Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

– Audition de Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde, sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de la société en 2018              2

– Présences en réunion..................................29


Mercredi
18 septembre 2019

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 73

session extraordinaire de 2018-2019

Présidence de
M. Bruno Studer,
Président
 


  1 

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE LÉDUCATION

Mercredi 18 septembre 2019

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Bruno Studer, président de la Commission)

————

La commission des affaires culturelles et de léducation procède à l’audition de Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde, sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de la société en 2018.

M. le président Bruno Studer. Mes chers collègues, nous accueillons ce matin, après que nous ayons dû reporter son audition initialement prévue le mercredi 3 juillet,
Mme Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde (FMM). Nous la retrouvons avec plaisir pour échanger sur le bilan du contrat d’objectifs et de moyens (COM) de la société en 2018, mais aussi, en cette période de réflexion intense sur l’adaptation de notre système audiovisuel à la révolution numérique, sur l’actualité de la société et ses perspectives.

Avant de vous donner la parole, madame la présidente, je vous poserai quelques questions en lien avec l’activité récente de notre assemblée dans le domaine des médias.

D’abord, on a souvent dit que la loi relative à la manipulation de l’information, adoptée en décembre dernier, pourrait donner lieu, de la part d’États étrangers, à des représailles visant notamment l’audiovisuel extérieur français. Avez-vous pu constater de telles pratiques, voire en pâtir ?

Ensuite, France Médias Monde intervient désormais dans le cadre de la formation des enseignants à l’éducation aux médias et à l’information. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur cette initiative ?

Enfin, pour faire un parallèle avec le texte sur les droits voisins et la distribution de la presse, pouvez-vous nous faire part de votre sentiment sur la régulation des géants du numériques, dits GAFA ? Ils sont aujourd’hui indispensables à votre diffusion, mais peuvent aussi être pour vous source de moindres recettes, notamment publicitaires.

Mme Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde. C’est toujours un plaisir, mesdames, messieurs les députés, de vous retrouver pour échanger avec vous. Nous devions effectivement nous voir le 3 juillet. Je m’étais préparée en vue de cette audition et j’espère me montrer aujourd’hui aussi performante que j’aurais pu l’être avant son report. Plus sérieusement, la reprise s’est faite pour moi, comme chaque année d’ailleurs, à la conférence des ambassadeurs, moment important pour se reconnecter avec tous les enjeux de la planète, mais aussi pour écouter le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères. Ce dernier a employé cette année une formule qui m’a frappée et que je voudrais partager avec vous : « Il n’y a plus aujourd’hui de soft power, on est partout dans le hard. » Dans son discours, Jean-Yves Le Drian, a également déclaré : « La culture, la formation et le développement sont bien les nouveaux attributs de la puissance, si nous voulons continuer à peser sur la scène internationale », ajoutant que l’audiovisuel extérieur était un sujet plus stratégique que jamais, qu’il nous fallait pleinement prendre en compte.

Effectivement, la culture, l’information et le développement sont les piliers de notre action. Les savoir-faire des équipes de France Médias Monde touchent chaque semaine 176 millions de personnes dans le monde, en télévision, en radio ou en numérique. C’est un des outils de la France qui a le plus d’impact à l’international. Ces équipes accomplissent vraiment des prouesses, et je mesure la chance que j’ai de pouvoir exercer avec elles un métier aussi porteur de sens.

Je vous parlerai, bien sûr, de l’exécution de notre COM mais, comme l’année 2019 est bien avancée, j’élargirai un peu mon propos aux enjeux actuels et aux perspectives.

Pour éviter de vous assommer de chiffres, je vous ai apporté de petits dépliants qui vous permettront de vous y retrouver. Je mettrai seulement ici en avant une croissance de 26 millions de contacts hebdomadaires supplémentaires, soit 17 % de plus qu’en 2017, grâce à laquelle nous atteignons les 176 millions de contacts dont je vous parlais.

Nous progressons beaucoup dans le broadcast classique, les « chaînes à la papa ». La radio et la télévision progressent même plus fortement que le numérique en 2018. Voilà un élément qui peut être versé à la réflexion sur les GAFA et leurs algorithmes que le président Studer évoquait.

Nos 176 millions de contacts se répartissent à raison de 130 millions sur la radio et la télévision et de 46 millions d’utilisateurs du numérique. Je veux d’autant plus tirer mon chapeau aux équipes de France Médias Monde que ces résultats ont été obtenus alors que notre subvention avait connu une progression moindre que ce qu’elle devait être dans la trajectoire prévue par le COM. Nos équipes ont donc littéralement mis les bouchées doubles !

Ces résultats sont aussi le fruit d’une stratégie inscrite dans notre contrat d’objectifs et de moyens. Plutôt que de vous en donner de nouveau le détail et de vous exposer le contenu de l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), je mettrai un coup de projecteur sur une sélection de cinq points clés parmi bien d’autres : l’enjeu des langues, avec la diffusion du français mais aussi l’emploi de langues étrangères, qui est notre signe distinctif ; la qualité référente de notre offre éditoriale, tout particulièrement en matière d’information, qui en fait un outil de lutte contre les infox – l’info équilibrée, certifiée et honnête, c’est notre métier ! – ; le numérique, qui est devenu notre routine quotidienne ; l’accessibilité mondiale, car il fait partie de notre mission fondamentale de rendre accessible à l’échelle de la planète nos contenus de qualité et une information libre et équilibrée ; notre gestion à la fois rigoureuse et réactive, qui permet au groupe de s’adapter, dans un contexte financier que vous savez contraint – comme d’ailleurs pour tout le reste du secteur et d’autres secteurs d’activité.

Je commencerai par l’enjeu des langues. Le français est évidemment notre socle, c’est même notre passion, mais le développement des langues étrangères est le signe distinctif d’un média international. Il permet d’ailleurs de promouvoir la francophonie à travers les autres langues et de conquérir de nouveaux publics. France Médias Monde diffuse en quinze langues au quotidien, mais l’on mentionne assez peu les trois langues qui sont également utilisées de façon hebdomadaire : l’arménien, le créole et le peul. Nous ne diffusons dans ces langues qu’une fois par semaine, mais cela compte quand même, car cela fédère des gens autour de nous.

Parmi les 176 millions de contacts que je vous citais, un sur deux provient des langues étrangères. Ces dernières sont donc un réel atout, que nous avons en partage avec les autres grands médias internationaux : BBC, Deutsche Welle, Voice of America… Tous ces grands groupes sont évidemment plurilingues.

Je ne saurai malheureusement vous détailler tous les résultats langue par langue. Il est cependant très satisfaisant et très encourageant de voir que FMM fonctionne dans toutes les langues. J’ai d’ailleurs coutume de dire que, à France Médias Monde, on parle français même quand on parle anglais, persan ou arabe, car on parle depuis la France et on est, en quelque sorte, porteur de l’inconscient collectif de notre pays. Peut-être ne le mesure-t-on pas bien quand on vit dedans, mais on ressent très fortement sa présence quand on regarde nos chaînes de l’étranger.

Globalement, comme les chiffres le montrent, l’offre en langues étrangères de France Médias Monde cartonne. Pour son offre numérique, dont les résultats sont déjà connus pour le deuxième trimestre 2019, on dénombre 20 millions de visites mensuelles, soit une progression de 40 % par rapport à la même période en 2018. Permettez-moi de citer notamment les rédactions en langues asiatiques. Peut-être l’Asie semble-t-elle un peu loin de nous, mais nous devons y être très attractifs, parce que notre offre en chinois, en vietnamien et en cambodgien a enregistré une hausse de 38 % d’une année sur l’autre. Pour notre offre en brésilien, nous regardons les compteurs grimper – le nouveau Président de la République brésilienne paraissant jouer pour nous le rôle d’une sorte de produit marketing. Là aussi, notre offre cartonne, on ne sait pas jusqu’où ça ira ! Toutes les offres en langue arabe, sur France 24 et sur Monte Carlo Doualiya (MCD), augmentent également de manière très importante leur diffusion.

Je vais me concentrer sur l’espagnol, langue dans laquelle diffusent France 24 et Radio France Internationale (RFI), et les langues africaines. S’agissant de l’espagnol, vous avez vécu ici même les étapes du lancement de notre offre en 2017. Les résultats sont très prometteurs, puisque nous touchons plus de 8 millions de foyers latino-américains, c’est-à-dire un doublement par rapport à la période où nous n’offrions pas de contenu espagnol. Nous touchons 12 millions de foyers à temps partiel au Mexique – cet après-midi, je rencontre d’ailleurs le directeur de l’action culturelle du Mexique, qui veut accroître nos partenariats. Nous avons également une large exposition numérique. Les premiers sondages conduits dans trois pays, la Colombie, l’Argentine et le Mexique, ont montré que notre notoriété était en croissance de plus de 50 % entre le dernier trimestre 2017, moment du lancement de notre offre en espagnol, et le premier semestre 2018. Près d’un quart des personnes qui connaissent France 24 déclarent regarder la chaîne. Ce taux de conversion, comme on dit dans notre jargon, est très significatif.

Dans les univers numériques, France 24 en espagnol a doublé son trafic en 2018, enregistrant des pointes de plus de 1 million de visites par mois. Ces résultats se confirment au premier semestre 2019, qui a notamment connu une croissance exponentielle sur YouTube où France 24 a dépassé 15,5 millions de vidéos vues en moyenne, soit une multiplication par 7,5 des vidéos vues par rapport à 2018. En outre, ceux qui les regardent le font longtemps ; on enregistre un record de durée : plus de quatre minutes sur YouTube en moyenne.

YouTube, qui distribue des médailles, nous a attribué la médaille d’argent pour l’espagnol, car nous y avons enregistré 110 000 abonnés en peu de temps. Dans le même temps, la chaîne en français et la chaîne en arabe ont reçu la médaille d’or, puisqu’on sera bientôt à 2 millions d’abonnés, mais ces chaînes sont beaucoup plus anciennes.

Notre partenariat en espagnol avec Arte fonctionne aussi superbement. Les
Latino-Américains sont très curieux de découvrir les programmes d’Arte, sous-titrés en espagnol, que nous mettons sur notre site. Nous avons créé un onglet spécial et, inversement, Arte renvoie vers nous, depuis son site sous-titré en espagnol, des gens curieux d’information. C’est un beau partenariat pertinent.

Aujourd’hui, nous nous heurtons au fait que les câblo-opérateurs plaident pour une augmentation du volume de programmes, puisque l’espagnol ne représente que six heures. Conscients du contexte budgétaire, nous avons fait appel à toute l’astuce de notre directeur technique, qui a trouvé un dispositif permettant de passer à douze heures sans dépenser un centime supplémentaire. Il est vrai qu’il s’agit de rediffusions, mais nous sommes contraints aujourd’hui, par les dispositifs techniques, à ne pas faire autant que nous le voudrions. Notre équipe de Bogota est vraiment très motivée. Si certains d’entre vous ont l’occasion d’y aller, vous aurez le plaisir de voir cette jeune rédaction. Nous arrivons à dégager de quoi faire un flash à l’heure au sein de ces rediffusions. Nous pourrions ainsi passer à douze heures pour zéro euro. Ce sera débattu au conseil d’administration qui aura lieu au mois d’octobre, dans quelques semaines. De sa décision va dépendre la croissance de notre distribution et de nos résultats d’audience.

J’en viens aux langues africaines. Il y a des zones de tension en Afrique, vous le savez, certaines se trouvant même dans une situation prégénocidaire du fait de remontées du terrorisme djihadiste. Dans ces pays malmenés, les médias en langue africaine ne sont pas tout à fait équilibrés. Ils sont de parti pris et peuvent être assimilés à des médias de propagande. Il est donc important qu’une voix délivre, dans la langue locale, une information équilibrée, non partisane et certifiée. C’est un vrai enjeu de paix, auquel nous pouvons concourir, ainsi que de développement. Dans ce contexte, nous avons lancé, en partenariat avec Canal France International (CFI) et l’Agence française de développement (AFD), un premier magazine en peul, dans le cadre d’un programme MédiaSahel. De même, le 21 octobre, nous installerons à Dakar la rédaction en mandingue de RFI. La voilà enfin, sur le continent ! Nous en rêvions depuis longtemps, mais nous avions dû sans arrêt repousser notre installation pour des raisons de sécurité. Notre objectif, à Dakar, est de créer un « hub » en Afrique de l’Ouest ; nous avons déjà une rédaction à Lagos, au Nigeria, et une en Tanzanie, en Afrique de l’Est.

En Afrique de l’Ouest, nous voudrions proposer de la formation et une offre en peul plus souvent qu’une seule fois par semaine. C’est un projet de grande ampleur. Nous y travaillons avec l’AFD depuis des mois déjà. Nous espérons un lancement en 2020, en lien avec CFI, parce qu’il y aura un gros volet de formation. CFI est devenu une filiale de France Médias Monde en 2017, et nous sommes très heureux de travailler main dans la main avec ses équipes. Nous voyons avec plaisir que 40 % des projets de CFI sont développés en s’adossant aux médias du groupe France Médias Monde.

Pour conclure sur ce premier point clé, je voudrais souligner que cette stratégie forte de langues étrangères est parfaitement cohérente avec la promotion de la langue française et de la francophonie, qui nous semble devoir passer aussi par le plurilinguisme. Évidemment, nos médias sont en français partout dans le monde. Quand FMM s’implante quelque part, on diffuse en français, sauf si on se heurte à un refus complet des opérateurs, qui sont nécessairement commerciaux – nous ne bénéficions évidemment pas, à l’étranger, d’une obligation de must carry. FMM crée, en tout cas, un bain linguistique francophone partout, mais nous parlons également du français, de la France et de la francophonie dans les langues que je vous citais.

Nous développons des ressources d’apprentissage du français dans toutes les langues utilisées par nos rédactions. Dans chaque langue, nous avons une méthode pour apprendre le français. Nous allons même au-delà, puisque nous proposons des méthodes pour apprendre le français dans vingt langues. Notre offre est complémentaire de celle de TV5, puisqu’elle permet notamment de toucher de grands débutants absolus, que l’on va chercher dans leur langue maternelle. Vous retrouverez tous ces éléments sur le site de RFI Savoirs, qui permet, après avoir appris le français, d’apprendre ensuite en français.

Nous sommes aussi une caisse de résonance de la francophonie. Nous avons poursuivi notre engagement en ce domaine par le lancement, à l’occasion du sommet de la francophonie d’Erevan tenu l’année dernière, d’une nouvelle émission : « De vive(s) voix ». Nous travaillons aussi en liaison avec les artisans de la Saison Africa2020, qui va évidemment toucher aussi les pays francophones d’Afrique. Nous sommes bien sûr en lien étroit avec l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et avec sa secrétaire générale, Louise Mushikiwabo. Nous préparons actuellement un nouvel accord-cadre, qui permettra notamment une très forte mobilisation autour du cinquantenaire de l’OIF, en 2020. Nous serons partenaires de la « piste de la francophonie », aux côtés de TV5 Monde et de l’OIF. Ce tour du monde de la langue française sera lancé dans quelques jours.

Il me semble que nous travaillons aussi au français et à la francophonie du fait de notre investissement sur la future plateforme éducative du secteur public, portée par France Télévisions en vue d’une meilleure coordination de toutes les ressources éducatives du service public. Nous y travaillons dur. Cette plateforme sera à la fois destinée aux enseignants, aux élèves et aux milieux associatifs. Sur ce point, je commence d’ailleurs à répondre à Bruno Studer. La plateforme est conçue en étroite liaison avec le ministère de l’Éducation nationale. Nous allons y apporter notre savoir-faire spécifique en matière d’apprentissage du français comme langue étrangère, mais aussi de connaissance en français des thématiques internationales. Nous allons, en outre, apporter des contenus en langue étrangère, tout particulièrement en anglais et en espagnol, de façon à nourrir l’apprentissage des langues étrangères pour les élèves français.

Vous voyez que, au fond, la langue française évolue dans un monde plurilingue. Peut-être cela vous rappellera-t-il la formule prononcée à l’Académie française, le 20 mars 2018, par le chef de l’État. On ne peut pas dissocier la promotion du français de notre rapport aux langues étrangères. On n’est jamais contre les langues, ou alors on est « tout contre », comme disait Sacha Guitry.

S’agissant de mon deuxième point, je dirai que, tout comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nous faisons de la lutte contre les infox par le seul fait que notre offre éditoriale est référente. Notre mission est de proposer une information de service public certifiée, indépendante, vérifiée, équilibrée et plurielle. C’est le fondement de notre existence : permettre à des zones où l’information libre n’existe pas d’avoir accès à cette information malgré tout. J’entends l’information au sens large, c’est-à-dire y compris sur le plan culturel, sur des sujets de santé, sur l’égalité des hommes et des femmes ou sur d’autres valeurs. Voilà ce qui fonde notre existence internationale.

La prolifération des infox, voire des infox profondes, ou deep fake, ainsi que la manipulation généralisée de l’information rendent cette mission encore plus brûlante et essentielle. Les médias de France Médias Monde se sont mobilisés de longue date dans la lutte contre les infox. C’est une thématique que votre commission connaît bien. Nous avons commencé à travailler à cette tâche dès 2015, et même dès 2014, grâce à des outils ciblés.

Nous proposons de nombreux programmes sur ce sujet. Certains d’entre vous connaissent déjà « Info ou intox », sur France 24, car vous avez été nombreux à venir en visite à France Médias Monde. « Contre-faits » est également une émission de France 24, qui vise les manipulations sur les informations européennes. Elle a été lancée en 2018. Les observateurs de France 24 passent ainsi leur temps à lutter contre les infox.

Nous avons lancé aussi une émission hebdomadaire sur RFI, les « Dessous de l’infox ». Chaque vendredi, on y décortique les fausses informations et les mécanismes de manipulation de l’information. Nous proposons également l’« Atelier des médias » sur RFI. Nos rédactions disposent donc maintenant de spécialistes très pointus de la vérification des faits. Toutes les antennes du groupe les mettent à profit.

Mais nous participons aussi à des initiatives collaboratives en ce domaine. Au niveau du secteur audiovisuel public français, le site de Franceinfo propose un onglet « Vrai ou fake ». En Europe, depuis juin 2018, nous avons été étroitement associés au « FactCheckEU », pendant les élections, avec d’autres grands médias internationaux, d’ailleurs tous membres de l’International Factchecking Network, dont nous sommes aussi un membre actif. Nous travaillons aussi en direct avec Facebook et Google sur ces questions.

En outre, nous déployons de nombreuses actions en matière d’éducation aux médias, qui nous semble être le rempart le plus fondamental, car on ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque média et derrière chaque info. Il faut que nous soyons nous-mêmes préparés à séparer le vrai du faux. Cela participe d’une éducation qui doit commencer tôt. Nous sommes frappés par les témoignages des enseignants qui viennent nous voir. Des instituteurs utilisent nos outils dans des classes de CE1. L’émission « Info ou intox » marche même avec les enfants.

Dans le domaine du numérique, mon troisième point, un projet me tient à cœur, qui regarde aussi cette assemblée. C’est notre projet commun « Enter ! » avec la Deutsche Welle. Il s’adresse à des jeunes qui n’ont pas participé à un échange Erasmus en Europe et ne sont pas forcément anglophones. Ils ont besoin d’information dans leur langue. Cette information qui leur parle de l’Europe doit raviver le sentiment d’appartenance commun. Le projet vous regarde, parce qu’il met en œuvre l’un des articles du traité d’Aix-la-Chapelle, qui a fait l’objet d’un rapport de votre collègue Laëtitia Saint-Paul. Nous avons reçu un accueil très favorable du nouveau Parlement européen et de la nouvelle Commission. Nous espérons pouvoir lancer le projet avec nos collègues de la Deutsche Welle. J’étais la semaine dernière à Bonn ; nous avons beaucoup progressé et espérons même pouvoir lancer un projet pilote. Ce sera aussi une façon de lutter contre les infox, qui manipulent et ciblent beaucoup la jeunesse.

Le numérique, c’est notre routine. Je vous disais tout à l’heure que nous comptions 46 millions d’utilisateurs dans l’environnement numérique chaque semaine. Je citerai aussi 410 millions de visites et 900 millions de vidéos vues dans l’année 2018. Je pense que nous allons franchir très largement la barre du milliard de vidéos vues cette année. Nous comptons 75 millions d’abonnés sur Facebook et Twitter et 3 millions d’abonnés sur nos chaînes YouTube. Nous continuons sur notre lancée.

Nous sommes assez contents de ces résultats, qui font de nous un vrai acteur sur ces plateformes à l’échelle internationale. Notre stratégie éditoriale en est l’explication. Nous poursuivons une innovation constante sur tous les formats, notamment grâce au lab de France Médias Monde. Nous travaillons également sur l’intelligence artificielle. Nous avons reçu le prix du meilleur assistant vocal dans les trophées SMA, pour l’assistant vocal d’Amazon Alexa que RFI a développé. Nous sommes en contact étroit avec Google, qui a créé un centre en Afrique, à Accra, et qui nous a contactés pour notre expertise dans les langues africaines, en vue d’une coopération sur ces sujets en intelligence artificielle. Nous avons été très heureux de participer à la belle aventure de « Culture prime ». Si vous n’avez pas découvert cette offre du service public, je vous engage à le faire.

Ces succès d’audience sont aussi le fruit d’une organisation fondée sur le décloisonnement permanent de nos médias, entre le broadcast et le numérique, et d’une culture de la « data » dans l’entreprise. Beaucoup de formations sont dispensées autour de ces questions.

Enfin, nos résultats sont liés à une stratégie d’hyperdistribution. Étant propriétaires de tout ce que nous diffusons, nous sommes partout. Les plateformes ne sont pas nos ennemies. Nous ne pourrions pas avoir la notoriété que nous avons à l’échelle mondiale sans leur relais. Si nous devions dépenser en marketing ce que dépense un média national à l’échelle d’un pays, dans cent quatre-vingts pays et dans toutes nos langues, notre budget n’y suffirait pas. Les plateformes sont des partenaires. Néanmoins, nous ne sommes pas naïfs. Nous savons qu’elles sont plus fortes, qu’il ne faut pas mettre tous nos œufs dans le même panier et essayer d’aller vers une régulation.

L’ambition mondiale, c’est l’accessibilité. Aujourd’hui, 385 millions de foyers reçoivent France 24, ce qui représente une augmentation de 8 % par rapport à 2018, avec de fortes percées en Asie et en Afrique anglophone. Nous continuons à croître, y compris en hors foyer, puisque nous avons franchi la barre des 2,5 millions de chambres d’hôtel et que nous sommes présents dans de nombreux aéroports et sur plusieurs lignes aériennes.

Les partenariats de RFI et de MCD ont encore augmenté pour atteindre le nombre de 1 700 radios partenaires, contre 1 500 en 2017. Nous devons réaffirmer sans cesse notre ambition mondiale. Même si nous devons faire des économies et rationaliser nos dépenses dans ce domaine, il ne faut pas renoncer à tel ou tel territoire, en nous disant, par exemple, que l’Asie ou l’Amérique latine ne feraient pas partie de notre mission. La France est universelle : elle ne doit pas renoncer à un territoire, même s’il faut être très rigoureux dans la gestion des coûts de distribution.

La gestion, c’est mon dernier point. L’humain est notre principal atout. Notre gestion doit être très attentive aux professionnels et aux salariés de notre entreprise, où travaillent des gens de soixante nationalités, qui parlent toutes les langues. Ceux qui sont venus visiter nos bureaux savent que notre groupe est une belle tour de Babel, où le français sert de cordon ombilical entre nous tous. C’est également une entreprise paritaire, qui fait preuve d’un très fort engagement en faveur des femmes. Je suis très fière de vous dire que nous avons obtenu la note quasi maximale de 99 sur 100 au nouvel index de l’égalité entre les femmes et les hommes, créé dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel que vous avez adoptée. Nous ne relâchons pas pour autant nos efforts, car nous savons que les progrès accomplis peuvent vite régresser.

Je tiens aussi à appeler votre attention sur nos correspondants étrangers, qui font la richesse de nos médias. Sans eux, nous ne pourrions pas disposer d’informations de terrain certifiées. Nous avons conclu un accord unanime l’an dernier, après nous être occupés de nos permanents, afin de leur consacrer chaque année 15 % de l’évolution de notre masse salariale fléchée. L’enjeu est de renforcer leur protection sociale, grâce à une coordination au niveau national. Nous avons saisi le ministre à cette fin. De notre côté, nous avançons. L’ensemble de nos cotisations antérieurement allouées à la sécurité sociale française l’étaient pour rien, puisque beaucoup d’entre eux n’étaient plus couverts et n’avaient plus accès aux prestations. Nous les avons donc consacrées à un système effectif de protection sociale. Mais cela doit se faire au niveau national. Radio France nous a rejoints. J’espère qu’avec l’aide du ministère des Solidarités et de la Santé et du ministère de la Culture, nous pourrons œuvrer en ce sens, car la qualité de notre information internationale dépend aussi de la présence de ces correspondants.

Notre contexte budgétaire ne va pas en s’améliorant. Entre 2018 et 2022, ce seront 3,5 millions d’euros de moins. Mais ce chiffre ne mesure pas la réalité de l’effort fourni, puisqu’il y a des glissements chaque année, notamment de la masse salariale, des amortissements, des évolutions automatiques. Il faudra poursuivre les efforts pour maintenir les équilibres financiers. Il n’y a pas cinquante pistes d’économies possibles : ce sont celles que nous avons déjà mises en œuvre en 2018. Nous avons dû sortir de New York, de Los Angeles, de Washington et de la Scandinavie. En 2019, nous avons dû quitter la TNT d’outre-mer, fermer MCD aux Émirats arabes unis, parce que les prix étaient exorbitants et que le numérique se développe dans cette zone – il faut parfois faire des choix. Nous avons arrêté notre site ondes moyennes de Chypre, après que les Américains nous ont quittés et que nous n’avons pas trouvé de repreneurs. L’onde moyenne est, en réalité, un filet de sécurité plutôt qu’un outil d’audience, dans la mesure où elle sert lorsque des fréquences FM sont fermées. Quand nous disposons de fréquences FM, nous les gardons toutes pour MCD, qui fait de l’audience – en Irak, par exemple, elle est suivie par 4 millions de personnes. Nous allons poursuivre la rationalisation de notre dispositif, en veillant à être présents en Europe, en Afrique et dans le monde arabe, qui sont des priorités.

Nous avons également fait des efforts sur nos grilles, en allégeant en 2018 certaines tranches horaires. Nous avons prolongé des grilles allégées d’été et accéléré la numérisation de certaines rédactions à RFI. En 2019 et 2020, nous n’avons pas prévu d’autres modifications de grilles. Nous avons poursuivi la politique des départs ciblés non remplacés. Comme vous le savez, 55 % de nos budgets sont consacrés à la masse salariale. Salarial, chez nous, est synonyme de programme, puisque nous n’achetons pas, mais que nous produisons, en quinze langues, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, en direct. C’est une donnée structurelle de notre budget.

Nous avons fait de gros efforts sur nos achats, en nous rapprochant des autres entreprises publiques de l’audiovisuel. Nous attendons des économies significatives sur notre loyer et notre régie de production, qui vont nous permettre de boucler notre budget 2020. Nous sommes également obligés de faire des économies sur le marketing et la communication. Cela ne nous réjouit pas, mais, au fond, c’est la qualité de nos programmes qui porte nos audiences, plus encore que notre communication. Grâce à tous ces efforts, nous avons obtenu un résultat net à l’équilibre en 2018, sans renoncer à aucun de nos objectifs et en connaissant même des progressions fulgurantes. C’est, encore une fois, le fait du travail des équipes, que je veux saluer, car sans leur incroyable motivation, nous n’en serions pas là.

Disposer de médias mondiaux plurilingues n’est pas donné à tous les États de la planète. La France a la chance d’être dotée d’un outil performant, porteur de ses valeurs, qui a un vrai sens. C’est une mission que le privé ne peut pas remplir – on ne connaît pas d’équivalent privé aux médias mondiaux plurilingues. C’est pourquoi, dans le cadre de la réforme qui arrive, il faudra veiller à protéger son statut, à garantir sa place, à prendre des mesures pour préserver ses moyens. Comme Albert Camus, nous pensons que préparer l’avenir, c’est tout donner au présent, ce que nous nous efforçons de faire chaque jour.

M. le président Bruno Studer. Mme Faucillon étant chargée du suivi de France Médias Monde au sein de notre commission, je lui donnerai la parole en premier pour quatre minutes.

Mme Elsa Faucillon. Madame Saragosse, votre présentation ayant été particulièrement complète, mon intervention ne durera pas quatre minutes. Je soutiens votre demande auprès du ministère pour assurer la sécurité des correspondants et des pigistes, notamment de RFI. Nous avons suivi les différentes contestations des salariés non titulaires au début de l’année 2018. Il faut évidemment garantir les conditions de travail des correspondants, mais également mettre en place des mesures pour assurer leurs droits sociaux. Cette question est d’autant plus d’actualité au moment où les remplacements de personnels au sein de la rédaction de RFI sont en baisse. Vous nous avez, d’ailleurs, alertés à propos du seuil sous lequel il ne faut descendre pour continuer à assurer une information de qualité et à défendre les valeurs du service public. Je vous soutiens. Des efforts considérables ont déjà été fournis et, si les baisses devaient s’amplifier, ce serait le cœur humain de France Médias Monde qui serait touché.

Au-delà de ces remarques, ma question porte sur les suites de la loi contre les fake news, qui concernent directement France Médias Monde, comme vous l’avez un peu abordé. Lors de l’examen de la loi, mon groupe avait fait part de son inquiétude au sujet de l’influence de certains États étrangers et des possibles mesures de rétorsion imposées par d’autres pays. Avez-vous déjà eu affaire à des cas concrets d’actions pouvant fragiliser ou mettre en danger l’une de vos chaînes ?

M. Pierre-Alain Raphan. Les dizaines de millions de spectateurs et d’auditeurs sur vos différentes chaînes témoignent de deux choses : la très haute qualité de l’information de votre groupe – j’adresse mes félicitations à l’ensemble de vos salariés – et le rayonnement de la francophonie et, partant, l’influence de notre pays à l’étranger – vous y êtes la voix de la France. Au moment où la guerre de l’information est extrêmement violente, où une guerre de l’intelligence artificielle questionne notre rapport à la démocratie, où une réforme de l’audiovisuel pourrait contraindre votre budget, comment pouvons-nous vous aider à le sécuriser, voire à le développer, afin de préserver votre place sur l’échiquier mondial de l’information ?

M. Maxime Minot. Madame la présidente, vous avez mentionné la lutte contre la violence. Je sais pouvoir compter sur votre engagement personnel contre toute forme de discrimination. Votre groupe s’est ainsi engagé, lors de la mobilisation nationale autour du numéro d’écoute destiné aux femmes victimes de violences, le 3 septembre dernier, en partageant sur ses antennes et les réseaux sociaux le logo officiel de la campagne. Signataire de la charte pour les femmes dans les médias, en mars 2019, votre entreprise fait preuve d’un volontarisme exemplaire sur cette question, ce dont je vous félicite.

Mais, comme nous l’avons vu cet été, notamment dans les stades de foot, la lutte contre l’homophobie reste plus que jamais d’actualité. Quelles actions avez-vous mises en œuvre ou allez­-vous développer pour lutter contre toute forme de violence et de discrimination, surtout contre la communauté LGBT ?

Mme Sophie Mette. Mes collègues et moi faisons tous partie de groupes d’amitié et avons souvent des missions à l’étranger. Dans les hôtels où nous descendons, nous avons la chance de pouvoir regarder France Médias Monde. Nous vous remercions de porter la parole de la France et ses valeurs à travers le monde et souhaitons vous aider à poursuivre votre travail. Néanmoins, j’ai pu constater qu’en Chine, par exemple, les chaînes françaises ne sont pas accessibles partout. Comment vous aider à mettre la France en avant dans ce pays et dans d’autres ?

Mme Michèle Victory. Nous soutenons, bien évidemment, le projet d’émancipation des citoyens du monde que vous défendez par le biais de votre mission de service public. En quoi consiste exactement votre projet InfoMigrants ? Savez-vous si les programmes destinés à ces publics touchent réellement leur cible ? Par ailleurs, alors que la laïcité est une idée neuve hors de nos frontières – et qu’elle est, d’ailleurs, souvent confondue ici avec l’athéisme –, quels sont vos outils pour travailler dans les pays arabophones, en particulier, sur la question ?

M. Pierre-Yves Bournazel. Madame la présidente, nous saluons votre bilan positif, ainsi que votre travail pour protéger la liberté d’expression, la liberté d’information et la sécurité de nos journalistes sur le terrain. Je reprends au compte de mon groupe la question de M. Minot sur la lutte contre les discriminations, en particulier contre le racisme et l’homophobie. Comment poursuivez-vous votre politique ? Quel temps d’antenne comptez‑vous réserver à ces programmes spécifiques ?

Par ailleurs, vous travaillez en collaboration avec la Deutsche Welle. À l’occasion du trentième anniversaire de la chute du mur de Berlin, vous allez travailler avec les jeunes sur les réseaux sociaux. Ces programmes favorisent le développement d’une culture commune européenne, à laquelle nous sommes très attachés. Peut-on imaginer de nouvelles collaborations, à l’occasion d’autres événements européens, avec d’autres pays ?

M. Michel Larive. Madame la présidente, dans un premier temps, je tiens à vous remercier pour la qualité de votre rapport, qui démontre que France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya continuent d’assurer pleinement leur mission de service public, en promouvant la francophonie et une certaine idée de l’audiovisuel public.

Je souhaiterais vous interroger précisément sur votre lutte contre les manipulations de l’information. Cette orientation constitue le cœur de votre offre éditoriale, comme en témoignent la création récente d’un onglet « vrai ou fake » avec Franceinfo, vos six émissions quotidiennes de vérification de l’information, ainsi que la création de services dédiés à cette question au sein des rédactions. Bien que louable, votre intention n’est pas sans entraîner des effets pervers.

Dans votre rapport, il est question du programme de RFI qui s’applique à combattre les clichés eurosceptiques. On nous y explique, par exemple, qu’il est faux de penser que l’Europe favorise le dumping social, au mépris de la libre appréciation politique de chacun. Personnellement, à voir les pratiques du travail détaché, je ne considère pas que cette information soit fausse et je trouverais dangereux de lutter contre quiconque l’affirmerait. Nous devons être impartiaux et efficaces face aux fausses informations et manipulations de l’information, surtout dans le contexte actuel, où seuls 26 % des Françaises et des Français estimeraient avoir confiance dans les médias. Le bilan des décodeurs de fausses nouvelles, dont le nombre a pourtant été multiplié par trois en quatre ans, est à relativiser : le nombre de fausses nouvelles répandues n’a pas diminué.

Les enjeux du contrat d’objectifs et de moyens en matière d’éducation aux médias et à l’information ne sauraient se limiter à la mode journalistique du fact checking ou du debunking de fausses nouvelles. Au regard de ces missions éducatives et culturelles, l’audiovisuel public et France Médias Monde doivent aussi favoriser l’esprit critique et la liberté d’expression, et compter davantage sur le discernement des citoyennes et des citoyens. Comment lutter efficacement et impartialement en faveur du développement de cet esprit critique ?

Mme Marie-Christine Saragosse. Parmi les représailles que vous évoquiez, Madame Faucillon, il arrive régulièrement, par exemple, que notre émetteur soit coupé en Afrique. Certains de nos correspondants ont aussi été emprisonnés, expulsés ou se sont vu retirer leur accréditation. Même si je n’ai pas du tout envie d’envenimer la situation, je suis obligée de dire un mot sur la Russie. Aussitôt après la mise en demeure de Russia Today, en juin 2018, nous avons reçu une mise en demeure, nous reprochant de ne plus être en règle, alors que nous l’étions encore la veille... La même chose s’est produite pour la Deutsche Welle ou la BBC. La représentation nationale devrait-elle, pour autant, ne plus oser faire son travail ? Ce ne serait, à mon sens, pas une bonne idée. Nous gérons ces situations avec l’appui des réseaux diplomatiques européens. Lorsque nos moyens de diffusion ont été coupés en RDC, tous les diplomates, et même l’ONU, se sont mobilisés à nos côtés pour leur réouverture. L’éventualité des représailles ne doit pas être une contrainte pour les élus.

Les pigistes sont compris dans les 15 % de masse salariale que j’ai mentionnés tout à l’heure. Cela a déjà été toute une aventure de signer l’accord pour les permanents, le 31 décembre 2015 ! Aussitôt après, nous nous sommes occupés des non-permanents, qui sont les correspondants et les pigistes au siège. Dans la mesure où nous tournons vingt-quatre heures sur vingt-quatre en quinze langues, nous avons un volet structurel de non-permanents, même si nous l’avons réduit autant que possible, avec le directeur général, Victor Rocaries, et le directeur des relations institutionnelles et de la communication, Thomas Legrand, qui sont à mes côtés ce matin.

Les infox appellent plusieurs remarques. Vous avez soulevé une question importante, Monsieur Larive : la définition même de l’infox, qui est une pente savonneuse. Dès lors qu’il s’agit de vrai et de faux, rien ne peut être simple. Bien sûr, il y a des mensonges avérés, comme les deep fakes. Mais quelle est la différence entre l’opinion et la manipulation ? Parfois, on peut se planter… Les meilleurs journalistes peuvent être emportés par leurs convictions. Très engagés en faveur de l’Europe, ils travaillent toute la journée sur ces questions et pensent qu’il fait meilleur vivre dans cette zone du monde, plutôt que dans d’autres où ils se rendent. Sans disposer du texte dont vous parlez, Monsieur Larive, je vois bien ce que vous voulez dire. Quand Russia Today soutient les gilets jaunes, est‑ce une opinion ou une manipulation contre le gouvernement français ? Définir des frontières est délicat, et nous ne sommes pas à l’abri d’erreurs. Parfois, en revanche, on sent bien que c’est trop. D’ailleurs, la loi que vous avez votée l’intègre bien. Pendant cette période de fragilité que sont les élections, lors de laquelle on sait que les points de vue se radicalisent et qu’il y a des risques de flottement, on arrive à intervenir par un travail d’analyse. Du reste, les élections européennes ont peu donné lieu à manipulation. Les résultats ont d’ailleurs été moins radicalement populistes que ce que certains avaient prédit. Mais je reconnais que nous ne sommes que des êtres humains et que nous sommes faillibles.

S’agissant de la lutte contre les infox, nous certifions beaucoup de choses sur le terrain, nous allons à la source. Nos observateurs sont en lien avec un réseau de quelque 6 000 personnes dans le monde, qui font remonter des informations que nous vérifions en faisant des recoupements. Nous n’avons jamais été pris en flagrant délit d’erreur. Le véritable enjeu, à mon sens, est celui de la formation et du développement du sens critique. Pourquoi ne devrait-il pas être le même dans le domaine des infox que dans celui des mathématiques ou de l’histoire ? Notre ministre de l’Éducation nationale est parfaitement d’accord avec cette idée que c’est le sens critique qui constitue le premier rempart et que c’est lui qui doit être développé, de même qu’on l’exerce en philosophie ou en lettres.

Nous essayons de donner des outils aux enseignants, qui se sentent parfois très isolés sur ces questions. Ils viennent nous voir et passent des journées en immersion. Nous avons même eu 2 000 demandes de formation que nous n’avons pas pu honorer. Les enseignants ont besoin de discuter avec des journalistes, parce qu’ils ont besoin d’outils dans leurs classes, où ils se trouvent parfois dans des situations proches de celles des journalistes. Face à des jeunes venant de tous pays, ils doivent gérer des points de vue donnés par la presse française. Nous sommes à leurs côtés. Pendant la semaine des médias à l’école, nous avons reçu quelque 1 500 élèves en France. Nous le faisons aussi à l’étranger avec nos correspondants.

Nous avons parfois l’impression d’être une goutte d’eau dans la mer, mais une goutte nécessaire. Ce sont les petites gouttes d’eau de France Médias Monde, de la Deutsche Welle, de la BBC, de France Télévisions, de Radio France ou de l’Agence France-Presse qui vont former un rempart. Même si les citoyens, dont vous êtes, ne sont pas toujours d’accord avec ce que disent certains journalistes, ceux-ci ont, malgré tout, le souci de l’honnêteté et respectent une charte déontologique. Il faut poursuivre dans cette voie, aller dans les écoles, donner des outils aux enseignants, se former et former les enseignants. Nous passons nos journées à traquer des aberrations, qui ne sont pas des questions d’opinion. Mais je reconnais que vous avez soulevé une vraie question, Monsieur Larive.

Monsieur Raphan, France Médias Monde n’est pas « la voix de la France ». Ne dites pas cela, à moins de vouloir énerver les rédactions… Sous Vichy, RFI, qui existait déjà, puisqu’elle existe depuis les années 1930, était désignée comme « la voix de la France », soit la voix du gouvernement français. La voix de la France, ce serait une voix qui ne serait pas universelle et qui ne rechercherait pas une information vraie, mais porterait l’agenda souterrain de la France et défendrait ses seuls intérêts. Évidemment, France Médias Monde n’agit pas contre les intérêts français, mais le groupe a encore plus d’ambition. Il est au diapason des valeurs françaises et n’est pas la voix d’un gouvernement – cela est même inscrit dans le préambule de notre cahier des charges.

C’est notre crédibilité qui est en jeu : nous sommes crédibles parce que nous sommes indépendants et que nous osons dire qu’il y a des choses un peu plus grandes que nous, parfois même plus grandes que la France. C’est parce que nous suivons une démarche d’universalité, de respect, à l’écoute de l’autre et des autres cultures, d’équilibre dans nos informations, que nous ne sommes pas assimilés à des chaînes de propagande, que nous avons un vrai impact et que nous pouvons défendre les valeurs qui nous tiennent à cœur : une information vérifiée et des positions qui sont parfois mises en débat – je pense au franc CFA. Nous accueillons, en effet, sur nos antennes des gens qui ne sont pas d’accord. C’est ce qui fait notre force et la grandeur de notre pays : la culture démocratique est la culture du débat. En tout cas, si nous sommes la voix de la France, nous ne sommes sûrement pas la voix d’un gouvernement, sinon nous perdrions de notre puissance de crédibilité.

Ce qui pourrait nous aider, dans le cadre de la réforme, ce serait que l’on s’inspire de la BBC, dont le modèle semble beaucoup séduire en France. Au sein de la BBC, BBC World se voit attribuer un plancher, en pourcentage et en valeur absolue, en dessous duquel la redevance ne peut pas descendre. On pourrait ainsi réfléchir à une structure regroupant audiovisuel national et international, car l’on connaît la force de la proximité en matière de prise de décision. Je soumets cette piste à votre sagacité.

Concernant la lutte contre les discriminations, l’égalité femme-homme a naturellement constitué notre première étape, car les femmes représentent 51 % de l’humanité, mais cette lutte recouvre également d’autres thématiques, comme le racisme et l’homosexualité. Nous ne faisons pas de distinguo entre les antennes et l’intérieur de la maison. Au sein de FMM, les mesures que nous avons adoptées en matière de harcèlement s’appliquent à tous : aux femmes, bien sûr, mais si un homme est harcelé en raison de son orientation sexuelle, il peut tout à fait recourir à ces dispositifs – à ma connaissance, il n’y a aucune discrimination de ce type dans notre maison. Sur nos antennes, nous menons le combat depuis longtemps. Ainsi, en Afrique, l’homosexualité est encore punie pénalement, parfois de la peine de mort dans certains pays. Le travail de dialogue, de persuasion et d’évolution à mener est encore énorme. Pas plus tard qu’hier, l’émission « Priorité santé » sur RFI était consacrée à ce thème : en Côte d’Ivoire, la clinique Confiance accueille de jeunes homosexuels qui n’osent pas se dévoiler dans leur propre famille, ni se faire dépister et soigner lorsqu’ils sont malades du sida.

En Afrique également, un travail considérable sur la santé permet d’aborder des thèmes parfois délicats dans les sociétés, comme l’égalité femme-homme. Sur ces sujets, nous recevons beaucoup d’appels, nous diffusons les campagnes d’information. C’est un axe éditorial essentiel, car il y a un vrai enjeu africain. Parfois, je vous avoue que nous sommes découragés par ce que nous lisons sur les réseaux sociaux. Les bras nous en tombent et nous mesurons l’intensité du combat qu’il faudra continuer à mener. En tout cas, nos portes sont ouvertes à toutes les associations, notamment africaines, qui souhaiteraient s’exprimer sur ces questions.

Nous sommes également très mobilisés contre les féminicides. Penser que la France détient un record en la matière nous est insupportable, même s’il y a pire : au Mexique, neuf femmes se font assassiner chaque jour par leur mari. Nous nous sommes servis de notre réseau mondial pour faire un tour d’horizon, établir un bulletin de santé des femmes sur cette question – c’est catastrophique !

Concernant notre diffusion dans les hôtels, nous ne sommes pas présents en Chine. Ce territoire nous est interdit, mais TV5 Monde y est. Je dirigeais cette chaîne quand nous avons réussi à y entrer, par un accord de réciprocité. La chaîne chinoise CCTV 4, qui s’appelle aujourd'hui la Voix de la Chine, demandait une convention au CSA pour être diffusée en France. Hervé Bourges a eu l’idée de demander une réciprocité pour TV5 Monde – France 24 n’existait pas. Aujourd’hui, sans volonté politique forte, ce n’est pas par la voie commerciale que nous pouvons entrer en Chine, excepté par « piratage », lorsque des bouquets satellitaires voisins sur lesquels nous sommes sont pris dans la « zone grise » – de manière pas très légale, donc. On n’entre pas en Chine avec un accord négocié à un niveau commercial. Pour nous aider, il faut suggérer aux autorités politiques de faire une démarche en notre faveur, demander au CSA d’imposer des contreparties quand il renouvelle des conventions avec des chaînes étrangères. Nous n’aimons pas beaucoup procéder ainsi parce que nous sommes une grande démocratie, mais sait-on jamais ?

Le site internet InfoMigrants a reçu 37 millions de visites en 2018. Ce travail est réalisé, non seulement avec la Deutsche Welle, mais aussi avec l’ANSA, l’agence de presse italienne. Cela fonctionne incroyablement ! La Commission européenne a d’abord financé le site en français, anglais et arabe, puis en pashto et en dari, l’Afghanistan étant devenu un terrain de migration. Le site n’incite pas à la migration ni n’en dissuade : ce n’est pas le rôle d’un journaliste. Celui-ci donne des faits, informe pour que les gens puissent prendre des décisions éclairées, car ils sont souvent manipulés, notamment par des passeurs. Il arrive parfois que nous soyons un numéro de secours. Ainsi, une jeune Africaine retenue en Libye comme esclave sexuelle a trouvé le moyen de nous contacter. Nous avons tiré de son histoire un dessin animé d’information, car nous ne pouvions pas montrer son visage. Nous sommes très fiers d’avoir été repérés, de sorte que nous avons pu agir et aider à sa libération. Je sais que vous aurez des débats sur les migrations, mais la France est un pays humaniste et, en pareil cas, nous sommes heureux d’intervenir. Nous sommes tout aussi heureux de montrer que des migrants réussissent leur bac avec mention « très bien », apprennent le français comme des dieux et s’intègrent. Il y a des drames mais il y a aussi de belles choses, et nous décrivons simplement la vie. C’est un très joli site, et j’espère que la nouvelle Commission européenne nous renouvellera sa confiance dans le futur.

Concernant l’Europe, nos amis allemands de la Deutsche Welle, qui parlent très bien français, nous ont accueillis la semaine dernière à Bonn comme si nous étions des membres de leur équipe : c’était bouleversant. L’Europe est aussi faite d’émotions et de rencontres. Depuis plusieurs années, avec la Deutsche Welle, l’axe franco-allemand est fort et profondément humain. L’expérience du site InfoMigrants nous a donné envie de voir plus grand, et nous avons couvert les élections européennes ensemble : nous sommes allés voir de nombreux jeunes, nous avons fait vingt-huit portraits, nous avons mené des débats ensemble, nous avons coproduit un grand reportage intitulé « Élections européennes : quand la Russie s’en mêle ». Nous le ferons à nouveau à l’occasion des trente ans de la chute du mur de Berlin.

Ces jeunes Européens, qui n’ont pas fait d’études, ne parlent pas de langues étrangères et sont chômeurs, sont un peu des laissés-pour-compte, de véritables proies pour toutes formes de radicalisation et de manipulation. Il ne s’agit pas de faire de l’endoctrinement ni d’imposer des idées aux autres, mais de leur donner les armes pour construire leur propre analyse. Nous nous sommes donc dit qu’il fallait travailler dans les langues nationales, pour un public qui n’est pas celui d’Erasmus. Notre idée est de déclencher des débats transnationaux, en mettant en avant des jeunes, en faisant appel à des influenceurs locaux et à de nombreux partenaires des différents pays, dans toutes les langues. Nous passerons des accords avec des Roumains, des Portugais, des Tchèques, etc. Les jeunes choisissent eux-mêmes les thèmes qui les intéressent : on ne pense pas à leur place – chez nous, d’ailleurs, la moyenne d’âge est assez basse. La tech, le monde du travail, les évolutions sociétales, tous ces sujets les intéressent : pourquoi devraient-ils en discuter de façon cloisonnée ? Nous essaierons de créer des outils qui décloisonnent, qui mutualisent. Voilà le projet !

Mme Bénédicte Pételle. Merci pour votre humanité : cela fait du bien ! Ayant été enseignante en réseau d’éducation prioritaire, je suis particulièrement sensible aux valeurs défendues par votre groupe, notamment la promotion de la diversité et la cohésion sociale.

Ainsi, votre émission « Pas 2 quartier » donne le choix des sujets et la caméra aux jeunes des quartiers prioritaires, désireux de montrer de ceux-ci une autre image que celle le plus souvent véhiculée dans les médias. On sent beaucoup d’énergie positive dans ces documentaires, comme dans celui consacré à la cité Picasso à Nanterre, ou encore dans « Volontaires au garde-à-vous », qui montre un capitaine de réserve proposer des excursions, des commémorations et des parcours commandos à des jeunes de Seine-Saint-Denis. En regardant ces émissions, me sont revenues les paroles de Grand Corps Malade : « Je viens de là où, plus qu’ailleurs, il existe une vraie énergie. Je ressens vraiment ce truc-là, ce n’est pas de la démagogie. » Cette émission est présentée à une heure assez creuse ; c’est dommage, car c’est une mine d’idées inspirantes. Elle remplit pleinement son objectif de créer de la cohésion sociale pour les jeunes des milieux populaires mais aussi pour les autres, et de développer l’estime de soi.

Envisagez-vous de proposer ces programmes à l’Éducation nationale ? Pourraient-ils figurer sur la plateforme que vous allez créer avec France Télévisions, en lien avec le ministère de l’Éducation nationale ?

Mme Frédérique Meunier. Dans un article très intéressant paru récemment dans Le Figaro, intitulé « Les radios doivent rester maîtres de leur destin », le directeur général des activités audio du groupe M6, Régis Ravanas, expliquait que le numérique était la marque de distribution des offres de radio et qu’il fallait être présent sur toutes les plateformes – Deezer, Spotify, etc. Selon lui, les radios françaises devraient se regrouper en une plateforme, qu’elles créeraient, ce qui permettrait d’améliorer la qualité de la diffusion et la véracité des informations diffusées. Ce serait peut-être une façon de sortir de l’hyper distribution, qui voit chacun reprendre des infos sans vérifier auprès de la source. Que pensez-vous de cette idée ?

Mme Géraldine Bannier. Merci pour ce bilan très prometteur ainsi que pour votre investissement et celui de vos équipes. On connaît l’importance cruciale du déploiement de France Médias Monde, alors que l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone note une progression de 10 % des francophones dans le monde depuis 2014. On sait que l’avenir de la francophonie se jouera hors de nos frontières, d’où l’importance du dialogue entre les langues, que vous avez intelligemment rappelée.

Votre investissement dans la distribution numérique des programmes, avec une diffusion accrue sur les réseaux sociaux et sur YouTube, permet d’augmenter les audiences. Cependant, à l’heure où Netflix et Amazon Prime se déploient à grande vitesse, quelle nouvelle voie de déploiement numérique envisage France Médias Monde ? La plateforme française Salto pourrait-elle être renforcée par l’apport de reportages, documentaires ou émissions venues de France 24 et, pourquoi pas, dans plusieurs langues ?

Mme Sylvie Tolmont. France Médias Monde participe lourdement à l’effort de redressement des finances publiques demandé par l'État. Pour 2019, sa dotation a diminué de 1,6 million d’euros alors même que le COM prévoyait une augmentation de 3,4 millions d’euros. Cette baisse de dotation vous a conduits à alléger vos grilles de programmes, à mettre fin à la distribution de France 24 dans certaines régions du monde ou encore à augmenter le nombre de départs de personnel non remplacés. Comment envisagez-vous l’impact d’une telle baisse de ressources sur votre mission de service public ? Craignez-vous une détérioration des conditions de travail et, in fine, de la qualité des informations diffusées par France Médias Monde ?

Compte tenu de l’objectif gouvernemental de concentration des médias de l’audiovisuel public, et alors même que les dernières audiences de France Médias Monde semblent confirmer le succès de votre stratégie, comment envisagez-vous l’avenir concernant vos audiences et la qualité de l’information proposée par France Médias Monde ?

Mme Béatrice Descamps. Merci pour le soutien que vous apportez aux enseignants, dont le rôle est effectivement essentiel dans l’acquisition du sens et de l’esprit critique de leurs élèves.

La réforme de l’audiovisuel propose, dans ses grandes lignes, plusieurs allégements en faveur de la télévision afin de faire face à la concurrence des acteurs numériques. Les radios demandent, elles aussi, plusieurs modifications de la loi, dont la révision du quota de 40 % de chansons d’expression française, régulièrement dénoncé par nombre de radios. Celles-ci souhaitent, plus globalement, une concertation pour revoir les quotas musicaux ainsi que la suppression du plafonnement des rotations de titres francophones, destiné à favoriser la diversité. Dans quelle mesure France Médias Monde serait-elle affectée par cette disposition, et que préconisez-vous ?

Mme Danièle Hérin. La politique culturelle française est représentée à l’étranger au sein des instituts français, et la politique d’enseignement supérieur français au sein de nouveaux campus, tels que le campus franco-sénégalais ou le campus franco-tunisien. Vos programmes leur assurent-ils un appui ou, au moins, communiquez-vous sur cette politique ? Si oui, de quelle manière et avec quels moyens ?

Mme Cécile Muschotti. Vous avez mentionné plusieurs programmes de lutte contre les infox, comme « Info ou intox », en collaboration avec France 2, programme qui décrypte les formes que peut prendre la manipulation à travers les images. Au-delà de ce nécessaire travail d’explication du métier de journaliste, la question de la labellisation des informations peut se poser. Marc Saikali estimait à ce propos que la labellisation constituerait un risque si elle devait concerner les structures et non les contenus, puisqu’une institution bénéficiant d’un label pourrait alors diffuser des fake news sans être inquiétée.

Le directeur de l’information délégué de CNews proposait, quant à lui, que soit développé, à l’instar du protocole https pour les connexions sécurisées, un protocole httpi – « i » pour information – afin de distinguer les sites d’information des autres sites diffusant de l’actualité. Que pensez-vous de cette proposition ?

Mme Valérie Bazin-Malgras. En 2017, les ressources publicitaires étaient inférieures de 800 000 euros à ce qui était prévu dans le contrat d’objectifs et de moyens, et accusaient une perte de 200 000 euros par rapport à 2016. Cette année, les ressources propres du groupe sont de nouveau en dessous de l’objectif fixé par le COM, les recettes publicitaires progressant faiblement et restant peu dynamiques. Vous semblez donc affectés par la crise des ressources publicitaires qui touche l’audiovisuel du fait des bouleversements engendrés par le numérique. Quels efforts comptez-vous mettre en œuvre afin de rendre la progression des ressources publicitaires plus dynamique ?

Mme Fabienne Colboc. Le renforcement de votre partenariat avec Deutsche Welle m’intéresse tout particulièrement en tant que membre de l’Assemblée franco-allemande. Cette nouvelle instance pourrait-elle, selon vous, représenter une opportunité supplémentaire de coopération entre France Médias Monde et la Deutsche Welle ?

Mme Annie Genevard. D’après votre COM, la musique est un axe fort, comme en témoigne le lancement de RFI Musique. Quelle part France Médias Monde réserve-t-elle aujourd’hui à la diffusion de la chanson française sur les différentes antennes du groupe ? À notre connaissance, le CSA n’a jamais évalué précisément cette part.

Par ailleurs, vous êtes signataire, avec un collectif de radios, d’un courrier demandant au ministre de la Culture d’alléger les obligations relatives aux quotas de diffusion de chansons d’expression française. Or nous nous sommes beaucoup battus pour maintenir les quotas dans la loi LCAP – loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine. Dans ce courrier, vous demanderiez d’étendre ces obligations aux offres gratuites des plateformes de streaming. Je me demande si cela est justifié, car parmi les 200 titres les plus consommés sur les plateformes de streaming, 68 % sont des titres francophones : cela n’est pas un mauvais ratio ! En revanche, la régulation serait très utile concernant la transparence de leurs algorithmes, les risques de manipulation du stream ou le partage de la valeur avec les ayants droit.

Mme Marie-Christine Saragosse. Le 2 septembre, le ministre de la Culture, Franck Riester, a réuni tous les patrons de l’audiovisuel, public comme privé, pour discuter de deux premières parties du projet de loi sur la réforme audiovisuelle et recueillir nos réactions. Toutes les radios ont alors décidé d’écrire de manière conjointe. Nous ne partagions évidemment pas tous les mêmes positions, néanmoins Radio France et France Médias Monde ont souhaité rester solidaires de leurs collègues privés, sauf sur la partie concernant les quotas. Nous nous sommes en effet désolidarisés de ce paragraphe, car nous considérons que notre mission fondamentale est la promotion de la chanson francophone. Non seulement cela figure dans notre cahier des charges, mais c’est même une passion partagée au sein de l’entreprise. Ayant vécu cela de très près avec le Québec quand je dirigeais TV5 Monde, je nous trouve parfois un peu mous dans la défense de la langue française. De plus, cela marche très bien : il y a vraiment de quoi faire avec nos artistes, en France comme dans la francophonie.

En revanche, nous voulions souligner deux autres points : le premier concerne l’avènement de la 5G pour les radios et les plans de service dans ce domaine, qui nous semblaient devoir faire l’objet de l’attention du CSA. Cela ne doit pas forcément être en libre-service ! Il faut des plans de service pour garantir précisément l’équilibre des radios. D’autres radios souhaitaient que tous les mobiles soient équipés en France pour recevoir l’ensemble des radios FM et DAB+, ce qui nous réjouirait profondément. Mais il serait sans doute délicat pour les fabricants de fournir, dans un seul pays, des supports comportant ce type de fonctionnalité. En tout cas, nous avons voulu appeler l’attention sur l’accessibilité des radios sur ces nouveaux supports.

Le deuxième point concerne les plateformes. C’est à nous de décider d’être sur toutes les plateformes. Nous ne pouvons pas être pillés sans notre consentement, ce qui nécessite peut-être de contractualiser, prévoir des modalités de rémunération selon des critères à déterminer
– cela peut prendre la forme de données ou d’argent sonnant et trébuchant.

La plateforme pour les radios est en gestation depuis longtemps. RTL a évoqué l’idée et Radio France est aussi mobilisée sur cette question. Il n’a pas échappé aux grandes radios nationales qu’un « Netflix » de la radio pouvait être intéressant. Tout le monde y réfléchit, notamment des start-up. Nous sommes œcuméniques : étant le service public, nous travaillons main dans la main avec Radio France. Nous serons à leurs côtés pour les podcasts et nous continuerons à être partenaires. Ce n’est pas la première fois que nos radios se regroupent dans des offres en linéaire ; nous serons toujours prêts à faire en plus du délinéarisé et des podcasts.

Si nous avons une stratégie d’hyperdistribution, sur une éventuelle plateforme
franco-française comme sur d’autres, c’est d’abord parce que nous gérons plusieurs langues et sommes présents dans d’autres pays. Si nous voulions nous cantonner à un système propriétaire, français de surcroît, nous n’aurions pas les moyens d’exister à l’échelle internationale, avec nos seuls petits moyens de marketing et de communication, dans toutes ces langues et tous ces pays. Pour nous, l’hyperdistribution n’est pas une option, ou alors ce serait suicidaire. En revanche, ce n’est pas une hyperdistribution naïve : nous innovons sans arrêt dans nos contenus propriétaires, en refondant nos sites, en les remodelant. C’est en continu qu’il faut progresser ; l’agilité doit être constante. Nous sommes présents sur les plateformes françaises et étrangères parce que notre mission consiste à être accessible au plus grand nombre ; cela correspond d’ailleurs aux indicateurs du COM. Personne ne trouverait que c’est une bonne idée de faire une stratégie propriétaire et de perdre ainsi l’ensemble de nos audiences sur YouTube, Facebook et Twitter.

Cela me touche beaucoup que vous ayez repéré l’émission « Pas 2 quartier », qui est un vrai bijou. Cette émission, tout comme « Priorité santé », est au cœur de notre mission de service public. Grand Corps Malade, que vous avez cité, est notre partenaire et notre parrain. Nous avons lancé une autre émission dans la même veine, « Légendes urbaines », que je vous invite à découvrir. Cette émission de RFI sera aussi diffusée sur France 24 ; elle va chercher des rappeurs, une culture qui est aussi celle des quartiers ; on y entend des gens géniaux, des intelligences foudroyantes. On aurait tort de se priver du génie des banlieues françaises ! Cette émission est multidiffusée : elle est délinéarisée et vous pouvez la voir sur l’appli si vous la téléchargez ; elle est également diffusée sur Franceinfo, avec qui nous sommes partenaires ; elle le sera également sur le site du ministère de l’Éducation nationale.

Ce que j’adore dans « Pas 2 quartier », c’est le réseau que nous avons créé grâce à elle dans toute la France, de banlieue à banlieue, et qui est animé par des jeunes qui nous font confiance. Ils nous écrivent et nous informent soit lorsque quelque chose ne va pas, afin que nous soyons à leurs côtés, mais également lorsque quelque chose de génial se passe. Il fallait voir, par exemple, l’émission consacrée à l’organisation de la Coupe du monde de football par les habitants d’un quartier de Châtillon : c’est une fête incroyable qui se déroule sur un week-end ; les équipes qui ne comptent pas assez de membres originaires d’un même pays sont complétées par des personnes d’autres nationalités – par exemple, des Algériens viennent renforcer l’équipe des Comores ou de la Guyane. Pendant ces deux jours magnifiques, il n’y a pas de violence. C’est chouette !

S’agissant de la plateforme Salto, elle est, à mon sens, en premier lieu, une plateforme de programmes dits patrimoniaux, alors que nous avons des formats courts, très en rapport avec l’actualité, et donc souvent diffusés en direct. Si France Télévisions, qui est membre à part entière de Salto, souhaite nous avoir à ses côtés, nous y serons, de la même façon que nous sommes aux côtés de Radio France. Nous travaillons toujours la main dans la main. J’avais compris que, pour l’instant, cette plateforme proposait plutôt des programmes de stock, tels que documentaires, fictions et films, mais si, dans le cadre de ce projet, on a besoin de nos contenus, nous répondrons volontiers présents aux côtés de France Télévisions.

Mme Tolmont s’inquiète des incidences de la baisse de notre dotation sur la qualité de notre information et sur le succès de notre stratégie. Jusqu’ici, nous n’avons pas touché le cœur des métiers. À cet égard, nos équipes méritent un coup de chapeau. Elles sont extrêmement talentueuses et donnent tout à leur métier, qui est une passion. Oui, nous avons dû, à certains moments, supprimer des postes, mais nous l’avons plutôt fait au travers de réorganisations. Je ne crois donc pas que la qualité de l’information ait pu le moins du monde en pâtir. Je dirais même qu’à notre arrivée, après que deux plans de départs successifs avaient supprimé 24 % des effectifs, nous avons créé des emplois afin de permettre aux salariés de travailler normalement.

Aujourd’hui, nous sommes, il est vrai, amenés à consentir quelques réductions, à renoncer à certaines missions – par exemple, la mission sociale qui consistait à trouver des remplaçants pour des salariés qui restaient en congé de longue maladie pendant dix ans. Nous avons pensé que nous pourrions peut-être partager la charge avec d’autres sources de solidarité. Toucher à notre cœur de métier, ce serait tuer la poule aux œufs d’or. Nous refusons, évidemment, de le faire.

Si, dans le cadre de l’évolution qui vous sera un jour proposée – sur laquelle nous n’avons pas d’élément pour l’instant –, des rapprochements devaient aboutir à une holding, nous savons tous quels pourraient être les risques mais aussi les aspects positifs. Si l’on crée une structure de facilitation, une structure qui mette de l’huile dans les rouages, qui donne des petits coups de pouce pour surmonter les difficultés, les contraintes, et qui, en outre, dispose de moyens spécifiques qui ne nous seraient pas retirés – il n’est jamais interdit d’imaginer l’avenir de manière positive –, et si, comme je le disais tout à l’heure à Pierre-Alain Raphan, une enveloppe était fléchée pour l’international de sorte qu’on ne puisse pas succomber à la tentation d’accorder tous les financements disponibles à un gros problème national, je pense que l’on peut faire des choses intelligentes. On peut toujours, si l’on est passionné et si l’on y croit, agir intelligemment.

Nous avons conclu certains partenariats avec des campus et les instituts français, mais pas encore avec Campus France – un accord est en cours avec ce dernier. Nous nous délocalisons, évidemment, dans ces endroits, nous y couvrons l’actualité et sommes partenaires de leurs événements. France Médias Monde constitue une caisse de résonance du réseau culturel français.

S’agissant des ressources publicitaires, nous cumulons plusieurs caractéristiques, qui peuvent se voir comme des inconvénients. Tout d’abord, nous sommes des chaînes d’information et nous respectons une déontologie très stricte. Nous ne pouvons pas, par exemple, laisser certains annonceurs parrainer certaines émissions. Ainsi, Total ne peut pas parrainer une émission ayant trait au développement durable, ni un laboratoire pharmaceutique une émission sur la santé. Nous ne pouvons pas non plus faire de publicité gouvernementale. Je suis régulièrement saisie, à la veille d’élections, de demandes visant à présenter le résultat fantastique du gouvernement sortant d’un pays. Y accéder serait décrédibiliser notre antenne. Cette déontologie crée donc un cadre. Par ailleurs, l’information n’est pas le type de programme qui attire le plus les annonceurs. Sponsoriser un grand reportage montrant la famine dans certains pays n’est pas toujours valorisant. En outre, aucune régie publicitaire ne sait vendre seule des espaces publicitaires télévisuels à l’international et en plusieurs langues. Les régies agissent souvent sur leur seul marché national. Le marché international, qui est segmenté, est par ailleurs dominé par des acteurs anglophones.

Nous avons néanmoins réagi. À l’issue d’un appel d’offres, nous avons attribué le marché à une alliance entre France Télévisions Publicité, qui est très performante en Europe ainsi que sur le marché publicitaire français, et de Canal+ Régie, qui est très performante sur le marché africain et qui offre des ouvertures sur le monde arabe, un marché très difficile d’accès. Par conséquent nous progressons : notre chiffre d’affaires publicitaire a augmenté entre 2017 et 2018, il est également en progression depuis le début de l’année. Atteindrons-nous tous nos objectifs ? Je rappelle que notre contrat d’objectifs et de moyens prévoyait l’ouverture de l’antenne de RFI à la publicité de marques en Île-de-France et qu’il n’a pas été réformé. Or nous ne pouvons pas le faire de notre propre chef, cela est du ressort de l’État. Cela représente à peu près 200 000 euros que nous serions heureux de voir arriver dans notre trésorerie.

Mme Céline Calvez. Vous avez déjà répondu à la question relative à InfoMigrants, mais j’aimerais y revenir. Vous avez mis en place cette plateforme avec le concours de la Deutsche Welle, avec laquelle vous avez renforcé votre partenariat. Quel est le rôle de ce média dans la diffusion de l’information vérifiée et fiable ? Quelles pourraient être les perspectives et les implications d’InfoMigrants ?

Vous avez pu proposer ce site en plusieurs langues : quelles sont les perspectives de développement à cet égard ? Avec 5 millions de contacts par mois, vous avez quintuplé votre objectif en termes d’audience. Quelles sont, sur ce plan également, les perspectives de cet outil très important pour l’information des habitants des pays qui veulent s’en sortir et nous rejoindre ?

Mme Béatrice Piron. Votre politique d’éducation aux médias et à l’information comporte un volet de lutte contre les infox, sujet sur lequel vous réalisez un travail remarquable. Je souhaite, à cet égard, mentionner la mobilisation de vos équipes à l’occasion de la semaine de la presse et des médias dans l’école, notamment au sein du réseau de l’enseignement français à l’étranger. Je salue également la coopération initiée entre France Médias Monde, Radio France et France Télévisions en matière de lutte contre les fausses informations à travers l’onglet « Vrai ou fake ».

Pensez-vous que ces trois acteurs pourraient approfondir leur coopération en vue de développer davantage encore la sensibilisation aux enjeux de l’éducation aux médias dans les écoles, notamment à travers l’éducation aux réseaux sociaux et aux messages postés par les enfants ?

Mme Florence Granjus. J’aimerais avoir des informations complémentaires concernant le site InfoMigrants. Vous avez précisé que, créé en 2017, il avait reçu 37 millions de visites en 2018. Il connaît donc un véritable succès. Vous nous avez, par ailleurs, relaté de très belles histoires dont il s’est fait l’écho, notamment celle de cette ancienne esclave libyenne. Vous avez aussi rappelé que la France est un pays humaniste. Un débat doit d’ailleurs s’ouvrir au sein de notre assemblée, le 30 septembre prochain, sur la politique migratoire de la France et de l’Europe.

Au moment de sa création, les dirigeants d’InfoMigrants déclaraient, à propos des migrants : « InfoMigrants n’a vocation ni à les inciter, ni à les décourager », il « contribuera peut-être à éviter la multiplication des drames qui se jouent à nos portes et sur nos propres territoires. » The Open University, université britannique spécialiste des migrations, devait évaluer l’impact d’InfoMigrants au moyen d’un rapport mensuel. J’ai cherché mais n’ai trouvé absolument aucune production de cette nature de la part de cette université. J’aimerais donc savoir si un tel travail a été mené, et le cas échéant, quelles en sont les conclusions, notamment chiffrées. Si ce suivi mensuel n’était pas assuré, pourrait-il être mis en place ? Il nous permettrait, en effet, de montrer que de très belles initiatives existent qui portent leurs fruits.

Mme Cathy Racon-Bouzon. À quelques jours d’un débat sur la politique migratoire de la France et de l’Europe qui va animer notre hémicycle, ma question porte sur le rôle que pourrait jouer France Médias Monde dans l’intégration des populations étrangères. Comment mieux les accueillir et mieux les intégrer ? Telle doit être, me semble-t-il, la question que l’on doit se poser si l’on veut que l’immigration soit une chance pour notre pays.

Des milliers de réfugiés et d’étrangers, notamment des femmes, se trouvent assignés à résidence, sans perspective d’insertion professionnelle ni de vie sociale, faute de maîtriser la langue française. Vous avez développé des programmes bilingues ou encore le journal en français facile pour les apprenants non confirmés ; vous semblerait-il pertinent de les diffuser sur le territoire français ? Une collaboration avec France Télévisions sur ce thème est-elle à l’ordre du jour ?

Mme Danièle Cazarian. Vous avez détaillé dans votre rapport le développement des chaînes du groupe France Médias Monde, notamment en Amérique latine, en Afrique et au Moyen-Orient, toujours dans l’optique de développer la pratique de la langue française et de contribuer au rayonnement de nos cultures. Nous ne pouvons que nous féliciter de ces développements sur ces nouveaux territoires. À cet égard, le XVIIe sommet de la francophonie, qui s’est tenu au mois d’octobre dernier à Erevan, en Arménie, et auquel vous avez participé, a marqué un temps fort du rayonnement de la langue française dans le monde.

S’agissant des langues africaines, votre groupe a lancé une filiale au Sénégal : sur place, neuf radios diffusent le contenu de RFI en mandingue et en peul. Pouvez-vous dresser un premier bilan de cette diffusion ? Quelles sont vos attentes pour les années à venir ?

Mme Jacqueline Dubois. Nos échanges sont toujours passionnants, Madame Saragosse !

Dans le communiqué de presse publié la semaine dernière au sujet du renforcement des partenariats pour une information européenne de grande qualité, vous indiquez vouloir unir vos forces pour lutter contre la propagation des infox et contre toute forme de manipulation, à travers une information libre, indépendante, rigoureuse et équilibrée, sur tous les supports, dans toutes les langues et pour toutes les générations.

Pour le moment, France Médias Monde collabore avec la Deutsche Welle. Des discussions ont-elles été engagées avec d’autres groupes de presse européens, et si oui, lesquels ? Comment comptez-vous renforcer concrètement cette coopération avec de tels groupes de presse européens ? Quels seraient, dans cette perspective, vos méthodes et vos outils ?

M. Stéphane Testé. En France, comme vous l’avez rappelé, la télévision est de plus en plus concurrencée par d’autres médias, qu’il s’agisse d’Amazon, de Netflix ou de YouTube, notamment chez les plus jeunes. Quelle est votre vision de l’avenir, compte tenu de cette concurrence ? Sur quelles solutions travaillez-vous en vue d’attirer de nouveaux publics, en particulier les plus jeunes ?

Par ailleurs, en raison de l’essor démographique, en particulier en Afrique, la langue française progresse en nombre de locuteurs mais elle apparaît pourtant de moins en moins influente sur la scène internationale, où l’anglais prédomine. France Médias Monde étant l’un des porte-voix de la francophonie, comment expliquez-vous cette perte d’influence du français dans les grandes instances internationales ? Outre la plateforme que vous avez mentionnée dans votre propos liminaire, comment y remédier ?

M. Stéphane Claireaux. France Médias Monde s’inscrivant dans la diffusion de l’information avec un regard français, j’aimerais savoir si votre vision stratégique comprend l’ouverture de votre société nationale de programmes à de nouveaux partenariats. Vos anciennes fonctions à la vice-présidence de TV5 sont très certainement un atout dans la construction de partenariats solides avec d’autres services audiovisuels compétents – nous avons largement évoqué le groupe allemand Deutsche Welle. Aussi, au regard de la diversité des points de vue et des opinions pouvant apporter un éclairage culturellement proche du nôtre, avez-vous des projets de développement de partenariats avec des chaînes comme la Radiotélévision belge de la Communauté française, la société Radio-Canada ou la Radiotélévision suisse ?

Mme Florence Provendier. Je vais vous parler d’argent. Le groupe que vous présidez joue un rôle clé dans la promotion de la francophonie dans le monde. Or, au titre du programme d’économies demandées par les pouvoirs publics, la dotation de l’État a baissé de 1,6 million d’euros, alors que le contrat d’objectifs et de moyens en prévoyait l’augmentation de 3,4 millions d’euros sur la période 2016-2020. Compte tenu de ce changement substantiel affectant votre budget, on aurait pu douter que vous rempliriez vos objectifs : or, selon le dernier rapport annuel, vous en avez atteint la quasi-totalité.

Si l’on ne peut que se féliciter d’un tel résultat, on peut également s’inquiéter des conclusions, qui pourraient être hâtivement tirées, de la possibilité de maintenir cette dotation à la baisse. Quels sont, selon vous, vos besoins de financement pour que France Médias Monde continue de s’imposer comme un acteur important de l’audiovisuel au plan international ?

Mme Cécile Rilhac. Permettez-moi de souligner le travail important que vous effectuez, avec vos équipes, à la tête de France Médias Monde. Votre groupe contribue à la diffusion et à la promotion de la langue française, certes, mais surtout d’une information libre, et participe à la lutte contre la désinformation. La démocratie et les droits humains se trouvent au cœur du projet éditorial de trois de vos médias qui proposent des programmes porteurs de sens et défendant la liberté, l’égalité et le respect de l’autre : la très appréciée chaîne InfoMigrants, qui a d’ores et déjà suscité de nombreuses questions, en fait partie.

Avec plus de 140 millions de personnes touchées chaque semaine, tant en linéaire qu’en numérique, les médias de France Médias Monde constituent un outil essentiel au rayonnement de la France. Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Raphaël Gérard, porte sur les outre-mer. Sans revenir sur la décision de remplacer, dans les départements et territoires d’outre-mer, France 24 par Franceinfo, sur la TNT, je souhaite aborder deux problématiques rencontrées par certains territoires ultramarins.

D’abord, comment mieux assurer la visibilité des outre-mer au sein de l’audiovisuel public, en lien avec le Pacte pour la visibilité des outre-mer signé début juillet ?

Ensuite, quels engagements pouvez-vous prendre pour garantir la présence et la visibilité des outre-mer sur vos chaînes nationales ? Peut-être faudrait-il, pour cela, travailler avec les principales chaînes de notre paysage audiovisuel ?

Mme Sandrine Mörch. Il est rare qu’un média fasse autant l’unanimité. Cela prouve que la sincérité de terrain, l’esprit constructif, le respect, le travail de fond et la prudence paient autant que le scoop. Laisser du temps aux journalistes est bien une nécessité. Je remercie vos équipes de terrain ; je pense qu’ils sont, comme vous, une pierre angulaire du redressement civique de la société que nous appelons de nos vœux.

Au-delà des fake news, je suis très sensible à la fausse image, à la fausse représentation – des agriculteurs et des quartiers dits sensibles, pour ne citer que ces exemples – qui fait de nombreuses victimes. Nous connaissons les corollaires de ces fausses images : le rejet, le vote extrémiste et la xénophobie stérile – même si cette dernière ne peut s’appliquer aux agriculteurs. Le civisme m’apparaît comme une bataille à mener à travers les médias, et vous le faites.

Au risque de lasser mes collègues, je voudrais citer une petite association qui travaille à la fois dans les domaines du journalisme et du cyclisme dans les quartiers. Cet été, elle a réussi à faire passer le Tour de France au pied des tours de Bagatelle, dans le quartier sensible du Mirail, à Toulouse, retournant ainsi complètement l’image qu’à l’extérieur les gens avaient de ce quartier et réussissant à les y faire revenir. Elle a fait découvrir les pépites extraordinaires que recèlent de tels quartiers, qui ne sont pas suffisamment mises en valeur : la convivialité, la fierté – cette valeur y existe encore alors qu’elle a disparu ailleurs –, le respect, notamment des personnes âgées, bref tout ce qui fait que leurs habitants les aiment et aiment y vivre. Cet événement a également constitué un électrochoc pour les institutions, les élus et les journalistes. On travaille aujourd’hui à redorer durablement cette image qui entraîne tout le reste, et notamment certains comportements électoraux.

Cela, vous le faites déjà, madame la présidente, et les journalistes sont très sollicités pour travailler sur ces questions. Comment passe-t-on à l’échelle industrielle, autrement dit comme montre-t-on la pépite plutôt que le défaut ?

M. Gaël Le Bohec. En vous écoutant, on a bien envie d’aller travailler chez France Médias Monde ! J’ai quitté mon bureau, où je suivais votre audition à la télévision, rien que pour le plaisir de vous poser une question. Je souhaite aborder de manière plus détaillée la question de l’égalité entre les femmes et les hommes. Vous êtes une meneuse d’équipes, c’est‑à-dire, en définitive, un modèle féminin. Vous avez évoqué l’excellent index d’égalité femmes-hommes au sein de votre groupe, et je vous en félicite. Au moment où un projet de loi portant sur la place des femmes et sur leur émancipation économique est en préparation, pouvez-vous nous en dire plus sur vos méthodes. Les partagez-vous ? Quelles seront vos prochaines étapes dans ce domaine ?

Mme Marie-Christine Saragosse. Plusieurs questions ont porté sur InfoMigrants. Je reviens sur la genèse de ce projet. En 2015, avec plusieurs journalistes de France Médias Monde, nous n’en pouvions plus de rapporter les noyades de migrants en Méditerranée. Peter Limbourg, le patron de la Deutsche Welle, à qui j’en ai parlé, était dans le même état d’esprit. Nous avions une idée mais pas d’argent, aussi avons-nous pensé la soumettre à la Commission européenne. Mais nous nous sommes également dit que nous devrions y associer les Italiens, puisqu’ils se trouvaient en première ligne. L’agence de presse italienne, l’ANSA, nous a tout de suite emboîté le pas. Le projet a donc germé chez nous ; nous n’avons pas répondu à un appel d’offres de la Commission. Celle-ci nous a dit : « Banco ! », et elle nous a versé les fonds nécessaires à la réalisation d’un pilote. D’abord conçu en trois langues – le français, l’anglais et l’arabe –, le site s’est enrichi de deux langues afghanes, le dari et le pashto. Ces choix linguistiques nous permettent de couvrir une large zone, comprenant l’Afrique, l’Afghanistan ainsi que le Proche et le Moyen-Orient, marquée par des migrations de populations.

Le site reçoit 5 millions de visites par mois, et il en a reçu 37 millions au total en 2018. Ce succès très important s’explique par le fait que nous avons été présents sur tous les réseaux sociaux, car on sait que la dernière chose que gardent les migrants est leur téléphone, pour des raisons liées à leur mobilité. Point n’était donc besoin de concevoir un site lourd, fixe ; il fallait des applications mobiles susceptibles de les toucher. En outre, France 24 a recruté des observateurs parmi des personnes participant à des convois ou séjournant dans les camps, qui nous avaient adressé leurs candidatures. Nous avons ainsi pu recevoir des informations puisées à la source. Grâce à eux, nous avons pu mettre en ligne des articles pertinents et intéressants. Le bouche-à-oreille a ensuite fonctionné, ce qui était heureux, car nous ne disposions pas de budget marketing.

Dès le départ, la Commission a accepté de nous financer, à hauteur de 2 millions d’euros en 2018 et de 2,5 millions d’euros en 2019. Au passage, le changement de la Commission et du Parlement européens risque de faire baisser cette enveloppe en 2020 : il s’agit, en fait, d’une queue de budget, et la nouvelle Commission devrait proposer à nouveau notre projet dans le cadre de la mandature 2021-2027.

The Open University avait été choisie par la Commission pour évaluer notre programme. Elle nous a suppliés de rester dans ce projet, qui lui tenait à cœur, quoi qu’il advienne du Brexit. Elle a bien procédé à son évaluation, et c’est pour cette raison que les dotations ont été maintenues et qu’elles nous ont permis de monter en puissance avec les langues afghanes. Je n’ai personnellement pas eu communication de ces rapports d’évaluation, parce qu’ils étaient adressés directement à la Commission qui devait juger de l’intérêt de reconduire les financements qu’elle nous avait alloués. Ils existent néanmoins, et peut-être pourrais-je – car leur communication ne me semble pas interdite – vous les faire transmettre. The Open University nous a fait tout de même des remarques utiles, car elle souhaite nous voir réussir. Elle nous a indiqué la nécessité d’être présents sur tous les réseaux sociaux, de ne pas s’interdire la lueur d’une belle histoire, telle celle de cette jeune esclave, dont j’ai déjà parlé.

Il est vrai que le site InfoMigrants donne parfois un numéro de téléphone utile pour connaître ses droits et ses devoirs. Nous avons également épinglé des passeurs, débusqué des menteurs qui accaparent l’argent de pauvres gens sans avoir les moyens d’assurer leur passage. Pour autant, je ne crois pas du tout que ce site produise un appel d’air : certains récits terrifiants me semblent avoir un effet plus dissuasif qu’incitatif. Reste que, même si on le mesure mal vu de France, lorsqu’on est au désespoir, certaines belles histoires peuvent faire rêver. De toute façon, les jeunes Africains parlent de « suicide par la mer » : ils tentent le coup – certains films racontent cela magnifiquement.

Je sais que ces sujets difficiles vous intéressent. Nous sommes d’accord pour vous présenter l’équipe. Vous êtes plus que les bienvenus si vous voulez venir discuter avec ceux qui sont sur le terrain. Nous parlons tous les matins avec nos collègues de Berlin et de Rome. Nous nous mettons d’accord sur tout : l’ordre du jour, le conducteur des journaux, les personnes qui vont partir en reportage, le choix des langues – parce qu’on ne fait pas exactement la même chose dans toutes les langues. Si certains d’entre vous le souhaitent, ils pourront venir assister à la conférence de rédaction que nous faisons chaque matin, par Skype, avec Rome et Berlin. C’est l’Europe en marche, l’Europe concrète et fraternelle, et c’est formidable.

Madame Piron, vous m’avez interrogée sur l’éducation aux médias et à l’information. Je pense que le nouveau projet piloté par France Télévisions, auquel nous participons, en lien avec l’Éducation nationale, sera très bien. Nous avons un autre projet en direction de la jeunesse, qui pourrait répondre au souhait de Mme Mörch de passer à une « échelle industrielle ». France Télévisions voudrait nous accueillir dans sa fondation, qui est tournée vers la jeunesse, ce qui permettrait de recueillir des fonds sous l’égide de la Fondation de France. Nous partageons les mêmes objectifs que France Télévisions et, avec nos soixante nationalités et nos quinze langues, nous pouvons toucher un public beaucoup plus large.

Madame Racon-Bouzon, vous m’interrogez sur le rôle que nous pouvons jouer en matière d’intégration. Le site RFI Savoirs participe au plan Bibliothèques du ministère de la Culture : les médiathèques et les bibliothèques françaises sont équipées d’un accès à nos méthodes d’apprentissage à partir des langues étrangères, notamment africaines. Nous travaillons, par ailleurs, à un programme qui permettra d’apprendre le français d’une manière ludique : il s’agit d’une série intitulée « Les voisins du 12 bis ». Cette fiction, qui mettra en scène des migrants qui s’intègrent, permettra d’apprendre le français, tout en combattant les stéréotypes.

Pour favoriser l’intégration, les pouvoirs publics ont également lancé, avec l’appui du CSA, une stratégie importante qui nous permet d’être présents en DAB+ (pour Digital Audio Broadcasting). Nous sommes déjà présents à Lille, Strasbourg et Lyon, notamment dans des banlieues multiculturelles, où il se passe aussi de belles choses et où les gens ont souvent découvert RFI dans leur pays d’origine. Nous serons bientôt présents à Toulouse, Bordeaux et Marseille, ce qui est fantastique pour nous.

Madame Cazarian, le journal télévisé en français facile fait un vrai carton. Je voudrais que nous développions également la pédagogisation autour d’émissions diffusées à la radio : c’est dans ce sens que nous travaillons à la refonte du site RFI Savoirs. Notre partenariat avec des radios africaines n’est pas une nouveauté. Il est vrai qu’on en compte neuf au Sénégal et il y a plus de cent radios partenaires pour le mandingue dans toute la zone mandingophone. Il est trop tôt pour mesurer l’impact de la diffusion en peul, car elle n’a commencé qu’au mois d’avril, avec une émission hebdomadaire, mais je peux vous dire que dans les zones mandingophones, l’audience de RFI a augmenté de 30 %. Les gens qui sont imparfaitement francophones commencent par écouter la radio dans leur langue maternelle, ce qui leur donne des clés pour comprendre le journal en français facile : on crée ainsi un continuum qui les amène au français.

Madame Dubois, vous m’interrogez sur nos partenariats avec d’autres médias européens. J’ai déjà beaucoup parlé de la Deutsche Welle, un grand groupe international qui nous ressemble. Le contexte du Brexit, qui dure depuis plus de deux ans, ne favorise évidemment pas la participation de la BBC à des projets financés par l’Union européenne. Cela étant, nous restons très liés à elle et nous la retrouvons au sein du DG7. Nous retrouverons également la BBC en décembre, avec la Deutsche Welle, les Américains, les Japonais, les Australiens et les Canadiens. Nous travaillons aussi avec les Italiens et notre ambition, avec le projet « Enter ! », qui est destiné aux jeunes, est d’avoir des partenaires dans tous les pays européens. Il faudra que nous contactions nos amis de la RTBF, mais aussi ceux de la Télévision suisse romande (TSR), car même si la Suisse ne fait pas partie de l’Union européenne, elle est au cœur de l’union économique. Notre idée est de fédérer des influenceurs et des médias locaux pour faire exister l’Europe au quotidien auprès des jeunes. Ce n’est pas gagné, mais nous devons agir en ce sens.

Monsieur Testé, je ne suis pas sûre que la langue française perde de l’influence à l’international. Depuis que je travaille, on m’explique que le français régresse. Vous avez
vous-même rappelé que le nombre de personnes parlant le français progresse en Afrique, ce qui est vrai, mais il ne faut pas se gargariser de ces 700 millions de francophones. Comment
vont-ils faire, les pauvres, pour se nourrir, se former et trouver un métier ? De nombreux pays de langue latine demandent à faire partie de l’Organisation internationale de la francophonie, parce qu’ils sont fascinés par l’idée du plurilinguisme. Il est vrai qu’au sein de l’Union européenne, on parle plus volontiers l’anglais que le français, comme au G7, parce que c’est le plus petit dénominateur commun, mais tous les vrais échanges se font en français, qui est la langue de cœur pour de nombreux anglophones. Les Américains qui connaissent notre langue adorent la parler dès qu’ils en ont l’occasion, comme les Britanniques – même s’ils s’excusent toujours de ne pas être au niveau.

Ne soyons pas trop pessimistes. La France a une vraie influence internationale : notre succès en témoigne. Quand le slogan des prochains Jeux olympiques de Paris a été rendu public
– « Made for sharing » –, le ministère des Affaires étrangères a reçu de nombreux télégrammes déplorant qu’il n’y ait pas un mot en français, ne serait-ce que : « Bienvenue en France ». En réalité, il n’y a pas de perte de rayonnement de la France à l’international, mais on nous reproche à nous, Français, d’être un peu mous du genou !

Monsieur Claireaux, vous m’avez interrogée sur notre partenariat avec la chaîne TV5 Monde. Ce partenariat est une évidence, mais TV5 Monde est, par essence, la chaîne multilatérale francophone et il importe que nous ne soyons pas exactement sur le même terrain. Nous sommes, comme elle, membres de l’association des médias francophones publics. Nous faisons des choses ensemble, nous diffusons des programmes qui sont coproduits sur les antennes de RFI, nous partageons des sujets, nos équipes se voient chaque année et il existe des groupes de travail communs, en radio et en télé, sur tous les sujets : la fiction, la jeunesse, le numérique, l’information… Nous sommes très proches de TV5 Monde, mais elle reste la chaîne généraliste multilatérale francophone et nous essayons de faire des choses complémentaires.

Madame Provendier, vous m’avez demandé quels étaient nos besoins en termes de budget. C’est une question qui fait rêver mais, depuis deux ans, j’ai appris qu’il fallait aussi tenir compte des contraintes budgétaires et de notre déficit global. Ce qui est compliqué, pour nous, c’est que nous n’avons pas d’alternative privée, mais j’ai bien conscience que tout le monde souffre dans le secteur public audiovisuel. La Deutsche Welle a des moyens supérieurs aux nôtres, puisque son budget, qui était de 325 millions d’euros en 2018, est passé à 350 millions en 2019. Nous, nous avons un budget de 267 millions d’euros, dont 256 millions proviennent de la contribution à l’audiovisuel public. J’ose à peine vous donner le budget de la BBC World News : 420 millions d’euros ! Même si j’adore nos amis de la Deutsche Welle, je suis fière de dire que nous avons de meilleurs résultats avec un plus petit budget. Quant à la BBC, elle a des résultats extraordinaires, mais son budget l’est aussi. Je vous propose de tenter l’expérience : donnez-moi, pendant un an, le même budget que la BBC, et nous verrons quels sont nos résultats ! Je vais voir si je peux négocier cela avec notre ministre de l’Action et des comptes publics…

Madame Rilhac, nous travaillons quotidiennement avec l’outre-mer et lui consacrons chaque jour des tranches de radio. Les radios diffusées outre-mer travaillent pour nous, nous avons des liens étroits avec elles et elles interviennent dans nos journaux quand il se passe quelque chose d’important. S’agissant de la télévision, nous n’avons aucun correspondant en France, ni dans l’hexagone, ni en outre-mer. Un accord passé avec France Télévisions nous donne accès à tous les sujets du groupe, notamment ceux qui concernent les outre-mer. Nous avons un programme intitulé « Une semaine en France », dans lequel il nous arrive de reprendre des sujets relatifs à l’outre-mer, mais nous voudrions aussi développer un programme spécifique, que nous appellerions « Une semaine dans les outre-mer », avec des dossiers thématiques sur l’économie, la culture, le développement durable, les initiatives locales, etc. Nous avons commencé à y travailler : nous n’avons pas de budget à consacrer à ce projet, mais nous avons des idées de sponsors et de parrainages. Si nous arrivons à boucler notre plan de financement en travaillant avec des gens venus, par exemple, de France Ô, nous devrions pouvoir diffuser ce programme dès 2020. Nous ne sommes plus sur la TNT, mais nous sommes très présents outre-mer, puisque nous couvrons tous les foyers câblés. De plus, nous sommes diffusés sur Franceinfo la nuit – mais c’est le jour dans les outre-mer.

Madame Mörch, vous m’avez interrogée sur les moyens de lutter contre les fausses images et les stéréotypes. J’ai déjà évoqué l’émission « Pas 2 quartier », qui est diffusée sur Franceinfo, et je répète que nous pourrions développer des projets avec France Télévisions, au sein de sa fondation.

Monsieur Le Bohec, je salue le fait qu’un homme se soit spécialement déplacé, comme vous l’avez fait, pour évoquer la question de l’émancipation des femmes. Il est essentiel qu’il y ait des femmes dirigeantes. Lorsqu’il n’y a plus de femmes au sommet, la dynamique est cassée – mes collègues Delphine Ernotte, Sibyle Veil et Véronique Cayla font très attention à cela, elles aussi. Il faut commencer par faire en sorte que le comité exécutif soit paritaire. Quand certains posent la question du vivier, on leur répond que c’est une bonne blague et qu’on doit bien pouvoir trouver autant de femmes incompétentes que d’hommes incompétents – selon les bons mots d’un élu.

À FMM, Les femmes représentent désormais 50 % des effectifs et sont de plus en plus nombreuses dans des fonctions d’encadrement – 44 % – du fait d’une politique volontariste. Elles sont payées autant que les hommes. Si l’on constate un petit écart de rémunération, c’est parce que les hommes ont un peu plus d’ancienneté et parce que nombre de femmes sont employées à mi-temps, et non du fait d’une inégalité salariale. Nous sommes très militants à l’antenne, parce que nous ne supportons pas ce que nous voyons dans le monde. Je parlais tout à l’heure des féminicides : neuf femmes sont tuées chaque jour au Mexique. En Amérique latine, le féminicide est un sport et il est naturel de battre les femmes. C’est pour cette raison que notre chaîne France 24 a un immense succès auprès des femmes : elles représentent 55 % de son audience, ce qui est rare pour une chaîne d’information. À l’antenne, nous nous battons contre ces violences, où qu’elles aient lieu dans le monde, et contre l’homophobie et les discriminations.

Nous avons 49 % de femmes à l’écran et nous devons continuer dans cette voie. La priorité, c’est d’augmenter le nombre d’expertes : RFI a franchi, en 2018, la barre des 33 % d’expertes, que l’on considère comme un seuil symbolique. Dès lors qu’il y a plus d’un tiers de femmes sur un plateau, cela casse l’idée selon laquelle elles expriment un point de vue sexué, qu’elles parlent en tant que femmes. Il faut que nous ayons davantage d’expertes éclairées, capables d’exprimer un discours universel. Sur France 24, nous n’avons encore que 27 % d’expertes, parce que la couverture des guerres et du terrorisme est encore dominée par les hommes. S’agissant du monde politique, vous êtes en train de nous montrer, mesdames, qu’il n’y a pas de fatalité et que des avancées sont possibles. Au total, je répète que nous avons 49 % de femmes à l’écran, et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), qui a fait une enquête sur plusieurs années, a estimé que France 24 et RFI étaient parmi les meilleures chaînes de ce point de vue. Je conclurai là-dessus, et je me rends compte, monsieur le président, que mon temps de parole est écoulé depuis longtemps.

M. le président Bruno Studer. Quand il est question des droits des femmes, nous n’avons pas de compteur, madame la présidente !

Mme Marie-Christine Saragosse. Je vous remercie, car ce sont les bonnes questions qui font les bonnes réponses.

 

 

 

 

La séance est levée à onze heures quarante-cinq.


Présences en réunion

Réunion du mercredi 18 septembre 2019 à 9 heures 30

Présents. Mme Stéphanie Atger, Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Philippe Berta, M. Bruno Bilde, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Bertrand Bouyx, M. Bernard Brochand, Mme Céline Calvez, Mme Danièle Cazarian, M. Stéphane Claireaux, Mme Fabienne Colboc, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Nadia Essayan, Mme Elsa Faucillon, Mme Annie Genevard, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Florence Granjus, Mme Danièle Hérin, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Sophie Mette, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, Mme Cécile Muschotti, Mme Bénédicte Pételle, Mme Béatrice Piron, M. Éric Poulliat, Mme Florence Provendier, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Pierre-Alain Raphan, M. Frédéric Reiss, Mme Cécile Rilhac, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Sylvie Tolmont, Mme Michèle Victory, M. Cédric Villani

Excusés.  M. Pascal Bois, Mme Marie-George Buffet, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Frédérique Dumas, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Anne-Christine Lang, Mme Josette Manin, Mme Maud Petit, M. Bertrand Sorre

Assistait également à la réunion.  M. Dino Cinieri