Compte rendu

Commission d’enquête
sur l’alimentation industrielle :
qualité nutritionnelle, rôle dans l’émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

– Échanges de vues entre les membres de la commission d’enquête et adoption du rapport   2

 


Mercredi
26 septembre 2018

Séance de 10 heures 15

Compte rendu n° 42

session ordinaire de 2017-2018

Présidence
de
M. Loïc Prud’homme,
Président
 

 


  1 

La séance est ouverte à dix heures vingt.

M. le président Loïc Prud’homme. Mes chers collègues, je vous remercie d’être aussi nombreux pour cette dernière réunion.

Je vous propose d’échanger sur les propositions contenues dans le rapport que notre rapporteure, Mme Crouzet va vous présenter.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Mes chers collègues, je tiens à vous remercier pour votre présence. Vous avez été très opérationnels et vous nous avez soutenus pendant nos nombreuses auditions.

Je tiens également à remercier les administrateurs de l’Assemblée qui ont travaillé avec nous d’une manière remarquable et qui nous ont bien aiguillés. Ils ont été à notre écoute et très réactifs. C’est grâce au concours de tous que nous avons pu aboutir à ce beau résultat.

Nos travaux, qui se sont déroulés sur cinq mois, nous ont donné l’occasion de procéder à une quarantaine d’auditions. Différents acteurs sont venus devant notre commission : chercheurs, institutions publiques, entreprises de l’agroalimentaire, distributeurs, organisations non gouvernementales (ONG), professionnels de la restauration, etc. Nous avons essayé d’entendre un panel suffisamment large afin d’avoir de nombreuses informations.

Nous nous sommes également rendus à Bruxelles pour échanger avec les services de la Commission européenne, ainsi qu’au siège de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) à Parme.

À l’issue de ces différents travaux, nous avons visé différents secteurs : l’industrie agroalimentaire, l’éducation, la restauration collective, la publicité et l’étiquetage, la politique de l’alimentation, la recherche publique et la réglementation européenne.

L’objet de notre réunion d’aujourd’hui est d’échanger sur les propositions que nous avons élaborées, de répondre à vos questions et d’autoriser la publication de ce rapport.

Nous avons commencé par nous intéresser à l’industrie et aux processus de fabrication, et sur les possibilités d’action offertes par notre arsenal législatif et réglementaire. Nous nous sommes aussi penchés sur les « trop » – les produits trop salés, trop sucrés ou trop gras et leurs conséquences sur la santé – ainsi que sur les additifs et les emballages.

Parallèlement, nous appelons à renforcer l’éducation à l’alimentation. L’un ne va pas sans l’autre.

Nous présentons ensuite des propositions en matière de restauration collective, de publicité et d’étiquetage. Un projet de loi sur l’audiovisuel est en préparation et un groupe de travail se penche sur la question de la publicité ; notre proposition s’inspire déjà de réflexions en cours dans le cadre de ce texte.

Nous avons mis l’accent sur la lutte contre les inégalités sociales : on sait que l’alimentation est un marqueur social. Nous proposons la mise en place d’une allocation destinée aux familles en situation de pauvreté ayant des enfants à charge ainsi que des outils de formation pour les personnels au contact de ce public.

S’agissant de la gouvernance et de la politique de l’alimentation, nous préconisons d’énoncer les grandes priorités visant à renforcer la politique de prévention nutritionnelle à partir du programme national nutrition santé (PNNS), de réviser le cadre de gouvernance de la politique de l’alimentation, actuellement « éclaté » entre plusieurs ministères et administrations, de renforcer les moyens en personnel et dispositifs techniques de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) mais aussi de la Direction générale de l’alimentation (DGAL), de conforter au meilleur niveau technique les moyens du Service commun des laboratoires (SCL), enfin de soutenir et d’accompagner par une meilleure mobilisation des administrations la constitution puis l’instruction des dossiers relatifs à la création des programmes alimentaires territoriaux (PAT).

La recherche est longue et compliquée, au point de conduire à faire des impasses, notamment sur ce qui touche aux « effets cocktail ». Nous proposons de définir un programme prioritaire de recherche publique sur les effets sanitaires de l’alimentation industrielle et plus particulièrement la consommation des aliments ultra-transformés. Nous appelons également à la création d’un fonds européen dédié au financement des études toxicologiques indépendantes en cas de controverse scientifique importante.

Nous nous sommes également intéressés à la situation particulière des outre-mer : certes, des mesures spécifiques ont été votées ; encore faut-il s’assurer que des contrôles sont réellement menés, dans la mesure où l’on constate de sérieux dérapages. Une attention spéciale s’impose.

Pour ce qui est de la Commission européenne, nous demandons que soient définis, dans le cadre d’une proposition de résolution européenne, les profils nutritionnels. À ce jour, comme rien n’a encore été fait, les industriels multiplient sur les emballages des allégations qui n’ont pas lieu d’être.

Telles sont les premières préconisations que nous avons formulées et qui peuvent se concrétiser dans un avenir proche. Bien sûr, nous sommes conscients qu’il en manque, mais je préfère mettre en avant quelques mesures phares et surtout réalisables dans un avenir proche, pointer les problèmes les plus urgents, et nous donner le temps de la réflexion sur les autres aspects. À trop multiplier les propositions, on finit par ne plus toucher à rien, ce qui serait vraiment dommage. L’objectif, on l’a dit et répéter, est de faire en sorte que ce rapport ne serve pas à caler une armoire… Nous serons vigilants au suivi de la mise en œuvre de certaines de ces propositions, quitte à nous retrouver régulièrement pour faire le point.

Mme Nathalie Sarles. S’agissant de la restauration collective, le rapport fait-il bien le lien avec les objectifs fixés dans le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable en matière de produits bio et locaux ?

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Oui.

Mme Nathalie Sarles. Je me prépare à mettre en place dans ma circonscription un travail de suivi des pratiques dans la restauration collective qui englobera, outre la restauration scolaire, la restauration dans les établissements médico-sociaux, par exemple les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Nous sommes à votre disposition si vous avez besoin de notre support pour mener des actions sur votre territoire.

M. Richard Ramos. Bravo à tous ceux qui ont travaillé sur ce rapport et suivi les auditions. Le groupe d’études existant sur « L’industrie agroalimentaire face aux enjeux de l’alimentation », qui compte une centaine de députés, est une instance toute désignée pour suivre les préconisations de ce rapport. Je vous suggère donc de venir y porter vos propositions plutôt que d’inventer un truc à part.

Mme Zivka Park. Ce rapport a-t-il été présenté devant la commission des affaires économiques ?

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Non. Nous en avons discuté hier, mais j’ai seulement indiqué quelles en étaient les grandes lignes. J’en ai fait une présentation très sommaire.

Mme Zivka Park. Est-il prévu que vous le présentiez devant une commission, et notamment celle du développement durable et de l’aménagement du territoire ?

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Ce serait avec plaisir ! La commission du développement durable est par nature très transversale. Merci de le rappeler.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Bravo pour cet énorme travail collectif, d’autant que certaines des personnalités auditionnées n’ont pas toujours été très coopératives. Il est toujours difficile de tirer la substantifique moelle, de pousser les gens dans leurs retranchements. Vous avez su le faire avec amabilité et persévérance, ce dont je vous félicite.

J’avoue ne pas avoir examiné en détail toutes vos propositions, mais je suis sûre que l’on y retrouvera tout ce que nous avons ébauché lors de nos différentes réunions. Après avoir dressé un beau bilan et rédigé de belles propositions réalistes et réalisables, reste à savoir ce que nous allons faire concrètement. D’autant que d’autres collègues se sont également approprié le sujet, sous un autre angle d’approche. Comment faire coïncider toutes ces démarches et ces bonnes volontés ?

Je vous invite également à venir présenter votre rapport devant la commission des affaires sociales. Il me paraît en effet essentiel d’aborder la question de l’alimentation industrielle, comme vous le faites, sous l’angle de la santé publique. Vous êtes donc les bienvenus.

Je préside le Groupe « Santé environnement » (GSE) dont l’objet, rappelé dans une lettre de mission interministérielle signée par la ministre des solidarités et de la santé et le ministre de la transition écologique et solidaire, est de suivre la mise en place du Plan national santé environnement (PNSE), décliné en plans régionaux santé environnement. Le GSE définira le contenu de la nouvelle version de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens ; je m’engage à demander que la question de l’alimentation figure dans cette future stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens et dans le PNSE. Il n’est pas question de passer à côté de ce sujet essentiel en termes de santé publique. Je sais qu’il ne sera pas facile de faire collaborer tous les ministères, que le ministère de l’agriculture s’estime jusqu’à présent « propriétaire » de cette thématique, mais il faut élargir ce sujet à d’autres dimensions, dont la dimension sanitaire, à mes yeux primordiale.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Avec les membres de la présente commission d’enquête, je suis particulièrement attachée au suivi de la mise en œuvre des propositions du rapport. J’ai cependant conscience que des propositions ou orientations ne pourront trouver leurs traductions qu’au terme de certains délais. Par exemple, les modifications relatives à des process industriels ne pourront, à l’évidence, intervenir qu’après des efforts d’adaptation. C’est pourquoi les choix de la commission d’enquête ont porté sur des mesures visant à atteindre progressivement des objectifs réalistes. Les propositions de la commission constituent ainsi une base de réflexion dont peuvent se saisir nombre d’acteurs parmi lesquels le Comité national de l’alimentation (CNA), le Groupe « Santé environnement » et encore le Comité national de la restauration collective récemment installé. Faut-il d’ailleurs rappeler que le CNA et le GSE sont présidés par deux de nos collègues députés, respectivement par Guillaume Garot et Élisabeth Toutut-Picard, également vice-présidente de la commission d’enquête ?

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Je ne peux plus reculer !

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Il convient de saluer leur implication sur les thèmes de la sécurité alimentaire, de la protection des consommateurs et plus généralement de la politique de santé publique.

Il est bien évident que ce rapport, très attendu, servira d’outil et permettra de compléter d’autres travaux, comme ceux du groupe d’études sur l’agroalimentaire dont M. Ramos parlait à l’instant, ainsi que ceux du GSE.

M. Julien Aubert. Serait-il possible d’ajouter une recommandation sur tout ce qui concerne la boulangerie artisanale et la boulangerie industrielle ? À la lecture du rapport, on s’aperçoit que les produits transformés ont des conséquences en termes de nutrition, d’apport de sel, de sucre. Si la réglementation distingue parfaitement la boulangerie artisanale, où le pain est fait sur place, et la boulangerie industrielle, elle reste très floue en ce qui concerne la pâtisserie. De ce fait, on peut acheter des pâtisseries dont on est persuadé qu’elles sont artisanales alors qu’elles sont industrielles, avec toutes les conséquences que cela entraîne sur la teneur en additifs. C’est un exemple concret de ce qu’on peut faire pour améliorer l’information du consommateur.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Les propositions de notre rapport visent la panification en général, autrement dit tous les pains. Nous préconisons de fixer la teneur en sel du pain, produit typiquement français, à 18 grammes par kilo de farine.

La pâtisserie industrielle entre dans le champ de tout ce qui concerne les produits industriels ou élaborés pour lesquels les seuils seront déterminés par catégories d’aliments : la charcuterie, les fromages, la pâtisserie, etc. On ne peut évidemment les traiter de la même façon.

Pour ce qui est de la charcuterie artisanale, on ne peut pas beaucoup y toucher dans la mesure où un produit bénéficiant d’une appellation d’origine protégée (AOP) est tenu de respecter une charte. Mais si on parvient à faire bouger les choses en ce qui concerne la teneur en sel sur tout ce qui est industriel, on aura fait un énorme pas.

Pour ce qui est du pain, je suis en relation avec la Confédération des boulangers et des pâtissiers ; nous leur demandons depuis longtemps de faire des efforts et ils en font déjà : la formation des nouveaux boulangers applique dès à présent la règle de 18 grammes de sel par kilo de farine. Notre proposition est donc tout à fait réalisable, même si les vieux boulangers ont tendance à conserver les vieux réflexes.

M. Julien Aubert. Ce que je me demande, c’est si un client entrant dans une boulangerie-pâtisserie sera en mesure de déterminer si le produit qu’on lui propose est d’origine artisanale ou industrielle. En d’autres termes, la mise en œuvre des propositions contenues dans le rapport – que je trouve au passage excellent, et je vous en félicite – sera-t-elle de nature à changer les choses au niveau de l’information du consommateur ?

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. L’information du consommateur, c’est toujours le hic… Ce qui me paraît important, c’est que le pâtissier qui revend des pâtisseries industrielles sache ce qu’elles contiennent et que, de son côté, l’industriel respecte scrupuleusement ses diagrammes de production, afin que les teneurs soient conformes à ce qu’il indique à ses clients – étant précisé que des vérifications sont effectuées par les organismes de contrôle au niveau de la production. Sous réserve de veiller à la transparence des rapports entre l’industriel et le pâtissier, une information complète est censée parvenir jusqu’au commerçant. C’est lors de la dernière étape, celle de la mise en vitrine des produits, que l’obligation de transparence est la plus difficile à garantir, car je ne suis pas sûre que le pâtissier puisse y afficher la composition exacte de chacun des produits qu’il vend…

M. Richard Ramos. Sans aller jusqu’à indiquer la composition de chaque produit, il faudrait au moins préciser, comme c’est déjà le cas pour le pain, si les pâtisseries vendues sont d’origine industrielle ou fabriquées sur place. Comme chacun le sait, la pression des consommateurs est le moyen de plus efficace de modifier les comportements.

M. le président Loïc Prud’homme. En son état actuel, le rapport ne prévoit rien sur la traçabilité et l’information du consommateur sur l’origine artisanale ou industrielle des produits.

M. Julien Aubert. C’est pourtant une information essentielle, car le consommateur qui sait qu’un produit est d’origine industrielle sera davantage enclin à se renseigner sur sa composition.

M. le président Loïc Prud’homme. Si je suis d’accord sur l’idée de tracer l’origine des produits, je ne suis pas persuadé que cela puisse avoir un impact significatif sur leur qualité, dans la mesure où une grande partie des produits préparés sur place, et notamment les pâtisseries, sont élaborés en y incorporant les mêmes additifs que ceux des produits industriels.

Mme Barbara Bessot Ballot. Je peux vous assurer que, de nos jours, les pâtissiers qui préparent eux-mêmes leurs produits sont très rares !

M. Julien Aubert. Il en reste quelques-uns qui savent encore ce qui entre dans la composition de leurs produits.

M. le président Loïc Prud’homme. Dans un autre registre, l’association Foodwatch a appelé notre attention sur la nécessité d’imposer une obligation de résultat en termes d’absence d’huiles minérales dans les emballages, ces huiles ayant tendance à migrer vers les aliments. Je vous soumets l’idée d’inclure cette proposition à notre rapport.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Parmi nos propositions figure celle consistant à interdire l’utilisation de dioxyde de titane dans les denrées alimentaires. On m’a fait remarquer hier que cette disposition était déjà prévue par le projet de loi EGALIM. Or il semble que ce ne soit pas le cas : le texte ne parle que de suspension, et non de suppression.

Mme Sandrine Le Feur. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation nous a indiqué, lors des débats sur la loi EGALIM, que des études complémentaires allaient être effectuées afin de déterminer si le dioxyde de titane est réellement toxique. En attendant le résultat de ces études, nous avons voté un amendement posant le principe de la suspension de l’utilisation de cette substance. Ce n’est pas tout à fait la même chose.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Je n’étais donc pas dans l’erreur, contrairement à ce qu’on m’a soutenu hier : il s’agit bel et bien d’une simple suspension. J’ai maintenu dans le rapport ma proposition de supprimer totalement l’utilisation du dioxyde de titan une fois l’étude réalisée, qui me paraît toujours justifiée.

Mme Anne Blanc. Pour ma part, j’aimerais revenir sur le volet « Éducation et formation » car c’est par l’éducation que nous parviendrons à modifier progressivement la perception et la compréhension de ce que nous avons dans nos assiettes. Pouvez-vous nous indiquer la teneur des échanges que vous avez eus avec le ministère de l’Éducation nationale afin de déterminer selon quelles modalités l’éducation à l’alimentation pourrait être intégrée de manière plus formelle dans les programmes éducatifs, de la petite enfance à la fin du parcours secondaire ?

M. le président Loïc Prud’homme. La taille, certes assez limitée, du paragraphe auquel vous faites référence, ne rend pas justice à la grande importance que nous attachons au volet « Éducation-formation ». Nous avons fait le constat d’une prise en compte très parcellaire, sans cohérence et sans respect de l’égalité territoriale, de cette préoccupation au sein des programmes scolaires. Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner de la faiblesse des résultats obtenus. Pour ce qui est de la Semaine du goût, j’irai jusqu’à dire que cette manifestation tourne parfois à la catastrophe absolue, quand des lobbies en profitent pour s’introduire dans l’école sous couvert de parrainage.

Pour améliorer la situation, nous proposons que l’éducation à l’alimentation entre véritablement dans les programmes – une véritable révolution du point de vue de l’Éducation nationale, qui freine des quatre fers ! Nous plaidons pour qu’une fraction du temps scolaire, peut-être au moment du déjeuner et de la pause méridienne, soit dédiée à l’éducation à l’alimentation, dès la maternelle et jusqu’au collège. Ce serait une énorme avancée.

Mme Blandine Brocard. En tant que mère de trois jeunes enfants, je suis bien placée pour savoir que l’intégration de l’éducation au bien manger dans l’enseignement scolaire dépend du bon vouloir des enseignants – et pour ce qui est de mettre à profit la pause méridienne, il faut savoir que ce temps de pause ne relève pas vraiment de l’Éducation nationale, mais des maires. Or, même quand ceux-ci sont convaincus de l’intérêt d’une telle démarche, ils font valoir, à juste titre, que les budgets limités dont ils disposent ne leur permettent pas de faire grand-chose. Bien évidemment, nous ne devons pas baisser les bras pour autant.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Je précise qu’outre l’éducation à l’alimentation proprement dire, d’autres aspects, à commencer par la lutte contre le gaspillage, peuvent entrer dans le champ pédagogique. Les réponses que nous a données la représentante de l’Éducation nationale nous ont donné l’impression que les différents responsables se renvoyaient la balle et que chacun faisait comme il voulait ; au bout du compte, pratiquement rien n’est fait pour le moment. Faire de l’éducation à l’alimentation un véritable objet d’enseignement scolaire représentera un réel bouleversement.

Mme Fannette Charvier. Je rappelle que c’est le Conseil supérieur des programmes, une instance indépendante, actuellement présidée par Souâd Ayada, qui est compétent pour définir les contenus en vigueur à l’école élémentaire et au collège.

Par ailleurs, le plan de lutte contre la pauvreté prévoit deux mesures en lien avec les préoccupations exprimées dans le rapport : premièrement, la création d’un fonds pour financer des petits-déjeuners dans les écoles prioritaires, qui constitue une façon de mettre l’accent sur la qualité de ce que mangent les enfants, ainsi que sur l’importance de manger le matin ; deuxièmement, l’incitation à mettre en place une tarification sociale dans les cantines – proposition que j’ai contribué à élaborer, et qui repose sur l’idée que le temps de midi peut être mis à profit pour une éducation à la nutrition et au bien manger, en favorisant la participation des enfants issus de familles défavorisées à ce temps d’éducation à la nutrition.

Ces deux mesures du plan de lutte contre la pauvreté peuvent faire écho aux propositions du rapport. Chacun sait que nous ne sommes pas égaux face à l’alimentation : plus une personne est défavorisée, plus elle a de risques d’être insuffisamment informée et de mal se nourrir.

M. le président Loïc Prud’homme. Le fait que le temps du déjeuner soit un temps d’éducation à l’alimentation est déjà inscrit dans les textes : il ne reste plus qu’à les appliquer.

Pour ce qui est des mesures relatives au petit-déjeuner, je suis assez réservé depuis que des associations ont appelé mon attention sur le fait que l’application de telles mesures pouvait être vécue négativement par les parents, qui se sentent parfois stigmatisés en ayant l’impression qu’on les considère incapables de fournir un petit-déjeuner à leur enfant : le fait que l’école se substitue à eux pour le faire les atteint dans leur parentalité. En revanche, je plaide pour que le repas du midi, qui a lieu à un moment où les enfants se trouvent déjà à l’école, soit l’occasion pour tous les enfants d’avoir accès, au moins une fois par jour ­ – si possible gratuitement, mais je sais que nous ne sommes pas tous d’accord sur ce point – à un repas équilibré et sain.

Mme Fannette Charvier. Effectivement, le principe de la gratuité du déjeuner n’est pas celui que nous avons retenu.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Le rapport contient une proposition visant à rendre obligatoire la mise en place d’une commission des menus, au sein de laquelle seraient associés les responsables des établissements scolaires et les parents. En théorie, cela existe déjà, mais toutes les cantines ne se valent pas : si certaines proposent une nourriture de qualité, parfois même bio, ce n’est pas le cas partout. La mise en place obligatoire d’une commission des menus contribuerait à réduire les inégalités.

M. Richard Ramos. Ne perdons effectivement pas de vue le fait que l’organisation du temps méridien relève de la responsabilité des municipalités. Alors que l’éducation est un domaine où l’application du principe d’égalité sur l’ensemble du territoire revêt une importance particulière, nous avons pu constater que les responsables de l’Éducation nationale s’étaient soigneusement tenus éloignés des discussions relatives à la loi EGALIM. Ayant édité, durant dix-sept ans, une publication destinée à apprendre aux enfants à bien se nourrir, Feuille de Chou, je suis convaincu que l’éducation à l’alimentation doit absolument être intégrée aux programmes scolaires.

La superficie des cantines nécessitant généralement d’assurer plusieurs services consécutifs pour que tous les enfants prennent leur repas, il s’ensuit que le temps consacré à ce repas est très court – d’autant qu’ils ont également besoin de cette pause pour aller jouer, tout simplement. Attention à ne pas inventer des temps éducatifs qui n’en sont pas. L’alimentation doit faire partie des enseignements scolaires, donc relever aussi de la responsabilité de l’Éducation nationale : or, je peux vous assurer que ses responsables ne veulent pas en entendre parler !

M. le président Loïc Prud’homme. Sur ce point, nous sommes bien d’accord !

M. Richard Ramos. Rappelons également, même si ce n’est pas politiquement correct, que souvent ce sont les enfants qui éduquent les parents ! Cela a été le cas avec le tri des ordures ménagères : alors que nous faisions souvent n’importe quoi il y a une dizaine d’années, nos enfants nous ont enseigné les bonnes pratiques qu’ils avaient eux-mêmes apprises à l’école. Il pourrait en aller de même en matière d’alimentation, pour peu que la formation aux bonnes pratiques fasse partie des programmes scolaires : pour cela, nous devons absolument exercer une pression bien ciblée sur l’Éducation nationale, afin qu’elle assume ses responsabilités.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Pour en revenir à la pâtisserie, que nous avons évoquée tout à l’heure, on pourrait envisager d’instaurer une obligation d’information du consommateur quant à l’origine, artisanale ou industrielle, des produits.

Mme Barbara Bessot Ballot. Cependant, toute la question est de savoir en quoi consisterait exactement l’obligation – en l’occurrence, quels sont les critères à retenir pour qu’un produit puisse être réputé avoir été produit de façon artisanale.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. La question s’est également posée pour le pain, auquel le mensuel Que choisir ? a récemment consacré un article.

Mme Barbara Bessot Ballot. Dans ce domaine, il faut s’attendre à une forte mobilisation de nombreux lobbies. Il suffit de voir le nombre de camions qui partent sans cesse de chez Metro ou Davigel pour aller approvisionner les boulangers et les pâtissiers, en ville comme à la campagne… Je peux vous assurer que ce ne sont pas les clients qui manquent ! De plus en plus, les artisans se comportent comme des assembleurs qui, pour des raisons de coût et de temps, préfèrent acheter tout faits leurs fonds de tarte et leurs ganaches – c’est un réel problème, qui concerne d’ailleurs l’ensemble des métiers de bouche. Dans ces conditions, il me paraît très compliqué d’établir une distinction entre un produit artisanal et un produit industriel.

M. Richard Ramos. Il y a quelques années, il existait un lien entre le producteur et le consommateur, entre lesquels la grande distribution est venue s’interposer. Si on indique qu’un produit est « fabriqué sur place », cela signifie tout de même qu’en tant que consommateur, j’ai en face de moi la personne qui a participé à l’élaboration du produit que j’achète, à laquelle je vais pouvoir poser des questions. À mon sens, une telle mention aurait donc son utilité.

M. le président Loïc Prud’homme. Je suis tout à fait d’accord sur la nécessité de rétablir un lien de cette nature entre le producteur et le consommateur. À ce sujet, les projets alimentaires territoriaux (PAT), que nous proposons de soutenir et d’accompagner – à titre personnel, j’aurais souhaité aller plus loin dans ce domaine que ne l’a décidé Mme la rapporteure –, permettent de renforcer le lien et la proximité entre les producteurs locaux et les acteurs locaux de l’alimentation, notamment ceux de la restauration collective. Si l’échelle locale est la plus efficace, grâce au dialogue que permet la proximité, les pouvoirs publics, notamment le Gouvernement, doivent doter les PAT de moyens suffisants pour amorcer leur dynamique, en leur attribuant des fonds dédiés : aujourd’hui, la mise en place de ces projets est trop peu soutenue financièrement et, de ce fait, encore disparate.

La perte de lien entre la production et l’alimentation pose également problème chez les enfants – pour une bonne partie d’entre eux, la nourriture pousse sur les rayons des supermarchés ! C’est là un phénomène préoccupant contre lequel la mesure proposée permettrait également de lutter.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Pour ce qui est des projets alimentaires territoriaux, c’est le problème du financement qui nous a empêchés de leur donner toute l’ampleur que nous souhaitions. On pouvait imaginer un financement provenant de la politique agricole commune (PAC), mais cela n’est pas possible, dans la mesure où les projets alimentaires territoriaux n’existent qu’en France… C’est donc sans doute plutôt au niveau régional qu’il faudrait rechercher des solutions – étant précisé que les PAT ne constituent évidemment pas la seule solution pour recréer du lien.

Mme Sandrine Josso. Certaines professions me paraissent pouvoir concourir à l’éducation alimentaire, éventuellement par le biais de l’Éducation nationale. Je pense, par exemple, aux diététiciens, mais aussi aux infirmiers.

M. Richard Ramos. Quand la restauration scolaire fait l’objet d’une concession par la commune, le diététicien est souvent un salarié du groupe chargé de livrer ces « bons » repas… Il se retrouve de fait tout à la fois juge et partie. Afin d’éviter cela, il faudrait que les cahiers des charges prévoient une externalisation du poste de diététicien.

Mme Barbara Bessot Ballot. C’est exactement le même problème que dans le secteur des céréales, où l’on oblige à distinguer les activités de conseil et de vente des intrants.

M. le président Loïc Prud’homme. Pour en revenir aux PAT, on peut imaginer que les régions chargées de les piloter puissent recourir à une équipe de nutritionnistes et de diététiciens qui se rendraient sur place pour aider à la mise en place des projets.

M. Richard Ramos. Et cela ne coûtera pas plus cher.

M. le président Loïc Prud’homme. En effet, puisque cela permettrait de mutualiser les moyens.

Cela rejoint notre proposition de réactualiser les recommandations du Groupe d’étude des marchés de restauration collective et de nutrition (GEMRCN), qui constituent un guide permettant aux acheteurs, dans le secteur de la restauration collective, d’être mieux informés sur divers thèmes, notamment les portions et grammages, les teneurs en sel, sucres et gras, et l’intérêt de privilégier les protéines d’origine végétale : autant de recommandations très utiles, mais malheureusement tombées aux oubliettes depuis 2015.

Mme Sandrine Le Feur. L’idée de recourir à une équipe de nutritionnistes et de diététiciens au niveau régional est intéressante, mais certaines régions me paraissent trop grandes pour pouvoir gérer un PAT de manière satisfaisante – je précise que ce n’est pas le cas en Bretagne, où tout fonctionne très bien grâce aux bonnes relations entre les départements et la région. Nous avions longuement réfléchi, dans le cadre des débats sur le projet de loi EGALIM, sur le point de savoir si la gestion des PAT devait être confiée aux régions et nous avons finalement jugé plus prudent de laisser le libre choix de gestion des PAT aux collectivités afin de tenir compte des particularités locales : ce qui convient à certains endroits n’est pas adapté à d’autres.

M. le président Loïc Prud’homme. C’est l’idée même d’une gestion territoriale des PAT qui nous semble intéressante et, pour ce qui est de savoir quel est le niveau le plus pertinent, nous ne sommes pas fixés : il n’est pas impossible que ce soit le département.

Mme Nathalie Sarles. Chez moi, ce sont deux intercommunalités qui gèrent le PAT.

M. le président Loïc Prud’homme. Il faut en fait distinguer deux questions : d’une part, celle de l’échelle de déploiement du projet alimentaire territorial, d’autre part, celle de l’emplacement de la structure chargée de superviser les différents PAT et la mise à leur disposition de moyens mutualisés.

Un PAT peut parfaitement être pertinent à l’échelle d’une commune de 3 000 habitants ; en zone rurale, il peut être géré par une intercommunalité, voire deux si elles sont petites. Dans tous les cas, il est essentiel que les PAT puissent compter sur une structure qui les chapeaute et les soutient.

M. Hubert Julien-Laferrière. Je reviens sur la lutte contre les inégalités sociales et le lien avec le plan pauvreté. Il fut un temps, pas si lointain, où la malnutrition était considérée comme un phénomène lié à la pauvreté dans les pays en voie de développement ; on ne se sentait pas concerné. Certes, lorsqu’on achète chez Biocoop, c’est plus cher que chez Lidl ; mais il est possible de manger bien sans pour autant grever son budget. Peut-on évaluer le surcoût que représente une alimentation saine par rapport à une alimentation industrielle de mauvaise qualité ? La question se pose, même si vous proposez des mesures visant à améliorer l’éducation et l’information pour que la qualité ne soit pas nécessairement synonyme de surcoût.

M. le président Loïc Prud’homme. Personne ne peut dire si une nourriture saine coûte 10 %, 20 % ou 30 % de plus qu’une alimentation plutôt bas de gamme : c’est très variable car cela dépend, par exemple, du temps et des ressources locales disponibles. En revanche, on sait parfaitement que le prix des aliments de mauvaise qualité, tel qu’on le paie à la caisse, n’incorpore pas toutes les externalités négatives qui nous retombent sur le bec, notamment en coût de soins médicaux.

Mme Barbara Bessot Ballot. Certaines études montrent que, même si une alimentation de qualité peut coûter un peu cher lors du passage en caisse, le consommateur y gagne à la fin de l’année dans la mesure où l’on mange moins : la satiété arrive plus rapidement lorsque l’on mange des produits plus riches en fibres et en nutriments. Certes, c’est une habitude à prendre : l’effet n’est pas immédiatement visible. Mais il est établi que cela ne coûte pas plus cher de se nourrir correctement.

Mme Fannette Charvier. Pour renchérir sur les propos de ma collègue, je citerais l’exemple de la commune de Mouans-Sartoux, dans les Alpes-Maritimes, dont la cantine scolaire est 100 % bio, mais elle a su limiter les coûts en luttant contre le gaspillage. Pour prendre la mesure du gaspillage, il suffit de reprendre les chiffres de l’ADEME : on jette trente kilos de nourriture par an et par habitant, dont sept kilos de produits encore emballés… Il faut apprendre à mieux acheter pour moins jeter.

M. le président Loïc Prud’homme. Lors de son audition, le chercheur Anthony Fardet avait insisté sur le fait que la satiété n’arrive pas – ou très tard – lorsque l’on consomme des produits ultra-transformés. Avec ce genre de produits, on a faim une heure après même si on a avalé 3 000 calories !

Mme Anne Blanc. Cela repose les questions d’éducation et de pédagogie. Les moyens que l’on se donne pour bien manger dépendent aussi du temps accordé à la préparation des repas et au lien familial. Pourquoi les gens achètent-ils des produits transformés ? Parce qu’ils peuvent les balancer dans leur four à micro-ondes et les ressortir deux minutes plus tard. Ils ne sont pas prêts à investir du temps dans la préparation de leur repas.

Mme Michèle Crouzet, rapporteur. Je suis d’accord, mais il faut tenir compte du fait que les modes de vie ont changé. Il faut aussi que les industriels nous proposent des produits de meilleure qualité.

Mme Barbara Bessot Ballot. Pourquoi les industriels ne proposent-ils pas plus de produits non transformés ? En ce moment, le raisin muscat est excellent. Comment se fait-il que l’on n’en trouve même pas à l’Assemblée nationale, hormis peut-être à la buvette ? Pourquoi ne pas mener une expérience ici même, en proposant de bons produits pendant un an ou deux, et observer les résultats ? Je suis persuadée de l’efficacité des expériences pratiques, terre à terre. Que ce soit à la résidence ou au restaurant du huitième étage, il n’y a pas de produits frais au petit-déjeuner. Il y en a un peu à la buvette. Les industriels veulent que leurs produits se gardent, qu’ils aient une date limite d’utilisation optimale (DLUO) plus longue. De ce fait, ils proposent très peu de produits basiques.

Mme Nathalie Sarles. Il faut voir cela avec le nouveau président de l’Assemblée nationale !

Mme Michèle Crouzet, rapporteur. Je crois qu’il s’est déjà intéressé à cette problématique. Nous allons l’aider à aller plus loin.

Mme Barbara Bessot Ballot. Il n’y a jamais de pain complet, de pain de seigle ou encore de pain noir. L’impression de satiété n’est pas du tout la même avec le pain blanc.

Mme Michèle Crouzet, rapporteur. Une étude de l’UFC-Que Choisir, dont nous faisons état, tend pourtant à montrer que le coût d’une alimentation saine est plus élevé. De mémoire, il était indiqué que le surcoût à l’achat pouvait aller jusqu’à 70 % sur certains produits. Cela étant, les groupes de la grande distribution sont en partie responsables de cette différence, en raison des marges supérieures – de quelque 40 % – qu’ils s’octroient sur ce genre de produits.

Mme Fannette Charvier. Les prix sont sans doute plus élevés dans les magasins bio, mais il existe d’autres modes d’approvisionnement. Je pense à un maraîcher bio de ma circonscription qui fait de la vente directe le samedi matin. Il s’est rendu compte qu’il ne fixait peut-être pas bien ses prix : dans certains cas, ils étaient même inférieurs à ceux pratiqués dans la grande distribution pour des produits non bio importés d’Espagne ou d’ailleurs. Le coût d’une alimentation saine peut être plus élevé si nous gardons notre habitude d’aller faire nos achats en magasin – ce qui est pratique – mais on peut en limiter l’impact financier si nous cherchons dans les autres circuits d’approvisionnement.

M. le président Loïc Prud’homme. La part de la valeur captée par la grande distribution et les industries de l’agroalimentaire au cours des quarante dernières années est énorme : la marge des industriels a augmenté de 50 % et celle des grands distributeurs de 100 %. Dans le même temps, les agriculteurs ont plongé – ce n’est pas Sandrine Le Feur qui me démentira. Je pense qu’elle serait d’accord pour fournir des produits à l’Assemblée nationale en circuit court. (Sourires.) Il faut mener une réflexion globale : tout est intimement lié, la valeur s’est déplacée, notre mode de vie a changé. J’aimerais beaucoup que nous arrivions à repenser l’organisation de notre société, y compris la répartition du temps entre le lieu de travail et le domicile – notamment pour y préparer des repas corrects –, et le niveau de revenu des plus précaires. C’est tout un projet de société.

Mme Sandrine Le Feur. En tant qu’agricultrice, j’ai aussi un magasin de producteur où viennent s’approvisionner des familles. Mes légumes bio sont souvent moins chers que des légumes conventionnels vendus par les grandes surfaces. Certains produits, comme le chou, sont faciles à produire en bio : c’est mécanisé, on ne perd pas de temps, ils ne sont pas plus chers. Mais les carottes, par exemple, exigent beaucoup plus de temps car il faut désherber à la main ; elles seront donc un peu plus chères. Mais globalement, le panier en bio n’est pas plus cher que celui des légumes conventionnels. En plus, quand je vois des familles en difficulté, je leur donne des légumes qui ne sont pas vendables : on peut faire plein de choses pour être plus solidaire. Il faut expliquer aux consommateurs que les magasins de producteur ne sont pas une mode : ce sont des lieux où la relation humaine n’est pas la même qu’au supermarché. Et au final, on s’y retrouve.

Mme Michèle Crouzet, rapporteur. Comme Richard Ramos le soulignait, il faut mettre en avant la relation de proximité avec le producteur. Plus elle se développera, plus les consommateurs se désintéresseront des magasins de la grande distribution qui, en France, ont un poids plus élevé que partout ailleurs dans le monde. Nous sommes les « champions » dans ce domaine, et il n’y a pas à en tirer de cocoricos, car ce développement s’est fait au détriment de tout le reste.

M. le président Loïc Prud’homme. Il nous reste maintenant à passer à la partie plus formelle de notre réunion : l’adoption des propositions et l’autorisation de la publication du rapport. Madame la rapporteure, pouvez-vous nous rappeler les dernières modifications ou précisions que vous allez y apporter.

Mme Michèle Crouzet, rapporteur. Nous allons rajouter à nos propositions l’interdiction des huiles minérales dans les emballages.

Pour ce qui est de la pâtisserie, nous préconiserons d’instaurer une obligation d’information du consommateur : fabrication artisanale sur place ou origine industrielle, afin que le consommateur ait au moins connaissance de la façon de travailler du commerçant. C’est déjà le cas pour le pain : l’appellation « boulanger » est déjà très restrictive et ne peut être utilisée dans des lieux qui ne sont que des centrales de cuisson.

Mme Barbara Bessot Ballot. … Des points de chauffe.

Mme Michèle Crouzet, rapporteur. Dans mon rapport, j’ai également insisté sur la nécessaire transparence des produits vendus entre intermédiaires : un industriel doit connaître la composition exacte des produits pré-transformés qu’il va utiliser.

Devons-nous aborder le sujet de l’indépendance des nutritionnistes alors que nous traitons d’alimentation industrielle ?

M. le président Loïc Prud’homme. Nous pouvons l’aborder dans le cadre des PAT en disant que ceux-ci auraient vocation à offrir un service mutualisé de conseil en nutrition dans les territoires.

Mme Michèle Crouzet, rapporteur. Le GEMRCN fournit déjà des informations, avec le concours de nutritionnistes. J’y fais référence dans le volet consacré à la restauration collective. Le GEMRCN semble appelé à disparaître puisqu’il va être intégré dans le Comité national de la restauration collective, mais ses recommandations restent un excellent outil, qui ne doit pas être perdu.

M. le président Loïc Prud’homme. Le quatrième Programme national de nutrition santé (PNNS4) devrait s’imposer à tous les nutritionnistes qu’ils travaillent dans le secteur public ou le secteur privé. Ne peut-on pas écrire que le PNNS doit s’imposer, qu’il doit être opposable ?

Mme Michèle Crouzet, rapporteur. Ce n’est pas rédigé.

M. le président Loïc Prud’homme. Il me semble l’avoir écrit dans mon propos liminaire.

Mme Michèle Crouzet, rapporteur. Il nous faut trouver une formule qui reste conforme au rapport.

M. le président Loïc Prud’homme. Nous pourrions préciser que les PAT ont vocation à fournir un service mutualisé de conseil nutritionnel aux collectivités publiques comme aux entreprises privées.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Ou bien, dans la partie finale du rapport consacrée au suivi de nos propositions, nous pourrions prévoir que le PNNS s’impose à tous les nutritionnistes.

M. le président Loïc Prud’homme. Je préférerais rester au niveau des PAT.

Mme Nathalie Sarles. …C’est plus fédérateur.


M. le président Loïc Prud’homme. Les PAT pourraient offrir un service mutualisé de nutritionnistes chargés de vérifier la conformité au PNNS. Même s’il n’est malheureusement pas appliqué, le PNNS demeure la référence nationale la plus avancée pour nous guider sur la voie du mieux manger. Qu’en pensez-vous, madame la rapporteure ?

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. J’en suis d’accord. Il faut juste que nous trouvions la bonne formulation.

M. le président Loïc Prud’homme. Il ne reste plus qu’à passer au vote et à vous remercier toutes et tous de votre soutien précieux.

La commission d’enquête approuve les propositions et adopte, à l’unanimité, le rapport.

 

La séance est levée à onze heures trente.

 

————


Membres présents ou excusés

Commission d’enquête sur l’alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l’émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

 

Réunion du mercredi 26 septembre 2018 à 10 h 15

 

Présents. - M. Julien Aubert, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, Mme Blandine Brocard, Mme Fannette Charvier, Mme Michèle Crouzet, Mme Sandrine Josso, M. Hubert Julien-Laferriere, Mme Sandrine Le Feur, Mme Zivka Park, M. Loïc Prud'homme, M. Richard Ramos, Mme Nathalie Sarles, Mme Élisabeth Toutut-Picard

 

Excusé. - Mme Bérengère Poletti