Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

– Audition de Mme Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, sur Parcoursup 2

– Présences en réunion..................................25


Mardi
4 décembre 2018

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 18

session ordinaire de 2018-2019

Présidence de
M. Bruno Studer,
Président
 


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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE LÉDUCATION

Mardi 4 décembre 2018

La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de M. Bruno Studer, président de la Commission)

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La commission des Affaires Culturelles et de l’Éducation procède à l’audition de Mme Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, sur Parcoursup.

M. le président Bruno Studer. J’ai le plaisir d’accueillir Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Lors du récent examen du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, vous vous étiez engagée, madame la ministre, à revenir devant notre commission faire le bilan de Parcoursup, le nouveau dispositif d’inscription dans l’enseignement supérieur mis en place dans la foulée de l’adoption de la loi du 8 mars 2018 pour l’orientation et la réussite des étudiants, dite « loi ORE ». C’est chose faite aujourd’hui, et je vous remercie de votre disponibilité.

La loi ORE visait à substituer à des affectations automatiques et un tirage au sort opaque un processus plus efficace, plus transparent et plus équitable, afin de mieux respecter les souhaits d’orientation des jeunes. La première application du dispositif a pris fin le 22 septembre et je pense que nous n’avons pas à rougir de cette réforme. J’ai retenu quelques données que je considère comme des indices de progrès indéniables : 30 000 places supplémentaires dans l’enseignement supérieur à la rentrée 2018, dont 3 500 dans la filière des métiers du sport ; 21 % de boursiers supplémentaires admis dans l'enseignement supérieur, et 110 % en plus dans les classes préparatoires d’Île-de-France ; 23 % de bacheliers professionnels supplémentaires admis en section de technicien supérieur (STS) ; 10 % de candidats en plus inscrits en dehors de leur académie de résidence.

Bien entendu, des difficultés sont apparues au cours du processus ; ainsi, l’étirement du calendrier a été mal vécu par de nombreux jeunes et leurs familles comme par les établissements. On s’est aussi interrogé sur les critères de classement des candidatures et sur les parcours personnalisés en première année – les fameux « oui si ». L’évaluation de l’outil Parcoursup est en cours mais je sais, madame la ministre, que vous avez déjà en tête plusieurs pistes d’amélioration. Je vous cède donc la parole.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Je suis ravie que nous consacrions quelques heures à la transformation de l’accès à l’enseignement supérieur portée par le plan « Étudiants » et la loi du 8 mars 2018 dont la plateforme Parcoursup est l’instrument. Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir organisé cette nouvelle audition dans des délais aussi resserrés.

Lors de la présentation du plan « Étudiants », le 30 octobre 2017, le Premier ministre, le ministre de l’éducation nationale et moi-même avons pris trois engagements : la fin du tirage au sort ; une procédure nationale de préinscription et d’orientation plus humaine ; la baisse significative du coût de la rentrée étudiante. Je me devais de le rappeler, tant la plateforme Parcoursup a monopolisé l’attention pendant plusieurs mois, faisant oublier que ce n’est qu’un outil au service d’un projet politique et pédagogique : la démocratisation réelle de notre enseignement supérieur. C’est tout le sens du plan « Étudiants » et de la loi du 8 mars 2018, et à quelques semaines de la réouverture de la plateforme, je tenais à le rappeler aussi à l’ensemble des lycéens. Leur redonner le dernier mot, leur donner enfin une vraie liberté de choix, mettre à leur disposition toute l’information disponible sur les formations et leurs attendus, faire de l’orientation l’un des fils rouges de l’année de terminale et des années de lycée, c’est leur donner concrètement les clés de la construction de leur projet de formation dans l’enseignement supérieur.

Plus encore : avec les dispositions de la loi ORE, le nouvel arrêté de licence et Parcoursup, nous avons voulu nous donner les moyens de lutter contre la plus injuste des sélections, la sélection par l’échec. C’est l’objet des nouveaux cursus universitaires et des parcours de réussite personnalisés, les fameux « oui si » qui sont au cœur de la réforme. Le plan « Étudiants » accompagne chacun vers la réussite dans l’enseignement supérieur.

Je le dis d’emblée : les engagements pris ont été tenus, au bénéfice de tous nos étudiants, et nous travaillons dans le même état d’esprit à préparer la prochaine campagne Parcoursup et la rentrée 2019.

Le premier engagement était donc de supprimer le tirage au sort et de redonner le dernier mot aux lycéens. C’est chose faite, et je constate que personne n’imagine revenir en arrière. Avec le tirage au sort, nous disions aux futurs étudiants : « Peu importe qui vous êtes, vous aurez l’affectation que la machine aura choisie pour vous ». C’est la différence majeure entre Admission post-bac (APB) et Parcoursup : la plateforme APB était un outil conçu pour affecter le plus rapidement possible le plus grand nombre d’étudiants possible – et peu importait de savoir si ces étudiants abandonnaient ou échouaient dès le premier semestre. Parcoursup permet aux futurs étudiants de mûrir leurs projets, de recevoir les réponses des établissements et de faire leur choix. Je suis convaincue que donner le choix aux lycéens, lutter contre l’orientation par défaut, c’est changer la donne et se donner les moyens, dans la durée, de combattre la sélection par l’échec. Le succès de Parcoursup se joue donc, depuis septembre et en ce moment même, dans les amphithéâtres et les salles de travaux dirigés – et depuis plusieurs semaines, les présidents d’universités, les professeurs et les proviseurs que je rencontre me disent qu’effectivement, la donne a bel et bien changé : l’ambiance est différente parce que les étudiants sont là où ils ont choisi d’être.

Du point de vue technique, Parcoursup a pleinement fonctionné. Plus de 2,4 millions de propositions ont été faites ; 730 000 jeunes en ont reçu au moins une, soit près de 90 % des candidats et 92,2% des lycéens. Cette proportion atteint 96 % pour les bacheliers généraux. Ces pourcentages intègrent les candidats qui ont quitté la plateforme et ceux qui n’étaient pas actifs.

D’autre part, Parcoursup a donné un plus large choix aux futurs étudiants – trois propositions par candidat en moyenne. Cela a conduit plus d’étudiants à accepter une proposition et à s’inscrire, si bien que l’on a dénombré 27 000 inscriptions effectives de plus qu’en 2017. L’enjeu central, je l’ai dit, était de faire des propositions correspondant aux souhaits des candidats. Que le chiffre des candidats qui ont accepté une proposition soit nettement plus élevé cette année signe à mes yeux la pertinence de Parcoursup, qui a redonné la main aux candidats et leur a permis un choix plus large.

J’irai plus loin en affirmant que Parcoursup nous a permis de faire un premier pas significatif pour la démocratisation de notre enseignement supérieur. La rentrée 2018 s’est caractérisée par 21 % de boursiers en plus dans l’enseignement supérieur, et même 28 % dans les classes préparatoires parisiennes aux grandes écoles. Ce sont aussi 23 % de bacheliers professionnels supplémentaires en brevet de technicien supérieur (BTS), et 19 % de bacheliers technologiques en institut universitaire et technologique (IUT) en plus. Ce sont encore 65 % de propositions supplémentaires provenant d’établissements parisiens adressées aux lycéens de l’académie de Créteil et notamment de Seine-Saint-Denis, pour rendre à chacun le droit de décider de son avenir, quel que soit son lieu de résidence.

Sur le plan méthodologique, la mise en place de Parcoursup procède de la volonté commune de la représentation nationale et du Gouvernement d’encadrer le fonctionnement des algorithmes de Parcoursup par un cadre législatif clair et cohérent. Les algorithmes et le code informatique ne peuvent être que le prolongement technique de la loi ; nous y avons veillé dans un premier temps en fixant dans la loi les principes régissant le fonctionnement technique de la plateforme. La procédure traduit également un effort de transparence inédit. C’était une obligation légale issue d’un amendement proposé par Cédric Villani en décembre dernier mais c’était surtout une obligation politique, et nous avons publié le code source de l’algorithme avec trois mois d’avance sur le délai légal et dans un format ouvert. Afin de garantir à plus long terme la transparence de l’ensemble de la procédure, nous avons également institué un comité éthique et scientifique chargé d’une veille à ce sujet. Son rapport est attendu dans les prochaines semaines.

Enfin, le législateur a reconnu aux lycéens un nouveau droit, celui de prendre connaissance à titre individuel des motifs pédagogiques qui ont justifié une éventuelle décision de refus d’inscription. Á ce jour, très peu de recours contentieux ont été observés, bien moins que ce que nous avions connu ces dernières années avec APB ; cela démontre l’acceptation du nouveau système par les étudiants. Ce nouveau droit, couplé à l’information mise à disposition sur la plateforme, confère à Parcoursup un haut niveau de transparence et de contrôle démocratique.

Conformément à notre deuxième engagement, nous avons institué une procédure plus humaine, pour mieux accueillir les étudiants dans l’enseignement supérieur. La nouvelle procédure nationale de préinscription est organisée en une phase principale et une phase complémentaire. La plateforme Parcoursup est ouverte en permanence pour permettre aux candidats de prendre connaissance des attendus des formations dès le premier trimestre de terminale. Ils peuvent commencer à saisir leurs vœux et à constituer leur dossier dès janvier et jusqu’à la fin du mois de mars. Les capacités d’accueil sont arrêtées par les recteurs après consultation des établissements et publiées sur Parcoursup en toute transparence. Les candidats peuvent formuler jusqu’à dix vœux, qui ne sont pas hiérarchisés entre eux.

Les vœux sont ensuite examinés pendant un peu moins de deux mois par les commissions d’examen des vœux constituées dans chaque formation. Cet examen a lieu, conformément à la loi, lorsque les demandes sont supérieures aux capacités d’accueil, pour vérifier la cohérence entre le projet du candidat et les attendus de la formation demandée. Ces commissions, placées sous l’autorité du chef d’établissement, procèdent le cas échéant au classement des candidatures ; ce classement est ensuite transmis aux candidats via Parcoursup. Il n’y a pas d’algorithmes locaux au sens où il n’y a pas de « boîtes noires » cachées dans les établissements pour classer automatiquement les candidats. La réalité, ce sont des milliers de personnes réunies au sein d’équipes pédagogiques qui examinent les dossiers, parfois avec des outils d’aide à la décision mais sans que ceux-ci se substituent au regard et à l’expérience des enseignants-chercheurs qui consacrent plusieurs semaines à ce travail.

L'algorithme de Parcoursup détermine ensuite l’ordre d’appel des candidats au niveau national. Afin de permettre aux lycéens de disposer du maximum de temps pour affermir leurs préférences, ce n’est pas un algorithme d’appariement comme l’était APB. C’est la différence majeure avec l’ancien système. APB avait été conçu, avec succès, pour fournir un système intégré d’affectation à une époque où chaque type de formation disposait de ses propres procédures. APB a été un outil majeur de simplification administrative, mais la plateforme n’a pas su évoluer pour fonder l’affectation sur les souhaits d’orientation.

Lors de la phase principale d’affectation de Parcoursup, la possibilité est offerte aux candidats de choisir leur formation au rythme des réponses envoyées chaque jour par les établissements. Cette phase d’affectation a évidemment fait l’objet de plusieurs simulations au ministère selon plusieurs scénarios, simulations qui ont été confirmées par la campagne 2018.

La nouveauté est aussi que, parallèlement, les candidats ont pu solliciter, dans les cas où ils n’avaient reçu que des réponses négatives après n’avoir exprimé que des vœux de formations sélectives, ou lorsqu’ils n’avaient pas reçu de réponse définitive au moment du baccalauréat, la commission d’accès à l’enseignement supérieur installée auprès du recteur d’académie. Nous nous sommes assurés que les candidats inscrits sur la plateforme aient toujours un interlocuteur.

Pour la première fois cette année, un pont s’est donc construit entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur, avec deux temps forts. Le premier, dans les lycées, où les équipes pédagogiques se sont engagées sans compter dans l’accompagnement des futurs étudiants vers l’enseignement supérieur. C’était une première et c’est à l’évidence une réussite. Le second a eu lieu dans les universités et les écoles, où les enseignants-chercheurs ont saisi à bras-le-corps l’opportunité qui leur était donnée de mieux connaître leurs futurs étudiants, d’analyser les vœux reçus dans chaque formation et de concevoir des parcours adaptés pour accueillir les nouveaux étudiants dans leur diversité.

Si, en l’espace d’un an, notre système éducatif est parvenu à repenser de fond en comble l’articulation entre le lycée et l’enseignement supérieur, c’est aux professeurs, aux enseignants-chercheurs et à l’ensemble des personnels que nous le devons. Ce mouvement doit se poursuivre et s’accentuer. C’est l’enjeu des mois qui viennent ; avec Jean-Michel Blanquer, nous travaillons à nouveau sur les attendus et sur la fiche Avenir, en tenant compte du contexte nouveau de la réforme du baccalauréat.

Au-delà de la charnière entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur, l’accompagnement dans le premier cycle est en pleine transformation. Procédure normale et procédure complémentaire incluses, 145 000 propositions de parcours personnalisés ont été faites via la plateforme. Les nouveaux cursus ont commencé à se déployer et le cadre qui définit la nouvelle licence issue de la concertation conduite au printemps a été publié le 7 août dernier : les universités vont pouvoir commencer à définir des parcours plus modulaires, répondant mieux aux besoins des étudiants dans leur diversité.

Notre troisième engagement était de faire baisser le coût de la rentrée en 2018, et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Entre la suppression de la cotisation annuelle de sécurité sociale de 217 euros que devaient payer les étudiants, la baisse des droits d’inscription à la rentrée 2018 et le gel du prix du ticket de restauration universitaire pour la troisième année consécutive, la rentrée universitaire 2018 a coûté 100 millions d’euros de moins aux étudiants que les années précédentes – et le paiement des bourses à date donne enfin de la visibilité à ceux qui en ont le plus besoin.

Le Premier ministre a été particulièrement net au sujet des droits d’inscription et je le redis : cette question n’est pas à l’agenda du Gouvernement.

Si nous voulons restaurer l’égalité réelle des chances et redonner leur rôle émancipateur aux études supérieures, nous devons d'abord garantir la confiance dans l’équité et l’ouverture de notre système d’enseignement supérieur. Parcoursup n’est donc pas la cause, mais le révélateur, parfois, d’inégalités qu’il nous permettra justement de mieux combattre.

Tout au long de cette année, Parcoursup a pourtant été accusée de tous les maux. Les légendes urbaines les plus extravagantes ont été relayées : la plateforme discriminerait en fonction du genre, renforcerait les inégalités sociales… Il a notamment été dit, contre toute évidence, que Parcoursup renforçait les inégalités territoriales et empêchait les candidats de quitter leur académie : en 2017, un candidat qui voulait rejoindre une formation en tension en dehors de son académie n’avait aucune chance d’obtenir ce vœu, et c’est précisément pourquoi la loi ORE a garanti la possibilité de la mobilité entre académies pour l’ensemble des formations. Les résultats sont sans appel : le nombre de lycéens ayant accepté une proposition hors de leur académie a augmenté de 10 % cette année, et la proportion atteint 15 % pour les seuls bacheliers technologiques et professionnels résidant initialement en Seine-Saint-Denis.

Face aux craintes de discriminations dans l’accès à l’enseignement supérieur en dépit de ces chiffres, je suis prête à aller encore plus loin, par l’anonymisation des dossiers analysés dans le cadre de la procédure nationale de préinscription. Cet engagement fort tend à préserver le lien de confiance entre les jeunes et l’enseignement supérieur. Il nous faut placer précisément le curseur ; j’y travaillerai avec tous les acteurs concernés.

Je rappelle que Parcoursup n’est qu’un outil, mais un outil à l’efficacité prouvée. Cela ne signifie pas que des ajustements techniques ne soient pas nécessaires, et nous les ferons, année après année. Ainsi, l’affichage du rang du dernier candidat appelé l’année précédente deviendra systématique en 2019, ce qui permettra aux futurs étudiants de mettre immédiatement en perspective leur place sur la liste d’attente, et les modalités d’affichage du taux de remplissage des formations, tardif cette année et qui a suscité des interrogations, seront améliorées.

Mais les améliorations ne feront que confirmer les principes et les résultats de la réforme. Un diagnostic net doit permettre d’apporter des réponses adaptées et précises ; il nous montre que le point majeur d’amélioration doit être le calendrier de Parcoursup et nous allons y travailler. La durée de la procédure normale a entretenu un sentiment d’incertitude durant l’été pour les futurs étudiants et leurs familles. Nous devons remédier à cela et nous le pouvons d’autant plus facilement qu’à la fin du mois de juillet, 97 % des candidats avaient déjà accepté la proposition qu’ils allaient conserver jusqu’à la fin de la procédure. Nous savons donc que le processus peut être accéléré, et c’est pourquoi, l’année prochaine, la première phrase sera achevée au plus tard à la fin du mois de juillet, à une date fixée dans les prochaines semaines, en même temps que le calendrier de toute la procédure. Dès 2019, les futurs étudiants et les établissements pourront aborder plus sereinement le mois d’août.

Les inscriptions dans les formations se feront dans le même délai. Cette année, un candidat pouvait s’inscrire dans une formation tout en conservant des vœux en attente ; cela n’était pas satisfaisant et nous allons corriger ce point.

Je souhaite aussi que ceux des futurs étudiants qui ont une vision claire de ce qu’ils veulent puissent, s’ils le souhaitent et dès les résultats du baccalauréat connus, définir par avance la réponse qu’ils apporteront aux propositions qui pourraient leur être faites. Cette possibilité nouvelle de réponse automatique permettra de fluidifier la phase d’affectation.

En revanche, il n’y aura pas de retour à la hiérarchisation des vœux en tant qu’outil de traitement de l’affectation. Ce choix, sur lequel j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer, est fondé sur une analyse technique. La hiérarchisation des vœux est intellectuellement séduisante mais, en pratique, elle a limité la liberté de choix des candidats, qui ne recevaient qu’une seule proposition à chaque tour d’APB. Dans un tel modèle, hiérarchisation des vœux est synonyme de biais social et d’autocensure. C’est ce qui a changé avec Parcoursup : un bachelier peut désormais formuler un vœu même s’il pense ne pas pouvoir l’obtenir : il peut le formuler « pour voir », et obtenir le cas échéant une réponse positive. Ce n’est pas une hypothèse d’école, puisque le nombre de candidats boursiers ayant reçu une proposition en classe préparatoire à Paris a progressé de 151 % cette année.

Après avoir redonné une liberté de choix réelle aux candidats en 2018, je souhaite qu’en 2019 nous renforcions encore l’égalité entre les futurs étudiants.

Égalité face à l’information, d’abord : la première vertu de Parcoursup est d’avoir mis à la disposition de tous les futurs étudiants une information riche et détaillée, mais nous devons aller plus loin. Restaurer l’égalité face à l’information, c’est clarifier une offre de formation qui ne cesse de s’étoffer et dans laquelle il est parfois difficile de se retrouver, entre les cursus publics ou privés, les diplômes et les différents types de reconnaissance ou de labels délivrés par l’État ou par des tiers.

Je souhaite ouvrir ce chantier afin de préparer l’entrée sur la plateforme de toutes les formations reconnues par l’État. Ce sera fait, pour l’essentiel, dès 2019. Seule une poignée d’établissements ont obtenu une dérogation pour ne rejoindre Parcoursup qu’en 2020. La plateforme permettra ainsi de rassurer la communauté éducative et les familles au sujet de certaines formations qui ne brillent pas par leur qualité en dépit de droits d’inscription imposants.

Restaurer l’égalité des chances, c’est aussi restaurer l’égalité face à la mobilité. Parcoursup a mis en lumière la puissance des déterminants sociaux et territoriaux. J’ai à l’esprit la situation d’un bachelier bordelais à qui la commission d’accès à l’enseignement supérieur a proposé de suivre la formation qu’il souhaitait à Pau, où des places étaient encore vacantes, en lui offrant la possibilité de bénéficier d’une place en résidence universitaire et d’une aide à la mobilité ; il ne s’est pourtant pas senti prêt à sauter le pas.

La mobilité se prépare, s’anticipe, se construit. Notre objectif est qu’elle devienne une possibilité pour tous, non qu’il faudrait nécessairement étudier loin de chez soi mais parce qu’aucun étudiant ne doit se sentir enfermé dans son territoire. C’est pourquoi j’ai fait, dès septembre dernier, de l’accompagnement à la mobilité une priorité cardinale de l’année 2018‑2019. Un fonds pour la mobilité étudiante a été créé dans le projet de loi de finances pour 2019, afin de financer avec les collectivités territoriales des actions facilitants la mobilité en termes de logement, de transport ou d’accès aux formations. Le fonds sera notamment abondé par les crédits précédemment employés pour l’aide à la recherche du premier emploi (ARPE), à laquelle succède la généralisation de la Garantie jeunes annoncée par le Président de la République et qui s’étendra aux étudiants.

Restaurer l’égalité des chances, c’est aussi garantir l’égalité d’accès aux filières courtes professionnalisantes, dont Parcoursup a mis en évidence l’attractivité. Nous devons en tirer les enseignements. Cela suppose d’engager la généralisation de l’expérimentation qui a permis, au cours des deux dernières années, de favoriser l’accès des bacheliers professionnels aux sections de technicien supérieur (STS) sur la base de l’avis du conseil de classe. Ce sera le cas, et Jean-Michel Blanquer et moi-même souhaitons que cela soit l’occasion d’intégrer au dispositif les classes passerelles qui permettent aux étudiants de se préparer et qui sont des tremplins vers la réussite au brevet de technicien supérieur (BTS).

Je souhaite aussi travailler avec les universités et leurs instituts universitaires de technologie (IUT) l’offre de formations professionnalisantes, pour proposer de nouveaux parcours d’une, deux ou trois années offrant des possibilités nouvelles à des étudiants aux profils différents. Ce chantier, ouvert en octobre dernier, sera conduit en lien étroit avec les collectivités territoriales, notamment en Île-de-France où les besoins sont particulièrement importants.

M. le président Bruno Studer. Madame la ministre, je vous remercie. Je donne maintenant la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent vous interroger, en commençant par les représentants des groupes.

Mme Anne Brugnera. Parcoursup est une nouveauté primordiale pour les lycéens. Nous avons été très heureux d’y contribuer l’année dernière et d’en suivre l’application. Le dispositif va gagner en puissance au fil des ans ; nous ne sommes qu’au début d’une réforme qui nous permettra d’améliorer la réussite des étudiants et nous avons souhaité, pour que la plateforme soit, à terme, la plus complète possible, que l’ensemble des formations proposées y figurent. Quelles seront les modalités précises de cet élargissement ?

Mme Constance Le Grip. Vous venez, madame la ministre, de parler du « succès » de Parcoursup. Comprenez que nous ne partagions pas tout à fait cette appréciation élogieuse alors que nous vous auditionnons dans un climat particulièrement tendu et qu’aux manifestations émaillées de violences s’ajoutent désormais des blocages et des perturbations dans les lycées. Les lycéens protestent en vrac contre le service national universel (SNU), la loi ORE, Parcoursup, la réforme du baccalauréat… Si la réforme de l’accès à l’enseignement supérieur a mis fin à l’injuste et arbitraire tirage au sort qui caractérisait le système APB, elle a provoqué de grandes incertitudes et beaucoup d’angoisse chez les jeunes et leurs familles.

Lors de la récente discussion budgétaire relative aux crédits de votre mission, vous avez rapidement envisagé des modifications à venir, et vous venez d’évoquer des « ajustements techniques ». Je regrette que, dans un très intéressant document mis en ligne dès le 28 septembre sur le site de votre ministère, figure en toutes lettres la mention « les orientations suivantes sont arrêtées pour la procédure 2019 », avant même que le sujet soit débattu en séance publique et avant le bilan que vous êtes venue faire devant nous. Voilà qui laisse assez peu de marge de manœuvre à la prise en compte des éventuelles observations de la représentation nationale.

Enfin, nous continuons de penser que vous confondez le principe de la hiérarchisation des vœux et l’utilisation qui pourrait en être faite. On aurait très bien pu imaginer une hiérarchisation des vœux qui ne soit pas destinée à établir un ordre d’appel, comme c’était le cas avec APB, mais à permettre un désistement une fois un vœu exaucé.

Mme Géraldine Bannier. Je me félicite de constater que de plus nombreux boursiers peuvent accéder aux classes préparatoires. Il serait formidable que l’on puisse favoriser l’égalité des chances grâce à cet outil, au sujet duquel je n’ai entendu que des appréciations positives dans ma circonscription, un cas mis à part. Un bachelier s’est en effet trouvé sans formation : il voyait son rang progresser régulièrement mais, au dernier moment, quand il a voulu s’inscrire, la formation qu’il souhaitait suivre était complète depuis longtemps. Les deux éléments nouveaux que vous avez mentionnés – indication du taux de remplissage des formations et réponse automatique – devraient régler cette question.

M. Régis Juanico. En juillet dernier, deux mois avant la rentrée universitaire, j’évoquais au nom de de mon groupe, à propos de Parcoursup, un gâchis humain, une usine à gaz anxiogène construite dans la précipitation en quelques mois sans étude d’impact sérieuse et dont les bacheliers de 2018 ont dû essuyer les plâtres. Les inquiétudes ne sont pas totalement dissipées. J’en veux pour preuve les premières mobilisations de lycéens, auxquelles Parcoursup n’est pas complètement étranger, non plus que la réforme des lycées. En dressant ce premier bilan, madame la ministre, vous êtes juge et partie. Ce dont nous, parlementaires, avons besoin, c’est une évaluation de Parcoursup dans la durée.

C’est pourquoi mon groupe a demandé et obtenu qu’en 2019 le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale conduise, avec l’appui de la Cour des comptes, une évaluation qui portera aussi sur les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur. Il est donc encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives vraiment pertinentes de ce dispositif : les universités et les écoles doivent nous communiquer le nombre d’inscriptions réelles dans leurs établissements pour que nous ayons une visibilité complète de l’orientation des bacheliers. Vous avez évoqué 27 000 inscriptions de plus qu’en 2017, mais la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) de votre ministère nous avait indiqué attendre près de 58 000 étudiants supplémentaires à la rentrée 2018. L’écart est donc significatif ; où sont passés tous les étudiants qui auraient dû s’inscrire ? Est-ce une forme de découragement, ou est-ce le produit de Parcoursup ?

M. Pierre-Yves Bournazel. La mise en œuvre de Parcoursup a bouleversé la logique de l’orientation vers l’enseignement supérieur. Le dispositif accompagne chaque candidat en tenant davantage compte de ses compétences et de ses appétences. Comment concilier les contraintes de l’affectation d’étudiants de plus en plus nombreux et un choix d’orientation personnalisé ? Comptez-vous ajuster les délais de la procédure pour permettre à chacun d’être fixé le plus tôt possible tout en garantissant que les places libérées au fil de l’été par les candidats qui quittent la plateforme seront effectivement proposées à d’autres ?

Mme Marie-George Buffet. Qui écoute attentivement les représentants de l’Union nationale des lycéens (UNL), madame Le Grip, se rend compte que les lycéens ne protestent pas « en vrac » mais expriment des préoccupations et des inquiétudes très construites. On ferait mieux de les écouter et d’ouvrir un dialogue visant à améliorer leurs conditions d’étude et d’accès à l’université.

Dispose-t-on d’un outil de mesure de la satisfaction des élèves au sujet de Parcoursup, ou allez-vous en créer un, madame la ministre ? On a renvoyé vers les rectorats les 3,3 % des bacheliers n’ayant reçu que des réponses négatives à leurs demandes ; que s’est‑il passé ensuite ? Combien d’entre eux ont pu trouver une place dans l’enseignement supérieur auquel, auparavant, le baccalauréat ouvrait automatiquement la porte, et combien sont restés sur le carreau ?

Quelles raisons expliquent les difficultés particulières que vous avez évoquées au sujet des affectations dans l’enseignement professionnel, qu’il s’agisse de la durée d’attente ou du nombre de propositions satisfaites ?

Enfin, vous avez mentionné les droits d’inscription. Parlons donc des droits d’inscription des étudiants étrangers, dont le Gouvernement annonce qu’ils passeront de 170 à 2 700 euros pour une licence et de 243 à 3 770 euros pour un master. Cela créera une véritable ségrégation sociale dans l’arrivée des étudiants dans notre pays. Or, nous devons répondre à l’attente de nombreux jeunes, notamment de jeunes francophones étrangers qui ont un droit d’accès à nos universités.

M. Michel Larive. J’ai été frappé par la contradiction entre le rapport du ministère sur Parcoursup et la réalité de faits dénoncés par les lycéennes et les lycéens. Plus de cent établissements étaient bloqués hier, et aujourd’hui la mobilisation dégénère ; j’ai appris qu’un incendie a malheureusement ravagé ce matin un lycée de Toulouse et qu’un élève a été blessé au visage. Vous dressez, madame la ministre, un bilan élogieux de Parcoursup. Pour ma part, j’entends les craintes, fondées, des lycéens et des lycéennes quant à leurs perspectives d’avenir ; ils savent qu’ils n’auront pas forcément une place dans l’université qu’ils désirent. Les étudiants de demain ont parfaitement conscience que le Gouvernement cherche à étendre l’emprise du secteur privé sur l’université, à la mettre en concurrence en renforçant le processus d’autonomisation et à mettre un terme à l’équivalence nationale des diplômes.

Au-delà de Parcoursup, d’autres décisions récentes du Gouvernement contribuent à attiser leur colère. Je prends pour exemple l’augmentation des frais de scolarité pour les étudiants étrangers non européens. Le plan que vous présentez sous l’appellation humoristique « Bienvenue en France » traduit la fermeture de la France aux étudiants étrangers qui n’ont pas les moyens d’acquitter ces frais, donc aux plus pauvres d’entre eux. Vous prévoyez que les étudiants étrangers inscrits à l’université ou dans une école publique dépendant du ministère de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation verront, dès la rentrée 2019, leurs frais d’inscription portés de 170 à 2 770 euros pour une licence et à 3 770 euros pour un master ou un doctorat au lieu de 243 et 380 euros actuellement.

L’inquiétude de nos jeunes s’entend aussi dans les mots d’ordre qu’ils emploient devant les lycées qu’ils ont bloqués hier. Beaucoup soutiennent le mouvement d’ampleur des « gilets jaunes ». Ils savent que les choix du Président de la République et de son gouvernement condamnent beaucoup d’entre eux à la précarité dans laquelle vivent leurs parents et leurs frères et sœurs aînés. Il faut casser le cercle vicieux de la violence en offrant des perspectives d’avenir rassurantes à nos enfants. Quelles sont, madame la ministre, vos propositions à ce sujet ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. À la prochaine rentrée, la plateforme Parcoursup sera élargie à la plupart des formations en écoles d’ingénieurs et en écoles de commerce, ainsi qu’aux 326 formations des instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) et aux 150 formations des instituts régionaux du travail social (IRTS). Dès 2019, plus de 14 000 formations seront donc présentes sur la plateforme et, en 2020, toutes les formations reconnues par l’État le seront.

Pour ce qui est de la hiérarchisation des vœux, nous avons partiellement répondu à cette question par la possibilité d’ordonnancement automatique pour ceux qui le souhaitent, après les résultats du baccalauréat. Mais, en réalité, les lycéens font aussi leur choix en fonction des réponses qu’ils reçoivent ; leur décision mûrit. La possibilité sera ouverte, mais du point de vue de l’estimation technique et de la convergence des systèmes, cela n’apporte rien, disent les spécialistes : ou l’on utilise la hiérarchisation des vœux pour faire une affectation automatique, ou cela n’accélère pas la vitesse de l’affectation.

Effectivement, 58 000 étudiants supplémentaires étaient attendus dans les établissements d’enseignement supérieur à la rentrée 2018, mais ce nombre s’entend toutes années d’étude confondues. Pour la seule première année, quelque 30 000 bacheliers de plus qu’en 2017 étaient attendus. L’écart du nombre d’inscrits sur la plateforme en 2017 et 2018 était assez faible – quelque 5 000 candidats supplémentaires en 2018 – et finalement 27 000 bacheliers supplémentaires ont accepté une proposition et trouvé une formation par le biais de Parcoursup. Mais comme la plateforme ne comportait pas, à la rentrée 2018, l’intégralité de l’offre de formation, ce que l’on essaie de comparer n’est pas forcément comparable.

Je suis certaine que vous êtes tous conscients de la responsabilité qui pèse sur vous mais je vous appelle à peser les informations que vous propagez. J’ai du mal à entendre que la réalité des faits et des chiffres soit fournie par les lycéens. C’est l’administration de l’État qui fournit la réalité des chiffres et on peut lui faire confiance. Dire que cette réalité est portée par les lycéens, c’est en quelque sorte les encourager à croire la rumeur plutôt qu’à faire confiance aux services de l’État ; c’est une manière quelque peu étrange de dire les choses.

M. Michel Larive. On ne peut donc plus dire ce que l’on pense ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Si : vous pouvez contester l’interprétation des données, mais dire que ce sont les lycéens qui portent la réalité des chiffres, c’est autre chose.

M. Michel Larive. Je n’ai jamais dit cela.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Si, vous l’avez dit. Ne plus avoir confiance en l’administration de l’État pour donner les chiffres pose un problème de fond. La mobilisation des lycéens ne doit pas se faire sur la base de rumeurs ; il est de notre responsabilité collective de ne pas les colporter et de rester factuels. Cela dit, les lycéens ont évidemment le droit de se mobiliser.

M. Michel Larive. Mais l’on ne peut dire son opposition !

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Vous êtes parfaitement libre de contester mon analyse, mais je vous demande de faire confiance à l’administration de l’État pour ce qui est des chiffres qu’elle fournit à la représentation nationale de façon générale sur ce qui se passe dans notre pays. Je maintiens que la réalité des faits et des chiffres n’est pas portée par les lycéens.

J’en viens à la raison pour laquelle le Premier ministre et nous-mêmes avons pensé qu’il était nécessaire d’établir un plan d’attractivité pour les étudiants internationaux. Il faut, là aussi, regarder la réalité. La France n’est plus dans les vingt pays qui voient progresser le nombre d’étudiants internationaux qui s’inscrivent dans les formations qu’elle propose. Le nombre global d’étudiants qui souhaitent une mobilité internationale doublera au cours des dix prochaines années, passant de 4,5 millions à plus de 9 millions.

Les établissements partenaires des établissements français et Campus France expliquent par plusieurs raisons ce manque d’attractivité. Il tient d’abord à la médiocrité de notre accueil, qui se traduit notamment par une redoutable complexité administrative à l’arrivée des étudiants. Cela tient aussi à ce que ce nombre grandissant d’étudiants internationaux souhaitent de plus en plus étudier dans un contexte de plurilinguisme : ils souhaitent venir en France pour apprendre la langue et la culture françaises, et ce que la France peut leur apporter, y compris en termes de liberté d’expression, mais ils souhaitent aussi avoir accès à des formations dans d’autres langues que le français.

Enfin, nous sommes évidemment très attachés au système redistributif français, ce pourquoi, comme l’a indiqué le Premier ministre, nous n’envisageons pas d’augmenter les frais d’inscription pour les étudiants étrangers dont les familles installées en France contribuent par le paiement de taxes et d’impôts à alimenter le budget qui nous permet de dispenser une éducation gratuite. Mais ce même attachement au système redistributif nous a conduit à conclure que nous devons parvenir à doubler le nombre d’étudiants internationaux en France et, dans le même temps, à faire plus contribuer ceux d’entre eux qui peuvent payer leur formation – et les étudiants francophones en font la démonstration quand ils s’inscrivent au Canada, où les droits d’inscription n’ont rien à voir avec les droits d’inscription français, ou quand ils s’inscrivent au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Arabie Saoudite, en Turquie ou en Chine, pays où, là encore, les droits d’inscription demandés aux étudiants internationaux n’ont rien à voir avec les droits d’inscription français. Visiblement, un certain nombre des étudiants en mobilité internationale ont les moyens de payer des droits d’inscription plus élevés.

Nous avons cependant indiqué aux établissements d’enseignement supérieur que, pour toutes les formations pour lesquelles il existe des accords avec des établissements partenaires, pour tous les étudiants étrangers installés en France et pour tous les étudiants internationaux pour lesquels ils estiment qu’il faut déroger à ces droits d’inscription, leurs conseils d’administration sont fondés à le faire dans le cadre de l’autonomie des établissements. Mais nous leur avons dit aussi que, lorsque des étudiants internationaux ont les ressources nécessaires pour payer des droits d’inscription – dont le nouveau montant représente seulement le tiers du coût réel des études et est considérablement moins élevé que celui demandé aux étudiants internationaux dans l’immense majorité des pays –, il est bon que, conformément au système redistributif qui caractérise la société française, les droits d’inscription réglés par ces étudiants-là permettent de mieux accueillir la totalité des étudiants internationaux.

Cette mesure n’est évidemment pas prise isolément, et je suis navrée de constater que l’on s’attache à un seul point d’un projet qui en comprend de très nombreux autres qui, tous, vont dans le sens de l’attractivité. Ainsi, nous allons tripler les capacités de bourses offertes par le Gouvernement français aux étudiants internationaux, soit par le ministère des affaires étrangères, soit directement par les établissements. Ensuite, nous allons faire en sorte que les visas délivrés aux étudiants internationaux soient d’une durée permettant sans difficulté d’obtenir des titres de séjour – c’est, vous le savez, l’un des problèmes récurrents auxquels ils se heurtent, et qui les fait souvent se trouver dans une situation inconfortable. Nous avons aussi travaillé avec le ministère de l’intérieur à l’organisation par les préfectures de points d’accueil dans les établissements d’enseignement, où les étudiants internationaux pourront satisfaire aux formalités administratives. Nous leur avons également étendu la possibilité de la garantie de loyer, ce qui simplifiera grandement les choses pour des jeunes gens qui, actuellement, ne peuvent louer d’appartement faute d’avoir un compte en banque en France, compte qu’ils ne peuvent ouvrir car ils n’ont pas d’adresse sur notre territoire… J’ajoute que tous les étudiants internationaux bénéficieront de cours de français langue étrangère lorsque le français n’est pas leur langue maternelle, et que nous augmenterons le nombre de formations offertes dans d’autres langues que le français. Nous avons aussi fait en sorte que les nouveaux titulaires d’un master ou d’un doctorat ne soient pas obligés de rentrer chez eux pour demander depuis leur pays d’origine des visas de travail, mais qu’ils puissent rester en France à l’issue de leur stage et être directement embauchés par les entreprises qui souhaitent les maintenir en poste sous contrat. Ces nombreuses améliorations contribueront à renforcer l’attractivité de la France pour les étudiants internationaux.

Nous avons aussi travaillé avec les pays qui envoient des étudiants se former en France pour déterminer comment co-construire – et non pas leur donner clé en main – des offres de formation permettant à leurs jeunes ressortissants d’obtenir des diplômes français mais aussi de contribuer au développement de leurs pays respectifs. J’ai entendu dire que cela ne concernait que l’Afrique. Il se trouve que nous sommes effectivement en train de travailler à un campus franco-sénégalais et à un campus franco-tunisien ; mais les premiers campus de ce type ont vu le jour en Inde, à Singapour et en Chine, et ils ont démontré que lorsque les jeunes sont formés chez eux à des compétences utiles au développement de leur pays, qu’ils sont accompagnés par des établissements français et dans certains cas par des entreprises françaises, cela permet de développer les pays considérés tout en bénéficiant aux entreprises françaises qui, lorsqu’elles s’installent dans ces pays, y trouvent une main-d’œuvre qualifiée formée « à la française ».

Nous avons donc défini un processus global, dans lequel l’augmentation des droits d’inscription pour une fraction des étudiants internationaux constitue finalement l’un des éléments d’attractivité. En effet, le dernier point que je tiens à souligner, et je pense que les universitaires qui sont dans cette salle ne me contrediront pas, c’est que l’on a beaucoup de mal à expliquer à l’étranger que des formations de qualité soient offertes pour moins de 200 euros. La seule manière de faire, c’est de dire qu’elles coûtent 10 000 euros en France, puisque c’est le coût moyen d’un étudiant, mais qu’elles sont très largement subventionnées par l’État, ce qui était et sera toujours la réalité.

M. Stéphane Testé. Je vous remercie d’avoir mis un terme, par vos explications, à l’inquiétude relative à l’éventuelle augmentation des frais universitaires, qui a fait l’objet de multiples spéculations, notamment, dans mon département, au sein de l’université Paris VIII. La moitié des étudiants étrangers en France sont originaires d’Afrique. Il a été question d’un programme Erasmus entre Africains et Européens pour permettre une plus grande mobilité. À ce jour, la mobilité des jeunes étudiants se fait surtout dans le sens Afrique vers Europe. La création d’un programme Erasmus entre les deux continents pourrait inverser la donne et permettrait également de diminuer les frais universitaires des étudiants africains en France. Jugez-vous cette idée pertinente ? Si oui, comment la mettre en œuvre ?

Mme Frédérique Meunier. Une note interministérielle diffusée fin septembre a annoncé qu’à partir de 2019 les candidats aux instituts de formation aux soins infirmiers (IFSI) seront sélectionnés sur dossier, en passant par la plateforme Parcoursup. Cette annonce de la suppression du concours d’entrée dans les IFSI perturbe évidemment les classes préparatoires au concours, auxquelles de nombreux étudiants ont recours. Sont-elles vouées à disparaître ? Selon les estimations de la Fédération nationale de l’enseignement privé (FNEP), ce serait le cas d’une classe préparatoire sur deux à la suite de la suppression de ce concours.

Mme Béatrice Piron. Je vous remercie pour ce premier bilan de Parcoursup, dont nous nous réjouissons. L’orientation vers l’enseignement supérieur se prépare dès la classe de seconde, et la réforme du baccalauréat en cours nous en montre bien l’intérêt. Dans quelques semaines, des élèves de seconde formuleront leurs vœux d’enseignements de spécialité, mais ils ne connaissent pas encore bien ces spécialités, non plus d’ailleurs que leurs parents ni les professeurs eux-mêmes. L’enseignement supérieur pourrait-il formuler des attendus clairs dès le mois de janvier, pour aider les élèves à choisir les bons enseignements de spécialité à suivre s’ils veulent, par exemple, intégrer plus tard une école d’architecture ou une faculté de médecine ?

Mme Sylvie Tolmont. Près de 200 établissements secondaires sont mobilisés en France. Les revendications portent notamment sur la réforme du lycée et l’accès à Parcoursup. La situation est tendue et le sentiment général d’injustice exprimé par les lycéens est en partie dû à votre politique de restriction d’accès à l’université. La nouvelle formule du baccalauréat, combinée à Parcoursup, aura pour conséquence d’obliger les lycéens à faire des choix stratégiques pour leur orientation dès la classe de seconde. Ces choix, qui auront une incidence sur la suite de leurs études, sont dénoncés par les syndicats comme difficiles et trop précoces pour des jeunes de quinze ans. La conférence des doyens des facultés de médecine réunie à l’université Paris Descartes vient d’annoncer que « l’enseignement de spécialité sciences de la vie et de la Terre (SVT) sera incontournable dès 2021 dans les attendus de Parcoursup pour intégrer le premier cycle de médecine ». Les lycéens de classe de seconde auront-ils accès à ces informations lors du choix de leurs trois spécialités en classe de première ? Que répondez-vous à ceux qui déplorent à juste titre que désormais, avec l’effet d’entonnoir du dispositif et le tri sélectif auquel il procède, le droit à l’erreur et à l’essai n’existera plus ?

Plusieurs universités, dont celle du Mans, s’opposent à l’augmentation des droits d’inscription à l’université des étudiants extracommunautaires. Cette mesure injuste mobilise les organisations étudiantes, et une tribune publiée dans le journal Le Monde du 9 novembre dernier laisse entendre que vous préparez par ce biais la généralisation de l’augmentation à l’ensemble des étudiants. Pouvez-vous nous assurer que ce n’est pas à l’ordre du jour de votre Gouvernement ?

Mme Frédérique Dumas. Le système APB n’était ni adapté ni acceptable. Même s’il n’est pas parfait, Parcoursup a marqué une nette amélioration. Vous essayez de corriger ce qui doit l’être en temps réel, et c’est bien, mais quelques questions demeurent. Quand il a été question de la hiérarchisation des vœux, vous avez évoqué l’éventualité d’un biais social ou d’une autocensure, et vous avez dit aussi que la mobilité se prépare et se mûrit. Mais est-ce là une simple intuition, ou une analyse objective fondée sur des études ? S’il en est bien ainsi, n’est-il pas contradictoire d’instaurer une possibilité de réponse automatique ? Peut-être certains bacheliers qui choisiront cette possibilité parce qu’ils ont le sentiment d’avoir une vision claire de ce qu’ils veulent s’enfermeront-ils en réalité dans leur propre déterminisme. Pareille mesure ne les prive-t-elle pas de la possibilité de changer d’avis ? Des études de comportement ont-elles été conduites à ce sujet ? La question posée est bonne, mais quels outils permettent de justes évaluations ?

Mme Fannette Charvier. L’amélioration technique de Parcoursup se fera année après année et nous sommes nombreux à souhaiter nous engager dans ce travail à vos côtés, madame la ministre. Le calendrier de la phase principale fait partie de ce qui doit d’évidence être amélioré, et les ajustements techniques renforceront encore les résultats déjà obtenus. Les chiffres le montrent : pour cette première année d’utilisation, Parcoursup a permis l’entrée d’un plus grand nombre de boursiers dans l’enseignement supérieur, une plus grande mobilité géographique et l’accès de plus nombreux bacheliers professionnels et technologiques aux filières courtes. Qu’adviendra-t-il des propositions travaillées par les IUT, notamment la demande de pouvoir réactualiser le nombre de places offertes avant la phase d’appel, lorsque le nombre de redoublants est connu, ou de pouvoir appliquer un taux d’appel des boursiers sur la formation et non par groupe de baccalauréats, procédure qui, dans certaines filières, semble avoir eu pour effet que le nombre de boursiers a légèrement diminué ? Le constat n’est pas général, puisque l’augmentation est de 18,8 % au niveau national, mais envisagez-vous ces améliorations, qui renforceraient encore la justice sociale et territoriale ?

M. Maxime Minot. Si elle est justifiée dans certains cas, la sectorisation peut conduire à une rupture d’égalité entre ceux qui auraient les moyens d’aller dans des universités de régions plus lointaines et ceux qui n’auraient d’autre choix que de rester dans leur région d’origine. Les bourses et les aides prévues sont-elles réellement à la hauteur des demandes et des besoins ?

Mme Elsa Faucillon. Madame la ministre, je souhaite revenir sur la hausse de 1 500 % des frais d’inscription pour les étudiants dits extra-européens, aux termes du programme « Bienvenue en France », dont l’intitulé devrait être complété par les mots « … si vous en avez les moyens », puisque le recoupement des chiffres montre que le triplement des bourses ne compensera pas l’augmentation – sauf si cette mesure vise en réalité à diminuer le nombre d’étrangers venant étudier en France. La Cour des comptes elle-même paraît frileuse devant cette proposition. Quant à l’argument consistant à dire que l’élévation des frais d’inscription renforce l’attractivité, il se vérifierait peut-être si le prix était le même pour toutes et pour tous, mais pas avec le dispositif que vous prévoyez. Quand, dans un train, vous avez payé votre billet 200 euros et que votre voisin a payé le sien 30 euros pour le même service, vous vous dites que vous êtes fait avoir pour avoir acheté votre billet trop tôt ou trop tard. Il en sera de même pour celles et ceux qui, entrant dans l’enseignement supérieur français, se rendront compte qu’ils ont le même service public pour un prix très différent. Cette mesure ne vise-t-elle pas tout simplement à compenser l’incurie qui a entravé la création de places supplémentaires, nécessaires, dans les universités françaises ? Vous avez affirmé que les autres étudiants ne verraient pas leurs frais d’inscription grimper ; c’est une bonne chose, même si je continue de trouver votre approche injuste et discriminatoire, mais la porte est grande ouverte à des augmentations ultérieures.

Mme Danièle Cazarian. La loi ORE visait à offrir à chaque bachelier, par une meilleure distribution des places, une voie correspondant à ses qualités propres et à son projet d’étude. Parcoursup devait notamment remédier à la sous-représentation des bacheliers technologiques et professionnels dans les filières professionnalisantes comme les STS et les IUT, mais les chiffres du ministère montrent un certain statu quo : de nombreux bacheliers généralistes continuent de plébisciter ces formations professionnalisantes et un grand nombre de bacheliers professionnels et technologiques se dirigent vers des licences universitaires. Comment modifier cela ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. L’idée d’un programme Erasmus Europe-Afrique est débattue sans qu’une décision définitive ait été prise. Néanmoins, Erasmus Mundus permet d’inclure des universités non-européennes dans les consortiums et de favoriser les échanges d’étudiants sans que, en ce cas, l’augmentation des droits d’inscription soit applicable.

Pour reprendre l’exemple du billet de train, lorsque vous le payez 30 euros, c’est que vos impôts et ceux de votre famille ont financé la construction du chemin de fer et la fabrication du train depuis très longtemps ; il est donc normal que vous payiez votre billet un peu moins cher. C’est bien pourquoi le programme s’adresse, j’y insiste, aux étudiants internationaux et non pas aux étudiants étrangers. Notre système éducatif et d’enseignement supérieur étant financé par l’impôt, si l’on veut maintenir un système redistributif qui fonctionne et augmenter l’attractivité de la France pour les étudiants internationaux, il est indispensable de faire en sorte que ceux qui ont les moyens de financer leurs études participent à l’effort collectif de financement au bénéfice de l’ensemble des étudiants, y compris ceux qui seront exonérés de droits d’inscription. On pense très souvent à l’Afrique en la réduisant à l’Afrique francophone, mais l’Afrique anglophone compte énormément d’étudiants en mobilité internationale qui payent actuellement des droits d’inscription de plusieurs dizaines de milliers de dollars dans d’autres pays et qui peuvent parfaitement choisir de venir étudier en France.

Mme Marie-George Buffet. Les étudiants des pays d’Afrique francophones ont participé à la richesse de la France.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Absolument, mais si nous souhaitons maintenir un système redistributif dans les années à venir, nous devons tenir compte de l’augmentation massive prévisible du nombre d’étudiants venant de pays tels que l’Inde, l’Indonésie, la Chine ou encore les pays d’Amérique du Sud. Je conteste absolument que cette mesure ait quoi que ce soit à voir avec le manque de places dans l’enseignement supérieur – créations de places auxquelles, je le rappelle, le budget alloue 55 millions d’euros.

Je réaffirme une nouvelle fois ce à quoi le Premier ministre s’est engagé, que j’ai répété plusieurs fois et qui figure dans le dossier de presse : il n’y aura pas de généralisation de l’augmentation des droits d’inscription. Nous en resterons à ce qui a été défini : nous estimons qu’un tiers des étudiants internationaux présents sur le territoire sont capables de contribuer au système redistributif que nous mettons en place et qui est assorti de l’ensemble des mesures d’accompagnement que j’ai mentionnées.

Il nous paraît important que le plus de lycéens possible aient accès aux formations dispensées par les IFSI. Or les frais liés au concours et le coût des classes préparatoires nous semblaient assez dissuasifs pour un certain nombre d’entre eux. C’est pourquoi, en lien avec les instituts, nous avons souhaité que l’examen des dossiers se fasse par le biais de la procédure Parcoursup. Notre objectif est de réduire le coût d’entrée dans ces formations sans, évidemment, en amoindrir la qualité.

J’en viens à l’orientation qui démarre dès la classe de seconde et à la nouvelle réforme du baccalauréat. Comme il l’a démontré avec l’accès aux études de santé, le Gouvernement s’attache à rompre autant qu’il est possible avec le fonctionnement en silos de l’enseignement supérieur. Cela signifie que le choix de certaines spécialités en classe de première ou de terminale ne préfigurera en rien l’inscription dans l’enseignement supérieur ; simplement, chacun comprendra que quiconque veut entreprendre des études de santé après avoir suivi une première année de philosophie ou de droit devra acquérir quelques bases de biologie. C’est pourquoi les cursus peuvent se construire en majeures et en mineures : ce n’est pas parce que vous n’avez pas choisi initialement la biologie que vous êtes incapable de l’apprendre. Ce que nous essayons de faire, et qui commence à se mettre en place dans les établissements, c’est de prendre les jeunes avec les connaissances qu’ils ont et de déterminer comment construire les chemins qui les amèneront là où ils veulent aller. Ainsi en finira-t-on avec le déterminisme qui fait que, dès la classe de quatrième ou de troisième, on est rangé dans une case dont on ne peut plus sortir sinon avec une extrême difficulté. C’est pourquoi nous mettons en avant les campus où l’on considère l’apprentissage comme une autre forme de pédagogie et où l’on démarre par le savoir-faire pour aller vers le savoir. C’est pourquoi nous estimons que l’accès aux études de santé doit pouvoir se faire après d’autres premières années d’enseignement supérieur que l’actuelle première année commune aux études de santé (PACES) qui se conclut par un concours quelque peu archaïque. Chacun doit pouvoir trouver son chemin et se réaliser.

Les lycéens s’inquièteraient de ce qui a été qualifié de « restriction de l’accès à l’université ». Je me limiterai à redonner les chiffres sans les commenter : 27 000 bacheliers supplémentaires ont été accueillis dans les universités à la rentrée 2018. Je veux bien que l’on dise que nous avons restreint l’accès aux universités, mais je veux aussi que l’on rappelle ce nombre. Considérer qu’accueillir 27 000 bacheliers supplémentaires dans l’enseignement supérieur, c’est en restreindre l’accès, voilà une perception que je ne partage pas.

Les réponses automatiques n’auront rien d’obligatoire. On pourra utiliser cette possibilité si on le souhaite, ou continuer d’attendre que les réponses arrivent et mûrir sa décision, comme cela a été observé. Le phénomène a commencé d’être documenté sur une base seulement statistique, puisque le système n’est en place que depuis un an. Les sociologues membres du comité de suivi de la loi documenteront plus finement ce qu’ont demandé les lycéens et selon quelles modalités, pour nous aider à vérifier que l’application du dispositif correspond bien à la philosophie qui le sous-tend : supprimer, autant que faire se peut, biais social et autocensure.

S’agissant de la sectorisation, je reconnais sans tergiverser qu’avoir mis en place des aides à la mobilité dans la deuxième phase de la procédure était tardif ; je prends la responsabilité de ce défaut d’anticipation. Nous devrons indiquer dès le début l’existence des aides à la mobilité sur la plateforme Parcoursup comme on indique les places en internat, de façon que les jeunes construisent leur projet en sachant sur quelles aides ils peuvent compter. Nous consacrerons 30 millions d’euros à ces aides, un montant suffisant pour autoriser l’accompagnement le plus large possible et permettre aux futurs étudiants de se préparer à temps à quitter le domicile familial et à prendre leur autonomie.

Vous avez autorisé l’accès aux formations professionnelles et technologiques des bacheliers professionnels et des bacheliers technologiques en mentionnant dans la loi ORE l’existence de quotas, ce qui a profondément modifié les choses. La précédente législation faisait état d’une ambition énoncée en pourcentage ; vous avez souhaité que l’on passe d’une ambition à un quota, inscrit dans la plateforme Parcoursup. Cela signifie que l’on appelle prioritairement, jusqu’à un certain pourcentage, les bacheliers professionnels et les bacheliers technologiques dans les BTS et dans les IUT.

J’ai demandé aux équipes pédagogiques des STS et des IUT de travailler aussi à une offre de formation professionnalisante plus étoffée, à même de répondre à ceux des bacheliers généraux qui se sentent plus rassurés à l’idée de suivre des formations délivrant un premier diplôme dont ils savent qu’il leur donnera potentiellement accès au marché du travail. Se projeter dans des études longues, notamment quand on est issu d’une famille où personne n’en a suivi, est parfois compliqué, et l’on peut se dire qu’obtenir un diplôme à « bac+2 » ou à « bac+3 » est déjà bien. Et puis, il peut se trouver aussi parmi les bacheliers généraux des jeunes qui s’auto-censurent. Il faut donc prendre garde à ne pas se limiter à des associations lapidaires – « baccalauréat professionnel veut dire BTS », « baccalauréat technologique signifie IUT », « baccalauréat général implique licence » – sans offrir la possibilité d’une licence professionnelle, car le cursus « licence, master et éventuellement doctorat » peut effrayer certains bacheliers généraux. Il faut trouver l’équilibre nécessaire grâce à des passerelles ; je pense que les propositions qui émaneront de la concertation iront en ce sens.

Nous devons aussi nous pencher sur la manière dont nos écoles d’ingénieurs et nos écoles de commerce sont alimentées – et la réalité, c’est qu’elles le sont, pour beaucoup d’entre elles, par des étudiants ayant démarré leurs études en STS ou en IUT. Or nous n’avons pas trop d’ingénieurs ou trop de diplômés « bac+5 » en général, mais juste le nombre suffisant. En revanche, nous manquons de diplômés « bac+2 » et « bac+3 ». Nous devons donc établir davantage de passerelles pour ne pas perdre, si je puis dire, les jeunes gens qui veulent aller jusqu’à un diplôme « bac+5 ». Il faut pour cela leur donner la sécurité d’un premier diplôme professionnalisant de premier cycle de l’enseignement supérieur. Nous y travaillons, comme nous travaillons à la question de l’orientation, qui ne s’arrête pas au moment du baccalauréat mais qui se poursuit au long du premier cycle, au cours duquel s’affirment les choix des étudiants. J’ai rencontré de très nombreux étudiants qui visaient un DUT et qui, à l'issue de ce DUT, se sont dit : « Après tout, pourquoi ne pas aller jusqu’au niveau du master ? » Ce mouvement aussi doit être accompagné, car il contribue à la richesse de notre jeunesse et de notre pays.

Mme Agnès Thill. Madame la ministre, je me félicite de votre action. Elle a permis qu’à la rentrée 2018, sur les 730 000 jeunes – soit 95 % des bacheliers – qui ont reçu au moins une proposition d’inscription dans l’enseignement supérieur, 583 000 s’inscrivent effectivement, soit 27 000 de plus que l’année précédente, comme vous l’avez rappelé. La facilitation de l’accès à l’enseignement supérieur par ce nouvel outil est une réussite qu’il faut souligner. Il est de notre devoir de préparer les lycéens dès que possible à la vie après le baccalauréat, et pour cela d’établir un calendrier efficace pendant l’année de terminale. Quel est le calendrier de la plateforme Parcoursup pour la rentrée 2019 et l’accompagnement prévu pour les lycéens des zones rurales, qui choisissent bien souvent leurs études en fonction des kilomètres qu’il leur faudra parcourir ?

M. Patrick Hetzel. Vous indiquez, madame la ministre, que Parcoursup a permis des améliorations, mais on peut analyser les choses autrement et parler de sélection par le découragement. En 2018, il y avait 810 000 inscrits sur la plateforme, dont 220 000 ont été sortis de vos statistiques : 40 000 parce que vous les avez considérés inactifs et 180 000 dont vous avez estimé qu’ils avaient abandonné. Peut-on sérieusement prétendre qu’une réforme laissant plus d’un quart des bacheliers sur le tapis est un succès ? Jamais de tels chiffres n’avaient été atteints précédemment. De plus, des jeunes gens ont été affectés à des formations inexistantes, ce qui a évidemment créé des problèmes à la rentrée ; c’est un autre aspect pervers de la plateforme Parcoursup, dont vous n’avez dit mot.

Vous aviez aussi promis la transparence, mais l’opacité a prévalu : les taux d’insertion restent très largement inconnus, les attendus des formations sont extrêmement vagues et les lycéens ne savent pas pourquoi ils sont retenus ou pourquoi ils ne le sont pas. La suppression de la hiérarchisation des vœux a saturé le système, si bien que, comme vous avez dû le reconnaître, les files d’attente et des délais d’affectation se sont allongés. Enfin, alors que les filières sélectives ont connu un fort engouement, avec une demande en augmentation de 26 % pour les IUT, de 15 % pour les STS et de 12 % pour les classes préparatoires, elles ont, pour la première fois depuis plus d’une décennie, connu de grandes difficultés de recrutement ; comment expliquez-vous cette situation paradoxale ? Il y a un décalage réel entre votre discours et la perception sur le terrain.

Mme Fabienne Colboc. L’un des objectifs de la loi ORE est d’améliorer le taux de réussite en licence, diplôme que 27 % seulement des étudiants obtiennent en trois ans. La création des parcours d’accompagnement est un moyen pertinent. Combien d’élèves sont-ils concernés ? Pouvez-vous en dresser un premier bilan ? Peut-on envisager leur généralisation à tous les établissements pour la prochaine rentrée universitaire ?

M. Frédéric Reiss. Je tiens d’abord à rappeler que l’examen budgétaire de la mission « Enseignement supérieur et recherche » s’est déroulé dans des conditions inacceptables pour un budget d’une telle importance, avec une discussion générale engagée à deux heures du matin et un vote intervenu aux aurores – mais je sais, madame la ministre, que vous n’y êtes pour rien. Lors de votre audition à cette occasion, je vous avais interrogée sur Parcoursup et vous venez d’apporter certaines réponses, notamment pour ce qui concerne l’attente, les délais et l’aide à la mobilité. Mais j’aimerais en savoir un peu plus sur l’identité et le sort des quelque 25 % des candidats sortis de Parcoursup sans plus donner signe de vie. Pouvez-vous aussi préciser ce qui est envisagé pour remettre à niveau des bacheliers, notamment professionnels, dont les connaissances sont jugées insuffisantes pour la poursuite d’études supérieures à l’université ? Comment mettrez-vous en œuvre le chantier que vous voulez ouvrir avec les collectivités territoriales ?

Mme Anne-Christine Lang. Parcoursup n’est pas un instrument de ségrégation sociale, contrairement à ce que certains ont voulu faire croire ; vous avez donné les chiffres, madame la ministre, et je ne les rappellerai pas. Je me réjouis que le Premier ministre ait confié aujourd’hui au sénateur Laurent Lafon la mission d’analyser les ressorts de la mobilité territoriale des nouveaux étudiants du premier cycle en Île-de-France. L’anonymisation des dossiers que vous envisagez pour l’an prochain me semble être une piste intéressante pour garantir la parfaite égalité de traitement des candidats, quelle que soit leur origine sociale, familiale et géographique. Sur quels éléments portera-t-elle ? Sera-t-elle étendue à l’établissement d’origine des candidats ? Comment sera-t-elle mise en œuvre ?

Mme Josette Manin. Dans l’académie de Martinique, le taux global de réussite au baccalauréat 2018 a été de 86,5 %, en augmentation de 0,47 point par rapport à la session 2017. Tous les nouveaux bacheliers devaient formuler des vœux d’affectation universitaire conformes à leur ambition via la nouvelle plateforme Parcoursup. Il était important que les bacheliers martiniquais aient objectivement les mêmes chances que tous les autres bacheliers lors de l’analyse de leur dossier. L’Université des Antilles est un vœu envisageable pour eux, et il s’agissait de garantir la cohérence et la qualité de l’offre académique dispensée. Or, nous sommes loin du compte, étant donné les déséquilibres dans la maquette pédagogique et les problèmes de gouvernance qui existent entre les deux pôles, martiniquais et guadeloupéen, qui composent cette université.

Sans vouloir jeter de l’huile sur le feu et sans préjuger du travail que ma collègue Danièle Hérin et moi-même devons réaliser dans le cadre de la mission d’évaluation de la loi du 25 juin 2015 portant transformation de l’Université des Antilles et de la Guyane en Université des Antilles qui nous a été confiée, je puis déjà vous assurer que l’ensemble de la communauté étudiante et universitaire des Antilles est perdante. Aussi, pouvez-vous garantir que vous demeurez très attentive à l’égal accès des bacheliers martiniquais à un enseignement supérieur de qualité sur tout le territoire national mais aussi à l’Université des Antilles ?

Mme Sylvie Charrière. Députée d’un département compris dans l’académie, trop souvent stigmatisée, de Créteil, je me réjouis de constater qu’une proposition d’accès à l’enseignement supérieur a été faite aux 44 000 bacheliers de l’académie et je félicite l’ensemble des services de l’académie et le recteur pour cette belle réussite. Je me réjouis également de constater que la plateforme a permis à davantage de jeunes issus de l’académie de Créteil de traverser la barrière du périphérique pour arpenter les couloirs de certains établissements prestigieux de la capitale. À l’inverse, de nombreux étudiants de Paris ont été affectés à des universités des académies alentours. Néanmoins, ces permutations présentent un risque : que les meilleurs élèves de l’académie de Créteil se rendent à Paris et que, a contrario, des élèves parisiens en difficulté intègrent l’université de Créteil. Cela contribuerait à créer une université à deux vitesses. Comment comptez-vous, pour éviter cela, assurer des affectations plus hétérogènes dans les trois académies d’Île-de-France ?

Mme Béatrice Descamps. Selon les professionnels, la loi ORE a permis de rapprocher réellement l’enseignement secondaire de l’enseignement supérieur en instaurant un dialogue constructif. Cependant, la mise en pratique de la remédiation, jugée très positive, induit de fortes contraintes en termes de ressources humaines, mobilisant de nombreux enseignants pendant de longues heures, ce qui risque de les détourner d’autres tâches d’enseignement et de coordination pédagogique de la recherche. De même, le suivi administratif des contrats pédagogiques des étudiants en remédiation sera beaucoup plus lourd dès la rentrée prochaine en raison de la généralisation du dispositif à l’ensemble des étudiants et de son maintien en faveur des étudiants de la rentrée 2018. Ces tâches à haute valeur ajoutée pour les publics en difficulté gagneraient donc à être encouragées et facilitées par l’arrivée d’agents administratifs spécialisés dans les tâches d’accompagnement pédagogique précédemment décrites. Cela sera-t-il le cas ?

Mme Florence Granjus. Je ne sais si un questionnaire de satisfaction à l’attention de l’ensemble des usagers de Parcoursup nous permettra d’améliorer le dispositif mais, quoi qu’il en soit, des lycéens ont formulé des propositions sur lesquelles j’aimerais connaître votre sentiment. Ils ont notamment évoqué la performance opérationnelle de la plateforme, mentionnant des horaires d’assistance téléphonique assez réduits et souhaitant une amplitude horaire renforcée, notamment en soirée et le samedi. Ils ont également souligné que l’outil serait plus performant si les professeurs principaux et les conseillers principaux d’éducation étaient formés à son usage et pouvaient les accompagner dans son utilisation. Ils ont aussi indiqué que Parcoursup pourrait peut-être être un outil d’aide à l’orientation si un lien était fait avec des psychologues au moment de son utilisation.

Mme Emmanuelle Anthoine. La procédure Parcoursup exige que les lycéens bénéficient d’une information nourrie sur l’orientation pour faire leur choix en connaissance de cause. Vous annoncez deux semaines consacrées à l’orientation et 54 heures annuelles d’accompagnement à l’orientation au lycée. Quelles en seront les modalités ? Les heures d’accompagnement correspondent-elles à des heures spécialisées en dehors des heures d’enseignement ? La rémunération des enseignants sera-t-elle à la hauteur de ce surcroît d’activité ? Comment insérer deux semaines consacrées à l’orientation dans un programme scolaire dont on sait que, souvent, le temps manque aux enseignants pour le boucler ?

Mme Céline Calvez. Vous avez souligné que le genre n’a pas été un critère discriminant dans l’étude des vœux des lycéens. Cependant, j’appelle une nouvelle fois votre attention sur l’écart entre le nombre des garçons et celui des filles dans les filières scientifiques. Le Président de la République a dit plusieurs fois l’objectif qu’il voulait voir atteint : 40 % de femmes dans les filières scientifiques en 2020. Quels enseignements ont été tirés à ce sujet de la première année d’existence de la plateforme Parcoursup ? Avez-vous observé un fléchissement ou une accentuation de ces inégalités et sur quels critères vous êtes‑vous fondée ? Est-ce que, dans les diverses filières scientifiques, certaines tendances se dégagent ? Comment compléter l’orientation que permet Parcoursup pour encourager réellement les filles à se diriger vers les métiers scientifiques ?

Mme Florence Provendier. Madame la ministre, le syndicat des établissements privés et indépendants de ma circonscription m’a interpellée sur le risque de rupture d’égalité des chances pouvant être induit par une des dispositions de Parcoursup, le contrôle continu. Il semble que le décret et les arrêtés publiés au Journal officiel en juillet dernier ont acté l’exclusion des établissements privés hors contrat mais également de tout élève suivant une formation via le Centre national d’enseignement à distance (CNED) en créant des conditions calendaires spécifiques pour la prise en compte de leur contrôle continu, réduit à une unique évaluation en fin de l’année de classe terminale, alors qu’à cette date la procédure d’inscription à Parcoursup sera close. Pouvez-vous préciser ce qui est prévu pour les élèves qui ne suivent pas une scolarité dites traditionnelle ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Je répondrai d’abord à cette question, pour vous dire que nous avons été alertés à ce sujet il y a quelques heures seulement et que Jean-Michel Blanquer s’est saisi du problème, lié à la réforme du baccalauréat. Je n’en sais pas davantage pour l’instant.

Le calendrier fixé pour Parcoursup est le suivant. Entre novembre 2018 et janvier 2019 se déroule une phase d’information et de découverte des formations en vue du choix de l’orientation. À partir du 22 janvier et jusqu'au 3 avril 2019 auront lieu la formulation des vœux et la finalisation des dossiers. Les réponses viendront de mai à juillet. Ces dates seront encore précisées.

Vous avez parlé, monsieur Hetzel, de « sélection par le découragement ». Je vous donnerai des chiffres en me gardant de les interpréter : il y avait eu 200 000 démissions sur APB en 2017, il y en a eu 196 000 sur Parcoursup en 2018 ; je ne pense pas que cela traduise un découragement particulier. Traditionnellement, 25 % des lycéens qui expriment des choix sur les plateformes s’inscrivent ensuite dans des formations qui ne sont pas cataloguées sur les plateformes – mais ce ne sera plus le cas en 2020 – ou changent d’avis. Voilà ce qu’il en est, et le nombre de démissions n’a pas été particulièrement élevé ; elles sont même inférieures de 4 000 à ce qu’elles furent l’année précédente, mais cela ne signifie pas grand-chose.

La rumeur selon laquelle des lycéens auraient été inscrits dans des formations inexistantes relève de ce que l’on appelle désormais de l’infox : en réalité, des étudiants se sont trompés en s’inscrivant et l’ont eux-mêmes reconnu, mais cette fable a beaucoup tourné sur Twitter. Les commissions d’accès à l’enseignement supérieur ont pu assez facilement rectifier les erreurs ainsi commises et permettre aux futurs étudiants concernés de retrouver les formations dans lesquelles ils souhaitaient s’inscrire. Ces épisodes ont touché, en tout, une petite dizaine de lycéens, qui ont confondu une option avec une mention ; c’était insignifiant, mais cela a eu un écho considérable.

Les établissements ont mis en place des parcours personnalisés très divers. Ils vont du tutorat d’étudiants de première année par des étudiants de deuxième et de troisième années – en certains lieux, une étroite coopération avec les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) a permis de loger dans les mêmes résidences les étudiants tuteurs et les étudiants sous tutorat, lequel se poursuit donc en dehors des heures de cours – jusqu’à la remise à niveau complète, qui fait que les étudiants démarrent parfois leur formation au deuxième semestre, voire pour certains l’année suivante. J’ai rencontré plusieurs étudiants qui bénéficiaient de parcours de ce type, notamment à Chambéry, où des étudiants qui avaient obtenu un baccalauréat professionnel l’année précédente, ravis d’avoir été acceptés dans la filière des sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), se rendaient compte qu’ils avaient besoin d’une sérieuse remise à niveau dans certaines disciplines académiques et étaient enchantés d’en avoir trouvé la possibilité. Les parcours sont donc extrêmement variables, que les établissements aient élargi des pratiques existantes pour de petites formations ou qu’ils les aient complètement repensées. La mobilisation du programme d’investissements d’avenir (PIA) à hauteur de 325 millions d’euros, en plus de la dotation budgétaire, a très efficacement contribué à penser la réorganisation complète du premier cycle de l’enseignement supérieur dès cette année. Le mouvement s’amplifiera au cours des années à venir.

Plusieurs expérimentations ont été lancées avec les collectivités territoriales, plus précisément avec quatre régions. En Île-de-France, où la demande de filières courtes professionnalisantes est très forte, nous nous attachons à identifier avec la région et la Ville de Paris des locaux disponibles et à créer davantage d’offres de ce type, notamment en IUT. Nous travaillons évidemment avec le monde socio-économique pour déterminer les bassins d’emploi et les types de formations à privilégier pour favoriser, ensuite, l’accès à l’emploi. En Occitanie, nous nous attachons à ouvrir des antennes universitaires dans des villes intermédiaires pour que les étudiants puissent au moins démarrer le premier cycle d’enseignement supérieur sans devoir se rendre dans les grandes métropoles de la région – en tout cas pas en première intention. On sait en effet que bien des jeunes gens choisissent une formation non pas parce qu’ils ont envie de la suivre, mais parce qu’elle est dispensée à côté de chez eux ; nous nous efforçons donc de créer une offre plus variée à proximité. À la région Grand-Est et à la Bretagne, nous avons demandé de déterminer quels sont les bassins d’emploi pour lesquels manquent formations et compétences. Elles ont établi des priorités dans leurs besoins en formation et en compétences et nous avons demandé à des établissements d’enseignement supérieur quelles nouvelles formations ils pouvaient implanter sur ces territoires pour confirmer leur attractivité pour les entreprises qui s’y installent. Sont donc visés des territoires dynamiques ou des territoires dans lesquels on doit anticiper une mutation liée à un changement d’activité économique auquel il faut évidemment préparer les jeunes en les dotant des compétences idoines.

Telles sont les trois formes d’expérimentation que nous avons instaurées. Nous travaillons en concertation avec Jean-Michel Blanquer et Muriel Pénicaud, puisque nous nous efforçons de penser la formation dans sa continuité : pré-baccalauréat, post-baccalauréat, formation professionnelle, formation tout au long de la vie, et aussi reconversion dans les bassins d’emploi où l’on sait qu’elle doit être préparée.

Avec Mme Girardin et en liaison avec les territoires concernés, nous nous attachons à définir comment l’Université des Antilles, comme toutes les universités ultramarines, peut être un centre de rayonnement régional. Le problème en l’espèce tient à la difficulté qu’ont parfois les deux établissements, celui qui est situé en Martinique et celui qui est en Guadeloupe, à travailler ensemble. La cohésion est nécessaire au sein de l’Université des Antilles pour offrir aux étudiants une offre de formation pensée et construite. Je sais la difficulté que cela présente et je rencontre très régulièrement le président de l’Université des Antilles pour travailler avec lui à améliorer la situation. La solution n’est pas, après être passé de l’Université d’Antilles-Guyane à l’Université des Antilles et à l’Université de Guyane, d’en venir à une Université de Martinique et à une Université de Guadeloupe. Je m’efforcerai de définir toutes les solutions d’accompagnement qui permettront d’éviter cela, parce que plus les établissements sont de petite taille et plus l’offre de formation pour les futurs étudiants se réduit. De façon générale, tous les étudiants des territoires ultramarins sont considérés comme résidant dans l’académie où ils souhaitent s’inscrire. Si, donc, l’un d’eux veut s’inscrire à l’université de Bordeaux parce que la formation qu’il vise n’existe pas dans son université, il est considéré comme étudiant résidant à Bordeaux, prioritaire lors des inscriptions, et n’entre pas dans les quotas.

Voilà qui m’amène à la régionalisation pour ce qui concerne l’Île-de-France. La question que vous posez, madame Charrière, anime le débat entre les présidents d’universités de cette région, et j’entends les craintes exprimées par certains d’entre eux de voir les universités de Paris intra-muros attirer les meilleurs étudiants au risque que les universités situées au-delà du périphérique se retrouvent avec les étudiants les moins bons.

Cette image doit être déconstruite, parce que les établissements situés de l’autre côté du périphérique sont d’excellents établissements. Plusieurs d’entre eux l’ont prouvé, qui ont été lauréats de l’action « Nouveaux cursus à l’université » ou des programmes « Initiatives d’excellence » (IDEX) et « Initiatives science-innovation-territoires-économie » (I-SITE). Les universités « hors les murs » doivent se décomplexer et mettre en avant la qualité des formations qu’elles dispensent. Il faut casser la représentation selon laquelle étudier dans une université de Paris intra-muros, c’est mieux que d’étudier dans une université située hors les murs. Cette distinction n’a pas lieu d’être entre des universités d’Île-de-France, dont la qualité est générale et qui, de plus en plus, mettent en avant leur signature et leur excellence. Si l’on traitait l’Île-de-France comme une académie unique, les difficultés d’affectation dans la région, qui trouvent leur source dans la sectorisation, seraient bien moindres. La preuve en est qu’il n’y a pas de tension pour les formations pour lesquelles la région est traitée comme une académie unique, contrairement à ce qui se produit pour certaines filières, pour lesquelles les trois académies de Paris, Créteil et Versailles sont concernées. Idéalement, il faudrait aller vers une académie unique en Île-de-France, mais il faut aussi rassurer les établissements pour qu’ils ne se sentent pas perdants dans cette nouvelle façon de travailler. Il revient aux présidents d’université d’examiner cette question entre eux et je les accompagnerai. C’est aussi la mission que le Premier ministre a confiée au sénateur Laurent Lafon, chargé d’analyser les ressorts de la mobilité territoriale des nouveaux étudiants du premier cycle en Île-de-France en déterminant ce qui est réel, ce qui relève du subjectif et comment on peut améliorer les choses.

Nous avons entendu certains lycéens demander l’élargissement de l’amplitude horaire de l’assistance téléphonique sur Parcoursup et nous y travaillons. La formation des professeurs principaux, des conseillers d’orientation et des psychologues de l’éducation nationale à l’utilisation de la plateforme se met en place progressivement et le bénéfice que les élèves en retireront augmentera à mesure que les professionnels s’approprieront l’outil.

Les heures d’accompagnement à l’orientation sont maintenant inscrites dans le programme de la classe de seconde. Les deux semaines d’orientation ont notamment pour objectif de permettre aux branches professionnelles de venir présenter la réalité des métiers. Un lycéen à qui l’on demande s’il lui plairait d’être chaudronnier imagine mal ce dont il est question ; si des chaudronniers viennent au lycée expliquer leur métier et qu’ils en parlent avec passion, c’est beaucoup mieux que de faire expliquer ce travail par quelqu’un qui n’a de ce métier qu’une connaissance livresque.

Les moyens affectés aux universités permettent de recruter 800 équivalents temps plein (ETP) pendant l’année universitaire 2018-2019 ; l’emploi de ces moyens relève de l’autonomie des établissements. Vous avez raison de dire qu’une reconnaissance particulière doit être donnée à l’engagement pédagogique, à tous les niveaux, et c’est pourquoi nous avons proposé la création d’une prime d’excellence pédagogique comme il existe une prime d’excellence scientifique. Nous doublons les congés pour recherches ou conversions thématiques (CRCT) qui peuvent être attribués à des projets pédagogiques ou bien, après une période pendant laquelle on a consacré plus de temps à la pédagogie, à recréer un sujet de recherche. Cette année, nous avons aussi dégagé 3 millions d’euros destinés à financer une politique indemnitaire spécifique en faveur des personnels « bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé » (BIATSS) qui ont accompagné la mise en place de la réforme. Tels sont les moyens que le ministère peut allouer aux établissements qui, ensuite, les répartissent en toute autonomie.

Les discussions relatives à l’anonymisation sont en cours. Parce que nous devons faire les choses au mieux, j’ai demandé à des spécialistes de faire des propositions.

Enfin, à propos du genre, quelques chiffres relatifs à la première année de fonctionnement de Parcoursup montrent que plus de candidates que de candidats ont fait des vœux via la plateforme en phase principale ; que les filles sont 6 % de plus que les garçons à avoir reçu des propositions ; que 57 % des candidates contre 53,8 % des candidats ont eu des propositions d’admission en classe préparatoire ; que plus de filles que de garçons ont eu des propositions d’admission dans des filières scientifiques – notamment 67,6 % en mathématiques, pour 63 % chez les garçons. L’écart entre le nombre des garçons et celui des filles dans les filières scientifiques traduit donc, à mon sens, une autre forme d’autocensure. Le nombre de bachelières scientifiques montre que le problème n’est en aucune manière l’incapacité des jeunes femmes à appréhender les sciences, même dures. Il s’agit donc d’une question de choix et nous devons probablement travailler aussi la représentation des métiers auxquels on accède par les filières scientifiques, trop souvent envisagés comme des métiers « masculins ».

M. le président Bruno Studer. Madame la ministre, je vous remercie.

 

 

 

La séance est levée à dix-huit heures trente.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 4 décembre 2018 à 16 heures 15

Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Philippe Berta, M. Pascal Bois, M. Ian Boucard, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Bernard Brochand, Mme Anne Brugnera, Mme Marie-George Buffet, Mme Céline Calvez, Mme Danièle Cazarian, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, M. Francis Chouat, M. Stéphane Claireaux, Mme Fabienne Colboc, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Frédérique Dumas, Mme Nadia Essayan, Mme Elsa Faucillon, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, Mme Florence Granjus, M. Pierre Henriet, Mme Danièle Hérin, M. Régis Juanico, Mme Anne-Christine Lang, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Josette Manin, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme George Pau-Langevin, Mme Béatrice Piron, Mme Florence Provendier, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Frédéric Reiss, Mme Cécile Rilhac, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, Mme Michèle Victory

Excusés. - M. Bertrand Bouyx, Mme Sophie Mette

Assistaient également à la réunion. - M. Patrick Hetzel, Mme Sylvie Tolmont