Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

– Audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, sur la rentrée scolaire 2

– Présences en réunion.................................37

 


Mardi
2 octobre 2018

Séance de 16 heures 40

Compte rendu n° 2

session ordinaire de 2018-2019

Présidence de
M. Bruno Studer,
Président
 


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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE LÉDUCATION

Mardi 2 octobre 2018

La séance est ouverte à seize heures quarante.

(Présidence de M. Bruno Studer, président de la Commission)

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La Commission procède à l’audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, sur la rentrée scolaire.

 

M. le président Bruno Studer. Mes chers collègues, permettez-moi de vous renouveler mes remerciements à la suite de ma réélection, hier, en tant que président, et de souhaiter la bienvenue à M. Bertrand Bouyx et M. Michel Zumkeller qui rejoignent notre commission.

Je suis heureux d’accueillir en votre nom M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, pour échanger avec lui sur la deuxième rentrée scolaire de ce quinquennat.

Pour ma part, monsieur le ministre, je vous poserai deux questions et vous ferai part du retour d’une expérience profondément marquante.

Ma première question concerne la carte scolaire. Un certain nombre de communes souhaitent être rassurées sur la pérennité du dédoublement des classes de CP et CE1 en réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+) et en réseaux d’éducation prioritaire (REP).

Ma seconde question a trait à la scolarisation, ou du moins l’instruction obligatoire dès l’âge de trois ans. En Alsace, certaines collectivités se demandent comment concilier les jardins d’enfants, héritage de notre riche passé, et l’ambition que vous porterez l’année prochaine à travers un projet de loi que vous avez déjà annoncé.

Avec M. Juanico, député du groupe Socialistes et apparentés, nous nous sommes rendus il y a quinze jours à Mayotte et à la Réunion pour la rentrée scolaire. Si la situation de la Réunion nous a semblé globalement satisfaisante, celle de Mayotte, confrontée à une crise migratoire et sociale majeure, nous a paru extrêmement tendue et complexe à gérer pour les collectivités territoriales malgré un soutien incontestable de l’État. Je sais, monsieur le ministre, que vous vous êtes également rendu à Mayotte lors de cette rentrée, et j’aimerais que vous nous fassiez part de vos orientations et priorités pour ce département où 50 % de la population a moins de quinze ans.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le président, je vous félicite pour votre réélection et je me réjouis du bon travail qui existe entre cette commission et mon ministère. Bien entendu, je ferai tout mon possible pour que cela continue ainsi, de façon à répondre à vos questions et à servir l’intérêt général en lien avec vous.

Je suis très heureux de pouvoir faire le point devant vous, un mois après la rentrée scolaire. Cette rentrée s’est bien déroulée : cela fait plusieurs années maintenant qu’en France les rentrées sont « réussies techniquement », pour employer une formule classique. Cela ne signifie pas que je prétende avoir fait un travail particulièrement réussi, mais que ce ministère, par son agilité, sa technicité, parvient de plus en plus à être fin dans son approche de ce qu’on appelle une réussite technique, c’est-à-dire à faire en sorte que les professeurs soient bien présents, au bon endroit et de la bonne façon. Nous nous améliorons d’année en année, et c’est aussi mon rôle que d’en finir avec certains clichés qui perdurent à propos du ministère de l’éducation nationale. J’ai la prétention et la fierté de dire que cette maison est tout à la fois grande et agile, et que les deux ne sont pas incompatibles, bien au contraire.

C’est ainsi que des mesures ont pu être prises rapidement l’année dernière grâce au professionnalisme des personnels de l’éducation nationale : je pense à la nomination du deuxième professeur principal, en octobre-novembre de l’année dernière, dans des délais extrêmement brefs, pour accompagner la mesure Parcoursup et préparer les réussites qui s’imposaient ; de même pour le dédoublement des classes de CP et de CE1 qui s’est fait entre les mois de juin et de septembre 2017 ou qui a été réalisé cette rentrée. La maison Éducation nationale fait preuve d’un professionnalisme que je souhaitais souligner à cette occasion.

Je pense pouvoir dire que cette rentrée est réussie aussi sous l’angle du climat, tout simplement parce que tout le monde était au bon endroit, le bon jour – à quelques exceptions près naturellement, auxquelles il faut sans cesse être attentif pour améliorer le système – et que chacun s’est inscrit dans les priorités de cette rentrée et en a compris le sens. C’est évidemment mon rôle que de partager avec vous, et au travers de vous avec la société française, la cohérence d’ensemble qui caractérise les mesures de rentrée et les évolutions qui se produisent.

Si je devais résumer en deux formules cette « école de la confiance » dont je vous parle à chaque fois, je dirais que l’élévation du niveau général et la justice sociale vont de pair. Ce sont les deux faces d’une même médaille : nous parviendrons à l’élévation du niveau général par la justice sociale et nous assurerons le renforcement de la justice sociale par l’élévation du niveau général.

Lors de la rentrée 2017, pour tenir compte des difficultés qui existent à l’école primaire, constatables à la sortie de celle-ci, nous avions posé le cadre d’une nécessaire transformation. La mesure la plus emblématique et la plus profonde en a été le dédoublement des classes de CP et CE1. En cette rentrée, nous dédoublons deux fois plus de classes que l’année dernière, puisque nous sommes passés de 60 000 élèves concernés par la mesure en septembre 2017 à 190 000 élèves pour la rentrée 2018. Notre objectif est de parvenir à 300 000 élèves à la rentrée 2019. 300 000 élèves, cela fait 150 000 par génération, soit environ 20 % d’une génération, ce qui est quantitativement très significatif.

De très nombreux élèves et leurs familles sont concernés par cette mesure, avec des effets en chaîne considérables. Un premier effet, de nature pédagogique, commence à être constatable, même si les premières études scientifiques robustes seront prêtes dans un mois et demi à deux mois. Les premiers retours de terrain – je visite beaucoup d’écoles, et je sais que vous êtes nombreux à faire de même – sont bons sur le plan pédagogique. On voit que, dans les classes de CE1 qui ont bénéficié de la mesure en CP l’année dernière, la quasi-totalité des élèves sont lecteurs là où les années précédentes ils étaient parfois moitié moins nombreux. Les progrès pédagogiques sont donc tangibles, même si cela reste à confirmer.

Le progrès est également visible sur le plan psychologique : les publics concernés se sentent davantage considérés dans ce qu’ils ont de plus cher, c’est-à-dire leurs propres enfants. Cela se sent dans le dialogue avec les parents d’élèves. On constate aussi un peu plus de mixité sociale dans ces écoles qui ne sont pas du tout fuies par les parents, mais plutôt recherchées.

Bref, on doit se réjouir des effets induits par le dédoublement des classes de CP et CE1 dont l’objectif est l’élévation du niveau général par l’amélioration de la justice sociale. Je rappelle qu’entre les écoles en REP et REP +, qui représentent environ 20 %, et les autres écoles, il y a un écart mesurable très important dans la maîtrise des savoirs fondamentaux ; c’est cet écart que nous voulons non seulement réduire, mais éliminer. Si nous y parvenons, ce sera évidemment une réussite pour la France, à court et moyen termes, et encore plus à long terme. C’est donc un enjeu d’intérêt général qui, me semble-t-il, fait consensus sur le terrain et dans la classe politique, ce dont on doit se réjouir.

Mais cette mesure, qui est à la pointe d’un volontarisme pédagogique et éducatif, doit être accompagnée d’une politique de ressources humaines : il ne suffit pas de dédoubler des classes, encore faut-il veiller à ce qu’il y ait des professeurs chevronnés dans tous les CP de France et s’assurer qu’ils utilisent des méthodes pédagogiques efficaces. Or, on le voit, les classes de CP à 12 élèves contribuent à l’évolution des pratiques pédagogiques, notamment en petits groupes, et à la prise en compte par les professeurs d’un certain nombre de recommandations que j’ai pu faire l’année dernière, à l’issue d’un travail collectif très poussé, réalisé notamment par le Conseil scientifique de l’éducation nationale qui réunit des spécialistes de différentes disciplines sur ce qui s’écrit, se pense et s’expérimente de mieux en France et dans le monde en matière d’apprentissage de la langue maternelle et des mathématiques.

Cela va de pair avec la clarification des programmes : nous ne les avons pas changés, mais nous les avons faits évoluer afin de les clarifier. Nous sommes sur le point de publier des repères annuels clairs pour tous les professeurs ; une stratégie spécifique pour le français va être déployée, comme il y en a désormais une pour les mathématiques, dans la lignée du rapport Villani‑Torossian, qui se traduit notamment par un très grand volontarisme en matière de formation continue. Concrètement, des sessions sont organisées en région pour donner aux acteurs éducatifs toute une série de ressources. Cela crée de l’enthousiasme, je le vois à ce qui me remonte du terrain, et vous-même, je l’espère, pouvez le constater. Cela doit tous nous mobiliser car c’est l’avenir de notre pays qui se joue.

Cette rentrée a également vu la mise en place d’évaluations en début d’année en CP, CE1, en sixième et en seconde. Sur ce sujet aussi, je tiens à exprimer ma reconnaissance envers les professeurs des écoles de France. Ces évaluations, qui se sont achevées vendredi dernier, ont été conçues par le Conseil scientifique de l’éducation nationale et les services du ministère, en reprenant ce qui se faisait de mieux dans le domaine : le but est d’avoir un portrait de l’élève, avec ses forces et ses faiblesses, afin que l’aide personnalisée puisse se faire en connaissance de cause tout au long de l’année. C’est une évolution très importante qui permet d’avoir une analyse du spectre complet de ce qui forme les atouts d’un enfant au moment où il entre au CP ou au CE1. Si ces atouts ne sont pas là ou s’ils sont fragiles, c’est le moment d’agir. C’est aussi une façon de garantir que 100 % des classes de France ont 100 % des points de repère vis-à-vis de 100 % des enfants. Si nous avons appelé ces mesures « 100 % de réussite en CP », c’est parce que c’est la réussite de tous qui est visée : on retrouve, là encore, le double objectif d’élévation du niveau général et de renforcement de la justice sociale.

Certes, si nous nous contentions d’une forme de laisser-aller, nous rencontrerions moins de problèmes, à ceci près que ceux qui sont laissés au bord du chemin sont pour l’essentiel issus des classes sociales défavorisées. C’est donc clairement une politique sociale que je revendique et que j’assume pleinement face à tous les discours sur les difficultés sociales dans notre pays et sur l’éventuelle impuissance ou l’inactivité publique face à ces enjeux. Je suis prêt, bien évidemment, à répondre à toutes les questions qui pourraient m’être posées sur ce point.

La priorité donnée à l’école primaire et aux savoirs fondamentaux s’accompagne d’une offre enrichie d’enseignement au collège, notamment avec le déploiement du dispositif « devoirs faits ». J’étais ce matin à Nancy, dans un collège classé en réseau d’éducation prioritaire, où le dispositif « devoirs faits » a été encore renforcé cette année de manière assez significative. Désormais, 25 % des élèves environ sont concernés par ce dispositif qui repose sur le volontariat et qui a permis d’instaurer un nouveau type de relations entre les professeurs et les élèves, et entre les professeurs et les parents. Là encore, avec le dispositif « devoirs faits », on retrouve le diptyque élévation du niveau général et justice sociale : on ne supprime pas les devoirs au motif que tout le monde sera ainsi à égalité, on ne laisse pas faire les choses, mais on fait les devoirs au collège. C’est un progrès social, un progrès pédagogique et presque un progrès psychologique car il est souhaitable que les enfants de cet âge puissent rentrer chez eux autant que possible la conscience tranquille.

Nous poursuivons également une politique linguistique : 67 % des collèges proposent au moins une classe bilangue, contre 47 % à la rentrée 2016, 30 % proposent une section bilangue – elles ont été pratiquement rétablies partout où elles avaient été supprimées –, plus de 90 % proposent du latin ou du grec, dont 33 % à raison d’un volume horaire supérieur à cinq heures. Il convient de progresser sur ce dernier point, certains considérant que nous n’avons pas récupéré le chemin perdu dans la mesure où sept heures étaient consacrés auparavant à l’enseignement du latin ou du grec ; c’est rentrée après rentrée que nous y parviendrons.

Je me suis exprimé publiquement sur les langues anciennes le week-end dernier, et je profite de cette audition pour préciser ma pensée sur ce point. Les langues anciennes ne sont pas un sujet marginal dans le système scolaire ; au contraire, elles y jouent un rôle très important. C’est d’abord un enjeu de civilisation : nos élèves ont besoin de comprendre d’où ils viennent et d’où vient notre langue. Or les soubassements de notre langue, c’est d’abord et avant tout le latin et le grec. Il n’y a rien de désuet dans cet enseignement, et j’observe même que les professeurs de langues anciennes sont souvent les plus dynamiques sur le plan pédagogique. Je serai donc toujours le porte-parole du latin et du grec, parce que c’est avec ces langues que se joue quelque chose de fondamental, individuellement, collectivement, pédagogiquement et, si je puis dire, sociétalement.

Il y a aussi un enjeu de justice sociale : outre qu’ils ne sont pas désuets, le latin et le grec ne sont pas élitistes. C’est dans les parties du territoire les plus défavorisées que nous serons les plus volontaristes pour favoriser leur implantation, précisément lorsqu’il y a des enjeux d’intégration pour des enfants issus de l’immigration, afin de leur faire partager cet héritage dû à tous les enfants de la République. Nous allons donc développer l’enseignement du latin et du grec avec une pédagogie renouvelée, qui installe une confiance vis-à-vis des professeurs de lettres concernés par cette mesure, qui doivent se sentir soutenus.

Toute personne qui serait tentée de décrire cette démarche comme un combat d’arrière-garde se trompe fortement. Face à la civilisation ultra-technologique dans laquelle nous entrons, il est d’autant plus important de développer les humanités classiques et totalement absurde de les opposer aux humanités numériques. Sur le plan pédagogique, il n’y a aucune contradiction à affirmer l’un et l’autre. Ce sont des enjeux de raisonnement logique et de culture, et ce sont précisément les deux points que nous devons mettre au soubassement de l’enseignement que nous donnons aux enfants de la République.

Cette rentrée est également l’occasion de transformations importantes au lycée, qui ne sont cependant que le premier signal de transformations encore plus importantes pour la rentrée 2019. Elle nous donne donc en quelque sorte un avant-goût du changement majeur qui va survenir dans un an.

Un test de positionnement, qui a eu lieu au début de la seconde de façon totalement informatisée, nous permet d’avoir un portrait du niveau de nos élèves et de déclencher une aide personnalisée en français et en mathématiques : on constate malheureusement que certains élèves qui entrent en classe de seconde ont encore trop de fragilités en ce qui concerne les savoirs fondamentaux.

Lors de cette rentrée, plus de 40,5 % d’élèves ont formulé comme premier vœu d’entrer en apprentissage, et ils étaient 5 % de plus à souhaiter aller dans l’enseignement professionnel. C’est un signal extrêmement fort, dû principalement au fait que l’on ne juge désormais plus les collèges de France sur le pourcentage d’élèves qui vont poursuivre leurs études dans une filière générale, technologique, professionnelle ou en apprentissage : seul compte désormais l’intérêt de l’élève. Cette simple mesure a eu un impact très important en mettant fin à une forme de schizophrénie de notre institution qui dans un même temps affirmait que l’enseignement professionnel était d’égale dignité avec les autres, mais jugeait négativement les établissements qui envoyaient des élèves dans cette filière.

C’est aussi un signal de confiance adressé à l’enseignement professionnel, qui va de pair avec la réforme de celui-ci, appelée à se déployer au cours des prochaines années et assise sur le triptyque « effet campus », « effet réseau » et « effet de thématiques d’avenir » : le numérique et la transition écologique notamment doivent habiter en quelque sorte les lycées professionnels. Son évolution pédagogique s’inscrit désormais dans la lignée du rapport Calvez-Marcon, avec en particulier des secondes organisées par familles professionnelles, et des terminales organisées pour tenir compte des souhaits d’avenir des élèves, ce qui garantit une meilleure personnalisation des parcours.

Cette rentrée voit aussi l’orientation évoluer au lycée : cinquante-quatre heures sont proposées à tous les élèves en classe de seconde, ce qui est aussi un premier signal du lien renforcé entre l’État et les régions puisque c’est avec elles que se conçoit leur contenu. Bon nombre de régions qui avaient déjà commencé à prendre des initiatives l’an dernier en matière d’orientation vont pouvoir utiliser cet espace de temps pour déployer leurs propositions d’information et d’orientation sur les métiers et sur l’enseignement supérieur ; ce temps sera également mis à profit par les professeurs et l’ensemble des personnels pour accompagner les élèves tout au long de l’année dans le choix de leurs disciplines de spécialité en première. Là encore, les petits changements de cette rentrée préfigurent les grands changements de la rentrée prochaine, puisque c’est au cours de cette année que vont se définir les enseignements de spécialité avec l’implantation des spécialités dans les lycées, selon une carte académique qui sera précisée jusqu’au mois de janvier, une fois les moyens arrêtés pour tous les établissements. Si je suis allé à Nancy, c’est aussi pour rencontrer les proviseurs de l’ensemble de la région Grand-Est afin de travailler avec eux sur ces questions, comme nous le faisons en France actuellement, région par région, une année en amont de ces changements.

Je ne reviendrai pas sur la réforme du baccalauréat, que vous connaissez bien ; l’objectif de ces mesures, là encore, est le même : élever le niveau général, approfondir les connaissances. D’ici à la fin du mois, le Conseil supérieur des programmes présentera les projets de programme, qui seront suivis de plusieurs semaines de consultations avant l’élaboration des programmes définitifs au mois de décembre. Vous aurez donc, d’ici à la fin octobre, les premiers projets de programme qui permettront d’illustrer l’objectif d’approfondissement et de consolidation des savoirs, dans un contexte où les lycéens seront beaucoup plus amenés à faire des choix, donc à davantage désirer les approfondissements et options proposés.

Nous devons veiller à ce que l’ensemble de ces mesures aient pour vertu le rassemblement autour de l’école : c’est ce que j’appelle l’école de la confiance, avec des sujets qui relèvent de la vie scolaire ou tout simplement de l’organisation de notre système scolaire – ainsi la lutte contre toutes les formes de harcèlement, dont je fais un élément majeur de nos politiques publiques. Le 8 novembre prochain aura lieu la journée de la lutte contre le harcèlement au cours de laquelle de très nombreuses actions seront menées en direction des élèves. Le climat scolaire va devenir de plus en plus central dans l’évaluation des établissements et dans le travail que nous leur demandons pour combattre le harcèlement et le cyber-harcèlement qui sont, nous le savons, des fléaux dans le système scolaire français comme malheureusement dans beaucoup d’autres pays.

Cette rentrée a vu l’interdiction du téléphone portable entrer en vigueur, à l’école et au collège, grâce à la représentation nationale, qui l’a proposée et votée. Je me souviens avoir entendu certaines objections, lors du vote de cette mesure, qui se voient réfuter dès cette rentrée, d’abord par l’effet psychologique de la loi. Je me suis rendu, il y a une semaine, dans un collège de Toulon où le téléphone portable est en train d’être interdit. Ce passage d’une réalité à une autre montre que la loi a bien transformé quelque chose. Cette interdiction, instaurée dans certains endroits, avait eu des effets tellement positifs que cela nous a incités à la généraliser. La loi crée la dynamique et le support juridique nécessaire pour que cette mesure entre en vigueur. Elle permet par ailleurs de préciser certains points, qu’il s’agisse de l’usage pédagogique ou du cadre juridique de la confiscation du téléphone, autant d’éléments dont les acteurs de terrain disent qu’ils en avaient besoin. Enfin, le fait que tout le monde, à commencer par les parents, ait entendu parler de cette mesure a aidé les conseillers principaux d’éducation, les chefs d’établissement et les professeurs à mettre en place cette interdiction qui aura marqué la rentrée.

Je sais qu’un grand quotidien avait trouvé des exceptions et que, bien entendu, tout n’est pas parfait. Dans le collège dont je viens de parler, la mesure était en train d’être mise en œuvre, ce qui supposait d’adapter le règlement intérieur et d’organiser toute une série de réunions avec les collégiens pour leur expliquer la philosophie de la réforme car il est bon de susciter de l’adhésion. Si donc la mesure n’est pas encore formellement entrée en vigueur partout, il n’y a pas lieu de s’en étonner ni de s’en inquiéter ; mais l’interdiction du téléphone portable a évidemment vocation à être effective.

La politique de la vie scolaire va de pair avec l’existence d’un futur plan internat. Le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme, M. Jean-Yves Gouttebel, et l’inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, M. Marc Foucault, ont remis un rapport, le jour de la rentrée, dans un collège de Laval qui comprend un internat, en présence du Président de la République. Ce rapport nous servira de base pour une nouvelle politique d’internat volontariste en lien avec les départements et les régions. Il retient plusieurs objectifs : la justice sociale, l’élévation du niveau général et la revitalisation rurale. Les internats doivent être vus comme un outil de revitalisation de territoires, souvent ruraux, parfois aussi urbains, mais également comme un outil de politique sociale majeure qui permet de répondre à certains phénomènes de société – les difficultés que des enfants peuvent rencontrer dans leur famille par exemple. Il est donc très important de moderniser l’internat, comme le propose ce rapport. Dès cette rentrée, 2 200 places supplémentaires ont été ouvertes, mais notre objectif est évidemment beaucoup plus ambitieux pour les rentrées suivantes.

Cette rentrée est également marquée par une politique volontariste sur le numérique, sujet cher à votre commission et à son président ; nous sommes évidemment très attentifs à vos avancées et au prochain rapport que nous prendrons en compte. J’ai été amené à m’exprimer sur le sujet avec Bruno Studer lors de l’université d’été du numérique et de l’éducation qui s’est tenue en Ariège, sous le nom de Ludovia. J’ai utilisé deux mots-clés qui sont deux mots structurants pour les politiques que nous avons à mener en la matière : la protection
– protection des données, protection des élèves, face à la pornographie par exemple, ou aux mauvais usages d’internet – et l’ambition, parce que le numérique transforme nos sociétés avec des opportunités de formation. Ainsi, la question du codage est essentielle pour l’ensemble de nos élèves. De façon plus générale, il s’agit de sortir d’une vision superficielle du numérique pour adopter une vision approfondie, technique, pertinente et éthique qui doit nous permettre de faire avancer ce sujet, à l’école, au collège et au lycée. L’une des illustrations sera l’émergence d’une discipline intitulée sciences informatiques comme discipline de spécialité au lycée.

Ces enjeux de transformation de notre système vont de pair avec la question de la transmission des valeurs et du respect des principes de la République. Nous arrivons à maturité en ce qui concerne la mise en place de nos équipes « laïcité et fait religieux » dans les différentes académies de France : nous avons dorénavant une capacité d’intervention dans les établissements lorsque des problèmes sont signalés, et il existe une adresse d’appel destinée aux personnels qui rencontreraient des problèmes en la matière. C’est une forme de sérénité puissante de la République qui s’affiche de cette façon-là : plus aucun personnel de l’éducation nationale ne doit se sentir seul face aux phénomènes de violation de la laïcité. Tel est le message qui est envoyé à l’ensemble des personnels : c’est une institution d’un million de personnes et un pays de 65 millions de personnes qui seront derrière vous à chaque fois que surviendra un problème de ce type.

Nous analysons les signalements qui nous sont faits, de façon à trouver les réponses appropriées pour chaque cas. Les visites de terrain, avec les élèves, que j’ai faites dans ce collège de Toulon dont je parlais tout à l’heure, ou récemment près de Rouen, m’incitent à l’optimisme : je constate qu’à chaque fois qu’on leur parle concrètement de laïcité, ils comprennent parfaitement et immédiatement que cette laïcité est pour eux, pour leur permettre non de vivre ensemble, mais de bien vivre ensemble, ce qui n’est pas la même chose. Certains veulent ringardiser la laïcité, la marginaliser, en faire un principe ancien ; nous envoyons, au contraire, un message de vitalité, d’utilité, de pertinence de la laïcité, au service de l’épanouissement de tous nos élèves, quelles que soient leurs convictions religieuses, politiques ou autres.

L’égalité entre les filles et les garçons est aussi au cœur des politiques que nous menons. Un certain nombre d’actions ont été engagées dans ce domaine, sur la question du harcèlement notamment, dont j’ai déjà parlé ; nous y travaillons très activement avec la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Mme Marlène Schiappa.

Nous allons renforcer notre soutien aux familles, ce qui passe par un effort financier accru. Les familles de collégiens bénéficieront de l’augmentation de 25 % de l’ensemble des niveaux de bourse, comme cela a été décidé l’année dernière. Les fonds sociaux augmenteront en 2019, avec une dotation qui s’élèvera désormais à 55 millions d’euros. Comme je suis très attaché aux enjeux qualitatifs, j’entends bien que ces fonds sociaux soient utilisés et dépensés à bon escient. Tout cela passe par l’approfondissement du lien avec les familles : c’est le sens de la « mallette des parents » qui se déploie en cette rentrée et dont nous aurons l’occasion de reparler.

Nous menons aussi une politique en faveur du personnel. L’objectif est de renforcer le pouvoir d’achat des professeurs tout au long du quinquennat. En cette rentrée, cela se traduit concrètement par le début de l’accomplissement d’un engagement présidentiel : la revalorisation de la rémunération des personnels en REP +, qui toucheront tous une prime de 1 000 euros nets par an. Nous prévoyons aussi de faire progresser la formation initiale et continue. Nous en parlerons beaucoup dans le cadre du projet de loi qui viendra devant vous au début de l’année 2019. Il s’agit aussi d’améliorer notre gestion des ressources humaines : des expérimentations vont débuter dès cette rentrée, que je suis de très près car elles pourraient être généralisées dans le futur. Elles visent à assurer une gestion des ressources humaines de l’éducation nationale au plus près du terrain, grâce à des spécialistes en ressources humaines qui interviendront non pas depuis les rectorats mais aux côtés des chefs d’établissement, et organiseront des entretiens de carrière. Il s’agit pour l’éducation nationale de se doter d’une gestion des ressources humaines à la fois humaine et moderne.

Les réponses que j’apporterai à vos questions, monsieur le président, renvoient aux enjeux de justice sociale et d’élévation du niveau général que j’ai déjà abordés. L’école maternelle est en effet une très grande priorité – la première des priorités étant les premières années de la vie et donc l’école maternelle, le CP et le CE1. Nous allons améliorer les taux d’encadrement à l’école maternelle tout au long du quinquennat. Ce que nous observons en début de CP nous pousse très fortement à travailler sur ce qui se passe en maternelle : il faut que les connaissances de base soient acquises au moment où l’enfant rentre en CP pour qu’il puisse s’y épanouir et entrer dans cette « école de la confiance » dont nous avons parlé lors des Assises de l’école maternelle.

Oui, le projet de loi que nous soumettrons à votre approbation au début de l’année 2019 fera de la France le pays qui positionne la scolarité obligatoire le plus tôt possible dans la vie, dès l’âge de trois ans. Cette mesure, qui sera très regardée dans le monde entier, s’accompagnera de démarches qualitatives nouvelles, en termes de formation des professeurs mais aussi des acteurs de l’école maternelle comme les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM).

Mayotte nous a beaucoup mobilisés tout au long de l’année passée. Notre attention a atteint son acmé lors de la réunion qui a eu lieu autour du Premier ministre il y a quelques mois avec l’ensemble des élus de Mayotte. Compte tenu des inquiétudes bien compréhensibles qu’on peut avoir concernant ce territoire, il me semble important de souligner l’unité qui s’est faite autour du Premier ministre. Nous avons vu ce jour-là des élus très responsables et satisfaits du volontarisme affiché par le Gouvernement à Mayotte, notamment en matière de santé et d’éducation. De fait, nous mettons des moyens très importants à Mayotte pour renforcer la capacité d’intervention de l’État sur ce territoire. M’étant rendu à Mayotte à la fin du mois d’août – la rentrée, comme à la Réunion, y a lieu un peu avant celle de métropole – j’ai pu y voir les grandes difficultés auxquelles vous faites allusion, mais aussi les grands espoirs que nous pouvons avoir. Ces grandes difficultés, malheureusement connues, sont liées à une explosion démographique très difficile à assumer pour les services publics ; les espoirs sont liés aux aspects matériels, compte tenu des annonces du Premier ministre, mais aussi immatériels, en l’occurrence en la confiance réciproque entre État et élus. C’est donc dans un climat très positif que j’ai fait cette visite de rentrée et annoncé la transformation du vice-rectorat en rectorat de Mayotte au cours des prochains mois – conséquence d’un processus de musculation des instances de l’éducation nationale dans ce département. Mais toute notre action n’aura de sens que si nous arrivons à maîtriser les flux migratoires à Mayotte : il ne sera pas possible de faire de tels efforts de façon répétée au cours des prochaines décennies. Nous sommes donc à un moment historique : les efforts sont faits, l’état d’esprit est là, mais il ne sera pleinement assurable que si nous réussissons, notamment dans notre relation avec les Comores, à garantir l’efficacité des mesures prises.

Enfin, l’éducation prioritaire est naturellement au cœur des enjeux de justice sociale et d’élévation du niveau général. J’ai pris la décision de geler la modification de la carte de l’éducation prioritaire à la rentrée prochaine de façon à mener une réflexion beaucoup plus structurelle sur l’avenir de l’éducation prioritaire pour la rentrée 2020. J’ai demandé à Pierre Mathiot et à l’inspectrice générale Ariane Azéma de travailler à un rapport qui s’intitulera « Inégalités et territoires » de façon à renouveler notre vision de l’éducation prioritaire, à éviter les effets de seuils et à ne plus jamais opposer le rural à l’urbain sur ces questions. Il s’agit de tenir compte des multiples spécificités des territoires pour que notre manière d’envisager l’éducation prioritaire et les moyens considérables qu’y consacre la France soient beaucoup plus efficaces dans le futur. La question à l’origine de cette demande de rapport est de savoir comment les moyens que nous mettons peuvent permettre non pas de compenser les difficultés, mais de stimuler la réussite. La prime accordée en REP+ est le signe annonciateur de cette volonté. Nous pouvons être sereins pour ce qui est de la rentrée 2019 : il n’y aura pas d’ici là d’évolution de la carte de l’éducation prioritaire. Nous devons éviter les psychodrames du passé – être en REP ou ne pas y être – et savoir avancer de la manière la plus consensuelle et la plus concertée possible, en tenant compte des travaux parlementaires achevés ou en cours, mais également des observations de la Cour des comptes, afin de consacrer toujours plus de moyens à l’éducation prioritaire d’une manière qualitativement pertinente. Cette recherche de qualité doit d’ailleurs concerner l’ensemble du système scolaire.

M. le président Bruno Studer. Compte tenu du grand nombre de questions que vous souhaitez poser, chers collègues, nous nous concentrerons aujourd’hui sur la rentrée scolaire. Nous aurons l’occasion de poser des questions débordant de ce champ lors de la discussion budgétaire.

M. Philippe Berta. La phobie scolaire touche environ 1 à 3 % des enfants, essentiellement des collégiens et des lycéens. C’est une vraie souffrance psychique qui, comme la plupart des souffrances, peut avoir plusieurs causes : la peur de l’échec scolaire, la peur de la séparation avec les parents, le harcèlement à l’école ou encore un haut potentiel.

Pour accompagner au mieux ces élèves, des microcollèges et microlycées adaptés à leurs besoins spécifiques se sont développés. Dans ma circonscription, l’établissement privé sous contrat Saint-Stanislas a mis en place l’un de ces dispositifs avec succès. Les enfants travaillent autour d’une grande table. Les enseignants ne corrigent pas en rouge et ne notent pas les élèves sauf si ces derniers le demandent. Chaque vendredi midi, les élèves terminent leur journée par une séance d’échanges avec leur professeur référent. Le succès de ce microlycée est enthousiasmant. Les élèves reprennent progressivement confiance : certains réintègrent le lycée général et beaucoup obtiennent le bac. La mise en place de tels dispositifs dans le public et le privé sous contrat me semble devoir être encouragée.

Cependant, le système de financement de ces microstructures adaptées à la phobie scolaire est très fragile. Ainsi, la classe créée par l’institution Saint-Stanislas reposait sur un financement par le service d’assistance pédagogique à domicile ; la précarité de ce financement ne lui a pas permis de rouvrir ses portes à cette rentrée, laissant ces élèves et leurs parents désemparés.

Si les familles les plus aisées seront à même de trouver une réponse pour leur enfant à Paris ou dans le privé hors contrat – avec les risques qu’implique ce type de structures –, les enfants des autres familles vont être déscolarisés.

Monsieur le ministre, en cette rentrée scolaire, quel bilan dressez-vous de l’accueil des élèves souffrant de phobie scolaire ? Quels sont vos projets en ce domaine, notamment sur le plan budgétaire ?

M. Frédéric Reiss. Monsieur le ministre, à l’occasion de votre première vraie rentrée, vous avez montré une réelle ambition en annonçant des réformes qui vont sans doute secouer la grande maison Éducation nationale. Vous avez évoqué une modernisation des ressources humaines, une nouvelle politique de management et même des obligations de résultat. Vous rêvez d’un système tout en souplesse s’accompagnant d’évaluations tous azimuts – évaluation des élèves, des enseignants et des établissements. Pour avoir participé aux travaux du Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO), je peux affirmer que l’évaluation a souvent balbutié, ce que confirment malheureusement les tests internationaux. Quels indicateurs allez-vous instaurer au-delà des contrats d’objectifs, des primes à la mutation et autres bonifications financières pour les enseignants de l’éducation prioritaire ?

Lors de cette rentrée, vous avez parlé d’accorder plus d’autonomie aux chefs d’établissement, ce à quoi le groupe Les Républicains est favorable, mais les directeurs d’école n’ont toujours pas de statut. La mission flash de Cécile Rilhac et Valérie Bazin‑Malgras a d’ailleurs pointé cette difficulté. Quelles évolutions envisagez-vous à ce sujet ?

Enfin, pourriez-vous revenir sur la valorisation de l’enseignement professionnel ?

Mme Céline Calvez. Lors de cette rentrée, je me suis rendue à plusieurs reprises dans des classes dédoublées et ce, à double titre : en tant que députée, dans les établissements de ma circonscription, et en tant que mère accompagnant ma fille dans une classe de treize élèves. Je suis ravie, à ce double titre, de pouvoir constater tout le potentiel de cette école de confiance. Si les objectifs de l’école primaire sont clairement identifiés – lire, écrire, compter et respecter autrui –, et ce, dès le CP, dans quelle mesure la démarche de projet par petits groupes est-elle encouragée dans ces classes à effectifs réduits ? Dans quelle mesure cette approche par projets peut-elle être l’occasion pour ces tout jeunes élèves d’apprendre à être mobiles et de s’ouvrir encore davantage aux compétences transversales – coopération, communication – et au monde extérieur ? Quelle place est-elle réservée à la culture, à l’éducation aux médias ou encore à la compréhension de l’économie ?

Mme George Pau-Langevin. Je voudrais revenir sur l’accompagnement des enfants handicapés. J’ai entendu ce que vous avez dit, Monsieur le ministre, lors des questions au Gouvernement, mais quand nous avons fait notre rapport sur la déscolarisation, on nous a beaucoup parlé d’enfants déscolarisés précisément parce qu’ils attendaient de pouvoir bénéficier d’un accompagnement et qu’ils ne pouvaient pas aller à l’école. Cette question est‑elle traitée ? S’agissant de la réglementation que vous avez édictée cet été pour élargir le recrutement des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), les personnels que nous avons reçus sont très inquiets : ils considèrent que les nouvelles conditions de recrutement ne sont pas de nature à faciliter la progression de carrière, indispensable à des personnels qui ont été autrefois assez précarisés et qui sont en voie de « CDIsation ». Pourriez‑vous revenir sur cette réglementation ?

Mme Béatrice Descamps. Nos déplacements et rencontres dans nos territoires confirment que la rentrée s’est globalement bien passée et aura apporté de nombreuses satisfactions aux enseignants, aux élèves et à leurs familles. Toutefois, des interrogations subsistent, en particulier dans les collectivités territoriales, très nombreuses à donner une place prépondérante à leur politique éducative et en faveur de la jeunesse ; mais elles se heurtent à plusieurs difficultés d’ordre matériel et financier.

Tout d’abord, si le dédoublement des classes de CP et de CE1 a des bienfaits scolaires indéniables, sa mise en application se heurte bien souvent au manque de locaux. Des difficultés de même ordre sont également soulevées dans les communes dans le cadre du renouvellement général du contrat enfance-jeunesse, les caisses d’allocations familiales (CAF) priorisant apparemment le plan mercredi : quid des autres actions, en particulier en faveur des adolescents ? Enfin, la même question se pose quant au financement du plan d’éducation artistique et culturelle (EAC), dont je partage complètement l’esprit. Quel sera le rôle des collectivités – que vous avez souvent mentionnées lors de votre conférence de presse ? Je salue l’ambition de proposer des activités de qualité à nos enfants, mais je comprends aussi les craintes des maires et conseils municipaux, surtout ceux de nos petites communes. Quelle réponse pouvez-vous leur apporter, monsieur le ministre ?

M. Michel Larive. Vous venez de le dire, monsieur le ministre, notre population augmente. Il faut donc corréler les moyens de l’éducation nationale avec cette augmentation. Alors ouvrons des centres d’accueil, recrutons des personnels enseignants et administratifs, donnons à ce grand ministère les moyens humains et financiers pour réussir.

Au lieu de cela, vous faites le choix de supprimer 1 800 postes dans le secteur de l’éducation. Vous vous félicitez des 850 millions d’euros d’augmentation de votre budget mais lorsqu’on prend en compte l’inflation d’1,8 point et l’augmentation de 0,4 % de la population, on s’aperçoit que le budget baisse au bout du compte de 0,8 %. Vous n’atteindrez donc jamais l’objectif de développement nécessaire de ce grand ministère. Ce n’est pas avec quelques mesurettes comme le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseau d’éducation prioritaire que vous résoudrez le problème : en Ariège, une classe seulement était concernée par ce dédoublement l’an dernier – cette année, je vous l’accorde, il y en aura deux – et nous ne devons pas être un cas isolé. Cette prétendue solution, si elle fonctionne dans les métropoles, est inefficace dans l’espace rural. Elle s’inscrit dans la continuité de la politique d’inégalités territoriales du Gouvernement.

Une autre de vos solutions, c’est l’école-entreprise. Tout y est : la prime au mérite incitative, les heures supplémentaires, un recours toujours plus fréquent aux contractuels, la création de passerelles du public vers le privé… Monsieur le ministre, quand comprendrez‑vous enfin que l’éducation nationale a besoin d’une augmentation de moyens pour accompagner l’émancipation de nos enfants et non de rentrer, comme vous le souhaitez, dans un secteur marchand qui accompagne sa déliquescence ?

Mme Elsa Faucillon. Mettre plus de moyens là où il y a plus de besoins est à la fois nécessaire, logique et juste ; à condition, d’une part, de ne pas en retirer là où on en manque déjà et, d’autre part, de bien identifier où se trouvent ces besoins.

Vous avez annoncé tout à l’heure, monsieur le ministre, que vous ne referiez pas la carte de l’éducation prioritaire avant 2020. Or, depuis la dernière refonte, un collège de ma circonscription est sorti – de manière totalement injuste et arbitraire – des réseaux REP et REP +, ce dont on a pu voir très rapidement les effets. La rentrée dans cet établissement m’interpelle beaucoup. Elle interpelle aussi le corps enseignant, l’équipe pédagogique et les parents : c’est l’avenir des enfants de ce collège qui est en jeu pour cette rentrée. J’allais vous interroger quant à la possibilité de faire rentrer les établissements de ce type dans une nouvelle carte de l’éducation prioritaire mais comme vous comptez geler cette dernière, que pouvez-vous et qu’entendez-vous faire dans l’attente de ce nouveau rapport sur l’éducation prioritaire pour les collèges qui ont des besoins tout aussi importants que d’autres, encore classés en REP ou en REP+ ?

Enfin, quel est le calendrier de concertation sur la réforme de la formation des enseignants ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur Berta, la question de la phobie scolaire peut rejoindre celle des élèves intellectuellement précoces qui ont parfois des difficultés à trouver une bonne personnalisation de leur parcours dans nos établissements. La difficulté à assurer cette personnalisation a entraîné le développement d’une offre de formation privée hors contrat – parfois tout à fait remarquable mais parfois dangereuse. D’ailleurs, la loi dite Gatel que vous avez votée nous donne des outils pour lutter contre des phénomènes redoutables. Mais certaines expériences doivent être saluées et peuvent nous servir de modèle : il ne faut en aucun cas les entraver car elles ont le mérite d’apporter des solutions là où il n’y en a pas. Surtout, elles doivent nous inspirer dans le service public.

Ce type d’expériences se rencontre parfois dans certains collèges publics qui, dans le cadre de réseaux, développent aujourd’hui des formules pour les élèves identifiés comme intellectuellement précoces ou signalés par les psychologues comme souffrant de phobie scolaire. Ces expériences restent cependant assez marginales et nous devons avancer sur cette question. Je considère le traitement de ces enjeux comme le signe de notre capacité de modernisation. Comme dans le cas de l’accueil des élèves en situation de handicap, il est révélateur de notre capacité à personnaliser les parcours et à tenir compte de chaque enfant. Nous encouragerons donc les expérimentations et projets menés dans le cadre du secteur public en la matière, quitte à nous inspirer d’expérimentations menées dans le secteur privé. Nous devons veiller à ce que nos établissements et écoles publics soient capables de mener de tels projets d’une manière pédagogiquement valable, faute de quoi on ouvrira la voie à toutes sortes d’initiatives – les meilleures comme les pires.

Monsieur le député Reiss, le mot « évaluation » est un mot-valise qui englobe beaucoup de choses : l’évaluation des élèves notamment, alors que vous avez plutôt fait référence à l’évaluation des établissements. Les deux sujets sont évidemment liés, mais pas confondus, et nous devons avancer sur ces questions avec beaucoup de discernement. Il est certain que nous nous dirigeons vers une évaluation de plus haute qualité, même si nous ne partons pas de rien. Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit tout à l’heure concernant l’évaluation des élèves.

S’agissant des établissements, le projet de loi que nous vous proposerons en 2019 prévoira une évaluation nationale, conformément aux engagements du Président de la République qui avait parlé d’une instance d’évaluation de l’éducation nationale. Cela nous conduira sans doute à faire évoluer le CNESCO pour faire reposer l’évaluation davantage sur des indicateurs élaborés à partir des travaux de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) ou de l’Inspection générale de l’éducation nationale, mais en franchissant un niveau supplémentaire de technicité et en améliorant notre capacité d’évaluation qualitative. Ces indicateurs, dont nous aurons l’occasion de discuter, doivent nous permettre à la fois d’être beaucoup plus précis dans la détermination du niveau des élèves, d’améliorer notre capacité à élever ce niveau au travers du parcours de l’élève, mais aussi de prendre en compte les enjeux de climat scolaire – la lutte contre le harcèlement ou la phobie scolaire par exemple – qui exigent des méthodes d’évaluation particulières. Il s’agit également de fixer des objectifs aux établissements en mettant en avant les éléments susceptibles de restaurer leur attractivité vis-à-vis des parents. C’est seulement à cette condition que nous rétablirons la mixité sociale dans nos établissements, en développant l’offre de formation mais aussi en améliorant le climat scolaire, ce qui suppose de renforcer la sécurité mais aussi la personnalisation des parcours et l’attention portée aux élèves. De très bonnes expériences existent en la matière ; c’est sur elles qu’il faut s’appuyer. Les critères d’évaluation retenus, au-delà des aspects pédagogiques stricto sensu, devront donc offrir une vision large et complète de l’école de la confiance.

Cela va de pair, il est vrai, avec une autonomie accrue des établissements, mais je ferai à cet égard une grande différence entre le collège et le lycée. Vous avez aussi évoqué la question de la direction des établissements : ce sont des sujets sur lesquels nous aurons l’occasion d’échanger. Le collège relève de plus en plus de ce que l’on appelle « l’école du socle » au sens où nous devons donner à tous les enfants de France le socle des savoirs fondamentaux et des assises solides pour le reste de la vie. Le lycée vise quant à lui à l’affirmation d’une capacité d’autonomie de l’élève – notamment dans ses choix de spécialités. Il y a donc une correspondance entre l’autonomie du lycéen et celle du lycée, nécessairement plus forte que celle du collège. Par ailleurs, le collège doit être capable de s’articuler davantage avec l’école primaire. À la lumière du rapport très intéressant de Mmes les députées Rilhac et Bazin-Malgras, nous allons effectivement donner plus de robustesse à la direction d’école dans les temps à venir. Nous avons encore du travail à faire pour trouver les meilleures formules, mais cela pourra aussi passer par un lien accentué avec le collège.

Mme Calvez m’a interrogé sur l’impact pédagogique du dédoublement des classes et sur la capacité à travailler davantage en petits groupes dans ces classes. Pour avoir, comme vous, visité un nombre considérable de ces classes, je puis dire qu’à chaque fois, sans exception, la classe à douze a entraîné des pratiques pédagogiques nouvelles. Très souvent, la classe est divisée en trois groupes de quatre enfants pouvant travailler en ateliers, la maîtresse ou le maître accordant une attention extrêmement forte à l’un des groupes tandis que les deux autres groupes bénéficient d’une autonomie accentuée. Les résultats de ce dispositif sont très intéressants. Je suis très optimiste et très confiant en la capacité de transformation pédagogique que le dédoublement permet d’opérer. Celui-ci devrait permettre à la fois une plus grande rigueur dans l’ancrage des savoirs fondamentaux – d’où cette série de points par lesquels les enfants doivent passer et dont les professeurs doivent s’assurer. Chaque enfant doit avancer à son rythme ; c’est ce que permet la classe à douze car elle va de pair avec une forme d’épanouissement pédagogique. J’ai vu tout récemment dans une classe une méthode d’apprentissage des mathématiques correspondant tout à fait aux propositions du rapport Torossian-Villani, extrêmement enthousiasmante pour les élèves et rendue possible grâce au format à douze élèves. Je suis très confiant aussi dans le fait que la formation continue aura un impact sur la pratique des professeurs et que le dédoublement des classes aura un effet de halo sur le reste du système : les classes à douze ne seront donc pas les seules où les méthodes pédagogiques auront été modifiées par le dédoublement, même si cela leur confère évidemment un avantage supplémentaire.

Mme la députée Pau-Langevin m’a interrogé sur l’accompagnement des élèves handicapés et sur les évolutions réglementaires auxquelles nous avons procédé. Des moyens supplémentaires ont été mobilisés en cette rentrée pour l’accueil des élèves handicapés. C’est pourquoi la cellule que j’ai évoquée en répondant tout à l’heure à une question au Gouvernement posée par M. Ruffin, a reçu 25 % d’appels en moins. C’est un indicateur de notre capacité à résoudre progressivement les problèmes. De fait, 6 000 AESH supplémentaires seront financés en cette année scolaire. Nous avons déjà commencé à en recruter plus de 1 500 et 4 500 autres seront recrutés en 2019. Il y a donc un vrai plan de « CDIsation » des AESH employés en contrat à durée déterminée : pour la première fois depuis dix ans, le nombre d’accompagnants ayant le statut d’AESH aura dépassé le nombre d’emplois aidés – 43 041 équivalents temps plein en AESH contre 29 000 contrats aidés. Cette tendance s’accentuera encore à la rentrée prochaine dans des proportions qui vont se préciser.

Parallèlement, 253 nouvelles unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) ont été créées à cette rentrée scolaire, ce qui est considérable. Nous en avons d’ailleurs visité une avec le Président de la République au collège de Laval où nous étions pour la rentrée. Trente‑huit unités ont été créées en lycée et le nombre total d’ULIS en France atteint le record de 8 814. Nous allons continuer à en créer à la rentrée 2019.

Madame Pau-Langevin, n’hésitez pas à me poser une question écrite sur le problème spécifique que vous avez évoqué ; mais à mes yeux, l’évolution juridique de juillet vise bel et bien, contrairement à ce que vous dites, à faciliter l’entrée dans les fonctions d’AESH de personnes qui travaillaient jusqu’alors dans le cadre d’un contrat aidé. En abaissant le niveau d’expérience exigé pour ce recrutement, nous avons permis l’entrée dans le dispositif de personnes qui avaient déjà fait leurs preuves au travers de contrats aidés effectués précédemment.

Toutes les questions de Mme Descamps renvoient à l’enjeu de nos relations avec les collectivités locales. J’ai plaisir à dire que, vues de ma fenêtre, nos relations avec ces collectivités ne sont pas bonnes, mais bien excellentes. Il arrive que des gens accusent le Gouvernement de ne pas être assez social : je soutiens, et j’ai de nombreux exemples pour l’illustrer, qu’il l’est très fortement, et même plus que jamais. Il arrive aussi qu’on dise que nous avons de mauvaises relations avec les collectivités territoriales : j’ai aussi beaucoup d’illustrations montrant que nous travaillons en lien très étroit avec elles – sur les questions que vous avez évoquées comme sur d’autres.

J’en prendrai trois exemples : avec les communes, tout d’abord, dans le cadre du Plan mercredi ; avec les départements, ensuite, nous sommes en osmose pour aller de l’avant puisque c’est un président de conseil départemental n’appartenant pas à la majorité qui a rédigé le rapport sur le plan internat ; avec les régions, enfin, puisque nous sommes en phase avec elles pour assurer la réforme de la formation professionnelle et celle des lycées. Cela s’est encore illustré ce matin dans le Grand-Est, et même s’il a été dit qu’il y avait eu de l’électricité dans l’air lors la réunion de l’association Régions de France à Marseille, je peux vous assurer que le courant passe très bien entre nous… On se plaît parfois à créer un climat un peu artificiel alors qu’il se passe au contraire beaucoup de choses positives. Je sais que ce n’est pas ce que vous avez dit, madame Descamps, mais je profite de l’occasion pour le remarquer.

Pour ce qui des besoins d’espace lié au dédoublement des classes de CP et de CE1, les collectivités se sont beaucoup mobilisées pour en trouver. Je rends d’ailleurs régulièrement hommage aux maires qui ont réussi dans 85 ou à 90 % des cas à créer ces classes nouvelles. Cela a eu des effets indirects très positifs sur le bâti scolaire et a permis de faire évoluer la conception des classes. On me dit que cela posera de nouvelles difficultés à la rentrée prochaine : je le crois mais je sais qu’on va y arriver – notamment parce que l’État soutient les communes et que les préfets et les recteurs se sont mobilisés pour aider ces dernières à faire les investissements nécessaires.

Nous sommes au début du Plan mercredi. Il y a donc encore certainement des calages à faire mais je rappelle qu’il représente quand même un quasi-doublement de l’aide par élève et par heure : on passe de 55 centimes à un euro d’aide via les CAF. La situation est encore hétérogène sur le terrain. Il peut encore y avoir des difficultés mais le mouvement est enclenché, fruit d’un lien très fort entre l’éducation nationale et les communes. En tant que ministre de la jeunesse et de la vie associative, je suis extrêmement attentif aux enjeux périscolaires et extrascolaires. Nous devons, au cours des prochains mois, favoriser un rebond des activités du mercredi, du week-end et des vacances. Nous pouvons, via le périscolaire, relever de nombreux défis éducatifs et sociaux de grande ampleur en modernisant nos approches. On ne retrouvera jamais les colonies de vacances des années 1960 à l’identique, n’en déplaise à Pierre Perret, mais on peut inventer la colonie de vacances du XXIe siècle, attractive et socialement mixte, et toute une série d’activités périscolaires répondant au même objectif.

Vous avez raison de souligner que le plan de l’éducation artistique et culturelle que nous avons présenté tout récemment avec la ministre de la culture, Mme Françoise Nyssen implique les collectivités autant qu’elles le souhaitent. Quoi qu’il en soit, nous avons déjà mis en commun les moyens de nos ministères – qui sont importants et que nous avons détaillés à cette occasion – afin de dessiner, domaine par domaine, une ambition culturelle pour l’école, qui comporte bien sûr une dimension sociale, et qui suppose la mobilisation des institutions. Or celles-ci relèvent tantôt de l’éducation nationale, tantôt de la culture, tantôt des collectivités locales – c’est le cas des musées. Nous entendons jouer le jeu d’une coopération pleine et entière avec les collectivités, pour que l’éducation artistique et culturelle soit omniprésente dans notre système éducatif.

Monsieur Larive, comme l’a indiqué le président Studer, nous parlerons budget au mois de novembre, et ce sera l’occasion de développer les sujets que vous avez évoqués.

La population augmente, avez-vous dit. Pourtant, la démographie du premier degré est en baisse ; mais cela ne nous empêche pas d’y créer des postes, et nous continuerons de le faire à la rentrée prochaine. Nous assumons ainsi pleinement une politique qui consiste à favoriser les classes primaires et à en améliorer le taux d’encadrement, parce que c’est le point de départ de tous les élèves. Et cette politique est très directement favorable au second degré : si demain les élèves arrivent en sixième avec des savoirs fondamentaux consolidés, le fait qu’ils soient vingt-trois ou vingt-quatre par classe sera certes un problème à discuter, mais secondaire au regard de l’amélioration qualitative.

Le budget n’est pas en baisse, mais bien en hausse de 850 millions d’euros : ce n’est pas une petite somme… C’est la plus grande hausse des crédits de l’État en euros, et une augmentation conséquente en pourcentage dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, que nous assumons pleinement. Il a fallu faire des choix, et le nôtre consiste à accorder la priorité au premier degré. Cet argent supplémentaire servira à améliorer le pouvoir d’achat des professeurs pour renforcer l’attractivité du métier. Les enjeux sont donc plus quantitatifs que qualitatifs.

Je ne vois pas ce qui vous permet de dire que nous poussons une philosophie consistant à faire dévier le secteur public vers le secteur marchand. Il n’a jamais été question de cela. Je suis profondément républicain, comme vous tous, et profondément attaché au service public de l’éducation nationale. Reprenez les propos liminaires que j’ai tenus sur la rentrée : je n’ai aucun projet de marchandisation de l’éducation. Cela fait partie des slogans tout faits, qui glissent sur moi comme l’eau sur la plume du canard : vous ne trouverez dans mon discours aucun angle d’attaque sur cette question. Nous visons un service public de l’éducation nationale, robuste, de qualité, une école qui élève tout le monde, à la hauteur de ce que l’on doit à la République.

Madame Faucillon, j’entends bien vos propos ; ils vont dans le sens de ce que je vous ai dit sur l’éducation prioritaire. Il faut avoir une approche très subtile et très fine des enjeux. La sortie de l’éducation prioritaire n’a pas eu lieu sous ma responsabilité. L’exemple que vous donnez, que je ne connais pas, est typique de ce que peuvent produire les effets de cliquet
– être en REP ou ne pas y être. Et les effets négatifs que vous mettez en avant sont tout à fait crédibles. C’est ce qui inspire la réforme que nous avons devant nous : une politique plus subtile, au-delà du noir et blanc, qui permette des approches plus graduelles et une vision pluriannuelle, de façon à fixer des objectifs de progrès aux établissements.

Ce n’est pas un enjeu pour cette rentrée : une telle question exige une approche très sereine. Plutôt qu’une vision à court terme, centrée uniquement sur la carte, avec des gagnants et perdants, nous avons besoin d’une perspective de moyen terme, d’ici à la rentrée 2020, pour mieux prendre en compte les phénomènes que vous nous avez rapportés.

Mme Elsa Faucillon. Qu’en est-il de la formation des maîtres et du calendrier des concertations ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. L’éducation nationale a des procédures de concertation et de présentation devant les instances compétentes très denses et très nourries : même si nous ne savons pas encore aujourd’hui très précisément quand ce projet de loi viendra devant vous, le compte à rebours est déjà enclenché. Autrement dit, nous parlons déjà avec les organisations syndicales des enjeux de contenu de la future loi ; Je rappelle que la scolarisation à trois ans et la formation des professeurs en sont les deux sujets majeurs, même s’il peut y en avoir d’autres. La concertation a commencé depuis plusieurs mois avec les différents acteurs, en particulier la conférence des présidents d’université. Nous y travaillons avec Frédérique Vidal dans la mesure où sont concernés les universités, les directeurs des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) et l’ensemble des acteurs du système éducatif. Nous entrerons dans une phase plus formelle de discussion dans les semaines qui viennent avec les acteurs que je viens de mentionner, mais également dans le cadre des instances qui contribuent à la préparation des textes législatifs, comme le Conseil supérieur de l’éducation.

M. Gaël Le Bohec. Monsieur le ministre, afin d’adapter les rythmes scolaires, vous avez décidé, pour la première rentrée, de laisser le choix aux municipalités d’adopter ou non la semaine des quatre jours. 80 % d’entre elles s’y sont résolues. L’objectif est alors de proposer aux enfants des activités abordables pour la journée du mercredi.

Depuis septembre, le plan mercredi propose de nouveaux mécanismes. Si, globalement, les communes l’ont accueilli très favorablement, elles n’en ont pas moins exprimé quelques inquiétudes sur des points assez spécifiques. C’est le cas de l’Association des maires d’Île-de-France, ainsi que des communes de ma circonscription. Certaines ont l’impression d’être mises à l’écart du système : celles qui ont mis en place un contrat enfance‑jeunesse en lien avec la CAF ne pourront pas en théorie pas prétendre à cet accompagnement ; certaines communes en REP ou REP+ ne sont pas certaines d’obtenir le bonus financier qu’elles touchaient auparavant ; enfin, les municipalités qui ont choisi de rester à quatre jours et demi ne pourront pas, dans tous les cas, cumuler le financement des aides versées par la CAF.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les moyens dont les communes disposeront pour anticiper ce financement ? Celles-ci s’interrogent par ailleurs sur les délais de financement, au moment où elles sont en train de préparer leur budget. L’objectif est que toutes les familles, quelle que soit leur situation socio-économique, soient rassurées : accueillera-t-on bien tous les élèves dans le cadre du plan mercredi ?

M. Maxime Minot. Monsieur le ministre, le 17 mai dernier était célébrée une journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, qui avait pour but de promouvoir des actions de sensibilisation et de prévention, notamment pour les élèves et les personnels des établissements scolaires de l’éducation nationale. Je sais combien le ministère est engagé dans la lutte contre toutes les formes de discrimination, dont celles commises en raison de l’orientation ou de l’identité sexuelle. Pourtant, force est de constater que même si des efforts sont faits, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour faire évoluer les représentations et les mentalités. Les paroles commencent à se libérer et les témoignages viennent nous rappeler qu’il faudra beaucoup de temps.

En revanche, monsieur le ministre, comment accepter que dans une école du XXIe siècle, une école de la bienveillance et du bien-être scolaire, des personnels de direction puissent encore tenir des propos affligeants et révoltants ? Comment ne pas être ému par ce témoignage, reçu la semaine dernière, du jeune Élian qui, victime de brimades et de quolibets, a dû quitter son établissement scolaire sans soutien des équipes pédagogiques, à commencer par son chef d’établissement qui le rendait responsable de cette situation ? « Si tu n’avais pas parlé de ta vie, tu n’en serais pas là ! »

Une journée de mobilisation « Non au harcèlement » sera organisée le jeudi 8 novembre prochain dans les établissements scolaires. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer qu’il ne s’agit pas d’une sensibilisation cosmétique au harcèlement, mais d’un vrai plan d’action comprenant une réelle information des personnels, assortie le cas échéant de sanctions disciplinaires à l’encontre des fonctionnaires qui ne respecteraient pas leur devoir et leur mission de neutralité et de respect ?

Mme Maud Petit. Monsieur le ministre, je suis heureuse de vous retrouver en cette période de rentrée. Vous avez déjà répondu largement sur certains points, notamment sur la journée de la laïcité que vous aviez lancée l’année dernière au lycée de Chennevières-sur-Marne, dans ma circonscription. Mais il me reste deux questions à vous poser.

Premièrement, il y a un an, presque jour pour jour, alors que vous étiez auditionné par notre commission, je vous avais demandé de porter à bout de bras le cartable de 12 kg d’une élève de seconde – vous vous en souvenez certainement. Vous aviez alors souligné l’importance de ce problème de santé publique. Depuis un an, quelles actions ont été menées pour y remédier ?

Deuxièmement, l’édition 2018 de la Semaine olympique et paralympique en milieu scolaire a permis la labellisation de 507 projets sur le territoire, ce qui concerne à peu près 72 000 élèves. Les débuts de ce dispositif sont encourageants, mais celui-ci reste encore limité, au regard des 12 millions d’élèves que compte notre territoire. Permettre au plus grand nombre d’établissements de participer à cette semaine, c’est autant de chances de sensibiliser les élèves aux valeurs du sport que sont l’inclusion, la santé, le goût de la compétition, le dépassement de soi et l’action collective. Quelles sont les ambitions du ministère pour atteindre cet objectif en 2019 ?

M. Pierre-Yves Bournazel. Monsieur le ministre, vous avez fait de l’école primaire une priorité et j’y souscris pleinement. Le dédoublement des cours préparatoires dans les zones d’éducation prioritaire renforcée est une très bonne initiative. Cela a bien fonctionné, et maintenant nous avons pu développer ce dispositif en zone d’éducation prioritaire. Dans le XVIIIe arrondissement de Paris, vingt-huit classes ont été dédoublées en 2018, et nous allons suivre de près les résultats.

Avez-vous déjà des bilans précis de cette première année ? Peut-on mesurer scientifiquement les bienfaits du dédoublement des classes ? Les témoignages sont nombreux sur la réussite de cette réforme. Des enseignants et des parents d’élèves nous assurent que des enfants qui avaient au départ un moindre capital social et culturel et qui avaient du mal au cours préparatoire peuvent maintenant être suivis quasiment individuellement, rattraper leur retard et reprendre une activité scolaire normale. C’est très important. Mais disposez-vous d’éléments un peu plus scientifiques pour étayer cette réussite ?

Enfin, je voudrais vous faire réagir : à Paris, depuis 2010, on compte 7 % d’élèves en moins. Comment rendre cette académie attractive ?

M. Régis Juanico. La semaine dernière, Marie Tamarelle-Verhaeghe et moi-même avons présenté au Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale notre rapport intitulé : « Évaluer l’école pour la réussite de tous ».

Nous y défendons une culture de l’évaluation positive, partagée, avec une finalité pédagogique claire : aider les élèves à progresser dans leur apprentissage, et donner aux enseignants les outils pour adapter leur pédagogie avec un réseau d’accompagnement de personnes-ressources que nous avons appelé le « service post-évaluation ».

Nous proposons, entre autres : que les évaluations standardisées soient centrées sur les acquis du socle commun à l’entrée des cycles : CP, CM1, cinquième, ce qui constitue une petite différence avec ce qui se pratique aujourd’hui ; que ces évaluations soient contextualisées, qu’elles prennent en compte les compétences extrascolaires des élèves, et que l’on diffuse l’autoévaluation, très peu pratiquée dans notre pays ; un certain nombre de critères qualitatifs enfin, comme le climat scolaire que vous avez évoqué tout à l’heure.

Vous l’avez compris, l’évaluation que nous défendons n’est pas un outil de mise en concurrence ou de classement entre élèves et établissements. Nous ne voulons pas lier l’évaluation des élèves et l’évaluation de la qualité des enseignants – je pense au débat qui s’est engagé aujourd’hui sur la prime au mérite. Nous ne voulons pas non plus lier l’évaluation des élèves ou des enseignants avec l’allocation des moyens aux établissements en fonction des résultats.

Nous proposons deux pistes importantes, qui pourraient effectivement figurer dans le projet de loi que vous défendrez en 2019.

Première piste : fusionner les deux inspections générales dans un Conseil général de l’enseignement scolaire, ce qui permettrait de centrer la mission des inspecteurs sur l’accompagnement et le conseil des enseignants. Qu’en pensez-vous ?

Seconde piste : conforter le Conseil national de l’enseignement scolaire (CNESCO) dans le pilotage de l’évaluation des politiques publiques dans le système éducatif. Vous avez plutôt évoqué une absorption. Que comptez-vous faire ?

Mme Anne-Christine Lang. Monsieur le ministre, ma question porte sur la ségrégation sociale et scolaire, plus particulièrement au collège ; ce sujet est longtemps resté confidentiel mais commence à émerger dans le débat public en cette rentrée.

On le sait, certains établissements sont évités, voire « ghettoïsés », en particulier dans les grandes villes, comme l’ont montré un certain nombre d’études récentes. Pour sortir de cette situation, depuis plusieurs années, des efforts importants ont été engagés dans ces établissements en matière d’offre scolaire, de manière à y attirer des enfants de familles de classe moyenne. Vous-même avez rétabli les classes bi-langues, le latin et le grec dans les collèges qui en ont le plus besoin. Mais cette politique de l’offre suffit-elle ? Dans certains collèges de Paris, il semble que tout a été tenté : on a investi des moyens considérables pour pouvoir proposer aux élèves et à leurs familles toutes les options possibles et imaginables ; pourtant, les résultats ne sont pas au rendez-vous : 75 % des catégories socioprofessionnelles supérieures du secteur continuent à se détourner d’un des collèges de ma circonscription.

En 2015, pour lutter contre ces phénomènes de ghettoïsation qui menacent la cohésion sociale, une vingtaine d’expérimentations ont été lancées sur l’ensemble du territoire – je pense aux secteurs multicollèges dans les XVIIIe et XIXe arrondissements de Paris – pour créer une réelle mixité au sein des établissements.

Quel bilan tirez-vous de ces diverses initiatives ?

Par ailleurs, réfléchir sur la mixité suppose de faire la transparence sur la composition sociale des établissements. En 2015, j’ai moi-même fait adopter un amendement au projet de loi Égalité et citoyenneté allant dans ce sens. Lors d’une interview accordée le 10 septembre dernier, vous avez semblé vous montrer favorable à une meilleure accessibilité des données concernant les établissements. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire part de l’état de vos réflexions sur ce sujet ?

Mme Frédérique Meunier. Monsieur le ministre, le dédoublement des classes, c’est bien, les zones prioritaires, c’est parfait, et vous nous avez indiqué qu’il y avait de bons retours. Mais que pensez-vous faire pour les classes en ruralité où il y a parfois un, deux ou trois niveaux dans une même classe ? Avez-vous mené une réflexion à ce sujet ?

Un de mes collègues vous a interrogé sur le Plan mercredi. Actuellement, les communes sont en train d’élaborer des projets avec la CAF – projets éducatifs, projets pédagogiques, données prévisionnelles pour 2018. D’où ma question : y aura-t-il un paiement rétroactif à compter du 1er septembre 2018, dans la mesure où ces projets seront déposés bien après cette date ?

Mme Géraldine Bannier. Monsieur le ministre, je voudrais d’abord vous remercier de votre engagement fort, franc et vraiment bienvenu en faveur des langues anciennes, des langues qui s’enseignent de façon effectivement très moderne, dont je connais à titre personnel l’importance pour faire réussir des enfants parfois issus de milieux défavorisés.

Je vais m’arrêter sur une situation qui perturbe certains parents à la rentrée scolaire. On sait que des problèmes de recrutement des professeurs, des problèmes de gestion des ressources humaines se posent ; certaines classes n’avaient pas d’enseignant à la rentrée. Ce phénomène se résorbe-t-il peu à peu ? Où en est-on ?

M. Pascal Bois. Ma question concerne l’éducation artistique et culturelle (EAC) donc vous vous occupez, le plus souvent, conjointement avec la ministre de la Culture.

Un des engagements forts du Président de la République était de faire bénéficier tous les enfants d’un parcours culturel cohérent et ambitieux, durant le temps de leur scolarité. Parmi cette offre culturelle, la découverte puis la pratique collective de la musique portent en elles des valeurs positives ; elles contribuent à l’amélioration des conditions scolaires et renforcent, à plus long terme, le goût, l’appétence pour la musique qui est la première pratique culturelle des Français et demeure un puissant levier d’émancipation.

Pouvez-vous donc revenir sur les premières retombées de ces différents dispositifs et sur leur montée en puissance ? Je pense bien évidemment au dispositif « Rentrée en musique », et plus particulièrement au plan chorale.

Enfin, le Premier ministre m’ayant confié la mission de configuration d’un futur Centre national de la musique, je tiens à vous indiquer que ce futur centre aurait toute sa place pour proposer des actions complémentaires en matière d’EAC visant à faciliter l’accès à la culture dans les zones rurales et urbaines prioritaires, dans le cadre des contrats de filière État-collectivités. Votre soutien pour aboutir à sa création nous serait donc précieux.

Mme Frédérique Dumas. Monsieur le ministre, je voulais m’associer à mes collègues qui ont salué l’ensemble des initiatives que vous avez prises depuis votre arrivée, du dédoublement des classes jusqu’à la revalorisation du latin et du grec.

J’évoquerai rapidement, d’autres l’ont déjà fait, l’aménagement des rythmes de vie scolaire. L’objectif est tout de même de dispenser dans toutes les écoles des apprentissages différents. Après avoir fait le diagnostic que les activités périscolaires n’étaient pas partout d’une qualité optimale, vous avez souhaité redonner leur liberté aux communes. Mais au bout d’un an, est-on sûr que cette offre, quand bien même elle n’est pas optimale, est assurée dans tous les territoires ? Existe-t-il une fracture territoriale en matière d’offre d’enseignement périscolaire, même si on peut penser que le plan mercredi et le plan culture pourront contribuer à la réduire ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Vous me pardonnerez de ne pas toujours vous répondre de façon aussi approfondie, comme vous le souhaiteriez.

Monsieur Le Bohec, nous ne sommes qu’au tout début du plan mercredi : tout n’est pas parfait, il nous faudra bien un an pour le mettre totalement en œuvre. Il est exact que nous visons d’abord les communes qui en ont le plus besoin : les communes rurales, les communes urbaines défavorisées et celles qui, dans les temps passés, n’ont pas pu développer des activités périscolaires de qualité. C’est donc avec discernement que nous devons prioriser les moyens.

C’est une mesure nouvelle qui est mise en œuvre par les CAF, dont les moyens sont mobilisés. Nous en sommes encore à ajuster les critères. J’ai été saisi par l’Association des maires de France des problèmes qui peuvent se poser sur le terrain.

Je suis malgré tout assez optimiste, en raison de l’élan et du dynamisme déployé localement pour assurer la qualité du périscolaire. Les CAF sont précisément en train de cibler les communes les plus en difficulté. Cela étant, il convient sans doute de préciser les règles du jeu, département par département. En effet, j’ai pu observer que les CAF ne les appliquaient pas partout exactement de la même manière. Je dois en parler avec la ministre des solidarités et de la santé, Mme Agnès Buzyn, de façon à rassurer les communes sur ce sujet.

J’ajoute que le plan mercredi concerne surtout les élèves des écoles primaires. Mais nous devrons, comme cela a été suggéré dans plusieurs questions, faire en sorte que l’offre culturelle aille au-delà. Cela fait partie des éléments de progrès de cette année.

Monsieur Minot, je suis très mobilisé sur le sujet de la lutte contre l’homophobie, qui rejoint celui de la lutte contre le harcèlement. Vous avez eu raison de souligner l’importance de la journée du 8 novembre, qui n’est pas un feu d’artifice : le but n’est pas de se préoccuper du harcèlement un jour sur trois cent soixante-cinq… Pour preuve, je me suis rendu plusieurs fois sur le terrain pour aborder cette question ; je le fais même systématiquement. Dans ce domaine, contrairement à d’autres, la communication a une énorme importance : il faut frapper les esprits. Emmanuel Macron a d’ailleurs décidé de s’impliquer directement dans la lutte contre le harcèlement à l’école ; et évidemment, l’effet vis-à-vis des élèves est très important. La campagne du 8 novembre que nous préparons aura des effets tout au long de l’année. Nous prendrons des mesures qui iront au-delà de cette campagne.

Tout cela nous renvoie à l’ensemble des enjeux dont nous parlons : si les élèves maîtrisent les savoirs fondamentaux, ont une culture générale développée et se trouvent dans un climat scolaire convenable, les phénomènes de harcèlement et d’homophobie régresseront à due proportion de l’amélioration de l’intelligence collective. Certes, ce n’est pas une réponse suffisante mais il n’en reste pas moins qu’il ne faut pas raisonner « en silo » : tous les facteurs interagissent les uns avec les autres. C’est d’ailleurs en ce sens que la question de la lutte contre le harcèlement rejoint celle du climat scolaire et celle, plus générale encore, de la transmission des valeurs de la République. La lutte contre l’homophobie est à englober dans cet enjeu majeur.

Effectivement, la formation des enseignants, initiale et continue, doit évoluer en la matière. Ceux-ci doivent pouvoir repérer les premières manifestations de harcèlement. Parfois, de petits phénomènes renvoient à des phénomènes plus graves. C’est tout l’enjeu des sensibilisations pédagogiques.

Restent les éventuelles sanctions. Je me suis beaucoup exprimé sur les sanctions intelligentes ; en particulier, celles qui sont appliquées aux élèves doivent avoir une valeur éducative. Et bien entendu, toute attitude relevant de l’homophobie peut aboutir à des sanctions sur le plan disciplinaire, y compris pour les personnels. Cela va de soi.

Madame Petit, vous m’avez rappelé l’épisode du cartable de 12 kg… Je ne prétends pas qu’il y ait eu, en un an, des améliorations en ce domaine. En revanche, des tendances se dessinent : l’évolution même de notre conception du manuel fait partie des remèdes proposés. J’étais ce matin dans la région Grand-Est, qui fait preuve d’un certain avant-gardisme en la matière. Il ne s’agit pas de tout numériser, mais d’articuler papier et numérique. Nous allons revoir l’équipement en manuels pour l’école primaire, le collègue et le lycée : je prône des manuels plus minces, plus clairs, plus progressifs, avec moins de fioritures et moins chers. Cela aura plusieurs vertus, dont celle de limiter leurs poids. C’est un très lourd chantier, si j’ose dire, dont malheureusement les effets ne seront pas immédiats, je le reconnais. Mais la direction est prise.

Les collectivités territoriales peuvent également décider d’installer des casiers. C’est une mesure utile, qui peut aussi avoir aussi un impact sur l’utilisation du téléphone portable. Il y a donc beaucoup à dire sur ce sujet, même s’il relève davantage du futur que du présent.

Sur la Semaine olympique et paralympique, une très forte dynamique a été enclenchée. J’adhère évidemment à tout ce que vous avez dit sur le sujet. 507 projets, ce n’est pas rien. Nous avons maintenant un délégué, l’ancien recteur de Rennes, qui se déplace sur tout le territoire pour procéder à une action de sensibilisation, et une nouvelle directrice de l’Union nationale du sport scolaire (UNSS) qui est totalement mobilisée. C’est le premier sujet dont nous avons parlé avec la nouvelle ministre des sports. Peut-être avez‑vous connaissance de la campagne de sensibilisation que nous avons menée ensemble ? Je vous renvoie à tous les documents que nous venons de sortir sur ces questions, et qui vont dans le sens du volontarisme que vous avez affiché.

Monsieur Bournazel, vous avez abordé la question des classes dédoublées, en particulier à Paris. Nous aurons en novembre-décembre des éléments scientifiques pour faire le bilan de ce dédoublement. Des évaluations ont en effet été réalisées – notamment, récemment, en début de CP et de CE1. J’aurai donc des réponses plus assurées à vous donner en fin d’année civile. En attendant, il y a ce que vous avez vu sur le terrain. Une enquête du principal syndicat du premier degré, qui n’est pas toujours dans un registre laudatif vis-à-vis des politiques publiques, a souligné des retours positifs. Autrement dit, les constats convergent mais il est trop tôt pour être plus précis. En tout cas, à la fin de l’année civile, j’ai rendez-vous avec vous et avec les acteurs de l’école pour faire un premier compte rendu de ce dispositif, même si c’est évidemment sur la durée que ses pleins effets se feront sentir. À certains endroits, des expérimentations pédagogiques se sont révélées très favorables, parfois extrêmement positives. Mais je reste prudent.

Vous avez fait état de la baisse démographique à Paris, qui place effectivement la capitale au niveau d’une commune rurale en termes de démographie scolaire pour le premier degré – situation assez étonnante. Je n’aurai malheureusement pas le temps de développer ce sujet, qui renvoie à des facteurs très extrascolaires : la difficulté pour un jeune couple de vivre en famille à Paris notamment, mais également la nécessaire modernisation des écoles parisiennes.

Monsieur Juanico, je vous remercie de votre intervention et de votre rapport, que je n’ai pas encore lu, mais dont je connais les grands principes. Il était très important de mener un tel travail sur une question aussi essentielle.

S’agissant de la fusion des deux inspections générales, nous en prenons le chemin ; c’est une réforme très importante qui n’est pas spectaculaire, mais qui est extrêmement matricielle pour le système. Le processus est enclenché, ce qui répond favorablement à votre proposition : en 2019, l’inspection générale de l’éducation (IGEN) et l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) fusionneront. Cela donnera une inspection de 290 membres. C’est considérable, surtout si on y ajoute encore l’inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS) sujet abordé avec la précédente ministre des sports et avec l’actuelle. Le but est de disposer d’une inspection tout à la fois plus puissante, plus diverse, dont le rôle sera renouvelé dans le sens que vous avez indiqué : un rôle de soutien aux établissements, avec des effets matriciels sur l’ensemble du système, notamment sur les corps d’inspection régionaux qui seront ainsi positionnés de manière à aider les établissements dans leur évaluation, dans leur autoévaluation aussi, et dans les contrats d’avenir qu’ils se donnent – autrement dit dans leur projet d’établissement. L’idée est qu’ils se sentent accompagnés plus que jugés par l’institution. C’est tout à fait le sens dans lequel nous allons aller, qui rejoint plusieurs points abordés aujourd’hui.

Le CNESCO va également évoluer. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous allons vers une instance d’évaluation, sans rien perdre de ce que le CNESCO a amorcé de positif, quitte à engager des évolutions institutionnelles qui permettent de poursuivre cette action dans un cadre différent. Le travail est amorcé, et nous en parlerons certainement beaucoup dans le cadre du futur projet de loi.

Madame Lang, vous avez posé la question de la mixité sociale, en donnant l’exemple de Paris. Oui, le premier élément de stratégie est le développement de l’attractivité, mais parfois cela ne suffit pas – je le place tout de même en premier, c’est en créant du désir que l’on est le plus efficace. Voilà pourquoi il faudra davantage mettre en avant les efforts accomplis, pour que les familles en aient connaissance : c’est une affaire de présentation, qui a toute son importance.

On peut également mener des politiques volontaristes concernant la carte scolaire ; j’ai suivi avec attention ce qui a été fait en la matière, à Paris ou ailleurs. Les premiers résultats sont mitigés. Il faut prendre le temps d’analyser très pertinemment les échecs et les succès, de façon à s’inspirer des succès. Ce sont des sujets très subtils, où toute action inconsidérée risque de devenir contre-productive : la mixité forcée peut conduire, on l’a vu, à des phénomènes de fuite vers l’enseignement privé. Tout cela est une affaire d’alchimie, qui doit pouvoir s’inspirer des expérimentations réussies. Je vous confirme que j’y suis totalement ouvert.

S’agissant des classes multiniveaux en milieu rural, madame Meunier, je l’ai affirmé souvent et j’espère créer un consensus sur cette question : il faut porter une attention de même ampleur aux territoires ruraux qu’aux territoires urbains, mais avec un œil différent, dans la mesure où les situations ne sont pas comparables. Le taux d’encadrement, par exemple, n’est pas un problème : j’ai souvent rappelé que le nombre d’élèves par classe était de quatorze en Lozère, seize dans le Cantal et quinze en Vendée – et pas uniquement en CP-CE1, mais de la petite section au CM2. Cela crée en réalité des conditions favorables à l’école primaire rurale, dont il faut faire la publicité, car elle réussit mieux que l’école primaire dans le reste de la France. Mais nous devons la rendre attractive, et lutter contre le phénomène de baisse démographique par une stratégie générale qui inclut l’éducation, mais qui la dépasse. J’espère que des mesures seront proposées dans le rapport en faveur de l’attractivité pédagogique de l’école rurale.

De ce point de vue, les classes multiniveaux ne sont pas mauvaises en soi ; elles sont même un atout si elles sont bien gérées. Maria Montessori préconisait de mélanger les petites, moyennes et grandes sections en maternelle afin de jouer des effets de compagnonnage, les uns tirant les autres vers le haut. La classe multiniveaux en milieu rural, bien faite, tire tout le monde vers le haut car elle permet une personnalisation parfaite pour chaque élève. Il ne faut donc pas voir la classe multiniveaux comme un problème, mais bien comme un défi pour que la qualité pédagogique soit au rendez-vous. C’est un savoir-faire ancestral des maîtres en milieu rural qu’il ne faut pas perdre, mais bien renouveler et intensifier, ce qui signifie des plans de formation continue volontaristes en milieu rural, au sein d’une stratégie d’ensemble.

Madame Bannier, je vous remercie de vos propos sur les langues anciennes. La question des classes sans enseignant est évidemment un des problèmes structurels les plus importants de l’éducation nationale, et je ne saurai y répondre en quelques secondes. L’évolution de la politique de ressources humaines et l’agenda social commencé au mois de mai dernier ont notamment pour objectif d’améliorer considérablement le remplacement. Il n’est pas acceptable que notre système consacre autant de moyens au remplacement avec des résultats aussi faibles. Je ferai des propositions sur le sujet, mais si le problème était simple, nous le saurions ; je ne prétends pas arriver avec une baguette magique. Quoi qu’il en soit, nous n’allons pas rester inertes et je vous soumettrai un plan sur le sujet au cours de l’année scolaire.

Monsieur Bois, la « rentrée en musique » a été une belle réussite. Nous n’avons pas encore atteint 100 % des écoles, collèges et lycées, mais nous y tendons, et je pense que le phénomène va s’étendre totalement à la rentrée prochaine, car tous ceux qui le font et qui le vivent s’en réjouissent considérablement, et cela participe de ce bon climat de rentrée.

Le plan « chorale » est en train de se dérouler : je rappelle qu’il s’agit de consacrer deux heures par semaine dans chaque collège de France à la réalisation d’une chorale. Il va de pair avec des enjeux de formation continue et de ressources pédagogiques. J’étais à Radio France il y a huit jours, et grâce à une alliance entre Arte, Radio France et l’Éducation nationale, une application appelée Vox est à la disposition des chefs de chœur de toute la France pour accompagner du mieux possible le déploiement de ces chorales.

Il existe également un plan pour le primaire qui doit amener à doubler, voire éventuellement tripler le nombre d’élèves concernés par les chorales à l’école primaire au cours des deux prochaines années. Le volontarisme est très grand sur cette question, et les premiers retours sont très bons.

Madame Dumas, je pense avoir déjà répondu à vos questions.

Mme Sophie Mette. Actuellement, dans les lycées professionnels, les enseignements généraux ne sont pas encore à la hauteur des ambitions et des objectifs. Les causes sont nombreuses : trop d’élèves, climat social explosif… Le caractère indispensable des enseignements généraux ne fait pas de doute et leur importance est caractérisée, par exemple pour le français. Allez-vous mettre en place des moyens afin d’améliorer le niveau général dans les zones prioritaires et y réintroduire de la justice sociale, sujet qui nous tient à cœur ?

Un autre point d’inquiétude grandit dans les lycées professionnels ; on annonce moins d’heures dans les nouveaux programmes, ce qui entraînerait une réduction du nombre de postes. Que pouvez-vous répondre ?

Mme Sylvie Tolmont. Monsieur le ministre, vous avez engagé depuis 2017 le dédoublement des classes de CP et CE1 en réseau d’éducation prioritaire. Nous approuvons le principe, au nom de la lutte contre les inégalités sociales, de la mise en place de ces classes à douze élèves. Mais nous sommes beaucoup plus circonspects sur les moyens mis en œuvre pour appliquer cette mesure, tant elle nous paraît se faire au détriment des élèves de toutes les autres classes, et plus particulièrement de celles situées en zone rurale.

Par exemple, pour cette rentrée scolaire, dans mon département, les écoles en milieu rural paient un lourd tribut aux dédoublements dans les quartiers prioritaires : sur trente-sept retraits de postes, vingt-sept surviennent en milieu rural, dont cinq en zone de regroupement pédagogique intercommunal (RPI). À cela s’ajoute une ponction sur les remplaçants, pourtant indispensables à la continuité du service public. Je précise qu’en 2017, pour la rentrée préparée par Mme Najat Vallaud-Belkacem, ce même département bénéficiait d’une dotation de vingt postes et de la création de vingt-huit postes de remplacement, alors même que la baisse des effectifs était équivalente à celle que nous connaissons aujourd’hui dans le premier degré.

Sur les 6 900 postes nécessaires à l’organisation de ces dédoublements depuis 2017, quelle a été la part de réaffectation des professeurs engagés dans le dispositif « Plus de maîtres que de classes », celle des professeurs remplaçants et combien de postes supplémentaires avez-vous réellement créés ? Enfin, pouvez-vous nous communiquer le nombre définitif de fermetures de classes en zone rurale ?

M. Bertrand Sorre. Les sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) sont des structures spécifiques présentes au sein d’environ 1 500 collèges en France. Elles accueillent près de 85 000 élèves présentant des difficultés scolaires importantes qui se sont installées dans la durée.

Je salue l’ambition que traduit le dédoublement des classes de CP et de CE1, car les élèves qui en bénéficieront n’entreront plus en SEGPA au collège au motif d’un manque de maîtrise des compétences de base. C’est une réponse forte, dont je vous remercie.

Encadrés par des professeurs des écoles, très souvent titulaires d’un diplôme spécifique, et par des professeurs de lycées professionnels, ces jeunes âgés de 11 à 16 ans bénéficient d’un parcours personnalisé qui leur permet de construire un projet personnel et professionnel très souvent synonyme d’accès à un diplôme qualifiant, puis une insertion sociale et professionnelle réussie. La SEGPA, même si elle est plus ou moins bien intégrée au sein des collèges, participe très souvent utilement à l’inclusion d’élèves aux profils très variés, et dont une partie est en situation de handicap.

Monsieur le ministre, quel regard portez-vous sur la structure SEGPA telle qu’elle fonctionne actuellement ? Envisagez-vous d’éventuelles évolutions au sein d’un collège plus inclusif ? Quel est votre regard sur la formation des personnels qui y exercent, de moins en moins nombreux à être titulaires d’un diplôme de professeur des écoles spécialisé ?

Mme Sylvie Charrière. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter de l’organisation de cette rentrée scolaire et de tous les chantiers que vous avez, ou que vous allez engager.

Ce qui fait le plus défaut à nos jeunes issus des quartiers défavorisés sont les savoir‑être, et d’une manière générale, les compétences transversales – domaines 6 et 7 du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Pour l’heure, la formation des enseignants se concentre davantage sur les aspects disciplinaires. Dans le cadre de la future réforme de la formation des enseignants, comment envisagez-vous d’intégrer ces compétences transversales au contenu de formation des enseignants, et même aux concours ? Ne faut-il pas les élargir à des domaines tels que le coaching, le numérique, la citoyenneté, et ainsi profiler des postes ?

Vous souhaitez créer une instance d’évaluation des établissements scolaires, et nous savons que la dynamique de groupe contribue grandement à leur réussite. Allez-vous intégrer à la formation des enseignants la capacité à travailler ensemble ?

Mme Emmanuelle Anthoine. Monsieur le ministre, je voudrais évoquer le taux d’encadrement dans le secondaire. Vous prévoyez de supprimer 2 650 postes dans les collèges et les lycées pour la prochaine rentrée scolaire. Or les effectifs des collèges vont croître de 40 000 élèves à chaque rentrée, sur plusieurs années. Dans ces conditions, pouvez-vous nous faire connaître le taux d’encadrement dans le secondaire et son évolution à venir au regard de la mesure ?

M. Raphaël Gérard. Monsieur le ministre, vous avez déjà partiellement répondu à ma question en répondant à M. Minot. Je souhaite vous interroger sur l’homophobie en milieu scolaire, en particulier dans les territoires ultramarins, sujet auquel je vous sais sensible.

Avec mes collègues Laurence Vanceunebrock-Mialon et Gabriel Serville, j’ai rédigé un rapport sur les LGBT-phobies outre-mer. Trop souvent, elles sont la norme dans les territoires ultramarins ; de ce fait, la lutte contre les discriminations et le harcèlement vis‑à‑vis des jeunes homosexuels dans les établissements ultramarins souffre souvent d’une espèce d’omerta ou à tout le moins d’une certaine négligence de la part des fonctionnaires.

Je vous ai récemment saisi d’un cas particulier survenu en Guyane lors de cette rentrée. Il est important de garder à l’esprit que, sur ces questions, des mesures spécifiques et des campagnes particulières adaptées aux cultures locales s’imposent dans les territoires ultramarins.

Mme Fannette Charvier. Monsieur le ministre, vous venez d’annoncer un gel de la carte de l’éducation prioritaire pour 2019. Bien que cela ne concerne pas cette rentrée, je me permets tout de même une question à ce propos.

Dans ma circonscription, on compte quatre écoles orphelines, parmi lesquelles la plus grande école du quartier prioritaire de Planoise, à Besançon, qui scolarise à elle seule près de 450 élèves. Les enseignants de ces écoles attendaient impatiemment la nouvelle carte de l’éducation prioritaire, en espérant y être intégrés.

Est-il envisageable que des mesures particulières soient prises dès 2019 pour accompagner ces écoles orphelines, à titre transitoire, en attendant la refonte de l’éducation prioritaire l’année suivante ?

M. Stéphane Testé. Monsieur le ministre, j’ai une question et une suggestion relatives à l’attractivité et la fidélisation des postes en éducation prioritaire, qui est souvent, hélas, la piste d’atterrissage pour les enseignants nouvellement formés. On y trouve trop peu d’enseignants chevronnés. Ne pourrait-on pas expérimenter un fléchage de postes vacants, réservés à des enseignants chevronnés, qui conserveraient leur poste sur le plan administratif, et qui, au bout d’un an, pourraient éventuellement s’engager en contrepartie d’un accélérateur de carrière tel qu’un accès facilité à la hors classe ?

Pouvez-vous par ailleurs nous indiquer les contours et la mise en application de la prime REP+ que vous avez évoquée ?

Mme Agnès Thill. Monsieur le ministre, je me réjouis cette année encore de la réussite de la rentrée scolaire et des conditions dans lesquelles elle s’est déroulée, mais aussi de la manière dont les réformes ont été mises en place pour cette année 2018-2019.

Les territoires de notre pays ne sont pas tous identiques et, par conséquent, ils ne sont pas tous égaux. Les territoires ruraux, bien que divers, cumulent des problématiques similaires qui leur sont propres : éloignement, durée et difficultés de transport, manque de services publics et d’équipements… L’école en est forcément affectée, les familles et les élèves également.

Pouvez-vous nous présenter les actions et mesures prévues par le projet de loi de finances pour votre ministère et qui concernent spécifiquement l’école dans les territoires ruraux ?

M. Stéphane Claireaux. Monsieur le ministre, nous sommes tous conscients qu’une volonté d’inclusion de tous les enfants de la République anime notre école. En revanche, nous pouvons constater en cette rentrée scolaire que tous les établissements ne sont pas préparés à accueillir tous les enfants.

J’ai eu connaissance de deux exemples récents, l’un dans ma circonscription à Saint‑Pierre-et-Miquelon et l’autre dans l’Oise, qui concernent respectivement un enfant trisomique et un enfant autiste. Manifestement, dans les deux cas, les moyens ne sont pas au rendez-vous, notamment en ce qui concerne les postes d’auxiliaires de vie scolaire (AVS). Au-delà de cette belle idée d’inclusion que nous défendons tous, l’esprit de la loi – une école qui doit s’adapter à tous les enfants – est-il véritablement applicable dans les faits ?

S’agissant de l’homogénéité des classes, quelles actions adaptées peuvent être mises en place par votre ministère afin d’aider et de prendre en charge les enfants qui, malgré tous les efforts des enseignants, ne trouvent pas leur place dans un cursus normal ? Je connais l’exemple d’un jeune professeur des écoles dans la banlieue de Lyon, dont 25 % des élèves souffrent de handicaps ou de troubles graves du comportement. Le défi dans ce cas va bien au-delà de la pédagogie différenciée, vous en conviendrez ; face à de telles situations, les enseignants sont aussi désemparés que les parents.

Le discours des enseignants avec qui j’ai pu échanger en cette rentrée est relativement désabusé. En plus de vingt-cinq ans de carrière pour certains, ils m’ont tous dit avoir connu de trop nombreuses réformes en tout genre, de changements de programme, de méthode ou de mise en place de nouveaux dispositifs. Selon leurs propres mots, ils ont tout encaissé, mais le résultat n’est pas à la hauteur. Comprenez-vous cette lassitude, monsieur le ministre ? Comment redonner confiance à des enseignants passionnés par leur métier, mais en plein doute sur leur utilité, et qui se sentent dévalorisés et peu soutenus par une hiérarchie parfois déconnectée de la réalité du terrain ?

Mme Cécile Rilhac. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de cette présentation et à vous féliciter de votre force de détermination et de votre pugnacité, qui ont permis une augmentation du budget de l’Éducation nationale de 850 millions d’euros pour l’année 2019. Cet effort traduit votre volonté et votre engagement sincère pour l’éducation et la réussite de notre jeunesse.

Vous vous êtes engagé avec le Gouvernement à faire du primaire une priorité. J’ai constaté en cette rentrée 2018 dans le Val-d’Oise une mise en œuvre effective ; et puisque vous parliez tout à l’heure d’agilité, je peux vous assurer que, dans le Val Oise, il s’est vraiment s’agit d’agilité pour les CP et les CE1 en REP et REP+ !

Ma question première portait sur le handicap, elle vient d’être abordée par M. Claireaux.

Mais nous n’avons pas encore abordé la question de l’enseignement français à l’étranger. L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) compte 6 500 personnes qui gèrent directement 72 établissements dans le monde. Que pouvez-vous nous dire de la rentrée dans ce réseau des établissements d’enseignement français à l’étranger ?

Mme Béatrice Piron. Monsieur le ministre, je souhaitais revenir vers vous au sujet de l’évaluation à l’entrée en sixième, et d’un message du président de la République selon lequel 20 % des élèves sortiraient du primaire sans savoir lire, écrire ou compter correctement. Certaines personnes omettent sciemment le mot « correctement » et laissent croire que 20 % des élèves sortent du primaire sans savoir lire, écrire ou compter, ce qui est faux.

Cependant, au cours d’une audition menée par le groupe d’études sur l’illettrisme, que je préside, le directeur du service national et de la jeunesse du ministère des Armées nous a indiqué que près de 10 % des élèves sont réellement en situation d’illettrisme à 18 ans, mais qu’ils l’étaient très vraisemblablement déjà lors de leur passage en sixième.

Il y a parfois confusion entre quelques difficultés et de grosses difficultés, ce qui complique l’action si les solutions d’accompagnement sont les mêmes pour tous. Ne pourrait‑on, à titre expérimental, mettre en place des mesures plus spécifiques ? Des méthodes alternatives ou hors les murs, dès la sixième, permettraient de mieux remédier à cette situation qui est parfois détectée lors du test d’entrée en sixième, mais qui se poursuit jusqu’à la sortie ou l’abandon de la scolarité.

M. Cédric Roussel. Monsieur le ministre, vivre avec le numérique est aujourd’hui une évidence afin d’inventer le monde de demain. Très impliqué sur ce sujet, j’ai eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises les acteurs de l’EdTech dans mon territoire, notamment le cluster EducAzur. Ils ne manquent pas de bonnes idées et leur volontarisme est certain.

Vous souhaitez développer une démarche explicite et transparente d’appui aux entreprises de l’EdTech en favorisant les échanges et le travail en partenariat avec l’école. C’est une excellente idée à laquelle je m’associe : nous savons tous que l’éducation au numérique présente des vertus démontrées. Ces 350 start-ups françaises constituent un vivier phénoménal et n’attendent qu’une chose : passer de l’expérimentation à l’implémentation.

Comment comptez-vous faire pour développer des marchés autour du secteur de l’éducation numérique, afin de consolider les échanges entre les acteurs de l’EdTech et de l’éducation, au service des générations futures ?

Mme Sandrine Mörch. Dans le cadre de la rentrée scolaire et suite au rapport de l’institut Montaigne intitulé « La fabrique de l’islamisme », qui souligne l’urgence de faire reculer les idées radicales, en particulier chez les jeunes, je m’interroge sur l’enseignement de la laïcité et la prévention de la radicalisation à l’école.

Le plan national de lutte contre la radicalisation lancé en février dernier prévoit dans son premier volet d’investir l’école, d’y défendre les valeurs républicaines, de fluidifier la détection des jeunes qui basculent et de prémunir les élèves face au risque de radicalisation dans l’espace numérique. Où en est la mise en œuvre de ce plan ?

Pour ne pas associer la laïcité uniquement à des choses négatives, des problématiques de signalement ou de peur, je pense également au travail de terrain de l’association ENQUÊTE, qui propose des formations à destination des professionnels éducatifs pour aborder la laïcité et le fait religieux avec les élèves. Il s’agit de faire en sorte que les enfants et les adolescents comprennent le monde dans lequel ils évoluent, sans tabou, et parlent sereinement de la laïcité, des croyances et des convictions. Je souligne que cette association, qui bénéficie de l’agrément de l’Éducation nationale, mène actuellement une expérimentation très intéressante à Sartrouville. Ce projet mériterait à mon sens d’être déployé sur l’ensemble du territoire.

Je reviens des États-Unis : les Américains sont stupéfaits des polémiques autour de l’apprentissage de l’arabe à l’école, et nous traitent de pays « rance » sur cette question. En revanche, vous y êtes aussi populaire qu’ici !

M. Bertrand Bouyx. Monsieur le ministre, suite à la rentrée 2018 et pour creuser le sillon de la ruralité, je souhaiterais que vous nous fassiez part de votre vision à moyen et long terme sur la préservation de l’école en milieu rural. Je sais que vous y êtes comme moi très attaché, et que de nombreuses contrevérités ont été énoncées. Cela étant, préserver les points de vie que sont les écoles en milieu rural est un combat, inutile de se le cacher. Les effectifs sont en tension, et sans une volonté politique forte, nos campagnes pourraient voir leurs écoles peu à peu disparaître. Quelle est votre position sur ce dossier qui touche à l’éducation de nos enfants, mais également à la qualité de vie de nos concitoyens, et plus largement à l’aménagement de notre territoire ?

M. Paul Molac. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre plaidoyer pour les langues anciennes, formatrices, identitaires, en lien avec la langue française, et j’ai cru que vous faisiez un plaidoyer pour les langues régionales !

La rentrée, concernant ces langues régionales, a eu lieu, et si l’on constate une amélioration de la situation les concernant, elle est largement inférieure aux besoins. Au rythme où nous allons, par exemple en Bretagne, nous aurons un tiers d’une classe d’âge en filière bilingue en 2118… Nous n’avons pas un siècle à attendre, évidemment, parce que contrairement aux langues anciennes, nous n’avons pas beaucoup de sections, ni 70 % ou 80 % des lycées et collèges en mesure d’offrir cette possibilité.

Un certain nombre d’élèves brittophones de naissance ou en filière bilingue sont contraints d’intégrer un lycée classique pour des questions d’option, ou parce que la proposition qui leur est faite est très loin de leur milieu familial. De ce fait, ils ne pourront suivre l’option « breton », puisqu’elle n’existe pas dans le lycée qu’ils rejoignent. Auront-ils la possibilité de passer l’option au bac, par le biais d’un examen ?

Ma deuxième question porte sur le bac bilingue. Des jeunes qui interrogeaient le rectorat de Rennes depuis trois ans, sans obtenir de réponse, ont décidé malgré les injonctions négatives de passer les mathématiques en langue régionale. Il faudra leur répondre si vous ne voulez pas qu’on en arrive à une situation de blocage qui ne serait bonne pour personne.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Madame Mette, les questions sur l’enseignement général en lycée professionnel mériteraient de très longs développements. L’enseignement professionnel est ma deuxième priorité après l’enseignement primaire, l’augmentation du nombre d’élèves, dont j’ai donné les chiffres, va dans le sens de la dynamique que nous voulons créer, qui est largement qualitative, et vous avez raison de mentionner l’enseignement général dans ce cadre.

Si ce n’était qu’une question de moyens, cela se saurait… Aujourd’hui, le lycéen professionnel est de loin celui qui coûte le plus cher. C’est aussi celui qui a le plus d’heures de cours, mais ce n’est en aucun cas synonyme de réussite. Aujourd’hui, nous en sommes à près de 34 heures de cours par semaine, et nous restons confinés dans une approche quantitative alors que nous devrions adopter une approche qualitative. J’assume qu’il puisse y avoir moins d’heures, mais meilleures, et qu’il faille aller vers un enseignement général plus efficace pour les lycéens, à la lumière de toutes les consultations que nous faisons sur ce point, y compris avec les organisations syndicales. C’est le sens d’une des propositions du rapport Calvez-Marcon sur la co-intervention, afin que l’enseignement général s’articule avec des enjeux concrets pour les élèves. Bien entendu, l’objectif poursuivi est le renforcement des compétences générales des élèves de l’enseignement professionnel ; encore faut-il agir avec discernement, en privilégiant cette approche qualitative indispensable.

Je sais que les professeurs de lycées professionnels en ont conscience et sont en accord avec ce que je dis ; je leur demande de bien entendre cette bienveillance absolue vis‑à‑vis de l’enseignement professionnel, et vis-à-vis d’eux-mêmes. Cela supposera des évolutions de tout ordre, mais qui seront positives pour les professeurs. Oui, il y aura des transformations, dans le sens d’un renforcement des compétences générales et des compétences concrètes professionnelles. Mais cela ne signifie pas la multiplication du nombre d’heures ou la reconduction à l’identique, car le bilan n’est pas positif dans certains domaines. Il faut là aussi faire preuve de discernement, les choses sont très différentes d’un endroit à l’autre et d’une section à l’autre. Nous avançons en finesse, mais le monde du lycée professionnel doit se sentir soutenu dans la période actuelle : il a le vent dans les voiles, si je puis dire. C’est dans cette posture psychologique qu’il faut avancer.

Madame Tolmont, j’avais eu l’occasion de répondre à M. Le Foll dans l’hémicycle sur votre question. Pour la Sarthe, les chiffres bruts en cette rentrée 2018 sont les suivants : moins 752 élèves, mais plus 42 ETP. Nous avons déjà fait plus dur pour d’autres départements de France… Il est possible qu’il n’y ait pas eu un parfait discernement pour identifier les lieux où des postes devaient être créés : il est probable que des évolutions s’imposent dans ce département. Mais on ne saurait en aucun cas décrire la politique suivie comme ayant sacrifié la Sarthe ou l’école primaire : c’est tout le contraire.

Je signale que je fais mienne la rentrée 2017, en dépit de vos propos, car il serait trop facile de nous reprocher un certain nombre de décisions budgétaires très difficiles prises au mois de juillet 2017, et de considérer que ce qui se passe en septembre de la même année relève de décisions magnifiques prises avant l’alternance politique… Il a bien fallu dégager les moyens. Nous étions d’accord avec les créations de postes à l’école primaire, preuve en est que nous sommes allés plus loin à la rentrée suivante.

Vous m’avez demandé le nombre de créations de postes à cette rentrée, c’est public et clair : 3 880. J’ai dû répéter ce chiffre plusieurs centaines de fois, mais il a du mal à « percoler » dans l’esprit public, et je ne suis pas toujours aidé par tous ceux qui interviennent sur cette question…

Je reviendrai sur l’ensemble des chiffres de la rentrée suivante. Nous n’avons pas éteint le dispositif « plus de maîtres que de classes » ; mais les choses peuvent varier d’un département à l’autre. Il est vrai qu’il y a désormais moins d’enseignants dans ce dispositif dans la mesure où certains sont entrés depuis dans celui du dédoublement. C’est un enjeu de ressources humaines plus que de postes : ces enseignants sont très contents de leur expérience dans le dispositif « plus de maîtres que de classes », et de leur arrivée subséquente dans le dédoublement. Les choses semblent se réaliser dans un sens logique et profitable.

Monsieur Sorre, vous savez à quel point je suis attaché aux SEGPA, je pense qu’elles sont loin d’être inadaptées aux besoins d’une partie de nos élèves. Je vous remercie d’avoir remarqué que tout le travail mené actuellement en amont fera qu’il y aura peut-être moins d’élèves en SEGPA dans le futur – en tout cas, il faut le souhaiter. Dans la situation actuelle, nous n’allons pas diminuer le nombre de SEGPA ni dévaloriser ce que représente le professeur des écoles spécialisé dans notre système scolaire ; je leur reconnais bien au contraire une compétence très importante, qui crée un pont entre le premier et le second degré. Ma politique sera toujours de valoriser les SEGPA, soyez-en certain.

Madame Charrière, il y aura plus de postes « profilés » dans les temps à venir : cela concernera des compétences spécifiques, nouvelles et originales dans le système scolaire, ce qui contribuera à sa modernisation. La capacité à travailler en équipe est fondamentale, de tout temps, et en particulier au XXIe siècle. C’est un réel défi pour nos élèves, nos professeurs, et le pays tout entier. Notre pays a de grandes qualités, mais nous entretenons un certain individualisme qui, s’il a des vertus, ne correspond pas à ce que nous souhaitons transmettre à nos enfants. Pour toutes sortes de raisons qui tiennent à l’idée républicaine et à l’épanouissement personnel et professionnel de chaque enfant, nous souhaitons transmettre la valeur du travail en équipe. Nous commençons dès l’école maternelle, et nous devons apprendre aux enfants à gagner à plusieurs, à connaître des réussites collectives.

Cela va de pair avec la formation des professeurs, qui doit permettre de développer le travail en équipe, et en faire la chose la plus naturelle du monde dans nos établissements scolaires. Ce n’est évidemment pas du tout antinomique avec l’excellence pédagogique et l’excellence disciplinaire dans le second degré, ou l’excellence pluridisciplinaire dans le premier degré, et cela va de pair avec la compétence collaborative. Cela fait partie des évolutions de la formation initiale que nous avons enclenchées.

Madame Anthoine, je reporte à début novembre mes réponses à vos questions sur la rentrée prochaine, d’autant qu’elles sont assez techniques. D’ores et déjà, je peux vous indiquer, comme je l’ai déjà annoncé, que nous allons développer les heures supplémentaires à l’occasion de cette rentrée. Autrement dit, compte tenu du faible nombre de suppression de postes au regard du million qu’en compte l’éducation nationale, il n’y aura pas de dégradation significative du taux d’encadrement dans le second degré. Nous avons choisi, et nous assumons de choix, de créer des postes dans le premier degré, pour les raisons que j’ai exposées. Il est vrai que la France dépense plus que la moyenne des pays de l’OCDE dans son second degré, et moins dans son premier degré ; nous voulons rééquilibrer cela. Nous assumons ce choix, et nous pourrons le documenter au cours de notre discussion du mois de novembre.

Monsieur Gérard, je note ce que vous avez dit sur la LGBT-phobie outre-mer et j’entends bien la spécificité du contexte. Je signale tout de même que c’est Saint-Pierre-et-Miquelon qui a remporté le concours de lutte contre le harcèlement, grâce à une très belle chanson et à un réel dynamisme. C’est donc qu’il existe des éléments positifs. Je vais néanmoins alerter les recteurs sur la nécessité de mener une approche spécifique, en complément de l’approche générale que nous souhaitons pour tout le pays. Je prends le point, comme on dit…

Madame Charvier, les écoles orphelines en REP représentent un vrai sujet pour lequel je suis sans arrêt sollicité. Nous devons réfléchir à cette question dans le cadre du rapport, afin d’éviter les incohérences en la matière. Il sera très difficile de changer les règles du jeu pour la rentrée prochaine. Nous allons réaliser une cartographie, de sorte que ces écoles bénéficient de dispositifs favorables. Cela n’interdit pas, tant s’en faut, dans le cadre de la préparation de la rentrée 2019 et avec les moyens supplémentaires que nous sommes en train de nous donner dans le premier degré, de prévoir un effort particulier pour ces écoles ! Le classement en REP et REP+ n’est pas l’alpha et l’oméga de toute politique volontariste pour les écoles qui rencontrent des difficultés sociales.

Monsieur Testé, vous avez appelé à l’affectation de nouveaux professeurs en REP et au fléchage des postes vacants, conformément aux propos tenus par le Président de la République, avant même son élection. C’est bien dans cette direction que nous allons, afin d’avoir plus de professeurs chevronnés en réseaux d’éducation prioritaire, de rendre les REP plus attractifs, notamment par le biais des primes, mais aussi d’y avoir davantage de réussites collectives : la prime n’est pas forcément attachée à la réussite individuelle du professeur, elle doit pouvoir être liée à la réussite collective de l’école. Nous travaillons sur ce sujet, afin que les moyens que nous mettons soient au service d’un progrès de l’institution.

Madame Thill, notre stratégie rurale est affirmée et comprendra plusieurs volets, que je ne saurais détailler en si peu de temps. J’ai mentionné les internats, tout à l’heure, et les écoles rurales. De façon plus générale, tout cela nous invite à avoir une vision démographique pour la France, en partant d’une situation qui n’est pas simple, puisqu’il manque chaque année 30 000 à 40 000 enfants. C’est ce sujet-là, qui ne concerne pas que l’éducation nationale, qui doit nous mobiliser. Une alliance doit se faire entre les collectivités et l’État. C’est le sens des contrats départementaux ruraux qui explicitent, département par département, la stratégie rurale pluriannuelle la plus adaptée. Nous développons une nouvelle génération de contrats de ce type, afin de mieux cerner la stratégie à adopter.

Monsieur Claireaux, il y a plus d’AVS à cette rentrée qu’à la rentrée précédente. Je ne connais pas la réalité de Saint-Pierre-et-Miquelon, mais je crois qu’un effort y a été également fait. Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit tout à l’heure, mais rappelle que ces personnels sont désormais mieux formés, puisqu’ils suivent une formation de soixante heures.

Vous avez parlé de la lassitude des professeurs devant les réformes. Je voudrais dire, à rebours de certains discours, que j’ai parfaitement conscience de cette lassitude née des décennies passées. Contrairement à ce qui est parfois dit, j’ai été extrêmement attentif à cet aspect des choses : ainsi, je n’ai pas changé les programmes du premier degré, alors que d’autres débuts de quinquennat n’ont pas été forcément habités par la même sagesse… Nous avons fait des infléchissements, en ôtant certaines choses qui paraissaient ne pas convenir et en en ajoutant d’autres qui semblaient nécessaires. Mais nous avons gardé l’essentiel, ce qui est positif pour les professeurs.

Les évolutions pédagogiques actuelles se traduisent en termes de ressources supplémentaires pour les professeurs, de points de repère et d’outils supplémentaires : c’est une transformation profonde, mais douce. Nous recherchons des effets de levier qui ne soient pas brutaux. Nous sommes conscients de ce que vous nous rapportez, monsieur Claireaux, mais cela ne doit pas nous empêcher d’avoir un discours volontariste et enthousiaste sur les changements nécessaires. Nous voyons bien aujourd’hui que la mesure de dédoublement des classes de CP et de CE1 constitue une sorte de pointe avancée dans la création d’un optimisme indispensable : sur ces questions, tout est d’abord dans les têtes…

Madame Rilhac, je vous remercie de vos observations. Nous aurons prochainement des rendez-vous au sujet de l’AEFE, notamment la grande rencontre que nous organisons avec le ministre de l’Europe et des affaires étrangères M. Jean-Yves Le Drian dans les toutes prochaines semaines. Vous connaissez l’objectif fixé par le Président de la République : être capables de doubler notre effort à l’étranger. Cela va nous conduire à adopter un raisonnement en cercles concentriques : consolider le noyau dur, qui correspond au schéma actuel, et développer un nouveau modèle économique pour un deuxième cercle permettant à la « marque France » de s’autoporter dans le monde.

Nous avons l’ambition de faire de la France une puissance éducative mondiale. Le Président de la République lui-même a pris beaucoup d’initiatives internationales dans ce sens. Écoutez ce qui a été dit à l’Assemblée générale des Nations unies à New York sur cette question ! Il a été applaudi par l’immense majorité des chefs d’État et de gouvernement présents et a suscité un enthousiasme considérable. La France est perçue comme le pays qui, en ce moment, porte le sujet éducatif au cœur de l’agenda international, que ce soit au cœur du G20 avec la présidence argentine, du G7 qu’elle va présider ou du plan mondial pour l’éducation avec la multiplication par dix des moyens qu’elle consacre à l’aide éducative, en Afrique notamment. C’est un sujet dont les médias parlent peu, mais qui est essentiel. Il y a un leadership français, défendu par le Président de la République, et que je soutiens, afin de participer à cette dynamique et faire rayonner la France.

La question de l’AEFE nous renvoie à l’évolution du modèle économique, pour réussir à nous développer de façon assumable, mais aussi à un renouvellement de la politique de ressources humaines. Nous avons intégré cette dimension dans la formation initiale des professeurs, puisque nous devrons disposer, dans le futur, d’institutions de formation, les ESPE, qui permettront beaucoup plus à des professeurs, y compris en début de carrière, de connaître des expériences internationales, au service du réseau, et de revenir de manière plus fluide qu’aujourd’hui. Le but est de créer une circulation internationale dans notre système, au bénéfice du réseau à l’étranger comme de la France en tant que telle.

Madame Piron, sur l’évaluation des élèves au collège et notre capacité à lutter contre l’illettrisme dès le collège, les évaluations de sixième, qui viennent d’avoir lieu et qui ont été, pour la première fois, totalement systématiques et numérisées, nous permettront d’avoir un tableau très clair de la situation. Il existe, dans nos collèges, une belle tradition de l’évaluation en début de sixième que nous venons de renforcer, en quelque sorte, en lui donnant une plus grande universalité. Ces évaluations donnent lieu au déclenchement d’aides personnalisées, correspondant aux faiblesses détectées.

Monsieur Roussel, votre question va de pair avec celle du rayonnement éducatif français. Nous devons encourager les EdTech françaises et créer un effet de levier, grâce à la puissance de notre système éducatif. Le fait d’être un grand service public de l’éducation nationale doit leur permettre d’avoir un tremplin vers le développement national et international, le tout dans cette logique d’ambition dont j’ai parlé tout à l’heure, ainsi que lors de mon discours à l’université d’été Ludovia. Nous avons créé un laboratoire au ministère de l’éducation nationale, que nous avons appelé le « 110 bis », pour avoir un démonstrateur de ces EdTech. Et lorsque je parle de Poitiers comme capitale de l’éducation numérique, c’est pour souligner le rôle de nos opérateurs – Canopé, le Centre national d’enseignement à distance (CNED), l’École supérieure de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de-là recherche (ESEN) – et montrer que nous disposons de capacités d’incubation de nouvelles technologies utiles pour la pédagogie.

Madame Mörch, j’adhère à ce que vous avez dit. Dans mon propos liminaire, j’ai d’ailleurs parlé de cette laïcité joyeuse – et pourtant, je n’aime pas les adjectifs… Il n’y a effectivement aucune raison de se laisser envahir par une forme de grisaille sitôt que l’on évoque un concept qui n’a rien de gris, ni de négatif, ni de punitif, mais qui est bel et bien positif, puisque c’est ce qui permet de bien vivre ensemble. Tout cela est affaire de présentation des choses à nos élèves : toutes les expériences que je connais en la matière donnent d’excellents résultats. Pour peu que l’on s’y mette et que l’on fasse ce qu’il y a à faire, la laïcité devient quelque chose qui coule de source ou qui doit le faire.

Monsieur Bouyx, nous approfondirons un peu plus tard la question rurale, comme je l’ai dit tout à l’heure.

Enfin, Monsieur Molac, je vous attendais sur ce sujet ! D’un point de vue linguistique, il ne faut pas opposer les langues anciennes et les langues régionales, mais au contraire les relier : le latin, par exemple, s’articule moins avec le breton qu’avec l’occitan, mais cette articulation a toute son importance dans la connaissance de la civilisation, puisque les Celtes faisaient partie de l’empire romain. La politique des langues, c’est celle de toutes les langues : anciennes, régionales et étrangères. Elle forme un tout, psychologique, cognitif, et culturel. Les langues sont une ouverture au monde. De ce point de vue, il n’y a pas de hiérarchie des langues, ni d’ostracisme à imposer. Les langues régionales doivent bénéficier et bénéficieront de notre plan pour les langues, qui sera élaboré à la lumière du rapport qui m’a été remis tout récemment par Mme l’inspectrice générale Chantal Manes-Bonnisseau et M. Alex Taylor. Je suis sensible au fait que les langues régionales soient portées dans le service public de l’éducation nationale.

Le seul point de divergence que nous pourrions avoir, le cas échéant, porterait sur les méthodes d’avancée. Vous avez dit tout à l’heure qu’en l’absence de réponse du rectorat, certains ont passé outre les injonctions négatives. Cela signifie donc bien qu’il y avait eu une réponse du rectorat… Si ses réponses ne vont pas toujours dans le sens de ce qui est demandé, c’est qu’on lui demande beaucoup. Il est très important que nous n’avancions pas par essai‑erreur, mais plutôt selon une méthode convenue à l’avance. Sans oublier tout le temps du périscolaire, qui est aussi un champ d’expansion pour les langues régionales, en lien avec le service public de l’éducation nationale. C’est un sujet qui doit être traité de façon détendue, positive, sans crispation de part et d’autre, parce qu’il est possible d’avancer dans le sens de l’intérêt général.

M. le président Bruno Studer. Merci beaucoup, monsieur le ministre, de vos propos.

 

 

 

 

La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 2 octobre 2018 à 16 heures 40

Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, M. Gabriel Attal, Mme Géraldine Bannier, M. Philippe Berta, M. Pascal Bois, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Bertrand Bouyx, Mme Anne Brugnera, Mme Céline Calvez, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, M. Stéphane Claireaux, Mme Fabienne Colboc, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Frédérique Dumas, Mme Elsa Faucillon, M. Alexandre Freschi, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, Mme Valérie Gomez-Bassac, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, Mme Anne-Christine Lang, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Brigitte Liso, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, Mme Cécile Muschotti, Mme George Pau-Langevin, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Piron, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Pierre-Alain Raphan, M. Frédéric Reiss, Mme Cécile Rilhac, M. Cédric Roussel, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, M. Michel Zumkeller

Excusés. M. Grégory Galbadon, Mme Brigitte Kuster, Mme Josette Manin, Mme Stéphanie Rist, Mme Michèle Victory

Assistaient également à la réunion. Mme Émilie Cariou, M. Pierre Cordier, Mme Florence Granjus, M. Christophe Lejeune, M. Paul Molac, Mme Sylvie Tolmont