de leurs salariés. Par ailleurs, la dérogation pour les gaz sulfureux, dans la région de Lacq notamment, introduite par un amendement de notre groupe, a permis de préserver un modèle auquel nous tenons.

Je comprends les inquiétudes des sénateurs sur ces sujets, mais je rappelle que cet arrêt de la production s’accompagnera d’un ralentissement de la consommation. Le plan Climat produira ses effets, la production d’énergies renouvelables va se développer et la recherche dans les filières d’avenir va être soutenue. Les multiples dérogations prévues au Sénat étant contraires à l’esprit même du projet de loi, il importe que nous revenions en nouvelle lecture sur ces modifications inopportunes.

Concernant les articles dont notre commission s’est saisie, les améliorations apportées par notre rapporteure pour avis en première lecture étaient nécessaires. Je pense notamment à l’objectif de maintien de la desserte du plus grand nombre de particuliers en cas de recours au délestage. S’agissant de l’article 5, les amendements adoptés en première lecture permettent également de ne pas faire augmenter le prix payé par les consommateurs, en validant, pour le passé, les conventions relatives à l’accès au réseau conclues entre les gestionnaires et les fournisseurs. De manière générale, un accord est donc possible avec les sénateurs sur les articles 4 à 5 ter. En revanche, s’agissant des articles 1er à 3, le texte issu de la première lecture à l’Assemblée nationale nous semblait très équilibré. Notre groupe n’ayant pas changé de position depuis, nous appelons de nos vœux une adoption rapide de ce texte, sans en dégrader l’esprit originel.

Mme la rapporteure pour avis. Les articles 4, 5, 5 bis A, 5 bis, 5 ter A et 5 ter ont fait l’objet d’un vrai travail de co-construction avec les sénateurs même si nous avons quelques ajustements à faire. Ce ne sont effectivement pas ces articles qui ont causé l’échec de la commission mixte paritaire mais il était important que je fasse part à la commission des affaires économiques, qui s’est exprimée pour avis sur l’ensemble du texte, des débats et des difficultés que nous avons eus ce matin.

La commission en vient à l’examen des articles du projet de loi, en commençant par les articles 4 à 5 ter dont elle est saisie au fond par délégation.

 

Article 4 (articles L. 131-1, L. 134-10, L. 421-3, L. 421-3-1 [nouveau], L. 421-4, L. 421-5, L. 421-5-1 [nouveau], L. 421-6 à L. 421-8, L. 421-10, L. 421-15, L. 421-16, L. 431-6-3 [nouveau], L. 443-8-1 [nouveau], L. 443-9, L. 452-1, L. 452-1-1 et L. 452-1-2 [nouveaux], L. 452-2-1, L. 452-3 et L. 452-5 du code de l’énergie) : Réforme du stockage souterrain de gaz naturel

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE7, CE8, CE9, CE10, CE11, CE12, CE13, CE14, CE15, CE16, CE17, CE18, CE19, CE20, CE21, CE23, CE24, CE25, CE26, CE27, CE28, CE29, CE30, CE31, CE32, CE33, CE34, CE22, CE35, CE36, CE37, CE38, CE39, CE40, CE41, CE42, CE43, CE44 et CE45 de la rapporteure pour avis.

 

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 modifié.

 

Article 5 bis A (article L. 111-91 et articles L. 111-92-1 et L. 111-97-1 [nouveaux] du code de l’énergie) : Approbation par la Commission de régulation de l’énergie des modèles de contrat d’accès aux réseaux

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 bis A sans modification.

 

Article 5 bis (articles L. 341-2, L. 342-3, L. 342-7, L. 342-7-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Raccordement des éoliennes en mer

 

La commission étudie les amendements identiques CE4 de la rapporteure pour avis et CE3 de Mme Huguette Tiegna.

Mme la rapporteure pour avis. L’article 5 bis prévoyait, pour le raccordement des éoliennes en mer, un régime d’indemnisation spécifique, fixé par décret, en cas de dysfonctionnement ou d’avarie. La rédaction que nous avions proposée à l’Assemblée nationale concernait la partie sous-marine du raccordement et le Sénat a souhaité y ajouter la portion terrestre. Pour ce faire, les sénateurs ont parlé de « réseaux d’évacuation », termes de droit commun qui désignent tous les raccordements terrestres, y compris aux sites de production terrestre. Cette expression pourrait prêter à confusion puisqu’il y aurait deux régimes d’indemnisation différents pour un même type d’ouvrages. Nous avons donc travaillé avec les différents acteurs concernés pour vous proposer de substituer aux mots « réseau d’évacuation » le nouveau concept de « raccordement des installations de production en mer ». L’objectif est de clarifier le message qui sous-tend cet article – libérer le potentiel de l’éolien en mer – tout en apportant de la sécurité juridique au cadre dans lequel s’inscrit ce régime d’indemnisation.

Mme Huguette Tiegna. Cette disposition permettra de soutenir le développement des énergies marines renouvelables. Comme je le disais tout à l’heure, notre pays est en retard alors qu’il dispose quand même du deuxième espace maritime au monde, avec 11 millions de kilomètres carrés. J’étais présente à Saint-Nazaire le 13 octobre dernier lors de l’inauguration de la première éolienne flottante. Le Gouvernement et la majorité ont la volonté de simplifier et d’accompagner le développement des énergies marines, d’où cet amendement.

La commission adopte les amendements.

 

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 bis modifié.

 

Article 5 ter A (articles L. 345-1 à L. 345-7 [nouveaux] du code de l’énergie) : Réseaux intérieurs de bâtiments

 

La commission aborde les amendements identiques CE5 de Mme la rapporteure pour avis et CE2 de Mme Huguette Tiegna.

Mme la rapporteure pour avis. Notre commission avait introduit dans le texte, en première lecture, la notion de réseaux intérieurs, que le Sénat a entendu restreindre aux immeubles de bureaux. Or, de plus en plus d’immeubles tertiaires sont construits pour de multiples usages : ils peuvent accueillir un restaurant au rez-de-chaussée mais aussi un hôtel ou des bureaux aux étages. Il me semble donc nécessaire de réintroduire dans le projet de loi la notion de réseaux intérieurs pour faciliter la gestion de ces bâtiments – qui, dans le cadre du Grand Paris, devraient être nombreux à sortir de terre dans les années à venir.

Mme Huguette Tiegna. L’article 5 ter A permet de sécuriser juridiquement le nouveau schéma de distribution d’électricité. Nos collègues sénateurs ont souhaité restreindre cette disposition aux seuls réseaux intérieurs d’immeubles de bureaux. Or, l’usage des immeubles peut évoluer. De plus, certains immeubles peuvent accueillir non seulement des bureaux mais aussi des établissements de santé, des commerces etc. L’amendement CE2 vise donc à revenir à la rédaction adoptée à l’Assemblée nationale en première lecture.

La commission adopte les amendements.

 

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE46 de la rapporteure pour avis.

 

Enfin elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 ter A modifié.

 

Article 5 ter (article L. 224-3 du code de la consommation) : Information sur la proportion de biométhane dans les offres de fourniture

 

La commission examine l’amendement CE6 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Le Sénat a souhaité que la part de biométhane ne figure que dans les offres de fourniture de gaz dites « vertes ». Il nous a semblé important que tous les consommateurs, quelle que soit l’offre qu’ils choisissent, soient informés de la présence ou non de biométhane, ainsi que de sa proportion. Cet amendement vise donc à revenir à la formulation initiale qui avait fait consensus à l’Assemblée nationale.

La commission adopte l’amendement.

 

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 ter modifié.

 

Enfin, elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi modifié.

 

*

Informations relatives à la commission

La commission des affaires économiques s’est saisie pour avis du titre II (articles 6 à 13) du projet de loi relatif à l’organisation des jeux olympiques et paralympiques 2024 (n° 383).

Le rapporteur pour avis sur ce projet de loi sera désigné ultérieurement.


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

 

Réunion du mardi 21 novembre 2017 à 17 heures

 

Présents. - Mme Delphine Batho, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Yves Blein, M. Philippe Bolo, M. Sébastien Cazenove, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, M. Rémi Delatte, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Christelle Dubos, Mme Sophie Errante, M. José Evrard, Mme Christine Hennion, M. Guillaume Kasbarian, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, M. Roland Lescure, Mme Monique Limon, Mme Graziella Melchior, M. Mickaël Nogal, Mme Valérie Oppelt, M. Éric Pauget, M. Dominique Potier, M. Denis Sommer, M. Éric Straumann, Mme Huguette Tiegna, M. André Villiers

 

Excusés. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Dino Cinieri, Mme Emmanuelle Ménard, M. Benoit Potterie, M. Jean-Bernard Sempastous

 

Assistaient également à la réunion. - M. Paul Christophe, M. Jean-Charles Colas-Roy