Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Commission d’évaluation des politiques publiques :

Missions Enseignement scolaire ; Sport, jeunesse et vie associative : audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, et de Mme Laura Flessel, ministre des sports               2

–  Présences en réunion...........................28

 

 

 


Mercredi
6 juin 2018

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 108

session ordinaire de 2017-2018

 

 

Présidence

 

 

 

de M. Éric Woerth,

Président


  1 

La commission entend, dans le cadre de l’évaluation des politiques publiques, M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, et Mme Laura Flessel, ministre des sports sur les Missions Enseignement scolaire ; Sport, jeunesse et vie associative.

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, je souhaite la bienvenue à M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, et à Mme Laura Flessel, ministre des sports.

Cette séance de commission d’évaluation et de contrôle des politiques publiques va porter sur deux missions : Enseignement scolaire et Sport, jeunesse et vie associative.

Nous commençons par l’examen de la mission Sport, jeunesse et vie associative.

Mme Perrine Goulet, rapporteure spéciale pour les crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, le rapport que Sarah El Haïry et moi-même présentons concerne la mission Sport, jeunesse et vie associative. En 2017, 782 millions d’euros en autorisations d’engagement et 783,6 millions d’euros en crédits de paiement ont été consommés, dépassant de près de 50 millions d’euros l’autorisation initiale – étant précisé que la consommation du programme Sport a diminué alors que celle du programme Jeunesse et vie associative a augmenté.

Pour ce qui est de l’exécution du programme 219 Sport, 243,5 millions d’euros en crédits de paiement ont été consommés en 2017, ce qui est inférieur de 9 % à l’autorisation initiale. La baisse des crédits consommés concerne principalement les actions Promotion du sport pour le plus grand nombre – moins 30 % en CP – et Prévention par le sport et promotion des sportifs – moins 13 % en CP.

On note également une erreur de budgétisation sur le financement de la compensation à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) des exonérations de charges accordées au titre des rémunérations des arbitres et des juges sportifs : cette prévision a été surévaluée de 25 millions d’euros. Il conviendra à l’avenir de fiabiliser cette ligne budgétaire.

Le programme est abondé par les programmes 333 et 124, ce qui porte à 583,6 millions d’euros la dépense complète, avec principalement des dépenses de titre II. Je recommande à ce propos, et une nouvelle fois, de basculer la rémunération des cadres techniques sportifs sur le programme 219, pour un pilotage plus efficient.

Par ailleurs, je partage les inquiétudes exprimées par la Cour des comptes et je trouve intolérable que trois dépenses fiscales soient indiquées comme non chiffrables : il faut les chiffrer, les évaluer – et, si on ne les gère pas, les supprimer. Je déplore par ailleurs l’absence de transparence quant aux actions envisagées afin de stabiliser les relations entre le consortium du Stade de France et la Fédération française de rugby, qui coûteraient 23 millions d’euros par an au budget de l’État en cas d’absence de club résident.

En ce qui concerne le mode de pilotage du contrat de partenariat public-privé (PPP) relatif à l’aménagement de la zone nord de l’INSEP, le nombre important d’avenants systématiquement à la charge de l’État fausse les prévisions budgétaires et rend difficilement prévisible le coût final de l’opération. De plus, une étude sur les prestations prévues depuis 2015 n’a toujours pas été réalisée. Concernant ce dernier point, je préconise une retenue financière ou un avenant négatif tant que cette étude n’est pas réalisée. Pour le reste, madame la ministre, pouvez-vous vous engager à stabiliser la relation contractuelle et à limiter une accumulation d’avenants ayant pour conséquence une hausse des dépenses publiques ?

J’en viens à la nouvelle répartition des rôles entre le Centre national pour le développement du sport (CNDS) et l’État. En 2017, le CNDS a affiché un solde excédentaire de 39,4 millions d’euros, dû notamment aux 27 millions d’euros votés en PLFR 2017. Cependant, en 2018, cet établissement public d’État connaît, d’une part un recentrage de son rôle au niveau des territoires en soutien aux associations à l’emploi sportif, d’autre part une division par deux de ses recettes fiscales affectées. L’abandon de certaines missions du CNDS entraîne une rebudgétisation de crédits à hauteur de 72,8 millions d’euros vers le programme 219 : ils financeront les conventions d’objectifs avec les fédérations, la dotation au mouvement olympique et paralympique et les subventions aux grands événements sportifs internationaux (GESI).

La division par deux des recettes du CNDS n’est pas accompagnée par la diminution de ses obligations dans les mêmes proportions, d’autant que le centre doit encore clôturer un certain nombre de dossiers ne relevant plus de ses missions suite à la nouvelle définition des attributions respectives de l’État et du CNDS, mais qui sont engagés depuis plusieurs années. Le montant estimé pour l’année 2018 est de 115,4 millions d’euros de reste à charge. Dès lors, le CNDS s’est fixé de nouvelles priorités en 2018 afin de concentrer son action, puisque les crédits de la part territoriale seront réduits de 99 millions d’euros à 54 millions d’euros : ses actions concerneront en priorité les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les zones de revitalisation rurale (ZRR), la compensation de la baisse des emplois aidés, ou encore la lutte contre les discriminations et le harcèlement.

Pour conclure, madame la ministre, je trouve étonnant le choix qui a été fait de réduire le soutien au sport pour tous, dont les budgets ministériels et du CNDS confondus sont inférieurs d’environ 20 % au financement du sport de haut niveau. Pouvez-vous clarifier la politique de soutien de l’État au sport pour tous, dont l’objectif annoncé consiste à augmenter de 3 millions le nombre de pratiquants ?

Mme Sarah El Haïry, rapporteure spéciale pour les crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, l’exercice 2017 marque une nette surexécution du programme 163 Jeunesse et vie associative. Ce sont 540,2 millions d’euros en crédits de paiement qui ont été consommés, ce qui représente 12 % de plus que l’autorisation en loi de finances initiale. La hausse porte majoritairement sur l’action relative au développement du service civique, qui représente par ailleurs 83 % des crédits de paiement.

En effet, en dépit de la croissance des crédits par rapport à 2016 et du dégel de la réserve de précaution, l’engagement de 130 000 volontaires a rendu nécessaire l’ouverture de 62,1 millions d’euros en CP par le décret d’avance du 20 juillet 2017. La progression en 2018 et 2019 du nombre de volontaires s’opère avec un plafond d’emplois inchangé pour l’Agence du service civique (ASC), ce qui crée des tensions d’autant plus nettes que, depuis le 1er janvier 2016, les activités relevant de l’agence française Erasmus + Jeunesse & Sport sont intégrées à l’opérateur.

Par ailleurs, onze dépenses fiscales sont rattachées au programme 163. Leur montant a atteint 2,9 milliards d’euros en 2017, et devrait rester en 2018 à un montant élevé de 2,7 milliards d’euros. Je partage pleinement l’avis de la Cour des comptes : égale au quintuple des crédits budgétaires, cette somme est tout à fait disproportionnée. En effet, si son importance peut être comprise comme un fort soutien aux associations, elle est aussi susceptible d’être lue comme un choix de l’État de ne pas piloter la majorité des aides et de laisser des choix privés procéder à l’allocation des ressources envers le secteur associatif.

Dans le contexte de la promotion d’une société de l’engagement par le Président de la République – un objectif qui me tient également à cœur –, j’ai choisi de m’intéresser à trois leviers en voie d’affaiblissement et à deux outils dont la montée en charge serait souhaitable.

La transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) a conduit nombre d’associations à s’inquiéter quant à une potentielle baisse des dons. Deux effets en sens contraire peuvent être anticipés. D’un côté, les contribuables qui ne sont plus redevables en raison de la réduction de l’assiette de l’impôt sont susceptibles de ne plus effectuer les mêmes dons qu’auparavant, n’en percevant plus la « contrepartie » fiscale. De l’autre, l’arbitrage avec le dispositif « ISF PME » a disparu. Un report vers l’impôt sur le revenu (IR) devrait aussi avoir lieu, mais dans une proportion incertaine.

La suppression de la réserve parlementaire ne doit pas affecter la capacité des plus petites associations à accéder à la générosité publique. Pour cette raison, la loi de finances pour 2018 a abondé le Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) à hauteur de 25 millions d’euros. Néanmoins, le décret d’application n’a toujours pas été publié à ce jour, ce qui maintient le mouvement associatif dans l’insécurité.

Il s’agit, enfin, de compenser la réduction du nombre de contrats aidés dans le secteur non-marchand par les parcours emploi-compétences et l’expérimentation des emplois francs.

Avant de conclure par une série de questions, je voudrais rappeler le caractère indispensable du déploiement effectif du compte engagement citoyen (CEC) début 2019 – une avancée à laquelle je tiens énormément – et saluer l’intérêt des travaux du nouveau Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ).

Monsieur le ministre, quelles démarches de sincérisation pensez-vous appliquer en cours de gestion au budget 2018 ? Que prévoyez-vous pour le budget 2019 en ce qui concerne le service civique et l’agence du service civique ?

Comment expliquez-vous le retard dans la publication du décret relatif au FDVA et à combien chiffrez-vous l’impact de cette incertitude pour les associations concernées ainsi que les reports de crédits qui pourront se révéler nécessaires ?

Le compte d’engagement citoyen sera-t-il bien déployé en 2019 ? Que sont devenus en 2017 et que deviendront en 2018 les crédits correspondants, budgétés mais non consommés ?

Quel ministère enfin sera chargé du pilotage opérationnel et budgétaire du service national universel et obligatoire ? Sera-t-il rattaché au programme 163, comme je l’espère, ou un nouveau programme sera-t-il créé ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Madame le ministre, monsieur le ministre, je souhaite vous poser quelques questions en complément de celles que viennent de vous adresser nos rapporteures spéciales.

La LFI pour 2018 a recentré le rôle du Centre national pour le développement du sport vers les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les zones de revitalisation rurale (ZRR), avec une réduction de ses recettes fiscales affectées. Madame la ministre, pourriez-vous nous rappeler les détails de la restructuration de la politique publique du sport mise en place par le Gouvernement à ce titre ? Habitant moi-même dans un département dont 80 % du territoire est classé en ZRR, je vous avoue qu’à l’instar de la sœur Anne d’un conte célèbre, je n’ai rien vu venir jusqu’à présent – mais peut-être est-ce dû au fait que nous sommes un peu éloignés de la capitale…

En ce qui concerne l’incitation et la valorisation de l’engagement associatif qui pourra notamment résulter de l’utilisation du compte d’engagement citoyen (CEC), la rapporteure spéciale regrette dans son rapport la faiblesse de la communication relative à ce dispositif innovant, ainsi que le retard de son déploiement complet. Je ne peux que souscrire à cette remarque. Quels seront les engagements ayant vocation à figurer sur le compte d’engagement citoyen, et quelles mesures concrètes seront mises en œuvre pour développer cet outil ?

Enfin, pour ce qui est du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), départementalisé dans la douleur, j’attire votre attention sur les difficultés qu’entraîne l’absence du décret d’application attendu. Les préfets doivent en effet attendre la publication du décret pour mettre en place la commission départementale ; l’été va arriver, tout cela prendra un temps certain, les premières réunions ne commenceront pas avant septembre, les crédits ne pourront être engagés que très partiellement, et on aura beau jeu ensuite de nous expliquer que les associations n’avaient pas besoin d’argent… Je vous avoue que je ne comprends pas ce qui empêche la publication de ce décret, alors que toutes les étapes préalables, notamment celle de l’examen par le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), ont été franchies : j’espère que vous pourrez nous éclairer sur ce point.

M. le président Éric Woerth. Je m’associe aux remarques de Mme la rapporteure spéciale et de M. le rapporteur général sur ce dernier point. Nous avions réussi à trouver un équilibre – certes précaire – pour le financement de la vie associative, faisant intervenir les collectivités, l’État, ainsi que des dépenses fiscales. Or, plusieurs mesures prises au cours de ces derniers mois sont venues remettre cet équilibre en question, constituant des signaux très négatifs en matière de financement de la vie associative : je pense à la suppression de l’ISF et de la réduction fiscale en faveur des associations qui l’accompagnait, ainsi qu’à la suppression de la réserve parlementaire, dont une part importante allait aux associations. Une dotation de solidarité locale (DSL) a été mise en place à l’initiative de M. le rapporteur général, mais il semble que ce dispositif peine à démarrer, et les associations ne bénéficient plus aujourd’hui que de l’affectation de quelques dépenses fiscales dont l’existence reste peu connue. J’aimerais savoir, monsieur le ministre, puisque c’est vous qui êtes chargé de la vie associative, quel regard vous portez sur la situation financière actuelle des associations.

Mais dans un premier temps, je vais donner la parole à Mme la ministre des sports.

Mme Laura Flessel, ministre des sports. Les crédits du ministère des sports et de ses opérateurs ont effectivement été réduits de 7 %. Pour autant, ce contexte ne nous a pas éloignés de nos objectifs : nous souhaitons convertir au sport 3 millions de Français dans les prochaines années, afin de parvenir au chiffre de 40 millions de pratiquants. En procédant de la sorte, nous mettons en effet toutes les chances de notre côté de hisser le palmarès sportif de notre pays à 80 médailles aux Jeux olympiques de 2024 – ce qui nécessitera également des réformes de structure, une meilleure coordination des acteurs et une plus forte sélectivité de l’État vers les publics et les territoires les plus fragiles.

J’ai engagé une transformation en restructurant le CNDS, prioritairement en faveur des quartiers et publics vulnérables. Le volet d’investissement est totalement dédié à l’innovation, grâce à plusieurs appels à manifestation d’intérêt (AMI) pour la préfiguration des équipements de nouvelle génération. L’État renforce ainsi sa qualité d’orientation et d’élaboration des stratégies nationales en matière de politique sportive dans le haut niveau et le sport pour tous, avec des déclinaisons thématiques. En matière de sport santé, nous avons rebudgétisé les crédits de soutien à l’action internationale des fédérations sportives, en cohérence avec l’affirmation de l’État sur l’importance de la diplomatie sportive – c’est l’axe de « la France qui rayonne ».

Nous avons également réduit le nombre de guichets de financement pour les acteurs du sport, en lissant les effets de cette réforme pour les collectivités territoriales. Des conventions de gestion ont été mises en place avec la direction des sports et le CNDS, l’idée étant de resserrer les priorités de la part territoriale, afin de rendre plus lisible l’action de l’État sur les territoires et d’amplifier le soutien aux projets de taille critique. Pour cela, nous nous appuyons sur nos délégués territoriaux du CNDS. En janvier 2018, le conseil d’administration du CNDS a adopté des dispositions définissant les critères de la part territoriale. L’idée a été de recentrer la part territoriale, dotée de 105 millions d’euros pour 2018, autour de quatre priorités au lieu de six.

La première priorité est celle de la professionnalisation du mouvement sportif et particulièrement de l’emploi sportif, qui représentent près de 50 % des crédits de la part territoriale.

La deuxième priorité est celle de la correction des inégalités d’accès à la pratique. Ainsi, 19,8 millions d’euros ont été consacrés au développement de la pratique féminine – les femmes sont 61 % à pratiquer une activité sportive – et 12 millions d’euros ont été consacrés à des actions en faveur des personnes en situation de handicap, contre 7,4 millions d’euros en 2012. Pour répondre à la question de M. le rapporteur général sur le zonage géographique, 38,8 millions d’euros provenant de la part territoriale ont été consacrés à des actions menées au sein de territoires carencés, contre 35,3 millions d’euros en 2012, ce qui représente une augmentation de 10 %.

La troisième priorité est celle de la promotion du sport santé, à laquelle ont été affectés 10,2 millions d’euros – ce qui représente une augmentation de 73 %.

Enfin, 3 millions d’euros ont été affectés à la lutte contre les discriminations, les violences et le harcèlement en 2017.

Le sport de haut niveau a été intégré au programme 219 Sport, avec un montant de 7,5 millions d’euros.

Je reviendrai sur le compte d’engagement citoyen, mais il est faux de dire qu’on ne finance plus la formation. Le champ de formation des bénévoles et des dirigeants est en cours d’évaluation avec la Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), et ce sont près de 1,7 million de personnes qui pourraient déclarer des heures de bénévolat d’ici à la fin d’année.

Les ZRR bénéficient de plusieurs campagnes exceptionnelles d’investissement, résultant d’une réflexion sur le cofinancement que nous avons menée avec différentes collectivités. En janvier dernier, nous avons lancé une concertation sur le thème de la gouvernance du sport en y associant tous les acteurs : collectivités territoriales, mouvement sportif, État, acteurs économiques. L’idée est de travailler en coordination sur les deux piliers que sont la pratique pour tous et la haute performance.

Je reviendrai sur les raisons qui nous ont conduits à opter pour un contrat de partenariat public-privé pour l’aménagement de l’INSEP. Rappelons que les avenants sont conclus pour intégrer les besoins de l’établissement non pris en compte dans le contrat initial, et que ces avenants ne sont pas toujours à la hausse. Ainsi, les avenants 5 et 8 intègrent des baisses de loyers de respectivement 90 000 euros et 45 000 euros, et un avenant intégrera prochainement une baisse de trois composantes, pour un total de 190 000 euros.

J’en viens aux dépenses fiscales. Selon une étude commandée par mon ministère, l’organisation de l’Euro 2016 a eu un impact économique global de 1,22 milliard d’euros, pour un nombre de visiteurs estimé à 647 000 personnes. Selon le rapport de la Cour des comptes sur les soutiens publics de l’Euro, l’exonération d’impôt est estimée à 65,1 millions d’euros, répartis entre l’exonération d’IS, estimée à 60,5 millions d’euros, et l’exonération de CVAE, estimée à 4,1 millions d’euros. Les gains de l’État sont, eux, estimés à 74,9 millions d’euros : 70 millions au titre des recettes de TVA, 2,7 millions au titre des taxes de séjour et 2,2 millions d’euros au titre des taxes d’aéroport. Pour ce qui est de l’exercice 2017, qui comprenait les championnats du monde de handball et de hockey sur glace, nous sommes dans l’attente des retours d’estimation.

Nous avons rencontré le président de la Fédération française de rugby (FFR), qui nous a indiqué que la fédération avait prolongé son contrat avec le consortium du Stade de France jusqu’en 2025.

Enfin, pour ce qui est de la rémunération des cadres techniques sportifs, la demande est en cours dans le cadre du chantier de l’AP2022.

M. le président Éric Woerth. Votre ministère suit-il les dépenses fiscales afférentes aux sujets qui relèvent de votre périmètre, ou considérez-vous que c’est plutôt l’affaire de Bercy ? Mais à la réflexion, cette question concerne plutôt M. le ministre de l’éducation…

Mme Laura Flessel, ministre des sports. Effectivement.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Pour ce qui est des ZRR, madame la ministre, vous serait-il possible de me faire parvenir une cartographie des opérations relevant des financements au titre du CNDS, ce qui me permettrait de mieux visualiser les choses ?

Mme Laura Flessel, ministre des sports. Bien sûr. Ce sera fait.

Mme Perrine Goulet, rapporteure spéciale. Je reviens aux trois dépenses fiscales que le rapport estime non chiffrables. Ces dépenses étant basées soit sur l’impôt sur le revenu, soit sur l’impôt sur les sociétés, j’ai du mal à admettre que les services de Bercy ne soient pas capables de nous dire combien rapportent ces niches.

Mme Laura Flessel, ministre des sports. Je vous ai indiqué les chiffres de la dépense fiscale relative à l’Euro 2016. Pour ce qui est de la deuxième dépense fiscale, nous aurons les chiffres d’ici à la fin de l’année. Enfin, la troisième dépense n’est pas jugée significative.

M. le président Éric Woerth. Je vais maintenant donner la parole à M. le ministre de l’éducation nationale, pour le programme Jeunesse et vie associative.

M. Jean Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis évidemment conscient d’un certain nombre de problèmes qui concernent la vie associative – et qui, il faut le souligner, ne datent pas d’hier. Beaucoup de points négatifs ayant été soulignés, je m’attacherai à évoquer également quelques aspects positifs, car il y en a, en rappelant que l’objet de cette réunion est de discuter de l’exécution 2017 : pour ce qui est de l’avenir de la vie associative, le Premier ministre s’exprimera vendredi à Toulouse – je serai également présent.

Mme la rapporteure spéciale El Haïry a fait état d’un dépassement de crédits en 2017. Je le dis très franchement : ce dépassement résulte de l’insincérité du budget 2017. Même en retenant un objectif de 130 000 volontaires au lieu des 150 000 prévus par le précédent gouvernement – et il nous a fallu faire preuve de volontarisme durant le deuxième semestre afin de parvenir à ce chiffre de 130 000 –, nous avons dû prendre un décret d’avance de 60 millions d’euros le 20 juillet 2017. Comme vous le voyez, le dépassement ne saurait donc être imputé à l’actuel gouvernement.

Cependant, afin qu’un tel dépassement ne se reproduise pas et que le budget 2018 soit sincère, nous avons augmenté le budget du service civique dans le cadre de la discussion budgétaire : fixé à 448 millions d’euros, il devrait nous permettre d’atteindre nos objectifs, qui se situeront entre 125 000 et 150 000 volontaires – il est difficile d’être plus précis pour le moment. D’autres points techniques, notamment la date d’entrée en vigueur du service civique, auront également une incidence budgétaire. Quoi qu’il en soit, nous avons fait en sorte que le dispositif soit beaucoup mieux financé en 2018 qu’il ne l’a été en 2017.

Le Fonds pour le développement de la vie associative a été conçu pour remplacer la réserve parlementaire, selon un système plus juste de la répartition des crédits à l’échelle du territoire, défini à l’issue de discussions parlementaires qui ont abouti au projet de décret que vous connaissez. Comme vous, j’aurais préféré que ce décret soit publié plus rapidement, ce que notre organisation n’a malheureusement pas permis. Les trois ministres compétents, dont moi-même, ont signé – Gérald Darmanin a été le dernier à le faire –, mais le système de consultation propre au ministère de l’outre-mer retarde la publication, que nous attendons en principe pour la fin du mois de juin. Je peux vous assurer que la DJEPVA est « dans les starting-blocks » afin que le décret soit mis en œuvre dès sa publication et que les associations, notamment petites et moyennes, bénéficient sans tarder des fonds.

Il m’a été demandé quel ministère serait en charge du futur service national universel (SNU). Je n’ai évidemment rien à dire sur le sujet pour 2017 et 2018, et pour cause ; l’année 2019 sera sans doute celle d’une démarche expérimentale sur le sujet, ce qui nécessitera, le cas échéant, de prévoir des crédits dans le cadre de la loi de finances pour 2019. Cela dit, ce point n’a pas encore été tranché et je ne suis donc pas en mesure de vous fournir de renseignements précis à ce sujet : tout au plus puis-je dire qu’il me paraîtrait assez logique que ces crédits soient inscrits au titre d’une action ad hoc sur le programme 163, mais ce principe n’a pas été validé.

M. le président Éric Woerth. Et le suivi des dépenses fiscales ?

M. Jean Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Il se fait dans le cadre d’un dialogue permanent entre Bercy et nous.

Mme Sarah El Haïry, rapporteure spéciale. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour la qualité et la clarté de vos réponses.

Pour ce qui est du compte d’engagement citoyen, je ne dis pas que la ligne budgétaire n’existe pas, madame la ministre, mais simplement que ce dispositif n’est pas opérationnel, ce qui paraît regrettable dans cette société de l’engagement que le Président de la République appelle de ses vœux.

Mme Laura Flessel, ministre des sports. Le dispositif a pris du retard pour des motifs que nous a expliqué la DJEPVA, mais nous avons bien l’intention de continuer à travailler en ce sens afin de valoriser la formation.

M. le président Éric Woerth. Nous en passons à la mission Enseignement scolaire.

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale pour les crédits de la mission Enseignement scolaire. La mission Enseignement scolaire est le premier poste de dépenses de l’État, hors mission Remboursements et dégrèvements, avec 21,7 % des crédits de paiements du budget général en loi de finances initiale pour 2017.

Les dépenses de personnel ont représenté 92,7 % des dépenses totales de la mission en 2017, pour 1 006 039 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Le principal enjeu de gestion de la mission est donc le pilotage de la masse salariale et la gestion des ressources humaines des deux ministères concernés : le ministère de l’éducation nationale et celui de l’agriculture et de l’alimentation. L’année 2017 a marqué la fin du programme de création d’emplois du ministère de l’éducation nationale sur la période 2012-2017, dont l’objectif était de créer 54 000 emplois. Depuis 2012, le plafond d’emploi de la mission a traduit ces orientations et progressé de 53 270 équivalents temps plein travaillé ; et le nombre d’emplois effectivement consommés s’est établi à 46 967.

J’aimerais commencer par quelques remarques générales concernant l’exécution des crédits de la mission Enseignement scolaire en 2017.

La première concerne le problème récurrent dans cette mission : la sous-budgétisation des crédits. En 2017, 467,3 millions d’euros ont été ouverts par le décret d’avance n° 2017-1623 du 30 novembre 2017 au titre des dépenses de personnel, afin d’assurer le financement de la paie de décembre du personnel de l’éducation nationale.

Ces dépenses de personnel semblent en partie avoir été mal anticipées dès la loi de finance initiale. En effet, l’exécution des crédits de 2016 était déjà supérieure au niveau prévisionnel retenu et utilisé comme socle de préparation de la loi de finances de 2017. De plus, malgré les efforts consentis en loi de finances depuis 2016, le coût du glissement vieillissement technicité (GVT) reste sous-budgété dès la prévision. Enfin, le coût de la mesure de transformation des contrats aidés en emplois d’accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), annoncée le 19 mai 2016 lors de la conférence nationale du handicap, aurait dû être mieux anticipé.

Ma seconde remarque concerne le dispositif de performance de la mission, qui reste lacunaire. Sur les cinq indicateurs représentatifs de la mission inscrits dans le rapport annuel de performance 2017, deux ne sont pas renseignés, notamment celui concernant la maîtrise par les élèves du socle commun en fin de sixième, pourtant affiché comme une priorité. Deux autres indicateurs sont renseignés de façon incomplète. Un effort important doit donc être réalisé à ce niveau afin d’améliorer la programmation budgétaire et l’évaluation de cette politique publique.

Je vais développer maintenant mon propos en quatre temps, en insistant sur les thématiques qui ont attiré mon attention au cours des auditions que j’ai menées depuis le mois de mars avec les grands acteurs de l’enseignement scolaire en France. Premièrement, j’aborderai la question du dédoublement des classes en CP dans les zones REP+, instauré dès la rentrée 2017, et son articulation avec le dispositif « Plus de maîtres que de classes ». Dans un second temps, j’aimerais m’attarder un peu sur le dispositif « devoirs faits ». Je traiterai ensuite le thème de l’école inclusive. Enfin, j’aimerais appeler votre attention sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, celui des aides administratives aux directeurs d’école.

Le dédoublement des classes en CP dans les zones REP + est une mesure nécessaire et particulièrement importante, mise en place depuis la rentrée de septembre 2017, et je la soutiens particulièrement. Cependant, les acteurs du secteur m’ont fait part de plusieurs inquiétudes à ce sujet. Les plus fortes concernaient l’absence d’expérimentation préalable, et le risque pesant sur le dispositif « Plus de maîtres que de classes », sur lequel des effectifs sont pris pour fournir les effectifs nécessaires aux dédoublements de classes.

Depuis la rentrée des vacances de la Toussaint 2017, le dispositif « devoirs faits » a été mis en place. Il permet de proposer aux collégiens, sur la base du volontariat, un temps d’étude gratuite accompagnée pour réaliser leurs devoirs. Si cette initiative est particulièrement importante, elle repose sur le volontariat des élèves et d’une équipe enseignante qui accepte de la mettre en place. Cela crée donc des inégalités entre les territoires, et au sein même des établissements, puisque des cohortes d’élèves bénéficient davantage de cet accompagnement que d’autres.

La scolarisation des élèves en situation de handicap est une priorité affichée du Gouvernement pour rendre l’école réellement inclusive. En 2017, conformément aux engagements pris lors de la conférence nationale du handicap du 19 mai 2016, la transformation sur cinq ans des 56 000 contrats aidés occupés par des personnels chargés de l’aide humaine en 32 000 emplois d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) a débuté. En conséquence, 8 533 ETPT ont été créés.

La gestion des élèves en situation de handicap connaît cependant plusieurs limites. Premièrement, les élèves scolarisés dans les unités spécialisées dans l’inclusion scolaire (ULIS) ne sont toujours pas pris en compte dans les calculs d’effectifs pour établir la carte scolaire et les déclenchements d’ouverture de postes. Deuxièmement, les enseignants ne sont pas suffisamment formés à gérer les élèves en situation de handicap physique et/ou mental. Enfin, la concentration des moyens en personnel sur l’accompagnement des élèves en situation de handicap porte préjudice à l’ensemble des autres missions confiées par les services de l’éducation nationale aux bénéficiaires de contrats aidés.

J’en viens à mon dernier point, concernant la suppression des aides administratives aux directeurs d’école (AADE). Le Gouvernement a choisi de supprimer à la rentrée 2017 les contrats aidés exerçant des missions de support et d’assistance aux directeurs d’école. Dans le premier degré, les directeurs d’école exercent une activité d’enseignement en plus de leurs charges de direction excessives, pour lesquels ils sont peu déchargés. À ce titre, les aides administratives effectuaient un travail important et indispensable au bon fonctionnement de l’école. Sans ces personnels, de nombreuses missions sont aujourd’hui impossibles à réaliser, telles que les tâches de secrétariat, portier ou médiateur.

J’aimerais insister sur le fait qu’aucune évaluation du rapport entre le coût de ces contrats aidés dévolus aux aides administratives et leur efficacité n’a été réalisée avant leur suppression. J’ajouterai également que l’attention que vous portez au cas particulier des directeurs d’école qui ne bénéficient pas de décharges hebdomadaires par la circulaire n° 2017-0589 du 31 juillet 2017 ne permet pas de régler le problème dans son ensemble. En effet, si 65 % des directeurs d’école bénéficient de cette décharge selon les chiffres que vous avancez, et ne sont donc pas concernés par cette dérogation, cette décharge n’est en aucun cas suffisante pour permettre au directeur d’école de remplir l’ensemble des fonctions administratives indispensables au bon fonctionnement d’une école au quotidien. Dans un contexte de réduction des moyens généralisé, les collectivités territoriales ont aussi fait des économies sur leurs dépenses de personnel, aggravant ainsi les difficultés à effectuer des tâches ponctuelles telles que l’ouverture d’une porte lorsqu’un élève revient d’un rendez-vous médical en milieu d’après-midi.

Ces tâches sont particulièrement importantes dans les quartiers en politique de la ville, dans lesquels l’accompagnement des familles est primordial. Les outils informatiques et la simplification des procédures administratives, aussi importants soient-ils, ne permettront pas toujours aux directeurs d’école de répondre aux besoins des élèves et de leurs familles en grande difficulté. Les directeurs d’école en REP et REP + doivent bien souvent gérer des situations compliquées, qui s’étendent à un périmètre plus large que celui de l’école. Un retour des aides administratives a minima dans ces écoles est nécessaire aujourd’hui pour faciliter la tâche de ces personnels qui s’investissent dans une mission difficile mais indispensable au bon fonctionnement de l’école républicaine.

Plusieurs questions découlent de ces différents constats.

Les premières concernent l’exécution des dépenses en 2017. Comment comptez-vous remédier au problème de la sous-budgétisation des dépenses de personnel pour éviter de nouvelles ouvertures de crédits en fin d’année ? Quel est votre calendrier d’action et les moyens mis en œuvre pour remplir de façon complète les indicateurs indispensables à l’évaluation de la performance des politiques publiques mises en place dans cette mission ? Renseigner annuellement les indicateurs LOLF, en particulier ceux relatifs à l’objectif prioritaire d’atteinte par les élèves des connaissances et compétences du socle commun, me paraît en effet une priorité.

Concernant le dédoublement des classes en CP dans les zones REP+, quelles sont les actions mises en œuvre à cette date pour évaluer l’efficacité de ce dispositif sur l’apprentissage des élèves ? Une évaluation du dispositif « Plus de maîtres que de classes » est-elle envisagée pour permettre des comparaisons entre ces deux dispositifs ? Quel est l’avenir du dispositif « Plus de maîtres que de classes » ?

J’ai été alertée par plusieurs directeurs d’école sur le fait que des crédits attribués pour mettre en œuvre le dispositif « devoirs faits » allaient être rendus, du fait d’un manque de volontariat au sein des établissements. Ce dispositif étant encore très récent, je souhaitais savoir si une évaluation était prévue pour fin 2018. Avez-vous déjà une estimation du montant des crédits non consommés à ce titre ?

À propos de l’école inclusive, quelles actions comptez-vous mettre en œuvre pour améliorer la formation des enseignants dans la gestion des élèves en situation de handicap ? Est-il envisageable de prendre en compte les effectifs des élèves en ULIS dans les calculs d’effectifs pour établir la carte scolaire et les déclenchements d’ouvertures de postes ?

Enfin, au-delà de la problématique budgétaire, et dans un contexte de développement conséquent de moyens dans le premier degré, n’est-il pas temps d’engager une réflexion sur le métier de directeur d’école ? Certes, le numérique améliorera une partie des tâches administratives, mais la prise en charge des matériels informatiques n’est pas uniforme sur le territoire car les collectivités territoriales ne disposent pas toutes des mêmes ressources. La place de l’école a changé dans les familles et nous n’avons pas donné aux écoles les moyens de faire face.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Dans le cadre de la mission qui nous a été confiée sur le projet de loi de finance 2018, nous avons fait le choix, avec ma collègue Anne-Christine Lang, de consacrer un rapport à la scolarisation des migrants allophones. Nous y avions pointé une grande disparité des moyens alloués selon les territoires et les régions, disparités qui pouvaient se comprendre du fait de la différence des enfants à prendre en charge, et nous avions souhaité que des indicateurs soient mis en place et qu’une cartographie soit établie. J’aimerais donc savoir, monsieur le ministre, si ces outils ont été mis en place, et si nous disposons aujourd’hui de ces différents indicateurs pour juger de la politique portée par votre ministère.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Les titulaires de contrats aidés recrutés à l’éducation nationale depuis la rentrée 2017 sont recentrés sur l’accompagnement des élèves en situation de handicap en milieu scolaire ordinaire – à la différence des autres employeurs publics qui visent plus particulièrement, entre autres publics, la catégorie des personnes de plus de cinquante ans éloignées de l’emploi.

Cela étant, votre ministère est engagé dans un processus de titularisation et de transformation des contrats aidés pour les amener sur des emplois d’accompagnement d’élèves en situation de handicap. Je ne sais pas si c’est fait de façon très uniforme sur le territoire, car il me revient des informations de certains territoires qui sont moins bonnes. Pour ce qui me concerne, je constate que le dialogue avec les directions des services départementaux de l’éducation nationale (DASDEN) se fait de manière très constructive. Soucieux d’éviter tout risque d’incohérence du fait des différences de sensibilités des DASDEN selon les territoires, je voudrais savoir quel bilan peut être fait de ce plan de titularisations et de transformations.

Par ailleurs, la Cour des comptes a révélé que le bilan des créations d’emploi entre 2012 et 2017 avait été conforme à l’objectif de 54 000 postes, mais que seuls 46 292 postes ont été effectivement pourvus. J’aimerais avoir votre appréciation sur cet écart entre les ouvertures de postes et ceux effectivement pourvus. Est-ce l’illustration du déficit d’attractivité du métier d’enseignement ?

M. le président Éric Woerth. Je m’interroge aussi sur la sous-consommation des plafonds d’emplois.

J’ai une deuxième question : entre 2012 et 2017, la masse salariale a progressé deux fois plus vite que le nombre d’emplois : 10 % contre 5 %. Est-ce que le coût moyen de l’emploi est en cause, ou est-ce lié à un biais technique que je n’aurais pas compris ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Merci beaucoup pour vos questions, très nombreuses et très riches, et qui portent sur le passé, le présent et le futur…

Madame la rapporteure spéciale, vous avez d’abord abordé la question du dédoublement des classes de CP et le dispositif « Plus de maîtres que de classes ». Vous avez demandé s’il y avait eu des expérimentations préalables de ce dispositif, la réponse est oui, préalablement même à l’élection présidentielle. Précisément, si le candidat à la présidence de la République qui a été élu l’a prévu dans son programme, c’est bien parce que des études internationales et nationales montraient que centrer le dédoublement des classes sur le CP et le CE1 était apparemment le dispositif le plus efficace au monde.

Le taux d’encadrement n’est pas toujours le facteur le plus pertinent pour le progrès scolaire, mais il peut l’être dès lors qu’il est massif – c’est le cas avec le dédoublement – et qu’il est ciblé, en l’occurrence sur les territoires défavorisés et l’âge de 6 et 7 ans. Ces éléments sont très documentés, notamment par les travaux de Yann Algan sur cette question, et c’est ce qui nous a amenés à mener cette politique publique.

Symétriquement, sur le dispositif « Plus de maîtres que de classes », il y a aussi des évaluations des dispositifs comparables. Des études internationales, par exemple celles d’Esther Duflo sur les politiques prévoyant plus de maîtres que de classes, font apparaître que l’efficacité de ces politiques est beaucoup moins démontrée.

Ces deux observations auraient pu laisser imaginer que le nouveau gouvernement, en 2017, déciderait de supprimer le dispositif « Plus de maîtres que de classes » et de mettre en place le dispositif qui, au vu des études à notre disposition, avait le plus d’efficacité, en l’occurrence le dédoublement. Ce n’est pas ce que nous avons fait, parce que nous étions dans une démarche d’évaluation. Il est exact que nous avons réduit le dispositif « Plus de maîtres que de classes », mais en le recentrant, dans l’esprit de la circulaire qui l’avait institué en 2014, sur les CP et CE1. J’observe du reste sur le terrain que certains maîtres ou maîtresses qui étaient auparavant dans le dispositif « Plus de maîtres que de classes » et qui s’occupent désormais d’une classe de douze élèves sont très heureux, sur le plan personnel et professionnel, de se trouver dans cette nouvelle situation.

Le dispositif « Plus de maîtres que de classes » a donc été réduit de l’ordre de 30 % pour 2017, mais il n’a pas été supprimé. À nouveau, il y en aura moins à la rentrée prochaine, mais le dispositif n’est pas supprimé, et conformément à ce que vous souhaitez, une évaluation des deux dispositifs nous donnera de premiers éclairages à la fin de cette année scolaire, dans environ un mois. Nous aurons évidemment des éléments plus précis au fil des années, mais j’espère être en mesure dans quelques semaines de faire une première évaluation. Les premiers retours sont très encourageants, mais d’un point de vue scientifique, il va falloir attendre encore un peu pour en être bien certains.

Vous m’avez aussi interrogé sur « devoirs faits ». Comme pour tout dispositif nouveau, il nécessite un délai de mise en œuvre. Son point de départ était en novembre 2017, et ce dispositif a immédiatement été mis en place pour tous les collèges. Vous avez raison de rappeler qu’il est fondé sur le volontariat, ce qui créé forcément une forme d’hétérogénéité, surtout dans un premier temps. L’objectif était que les professeurs soient engagés dans ce volontariat, quitte à intégrer d’autres personnes, notamment de volontaires du service civique, mais avec les professeurs en chefs d’équipe.

Nous considérons que dans plus de 70 % des cas, le dispositif s’est déployé de manière satisfaisante, et que dans un peu moins de 30 %, il a été imparfait. Nous pensons que nous arriverons à une beaucoup plus grande homogénéité à la rentrée 2018. Par rapport à d’autres politiques publiques comparables, c’est déjà un taux assez correct. Le dispositif donne satisfaction sur le terrain : j’étais avec l’un d’entre vous en visite vendredi dernier au collège Marcel-Pagnol de Caen. C’est un collège typique d’une zone REP+, qui connaît une situation sociale très difficile mais obtient sur le plan pédagogique et éducatif des résultats tout à fait remarquables, notamment à la faveur du dispositif « devoirs faits », que j’ai pu étudier : non seulement les élèves font leurs devoirs dans l’établissement, mais la relation entre parents et professeurs se noue, et la relation professeurs-élèves se modifie. On y retrouve toutes les vertus attendues de ce dispositif.

Il est encore trop tôt pour établir la sous-consommation éventuelle de « devoirs faits ». Si l’on raisonne en année budgétaire, 220 millions d’euros sont mobilisés en 2018 pour « devoirs faits » et vu ce que je viens de dire sur le volontarisme que nous aurons au mois de septembre, je ne suis pas certain qu’il y aura sous-consommation des crédits. Ce dispositif a de réels effets transformants, sociétaux et sociaux, qu’il est important de souligner.

Sur les enjeux de l’école inclusive, vous avez rappelé les 8 533 emplois créés en septembre 2017. M. le président vient de rappeler que nous avions décidé de concentrer les contrats aidés sur l’accueil des élèves en situation de handicap. La philosophie générale est de diminuer progressivement le nombre de contrats aidés, qui ne sont satisfaisants pour personne : ni pour les intéressés, car ce sont des contrats mal payés et précaires, ni pour les élèves. C’est pour cette raison que nous avons créé 8 533 contrats d’AESH dès septembre dernier, et que nous en créerons de nouveaux à la rentrée prochaine, à peu près dans les mêmes proportions.

Cette nouvelle situation doit nous permettre de recruter de nouveaux AESH. Nous avons assoupli les conditions d’expérience exigées pour les recruter, qui sont passées de deux ans à neuf mois. Cela permettra de résoudre un certain nombre de problèmes techniques. Par ailleurs, vous y avez fait allusion, une réflexion plus globale doit être engagée sur l’accueil des élèves en situation de handicap. C’est un travail que nous menons en permanence avec Sophie Cluzel. Les grandes perspectives sont dressées ; nous pensons qu’avec environ 300 000 élèves en situation de handicap et 80 000 supports budgétaires pour les accueillir, les résultats ne sont pas à la hauteur de l’effort budgétaire consenti et de ce que l’on peut souhaiter pour les enfants et leurs familles.

Il faut donc aboutir à une réorganisation qui, vous l’avez dit, doit se traduire par une meilleure formation des personnels concernés, et une vision qui dépasse le temps scolaire. Ceci suppose une collaboration plus forte avec les départements, en particulier pour avoir une vision complète des temps scolaires et périscolaires. L’enfant doit être suivi dans le temps, tout au long de la journée, mais aussi tout au long de l’année, par une même personne. Il faut parvenir à une gestion plus près du terrain, plus près de l’établissement, comme d’autres pays réussissent à le faire. Les enjeux dans cette affaire sont plus qualitatifs : qualité du contrat donné, qualité de l’information donnée aux professeurs et aux personnels concernés, qualité dans l’organisation du système, depuis l’établissement et non pas depuis l’extérieur, ce qui devrait nous permettre tout à la fois de maîtriser une certaine inflation et de réduire l’insatisfaction.

La comparaison internationale nous est utile. Si l’on regarde le verre à moitié plein, on peut constater que des progrès importants ont été accomplis depuis quinze à vingt ans, ne serait-ce qu’en termes de nombres de personnes dédiées au sujet. Si l’on regarde le verre à moitié vide, force est de reconnaître que qualitativement, nous ne sommes pas au rendez-vous ; c’est un de nos objectifs, avec Sophie Cluzel, que d’y parvenir.

Votre quatrième question porte sur les décharges de directeurs d’école. Une mission de votre commission des affaires culturelles et de l’éducation vient d’être lancée sur le sujet, conduite par Cécile Rilhac. Nous en attendons beaucoup, car les problèmes que vous mentionnez sont bien réels. Ils nous renvoient très au-delà de la question des contrats aidés, vous le savez très bien et vous l’avez dit, et vont peut-être nous conduire à des expérimentations. Je pense à ce qui peut être fait dans l’esprit de l’école du socle, entre les collèges et les écoles, pour que les écoles aient une meilleure solidité administrative grâce à cette vision d’ensemble. Tous ces sujets devront être précisés grâce à cette mission ; c’est à l’évidence un des chantiers structurels du ministère de l’éducation nationale.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez mis l’accent sur la question des élèves allophones, évidemment très importantes. Un rapport des deux inspections générales vient de m’être rendu, et pour être tout à fait franc, je n’en ai pas totalement pris connaissance ; ce sera chose faite dans les prochains jours. Nous avons eu hier un comité d’intégration présidé par le Premier ministre ; il y a fait allusion lors des questions au Gouvernement. Une des contributions de l’éducation nationale en la matière sera le dédoublement du dispositif « Parents à l’école », qui a une petite dizaine d’années et dont le but est d’accueillir davantage de parents sur les enjeux de parentalité, de consolidation du français, de connaissance des valeurs de la République et des enjeux de la réussite des enfants dans la scolarisation. Nous serons en mesure de donner des chiffres plus précis dans les prochains jours.

Monsieur le rapporteur général, notre politique des contrats aidés s’est en effet concentrée sur le handicap ; elle tend à substituer progressivement des contrats plus robustes aux contrats aidés.

La question de la sous-consommation des plafonds d’emplois a été soulevée dès mon arrivée, notamment pour la préparation du budget 2018. Dans le cadre de la sincérisation du budget 2018 et dans un objectif de saine gestion, nous avons considéré que nous devions prendre ce phénomène en compte. C’est en nous attachant à ne pas le surévaluer que nous avons pu gagner des postes. La surévaluation a plusieurs effets pervers : l’insincérité, bien entendu, mais aussi une forme de fausse promesse, car cela revient à annoncer des créations de postes qui ne sont pas créés à la fin – et le résultat dont a fait état la rapporteure spéciale est le produit de cette équation : la réalité est assez différente de l’affichage. Troisième effet pervers, le niveau de recrutement trop bas aux concours. Lorsque tel ou tel CAPES met la barre à 4 sur 20, il est permis de penser que l’on en est train de recruter pour quarante ans des gens dont il n’est pas certain que le niveau soit conforme à nos souhaits… Nous en avons donc tenu compte dans notre plafond d’emplois 2018.

Par ailleurs, les questions que vous avez posées renvoient à l’attractivité du métier de professeur. C’est un sujet mondial, pas seulement français, et qui renvoie à une politique structurelle d’attractivité du métier, à la fois en matière de salaires des enseignants et de qualité de leur travail. Un agenda social a été ouvert depuis deux semaines, dont j’ai confié la responsabilité au directeur général des ressources humaines : c’est un travail sur la durée avec les organisations syndicales pour définir les nouvelles conditions de travail des professeurs et avoir une vision de la profession qui permette – à moyen terme car nous n’en avons pas les moyens budgétaires à court terme – d’en améliorer la rémunération comme l’exercice.

Cette attractivité reposera aussi sur un point sur lequel j’ai eu à m’exprimer hier et qui a peut-être été interprété de manière rapide : le prérecrutement, ce qui signifie, conformément à des éléments de la loi de 2013, que l’on peut chercher à avoir de futurs professeurs dès leur troisième année d’études, voire avant, ce sera certainement une des pistes que nous explorerons. Ça ne signifie pas que nous recruterons à bac + 3, mais que nous prérecruterons à ce niveau, ce qui n’est pas du tout la même chose.

M. le président Éric Woerth. Madame la rapporteure spéciale, voulez-vous réagir ?

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Je suis très honorée d’être rapporteure spéciale du premier budget de la nation, qui n’a jamais été aussi important…

M. le président Éric Woerth. Vous oubliez la mission Remboursements et dégrèvements(Sourires.)

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Les CP et les CE1 à douze dans les quartiers populaires, nous en avons rêvé depuis longtemps, c’est une belle action. Nous ne sommes qu’au début de cette expérimentation, et lorsque l’évaluation sera faite, elle sera sûrement très positive. Les premiers retours sur le terrain sont excellents, de la part des enseignants comme de la part des familles, particulièrement dans les quartiers populaires, où l’école de la République est parfois le dernier service public. C’est une belle opportunité d’ascenseur social.

Une dernière remarque : j’ai été recrutée comme enseignante à bac + 3, cela ne m’a pas perturbé dans ma carrière. Cela dit, la formation continue et l’échange entre pairs sont des éléments importants dans la carrière d’une enseignante et pour les expériences qu’elle rencontre au quotidien.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Moi j’ai été recruté simplement avec le bac, comme quoi c’est possible ! C’était l’ancien monde, mais ça a fonctionné…

Je salue le fait que l’engagement pris par le ministre de commander une étude sur la scolarisation des enfants allophones ait été tenu. Ce rapport qui vient de vous être rendu montre qu’il respecte ses engagements et je tiens à l’en remercier.

M. le président Éric Woerth. Monsieur le ministre, vous ne m’avez pas répondu sur la masse salariale qui augmente deux fois plus vite que le nombre de postes…

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Tout d’abord, je tiens à dire que je suis d’accord avec vos remarques, notamment les dernières. Je partage votre vision de la formation comme un continuum. Cela suppose des logiques d’alternance assez tôt dans le parcours, dès après le baccalauréat ou la licence, même si à la fin, l’étudiant atteint le niveau master.

L’évolution de la masse salariale est liée à la pyramide des âges de notre administration et aussi à certaines mesures prises, notamment depuis deux ans, et qui ont eu pour effet de revaloriser certains salaires.

M. le président Éric Woerth. Nous en arrivons aux orateurs des groupes.

Mme Céline Calvez. Je voudrais au nom du groupe La République en Marche saluer les travaux des rapporteurs, et la réponse du ministre, qui me permet de passer le début de mon intervention qui portait sur l’attractivité du métier d’enseignant, les plafonds d’emplois et l’évolution de la masse salariale, puisque le ministre a déjà répondu.

J’en viens directement à mon deuxième point qui fait écho aux recommandations de la Cour des comptes en faveur de l’introduction d’indicateurs de coût par élève aux différents niveaux de formation, dans les programmes et dès la présentation stratégique de la mission. En croisant cette recommandation avec la recommandation n° 6, encourageant à renseigner les indicateurs, particulièrement ceux relatifs à la priorité donnée à l’acquisition, par les élèves, des connaissances et compétences du socle commun, on peut évaluer de manière plus pertinente l’utilisation des crédits de cette mission Enseignement scolaire.

Ainsi, les indicateurs de coût par élève devraient être plus facilement disponibles, et être mis en balance avec les progrès accomplis par les élèves. Au lieu de se contenter simplement d’une lecture budgétaire, l’idée est de favoriser une évaluation de la pertinence des politiques publiques ; c’est ce qui sous-tend ces commissions d’évaluation des politiques publiques.

Pour aller plus loin, quelle pourrait être la place réservée à l’évaluation de leurs progrès et à l’atteinte d’objectifs par les élèves eux-mêmes ? Et comment cela pourrait se traduire au sein des travaux tels que les nôtres ?

M. Pierre Cordier. Je souhaite interroger le ministre sur le programme 163 Jeunesse et vie associative. La gestion 2017 a été marquée par la poursuite de la montée en charge du service civique, qui peut être effectué dans neuf grands domaines, sachant que 87 % des volontaires sont accueillis au sein d’associations.

En 2015 et 2016, la Cour des comptes avait qualifié de « chaotique » la gestion budgétaire du service civique, justifiée par le caractère imprévu de cette montée en puissance. En 2017 on constate que les crédits votés en loi de finances initiale ont été une fois de plus délibérément sous-estimés par rapport aux besoins pour remplir les objectifs : 390 millions d’euros, tandis que l’atteinte de l’objectif théorique final nécessiterait 530 millions d’euros. Les ressources complémentaires ont été inscrites au fur et à mesure : 62,6 millions d’euros supplémentaires ouverts en complément du dégel de la réserve pour 30,3 millions d’euros.

En 2017 alors que la subvention initiale s’élevait donc à 390 millions d’euros, l’Agence du service civique, estimait que l’atteinte des objectifs nécessiterait 136 millions d’euros de plus. Comme les autres années, les crédits complémentaires ont été alloués en cours d’exercice, dont le montant définitif s’est établi à 93 millions d’euros.

En effet, le nombre de jeunes en service civique en 2017 a atteint 126 000, contre 150 000 théoriquement prévus. Ces crédits supplémentaires se révèlent systématiquement trop importants en fin d’année, ce qui nécessite des annulations en fin d’exercice.

Cette gestion soulève finalement la question de la sincérité du budget. La Cour des comptes estime que pour satisfaire l’exigence d’une cible de 150 000 jeunes, le montant de la subvention pour charges de service public à inscrire chaque année au budget de l’État devrait être d’un peu plus de 530 millions d’euros. Si le projet de loi de finances pour 2018 confirme cet objectif de 150 000 services civiques, il n’y associe que 447 millions d’euros de crédits.

Monsieur le ministre, j’aimerais vous entendre sur la sincérité de la prévision budgétaire et du financement des services civiques, et sur l’objectif de garantir un meilleur pilotage de la consommation des crédits en cours d’exercice.

Mme Sarah El Haïry. J’ai le plaisir de poser la deuxième question de mon groupe, monsieur le ministre, elle portera sur le passé, le présent et le futur, selon la formule désormais consacrée.

Le passé : considérant que les budgets du CEC n’ont pas été utilisés, imaginez-vous les maintenir et les basculer sur les années futures, sachant que la plateforme opérationnelle n’est pas encore fonctionnelle ?

Le présent : à quel point peut-on améliorer l’évaluation de l’application de la clause d’impact jeunesse ? La mise en œuvre de cette clause fait l’objet d’un rapport remis au Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ) – j’y vois un très bel outil pour mener une politique ambitieuse et plus globale.

Pour le futur, dans le cadre d’une société de l’engagement, et d’une société dans laquelle le mécénat joue pleinement son rôle, comment envisagez-vous les articulations entre les différents programmes qui permettent de mener une politique de la jeunesse très forte ? Cette question dépasse le cadre de l’exercice budgétaire. Il faudrait valoriser le service civique, les scouts, le volontariat, l’éducation populaire. Il y a là énormément de richesses, de trésors ; comment pourrions-nous les mettre en lumière ? Car ils servent cette société de l’engagement, qui permet d’avoir une République plus forte, inclusive pour tout le monde.

Pardonnez cette intervention en dehors de l’exercice d’évaluation budgétaire, que j’assume pleinement ! (Sourires.)

Mme Béatrice Descamps. Ma question porte sur la transformation de contrats aidés en accompagnement des élèves en situation de handicap (AESH). Le rapporteur général a abordé le sujet, monsieur le ministre, et vous y avez déjà répondu de façon très exhaustive.

Pouvez-vous nous donner quelques informations chiffrées sur le recrutement direct d’AESH ? La progression du nombre d’AESH vous semble-t-elle atteindre les objectifs de lutte contre les inégalités scolaires et la qualité d’accompagnement fixés pour la fin 2017 ?

Si je vous ai bien compris, les deux ans de pratique actuellement exigés pour devenir AESH seraient ramenés à neuf mois. J’avoue que cela m’inquiète un peu. La reconnaissance de la fonction d’AESH sera-t-elle automatique ? Qui jugera éventuellement de l’opportunité de l’attribuer à telle ou telle personne ?

M. Régis Juanico. Madame la ministre des sports, vous avez annoncé la création d’une nouvelle agence du sport qui aura vocation à se substituer au CNDS et dont une des missions sera la pratique sportive. J’aimerais vous interroger sur l’avenir du financement du CNDS par taxes affectées puisqu’il tire ses ressources financières essentiellement de la fiscalité des jeux et de la taxe Buffet.

Que dit la note d’exécution budgétaire pour 2017 ? Que le CNDS n’avait jamais eu autant de ressources financières. Celles-ci s’élevaient à 270 millions d’euros puisque le projet de loi de finances de 2017 les avait déplafonnées pour 33 millions d’euros, ce qui permettait de ne reverser au budget général de l’État « que » 88 millions d’euros, contre 115 millions d’euros l’année précédente. Pendant cinq ans, entre 2012 et 2017, ce sont 450 millions d’euros qui sont allés au budget général de l’État et non au financement du sport. Et le projet de loi de finances pour 2018 est arrivé. Patatras : les taxes ont été plafonnées, ce qui a abouti à une baisse de 85 millions d’euros sur le prélèvement principal de la Française des Jeux, de 25 millions d’euros sur le prélèvement exceptionnel qui a complètement disparu alors qu’il était destiné à financer le plan Héritage Paris 2024, de 10 millions d’euros sur le prélèvement sur les paris sportifs, et de 16 millions d’euros sur la taxe Buffet qui est pourtant le socle de la solidarité entre le sport amateur et le sport professionnel… Soit au total 136 millions d’euros en moins pour le sport. Même avec une débudgétisation de 70 millions d’euros au ministère, il en est résulté 64 millions d’euros d’économies nettes pour le CNDS, ce qui s’est traduit par un mécontentement des clubs, comme on l’a vu sur le terrain, puisque la part territoriale a baissé entre 25 et 30 % sur nos territoires, et même de 50 % en Seine-Saint-Denis, ce qui est relativement choquant.

Madame la ministre, ma question est simple : comptez-vous déplafonner les taxes affectées au CNDS ou à une autre instance pour retrouver un niveau correct de financement du sport pour tous ? Que ferez-vous du reste à charge du CNDS qui est de 226 millions d’euros à la fin de 2018 ? La nouvelle structure de gouvernance du sport reprendra-t-elle ces restes à payer ?

Mme Sabine Rubin. Je ne reviendrai pas sur la question du coût par élève qui a déjà été évoquée, même s’il serait intéressant de préciser le coût réel en fonction de la composition socio-économique des établissements, notamment le coût des élèves en REP ou REP + par exemple ; je n’insisterai pas non plus sur celle de la transparence des données et sur le fait que certains indicateurs ne sont pas renseignés. Je souhaite appeler votre attention sur la maîtrise par les élèves du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Sa publication dans le projet annuel de performance permet de développer l’information de la représentation nationale et du citoyen sur la performance de la mission. Cependant, plusieurs constats méritent d’être soulignés.

La maîtrise du socle commun doit être évaluée à la fin du CE2, de la sixième et de la troisième. Or seul l’indicateur relatif à l’atteinte du socle commun à la fin de la classe de sixième est retenu. Pourquoi les deux autres ne le sont-ils pas ? Que comptez-vous faire pour renseigner ces indicateurs également pertinents ?

Le rapport sur l’évaluation de l’État en Seine-Saint-Denis relève que les statistiques sont peu fiables en matière d’éducation. Comment définir correctement une politique publique quand les statistiques ne sont pas si claires ?

M. François Cormier-Bouligeon. Madame la ministre des sports, je vous remercie d’avoir répondu avec beaucoup de précision aux questions posées sur l’exécution des crédits passés. Ma question fera le lien entre cette politique passée celle à venir.

Vous défendez une ambition forte que nous partageons : améliorer le sport de haut niveau tout en développant le sport pour tous. Trois millions de Français en plus en activité physique et sportive : voilà en effet un bel objectif. Pour y parvenir, il faudra lever des freins et proposer des actions innovantes. C’est l’objet d’une mission qui m’a été confiée par le Premier ministre et sur laquelle nous reviendrons à la mi-octobre.

Sans attendre, vous avez de votre côté lancé de nombreuses réflexions et concertations et annoncé une piste qui ne sera pas sans doute neutre quant à l’utilisation des finances publiques : je veux parler de l’Agence du sport qui serait chargée à la fois de la gestion du sport de haut niveau et du développement du sport de masse. Pour ma part, ma religion n’est pas faite en la matière et je sais que les acteurs du sport, notamment dans les territoires, attendent des précisions. En termes de gouvernance partagée, nous voyons dans quelle direction vous souhaitez aller. Plusieurs de mes collègues ont évoqué les réorientations budgétaires effectuées dès 2018, notamment sur le CNDS. Vous proposez donc de franchir une nouvelle étape avec l’Agence. Pouvez-vous nous en dire plus quant aux améliorations attendues sur la politique menée au bénéfice du sport pour tous, à travers cette future agence ?

M. Frédéric Reiss. Ma question concerne le programme 140 et la mesure phare de la dernière rentrée scolaire : la priorité accordée à l’apprentissage de la lecture en REP + pour les classes de CP, qui concerne 2 500 classes cette année et qui en concernera à terme 11 000.

La maîtrise des savoirs fondamentaux à l’école primaire est évidemment essentielle sur l’ensemble du territoire français. Monsieur le ministre, vous nous dites que les départements ruraux ne sont pas oubliés, mais lorsque vous évoquez les moyens alloués qui sont attribués, vous faites une confusion majeure : ainsi, dans le département du Bas-Rhin vous déshabillez Paul qui habite la campagne pour habiller Pierre qui habite la ville. Pour obtenir 100 % de réussite au CP, il faut que les enfants des petites communes rurales bénéficient de toutes leurs chances de réussite, or incontestablement les mesures de dédoublement pour l’apprentissage de la lecture sont profitables à l’éducation prioritaire. Quelles conséquences tirez-vous de ces premières évaluations ? Envisagez-vous la généralisation de ces mesures sur l’ensemble du territoire dans le cadre d’une plus grande autonomie laissée aux académies et aux établissements ?

Ce qui nous rassemble, c’est l’efficacité de l’action publique et la réussite de chaque élève. Avec le très haut débit qui arrive sur tous les territoires, il est nécessaire d’y maintenir un bon maillage du système éducatif car efficacité rime avec proximité.

M. le président Éric Woerth. C’est vrai…

M. Bertrand Sorre. Madame la ministre des sports, ma question concerne également les crédits du CNDS. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, nous avons voté le transfert d’une partie des crédits précédemment alloués à l’accompagnement de l’investissement vers le ministère des sports.

La notion d’appel à projet, un temps évoquée, a-t-elle été instaurée ? Plusieurs appels à projet ont-ils à ce jour été recensés ? Quel est le montant de la consommation des crédits alloués au développement des infrastructures sur le territoire français ?

Mme Emmanuelle Anthoine. Ma question a trait à l’effet du dédoublement des classes de CP en réseau d’éducation prioritaire sur les personnels enseignants.

Comme l’a rappelé M. Reiss, 2 500 classes de CP ont été dédoublées en REP et 3 500 supplémentaires le seront à la rentrée 2018, sans compter les classes de CE1 en REP+. Vous avez fait le choix de pourvoir les postes créés par ces dédoublements par le biais de redéploiements d’effectifs. Du coup, si la mesure est à saluer, la réalité de sa mise en pratique nous inquiète.

Elle nous inquiète parce que ces redéploiements se font au détriment des autres classes et s’avèrent profondément inégalitaires : afin de pouvoir augmenter en REP, peut-être exagérément, le taux d’encadrement baisse partout ailleurs. Pourtant, vous n’ignorez pas que 73 % des 3,2 millions d’élèves issus des milieux défavorisés étudient hors des réseaux d’éducation prioritaire, selon l’Observatoire des inégalités. La lutte contre les inégalités ne saurait revenir à se limiter aux REP.

Ce processus s’accompagne également de fermetures de classes et d’une hausse des effectifs en milieu rural et à l’école maternelle. Ainsi, ce sont les milieux ruraux qui sont pénalisés par l’évolution de la répartition des enseignants. Alors que le Président de la République avait promis au mois de juillet qu’aucune classe ne fermerait en milieu rural, dix‑sept ont été fermées dans le Lot, dix-neuf en Vendée, cinq dans le Maine-et-Loire, vingt dans l’Indre, treize dans le Cher, neuf dans le Cantal. Et la liste est encore longue. Le syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et professeurs d’enseignement général de collège affilié à la fédération syndicale unitaire (SNUIPP-FSU) a recensé 816 fermetures, contre 183 ouvertures.

Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que la politique éducative doit être franchement rééquilibrée en faveur de ces espaces ruraux qui souffrent et qui, pour le moment, servent de variable d’ajustement au profit du reste du pays ?

M. Aurélien Pradié. À la lecture du rapport de la Cour des comptes, les parlementaires peuvent parfaitement concevoir et comprendre que l’exécution budgétaire soit tendue. Après tout, ce n’est peut-être pas un défaut puisqu’il n’y a ni excès dans les prévisions, ni retrait. Je m’inquiète davantage de l’insincérité budgétaire dénoncée par la Cour de comptes. Il n’est pas acceptable, ni pour vous, ministres de la République, ni pour nous élus de la nation, d’entendre encore de telles observations.

Ma question porte sur les AESH et les assistants d’éducation. Monsieur le ministre, vous avez annoncé, à plusieurs reprises, vouloir ancrer ces missions dans la pérennité. Les contrats aidés ne sont pas synonymes de sous-rémunération : ils sont souvent aussi mal payés que les contractuels, pas plus, pas moins. En revanche, ils ne sont pas pérennes et sont très instables. Aujourd’hui, l’essentiel de ces contrats ne sont pas inclus dans les plafonds d’emplois. Quel est votre objectif ? Les inclure ? Créer un plafond d’emplois spécial ? En tout cas, si vous voulez passer des paroles aux actes, il faudra que cela se traduise par leur intégration dans les plafonds d’emplois.

Mme Barbara Bessot Ballot. Cet après-midi, lors de la réunion du groupe d’études sur le sport, j’ai mis en exergue la pratique du sport en milieu rural grâce à nos tout petits clubs qui sont parfois l’antichambre d’une pratique plus professionnelle. Ces petits clubs, essentiels dans nos territoires, fonctionnent grâce à des bénévoles à tous les niveaux, qu’ils encadrent les enfants ou soient président de club. Madame la ministre, qu’est-il prévu pour eux ? On leur promet depuis de nombreuses années qu’ils vont bénéficier d’une gratification dans le calcul de leur retraite ou autre. C’est ce qui a été fait pour nos sapeurs-pompiers, présents jusque dans les endroits les plus reculés, qui sont passés du rang de bénévoles à celui de volontaires et sont désormais indemnisés : cela a permis de remplir à nouveau nos casernes et de leur demander de suivre des formations assez poussées afin d’atteindre un niveau réellement professionnel, pour le plus grand bien de nos concitoyens comme de nos territoires.

M. Fabien Di Filippo. Madame la ministre des sports, je vous avais annoncé dès l’automne, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, de grandes difficultés en raison de la division par deux du budget du CNDS. Cette baisse de plus de 100 millions d’euros du financement du sport pour tous s’ajoutait à la suppression de la réserve parlementaire et à bien d’autres choses encore. Aujourd’hui, les fédérations et des ligues régionales s’inquiètent pour de nombreuses disciplines, puisqu’on annonce une baisse des enveloppes du CNDS de 30 %, 40 %, voire 50 %. Les critères ont été resserrés, les dossiers complexifiés pour faire une sélection par le vide. Nos clubs se découragent. Vous parlez d’un objectif de 80 médailles aux Jeux olympiques et des moyens qu’il faut concentrer sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville ; moi, je pense à nos territoires et à ce qu’il faudra faire à un moment donné pour redresser la barre en faveur du sport pour tous dans ce qu’il a de plus beau : les valeurs, l’éducation, le vivre ensemble, le dépassement de soi, ce qui marque la vie d’un homme et une éducation, par opposition aux Jeux olympiques qui donnent certes de belles images pendant quinze jours, mais qui ensuite nous laissent parfois avec la gueule de bois…

Monsieur le ministre, vous avez parlé d’une répartition plus juste du fonds de développement de la vie associative avec la suppression de la réserve parlementaire. Pour le moment, la répartition se fait à égalité puisqu’il n’y a rien pour personne… Quand le décret d’application sera-t-il publié ? Et sans doute coûtera-t-il plus cher à mettre en place qu’il n’y aura de fonds distribués, compte tenu du nombre de réunions d’information, de référents des commissions d’attribution et des communications sur ce dossier qu’il faudra prévoir.

Mme Cendra Motin. Le sport santé et le modèle associatif ne vont-ils pas devoir changer de modèle économique ? On voit que les budgets baissent, que l’État ne peut pas forcément tout. Je connais des acteurs de la prévoyance et de la prévention santé qui s’impliquent réellement, dans des actions de mécénat, aux côtés des associations sportives en faveur du sport santé, notamment dans mon territoire rural, pour continuer à promouvoir des valeurs qui les mettent eux aussi en valeur. Quelles actions envisagez-vous pour favoriser ce mécénat sportif ?

Mme Laura Flessel, ministre des sports. Je reviens sur la gestion des subventions accordées aux ZRR et aux petites communes.

L’objectif du CNDS a été de remettre 50 % du budget et de le consacrer aux territoires carencés et aux zones rurales dans une acceptation large. Nous avons fléché 100 % des crédits d’équipement sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les ZRR. Par exemple, en 2017, en accompagnement du plan Héritage Paris 2024 – car je ne dissocie pas la haute performance de la pratique pour tous, bien au contraire – 85 % de l’enveloppe des petits équipements de proximité ont été ciblées sur les communes inférieures à 20 000 habitants et la moitié des 500 équipements financés par l’État via le CNDS ont été concentrés sur les communes de 2 000 habitants, principalement celles des ZRR. Je mettrai la cartographie à votre disposition.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Merci !

Mme Laura Flessel, ministre des sports. Pour ce qui est du reste à payer, nous avons réengagé des discussions, dans le cadre du PLF pour 2019, afin d’être sûrs de ne porter atteinte ni aux emplois aidés, ni aux engagements en matière d’équipements.

Un appel à projets a été effectivement lancé au mois d’avril dernier sur des équipements structurants nationaux à hauteur de 15 millions d’euros et un appel à manifestation d’intérêt a été lancé pour les équipements sportifs de nouvelle génération en plus des 32 millions d’euros au titre des équipements venant du CNDS, dont le fonctionnement sera revu dans un esprit de gouvernance partagée, comme je l’ai expliqué tout à l’heure.

J’en viens aux questions posées par M. Juanico et M. Cordier. Constatant que la gouvernance du sport s’essoufflait, tant en ce qui concerne la pratique sportive pour tous que la haute performance, j’ai engagé une concertation d’une durée de six mois qui s’achèvera au mois de juillet. Il s’agissait de travailler tous ensemble sur toutes les thématiques relatives à la transformation de la gouvernance. L’idée c’est d’aboutir, d’ici au mois de juillet, à une gouvernance partagée avec une responsabilité répartie en complémentarité des acteurs. La nouvelle agence sera structurée autour deux piliers, dont un pilier consacré à la haute performance sportive. À cet égard, j’ai missionné Claude Onesta dont la mission sera effectivement d’aller chercher la haute performance sportive. C’est nous qui organisons les Jeux : il nous faut donc des leaders si nous voulons atteindre ce palmarès sportif de 80 médailles. Ce changement, ou plutôt cette révolution, permettra de travailler avec toutes les collectivités territoriales, d’utiliser le périmètre de chacun en respectant la définition des compétences, avec une gouvernance partagée à égalité : 30 %-30 %-30 %, plus 10 % pour les acteurs économiques. L’idée est de structurer une réflexion ensemble de coconstruction pour ne plus devoir lutter pour réaménager des zones blanches – les zones blanches existent aussi dans le sport. De son côté, l’État devra faire son mea culpa : nous avons établi une cartographie et les préconisations sortiront en juillet.

Les travaux de modélisation de l’agence viseront à garantir la cohérence, la vision nationale, la mutualisation de l’expertise et la coordination des acteurs. L’objectif est de travailler à une réponse sur le territoire, sans oublier les outre-mer. En un an, j’ai fait plus de 222 déplacements sur le terrain, ce qui m’a permis de voir, d’entendre et de définir une réorientation. Le ministère des sports, via la direction des sports et le CNDS, a affecté 5,6 millions d’euros en direction des clubs afin de les aider à se pérenniser.

Nous avons décidé de privilégier les « transformations diplômantes ». S’agissant du service civique, nous avons un objectif clair : passer de 30 000 volontaires aujourd’hui à 80 000 en 2024. Nous avons sécurisé nos emplois qualifiés et sportifs et nous voulons valoriser le bac pro du sport et les CFA du sport autour de l’animation afin de pourvoir aux 250 000 emplois directs et indirects nécessaires pour l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques ; mais nous voulons aussi utiliser et valoriser les bénévoles et les volontaires. Avec Muriel Pénicaud, nous travaillons en ce sens pour sécuriser le parcours de nos bénévoles.

M. Pierre Cordier. Tout à l’heure, je vous ai posé une question sur la prévision budgétaire des crédits alloués au service civique et sur l’exécution des crédits.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Nous restons dans le cadre de l’enveloppe de 150 000 services civiques : cela n’entraîne aucun coût supplémentaire, c’est seulement que la proportion dédiée au sport est plus importante.

Mme Laura Flessel, ministre des sports. Dans notre budget, nous avons décidé de maintenir cette trajectoire. Comme cela fonctionne très bien avec les fédérations, nous allons continuer dans ce sens.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Je profite de l’occasion qui m’est donnée ici pour dire que la coopération avec ma collègue est très étroite et que la question du sport scolaire doit évidemment progresser dans la perspective des Jeux olympiques de 2024. Même si les JO sont un événement ponctuel, les effets structurels en amont et en aval sont bien évidemment recherchés : j’ai donc répondu présent à chaque fois que la ministre a cherché à créer ces effets structurels en amont du système, en l’occurrence dans le système éducatif. Nous venons par exemple de signer ensemble une convention avec la Fédération française de football, qui est le parfait reflet de cette dynamique.

Mme Calvez m’a interrogé sur les indicateurs de coût par élève. Effectivement, une partie seulement des indicateurs est remplie, ce qui m’inspire plusieurs réflexions et un engagement. D’abord, je ressens clairement le besoin de parvenir à une nouvelle étape de l’application de la LOLF, dont un certain nombre de dispositions sont devenues un peu formelles pour ce qui touche à manière dont les documents sont remplis. Nous devons nous attacher à une forme d’authenticité des indicateurs : il est donc souhaitable, comme l’a demandé Mme Rubin, que la maîtrise du socle en fin de CE2, en sixième et en troisième fasse l’objet d’évaluations correctes. Celles que nous sommes en train de lancer au début du CP, du CE1 et de la sixième nous permettront déjà de progresser dans ce sens et de mieux renseigner la représentation nationale sur le niveau réel des élèves : rappelons qu’elles sont beaucoup plus « objectivantes » que ne le sont les indicateurs LOLF qui agrègent des évaluations réalisées à l’échelle de chaque établissement et selon des modalités assez variables d’un établissement à l’autre et d’un élève à l’autre.

En termes d’authenticité et de fiabilité, nous effectuons un travail avec le Conseil scientifique de l’éducation nationale pour élaborer de nouvelles évaluations, et je suis tout à fait favorable à la mise au point d’évaluations supplémentaires qui viendraient coïncider avec celles que le législateur avait prévues pour évaluer l’acquisition du socle commun. Il peut se poser parfois des enjeux d’acceptabilité : ces propositions viennent des différents partis du spectre politique, et à chaque fois que l’on propose une évaluation supplémentaire, il m’arrive d’entendre des protestations… Je serais ravi si le sujet faisait consensus. Quoi qu’il en soit, nous sommes clairement engagés dans cette recherche de qualité et d’authenticité des évaluations, ce qui garantira, entre autres vertus, un retour d’information beaucoup plus fiable pour la représentation nationale ; les deux ou trois prochaines années devraient être l’occasion de progresser dans ce domaine.

La question du coût par élève peut s’inscrire dans ce cadre : si nous avons une idée tout à fait précise du coût par élève à l’échelle nationale, c’est beaucoup moins le cas à un niveau plus local. Cela pourrait peut-être, du reste, donner lieu à des surprises : le coût par élève n’est pas toujours celui que l’on croit – nous y reviendrons. Sans oublier que, lorsqu’on parle de coût par élève, il faut distinguer les coûts d’investissement, les coûts liés aux ressources humaines, etc., ce qui peut donner lieu à des écarts significatifs. Nous pourrions, c’est vrai, devenir plus précis sur ces questions, mais nous avons tout de même de premiers éléments.

Monsieur Cordier, vous avez rappelé que la Cour des comptes avait indiqué qu’avec un objectif de 150 000 jeunes en service civique, ce sont 530 millions d’euros qui seraient nécessaires. Vous avez dit que 390 millions d’euros avaient été budgétisés en 2017, ce qui nous avait obligés à faire ce décret d’avance au mois de juillet, et indiqué que nous avions inscrit 447 millions d’euros en 2018. Votre interrogation est normale ; j’ai commencé à y répondre tout à l’heure en disant qu’il était difficile d’être certain qu’il y aurait 150 000 jeunes en service civique en fin d’année. Mais il est exact que, dans la mesure où 150 000 est le plafond que nous nous fixons sur un plan pluriannuel, autrement dit pour après 2018, le budget sera déjà plus sincère en 2018, et que la « sincérité stabilisée », si je puis dire, sera encore plus forte en 2019. Mais à l’heure où je vous parle, l’objectif de rester dans l’enveloppe de 447 millions d’euros est possible et sera lié au moment du recrutement des services civiques et à son ampleur. En tout cas, nous restons volontaristes sur ces recrutements, car ils sous-tendent de nombreux objectifs.

Madame El Haïry, je suis d’accord avec vous quand vous êtes d’accord avec le COJ sur la question de la clause d’impact… (Sourires.)

Mme Sarah El Haïry. Vous pouvez aussi être d’accord avec moi !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. La mise en œuvre de la clause d’impact jeunesse mériterait une réflexion peut-être plus approfondie, même si l’idée est intéressante ; nous pourrions y travailler avec vous. Quant au CEC, il n’a pas vraiment été mis en œuvre, mais pourrait l’être au cours des prochaines années.

Madame Descamps, vous me demandez quelle est la logique du recrutement des AESH. Les conditions d’ancienneté sont passées de deux ans à neuf mois, ce qui nous permet de faciliter le recrutement tout faisant en sorte que les personnes concernées aient un minimum d’expérience. Et les contrats de trois ans, renouvelables une fois, offrent plus de stabilité que les contrats aidés.

Mme Anthoine et M. Reiss m’ont interrogé sur la ruralité. Je vais essayer de leur faire une réponse constructive, car je crois qu’il y a un vrai problème et un faux problème. Et nous gagnerions tous à regarder le vrai problème et à ne pas nous laisser distraire par le faux problème.

Le vrai problème, c’est la baisse démographique en milieu rural, et plus généralement la baisse démographique en France depuis quatre ans environ. Nous pouvons le constater au travers des chiffres de l’éducation nationale : entre 30 000 et 40 000 élèves en moins chaque année pour une cohorte de 750 000 à 800 000 enfants habituellement attendus en France. C’est donc un sujet structurel sur lequel il faut être attentif, d’autant qu’une bonne partie de cette baisse de 30 000 à 40 000 élèves est le fait du milieu rural. Cela suppose une stratégie de rebond pour la ruralité qui devrait faire l’objet d’un consensus national et d’une stratégie nationale. Pour ce qui concerne l’éducation nationale, je suis tout à fait disposé et même déterminé à jouer sur la vitalité de l’école rurale afin de recréer des éléments d’attractivité en milieu rural.

La mise en œuvre, dans chacun des soixante-six départements ruraux, d’un contrat de ruralité permettra d’avoir une vision pluriannuelle des sujets dans une approche quantitative, et plus encore qualitative, et de restaurer cette attractivité dont nous avons besoin. Lorsque le président de la République s’est rendu dans une école de l’Orne pour le journal télévisé de treize heures, il a bien rappelé l’importance de l’école rurale dans ce département éminemment rural, mais il a voulu montrer une école qui fonctionnait bien, une école qui attire, qui incite les familles à ne pas partir et même d’autres à venir s’installer, parce que toute une dynamique a été créée. C’est à ce type de stratégie que vous appelez et c’est ce que je souhaite aussi ; j’aimerais donc qu’une certaine unité se manifeste autour de cet enjeu de long terme pour lequel on ne peut être que mobilisé.

La manière dont nous concevons notre budget peut permettre de soutenir cette politique ; nous avons là-dessus un désaccord, mais évacuons le faux problème : il n’est pas question de déshabiller le Pierre rural pour le Paul urbain. Sur les 3 800 créations de postes prévues pour la rentrée prochaine, environ 3 000 à 3 200 – en fonction des ultimes ajustements – sont consacrées aux dédoublements de classe de CP et de CE1 – ce sont donc bien des postes supplémentaires qui sont créés pour cette politique publique que nous assumons pleinement ; ce qui laisse environ 600 à 800 postes pour d’autres politiques, et notamment la politique de soutien à la ruralité. C’est ce qui nous a permis de supprimer beaucoup moins de postes que ce qui aurait été le cas en temps ordinaire en suivant l’évolution de la démographie. Autrement dit, monsieur Reiss, pour votre département, comme pour n’importe quel département rural de France, le taux d’encadrement sera amélioré à la prochaine rentrée : il pourra n’y avoir qu’une légère baisse du nombre de postes liée à la diminution du nombre d’élèves, ou aucune de suppression de postes ; il pourra même parfois y avoir des créations de postes. Et ce n’est pas M. Di Filippo qui me contredira puisque vingt postes ont été créés en Moselle alors que son département a connu une baisse de 1 000 élèves.

M. Pierre Cordier. Il y a seize postes en moins dans ma circonscription !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Vous serez d’accord avec moi pour dire que c’est le phénomène de chute démographique qui doit être examiné de près, puisque c’est lui qui est à l’origine de ces fermetures.

Il faut également distinguer entre fermeture de classes et fermeture d’écoles. La fermeture d’une école peut être, j’en suis tout aussi conscient que vous, un véritable drame dans un village et conduire au cercle vicieux de la dévitalisation. Une fermeture de classes, même si elle doit être examinée avec beaucoup d’attention, est la conséquence d’une baisse du nombre d’élèves ; mais le raisonnement ne doit pas être purement arithmétique. C’est pourquoi j’ai demandé aux inspecteurs de l’éducation nationale d’être très attentifs en milieu rural et de faire preuve de la plus grande indulgence sur cette question. Reste que la décision est le résultat d’un raisonnement transparent, que tout le monde peut regarder. C’est aussi pour cette raison que les inspecteurs font des révisions jusqu’à la dernière minute…

M. Pierre Cordier. Parfois jusqu’au jour de la rentrée…

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Il arrive que des mauvaises nouvelles de fermeture de classes soient annoncées et qu’il n’en soit finalement rien. Mais vous m’accorderez que telles décisions sont normales en termes de gestion des finances publiques de l’État, dont vous nous demandez de rendre compte aujourd’hui.

Il n’y a donc pas lieu de nous diviser sur un tel sujet : je suis d’accord avec vous sur la priorité à accorder à la ruralité et notre budget de 2018 démontre que nous nous en donnons les moyens. Il n’en demeure pas moins que nous devons regarder en face un problème structurel afin de définir des stratégies adaptées. Nous ne nous rendrions pas service en ne pointant pas le vrai problème et en le déviant vers ce que j’ai appelé le faux problème, sous peine d’aggraver la désespérance alors que nous devrions donner le signal d’un volontarisme partagé par toutes les sensibilités politiques – et j’ai noté qu’on y appelait de la gauche à la droite.

J’ajoute enfin que ce sujet me tient à cœur ; nous avons tenu à le prouver ces derniers temps par des déplacements en milieu rural et en nous montrant attentifs à chaque cas particulier.

Monsieur Pradié, vous vous êtes dit inquiet de l’insincérité du budget constatée par la Cour des comptes jusqu’en 2016. Dès le mois de juillet 2017, le Gouvernement s’est attelé à ce problème en corrigeant ce qu’il était possible de corriger – j’en ai donné l’illustration sur le service civique, et on pourrait faire la même chose sur d’autres points – et a tout fait pour que la sincérité soit au rendez-vous en 2018. Nous pourrons reprendre cette discussion lorsque nous dresserons le bilan de 2018 ; je fais le pari qu’elle sera beaucoup plus forte en 2018 qu’en 2017, même si cela nous oblige à des sacrifices, à un certain courage dans des décisions de gestions pas toujours simples. Mais ce faisant, nous répondrons à la demande de la Cour des comptes et à la vôtre, et elles sont plus que légitimes.

Les contrats aidés doivent-ils être inclus dans les plafonds d’emplois ? Tout dépend comment on interprète cette question. Si cela signifie que les contrats aidés en tant que tels doivent entrer dans les plafonds d’emplois, la réponse est évidemment non. Si cela signifie que les conversions de contrats aidés en contrats d’AESH doivent entrer dans les plafonds d’emplois, la réponse peut être positive pour certaines catégories d’AESH. C’est ce qui a commencé à se passer, notamment pour ceux qui se retrouvent en CDI parce qu’ils sont employés depuis plus de six ans. C’est un objectif sur la durée que l’on peut se fixer ; mais, comme je l’ai dit tout à l’heure à Mme Descamps, il est étroitement dépendant d’une réforme structurelle de l’accueil des élèves en situation de handicap, dans laquelle les emplois seraient gérés et conçus à partir de l’établissement et les accompagnants interviendraient hors de l’établissement, autrement dit tout au long de la journée de l’élève. Autant d’évolutions structurelles très importantes, qui ne sont pas pour tout de suite, mais qui méritent qu’on en débatte sans attendre.

M. le président Éric Woerth. Madame la ministre, monsieur le ministre, nous vous remercions pour vos réponses à ces nombreuses questions.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 18 heures

 

Présents. - Mme Sarah El Haïry, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, Mme Marie-Ange Magne, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Julien Aubert, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva

Assistaient également à la réunion. - Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Pascal Bois, Mme Marie-George Buffet, Mme Céline Calvez, M. Pierre Cordier, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Béatrice Descamps, M. Fabien Di Filippo, M. Régis Juanico, M. Gaël Le Bohec, Mme Sophie Mette, M. Aurélien Pradié, M. Frédéric Reiss, Mme Sabine Rubin, M. Bertrand Sorre

 

 

 

 

 

 

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