Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

– Audition de M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lÉducation nationale et de la Jeunesse 2

– Présences en réunion..................................32


Mardi
28 mai 2019

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 53

session ordinaire de 2018-2019

Présidence de
M. Bruno Studer,
Président
 

 


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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE LÉDUCATION

Mardi 28 mai 2019

La séance est ouverte à dix-sept heures vingt-cinq.

(Présidence de M. Bruno Studer, président de la Commission)

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La commission des affaires culturelles et de léducation procède à laudition de M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lÉducation nationale et de la Jeunesse.

M. le président Bruno Studer. Chers collègues, j’ai le plaisir d’accueillir cet après‑midi, en votre nom à tous, M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le secrétaire d’État, cher Gabriel, je vous souhaite la bienvenue dans cette commission que vous connaissez bien. Nous n’avons pas eu l’occasion d’échanger avec vous depuis l’examen du budget 2019 du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, pour lequel vous aviez été auditionné avec M. Jean-Michel Blanquer. Les membres de la commission étaient impatients de vous rencontrer pour prendre connaissance de vos projets et dialoguer avec vous. De fait, les sujets ne manquent pas, notamment en ce qui concerne le service national universel (SNU), qui est entré en phase d’expérimentation. Qu’en est-il de son articulation avec le service civique, par exemple ? Où en est la mise en œuvre du plan d’action du Gouvernement pour la vie associative, présenté en novembre dernier ? De nombreux collègues se sont d’ores et déjà inscrits pour vous poser des questions. Je vous laisse la parole.

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis ravi de revenir dans cette commission que je connais bien et de vous retrouver pour cette première audition autour des sujets qui m’ont été confiés par le Président de la République et le Premier ministre, le 16 octobre dernier, en tant que secrétaire d’État auprès de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, sur des thématiques et des missions bien précises que sont la jeunesse, la vie associative et, plus globalement, la question de l’engagement, qui est une valeur extrêmement forte dans le projet du Président de la République et de la majorité. Dans sa conférence de presse, à l’issue du Grand débat national, le Président de la République a très fortement insisté sur la notion d’engagement. S’engager, c’est donner ce que l’on a de plus précieux, c’est-à-dire son temps, au service de l’intérêt général. L’engagement soutient des pans entiers de la société, crée du lien social dans nos territoires, de la cohésion et de la fraternité dans notre société, qui en a bien besoin. Le Président de la République a insisté sur l’enjeu de construire une société de l’engagement pour permettre à chacune et à chacun de s’engager, de donner de son temps au service des autres et, partant, de se reconnaître pleinement acteur de notre société.

Cette politique de l’engagement nécessite un fil rouge cohérent tout au long de la vie, pour lever les freins qui empêchent un certain nombre de Français de s’y projeter, mais aussi pour les inciter plus fortement à franchir le pas. Cela commence dès l’école. Nous travaillons beaucoup avec Jean-Michel Blanquer sur la question de l’enseignement moral et civique, une composante importante de la maquette pédagogique, qui pourrait être améliorée pour susciter davantage l’engagement, permettre aux enfants, dès le plus jeune âge, de découvrir ce que c’est, de découvrir que l’on peut donner aux autres, financièrement, en donnant à des associations, par exemple, mais aussi en donnant de son temps bénévolement, en dehors de l’école. Ce travail pourrait aboutir à une mission dans les prochaines semaines.

Le service national universel sera un moment pivot dans la société de l’engagement. L’une des premières missions du SNU est de lever les freins qui empêchent aujourd’hui beaucoup de jeunes de s’engager. Beaucoup défendent des causes, signent des pétitions, manifestent ; mais beaucoup d’autres aussi ne s’engagent pas, non pas qu’ils ne soient pas tournés vers les autres et ne souhaitent pas apporter leur pierre à la société, mais parce qu’ils ne réalisent pas qu’ils ont quelque chose à apporter. On le mesure, quand on rencontre des jeunes en service civique qui découvrent ce qu’est l’engagement et vous disent que cela a été une révélation, qu’on leur a dit merci pour la première fois, et que c’est ce qui leur a permis de se projeter et d’envisager la construction d’un avenir professionnel ou personnel plus sereinement. Le premier objectif du service national universel, c’est de montrer à tous les jeunes de France ce qu’est l’engagement, grâce à une initiation au cours d’une mission d’intérêt général.

Le service national universel, vous le savez, commence dès cette année par une phase de préfiguration, qui démarre dans treize départements pilotes – un par grande région métropolitaine et un département ultramarin, en l’occurrence la Guyane – avec 2 000 volontaires, qui sont tous dans l’année qui suit leur année de troisième, soit en seconde pour ceux qui sont scolarisés. Ils seront répartis dans chacun des treize centres pour la première phase, qui durera quinze jours, et encadrés par trois types de profils : des animateurs et des éducateurs qui viennent du monde de l’éducation populaire, des personnels de l’éducation nationale, qui sont volontaires, et des personnes issues du monde des armées, des réservistes opérationnels, des anciens militaires et des militaires d’active.

Sept grandes familles de modules seront proposées : des modules pratiques sur la gestion de crise – comment réagir face à une catastrophe naturelle, un accident grave, un attentat terroriste ; comment se protéger et protéger les autres ; comment rechercher une personne qui a disparu, en organisant une battue, par exemple ; des éléments de préparation physique inspirés des préparations militaires – course d’orientation, raid en forêt, franchissement d’obstacles ; des modules autour des valeurs de la République et de la citoyenneté nationale et européenne, dans une logique de pédagogie active, pour que les jeunes s’approprient ces valeurs et ces enjeux, au lieu de les apprendre dans un cadre plus descendant et passif ; un module extrêmement important autour des questions d’environnement et du développement durable, pour apprendre à maîtriser les gestes qui protègent la planète et agir concrètement, à l’occasion d’une journée d’action citoyenne sur le terrain – dépollution d’un site, entretien d’une forêt ou d’un littoral ; ou encore des modules autour des questions de mémoire et de patrimoine.

Je tiens à insister sur le fait que, si ces modules ont été définis très clairement au niveau national, nous souhaitons nous appuyer sur les atouts et les ressources de chacun des territoires. Le service national universel ne laissera pas les jeunes enfermés entre quatre murs. S’agissant de l’environnement, par exemple, des parcours très intéressants sont en train d’être établis dans le Morbihan, autour du littoral, ou dans le Cher, autour des marais. Les ressources et le patrimoine de chaque département seront mis en avant, tout comme les ressources associatives, puisque nous travaillons avec les associations locales pour qu’elles puissent intervenir directement auprès des jeunes.

Nous avons achevé la phase de recrutement des volontaires. Sur plus de 4 000 candidatures, nous n’en avons retenu que 2 000, pour des raisons de places. Les profils sont très divers. Pour éviter des biais sociaux, financiers ou géographiques, nous sommes allés chercher des volontaires qui n’auraient pas fait la démarche naturellement. Nous avons travaillé avec les missions locales, pour identifier de jeunes décrocheurs qui ont candidaté ; avec les centres de formation d’apprentis (CFA), pour que des jeunes apprentis puissent aussi candidater, ce qui a nécessité une légère adaptation des périodes de stage ; avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) – cinquante jeunes en situation de handicap figureront parmi les appelés au service national universel de cette première phase, tous types de handicaps confondus. Nous pourrons ainsi mesurer, dès cette phase pilote, l’impact du service national universel en matière de mixité sociale, de cohésion territoriale, d’échange, de découverte et d’émancipation.

Après que les 2 000 jeunes se sont vu signifier par courrier leur affectation, nous sommes entrés dans une phase de réunions d’information avec les familles. Dans les Ardennes, alors que nous nous attendions, pour 140 jeunes appelés, à une réunion avec 300 personnes environ, nous avons eu l’heureuse surprise de voir plus de 800 personnes : c’est un projet réellement familial, et une belle illustration de son effet fédérateur dans les familles et les territoires. Nous avons aussi achevé une grande partie de la phase de formation des encadrants, qui s’est déroulée sur deux sites. Chacun des centres est organisé de manière pyramidale : un chef de centre, qui vient de l’une des trois familles – éducation populaire, éducation nationale ou armée –, accompagné de trois adjoints – l’un chargé de la pédagogie, l’autre de l’encadrement et le troisième de la gestion. Ces responsables ont été formés sur la base militaire de Brétigny-sur-Orge, il y a un mois et demi. Les jeunes, quant à eux, sont affectés par dix à une maisonnée – cinq maisonnées constituant une compagnie. Les cadres de compagnie ont été formés à Saint-Cyr-Coëtquidan, où je me suis rendu avec Mme Geneviève Darrieussecq, et ont beaucoup apprécié cette formation.

Nous avons réussi à insuffler l’esprit SNU dans l’encadrement. L’éducation populaire, l’éducation nationale et les armées sont trois mondes différents, qui ont chacun une expérience différente dans l’accompagnement de jeunes. S’ils se regardent parfois sans se comprendre et qu’on a eu tendance à les opposer par le passé, en réalité, ils partagent beaucoup. Le pari du service national universel était de faire de cette culture partagée une vraie culture SNU : cela fonctionne. Les chefs de centre ou les cadres de compagnie, qui viennent des armées, de l’éducation populaire ou de l’éducation nationale, insistent tous sur ce qu’ils ont appris les uns des autres à l’occasion de leur formation. La phase pilote, qui durera du 16 au 28 juin, permettra à cette culture SNU d’accompagnement, de formation et d’émancipation des jeunes de se déployer.

J’ai souhaité que cette première phase donne lieu à une évaluation, afin de mesurer son impact en matière de mixité sociale et de cohésion territoriale. L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), déjà présent dans le cadre des sessions de formation des encadrants, est au travail. Il est également en lien avec de futurs volontaires. Plusieurs points d’étape seront faits pendant la phase pilote, puis à son issue, pour mesurer l’impact sur les jeunes. Nous travaillons aussi avec le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ), pour mettre en place une structure permettant de suivre la mise en place du service national universel. J’aurai l’occasion de préciser dans les prochaines semaines les formes que prendra ce travail en cours, l’objectif étant d’associer le plus largement possible l’ensemble des acteurs qui ont participé au service national universel, qu’il s’agisse des mouvements d’éducation populaire, des armées, des associations – d’anciens combattants, environnementales, de solidarité, culturelles, sportives – pour avancer avec eux et orienter la montée en puissance du dispositif.

La deuxième phase du service national universel est celle de la mission d’intérêt général, que j’évoquais tout à l’heure : faire découvrir concrètement l’engagement sur le terrain, auprès d’une structure qui peut être une association, une collectivité locale – par exemple un centre communal d’action sociale (CCAS) – ou un corps en uniforme, pendant quinze jours modulables. Cette durée peut être prise sur le temps des vacances, mais elle peut aussi être convertie en quatre-vingt-quatre heures, soit une mission annuelle hebdomadaire de deux heures, par exemple auprès d’une banque alimentaire, l’objectif étant de nouer des contacts avec des bénévoles et des personnes engagées sur le terrain, pour prendre goût à la culture de l’engagement et découvrir très concrètement ce qu’il procure aux autres, mais aussi à celui ou à celle qui s’engage.

La troisième phase du service national universel s’appuie sur les grands vecteurs d’engagement qui existent aujourd’hui pour les jeunes. Le service civique fait pleinement partie du service national universel et sera une brique très importante de cette troisième phase. Mais je pense aussi aux pompiers volontaires, aux réserves, au corps européen de solidarité ou au bénévolat régulier dans une association.

Concernant la montée en puissance du dispositif, un rapport rédigé par le général Daniel Ménaouine préconisait un calendrier s’échelonnant jusqu’en 2026. Lors de sa conférence de presse, le Président de la République a demandé au Gouvernement de proposer un scénario plus rapide. Je travaille sur différentes projections. Nous serons en mesure, à l’issue de la phase pilote, d’annoncer le calendrier de montée en puissance.

La philosophie du SNU est de lever les freins à l’engagement, d’être un moment pivot, un rite de passage dans la citoyenneté, dans la société de l’engagement, d’apporter un certain nombre de formations très pratiques aux jeunes, d’être aussi une première expérience de mobilité, ce qui peut lever beaucoup de freins psychologiques pour envisager une mobilité dans le cadre d’un apprentissage, des études ou professionnellement. Une société de l’engagement signifie que l’on attend de chacun qu’il puisse s’engager toute sa vie. L’objectif n’est donc pas de concentrer nos efforts en matière d’engagement autour de la jeunesse : tous les Français doivent pouvoir s’engager, s’ils le souhaitent, et savoir qu’ils le peuvent. Cela suppose une politique ambitieuse de soutien à la vie associative. J’ai présenté fin novembre dernier une feuille de route pour le développement de la vie associative, dont je tiens à rappeler trois mesures importantes.

La première concerne la structuration des modèles associatifs et de l’emploi associatif. J’ai annoncé que nous allions créer 4 000 postes FONJEP – Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire – subventionnés à hauteur de 7 000 euros par an pendant trois ans. Nous allons en concentrer un certain nombre dans des groupements d’employeurs, l’objectif étant d’inciter des associations locales à se regrouper. Les postes concerneront des activités transversales aux groupements d’employeurs et aux différentes associations, en matière de gestion de projet, par exemple, de communication ou de recherche de fonds. La France est un pays très engagé. Néanmoins, c’est parfois une logique individuelle qui a prévalu dans la création d’associations, ce qui conduit à une forme, sinon de concurrence, du moins de compétition entre associations intervenant dans les mêmes domaines. C’est pourquoi il est intéressant de leur permettre de se rapprocher et de mutualiser un certain nombre de fonctions supports et de ressources. Une circulaire sera adressée aux préfets le 6 juin pour définir les modalités de ces groupements d’employeurs. Dès cette année, 100 postes FONJEP seront ainsi fléchés pour créer des groupements d’employeurs dans les territoires. Les préfectures communiqueront auprès des associations et des parlementaires pour leur donner les modalités et le calendrier.

La deuxième mesure importante sur laquelle je veux insister, parce qu’elle est malheureusement méconnue, ce sont les nouvelles règles que nous avons fixées en matière de déductions fiscales pour le mécénat des PME et des TPE. Ce sujet avait mobilisé beaucoup de parlementaires au cours des débats sur le projet de loi de finances 2019. Aujourd’hui, une PME ou TPE a presque autant intérêt qu’un grand groupe à soutenir des associations et à faire du mécénat, les consommateurs étant de plus en plus attentifs aux engagements des entreprises. Jusqu’au 1er janvier dernier, une PME ou TPE avait moins intérêt fiscalement qu’un grand groupe à le faire, parce qu’elle était soumise à la même règle de déduction, c’est-à-dire 5 ‰ du chiffre d’affaires. Pour un grand groupe, cela représente une somme importante à déduire, mais pas pour une PME. C’est pourquoi nous avons adopté – je dis « nous », puisque j’étais encore député –, dans le PLF pour 2019, un plafond en valeur absolue de 10 000 euros, si bien que les PME et TPE peuvent donner jusqu’à 10 000 euros et déduire fiscalement jusqu’à 10 000 euros pour du mécénat en direction d’associations. Cette mesure est très soutenue et répond à une attente du patronat et du monde associatif. Cependant, j’ai constaté sur le terrain que peu de PME et TPE comme d’associations sont au courant de son existence. Les parlementaires pourraient jouer un rôle important en mettant en relation associations et chefs d’entreprises pour créer des synergies. Mon équipe se tient évidemment à votre disposition pour vous donner des détails pratiques si vous souhaitez vous engager dans ce type d’opérations.

La troisième mesure est celle de la simplification. Les démarches actuellement demandées aux associations, particulièrement à celles qui sont composées exclusivement de bénévoles, sont très lourdes. Les formulaires et le calendrier sont différents selon que la demande s’adresse à l’État, à la région, au département ou à la commune. L’objectif est d’arriver à un système beaucoup plus simple et beaucoup plus lisible, qui s’appuierait notamment sur le « compte asso », créé pour offrir un vrai bouquet de services numériques aux associations. Nous avançons rapidement : un certain nombre d’orientations pourront être définies à l’automne prochain.

Le Président de la République, dans sa conférence de presse, a souhaité une politique plus ambitieuse encore en direction des associations, notamment des petites associations de bénévoles. Nous travaillons à des mesures nouvelles, afin de soutenir les petites associations de bénévoles dans nos territoires, autour de deux orientations principales : d’une part, le soutien à l’emploi associatif, selon une logique visant à concentrer l’accompagnement sur la structure et non pas sur la personne accompagnée dans une logique d’insertion, comme c’est le cas aujourd’hui avec les parcours emploi compétences (PEC), qui ont remplacé les contrats aidés ; d’autre part les subventions, en travaillant sur l’organisation et le budget du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA). Je sais, pour m’en être plaint lorsque j’étais député, qu’il existe des marges de progression sur ce fonds.

Malgré tout, des progrès ont déjà eu lieu cette année, puisque le calendrier est beaucoup plus large, ce qui a offert une plus grande lisibilité aux associations. Dans le cadre de la proposition de loi de Mme Sarah El Haïry, vous avez adopté un amendement qui permet l’entrée des parlementaires dans les commissions du FDVA, sur le modèle de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Nous pouvons continuer à pousser la réflexion et imaginer associer des commissions de citoyens tirés au sort à l’attribution des subventions dans les territoires. Je crois, d’ailleurs, qu’un certain nombre de députés qui bénéficiaient de la réserve parlementaire, sous la précédente législature, avaient organisé des jurys de citoyens tirés au sort dans leur circonscription. Nous pourrions nous inspirer de ce modèle et le systématiser dans le FDVA.

Je travaille aussi à des mesures pour simplifier et faciliter l’accès aux fonds européens, qui sont un enjeu majeur pour les associations. Des fonds existent, notamment grâce au Fonds social européen (FSE), qui sont très difficiles à obtenir, parce qu’ils exigent des démarches assez lourdes. Qui plus est, ils ne sont versés, en moyenne, que deux ans après l’acceptation du dossier, ce qui complique la gestion des associations. Je ne dispose pas d’arbitrages me permettant d’annoncer une mesure, mais je peux vous faire part des pistes que j’explore : un accompagnement administratif et une formation pour les associations qui cherchent à obtenir des fonds au niveau européen ; un fonds d’amorçage de l’État qui permettrait de faire une avance.

Un troisième volet est celui de la philanthropie. La semaine prochaine, j’organise à la Gaîté Lyrique une matinée de réflexion sur la philanthropie, à laquelle vous êtes tous invités, pour renforcer la culture du don en France, la générosité privée et institutionnelle. Les Français donnent ; les entreprises donnent de plus en plus ; mais il y a encore des freins à lever et des leviers à actionner. Mmes Sarah El Haïry et Naïma Moutchou travaillent sur la question de la réserve héréditaire qui constitue aujourd’hui un frein pour des personnes fortunées qui voudraient donner davantage à des associations ou à des fondations.

Nous avançons aussi sur la question du statut des fondations et sur les vecteurs du don, qui se sont très fortement transformés. La « cagnotte-leetchisation » du don est un vrai enjeu pour nos associations, qui font face au risque d’uberisation – le don des cagnottes allant directement à l’individu que l’on veut soutenir, cela peut inciter un certain nombre de Français à ne plus donner à des structures associatives, qui sont pourtant garantes de l’intérêt général, et savent identifier les personnes les plus dans le besoin et garantir que les fonds versés vont toujours à l’intérêt général. Nous devons travailler sur ces questions, qui feront l’objet des réflexions de la matinée.

Pour ce qui est de l’engagement, je travaille sur le projet de réserve civique dont l’idée avait été lancée durant le précédent quinquennat, après les attentats de 2015, pour rendre plus lisibles les possibilités d’engagement qui existent autour des personnes qui souhaitent s’engager. Après un gros travail mené pendant plus de deux ans par les équipes du haut‑commissariat à l’engagement civique, une plateforme pourrait être présentée dans les prochains mois, qui permettra à tout Français de se géolocaliser, d’indiquer ses moments de disponibilité et les causes qu’il a envie de défendre, pour voir apparaître les missions existant autour de lui, dans l’environnement, l’éducation nationale, le sport, mais aussi la police nationale et un certain nombre de services publics. Ce sera un outil très important dans la société de l’engagement, dans la mesure où beaucoup de Français qui souhaitent s’engager disent régulièrement ne pas forcément savoir où, comment, ni quand le faire. Rendre plus lisibles les possibilités d’engagement sur un territoire est un levier extrêmement intéressant pour développer l’engagement. Un certain nombre d’acteurs associatifs ont déjà commencé à créer des plateformes, comme Benenova ou Tous bénévoles, mais je pense que c’est aussi le rôle de l’État d’essayer d’agréger toutes ces énergies. Cela a d’ailleurs bien fonctionné pour les stages de troisième.

Pour finir, je voulais dire un mot sur les questions de jeunesse, qui excèdent bien évidemment celle de l’engagement et concernent plusieurs ministères. Je ne rappellerai pas tous les projets menés en direction de la jeunesse par mes collègues, notamment sur l’emploi par Mme Muriel Pénicaud, avec le plan d’investissement dans les compétences pour la formation des jeunes, dont l’objectif est de former un million de jeunes d’ici à la fin du quinquennat, ou les emplois francs qui bénéficieront directement à des jeunes dans un certain nombre de territoires. Nous organiserons, à la rentrée prochaine, un comité interministériel jeunesse pour avancer davantage sur ces questions et soutenir les jeunes au quotidien. Nous avons fixé avec M. Jean-Michel Blanquer deux orientations principales pour ce comité interministériel jeunesse : la mobilité et la ruralité. Des mesures très pratiques ont été annoncées, notamment s’agissant du permis de conduire, pour faire baisser son coût de 30 %. Le code de la route sera pris en charge pour tous les jeunes qui feront le service national universel, dès cette année, ce qui représente une économie importante de l’ordre de 100 euros par jeune. D’autres mesures seront définies dans le cadre de ce comité interministériel.

Mme Cathy Racon-Bouzon. Monsieur le secrétaire d’État, vous défendez, à raison, le développement d’une philanthropie à la française : bâtir une société de l’engagement passe par le développement de la générosité. En 2018, les Français ont donné 7,5 milliards d’euros pour une cause d’intérêt général. Mais, que ce soient les rapports parlementaires – qui ne s’intéressent d’ailleurs qu’au mécénat culturel, alors que ce secteur n’est pas le principal bénéficiaire de la générosité des Français – ou le dernier rapport de la Cour des comptes, seul le critère quantitatif financier est analysé. Il est extrêmement rare de trouver une étude qualitative de la philanthropie, permettant de donner du sens aux quelque 900 millions d’euros de dépenses fiscales liées à la générosité des entreprises et au 1,4 milliard d’euros de dépenses liées à celle des particuliers. Nous connaissons à peu près les raisons qui motivent les entreprises et les particuliers à s’engager pour le bien commun, en faisant acte de générosité ; nous avons aussi une estimation globale de la dépense fiscale induite par les dispositifs incitatifs de notre pays ; mais nous n’avons aucune étude sur l’impact social de la générosité au niveau national et dans nos territoires.

Connaissons-nous, par exemple, l’impact de la philanthropie dans les domaines social ou éducatif, qui sont les secteurs recevant le plus de fonds ? Le président des Restos du cœur nous confiait récemment, lors d’une audition dans le cadre du groupe de travail sur le mécénat piloté par la commission des finances, que 1 euro investi génère 6 euros d’impact social. L’une des missions du Parlement étant d’évaluer les politiques publiques, alors que la dépense fiscale liée au mécénat est souvent montrée du doigt, du fait d’une approche purement comptable, il devient urgent d’y opposer une évaluation de l’impact social de la générosité des Français. Cette dépense n’est malheureusement que trop rarement mise en perspective, ce qui masque le bénéfice incontestable qu’en retire notre société et le fait que cela coûterait beaucoup plus cher à l’État de financer seul, par de l’argent public, l’action en question. Il est temps de considérer et de démontrer que la générosité est un investissement social plus qu’une charge pour notre pays. Par ailleurs, je crois nécessaire de mener une réflexion quant à la structuration de la philanthropie par l’État. Tout en tenant compte des spécificités des différents types de mécénat, ne pourrait-on pas réfléchir à une organisation plus efficace – à un pilotage par une délégation interministérielle, par exemple –, afin de développer une philanthropie mieux coordonnée dont les actions seraient plus structurantes ?

M. Maxime Minot. Monsieur le secrétaire d’État, développer la vie associative et favoriser l’engagement citoyen sont deux objectifs conjoints que nous partageons, conscients de l’importance qu’ont les associations dans l’animation de nos territoires. Néanmoins, pour y parvenir, nous divergeons sans aucun doute. La majorité a préféré dématérialiser, complexifier et réduire les financements, ce qui a fini de décourager certaines associations et de fragiliser le tissu associatif local. Vous avez voulu supprimer une réserve parlementaire qui rendait bien des services, sous prétexte de rompre avec un clientélisme d’un autre âge, qui était pourtant marginal, la grande majorité des parlementaires l’utilisant avec raison. Presque deux ans après votre réforme instituant le fonds de développement de la vie associative, visant à compenser cette suppression, le retour des acteurs concernés, autant que les chiffres, sont sans appel ! Prenons l’exemple de mon département, l’Oise : en 2018, 235 000 euros ont bénéficié à seulement cent vingt structures, pour des centaines de demandes – soit moins de la moitié de ce que les parlementaires de l’Oise avaient accordé en 2017. Mon seul prédécesseur avait fait bénéficier quarante-cinq associations de la réserve parlementaire cette même année, sans jamais demander une quelconque contrepartie. À l’échelle nationale, par projection, ce sont plus de 10 millions d’euros en moins pour les associations, ce qui, compte tenu des besoins et du contexte, qui a vu la fin des contrats aidés et la baisse des dotations, est loin d’être quantité négligeable. Pouvez-vous vous engager à faciliter les démarches de nos associations, lesquelles, comme vous le savez, font vivre nos territoires, notamment isolés ?

Mme Géraldine Bannier. Monsieur le secrétaire d’État, est-il prévu d’intégrer une information spécifique sur les dons du sang, de moelle osseuse et d’organes dans le tronc commun du service national universel ? On connaît tous l’importance vitale de ce geste. Pour donner un exemple, en région Centre-Val-de-Loire, 44 000 patients bénéficient chaque année d’une transfusion. Dans mon département, la Mayenne, le sang des quelque 16 000 donneurs représente 6,5 % du sang collecté chaque année dans le pays. C’est que l’on y sait l’importance d’éduquer, de transmettre et la nécessité, lorsqu’on le peut, de faire un tel effort civique. Il paraîtrait très utile, alors que l’âge minimal du don pourrait être abaissé à dix-sept ans, que, dans le cas du SNU, les jeunes puissent avoir cette information, comme le demandent nos bénévoles sur le terrain.

M. Régis Juanico. Monsieur le secrétaire d’État, nous ne sommes pas favorables à un service national universel. Cet engagement présidentiel part d’une intention louable, mais, dans la pratique, il sera très difficile à généraliser en 2022, et même en 2026. Son coût financier est exorbitant : 2 milliards d’euros qui seraient mieux utilisés pour l’accueil et la réussite des étudiants, qui seront 30 000 de plus par an ces cinq prochaines années. Nous considérons qu’il faut s’appuyer sur l’existant et conforter le parcours de citoyenneté instauré par la loi égalité et citoyenneté, qui prévoit la remise d’un livret civique aux collégiens avec le diplôme national du brevet, permettant de récapituler les engagements, notamment associatifs, des jeunes, mais que le ministre Blanquer n’a pas souhaité mettre en œuvre pour l’instant, ainsi que cette étape clé qu’est le service civique.

Pourquoi attendre seize ans, alors que le parcours citoyen doit démarrer dès le plus jeune âge ? Vous évoquez le brassage social : le rôle de l’éducation nationale est d’assurer la mixité sociale scolaire, y compris dans le privé. Vous évoquez le décrochage : les missions de lutte contre le décrochage scolaire, en lien avec les partenaires de l’éducation nationale, mènent un travail de prévention efficace, de sorte que le nombre de décrocheurs scolaires est passé de 130 000 à 90 000 en cinq ans, grâce à une détection précoce du décrochage avant seize ans. Vous évoquez les bilans de santé : ils sont déjà obligatoires à l’âge de douze ans, dans le cadre de la médecine scolaire en sixième – reste à compléter par un second bilan en classe de troisième avant seize ans. Vous évoquez les gestes de premiers secours et les automatismes à posséder en cas de crise : leur apprentissage est déjà inscrit noir sur blanc dans le code de l’éducation nationale. Dès l’école, puis au collège, il existe une sensibilisation aux gestes qui sauvent et une formation par le dispositif prévention et secours civiques de niveau 1 (PSC1), puis au lycée, avec une formation complémentaire. En ce qui concerne les activités physiques et sportives, vous le savez, il y a l’éducation physique et sportive et le sport scolaire. Force est de constater que le SNU est redondant avec de nombreux dispositifs existants au sein de l’éducation nationale et avec le service civique en place depuis huit ans, qui doit encore monter en puissance au-delà de 150 000 jeunes. Il n’est pas besoin d’inventer une nouvelle usine à gaz.

M. Pierre-Yves Bournazel. Monsieur le secrétaire d’État en charge de la jeunesse, permettez-moi d’abord de vous féliciter, puisque c’est la première fois que l’on vous retrouve devant notre commission. Vous êtes le plus jeune ministre de la Ve République. Ce n’est en rien un hasard, mais bien une marque de confiance envers notre jeunesse. Vous êtes incontestablement très en prise avec votre sujet et avez été très clair dans vos explications. J’aurai des questions très simples à vous poser sur quelques sujets. Je soutiens votre démarche du service national universel, parce que c’est une véritable chance offerte à notre jeunesse. Mais nos concitoyens s’intéressent aussi à ce que vont faire les jeunes pendant ce service. Par exemple, comment la question de la laïcité sera-t-elle prise en compte ? Comment la liberté de culte sera-t-elle gérée ? Se pose aussi la question essentielle de la formation des formateurs eux-mêmes, notamment à la lutte contre toute forme de préjugés, contre le racisme, l’antisémitisme, la haine de l’autre en général, l’homophobie, afin de transmettre un certain nombre de valeurs. Il faut évidemment que celles et ceux qui auront en charge cette jeunesse soient, en amont, formés à la lutte contre les discriminations.

M. Michel Larive. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez longuement présenté votre SNU et votre désengagement de la chose publique au profit du mécénat privé. J’aimerais revenir avec vous sur deux textes majeurs, qui ont été défendus par M. Jean-Michel Blanquer, votre ministre de tutelle : le projet de loi pour une école de la confiance et la réforme du lycée et du bac, qui est d’actualité et vous concerne. Vous l’avez sans doute remarqué, ces textes sont loin de faire l’unanimité, que ce soit auprès du corps enseignant, des parents d’élèves ou des étudiants eux-mêmes, à juste titre. Pour le premier, on peut craindre qu’il ne porte atteinte à la liberté d’expression de la communauté éducative et ne fasse peser sur elle un climat de suspicion permanent. Ce sont aussi des économies faites au détriment des enfants, des écoles des quartiers populaires et des communes rurales laissées à l’abandon. Je tiens d’ailleurs ici à saluer les parents d’élèves de l’école primaire Saint-Alary de Saint-Girons, dans ma circonscription, qui se sont mobilisés pendant des semaines pour maintenir ouverte une classe de cours préparatoire (CP) vouée à disparaître à la rentrée prochaine. Ce sera la troisième fermeture en trois ans pour cette ville sinistrée de 6 000 habitants. Vous comprendrez que j’ai du mal à vous croire, monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous parlez d’une loi profondément sociale. Les 100 000 accompagnants des élèves – auxiliaires de vie scolaire (AVS) et accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) – seront toujours précaires et peu formés.

La réforme du lycée, quant à elle, va conduire à la fin du bac national, à des suppressions de postes et à une mise en concurrence entre les élèves et les établissements. Depuis plusieurs mois, enseignants, parents d’élèves et lycéens se mobilisent pour exprimer leur hostilité à ce texte. Les manifestations et les grèves se sont multipliées, jusqu’à cet appel lancé par le Syndicat national de l’enseignement secondaire (SNES), qui menace d’une grève des enseignants le premier jour du bac. Pour l’instant, les seules réponses apportées sont des tentatives d’intimidation et la répression excessive et injustifiée. Un seul exemple : des enseignants venus manifester pacifiquement le 23 mai dernier avec une banderole devant la préfecture de Toulouse ont été gazés et matraqués, et neuf d’entre eux ont été arrêtés et relâchés sans poursuite, parce que rien ne justifiait de tels actes. Monsieur le secrétaire d’État, ma question est la suivante…

M. le président Bruno Studer. Comme je vous le signifiais, monsieur Larive, votre temps de parole est écoulé. Monsieur le secrétaire d’État, la parole est à vous pour répondre à ces premières questions.

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame Racon-Bouzon, je vous sais très engagée sur les questions de mécénat et de philanthropie. Vous posez deux vraies questions. S’agissant de la mesure de l’impact du don en général et, pour ainsi dire, de l’investissement dans les associations, certains pays sont très en avance. Au Québec, où je me suis rendu il y a quelques semaines, des études très poussées, qui ont été menées par les pouvoirs publics en lien avec des chercheurs, ont permis de conclure qu’un dollar canadien versé à une association produit tant de valeur ou tant d’économies. En France, plusieurs études ont été menées sur ce sujet par le monde associatif. J’ai annoncé, dans le cadre de ma feuille de route sur le développement de la vie associative, que je souhaitais qu’une étude d’ampleur soit produite par les pouvoirs publics. Nous avançons sur ce volet en lien avec l’INJEP et l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), pour établir une étude de référence permettant d’objectiver ce que produit en valeur et ce que permet comme économie l’investissement dans nos structures associatives, en matière de solidarité, de lien social, de cohésion territoriale. Beaucoup de beaux projets sont menés par les associations ; beaucoup de bénévoles soutiennent des projets
– s’ils n’étaient pas bénévoles, cela coûterait très cher à la collectivité.

Quant à la lisibilité des enjeux du mécénat entre les différents ministères, cela nécessite un vrai travail interministériel, qui est en cours. Dans le cadre du colloque sur la philanthropie, nous travaillons main dans la main avec Bercy sur les différentes mesures qui pourraient être annoncées. Cela concerne les associations en général. Si je suis en charge de la vie associative au Gouvernement, en réalité, l’essentiel des subventions versées aux associations le sont par les différents ministères. Définir une politique lisible qui embarque tout le monde est un vrai challenge. C’est aussi l’une des raisons qui ont poussé le Président de la République et le Premier ministre à me nommer spécifiquement sur ces questions. J’espère que nous avancerons sur ce sujet, et je mobilise tous mes efforts pour y parvenir.

M. Maxime Minot m’a interrogé sur la question de la réserve parlementaire. Elle a effectivement été supprimée au profit du Fonds de développement de la vie associative (FDVA). Cela avait donné lieu à un vrai débat dans l’hémicycle. J’y avais pris part.

Il ne s’agit pas de dire que toutes les pratiques qui entouraient la réserve parlementaire étaient négatives. Mais il est sûr que, dans un certain nombre de territoires, les gens ne se plaignent pas de la transformation de la réserve parlementaire en FDVA. Je ne veux pas faire insulte à Mme Cathy Racon-Bouzon, mais, pour avoir assisté à une réunion avec des associations, dans les Bouches-du-Rhône, il y a quelques mois, je puis vous dire que les participants étaient très heureux que le FDVA ait remplacé la main sur la réserve parlementaire. Car le mécanisme d’attribution actuel est beaucoup plus objectivable. Je l’ai bien ressenti dans les échanges que nous avons eus.

Le FDVA repose, comme structure, sur une forme qu’on pourrait qualifier de paritaire. Dans les commissions du FDVA siègent le préfet, mais aussi les élus locaux et les représentants des associations – et bientôt les parlementaires, puisque cela a été voté. Je souhaite qu’on aille encore plus loin, en permettant à des citoyens tirés au sort, c’est-à-dire à des jurys de citoyens, d’attribuer directement les fonds du FDVA aux associations.

Vous avez abordé un sujet qui est celui de la baisse des montants, entre ce qui était versé par la réserve parlementaire et ce qui est versé par le FDVA. Quand j’étais député, j’avais plaidé avec vous, comme la majorité, pour que le FDVA soit doté d’un budget plus important. Je défends toujours cette position dans la concertation interministérielle qui se déroule dans le cadre des discussions budgétaires. Je veux néanmoins insister sur le fait que la réserve parlementaire soutenait certes de petites associations bénévoles dans les territoires, mais aussi de grands réseaux associatifs au niveau national. Ce n’était peut-être pas le cas pour celle des députés qui vous ont précédés dans votre département, mais, globalement, une bonne part des fonds allait vers des réseaux nationaux.

Les règles et les critères en vigueur au FDVA visent à ce qu’il soutienne les petites associations de bénévoles dans les territoires, et non plus ces grands réseaux nationaux. Ceux-ci sont soutenus, en effet, par la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisses de charges, transformation qui bénéficie très directement aux associations employant des salariés. Jusqu’à présent, les associations ne bénéficiaient pas du CICE, puisqu’il était réservé aux entreprises. Maintenant que nous l’avons transformé en allégements de charges pérennes, ces grands réseaux associatifs bénéficient pour la plupart directement de ces allègements. Cela représente 1,4 milliard d’euros de trésorerie qui leur est rendu, et même 1,9 milliard d’euros si l’on tient compte du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) existant, auquel le CICE se cumule. Comme les grandes associations sont désormais soutenues par cette transformation du CICE en baisses de charges, le FDVA se concentre sur les petites associations présentes dans les territoires français.

Certes, avec un fonds qui subventionne et qui exige de remplir des dossiers de demandes de subventions, il y a toujours, par définition, des associations déçues. Nous nous efforçons du moins de faire en sorte que les associations soient d’abord accompagnées et informées pour remplir leurs dossiers. Nous faisons aussi en sorte qu’elles bénéficient ensuite d’un retour de la structure sur les raisons et les motifs expliquant qu’elles n’ont pas été soutenues dans leurs projets ou dans leur fonctionnement.

La première année a été chaotique. Elle a été chaotique aussi pour les équipes et pour le réseau du ministère de la jeunesse et de la vie associative dans les territoires. Le calendrier a été compliqué pour les associations et pour les parlementaires qui faisaient la promotion du FDVA auprès d’elles. Il a aussi été compliqué pour les agents qui, au cœur de l’été, ont dû gérer un nombre impressionnant de dossiers. Je veux aussi ici rendre hommage à leur travail. Le décret avait mis beaucoup de temps à être publié, de sorte que les délais étaient l’an dernier très restreints. Cette année, les délais sont beaucoup plus larges dans les territoires, ce qui permet de remplir son dossier et d’accomplir l’ensemble des démarches dans de bonnes conditions. S’agissant du versement des subventions, toutes les associations les recevront avant l’été, dès lors qu’elles auront été retenues.

Mme Bannier, vous m’interrogez sur l’information relative au don du sang et au don d’organes. Oui, elle sera donnée dans le cadre du SNU. En effet, c’est déjà une obligation dans le cas de la journée défense et de citoyenneté (JDC) et le SNU a vocation à reprendre l’ensemble des missions de la JDC. Sur ce sujet-là, comme sur d’autres, le service national universel permettra d’informer tous les jeunes.

Comme vous l’avez rappelé, M. Juanico, en commençant votre intervention, vous êtes défavorable au service national universel. Je peinerai donc à vous convaincre de son utilité. Vous avez notamment répertorié un certain nombre d’éléments nouveaux dans le SNU, en considérant qu’ils existent déjà et que les jeunes n’en ont finalement pas besoin. Ce raisonnement tient pour une partie d’entre eux. Mais un certain nombre de ces obligations ne sont aujourd’hui pas remplies.

Nous travaillons à ce qu’elles le soient dans le cadre de l’Éducation nationale, de façon à libérer du temps et à permettre au SNU de se porter vers d’autres sujets. Mais, en ce qui concerne le bilan de santé, par exemple, nous sommes très loin de toucher l’ensemble d’une classe d’âge. Il en va de même des gestes de premiers secours. Le certificat de prévention et de secours civiques de niveau 1 (PSC1) est obligatoire aujourd’hui pour tous les jeunes au collège. Toutefois, moins de 50 % des jeunes ont obtenu ce certificat lorsqu’ils sortent du collège. Les chiffres sont au demeurant très différents selon les territoires.

L’objectif du service national universel est d’améliorer la formation aux gestes de premier secours et à la gestion d’événements graves. Toute une journée de formation sur cette gestion de crise est prévue. Elle comportera un exercice grandeur nature, reproduisant par exemple les conditions d’une inondation très grave, d’un carambolage autoroutier ou d’un accident nucléaire. À ce moment-là, les jeunes devront s’organiser entre eux, pour savoir qui évacue, qui est brancardier, qui donne l’alerte, qui apporte les soins de premiers secours. Cela leur permettra d’apprendre comment réagir et comment se coordonner entre eux.

Le service national doit être aussi un moment d’émancipation pour les jeunes, un moment de mobilité. Car il y a aujourd’hui trop de jeunes qui naissent et qui grandissent en France en se limitant au territoire dans lequel ils ont grandi. Beaucoup de jeunes n’ont malheureusement jamais fait l’expérience de la mobilité qui leur permettrait de rencontrer d’autres jeunes. L’un des freins qui existent est le frein psychologique. Beaucoup de jeunes n’envisagent même pas une mobilité pour leurs études, pour un apprentissage ou pour un emploi, même si elle pourrait d’ailleurs les amener à revenir ensuite dans leur territoire. Car ils n’ont jamais eu l’opportunité de quitter leur territoire. Cela est dû notamment à un affaiblissement des colonies de vacances, par exemple. Je travaille beaucoup sur ce sujet-là avec M. Jean-Michel Blanquer. Nous voulons relancer les colonies de vacances, qui étaient aussi un vrai vecteur de mobilité et d’émancipation pour les jeunes.

Le service national universel a aussi vocation à constituer un rite de passage des jeunes dans l’âge adulte de la citoyenneté, en leur permettant d’aller découvrir nos territoires. Peu de Français ou de personnes qui interviennent auprès des jeunes regrettent aujourd’hui la suppression du service militaire par M. Jacques Chirac. En revanche, je crois que beaucoup s’accordent à penser que l’erreur n’a pas été de le supprimer, mais ne rien mettre à la place. L’objectif du service national universel, c’est bien d’offrir ce moment de cohésion et d’émancipation qui était l’un des objectifs du service militaire.

Quant au service civique, il n’est pas obligatoire. Nous travaillons à ce que plus de jeunes puissent en bénéficier. Beaucoup d’entre eux ne se projettent pas dans un service civique. Ils ne s’imaginent pas avoir des choses à apporter aux autres. L’engagement est une valeur qui se transmet. C’est un bel héritage. Quand les parents d’un jeune s’engagent, ce dernier le fait aussi. Mais, pour d’autres, l’engagement est quelque chose de totalement abstrait.

J’ai rencontré des jeunes en service civique qui venaient d’un milieu difficile, où il y avait très peu d’exemples d’engagement. Ils s’étaient retrouvés en service civique parfois un peu par la force des choses : ils avaient décroché, pendant plusieurs années ; parmi les pistes qui s’offrent à eux, figurait le service civique et ils y sont allés. Parfois sans savoir ce que c’était. Eh bien, ils disent tous que cela a été une révélation : « J’ai découvert que j’étais utile ! », « Ça m’a donné confiance en moi », nous disent-ils. Dans notre pays, nous peinons encore à montrer à ces jeunes leur utilité sociale. L’objectif est de leur en faire prendre conscience grâce au SNU, de sorte que plus de jeunes s’engagent, notamment via le service civique. Je suis donc sûr qu’à l’issue de la phase pilote, vous serez tout à fait convaincu de la nécessité de soutenir ce beau projet.

Monsieur Bournazel, je vous remercie pour vos mots très sympathiques à mon égard. Je ne sais pas si être jeune est un gage defficacité pour mener des politiques de la jeunesse. Ce que je constate, cest que beaucoup travaillent pour les jeunes sans être jeunes eux-mêmes. Ce que je constate aussi – et ce que je rappelle toujours en tant que secrétaire dÉtat à la jeunesse –, cest que la jeunesse est un état desprit et que donc on peut être jeune d’esprit tout en étant très vieux. Souvent, cela tranquillise beaucoup de mes interlocuteurs. Je me permets donc de le redire ici devant vous : on peut être vieux assez jeune et jespère ne pas tomber dans cette situation, malgré mes responsabilités. En tout cas, jessaye de men garder.

Vous avez abordé la question de la laïcité dans le service national universel, enjeu extrêmement important. Sur ce point, les choses ont été cadrées à l’occasion de la phase pilote, de manière contractuelle, avec les jeunes et avec leurs familles. Le devoir de réserve religieux s’impose dans le cadre des missions du service national universel. Un espace est mis en place pour pouvoir accueillir un recueillement individuel. Si un jeune souhaite se recueillir de manière individuelle – mais non de manière collective – un espace sera aménagé pour cela. C’est une obligation en vigueur aujourd’hui dans les internats. Il était normal de la reprendre dans le cadre du service national universel. Toutes ces obligations, notamment la neutralité, seront précisées dans le règlement intérieur qui sera signé par tous les jeunes dès leur arrivée dans le cadre du service national universel, durant la phase de cohésion.

Monsieur Larive est parti et je ne répondrai donc pas à toute son intervention. Mais il m’a reproché d’acter le désengagement du secteur public au profit du mécénat privé. Or je veux rappeler que, derrière tout mécénat, il y a un soutien public, puisqu’il y a une défiscalisation. Parler de désengagement des pouvoirs publics au profit du mécénat est donc un non-sens, puisque le mécénat lui-même est soutenu par la défiscalisation et par les pouvoirs publics. Cessons d’opposer l’un à l’autre. Dans notre société, les mentalités évoluent. Beaucoup d’entreprises s’engagent davantage, parce qu’elles y ont aussi intérêt et parce que les citoyens sont beaucoup plus attentifs, dans leur comportement de consommation, à ce que font les entreprises. Plutôt que d’essayer de contrer ce modèle-là, je pense qu’il faut l’accompagner et faire en sorte qu’il se développe davantage au profit de nos associations.

M. le président Bruno Studer. Une vingtaine de nos collègues doivent encore vous poser des questions. Nous entamons donc une nouvelle série d’une dizaine d’interventions.

Mme Florence Provendier. Monsieur le ministre, comme vous l’avez salué au soir des élections européennes, les jeunes sont allés voter ! Cette jeunesse qui vote, si on l’implique, et qui s’engage, si on lui en donne la possibilité, est un acteur majeur pour le présent et l’avenir de nos associations. C’est dès le plus jeune âge que nous devons donner envie à l’enfant, puis à l’adolescent, de s’engager dans cette aventure humaine qu’est le bénévolat. À ce titre, le SNU est une véritable chance qui donnera à chaque jeune la possibilité de s’impliquer au service de l’intérêt général, quel que soit son milieu social, quel que soit son lieu de vie. Comme vous l’avez indiqué, lors de sa conférence de presse à l’issue du grand débat national, le Président de la République a annoncé : « Je veux que le gouvernement bâtisse une politique plus ambitieuse pour accompagner nos associations, en particulier les petites associations dans le travail formidable quelles font ». C’est pourquoi j’aurais souhaité savoir comment vous voyez l’intégration, dans le dispositif du SNU, de ces petites associations qui contribuent au lien social.

Mme Frédérique Meunier. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous interroger plus précisément sur le SNU, qui va prendre la forme d’un mois obligatoire.

Je ne sais pas s’il était utile de rendre le SNU obligatoire. On aurait peut-être pu, dans une première phase, en rester à l’idée du volontariat. Ce qui m’intéresse dans votre proposition, c’est cependant le fait qu’un engagement plus long soit possible sur la base du volontariat. Je trouve cette idée vraiment intéressante. Vous avez décliné tout à l’heure les trois phases sur lesquelles vous voulez fonder votre service national, à savoir une phase sur la formation, une phase sur les parcours et une phase sur une mission d’intérêt général. Dès lors, je vous poserai deux questions.

Premièrement, je souhaitais vous interroger sur le financement du service national universel, qui reste encore flou. Pourriez-vous nous apporter des précisions, sachant qu’aucune ligne budgétaire n’est prévue à cet effet dans la loi de finances pour 2019, ni au budget des armées, ni dans d’autres budgets ? Ma deuxième question concerne la phase de la mission d’intérêt général, où les jeunes s’engageront, sur la base du volontariat, dans une structure de type associatif, ou bien auprès d’une collectivité ou auprès de la gendarmerie ou des pompiers. Je crains que les crédits alloués à cette phase de mission ne dévorent, sur le long terme, les crédits attribués au service civique. Est-ce que vous n’allez pas déshabiller l’un pour habiller l’autre ?

Enfin, je terminerai par un aparté sur votre proposition en matière de bénévolat, à laquelle vous réfléchissez de façon ardente. Permettez-moi d’attirer votre attention sur le fait que beaucoup de députés ont, comme moi, déposé des propositions de loi sur le bénévolat. Il s’agit de lui allouer une sorte de reconnaissance, sous la forme d’une défiscalisation. Peut-être pourriez-vous vous pencher sur les propositions déposées ?

Mme Michèle Victory. Monsieur le ministre, je vais reprendre les questions et les doutes de mon collègue M. Régis Juanico, pour vous interroger sur le SNU. Car, depuis le début, nous avons du mal à comprendre le sens du dispositif que vous proposez.

En quoi répondrait-il mieux, et davantage, aux objectifs que l’école porte déjà ? Éduquer, responsabiliser, émanciper les jeunes, leur offrir la citoyenneté, les sensibiliser aux problématiques du monde de demain que sont l’écologie, l’éducation et le partage des richesses, et leur donner des outils qui les accompagnent dans le développement du libre-arbitre absolument indispensable à la transformation de la société, c’est bien ce brassage social que l’école produit déjà en réunissant les jeunes dans un même creuset, qui les unit et qui réunit les citoyens. S’il manque des moyens à l’école, on pourrait lui en donner davantage. Nous pourrions travailler ensemble à la reconnaissance des parcours citoyens et associatifs dans la scolarité de nos élèves, les aider dans leur quotidien à mettre en place de nouveaux outils pour favoriser la mixité sociale et la reconnaissance de l’engagement. Nous pourrions retravailler le service civique déjà existant, qui est un outil intéressant. Nous ne comprenons pas bien la juxtaposition des deux systèmes que vous proposez.

Si un dispositif doit être imaginé, il devrait avoir comme horizon et comme périmètre non plus l’Hexagone, mais l’Europe et le monde. Il devrait permettre à tous d’avoir une expérience de l’altérité auprès d’autres cultures. Il pourrait devenir un Erasmus international qui, aujourd’hui, n’est pas une réalité pour tous nos jeunes. Ces milliards d’euros – dont nous ne connaissons pas encore le montant exact – pourraient permettre de mettre sur pied un outil de brassage européen, voire international, et de répondre aux inégalités beaucoup trop fortes dans ces domaines.

Dernière question : qu’en est-il des personnels de la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) que vous comptez affecter à la mise en œuvre du SNU sur les territoires ? Qu’en est-il du transfert des missions et des personnels en matière de jeunesse, d’éducation populaire et de vie associative qu’a évoqué le Premier ministre la semaine dernière ?

Mme Sophie Mette. Je parlerai de l’engagement associatif. Comme vous l’avez dit, les associations sont un trésor pour la République et une école de la démocratie. Le groupe MoDem a défendu une proposition de loi sur l’engagement associatif. Mme Sarah El Haïry continue à travailler sur le sujet financier. Nous sommes donc encore et toujours vigilants sur ce sujet.

D’où mes deux questions. D’une part, le Gouvernement a-t-il un projet de loi d’envergure pour les associations ? D’autre part, vous avez parlé d’amélioration du niveau des subventions dans le cadre du FDVA. Qu’en est-il ? Est-ce que cela signifie que les fonds qui pourraient être alloués par le FDVA augmenteront ? Il me semble souhaitable de se concentrer avec bienveillance sur les associations qui sont uniquement formées de bénévoles. Quelles mesures pourriez-vous prendre pour développer l’engagement bénévole, sans aller pour autant à l’encontre de la notion de don gratuit et désintéressé ?

Mme Fabienne Colboc. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier pour votre présentation de l’ensemble de vos actions et, plus particulièrement, de celles qui sont prises en faveur de la vie associative. Car elle a plus que jamais besoin d’être soutenue et reconnue.

Mais un sujet m’intéresse tout particulièrement : la cyber pratique des jeunes, c’est‑à‑dire la prévention des risques liés aux usages du numérique. Il apparaît effectivement que les jeunes sont les premières victimes de ces dangers. Ils sont les plus ciblés par les prédateurs de toutes sortes sur la Toile et les plus exposés aux contenus violents et haineux, à l’accès à la pornographie, à la cyber intimidation et à l’addiction aux outils numériques. En tant que secrétaire d’État en charge de la jeunesse, envisagez-vous des mesures spécifiques pour prévenir et lutter contre ce fléau ?

Mme Emmanuelle Anthoine. Monsieur le ministre, je reviendrai sur le financement du service national universel. Il existe un véritable flou sur le sujet.

Il n’existe, à l’heure actuelle, aucune ligne budgétaire dédiée, comme l’a rappelé notre collègue Frédérique Meunier. On peut ainsi se poser la question de la provenance des fonds qui viennent le financer. Par ailleurs, la mise en place du service national universel sollicite les moyens ou les compétences des collectivités territoriales. Les collectivités qui participent à la phase de test craignent actuellement que les coûts suscités par le service national universel ne soient pas compensés. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous détailler quelles lignes budgétaires servent au financement du SNU et quelle part reviendra aux collectivités territoriales ?

M. Christophe Lejeune. Le rôle de l’instruction militaire est important dans ce nouveau SNU, comme le prouve le fait qu’un tiers des effectifs encadrants du SNU sont des militaires d’active qui sont mis à disposition. Dans mon département, la Haute-Saône, qui a été choisi comme département pilote de l’expérimentation en 2019, les gendarmes participeront pleinement à l’encadrement des jeunes volontaires et les aviateurs de la base aérienne française de Luxeuil-Saint-Sauveur assureront l’initiation aux enjeux de la défense. M. le ministre pouvez-vous nous décrire précisément ce qui sera abordé lors de cette journée d’initiation à la défense ?

Mme Nadia Essayan. Je suis directement concernée par la phase pilote du SNU, qui se déroulera dès le 13 juin dans mon département, le Cher, qui a été retenu grâce à la richesse de ses équipements et de sa vie associative.

Cela avait commencé par une visite de la ministre Mme Geneviève Darrieussecq, à qui j’avais demandé de venir présenter le SNU, avant votre propre visite. À chaque fois, l’intérêt des jeunes était manifeste. C’est vraiment un beau projet, auquel je vais participer à ma mesure, en prenant en charge quatre jeunes sur une journée entière de sensibilisation citoyenne. Je vous félicite pour l’effort qui a été mené afin d’assurer une réelle diversité des participants, en permettant d’inclure des jeunes handicapés, des apprentis et des jeunes décrocheurs. Enfin, je me réjouis de ce que la préparation de cette phase pilote du SNU semble bien se passer. Je salue l’implication réelle des services et des associations sur un temps assez court, alors que tout est à créer.

Ma question porte sur l’évaluation dont vous avez parlé rapidement, monsieur le ministre. Pourriez-vous développer ce que seront les critères principaux de cette évaluation et de quelle manière elle se fera concrètement ?

Mme Valérie Bazin-Malgras. Monsieur le ministre, il est une composante qui nous semble essentielle au sein du service national : le lien armée-nation. Celui-ci a été peu mis en avant jusqu’à présent au sein du service national universel. Il est pourtant important de renforcer ces liens entre les jeunes et l’armée. J’aimerais justement savoir quelle est la place qu’occupera ce lien armée-nation au cours du stage d’intégration du SNU.

M. Raphaël Gérard. Monsieur le ministre, je voulais vous féliciter pour la qualité et la clarté de votre propos introductif. Je voudrais revenir sur un sujet que vous avez abordé, à savoir la vie associative dans la ruralité ou l’ « hyper-ruralité » de territoires très enclavés et très peu pourvus en équipements culturels.

Je prendrai l’exemple d’une association de Haute-Saintonge, dans ma circonscription. Cette association s’appelle « La Tête en friche ». Elle a monté un projet extrêmement intéressant autour de la bande dessinée. Ce projet met en lien des écoles du territoire à tous les niveaux, y compris un lycée agricole et des établissements ultramarins. La bande dessinée permet de créer à la fois de la cohésion, de la fraternité et d’apprendre à se connaître – autant d’objectifs poursuivis par le service national universel.

Pour ma part, j’ai participé à une visio-conférence entre le CM2 du petit village de Germignac et une classe d’apprentissage du français ouverte pour de jeunes migrants sur le territoire de Mayotte. Ainsi, j’ai bien vu toute la richesse de ce projet. J’ai aussi pu voir à quel point il était compliqué de boucler les financements d’un projet interterritorial. Quand on parle de territoires ultramarins, on nous renvoie assez facilement au ministère des outre-mer…

Comme vous l’avez rappelé, dans le cadre de la loi de finances pour 2019, nous avons adopté une disposition qui permet de créer une franchise de 10 000 euros pour flécher des mécénats locaux vers des projets locaux. Aujourd’hui, je m’interroge sur la visibilité de ce dispositif. Beaucoup d’entreprises du territoire ne le connaissent pas. D’une manière générale, le dispositif est peu connu et très mal identifié tant par les entreprises que par les acteurs associatifs. On pourrait dire la même chose du FDVA.

Comment peut-on faire connaître ces dispositifs de soutien de la vie associative de manière efficace ?

Mme Béatrice Piron. Monsieur le ministre, je vous remercie à mon tour pour cette présentation très intéressante. La première phase pilote du SNU, qui a eu lieu en avril, a été une grande réussite.

Ma question porte sur les tests de détection des difficultés de lecture qui ont déjà lieu lors des journées de défense et de citoyenneté. Ils se poursuivront avec le SNU. Il y aura ainsi une véritable continuité dans les statistiques construites chaque année à l’occasion de la JDC. Les chiffres se sont stabilisés et indiquent qu’autour de 20 % des jeunes sont en difficulté de lecture depuis plusieurs années. Ce sont à l’avenir les mêmes compétences fondamentales qui seront évaluées.

J’ai récemment rencontré les représentants du ministère des armées. Ils m’ont indiqué que ces tests ont été conçus il y a vingt ans et qu’ils n’avaient été mis à jour qu’une seule fois, en 2009. Avec le remplacement progressif des JDC et la consolidation du SNU, ne pourrait-on pas envisager une mise à jour de ces tests ? Certains exercices du test ne sont plus vraiment d’actualité. Il semble aussi qu’il soit un peu trop rapide. Avec les moyens informatiques actuels, on peut imaginer des tests qui adapteraient automatiquement la difficulté de l’exercice au niveau du jeune évalué.

Aujourd’hui, ceux qui rencontrent des difficultés de lecture sont directement repérés. On pourrait donc également imaginer un système qui proposerait immédiatement une ou plusieurs solutions de remédiation, comme par exemple le service militaire adapté, lequel fonctionne très bien dans les outre-mer, mais reste peu connu en métropole. En plus de ces tests, les jeunes pourront aussi passer des modules spécifiques pour évaluer leur niveau sur d’autres compétences. Je pense par exemple aux tests Pix qui certifient les compétences numériques. Ils permettraient de repérer les jeunes ne maîtrisant pas les savoirs fondamentaux du numérique.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, détailler davantage le contenu de ces modules spécifiques de repérage, ainsi que l’orientation et les suites qui seront données aux résultats de ces modules ?

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame Provendier, vous m’avez interrogé sur l’intégration des petites associations dans le service national universel. C’est un enjeu très important, puisque le SNU, qui suit une logique d’engagement, a vocation à mettre les jeunes au contact d’associations dans les territoires. Cela se fera à plusieurs moments. Dès la phase de cohésion, les jeunes seront dans un autre territoire que le leur, où ils seront en contact avec des associations sur le terrain. Les différents modules pédagogiques de cette phase de cohésion seront en effet assurés en grande partie par des associations, notamment sur les questions environnementales, mais aussi sur d’autres sujets, comme les questions de patrimoine ou les questions de mémoire, grâce aux associations d’anciens combattants. Les associations seront ainsi partie prenante de l’apport pédagogique dispensé dans les centres du SNU.

Ensuite, il y aura une journée d’action citoyenne où les jeunes seront au contact d’associations, sur le terrain, très concrètement. J’avais donné l’exemple de l’environnement, mais il peut aussi s’agir, dans le domaine du patrimoine, d’entretenir un édifice patrimonial. Beaucoup d’associations travaillent sur ces sujets. Il y aura également, au cours de la phase de cohésion, une demi-journée consacrée à un forum de l’engagement. Nous connaissons tous les forums des associations dans nos communes. L’idée n’est pas d’en recréer, mais de mettre les jeunes, à l’occasion de cette demi-journée, au contact avec des bénévoles engagés. On sait que ces témoignages ont beaucoup plus d’impact s’ils sont portés par des jeunes.

Ensuite, il y aura évidemment la phase de mission d’intérêt général au cours de laquelle les jeunes, revenus dans leur territoire ou dans leur département, réaliseront leur mission de quinze jours ou de 84 heures, le cas échéant auprès d’une association. Sur ce sujet, on travaille dans chacun des départements avec les associations locales pour les aider à construire des missions types pour accueillir les jeunes et les accompagner dans toutes leurs démarches. Évidemment, cela ne doit pas représenter un poids trop lourd mais, au contraire, une chance pour elles. Elles y voient vraiment une opportunité d’établir un lien avec une jeunesse qui pourra ensuite poursuivre son engagement de manière plus durable.

Au-delà de ces questions de fond, vous m’avez interrogé, Mme Meunier, sur le financement du service national universel. Effectivement, il n’y a pas de ligne budgétaire spécifique dans la loi de finances pour 2019. La raison en est simple : seule une petite cohorte de 2 000 volontaires de treize départements est concernée. Cela ne nécessitait pas de créer un budget dédié. On se situe « dans l’épaisseur du trait » et le financement en 2019 sera ainsi assumé en gestion. Ce que je puis vous apporter comme information, c’est que l’estimation de ces dépenses pour 2019 est d’environ 4 millions d’euros. Elle sera prise en charge par le programme 163 « Jeunesse et vie associative ». Une ligne budgétaire dédiée sera inscrite dans le projet de loi de finances pour 2020, puisque j’ai fixé comme objectif que nous puissions accueillir 40 000 jeunes dès l’année prochaine.

Sur la question du bénévolat, je vais prendre connaissance de votre proposition de loi. Mais je suis toujours très prudent. Des débats ont d’ailleurs déjà eu lieu à l’occasion de la discussion de la loi du 27 janvier 2007 relative à l’égalité et à la citoyenneté, comme M. Régis Juanico doit s’en souvenir. Ces débats réguliers sur les contreparties au bénévolat posent la question des frontières du bénévolat, lorsqu’il existe une contrepartie, une rémunération ou une défiscalisation qui font que, finalement, le désintéressement n’est plus tout à fait entier. Au Sénat, les sénateurs avaient adopté un amendement sur une proposition de loi du MoDem, qui a ensuite été supprimé – à mon sens heureusement – par l’Assemblée nationale, car la majorité sénatoriale voulait imposer aux entreprises de rémunérer les salariés qui prenaient des jours de congés pour s’engager dans des associations… Si on est salarié, il s’agit de mécénat de compétences, non plus de bénévolat. Ce n’est plus tout à fait un engagement désintéressé. C’est une frontière à prendre en compte. Mais je serai très attentif à votre proposition de loi. Nous l’examinerons ensemble et je suis sûr qu’on peut avancer.

Mme Mette, vous avez évoqué des propositions de loi importantes du groupe MoDem. J’ai insisté sur le fait qu’une bonne partie des mesures que j’ai annoncées dans ma feuille de route, en novembre, trouvent une traduction législative immédiate, notamment sur la question de la trésorerie des associations.

Y aura-t-il un projet de loi d’envergure sur les associations ? Pour ma part, je ne me fixe pas nécessairement pour objectif de déposer de grands projets de loi. D’abord, on sait quand leur examen commence, mais non quand il se termine… Ensuite, une loi très importante a été votée sur la vie associative, qui est la loi sur l’égalité et la citoyenneté, loi fondamentale pour l’engagement et la vie associative. Aussi je pense que ma première mission est de faire en sorte que tous les outils votés dans le cadre de cette loi montent en puissance et deviennent visibles des Français. Je pense en particulier au compte d’engagement citoyen, qui se développe. Il y a déjà de beaux dispositifs, sans qu’il y ait besoin d’un grand projet de loi.

Mais je suis très ouvert aux avancées possibles sur la valorisation de l’engagement, à laquelle je crois beaucoup. J’ai ouvert pour cette raison un chantier très important sur la valorisation des compétences acquises à travers l’engagement. Car, quand on s’engage, on développe des compétences qui doivent pouvoir être valorisées. Si on est jeune, elles peuvent être valorisées dans le cadre des études, comme c’est déjà permis par la loi sur l’égalité et la citoyenneté. Mais on peut aller plus loin, vers une logique d’insertion professionnelle. Ainsi, dans ma feuille de route, j’ai annoncé que nous allions mettre à disposition de tous les engagés des modules de certification des compétences professionnelles et de labellisation qui pourront ensuite être valorisés dans le cadre d’une insertion professionnelle.

Cela répond aussi à l’intérêt manifesté par les entreprises et les recruteurs, qui affirment aujourd’hui examiner beaucoup plus les engagements pour faire la différence entre des candidatures proches en termes académiques ou en termes de formation. Car l’engagement en dit beaucoup sur la capacité d’une personne à s’adapter, à prendre des initiatives, à évoluer dans un collectif. Le président du Medef, lui-même, M. Geoffroy Roux de Bézieux, m’a dit il y a quelques mois que le bas du CV est en train de devenir le haut du CV… Nous assistons donc à une évolution culturelle très importante.

Cela veut dire qu’il faut permettre à tous ceux qui s’engagent de valoriser leurs compétences, pour éviter que l’engagement ne soit un vecteur d’inégalités sociales, dans le cas où certains y auraient accès et d’autres non. L’association « Article 1 » a par exemple travaillé sur un outil et nous avançons ensemble sur ce sujet, qui aboutira dans l’année 2019.

Mme Victory, j’ai abordé la question du rôle de l’école et de l’éducation nationale dans cette société de l’engagement. Elles doivent permettre aux jeunes de découvrir ce qu’est l’engagement et dispenser cette éducation à la citoyenneté. Je pense qu’aujourd’hui l’enseignement moral et civique (EMC) est souvent une variable d’ajustement pour les professeurs d’histoire et géographie, lorsqu’ils veulent finir le programme. Tous les jeunes n’ont donc pas accès dans les mêmes proportions à l’EMC. Pour qu’il soit plus performant, on peut aller plus loin en matière de lien avec les associations et d’expériences sur le terrain, en dehors de l’école. Je travaille sur le sujet avec M. Jean-Michel Blanquer.

Vous avez parlé du service civique comme un « outil intéressant ». Moi, je veux dire qu’il s’agit d’un outil formidable ! Il ouvre à des jeunes des trajectoires formidables. J’en suis un soutien et un ambassadeur. Le service civique fait pleinement partie du service national universel. C’est l’une des composantes de la phase trois, dite phase d’engagement volontaire, du service national universel. Il en fait donc pleinement partie.

Sur l’organisation territoriale de l’État et la mise en place de pôles éducatifs auprès des rectorats, des annonces vont être faites dans les prochaines semaines, sans doute fin juin. C’est l’ensemble de l’organisation territoriale de l’État qui va être reprécisée. Des travaux sont en cours et les annonces seront faites par le Premier ministre.

Mme Anthoine, vous m’avez interrogé sur le budget du SNU. J’ai déjà répondu à Mme Meunier sur ce point.

J’en viens à la question des collectivités. Vous avez dit que celles engagées dans la phase pilote étaient inquiètes des charges qui pèseraient sur elles… Mais il faut vraiment me citer des collectivités inquiètes. Je n’en connais pas : au contraire, elles sont emballées ! Elles sont extrêmement volontaires pour participer au SNU. Pour ma part, j’ai été clair dès le départ sur le fait qu’il n’y aura ni coût ni obligation pour elles, mais que les collectivités qui veulent s’engager pourront le faire. Et si elles veulent s’engager plus que les autres, elles peuvent aussi le faire.

Ainsi certaines régions s’engagent-elles plus que les autres, telle la région Hauts‑de‑France. Elle a en effet décidé de prendre en charge une partie des transports des jeunes, alors qu’on ne le lui avait pas demandé. Mais ses élus croient au projet et ont eux‑mêmes envie de s’engager. C’est ce qu’ils font, même s’il n’y a pas là d’obligation pour eux.

Il n’y aura pas de coût pour les collectivités locales. Sur ce point, il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Ce que je constate, a contrario, c’est qu’elles sont vraiment emballées par le service national. Les difficultés que j’ai eu à gérer m’ont plutôt mis aux prises avec des collectivités qui regrettaient de ne pas être incluses dès la phase pilote. Je reçois encore aujourd’hui des demandes de départements souhaitant pouvoir participer au SNU dès cette année. Ils me demandent confirmation que tous les départements lanceront bien l’an prochain le service national universel, parce qu’ils y voient tant un intérêt pour leurs jeunes qu’une possibilité de faire découvrir leur territoire à d’autres jeunes.

Il s’agit pour eux de montrer que, dans des territoires faisant l’objet de stéréotypes et de caricatures, il peut aussi y avoir des opportunités pour les jeunes. Aux yeux de ces élus, le brassage de jeunes qui viennent de partout en France permettra de faire découvrir un certain nombre d’opportunités et d’atouts, ce qui dynamisera ce territoire. Je pense donc que le SNU est aussi une chance pour les collectivités et pour nos territoires.

Madame Bazin-Malgras, vous m’avez posé des questions sur le lien armée-nation et sur le module défense dans le cadre du service national universel. On sait qu’existe aujourd’hui la JDC, qui vise à affermir ce lien armée-nation. J’en profite pour rendre hommage à tous les agents qui sont engagés dans l’organisation de la JDC en France. Ils accomplissent un travail très important, puisque pas moins de 800 000 jeunes y participent chaque année. Je suis allé leur rendre visite là où ils sont basés, à Orléans. Évidemment, ils ont toute leur place dans le service national universel. À mesure que le SNU va monter en puissance, la JDC va diminuer, puisque le SNU en reprendra les obligations.

S’agissant du lien armée-nation, le module défense a été construit et défini par le ministère des armées lui-même. Geneviève Darrieussecq a été à la manœuvre, avec ses services, pour définir ce module. Plusieurs éléments seront présents. Ils reposeront sur la pédagogie active qui fait des jeunes des acteurs. Un module les familiarisera avec les risques auxquels est confrontée la nation française, dans le cadre d’un serious game – « jeu sérieux » ou jeu éducatif – qui les aidera à découvrir et appréhender ces enjeux.

Sera aussi organisée une simulation de cérémonies patriotiques, permettant de mieux comprendre comment s’organise une cérémonie et à quoi correspondent ses différents symboles et différents moments. Je pense que nous participons tous à des cérémonies patriotiques dans nos circonscriptions et que nous nous faisons souvent la réflexion qu’il y a tout de même assez peu de jeunes présents, hors du cadre structuré de leur école. Aussi notre objectif est-il de faire en sorte que tous les jeunes qui sont passés par le service national universel puissent participer ensuite aux cérémonies patriotiques dans leur territoire. Encore faut-il en effet qu’ils en comprennent le sens et qu’ils sachent pourquoi on commémore et comment. Ce module le leur expliquera.

Le 18 juin tombera pendant la phase pilote. J’ai donc souhaité que, dans tous les centres du SNU, soit organisée à cette occasion du 18 juin une cérémonie qui commémore l’appel du général de Gaulle. Les jeunes auront ainsi l’opportunité de découvrir cette dimension de la mémoire. Un module sera également consacré à la question des cyber menaces qui existent aujourd’hui.

Notre objectif est que ce lien armée-nation se concrétise aussi par des rencontres. Des militaires de retour d’opérations extérieures viendront témoigner devant les jeunes de leur expérience. Il y aura aussi des découvertes in situ des infrastructures militaires existant dans notre pays. M. Christophe Lejeune parlait tout à l’heure de la Haute-Saône, département pilote. Là-bas, des visites de la base aérienne de Luxeuil seront organisées pour les jeunes qui pourront aller découvrir ce qui s’y déroule concrètement. Ce lien armée-nation se concrétise aussi dans l’encadrement, auxquels les militaires participent.

Madame Essayan, s’agissant des critères retenus par l’INJEP pour l’évaluation du SNU, nous avons reçu une première proposition. L’objectif est d’examiner en particulier la manière dont les acteurs mettent en œuvre le SNU dans les différents territoires, pour mieux dégager des enseignements de la comparaison entre les territoires. Voilà une première clé importante, car je rappelle qu’on a tout à fait autorisé, et même encouragé, les acteurs des territoires à innover et à prendre des initiatives. L’évaluation devra rendre compte de ces différentes modalités d’adaptation du dispositif national dans les territoires.

En termes de contenu, et notamment de sa mise en œuvre par les acteurs associatifs, l’INJEP analysera sa réception auprès des différents participants. Il s’agira, à terme, de comprendre les effets des différentes phases du SNU, phase obligatoire comme phase facultative. C’est peut-être le volet le plus compliqué à appréhender, en tout cas à court terme. Par définition, il faudra en effet disposer de données collectées sur diverses cohortes durant plusieurs mois. Une première évaluation par l’INJEP sera disponible autour du mois d’octobre. Elle sera partagée le plus largement possible, de façon que vous puissiez en prendre connaissance. Je demanderai également à mon équipe de vous adresser le cahier des charges fixé à l’INJEP sur ce sujet.

Madame Colboc, vous avez posé la question du « cyber-harcèlement » et des risques « cyber » encourus par les jeunes. Au-delà des questions de cyberdéfense, dont j’ai parlé à l’instant, sera proposé un module, ou un moment de formation et de « cyber éducation » pour les jeunes. Il les familiarisera avec ces enjeux « cyber » ou risques « cyber » en matière de harcèlement, en matière de discrimination, en matière de discours de haine – et donc en matière d’éducation aux médias. Là aussi, des associations seront impliquées. Je pense par exemple à la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) ou à l’association Olympio.

Nous travaillons aussi en partenariat avec France Télévisions pour que, pendant les soirées, des contenus permettent d’aborder l’ensemble des enjeux de société. Car les jeunes suivront des modules pédagogiques pendant la journée, mais on ne va pas les envoyer se coucher à 20 heures ! Je ne suis d’ailleurs pas sûr que cela marcherait… Les soirées doivent être mises à profit pour aborder les enjeux dans une logique de débat, en misant sur l’intelligence collective. Des films vont être projetés, pour lesquels nous allons signer une convention avec France Télévisions. Le groupe mettra ainsi à notre disposition des contenus et des films sur les questions de racisme, d’antisémitisme, de cyber harcèlement et d’égalité femmes-hommes. Tous ces enjeux seront abordés.

Vous m’avez interrogé, M. Gérard, sur la manière de faire connaître nos dispositifs aux petites associations, dans les territoires. C’est un vrai sujet : lorsqu’on met en place un dispositif, on se rend souvent compte que l’on n’arrive pas à toucher le bout de la chaîne, les petites associations, alors que beaucoup d’acteurs travaillent. Il y a beaucoup de maisons des associations (MDA) dans des collectivités, le mouvement associatif est structuré dans les territoires, des associations sont intégrées dans des réseaux, comme l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS) en matière de solidarité et de santé, ou de grands réseaux nationaux tels que France Nature Environnement (FNE). Nous essayons de passer par des réseaux, par des interlocuteurs associatifs, mais ce n’est pas évident.

Je pense que les parlementaires ont aussi un rôle à jouer dans ce circuit. Cela veut dire que le Gouvernement doit être exemplaire dans l’information qu’il transmet aux parlementaires pour que ces derniers puissent ensuite la transmettre aux associations. Il faut arriver à construire un meilleur circuit d’information. Les préfectures disposent du fichier des associations de leur département, et ce fichier est ouvert aux députés et aux élus qui souhaitent le consulter. Lorsque j’étais député, j’avais demandé à accéder à ce fichier et il m’avait été communiqué.

Nous devons avancer sur ce sujet qui rejoint l’enjeu de la simplification que j’ai évoqué tout à l’heure. Nous devons rendre plus simples et plus lisibles tous les services apportés aux associations. Je pense qu’on peut aussi travailler, et je commence à le faire, dans le cadre des maisons France service qui ont été annoncées par le Président de la République. On pourrait sans doute avoir un point de contact pour les petites associations dans ce cadre, afin de les informer sur les différentes démarches.

Vous avez abordé la question de l’illettrisme, madame Piron. Je vous sais très engagée sur ce sujet, notamment sur l’illectronisme. Cela correspond à l’une des missions de la JDC. Même si celle-ci est très performante, on peut aller plus loin et faire mieux en ce qui concerne la détection de l’illettrisme et élargir le champ à l’illectronisme. Je peux vous annoncer que c’est ce que nous allons faire dans le cadre du SNU, dès la phase pilote. Nous allons utiliser des logiciels et des outils de pédagogie active, comme Pix, que vous avez évoqué. Nous l’utiliserons dans le cadre du SNU, mais je pense aussi à DiagOriente, qui fonctionne bien.

Vous m’avez également interrogé sur la remédiation. Nous travaillons avec les missions locales afin qu’elles soient présentes dans chaque centre du SNU et qu’elles puissent être au contact des jeunes dont on aura détecté qu’ils sont les plus concernés par l’illettrisme ou l’illectronisme, dans le cadre de parcours de remédiation en lien avec l’éducation nationale et les acteurs associatifs du territoire.

M. le président Bruno Studer. Nous prenons une dernière série de questions.

M. Christophe Blanchet. Certains ne voient le SNU que comme un coût. Nous sommes nombreux à le considérer comme un investissement, pour notre jeunesse et avec elle. Comme toujours, il doit y avoir un retour sur investissement, à court terme, à moyen terme ou à long terme. Lorsque le dispositif concernera la totalité d’une classe d’âge, quels résultats attendez-vous ? Par ailleurs, quand pouvons-nous espérer obtenir ces résultats ? On investit pour l’avenir mais l’on ne verra sans doute pas les fruits de cette politique pendant cette législature.

M. Fabien Di Filippo. Je vais centrer ma question sur la réforme du permis de conduire. On découvre que la formation sera un peu tronquée : certaine enseignements seront dématérialisés, notamment par l’utilisation de simulateurs, ce qui se traduit par moins d’heures passées en situation réelle sur la route. Il y aura aussi des évolutions en ce qui concerne la formation au code. Nous mettrons sur les routes des gens moins bien formés, quoi qu’on en dise, et toutes les auto-écoles nous l’expliquent très bien. C’est en contradiction complète avec l’objectif que vous avez affiché lorsque vous avez voulu réduire la vitesse sur les réseaux secondaires à 80 kilomètres par heure. Vous avez dit qu’il fallait œuvrer pour la sécurité routière mais, à côté de cela, les jeunes que l’on met sur les routes seront moins bien formés. C’est un problème beaucoup plus dramatique pour la sécurité routière que la baisse de 10 kilomètres par heure de la vitesse maximale autorisée. Quelles garanties pouvez-vous apporter pour les jeunes qui vont passer le permis de conduire à l’issue de la réforme ?

M. Jean-François Portarrieu. Les modules de formation du SNU s’articulent autour de 7 thématiques. Vous avez évoqué la défense, mais il y a également les activités physiques et sportives. Le mois dernier, je crois que vous avez accompagné 13 jeunes sur les tatamis de la Fédération française de judo pour travailler sur les techniques d’autodéfense – c’est très utile dans le monde où nous vivons. (Sourires) Je voudrais savoir si d’autres sports sont concernés, comme le sport collectif qu’est le rugby. Vous savez qu’il est cher au député toulousain que je suis, ainsi qu’à mes collègues Christophe Blanchet et Cédric Roussel, qui jouent avec moi au sein du XV parlementaire.

M. le président Bruno Studer. La parole est à Bertrand Sorre. Est-ce pour parler aussi de rugby ? (Sourires.)

M. Bertrand Sorre. Non mais je parlerais volontiers de handball ou de judo. (Sourires.)

Je me réjouis que nous ayons un secrétaire d’État aussi engagé dans les causes qu’il défend et je salue l’ambition inscrite dans la feuille de route qui a été présentée à l’automne dernier.

J’ai organisé ce matin, à l’Assemblée nationale, en tant que coprésident du groupe d’études sur la vie associative et le bénévolat, une table ronde qui a réuni des parlementaires et le mouvement associatif pour faire le point sur les deux années écoulées mais aussi pour se projeter sur le prochain projet de loi de finances et sur les perspectives d’ici à la fin de cette législature. Cette réunion a été l’occasion de saluer les avancées réalisées, notamment dans le cadre des deux propositions de loi sur l’engagement associatif et sur l’amélioration de la trésorerie des associations, qui ont été examinées dans le cadre de la « niche » réservée au MoDem.

S’agissant du prochain projet de loi de finances, trois priorités ont émergé : la nécessité, déjà évoquée, de renforcer l’enveloppe dédiée au service civique afin de couvrir la demande – elle est là, mais il n’y a plus de moyens budgétaires disponibles, car les 150 000 missions de service civique ont déjà été attribuées ; la nécessité de conforter le FDVA, en augmentant éventuellement les crédits prévus mais aussi en garantissant la pérennité des ressources attribuées à chaque département ; la nécessité, enfin, de garantir la proximité entre les services de l’État et les petites associations – c’est une inquiétude que vous avez évoquée tout à l’heure en parlant des maisons des services publics. On constate des difficultés sur le terrain, avec le nombre décroissant d’agents mis à disposition. Les ressources dont bénéficiaient les petites associations sont en baisse, ce qui n’est pas sans poser des problèmes. Quel regard portez-vous sur ces trois priorités ?

Mme Virginie Duby-Muller. Je voudrais revenir, en préambule, sur votre réponse à M. Maxime Minot en ce qui concerne le FDVA et le fait que, désormais, les parlementaires peuvent désormais y être associés, ce qui n’était pas le cas au départ, dans le cadre de la loi pour la confiance pour la vie politique. Si on prend l’exemple de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), les parlementaires sont associés à la commission compétente, mais ils ont uniquement un rôle consultatif et doivent souvent se contenter d’entériner des décisions qui ont déjà été prises par les services préfectoraux, ce qui est regrettable. J’espère que nous pourrons avoir un rôle plus important dans ce cadre et que les crédits seront abondés, car ils sont largement en deçà des montants de feu la réserve parlementaire.

Dans une interview parue dans le journal Midi libre, le 3 mai 2019, vous avez expliqué, en réponse à une question sur la valorisation du bénévolat des jeunes, et je vous rejoins évidemment sur ce point, que vous vouliez mettre en lumière les efforts et les compétences acquises d’un jeune engagé ou ayant fait du bénévolat lors d’un recrutement et que c’était un travail à faire avec les recruteurs. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Ma deuxième question concerne la possibilité de faciliter la mobilité des jeunes grâce au permis de conduire. Vous avez dit que l’on pourrait faire en sorte d’en diminuer de 30 % le coût. Pouvez-vous nous apporter des précisions supplémentaires ? Avez-vous une estimation du budget que cela représenterait ?

Mme Céline Calvez. La phase pilote du SNU va se concrétiser dans très peu de temps. Pendant les 15 jours de la session obligatoire, les jeunes volontaires seront réunis et hébergés dans des logements collectifs afin de partager un moment de mixité et de cohésion sociale et territoriale autour des valeurs de la République – vous êtes déjà revenu à plusieurs reprises sur ce sujet. L’objectif est également d’apprendre la vie en collectivité et de renforcer la connaissance des droits. Ce sera une phase importante pour ces jeunes en tant que citoyens.

L’égalité entre les femmes et les hommes, à laquelle je tiens particulièrement, est une composante essentielle de l’apprentissage de la citoyenneté : elle ne devra pas être laissée de côté. Il est important de sensibiliser les plus jeunes générations, le plus tôt possible, à cette problématique afin de permettre un changement de comportement. Comment les enjeux de l’égalité entre les femmes et les hommes seront-ils pris en compte dans le SNU ? Portera-t-on attention, par exemple, au respect de la parité chez les encadrants ? Comment les jeunes volontaires seront-ils sélectionnés ? La parité sera-t-elle assurée en leur sein ? Comment les animateurs seront-ils formés à la lutte contre les stéréotypes, les discriminations et les inégalités ? Compte tenu du manque de connaissance de la jeunesse en ce qui concerne l’interruption volontaire de grossesse (IVG), dans quelle mesure le SNU sera-t-il l’occasion de sensibiliser à ce droit et de le valoriser ?

M. Stéphane Testé. Je souhaiterais revenir sur la consultation numérique qui a été organisée pour définir les contours et le contenu du SNU. Cette consultation a été un grand succès, et on ne peut que s’en réjouir. Une demande de modules de formation à l’autodéfense a été formulée par des jeunes filles de tous les territoires et de tous les milieux sociaux. Pouvez‑vous nous indiquer si le Gouvernement et vous-même répondrez favorablement à cette demande ? Si tel est le cas, ce module d’autodéfense sera-t-il proposé dès la phase pilote du SNU ?

M. Stéphane Claireaux. Le SNU débute dans moins d’un mois. Sa mise en œuvre favorisera la mixité sociale, mais aussi la mobilité géographique des jeunes. À ce jour, 13 départements et 13 régions vont envoyer des jeunes volontaires pour la première génération du SNU, en juin. L’outre-mer sera présent grâce à la participation de la Guyane, qui doit retenir 200 candidatures de jeunes de plus de 16 ans. J’aimerais savoir comment le SNU a été perçu en Guyane et quelle a été la réponse des jeunes Guyanais.

Nos territoires d’outre-mer sont, par définition, éloignés de la métropole. Selon une publication du Sénat, vous avez déclaré qu’il y aurait des moyens pour les jeunes des outre-mer comme pour tous les jeunes Français. Il est prévu de financer les déplacements de tous les jeunes volontaires entre leur territoire de résidence et l’endroit où ils seront affectés dans le cadre de la phase de cohésion, ce dont je me félicite. À quel horizon comptez-vous étendre l’accès au SNU pour tous les outre-mer ? Je suis persuadé que chez moi, à Saint-Pierre-et-Miquelon, comme ailleurs dans nos territoires ultramarins, le SNU devrait trouver un écho et ouvrir des perspectives de découverte souvent inaccessibles pour nos régions éloignées, voire isolées. Les régions ultramarines ont chacune une relation culturelle particulière avec la France hexagonale. Comment comptez-vous promouvoir le SNU dans ces régions ?

Mme Anne-Christine Lang. Ma question porte sur la place et le rôle des élus locaux dans la mise en œuvre du SNU. Vous avez souhaité qu’ils soient associés aux comités de pilotage qui ont été créés dans les 13 territoires préfigurateurs. Pouvez-vous nous dire de quelle façon vous souhaitez associer ces élus à la mise en œuvre du SNU, notamment les maires mais aussi les élus régionaux ?

M. Yannick Kerlogot. Ma question concerne également le SNU et elle fait écho à celle posée par Mme Calvez. Nous savons qu’il y a 4 000 volontaires, dont 2 000 ont été retenus pour cette première expérience. À terme, ce sont 800 000 jeunes, sauf erreur de ma part, qui seront amenés, d’une manière obligatoire, à effectuer le SNU, auquel j’adhère sans réserve au nom des valeurs d’engagement, de cohésion et de fraternité que vous avez rappelées. Le vivre ensemble n’est pas forcément une expérience déjà vécue par tous les adolescents. Comment faire pour dédramatiser ce qui va être, à terme, un rendez-vous obligatoire pour les jeunes de 16 ans ? Au-delà de la mixité et de la première expérience de mobilité que cela constituera pour certains, on mesure déjà la formidable proposition mais aussi l’angoisse que cela peut représenter. Avez-vous imaginé un dispositif préalable, par exemple dans les collèges, afin d’expliquer ce que sera le SNU ? Par ailleurs, outre le rite de passage dans la citoyenneté que sera le SNU, comment valoriser les premières expériences qui auront lieu et qui, a priori, vont très bien se passer, puisqu’il s’agit de volontaires ? Pour résumer, comment faire de l’obligation du vivre ensemble une réussite ?

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale et de la jeunesse. M. Blanchet m’a posé la question du retour sur investissement. Merci d’avoir rappelé que c’est un investissement. Je le dis souvent, mais j’oublie parfois de le faire… C’est important de le rappeler, notamment quand on aborde la question du budget ou quand certains estiment que ce projet est inutile, comme certains élus du groupe socialiste l’ont dit tout à l’heure. C’est un investissement. L’objectif est de réduire, à terme, le nombre de décrocheurs en permettant à des jeunes de découvrir des opportunités nouvelles dans d’autres territoires et des exemples de jeunes de leur âge qui s’épanouissent, qui s’insèrent dans des formations, dans des filières qu’ils n’avaient pas forcément imaginées ou dans lesquelles ils ne s’étaient pas projetés. Cela représente aussi des économies, à terme, en matière de santé, puisque le bilan de santé complet dont bénéficieront tous les jeunes permettra d’identifier, potentiellement, des pathologies qui, si elles s’étaient aggravées, auraient coûté plus cher à la sécurité sociale. Plus globalement, il y a tout ce que cela permettra de faire pour réduire les fractures dans la société. Voilà ce que je voulais vous dire à propos du retour sur investissement.

Un des premiers critères de réussite du SNU sera le nombre de jeunes passés par la phase obligatoire qui entreront ensuite dans la phase volontaire. Si un nombre important de jeunes s’engage volontairement dans la phase 3, ce sera un premier témoignage de réussite : la phase obligatoire aura levé des freins à l’engagement et aura poussé des jeunes à s’engager en plus grand nombre dans la phase volontaire. On étudiera également les indicateurs que j’ai évoqués, notamment le nombre de décrocheurs. Par ailleurs, il y a le matériel et l’immatériel, le quantifiable et l’inquantifiable, notamment tout ce que le dispositif produira en matière de vivre-ensemble, comme l’a dit M. Kerlogot, de partage et de cohésion républicaine. Il sera difficile de le mesurer avec des indicateurs, mais ce sera perceptible dans la société – je l’espère. Elle est traversée par des fractures qui n’ont échappé à personne, et parmi les jeunes aussi. Ces derniers ont peut-être un âge où on peut encore partager davantage, faire tomber des tabous et certaines représentations. Il existe aujourd’hui beaucoup trop peu de lieux de mixité, d’échange et de partage. Le SNU sera un moment pivot dans ce domaine.

M. Di Filippo m’a interrogé sur le permis de conduire et m’a demandé ce que cela apporterait aux jeunes. Cela coûtera déjà moins cher.

M. Fabien Di Filippo. Je vous ai demandé quelles garanties vous pouvez apporter.

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Il est important de souligner que cela va coûter moins cher. Vous n’en avez pas parlé dans votre question. Je ne sais pas si les jeunes de votre territoire considèrent que le permis ne coûte pas trop cher ou qu’il est facile d’y accéder…

M. Fabien Di Filippo. C’est toujours trop cher.

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Et c’est un frein pour beaucoup de jeunes. J’ai rencontré lors de mes déplacements, notamment dans les Ardennes, des jeunes qui avaient identifié une formation ou un apprentissage qui leur correspondait dans leur département, mais qui avaient dû y renoncer car ils n’avaient pas la mobilité nécessaire, faute de permis de conduire et de moyens de le financer. Le coût du permis est un frein pour la mobilité de beaucoup de jeunes.

Des dispositifs d’aide ont été mis en place, notamment par des collectivités locales, mais il y a encore beaucoup de jeunes qui ont des difficultés. Une des mesures importantes de notre plan pour réduire le prix du permis de conduire et pour faciliter l’accès des jeunes consiste d’ailleurs à créer une plateforme permettant d’apporter une information sur l’intégralité des aides proposées. Ce sera une sorte de « TripAdvisor » des aides des collectivités et de l’État pour le permis de conduire. Un certain nombre de mesures vont également faire baisser le coût. Je vous renvoie à l’excellent rapport rédigé par votre collègue Mme Françoise Dumas, qui est la base des annonces faites par le Premier ministre.

Vous avez estimé que le recours à des simulateurs constituerait un risque pour la sécurité. Or toutes les études réalisées montrent que ce n’est pas le cas. Les simulateurs sont tellement performants qu’ils permettent d’apprendre la conduite quasiment dans des conditions réelles. Il ne s’agit pas de dire, évidemment, que les simulateurs vont remplacer de A à Z l’expérience sur la route. Mais on peut les multiplier et les systématiser car cela permet d’atteindre les mêmes objectifs. Les études le montrent, comme le rappelle le rapport de Mme Françoise Dumas. Par ailleurs, cela permet de réduire le coût.

Ce nest pas à moi dapporter des garanties sur ce sujet, car il ne dépend pas de mon ministère. Néanmoins, je rappelle que des garanties ont été apportées par le ministre de lintérieur, M. Christophe Castaner, et par le Premier ministre, lui-même, qui ont tous les deux dit – nous étions ensemble en Charente pour annoncer le plan relatif au permis de conduire – que lobjectif est de réduire le coût, mais pas la sécurité et la formation des jeunes : on garantit le même niveau de sécurité. Cest une garantie qui a été apportée.

Mme Duby-Muller m’a aussi demandé comment le coût va baisser. J’ai cité l’exemple des simulateurs, mais il y a également des mesures, que je ne vais pas détailler, qui concernent l’apprentissage sur boîte automatique, avant une conversion en permis classique, et la réduction des délais – cela coûtera moins cher et ce sera plus rapide. Nous avons prévu des mesures très concrètes. La formation au code de la route sera prise en charge dans le cadre du SNU, pour un montant de 70 euros par jeune. Un premier module de formation au code est prévu dans la phase de cohésion du SNU, puis les jeunes auront accès, depuis chez eux, à une plateforme gratuite d’entraînement : le premier passage du code sera également gratuit pour eux. Cela représente 70 euros pris en charge par les pouvoirs publics, je l’ai dit, mais cela conduira, en réalité, à une économie plus importante pour les jeunes, car vous savez bien que des marges sont réalisées dans ce domaine – je crois qu’on peut le dire.

M. Portarrieu m’a interrogé sur les activités sportives, et notamment sur le rugby. Le cœur des activités sportives prévues dans le cadre du SNU s’inspire de ce qui existe dans des préparations militaires – le dépassement, la course d’orientation, le franchissement d’obstacles ou encore le raid en forêt. Je crois beaucoup au rôle du sport comme vecteur de cohésion. Il s’agit de faire du SNU un moment de cohésion générationnelle, et le sport peut jouer un rôle dans ce domaine. En ce qui concerne la phase pilote, je peux vous annoncer que nous allons tester une participation du rugby au module sportif. Je vais signer une convention avec la Fédération française de rugby le 15 juin, qui est la date de la finale du Top 14. Nous allons tester dans plusieurs centres du SNU – pas tous – le rugby comme vecteur de cohésion. Nous travaillons avec les fédérations nationales d’athlétisme, de boxe, de karaté et de judo pour tester différents modules. La phase pilote a pour vocation de tester des possibilités et des organisations différentes. Nous reprendrons ce qui fonctionne le mieux pour atteindre nos objectifs dans le cadre de la montée en puissance.

En réponse à l’intervention de M. Testé, il y aura bien un module de self-défense dans le cadre du SNU. Nous l’avons construit avec la Fédération française de judo, qui a formé spécifiquement treize de ses cadres. Il ne s’agit pas d’un module de judo, mais de self-défense à partir des techniques du judo. Ce module fonctionne très bien : je peux vous le dire puisque je l’ai testé moi-même sur un tatami. C’est très utile. Les jeunes qui ont fait le test avec moi ont également beaucoup appris. On apprend par exemple à chuter. C’est important pour mieux savoir se relever, ce qui vaut dans tous les domaines. (Sourires) Ce module correspond à une demande très forte, notamment de jeunes filles, dans la consultation numérique que nous avons réalisée.

M. Sorre m’a posé plusieurs questions sur la vie associative. Je veux d’abord vous remercier pour la table ronde que vous avez organisée au sein de votre groupe d’études sur la vie associative, et auquel je sais que Mme Provendier a notamment participé. Mon souhait est de continuer à soutenir le développement du service civique et qu’il y ait davantage de jeunes ayant accès à une mission dans ce cadre. Nous avançons dans cette direction. Je rappelle que le budget de l’Agence du service civique a augmenté de 50 millions d’euros dans le cadre de la loi de loi de finances pour 2019, ce qui est un engagement important dans le contexte actuel. Je travaille à ce que l’augmentation des crédits se poursuive.

En ce qui concerne le FDVA, je ne vais pas reprendre ce que j’ai dit à l’heure.

Mme Calvez a abordé la question de l’égalité femmes-hommes. C’est un enjeu extrêmement important, et même central, dans le SNU. Il y aura évidemment une parité entre les filles et les garçons, même si nous avons eu une petite inquiétude au début : on comptait beaucoup plus de filles parmi les volontaires, mais un rééquilibrage a eu lieu et nous atteindrons donc la parité pour la phase de cohésion. En ce qui concerne la formation des encadrants, un module porte sur la lutte contre les discriminations et sur l’égalité femmes‑hommes. Des mouvements d’éducation populaire, notamment la Ligue de l’enseignement et la Fédération Léo Lagrange, ont assuré ce module. J’ai vu les cadres de compagnie après la mise en œuvre de ce module à Saint-Cyr-Coëtquidan, et je peux vous dire qu’il est extrêmement efficace : les intéressés ont tous beaucoup appris et ils étaient tous très « emballés ». Je précise aussi qu’il y a eu un module de formation avec le Délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), Frédéric Potier, qui s’est déplacé en personne. La DILCRAH sera très présente en la matière. Je rappelle aussi qu’un module sur les valeurs de la République, la citoyenneté et la lutte contre les discriminations sera assuré par les mouvements d’éducation populaire à destination des jeunes.

Je pense que la question de l’IVG entre dans le module de santé – soit le bilan de santé et de prévention – dont bénéficieront les jeunes ; on pourra le vérifier, mais je crois qu’une information sur l’IVG sera délivrée dans ce cadre. C’est peut-être aussi le cas dans le module sur l’accès aux droits. C’est un sujet important sur lequel nous avançons.

S’agissant de l’égalité femmes-hommes, je rappelle ce que j’ai dit tout à l’heure sur les contenus prévus le soir, notamment en ce qui concerne les documentaires et les films qui seront présentés aux jeunes et qui donneront lieu à une discussion. Un match très important de la Coupe du monde de football féminin, entre la France et le Nigéria, aura lieu pendant la phase pilote du SNU, le 17 juin. J’ai demandé que ce match soit diffusé dans tous les centres du SNU et que tous les jeunes le regardent ensemble. Il y a un enjeu relatif aux stéréotypes à casser et à la promotion du sport féminin. Je travaille sur ce sujet avec Mme Marlène Schiappa, qui viendra sans doute regarder le match avec moi et les jeunes.

M. Claireaux a parlé de l’outre-mer. La Guyane est effectivement le département d’outre-mer pilote pour cette première phase. Vous m’avez demandé comment promouvoir le SNU dans les territoires ultramarins. Je pense honnêtement que nous aurons assez peu de difficultés à le faire car je constate qu’il y a une envie extrêmement forte de participer aux dispositifs de citoyenneté et d’engagement outre-mer. On a vu lors de la consultation numérique, qui a touché 50 000 jeunes, que les jeunes ultramarins étaient les plus « emballés » par l’idée du service national universel. À chaque fois que je me déplace outre-mer, je vois des initiatives dans le cadre des écoles, notamment des classes « citoyenneté », et les régiments du service militaire adapté (RSMA) fonctionnent très bien. Il y a un terreau très fertile. Je pense donc que le dispositif va fonctionner.

Je vous confirme que mon objectif est que l’ensemble des départements français puisse participer au SNU dès l’an prochain. Il y a évidemment un enjeu pratique, opérationnel et très concret pour les outre-mer car une mobilité doit être organisée. En ce qui concerne la phase pilote, les 140 jeunes Guyanais appelés iront dans l’un des 12 départements métropolitains, et 140 jeunes métropolitains feront leur SNU en Guyane, dès cette année. J’insiste sur le fait que beaucoup de jeunes candidats souhaitaient aller en Guyane. Nos outre‑mer exercent un attrait très fort en termes de découverte, ce qui est très positif.

Mme Lang m’a interrogé sur la place des élus locaux. J’ai indiqué tout à l’heure qu’ils jouent évidemment un rôle central. Ils sont présents, comme vous l’avez rappelé, dans les comités de pilotage autour des préfets, des recteurs et des délégués militaires départementaux. On leur proposera de participer aux deux cérémonies importantes de la phase de cohésion
– celle du 18 juin, qui aura lieu dans tous les centres, et la cérémonie de clôture, placée sous l’égide du préfet, qui vise à achever la phase de cohésion et à avoir vraiment un rite de passage, symbolique. Plusieurs départements ont pris des initiatives afin de tester certaines choses. Je pense notamment au Cher, Mme Essayan. Comme vous l’avez indiqué, vous allez être accompagnée, pendant une journée, par des jeunes appelés à faire leur SNU : ils vont vous suivre dans vos activités. La préfète du Cher a souhaité proposer à tous les élus de recevoir des jeunes auprès d’eux ou dans les services publics communaux et départementaux, notamment. Je sens beaucoup d’intérêt et d’engagement des collectivités locales et des élus autour de ce projet, qui a beaucoup à apporter aux collectivités en termes de découverte d’autres territoires et d’opportunités pour des jeunes. Je pense qu’il y a vraiment quelque chose à développer en matière de cohésion territoriale.

M. Yannick Kerlogot m’a interrogé sur la préparation au vivre-ensemble. C’est un vrai sujet. Comment faire en sorte que ce service soit bien vécu par les jeunes, ce qui est naturellement l’objectif ? Je pense qu’il y a tout un travail à faire pour renforcer les espaces et les lieux de mixité en amont du SNU. J’ai indiqué tout à l’heure que je travaille avec M. Jean‑Michel Blanquer sur la question des colonies de vacances. Je crois beaucoup en elles. Cela pourra faire l’objet d’autres échanges avec vous – je ne vais pas revenir sur l’ensemble de ce sujet – mais nous travaillons beaucoup à faire en sorte que plus d’enfants aient accès aux colonies de vacances. Cela soulève des enjeux financiers, bien sûr, mais aussi sociétaux, d’organisation, de communication et d’image, sur lesquels nous travaillons. J’ai lancé une campagne de communication nationale sur ce thème il y a quelques jours.

Il existe notamment un enjeu en matière d’information. La « phase 0 » du SNU aura lieu au collège, avec des réunions d’information à destination des jeunes et de leurs parents. Ceux qui passeront par les premières phases du SNU seront les premiers ambassadeurs de ce dispositif pour ceux qui suivront. Il est très important que ces premières phases soient réussies et que les jeunes puissent ensuite témoigner de ce qu’ils ont vécu, notamment en termes de fraternisation et de cohésion. Je crois beaucoup au rôle des premiers appelés pour la suite de la montée en puissance.

Je crois avoir répondu à toutes les questions…

Mme Michèle Victory. Je vous en avais posé une sur la dimension européenne.

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale et de la jeunesse. En effet. Je constate, avec plaisir, que l’on peut avoir des doutes sur l’utilité du SNU et souhaiter qu’il soit encore plus développé, encore plus important. (Sourires) J’ai vu que le programme de la liste de Place publique et du Parti socialiste comportait une proposition s’apparentant à un SNU européen. Dans mes rêves les plus fous, et je m’autorise à rêver, je souhaiterais évidemment, à terme, que ce ne soit plus un service national universel mais un service européen universel. Il y a du chemin à faire pour y arriver, et la toute première priorité est de renforcer Erasmus. Sur ce sujet, je vous renvoie à la proposition de la liste de la majorité qui consiste à tripler le budget d’Erasmus, ce qui permettrait à 5 fois plus de jeunes Français de bénéficier de cette expérience. Je crois aussi beaucoup au Corps européen de solidarité, que j’ai lancé en France en décembre dernier. Cet équivalent du service civique au niveau européen permettra déjà à 100 000 jeunes d’avoir une expérience d’engagement de long terme auprès d’une association dans un autre pays européen. Cela doit être développé afin que davantage de jeunes y aient accès.

M. le président Bruno Studer. Je rappelle aussi l’existence du service volontaire européen.

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Il a été remplacé par le Corps européen de solidarité que je viens d’évoquer.

M. Pascal Bois. Je souhaiterais ajouter une question rapide. Je m’interroge sur les jeunes expatriés – qui se trouvent à l’étranger parce qu’ils ont suivi leurs parents. Qu’est-il prévu pour eux ?

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Les jeunes expatriés ne faisaient pas leur service militaire, à l’époque où il existait, sauf s’ils revenaient en France avant la borne d’âge prévue. Il n’y avait pas d’obligation de revenir en France pour faire son service militaire, ni d’organisation spécifique en la matière. Aujourd’hui, je crois que la Journée défense et citoyenneté (JDC) n’existe pas pour les expatriés. Si une famille souhaite qu’un enfant fasse son SNU, elle pourra tout à fait organiser sa venue en France pendant une période permettant de l’appeler, mais il n’y aura ni obligation ni prise en charge. Il y a déjà beaucoup d’enjeux organisationnels et financiers en ce qui concerne les jeunes ultramarins, et je concentre les efforts sur ce sujet. Par ailleurs, je le répète, il n’y avait pas d’obligation dans le cadre du service militaire ou de la JDC : on ne va pas créer une obligation supplémentaire dans le cadre du SNU, mais ce dispositif sera évidemment ouvert à tous les jeunes Français. Par ailleurs, il sera peut-être plus simple pour des jeunes résidant au Luxembourg, en Belgique ou dans des pays proches de la France de venir participer au SNU.

M. le président Bruno Studer. Merci, monsieur le secrétaire d’État, pour la précision de l’ensemble de vos réponses à nos nombreuses questions.

 

 

La séance est levée à dix-neuf heures trente.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 28 mai 2019 à 17 heures 25

Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Stéphanie Atger, Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Ian Boucard, M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Céline Calvez, Mme Fannette Charvier, M. Stéphane Claireaux, Mme Fabienne Colboc, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Nadia Essayan, M. Alexandre Freschi, M. Raphaël Gérard, Mme Danièle Hérin, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, Mme Anne-Christine Lang, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, Mme Bénédicte Pételle, Mme Béatrice Piron, M. Jean-François Portarrieu, Mme Florence Provendier, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Pierre-Alain Raphan, M. Cédric Roussel, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Michèle Victory

Excusés.  M. Pascal Bois, M. Bertrand Bouyx, Mme Sylvie Charrière, Mme Jacqueline Dubois, Mme Annie Genevard, Mme Josette Manin, M. Frédéric Reiss

Assistaient également à la réunion.  M. Christophe Blanchet, M. Fabien Di Filippo, M. Christophe Lejeune