Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

— Audition de la médecin général des armées Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées 2

 

 

 


Mercredi
17 janvier 2018

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 25

session ordinaire de 2017-2018

Présidence de
M. Jean-Jacques Bridey,
président
 


  1  

La séance est ouverte à neuf heures trente.

M. le président Jean-Jacques Bridey. Mes chers collègues, pour commencer je vous souhaite à tous une bonne année. Elle s’annonce active car nous allons bientôt aborder l’examen du projet de loi de programmation militaire, pour lequel je présenterai la semaine prochaine au bureau de notre commission un calendrier de travail très précis. Je vous annonce d’ores et déjà que nous tiendrons des réunions durant la semaine de suspension des travaux de février.

Ce matin, nous avons le plaisir d’accueillir la médecin général des armées Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées (SSA) pour sa première audition. Nous avions entendu votre prédécesseur, le médecin général Jean-Marc Debonne, à la suite des attentats de novembre 2015 et je me souviens très bien de l’émotion qui avait entouré sa description de l’excellente intervention des personnels du SSA pour secourir une partie des victimes. Vos personnels se trouvaient en effet face à des situations proches de celles qu’ils peuvent rencontrer sur des théâtres de guerre. Vous pourrez sans doute nous faire part de votre retour d’expérience sur ces événements, qui illustre si besoin était, le caractère indispensable du SSA pour nos armées.

Mme la médecin général des armées Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour votre invitation. C’est un grand honneur pour moi de présenter le service de santé des armées pour la première fois devant cette commission, quelques mois à peine après ma prise de fonctions. J’introduirai mon propos par quelques considérations générales sur le service de santé des armées, que je suis extrêmement honorée de diriger.

Le SSA est essentiel à la stratégie militaire de la France, selon trois axes : il est générateur de puissance en assurant le maintien des effectifs, l’économie des moyens et en protégeant le moral des troupes ; il contribue ensuite à la liberté d’action par la maîtrise de l’environnement et l’évacuation des blessés ; enfin, il participe fortement à la sûreté dynamique en évaluant la menace sanitaire, et en établissant les contre-mesures médicales. Il participe clairement aux cinq fonctions stratégiques confirmées dans la revue stratégique de défense et de sécurité nationale présentée au président de la République en novembre 2017 : la protection, avec le développement actuel d’une capacité permanente de sécurité sanitaire ; la dissuasion, à travers sa contribution au domaine nucléaire et radiologique ; l’intervention, à travers le soutien santé opérationnel ; la connaissance et l’anticipation, à travers la prospective en santé identifiant notamment les risques émergents ; enfin, la prévention, à travers sa participation à l’approche globale des conflits.

La France est ainsi, avec les États-Unis, l’une des rares nations occidentales actuellement en mesure de déployer une chaîne santé complète et autonome sur un théâtre d’opérations. Cette faculté concourt à la conservation de sa pleine autonomie stratégique et permet de décider d’« entrer en premier » sur un théâtre d’opérations, comme ce fut le cas au Mali en 2013, puis en Centrafrique en 2014. Le SSA apparaît ainsi comme un acteur déterminant de l’engagement opérationnel des forces. Le SSA français a cette particularité d’être engagé aux côtés des soldats, parmi les soldats, au plus près des combats sur les théâtres d’opérations et d’être exposé aux mêmes dangers. Il en paie parfois le prix. Si notre formation et notre métier nous placent au carrefour des mondes de la santé et de la défense, nous sommes avant tout des soignants militaires, voire des militaires soignants.

Comme vous le savez, le service est engagé depuis quelques années dans une profonde transformation. Celle-ci a débuté dans le cadre de la loi de programmation militaire en cours et se prolongera avec la prochaine, en phase d’élaboration. La période actuelle est donc cruciale pour le service de santé des armées et ses missions. C’est la raison pour laquelle, je vais d’abord, si vous me le permettez, vous présenter ce service et ses missions, avant de vous dresser un point de situation de la réorganisation débutée en 2015 et de vous livrer mon analyse des défis qu’il nous faut relever.

Pour commencer par une rapide présentation globale, j’indique que le SSA est un service interarmées, placé sous l’autorité du chef d’état-major des armées pour ce qui concerne l’emploi de ses moyens au profit des forces et sous celle de la ministre des Armées pour ce qui relève de sa participation au système national de santé. Il est formé de 15 500 personnes, dont 70 % de militaires et 60 % de personnels féminins, auxquelles il faut ajouter près de 3 000 réservistes. Sa mission première est d’assurer le soutien médical opérationnel des armées et de la gendarmerie nationale en tout temps, en tous lieux, et en toutes circonstances. Cela signifie que le SSA soutient les activités des forces armées pendant les opérations intérieures ou extérieures, en tous milieux particuliers – dans le froid, le chaud, en montagne, en forêt, dans le désert, en milieu aéronautique, en mer et sous la mer – ou encore dans des contextes sécuritaires difficiles. Cette mission régalienne constitue la raison d’être du SSA. Elle fonde son dimensionnement et son organisation. Cette mission implique d’apporter à tout militaire exposé à un risque lié à son engagement opérationnel, un soutien santé lui garantissant la prévention la plus efficace ainsi que la meilleure qualité de prise en charge en cas de blessure ou de maladie, afin de préserver ses chances de survie et, le cas échéant, de moindres séquelles tant physiques que psychologiques. Elle se traduit par le déploiement d’une chaîne médicale complète et autonome qui assure la prise en charge optimale et continue des militaires blessés depuis le lieu de survenue de la blessure, jusqu’à leur réhabilitation complète, sur le territoire national, dans un hôpital d’instruction des armées (HIA).

Des délais cliniques contraignants conditionnent les modalités d’organisation de cette prise en charge. Dans les dix premières minutes suivant la blessure, pendant lesquelles se joue sa survie, le blessé doit bénéficier des premiers soins prodigués par lui-même ou ses camarades de combat. Pour cela, chaque soldat est formé au sauvetage au combat, mis au point et enseigné par le SSA. Dans la première heure suivant la blessure, le blessé doit avoir accès à des soins médicaux en complément des actes de sauvetage au combat. Et avant la fin de la deuxième heure, le blessé doit pouvoir bénéficier d’une prise en charge chirurgicale de sauvetage pour le stabiliser avant évacuation et limiter les séquelles. Pour atteindre ces objectifs, le soutien médical des opérations repose actuellement sur un concept français, basé sur trois grands principes : la médicalisation de l’avant, la réanimation et la chirurgicalisation de l’avant, ainsi que l’évacuation médicale systématique et précoce vers un hôpital d’instruction des armées, par voie aérienne dans la majorité des cas, pour le traitement définitif. La chaîne santé opérationnelle est ainsi organisée en quatre niveaux de prise en charge qu’on appelle les « rôles », délivrant des soins de plus en plus spécialisés. La relève et les soins d’urgence et de réanimation – médicalisation de l’avant – sont réalisés au niveau des postes médicaux, ou « rôles 1 », des unités de combat par nos médecins des forces
– c’est‑à‑dire nos médecins de premier recours –, nos infirmiers et nos auxiliaires sanitaires, formés à la prise en charge de blessés polytraumatisés en situation d’isolement et en milieu hostile. Le triage médico-chirurgical et le traitement des extrêmes urgences sont effectués par des anesthésistes réanimateurs et des chirurgiens dans des antennes chirurgicales légères, ou « rôles 2 », placées au plus près des unités de combat et vers lesquels les blessés sont évacués généralement par hélicoptère. C’est ce qu’on appelle l’évacuation tactique sur le théâtre. Un traitement plus spécialisé des blessés peut intervenir au sein des hôpitaux médico‑chirurgicaux, ou « rôle 3 », sur le théâtre d’opérations. Enfin, le traitement définitif des blessés est réalisé sur le territoire national dans les HIA, ou « rôle 4 », vers lesquels les blessés ont été évacués par voie aérienne le plus souvent. C’est ce que nous appelons les évacuations stratégiques. Actuellement, les blessés sont essentiellement évacués vers les HIA d’Île‑de‑France, HIA Percy et HIA Bégin.

La mission du SSA s’entend également avant cette phase opérationnelle, d’une part par la sélection des candidats à l’exercice du métier de militaire, le nombre des candidats étant par essence supérieur au nombre de militaires recrutés, ensuite par le contrôle tout au long de leur carrière de l’adéquation entre leur état de santé et leur fonction ou leur mission – leur aptitude médicale –, et enfin par leur mise en condition avant projection sur les théâtres d’opération. Cette mise en condition correspond aux vaccinations, aux mesures de prophylaxie, à l’éducation sanitaire propre à la zone de déploiement, etc. Toute cette gamme d’activités implique dès ce stade une parfaite connaissance des conditions d’emploi des militaires, ainsi que des spécificités liées au milieu dans lequel se dérouleront les missions. Ceci impose et ne peut naître que d’une grande proximité entre le SSA et chacune des armées ou de la gendarmerie nationale. Cette mission s’entend aussi après le désengagement, tout au long du parcours des militaires dans l’institution, dans le cadre du contrôle périodique et du suivi de leur état de santé, et, lorsqu’ils ont malheureusement été blessés, par leur prise en charge lors des différentes étapes qui ponctuent le long parcours de réadaptation, de réhabilitation et de réinsertion des blessés de guerre. Elle implique enfin la prise en compte, à tous les stades que je viens d’évoquer, de la menace nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC), toujours d’actualité.

Au total, le SSA assume un rôle essentiel au sein des armées, en soutien médical des femmes et des hommes qui défendent les intérêts de la France et qui parfois gardent dans leurs chairs les marques indélébiles de leur engagement. Lorsqu’ils sont déployés en opérations, ces femmes et ces hommes n’ont, Mesdames et Messieurs les députés, que le SSA pour leur assurer une prise en charge optimale en cas de blessure ou de maladie. Pour être complète, j’ajouterai qu’au quotidien, le SSA participe également à la politique de santé publique et à l’offre de soins à travers ses établissements. Cette activité est nécessaire pour le maintien et le développement des compétences de ses professionnels de santé. Elle participe au budget du service à hauteur d’environ 390 millions d’euros sur le total annuel de 1,326 milliard d’euros.

Après cette présentation globale, je voudrais maintenant présenter les spécificités du SSA et ses caractéristiques intrinsèques qui en font un acteur si unique en France et même à l’international. Les savoir-faire du SSA sont la résultante de 300 ans d’histoire, au cours desquels il n’a eu de cesse de s’adapter aux évolutions de son environnement et aux conditions d’engagement opérationnel. Ils résultent d’aptitudes particulières, d’une expertise acquise sur les théâtres d’opérations et se concrétisent sous la forme de capacités, pour employer un terme militaire.

Quelles sont ces aptitudes particulières ? Elles sont au nombre de cinq, dont la combinaison au niveau d’une même entité est unique en France.

En premier lieu, l’aptitude à exercer en milieu hostile, que ce milieu soit lié aux conditions de combat, ce qui constitue une spécificité, ou aux conditions d’isolement, en forêt guyanaise, dans le désert malien ou sur un bâtiment de la marine. La rusticité et la robustesse qui caractérisent cette aptitude sont portées par la fraternité d’armes qui oblige, c’est-à-dire la volonté de participer aux côtés de ses camarades, quels que soient les risques.

Deuxièmement, l’aptitude à s’adapter et à réagir, qui permet de changer facilement de posture et de mobiliser, sur court préavis, des équipes constituées et entraînées, comme on a pu le voir pour les attentats auxquels vous faisiez allusion, Monsieur le président, ou lors de l’ouragan Irma pour le soutien des forces. Cette réactivité s’exerce notamment au travers du dispositif santé de veille opérationnelle, qui comporte plusieurs niveaux d’alerte et de montée en puissance. Près de 3 000 personnels du SSA sont ainsi inscrits dans ce dispositif de veille chaque année.

Une troisième aptitude concerne l’aptitude à gérer les flux médicaux, qu’il s’agisse de flux de blessés, de flux de forces médicales projetées avec leur environnement, que nous appelons le soutien logistique santé intégré, ou de flux d’informations grâce à notre système de veille.

Quatrième élément, l’aptitude à organiser et commander, qui nous amène à savoir planifier, concevoir, commander et conduire nos actions. Le pivot en est l’état-major opérationnel santé (EMO Santé), intégré au pôle opérationnel de l’état-major des armées. Il a la possibilité de puiser dans des viviers de personnels constitués pour les projeter dans le délai souhaité, y compris très court – nous projetons parfois des neurochirurgiens dans un délai de trois heures –, et dirige en permanence l’échelon opératif placé en opérations extérieures, outre-mer ou en métropole.

Enfin, la cinquième aptitude consiste à savoir conceptualiser notre action, de l’emploi à la doctrine, sans laquelle rien ne serait possible. Elle permet de se doter de procédures et de cadre d’emploi. Elle régit nos activités opérationnelles. Elle se nourrit de l’analyse permanente des expériences en opérations, de l’expertise acquise par les travaux de recherche ou de développement et par la veille scientifique et technique. Elle garantit l’emploi de moyens adaptés à la situation par des équipes médicales correctement formées et présentes au bon endroit, au bon moment.

La détention de ces cinq aptitudes potentialise des expertises reconnues, acquises sur les théâtres d’opérations, et qui ne sont pas dissociables de la pratique ni de la recherche. Je citerai notamment le traumatisme de guerre, par le développement d’approches visant à assurer la survie sans chercher à apporter immédiatement une réponse thérapeutique définitive, qu’il s’agisse de sauvetage au combat ou de damage control. Cette expertise repose sur l’analyse régulière de situations opérationnelles, des travaux de recherche clinique, le développement de matériels originaux et de techniques de réparation tissulaire, de réadaptation ou d’appareillage. Elle vise à une approche globale du blessé, associant l’ensemble des acteurs – soignants, armées, familles, associations… – autour de lui, et dans un souci de prise en compte de la blessure physique et psychique. Le SSA détient également une expertise dans le diagnostic et le traitement des pathologies liées aux agents NRC, pour lesquelles il entretient des moyens dédiés au niveau de l’institut de recherche biomédical des armées (IRBA), du service de protection radiologique des armées (SPRA) et des HIA, par exemple l’HIA Percy. Dans ce domaine le SSA s’inscrit dans des réseaux d’experts internationaux, reconnus notamment par l’organisation mondiale de la santé (OMS), participe à l’analyse des risques sur le terrain, met au point des contre-mesures médicales et participe à la conception et l’organisation des plans de défense et de sécurité de l’État. Troisième expertise, la démarche intégrée en infectiologie, recouvrant l’ensemble des aspects de ce domaine, qu’il s’agisse d’études, de développement de travaux spécifiques, de prévention, de surveillance, de diagnostic, de prise en charge, ou de formation, pour son application permanente au profit des forces. Dernière expertise : l’expertise dans le domaine environnemental, alimentée par la veille prospective, pour l’hygiène en campagne ou la lutte anti-vectorielle. Elle est assurée en particulier par nos vétérinaires, qui disposent d’une expertise tout terrain dans la sécurité de l’eau et de l’alimentation.

La conjonction de ces aptitudes et de ces expertises aboutit à la constitution de véritables capacités, mises en œuvre au profit des forces armées. Elles reposent sur une organisation spécifique, du personnel formé et rompu à la pratique de la médecine de guerre, ainsi que des équipements qu’on appelle les unités médicales opérationnelles, qui apportent à ce personnel l’environnement et les moyens d’assurer leur mission.

Les capacités ainsi offertes sont une capacité d’offre de soins, regroupant la médecine des forces au niveau des centres médicaux des armées, et des capacités médico‑chirurgicales au sein des hôpitaux d’instruction des armées ; une capacité de médicalisation des vecteurs d’évacuation (terrestres, aériens et maritimes) mis à disposition par les armées ; en complément, une capacité d’approvisionnement en produits de santé qui implique de constituer et d’entretenir, dès le temps de paix, tous les produits pharmaceutiques, équipements médico-chirugicaux et produits sanguins labiles nécessaires au soutien des forces en France et en opérations, avec des équipes prêtes à conditionner et à distribuer ces produits à tout moment ; par ailleurs, une capacité d’ingénierie de formations et d’entraînements opérationnels spécifiques (au niveau du centre de formation opérationnelle santé, ou des quatre centres d’enseignement et de simulation à la médecine opérationnelle) ; et enfin, une capacité de recherche biomédicale de défense, pour développer et améliorer sans cesser les réponses apportées par le service aux besoins « santé » de la défense. Les cinq capacités que je viens d’énoncer recouvrent les cinq composantes du SSA. Elles forment un ensemble cohérent et indissociable indispensable à la mission régalienne du service.

J’en viens maintenant à la seconde grande mission du SSA, en tant qu’acteur de la résilience de la Nation, qui prend toute sa dimension lors de la survenue de situations sanitaires exceptionnelles. De tout temps, les capacités et le savoir-faire détenus par le SSA l’ont conduit à venir renforcer les acteurs civils de la gestion de crise. C’est à ce titre que le SSA a apporté une large contribution, en 2014, à la politique nationale de lutte contre l’épidémie de maladie à virus Ebola, en appui du ministère des Affaires étrangères et du ministère en charge de la Santé. Cet appui, je le rappelle rapidement, s’est notamment concrétisé par le déploiement, en Guinée, dans un délai court d’un centre de traitement des soignants (opération Tamarin) et par la prise en charge en France, et avec succès, par l’HIA Bégin, des deux seuls patients infectés rapatriés sur le territoire national. Plus proche de nous, en 2015, comme vous l’avez rappelé, Monsieur le président, les deux hôpitaux de l’ensemble hospitalier militaire nord (Percy et Bégin) ont appuyé le service public de santé lors des terribles attentats qui ont marqué la capitale, en prenant en charge dans la nuit du 13 novembre, 52 blessés, dont 18 urgences absolues sur les 98 qui ont été dénombrées dans les hôpitaux franciliens. Ces réponses du SSA ont été rendues possibles dans ces circonstances variées grâce à l’action d’ensemble et coordonnée des cinq composantes du service. Ces événements ont démontré que le SSA pouvait être amené, dans certaines circonstances, à agir non pas seulement en ultime recours dans les cas où les moyens civils similaires sont inexistants, indisponibles, insuffisants ou inadaptés – c’est ce que nous appelons la règle des « 4i » –, mais en primo intervenant. Cette évolution vient d’être introduite dans la doctrine d’engagement des armées sur le territoire national sous la forme du concept de capacité permanente de réponse sanitaire. Cette contribution s’entend en complémentarité des acteurs civils en charge de la réponse et principalement lors de la réponse initiale – effet « starter » –, pour permettre ensuite au SSA de se régénérer rapidement et sans fragiliser sa capacité à remplir sa mission prioritaire de soutien des forces.

Ce qu’il faut retenir au final, c’est la possibilité pour le service de santé des armées d’utiliser les capacités détenues dans le cadre de sa mission première au profit des armées, pour venir en renfort des acteurs civils de la gestion de crise et ainsi contribuer à la résilience de la Nation. Cette mission ne fonde cependant pas son dimensionnement et son organisation, et doit s’effectuer sans fragiliser sa capacité à assurer sa mission première.

J’en viens maintenant à la transformation ambitieuse dans laquelle le SSA s’est engagé en 2015. Je vais tout d’abord en rappeler très brièvement les raisons, puis vous en présenter les objectifs et les grands principes, avant d’en dresser un bilan à mi-parcours. Les raisons de la profonde réorganisation du SSA sont multifactorielles. Elles procèdent tout d’abord du positionnement particulier du SSA, au carrefour des mondes de la santé et de la défense. Face à des contraintes tenant aux évolutions majeures du contexte de la défense et à la transformation rapide du monde de la santé, le SSA restait construit sur des bases historiques qui devenaient inapplicables même avec les adaptations progressives qui avaient été mises en place. La situation était devenue intenable. Il s’agissait donc de repenser le SSA dans son ensemble en passant d’une logique d’adaptation à une logique de réforme de son modèle, pour lui permettre de continuer à assumer pleinement et de façon soutenable sa mission fondamentale de soutien santé des forces armées, en répondant à ces différentes contraintes, tout en garantissant le fonctionnement de ses établissements, la qualité de la prise en charge des patients et la condition de son personnel.

Le SSA a ainsi amorcé en 2015 une transformation majeure à travers un nouveau modèle nommé « SSA 2020 », qui a réinterrogé ses missions, son organisation et tout son fonctionnement. Ce modèle repose sur trois principes fondamentaux : la concentration, l’ouverture et la simplification.

La concentration vise à recentrer les activités du service sur le besoin actuel et à venir des forces armées, et à densifier ses équipes et ses structures pour leur permettre de mieux résister à la sujétion opérationnelle qui pèse sur elles. La concentration du SSA se fait sur son cœur de métier, sur ses compétences essentielles au soutien santé des forces armées, pour optimiser l’utilisation de ses propres ressources.

L’ouverture est le corollaire indissociable de la concentration. Elle a pour objectif de rompre avec l’isolement historique du SSA, notamment dans les territoires de santé, pour s’inclure dans la réforme des parcours de soins et ainsi garantir un seuil d’activités indispensable au maintien des compétences. Elle vise à un nouveau positionnement du SSA dans l’offre de soins nationale, avec un triple objectif : être un acteur à part entière de la santé publique, connu et reconnu, au quotidien comme en cas de crise ; être au cœur des réseaux et nouer des partenariats étroits ; et enfin jouer un rôle expert dans la communauté de santé afin de contribuer à préparer le système national de santé à participer à l’effort de défense. Cette ouverture s’entend à l’interministériel, en particulier au système public de santé, comme je viens de le mentionner, mais aussi à l’international, pour obtenir de nouvelles ressources et des appuis pérennes.

Enfin, la simplification, vise à réformer la gouvernance, simplifier les organisations, alléger les échelons de commandement et fluidifier les flux d’information, tout en générant des économies de fonctionnement. Elle vise à responsabiliser les acteurs au moyen de délégations élargies et à développer les interactions directes entre les composantes du service pour en renforcer les synergies.

Aujourd’hui, en 2018, le SSA a accompli un peu plus de la moitié du chemin dans la mise en œuvre du modèle « SSA 2020 ». Je voudrais faire en premier lieu un inventaire des avancées réalisées. Le chemin parcouru au cours des dernières années est conséquent.

Je souhaiterais tout d’abord souligner la qualité des actions engagées depuis cinq ans dans le cadre de la transformation du service et par là-même le travail considérable mené par mon prédécesseur, le médecin général des armées Debonne. Il a impulsé le mouvement de transformation du service alors même qu’il constituait un changement de paradigme, presque une révolution. La cohésion, l’agilité et la réactivité du service n’ont pas été mises en défaut, malgré les difficultés en effectifs, ni sur le territoire national ni en opérations extérieures, même si l’effort à fournir pour y parvenir est de plus en plus important. Le blessé de guerre a bien été placé au cœur du projet médical du SSA et les nombreuses innovations réalisées ces dernières années lui sont destinées, à toutes les étapes de sa prise en charge. Concernant la phase initiale, sur le théâtre d’opérations, il faut mentionner la préparation des intervenants, grandement améliorée par la généralisation d’une formation graduée au secourisme au combat de trois niveaux 1 à 3, et par la participation des centres médicaux des armées (CMA) aux structures d’urgence hospitalières et pré-hospitalières de leurs territoires, dans le cadre du perfectionnement des médecins des forces dans la prise en charge des urgences. La conception puis la mise en œuvre en opérations du « module de chirurgie vitale » ont également permis de rapprocher le chirurgien du blessé quel que soit le mode de déploiement des forces. Sur le territoire national, les hôpitaux ont mis l’accent sur la prise en charge des syndromes de stress post-traumatique, sur l’accueil de l’entourage des blessés – la Maison des blessés et des familles de l’HIA Percy fonctionne bien et rend de très grands services –, ainsi que sur des projets de recherche clinique dédiés à l’étude du choc septique et des infections.

S’agissant de la longue phase de reconstruction des blessés, une approche intégrée en réseaux a été mise en place. Chaque HIA, y compris les ensembles hospitaliers civils et militaires (EHCM), comporte un pôle de réhabilitation physique et psychique, en lien avec les CMA, afin d’améliorer la proximité des prises en charge lorsque le blessé peut rentrer à son domicile. Le SSA a élaboré avec l’Institution nationale des Invalides (INI) un projet médical commun, qui doit être mis en œuvre d’ici 2020, et qui renforce la phase post-aiguë de la prise en charge des blessés de guerre et des victimes d’attentats. Le SSA a également renforcé ses liens avec les cellules des blessés et les associations, et soutient des événements tels que les Rencontres militaires « blessure et sport ».

Un effort d’investissement conséquent a été réalisé pour le renouvellement des matériels opérationnels, stabilisant celui-ci à environ huit millions d’euros par an contre cinq millions d’euros avant 2013.

Un effort particulier a également été porté sur la prise en compte du risque NRBC, avec, depuis quatre ans, une actualisation de nos capacités en matière de prise en charge médicale de ce type de victimes. Par ailleurs le SSA a fait du site de Percy une référence mondiale du traitement des irradiés grâce à son expertise en matière de réparation tissulaire (thérapie cellulaire), reconnue par l’Agence internationale pour l’énergie atomique. Enfin, la prise en charge des victimes d’agents NRBC constitue un axe prioritaire de la fonction recherche.

Une division des opérations a été créée, actuellement en préfiguration au niveau de la direction centrale, chargée de structurer et coordonner la réponse opérationnelle du SSA, et d’animer un réseau de responsables des opérations mis en place au niveau de chaque entité du service.

Le remodelage de l’offre de soins hospitalière militaire est en bonne voie, quasiment achevé. En application du principe de concentration, des activités sans lien avec la mission opérationnelle comme la radiothérapie, la néphrologie, la dialyse, ont été progressivement transférées au milieu civil et des partenariats forts sont en cours de mise en œuvre au sein des quatre EHCM. Inversement, des activités à forte valence opérationnelle ont été densifiées au niveau des ensembles hospitaliers militaires (EHM). Deux HIA (Percy à Clamart et Sainte‑Anne à Toulon) ont été labellisés « trauma center » de niveau 1 par les agences régionales de santé (ARS) qui reconnaissent ainsi leur aptitude à prendre en charge les blessés les plus graves. Les HIA Bégin à Saint Mandé et Laveran à Marseille sont des pôles de référence en infectiologie.

Le dispositif de formation du SSA a été recentré sur la finalité opérationnelle, en se reposant sur le ministère de l’Enseignement supérieur pour assurer l’intégralité du volet universitaire des cursus de formation initiale médicale et, depuis 2016, paramédicale au profit du personnel soignant du SSA. Les établissements de formation du service se concentrent désormais sur la préparation opérationnelle des professionnels de santé militaires.

Le SSA a su conserver une image d’excellence tant au sein de la défense qu’auprès des acteurs extérieurs, qu’il s’agisse de l’opinion publique après les attentats ou des armées étrangères notamment. Les expertises du service sont appréciées et désormais réclamées en interministériel – citons les contre-mesures COP 21 grâce aux productions de la pharmacie centrale des armées, les formations NRBC ou au damage control demandées par les autorités civiles pour la préparation de l’Euro de football et au-delà, la conception et la production de kits de prise en charge de victimes d’attentats, pour ne citer que quelques exemples.

Dans le cadre de la politique d’ouverture, le SSA est désormais connu et reconnu dans les instances dirigeantes de la santé, qu’il s’agisse du ministère, des ARS, des centres hospitaliers régionaux universitaires (CHRU), des fédérations hospitalières, etc. Il est pris en compte dans les textes législatifs et réglementaires de la santé : la loi du 26 janvier 2016 comme la future ordonnance SSA-INI, dont la parution est imminente. Les éléments du SSA, en particulier les HIA, sont désormais pleinement inscrits dans les territoires de santé au travers de la création des EHCM, mais aussi de leur association aux groupements hospitaliers de territoires (GHT) et aux travaux des ARS, par exemple pour les futurs plans régionaux de santé (PRS) en discussion, y compris pour les EHM. La présence des éléments du SSA est largement souhaitée pour répondre aux besoins des territoires : les HIA notamment, mais aussi les CMA dès qu’ils seront en mesure de répondre aux sollicitations.

Par ailleurs, le SSA a renforcé ou développé de nombreux partenariats avec les acteurs de la santé, en valorisant les produits du ravitaillement sanitaire, en concluant des accords avec la recherche civile, des facultés de médecine ou l’École des hautes études de santé publique (EHESP), en améliorant l’accès des internes et infirmiers civils aux HIA, et en signant des accords-cadres avec des ARS, ou des conventions avec plusieurs partenaires hospitaliers ou des fédérations hospitalières.

La signature par les deux ministres, du protocole interministériel santé-défense en avril 2017 a consacré au plus haut niveau la place du SSA dans le système de santé français au titre de ses savoir-faire spécifiques et du soutien qu’il peut apporter à la santé publique sur certains créneaux, notamment en termes de préparation et de gestion de crises. De son côté, la santé publique porte un nouveau regard, inédit, sur les besoins de santé de défense et s’approprie une authentique mission de défense visant à appuyer les organismes du SSA dans le cadre de leur mission de soutien des forces.

Vous le voyez, de nombreuses actions ont donc été menées, des avancées significatives ont été obtenues mais il reste encore du chemin à parcourir. J’en arrive maintenant à la dernière partie de mon intervention et je vais tenter de livrer mon analyse des difficultés rencontrées et des défis qu’il nous faut relever.

Dès son origine, le modèle « SSA 2020 » a été conçu pour être robuste, résistant et résilient face aux évolutions et à la variation de la pression opérationnelle. Cependant, l’environnement a lui aussi changé et certaines de ses évolutions, souvent imprévisibles au départ, constituent des contraintes qui viennent interférer avec la démarche, ou en tout cas qu’il faut prendre en compte. Quelles sont-elles ?

La première d’entre elles porte sur le caractère durable du haut niveau d’engagement des forces armées sur les théâtres d’opérations constaté ces dernières années. Conjuguée à la déflation en effectifs prévue dans la LPM actuelle et à une dynamique de départs spontanés dans le contexte de transformation, induisant un sous-effectif chronique sur des spécialités critiques (médecins généralistes, médecine aéronautique, chirurgiens orthopédistes, etc.), cette pression opérationnelle a engendré, malgré l’apport précieux des réservistes, une sujétion surélevée pour les équipes médicales et chirurgicales du SSA. Ce haut niveau d’engagement, s’il est soutenable sur de courtes périodes, conduit, lorsqu’il est amené à se prolonger, à une usure prématurée du personnel, avec ses conséquences néfastes sur la fidélisation. Il conduit également à se concentrer sur les activités de court terme, indispensables à la réponse aux attentes des forces armées, en utilisant comme variable d’ajustement des aspects à plus long terme, comme la formation continue ou la préparation opérationnelle de nos personnels. Ceci fait peser un risque important sur le maintien des compétences, parce que cette situation est durable.

Le deuxième facteur que je souhaitais évoquer porte sur ce qu’il est convenu d’appeler les « missions nouvelles ». Celles-ci concernent les missions nouvellement apparues à proprement parler, mais aussi les mesures induisant une augmentation d’activités existantes du SSA, toutes ayant pour point commun d’être survenues postérieurement à la conception du modèle « SSA 2020 ». Je pense ici notamment au plan Réserve 2019 et à l’augmentation des effectifs d’active et de réserve de la gendarmerie, dont l’impact sur le SSA est déjà significatif. Ces mesures ont en effet une incidence sur l’activité du SSA, à chacune des étapes de la prise en charge médicale de la population concernée : les visites d’expertise médicales initiales préalables à l’engagement – qui ont augmenté de 80 % depuis 2015 ! –, le soutien médical courant, le soutien d’activités à risques, etc.

Si le SSA a bénéficié en 2015 d’une atténuation de sa déflation pour tenir compte de la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre, ce n’est pas le cas pour les éléments que je viens de citer. La prise en compte de ces missions nouvelles induit une augmentation d’activité difficilement supportable par le service dans son format actuel, et, a fortiori, dans son format cible si la déflation était menée à son terme. Si bien entendu, nous travaillons continuellement en relation avec les armées et la gendarmerie nationale pour proposer et mettre en œuvre des solutions innovantes en organisation ou en procédures afin de continuer à répondre à leurs besoins, celles-ci ont leurs limites et ne peuvent constituer l’unique réponse à une augmentation significative du périmètre des activités du service de santé des armées.

Un autre facteur que je souhaitais évoquer est l’évolution du contexte sociétal et les difficultés liées à la démographie médicale. Le contexte de la santé publique a beaucoup évolué ces dernières années. Il se caractérise par une démographie des médecins libéraux généralistes en baisse, une féminisation croissante, une tendance à l’exercice de groupe et le souhait d’une bonne qualité de vie, tant professionnelle que personnelle. Ces évolutions ont pour conséquence d’attiser la concurrence entre le SSA et le secteur civil envers une ressource globalement limitée. Le SSA est ainsi confronté au défi de fidéliser ses personnels, notamment praticiens, y compris des jeunes en formation initiale, fortement marqués par l’évolution sociétale. Le maintien d’une attractivité vis-à-vis de praticiens ou de militaires infirmiers et techniciens (MITHA) contractuels est également un facteur majeur pour permettre la réussite de la transformation en cours.

Je voudrais maintenant vous exposer les axes forts que j’ai identifiés pour les années à venir. Nous ne pouvons pas revenir en arrière, car nombre des actions déjà menées ne sont pas réversibles. Face à l’ensemble des constats, positifs comme porteurs de risques, je m’inscris clairement dans la poursuite de la mise en œuvre des deux axes stratégiques du modèle « SSA 2020 » (concentration et ouverture), tout en l’adaptant aux évolutions de son environnement évoquées plus haut. Le SSA doit faire preuve de réactivité dans les processus, définir de nouvelles orientations pour amplifier son action, mettre en œuvre les leviers qui lui permettront de surpasser les difficultés actuelles, donner du sens à la transformation et de la confiance en l’avenir, en réponse aux inquiétudes soulevées au sein du SSA par la transformation en cours et par les vives tensions en ressources humaines. J’insisterai sur trois volets.

Premier volet, les ressources humaines, qui sont une priorité absolue. Il est nécessaire d’agir sur plusieurs leviers comme une politique de recrutement majoré de contractuels, permettant de rendre plus souple l’adaptation des effectifs, une politique proactive pour développer la réserve opérationnelle et citoyenne du SSA, avec un objectif de recrutement de 300 réservistes d’ici 2019, la rénovation de la formation initiale des médecins, en lien avec l’école du Val-de-Grâce et le pôle pédagogique lyonnais, afin de la corréler étroitement avec les besoins du service, tant sur le plan militaire que pour les spécialités médicales. Mais vous le savez, il faut dix ans pour former un médecin généraliste et plus d’une quinzaine d’années pour former un spécialiste. Plus globalement, est prioritaire la mise en place d’une politique de fidélisation et d’attractivité s’appuyant notamment sur la définition de parcours professionnels clairs et attractifs avec la modulation de la sujétion opérationnelle en fonction des particularités personnelles, et des éléments de rémunération en accord avec les objectifs poursuivis. Je n’oublie pas l’attention particulière à porter aux personnels insérés au sein des établissements partenaires civils, pour lesquels les premiers retours sont plutôt bons, en termes de développement des compétences, de projection opérationnelle et de qualité de vie professionnelle.

Le second volet consiste à poursuivre l’optimisation des cinq composantes du service, dans une démarche de performance, de valorisation et de facilitation de l’innovation, tout en veillant à la condition des personnels. J’ai deux points d’attention : d’une part la construction des EHCM, qui avance plutôt bien mais avec des points de vigilance sur le plan humain, juridique, organisationnel, financier, infrastructure, et des systèmes d’information, et d’autre part la transformation de la médecine des forces, avec la disparition des directions régionales du SSA et la forte tension en ressources humaines, mais avec aussi des perspectives positives, en parcours professionnels, rénovation des systèmes d’information et une nette amélioration de l’infrastructure. Il s’agira également de réussir la mise en œuvre de la nouvelle gouvernance du SSA, qui reposera sur une direction centrale recentrée sur ses fonctions stratégiques et une déconcentration des fonctions opératives au sein de directions spécifiques à chaque chaîne. Véritable enjeu de modernisation et de simplification, cette nouvelle organisation du SSA devrait être mise en place au cours du second semestre 2018, sous réserve de signature de l’arrêté d’organisation, actuellement en cours de circuit de validation.

Le troisième volet a pour objectif de préparer dès à présent 2030, en prenant en compte les orientations du chef d’état-major des armées, la feuille de route de la ministre des Armées et celle de la ministre de la Santé. Il implique de s’adapter de façon dynamique et continue aux évolutions en les anticipant autant que possible afin de créer les conditions favorables à l’atteinte de l’ambition opérationnelle. Cette volonté se décline en trois axes matérialisant l’ambition du SSA en termes d’excellence opérationnelle, de qualité de la prise en charge en santé et d’inscription du SSA dans son réseau de partenaires en France et à l’étranger. Le premier axe vise à adapter le soutien médical aux modalités des engagements opérationnels présents et futurs, tout en garantissant la meilleure qualité de prise en charge tout au long de la chaîne santé. Il implique de mener une réflexion sur l’évolution de ce soutien médical en prenant en compte les évolutions techniques et technologiques de la santé, ainsi que les tensions rencontrées dans le domaine des ressources humaines qui vont nous amener à réfléchir à de nouveaux métiers ou à de nouvelles façons d’opérer. Le deuxième axe vise à offrir le meilleur parcours de santé de proximité pour les blessés et les militaires, ainsi que pour la communauté de défense, selon le principe que « ce que nous ne faisons pas, nous l’organisons ». Il implique d’élaborer le projet médical du SSA, c’est-à-dire la façon dont le service répond aux attentes des forces armées et de ses patients, militaires et civils et reposera sur la stratégie santé de défense. Celle-ci sera élaborée dans l’année à venir, en lien avec la stratégie nationale de santé, à laquelle le SSA a d’ailleurs contribué. Le SSA prendra ainsi en compte les évolutions de l’offre de soins et de l’organisation des parcours de santé, en amplifiant la dynamique des partenariats dans les territoires de santé au profit des activités réalisées en propre ou avec les partenaires. Parce qu’optimiser la performance opérationnelle du SSA impose de maîtriser parfaitement les besoins de santé des militaires, le SSA prévoit de se doter progressivement des moyens nécessaires au suivi de l’état de santé de tous les militaires. Une division Expertise et stratégie santé de défense (ESSD) a été créée en préfiguration au sein de la direction centrale du SSA, en vue de caractériser les besoins de santé des militaires, de les prioriser, d’établir des plans de santé impliquant toutes les composantes du SSA pour y répondre, et d’évaluer l’efficacité et l’efficience de ces plans. À cet effet, en lien avec le projet médical du service, nous travaillons à la création d’un Observatoire de la santé des militaires, afin de suivre et d’analyser le niveau de santé des militaires. Le SSA renforcera en parallèle ses activités de prévention, progressivement mises au cœur de l’activité courante des centres médicaux. Également en lien avec le projet médical, le SSA compte redéfinir sa politique de l’expertise médicale d’aptitude, véritable spécificité du médecin militaire, et optimisera ses règles et son organisation pour continuer à répondre aux besoins des armées. Le troisième axe, enfin, aura pour objectif de consolider la place du SSA en tant qu’acteur de santé reconnu dans son réseau de partenaires civils, interministériels et internationaux. Le SSA veillera en particulier à la déclinaison de l’accord interministériel santé-défense dans les territoires de santé, grâce aux partenariats noués ou à venir avec le service public de santé. L’enjeu est désormais de faire vivre efficacement au quotidien l’ensemble des outils mis en place, au service de réalisations concrètes et pérennes sur le terrain, grâce aux relations étroites et constructives qui se construisent depuis quelques années entre acteurs militaires et civils de santé. Pour sa politique interministérielle, le SSA veillera à porter ses contributions dans ses domaines d’expertise propres, comme par exemple la gestion de crise au sens large, et à ne pas engager ses ressources au-delà du juste nécessaire. À l’international, enfin, l’objectif du SSA est de continuer à contribuer à la diplomatie de défense et de s’employer, dans le cadre des actions de coopération multilatérales – au sein des organisations internationales, OTAN et UE essentiellement –, à promouvoir l’interopérabilité et le développement capacitaire en commun.

J’arrive au terme de mon intervention. Vous le voyez, le SSA se place aujourd’hui dans la continuité des actions déjà engagées, tout en prenant en compte l’impératif d’anticiper et de s’adapter aux évolutions de son environnement, en regardant au-delà du modèle « SSA 2020 » et en préparant dès à présent 2030, horizon de la revue stratégique. Cette ambition devra s’intégrer dans le cadre budgétaire qui sera défini dans les travaux de la future loi de programmation militaire et dans l’ambition opérationnelle 2030. Par ailleurs, en tant qu’acteur à part entière du système de santé public, la vision stratégique du SSA tient également compte des orientations de la feuille de route de la ministre de la santé. L’enjeu majeur pour le SSA est de disposer des moyens nécessaires à la poursuite de sa transformation. Seules des mesures volontaristes permettant de gagner la bataille des effectifs sont gages du succès de la transformation du SSA. Nous bénéficions de la pleine écoute de nos tutelles pour la mise en place de ces mesures. Certains jalons importants vont ponctuer cette possibilité dans les mois à venir, qu’il s’agisse de la ratification prochaine de l’ordonnance SSA-INI, de la future loi de programmation militaire ou des projets de lois de finances. Soyez assurés, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, de toute ma mobilisation pour mener le SSA vers son avenir.

M. le président. Générale, merci pour cette présentation très complète, qui a éveillé l’intérêt des membres de la commission si j’en crois le grand nombre de demandes de prises de parole.

Mme Anissa Khedher. Madame la générale, ayant la chance d’accueillir dans ma circonscription l’école de santé des armées (ESA) de Bron, ma question portera sur le recrutement et la fidélisation. Dans un contexte de restructuration du SSA et de recentrage de ses missions, disposez-vous d’éléments chiffrés quant au nombre d’étudiants rompant leur contrat d’engagement avant la fin de leurs études, notamment en raison de leurs craintes de voir certaines activités disparaître du champ d’intervention du SSA à l’avenir ? Je pense par exemple à la pédiatrie. Par ailleurs, quelle est votre appréciation du moral de nos militaires, alors que le Haut comité d’évaluation de la condition militaire a pointé dans sa revue annuelle parue en novembre dernier le faible nombre de jours de permission pris par les militaires du SSA et un taux d’absence plus élevé qu’ailleurs ?

M. Stéphane Demilly. Générale, vous vous êtes rendue peu après votre prise de fonction à Niamey, afin de mieux appréhender les besoins et les attentes concernant le soutien médical des forces dans le cadre de l’opération Barkhane. Si le cœur de métier du SSA est bien sûr, vous l’avez rappelé, le soutien médical de nos soldats en toutes circonstances et en tous lieux, il leur assure aussi un soutien psychologique. Des demandes spécifiques vous ont‑elles été adressées à ce sujet lors de votre déplacement ? Comment organise-t-on concrètement le soutien psychologique de nos soldats sur un territoire en guerre ?

M. Mjid El Guerrab. Le 11 janvier dernier, un véhicule de l’avant-blindé (VAB) français a été la cible d’un kamikaze et trois de nos militaires ont été blessés. Permettez-moi d’avoir une pensée pour eux et leurs proches, et de leur souhaiter un prompt rétablissement. Je souhaite aussi saluer l’action du SSA, qui a fait preuve d’une remarquable efficacité.

J’en viens à présent à ma question. Le dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale fixe comme objectif de pouvoir déployer 35 000 hommes à l’extérieur du territoire. S’agissant du SSA, son contrat opérationnel lui assigne la mission d’être en capacité de soigner jusqu’à 700 blessés par jour. La baisse des effectifs annoncée à l’horizon 2020‑2021 lui permettra-t-elle, malgré tout, de remplir sa mission médicale ?

M. Joaquim Pueyo. La maîtrise dont dispose le SSA n’est pas à démontrer. Ma question concerne la convention que vous avez conclue avec les hôpitaux civils. Celle-ci prévoit-elle la dispense de formations aux personnels civils car ceux du SSA sont particulièrement aguerris à la prise en charge de blessures de guerre, comme on a pu le voir lors de l’attaque du Bataclan. Je vous interrogerai ensuite sur des blessures moins apparentes : les blessures psychologiques. Depuis plusieurs années, notre pays reconnaît l’existence de ces blessures et traumatismes qui touchent les victimes durant plusieurs mois ou années. En conséquence, quelles actions menez-vous à ce sujet avec les hôpitaux civils, moins habitués peut-être à les traiter ?

M. Thibault Bazin. Générale, meilleurs vœux de santé ! Combien de postes sont-ils vacants aujourd’hui au sein du SSA ? Quel est le taux actuel de sélectivité au sein de l’ESA et son évolution ? Plus largement, quel est le nombre de candidats ? Enfin, quelles sont, selon vous, les perspectives envisageables pour les hôpitaux d’instruction des armées répartis sur le territoire ?

M. Bastien Lachaud. Générale, d’ici 2022, le SSA aura subi une baisse d’effectifs de 2 000 personnes. Tandis que les économies engrangées depuis 2014 s’élèvent à environ 590 millions d’euros, une économie annuelle de 96 millions d’euros est attendue à partir de 2022. Dans ces conditions, comment pensez-vous pouvoir mener à bien vos missions ? Vous serait-il possible de nous faire parvenir un bilan d’activité sur la conduite des réformes initiées ces dernières années, les fermetures d’établissements et les liens que vous avez depuis lors avec le monde civil de la santé ?

M. André Chassaigne. Générale, tout d’abord, permettez-moi une observation sur la médicalisation de l’avant. Vous avez beaucoup insisté sur la préparation opérationnelle et la finalité opérationnelle sur les théâtres. Cependant, la Cour des comptes avait noté en 2013 un certain manque de transparence quant aux délais d’évacuation.

Ensuite, vous n’êtes pas sans ignorer les inquiétudes qui se manifestent sur le territoire au sujet de l’affaiblissement des hôpitaux militaires, alors que le niveau de menace terroriste fait craindre des attaques puissantes. Dès lors, les réponses médicales apportées, qui relèvent davantage de la médecine militaire que de la médecine civile, on l’a vu lors des attentats du 13 novembre 2015, pourront-elles être à la hauteur ?

M. Jean-Pierre Cubertafon. Générale, vous avez indiqué que l’organisation du SSA avait été bouleversée ces dernières années et ses effectifs fortement réduits. Considérez‑vous que vous soyez à même, aujourd’hui, de répondre aux besoins de nos forces sur les théâtres d’opération et sur le territoire national ?

Médecin général Maryline Gygax Généro. D’abord, je vous remercie pour toutes ces questions qui rejoignent notre préoccupation : continuer à maintenir un niveau de très haute qualité dans la prise en charge de nos militaires, tout au long de la chaîne opérationnelle que je vous ai décrite tout à l’heure.

Oui, c’est vrai, j’ai tenu dès ma prise de poste à me rendre sur un théâtre d’opérations extérieures, parce qu’il s’agit du lieu où s’exerce la finalité du SSA et ce que nous appelons « le cœur de métier ». J’ai été extrêmement impressionnée par la qualité du travail de nos professionnels de santé, de nos praticiens, de nos infirmiers, de nos auxiliaires sanitaires, de nos vétérinaires, de nos personnels du ravitaillement sanitaire sur les théâtres. Ils partagent pleinement, au quotidien, les conditions de vie des soldats, et ils en partagent les risques.

Vous avez évoqué le soutien psychologique et les besoins particuliers en la matière. Le soutien psychologique est une partie importante de la prise en charge par le SSA des forces armées sur les théâtres d’opérations extérieures. Nous avons développé avec les forces armées des prises en charge spécifiques avant, pendant et au retour de la projection. Depuis 2016, un psychiatre est présent en permanence sur le théâtre Barkhane.

Vous m’avez également demandé si j’estimais disposer des moyens nécessaires pour permettre au SSA de remplir sa mission. Je peux vous assurer que cette mission est parfaitement menée actuellement, aussi bien sur le territoire national qu’en opérations extérieures. Vous l’avez vu, nous avons dû agir pour continuer à la remplir malgré les tensions sur les effectifs, et je me dois de mettre en place des mesures pour diminuer ces tensions. En ce qui me concerne, je considère que nos personnels de santé se situent aujourd’hui à un très haut niveau d’excellence, tant sur le plan opérationnel que sur le plan technique. L’enjeu pour nous, c’est de maintenir ce niveau d’excellence. Il est essentiel de disposer des moyens de continuer à remplir notre mission, car la tension sur les effectifs est actuellement très forte, notamment en ce qui concerne les médecins des forces et les chirurgiens.

S’agissant des délais d’évacuation, il est vrai qu’avait été pointée il y a quelques années la difficulté pour le service de répondre à la question du délai précis d’évacuation. Notre objectif est de garantir que tout militaire blessé soit pris en charge sur le territoire national dans un délai de 36 heures à compter de sa blessure. Actuellement, les indicateurs dont nous nous sommes dotés m’autorisent à vous indiquer que cette prise en charge a lieu, en moyenne, dans les 24 heures suivant la blessure, et ce grâce à la mobilisation du SSA bien entendu, mais aussi des armées qui nous apportent leur soutien logistique pour faciliter les évacuations stratégiques.

M. le président. Il me semble que nous ne pouvons que vous en féliciter. Bravo !

Médecin général Maryline Gygax Généro. Il s’agit bien d’une moyenne, et je tiens à souligner combien est importante la mise en place de l’état-major opérationnel santé pour coordonner cette prise en charge.

La réponse aux attentats commis sur le territoire national est d’ordre technique et organisationnel. Sur le plan technique nous avons mis en place, à l’école du Val-de-Grâce, des formations de formateurs en direction des acteurs de la santé civile qui fonctionnent très bien Nous avons aussi introduit, souvent avec l’aide des réservistes, des modules d’acculturation à la défense au sein des facultés de médecine. Ils remportent un vif succès.

Le défi est aussi organisationnel, et il faut reconnaître qu’il s’agit là d’une expertise du SSA. La direction générale de la santé et la direction générale de l’offre de soins du ministère chargé de la Santé ont confié au SSA et au conseil national de l’urgence hospitalière la mission de réfléchir à la prise en charge des urgences collectives sur le territoire national. Nous transmettons notre expertise à la santé publique à tous les niveaux, national, régional et local.

La prise en charge des blessés psychologiques nécessite une approche globale, qui ne se conçoit qu’en lien avec les acteurs militaires et civils de proximité. Nous avons bâti tout un réseau avec les acteurs civils, souvent réservistes et/ou anciens militaires. Nous travaillons avec eux pour la prise en charge mais aussi pour la recherche en la matière.

Concernant l’école de santé des armées, le recrutement initial fait l’objet de toute notre attention, dans ses modalités notamment. Le concours d’entrée à l’école de santé est sélectif (environ 1200 candidats pour une centaine de places offertes) et il nous faut continuer à améliorer en permanence les modalités de formation des élèves. Il s’agit là d’une réflexion permanente puisque nous constatons en effet un certain taux de défection de nos élèves. Ceci s’explique notamment par la modification de l’offre de soin dans le cadre de « SSA 2020 ». Il est néanmoins compréhensible que les objectifs du SSA évoluent à l’échelle de dix années, durée des études de médecine. Dans ce contexte, j’ai lancé un programme d’étude du maintien de la motivation de nos élèves, y compris quand l’organisation change, et tenant compte des aspirations des jeunes générations.

Nous disposons actuellement de huit hôpitaux d’instruction des armées depuis la fermeture du Val-de-Grâce en 2016. Ces huit hôpitaux sont nécessaires pour nous permettre de tenir notre contrat opérationnel.

La construction des partenariats mis en place dans le cadre du déploiement des ensembles hospitaliers civils et militaires représente un vrai défi, destiné à nous permettre de continuer à réaliser notre mission opérationnelle malgré la contraction du service. Pour l’instant, il est trop tôt pour fournir des indicateurs mais je pense que la démarche est en bonne voie compte tenu des relations que nous avons nouées avec les tutelles et le service public de santé.

Mme Séverine Gipson. Tout d’abord, permettez-moi de vous remercier pour votre présence devant notre commission ce matin. 8 000 soldats français sont mobilisés actuellement dans les opérations extérieures, dont 3 500 au Sahel et 1 500 contre Daech en Irak et en Syrie – nous pouvons d’ailleurs leur rendre hommage ici aujourd’hui. Alors que vous avez entamé la transformation du service de santé des armées dans le cadre du projet « SSA 2020 », pouvez‑vous nous préciser les transformations que va connaître la médecine des forces ?

M. Jean-Michel Jacques. Général, le SSA a été de tout temps moteur dans la médecine grâce à ses expertises. En ce moment vous faites face à un manque de médecins, comme c’est le cas dans le civil. Depuis longtemps, vous exercez des glissements de compétences parce qu’en milieu hostile et dégradé, vos infirmiers et secouristes font bien plus que ce qu’ils font dans le civil. Pourriez-vous aller plus loin s’agissant du manque de médecins et être un exemple pour le service de santé civil ?

M. Yannick Favennec Becot. Générale, qu’est-ce que le SSA peut selon vous apporter à la médecine civile ? Je comptais aussi vous interroger sur la prise en charge des blessés atteints de syndrome post-traumatique mais vous avez déjà répondu à cette question, et je vous en remercie.

M. Louis Aliot. Générale, existe-t-il un surcoût OPEX spécifique au SSA ? Deuxièmement, existe-t-il des passerelles entre le militaire et le civil sous forme de vacations ?

M. Fabien Lainé. Générale, ma question porte sur un sentiment assez tenace chez nos militaires bénéficiaires du SSA : aujourd’hui, en marge de la mise en place de « SSA 2020 », l’accent serait davantage porté sur la médecine hospitalière que sur la médecine de proximité, c’est-à-dire sur les bases ou en OPEX. Avez-vous des retours analogues et, si tel est le cas, comment comptez-vous y répondre dans le cadre de « SSA 2020 » ?

Mme Laurence Trastour-Isnart. Je tenais avant tout à rendre hommage au SSA et à saluer le professionnalisme de ses personnels. Je souhaite évoquer avec vous les risques d’attentats, et dans le cas de menace chimique et bactériologique. Quels moyens sont mis en œuvre pour protéger nos troupes et la population civile ?

M. Philippe Chalumeau. Tout d’abord, merci pour votre exposé. J’y ai été particulièrement sensible, étant médecin généraliste dans une autre vie. Concernant la dimension interarmées, ma circonscription accueille les directions des ressources humaines des trois armées et il me semble que le SSA pourrait bientôt rejoindre Tours. Pourriez-vous préciser les choses à ce sujet et m’indiquer quelle direction est concernée et quels effectifs y seront affectés ? Dans tous les cas, soyez assurée que le SSA recevra un accueil chaleureux et que je me tiens à votre disposition pour éventuellement faciliter vos liens avec le centre hospitalier régional universitaire de Tours, le cinquième de France.

M. Alexis Corbière. Madame la générale, quelles sont les avancées de la recherche militaire transposables dans le monde civil et le taux de transposition afférent ? Quelle est la part du budget du SSA affecté à la recherche ? Enfin, quels sont les besoins de protection de cette recherche nécessaires dans votre domaine ?

Mme François Dumas. Générale, j’ai eu l’honneur de passer quelques jours à Gao et à Tessalit et de mesurer à quelle hauteur, vous le disiez, se situe le niveau de qualité des services rendus à nos militaires par le SSA. Je tenais à le souligner ici car le travail de vos personnels est considérable, d’autant plus qu’il s’effectue, je l’ai vu, dans des conditions précaires pour ne pas dire plus. Par ailleurs, le SSA contribue largement au troisième volet de l’opération Barkhane : « Agir pour les populations ». Il apporte donc une aide médicale gratuite aux populations locales, ce qui a un impact considérable puisque le SSA contribue ainsi à favoriser le dialogue avec les populations locales, à accroître l’acceptation de la présence de nos armées et aussi à lutter contre le terrorisme. C’est un élément important et je voulais savoir si vous aviez l’intention de renforcer cette action pertinente et stratégique.

Deuxièmement, la qualité des soins que les personnels du SSA apportent aux militaires participe aussi de l’attractivité des affectations à l’étranger pour les familles de militaires, qui y voient la garantie d’un accès aux soins de qualité. Serait-il possible de recourir aux internes civils en la matière ?

Médecin général Maryline Gygax Généro. De nouveau, je vous remercie pour ces questions variées et intéressantes. Je répondrai d’abord s’agissant de l’aspect opérationnel. Merci de souligner l’implication considérable de nos personnels aux côtés des forces armées, dans des conditions qui, comme vous l’avez dit, sont exigeantes physiquement, et souvent rustiques.

Vous avez évoqué l’aide médicale à la population (AMP), qui est historiquement un aspect important de l’appui au rayonnement de la France et des forces armées dans les pays dans lesquels nous sommes présents. C’est pour le SSA un aspect extrêmement spécifique, qui ne se conçoit que sous l’égide des armées : nous ne développons pas de nous-mêmes l’AMP mais nous suivons la politique que souhaitent mettre en place les forces. L’AMP constitue un vrai défi, tant sur le plan médical que sur le plan de l’organisation. Sur le plan médical d’abord, car pour nos jeunes praticiens, cette aide comporte des aspects techniques particuliers. Les soins pratiqués concernent essentiellement le domaine pédiatrique et gynécologique, ce qui suppose une formation spécifique. Or comme vous le savez, nous avons fermé notre dernière maternité il y a quelques années. Néanmoins, il me paraît important de souligner que nos anciens pédiatres, aujourd’hui insérés en milieu civil, participent toujours à la formation en pédiatrie à l’école du Val-de-Grâce avant la projection des personnels. Sur le plan de l’organisation ensuite, car nos praticiens peuvent réaliser jusqu’à 80 consultations en quelques heures. Les assurer nécessite un vrai savoir-faire. J’ajouterai que l’AMP revêt aussi un aspect éthique car nous nous adressons à des populations qui n’ont pas un accès régulier à des soins de qualité. Il nous faut dès lors adapter notre prise en charge à un suivi qui ne se fera pas dans la durée. Quoi qu’il en soit, l’AMP est un aspect très motivant pour nos personnels, comme j’ai pu d’ailleurs le constater lors de mon déplacement au Tchad dans le cadre de l’opération Barkhane pour le Nouvel an. J’ai échangé avec certains, et certaines, de nos personnels, qui sont passionnés par cet aspect.

Concernant l’Indre-et-Loire, ce n’est pas notre direction des ressources humaines mais notre direction de la médecine des forces qui va s’installer à Tours. Cette direction aura pour mission de mener à bien la transformation de la médecine des forces et de piloter la déclinaison de la politique du service au sein de cette composante. Je vous remercie par avance de l’accueil que vous comptez lui réserver. Cette direction comporte environ 120 personnes et jouera un rôle important puisque l’un des objectifs de « SSA 2020 » est un rééquilibrage vers la médecine des forces.

En effet, les effectifs de la médecine des forces doivent être renforcés. De manière générale, je dirais que selon les périodes de l’année – nous sommes renforcés par les diplômés sortant de l’école de santé des armées une fois l’an – il nous manque entre 50 et 100 médecins des forces sur 700 environ. D’où l’importance de cibler un recrutement au niveau des médecins généralistes.

La médecine des forces est profonde transformation. La réorganisation en 16 centres médicaux des armées de nouvelle génération (CMA-NG) au lieu de 55 CMA permet de regrouper les fonctions administratives tout en favorisant la disponibilité des personnels pour les soins, la prévention, les visites médicales d’aptitude et le soutien des activités à risque au niveau des antennes médicales. Celles-ci restent au nombre de 200 pour maintenir la proximité avec les forces. La disparition des directions régionales permet de simplifier la chaîne de rattachement à la direction de la médecine des forces. Enfin la création de structures compétentes pour les milieux spécifiques (terrestre, maritime, aéronautique) permet de mieux répondre aux besoins d’expertise « milieu » des armées.

J’en viens à présent au risque d’attentat NRBC sur le territoire national. Je vous l’ai dit, le SSA dispose d’une vraie expertise en la matière. Cette expertise de longue date est entretenue régulièrement par la pratique d’exercices périodiques et le maintien des équipements spécifiques au niveau des hôpitaux. Nous disposons également de structures d’accueil spécifiques destinées à la prise en charge de nos forces, que nous pourrions ouvrir à la population civile. Toutefois, nos hôpitaux étant en nombre très limité, notre objectif est plutôt de travailler en concertation avec le service public de santé. Notre conviction est qu’en travaillant ensemble au quotidien, nous serons plus efficaces au moment des crises. C’est pourquoi nous réalisons des exercices en commun avec les acteurs publics de la santé et avons réaffirmé que la recherche en la matière constituait un axe prioritaire de la recherche biomédicale de défense. Les travaux de recherche sont menés conjointement avec des unités civiles de recherche pour tout ce qu’il est possible de mettre en commun.

J’ajoute que la préparation aux crises, notamment NRBC, est renforcée par l’insertion de praticiens militaires comme officiers de liaison au sein des instances civiles de préparation de crise, notamment au niveau ministériel.

J’en viens à l’accueil des internes civils dans nos structures militaires. Nous en accueillons très régulièrement, notamment au sein des hôpitaux d’instruction des armées (HIA), mais également dans les centres médicaux des armées. Nous portons une attention particulière à la réforme des études médicales qui vise à instaurer une spécialisation croissante pour les praticiens français. Cette spécialisation nous oblige à développer une démarche pour conserver la polyvalence nécessaire à la prise en charge de tout type de blessé sur les théâtres d’opérations extérieures. Le SSA mène donc une réflexion à ce sujet, et l’accueil d’internes civils permet aussi de préparer le recrutement de contractuels au sein de nos structures, ou le recrutement de futurs réservistes. C’est pourquoi nous considérons qu’un tel accueil est extrêmement important.

Notre recherche biomédicale de défense est en pleine restructuration. Cette composante répond également  à la démarche d’ouverture car il est essentiel pour le SSA de s’appuyer sur des structures civiles afin de pouvoir potentialiser notre action dans le domaine de la recherche et de l’innovation. Je suis très attachée à l’innovation qui est un facteur d’excellence, de visibilité nationale et internationale, mais également d’attractivité et de fidélisation. Nous faisons face à un vrai défi dans ce domaine. À titre d’exemple, nous créerons prochainement une direction de la formation, de la recherche et de l’innovation afin de faciliter et de fluidifier l’accès à l’innovation pour nos personnels. S’agissant du budget de la recherche, entre sept et dix millions d’euros y sont actuellement consacrés chaque année, permettant de financer le fonctionnement de cette composante et les équipements nécessaires.

Nous réfléchissons en permanence aux actions qu’accomplissent nos personnels sur les théâtres extérieurs. J’ai évoqué l’adaptation aux évolutions des modalités d’engagement opérationnel des armées : nous devons par exemple nous adapter à un certain morcellement des opérations et à une élongation des théâtres avec des territoires qui, comme c’est le cas de la bande sahélo-saharienne, représentent six fois la superficie de la France. Tout ceci doit nous amener, a fortiori dans un contexte de ressources humaines limitées, à revoir en permanence nos modalités d’action pour rester efficaces et permettre l’engagement des soldats. Je pense que nos infirmiers sont d’un niveau extrêmement élevé en ce qui concerne la prise en charge de nos militaires blessés. Le « binômage » avec le praticien est un enjeu majeur, c’est pourquoi je suis attentive à la formation initiale. Comme vous le savez, nous avons transféré l’école des paramédicaux des armées de Toulon sur le site de Lyon-Bron, à proximité de l’école de santé des armées, ce qui va permettre d’habituer nos personnels au travail en équipe praticien-infirmier dès la formation initiale. Les auxiliaires sanitaires sont également un point d’attention, de façon à pouvoir élever leur compétence au niveau nécessaire pour le sauvetage au combat. Pour les infirmiers, nous promouvons les pratiques avancées et nous nous intéressons aux délégations de tâches. Nous avons par exemple formé un manipulateur radio à l’échographie médicale, technique à laquelle nous recourons notamment pour effectuer le bilan initial des blessures. Il est donc intéressant de disposer de personnels paramédicaux sachant manier une sonde d’échographie afin de venir en appui du praticien dans des circonstances où chaque minute compte.

Au-delà des éléments que j’ai déjà pu évoquer, je pense que les apports sont réciproques entre le SSA et la médecine civile. Nous avons besoin de nous appuyer sur la puissance de recrutement de patients de celle-ci pour maintenir les compétences techniques de nos personnels. En retour, le SSA ne représente qu’1 % du service public de santé, mais il peut lui apporter la très grande spécificité de ses savoir-faire dans la préparation et la gestion des situations sanitaires exceptionnelles, ce à quoi nous nous employons de façon très constructive, surtout depuis les attentats de 2015. Il s’agit d’une préoccupation commune permanente.

Les passerelles avec la médecine civile via l’insertion de praticiens issus du civil au sein du SSA se construisent par le biais de la réserve opérationnelle et citoyenne qui est un élément majeur pour nous permettre de faire face à nos missions. Par ailleurs, nous recrutons des médecins civils, principalement au sein de nos hôpitaux. Ils constituent un apport essentiel compte tenu de nos effectifs limités, notamment dans des spécialités déficitaires ou des spécialités pointues que nous ne souhaitons pas développer au niveau militaire.

Mme Émilie Guerel. La réforme du ravitaillement sanitaire mise en œuvre dans le cadre du projet SSA 2020 touche aujourd’hui quasiment à sa fin. L’objectif était d’optimiser le fonctionnement des établissements du ravitaillement et de diversifier les sources de financement du SSA, notamment via la création de la centrale d’achats opérationnels et l’automatisation des établissements pharmaceutiques. Il s’agissait également de renforcer la place du SSA au niveau international, en valorisant ses productions et ses savoir-faire. Le rayonnement du SSA à l’étranger, en particulier son expertise en matière de ravitaillement sanitaire, apparaît comme un enjeu majeur mais n’a, pour l’heure, pas fait l’objet d’une communication spécifique de la part des armées. Alors que la mise en œuvre de la réforme est pratiquement terminée, quel est le retour d’expérience sur le nouveau fonctionnement du ravitaillement sanitaire ? Des bénéfices liés aux capacités nouvelles ou aux conditions de travail sont-ils déjà perceptibles ? Enfin, concernant la valorisation des savoir-faire du SSA à l’international, quelles voies ont été identifiées afin de le positionner comme exemple auprès de ses homologues étrangers ?

M. Jean-Marie Fiévet. Le rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire publié en décembre dernier estime à 2 200 le nombre de militaires victimes d’un syndrome post-traumatique sur la période 2009-2016. Pouvez-vous détailler les dispositifs mis en place par vos services pour assurer un suivi de tous ces soldats dans la durée ?

Mme Patricia Mirallès. Quel est le devenir des huit HIA ? Beaucoup parlent de fermeture. Est-il exact que le SSA s’orienterait vers la constitution de deux pôles, l’un à Paris avec Percy et Bégin et l’autre avec Marseille et Toulon ? On évoque les difficultés à recruter des médecins. Je souhaite revenir sur la problématique de la première année commune des études de santé (PACES). De nombreux élèves restent à la porte du métier de médecin à quelques places près. Or, sans doute feraient-ils de bons médecins, notamment des médecins militaires. Comment pourrait-on travailler avec les ministères concernés afin de remédier à cette situation et d’ouvrir la voie de la médecine militaire à ces élèves ? Cela permettrait également de valoriser les métiers du SSA qui ne bénéficient pas toujours de la reconnaissance qu’ils méritent aux yeux de la population. C’est dommage, car un médecin ou un infirmier déployé en OPEX est un professionnel qui possède de grandes qualités.

Mme Marianne Dubois. Le département du Loiret a la chance d’accueillir l’excellence avec la pharmacie des armées. Les pharmaciens m’ont alertée à plusieurs reprises sur la difficulté à se procurer de la matière première ou certaines molécules pour fabriquer certains médicaments spécifiques à nos armées. Il s’agit de petits volumes, qui ne présentent donc pas forcément un intérêt pour les entreprises françaises de chimie fine. Les fournisseurs sont dès lors étrangers, parfois soumis à des opérations de fusion ou de rachat. Si l’on adopte un point de vue pessimiste, n’y a-t-il pas un danger pour l’excellence de nos traitements ? Plus encore, notre souveraineté ne peut-elle pas s’en trouver fragilisée ?

M. Christophe Lejeune. Le SSA entretient-il des relations au niveau européen ? En effet, bon nombre d’opérations concernent plusieurs pays européens. La constitution d’un SSA européen est-elle envisagée ? Enfin, le fait qu’un militaire puisse être polyglotte mais qu’il s’exprime dans sa langue maternelle lorsqu’il est blessé constitue-t-il un frein à la mise en place de ce SSA européen ?

Mme Nicole Trisse. Vous avez évoqué, au titre des perspectives, les partenariats avec les ARS. Pourriez-vous nous fournir quelques exemples concrets de collaboration avec ces institutions ?

M. Claude de Ganay. Soutien aux forces sur les théâtres et en métropole, médecine du travail et de prévention pour les militaires, médecine sociale pour répondre aux besoins en médecine généraliste des familles de militaires et des anciens militaires, médecine humanitaire dans le cadre des opérations, recherche médicale… Le SSA ne se voit-il pas forcé de disperser de plus en plus ses moyens dans des missions multiples ? Ma question est peut-être un peu provocatrice mais, au vu des réductions de format et du plan SSA 2020, faudrait-il vous recentrer sur un « cœur de métier » ? Enfin, le risque de déqualification des médecins du SSA est régulièrement évoqué par les praticiens eux-mêmes ou par les militaires des régiments. Ce risque serait renforcé par l’intensité opérationnelle qui réduit le temps de formation et entraîne une spécialisation de fait en médecine de guerre, au détriment de la médecine de spécialité. Quel est votre sentiment à ce sujet ? Partagez-vous ce constat ?

Mme Frédérique Lardet. Je souhaite revenir sur les écoles de santé et les perspectives de carrière des médecins. Selon vous, les évolutions de carrière et de rémunération sont-elles suffisantes et suffisamment cohérentes par rapport à ce qu’offre la médecine civile pour attirer suffisamment de jeunes dans vos écoles ?

M. Didier Le Gac. On a longuement évoqué les relations entre le privé et les hôpitaux militaires. Vous avez notamment rappelé la volonté de rompre avec une sorte d’isolement historique et de vous ouvrir aux autres territoires de santé, ce qui est une très bonne chose. Brest accueille l’HIA Clermont-Tonnerre qui a signé un accord avec le CHU de la ville. Cet accord s’est traduit par la fermeture et le transfert de services entiers de l’HIA vers le CHU, provoquant l’inquiétude des personnels dont le nombre a diminué de 20 %. À l’avenir, allez-vous accélérer la mise en place de telles coopérations ou, au contraire, marquer une pause ?

M. Laurent Furst. Le SSA exploite huit hôpitaux militaires ouverts aux civils. Quelle part de leur activité est consacrée à la population civile, et sur quelle base ces hôpitaux sont-ils rémunérés pour cette activité ? Par ailleurs, que va devenir le bâtiment du Val‑de‑Grâce ? Quelles sont vos relations avec l’Institution nationale des Invalides ? Enfin, une remarque : vous disposez d’un magnifique musée, qui est malheureusement trop peu connu.

M. Patrice Verchère. Le SSA avait été le grand oublié de la loi de programmation militaire 2014-2019, avec des crédits de fonctionnement et d’investissement réduits de manière significative. Votre prédécesseur avait indiqué lors d’une audition que le SSA remplissait ses missions avec une grande difficulté – vous semblez le constater également –, et même la Cour des comptes avait tiré la sonnette d’alarme. À l’occasion de son audition par notre commission, le chef d’état-major des armées a déclaré que les suppressions supplémentaires d’effectifs touchant le SSA seraient reportées sur les années 2020-2021. Toutefois et malgré la restructuration que vous poursuivez, il n’est pas certain que le SSA pourra répondre à l’ensemble de ses missions, compte tenu notamment des OPEX qui peuvent être amenées à durer et dont le nombre pourrait augmenter, ou encore du risque d’attentats. Avec cette restructuration, essentiellement liée à des problèmes budgétaires, ne craignez-vous pas de perdre en efficacité alors même que, ainsi que vous l’avez rappelé, nous disposons d’un des meilleurs systèmes au monde ? Ne craignez-vous pas que cette diminution des moyens envoie un signal négatif aux candidats potentiels ? Qu’attendez-vous de la prochaine loi de programmation militaire ? Êtes-vous optimiste quant à une future augmentation de vos moyens ?

Médecin général Maryline Gygax Généro. Vos questions balaient tout le champ des missions du SSA et je vous en remercie. Quid du devenir des HIA ? Les huit HIA sont nécessaires à la réponse au contrat opérationnel. Les ensembles hospitaliers civils et militaires et les partenariats étroits contractés ne constituent en aucun cas une fermeture des hôpitaux militaires puisque la partie militaire va rester bien identifiée au sein de chaque EHCM. Tel est le cas y compris à Bordeaux où le projet comporte, si je puis dire, une sortie de l’hôpital de ses murs, avec l’insertion d’un noyau de 250 personnels au sein de l’EHCM, leur gestion administrative demeurant assurée par l’HIA. Ces partenariats ne sont pas des fermetures. Il faut les comprendre comme une densification. L’accès à un large éventail de patients au sein de l’établissement partenaire est extrêmement utile pour le maintien et le développement des compétences de nos personnels. Même si la constitution des EHCM est complexe avec, comme je l’ai rappelé, de nombreux aspects, notamment juridiques, qui sont encore en cours de construction, cette mise en place avance et ces partenariats sont, selon moi, le seul moyen de répondre de façon concomitante à l’équation de densification et de contraction des effectifs.

Nos hôpitaux consacrent environ 80 % de leur activité à la patientèle civile. C’est en cela qu’ils sont inscrits dans les territoires de santé, et c’est pourquoi il était important, dans le cadre du projet SSA 2020, de faire du service un véritable acteur du système public de santé pour lui permettre, en s’inscrivant dans les filières de soins, d’assurer le recrutement nécessaire au maintien des compétences de ses personnels. C’est un des aspects par lequel l’ouverture sert le recentrage sur la mission opérationnelle.

Les partenariats avec les ARS se sont concrétisés par la signature d’accords-cadres et vont pouvoir s’intensifier grâce aux outils dont va nous doter l’ordonnance SSA-INI, sa publication étant imminente. Elle va nous permettre de passer d’une logique de coopération à une logique de contractualisation avec les ARS, de nous inscrire dans les plans régionaux de santé, et va permettre aux ARS de prendre en compte les besoins de défense dans les autorisations d’activités ou d’équipements délivrées. Pour mieux préparer ces futures relations avec les ARS, nous allons, dans les jours qui viennent, affecter un praticien au sein de l’ARS Auvergne‑Rhône-Alpes en tant qu’officier de liaison. Il sera chargé de tisser ces premiers liens avec l’ARS et de préparer les crises aux niveaux territorial et régional grâce à ses connaissances dans la gestion des situations sanitaires exceptionnelles, en lien avec l’organisation territoriale de défense et de sécurité. Cette expérimentation va débuter à Lyon, territoire où nous avons récemment fermé la première direction régionale du SSA. Nous portons beaucoup d’espoirs dans cette expérimentation qui, si elle réussit – et je n’en doute pas –, nous donnera les moyens de généraliser ce type de relations sur tout le territoire, non seulement entre les HIA et les ARS, mais également entre les centres médicaux des armées et ces dernières.

J’en viens aux perspectives de carrière, à la rémunération et à la question de l’attractivité. Nous n’avons actuellement pas de problème quant à l’attractivité du concours de recrutement à l’école de santé des armées. Tout l’enjeu est de s’interroger sur l’identité du médecin militaire aujourd’hui et dans dix ans, à l’issue de la formation des élèves qui rejoignent actuellement l’école. Nous menons un travail prospectif prenant en compte les aspirations des jeunes générations ou encore la féminisation, à laquelle n’échappe pas le SSA comme d’ailleurs l’ensemble du monde de la santé publique. Par ailleurs, un travail de collaboration étroite est en cours avec la direction des ressources humaines du ministère des Armées sur les conditions de rémunération qui doivent certainement être améliorées afin de s’adapter au monde très concurrentiel de la santé publique. Je crois très sincèrement que le SSA reste attractif, de par les missions et les conditions d’exercice qu’il offre. Encore récemment, au Tchad, j’ai vu de jeunes praticiens sortis d’école depuis moins de deux ans qui étaient heureux d’exercer leur cœur de métier. Les conditions très spécifiques d’exercice de ce métier restent donc attractives, y compris vis‑à-vis des jeunes générations. À nous d’y veiller par les conditions d’exercice et de rémunération. Le travail est en cours, et je suis personnellement optimiste à ce sujet.

Concernant la PACES, nos élèves-praticiens suivent les mêmes études que les élèves civils et passent les mêmes concours. La valorisation de nos métiers fait partie de la politique d’attractivité et de fidélisation que je souhaite mettre en place. Nous y travaillons avec beaucoup d’énergie, afin de susciter également le recrutement de réservistes qui est vital pour le SSA.

Les liens avec l’Europe constituent un axe en cours de développement et de réflexion, notamment sur le plan opérationnel. Nous avons de très bonnes relations avec le SSA allemand notamment, mais également avec d’autres services européens qui souhaitent mettre en place des coopérations leur permettant de maintenir leurs capacités opérationnelles par des formations communes et par le partage de ce savoir-faire très spécifique de mise en œuvre d’une chaîne santé complète et autonome dont dispose le SSA français. Cette coopération est déjà une réalité concrète : quatre mois par an, c’est un chirurgien allemand qui, à Djibouti, prend en charge nos blessés au niveau du centre médico-chirurgical. Nous réfléchissons également à la modularité et l’interopérabilité possibles, même si la langue peut effectivement constituer une barrière. Nous travaillons à la formation linguistique de nos praticiens. Au-delà de l’interopérabilité technique, nous travaillons également à des jumelages entre les hôpitaux militaires français et allemands afin de susciter des vocations linguistiques, si l’on peut dire…

M. le président. Nous ne sommes pas très forts dans ce domaine… (Sourires)

Médecin général Maryline Gygax Généro. S’agissant de la pharmacie centrale des armées, la politique de valorisation du SSA est un élément moteur pour dégager des financements nouveaux, tout en optimisant les capacités de production mais aussi les savoir-faire du service. Elle a été mise en place très récemment, fin 2015, et revêt des enjeux à la fois stratégiques, économiques et industriels. Les premières recettes encaissées sont prometteuses ; elles contribuent au financement du service tout en permettant d’accroître son efficience. Des critères de sélection très précis des projets ont été fixés, afin de respecter les valeurs et l’éthique du SSA tout en évitant de se disperser. Nous cherchons à étendre à toutes les composantes du service cette activité de valorisation entamée pour le ravitaillement sanitaire, dont les ressources s’élèvent actuellement à environ sept millions d’euros par an, ce qui n’est pas négligeable. Cet axe d’activité enthousiasme nos personnels, dont le savoir-faire technique est ainsi reconnu.

Vous avez évoqué l’ « outsourcing » des matières premières et il s’agit effectivement d’un enjeu stratégique. Il faut savoir que depuis le début des années 1980, environ 80 % des matières premières à usage pharmaceutique sont produites en Chine ou en Inde. Les approvisionnements sont donc soumis à un certain nombre d’aléas, notamment économiques et géopolitiques, ce qui nous impose de réfléchir à leur sécurisation. Différentes solutions sont déjà mises en œuvre, comme la recherche de sources alternatives pour les matières premières sensibles. La DAPSA travaille également en liaison avec le service des affaires industrielles et de l’intelligence économique au sein de la direction de la stratégie de la direction générale de l’armement, aux possibilités de soutien financier par l’État permettant de sanctuariser ou relocaliser des compétences en matière de chimie fine. Il est certain que les pénuries éventuelles, comme celles déjà constatées s’agissant de la doxycycline et de l’atropine, auraient des conséquences en termes opérationnels et de traitement des intoxications par des agents NRBC ; cette question fait donc l’objet d’une attention particulière du SSA et de ses tutelles.

En ce qui concerne le devenir du site du Val-de-Grâce, le site historique est un lieu de tradition et de cohésion très important pour le SSA. Si l’hôpital a dû être fermé pour les raisons qui vous avaient été exposées par le médecin général Jean-Marc Debonne, le maintien de l’usage du site historique n’est quant à lui pas remis en question. C’est là que sont implantés l’école du Val-de-Grâce, l’inspection du SSA et le musée. Nous avons en outre pour objectif d’y installer prochainement une partie de notre gouvernance, une fois les travaux d’infrastructure et de câblage informatique réalisés, avec la direction des hôpitaux et la direction de la formation, de la recherche et de l’innovation. Enfin, concernant le parc du site historique, j’attire l’attention sur le fait qu’il revêt une importance certaine pour notre préparation opérationnelle, pour pouvoir réaliser certains exercices à proximité de notre école. Le devenir des bâtiments de l’hôpital ne relève pas de notre compétence, ce dossier étant traité par le Préfet de Paris et par la direction du patrimoine, de la mémoire et des archives.

Suis-je optimiste s’agissant de notre capacité à accomplir nos missions à l’horizon 2021 ? Nous n’avons d’autre possibilité que de réussir, mais nous ne réussirons pas seuls. L’avenir du SSA est entre nos mains, et entre celles de nos tutelles, dont l’écoute est attentive. Je demeure cependant extrêmement vigilante à la tension qui s’exerce sur les personnels. La période est cruciale, mais je ne suis pas pessimiste quant à notre capacité à surmonter les difficultés, avec l’aide de nos tutelles, et la vôtre si vous voulez bien nous l’accorder.

La séance est levée à onze heures quarante.

*

*      *

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Damien Abad, M. Louis Aliot, M. François André, M. Pieyre‑Alexandre Anglade, M. Jean-Philippe Ardouin, M. Didier Baichère, M. Thibault Bazin, M. Olivier Becht, M. Christophe Blanchet, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean‑Jacques Bridey, Mme Anne-France Brunet, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Luc Carvounas, M. Philippe Chalumeau, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, M. Jean‑Pierre Cubertafon, M. Stéphane Demilly, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. M’jid El Guerrab, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Marie Fiévet, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, Mme Séverine Gipson, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Fabien Gouttefarde, Mme Émilie Guerel, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Fabien Lainé, Mme Frédérique Lardet, M. Didier Le Gac, M. Christophe Lejeune, Mme Sereine Mauborgne, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Josy Poueyto, M. Joaquim Pueyo, M. Gwendal Rouillard, M. Thierry Solère, Mme Sabine Thillaye, Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Nicole Trisse, M. Stéphane Trompille, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Patrice Verchère, M. Charles de la Verpillière

Excusés. - M. Bruno Nestor Azerot, M. Florian Bachelier, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Marc Fesneau, M. Philippe Folliot, M. Thomas Gassilloud, M. Christian Jacob, M. Jacques Marilossian, M. Franck Marlin, Mme Natalia Pouzyreff

Assistait également à la réunion. - M. Dino Cinieri