Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Commissions d’évaluation des politiques publiques :

Mission Écologie, développement et mobilité durables (Énergie) ; Comptes spéciaux Transition énergétique ; Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale : audition de M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire              2

–  Présences en réunion...........................29

 

 

 


Jeudi
7 juin 2018

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 111

session ordinaire de 2017-2018

 

 

Présidence

 

 

 

de M. Éric Woerth,

Président


  1 

La commission entend, dans le cadre de l’évaluation des politiques publiques, M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire sur la Mission Écologie, développement et mobilité durables (Énergie) ; Comptes spéciaux Transition énergétique ; Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale.

 

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, nous recevons, cet après-midi, M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, pour examiner la mission Écologie, développement et mobilité durables ainsi que les comptes spéciaux Transition énergétique et Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale.

Puisque nous nous réunissons dans le cadre d’une commission d’évaluation des politiques publiques, il est inutile d’évoquer trop longuement les crédits à venir, que nous examinerons cet automne : il s’agit de se pencher sur le passé, d’évaluer, de diagnostiquer, d’analyser, en s’appuyant sur des données objectives, et d’interroger le Gouvernement sur ces données et sur l’efficience des politiques qu’il mène.

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les programmes Paysages, eau et biodiversité, Expertise, information géographique et météorologie, Prévention des risques et Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’exercice d’évaluation auquel nous nous livrons porte sur l’exécution d’un budget voté sous la précédente législature. La majorité d’alors n’affichait pas de grandes ambitions s’agissant des crédits de l’écologie, mais elle se sentait quand même plus ou moins engagée par les lois qu’elle avait adoptées : la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Elle se sentait également engagée par les accords de Paris, que le président Macron est allé défendre avec l’insuccès que l’on sait auprès de Donald Trump. Certes, la priorité était donnée, comme aujourd’hui, à la compression des dépenses et à la réduction des effectifs, certes, on s’accommodait de reculs, mais, au moins en théorie, on continuait de se réclamer d’une certaine ambition.

Puis arriva l’élection présidentielle et ce budget, déjà écrêté lors de la discussion du projet de loi de finances à l’automne 2016, devint une sorte de cible pour le Gouvernement. Dès les décrets d’avance et d’annulation du 17 juillet, on lui inflige une amputation d’une ampleur considérable. De coup de rabot en coup de rabot, on aboutit à une sous-exécution globale de la mission à hauteur de 414 millions d’euros en crédits de paiement (CP), soit une baisse de 3,4 % par rapport aux 12,3 milliards votés par le Parlement, et de 1,34 milliard en autorisations d’engagement (AE), soit 10,3 % des crédits ouverts en loi de finances initiale.

L’exécution des plafonds d’emplois, qui réunissent désormais – allez savoir pourquoi – les emplois du ministère de la transition écologique et solidaire et ceux du ministère de la cohésion des territoires est inférieure d’environ 1 000 équivalents temps plein travaillé (ETPT) à la prévision initiale de 42 058 ETPT, soit une chute de 2,3 % que rien ne justifie.

Dans le même temps, le Gouvernement s’engage dans une politique de régression écologique revendiquée : maintien des exonérations de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) en faveur du transport routier, qui sera lourd de conséquences pour le climat et pour la santé des personnes ; tentative de destruction du service public du rail et étranglement du fret ferroviaire ; retards et reculs sur les projets de parcs éoliens en mer – pas une seule éolienne en mer n’a encore vu le jour, mais ce gouvernement n’en est pas, loin de là, le seul responsable ; politique de l’autruche dans le domaine du nucléaire, avec, je le rappelle, 5 milliards d’euros pris sur le budget de l’État en 2017 pour recapitaliser Areva en urgence et 3 milliards pour EDF ; recul sur les pesticides – à quoi sert-il de créer une agence française pour la biodiversité si c’est pour continuer à répandre des tonnes de glyphosate ? ; attaque en règle contre la loi « littoral », et j’en passe.

Je consacrerai la première partie de mon propos aux coupes successives pratiquées dans les programmes dont j’assure plus particulièrement le suivi.

L’exécutif – et pas seulement ce gouvernement – a pour habitude de faire voter à la toute fin de la discussion budgétaire des amendements en seconde délibération qui faussent souvent les décisions prises par la représentation nationale. Au nom du respect de la sacro-sainte « norme de dépenses en valeur », on reprend d’une main ce que l’on avait lâché de l’autre. C’est ainsi que l’amendement n° II-122 a minoré de 52,8 millions d’euros les crédits de la mission au seul motif que des crédits ont été majorés ailleurs. À ce petit jeu, l’écologie est systématiquement perdante – on se demande bien pourquoi !

Seule consolation : le programme 113 Paysages, eaux et biodiversité bénéficie d’une majoration de 1,12 million d’euros, en provenance de feue la réserve parlementaire. En revanche, entre le projet de loi de finances (PLF) et la loi de finances initiale (LFI), le Gouvernement aura escamoté 5,65 millions sur le programme 159 Expertise, information géographique et météorologie, 2,07 millions sur le programme 181 Prévention des risques et 3,05 millions sur le programme Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables.

Puis vint la saison des gels et des surgels : 557 millions en AE et 562 millions en CP pour la réserve de précaution ; surgel de la totalité des reports de crédits budgétaires de 2016
– 34 millions en AE et 35 millions en CP –, lesquels feront l’objet d’une annulation intégrale par la suite ; nouveau surgel de 174 millions en avril, où l’on s’est ainsi découvert de plus d’un fil… Mais c’est après l’élection présidentielle que l’on se met à vraiment tailler dans le vif : je veux parler des deux décrets du 20 juillet 2017. Le décret d’avance annule en effet 195 millions de CP sur le programme 203 Infrastructures et services de transports ; le décret d’annulation concomitant ponctionne pour sa part l’ensemble de la mission à hauteur de 392 millions en AE et de 202 millions en CP : pour tous les programmes, à l’exception du 205 Sécurité et affaires maritimes, le montant des annulations est supérieur à celui de la réserve de précaution initiale. Enfin, le décret d’avance du 30 novembre annule 46 millions en AE et 42 millions en CP.

Auront donc été annulés en gestion un total de 434 millions d’euros en crédits de paiement hors titre II, soit 4,57 % des crédits ouverts en LFI. À l’exception du programme 345 Service public de l’énergie, tous les programmes de la mission ont connu des coupes supérieures à la mise en réserve initiale.

J’en viens aux programmes relevant plus particulièrement de mon champ de compétence en tant que rapporteur spécial.

S’agissant du programme 113 Paysages, eau et biodiversité, l’exécution nette en crédits de paiement s’élève à 266 millions, soit un taux d’exécution de 91 %. Cette sous‑exécution est à mettre en regard d’indicateurs de performance qui vont du médiocre au désastreux. À titre d’exemple, le pourcentage des masses d’eau en bon état écologique n’est que de 44,2 % en 2017 alors que l’objectif fixé à l’horizon 2015 par les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) était de deux tiers de masses d’eau en bon état. En matière de police de l’eau, le rapport annuel de performances relève que, faute d’effectifs supplémentaires pour mettre en œuvre certaines dispositions comme l’autorisation unique, « ces chantiers ont été conduits au détriment d’autres activités, dont celle du contrôle ».

Je reviendrai sur le programme 159 Expertise, information géographique et météorologie quand j’évoquerai les opérateurs. Je vous poserai cependant une question, monsieur le secrétaire d’État : ce programme a changé de périmètre entre 2015 et 2016, puis entre 2016 et 2017 ; il en change encore entre 2017 et 2018. Quand cessera ce jeu de bonneteau ?

Concernant le programme 181 Prévention des risques, la sous-consommation concerne notamment les crédits consacrés aux plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Le rapport précise que « l’écart important par rapport aux crédits inscrits en LFI s’explique par les retards pris pour la mise en œuvre des mesures foncières des PPRT ». Quels moyens entendez-vous engager pour rattraper ces retards qui, faut-il le rappeler, ont des conséquences sur la sécurité des populations ? Peut-être avez-vous, du reste, pris connaissance de l’explosion qui est survenue ce matin dans une usine classée Seveso de l’Yonne et qui a fait deux blessés graves.

Tout aussi grave est la sous-consommation des crédits ouverts pour l’Autorité de sûreté nucléaire : 54,7 millions d’euros en exécution contre 58,2 millions en LFI pour les AE et 54,5 millions contre 63,2 millions en CP, soit un écart de près de 14 %. En outre, 16 ETPT n’ont toujours pas été pourvus, soit l’effectif réclamé par l’ASN pour se doter des moyens anti-fraude qui lui sont nécessaires. Quelles sont vos explications, sachant que l’Agence doit faire face aux problèmes cruciaux posés par l’EPR tout en amorçant les visites décennales des vieilles centrales que vous avez décidé de conserver ?

J’ai déjà dit tout le mal que je pensais du regroupement des dépenses de personnel de votre ministère et du ministère de la cohésion des territoires dans le programme support 217. J’y vois une dégradation inacceptable de l’information budgétaire. Comment voulez-vous que l’on puisse débattre des crédits de la mission Cohésion des territoires, c’est-à-dire des crédits du logement, de la ville et de l’aménagement du territoire, si la masse salariale correspondant à cette politique est imputée sur une autre mission ? Quant à la sous-exécution de 1 000 ETPT, je sais déjà que vous la revendiquerez au nom de la maîtrise des déficits.

Le traitement réservé aux opérateurs de l’écologie mérite une mention spéciale. Sans doute est-ce leur statut d’établissement public qui rebute le Gouvernement. Dans le contexte actuel, pourquoi se priver ?

Tous les responsables me l’ont indiqué : les coupes budgétaires successives pèsent de façon dramatique sur leurs budgets d’investissement. Or l’investissement, c’est une question de survie pour des établissements de ce niveau. Par ailleurs, le Gouvernement leur impose des réductions d’effectifs de l’ordre de 20 % en cinq ans, ce qui aura évidemment pour effet une destruction massive des compétences.

À l’appui de cette démonstration, je n’apporterai que quelques chiffres emblématiques de l’exécution 2017 : les interventions des agences de l’eau n’ont atteint que 1,7 milliard d’euros contre 1,9 milliard en prévision ; les effectifs sous plafond sont en baisse de 36 ETPT.

L’Agence française pour la biodiversité, créée officiellement le 1er janvier 2017, devait être préservée ; il n’en est rien. Sa subvention pour charges de service public, votée à 34,5 millions d’euros, a été réduite en exécution à 27,3 millions. Le Gouvernement avait promis qu’il n’y aurait pas de réductions par rapport aux effectifs des établissements d’origine ; promesse non tenue, et de beaucoup : la réalisation, à 1 127 ETPT sous plafond, est inférieure de 100 ETPT à la prévision.

Météo France a également subi de plein fouet les coupes budgétaires : moins 8,35 millions d’euros, soit une baisse de 4,3 % par rapport à la LFI. Le schéma d’emplois, qui se conforme aux exigences gouvernementales, va au-delà de la prévision avec près de 100 destructions sur un effectif d’environ 3 000 personnes.

La subvention de l’IGN a été réduite en exécution de 92,65 millions d’euros à 88,83 millions d’euros. À ce train-là, Google ou quelques start-up vite rachetées l’emporteront…

Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), créé en 2014, a connu en 2017 une crise qui a abouti à la démission de son président puis, en fin d’année, de son directeur général. Tout était réuni pour déclencher cette crise, en particulier la sous-exécution budgétaire de 2,5 % et des réductions d’effectifs drastiques programmées et assumées par le Gouvernement.

Enfin, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) a connu des coupes du même ordre en juillet 2017 : moins 2,5 % des crédits votés. Les effectifs sous plafond subissent, par rapport à 2016, une baisse considérable de 3,3 % pour un total qui s’établit désormais à 523 ETPT.

Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais qu’au-delà de vos protestations de bonne gestion, vous me disiez comment ces établissements peuvent envisager leur avenir et comment l’État sera capable, avec une politique à ce point malthusienne, de protéger les citoyens et leur environnement. Vous aurez perçu une certaine colère dans mon propos ; je l’assume. Elle est à la hauteur de l’enjeu climatique et environnemental, premier intérêt général de l’humanité. Plus que jamais, la Terre menace de brûler. Cette cause ne supporte aucune contrainte budgétaire !

M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le secrétaire d’État, la question des moyens des opérateurs de l’écologie, qui vient d’être abordée par le rapporteur spécial en des termes forts, est légitime et centrale. La mission Écologie, développement et mobilité durables rassemble en effet trente-six opérateurs et a connu une évolution notable en 2017, avec la création de l’Agence française pour la biodiversité.

Pour évaluer correctement, nous avons besoin de lisibilité et de prévisibilité sur les moyens humains et financiers qui leur sont dévolus. Or, dans son rapport sur le budget de l’État 2017, la Cour des comptes souligne que la mission Écologie, développement et mobilité durables supporte la plus importante sous-consommation de crédits, à hauteur de 222 millions d’euros, par rapport à la LFI. Il est indispensable d’avoir une budgétisation à la fois sincère et ambitieuse. Par ailleurs, toujours selon la Cour, en matière de réduction d’effectifs, les agences de l’eau, le CEREMA et Météo France sont allés au-delà de l’objectif fixé en LFI. Elle relève pourtant dans sa note d’exécution budgétaire, et cela peut paraître paradoxal, que « la contribution des opérateurs de la mission Écologie à la maîtrise de la dépense publique n’est pas encore suffisante ».

Il me semblerait de bonne pratique de disposer, pour chaque opérateur, d’une trajectoire financière cohérente avec la loi de programmation des finances publiques, qui devrait se traduire dans les contrats d’objectifs et de performance conclus entre le ministère et chaque opérateur, de façon à ce que les choses soient claires, ou négociées. Enfin, les prélèvements sur fonds de roulement ne semblent pas compatibles avec l’autonomie et la liberté de gestion de ces opérateurs, qui doivent planifier leurs dépenses.

À cet égard, il me semble que le dialogue doit reprendre avec les agences de l’eau, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les coupes effectuées dans leurs budgets ne sont pas très homogènes, c’est le moins que l’on puisse dire. On a ainsi le sentiment, vu de l’extérieur, que ce sont celles qui travaillaient le plus qui en ont été les principales victimes. Surtout, le prélèvement sur fonds de roulement et, même si ce gouvernement n’en est pas responsable, le système du « plafond mordant », établi pour six ans sans aucune clause de revoyure, ont eu souvent pour conséquence de malmener la solidarité territoriale au sein des agences. Je suis prêt à travailler avec vous sur ce sujet, afin que nous parvenions à un meilleur équilibre et à un dispositif plus clair, au besoin en imposant aux agences une plus grande solidarité.

Au moins souhaiterais-je que vous puissiez garantir aux opérateurs des programmes de la mission Écologie une certaine visibilité s’agissant de leurs moyens humains et financiers. Quels sont les indicateurs ou outils de performance qui vous permettent de définir le besoin de financement des différents opérateurs selon une logique qui doit absolument être pluriannuelle ?

M. le président Éric Woerth. Monsieur Coquerel, pour que les choses soient bien claires, lorsque vous évoquez une sous-exécution de 400 millions, vous prenez en compte l’ensemble de la mission, y compris les transports, n’est-ce pas ?

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. En effet.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État chargé de la transition écologique et solidaire. Je vous remercie de m’accueillir dans le cadre de ce premier Printemps de l’évaluation et vous prie d’excuser l’absence de mon ministre de tutelle.

Je me propose de répondre tout d’abord aux questions portant sur les opérateurs du ministère, puisque ceux-ci ont été évoqués à la fois par M. le rapporteur général et M. le rapporteur spécial, avant d’en venir aux autres points que M. Coquerel a abordés avec la subtilité et la nuance que je lui connais…

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. J’ai dit la vérité.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État chargé de la transition écologique et solidaire. Votre vérité, monsieur le rapporteur spécial – une vérité tout aussi spéciale !

Il est vrai, monsieur le rapporteur général, que, depuis quinze à vingt ans, le ministère du développement durable a été particulièrement concerné par ce que l’on appelle l’« agenciarisation », c’est-à-dire le développement d’établissements publics et d’agences. Cette évolution est le fruit de la volonté politique des majorités successives et s’explique en partie par la nécessité de s’adapter aux besoins liés à la décentralisation – je pense en particulier aux agences de l’eau. Vous n’avez pas cité l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), qui est l’une des plus importantes du ministère. D’autres opérateurs ont également été créés par le législateur : l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et l’Agence française de la biodiversité.

Je vais être direct, puisqu’il s’agit d’une séance d’évaluation : les ponctions sur les fonds de trésorerie de ces agences ne sont pas une bonne pratique budgétaire, mais inversement, la thésaurisation de l’argent des contribuables ne l’est pas davantage. C’est un point sur lequel nous devons pouvoir nous accorder, quelles que soient nos opinions politiques. Tous les maires ou présidents de département ici présents ont sans doute déjà eu à faire comprendre à des présidents d’association que l’utilisation des subventions pour constituer un bas de laine ne relevait pas d’une bonne gestion ; cela vaut aussi pour les agences.

Il s’agit donc, pour nous, de développer, avec ces différents opérateurs, une contractualisation intelligente, pluriannuelle, dans le cadre de conventions d’objectifs, de performance et – lâchons le mot, même s’il ne plaît guère à Bercy – de moyens, en fonctionnement comme en investissement : nous reparlerons de Météo France et de ses investissements dans le supercalculateur, par exemple. Il nous faut donc imaginer de nouvelles formes de conventionnement, que nous souhaitons expérimenter précisément avec Météo France, car elle a consenti de nombreux efforts au cours des dernières années et son métier se transforme profondément. Nous devons pouvoir avancer assez rapidement sur le sujet pour vous faire des propositions dans le cadre du projet de loi de finances. Ces conventions entre les établissements publics et le ministère n’ont pas vocation, du reste, à rester secrètes : je suis tout à fait disposé à mettre ces documents à la disposition de la commission des finances.

Un mot sur les agences de l’eau, dont le modèle est particulièrement complexe, puisqu’il est à la fois vertical et horizontal, et pour cause : les agences participent à la solidarité entre les différents territoires. Trois questions sont actuellement traitées dans le cadre des Assises de l’eau, auxquelles participent plusieurs parlementaires, et je les en remercie.

La première est celle du « plafond mordant » – je n’y reviens pas. Il s’agit, là aussi, de faire en sorte que l’argent de l’eau ne dorme pas dans les caisses des agences mais soit réellement investi dans des projets locaux concrets.

La deuxième est celle de l’amélioration de la hiérarchisation des missions des agences. Depuis dix à quinze ans, on leur demande de faire de plus en plus de choses. Il y a eu des modes, dans ce domaine : assainissement, eaux grises, eaux noires, eaux claires, rendement en eau potable, biodiversité, restauration des milieux… Il est donc urgent d’établir une hiérarchie car beaucoup d’élus des comités de bassin comprennent qu’on leur demande de faire des économies et des efforts, mais ils estiment, à raison, qu’on ne peut pas tout leur demander.

Enfin, la troisième question est celle de la solidarité. Force est de constater que le monde rural aura besoin d’un investissement massif dans les mois et les années à venir. Cela doit faire l’objet d’un dialogue avec les élus des grandes métropoles, des villes les plus denses, car l’eau paie l’eau : c’est une solidarité nationale horizontale qui doit s’appliquer. S’il faut expliquer aux métropoles que, demain, les taux d’intervention des agences de l’eau pourraient encore diminuer au bénéfice de territoires montagnards ou ruraux, je souhaiterais que nous l’assumions tous ensemble, à l’Assemblée nationale et au Sénat ; car, cette péréquation, il faudra bien la mettre en œuvre. Ce sera en tout cas le but des Assises de l’eau.

Monsieur Coquerel, comme à votre habitude, vous avez mis tous les ingrédients dans la même marmite et vous avez touillé.

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. Quel mépris !

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État chargé de la transition écologique et solidaire. Non, monsieur le député. Vous savez très bien que ce n’est pas le cas.

Je suis désolé, mais il s’agit ici d’évaluer l’exécution du budget de 2017 et vous évoquez l’insuccès du Président de la République qui n’est pas parvenu à convaincre le Président Trump de rester dans l’accord de Paris sur le climat.

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. C’est une vérité !

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État chargé de la transition écologique et solidaire. Non. Je vais donc commencer par là, puisque vous avez décidé de tout mélanger. Je ne crois pas que le One planet summit, le Pacte mondial pour l’environnement du mois de décembre dernier ou la COP23 soient des échecs.

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. M. Trump n’a pas signé l’accord sur le climat : littéralement, j’ai raison !

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État chargé de la transition écologique et solidaire. Mais tenons-nous en aux questions budgétaires. Oui, nous assumons le fait d’avoir « sincérisé » le budget. Oui, les députés de la majorité sont plutôt contents que la France sorte de la procédure pour déficit excessif. Oui, nous avons fait des efforts d’économie sur le budget de ce ministère : 434 millions d’euros en crédits de paiement ont en effet été annulés en 2017, sans que cela abîme pour autant le service public et les missions effectuées.

Au demeurant, je m’étonne, monsieur Coquerel, que vous évoquiez des sujets sensibles tels que la prévention des risques technologiques ou la sûreté nucléaire pour étayer votre propos. Parlons de la prévention des risques technologiques, puisque vous m’y invitez. Les crédits alloués à ce budget s’élevaient à 23,5 millions en crédits de paiement en 2017, à 21,4 millions en 2016, à 17,4 millions en 2015, et à 14,6 millions en 2014… On n’a jamais autant consacré d’argent à la prévention des risques technologiques qu’en 2017 ! Je ne veux pas qu’on fasse à peur à nos concitoyens en agitant des sujets aussi sensibles, qui exigent que nous soyons calmes et précautionneux.

Quant à l’Autorité de sûreté nucléaire, elle a vu ses effectifs augmenter de 50 ETPT en cinq ans. Vous pouvez estimer que c’est insuffisant ; nous pouvons en discuter. Mais ne dites pas que les gouvernements successifs ont délaissé la sûreté nucléaire ; ce ne serait pas exact. J’ajoute, sans vouloir faire d’annonce concernant le prochain projet de loi de finances, que, suite aux travaux du Parlement sur ce sujet, nous serons une fois de plus au rendez-vous, tant en ce qui concerne l’Autorité de sûreté nucléaire qu’en ce qui concerne l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Sur ces différents sujets, je vous invite donc à la plus grande prudence. On ne peut pas dire que l’eau est polluée parce que nous avons supprimé des ETP, ni que les risques technologiques sont plus importants qu’auparavant, sachant que nous consacrons aux plans de prévention des risques technologiques (PPRT) près de 10 millions supplémentaires. Hélas ! monsieur Coquerel, vos exemples n’étaient pas les bons.

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. Tout d’abord, j’observe, monsieur Lecornu – nous avons eu ce débat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018 – que, comme beaucoup de membres du Gouvernement, vous utilisez des mots qui masquent la réalité. Vous préférez ainsi parler de contractualisation plutôt que de coup de rabot, soit. Mais les effectifs de Météo France diminuent bel et bien de 100 équivalents temps plein par an, et vous ne pouvez pas dire que cette réduction a été décidée en bonne intelligence avec Météo France, que ce soit les syndicats ou la direction. Vous avez évoqué le supercalculateur : pour l’instant, aucune mesure d’investissement n’a été prise qui serait de nature à les rassurer. Si la contractualisation n’est qu’une manière d’organiser des coups de rabot budgétaires, le terme est certes plus moderne mais le problème n’en est pas moins réel.

Par ailleurs, les fonds de réserve ou de roulement ne sont pas une forme de thésaurisation ; cela a été très bien expliqué lors du débat sur les agences de l’eau : cela sert aussi à anticiper des investissements. À vous écouter, on a le sentiment qu’il s’agit de bas de laine. Ce n’est pas la réalité, en tout cas dans la majeure partie des cas ; je ne peux donc admettre cet argument. En revanche, je vous suis lorsque vous parlez de solidarité et d’égalité territoriale à propos de la gestion de l’eau. Mais allons jusqu’au bout et travaillons à un service public de l’eau car, si nos concitoyens ne sont pas égaux en la matière, c’est parce qu’on a donné un bien universel à des multinationales qui en retirent indûment des résultats rentables.

S’agissant des chiffres, je dirais à vous entendre n’importe quoi. À propos de la prévention des risques technologiques et des pollutions, vous avez mentionné les prévisions, mais ce sont les réalisations qui importent. Or, je lis : autorisations d’engagement : 103 438 322 euros, réalisation : 29 781 529 euros ; crédits de paiement : 88 208 322 euros ; réalisation : 20 818 150 euros seulement.

M. le président Éric Woerth. Pour être précis, monsieur Coquerel, de quels crédits s’agit-il ?

M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. Je parle des crédits de l’action 01 « Prévention des risques technologiques et des pollutions », puisqu’on m’a repris à propos de cet exemple.

Pour ce qui est de l’ASN, je n’ai pas dit qu’il n’y avait pas eu de créations de postes ; j’ai dit que les responsables de l’agence estimaient qu’il manquait seize équivalents temps plein pour qu’elle puisse remplir ses missions, dont l’importance est indéniable.

Vous avez de l’esprit, monsieur le secrétaire d’État, j’en conviens, mais vos bons mots ne suffisent pas à cacher la réalité. Nous avons un désaccord politique : vous vous félicitez que la France sorte de la procédure pour déficit excessif. Pour ma part, je l’assume : la question des déficits ne devrait pas être notre boussole, en particulier dans le domaine du climat et de l’environnement. La rentabilité ou la contrainte budgétaire sont des préoccupations très « court-termistes » au regard d’une évolution qui pourrait être, à moyen et long terme, suicidaire pour l’espèce humaine. Une telle discussion doit être prise au sérieux et non balayée d’un revers de main au motif que mes propos manqueraient de nuance. Il est vrai que je ne suis pas nuancé sur ces questions, mais le jeu en vaut la chandelle !

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État chargé de la transition écologique et solidaire. Monsieur le rapporteur spécial, je suis désolé mais les chiffres sont têtus. Nous savons que les plans de prévention des risques technologiques sont des outils opérationnels qui permettent de répondre aux accidents tels que celui que vous avez évoqué tout à l’heure. Je ne parle donc pas en autorisations d’engagement mais bel et bien en crédits de paiement. C’est bien, du reste, l’intérêt de ce Printemps de l’évaluation. Par définition, le principe de la sincérité budgétaire implique que nous raisonnions en crédits de paiement. Encore une fois, j’aime à comparer ce qui n’est pas comparable, mais je pourrais évoquer la différence entre le budget prévisionnel et le compte administratif d’une collectivité territoriale. En ce qui concerne la prévention des risques technologiques, donc, en crédits de paiement, nous ne sommes pas moins-disants. Je dois du reste reconnaître que ce fut également le cas sous les deux quinquennats précédents, ceux de M. Sarkozy et de M. Hollande.

Par ailleurs, s’agissant du supercalculateur, l’appel d’offres vient seulement d’être lancé ! Une fois de plus, les faits sont têtus.

Quant au climat et à l’environnement, nous y consacrons des moyens inédits, tant dans le volet de la transition – chèque énergie, crédit d’impôt de transition énergétique transformé en prime… – que dans les fonds opérationnels d’investissement : nous évoquerons probablement la trajectoire du fonds chaleur.

Que vous soyez passionné et engagé, je le respecte et je comprends votre militantisme, au sens noble du terme, sur ces questions. Nous pouvons avoir un débat sur le rythme, mais n’oublions pas la sincérité budgétaire et la réalité de l’argent dont nous disposons pour agir ; car il n’est de bonne transition que celle qui s’accompagne de moyens réels.

M. Julien Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les programmes Énergie, climat et après-mines et Service public de l’énergie et les comptes d’affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale et Transition énergétique. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de commencer par une petite devinette : qu’est-ce qui pèse deux fois plus que le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), qui concourt massivement à la politique d’économie d’énergie et que le Parlement ne voit jamais ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État chargé de la transition écologique et solidaire. Les certificats d’économie d’énergie !

M. Julien Aubert, rapporteur spécial. En effet, monsieur le secrétaire d’État, ce sont les certificats d’économie d’énergie (C2E). C’est ce dispositif que j’ai choisi d’examiner dans le cadre de cette évaluation.

Pour ceux qui n’en connaissent pas exactement le fonctionnement, je rappelle que les C2E ont été créés par la loi du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique afin d’inciter les acteurs privés à réaliser des économies d’énergie. Nous avons ainsi choisi d’instaurer un mécanisme de marché, un peu comparable à celui des quotas d’émission de gaz à effet de serre, qui porte sur l’obligation de réaliser des économies d’énergie, cette obligation ayant été progressivement étendue à tous les fournisseurs.

Le mécanisme est le suivant : un volume d’économie d’énergie, mesuré en TWh sur une période donnée, est fixé par l’administration et s’impose aux obligés, les fournisseurs d’énergie. Ce dispositif est progressivement monté en puissance, les objectifs étant de plus en plus élevés : 54 TWh pour la première période, 2006-2009, 850 TWh pour la troisième période et 1 600 TWh pour la quatrième période, 2018-2020, qui vient de commencer. Les obligés sont libres dans le choix des opérations qu’ils souhaitent financer, mais ils sont tenus de respecter l’objectif fixé. Cette économie est matérialisée par l’attribution d’un certificat d’économie d’énergie. Les opérations sont standardisées par l’administration, qui élabore un catalogue de fiches qui expliquent ce qu’on peut réaliser. Le champ est vaste : résidentiel, industrie, transports, agriculture, tertiaire. À la fin de la période, les obligés doivent prouver qu’ils ont le nombre de C2E correspondant à leur montant d’obligations. Si tel n’est pas le cas, soit ils paient une pénalité, soit ils peuvent recourir à un marché de gré à gré, où ceux qui ont trop de C2E les vendent à ceux qui n’en ont pas assez. Un registre national est établi par une société privée, Powernext, qui gère également une bourse d’échange. Le prix du C2E est déterminé librement sur le marché, en deçà, bien entendu, du niveau de la pénalité – si le prix est trop élevé, mieux vaut payer la pénalité que d’acheter des C2E.

À côté des fournisseurs, sur lesquels repose l’obligation d’économie, différents acteurs, qu’on appellera éligibles – collectivités territoriales, bailleurs sociaux, sociétés d’économie mixte – peuvent intervenir dans le dispositif en réalisant des travaux ; ils revendent alors leurs C2E aux obligés. Quant aux particuliers, ils bénéficient d’une prime C2E, versée par les fournisseurs d’énergie pour financer certains travaux chez eux.

Trois grands acteurs de l’administration interviennent dans le dispositif : la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), qui le pilote en précisant ses modalités opérationnelles – elle fixe notamment le volume ; l’ADEME, qui joue le rôle d’opérateur du dispositif et fournit une expertise technique, notamment sur le gisement d’économies d’énergie réalisables et sur les fiches d’opérations standardisées ; enfin, au sein de la DGEC, le Pôle national des C2E, qui est en charge de l’instruction des demandes et de la délivrance des certificats.

Selon les chiffres de la DGEC, les C2E auraient permis d’économiser, entre 2006 et 2014, 612 TWh et contribuent à financer des travaux d’économie d’énergie à hauteur de 24 milliards d’euros, avec une économie annuelle pour les consommateurs de 2 milliards d’euros. Les travaux les plus souvent réalisés sont l’isolation des toitures et des murs et le remplacement des chaudières : plus d’un million de chaudières ont été remplacées grâce à ce dispositif. Le C2E est ainsi devenu le principal outil d’incitation privé à réaliser des économies d’énergie en France et un élément essentiel pour remplir nos obligations européennes en la matière.

Le seul petit bémol, c’est que tout cela repose sur un circuit essentiellement extrabudgétaire. De fait, peu d’argent public est dépensé : il correspond aux crédits du pôle national. Mais il est permis de s’interroger sur le statut de quasi-taxe du dispositif, puisque les opérateurs privés sont obligés de débourser de l’argent en vertu d’une décision de l’administration qui fixe un volume d’économies d’énergie. Les sommes en jeu ne sont pas minces : 3 milliards d’euros par an, soit 9 milliards sur la période. Le ministre peut du reste choisir d’augmenter les volumes : c’est ce qu’avait fait Ségolène Royal lorsqu’elle a créé les C2E précarité. Cela s’est évidemment traduit par une augmentation des dépenses pour les entreprises, mais également pour les particuliers : 50 % des C2E reposent sur le prix du carburant, à raison de trois à six centimes d’euro par litre. Le dispositif a donc un impact sur leur pouvoir d’achat.

Beaucoup d’autres questions se posent. Quelle doit être l’imputation comptable des C2E pour les obligés, quelle est leur nature financière ? Est-ce une action, une créance sur l’État, est-il possible de les thésauriser, de les échanger, de les revendre, de spéculer ? Quel est le régime applicable aux C2E en matière de TVA et d’impôt sur les sociétés ? Cette dernière question constitue un enjeu majeur : certains acteurs nous ont dit que l’administration fiscale a changé le mode d’imposition suite à l’évolution de la doctrine fiscale, ce qui a entraîné des rappels de TVA, parfois sur trois ans.

Les risques de spéculation ont évidemment attiré mon attention : plus il y a d’argent en jeu, plus il est tentant, compte tenu de la variabilité du prix, de thésauriser et de réaliser une culbute de un à six entre l’achat et la revente, pour ceux qui revendraient aujourd’hui des C2E achetés il y a deux ans.

L’administration ne semble pas inquiète, mais il faut noter que les contrôleurs sont peu nombreux pour ce dispositif, et on peut s’interroger sur les garanties contre les comportements de spéculation, mais également contre la fraude : le pôle national des C2E, en charge du contrôle a posteriori de la réalité des transactions ne compte qu’une douzaine de personnes et se borne pour l’essentiel à des contrôles documentaires : j’ai calculé qu’il y avait des milliers de dossiers, ce qui fait beaucoup de dossiers à contrôler par seconde…

L’ampleur de la fraude a d’ailleurs poussé TRACFIN à insister sur le risque que représentaient les C2E en la matière, et dans son rapport annuel d’activité 2016, l’agence pointe les failles du marché. Lors d’un de ses contrôles, sur seize opérations contrôlées, les seize se sont révélés frauduleuses et treize dossiers ont été transmis au parquet de Paris : des aigrefins ont compris que ce marché un peu opaque peut servir à autre chose que des économies d’énergie, et vu les moyens de contrôle, il est possible de passer entre les mailles du filet.

Un problème se pose donc : en voulant restreindre certaines opérations, on va évidemment limiter certaines économies d’énergie. Il est par exemple très difficile d’aller vérifier, maison par maison, que les économies prévues ont bien été réalisées. Il y a donc un risque de distorsion de la politique publique menée.

Une analyse géographique est aussi possible ; dans un volume global, chaque obligé fait ce qui est plus facile pour lui. D’un département à l’autre, d’une région à l’autre, il peut y avoir de grandes disparités dans la manière dont la politique est appliquée.

Je ne crois pas que les moyens de contrôle soient suffisants aujourd’hui, notamment parce que le dispositif échappe largement au contrôle parlementaire. On ne peut imaginer que la création, par décision d’un ministre, des C2E précarité ne se traduise à aucun moment par une sortie de fonds pour les entreprises, et qu’à aucun moment le Parlement ne puisse discuter de ce qui ressemble quand même de très près à une taxe. Notre assemblée apparaît dessaisie de pouvoirs au cœur de ses prérogatives constitutionnelles.

De manière plus compliquée, ces dispositifs s’ajoutent les uns aux autres. Par exemple, une même fenêtre peut être éligible au CITE et au C2E. Les dispositifs peuvent s’empiler, ce qui soulève des problèmes d’efficacité, et si l’on n’en voit pas la majeure partie, il est très difficile de piloter une politique dans ce domaine.

 

J’insiste donc sur la nécessité de développer une meilleure connaissance de l’efficacité du système. Dans son rapport 2016, la Cour des comptes soulignait que les évaluations de ce dispositif sont peu nombreuses et parcellaires. L’inspection générale des finances y a également consacré un rapport, et une meilleure évaluation du dispositif des C2E paraît d’autant plus indispensable au vu de la multiplication des différents dispositifs d’aide à la transition énergétique : le CITE, l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), la TVA à taux réduit, etc.

Je rappelle quelques critiques de l’UFC-Que Choisir : ce dispositif est largement méconnu, neuf Français sur dix ne le connaissent pas ou ne le comprennent pas. Le processus est trop complexe et ses résultats sont incertains : le consommateur doit commencer la procédure des C2E avant même d’avoir signé un devis, il doit aussi vérifier en amont l’éligibilité des équipements et des professionnels s’il veut avoir une chance de recevoir la prime. Les économies d’énergie sont calculées par rapport à une moyenne d’équipement et non pas équipement par équipement, Enfin, il existe des inégalités territoriales : le montant des primes versées aux particuliers va de 414 à 943 euros selon un article paru dans Le Parisien.

Voilà pourquoi il est nécessaire que le Parlement se demande comment pleinement jouer son rôle, en réintégrant le C2E, sans nier les spécificités du dispositif, mais de manière à pouvoir le piloter et avoir ainsi une vision transversale de tous les outils de la politique menée en matière d’efficacité énergétique.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur l’énergie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais vous rendre compte de quelques points saillants de l’exécution budgétaire 2017 de la mission Écologie, avant d’interroger le secrétaire d’État sur un outil essentiel à l’atteinte de plusieurs des objectifs de cette mission, vous l’avez tous reconnu : il s’agit du compteur Linky.

L’analyse du rapport annuel de performances et la note d’évaluation budgétaire mettent en évidence différents enseignements sur l’exécution des crédits 2017. La Cour des comptes appelle une définition précise du périmètre des dépenses prises en charge au titre du compte d’affectation spécial Transition énergétique, considérant sa proximité avec les actions et les objectifs du programme 345. La cohérence budgétaire est une condition nécessaire à la lisibilité de son exécution et de son évaluation.

La même juridiction note par ailleurs que certains fonds sans personnalité morale, neuf au total, devraient être rebudgétisés pour respecter le principe d’unité et d’universalité budgétaire. Ainsi, une partie du fonds de l’enveloppe spéciale Transition énergétique, tout comme celle du programme Service public de l’énergie, pourrait faire l’objet de cette mesure de rigueur en vue d’améliorer leur lisibilité, leur gestion et in fine leur évaluation.

De manière plus générale, la Cour souligne des écarts entre les charges payables sur l’année civile et celles effectivement payées, traduisant un report de 2017 sur 2018 et limitant de fait la portée de principe d’annualité et de sincérité budgétaire. L’absence de reporting clair et complet obère ainsi la capacité d’analyse de la Cour, et par ricochet, celle du Parlement.

 

Cette limite, annoncée par la Cour des comptes, introduit la seconde partie de mes propos. Cette première édition du Printemps de l’évaluation est à saluer : au moyen de l’évaluation parlementaire, elle concourt à la qualité de la loi de finances et à l’effectivité constitutionnelle de notre fonction. Mais dans les faits, j’ai rencontré lors de sa mise en œuvre des difficultés, inhérentes d’une part à son calendrier de réalisation et d’autre part aux informations disponibles.

S’agissant du calendrier, si la mise en œuvre du printemps de l’évaluation en juin, soit quatre mois en amont de l’ouverture des débats sur le prochain PLF, s’avère pertinente, l’exercice n’a pu être mené de manière approfondie en raison d’un temps compté, conséquence de la concurrence introduite par le rythme soutenu des examens de projets de loi en séance publique, sans considérer les autres obligations qui nous concernent toutes et tous.

S’agissant des informations disponibles, les rapports annuels de performance (RAP) et les notes d’exécution budgétaire (NEB) sont des documents dont la rigueur est indéniable. Cette rigueur, conjuguée à une technicité élevée, en fait des documents arides pour celles et ceux qui ne sont pas encore rompus aux subtilités des comptes publics. La réédition en 2019 des commissions d’évaluation des politiques publiques se verrait facilitée par la mise à disposition de données consolidées, chiffrées, et de graphiques dédiés détaillant par programme et par action les crédits votés dans la loi de finances initiale, les adaptations issues de la loi de finances rectificative, des arbitrages et de report interannuels, la ventilation des crédits de paiement par type de dépenses : le personnel, le fonctionnement, l’investissement et les opérations financières. Les analyses permettraient dès lors de préciser le taux d’exécution et de les croiser avec les indicateurs de performance, exercice intéressant pour justifier les adaptations envisagées lors des débats des PLF à suivre, dans une logique d’efficience de l’utilisation des crédits publics. Une telle ambition de simplification servirait également l’objectif d’ouverture démocratique, facilitant la compréhension des données par l’ensemble de nos concitoyens.

Au-delà de ces éléments d’évaluation du temps court, je souhaite interroger le secrétaire d’État sur le déploiement du compteur Linky, en l’inscrivant dans le temps long. Alors que ses avantages ont été établis et démontrés à plusieurs reprises dans différents documents, une remise en cause de ses atouts persiste et peut prendre des proportions exagérées par un effet de loupe médiatique. Il me semble indispensable de reconquérir le terrain de la rationalité et de l’objectivité.

J’aimerais donc connaître, monsieur le secrétaire d’État, les actions que vous comptez mener en tant qu’autorité de pilotage, afin de rappeler le rôle du compteur dans l’ambition de la transition énergétique, de rassurer en démêlant le vrai du faux sur les questions de la santé et des données, d’informer enfin les abonnés sur les possibilités offertes de maîtriser leur consommation d’énergie. De manière complémentaire, quel retour d’expérience tirez-vous du développement actuel du compteur ? Pour faire entendre la voix de l’État, que comptez-vous faire pour contrer certains messages médiatiques qui se focalisent sur le refus de pose, alors que ceux-ci ne concernent que 1,75 % des cas ?

M. le président Éric Woerth. Merci, monsieur le rapporteur pour avis. Nous avons bien conscience que le temps était compté, et les conditions de travail sont probablement trop rapides, pour de multiples raisons. Mais nous avions le choix entre commencer cette année, ou reporter l’exercice à l’année prochaine. Autant commencer cette année par une première version que nous pourrons améliorer ensuite.

Quant aux documents, nous avons obtenu les NEB et les RAP un peu plus tôt qu’habituellement. C’est un très bon moment pour que les rapporteurs, spéciaux et pour avis, reprennent l’ensemble des rapports en lien avec ce qu’ils voudraient évaluer. Je pense évidemment aux rapports de la Cour des comptes, et à ceux de nos missions d’évaluation et de contrôle. Le but est de rendre ces travaux importants le plus utile possible pour faire de cette initiative un temps d’évaluation et d’efficience. Vous avez raison, il faut rapprocher les indicateurs des moyens mis en œuvre, avoir une opinion sur les indicateurs ; en bref : juger de l’efficience des politiques. Il ne suffit pas de dire qu’une politique a coûté 300 millions, il faut savoir si cela en vaut la peine. Cette mesure de l’efficience me semble au cœur de l’exercice, même si ce n’est probablement pas cette première année que nous y parviendrons au mieux. Nous atteindrons cet objectif au fur et à mesure.

Mme Jennifer de Temmerman, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur la transition écologique. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer cette initiative du Printemps de l’évaluation, qui nous permet à tous d’exercer aujourd’hui davantage nos missions de contrôle et d’évaluation.

À mon tour, je souhaite évoquer le dispositif des certificats d’économies énergie qui constitue, comme l’a dit le rapporteur spécial, un des principaux instruments de la politique de maîtrise de la demande énergétique. Bien qu’en 2015, la Cour des comptes ait relevé que le dispositif participait activement à la réduction de la consommation d’énergie et que son efficacité s’était progressivement améliorée lors des dernières années, j’ai reçu de nombreux avis mitigés sur les C2E lors de mes auditions. En revanche, sur mon territoire, j’ai pu constater la réussite du dispositif. Certains acteurs arrivent à créer une dynamique autour des C2E, tandis que d’autres n’y voient qu’une énième démarche administrative contraignante. La réussite des actions est en réalité conditionnée autant par la qualité du dispositif que par son portage territorial. Contrairement au rapporteur spécial, je ne crois pas pertinent de condamner en bloc un dispositif sans tenir compte de la conjoncture dans lequel il s’inscrit.

Monsieur le secrétaire d’État, quels moyens pourraient être mis en œuvre pour accompagner davantage, les collectivités plus particulièrement, et les autres acteurs éligibles en général ? Et quelle simplification pourrait permettre le succès de ces C2E de manière uniforme sur les territoires ?

La deuxième partie de mon intervention reprendra une question que je vous avais posée en commission élargie et en séance publique sur le doublement du fonds chaleur ; je déplorais qu’il ne soit pas inscrit dans le projet de loi de finance pour 2018. Le bilan stratégique du rapport annuel de performance souligne, une fois encore cette année, les bons résultats de l’objectif 1 du programme 174, à savoir la maîtrise de la consommation d’énergie et le développement de l’usage des énergies renouvelables. Rappelons que le doublement de ce fonds est nécessaire afin de respecter la trajectoire définie par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte en matière d’énergie renouvelable produite et consommée. Au regard de la loi de règlement 2017, et d’un déficit public au plus bas depuis 2008, pourrait-il finalement être envisagé d’accélérer la trajectoire vers ce doublement à l’horizon 2022 ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Le C2E est un dispositif original et l’idée de le soumettre à évaluation me semble pertinente. Cela étant, il faut le relativiser au vu de son coût relativement faible pour les finances publiques, uniquement lié à la charge administrative de gestion du pôle national du C2E. Le rapporteur spécial a cité le rapport public de 2016 de la Cour des comptes, qui recommandait d’évaluer et de contrôler périodiquement les C2E, parce qu’ils sont le maillon d’une politique publique.

À ce titre, monsieur le secrétaire d’État, sur quels processus pouvez-vous vous engager pour accroître les outils et les instruments permettant un suivi et un contrôle renforcé du Parlement sur les C2E ?

M. le président Éric Woerth. Je souhaite insister sur un point soulevé par le rapporteur spécial et le rapporteur général : le caractère « fraudogène » du dispositif des C2E. Même s’il n’y a pas beaucoup d’argent public, de manière indirecte, quelqu’un paie une politique publique en achetant un bien. Dans quelle mesure l’administration et vous-même, monsieur le secrétaire d’État, êtes attentifs aux risques de fraude, et quelle est votre capacité à cantonner ce risque ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État chargé de la transition écologique et solidaire. Les C2E ont été portés sur les fonts baptismaux en 2006-2007 : c’est un dispositif déjà assez ancien. Le Parlement ne se prononce pas sur le C2E, c’est vrai, à quelques nuances près.

Tout d’abord, ce n’est ni de l’argent public ni de l’argent budgétaire, mais comme vous venez de le dire, il y a quand même un marché. Cela m’amène d’ailleurs à répondre à une question intellectuellement intéressante concernant la nature juridique du C2E : est-ce une action, une taxe ? La notion la plus proche est probablement une obligation. Un C2E se rachète et se vend. Ce disant, j’exprime là une opinion personnelle : je n’ai pas le talent de M. Aubert en matière de finances publiques, mais je persiste à penser que l’on est plus proche du marché obligataire que d’autre chose.

Le Parlement ne se prononce pas sur les C2E, à quelques limites près, disais-je. Pour commencer, l’État en est le gendarme, nous reviendrons sur la question de la fraude : la vraie dépense budgétaire, ce sont les équivalents temps plein au sein de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) qui s’assurent de la surveillance et du bon fonctionnement de ce marché que j’ai abusivement appelé « obligataire ». Néanmoins, le Conseil national de la transition écologique est saisi des questions relatives aux C2E, et un certain nombre de vos collègues parlementaires y siègent ès qualités. Je ne me prononce pas sur le caractère suffisant de ce contrôle, mais il y a bel et bien un débat sur les C2E et des parlementaires y sont associés. Le Conseil supérieur de l’énergie est également saisi de la politique des C2E. S’il faut améliorer la circulation de l’information, je suis évidemment à votre disposition pour le faire.

Surtout, les objectifs de fond des C2E sont inclus dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui fait l’objet d’un débat public qui se termine à la fin du mois. Pour la première fois, nous souhaitons associer très étroitement le Parlement à son contenu. Au mois de juillet, il faudra d’ailleurs que nous en précisions la méthodologie. La PPE a beau prendre la forme d’un décret, nous souhaitons que la représentation nationale y soit largement associée, comme nous l’avons fait lors du débat public. Nous souhaitons que les députés et les sénateurs aient un moment de débat spécifiquement dédié à la PPE. Cela pourra offrir une nouvelle occasion de se pencher sur les C2E.

 

Madame de Temmerman l’a dit, les C2E sont efficaces. Rappelons quelques chiffres : ils ont bénéficié à un million de ménages, à beaucoup d’entreprises, dont de nombreuses PME, à de toutes petites entreprises, ou à des agriculteurs, qui n’ont souvent droit à rien car la forme juridique de leur entreprise ne leur permet pas de bénéficier d’aides particulières pour améliorer la performance énergétique de leurs bâtiments ou de leurs installations. Les C2E sont parfois le seul instrument auquel ont droit les opérateurs économiques les plus petits et les plus fragiles. Il faut avoir cet élément à l’esprit.

La doctrine fiscale autour des C2E dépend de la nature de l’opérateur au moment de la transaction. Une cession de C2E à titre onéreux sera soumise à la TVA. Des cessions réalisées par des collectivités territoriales, par l’ANAH ou par un bailleur social bénéficieront plutôt d’exonérations de TVA. En fait, c’est la nature de l’émetteur et du récepteur du C2E qui détermine l’assiette fiscale ou le régime fiscal ou social applicable à la transaction. Ce que j’ai dit sur la TVA vaut également pour l’impôt sur les sociétés ou la comptabilité plus générale.

S’agissant de la spéculation, votre propos est intéressant, car il y a évidemment un flux. Nous pourrons en reparler avec les équipes de la direction générale de l’énergie et du climat, le Parlement pourrait se saisir de ce sujet pour identifier les éventuels effets d’aubaine.

La lutte contre la fraude, en propre ou avec une délégation de service public, se fait sur pièces et sur titres, de manière plutôt efficace. La difficulté, que vous avez soulevée lors de votre intervention, monsieur le rapporteur spécial, est la capacité à détecter les fausses factures sur le terrain. Je me dois quand même d’être rassurant : nous parlons d’un phénomène qui, sur le flux et sur la masse, reste largement minoritaire. Je ne voudrais pas que nous jetions l’opprobre sur tous les acteurs qui font vivre ce dispositif avec succès dans notre pays. Mais il est vrai que des éléments ont été relayés dans la presse et nous devons être capables de faire des contrôles sur place, en plus des contrôles sur titres et sur pièces. Il ne doit pas y avoir de doute à cet égard sur l’efficacité des C2E.

Tous les dispositifs s’ajoutent, avez-vous dit, monsieur le rapporteur spécial : CITE, C2E, éco-PTZ, TVA réduite… Vous auriez pu ajouter le chèque énergie. Mais si l’empilement est parfois une mauvaise chose, il s’agit dans le cas présent d’une caisse à outils, gage d’efficacité. Une personne en situation de précarité aura le droit de cumuler le C2E, le chèque énergie, et aura droit au CITE bien que souvent, ceux qui ne paient pas d’impôts ne le demandent pas, ce qui est une erreur. Une entreprise n’aura pas droit au CITE, mais au C2E. La combinaison des outils permet d’élargir la palette et assure le succès. Et cela devrait rassurer M. Coquerel : le C2E est un outil efficace qui permet d’améliorer la situation de beaucoup de ménages français. Il y a donc un flux, et ce régime d’obligés exerce une pression : ce sont ceux qui vendent de l’énergie qui sont tenus de trouver des économies d’énergie chez les particuliers, pour éviter une pénalisation financière qui reste résiduelle, preuve que l’autorégulation fonctionne assez bien.

Monsieur Aubert et madame de Temmerman, vous dites que le système est méconnu. Il est méconnu sous l’appellation « C2E », mais les brochures commerciales des installateurs ou des grandes surfaces de bricolage parlent de réduction, de rabais, de prime à l’énergie. Tout le monde a donné son propre titre, mais derrière chaque rabais sur une chaudière très performante, on trouve un C2E qui a fonctionné. C’est bien du C2E que vient l’argent du rabais.

Cette année, nous avons cherché à améliorer la visibilité du dispositif, avec un formulaire unique, pour permettre au citoyen qui réalise une opération de rénovation de comparer chaque installateur venant chez lui, et d’appliquer le C2E pour chercher l’avantage énergétique le plus grand, et donc le rabais le plus important. Il faudra évaluer ce système, qui apporte un véritable avantage. Je suis en tout cas assez attaché à ce dispositif parce qu’il se gère assez bien, et qu’il permet d’obtenir des résultats en TWh assez importants.

Monsieur Bolo, j’ai entendu vos demandes de simplification et d’évaluation ; le président de la commission vous a en partie répondu.

Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur le compteur Linky. Moi-même, quand j’étais maire, j’ai regardé ce dossier avec un peu de circonspection, car il suscitait beaucoup de passion chez certains de mes concitoyens. Mais quand j’ai commencé à travailler ce dossier, je me suis mis à penser que ce pays était décidément souvent traversé de passions un peu culturelles, ou qui vont chercher loin un certain nombre d’émotions…

Prenons les choses dans l’ordre : nous ne réussirons pas la transition énergétique sans une stratégie de performance énergétique. Or comment parler de performance énergétique sans mesurer à l’unité domestique près la consommation énergétique ? La transition énergétique s’appuie aussi sur la transition numérique, il n’y a pas de smart grids – dont nous applaudissons les innovations – sans numérique. Et le compteur Linky est un des premiers outils pour le faire.

La Cour des comptes, que je respecte, occulte aussi une partie de la réflexion. On ne peut pas lancer de grandes réflexions sur l’autoconsommation sans avoir des compteurs capables de la mesurer ; on ne peut pas libérer les énergies renouvelables sans disposer des outils à même de prendre en compte les spécificités liées à l’énergie renouvelable. Sans parler des facilités offertes à nos concitoyens pour le relevé des consommations et d’autres aspects.

S’agissant des effets sur la santé, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), et toutes les autorités administratives indépendantes se sont prononcées sur le sujet. Oui, c’est un outil qui produit des ondes radio, mais il est estimé que c’est de manière équivalente à une télévision, et moindre qu’une plaque de cuisson, pour rappeler des éléments scientifiques qui ne sont pas contestés.

La CNIL est revenue sur les données et a fixé les règles du jeu, et ENEDIS a répondu à la question. 10,6 millions de compteurs Linky sont installés aujourd’hui, et les refus ne représentent que 1,75 % des cas. On a laissé croire aux maires qu’ils pouvaient refuser l’installation en laissant délibérer leur conseil municipal, ce qui était inexact puisque toutes les délibérations ont été déférées au contrôle de légalité et cassées. Nous perdons beaucoup de temps sur ce dossier, je suis à disposition pour rassurer tout le monde, mais j’appelle à la prudence dans le choix des arguments.

Madame de Temmerman, merci de votre question sur le fonds chaleur. C’est un outil essentiel, de 200 millions d’euros par an. Il représente un nombre de projets colossal, surtout au vu de la trajectoire carbone, car le fonds chaleur permet d’évaluer la compétitivité de projets en les rapportant au coût du carbone. Plus personne n’en parle, mais la trajectoire carbone nous permet d’améliorer la transition énergétique.

Je profite de cette commission pour faire une annonce qui n’a pas encore été rendue publique. Le Président de la République s’était engagé à doubler le fonds chaleur pendant le quinquennat. Lorsque nous avions discuté du budget, j’étais resté prudent et j’avais déclaré que nous trouverions des marges de manœuvre pendant l’exercice budgétaire, au sein de l’ADEME, pour augmenter le fonds chaleur dès cette année. Le fonds chaleur, qui était de 200 millions en autorisations d’engagement pour 2017, passera à 245 millions en 2018, soit 45 millions d’euros de plus que les années précédentes. Ce n’est pas encore un doublement, nous n’atteignons pas 400 millions, mais la tendance est là. La promesse du Président de la République commence à être mise en œuvre dès cette année 2018, dans un contexte certes compliqué, mais l’ADEME a fait des efforts pour trouver des marges de manœuvre. Nous augmenterons également le fonds déchets à hauteur de 10 millions d’euros. J’en avais pris l’engagement devant vous tous au mois d’octobre dernier ; il est en voie d’être tenu cet après-midi.

M. le président Éric Woerth. Merci de ces réponses complètes. Je ne sais pas comment qualifier le certificat d’économie d’énergie, il relève plutôt des prélèvements obligatoires qui ne sont pas considérés comme tels puisqu’ils n’abondent pas un budget public, mais ils restent obligatoires…

M. Julien Aubert, rapporteur spécial. C’est un bien meuble négociable !

L’Union européenne avait laissé le choix entre une taxe et un mécanisme d’échange, et nous avons fait le choix des certificats d’échange. Mais dans la pratique, pour le contribuable, c’est exactement la même chose : quand il va à la pompe, il est prélevé de quelques centimes… Que ce soit au titre de la taxe carbone ou des certificats d’économie d’énergie, le résultat est le même. Quand vous allez faire réparer votre fenêtre et que l’on vous dit que vous avez droit à une dépense fiscale ou un certificat d’énergie, c’est la même chose pour le consommateur.

Dans la pratique, c’est un élément important de notre politique, or le Parlement ne décide pas de son volume. Et ce mécanisme se traduit par des transferts de richesse. Une personne qui vit dans une maison, qui ne fait pas de rénovation énergétique et qui roule dans une voiture à essence va payer la politique énergétique. Une autre qui roule à vélo et habite dans un logement où l’on fait des économies d’énergies sera gagnante. Or, maintenant qu’il s’agit d’une politique de 8 à 9 milliards d’euros, le Parlement doit au moins fixer le volume de cette politique, car c’est son rôle, et que tout cela ressemble étrangement à une taxe.

À partir du moment où plusieurs outils servent un même résultat, il est essentiel d’avoir une vue complète pour savoir quelles sommes sont investies, pour quels résultats. Nous manquons d’informations. Il se produit même des déformations, liées à la nature des acteurs : EDF dit que c’est plus facile de faire des chaudières, et fait donc des chaudières. À un moment, il y a eu les ampoules à un euro, puis cela a été arrêté.

Vous dites que le coût budgétaire ne porte que sur l’exercice du contrôle administratif, mais c’est justement un problème. Tant que quelques centaines de millions d’euros étaient contrôlés par dix personnes, tout allait bien ; mais c’est autre chose de contrôler 9 milliards, et le coût budgétaire à la DGEC s’en ressentira inévitablement.

Dernier point sur les C2E, ce sont des biens meubles négociables, c’est l’administration des impôts qui en a décidé ainsi. Cela impose à certains opérateurs de calculer la TVA, puis de la rétrocéder. Cela n’a aucun impact pour eux ou pour le Trésor, mais cela les oblige à des opérations fiscales. C’est pour cela que je préconise de simplifier ce processus et de réfléchir à sa nature.

Enfin, je suis heureux de vous dire que j’enquête également sur le compteur Linky, et j’ai bien écouté votre réponse à ce sujet. Je vous précise que les ondes produites par les afficheurs déportés n’ont pas fait l’objet d’études de santé publique. De plus, les mesures ont été effectuées sur un seul compteur ; il serait intéressant de savoir ce qu’elles donnent sur des groupements de compteurs Linky dans une copropriété, notamment pour les personnes électrosensibles.

Mme Bénédicte Peyrol. Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais aller un peu plus loin sur le CITE, et vous interroger sur l’évaluation des investissements dans la transition écologique.

Lors de l’exercice 2018, le CITE et le taux réduit de TVA ont atteint un niveau historique, respectivement de 1,675 milliard d’euros et de 1,2 milliard d’euros, soit la quasi-totalité des dépenses de l’État en matière de rénovation énergétique.

Si les dépenses fiscales sont souvent critiquées pour leur absence d’évaluation, ce n’est pas le cas en l’espèce, car la documentation sur le sujet est importante. La Cour des comptes a fait un rapport très précis sur le sujet, et une mission de l’IGF et du CGEDD a permis d’évaluer ces dispositifs. Nous les avions auditionnés au moment de la loi de finance l’année dernière. Le rapport montre que la trajectoire de hausse de la contribution climat énergie, que nous avons votée en loi de finances pour 2018, constitue la première incitation à la rénovation énergétique. Mais au regard des prix actuels de l’énergie, les travaux restent souvent insuffisamment rentables et leur coût parfois difficilement supportable, notamment pour les ménages les plus modestes. Le rapport montre également que le marché est insuffisamment mature pour basculer à court terme vers une aide globale, qui est d’ailleurs l’objet du dispositif éco-PTZ.

Dès lors, quel diagnostic pour 2017 faites-vous de ces dispositifs, et quelles mesures prévoyez-vous de prendre pour renforcer leur efficacité et leur pilotage ? Comment évaluez‑vous le dispositif au niveau territorial ? Et comment anticipez-vous transformation du CITE en prime, qui devrait être proposé en loi de finances pour 2019 ?

Ma deuxième question porte sur les investissements de la transition écologique. Il est difficile d’en avoir une vision globale et synthétique : chacun est intervenu sur différents sujets – on a parlé du fonds chaleur, qui finance des investissements publics qui accompagnent la transition énergétique. Ils s’ajoutent parfois à des investissements privés, ce qui permet difficilement d’en avoir une vision globale.

Le rapport Ducret-Lemmet propose un dispositif permettant d’éclairer le Parlement sur la cohérence des choix industriels, notamment grâce à un plan d’affaires de la transition écologique ; estimez-vous que cela pourrait nous aider dans cette transformation ?

M. Raphaël Schellenberger. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais appeler votre attention sur le manque de visibilité quant aux financements des énergies renouvelables, singulièrement à l’égard de la lecture sur un temps long des engagements de l’État dans son soutien au projet de nouvelles installations d’électricité renouvelable.

Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire consacrée au compte d’affectation spéciale Transition énergétique, publiée en mai dernier, la Cour des comptes souligne que le compte ne permet d’afficher que les charges annuelles de soutien, sans appréciation de la valeur globale de l’engagement pris, déplorant qu’il n’existe dans les documents budgétaires et comptables aucune information permettant d’appréhender la dynamique d’évolution à venir de ces charges annuelles de soutien, du fait des engagements passés ou nouveaux.

La Cour ne fait pas que regretter ce fonctionnement, elle précise également qu’il est contraire à l’article 27 de la loi organique relative aux lois de finances, portant sur la sincérité des comptes de l’État, avant d’affirmer qu’il est nécessaire de mieux associer le Parlement aux décisions d’engagement de soutien des nouvelles installations de production d’électricité renouvelable.

La politique énergétique, donc votre ministère, dessine les contours sans toutefois qu’aucune vision globale et cohérente n’ait été officiellement présentée à ce stade ; il est proposé de remplacer des infrastructures électriques ayant fait leurs preuves par un nouveau modèle dont force est de constater que l’équilibre économique n’est pour l’heure pas assuré. Nous ne pouvons pas avancer à l’aveugle sur les orientations énergétiques de la France, tant ces questions sont déterminantes pour notre avenir énergétique.

Quelles sont donc les engagements pris par votre Gouvernement pour mieux associer la représentation nationale aux décisions d’engagement de soutien de nouvelles installations de production d’électricité renouvelable ? Pouvez-vous dès à présent nous transmettre des éléments de précision sur l’appréciation globale du programme et son inscription dans la transition engagée ?

Mme Sarah El Haïry. Comme Raphaël Schellenberger et Philippe Bolo, je m’interroge sur le principe d’annualité budgétaire.

La note d’analyse de l’exécution budgétaire, où il est bien indiqué que le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) représente déjà plus de 45 % du coût total des dépenses fiscales, précise que les audits énergétiques sont désormais éligibles au CITE et doivent être réalisés par un auditeur qualifié – ce que nous saluons évidemment – et comprendre des propositions de travaux dont au moins une visant à atteindre le fameux très haut niveau de performance énergétique. Au cours de l’examen du projet de loi de finances, le Gouvernement a affirmé que l’efficience environnementale du CITE et de la dépense fiscale nécessitait qu’on se concentre sur des dispositifs portant sur les équipements, matériaux ou appareils permettant des effets de levier plus importants et le meilleur rapport coût-bénéfice environnemental.

Dès lors, peut-on envisager de modifier ce crédit d’impôt concernant les audits énergétiques, afin de le conditionner à la réalisation postérieure de travaux, ce qui n’est pas le cas pour le moment, afin d’obtenir un meilleur rapport coût-bénéfice environnemental ?

Mme Maina Sage. Je me réjouis de ce temps d’évaluation, toujours très utile en ce qu’il nous permet de revenir sur des points de détails qui nous intéressent plus particulièrement outre-mer. Il serait bon, d’ailleurs, que, dans les prochains rapports annuels de performance (RAP), l’effort national réalisé dans ces territoires apparaisse de manière plus distincte. Si je salue l’initiative globale, il est toujours aussi difficile pour les ultramarins d’évaluer ce qui se passe chez eux. J’ajoute que, de façon permanente, nous souffrons d’un manque de données statistiques concernant nos territoires, et ce dans tous les domaines, monsieur le président. Je fais donc appel à votre vigilance pour que, je le répète, dans les prochains documents, nous disposions d’éléments suffisamment précis sur l’outre-mer.

Pour ce qui est de la transition énergétique, lorsqu’on examine la progression de la part des énergies non renouvelables (ENR), on peut tout de même estimer qu’elle reste relativement faible. Au regard des efforts budgétaires annoncés, monsieur le secrétaire d’État, quel est votre diagnostic et, dans la perspective de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), quels sont vos objectifs concernant les ENR ? Et, puisque vous souhaitez associer davantage le Parlement, nous vous demandons de ne pas oublier la transition énergétique dans nos territoires.

Un mot sur la reconstruction de Saint-Martin où 85 % du bâti a été endommagé : nous allons faire un effort important pour la reconstruction de cette île. Ce matin nous auditionnions les représentants d’EDF et d’ENEDIS, et nos opérateurs télécoms de réseaux, sur la nécessité de mener une action conjointe de reconstruction mais qui intègre le paramètre de la transition énergétique. Je sais que ce sera difficile, mais c’est l’occasion pour Saint-Martin de faire de cette crise une opportunité.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte avait prévu l’application à Wallis-et-Futuna du dispositif de la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Est-elle devenue effective depuis 2017 ? Et à quelle hauteur ?

À propos du climat enfin, il est nécessaire de valoriser ce que l’on peut appeler des « négawatts », à savoir l’effort que nous faisons pour développer des moyens innovants destinés à réduire la consommation d’énergie.

M. Jean-Louis Bricout. Il y a un an, le Gouvernement lançait un processus de libération des énergies renouvelables par le biais d’un grand plan d’investissement de 6,5 milliards d’euros. Comment cela se traduit-il dans les faits ? Deux groupes de travail parmi les trois lancés depuis la première session de la présente législature ont rendu leurs recommandations. Celles du groupe sur la méthanisation font largement l’impasse sur la nécessité d’organiser le plus en amont possible la concertation avec les territoires concernés par des projets d’énergie renouvelable, ce qui va à rebours de ce qui est souvent préconisé et que nous soutenons. Quid par ailleurs des efforts budgétaires concrets qui doivent être réalisés pour aboutir à une France énergétique verte ? Le même groupe de travail propose le lancement d’un appel d’offres pour les projets de méthanisation avec injection atypique – sur quelle ligne budgétaire ? –, la mise en place d’un complément de rémunération pour les petites installations, la création par arrêté d’un tarif de rachat à guichet ouvert pour les installations de taille moyenne, de 500 kilowatts à un mégawatt ; il a également été annoncé que l’accès au crédit serait facilité pour la méthanisation agricole via la Banque publique d’investissement (BPI) – pouvez-vous nous préciser à quelle échéance ?

Le groupe de travail éolien recommande quant à lui de systématiser les bonus dans les appels d’offres pour les projets qui favorisent le financement participatif avec des fonds provenant de financeurs locaux. Je souhaite savoir où nous en sommes. Ajoutons que l’éolien donne parfois lieu à des débats très agités, les projets en la matière se heurtant parfois à des projets touristiques. Des gens en viennent même à considérer que c’est une imposture. J’aimerais connaître votre avis sur la question.

Pour ce qui est de la solidarité, quid de la généralisation du chèque énergie ? En effet, 4 millions de ménages étaient susceptibles d’être directement concernés, ce qui représente un effort budgétaire de 600 millions d’euros. Selon les propos que vous avez tenus en octobre dernier, monsieur le secrétaire d’État, les chèques ont dû être envoyés fin mars : pour qui et pour quel montant ? Toujours à propos du chèque énergie, il existait auparavant les tarifs sociaux de l’énergie qui tenaient compte de la consommation des ménages. Aujourd’hui, le chèque énergie prend en compte les ressources et la composition du foyer, ce qui, en deux mots, crée une distorsion entre les gens du Nord et les gens du Sud. Je souhaite défendre un peu les gens du Nord : la facture d’énergie n’est pour eux pas tout à fait la même – alors que le chèque énergie est identique, où qu’on habite. Comptez-vous tirer les conséquences de cette différence ?

Enfin, j’ai appris que, s’agissant du certificat d’économie d’énergie (C2E), les territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) bénéficiaient d’une bonification. Qu’en est-il ? Et, si ce n’est pas le cas, entendez-vous la mettre en place ?

M. Hubert Wulfranc. Une question d’opportunité, monsieur le secrétaire d’État, quelque peu décalée par rapport à l’évaluation de l’exécution budgétaire de 2017 : nous nous interrogeons sur l’initiative prise au début de l’année à la suite de la mise en demeure par la Commission européenne d’ouvrir nos concessions hydroélectriques à la concurrence. Une note a été adressée en janvier qui proposerait de mettre totalement en concurrence trois à cinq concessions dont deux dès 2018 – et parmi les plus performantes. Mme Battistel vient de remettre un rapport sur le sujet.

Je saisis donc l’occasion qui m’est offerte pour rappeler que l’hydroélectricité recouvre d’enjeux multiples et majeurs : un enjeu énergétique, bien sûr, puisque l’hydroélectricité est la troisième source de production électrique en France ; un enjeu environnemental du fait de sa part dans les énergies renouvelables et donc, à ce titre, dans la transition énergétique ; un enjeu industriel également du fait de ses 25 000 emplois ; un enjeu de service public de l’eau et de sécurité au sens large enfin. Nous sommes nombreux à considérer, au-delà de nos sensibilités politiques, que l’énergie ne doit pas être considérée comme un bien comme les autres et ne doit pas être dérégulée ; du reste, nos autorités avaient jusqu’à présent résisté à cette mise en demeure européenne. Pouvez-vous nous faire le point sur ce dossier ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État chargé de la transition écologique et solidaire. Nous nous éloignons un peu de l’évaluation de l’exécution du budget de 2017 mais je vais tout de même tenter de répondre le plus largement possible aux questions que l’on vient de me poser.

Vous me permettrez d’avoir l’élégance de commencer par la question de Mme Sage, députée de Polynésie, puisque je suis rentré ce matin de l’île de La Réunion où j’ai passé trois jours pour traiter des questions d’énergie : c’est donc en témoignage de notre reconnaissance et de notre affection pour nos outre-mer que je vous réponds en premier, madame.

Vous me demandez d’améliorer la « visibilité » de ces territoires dans les documents budgétaires. Prenons garde cependant au fait que certains éléments relèvent du budget de la nation et il serait compliqué de les fragmenter en les territorialisant. Inversement, d’autres données peuvent peut-être vous être plus facilement communiquées : c’est typiquement le cas dans le domaine de l’énergie puisque nous sommes de plus en plus capables de les régionaliser, de les territorialiser.

Énergies renouvelables et transition énergétique en outre-mer : un retard considérable a été pris que nous devons évidemment rattraper. Vous m’avez interrogé sur l’application de la CSPE à Wallis-et-Futuna. Je suis pour l’instant le seul membre du Gouvernement à m’être rendu à Wallis-et-Futuna – dès le mois de septembre dernier. La production d’électricité à Wallis-et-Futuna, c’est 95 % de fioul lourd importé de Singapour – dans deux îles où on ne manque pas de soleil, c’est le moins qu’on puisse dire. Un investissement massif s’impose. Mais, contrairement à ce qu’on peut penser, ce n’est pas qu’un problème d’argent, mais de rapport au foncier, mais aussi de relations un peu particulières… De même à La Réunion : comme dans votre territoire, madame la députée, en avance sur le solaire mais, bizarrement, depuis quelques années, tout cela stagne un peu. Il faut donc prendre un nouveau départ.

À l’issue des travaux du groupe de travail sur le photovoltaïque – je répondrai au député Bricout dans un instant –, nous lancerons un plan gouvernemental pour le solaire prévoyant une quarantaine de mesures très techniques, très précises, peut-être pas « grand publiques » mais dont les acteurs de la filière, eux, connaissent le prix, connaissent l’importance. Ces mesures iront dans le sens que vous souhaitez, madame la députée, y compris dans les zones non interconnectées ; ce qui signifie, en clair : une capacité à écrire des appels d’offres, disons-le, plus régionalisés et davantage pluriannuels. Tous ceux qui connaissent bien l’énergie outre-mer comprendront le bond en avant que cela représente. J’insiste toutefois sur un point, madame la députée : il faudra progresser sur la question du foncier. Si l’on n’avance pas dans la plupart des territoires ultramarins, c’est en raison de la difficulté à identifier le foncier, soit au sol, soit en bâti.

J’en viens donc à l’application de la CSPE à Wallis-et-Futuna : oui, c’est fait, j’ai pu m’en rendre compte moi-même au mois de septembre. La convergence en cinq ans a déjà démarré et on continue de progresser sur le coût de l’électricité. Du reste, ce n’est plus l’électricité qui me soucie dans ce territoire, c’est l’accès à l’eau potable à Futuna, qui devient un sujet crucial car, malheureusement, nos concitoyens ne veulent pas payer l’eau… Alors qu’à Wallis on la paie ! Il est compliqué dans ces conditions d’avoir un service d’eau potable…

Pour ce qui est des énergies renouvelables, ce qui me permet de répondre en même temps au député Schellenberger, quel est le rapport entre l’argent investi, les moyens et les résultats observés ? Ce sont 1 300 à 1 500 mégawatts qu’on va raccorder en solaire en 2018. Ce chiffre n’a jamais été donné publiquement ; c’est pratiquement le double de celui de l’année dernière. Pour vous donner une petite idée, 1 300 à 1 500 mégawatts, c’est tout de même une tranche d’EPR… Comme avec une pompe, l’amorçage a été difficile, il a fallu du temps, mais quand le rythme est pris… C’est pourquoi il ne faut surtout pas freiner l’élan tant en ce qui concerne la rédaction des appels d’offres qu’en ce qui concerne l’identification du foncier avec les acteurs locaux – point important, pour le solaire, sur lequel j’entends insister.

Je suis allé deux fois à Saint-Martin depuis la crise. Là aussi, il faut en faire un territoire complètement nouveau en matière de performance énergétique ; au-delà de la prévention des risques naturels, il faut être capable, précisément, de mieux gérer l’eau, de mieux gérer les déchets, de mieux gérer l’énergie, ce qui appelle, comme sur votre territoire qui peut être aussi concerné, à une réflexion sur la performance énergétique, notamment autour de la climatisation – j’ai pu m’en rendre compte à La Réunion. Je souhaite vraiment qu’on relance l’innovation dans le domaine de la climatisation dite SWAC (Sea Water Air Conditioning), qui utilise la fraîcheur des eaux sous-marines. À ce propos, deux projets ont été lancés dans votre beau territoire l’un privé et l’autre, si ma mémoire est bonne, par le centre hospitalier universitaire (CHU), deux projets sur lesquels j’aimerais que nous avancions.

Voilà ce que je pouvais vous répondre, madame Sage : on pourrait d’ailleurs consacrer une audition tout entière à l’outre-mer.

Monsieur le député Bricout, vous m’avez posé bien des questions en deux minutes !

Libération des énergies renouvelables : vous êtes le premier à être aussi pessimiste sur la méthanisation, ce qui m’attriste puisque tous les acteurs de la filière se sont réjoui des mesures prises ; aussi êtes-vous peut-être mal informé. Pour ce qui est de la concertation avec les territoires, vos propos ne sont pas exacts puisque, avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), nous mettons précisément à disposition la capacité à définir des schémas départementaux. J’ai été président de département et maire ; si je l’étais encore, je n’apprécierais pas que le préfet me dise comment je dois faire mon schéma, ou alors on abolit la décentralisation mais je ne pense pas que ce soit votre objectif. Au sein du groupe de travail étaient présents, autour de la table, des représentants de l’Association des maires de France (AMF), de l’Assemblée des communautés de France (ADCF), de l’Assemblée des départements de France (ADF), de Régions de France, parfois, selon les humeurs du président Morin… Je ne peux pas faire beaucoup plus, mais je pense vraiment qu’on avance bien.

Pas de moyens ? Ce n’est pas vrai. Le grand plan d’investissements prévoit que de l’argent sera consacré à la méthanisation ; et les appels d’offres, pardon, c’est de l’argent ! Pris sur quelle ligne budgétaire ? Sur le compte d’affectation spéciale Transition énergétique. Quand on garantit un tarif d’achat en cogénération ou en gaz injecté au mégawatt, c’est bel et bien qu’on permet à une filière de s’en sortir, sans compter l’aide apportée par la Caisse des dépôts et consignations ou celle apportée par le monde bancaire dont nous avons invité les représentants autour de la table. Un méthaniseur, ça produit de l’énergie, de la valeur, et il faut l’amortir sur le long terme. Je me tiens à votre disposition pour en discuter mais c’est la première fois que je sens de votre part un peu d’inquiétude sur la méthanisation : cela m’attriste, je le répète. Vous étiez déjà inquiet il y a quelques mois à propos des territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) ; je vous avais rassuré lors des questions au Gouvernement, nous n’allons pas recommencer aujourd’hui…

Sur l’éolien, c’est parti : dans les cahiers des charges des appels d’offres figure la bonification pour le financement participatif.

Le chèque énergie : fait-il plus froid au Nord qu’au Sud ? Je ne me lancerai pas dans ce débat… Je vous rappelle toutefois, monsieur Bricout, parce que vous la souteniez et qu’il ne faut pas lui faire de peine, que le chèque énergie est le bébé de Mme Royal… Après l’avoir expérimenté dans quatre départements, nous l’avons généralisé parce que c’était une bonne idée. Nous avions prévu que 4 millions de foyers en bénéficieraient ; or, après le calcul de la direction générale des finances publiques (DGFIP) et des services de mon ministère, et là aussi c’est la première fois que ce chiffre vous est donné publiquement, ce sont plutôt de 3,6 millions de foyers qui y sont réellement éligibles. Je ne suis pas en mesure de vous dire de quelle manière les Français s’en emparent, puisque l’affaire se joue en ce moment même. Dans quelques mois, en revanche, nous pourrons savoir à l’achat de quel type d’énergie aura servi le chèque, dans quel département le dispositif a plutôt mieux fonctionné. J’ai pour ma part passé beaucoup de temps sur le terrain pour sensibiliser les travailleurs sociaux afin qu’un accompagnement soit prévu : on sait très bien qu’il y a des personnes en situation de décrochage social total au point de ne même plus lire leur courrier. Bref, il reste pas mal de mesures à prendre. J’ai identifié quelques départements dont, d’ailleurs, le Val-d’Oise, dans lesquels nous allons suivre au mois près l’application du chèque énergie. Je serai ravi de revenir devant vous pour procéder à une évaluation.

Pour ce qui est de votre dernière question, monsieur Bricout, en 2017, il se trouve que les derniers TEPCV signés par Mme Royal ont en effet été financés par des C2E. Quelque 200 collectivités locales en ont bénéficié pour environ 250 millions d’euros.

 

Madame Peyrol, vous m’avez interrogé sur l’évolution du CITE. Comment vous répondre pour l’année 2017, sachant que le CITE est un crédit d’impôt que nos concitoyens bien-aimés renseignent au moment de remplir leur déclaration d’impôt sur le revenu, dont le délai s’est officiellement clos il y a à peine quelques heures ? Nos services estiment le montant du CITE à environ 1,1 milliard d’euros, chiffre qui sera affiné en fonction précisément, des informations collectées grâce aux déclarations d’impôt. Vous me demandez ensuite si l’on peut évaluer le dispositif d’un point de vue territorial ; je ne vais pas m’y engager car je m’en voudrais de ne pas tenir ma parole, mais je vais interroger mes services. Une approche régionale sera en revanche, paradoxalement, plus facile avec la prime qu’avec le crédit d’impôt compte tenu du décalage dans le temps.

Votre question sur la transformation du CITE en prime, précisément, prévue pour 2019, m’éloigne de l’évaluation pour 2017… Cette prime, qui va parler à de nombreux Français, est très attendue puisque grâce à son instauration le recours à ce type d’outil va augmenter ; de plus, elle remettra d’équerre une échelle, si je puis dire : les travaux étant fonction de l’intensité et de l’efficacité énergétiques pour la planète – je note qu’à propos du C2E, nous avons parlé de tout sauf du climat et de la planète dans nos échanges. Or une véritable échelle, j’y reviendrai, est nécessaire pour le portefeuille des ménages, pour réaliser des économies d’énergie, pour augmenter le nombre de tonnes de dioxyde de carbone évitées – objectif lui aussi important. La transformation du CICE en prime, qui deviendra effective au début de l’année 2019, permettra une plus grande efficience et une plus grande visibilité. En effet, ces affaires de « bouquets de travaux », etc. n’étaient franchement pas évidentes. De plus, il fallait tout de même tordre le cou à quelques idées : oui, aménager des combles, c’est plus efficace pour faire de la performance énergétique, dans un logement que de refaire des portes ou des fenêtres. Je n’y peux rien, ce n’est pas moi qui le dis, mais tous ceux qui connaissent le métier – ainsi va la vie.

Il faudra se poser également des questions sur l’éco-PTZ, un beau dispositif mais peut-être insuffisamment connu et dont le taux de recours n’est sans doute pas suffisamment important. Je laisserai au Parlement le soin s’en occuper.

La deuxième partie de la question portait sur l’investissement privé – en clair, sur la structuration industrielle, économique en lien avec le ministère. Dès lors que l’une des attributions du ministère de la transition écologique et solidaire est l’énergie, ce dernier est de facto un grand ministère industriel, cela va sans dire. Il suffit de poser la question de l’énergie nucléaire pour le comprendre. Mais, justement, je ne prendrai pas l’exemple du nucléaire mais celui des assises de l’eau : il suffit de considérer le nombre d’emplois relevant de la filière de l’eau – que nous sommes en train de structurer avec le Conseil national de l’industrie, avec des comités stratégiques de filière.

La réponse la plus directe que je peux vous faire, madame la députée, c’est de rappeler le rôle du ministère dans la mise en œuvre du programme d’investissements d’avenir (PIA), tout simplement. On voit bien que l’ADEME, d’une part, et le Commissariat général au développement durable (CGDD), de l’autre, sont les deux grands outils qui permettent de flécher des financements sur des projets précis. Exemples d’actualité : l’hydrogène, ou encore les projets « Territoires d’innovation de grande ambition » (TIGA), connus également dans les outre-mer, et qui, en général, ne sont jamais éloignés de la zone de gouvernance du ministère que je représente devant vous.

 

Madame la députée Sarah El Haïry, vous avez parlé de l’annualité budgétaire, ce qui rejoint une question de M. Schellenberger. Notre ministère ne partage pas la lecture de la Cour des comptes, tout simplement parce que le compte d’affectation spéciale a vocation à garantir un modèle qui fondamentalement découle du prix de l’électricité ; de ce fait, l’annualité prise en compte est forcément décalée d’un trimestre et va de février à mars, tout simplement parce qu’il faut bien constater la réalité de la charge avant de la compléter au profit de ceux qui bénéficient d’un tarif d’achat ; c’est aussi simple que cela. Je ne vois pas très bien comment il peut en être autrement. Je reste bien sûr à la disposition du Parlement sur tous les sujets, mais je voudrais surtout qu’on examine l’efficacité du fonctionnement du compte d’affectation spéciale et par là même des appels d’offres qui peuvent être lancés par la commission de régulation de l’énergie (CRE), en lien avec la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), dépendant de mon ministère ; cela ne fonctionne plutôt pas si mal.

En effet, monsieur le député Schellenberger, nous réfléchissons à un calcul prévisionnel ; mais il est compliqué de s’engager sur vingt ans. Le problème des éoliennes en mer, qui font l’actualité, rappelle à quel point il est absurde de figer un tarif d’achat à un moment donné alors que la filière est amenée à se développer, que la technologie avance et que les tarifs diminuent, ce qui est plutôt une bonne nouvelle : nous en étions à 200 euros le mégawatt, tarif figé dans les appels d’offres, tandis qu’aujourd’hui le coût du marché naturel européen est aux alentours de 80 euros par mégawatt, et même un peu moins puisqu’en mer du Nord, pour la première fois, on construit un parc d’éoliennes offshore sans un euro de subventions publiques. Qui va s’en plaindre ? Nous n’allons donc pas bouder notre plaisir quand l’offre rencontre la demande de manière naturelle. Tous ceux qui avançaient qu’il n’y aurait jamais de modèle économique rentable pour les énergies renouvelables en sont pour leurs frais : on voit bien que ces énergies tiennent quelques promesses. Et pour le coup, cela nous amènera à nous poser également la question du coût de l’électricité issue de l’atome dans le cadre de la PPE.

Dernière question de Mme El Haïry, sur les audits énergétiques éligibles : il est intéressant que des professionnels aident nos concitoyens à organiser leurs travaux, mais prenons le temps de regarder comment est appliqué le dispositif avant d’y toucher. J’entends parfois des parlementaires reprocher au Gouvernement d’apporter des modifications chaque année, ce qui nuit à leur lisibilité. Cela pose plus largement la question du service public du conseil en énergie dans les territoires. Nous y reviendrons sûrement à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2019.

Le temps m’est compté et je me hâte donc, monsieur le ministre-président. (Sourires.)

Monsieur le député Wulfranc, votre question n’a rien à voir avec l’évaluation budgétaire de 2017… Mais comme vous êtes Normand, je ne peux vous en vouloir.

L’hydroélectricité, nous en avons besoin pour réussir la transition énergétique car c’est une énergie non seulement propre mais pilotable ; or c’est suffisamment important en matière de sécurité de l’approvisionnement en électricité pour le rappeler. C’est également une énergie indispensable en matière d’emplois, en particulier dans des vallées ou dans des zones géographiques très précises. Il s’agissait pour nous de sortir du statu quo puisque, vous le savez, la Commission européenne pousse à la mise en concurrence. Et si nous voulons en finir avec le statu quo, c’est pour sécuriser les investissements : tout le monde s’abstenait d’investir dans l’hydroélectricité tant que le problème n’était pas réglé. Vous conviendrez avec moi que cette situation n’était pas satisfaisante pour entretenir la filière. Nous souhaitons clairement que l’ouverture à la concurrence se fasse dans le respect des collectivités territoriales, qui sont parfois actionnaires ou acteurs, via des sociétés d’économie mixte (SEM) ou d’autres outils, de ces ouvrages hydroélectriques. Et, pour être très direct, si une entreprise ou deux entreprises françaises étaient ciblées par la Commission européenne, je le dis publiquement, il n’est pas question que ces entreprises n’aient pas le droit demain de répondre à la mise en concurrence. Je ne peux pas en dire davantage, puisque les discussions continuent. En tout cas, notre attachement à l’hydroélectricité est total.

J’espère, monsieur le président, n’avoir oublié aucun élément de réponse : j’avais à cœur d’être évalué correctement…

M. le président Éric Woerth. Vous serez en effet noté pour chaque réponse, monsieur le secrétaire d’État… (Sourires.)

Nous vous remercions pour votre intervention.

 

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 15 heures

 

Présents. - M. Julien Aubert, M. Jean-Louis Bricout, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, Mme Sarah El Haïry, M. Joël Giraud, M. Daniel Labaronne, M. Gilles Le Gendre, Mme Marie-Ange Magne, Mme Amélie de Montchalin, Mme Cendra Motin, Mme Bénédicte Peyrol, M. Olivier Serva, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth

 

Excusés. - M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault

 

Assistaient également à la réunion. - M. Philippe Bolo, Mme Jennifer De Temmerman, Mme Mathilde Panot, Mme Maina Sage, M. Raphaël Schellenberger, M. Hubert Wulfranc

 

 

 

 

 

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