Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

–  Examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017‑1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur (n° 368) (Mme Nadia Hai, rapporteure)               2

–  Audition de M. Nicolas Dufourcq, dont la nomination en qualité de directeur général de la société anonyme Bpifrance est envisagée par M. le Président de la République, puis vote sur cette proposition de nomination              11

–  Information relative à la commission..................29

–  Présences en réunion............................30

 


Mercredi
31 janvier 2018

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 65

session ordinaire de 2017-2018

Présidence
de M. Éric Woerth,

Président

 


  1 

La commission examine le projet de loi ratifiant lordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur (n° 368) (Mme Nadia Hai, rapporteure).

 

Mme Nadia Hai, rapporteure. Comme de nombreux secteurs, les activités de services de paiement en Europe ont été profondément transformées par l’innovation technologique. Il en a résulté un manque d’harmonisation des règles applicables à ces services, constituant un frein à la réalisation du marché intérieur, si bien que le consommateur ne peut pas tirer un avantage optimal des innovations et du marché.

Des avancées technologiques ont également conduit à rénover des pratiques anciennes et à en façonner de nouvelles. Elles s’appuient en particulier sur l’accès aux données des utilisateurs et sur leur traitement. Deux types d’acteurs nouveaux sont apparus : d’abord les services d’initiation de paiement, qui donnent des ordres de paiement à la demande d’un utilisateur à partir d’un compte de paiement détenu auprès d’une banque, ensuite les services d’information sur les comptes, qui fournissent des informations consolidées sur les différents comptes d’un utilisateur, qu’ils soient gérés par une ou plusieurs banques.

Actuellement, ces services accèdent aux données des clients des banques grâce aux identifiants de ces derniers. Autrement dit, pour accéder à leurs données bancaires, ils se font passer pour eux, sur le site de leur banque. C’est la technique de l’accès direct non identifié ou web scraping non identifié. En l’absence de régulation, l’accès de ces acteurs aux données bancaires fragilise la sécurité des données.

Ces évolutions ont donc rendu indispensable une adaptation du cadre juridique européen. Celle-ci s’est matérialisée par l’adoption de la directive du 23 novembre 2015 sur les services de paiement dans le marché intérieur, dite directive DSP 2. La plupart de ses dispositions sont applicables depuis le 13 janvier 2018. Certaines parmi les plus importantes n’entreront toutefois en vigueur que dans le courant de l’année 2019.

Premièrement, la directive DSP 2 donne un statut juridique aux activités de services d’initiation de paiement et de services d’information sur les comptes. Cette reconnaissance s’accompagne de l’obligation pour les gestionnaires de comptes de paiement – à savoir les banques –, de mettre à disposition les informations nécessaires à l’exercice de leur activité.

Les transmissions de ces données doivent se faire dans un cadre sécurisé, par l’intermédiaire d’une interface ouverte et sécurisée que les banques devront mettre à disposition des initiateurs de paiement et des agrégateurs de données. Ces derniers devront s’identifier via cette plateforme et la pratique du web scraping non identifié sera interdite.

Pour l’application de cette obligation, la directive renvoie à la Commission européenne le soin de proposer des normes techniques de réglementation (NTR). Ces exigences entreront en vigueur au terme d’une période de transition de dix-huit mois suivant l’adoption de ces normes. En attendant, les initiateurs de paiement et les agrégateurs de compte pourront continuer à utiliser le web scraping non identifié pour accéder aux informations bancaires nécessaires à leurs activités.

Outre les modalités d’accès aux comptes, la directive fixe les règles concernant le régime de responsabilité en cas d’opération mal réalisée : elle oblige les initiateurs de paiement et les agrégateurs à disposer d’une assurance civile professionnelle pour couvrir les sommes à rembourser en cas de reconnaissance de leur responsabilité.

Deuxièmement, la directive renforce les exigences de sécurité concernant l’accès du client à son compte de paiement en ligne, en exigeant l’authentification forte. Il s’agit d’une technique de connexion combinant plusieurs facteurs d’identification.

Troisièmement, elle renforce les droits des utilisateurs des services de paiement. Par exemple, elle diminue de 150 à 50 euros la limite du montant que les prestataires de service de paiement peuvent imposer à leur client en cas d’utilisation frauduleuse de leur instrument de paiement.

Enfin, quatrièmement, les règles de supervision et de coopération transfrontalière sont renforcées. Les conditions d’agrément des services de paiement sont complétées. La communication entre les différentes autorités de supervision des États membres, dans le cadre du droit d’établissement et de la liberté de prestation de services, est rendue plus systématique.

L’ordonnance du 9 août 2017 a transposé ces dispositions dans le code monétaire et financier, en vertu de l’habilitation conférée par l’article 70 de la loi « Sapin 2 ». Celle-ci fait l’objet du présent projet de loi de ratification venant en discussion car l’application de la directive et sa transposition dans le droit interne comportent quelques enjeux importants. Je vais en évoquer rapidement trois.

Le premier enjeu concerne l’application des normes NTR que la Commission va proposer et la période de transition avant laquelle elles entreront en vigueur. Après prise en compte de l’avis de l’Autorité bancaire européenne, la Commission a préparé une proposition qui pourrait être adoptée à la fin du mois de février, ce qui déclencherait le début de la période transitoire de dix-huit mois prévue par la directive.

La proposition précise les exigences des interfaces mises à disposition des prestataires de paiement tiers : elles devront être aussi performantes que celles que les banques mettent à disposition de leurs clients. En cas de défaillance de ces interfaces, la proposition de la Commission prévoit un mécanisme de secours pour que les prestataires tiers puissent accéder aux données des banques par leur interface utilisateur, mais en s’identifiant comme prestataires tiers.

Les banques peuvent toutefois être exemptées de cette obligation si certaines conditions garantissant le bon fonctionnement des interfaces dédiées sont respectées. Durant la phase de transition, les interfaces en question seront testées, en particulier par les prestataires tiers.

Les banques françaises ont décidé de développer des interfaces dites Application programming interface (API), qui semblent correspondre aux critères de sécurité de la Commission. Pour accéder aux données bancaires, les prestataires tiers auraient donc l’obligation de s’identifier, via ces interfaces, à l’issue de la période de transition, c’est-à-dire en août 2019. Or, à l’origine, ces dispositions auraient dû entrer en vigueur bien plus tôt. De longues discussions entre l’Autorité bancaire européenne et la Commission sur les normes NTR expliquent en effet un retard significatif dans d’application de la directive. La période d’incertitude est donc plus longue que prévu. Le Gouvernement pourrait déposer un amendement proposant de réduire la période de transition, qui prendrait fin début 2019. Je le soutiendrai.

Le deuxième enjeu concerne le champ de la directive. Actuellement, celle-ci ne concerne que les comptes de paiement. Or, les prestataires tiers proposent des services qui concernent également d’autres types de comptes, comme les comptes d’épargne. Je comprends la logique sous-jacente à la proposition d’étendre les règles de la directive DSP 2 aux comptes de paiement, mais je crois qu’une telle extension doit s’inscrire dans un cadre européen. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.

Enfin, le troisième enjeu de la discussion concerne ce que l’on appelle le cashback. Il s’agit de la possibilité pour les commerçants de mettre à disposition de leurs clients des espèces en contrepartie d’un paiement par carte correspondant au prix du bien acheté auquel on ajoute le montant des espèces rendues.

Dans les faits, la directive DSP 1, en excluant ce type d’activités de son champ d’application, rendait possible ce service. La directive DSP 2 confirme cette possibilité ; or, en l’absence de dispositions nationales d’application, ledit service ne s’est pas développé. En effet, le cadre juridique étant trop incomplet, les commerçants n’ont pas procédé aux investissements nécessaires. Il serait opportun de poser les premiers jalons pour que cette pratique puisse se développer. Le Gouvernement déposera un second amendement en ce sens.

Pour conclure, la directive DSP 2 comporte un grand nombre de dispositions techniques, mais elle aura, à court et moyen terme, des traductions très concrètes dans la vie de nos concitoyens. J’ai pu le constater lors des auditions que j’ai menées et grâce aux contributions écrites que j’ai reçues depuis une semaine.

Ce projet de loi, tel qu’il sera amendé par le Gouvernement, parvient à atteindre un équilibre entre promotion de l’innovation et protection des données personnelles. Il transpose la directive et rien que la directive.

M. Charles de Courson. Le développement des systèmes du type bitcoin est-il visé par la directive ?

Mme la rapporteure. Le bitcoin n’est pas concerné par la directive car il ne l’est pas par l’expression « monnaie électronique ».

M. Charles de Courson. Cela signifie-t-il que toutes ces formes de monnaies « privées » peuvent donc continuer de prospérer dans l’indifférence générale ?

Mme la rapporteure. Cela signifie que le bitcoin n’est pas concerné par cette directive…

M. Charles de Courson. Il est tout de même assez étonnant de transposer une directive qui a, et à juste raison, pour but de sécuriser les transactions, sans qu’on s’intéresse à la monnaie virtuelle.

M. le président Éric Woerth. Nous transposons une directive et l’idée est de ne pas surtransposer – sur ce point il me semble qu’il y a un accord politique à peu près général. Je rappelle en outre que la commission a précisément créé une mission d’information sur les monnaies virtuelles.

Mme la rapporteure. En effet, une mission d’information va être lancée sur le sujet, vous y êtes le bienvenu, monsieur de Courson.

Mme Amélie de Montchalin. Pour aller dans votre sens, monsieur le président, je rappelle que nous avons décidé, au cours de cette législature, de transposer des directives qui reflètent ce qui a été négocié à vingt-huit ou, prochainement, à vingt-sept. Si des problèmes se posent avec les monnaies virtuelles, en particulier les bitcoins, menons un travail législatif comme vous le suggérez afin que nous nous exprimions ensuite d’une voix commune au niveau européen. En effet, surtransposer la directive ne présente ici aucun intérêt car nous savons que les opérations concernées, puisque virtuelles, dépassent le cadre national ; or il faudrait légiférer dans un cadre au minimum européen pour que cela ait du sens. C’est pourquoi, dans un premier temps, examiner cette question dans le cadre de la mission d’information mentionnée m’apparaît tout à fait pertinent.

M. le président Éric Woerth. Donc le bitcoin n’est pas concerné par le présent projet de loi, ce qui n’empêche pas que nous examinions ce sujet en profondeur par la suite.

Mme Christine Pires Beaune. Je remercie la rapporteure pour sa présentation très claire et complète. J’ai bien compris que la directive DSP 2 reposait sur deux jambes : le développement innovant des systèmes de paiement d’une part, la protection des données des consommateurs d’autre part. On doit y ajouter la limitation des facturations et franchises acquittées par ces mêmes personnes. Le texte marque par conséquent, en la matière, un progrès incontestable – personne n’en disconviendra, d’autant que le chiffre avancé par la Commission européenne quant au potentiel d’économies que le dispositif permettra de réaliser n’est pas négligeable : 550 millions d’euros.

Néanmoins, ma seule boussole est la protection des consommateurs. Or, l’obligation donnée aux banques de fournir aux prestataires de services de paiement toutes les données et l’accès aux comptes des clients afin d’éviter ce qui se passe actuellement, pourrait néanmoins provoquer des dérives importantes – notamment des fraudes bancaires. Le superviseur, en France, si j’ai bien compris, est l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Je rappelle que la loi de finances pour 2018 fixe le plafond des autorisations d’emplois pour l’ACPR à 1 050 équivalents temps plein, à savoir une réduction de 7 % du personnel. Aussi je souhaite savoir si la représentation nationale entend accorder les moyens nécessaires à l’ACPR pour exercer ses nouvelles missions.

M. Mohamed Laqhila. J’ai bien compris qu’il ne fallait pas surtransposer cette directive. Toutefois, la protection de l’utilisateur du service de paiement (SP) sera-t-elle la même dans tous les pays de l’Union ? Les transpositions nationales permettront-elles d’adopter des formules différentes. Et, s’il existe des différences de garanties et de protection, quel droit s’appliquera : celui du pays de l’initiateur du paiement ou celui du pays destinataire ?

Mme Véronique Louwagie. Je partage les propos de notre collègue Charles de Courson. Nous ratifions une ordonnance de 2017, transposant une directive de 2015. Cela fait donc trois ans que la directive a été adoptée… J’entends bien que l’on ne peut aborder les sujets relatifs à la monnaie virtuelle dans ce cadre – il ne s’agit pas, vous avez raison, de surtransposer. Mais du fait de ce décalage dans le temps, et de l’évolution technologique, le contenu de la directive n’est-il pas déjà caduc ?

M. le président Éric Woerth. C’est vrai, mais dans ce domaine comme dans d’autres, le régulateur a toujours un peu de retard…

M. Jean-Louis Bourlanges. Ma remarque sera d’ordre méthodologique : je trouve anormal que l’exposé des motifs du projet de loi soit rédigé de la façon dont il nous est présenté. Un exposé des motifs, comme son nom l’indique, doit présenter les motifs d’un projet de loi. Nous devons savoir pourquoi nous votons un texte. Or, ici, on nous dit simplement que cette ordonnance « transpose » et on expose ce dont on parle. On ne nous dit absolument pas à quoi sert ce texte. C’est pourtant le devoir de ceux qui nous le présentent que d’exposer ses objectifs. Sinon on accrédite l’idée que la loi est faite pour traiter de problématiques générales et non pour résoudre des problèmes particuliers. Ma remarque, de portée générale, est parfaitement illustrée par ce texte.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président Éric Woerth. Il est vrai que l’exposé des motifs est un peu indigent. Vous avez le soutien de M. Lassalle !

M. Patrick Hetzel. La question se pose effectivement concernant les monnaies virtuelles, mais également au regard des évolutions technologiques elles-mêmes, extrêmement importantes : il est de plus en plus difficile d’assurer la sécurisation des données financières individuelles. Je voudrais abonder dans le sens de mes prédécesseurs : ils ont parfaitement raison, la directive est d’ores et déjà en retard par rapport à un certain nombre de pratiques. Tous ceux qui s’intéressent à l’intelligence économique savent que les dispositifs de hacking sont de plus en plus sophistiqués et que la question de la protection des données personnelles se pose avec une extrême acuité.

Mme la rapporteure. Plusieurs d’entre vous ont soulevé la question de la sécurité des données. Je rappellerai que l’accès aux données est déjà possible via le web scraping non identifié. L’insécurité juridique existe donc, la protection des données n’étant pas assurée de façon suffisante. La directive concernant les services de paiement dans le marché intérieur permet de sécuriser l’obtention de ces données par le recours à des interfaces opérables, que nous appelons API plus sûres, identifiant la personne qui se connecte.

Monsieur Bourlanges, vous souhaitez connaître l’objet du projet de loi et estimez que l’exposé des motifs n’est pas assez détaillé. Ce projet poursuit trois objectifs : la protection du consommateur, la prise en compte des différents acteurs – banques, initiateurs de paiement et agrégateurs, consommateurs finaux –, et, bien évidemment, la sécurisation des données des consommateurs. Cela figurera dans le rapport.

M. le président Éric Woerth. Le texte du projet de loi – et non votre rapport – est totalement inintelligible pour le commun des mortels.

Mme la rapporteure. Il est extrêmement technique, je vous l’accorde volontiers.

Monsieur Hetzel, madame Louwagie, vous avez évoqué le fait que le délai prévu par la directive était déjà dépassé. Vous avez raison, mais le Gouvernement déposera un amendement en séance pour réduire le délai transitoire et accélérer la transposition.

En l’état actuel de la rédaction, les dispositions doivent entrer en vigueur en août 2019. L’amendement vise à raccourcir la période transitoire de huit mois, pour une entrée en vigueur en janvier ou février 2019.

Mme Véronique Louwagie. Mais la vérité est qu’elle est déjà dépassée… Ces huit mois n’apportent pas de réponse.

M. le président Éric Woerth. La directive n’est pas dépassée. Elle va dans le sens d’une sécurisation et d’une mise au clair, afin d’éviter que des personnes mal intentionnées ne se servent, en votre nom, de toutes ces données sans véritable régulation. Pour autant, la directive n’aborde effectivement pas les sujets qui ont émergé au cours des trois ou quatre dernières années.

Mme la rapporteure. J’ajouterai que l’ACPR peut moduler les normes techniques. Par ailleurs, madame Pires Beaune, l’ACPR s’engage à réallouer ses ressources pour mettre en œuvre la directive.

M. Jean Lassalle. Cette intervention est passionnante et votre manière de diriger notre commission magnifique, monsieur le président : vous laissez parler tout le monde, y compris les députés de troisième ou quatrième plan !

M. Jean Lassalle. Ce débat permet de poser une des grandes questions de notre temps, peut-être l’une de celles à l’origine de tant d’angoisse et de stress chez les puissants et les faibles : dans quel paradigme allons-nous enfin trouver un peu de sécurité ?

Il y a quelques jours, j’ai discuté avec un éminent spécialiste, M. Marc Lassus, inventeur et diffuseur mondial de la carte à puce. Il a réalisé une démonstration avec mon téléphone, qui m’a laissé pantois, et expliqué comment les constructeurs étaient tenus de conserver vos données en mémoire – peut-être pas éternellement, mais suffisamment longtemps. Personne ne peut rien contre cela – même pas moi –, même si vous essayez de protéger votre téléphone. Il paraît d’ailleurs que M. Macron en dispose d’un sur-mesure.

Comment peut-on se protéger puisqu’on est toujours dépassé par la technologie, que les textes ont du mal à rattraper ? Je veux donc simplement vous encourager, monsieur le président, et inciter Mme la rapporteure à continuer de travailler, car j’ai besoin de vos lumières. Si vous avez besoin des miennes, vous savez où me trouver. Je ne coûte pas cher, mais je n’apporte pas grand-chose non plus…

Mme Véronique Louwagie. J’entends vos arguments quant aux délais et à l’amendement du Gouvernement accélérant la mise en application à janvier 2019. Pourquoi ne serait-elle pas encore plus rapide si l’on est déjà presque dépassé ?

En novembre 2017, après un certain nombre de discussions entre la Commission européenne et l’Autorité bancaire européenne, il semble que la Commission a adopté un règlement délégué qui, à l’heure actuelle, n’est pas publié. Ce règlement confère force obligatoire aux normes techniques proposées par l’Autorité bancaire européenne en matière d’authentification renforcée. Pouvez nous éclairer à ce sujet ? A priori, même au niveau européen, quelques interrogations persistent…

Mme la rapporteure. Ce projet de règlement a été proposé, mais, normalement, il ne sera adopté que fin février. Je m’efforcerai d’apporter des précisions lors de la séance publique.

Mme Véronique Louwagie. Ce serait intéressant car si, au niveau européen, on s’est rendu compte que des problèmes persistaient pour un certain nombre de dispositifs d’authentification, il faudrait que l’Assemblée nationale en prenne connaissance, pour y apporter des réponses dans le cadre de la transposition.

La commission passe à lexamen des articles.

Article 1er : Ratification de lordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 concernant les services de paiement dans le marché intérieur

La Commission adopte larticle 1er sans modification.

Après larticle 1er

La commission examine lamendement CF7 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. À mon tour, je félicite et remercie Mme la rapporteure pour son travail sur ce texte très technique. Pour répondre à Jean-Louis Bourlanges, je voudrais remettre le sujet en perspective. Cette transposition vise à trouver un équilibre entre deux impératifs : la sécurité et la libération de l’innovation. Au niveau européen, la directive a donc été négociée entre les banques – qui ont essayé de s’assurer de la sécurisation des transferts d’information – et les nouveaux entrants – notamment les start-up – qui essaient d’offrir de nouveaux services d’information aux usagers et aux épargnants et ont besoin d’avoir accès aux données de ces derniers, avec leur accord bien entendu.

Dans le cadre de cette directive, les banques se sont engagées à mettre en place des API. Avec l’accord des usagers, elles permettront aux nouveaux entrants de se connecter à leurs comptes et d’utiliser ou, a minima, de mobiliser les données de manière plus sécurisée, par le biais des API, plus sûres que les pratiques actuelles. Des applications téléchargeables sur les téléphones portables existent déjà. Elles vous demandent vos identifiants afin d’aspirer vos données bancaires – avec votre accord –, et vous livrent des informations sur vos comportements de paiement et d’épargne.

La directive a restreint l’utilisation des API au compte courant des utilisateurs. Mon amendement vise, par parallélisme, à étendre ces dispositions aux comptes d’épargne, dans un triple objectif : tout d’abord, assurer aux utilisateurs le même niveau de sécurité pour leurs comptes d’épargne que pour leur compte courant, puisque la directive vise à assurer la sécurité des comptes des épargnants.

Par ailleurs, si les applications de ces start-up et entreprises de services de paiement ont accès aux comptes d’épargne, cela offrira une meilleure lisibilité aux épargnants sur leurs frais bancaires. Ces applications pourront vous dire quel pourcentage de votre budget vous avez consommé en alimentation, en transports, etc. Avec mon amendement, elles mettront également en lumière les frais que vous payez. Cela améliorera la visibilité des usagers sur les frais d’agios, mais également sur ceux liés aux différents produits d’épargne.

Enfin, mon amendement améliorera l’allocation de notre épargne, grâce au soutien de ces nouveaux fournisseurs de services. Ils pourront accompagner les Françaises et les Français, dont l’épargne sera ainsi plus naturellement fléchée vers des produits plus dynamiques et vers les entreprises. C’est un des objectifs poursuivis par le projet de loi relatif au plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE).

Il me semble donc intéressant d’étendre le champ de la directive aux autres comptes d’épargne, quitte à faire éventuellement facturer ce service par les banques aux prestataires de services mobilisant ces données.

On pourra m’opposer le risque lié à l’extension du champ de la directive par la France seule. Mais il n’y a pas besoin d’attendre les autres pays européens pour améliorer la sécurité des épargnants français, la lisibilité des frais bancaires et l’allocation de l’épargne française. On peut simplement donner l’exemple en étendant le champ de la directive.

Mme la rapporteure. Je comprends parfaitement et partage la réflexion qui sous‑tend cet amendement, mais je le prends comme un amendement d’appel. Sur la forme, il ne peut avoir les effets escomptés sans être précisé. Par ailleurs, sur le fond, la directive DSP2 ne concerne que les comptes de paiement, les comptes d’épargne ou d’assurance étant exclus de son champ. L’ordonnance qui nous est présentée transpose ces dispositions sans aller au‑delà.

Vous avez tout à fait raison lorsque vous faites remarquer que les comptes agrégés, dans leur majorité, ne sont pas des comptes de paiement. Une partie du système sera donc régulée, avec des modalités d’accès encadrées, une autre partie ne l’étant pas. C’est pourquoi la question de l’extension du champ de la directive aux autres comptes se pose. Mais elle ne peut être réglée dans ce projet de loi : tout d’abord, il s’agirait d’une surtransposition
– l’ordonnance ne peut pas aller au-delà de ce que prévoit la directive, M. le président l’a souligné. Par ailleurs, le Gouvernement évalue actuellement les normes internes surtransposant le droit européen. Nous devons donc réaliser un travail d’analyse plus approfondi de votre proposition. Ensuite, des discussions doivent s’engager avec les gestionnaires des comptes en question : il est important de consulter ces professions avant d’envisager l’application d’un cadre juridique portant à conséquences pour eux. Enfin et surtout, cette question doit être traitée au niveau européen, notamment pour des raisons de concurrence.

Je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. Jean-Louis Bourlanges. Vous avez raison, on ne peut intégrer la proposition de Jean-Noël Barrot dans une transposition de directive. Mais elle a le mérite de poser une question de fond, celle de la subsidiarité, question sur laquelle nous devrions être actifs. Si le texte reste en l’état – Jean-Noël Barrot l’a très bien expliqué – le système est déséquilibré. Mais, si nous prenons une mesure unilatérale, cela crée une distorsion de concurrence, qui entre dans le champ de la subsidiarité.

Qu’est-ce que la subsidiarité ? Une décision doit être prise au niveau européen quand elle ne peut pas être traitée rationnellement au niveau national. En tant que Parlement, depuis le traité de Lisbonne, nous disposons d’un certain nombre de moyens d’action sur la Commission européenne. Nous devrions donc adresser à la Commission – qui a le pouvoir d’initiative – des messages d’appel solennels – je ne sais pas comment à ce stade, peut-être par le biais d’une résolution commune avec la commission des affaires européennes et un vote en séance publique de notre Assemblée. Si la Commission européenne a le monopole de l’initiative, rien ne nous empêche de transmettre une demande d’initiative.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement proposé aboutirait à ce que s’applique en France, à des situations qui ne s’arrêtent pas à nos frontières, un dispositif unique en Europe. Par ailleurs, si, les uns et les autres, nous déplorons régulièrement des surtranspositions de directives, respectons donc en l’occurrence le principe, même s’il peut connaître des exceptions : ne surtransposons pas. Enfin, si un problème se pose, il faut l’aborder au niveau européen. Évaluons la mise en œuvre de cette directive et ses effets sur tous les acteurs, en termes tant d’offre de services que de sécurité globale du système, en prenant en compte l’évolution des menaces, probablement sans commune mesure aujourd’hui avec ce qu’elles étaient en 2015.

M. Jean-Noël Barrot. Je ne propose pas une surtransposition, je propose d’étendre le champ d’application des mesures transposées, ce qui est tout à fait possible.

Cela étant, ayant entendu les arguments de la rapporteure et d’autres collègues, je retire mon amendement. Il n’en serait pas moins intéressant que le débat lancé par Jean-Louis Bourlanges ait lieu en séance.

M. le président Éric Woerth. Effectivement, vous pouvez redéposer votre amendement en vue de la séance car le débat mérite d’avoir lieu.

Lamendement CF7 est retiré.

Article 2 : Corrections apportées aux dispositions de lordonnance relatives aux instruments de paiement et à laccès aux comptes

La commission adopte lamendement rédactionnel CF1 de la rapporteure.

Puis elle adopte larticle 2 modifié.

Article 3 : Correction dune erreur de référence à larticle L. 351-1 du code monétaire et financier

La commission adopte lamendement rédactionnel CF2 de la rapporteure.

Puis elle adopte larticle 3 modifié.

Article 4 : Dispositions de coordination et corrections de rédaction au titre II du livre V du code monétaire et financier

La commission adopte lamendement rédactionnel CF3 de la rapporteure.

Puis elle adopte larticle 4 modifié.

Article 5 : Correction dune erreur de rédaction concernant les compétences de lAutorité de contrôle prudentiel et de résolution

La commission adopte lamendement rédactionnel CF4 de la rapporteure.

Puis elle adopte larticle 5 modifié.

Article 6 : Dispositions de coordinations et corrections derreurs de rédaction relatives à lapplication de lordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2015 en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna

La commission adopte lamendement rédactionnel CF5 de la rapporteure.

Puis elle adopte larticle 6 modifié.

Elle adopte ensuite lensemble du projet de loi modifié.

*

*     *

La commission entend M. Nicolas Dufourcq, dont la nomination en qualité de directeur général de la société anonyme Bpifrance est envisagée par M. le Président de la République.

M. le président Éric Woerth. Par courrier en date du 29 janvier dernier, M. le Président de l’Assemblée nationale m’a fait savoir que M. le Premier ministre, par lettre en date du 20 janvier, l’avait informé que le Président de la République envisageait de renouveler M. Nicolas Dufourcq dans les fonctions de directeur général de la société anonyme Bpifrance.

Ces fonctions figurent sur la liste des emplois et fonctions annexée à la loi organique du 23 juillet 2010, pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce dans les conditions fixées au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, c’est‑à‑dire « après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ».

Cet avis est précédé d’une audition publique. Il revient donc à notre commission des finances d’entendre M. Dufourcq ce matin. Conformément à l’usage, il a préparé un curriculum vitae qui est, chers collègues, à votre disposition.

En application du quatrième alinéa de l’article 29-1 du Règlement de notre Assemblée, le scrutin est secret et aura lieu hors la présence de M. Dufourcq. La commission des finances du Sénat s’est réunie ce matin même à 9 heures pour procéder à l’audition de M. Dufourcq. Conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l’article 29-1 de notre Règlement, le dépouillement du scrutin doit intervenir au même moment dans nos deux commissions. Il sera donc procédé au dépouillement ici même immédiatement à l’issue de notre vote.

Je rappelle qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, « le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque laddition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ».

M. Nicolas Dufourcq. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux de vous parler à nouveau de notre action et de ce qui pourrait être notre feuille de route pour les prochaines années – je me suis effectivement exprimé devant vous au mois de septembre dernier et, plus récemment, j’ai rencontré quelques membres de votre commission –, je suis très heureux de solliciter votre accord pour mon renouvellement.

Tout d’abord, quelques rappels en ce qui concerne ces cinq dernières années, très riches. Souvenons-nous de la situation de l’hiver 2012-2013, à la création de la banque. En un mot, nous avons essayé de fusionner les quatre entités qui nous étaient confiées, qui ne se parlaient pas, qui ne s’aimaient guère et dont toutes n’étaient pas forcément très centrées sur le client, pour en faire une entité très homogène. Il s’agissait – j’ai souvent utilisé l’expression – de « transformer un râteau en œuf », et c’est ce que nous avons finalement réussi à faire.

Une autre entité s’y est ajoutée depuis le 1er janvier 2017 : la Coface (Compagnie française dassurance pour le commerce extérieur), l’assurance-crédit de l’État, qui porte maintenant le nom de Bpifrance Assurance Export. Ce dernier arrivé dans la famille et, si j’ose dire, dans l’œuf, contribue à notre approche du client, à la manière dont nous conduisons nos affaires et dont nous mettons en actes les quatre valeurs qui guident chaque jour notre action, la conception de nos produits, la structuration de notre organisation : l’optimisme, la volonté, la proximité et la simplicité. Si vous me faites l’honneur d’approuver le renouvellement de mon mandat, ces valeurs ne risquent pas de changer dans les mois et les années qui viennent.

Notre budget consacré au financement à court ou long terme a doublé. Nous sommes passés de 8 milliards d’euros en 2012 à 16 milliards en 2018 – il s’agit bien de flux annuels. Le financement de l’innovation a connu une évolution du même type, avec un budget passé de 700 millions en 2013 à 1,360 milliard en 2018, composé d’aides, d’avances remboursables et de prêts à taux zéro. À l’époque, nous financions à peu près 3 000 entreprises innovantes par an. Désormais, nous en finançons 6 000.

Le chiffre d’affaires – le produit net bancaire, – a pour sa part été multiplié par 2,5. Le résultat d’exploitation, lui, a été multiplié par 3,7 et le résultat net par près de 7. Ce sont bien entendu les plus-values de cession que nous réalisons lorsque nous faisons tourner notre portefeuille qui constituent la plus grande part de notre résultat net. En haut de cycle, les valorisations sont élevées et les cessions d’actifs sont l’occasion d’engranger de très fortes plus-values. Ainsi annoncerai-je demain, en conférence de presse, un résultat net de 1,1 milliard d’euros pour 2017.

Au cours de ces cinq années, Bpifrance a rendu à ses actionnaires 4,8 milliards d’euros en impôt sur les sociétés et en dividendes. Pendant la même période, Bpifrance a reçu 4 milliards au titre du programme 134 du budget de l’État, pour le financement de la garantie, au titre du programme 192 du budget de l’État, pour le financement des aides à l’innovation, et en enveloppe d’aide à l’innovation du programme des investissements d’avenir (PIA). Le flux net est donc de 800 millions en faveur des actionnaires de Bpifrance – je parle uniquement des flux budgétaires, non des capitaux qui nous sont confiés en gestion, en fonds propres.

Aujourd’hui, Bpifrance est une grande banque française, régulée par la Banque centrale européenne (BCE) absolument comme toutes les autres. Ses ratios sont très bons, un ratio dit « Tier 1 » de 12,2 % pour sa filiale bancaire et de 26 % au total, en raison d’une énorme masse de fonds propres investis dans les entreprises françaises. Notre ratio de liquidité est également très bon. Vous le savez, la Banque centrale européenne remplit un « bulletin de notes » tous les ans ; le nôtre est très bon. La banque est très solide, très structurée, construite pour traverser le cycle, en particulier avec ses clients entrepreneurs.

Notre souci, au cours des cinq dernières années, était la croissance, mais c’était aussi de redonner le moral aux entrepreneurs français, de leur redonner l’envie d’augmenter la taille de leurs rêves et de retourner aux investissements. Cette action psychologique représente pour nous un travail énorme, avec 300 événements physiques par an dans toutes les régions de France, car c’est aussi comme cela que s’amorce la pompe du désir d’investir.

En réalité, nous avons inventé ce qui est, pour une banque, un nouveau métier qui nous paraît fondamental : le métier de l’accompagnement. Notre conviction est effectivement que le capital financier – dettes et fonds propres – ne suffit pas. Si on ne travaille pas intimement avec l’entrepreneur, si on ne reconnaît pas sa solitude, les progrès sont relativement limités. En revanche, il suffit d’un peu de conseil, de présence, de capital humain sous forme d’encouragement et de motivation, et les performances s’envolent. C’est ce que nous avons apporté.

En 2017, nous avons mené 7 500 missions d’intervention de conseil en entreprise, et nous sommes en train de créer un réseau partout en France, avec le soutien des conseils régionaux, d’écoles de performance pour des entrepreneurs dans la force de l’âge – quarante à cinquante ans –, opérant dans des secteurs matures. Sont concernées non les start-up mais les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Ces écoles visent à construire les plans qui permettent de doubler ou tripler, sinon plus, la taille des entreprises, leur donner beaucoup de puissance, les projeter à l’international. Des entreprises entrent dans ces accélérateurs qui existent depuis deux ans avec un chiffre d’affaires de 20 millions et en ressortent avec un chiffre d’affaires de 150 millions, parce qu’elles ont découvert les possibilités du build-up, des acquisitions, de la croissance, etc. C’est tout à fait nouveau, et cela nous portera au cours des cinq prochaines années.

En cinq ans, le contexte économique a complètement changé, et notre pays connaît désormais une forte croissance du produit intérieur brut (PIB), d’environ 2 % par an. La responsabilité de Bpifrance est de dire qu’il ne faut pas se reposer sur je ne sais quels lauriers, car cette croissance ne sera pas forcément d’une durée exceptionnelle. Les notes macroénomiques – hier encore, une note du Fonds monétaire international (FMI) – qui nous préviennent sont suffisamment nombreuses : ce cycle pourrait être court pour la France, qui y est entrée tardivement, et ne durer que deux ans, trois ans tout au plus.

Nous incitons donc tous nos clients entrepreneurs à faire maintenant ce qui leur permettra de traverser le prochain cycle en vainqueurs. En matière de croissance, de structuration, de capital humain, de propriété intellectuelle, d’acquisitions, de cessions lorsque c’est nécessaire, c’est maintenant qu’il faut procéder à tous les changements difficiles. Il faut, pour résumer notre propos, être « d’une impatience totale ». Il y a six mois, nous avons dit à nos clients que nous avions devant nous trente mois d’âge d’or. Nous en avons donc encore vingt-quatre, deux années extraordinaires qui sont l’occasion de faire tout ce qu’il est difficile à faire. Le rôle de Bpifrance est non seulement de financer le difficile mais aussi d’inciter l’entrepreneur à le faire. Tel est le sens de toute l’énergie que nous déployons en matière d’accompagnement – premier mot-clef de la feuille de route.

Le ministre de l’économie et des finances, M. Bruno Le Maire, nous a demandé de déployer des accélérateurs partout en France, de manière que nous y fassions passer 4 000 entreprises françaises au cours des trois prochaines années. L’idée est vraiment de les « tremper », comme on trempe l’acier. Lorsque le cycle se retournera, ceux qui se seront très bien préparés pourront « ramasser », si j’ose dire, ceux qui se seront moins bien préparés. C’est ainsi que l’on fait de belles ETI : dans les phases de creux de cycle. Par ailleurs, il faut encore considérablement encourager les innovations dans les PME et les ETI, tandis qu’en matière de digitalisation elles continuent malheureusement d’accumuler du retard sur les grands groupes et les start-up. Nous pourrons aussi revenir, mesdames et messieurs les députés, sur la question du capital humain et de l’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail.

L’accompagnement sera donc un axe important de notre action au cours des prochaines années.

En ira-t-il de même de notre croissance ? Non. Nous avons beaucoup crû. Notre budget 2018 ne croît que de 2 % en matière de financements, il est stable en ce qui concerne les fonds propres ou l’innovation, à un niveau très élevé – 1,3 milliard d’euros –, et relativement stable en ce qui concerne les garanties.

Le budget n’est en forte croissance que pour l’export. Nous voulons réellement être considérés comme la banque publique de l’export, et, depuis la création de la banque, nous avons déjà multiplié par dix nos actions de financement en la matière, atteignant désormais 1 milliard, mais nous voulons faire beaucoup plus. Peut-être pourrons-nous parler de l’Iran, qui cristallisera l’image de Bpifrance banque publique de l’export, puisque nous entamerons nos opérations vers le mois de mai.

L’internationalisation sera donc un sujet fondamental au cours des prochaines années. Ce sera notre priorité, avec le crédit acheteur, le crédit fournisseur, tous les prêts sans garantie, l’accompagnement de nos clients à l’export, les missions à l’étranger, les accélérateurs de l’export et nos partenariats avec Business France et Proparco.

Nous allons également nous consacrer à la transition énergétique. En 2017, les crédits qui y étaient consacrés ont augmenté de 35 %, atteignant 1,2 milliard d’euros. Nous sommes donc une grande banque de la transition énergétique, par nos crédits – nous en accordons à très long terme et nous inscrivons parfaitement dans le marché bancaire pour ce faire – mais aussi en fonds propres, puisque nous sommes présents au capital de pratiquement tous les grands développeurs français : Neoen, EREN, Quadran, ou encore Albioma.

Nous allons aussi pousser les feux, comme nous l’avons toujours fait – c’est un peu notre spécificité –, en ce qui concerne le tourisme. J’ai eu l’occasion de le dire récemment au comité interministériel du tourisme : le tourisme est fondamental pour nous. Historiquement, Bpifrance est née du crédit hôtelier, où elle trouve ses origines en 1923. Nous continuerons de cultiver notre spécialisation hôtelière et touristique en tant que banque de place sur le marché, avec un effort en termes de volume. Il y a énormément à faire, et nous venons de relancer nos prêts de rénovation dans l’hôtellerie et dans la restauration. Nous allons aussi doubler notre fonds d’investissement en capital dans les entreprises de l’hôtellerie française.

Le monde du crédit se caractérise donc par une relative stabilité et de petits taux de croissance, même si ces derniers sont élevés dans les secteurs que je viens d’évoquer.

Nous resterons présents auprès des très petites entreprises (TPE), bien que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) doive disparaître au cours du prochain mandat. C’est en effet un élément important car nous avons massivement préfinancé le CICE et, ce faisant, nous avons été directement en contact, chaque année, avec 50 000 à 60 000 TPE qui venaient chercher de 800 à 2 000 euros. La fin du préfinancement du CICE pourrait donc – mais tel ne sera pas le cas – mettre fin à ce type de contacts directs, que n’avait pas Oséo. Cet organisme n’avait en effet, avec les TPE, qu’un contact indirect, dans le cadre de son activité de garantie des banques françaises, issue historiquement de la Sofaris. De fait, nous ne rencontrons pas les 60 000 entreprises dont nous garantissons les crédits chaque année. En revanche, nous avons, avec celles dont nous préfinançons le CICE, un contact direct dont pourrait nous priver la disparition de ce dispositif. Mais nous considérons que Bpifrance doit rester présente sur le marché du crédit direct aux TPE, car ces 1,5 million d’entreprises recèlent un véritable potentiel de croissance et d’emploi, grâce à une énergie considérable.

Bien entendu, il ne s’agit pas de déployer un réseau capillaire de plusieurs milliers de chargés d’affaires, analogue à celui de nos partenaires banquiers ; nous ne le pouvons pas. Mais la digitalisation nous permet de « pousser » des produits de prêts aux TPE. Nous les avons d’ailleurs lancés : il s’agit de prêts sans garantie de petits montants – 10 000, 20 000, 50 000 euros – que nous avons nommés « prêts TPE croissance ». Ils sont financés dans le cadre des partenariats que nous avons conclus avec les conseils régionaux. Ainsi, les crédits proviennent, non pas de l’État, mais des directions des services économiques des conseils régionaux. Cette activité de prêt direct aux TPE sans garantie est absolument fondamentale et va donc se développer dans les années qui viennent. Elle ne représentera pas des centaines de milliers de crédits, mais les patrons de TPE qui, pour se développer, ont besoin d’un prêt pour financer ce que les banques ne financent pas, c’est-à-dire l’immatériel, doivent s’adresser à Bpifrance, qui consacrera à ces crédits plusieurs centaines de millions d’euros. C’est un point important de la feuille de route des années à venir.

En ce qui concerne les territoires, depuis cinq ans, nous avons augmenté le nombre de nos agences, et il n’est pas exclu que nous continuions de le faire. Là encore, nous n’aurons jamais les milliers d’agences que possèdent nos partenaires bancaires. Nous ne sommes pas construits pour cela : Bpifrance est une banque de place spécialisée dans le crédit aux entrepreneurs. Nous avons cinquante agences, et nous n’en aurons jamais cent. Toutefois, nous sommes une banque nomade. Nous rencontrons en moyenne 100 000 clients par an : chacun de nos chargés d’affaires doit en voir 130. Ils sont donc constamment en déplacement. La présence de Bpifrance dans les territoires reste un objectif majeur des années qui viennent, d’autant plus que notre offre comprend désormais un prêt aux TPE et que, comme le Président de la République l’a dit, nous devons mettre l’accent sur la bancarisation des entrepreneurs des territoires fragiles et des quartiers. Du reste, nous discutons actuellement de ce volet avec notre actionnaire, la Caisse des dépôts et consignations. Les décisions ne sont pas encore prises, mais il n’est pas impossible que Bpifrance se déploie dans cette direction.

Dans le monde de l’innovation, au cours des cinq dernières années, non seulement nous avons doublé le nombre des entreprises aidées et les capitaux déployés, mais nous avons aussi et surtout contribué à déclencher un effet boule de neige sociétal autour de ce que l’on a appelé la French Tech. Ce fut une volonté de notre part : il a été décidé, au début de l’année 2013, de dessiner un logo et de donner un nom à ce qui apparaissait comme les couches nouvelles de la société française, à savoir les jeunes qui voulaient monter leur boîte dans la tech. Nous avons donc consacré pas mal d’argent au soutien des entreprises, un peu à la communication – une dizaine de millions d’euros issus des PIA –, et la French Tech est devenue un marqueur de l’identité française, au point qu’elle est omniprésente dans les salons à l’étranger et que certains de nos partenaires européens, se sentant dépassés, commencent à nous copier, avec quatre ou cinq ans de retard – il existe maintenant la Deutsch Tech, la Danish Tech... Dans les années qui viennent, nous devrons absolument poursuivre cet effort de financement et cette politique d’écosystème en faveur de ce qui est devenu une singularité française.

Cela m’amène à évoquer le Fonds pour l’innovation de rupture. Doté de 10 milliards, il produira un rendement de 260 millions par an. La commission Lewiner-Distinguin-Stéphan doit rendre prochainement ses conclusions sur l’emploi de cette somme, mais une partie de ces 260 millions doit continuer de financer l’écosystème des start-up qui fait la singularité française et qui est une source majeure d’innovation de rupture.

En ce qui concerne l’innovation, les cinq dernières années ont été consacrées en grande partie au monde du digital. Celui-ci n’a pas besoin de transfert de technologies, mais de développeurs ; d’où la grande école du numérique, notamment. La période qui s’ouvre est différente : c’est celle de la Deep Tech, c’est-à-dire la mécanique, la microfluidique, bref : le monde de la physique et de celui de biotechnologie, qui se caractérisent notamment par le transfert de technologies. Dans les années qui viennent, Bpifrance sera donc beaucoup plus présente dans ce domaine qu’auparavant. C’est désormais une priorité absolue. En effet, la nouvelle génération de start-up françaises sera moins issue du monde du digital que de celui d’Elon Musk, c’est-à-dire le monde de la physique, beaucoup plus proche de l’académie, des hôpitaux, des laboratoires, du Centre national de la recherche française (CNRS), de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA). Nous devons donc investir des capitaux afin de développer ce secteur et, surtout – ce sera sans doute l’une des préconisations de la commission –, fluidifier massivement le transfert de technologies qui, dans beaucoup trop de cas, est encore médiéval, voire antique. Il faut actuellement dix-huit mois ou deux ans pour qu’une technologie soit transférée : c’est un immense gâchis !

Deep Tech, transfert de technologies, maintien de l’écosystème identitaire de la French Tech : tels sont les grands axes de notre mandat dans le domaine de l’innovation – et je pourrais ajouter les efforts consacrés à la création de « licornes » et à la croissance des entreprises.

Dans le monde de l’industrie, nous souhaitons développer la French Fab qui, à l’instar de la French Tech, mélange l’identité – « Je suis membre de la communauté de l’industrie française, et j’en suis fier » – et le programme « Industrie du futur », que nous finançons de manière très importante, notamment grâce aux programmes d’investissement d’avenir. Ce que vous avez peut-être perçu ces dernières années avec la French Tech, que ce soit en matière de puissance de communication ou de financement, vous devriez le percevoir avec la French Fab dans les années à venir. Ce sera le moment du coq bleu : on doit voir des grues, des usines qui montent, des financements... Les entrepreneurs doivent enfin penser que cela vaut la peine de tripler ses infrastructures, que la France est un pays industriel et que l’industrie française est une source de fierté et doit être brandie comme un étendard. Cela peut passer pour de la pensée positive, mais cela a des conséquences économiques très importantes.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Monsieur le directeur général, c’est la seconde fois que le projet de votre nomination au poste de directeur général de la BPI est soumis à notre commission, qui vous a déjà auditionné dans ce cadre le 23 janvier 2013. Cinq ans plus tard, il nous est demandé de nous prononcer sur votre renouvellement, et nous nous réjouissons de pouvoir vous entendre à la fois sur votre bilan et sur votre projet. Ce bilan est indéniablement très positif : on peut dire que Bpifrance, dont l’activité s’est accrue dans tous les domaines au cours des cinq dernières années, joue pleinement son rôle ; elle s’adresse à toutes les entreprises et son maillage territorial est composé de quarante-sept implantations.

Lors de votre dernière audition, le 20 septembre, j’ai été sensible au fait que vous ayez dit vous préoccuper de la problématique des « territoires oubliés » – c’est l’expression que vous avez employée –, ceux qui sont à l’écart des grands axes routiers mais aussi ferroviaires, puisque la qualité de service et la gouvernance de la SNCF éloignent chaque jour un peu plus certains territoires de la civilisation... Je souhaiterais donc que vous rappeliez et précisiez les projets que vous avez pour ces derniers. Quelles actions menez-vous pour financer les entrepreneurs de ces régions, qui n’ont pas toujours le temps de se rendre dans vos antennes régionales ? Lorsqu’on vit à Briançon – que vous connaissez bien –, il est en effet parfois difficile de faire 8 heures de route – quand il ne neige pas – aller et retour, pour se rendre à Marseille...

Vous avez indiqué vouloir développer de nouvelles missions, notamment dans le secteur du tourisme, qui est extrêmement important pour ces territoires. La mutation du tourisme et le changement climatique ont des effets importants dans ces zones, notamment en montagne. Je souhaiterais donc savoir quel est votre projet pour ces territoires et quel mode de relation vous voulez entretenir avec eux dans le cadre de votre maillage régional, qui ne permet pas toujours d’établir un lien de proximité avec les entrepreneurs implantés dans certaines zones géographiques.

Ma seconde question porte sur le grand plan d’investissement de 50 milliards annoncé par le Gouvernement. La BPI va-t-elle jouer un rôle dans la mise en œuvre de ce projet et, si oui, lequel ?

M. Daniel Labaronne. Merci pour votre exposé, monsieur Dufourcq.

La BPI est, aux côtés du Commissariat général à l’investissement, un acteur incontournable du financement de l’innovation, mais on constate, en la matière, une multiplicité d’objectifs, une profusion d’instruments et une instabilité des dispositifs – il existe soixante dispositifs nationaux de soutien à l’innovation, auxquels s’ajoutent ceux des collectivités territoriales. Quelle appréciation portez-vous sur la configuration institutionnelle du financement de l’innovation dans notre pays ? Quelles sont vos relations avec le Commissariat général à l’investissement, s’agissant notamment du financement des investissements d’avenir ?

Mme Véronique Louwagie. En 2015, dans le rapport de la mission d’information sur la Banque publique d’investissement que j’ai eu l’honneur de présider et dont Laurent Grandguillaume était le rapporteur, nous avions indiqué, dans nos préconisations, qu’il fallait veiller à ce que Bpifrance s’attaque à toutes les failles de marché, notamment celles qui concernent les PME, et surtout les petites entreprises. Ce sujet est-il toujours d’actualité ? Êtes-vous parvenus à occuper ce créneau ? La formation des chargés de clientèle des réseaux bancaires a-t-elle été intensifiée ? Par ailleurs, veillez-vous à ce que Bpifrance ne joue pas le rôle d’une agence de notation ? On pourrait craindre, en effet, que ses refus éventuels soient mal interprétés par d’autres investisseurs et prêteurs.

Je souhaiterais ensuite évoquer deux points qui ont été soulevés par la Cour des comptes dans son rapport de novembre 2016 et connaître vos perspectives, à cet égard, pour le prochain mandat. Premièrement, la Cour des comptes a souligné que les résultats se sont accompagnés d’une hausse des charges d’exploitation qui risque de créer une base des coûts rigide. Elle mentionnait notamment une politique immobilière coûteuse, des frais de déplacement et de représentation élevés et un recours quasi systématique à des prestataires externes. Elle a indiqué par ailleurs que l’augmentation continue de ces charges d’exploitation pourrait faire peser un risque d’effet de ciseau sur l’activité de Bpifrance financement. La gestion a-t-elle été modifiée pour corriger cette hausse des charges, qui devenait plus rapide que celle des revenus tirés de l’activité de prêt ? Deuxièmement, la Cour des comptes a jugé que l’augmentation des rémunérations de certains cadres dirigeants n’était pas toujours justifiée, des éléments variables et aléatoires ayant été transformés en éléments de la rémunération fixe. Pouvez-vous nous dire si, conformément aux recommandations de la Cour, les rémunérations des cadres dirigeants ont été stabilisées pour la durée du plan à moyen terme, 2016-2019 ?

M. Jean-Noël Barrot. Je veux à mon tour féliciter M. Nicolas Dufourcq d’avoir su donner à Bpifrance une visibilité telle que les chefs d’entreprise, quelle que soit la taille de leur entreprise, identifient les principaux leviers que l’État utilise pour accompagner les PME et les entreprises innovantes.

Ma première question porte sur le pilotage de Bpifrance. Celle-ci, il faut le rappeler, est une banque publique dont la vocation est d’intervenir là où les banques et les financeurs privés ne le peuvent pas. Dans le modèle français, qui n’est pas propre à notre pays, elle peut ainsi intervenir pour combler des failles de marché, mais elle peut également exercer parfois des activités de rendement qui lui permettent de solvabiliser les activités moins rentables de résolution des failles de marché sans avoir à se soumettre au contrôle du Parlement. Je souhaiterais donc savoir dans quel cas l’intervention Bpifrance vise à résoudre une faille de marché, donc à œuvrer dans l’intérêt collectif, et dans quels autres cas elle exerce une activité de rendement. Par ailleurs, à quel moment décide-t-on qu’une faille de marché a été comblée et que la banque publique doit donc céder la place à des acteurs de marché ?

Vous avez évoqué le doublement des financements accordés par Bpifrance depuis sa création. Or, tel n’est pas l’objectif d’une banque publique, qui a pour mission, je le répète, d’intervenir là où les acteurs privés ne le peuvent pas. Dès lors que, grâce à son impulsion, ceux-ci interviennent à nouveau dans un marché, il convient qu’elle s’en retire. Il ne s’agit pas de contenir l’activité de Bpifrance pour le plaisir, mais son activité est financée par de l’argent public qui, de ce fait, ne va pas aux chambres de commerce et d’industrie (CCI), aux aides publiques au logement (APL) ou aux emplois aidés.

Ma seconde question porte sur la transparence et l’évaluation. Je me suis aperçu que le site data.gouv.fr ne comportait pas la liste, même agrégée, des interventions de Bpifrance, alors que son équivalent américain recense, par exemple, pour l’année 2017, en ce qui concerne l’État de l’Alabama, 937 interventions de l’administration des petites entreprises – la small business administration – en prêt ou en garantie et mentionne, pour chacune de ces interventions, le nom de l’entreprise concernée, son code postal, ainsi qu’un ensemble d’informations socio-démographiques relatives au projet. Il y a quelques années, vous avez ouvert – et c’est une très bonne chose – de manière assez restreinte l’accès aux données d’intervention de Bpifrance à quelques équipes de chercheurs, dont je fais partie. Pourra-t-on aller plus loin et élargir la diffusion des données d’intervention de Bpifrance pour qu’elles soient accessibles à nos concitoyens ? Enfin, prévoyez-vous d’élaborer, en interne, des processus d’évaluation de vos différentes interventions ?

M. Philippe Vigier. Après avoir salué, à mon tour, le travail considérable mené par Bpifrance, je poserai quatre questions.

La balance commerciale française est extrêmement déficitaire, contrairement à celle de nos voisins allemands. Bpifrance a-t-elle adopté de nouvelles stratégies en lien avec les organismes consulaires et les régions pour regagner des parts de marché à l’étranger ?

Ma deuxième question concerne le financement des start-up. Comme j’anime un village de start-up, je sais combien il leur est difficile d’obtenir des financements, notamment auprès des régions. Elles doivent se lancer dans des recherches effrénées pour trouver 10 000, 20 000, 30 000 euros pour leur développement. J’aurais nombre d’exemples de ma région à vous soumettre. Bpifrance a-t-elle défini une stratégie pour 2018 ?

À la suite de Jean-Noël Barrot, je vous poserai une question sur la transparence. La loi exige que les régions, qui ont compétence en matière de développement économique, rédigent un rapport annuel retraçant les financements publics qu’elles ont accordés aux entreprises. Il serait bon de connaître les critères et le nom des entreprises attributaires de financements de Bpifrance de manière à avoir une vision objective de vos actions.

Enfin, prévoyez-vous de déployer de nouvelles stratégies sur les territoires oubliés ? Quelles sont les nouvelles cibles que vous avez identifiées ? Vos financements doivent participer, à mes yeux, de la réduction de la fracture territoriale dont on sait qu’elle augmente chaque année.

M. le président Éric Woerth. Nombre de nos collègues se posent la question de la place de Bpifrance dans l’univers financier français. Vous avez souligné, monsieur Dufourcq, qu’elle était une banque comme les autres. En réalité, elle ne l’est pas tout à fait puisqu’il s’agit d’une banque publique. Son succès est indéniable : sa marque a une signification certaine et elle regroupe une demi-douzaine de métiers. N’y a-t-il toutefois pas un risque de cannibalisation des acteurs bancaires classiques ? N’a-t-elle pas tendance à empiéter sur des métiers exercés par d’autres ? Ne devrait-elle pas parfois  passer le relais ? C’est le pendant de votre succès : plus vous êtes présent, plus les autres initiatives s’atrophient. Considérez-vous que ce risque existe ? Si oui, comment le mesurez-vous ? Si non, estimez-vous que plus vous étendez vos actions, plus cela est bénéfique à l’économie française ?

M. Nicolas Dufourcq. Commençons par cette dernière question, qui est fondamentale : qu’est-ce qu’une banque de place ? Quelle doit être sa taille ? Je vais vous indiquer des éléments de proportionnalité. Bpifrance, sur le marché du financement bancaire du crédit aux PME et aux ETI, a une part de marché de 3,8 %. Celle-ci est en baisse depuis maintenant deux ans : elle atteignait 4,2 % en 2016. Le marché bancaire, à l’arrêt de 2011 à 2015, est reparti de manière extrêmement forte. Son taux de croissance s’élève à 20 % par an. En 2017, la croissance de Bpifrance a été de 6 % en matière de crédits. Pour 2018, elle sera de 1,8 %. Notre part de marché continuera donc de baisser, ce qui est tout à fait normal en haut de cycle. Nous n’avons aucune raison de pousser les feux, d’autant que les taux étant extrêmement bas, les marges sont pincées. D’un strict point de vue financier, l’activité de crédit n’est pas forcément extrêmement attractive pour une banque. Il n’est pas totalement exclu qu’on se rende compte dans quelques années que des risques importants ont été pris.

Pour les années qui viennent, jusqu’au retournement du cycle, l’activité de Bpifrance en matière de crédits à l’investissement se stabilisera entre 7 et 8 milliards d’euros par an. Précisons que 100 % de ces crédits sont cofinancés par des banques privées, et en général, par deux plutôt qu’une. Si l’effet multiplicateur imposé dans la charte de Bpifrance est fixé à 1, il est en réalité compris entre 2 et 3.

Les relations entre Bpifrance et les banques françaises sont bonnes. Elles se mesurent place par place, dans vos territoires, à Lyon, à Lille, à Strasbourg, à Toulouse. Le directeur régional du Crédit agricole discute avec le directeur régional de Bpifrance qui discute avec le directeur régional de la caisse d’épargne de la manière de fonder un pool. Et vous n’imaginez pas le nombre de fois où les banques françaises viennent nous chercher. Très souvent, les crédits sans garantie que nous accordons permettent de finaliser la constitution de pools. Mais même pour des pools importants, de crédit-bail immobilier notamment, les banques recherchent nos compétences et la qualité de notre travail.

Dans le monde du capital-risque, nous avons deux types d’interventions : l’investissement direct et le fonds de fonds. Nous avons consacré 255 millions en 2017 aux investissements directs. Les start-up françaises ont levé 3 milliards d’euros. 100 % de nos investissements directs sont co-investis par d’autres fonds français, un, deux voire trois, auxquels s’ajoutent des fonds étrangers. Pour ce qui est du fonds de fonds, nous investissons dans un fonds de capital-risque sur deux et nous détenons en moyenne 20 % de ces fonds – ce que nous désignons par le terme de « taux d’emprise ».

La relation que nous avons avec les fonds est excellente tout comme celle que nous avons nouée avec l’Association française des investisseurs pour la croissance (AFIC). J’invite d’ailleurs ceux d’entre vous qui seraient disponibles à se rendre à la Maison de la Mutualité le 7 février prochain pour la fête annuelle du capital développement français à l’occasion de laquelle nous célébrerons collectivement le succès de 400 fonds rassemblés sous la marque Bpifrance.

J’en viens aux failles de marché. Les banques du développement, qu’il s’agisse de celle du Canada, de la Suède, d’Irlande ou bien encore de la British Business Bank, ne s’emploient jamais uniquement à les combler car leur business model ne serait pas viable sinon. Pour tenir et pour financer tout ce qui est nécessaire à une banque moderne, une banque de développement doit se tourner vers d’autres activités. En outre, nous devons aussi répondre aux exigences de la BCE. Chaque année, nous recrutons dix personnes supplémentaires pour s’occuper de la conformité, des audits, de la structuration imposée par l’Union bancaire. Cela nécessite d’atteindre une taille critique, ce qui n’était pas le cas en 2013 – nous ne pouvions pas alors suivre les recommandations de la BCE et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Si nous ne nous consacrions qu’aux failles de marché, ce serait la fin de Bpifrance. Nous ne pourrions même plus attirer de bons banquiers.

Cela étant, les failles de marché nous occupent beaucoup.

Premièrement, à travers les garanties : nous garantissons 8 milliards de crédits bancaires privés chaque année.

Deuxièmement, à travers les prêts sans garantie : il s’agit, pour un montant de près de 3 milliards, de prêts à sept ans avec deux ans de différé d’amortissement du capital, ce qu’aucune banque privée ne ferait. Nos fonds de garantie sont alimentés par le plan Juncker, par le budget de l’État français, par les conseils régionaux et, de plus en plus, par les fonds propres de Bpifrance. Ces prêts, qui constituent le cœur de l’offre de Bpifrance aux entrepreneurs, recouvrent les prêts « Usines du futur », les prêts « Innovation », les prêts à l’amorçage et les prêts aux TPE.

Troisièmement, à travers le financement de l’innovation : 1,3 milliard sont versés chaque année pour le compte de l’État. Il ne s’agit même plus d’activité bancaire mais de politique industrielle. Nous procédons toutefois avec nos propres méthodes : attention extrême aux clients, proximité avec le terrain, rapidité des délais – de quinze jours maximum.

En outre, nous mobilisons nos fonds propres. Nous avons reçu 20 milliards de fonds propres de la part de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations. Il n’a jamais été décidé que ce fonds stratégique serait uniquement destiné aux failles de marché. Sinon, nous ne pourrions jamais rendre ces 20 milliards aux Français.

Nous investissons en fonds propres pour combler des failles de marché, qu’il s’agisse de fonds de fonds de capital-risque et de capital-amorçage – ce qui a permis de créer un phénomène de boule neige – ou d’investissements directs pour le capital-développement des PME. Toutes ces activités sont extrêmement risquées et si nous n’étions pas présents, le marché privé ne suivrait pas.

J’aimerais revenir sur le rapport de la Cour des comptes. Je tiens à donner quelques chiffres car ceux qui ont été cités ne reflètent pas la réalité. L’activité de la banque a doublé par rapport à sa première année d’activité. Sur une base 100 en 2013, les effectifs se situent aujourd’hui à 120, les frais de personnel sont légèrement supérieurs à 120 ; les autres charges d’exploitation s’élèvent à 142 et le produit net bancaire a lui aussi doublé. La vérité est que la productivité de la banque a considérablement augmenté. Partout est pratiqué un lean management. Les équipes, qui supportent une charge de travail extrêmement lourde, ont des ratios d’activité par individu hors norme par rapport au marché bancaire. Le coefficient d’exploitation de la banque elle-même – la partie consacrée aux crédits aux entreprises – est de 45 %, niveau que n’atteint aucune banque française en ce domaine. Des augmentations de salaire ont eu lieu et il y en aura encore – je ne peux absolument pas m’engager pour une stabilisation des rémunérations dans les années qui viennent. Elles ont atteint 1,9 % en enveloppe totale, ce qui constitue une progression comparable à celle observée dans les autres banques françaises et à la Caisse des dépôts. Il n’y a pas de dérapage.

Pour rétablir la balance commerciale française, il faudra bien trente ans, si tant est que nous trouvions une solution. Le déficit actuel est la conséquence de difficultés que connaît depuis de longues années notre industrie. Le projet « Industrie du futur », la French Fab, les investissements des grands groupes français contribueront à son rétablissement mais cela prendra des dizaines d’années.

Un autre levier important est la mondialisation des PME françaises. Cela conduira-t-il à une augmentation des exportations ? Sans doute mais pas dans des proportions suffisantes pour compenser le déficit abyssal de 60 milliards d’euros.

M. Jean-René Cazeneuve. J’aimerais revenir à la fracture territoriale car je n’ai pas l’impression que vous ayez clairement répondu aux questions de mes collègues. Il y a à l’évidence une concentration des actions de Bpifrance sur les métropoles, qui disposent d’atouts en matière de structures de recherche et d’enseignement. Vous avez créé un label « Métropoles French Tech ». Comptez-vous lancer des opérations équivalentes dans les territoires ruraux ? Avez-vous des objectifs d’implantation de fonds d’innovation ? Bpifrance ne compte que cinquante agences, ce qui est très loin du maillage des autres réseaux bancaires. Quelle politique volontariste entendez-vous mener dans les territoires ?

M. Nicolas Forissier. Bpifrance est l’objet de critiques extrêmement dures : « économie administrée », « capitalisme d’État », « dérives ». Pouvez‑nous nous dire quelles sont selon vous les trois principales critiques qui vous sont adressées ? En êtes‑vous conscient et êtes‑vous en mesure de les formuler ? Cela me paraît important dans le cadre d’une audition telle que celle de ce matin.

S’agissant de l’international, je souscris à vos propos sur le commerce extérieur. L’administration française a tendance à se réfugier derrière l’idée que l’industrie de notre pays n’est plus compétitive. Ce faisant, elle ne prend pas en compte l’enjeu que constitue la mondialisation des PME. Bercy, si j’ai bien compris – vous me le confirmerez –, estime que vous devez limiter les crédits que vous consacrez à l’assurance-prospection, qui est l’un des outils que vous gérez pour le compte de l’État à travers Bpifrance Assurance Export. Si vous répondez à ses objurgations, aucun contrat ne sera signé alors que c’est un outil plébiscité et qu’il est le plus efficace pour toutes les TPE et les PME de nos territoires. Qu’en est-il exactement ? Comme jugez-vous la réforme du dispositif public d’appui à l’exportation et à l’internationalisation des PME ? Quelle place peut y occuper Bpifrance ?

Je terminerai en vous demandant comment votre banque intervient dans les petites villes.

M. Charles de Courson. Monsieur le directeur général, une question sur la gouvernance : alors que votre premier mandat se termine, avez-vous réussi à préserver l’indépendance de Bpifrance face aux pressions du pouvoir politique national ou local dans les décisions d’octroi de prêts, de prises de participation, de garanties et autres ?

Mme Valérie Rabault. En 2009, la reprise a eu du mal à se faire car les entreprises ne trouvaient pas de financement pour leurs fonds de roulement. La reprise qui s’amorce aujourd’hui, avec 1,9 % de croissance en 2017, vous conduira-t-elle à changer votre doctrine en matière de financement de court terme ? Si non, pourquoi ?

Par ailleurs, les financements qu’offrent Bpifrance ne sont pas uniformes selon les territoires. Nous avions évoqué l’année dernière un indicateur qui est le suivant : le rapport du financement assuré dans un département divisé par le financement total dans la région doit être au moins équivalent au rapport du PIB de ce département divisé par le PIB régional. Pourriez-vous l’intégrer dans vos tableaux de bord ?

Mme Sarah El Haïry. J’aimerais revenir au rapport de la Cour des comptes, qui avait formulé des préconisations, dont la stabilisation des rémunérations de cadres sur la période 2016-2019. Avez-vous suivi ces recommandations ? Vous parliez d’augmentations des salaires justifiés par une excellente productivité. Toutefois certains salaires atteignent déjà les plafonds, notamment le vôtre. Quel est votre éclairage sur cette question ?

M. Fabrice Le Vigoureux. L’équipe du Lab de Bpifrance a mené une étude sur l’internationalisation des PME. Elle montre que les taux de croissance des PME internationalisées sont beaucoup plus élevés que pour celles qui ne le sont pas et que le développement international est un catalyseur d’innovation, d’attractivité et de diversification. Elle souligne encore l’existence de freins physiques et financiers. Qu’en est-il des freins culturels, particulièrement prégnants dans notre pays ? Prenez-vous en compte ces barrières psychologiques ? Par ailleurs, comptez-vous mettre de l’ordre dans les nombreux dispositifs d’aides à l’export ?

Mme Émilie Bonnivard. Les outils de prêts bancaires destinés à l’hôtellerie et la restauration mis à disposition par Bpifrance gagneraient à être très visiblement distingués des instruments bancaires classiques, et à ce que d’avantage de publicité soit faite auprès des professionnels concernés. Par ailleurs, il me semble que la durée d’amortissement de ces prêts devrait être allongée, singulièrement pour l’hôtellerie.

Les outils d’investissement – les foncières – créés ces dernières années pour la construction et la rénovation de l’immobilier de loisir, je pense à la foncière immobilière montagne par exemple, créée avec la Caisse des dépôts et un pool bancaire, exigent un niveau minimum de rentabilité de 5 %. Ce taux n’est pas compatible avec certains projets conduits par des acteurs ne disposant pas d’une surface suffisante dans des stations de moyenne montagne et qui n’ont pas les mêmes possibilités que le Club Med.

J’ai récemment participé à une réunion avec Bpifrance et la Caisse des dépôts : il était impossible d’accompagner par une prise de participation un projet de lutte contre les lits froids en montagne, car le niveau de rentabilité était trop élevé. Pour le bien de l’intérêt général et des territoires, serait-il possible d’adapter ces taux de rentabilité ?

M. Nicolas Dufourcq. En ce qui concerne la couverture du territoire national, nous disposons de cinquante agences, et ce chiffre ne s’élèvera jamais à cinq cents ; nous devons donc nous projeter avec nos propres moyens. Ces moyens sont ceux de la banque nomade, et les entrepreneurs installés dans de petites villes connaissent la BPI ; nous n’avons pas d’agence à Charleville-Mézières ou à Issoudun, mais nous finançons les entrepreneurs qui s’y trouvent.

Par ailleurs, pour le tissu des TPE, notre instrument privilégié est le numérique, avec le prêt TPE en ligne, que nous avons commencé à déployer. Cela représente un changement assez significatif, et, de facto, transforme Bpifrance en une sorte de fintech mariant finance et technologie. Cest absolument cela quil faut faire.

Dans trois semaines, nous lancerons une campagne d’explication de cette évolution à l’intention des TPE dans toute la presse régionale, car nous devons faire connaître nos produits et faire savoir qu’ils sont disponibles en ligne de manière extrêmement simple ; comme c’était le cas du financement du CICE. Nous travaillons aussi très bien avec les banques, qui sont nos grands relais ; et il faut qu’elles distribuent nos produits.

Au regard des inquiétudes qui avaient marqué la création de Bpifrance et ma nomination, au cours de l’hiver 2012-2013, les choses ne se sont pas passées comme d’aucuns l’avaient prévu.

Nous avons construit une gouvernance qui garantit l’indépendance de la banque. Le comité d’investissement est l’organe le plus important, il est présidé par une personnalité indépendante, Frédéric Saint-Geours, président de la SNCF, et la numéro 2 de LOréal, Barbara Lavernos, y participe ainsi que la directrice financière de Carlson Wagonlit. Le débat est riche et ouvert dans ce comité, au sein duquel l’État et la Caisse des dépôts sont représentés, à un niveau qui est celui de professionnels de l’investissement.

Nous n’avons jamais reçu d’oukase pour nous contraindre à réaliser un investissement dont nous n’aurions pas voulu : alors que je m’attendais à recevoir beaucoup de coups de téléphone, cela n’a pas été le cas, il y a eu très peu d’interventions. À cet égard, on peut considérer que la France est désormais complètement mature, par rapport à l’image que l’on s’en faisait : n’oublions pas que l’on venait du monde des sociétés de développement régional (SDR), qui avait connu beaucoup d’interventions les ayant conduites à la faillite. Tout cela est terminé. Nous avons par ailleurs été protégés par le précédent Président de la République, qui n’est jamais intervenu, et il en va de même pour son successeur.

À Mme Rabault, j’indiquerai que la grande nouveauté est que le préfinancement du CICE va s’arrêter, mais nous poussons les feux sur toutes les autres gammes de produits de financement à court terme, qui demeurent fondamentales et indispensables.

Ce sont par ailleurs plutôt nos prêts sans garantie qui financent les fonds de roulement. La question qui se posera dans les années à venir sera celle du financement des fonds de garantie, qui permette d’en assurer la pérennité. Il n’est pas impossible que Bpifrance prélève quelque peu sur ses fonds propres, car elle a accumulé pas mal de réserves, afin de maintenir cette pérennité ainsi que notre capacité à déployer ce produit qui est fantastique.

Ainsi un entrepreneur peut-il lever jusqu’à 5 ou 10 millions d’euros sans garantie, donc, de facto, en quasi-fonds propres, presqu’en mezzanine.

J’avoue, par ailleurs, madame que nous n’avons pas pratiqué le financement par département, car c’est très difficile à réaliser.

M. le président Éric Woerth. C’est encore plus difficile à publier...

M. Nicolas Dufourcq. Vous êtes au contact des entrepreneurs, si vous en trouvez un qui a besoin de Bpifrance, qui ne nous aurait pas encore trouvés et que nous n’aurions pas encore identifié, il faudrait absolument nous l’envoyer. C’est d’ailleurs sans doute ce que vous faites et j’espère que la réponse est à la hauteur.

Oui, la rémunération de nos cadres est tenue : lorsque j’indique que nous disposons d’une enveloppe de 1,9 % d’augmentation de la masse salariale pour 2018, cela signifie que seuls 20 % des salariés seront augmentés, et que 80 % auront zéro. Lorsque l’on ne dispose que d’enveloppes relativement faibles, on se concentre sur ceux qui ont des promotions ou qui réalisent des performances particulièrement remarquables. C’est une discipline de fer à laquelle nous nous astreignons.

Par ailleurs les résultats de la banque sont vraiment très bons ; les gens – que l’on me passe cette expression – se défoncent ; il y a des sujets de motivation qui doivent être traités, notamment dans le monde de l’investissement. Nous avons construit une des meilleures maisons d’investissement de France, il s’agit presque d’une école d’application : les volumes sont certes considérables, mais c’est beaucoup plus que cela.

Tous ces collaborateurs fournissent un travail exceptionnel, sans pour autant bénéficier du niveau de rémunération de leurs collègues du privé ; c’est pourquoi de petites augmentations de salaire sont parfois nécessaires, mais ils demeurent loin du niveau de leurs pairs.

Avec les PME, nous travaillons sans cesse à la barrière psychologique que constitue leur peur d’aller à l’étranger, c’est beaucoup de patience, et des années de labeur. C’est le rôle de nos accélérateurs et de nos missions de conseil ainsi que de nos partenariats avec Business France ; nous réalisons environs 1 000 missions de conseil par an à l’international.

Oui, nous ferons plus de publicité en direction du secteur de l’hôtellerie et de la restauration, mais je rappelle qu’un important budget a été mis à disposition par le fonds de garantie de l’État à la demande de ces professions. Je suis par ailleurs très favorable à un amortissement plus long des prêts d’investissement, et j’étudierai le cas particulier que vous avez évoqué.

Les trois critiques que M. Forissier a mentionnées ont été évoquées tout à l’heure par M. Barrot. C’est une critique de nature économique, que je considère comme théorique, qui consiste à considérer qu’une banque publique doit se limiter à faire de la faille de marché, et, lorsque celle-ci a disparu, doit se retirer. Cela ouvre par la suite le débat sans fin consistant à tenter de trouver où se trouve la ligne Maginot de la faille de marché. Tout cela est extraordinairement mouvant. Enfin, un objet ne traitant que des failles de marché, n’a pas de pérennité possible.

Un économiste que je trouve intéressant, le prix Nobel Edmund Phelps, bien que très libéral, recommande la création de banques publiques des entrepreneurs afin de traiter le financement de l’énergie entrepreneuriale et des écosystèmes ; dans une sorte de partenariat public-privé que nous incarnons.

Cette critique s’exprime parfois en d’autres termes : si l’épargne publique française était bien orientée nous n’aurions pas besoin d’une banque publique. Si la directive « Solvency2 » et l’Union bancaire n’existaient pas, nous n’aurions pas besoin d’une banque publique. Si ce n’est que tout cela existe, malheureusement...

M. Philippe Chassaing. Il serait intéressant qu’à l’aube d’un nouveau mandat, M. Dufourcq puisse nous fournir des indicateurs susceptibles d’indiquer la progression de Bpifrance dans les territoires plus reculés.

Par ailleurs, vous avez insisté sur votre rôle d’accompagnant d’entreprises ; avez-vous des objectifs dans le domaine de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), avez-vous incité au développement de ce type de projets ? À l’aube d’un nouveau mandat, quelles sont vos intentions à cet égard ?

M. Patrick Hetzel. Il est vrai qu’il y a quelque paradoxe à entendre dire qu’une banque publique ne devrait intervenir que dans le domaine des failles de marché, et à lire dans un rapport de la Cour des comptes que le modèle économique de Bpifrance demeure fragile. Un équilibre demeure donc à trouver.

Je m’interroge par ailleurs sur la maîtrise de vos dépenses en tant que banque publique. Vous utilisez de l’argent public et, outre les sujets déjà exposés, la Cour des comptes s’est inquiétée de votre budget dévolu aux voitures de fonction, sachant qu’un de vos agents sur trois dispose d’un tel véhicule. Le budget concerné s’élève ainsi à 6,6 millions d’euros par an.

Quelles mesures avez-vous adoptées depuis le rapport de la Cour afin de réduire les dépenses de fonctionnement de la banque publique d’investissement ?

M. Xavier Paluszkiewicz. Le 20 septembre dernier, je vous ai interrogé sur l’impérieuse nécessité d’aider les TPE et PME à trouver diverses sources de financement afin de pérenniser leurs activités.

La réalité du financement repose sur un mécanisme d’effet de levier entre les fonds d’investissement, les banques et les investisseurs privés. En témoigne un de vos produits « prêt d’amorçage-investissement » avec le Fonds européen dinvestissement (FEI), en intervenant à 1 pour 2, c’est-à-dire au plus égal à la moitié de la levée de fonds.

De nombreuses PME ayant rencontré des difficultés d’ordre structurel ou conjoncturel continuent de souffrir, notamment parce que leur situation est connue des banques et des investisseurs. Ne faut-il pas trouver un mécanisme d’accompagnement particulier pour ces PME lors de ces premières années de difficultés, à l’instar de celui qui avait été lancé sous l’égide de la Médiation du crédit aux entreprises ?

M. Jean-Paul Mattei. Pour avoir connu la période d’Oséo et de la SOFARIS, dans une autre vie, j’avoue que Bpifrance a complètement changé les choses en donnant une extraordinaire visibilité dans l’ensemble du territoire.

Nous avons beaucoup parlé de territoires ; or je crains que l’aide à la constitution d’ETI ne les siphonne par regroupements et fusions-acquisitions qui font disparaître des entités constitutives d’un tissu économique. Il me semble donc qu’une réflexion doit être menée au sein de Bpifrance au sujet du capital familial, du capital management, de la reprise d’entreprises par des cadres et de leur accompagnement. En effet, s’il est bon d’aider les ETI, il ne faut pas perdre de vue que celles-ci font souvent disparaître des emplois dans les territoires.

M. Marc Le Fur. Une entreprise de ma circonscription était en difficulté et son repreneur recherchait des partenaires bancaires ; nous avons réussi à la sauver, et je doute que cela aurait été possible sans une banque comme Bpifrance.

Notre collègue Barrot suggérait de verser dans le domaine public toutes les relations avec les PME. Je ne suis pas sûr que tel soit leur souhait...

M. Jean-Noël Barrot. C’est de l’argent public...

M. Marc Le Fur. Oui, mais c’est tout l’intérêt de la BPI que d’être une banque, pour autant, elle doit pouvoir être mise en concurrence avec d’autres établissements. Si on indiquait à l’ensemble des TPE travaillant avec la BPI que tout sera dans le domaine public, je ne suis pas convaincu qu’elles seraient autant demanderesses...

Vous avez par ailleurs créé un outil très intéressant, le « Pass French Tech », à l’intention des toutes petites entreprises. Ce produit est apprécié, il est toutefois réservé aux entreprises créées sous forme de société, mais n’est pas accessible aux entreprises en nom propre, qui pourtant réunissent toutes les conditions pour être éligibles ; des artisans en entreprise familiale par exemple. Il serait donc bon, que, quelle que soit la nature de l’entreprise, toutes puissent bénéficier de cet outil.

Mme Bénédicte Peyrol. Bpifrance est un acteur incontournable du financement de la transition énergétique. Un rapport a été remis au ministre de l’économie et des finances et au ministre de la transition écologique et solidaire, portant sur la stratégie pour une finance verte. Il propose une réorientation des financements de Bpifrance, car, depuis 2013, 60 % des investissements verts sont orientés vers des énergies renouvelables aujourd’hui matures. Le secteur privé pourrait donc prendre le relais de ces fonds publics ; les prêts de Bpifrance étant ainsi réorientés vers de nouvelles énergies renouvelables, singulièrement les écotechnologies. Je souhaiterais donc savoir comment la BPI va prendre en compte cette recommandation.

M. Michel Lauzzana. J’ai vu hier une publicité pour Bpifrance. Si la BPI déroule des campagnes publicitaires, c’est qu’elle cherche à toucher un public à qui manquait cette information. Quel public particulier visez-vous ainsi ? S’agit-il d’une stratégie de développement, de consolidation de votre activité ? Vos agences régionales sont-elles outillées pour vous suivre dans cette communication ?

M. Michel Castellani. Monsieur le directeur général, ma question est simple : quelle est votre stratégie en région ? Partout ont poussé des incubateurs, des couveuses et des organismes d’accompagnement ; je pense particulièrement à la Caisse de développement économique de la Corse (CADEC), à l’Agence de développement économique de la Corse, aux organismes publics ainsi qu’à certaines banques locales. Vous considérez-vous comme un organisme parmi d’autres, ou êtes-vous un chef d’orchestre, coordinateur des politiques d’investissement public régionales ? Cette question intéresse tous les territoires ; mais en Corse, votre interlocuteur principal sera la Collectivité unique, et c’est avec elle que vous aurez à travailler.

M. Jacques Savatier. Pourriez-vous apporter des précisions quant à la complémentarité de vos interventions avec celles des autres outils de politique publique que sont l’Agence des participations de l’État (APE) et la Caisse des dépôts ?

Vous avez par ailleurs présenté des lignes d’actions prioritaires : avez-vous identifié comme tel le secteur de l’éducation, de la formation, singulièrement dans le domaine de l’e‑éducation ?

M. Éric Alauzet. Fort de votre expérience, pourriez-vous nous confirmer que l’enjeu, pour notre économie et pour l’emploi, est bien l’essor des PME et ETI ? Quelle importance relative les mesures qui ont été prises pour favoriser l’investissement, telles que la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et l’instauration de la flat tax, revêtent-elles parmi l’ensemble des facteurs susceptibles de permettre à ces PME et à ces ETI de monter en puissance ?

M. Nicolas Dufourcq. Il est clair que si nous n’avons pas un tissu d’ETI industrielles comparable à celui des Italiens du Nord – sans parler de l’Allemagne –, c’est à cause de l’ISF, des complexités de la fiscalité de la transmission et d’une réglementation des fondations d’entreprise moins favorable. On ne pourra pas construire dans la durée des ETI familiales industrielles si on ne règle pas ces problèmes. La réforme de l’ISF est donc absolument fondamentale. Celle du « pacte Dutreil », à laquelle le Gouvernement s’est attelé, est potentiellement très importante également. Ensuite, un chantier reste ouvert en permanence, compte tenu de la culture française : celui du désencadrement de notre société qui, du point de vue des entreprises, est totalement surnormée par rapport à celles de nos voisins européens. Dans le cadre des binômes missionnés sur la loi « PACTE » (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), M. Le Maire a fait intervenir plusieurs entrepreneurs, parmi lesquels Éric Kayser – des boulangeries du même nom : en quinze ans, cet entrepreneur a subi 192 contrôles en France contre deux aux États-Unis et zéro au Japon, deux pays où il est également implanté. Ces chiffres résument bien la vie quotidienne des entrepreneurs français. Tant qu’on n’aura pas traité ce problème, les entrepreneurs auront les ailes rognées.

Les ETI et les PME sont fondamentales et il est effectivement absolument indispensable d’avoir dans l’économie française un vivier d’entrepreneurs conquérants, vainqueurs et leaders d’opinion qui renforcent leur marque employeur, et qui attirent nos jeunes et les convainquent qu’il n’y a pas que les grands groupes ou les cabinets de conseil américains. Aujourd’hui, la masse critique de ces entrepreneurs et leur poids dans le débat public restent insuffisants.

Y a-t-il une complémentarité entre Bpifrance, d’une part, l’APE et la Caisse des dépôts et consignations, d’autre part ? Les frontières sont très claires entre Bpifrance et la Caisse : nous sommes de facto sa branche « entreprises ». La Caisse est en train de bâtir une banque des territoires, c’est-à-dire une banque décentralisée dont la principale clientèle sera les élus et les patrons d’offices HLM, autour des questions d’infrastructures et de logement social. Quant à nous, nous sommes la banque des territoires pour les entrepreneurs. Les frontières sont tout aussi claires avec l’APE. Bpifrance est le fonds stratégique de marché et investit à ce titre dans quantité d’entreprises françaises sans lien avec des infrastructures souveraines. L’APE est, quant à elle, notre fonds stratégique souverain puisqu’elle investit dans des secteurs fondamentaux pour l’État – la SNCF, EDF, La Poste, les industries de défense et les mines. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons repris Peugeot, qui relevait plutôt du volet stratégique de marché – et avec qui nos relations sont excellentes.

Nous investissons bien sûr dans l’éducation et allons d’ailleurs le faire de plus en plus. Il n’y a aucune raison de laisser des fonds de capital investissement américains, suisses ou brésiliens capter les possibilités de développement et la rente de nos très belles entreprises françaises. Nous avons donc investi dans l’INSEEC, IPESUP, les écoles de Condé, ou encore AD Éducation. Nous étudions en ce moment même un dossier d’investissement et d’autres viendront. Le problème, c’est que nous sommes minoritaires au capital de ces groupes et que nous n’avons pas encore trouvé le grand consolidateur français qui voudrait créer le Sodexo de l’éducation privée et se projeter dans le monde entier. Le jour où nous l’aurons trouvé, je peux vous dire que nous lui injecterons beaucoup de capitaux, que nous l’accompagnerons et que nous l’aiderons car il est essentiel, pour la spécialisation internationale de la France et pour attirer les jeunes du monde entier, d’avoir quelques très grands groupes d’éducation privés français.

Si nous faisons de la publicité, c’est d’abord pour entretenir la flamme. Nous avons mis le paquet en début d’année en faisant campagne sur le thème de la volonté car, je vous le disais dans mon introduction, c’est maintenant qu’il faut agir. Je dirais volontiers aux entrepreneurs : « surtout ne vous endormez pas pendant les deux années de l’âge d’or ! ».

Nous ne sommes pas vraiment les coordinateurs en région ; c’est plutôt le binôme entre Bpifrance et les services économiques de la région qui joue ce rôle.

Bien sûr, nous investissons beaucoup dans la transition énergétique, tant en crédits qu’en fonds propres. Nous avons un fonds dédié aux écotechnologies qui sera sans doute renfloué par le programme d’investissements d’avenir.

Il est vrai, monsieur Le Fur, que nous ne finançons que les entreprises. Le financement des particuliers est assuré par les banques privées et les réseaux d’accompagnement France Active et Initiative France qui accordent des prêts d’honneur. Nous sommes là pour garantir ces réseaux et les soutenir.

Que l’on épingle Bpifrance pour ses voitures de fonction est un signe d’incompréhension de notre mode de travail. Il nous coûte moins cher d’accorder des véhicules de fonction à des gens qui se déplacent en permanence et qui paient ces voitures à 40 % par prélèvement sur leur salaire – puisqu’ils les utilisent aussi le week-end – que de leur allouer des indemnités kilométriques pour usage de leur véhicule personnel. Je le répète, nous sommes une banque nomade. Un chargé d’affaires qui doit voir 120 à 130 clients par an est dans sa voiture toute l’année. J’ai hérité de cette politique – qui avait été celle d’Oséo, d’Avenir Entreprises puis de CDC Entreprises et du Fonds stratégique d’investissement – et n’en ai pas changé car je l’ai considérée comme pertinente. Honnêtement, cette politique n’est pas très coûteuse et il y a une grande différence entre une banque nomade et une banque de bureaux. Nos clients ne viennent pas dans les bureaux de Bpifrance car nous n’avons pas de guichets : nos directions régionales sont dans des appartements. Nous sommes donc toujours dehors.

M. le président Éric Woerth. Monsieur le directeur général, je vous remercie.

J’invite les membres de la commission à rester dans la salle pendant que je raccompagne M. Dufourcq, afin que nous puissions procéder au vote.

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*     *

Délibérant à huis clos, la commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l’article 29-1 du Règlement, sur la nomination envisagée de M. Nicolas Dufourcq aux fonctions de directeur général du groupe Bpifrance.

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*     *

La commission procède au dépouillement du scrutin, simultanément au dépouillement du scrutin sur cette nomination opéré par la commission des finances du Sénat.

Les résultats du scrutin auquel il a été procédé sont les suivants :

Nombre de votants : 31

Bulletins blancs ou nuls : 4

Suffrages exprimés : 27

Avis favorables : 23

Avis défavorables : 4

La commission a émis un avis favorable à la nomination de M. Nicolas Dufourcq aux fonctions de directeur général du groupe Bpifrance.

 

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Information relative à la commission

La commission a désigné M. Fabien Roussel rapporteur sur la proposition de loi créant une liste française des paradis fiscaux (n° 585).

 


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

Réunion du mercredi 31 janvier 2018 à 10 heures 30

 

Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Gilles Carrez, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, Mme Sarah El Haïry, Mme Sophie Errante, M. Nicolas Forissier, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, Mme Olivia Gregoire, M. Stanislas Guerini, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. François Jolivet, Mme Aina Kuric, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Jean Lassalle, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, M. Gilles Le Gendre, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, M. Jean-Paul Mattei, M. Patrick Mignola, Mme Amélie de Montchalin, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-François Parigi, M. Hervé Pellois, M. Pierre Person, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Sylvia Pinel, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, Mme Muriel Ressiguier, M. Xavier Roseren, M. Jacques Savatier, M. Benoit Simian, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

 

Excusés. – Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Valérie Lacroute, Mme Lise Magnier, M. Olivier Serva

 

 

 

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