Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 

– Examen, ouvert à la presse, et vote sur les projets de loi suivants :

 


Mercredi
15 mai 2018

Séance de 17 heures

Compte rendu n°061

session ordinaire de 2017-2018

Présidence
de Mme Marielle de Sarnez, présidente


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Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et l’Autriche relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière (n° 320)

La séance est ouverte à dix-sept heures.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Notre ordre du jour appelle l’examen de quatre conventions mais je vous propose de reporter l’examen de l’une d’entre elles, le projet de loi n° 321 autorisant l’approbation du protocole entre le France et la Bosnie Herzégovine, à une séance ultérieure, diverses auditions souhaitées par la rapporteure Mme Liliana Tanguy n’ayant pu encore être effectuées. 

Je vous informe que la Conférence des Présidents de ce matin a prévu l’inscription de ces trois conventions en séance publique le jeudi 24 mai au matin, dans le cadre d’une procédure d’examen simplifié.

Nous allons commencer par l’examen, sur le rapport de M. Hugues Renson, du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et l’Autriche relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière (n° 320).

M. Hugues Renson, rapporteur. L’accord que nous examinons appartient à une catégorie classique d’accords internationaux, les accords de réadmission, par lesquels les pays signataires s’engagent à accepter le retour forcé sur leur sol de leurs ressortissants en situation irrégulière et le cas échéant de ressortissants de pays tiers ayant séjourné sur leur sol. La France a signé des accords de ce type avec une cinquantaine de partenaires dans le monde, dont vingt dans l’Union européenne. Elle peut également s’appuyer sur dix-sept accords de ce type passés par l’Union européenne.

Cet accord avec l’Autriche n’a donc rien de très original. Il vise à remplacer un accord précédent de même nature avec ce pays, conclu en 1962, dont les dispositions devaient être modernisées et adaptées au droit européen. Il a été conclu en 2007, puis l’on s’est aperçu que l’une de ses clauses n’était toujours pas conforme au droit européen et l’on a dû signer, en 2014, un protocole de révision pour réparer ce problème rédactionnel, qui portait sur la définition des ressortissants de « pays tiers », notion qui, selon le droit européen, ne peut concerner que les ressortissants de pays extérieurs à l’Union européenne et à l’espace Schengen. C’est l’accord de 2007 ainsi révisé qui nous est soumis. On peut bien sûr s’étonner de ce raté et du temps qu’il a fallu pour le réparer, mais il faut aussi relativiser les enjeux, qui sont dans le cas présent assez modestes.

En moyenne, ces dernières années, la France a éloigné vers l’Autriche une quarantaine de personnes par an. Un petit nombre de ces personnes, en moyenne deux à trois par an, étaient de nationalité autrichienne, les autres appartenant à des nationalités extra-communautaires. Il y aussi des cas de transit, que l’accord prévoit : par exemple, des personnes renvoyées vers un pays tiers font une escale aéroportuaire à Vienne. L’entrée en vigueur du nouvel accord ne devrait pas modifier fondamentalement la situation. Selon l’étude d’impact préparée par le Gouvernement, « l’accord n’aura (…) aucune incidence financière majeure, compte tenu des volumes de retours envisagés ».

Les éloignements forcés sont en effet peu nombreux entre États-membres de l’Union, compte tenu de la liberté de circulation et d’établissement dont bénéficient les citoyens européens. Ils peuvent concerner des personnes qui sont l’objet d’une condamnation pénale comprenant une interdiction de séjour, peuvent aussi être justifiés par des raisons d’ordre et de sécurités publics et peuvent enfin viser des personnes qui ne justifient pas d’une activité professionnelle, de la poursuite d’études ou d’un minimum de ressources.

Quant aux éloignements de ressortissants de pays tiers, ils ne devront être acceptés par l’autre partie, selon l’accord, que sous réserve que les personnes en cause aient séjourné sur son territoire et dans ce cas de figure sous plusieurs conditions : cela vaudra seulement pour les ressortissants de pays non membres de l’Union et de l’espace Schengen, qui couvre aussi des pays tels que la Suisse et la Norvège ; seulement durant les six premiers mois de séjour irrégulier de ces personnes ; enfin sous réserve qu’elles ne bénéficient pas d’une protection internationale de type asile et ne soient pas non plus des demandeurs d’asile. Pour les demandeurs d’asile, c’est en effet le dispositif « Dublin » de détermination du pays dit responsable de la demande d’asile qui doit s’appliquer.

Pour le reste, l’accord comporte des dispositions procédurales précises destinées à assurer une application efficace tout en respectant les droits des personnes. Des délais brefs de réponse aux demandes formulées entre les deux pays et d’exécution des mesures sont ainsi prévus. Les conditions de détermination de l’état-civil, de la nationalité et du parcours des personnes concernées, à partir de divers documents, sont détaillées. La transmission et l’utilisation de ces informations personnelles sont encadrées conformément au droit européen, de même que les prérogatives des escortes policières.

Je voudrais enfin dire quelques mots du partenaire avec lequel l’accord a été signé, l’Autriche. C’est un fait que le résultat des dernières élections générales en Autriche et l’installation au pouvoir, en décembre dernier, d’une nouvelle majorité ont suscité des interrogations. L’accord est bien antérieur, essentiellement technique et similaire en tous points à ceux signés avec d’autres pays, je le rappelle. Il me paraît utile de rappeler cependant plusieurs points.

Tout d’abord, j’ai regardé le programme du nouveau gouvernement investi en décembre 2017, qui est très précis puisqu’il y a, comme en Allemagne, un accord de coalition qui s’imposera durant la législature. Ce programme comprend effectivement des mesures restrictives en matière d’asile et d’immigration, notamment en matière de prise en charge sociale ou sur des règles procédurales en matière d’asile. Mais ce programme s’inscrit aussi, de manière délibérée, dans le cadre du droit européen et des valeurs européennes. Il y est dit en particulier que l’Autriche souhaite coopérer avec ses partenaires dans le cadre du régime d’asile européen commun pour élaborer une politique d’asile résiliente, durable et efficace. Il est également prévu que l’Autriche accepte un contingent de réfugiés qui seraient réinstallés directement depuis des pays tiers.

Par ailleurs, bien que cela ne soit pas le sujet de l’accord de réadmission, ayons conscience que l’Autriche, située sur la route migratoire d’Europe centrale, a largement pris sa part de l’accueil des migrants suite à la crise migratoire de 2015. D’après les données collectées par Eurostat, avec une population de moins de 9 millions d’habitants, soit presque huit fois moins que la France, l’Autriche a enregistré 148 000 primo-demandes d’asile sur les trois années 2015-2017, contre 238 000 pour notre pays, soit moins de deux fois plus. Rapportés à la population, les nombres de demandes d’asile ainsi que d’octroi d’asile ont été plus élevés en Autriche que dans la plupart des pays européens, y compris parfois l’Allemagne.

Bref, que ce soit pour le programme de son nouveau gouvernement ou pour la manière dont elle a pratiqué l’accueil des migrants ces dernières années, l’Autriche continue d’affirmer son attachement aux valeurs européennes et au projet européen.

Plus généralement, en sortant des seules questions migratoires, l’Autriche est un partenaire de confiance de notre pays, en particulier dans les débats européens. Nos deux pays ont des convergences fortes sur plusieurs dossiers et ont partagé des combats européens ces derniers mois. Je pense par exemple à la révision de la directive sur les travailleurs détachés ou à l’interdiction dans le délai le plus bref possible du glyphosate. L’Autriche défend aussi une politique agricole commune active proche de nos conceptions. Le nouveau chancelier investi en décembre dernier, Sebastian Kurz, a fait son premier déplacement international à Bruxelles, manifestant ainsi son attachement à la construction européenne, et sa deuxième destination a été Paris.

Nous avons donc un accord de nature classique qui procède à des aménagements juridiques nécessaires pour que notre coopération avec l’Autriche puisse continuer dans les meilleures conditions. En  tenant compte également du contexte que je vous ai décrit, je vous invite à adopter le présent projet de loi, qui permettra l’approbation de cet accord.

M. Alain David. Même si nous ne savons pas de quoi demain sera fait, vous m’avez rassuré en précisant que l’accord de coalition autrichien portait une conception du droit d’asile conforme aux valeurs européennes.

Je m’interroge également sur la dimension bilatérale de cet accord, l’Autriche étant, comme nous, membre de l’Union européenne : ne serait-il pas plus simple d’établir des règles européennes pour régir les questions relatives à la réadmission au sein de l’Union ?

M. Jean-Paul Lecoq. Je constate une nouvelle fois, dans les propos de notre rapporteur, une certaine confusion entre la question des migrations irrégulières et celle de l’asile. Un demandeur d’asile n’est pas un migrant irrégulier. Les migrants irréguliers qui arrivent en France via l’Autriche peuvent être « dublinés », c’est-à-dire renvoyés en Autriche.

Cet accord suscite tout de même certaines interrogations. Il a été négocié il y a déjà plusieurs années de cela, avec une majorité différente de celle qui se trouve aujourd’hui au pouvoir en Autriche. L’accord est-il encore adapté ? Vous nous expliquez qu’il comporte toutes les garanties nécessaires, mais le pouvoir actuel souscrit-il à ces garanties ? A-t-il ratifié cet accord ? Nous devons donc impérativement nous assurer que l’Autriche partage actuellement les valeurs qui sont prônées par l’accord que nous sommes appelés à ratifier.

Par ailleurs, avez-vous des statistiques au sujet des demandeurs d’asile dont la demande aurait été rejetée en Autriche et qui auraient ensuite déposé une nouvelle demande en France ?

M. Hugues Renson, rapporteur. Je reprécise la chronologie des négociations avec l’Autriche en matière de réadmission. Nous avons conclu un premier accord en 1962, devenu obsolète avec la création de l’espace Schengen. C’est pourquoi nous avons signé en 2007 un nouvel accord aux stipulations actualisées. Simplement, cet accord, suite à une erreur dans la rédaction, considérait les ressortissants des pays de l’Union européenne autres que la France et l’Autriche comme des ressortissants d’États tiers. C’est pour corriger cela qu’au terme d’une procédure de réécriture – trop longue, je vous l’accorde – l’accord que nous sommes appelés à examiner a été définitivement signé en 2014. Tout cela pour dire que cet accord n’a pas été élaboré pour répondre à une problématique d’actualité : il est dans les tuyaux depuis longtemps et a une portée essentiellement technique ; il s’apparente à tous les autres accords de ce type.

La France a ce genre de convention bilatérale avec 20 États-membres. En 2008, la directive « retour » de l’Union européenne a mis en place des règles générales sur cette question, mais a accepté une exception lorsque des conventions bilatérales signées antérieurement prévoyaient le renvoi possible de migrants en situation irrégulière non pas vers leur État tiers d’origine, mais vers un État-membre de l’Union européenne. Nous sommes précisément dans ce cas de figure, puisque l’accord initial avec l’Autriche avait été signé en 2007.

Je pense comme M. Lecoq qu’il est nécessaire de bien distinguer l’asile et les migrations. L’asile n’est pas une option, c’est une obligation pour tous les pays qui ont adhéré à la convention de Genève, et c’est un droit pour tous ceux qui fuient la guerre et la barbarie. Comme je l’ai dit, l’accord que nous examinons ne concerne pas les demandeurs d’asile : il n’y aura pas de réadmission de personnes qui auraient obtenu le statut de réfugié et la réadmission éventuelle de demandeurs d’asile ne rentre pas dans ce cadre mais dans celui du règlement « Dublin ». J’entends l’actualité avec laquelle on peut lire cet accord, mais il faut justement essayer de s’en extraire un peu. Il s’agit là d’un accord ancien et technique, qui porte sur un très faible volume de personnes : je rappelle qu’une trentaine de personnes par an au total sont éloignées de la France vers l’Autriche.  Cet accord a donc une portée limitée, mais il nous faut le ratifier pour adapter notre droit aux exigences de l’Union européenne.

Enfin, je précise que l’Autriche a achevé sa procédure interne de ratification dès 2015.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi.

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Projet de loi autorisant l’adhésion au Protocole contre la fabrication et le trafic illicites des armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (n° 583)

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous examinons maintenant, sur le rapport de M. Bertrand Bouyx, le projet de loi autorisant l’adhésion au Protocole contre la fabrication et le trafic illicites des armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (n° 583).

M. Bertrand Bouyx, rapporteur. La dissémination incontrôlée des armes légères et de petit calibre vers des utilisateurs non autorisés constitue un facteur reconnu de déstabilisation des Etats et une menace pour la sécurité. C’est un phénomène qui touche tous les pays du monde. La France n’a pas échappé au phénomène, puisque les attentats de novembre 2015 ont été commis avec des armes issues de trafics en provenance des pays de l’Est.

D’après les Nations Unies, 40 à 60 % du commerce des armes légères dans le monde est illicite à un moment ou à un autre. Le trafic d’armes à feu est alimenté par différentes filières : soit par la fabrication illicite d’armes, soit par le détournement à partir des stocks étatiques ou des flux commerciaux officiels :

– Au Moyen-Orient, dans les Balkans et en Europe de l’Est. Comme me l’a expliqué M. Brunet notre ambassadeur et représentant spécial pour la lutte contre la criminalité transnationale, cette région constitue la première menace pour la France, du fait de la continuité géographique. Les trafics y sont principalement liés aux stocks d’armes importants des Etats dont la surveillance est parfois déficiente. Les conflits, le pillage ou la revente de ces armes ont alimenté les trafics. Les trafics transfrontaliers sont eux majoritairement le fait de groupes criminels organisés, les armes s’ajoutant aux flux d’autres marchandises illicites en direction de l’Europe de l’Ouest ;

– En Afrique subsaharienne, le commerce illicite des armes de petit calibre s’inscrit dans le cadre de conflits armés persistants, sources d’une demande particulièrement forte et stable. La porosité des frontières, la persistance de systèmes de fabrication artisanaux et le contrôle souvent déficient des Etats sur leurs stocks d’armement facilitent le développement du trafic ;

– Dans la région Amérique latine et Caraïbes, le trafic d’armes est directement lié au trafic de drogue et à la rémanence de mouvements de guérilla. C’est sur le continent américain dans son ensemble que la violence par armes à feu est la plus forte.

Au total, ces armes feraient 500 000 victimes par an. C’est donc un vrai sujet de sécurité internationale.

L’engagement de la France

La France soutient donc activement les efforts entrepris par la communauté internationale pour prévenir et lutter contre la dissémination des armes légères et de petit calibre. Elle a elle-même porté plusieurs initiatives dans ce domaine, dont l’obtention de la présidence de la 3ème conférence d’examens du Programme d’action des Nations-Unis contre le commerce illicite des armes légères et de petit calibre, la relance du processus d’adhésion au Protocole sur les armes à feu annexé à la Convention de Palerme de novembre 2000 ; enfin l’adoption de l’Instrument international de traçage ; des « Meilleures pratiques en vue de lutter contre les transferts déstabilisants d’armes légères par voie aérienne » au sein de l’Arrangement de Wassenaar et de l’OSCE et, en 2018, d’un « Guide de bonnes pratiques sur la neutralisation des armes légères et de petit calibre » à l’OSCE.

Quelles sont les principales dispositions du texte ?

Le Protocole « armes à feu » adopté en 2001, et qu’il est proposé aujourd’hui d’approuver, constitue le premier, et à ce jour l’unique, accord international juridiquement contraignant visant spécifiquement à contrôler les armes à feu et à lutter contre les trafics illicites.

Pour précision, il vise les infractions de nature transnationale impliquant des groupes criminels. Il ne s’applique en revanche pas aux transactions entre Etats.

– les Etats parties devront assurer la sécurité des armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions au moment de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et du transit

– les actes intentionnels suivants devront faire l’objet de sanctions pénales : la fabrication illicite et le trafic illicite d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, ainsi que la falsification ou l’effacement, l’enlèvement et l’altération de façon illégale des marques que doivent porter les armes à feu. En outre, le Protocole prévoit que soit pénalisé le fait de tenter de commettre, de se rendre complice, d’organiser, diriger, faciliter, encourager ou favoriser la commission de l’une de ces infractions.

– le texte prévoit des mesures de marquage aux fins de l’identification et du traçage des armes à feu, c’est un élément fondamental. Un marquage unique et d’usage facile est apposé lors de la fabrication des armes à feu, permettant d’identifier le pays de fabrication. Un marquage simple est apposé sur les armes à feu importées définitivement, afin d’identifier le pays importateur et si possible le pays d’importation. Si l’arme importée ne comporte pas de marquage unique apposé à la fabrication, celui-ci est porté lors de l’importation. Un marquage approprié est apposé lorsqu’une arme à feu est définitivement transférée des stocks de l’Etat en vue d’un usage civil permanent.

– les Etats parties devront conserver les informations sur les armes à feu durant une période de 10 ans pour assurer le traçage. J’aurais souhaité pour ma part que cette période soit étendue à une trentaine d’années.

– sur le sujet important de la neutralisation des armes, les Etats parties devront rendre définitivement inutilisables et impossibles à réactiver les parties essentielles d’une arme, faire vérifier les mesures de neutralisation par une autorité compétente, et faire délivrer par ladite autorité un certificat ou un marquage certifiant la neutralisation.

– Enfin, les échanges d’information et la coopération entre les Etats aux niveaux bilatéral, régional et international sont encouragés par le Protocole. Les Etats désignent des points de contact nationaux, et cherchent à obtenir l’appui de tous les acteurs industriels et commerciaux impliqués.

C’est donc un texte relativement complet qu’il nous est proposé d’approuver.

Quelles en seront les conséquences juridiques en droit français ?

Le droit français, en son état actuel, permet de répondre à la grande majorité des obligations introduites par le protocole armes à feu. Il n’est toutefois pas en totale conformité avec 4 dispositions :

– La définition des armes anciennes (article 3 du protocole) : le droit français ne reprend pas la notion d’armes anciennes mais fait référence aux armes historiques et de collection plus large que celle du protocole (je vous renvoie au rapport pour plus de détails). Une réserve devrait par conséquent être formulée au sujet de la définition des armes historiques.

– Les incriminations (article 5 du protocole) : le droit français n’est pas à ce jour conforme aux dispositions du protocole concernant la tentative de trafic ou fabrication d’armes de petit calibre : celle-ci n’est réprimée que pour certains délits du code de la sécurité intérieure ou du code de la défense. Il conviendra de combler ce vide juridique.

– Le marquage (article 8 du protocole) : le droit français ne prévoit pas l’apposition de marquages à l’importation. La France impose un poinçon d’épreuve de toutes les armes fabriquées ou importées qui permet l’identification du banc d’épreuve (pour la France, le Banc d’Epreuve de Saint-Etienne), mais pas directement celle de l’Etat. Une réserve devrait par conséquent être formulée au sujet de l’obligation de marquage à l’importation permettant l’identification de l’Etat importateur. J’invite pour ma part le gouvernement à lever rapidement cette réserve.

– Le courtage (article 15 du protocole) : le droit français n’est à ce jour pas conforme aux dispositions du protocole pour ce qui relève de la réglementation de l’activité de courtage pour les armes relevant des catégories C et D. Sur ce point, je souhaite qu’on aille plus loin. J’ai rencontré dans le cadre de mes travaux Amnesty International et l’Observatoire des armements qui semblaient unanimes : notre législation est insuffisante. Un projet de loi renforçant la réglementation est en cours d’examen depuis 2001 sans être adopté. La transposition de la directive de 2017 sur ce sujet devrait nous permettre d’agir en ce sens.

Que peut-on attendre de ce texte ?

C’est le premier instrument contraignant et non pas simplement politique, qui de plus montre qu’il est important de réunir les deux mondes, le contrôle des armements et la chaîne pénale, pour lutter contre les trafics d’arme. C’est une vraie avancée. Bien sûr, pour ne pas rester une coquille vide, il devra s’accompagner d’une forte entraide judiciaire et policière. 

J’estime pour ma part qu’il est grand temps que la France rejoigne ce protocole, les raisons invoquées pour reporter l’adhésion semblaient peu justifiées, d’autant que nous avions signé les autres protocoles à la convention de Palerme. Nous montrerons ainsi que nous avons mis à niveau notre législation, en cohérence avec notre engagement européen et multilatéral. 120 Etats ont ratifié cet accord, nous pourrons ensuite créer une dynamique pour que d’autres Etats nous rejoignent et crédibiliser notre discours pour lutter efficacement contre la menace terroriste. 

Il y a enfin un élément d’actualité car la France doit présider la troisième conférence d’examen du programme d’action des Nations Unies visant à éradiquer le commerce illicite d’armes légères qui se tiendra à New York en juin 2018. Il serait évidemment de bonne politique d’avoir ratifié le principal instrument juridique international en la matière avant le début de notre présidence.

Au bénéfice de ces remarques, je vous propose d’adopter ce projet de loi.

M. Jean-Paul Lecoq. Il y a des questions sur ce  projet de loi. On adopte un traité qui nous met en difficulté à l’échelle juridique sur certains aspects que le rapporteur a souligné : l’incrimination, la question des armes anciennes. On a tous été sollicités dans notre circonscription par des collectionneurs d’armes, par des clubs, par  des associations de tireurs à la carabine ou pistolets. Ils nous ont interpellés sur le projet de loi, la directive 2017  qui est une exception sur ces armes de collection. Il ne faudrait pas que ce protocole efface ce travail qui a été fait dans le droit français où on a fait valoir cette particularité des armes de collection, des armes historiques. Ça c’est la première chose.

La deuxième chose c’est le problème des Etats qui parachutent des armes sans particulièrement connaitre la destination de ceux qui sont en dessous et de l’utilisation qu’ils vont faire des armes. Je pense par exemple à l’Etat français qui parachute des armes en Libye. Est-ce qu’il est imaginé que l’Etat marque ces armes de manière à ce qu’on voit où ces armes vont. Est-ce que ces armes  atterrissent contre nos soldats ou entre les mains des terroristes ? Est-ce qu’elles finissent dans des Etats en phase de construction ? dans une armée régulière ?

Puis, il y a la question des Etats qui vendent librement des armes à leurs citoyens. Il n’y a pas des règles draconiennes dans tous les Etats, comme en France. Ainsi, il s’instaure le problème du trafic d’armes illégales. Comment ces pays ouvrent une porte sur la transparence ? Je pense notamment aux Etats-Unis. C’est un vaste sujet. Je trouve que le rapporteur a eu du courage à porter cette question. Je ne pense pas qu’il a fini de la porter. Je pense que la commission ne suffira pas. Il y a des nombreux sujets autour de cette question d’armes. S’il y a un traité qui doit faire l’objet d’un débat dans l’hémicycle aussi pour bien peser les choses à l’échelle nationale, ce serait celui-là.

Mme Laetitia Saint-Paul.  Je m’interrogeais sur les questions de réserve de la France par rapport au poinçon alors que le marquage permet une meilleure traçabilité. Est-ce que vous pouvez m’apporter des éclairages, monsieur le rapporteur, s’il vous plait ?

M. Bruno Fuchs. Merci Monsieur le rapporteur pour ce travail. Peut-être une précision sur la position des Etats-Unis. Vous avez dit que le protocole date de 2001, est-ce que récemment on a des signaux comme quoi la position des Etats-Unis aurait pu évoluer par rapport à ce protocole et de quelle manière ?

Mme Mireille Clapot.  Je me félicite également que ce sujet puisse être mit en débat. Une question un peu précise : vous avez dit que la France est engagée dans  la lutte contre le trafic d’armes. Est-ce que vous pouvez détailler un peu plus les actions qui sont entreprises dans ce domaine?

Mme Martine Leguille-Balloy. La France est en effet engagée dans des batailles. Concrètement, quelles sont les raisons, sachant que la France avait ratifié et adopté le protocole du 30 mai 2001, pour que la France ait attendu si longtemps  pour penser à  la ratification d’un tel traité, d’un tel accord?

M. Hubert Julien-Laferriere. Merci Madame la présidente. On a vu dans le rapport les conséquences juridiques en droit français qui vont naitre de ces accords, mais dans quelle mesure cet accord est contraignant pour la France et en quoi il ne l’est pas ?

Mme Valérie Thomas. Comme il y a des réserves relatives au Protocole, je voudrais savoir comment on peut les lever et le temps qu’il faudra.

M. Bertrand Bouyx, rapporteur. Sur la question du parachutage des armes, il faut bien voir qu’on est ici sur des armes légères de petit calibre. Cela restreint considérablement le domaine de définition, on n’est pas sur des armes de guerre. Les questions posées sont tout à fait légitimes, et elles restent posées, mais elles ne concernent pas ces armes.

Sur la question de l’historicité des armes, on est sur un problème de transposition du protocole en droit français. C’est une question prise en compte, les armes de collection seront préservées, simplement il faut adapter notre définition à celle du protocole. C’est une question d’adéquation entre le droit français et ce qui a été introduit par le protocole, et c’est d’ailleurs pour cela que la France a émis une première réserve sur le protocole. D’ailleurs je vous invite à vous pencher sur le texte traité en février sur l’adaptation du droit français au droit européen sur ces questions.

Sur la question du poinçon et du marquage, la France a émis une réserve qui ne concerne que l’importation d’armes aujourd’hui. Ce qui est avancé est un problème d’organisation technique sur l’aspect du poinçonnage uniquement des armes à l’importation. La France marque ses armes à l’exportation. Sur le fait de mettre ces marquages, c’est même une obligation imposée par le droit français aux fabricants d’armes.

Sur les actions entreprises sur le trafic d’armes : même si la France a pris du retard dans l’adoption du protocole, ce retard est lié à l’adaptation du droit français et aux contraintes techniques imposées par le protocole. Mais, entretemps, la France a eu des actions concrètes pour lutter contre le trafic. Elle s’est engagée sur sa position commune en 2008 au niveau européen, ensuite elle s’est engagée sur la présidence de la troisième conférence d’examen du programme des Nations Unies contre le commerce illicite des armes légères. L’action française a été un perpétuel engagement pour relancer le processus d’adhésion au protocole annexé à la convention de Palerme. Elle a adopté l’instrument international de traçage, et elle a mis en place des bonnes pratiques pour lutter contre le transfert d’armes.

Sur la question du caractère contraignant du protocole : il est contraignant parce qu’il nous oblige à adopter un dispositif de contrôle national des transferts d’armes conventionnelles. Cela nous a obligé à aménager notre droit pour être en conformité avec les traités. Cela nous oblige à mettre en place des mesures pénales et des mesures de sanctions au niveau des contentieux qui peuvent y être liés.

Sur les réserves : il y a une réserve qui porte sur ce que l’on entend par « armes anciennes », et une qui concerne le marquage des armes à l’importation. Cette réserve, à mon avis, il faudra la lever assez tôt. Voilà les deux réserves émises par la France. Pour lever la réserve sur les armes à feu anciennes, il faut simplement adopter une nouvelle définition. Pour la réserve sur le marquage, c’est un problème technique et un problème de fichage, pour assurer la traçabilité et le marquage des armes à l’importation. C’est une question complexe.

Mme Laëtitia Saint-Paul. Sur la démilitarisation des armes que vous avez évoquée, et puisqu’en France la démilitarisation des armes et la neutralisation des armes est très stricte, on a pu voir importer des armes dites « démilitarisées » mais facilement réutilisables. Je voudrais savoir ce qu’on peut faire pour limiter ce fléau.

M. Bertrand Bouyx, rapporteur. En France, l’objet c’est justement les armes de collection. Certaines de ces armes pouvaient être très vite remilitarisées. En fait, il faut que la neutralisation soit rendue irréversible. On ne doit pas pouvoir se resservir de ces armes. Le protocole le permet, puisqu’il propose des mesures internationales de coopération avec les Balkans et l’Allemagne, pour assurer que les armes qui arrivent aient été neutralisées. Néanmoins les frontières sont poreuses, et il faut avoir à l’esprit qu’il y a un très grand nombre d’armes de petit calibre en circulation. Il y a des pays où la plupart des personnes ont des armes, et elles peuvent ensuite les vendre. On a appris durant les auditions qu’en démontant les armes, puis en les vendant dans des paquets séparés et en les rassemblant ensuite, on pouvait avoir à nouveau des armes militarisées. Cela illustre la difficulté qu’il y a à assurer la traçabilité des armes à feu.

M. Frédéric Barbier. On est sollicité lors de certaines successions par des personnes qui ne savent pas à quoi ont servi les armes héritées, elles ne savent pas si elles doivent les signaler et ce qu’elles encourent si elles ne le font pas.

M. Bertrand Bouyx, rapporteur. Rien, s’il s’agit d’armes familiales dont on est sûr qu’elles n’ont pas été sorties et qu’elles n’ont pas été utilisées par un tiers. Maintenant, la meilleure façon de faire, c’est de l’apporter à la gendarmerie et, si un acte criminel a été commis avec ces armes, on le saura rapidement puisque des fichiers sont établis à ce titre.

M. Pierre Cordier. Ayant moi-même été maire pendant plusieurs années, j’ai été confronté à ce type de problématiques. Effectivement, en cas de succession, la meilleure solution est d’apporter les armes à la gendarmerie. Si ces armes ont pu être utilisées à des fins criminelles, surtout s’il s’agit d’armes anciennes, le numéro de référence inscrit peut remonter à une des Guerres mondiales, et il n’est pas sûr que la traçabilité de l’arme puisse être établie.

Ma question porte sur les armes de collection. On a eu ce débat à l’hémicycle, à propos de la classification des armes. Mais il faut garder à l’esprit que les armes utilisées à des fins criminelles n’ont souvent rien à voir avec des armes de collection. Il ne faudrait pas prendre le risque d’embêter celui qui a des armes de collection neutralisées plutôt que celui qui a utilisé des armes à des fins criminelles.

M. Bertrand Bouyx, rapporteur. Il ne faut pas stigmatiser les collectionneurs ; bien évidemment, les armes qui circulent et qui sont utilisées pour commettre des crimes sont des armes le plus souvent issues des pays de l’Est. Il faut garder à l’esprit que les armes de collection ne sont pas concernées, le protocole cherche simplement à harmoniser les deux définitions. Les problématiques d’armes de collection ne devraient pas empêcher la ratification du protocole, nous sommes davantage sur des questions de sécurité personnelle plutôt que sur une problématique de crimes commis avec des armes de collection. Vous avez raison, il ne faut pas faire de confusion ou d’amalgames sur ce sujet.

M. Bruno Fuchs. Je voudrais reprendre la position de l’administration Trump sur cette question, dont on a vu qu’elle était capable de remettre en cause des accords déjà signés. En considérant la sensibilité du Président américain sur ces sujets, je voudrais savoir si vous avez des éléments sur la position américaine par rapport au protocole.

M. Bertrand Bouyx, rapporteur. Il n’y a pas d’évolution sur ce point-là, ça n’a pas bougé et on n’a pas plus d’information. Mais c’est vrai que c’est un problème endémique pour eux, la dispersion des armes fait peser des risques pour tout un chacun, et notamment pour les Etats-Unis.

M. Jean-Paul Lecoq. J’apprécie que mon collègue ait répété la question sur l’administration américaine. Vous avez dit que la France allait présider à l’ONU la prochaine conférence. A New-York, il va bien falloir aborder la question de l’armement américain et confronter ce protocole avec la réalité de l’administration américaine d’aujourd’hui. La France va devoir oser mettre les pieds dans le plat. Il faut se préparer à ce sujet.

M. Bertrand Bouyx. Comme vous l’avez souligné, c’est un sujet de fond pour l’ensemble des citoyens, américains, français ou européens. Je ne peux pas préjuger de la position qui sera défendue par la France, mais ce sont des questions que nous devons tous nous poser en tant que citoyens.

M. Frédéric Barbier. J’ai parfois l’impression que ça peut être un sujet tabou du côté français. Je suis député d’un territoire frontalier avec la Suisse. Il y a eu beaucoup de parachutages d’armes pendant la guerre. J’avoue ma méconnaissance totale sur le sujet des armes mais j’ai parfois l’impression que dans les familles on parle : on a gardé, on a stocké, on a ce type d’armes. Y a-t-il une communication qui est prévue ? On fait de la prévention routière, on fait de la prévention sur des problèmes de vitesse, d’alcoolisme, d’un certain nombre de sujets et je trouve que sur l’armement, on n’en parle pas tant que ça. Est-ce qu’une communication prévue au niveau national sur les thèmes de la prévention et de la sécurité par rapport aux armes ?

M. Maurice Leroy. Dans tous les départements de France, via les préfets et les préfectures, on a l’obligation de déclarer, avec des arrêtés affichés dans les mairies. J’ai moi-même dû intervenir pour certains de mes administrés à cet égard. Cela a été fait à plusieurs reprises dans les départements, via les mairies. Il y a de vraies mesures et ce n’est pas récent. Des sanctions financières et pénales sont également prévues.

Mme Nicole Le Peih. En France, en termes de PIB, on a l’aéronautique en première position, la vente d’armes en seconde position. Il est donc délicat de parler d’armes, qu’elles soient massives ou légères. Je pense qu’il faudra parler un jour de ce côté tabou.

M. Maurice Leroy. Notre rapporteur l’a bien expliqué : on n’est pas sur les armes de guerre. Quand on parle du PIB, ce ne sont pas les armes légères, c’est de l’industrie d’armement dont on parle.

M. Bertrand Bouyx. Je tiens à repréciser : on est dans l’adhésion. Il ne faut pas que des choses simples soient rendues compliquées. On doit adhérer à ce protocole car la France a pris du retard pour des raisons technico-règlementaires. Adhérer à ce protocole est fondamental pour des raisons de sécurité pour notre pays, et juste pour rappel, on a 120 pays qui ont ratifié ce protocole et pas la France. On est donc les bonnets d’âne sur cette partie-là. L’adhésion au protocole ne nous exonère pas d’une réflexion sur les ventes d’armes de la France, mais ce n’est pas le sujet ici.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Les États-Unis ont ratifié la convention de Palerme mais ils n’ont pas ratifié le protocole.

M. Christophe Naegelen. Merci au rapporteur pour ce rapport. Je suis en désaccord avec son dernier propos. Ce n’est pas parce que la France n’a pas signé et que d’autres pays ont signé qu’on a forcément un bonnet d’âne. On a des spécificités qui font qu’on doit discuter plus en profondeur, notamment vis-à-vis des collectionneurs. Ce n’est pas parce qu’on ne fait pas les choses en même temps que les autres qu’on est forcément des mauvais élèves. On a simplement des spécificités, et je pense qu’il est important que la représentation prenne le temps d’en discuter et de s’exprimer là-dessus.

Mme Nicole Le Peih. Juste une question : a-t-on une idée de la quantité d’armes légères qui circule chez nous ? Est-ce que cela se quantifie ?

Mme Laetitia Saint-Paul. Pour répondre à cette question, il y aurait entre 1/3 et ¼ des Français qui posséderaient une arme.

M. Alain David. On connaît tous une famille de chasseurs qui a une dizaine de fusils chacun, de véritables arsenaux chez eux, avec des milliers de cartouches. Il suffit d’avoir un permis de chasse pour avoir un fusil chez soi. C’est une tradition française.

M. Christophe Naegelen. Ce sont en effet les spécificités d’une tradition française.

M. Bertrand Bouyx. La réserve émise par la France sur les armes à caractère ancienne est pour mettre en adéquation la définition, mais on ne récuse pas ces armes anciennes. Pour répondre à Christophe Naegelen, mon propos était certes trop fort, mais je voulais appuyer le fait qu’on avait mis 15 ans pour ratifier ce protocole et qu’on devait donc le faire maintenant. Cela nous permettra notamment de renforcer notre droit en matière de sécurité.

M. Maurice Leroy. Tout à l’heure, vous avez évoqué dans votre excellent rapport la nécessité de mettre en œuvre des mesures pénales dans chaque législation. J’ai une question de béotien : il y a des délais pour cela ou pas ? Si on met 15 ans à ratifier, finalement, je ne vois pas l’intérêt de cette affaire. On dit qu’on a des obligations, mais en vérité, chaque État règle ses affaires ; la preuve avec les États-Unis, qui ont signé la convention de Palerme mais n’ont pas signé le protocole. Le bonnet d’âne n’est donc pas approprié.

M. Bertrand Bouyx. Je retire une seconde fois le bonnet d’âne. Comme on ratifie, cela signifie qu’on a mis en conformité tout notre droit pour le ratifier. C’est parce que notre droit est en conformité qu’on ratifie.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous allons donc mettre le projet de loi au vote. Qui est d’avis de l’adopter ? Qui est d’un avis contraire ? Qui s’abstient ? Félicitations M. le rapporteur : le rapport est adopté à l’unanimité. Je pense que nous aurons un très bon débat dans l’hémicycle pour revenir plus longuement sur la question. Il me semble que ce sera extrêmement utile.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi.

 


Projet de loi autorisant la ratification de l’accord instituant la Fondation internationale Union européenne (UE)-Amérique latine et Caraïbes (ALC) (n° 811).

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous allons enfin procéder à l’examen du projet de loi n° 811 sur l’accord instituant la Fondation internationale Union européenne (UE)-Amérique latine et Caraïbes (ALC). M. Di Pompeo, vous avez la parole.

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur. Il me revient de soumettre à votre examen le projet de loi autorisant la ratification de l’accord instituant la Fondation internationale UE-ALC.

Cet accord s’inscrit dans la construction du partenariat stratégique entre l’Union européenne et les Etats d’Amérique latine et des Caraïbes, entamée lors du premier sommet bi-régional des chefs d’Etat et de Gouvernement à Rio de Janeiro en juin 1999.

Ce partenariat stratégique bi-régional comporte trois piliers : le dialogue politique, les relations commerciales et l’aide au développement, ainsi qu’un volet plus général portant sur des questions globales.

Il a donné lieu à plusieurs sommets de chefs d’État qui ont eu lieu à Madrid en 2002, à Guadalajara en 2004, à Vienne en 2006, à Lima en 2008 et à nouveau à Madrid en 2010.

Le sommet UE-CELAC prévu à San Salvador en octobre 2017 a toutefois dû être reporté sine die en raison de la déclaration fondatrice du « Groupe de Lima » du 8 août 2017. Cette déclaration, signée par sept Etats d’Amérique latine et par le Canada, visait la situation au Venezuela et demandait à son point 14 l’ajournement du sommet de San Salvador.

Une réunion interministérielle est toutefois prévue à Bruxelles les 16 et 17 juillet 2018 afin de poursuivre les discussions sur un certain nombre de sujets.

Il reste que la difficulté à trouver une date pour le prochain sommet UE-CELAC, tâche confiée par les ministres du  CELAC à un groupe de travail ad hoc le 18 septembre 2017, conduit à s’interroger sur la motivation de la partie latino-américaine.

Le partenariat UE-CELAC repose cependant sur deux outils : d’une part un plan d’action élaboré au fil des sommets, d’autre part la Fondation UE-ALC, organisme dont l’activité est permanente, et qui n’est donc pas directement affectée par les relations entre le Venezuela et les autres Etats d’Amérique.

La Fondation EU-ALC a été créée à la suite d’une décision du sommet de Madrid de 2010.

Cette fondation, dont le siège se trouve à Hambourg, a d’abord reçu le statut d’association de droit allemand, dans l’attente de l’accord international qui permettrait de la transformer en une organisation internationale gouvernementale, avec les avantages que comporte ce statut.

Ce changement de statut, qui fait l’objet du présent texte, ne modifiera ni l’objet, ni l’activité, ni l’organisation et le mode de fonctionnement de la Fondation.

L’objet de la Fondation est de renforcer le partenariat bi-régional en y faisant participer la société civile, en organisant des événements et en produisant des études sur des sujets relatifs à son objet. Ses activités consistent principalement, d’une part en publication d’études sur des sujets relatifs à son objet, d’autre part à encourager les sociétés civiles des pays membres du partenariat à y contribuer, notamment par la mise en relation de différents acteurs. La Fondation s’appuie pour mener ses activités sur quatre partenaires stratégiques, dont l’Institut des Amériques, organisme français administré par le CNRS, qui permet à la France d’être directement impliquée dans les activités de la Fondation et qui s’occupe principalement d’organiser des séminaires et des sommets académiques.

L’accord ne modifie pas non plus la structure interne de la Fondation, qui se compose d’un conseil des gouverneurs où chaque pays membre est représenté, d’un président et d’un directeur exécutif. Les règles de fonctionnement de la Fondation assurent un équilibre entre les deux régions du partenariat, avec notamment une alternance des mandats de président et de directeur exécutif entre l’une et l’autre région.

La Fondation conservera par ailleurs son siège à Hambourg, mais bénéficiera désormais du régime de privilèges, immunités et exemptions fiscales applicable aux organisations internationales gouvernementales, qui doivent faire l’objet d’un accord ultérieur entre elle et la République fédérale d’Allemagne.

Elle bénéficiera également de la personnalité juridique internationale et la capacité juridique nécessaire à la mise en œuvre de ses objectifs sur le territoire de chacun de ses membres.

L’accord n’implique aucune modification du droit interne français. Il n’implique par ailleurs aucune contrainte financière, puisque la contribution française continuera d’être faite par le biais de l’Institut des Amériques, partenaire stratégique de la Fondation, qui reçoit au titre du partenariat une subvention sur les crédits du programme 185, laquelle s’est élevée à 80 000 euros en 2016 et 70 000 euros en 2017.

Le changement de statut permettra cependant à certains Etats membres, de contribuer au financement de la Fondation, ce qui leur est actuellement impossible tant que la Fondation relève du droit civil allemand.

Compte tenu du rôle que joue la France au sein de la fondation, il est par ailleurs dans son intérêt que cette dernière bénéficie des meilleures conditions d’exercice de son activité.

Le présent accord entre en vigueur trente jours après le dépôt par huit parties de chaque région de leurs instruments de ratification ou d’adhésion.

À ce jour, dix parties ont déjà notifié leur ratification de l’accord du côté européen, et seulement trois parmi les Etats d’Amérique latine et des Caraïbes. La ratification française n’aura donc pas d’effet sur l’entrée en vigueur de l’accord, mais cela ne doit évidemment pas nous empêcher d’adopter ce projet de loi, dont les objectifs correspondent parfaitement aux intérêts de notre pays.

Mme Laetitia Saint-Paul. En quoi le cadre de cette fondation renforce-t-il les positions communes des différents acteurs ?

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur. La fondation travaille déjà sur ces sujets. Les budgets sont certes limités mais cela permet d’initier des choses, avec néanmoins une certaine froideur de la part des États du groupe ALC. Le changement de statut permettra de travailler plus en profondeur.

M. Alain David. Avons-nous des exemples concrets du travail fourni par cet organisme ?

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur. Son travail consiste plutôt à mettre en commun des moyens et à élaborer une pensée commune.

Mme Valérie Thomas. Pourquoi cette frilosité du côté ALC ?

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur. Il est excessif de parler de frilosité, mais on peut supposer que ce n’est pas actuellement une priorité pour l’Amérique latine. L’épisode du groupe de Lima, qui a partiellement bloqué la marche du partenariat, indique que les États d’Amérique latine ont des sujets plus importants à traiter actuellement.

M. Christophe Naegelen. Nous allons donc voter quelque chose qui ne les intéresse pas ?

M. Christophe Di Pompeo. On ne peut pas dire que ça ne les intéresse pas, mais ce n’est pas leur priorité actuellement. C’est cependant un dossier ancien qu’il faudrait clore.

M. Jacques Maire. Pour nous, il s’agit d’un instrument d’influence et nous avons intérêt à toujours avoir un volet think tank et société civile dans nos relations avec les autres États. On parle dans ce cas de trois millions d’euros par an, alors que le volet recherche du ministère des Affaires étrangères a diminué. Nos sociétés ont besoin de parler et il ne tient qu’à nous d’être un facteur d’animation et d’utiliser ces outils.

La principale réserve de ces pays est d’ordre budgétaire. Maintenant, nous avons un agenda commercial très important avec ces pays, et il n’est pas opportun d’envoyer un signal de désintérêt.

Mme Marielle de Sarnez, présidente. Il y a une demande de France en Amérique latine, et il ne faut pas y être sourd. Il n’y a d’ailleurs pas que des intérêts commerciaux qui sont en jeu. Nous ne regardons pas assez vers l’Amérique latine, et notre commission pourrait peut-être se saisir de cette question.

Par ailleurs, il y a aussi les Caraïbes et la question est la même. Lorsque nous nous sommes rendus en Ethiopie, nous avons parlé du post-Cotonou et actuellement, l’Union africaine veut une relation directe avec l’Union européenne, indépendamment des zones Caraïbes et Pacifique.

Donc qu’en est-il des Caraïbes ? Nous avons besoin d’avoir des relations avec les uns et les autres.

M. Frédéric Barbier. Où peut-on trouver un bilan de ce qui a été fait et de ce que cela a apporté ?

Le montant est-il suffisant pour que nous soyons repérés en Amérique latine ? Cela indique peut-être que nous existons, mais le présent document me laisse un peu sur ma faim. A quoi sert concrètement cette somme ?

M. Alain David. Je poserais la même question. Dans quelle proportion la France participe-t-elle à ces décisions ? Avons-nous un bilan ?

Mme Laetitia Saint-Paul. Il pourrait être intéressant d’entendre un des responsables de cette fondation en audition, et plus généralement de se tourner vers l’Amérique latine.

M. Jean-Paul Lecoq. Il est normal que l’on doive rendre des comptes. Cependant, la France est un des pays d’Amérique latine les plus riches, car elle est bien un pays d’Amérique latine du fait de sa présence guyanaise. Elle a donc aussi un rôle à jouer.

Il y a dans ce continent une attente de France importante, pas seulement sur le plan commercial mais aussi en raison de nos racines latines communes. Nous pouvons être une antenne de l’Europe et nous sommes certainement attendus.

J’ai été surpris de constater que dans ce continent où il n’y a pourtant que deux langues, contrairement à ce que l’on pourrait penser, on se parle peu. Le fait de travailler à ce que l’on se parle plus sur ce continent, à travers des actions culturelles ou commerciales, est une très bonne chose.

J’avais proposé il y a quelques années à notre commission que l’on travaille sur l’évolution de l’Amérique latine, mais cela s’était traduit par un travail sur les intérêts français en Amérique latine, ce qui m’avait déçu.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je reviens sur mon propos précédent. Il est clair que la France doit avoir une présence importante dans ces pays. J’ai cependant été étonné d’entendre que ce texte n’est pas la priorité des États d’Amérique latine. Nous avons aussi des priorités et nous devons faire attention à l’argent public.

Mme Martine Leguille-Balloy. Quand on regarde l’article 7, on constate qu’il prévoit des conférences et des séminaires, c’est-à-dire des relations culturelles qui existent déjà depuis longtemps. Je suis donc étonnée que l’on nous dise qu’il faut que nous ayons enfin des relations avec l’Amérique latine puisque c’est le cas depuis longtemps.

M. Bruno Fuchs. La question est effectivement l’évaluation et l’efficacité de ce type d’actions. Il s’agirait de savoir s’il convient d’allouer des fonds à ce projet.

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur. Je partage l’enthousiasme de certains. La diplomatie d’influence est importante et il faut la faire vivre.

Concernant les fonds, l’accord ne change rien puisque son objet est simplement de faire de cette association une organisation internationale pour que certains Etats d’Amérique du Sud puissent y contribuer.

Nous pourrions effectivement recevoir quelqu’un de la Fondation ou de l’Institut des Amériques. Ils font beaucoup de choses, qui sont parfois très bien.

Mme Marielle de Sarnez, présidente. Je suggère à la commission que ces auditions aient lieu, avec une personne de cette association basée à Hambourg, ainsi qu’avec une personne de l’Institut des Amériques qui puisse nous dire quels sont leurs besoins.

Je propose que nous explorions davantage la question afin de pouvoir y revenir avant l’été.

Deuxièmement, derrière cette question, nous avons des questions ouvertes sur nos relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes, où la France n’est pas suffisamment présente.

Mme Laetitia Saint-Paul. Je vous remercie de retenir cette idée, mais il me semble que cela ne serait pas très bon signal d’attendre avant de ratifier ce texte. Nous avons plusieurs fois ajourné des textes quand nous manquions de matière, mais ce n’est pas le cas ici.

M. Christophe Di Pompeo. S’il faut passer par un report de trois semaines, je ne m’y oppose pas. Ce n’est pas un mauvais signal.

Mme Marielle de Sarnez, présidente. Il s’agit de valoriser ce texte, donc ce n’est pas de la défiance.

M. Buon Tan. Est-ce que tout cela est récent ?

M. Christophe Di Pompeo. Non, la fondation existe depuis plusieurs années. Il s’agit aujourd’hui d’un simple changement de statut, qui vise à ce que certains Etats d’Amérique latine puissent financer la Fondation.

Mme Marielle de Sarnez, présidente. Au regard des questions soulevées au cours de notre débat, je vous propose de surseoir au vote, et comme nous l’avons fait dans le passé, de demander au rapporteur de continuer ses travaux pour revenir un peu plus tard devant la commission. Nous pourrons alors disposer d’éléments d’évaluation et de comparaison nous permettant d’émettre un vote éclairé.

Le projet de loi n’est pas mis aux voix.

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La séance est levée à dix-huit heures quinze.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

 

Réunion du mardi 15 mai 2018 à 17 heures

Présents. - M. Frédéric Barbier, M. Bertrand Bouyx, M. Pierre Cabaré, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Christophe Di Pompeo, M. Michel Fanget, M. Bruno Fuchs, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Hubert Julien-Laferriere, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Nicole Le Peih, M. Maurice Leroy, M. Jacques Maire, M. Denis Masséglia, M. Christophe Naegelen, M. Jean-François Portarrieu, M. Hugues Renson, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, M. Buon Tan, Mme Liliana Tanguy, Mme Valérie Thomas

Excusés. - Mme Clémentine Autain, M. Moetai Brotherson, Mme Laurence Dumont, Mme Anne Genetet, M. Claude Goasguen, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, M. Yves Jégo, M. Bruno Joncour, Mme Amal-Amélia Lakrafi, Mme Marion Lenne, Mme Marine Le Pen, M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Monica Michel, M. Frédéric Petit, Mme Isabelle Rauch