Compte rendu

Commission
des affaires économiques

– Suite de l’examen du projet de loi relatif à l’énergie et au climat (n° 1908 et 2032) (M. Anthony Cellier, rapporteur) 2


Mardi
18 juin 2019

Séance de 21 heures 30

Compte rendu n° 49

session ordinaire de 2018-2019

Présidence de
M. Roland Lescure,
Président
 


  1 

La commission a poursuivi lexamen du projet de loi relatif à lénergie et au climat (n° 1908 et 2032) (M. Anthony Cellier, rapporteur).

M. le président Roland Lescure. Chers collègues, nous reprenons nos travaux. Merci d’être presque ponctuels – nous le serons d’autant plus demain que je souhaite vivement que nous terminions l’examen du projet de loi, tout en nous assurant d’avoir, sur les thèmes les plus importants, de véritables débats. Je vous demande également d’être efficaces dans la défense de vos amendements – et, s’agissant par exemple des amendements identiques, d’essayer d’éviter les redites. Pensez à tout le monde comme vous pensez à vous-mêmes…

Article 1er (suite) (article L. 100-4 du code de l’énergie) : Modification de certains objectifs de politique énergétique

La commission examine lamendement CE293 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cet amendement vise à modifier les termes de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, qui évoque les « objectifs » de la Nation, ce qui est assez flou. C’est un débat récurrent : depuis le Grenelle de l’environnement, on inscrit dans les lois successives des objectifs – qui, pour la plupart, ne sont pas tenus. C’est pourquoi je propose de remplacer les mots « a pour objectifs » par les mots « assure la programmation de l’action de l’État ».

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je comprends votre demande et je suis d’accord avec vous quant à la nécessité de mettre en place une véritable programmation de l’action de l’État en matière de transition énergétique. Nous travaillons d’ailleurs sur un amendement – je vous en ai parlé dans mon propos liminaire – qui sera prêt pour la séance et qui prévoit des lois de programmation énergétique tous les cinq ans. Actuellement, c’est la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui assure ce rôle programmatique. Je ne pense pas, néanmoins, qu’il faille inscrire la dimension programmatique à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, qui a davantage vocation à fixer les grands objectifs de notre politique énergétique. Avis défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Pour les mêmes raisons, et celles que j’ai évoquées tout à l’heure dans la discussion générale, avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Le rapporteur est-il prêt à associer d’autres parlementaires à ce travail qui consisterait – si je comprends bien – à ce qu’on ait non plus une PPE par décret, mais une loi de programmation ? Peut-être n’étais-je pas suffisamment attentive tout à l’heure lors de votre intervention…

M. Anthony Cellier, rapporteur. Comme vous le savez, je suis un garçon d’un naturel ouvert et coopératif… Je vous aurais donc associée avec plaisir à l’écriture de cet amendement. Toutefois, je l’ai rappelé tout à l’heure, nous y travaillons depuis un an et demi. Il ne s’agirait donc pas de chambouler tout ce que nous avons déjà mis en place. Nous serions heureux, en revanche, de vous le soumettre.

Mme Delphine Batho. C’est un point très important, parce que j’ai déposé d’autres amendements sur le même thème : autant perdre un peu de temps maintenant pour en gagner par la suite. Si je n’ai pas voté la loi relative à la transition énergétique, c’est en partie parce qu’il ne s’agissait pas d’une loi de programmation. Si la majorité actuelle et le Gouvernement ont l’intention de présenter des lois de programmation, cela constitue un fait nouveau. Je retire mon amendement au bénéfice de ce que dit le rapporteur – sous réserve d’une vérification en séance.

Lamendement est retiré.

La commission en vient alors à lamendement CE417 de M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc. Le projet de loi introduit dans la loi l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Or nous nous interrogeons sur l’absence de définition juridique de la notion. Nous ne pouvons donc y souscrire en l’état. Cela dit, j’ai écouté les propos du rapporteur – moi aussi avec un peu de distance. Pour peu qu’il confirme sa position, je réexaminerai la mienne.

M. le président Roland Lescure. Vous maintenez donc votre amendement pour l’instant ?

M. Hubert Wulfranc. Demandez donc son avis au rapporteur, je verrai ensuite ! (Sourires.)

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je suis désolé de ne pas avoir davantage capté votre attention tout à l’heure, mais nous prévoyons effectivement de définir la neutralité carbone : c’est l’objet d’un amendement que nous vous soumettrons à tout à l’heure. De ce fait, je vous demande de retirer le vôtre.

M. Hubert Wulfranc. Je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite lamendement CE443 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. L’amendement CE443 a plusieurs objets. D’abord, il s’agit de réviser l’objectif de réduction de l’empreinte carbone entre 1990 et 2030 – au lieu de 2050 –, de manière à être dans les clous au regard du rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ensuite, il tend à diviser les émissions de gaz à effet de serre par huit – et non par six – à l’horizon 2050, comme M. le ministre d’État l’avait d’ailleurs suggéré au moment de la polémique sur la définition de la neutralité carbone. En outre, il définit la neutralité carbone – nous y reviendrons peut-être tout à l’heure à propos de l’amendement du rapporteur, car la définition qu’il propose n’est pas la même que la mienne.

Enfin, il prévoit que les budgets carbone intègrent les émissions liées à la consommation. Tout à l’heure, Monsieur le ministre d’État, vous avez fait état de la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans notre pays, mais il faut prendre également en considération l’empreinte carbone globale de la France, laquelle inclut les émissions importées : or celles-ci ont augmenté de 93 % entre 1995 et 2015, notamment en raison des phénomènes de délocalisation et d’importation de productions fortement émettrices de gaz à effet de serre.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je pense que l’ambition inscrite dans ce projet de loi, à savoir un facteur six à la place du facteur quatre prévu par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015, représente déjà une belle avancée. En ce qui concerne la neutralité carbone, nous avons effectivement une autre définition à vous proposer. Pour ce qui est de l’empreinte carbone, j’ai eu, là encore, l’occasion de m’exprimer dans mon propos liminaire : un amendement portera sur la question. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. J’ai déjà donné des explications au sujet de la trajectoire, et donc de la neutralité carbone. Je souscris, par ailleurs, aux arguments du rapporteur concernant les émissions importées : il y a des règles dans les accords internationaux, notamment l’accord de Paris. Or c’est quand même cela qui compte. Il ne faut pas oublier non plus que, pour certains pays, le fait d’émettre du CO2 est aussi ce qui les enrichit. D’autres pays exportent beaucoup, ce qui est directement de leur responsabilité.

Par ailleurs, je rappelle qu’au niveau européen – car les accords commerciaux relèvent de la compétence de l’Europe –, nous menons la bataille sur deux fronts. Le premier est celui du « veto climatique » qui serait opposé à tout accord commercial avec un pays ou un ensemble de pays qui ne respecteraient pas l’accord de Paris ou en sortiraient. La France, par la voix du Président de la République, l’a dit à l’occasion de l’élaboration du dernier mandat de négociations commerciales avec les États-Unis d’Amérique. Le second est celui de la taxe carbone aux frontières : la question n’est pas facile à traiter, mais nous souhaitons que le dispositif soit mis en œuvre à tout le moins dans un certain nombre de secteurs où les émissions sont bien identifiées, par exemple la sidérurgie. Il s’agit non seulement de faire en sorte que toutes les régions du monde fassent des efforts pour le climat, mais également de préserver la compétitivité économique de nos entreprises.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CE150 de M. Matthieu Orphelin et CE503 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Matthieu Orphelin. La France s’est engagée à augmenter l’ambition des engagements qui avaient été pris lors de l’accord de Paris. Cela nous oblige à renforcer l’engagement pris pour 2030. Comme vous le savez, l’accord de Paris considère les émissions à partir de 2020, et pour la suite fixe des périodes de cinq ans, avec à chaque fois la possibilité de revoir les ambitions à la hausse. L’amendement CE150 est très simple : il vise à mettre en cohérence la loi avec l’engagement pris par la France, comme 80 autres pays. On sait en effet que les engagements pris lors de l’accord de Paris ne sont pas suffisants, donc il faut les rehausser. Cela ne peut pas attendre 2050. D’où l’engagement de remplacer l’objectif de baisse des émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 par un objectif de 57 %, pour nous mettre sur une trajectoire plus compatible avec le rapport spécial du GIEC destiné à limiter le réchauffement à 1,5 degré. Tout à l’heure, nous nous sommes demandé si la stratégie nationale bas-carbone de notre pays était compatible avec les scénarios du GIEC : elle est compatible avec les scénarios d’un réchauffement de 2 degrés, mais elle ne l’est en rien avec ceux qui visent à le limiter à 1,5 degré. Tel est l’objet de cet amendement.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement CE503 vise lui aussi à nous mettre en cohérence avec le rapport du GIEC. Celui-ci rappelle avec force que chaque demi-degré compte. L’amendement a donc pour but de renforcer l’objectif de baisse des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 par rapport à 1990, en le fixant à 57 %, contre 40 % dans le projet de loi.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je trouve quant à moi que le projet de loi est déjà ambitieux en matière énergétique et climatique : il vise notamment la neutralité carbone à l’horizon 2050. Avis défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Même avis. Plusieurs députés viennent de nous appeler à ne pas inscrire des objectifs dans la loi sans se préoccuper de leur traduction concrète dans la réalité. Sans doute les auteurs de ces amendements feront-ils à cet égard des propositions concrètes par la suite – je n’ai pas en tête tous les amendements –, mais enfin, j’avoue que je piaffe d’impatience à l’idée de les examiner.

À un moment donné, il faut arrêter de se payer de mots. Nous avons eu le débat il y a quelques mois – ce n’est quand même pas très vieux – à propos de la taxe carbone. Partout dans le monde, les instances internationales et nationales, à commencer par le Haut Conseil pour le climat, disent que la taxe carbone est un outil efficace. Nous l’avons mise en œuvre et observé que cela créait des crispations, au point que nous avons été obligés de marquer une pause – si nous avions écouté les oppositions, nous serions même revenus en arrière pour de bon. Or, dans le même temps, les mêmes personnes parfois déposent des amendements que je ne peux pas qualifier autrement que de surenchère à propos des objectifs. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Je ne me sens pas visée par le propos de M. le ministre d’État puisque, s’il y a une seule formation politique qui a demandé au Premier ministre de maintenir la trajectoire de la taxe carbone, c’est celle que je préside, et je me suis exprimée publiquement sur la question.

Le véritable enjeu est de savoir si le GIEC se paie de mots. En effet, Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas répondre, à propos de l’amendement de Matthieu Orphelin, que dès lors que la neutralité carbone à l’horizon 2050 est inscrite dans la loi, tout va très bien. En effet, le GIEC dit qu’il nous reste dix ans pour agir. L’objectif de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030 n’est donc tout simplement pas conforme à ce que dit le rapport du GIEC. Êtes-vous en train, ce soir, d’officialiser en réalité le fait que la politique de la France n’est pas dans les clous du rapport du GIEC ? En tout cas, c’est ainsi que je comprends les réponses qui nous sont faites.

M. Matthieu Orphelin. Moi non plus je n’ai pas pris pour moi les propos de M. le ministre d’État, car je ne crois pas avoir l’habitude ni de me payer de mots ni de faire de la surenchère. La question est de savoir si on fait plus d’efforts maintenant pour arriver à la neutralité carbone en 2050 ou si l’on déporte l’effort supplémentaire sur la période 2030-2050 – ce qui est un choix possible. Je soutiens pour ma part qu’il vaut mieux se mettre en adéquation avec le rapport spécial du GIEC sur le réchauffement de 1,5 degré. Or, je vous le rappelle, ce rapport préconise une diminution de 45 % des émissions au niveau mondial en onze ans, ce qui suppose, pour un pays comme la France, de les diviser par trois d’ici à 2030. Ce n’est pas là quelque chose que nous inventons, les uns et les autres, pour nous payer de mots : c’est bien ce qui est écrit dans le rapport du GIEC.

Qui plus est, un changement très important de politique s’impose. Comme nous le disait récemment M. Jean Jouzel, un scientifique français, pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 point, il faudrait multiplier les efforts de nos politiques climatiques par cinq. Il n’y a pas que la fiscalité écologique. Il est possible, par le biais de dispositifs incitatifs, de quintupler, voire de décupler l’effort et d’y consacrer 0,1 ou 0,2 point de PIB. Vous pouvez ne pas être d’accord ; mais nous avons les moyens de faire cinq fois plus, sans nécessairement passer par une fiscalité écologique : nous pouvons agir par le biais d’une fiscalité positive ou d’une amplification majeure de nos aides à la rénovation énergétique. En réalité, c’est un vrai choix politique.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Décupler le budget pour l’efficacité énergétique, je veux bien… Il faudrait sans doute commencer par nous mettre d’accord sur sa définition… À supposer qu’il soit de 5 milliards, dont 3 pour les certificats d’économies et d’énergie, cela reviendrait à 50 milliards par an… Parlons de choses concrètes. Par ailleurs, certains ont eu l’air de dire tout à l’heure que faire baisser les émissions de CO2 de 4 % était insignifiant. Je ne dis pas que c’est gagné, mais si nous maintenons une telle trajectoire, les émissions de CO2 auront bien baissé de quelque 50 % entre 2019 et 2030.

La commission rejette lamendement.

Lamendement CE149 de M. Matthieu Orphelin est retiré.

La commission examine lamendement CE363 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Mathilde Panot. L’amendement est défendu.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Puisque nous avons déjà voté la notion d’urgence climatique et écologique, je vous suggère de le retirer, Madame Panot.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Même avis.

Mme Mathilde Panot. Je le maintiens, en remarquant avec plaisir qu’un ministre qui m’avait répondu qu’une telle précision ne servait à rien a apparemment été d’accord pour l’inscrire dans la loi.

M. le président Roland Lescure. Votre collègue François Ruffin nous a déjà fait cette remarque tout à l’heure…

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE8 de M. Vincent Rolland.

M. Vincent Rolland. Cet amendement vise à faire passer de 2050 à 2040 l’échéance avant laquelle atteindre la neutralité carbone. Je mesure dans mon territoire les méfaits des modifications climatiques en voyant l’état de nos glaciers et de nos neiges qui n’auront bientôt plus d’éternelles que le nom…

M. Anthony Cellier, rapporteur. Avis défavorable. Je comprends votre requête. Pour autant, j’estime qu’il faut inscrire dans la loi des objectifs ambitieux mais réalistes : il y va de la crédibilité des parlementaires.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Avis défavorable. Je suis très heureux de vous entendre parler des effets concrets du changement climatique, qui sont visibles sur tout notre territoire et pas seulement en montagne ou outre-mer. Mais, comme la présidente du Haut Conseil pour le climat l’a fait remarquer, la France aura plus de mal que ses voisins européens à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, dans la mesure où notre production d’électricité est déjà en quasi-totalité décarbonée. Les autres pays peuvent substituer des moyens décarbonés à des centrales à charbon, au fioul ou au gaz, sans rien changer aux habitudes de leurs citoyens, qui continueront d’appuyer sur le même interrupteur. Chez nous, baisser les émissions de gaz à effet de serre suppose d’agir avec beaucoup de force et de détermination sur deux sources principales de pollution : la voiture et le chauffage. Et parmi les transports, c’est bien la voiture qui est la principale source d’émissions polluantes, et non l’avion : à supposer que l’on supprime tout le trafic aérien en France, on réglerait moins de 5 % des émissions du secteur des transports, soit moins de 1,5 % des émissions totales. Pour agir, nous avons besoin de l’implication de nos concitoyens. Nous sommes déterminés, mais nous savons que c’est plus difficile que de supprimer des grandes centrales thermiques pour les remplacer par d’autres modes de production.

Mme Delphine Batho. Si vous rouvrez le débat sur le transport aérien, je suis obligée de réagir ! Contrairement à ce que vient de dire le ministre d’État, il représente 6 % des émissions de gaz à effet de serre. Qui plus est, si l’on prend en compte l’augmentation du trafic, il en représentera 25 % dans quelques années. La croissance du trafic aérien n’est pas soutenable, et c’est déjà le mode de transport le plus émetteur de gaz à effet de serre par passager. Cela dit, évitons les malentendus : agir sur le transport aérien ne signifie évidemment pas qu’il ne faille rien faire pour la voiture ou d’autres modes de transport polluants.

M. le président Roland Lescure. Je rappelle aux membres de la commission des affaires économiques que, demain, nous serons au Bourget pour une visite sur le thème de la transition écologique dans le transport aérien. J’espère que vous vous êtes inscrite, Madame Batho !

Mme Delphine Batho. Absolument pas !

M. le président Roland Lescure. C’est dommage !

M. Vincent Rolland. Moi, je me suis inscrit, Monsieur le président… Si j’entends les arguments du rapporteur et du ministre, nous savons néanmoins que les objectifs, qu’il s’agisse de dates ou de quantités d’émissions, ne sont que très rarement voire jamais respectés. C’est pourquoi je cherchais à rendre le projet de loi plus ambitieux. Je ne visais pas les industriels, ni les producteurs d’électricité, puisque, d’un côté comme de l’autre, beaucoup d’efforts ont déjà été faits. Lors de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), nous avons débattu de certains aménagements relatifs aux transports : ce sont eux qu’il faudrait renforcer.

La commission rejette lamendement.

Elle passe ensuite à lexamen, en discussion commune, des amendements CE284 et CE235 de Mme Delphine Batho, des amendements identiques CE366 de M. François Ruffin et CE506 de Mme Marie-Noëlle Battistel, ainsi que de lamendement CE151 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Delphine Batho. Dans un souci de cohérence, je présenterai d’abord l’amendement CE235, qui vise à substituer au facteur six un facteur huit, dans l’objectif de division des émissions de gaz à effet de serre. Je ne sais pas, Monsieur le rapporteur, d’où sort votre facteur six. Si nous souhaitons légiférer sur le climat, en nous fondant sur la science, nous ne pouvons pas couper la poire en deux entre le facteur quatre et le facteur huit, recommandé par le GIEC.

L’amendement CE284 vise, en plus, à proposer une définition de la neutralité carbone « comme un état d’équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions naturelles par les puits de gaz à effet de serre, en tenant compte de tous les gaz à effet de serre mesurés en équivalent carbone ». Cette dernière précision est extrêmement importante pour intégrer tous les gaz à effet de serre, et non pas seulement le CO2.

Mme Mathilde Panot. L’amendement CE366 vise également à définir un facteur huit dans la réduction des gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. Je partage l’étonnement de Mme Batho : la division par six ne correspond à rien.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Mon amendement CE506 va exactement dans le même sens ; il est défendu.

M. Matthieu Orphelin. Dans la précédente version du projet de loi, le facteur de réduction était d’au moins quatre ; la science dit qu’il faut pousser jusqu’à huit. Il me semble que le choix du facteur six est un bon compromis. Aussi mon amendement CE151 propose d’ajouter « en visant, si possible, un facteur huit », pour rendre ce compromis cohérent avec ce que nous dit la science.

M. Anthony Cellier, rapporteur. L’amendement CE284 de Mme Batho est une compilation de ses amendements CE235 et CE443. Rappelons que la stratégie nationale bas‑carbone (SNBC) mentionne un facteur allant de six à huit, pour atteindre la neutralité carbone, le facteur huit correspondant à une situation dans laquelle on ne disposerait d’aucun moyen pour capter le carbone ou dans laquelle le secteur de l’agriculture n’émettrait plus aucun gaz à effet de serre. Le projet de loi est déjà très ambitieux, en passant d’un facteur quatre à un facteur supérieur à six. Avis défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Mes arguments sont les mêmes que ceux du rapporteur. La stratégie nationale bas‑carbone prévoit une division des émissions de six à huit, pour respecter la trajectoire à 1,5 degré. Je ne bâtis pas de stratégie bas‑carbone, ni de programmation pluriannuelle de l’énergie, ni de politique tout court sur des ruptures technologiques que nous ne connaissons pas, que ce soit à échéance de dix ans ou de trente ans. Cela étant, si des moyens, qui restent à découvrir, pouvaient contribuer, même de façon limitée, à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre, je ne vois pas pourquoi on devrait rigidifier la notion de neutralité carbone, comme le fait Mme Batho, en proposant d’exclure toute captation technologique. Si certains projets ont échoué – je pense en particulier à la réinjection de carbone dans d’anciens puits de gaz –, d’autres technologies semblent plus prometteuses, comme la culture des micro-algues. Nous ne construisons pas notre stratégie sur ces techniques, mais, si elles devenaient opérationnelles dans dix ans, pourquoi s’en priver les vingt années suivantes ?

Mme Delphine Batho. Pour ce qui est de la définition du facteur de réduction, Monsieur le ministre d’État, vous aviez écrit, en réponse à l’article de Libération qui avait mis en cause la décision du Gouvernement de faire référence à la neutralité carbone en abandonnant le facteur quatre : « Notre objectif n’est plus de diviser nos émissions de gaz à effet de serre par 4 car il est maintenant bien plus ambitieux : les diviser par 8 […] ». Ce chiffre correspond à quelque chose de scientifique. Or vous ne nous avez pas dit à quoi correspondait le chiffre 6. Le Premier ministre a déclaré, la semaine dernière, qu’il fallait que les décisions se fondent sur la science, ce avec quoi je suis d’accord.

Pour ce qui est des émissions négatives, je vous remercie de dire que l’on ne construit pas une stratégie climatique sur quelque chose qui n’existe pas. On peut d’ailleurs se poser la question de savoir si c’est souhaitable. Certains entretiennent le mythe de futures technologies de captation et de séquestration du carbone ou de géo-ingénierie, pour laisser entendre à la société et aux décideurs politiques qu’il n’y a pas tellement d’efforts à faire, puisque l’on trouvera bien une solution technologique plus tard. J’ai bien compris que ce n’était pas votre propos. Mais choisir de retenir le facteur six ou de définir la neutralité carbone comme le fera le rapporteur revient à inclure les émissions négatives, qui n’existent effectivement pas aujourd’hui.

M. Matthieu Orphelin. Sans vouloir insister, j’avais l’impression que mon amendement, certes un peu verbeux, vous réconciliait tous, en maintenant le facteur six tout en permettant de viser, si possible, un facteur huit. Je ne veux que le bonheur de tous, pour revenir au sujet de philosophie du bac que le Président Lescure a évoqué plus tôt…

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Si l’on considère que la France émet 450 millions de tonnes de CO2, diviser par six revient à fixer un objectif de 75 millions de tonnes, et par huit de 57. Vous voyez bien que la vraie difficulté n’est pas de passer de 75 à 57, mais bien de 450 millions de tonnes à 75 – ou 57, sachant que je n’ai encore vu personne pour baliser le chemin ou m’expliquer par quels moyens arriver au but. D’ici à 2050, il y aura d’autres débats, d’autres textes de loi et d’autres actions politiques, par rapport à ce que nous avons imaginé, si grandes que soient notre imagination et notre science.

M. Julien Aubert. Je ne voudrais pas laisser croire à M. Orphelin que sa vision fait consensus… Dans la dernière loi relative à la transition énergétique, on a voté des objectifs inatteignables, si bien que, quatre ans plus tard, nous nous retrouvons à devoir revoter une loi parce qu’on s’est aperçu que la première était insincère. Je ne suis pas opposé aux objectifs volontaristes : si l’on pouvait viser un facteur 10 ou 20, je dirais banco… Mais je m’étonne que l’on ne discute jamais des moyens ni du coût marginal. Les premières émissions de CO2 sont faciles à supprimer ; toute la difficulté réside dans les dernières tonnes de CO2 qui vont coûter très cher. En réalité, le coût marginal varie fortement, en fonction du facteur de réduction retenu – les Allemands sont d’ailleurs en train d’en prendre conscience. Après la crise des gilets jaunes, qui nous a montré que les poches n’étaient pas totalement sans fond, nous devrions nous interroger sur les moyens que l’on peut consacrer à cet objectif. Dans la mesure où nous sommes déjà une puissance décarbonée et que nous partons d’une situation bien meilleure, devons‑nous par ailleurs nous fixer les mêmes objectifs qu’un pays très pollueur ?

Mme Delphine Batho. Rappelons, même si le débat s’est concentré sur l’électricité, que la première source d’énergie consommée en France est le pétrole. La légende d’un pays complètement décarboné, qui n’aurait pas de problème de pétrole ni de dépendance aux énergies fossiles, est inopportune dans le débat de ce soir.

M. Julien Aubert. C’est vrai ! Mais ce n’est pas ce que j’ai dit !

La commission rejette les amendements CE284 et CE235.

Puis elle rejette les amendements identiques CE366 et CE506.

Enfin, elle rejette lamendement CE151.

Ensuite de quoi, elle examine, en discussion commune, les amendements CE645 du rapporteur, CE145 de Mme Laure de La Raudière, CE368 de Mme Mathilde Panot et CE519 de M. Damien Adam.

M. Anthony Cellier, rapporteur. L’amendement CE645 vise à inscrire dans la loi la définition de la neutralité carbone comme « l’équilibre entre les émissions anthropiques et les absorptions anthropiques de gaz à effet de serre », en reprenant la définition de la neutralité carbone figurant à l’article 4 de l’accord de Paris. Il vise également à préciser que le périmètre exact des émissions et des absorptions comptabilisées correspond à celui des inventaires nationaux de gaz à effet de serre, lesquels sont réalisés en appliquant les principes méthodologiques définis par le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

L’atteinte de la neutralité carbone est un objectif profondément ambitieux qui suppose une décarbonation quasi complète de notre production et de notre consommation d’énergie. Il semble donc utile de préciser que la neutralité carbone s’entend sans utilisation de crédits de compensation carbone internationaux, lesquels permettent à un émetteur de gaz à effet de serre de compenser ses émissions grâce à des projets à l’étranger qui évitent des émissions ou séquestrent du carbone. Le scénario de référence de la stratégie nationale bas‑carbone en cours de révision, dit scénario « avec mesures supplémentaires » (AMS), vise d’ailleurs également l’atteinte de la neutralité carbone sans recours à la compensation par des crédits carbone.

Mme Laure de La Raudière. Je propose dans mon amendement CE145 une définition plus simple de la neutralité carbone, entendue « selon les termes de l’accord de Paris de 2015, comme un équilibre entre les émissions et les absorptions liées aux activités humaines de gaz à effet de serre ». Permettons-nous un peu de benchmarking, Monsieur le rapporteur : sait-on ce que les autres pays européens ont inscrit dans leur loi comme définition de la neutralité carbone ? Sommes‑nous alignés avec eux ? S’il faut être ambitieux, nous devons aussi nous coordonner avec nos voisins, afin de prendre en compte les inévitables conséquences économiques. Ce point me semble très important, avant d’adopter quelque définition que ce soit.

Mme Mathilde Panot. L’amendement CE368 est un amendement de repli par rapport à l’amendement CE366. Notre définition de la neutralité carbone exclut les solutions technologiques et industrielles. Monsieur le ministre d’État, vous avez dit, à raison, que l’on ne bâtissait pas une trajectoire sur des hypothèses, mais le concept de neutralité carbone est très flou. Afin d’éviter de perdre du temps, en attendant de meilleures solutions, il est nécessaire de la définir et ainsi d’inscrire dans la loi qu’il faut réduire fortement nos émissions de carbone et notre consommation d’énergie, pour réussir la transition énergétique.

M. Damien Adam. L’amendement CE519 vise également à préciser la définition de la neutralité carbone. L’article 1er du projet de loi se concentre sur la réduction des gaz à effet de serre émis au niveau national. Or cette approche omet les émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation française de produits importés. Afin d’apprécier l’impact réel des activités et des consommations de la France sur le climat, mon amendement vise à préciser la définition de la neutralité carbone, pour intégrer les émissions liées à la production de biens produits en dehors des frontières et importés en France. Un des objectifs de l’amendement est de valoriser la production locale et notre industrie, en évitant d’accroître les importations de produits et de services dont la fabrication entraîne des émissions supérieures à celles qui auraient été émises s’ils avaient été élaborés en France.

Ne saisissant pas très bien la différence entre mon amendement et le vôtre, Monsieur le rapporteur, j’espère que vous voudrez bien me l’expliquer, pour savoir si j’ai intérêt à voter pour votre amendement.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je ne pourrai qu’insister sur le fait que la définition que je vous soumets est la bonne… Madame de La Raudière, la définition que je vous propose est celle de l’accord de Paris, qui avait été ratifié par cent quatre-vingt-dix-sept pays. Les autres pays adopteront donc très certainement la même définition.

Monsieur Adam, la différence entre votre amendement et le mien tient au fait que vous incluez dans le vôtre l’empreinte carbone, dont je vous propose de discuter un peu tard, dans un autre amendement. Avis défavorable sur les trois amendements.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. J’appelle les députés à se rassembler autour de la définition rédigée par M. le rapporteur, qui me paraît la plus précise, la plus solide et la moins contestable. Je trouve particulièrement dommageable l’attaque particulièrement mensongère sur la notion de neutralité carbone, largement relayée, pas seulement par Libération, et utilisée politiquement, de façon militante. Pourtant, tout le monde sait très bien que, dès lors que l’on travaille sur la question du climat, on se réfère à l’accord de Paris, dont la neutralité carbone est le concept le plus ambitieux – au moins ce sera précisé dans la loi. Jamais il n’aurait dû y avoir de polémiques mensongères sur un tel sujet.

Mme Delphine Batho. L’ensemble du texte me pose problème, mais cette partie plus encore. Fin juin, le Haut Conseil pour le climat rendra un rapport. Il m’aurait semblé pertinent de l’étudier avant de légiférer.

Par ailleurs, la définition proposée par le rapporteur, que je connais bien, pour m’être inspirée dans des lois antérieures de celle de l’accord de Paris, souffre de deux limites. Premièrement, depuis l’accord de Paris, le GIEC a rendu le rapport SR15 ; cet accord n’est plus suffisant, d’après ce que conseille la science aujourd’hui, ce qui ne signifie pas qu’il faille le remettre en cause – ce ne serait déjà pas mal de l’appliquer. Deuxièmement, cette définition risque de rouvrir la polémique que vous avez évoquée, Monsieur le ministre d’État, dans la mesure où elle inclut les émissions négatives.

Qu’en disent les scientifiques ? Pour Mme Valérie Masson-Delmotte, le recours à des émissions négatives ne repose, pour l’instant, que sur des scénarios théoriques avec des interrogations majeures en termes de faisabilité et de risques. Selon elle, il n’est pas possible d’attendre sans rien faire, au motif que nous saurions extraire du CO2 de l’atmosphère ; au contraire, il faut agir plus vite pour faire baisser les émissions. M. Hervé Le Treut, dans La Pensée écologique, dénonce l’imaginaire dangereux et malsain d’une toute-puissance de la technique qui pourrait nous faire croire qu’il y aurait une solution pour atteindre la neutralité carbone par la technologique. Or votre définition ne ferme la porte ni à la géo‑ingénierie, ni aux émissions négatives. En conséquence, je ne pourrai pas la voter.

M. Julien Aubert. Même si je n’ai pas en tête toutes les définitions données par les uns et autres, je vois plusieurs différences entre ces quatre amendements. Quand le rapporteur parle d’absorption anthropique, cela signifie que les forêts et les prairies, qui existent à l’état naturel, ne devraient pas être comptabilisées. En revanche, l’amendement de M. Adam semble laisser une place aux absorptions naturelles, tout comme celui de Mme Panot. L’amendement de Mme de La Raudière ne concerne, quant à lui, que les activités humaines. Quand on parle d’absorption, parle‑t‑on d’une absorption sur laquelle nous pouvons avoir une action ou non ? Mme Panot mentionne les forêts et les prairies, mais oublie un puits de carbone très important pour la France : nos océans. Alors que la France possède plus de 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, considérer que notre espace maritime absorbe des émissions de CO2 a tout de même une incidence.

Par ailleurs, il faut être très clair sur le sujet des importations. À quoi bon nous gargariser de la baisse des émissions de CO2 si les Chinois polluent pour nous ? Notre objectif final n’est pas d’être les premiers, mais que la planète se porte mieux. C’est pourquoi on devrait inclure les émissions de CO2 produites par les activités étrangères importées ou par des Français à l’étranger. Or ce sujet est souvent mis de côté. En région Provence‑Alpes‑Côte d’Azur, nous avons constaté des progrès en matière d’énergie. En réalité, ce sont des effets de la désindustrialisation qui ne relèvent pas d’un véritable effort.

M. Damien Adam. Monsieur le rapporteur, quel amendement concerne la question des importations ? J’aimerais pouvoir l’examiner, pour savoir si je ferais bien ou non de retirer mon amendement.

M. Anthony Cellier, rapporteur. C’est l’amendement CE646.

Monsieur Aubert, l’anthropisme se réfère en effet aux actions de l’homme. La nature se débrouille très bien sans nous et trouve son juste équilibre. Ce à quoi nous devons veiller, c’est à l’impact de nos activités en matière d’émissions de gaz à effet de serre. La forêt a une capacité d’absorption, qui est plus importante, lorsqu’elle est gérée par l’homme.

Mme Delphine Batho. Cela dépend des pratiques forestières !

M. Anthony Cellier, rapporteur. Les agriculteurs, en cultivant leurs champs, contribuent à capter le carbone. Toutes les actions de l’homme en matière d’émissions sont assumées par l’homme en matière d’absorption.

M. Julien Aubert. Autrement dit, si je suis éleveur, le méthane émis par les vaches est‑il pris en compte ?

M. Anthony Cellier, rapporteur. Le méthane émis par les vaches, du fait de l’élevage, qui est bien une action humaine, est comptabilisé dans les émissions anthropiques. Quant aux océans, une convention mondiale les exclut des puits de carbone. On peut en débattre, mais la chose fait consensus.

M. le président Roland Lescure. Heureusement !

Mme Laure de La Raudière. Je retire mon amendement CE145. Mais j’aimerais savoir, Monsieur le ministre d’État, où en sont les autres pays, dans l’inscription dans leur loi de la définition de la neutralité carbone. Cette comparaison pourrait éclairer nos débats.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Nous n’osons pas le dire, parce que nous avons tendance, en France, à penser que l’herbe est toujours plus verte ailleurs et que la lutte pour le climat est plus forte dans les autres pays. En l’occurrence, nous sommes le premier pays européen à inscrire une définition de la neutralité carbone dans la loi. Nous n’en tirons pas de gloire particulière pour autant ; nous échangeons beaucoup avec d’autres pays pour qu’ils fassent pareil.

M. Damien Adam. Même si j’aurais besoin de pousser un peu mon analyse de l’amendement CE646, je retire le mien, en vous proposant de lever ce lièvre des produits importés, d’ici à la séance, si possible de manière collective et transpartisane.

Les amendements CE145 et CE519 sont retirés.

La commission adopte lamendement CE645.

En conséquence, lamendement CE368 tombe.

La commission passe à lexamen de lamendement CE369 de M. Loïc Prudhomme.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante : « Seuls les puits de carbone naturels, et non les solutions technologiques et industrielles de capture des émissions des gaz à effet de serre, sont pris en compte dans les scénarios visant l’atteinte de la neutralité carbone. » C’est un repli de repli…

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement.

Puis elle étudie, en discussion commune, les amendements CE596 de M. JeanCharles ColasRoy, lamendement CE242 de Mme Laure de La Raudière, les amendements identiques CE415 de Mme Stéphanie Do et CE418 de M. Hubert Wulfranc, et lamendement CE365 de M. Loïc Prudhomme.

M. Jean-Charles Colas-Roy. La programmation pluriannuelle de l’énergie et la loi fixent des objectifs de long terme de réduction des consommations énergétiques finales. Mon amendement CE596 vise à fixer des jalons à court et moyen termes : moins 7 % en 2023, par rapport à 2012 ; moins 17 % en 2028, pour atteindre la réduction de 20 % en 2030 fixée par la loi. Je le considère comme un amendement d’appel, dans la mesure où plus que les objectifs, ce sont les moyens et les dispositifs mis en œuvre pour les atteindre qui comptent. Les avancées proposées en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, les propositions présentées par le rapporteur, les initiatives de certains collègues de tous bords et le volontarisme et les mesures du Gouvernement sont de nature à me rassurer.

Je souhaiterais également rappeler à Mme Delphine Batho, qui a mentionné la place du pétrole et des énergies fossiles en France, quelques mesures, au cas où elle les aurait oubliées : la prime à la conversion a concerné 300 000 véhicules en 2018 et devrait en concerner 400 000 en 2019 ; dans la loi d’orientation des mobilités, que nous venons de voter, la fin de la vente des véhicules à moteur utilisant des énergies fossiles en 2040 ; le grand plan d’éradication des chaudières au fioul avec des primes à la conversion. Je suis sûr que Mme Batho finira par applaudir des deux mains notre politique et nos actions concrètes et nous encouragera à aller plus loin, ce que nous allons faire dans cette loi, en particulier pour ce qui est de la rénovation des bâtiments et de la fermeture des centrales à charbon.

Mme Delphine Batho. Si l’on m’interpelle, je vais devoir répondre…

Mme Laure de La Raudière. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 a fixé un objectif de réduction de la consommation énergétique de 20 % en 2030. Nous n’en avons pas encore pris le chemin, même si cela ne signifie pas que nous n’atteindrons pas l’objectif. Afin de mieux appréhender cet objectif, qui est lointain, je propose, par l’amendement CE242, de fixer des objectifs intermédiaires pour 2023 et 2028.

Mme Stéphanie Do. L’amendement CE415 est un amendement d’appel qui vise à renforcer notre ambition de réduction des consommations énergétiques finales à 30 %, en s’inscrivant dans la même démarche que la révision des objectifs entreprise par l’article 1er.

M. Hubert Wulfranc. L’amendement CE418 est défendu.

Mme Mathilde Panot. L’amendement CE365 également.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je suggère à mes collègues de retirer leurs amendements. La montée en puissance des objectifs ne se fait pas de manière linéaire, puisqu’elle est proportionnée à nos actions. Au fur et à mesure que les lois sont adoptées, cela a un effet sur l’atteinte des objectifs. Fixer trop d’objectifs intermédiaires risque de brouiller le message. Je préfère que nous maintenions l’objectif des 20 % à l’horizon de 2030.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Entre les amendements qui veulent aller plus loin et ceux qui voudraient aller moins vite, il me semble que nous devons conserver la trajectoire prévue. Comme disait un ancien Premier ministre, la route est droite, mais la pente est forte… Quant aux objectifs intermédiaires, ils risquent de rigidifier le processus, sans apporter grand-chose. Ce qui compte, c’est l’objectif, la trajectoire qui y mène et les moyens mobilisés à cette fin.

Les chiffres inscrits dans la loi ne servent pas à faire de l’affichage. Vous savez sans doute que des personnes n’hésiteront pas à attaquer l’État au prétexte que les objectifs qu’il s’était fixés ne sont pas atteints et qu’il n’a pas mis suffisamment de moyens pour ce faire. Cette façon de concevoir l’action politique ne me semble pas bonne : ce n’est pas dans les tribunaux que l’on réduira les émissions de gaz à effet de serre. Mais le législateur doit avoir conscience qu’il prête le flanc à ce type d’attaques en multipliant des objectifs chiffrés ambitieux alors que le but est de définir des trajectoires. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Les amendements proposés par M. Jean‑Charles Colas‑Roy et Laure de La Raudière me paraissent intelligents. Fixer un jalon en 2023 – à trois ans, vous avez un objectif, à dix ans, un horizon –, offre une visibilité à votre majorité et vous laisse la main sur les moyens. Trop souvent, dans les lois de programmation, on fixe un objectif très ambitieux, en laissant généralement la charge aux successeurs,…

M. Thibault Bazin. Comme dans la loi de programmation militaire !

M. Julien Aubert. Tout à fait !

… de telle sorte que l’effet falaise intervient après les élections. Un objectif de 9 % en 2023 permettrait de poursuivre les efforts, quitte à inscrire une clause de revoyure, et surtout de vous engager, dans la mesure où vous disposez d’un vrai pouvoir d’action jusqu’à 2022. Il n’est pas inatteignable, mais il suppose de mettre les moyens, pour peu que vous soyez sincères et que vous souhaitiez réellement réduire de 20 % les émissions en 2030.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Monsieur le ministre, vous avez raison, la route est droite, mais la pente est raide : plus que les objectifs, ce sont les moyens et les dispositifs mis en œuvre qui comptent. En outre, la feuille de route que constitue la PPE est révisée tous les cinq ans. Je vais donc retirer mon amendement.

Lamendement CE596 est retiré.

Mme Delphine Batho. C’est dommage, je m’apprêtais à le soutenir !

M. le président Roland Lescure. Vous pouvez vous abstenir. Nous examinons vingt-six amendements par heure. À ce rythme, nous serons encore là samedi…

Mme Delphine Batho. J’invite notre collègue à un peu d’humilité, en vous rappelant que la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV), avait revu à la baisse l’objectif de réduction de la consommation d’énergie.

Mme Célia de Lavergne. Le ministre d’État l’a dit, il est de notre responsabilité de parlementaires d’être sincères dans la loi. En nous montrant trop ambitieux ou insincères, sans trajectoire bien définie, nous prenons le risque de mettre en difficulté non pas un Gouvernement, mais l’État en multipliant les motifs de contentieux ou de recours juridiques. Essayons d’être ambitieux, mais sincères. Tel est bien l’objectif de ce projet de loi.

S’agissant des objectifs intermédiaires, mon collègue Colas-Roy l’a dit, la PPE est le bon vecteur. Nous souhaitons que certaines de ses dispositions basculent dans la loi – ce sera l’objet d’un des amendements du rapporteur. Ce sera un bon moyen de « cranter » des objectifs intermédiaires.

Lamendement CE415 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CE242, CE418 et CE365.

Puis elle examine lamendement CE9 de M. Vincent Rolland.

M. Jean-Marie Sermier. L’amendement CE9 propose de passer l’objectif de réduction de la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 40 à 50 % en 2030.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Nous en avons déjà discuté : nous devons nous fixer des objectifs ambitieux, mais réalistes. Avis défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. M. Sermier n’a pas l’air convaincu lui-même. J’aurai donc le même avis, négatif !

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE458 de M. Bruno Duvergé.

M. Bruno Duvergé. Mon amendement vise à s’assurer que l’objectif de consommation d’énergies renouvelables (ENR) dans la consommation finale d’énergie sera bien respecté dans la PPE.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Votre demande est satisfaite : l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables en 2030 est un minimum ; il n’est pas nécessaire de le préciser. Sinon il faudrait le préciser pour tous nos objectifs de politique climatique et énergétique. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission passe à la discussion commune des amendements CE159 de M. Matthieu Orphelin et CE492 de M. Jean-Marc Zulesi.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement CE159 vise à développer les énergies renouvelables citoyennes. Il s’agit de projets collectifs dans lesquels les citoyens, les agriculteurs peuvent investir. Nous devons faciliter l’investissement collectif des citoyens et des agriculteurs dans les énergies renouvelables, bien plus intéressantes que des produits financiers dont on ne sait pas à quoi ils servent.

La France est sur ce point en retard par rapport à l’Allemagne, à l’Écosse ou aux Pays-Bas par exemple. Mon amendement prévoit de l’inscrire comme objectif dans la loi, sans préciser de pourcentage – cette version plus ambitieuse fera l’objet de l’amendement CE157, à venir.

M. Jean-Marc Zulesi. L’amendement CE492 est issu d’une proposition des citoyens de Velaux, qui ont mis en place une centrale hydroélectrique citoyenne. Il vise à fixer un objectif clair de politique énergétique en matière de production d’énergies renouvelables, afin de permettre le développement des initiatives des citoyens, mais aussi des acteurs des territoires. Il porte à 5 % en 2030 la part de la consommation d’énergies renouvelables produites par nos concitoyens et nos territoires.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Monsieur Orphelin, je partage votre intérêt pour les projets d’énergies citoyennes. C’est pourquoi je compte déposer pour la séance des amendements relatifs à l’autoconsommation et aux communautés énergétiques citoyennes, telles que définies par les directives dont nous envisageons la transposition à l’article 6 du présent projet de loi. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.

Monsieur Zulesi, votre amendement arrive un peu prématurément, car la notion de « communautés d’énergie renouvelable » n’est pas définie en droit français. Je travaille également à un amendement pour la séance. Je vous suggère de le retirer.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Je partage l’analyse du rapporteur et vous propose aussi un retrait. Il existe déjà des projets participatifs : ils peuvent se développer et ont toute leur place. Indiquer un objectif chiffré dans la loi n’apporterait rien, sinon un facteur de risque ; ou alors, cela supposerait de passer des appels d’offres spécifiques, et s’ils n’étaient pas atteints, nous nous retrouverions avec un trou dans nos objectifs. Ce serait donc contre-productif.

M. Matthieu Orphelin. C’est bien la raison pour laquelle l’amendement CE159 ne prévoit pas d’objectifs chiffrés. Je le maintiens, car la France ne peut plus se permettre tant de retard sur les énergies renouvelables citoyennes.

M. Jean-Marc Zulesi. Je retire l’amendement CE492 puisque le rapporteur s’est engagé à définir les communautés d’énergie renouvelable.

Lamendement CE492 est retiré.

La commission rejette lamendement CE159.

Elle examine lamendement CE370 de M. François Ruffin.

Mme Mathilde Panot. Certains collègues nous répètent qu’il ne faut pas fixer des objectifs trop ambitieux ou insincères dans la loi. Mais, au moment de déclarer l’état d’urgence écologique et climatique – le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indique qu’il ne reste que douze ans pour agir –, nous devons rompre avec l’actuel modèle économique. C’est pourquoi nous proposons un objectif clair et ambitieux : 100 % d’énergies renouvelables en 2050. Ce n’est pas une lubie de La France insoumise, mais un scénario inspiré de travaux d’experts, notamment le scénario Négawatt.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Parlez-vous de la part d’ENR dans le mix électrique ou dans le mix énergétique ? Parlez-vous de consommation ou de production ? Vous avez raison, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a publié des scénarios avec 100 % du mix électrique renouvelable et 100 % de gaz renouvelables en 2050. Cependant, comme l’ADEME l’indique, ces scénarios comportent de nombreuses incertitudes. Je suis défavorable à votre amendement.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Il ne faut pas confondre deux échéances : la première, la neutralité carbone, est prévue pour 2050. Je ne suis pas un pro-nucléaire mais, en l’occurrence, je ne comprends pas le lien que vous faites entre urgence climatique et sortie du nucléaire : l’énergie nucléaire a bien des inconvénients en termes de coût, de déchets et de sûreté, mais aucun impact, c’est un fait, sur l’effet de serre. La seconde échéance, pour laquelle nous avons arrêté des cibles chiffrées et les moyens d’y parvenir par le biais d’appel d’offres, nous amène à l’horizon 2035 pour ce qui est du mix électrique. Sans oublier la programmation pluriannuelle de l’énergie sur dix ans à partir de son adoption – soit 2029.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement CE333 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. La France s’est fixé l’objectif ambitieux de parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050. Il est important d’inscrire dans la loi les objectifs chiffrés établis dans la PPE : 38 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie en 2035 et 45 % de l’électricité, 48 % de la consommation finale de chaleur, 30 % de la consommation finale de carbone et 20 % de la consommation finale de gaz issus d’énergies renouvelables.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable. Nous plaidons pour des objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables sur la durée de la PPE – et bien sûr après. Madame Battistel, vous le savez et vous l’avez entendu ce soir, beaucoup de gens trouvent déjà que c’est trop – et pas uniquement sur le principe…

Ainsi, l’éolien terrestre est contesté, mais aussi l’éolien en mer : alors que les installations sont à plus de dix kilomètres des côtes, le Conseil d’État a reconnu l’intérêt à agir des associations de résidents du littoral – même si l’affaire a été rejetée sur le fond. De même, certains sont opposés au gaz renouvelable et mènent des campagnes contre les méthaniseurs. Alors que l’on cherche à la développer, un grand quotidien, pourtant sérieux, a fait sa une sur la crise de la filière de méthanisation, à partir d’un unique incident survenu chez un méthaniseur… D’autres remettent en cause le solaire photovoltaïque, en glosant sur les panneaux solaires chinois et en oubliant la valeur ajoutée apportée en France. Sans oublier la protection du patrimoine, très stricte dans notre pays. Ainsi, à Nantes, on a refusé aux propriétaires d’une maison l’autorisation de poser des panneaux solaires au motif ils étaient à moins de 500 mètres d’une église protégée. L’église n’était pas visible depuis la maison, et la maison ne l’était pas plus depuis l’église, mais on le leur a tout de même interdit ! Les exemples sont légion. D’autres enfin dénoncent la filière bois énergie qui pillerait nos forêts ; pour certains, couper un arbre est un crime. Ils considèrent qu’exploiter la forêt est mauvais pour l’environnement…

Je vous invite donc à vous mobiliser, ici et maintenant. Nous travaillons pour les dix prochaines années. Nous le savons, les appels d’offres que nous lançons aboutiront pour certains dans plus de cinq ans, du seul fait des différentes procédures. Contrairement à ce que disent certains, le développement des énergies renouvelables est très encadré en France.

Se fixer les objectifs pour 2030 ou 2035, sans études d’impact sur cette période, revient à une forme de fuite en avant. Dans cinq ans, le cas échéant, le Gouvernement pourra réviser de la PPE pour les dix ans suivants. Nous ne repoussons pas les problèmes à plus tard ; nous nous concentrons simplement sur le présent.

M. Julien Aubert. Nous buvons vos paroles…

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine les amendements identiques CE82 de M. Vincent Descoeur, CE239 de Mme Laure de La Raudière et CE525 de M. Jean-Louis Thiériot.

M. Jean-Marie Sermier. L’amendement CE82 est défendu.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le ministre d’État, l’article 1er évoque tout de même le nucléaire puisqu’il reporte la réduction de sa part dans le mix énergétique à 50 % de 2025 à 2035. Nous pouvons donc aborder d’autres composantes de ce mix. L’amendement CE239 vise à porter la part de gaz renouvelable à 20 % de la consommation finale de gaz en 2035. Il faut soutenir la filière gaz renouvelable française. Nous disposons déjà des infrastructures de stockage et il serait préférable de stocker du gaz renouvelable plutôt qu’un gaz issu d’énergies fossiles.

M. Thibault Bazin. Les différents objectifs énergétiques ne sont pas cohérents. Le présent projet de loi modifie la loi de 2015 précitée – qui n’était déjà pas cohérente – et, de surcroît, il ne modifie pas tous ses aspects. Nous poursuivons dans l’erreur…

Les dispositifs français de stockage de gaz sont une vraie force si nous souhaitons conserver une forme de souveraineté énergétique. Nous souhaitons donc augmenter l’objectif à 20 % ; c’est le sens de l’excellent amendement CE525 de mon collègue Thiériot.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. L’objectif de gaz renouvelable dans la consommation finale de gaz en France est déjà fixé à 10 % en 2030 par la loi relative à la transition énergétique. Il est repris dans la programmation pluriannuelle de l’énergie. Je vous rappelle que nous sommes actuellement à 1 %. Passer à 10 % en dix ans suppose un effort considérable de déploiement sur le territoire. C’est également un effort financier : le gaz renouvelable a beaucoup de qualités, mais il a un défaut – il est quatre à cinq fois plus cher à sa sortie de méthanisation que le gaz importé, qui a, lui, l’inconvénient d’être fossile.

Nous avons demandé aux industriels de faire des efforts sur les coûts. Les discussions sont en cours car ils ne peuvent aller aussi loin que nous le souhaiterions. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Ou bien nous devrons subventionner le gaz renouvelable – c’est déjà le cas actuellement – et il nous faut une ressource : auparavant, la taxe carbone soutenait directement les énergies renouvelables ; ou bien nous devrons jouer sur prix du gaz. Ou alors, troisième solution, il faudra imposer une taxe carbone de l’ordre de 200 euros la tonne sur le gaz fossile pour que le gaz renouvelable devienne compétitif par rapport au gaz fossile importé. Elle est actuellement à 45,50 euros et vous avez vu les réactions que cela a provoquées de la fin de l’année dernière…

L’effort pour passer de 1 à 10 % en dix ans est donc déjà important – je pèse mes mots. Nous voulons y arriver ; cela demande une très forte mobilisation, payée à 100 % par le budget de la transition énergétique. Pourtant, c’est un revenu complémentaire pour les agriculteurs. On pourrait donc imaginer que la politique agricole commune le finance, par exemple, mais ce n’est pas le cas.

Entre 2030 et 2035, vos amendements souhaitent faire passer l’objectif de 10 à 20 %, soit un doublement en cinq ans ! Nous partageons votre volontarisme. Je sais aussi que la filière gaz et gaz renouvelable s’est beaucoup mobilisée. C’est très bien : je préfère qu’on se mobilise pour les énergies renouvelables. Mais il faut tout de même garder les pieds sur le plancher des vaches, c’est le cas de le dire… En outre, cela reviendrait à inscrire dans la loi la prochaine programmation pluriannuelle, sans mettre en face les recettes qui financeraient les subventions. Mon avis sera donc défavorable.

M. Julien Aubert. Maintenant que j’ai l’oreille du ministre, je vais en profiter : je ne comprends pas pourquoi nous n’appliquons pas la même méthodologie à toutes les énergies. Il y a quinze jours, j’ai rendu un rapport dans le cadre de la préparation de l’examen du projet de loi de règlement du budget 2018 qui fait un point sur le soutien financier apporté par l’État aux éoliennes : 70 à 90 milliards d’euros vont être dépensés pour remplir les objectifs fixés par la PPE en matière d’éolien. La question n’est pas seulement celle du coût, c’est aussi celle de l’efficacité de la dépense. Si l’on souhaitait réellement comparer biogaz et autres énergies, il faudrait partir du coût de la tonne de CO2 évitée. Le gaz a un autre intérêt : toute importation d’énergie fossile, c’est autant d’économies en moins sur le plan national. Ce qui n’est pas le cas quand vous substituez du nucléaire à une éolienne ou à du photovoltaïque.

Le vrai sujet étant la décarbonation – la réduction de la part des énergies fossiles –, cessons de débattre uniquement de l’électricité. C’est pourquoi ces amendements sont intéressants.

Je suis d’accord, Monsieur le ministre, quand vous dites que la pente est brutale. Mais nous nous fixons parfois des objectifs complètement irréalisables. Commençons par discuter sereinement du coût et de l’économie en termes d’émission de CO2 avant d’arrêter une allocation rationnelle des moyens. S’il est démontré qu’un milliard dépensé dans l’éolien est meilleur pour la France qu’un milliard dépensé dans le biogaz, soit, mais adoptons une approche rationnelle et en utilisant les mêmes paramètres pour toutes les énergies !

M. Dominique Potier. Je suis peu intervenu jusqu’à présent car mes amendements, qui visaient à alerter sur les conséquences foncières, ont été peu pris en compte. Mais s’agissant de méthanisation, je vous inviterai à une certaine prudence. Il y a peu de temps, j’ai posé une question écrite au ministre de l’écologie et au ministre de l’agriculture au sujet de certaines de ses dérives, contre-productives – y compris en termes de bilan carbone. Nous devons être très attentifs à ses effets sur le foncier, l’élevage et l’équilibre des écosystèmes territoriaux. Il faut redéfinir une doctrine.

Je suis d’accord avec le ministre : il n’est pas une énergie renouvelable qui ne fasse l’objet de controverses. Nous devons absolument les purger et nous fixer une ligne d’équilibre afin que leur développement ne soit pas contre-productif pour l’agriculture ou en termes de bilans de fabrication. Il faut vérifier que le gaz produit n’a pas d’effets destructeurs et réaliser un bilan écologique global.

La commission rejette les amendements.

Elle se saisit alors, en discussion commune, des amendements CE77 de M. Vincent Descoeur et des amendements CE152 et CE153 de M. Matthieu Orphelin.

M. Jean-Marie Sermier. L’amendement CE77 concerne à nouveau le développement de la filière méthanisation. Monsieur le ministre d’État, vous nous avez expliqué que le coût était important ; c’est vrai. Mais il est également vrai que nous n’avons pas la même stratégie que nos amis allemands – ils ont développé des unités différentes.

Vous nous le confirmerez, mais la filière ne s’est-elle pas engagée à baisser ses coûts de 2 à 3 % par an ? C’est déjà un effort significatif. Il conviendrait également d’évoquer toutes les externalités, positives et négatives, des différentes énergies. Tout le monde connaît les externalités négatives de l’éolien – atteinte aux paysages, ondes, etc. À l’inverse, la méthanisation peut se prévaloir d’externalités positives. Elle apporte une aide évidente au maintien de l’agriculture. Vous nous dites qu’elle est financée par votre budget. Mais le ministre de l’agriculture pourrait peut-être faire reconnaître cet apport dans le cadre du deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC) ? Sans oublier les effets bénéfiques sur la qualité des intrants, ce qui permet ensuite de réduire l’apport d’engrais dans les cultures. Tout cela va dans le sens d’une agriculture plus propre.

Enfin, les externalités sont aussi positives en termes d’aménagement du territoire : la méthanisation crée des emplois sans des zones souvent en difficulté et fragiles. C’est pourquoi l’amendement CE77 de notre collègue Descoeur est particulièrement pertinent.

M. Matthieu Orphelin. Les amendements CE152 et CE153 visent à ouvrir le débat sur les deux filières d’énergies renouvelables pour lesquelles la programmation pluriannuelle de l’énergie aurait pu aller plus loin. L’amendement CE152 concerne la méthanisation agricole et le biogaz. Mes collègues l’ont expliqué : cette filière peut se prévaloir d’importants atouts. Bien encadrée, elle pourrait être développée, au service de notre savoir-faire agricole et de notre savoir-faire en matière d’économie circulaire.

L’amendement CE153 concerne la filière des énergies marines renouvelables. Je serai heureux de le retirer. En effet, avec cent vingt parlementaires de tous les groupes politiques, nous avions sollicité le Gouvernement pour qu’il rehausse les objectifs de biogaz-méthanisation et ceux des énergies marines. Nous sommes heureux que l’objectif ait été porté de 0,5 à 1 gigawatt par an pour les secondes. J’espère que nous serons un jour pareillement entendus pour ce qui est de la filière méthanisation et biogaz en France.

Lamendement CE153 est retiré.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je suis défavorable à tous les amendements. La loi prévoit déjà une augmentation très importante de la part des ENR dans notre mix. Ces amendements ont l’inconvénient de citer nommément des filières.

Monsieur Orphelin, concernant les énergies marines, je rejoins votre enthousiasme, d’autant que le Gouvernement a fait des annonces la semaine dernière. M. le ministre d’État va peut-être nous en parler.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur Sermier, nous partageons les objectifs de votre amendement. Il faut coupler développement agricole et diversification des activités et des sources de revenus – méthanisation, installations photovoltaïques sur toitures, agroforesterie. Vous prêchez un convaincu : n’inventons pas des divergences qui n’ont pas lieu d’être.

M. Rémi Delatte. Il ne faut pas seulement être croyant, mais pratiquant !

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Ces amendements d’appel n’ont pas leur place dans la loi. Le projet de loi prévoit des outils concrets. Il n’est pas là pour l’affichage, pour servir de petit livre avant les élections ou de tract électoral. À côté de la loi, je le répète, il y a la déclinaison concrète des objectifs dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, avec un chiffrage systématique de ce que cela suppose en termes de soutien public.

Concernant les énergies marines et le biogaz, Monsieur Orphelin, je l’ai déjà dit et je le redis, nous étions prêts à réajuster la programmation pluriannuelle de l’énergie. Les discussions se poursuivent avec la filière biogaz sur la réduction des coûts – et avec les réserves rappelées avec justesse par M. Potier. Pour ce qui est de l’éolien offshore, je vous renvoie à ce que le Premier ministre a indiqué dans sa déclaration de politique générale et à mon discours à Saint-Nazaire, vendredi dernier. Nous avons annoncé de nouveaux appels d’offres, des cibles plus importantes, de l’éolien offshore posé et flottant – ce n’est pas l’un ou l’autre, c’est l’un et l’autre. La filière se développe comme filière de production d’électricité propre – sans CO2 ni autre impact sur l’environnement –, mais aussi comme filière industrielle. Je le défends : la politique énergétique est aussi une politique industrielle qui permet à la France de gagner des marchés, y compris à l’exportation.

En conséquence, ces amendements ne me paraissent pas nécessaires. Je vous demanderai de bien vouloir les retirer, sinon mon avis sera défavorable.

M. Matthieu Orphelin. Je salue la porte ouverte par M. le ministre d’État concernant la filière biogaz-méthanisation. Les discussions se poursuivent avec pour objectif un resserrement des coûts ; c’est une très bonne chose.

Lamendement CE152 est retiré.

Puis la commission rejette lamendement CE77.

Elle examine ensuite lamendement CE157 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Je l’ai évoqué tout à l’heure : il s’agit de soutenir les énergies renouvelables citoyennes, avec un objectif de 15 % d’ici à 2030.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je l’ai déjà dit, nous allons aborder ce sujet dans le cadre des ordonnances prévues à l’article 6. En outre, votre amendement précise que 40 % au moins du capital social des sociétés devrait être détenu par au moins vingt personnes physiques ou plusieurs agriculteurs. Lorsqu’on parle d’énergie citoyenne, les mieux à même de s’organiser sont les citoyens. Laissons ouvert le champ des possibles…

M. Julien Aubert. La maximisation des possibles !

M. Anthony Cellier, rapporteur. Comme vous dites, Monsieur Aubert. Avis défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. J’ajoute que le Gouvernement soutient déjà le développement des projets participatifs par l’octroi de bonus dans les appels d’offres : nous acceptons de surpayer légèrement les projets éoliens participatifs. Il n’est pas nécessaire d’en rajouter, d’autant que cet amendement est extrêmement complexe. Pratiquement aucun projet n’entrera dans un tel cadre en France.

M. Matthieu Orphelin. Ce sujet n’est pas neuf : souvenez-vous des débats sur l’énergie de 2012, de 2013, puis sur la loi relative à la transition énergétique, à l’origine de la bonification dans les appels d’offres. Nous étions alors très en retard. Nous le sommes moins, mais nous le sommes encore ! Nous devons nous fixer des objectifs, d’autant qu’il y a un levier d’investissement citoyen dans les énergies renouvelables. Je maintiens l’amendement, mais je veux bien le retravailler pour la séance.

M. Dominique Potier. L’expérience sur le territoire est féconde : les frais fixes – frais notariés des opérations, frais de constitution des sociétés d’économie mixte (SEM), y compris pour de petits projets – pourraient faire l’objet d’aménagements en projet de loi de finances. Une fois le sujet bien identifié dans la loi d’orientation, nous pourrions décliner dans le PLF des dispositions facilitatrices pour ne pas décourager les porteurs de projets par des mesures superfétatoires par rapport à l’objet prioritaire.

Je proposerai ultérieurement un label de « méthanisation verte » visant à consolider la filière dans ce qu’elle a de vertueux. Je suis persuadé que cette demande de rapport sera votée à l’unanimité et m’en réjouis par avance.

M. le président Roland Lescure. Celle-là, vous nous la refaites à chaque fois, monsieur Potier !

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE244 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je reviens sur le mix énergétique des énergies renouvelables électriques. Il ne faut pas modifier les grands équilibres, dites-vous, mais c’est pourtant ce que fait le projet de loi avec le report prévu pour le nucléaire. En conséquence, je souhaite fixer à 25 % la part de l’éolien terrestre dans la production d’électricité issue d’énergies renouvelables en 2035. Non seulement d’autres filières sont plus productives que l’éolien terrestre – l’éolien offshore, notamment flottant –, mais il n’existe a pas de filière de production d’éoliennes terrestres en France, alors que nous développons une technologie française dans le domaine de l’éolien flottant. C’est la même chose pour le photovoltaïque et les nouvelles technologies liées. À moyen et long termes, il faut orienter la PPE vers des sources d’énergies renouvelables pour lesquelles des filières de production sont développées en France, ce qui n’est pas le cas de l’éolien terrestre.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Si le projet de loi fixe désormais 2035 comme horizon pour la baisse à 50 % de la part du nucléaire, c’est simplement parce que l’objectif avait été fixé mais que rien n’avait été fait ! Ce n’était donc pas réalisable.

Sur votre amendement, mon avis sera défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. La part de l’éolien terrestre dans la production d’électricité issue d’énergies renouvelables est déjà supérieure à 25 %. Je comprends votre logique : vous voulez stopper l’éolien terrestre. Nous avons prévu une hausse des autres types d’énergies mais, soyons honnêtes, cela n’a rien à voir avec le fait de repousser l’échéance de 2025 à 2035 pour le nucléaire.

Bien sûr, vous avez parfaitement le droit de défendre l’arrêt de l’éolien terrestre, mais j’assume notre choix de la diversification et donc l’utilisation des différentes énergies renouvelables matures. Plutôt que de parier sur une rupture technologique qui, de surcroît, se développerait rapidement, nous préférons utiliser les différentes énergies renouvelables matures – le bon sens paysan coule peut-être un peu dans mes veines – et ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier : éolien terrestre, éolien offshore flottant et posé, solaire, solaire photovoltaïque sur toiture ou au sol, là où cela ne porte pas atteinte aux terres agricoles et aux espaces naturels sensibles, biogaz, filière bois énergie, etc.

Je ne suis pas favorable à l’arrêt d’une de ces filières.

M. Julien Aubert. J’ai mieux compris l’amendement de ma collègue que vous, Monsieur le ministre. Honnêtement, c’est un peu caricaturé… Dans la mesure où nous avons dépassé les 25 %, Mme Laure de La Raudière propose simplement de profiter du démantèlement des parcs construits il y a une dizaine d’années. Au lieu de faire du repowering, on pourrait très bien décider un retour à l’herbe ; cela ne nous empêcherait pas de conserver une part d’éolien terrestre. Vous semblez parfois considérer que, quand on s’attaque à l’éolien terrestre, on s’attaque à tout l’éolien ! Nous considérons que l’éolien terrestre pose de graves problèmes d’acceptabilité sociale et qu’il a un coût – déjà 9 milliards d’euros selon les chiffres que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) m’a fournis, sans compter la vingtaine de milliards à venir. Cet argent pourrait être investi dans des filières mieux acceptées.

En outre, la diversification ne doit pas concerner que l’électricité, mais toutes les sources, ce qui nous ramène au biogaz et à l’hydrogène. L’enveloppe actuelle est sans doute un maximum en termes d’acceptabilité fiscale – nous n’allons pas pouvoir doubler la facture d’électricité ou le prix à la pompe. Il faut donc réallouer en raisonnant rationnellement. 25 %, cela reste une part de lion dans un mix ! L’éolien terrestre devrait faire l’objet d’un vrai débat car il est dans une situation très particulière par rapport aux autres ENR.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le ministre d’État, vous avez vraiment caricaturé mes propos ! Nous partons de 25 % pour monter à 31 % puis redescendre à 25 %. Le repowering ne devrait pas être envisagé partout, notamment pas là où les éoliennes ne sont vraiment pas acceptées, ni là où elles détruisent des paysages. On pourrait alors investir dans des énergies renouvelables pour lesquelles on maîtrise des filières technologiques en France – ce qui permettrait de développer l’activité.

Il ne s’agit que d’un léger réajustement à l’horizon 2035, pour faire plus d’éolien offshore flottant – parce qu’on maîtrise la technologie – ou plus de photovoltaïque – on a les compétences à Grenoble –, plutôt que de continuer à importer des éoliennes d’Allemagne et du Danemark – elles ne créent que très marginalement des emplois en France.

M. Yves Daniel. Je profite de cet amendement pour vous sensibiliser aux nuisances sur la santé humaine et animale provoquées par les parcs éoliens. Vous ne serez pas surpris de mon intervention, Monsieur le ministre d’État : vous vous êtes engagé, et le ministère de l’environnement avec vous, à tenter de trouver des solutions et à reconnaître le travail des géobiologues et l’apport de la géobiologie dans la construction de parcs éoliens.

M. le président Roland Lescure. J’aimerais que les interventions se concentrent sur les amendements. Votre intervention a été entendue mais, à l’avenir, faites en sorte que les interventions soient directement liées aux amendements car si vous prenez tous des libertés, je vais être plus strict dans la tenue des débats.

M. Jean-Luc Lagleize. Je ne pense pas que nous réglerons le problème de la résistance au développement de l’éolien en déterminant un pourcentage à l’échelon national. Il faut agir sur le terrain au cas par cas. Nous savons que certains parcs sont acceptés ; mais ils deviennent inacceptables dès lors que la concentration d’éolienne est trop importante, c’est pourquoi il faut déterminer le seuil de tolérance.

Par ailleurs, il faut encore progresser dans le domaine des nuisances nocturnes causées par le clignotement des éoliennes. Il est encore possible de développer l’éolien, mais à condition de prendre en compte ce qui ne peut être toléré.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE367 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement propose de revenir sur le report de la réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique français de 2025 à 2035.

Je ne reviendrai pas sur le fait que nous considérons l’énergie nucléaire comme une technologie archaïque, qui fait prendre à la France un retard considérable dans le domaine des énergies renouvelables. Je ferai seulement remarquer au président de la commission et au ministre d’État que beaucoup de nos amendements ont été refusés, alors que certains d’entre eux, particulièrement importants, résultent des travaux de la commission d’enquête sur la sécurité du nucléaire.

Que l’on soit pour ou contre cette forme d’énergie, parler des conditions de travail inquiétantes des sous-traitants, qui effectuent 80 % de la maintenance, n’est pas vain. Il faut limiter le recours à la sous-traitance et établir une convention collective qui n’existe pas aujourd’hui.

C’est pourquoi j’insiste sur cette question qui est, et va, devenir de plus en plus urgente.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Vous n’êtes pas à une contradiction près, Madame Panot : en proposant de revenir à l’objectif de 2025, vous prenez la responsabilité de l’émission d’un volume considérable de gaz à effet de serre. Or cela va précisément à l’encontre de ce que nous avons précédemment décidé.

Avis défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Je rappelle que Réseau de transport d’électricité (RTE) est l’expert français dans le domaine des besoins en électricité ; il a démontré que, pour atteindre cet objectif en 2025, il faudrait construire des centrales à gaz, ce qui ne serait pas compatible avec la baisse des émissions de gaz à effet de serre.

Pour ces raisons l’avis est défavorable.

La commission rejette cet amendement.

La commission étudie lamendement CE111 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Julien Aubert. Cet amendement propose d’aborder la transition énergétique avec pragmatisme et méthode, loin des considérations idéologiques qui nous éloignent de nos objectifs environnementaux.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Avis défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Il me semble que nous avons déjà débattu cette question ; avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE371 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Mathilde Panot. J’ai bien compris la pente prise par ce texte, qui prévoit une prolongation massive du nucléaire à travers une stratégie industrielle – vous parliez à l’instant de RTE, Monsieur le ministre d’État – tournée vers l’export.

Cet amendement alerte sur le fait, qu’en 2035, 44 réacteurs seront encore en service et atteindront l’âge moyen de fonctionnement de 49,3 ans, et que 10 réacteurs dépasseront les 50 ans. Nous ne pouvons pas continuer à agir de manière aveugle en prolongeant ad vitam aeternam les centrales ; nous proposons donc de limiter leur durée de vie à 40 ans, je rappelle que les centrales étaient au départ construites pour durer 30 ans.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Même avis que précédemment : cela reviendrait à faire exactement l’inverse de ce que nous venons de décider, c’est-à-dire de ne pas aller dans le sens de la neutralité carbone puisqu’il faudrait avoir recours à des moyens thermiques extrêmement polluants. Défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. J’abonde dans le sens du rapporteur ; je veux bien qu’on remette en cause RTE, mais les chiffres sont publics et peuvent être confrontés. Quant à l’export, il représente environ 10 % par an, vous voyez donc bien que notre stratégie n’est absolument pas fondée sur l’export, mais sur l’équilibre entre l’offre et la demande. Pour ma part, je suis attaché à garantir aux Français, y compris lorsque je ne serai plus ministre, la sécurité d’approvisionnement en électricité.

La commission rejette cet amendement.

La commission examine lamendement CE146 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement propose tout simplement de viser le véritable objectif d’une loi visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cela ne consiste pas à fixer un objectif de part du nucléaire dans la production d’électricité : comme vous l’avez dit Monsieur le ministre d’État, lorsque l’on réduit cette part on n’agit pas sur les émissions de gaz à effet de serre.

Le problème est que l’on substitue à une énergie décarbonée une autre énergie décarbonée : le vrai sujet est donc celui de l’énergie fossile. Il ne faudrait d’ailleurs pas que, dans le mécanisme de transformation du nucléaire – si je laisse de côté les autres débats –, on développe des moyens thermiques pour permettre de résoudre le problème de la pointe.

Du coup, la solution est très simple : la part de production décarbonée doit atteindre plus de 95 % dans la production d’électricité. En d’autres termes, on se fixe comme objectif prioritaire la fin de l’électricité produite par des moyens thermiques, à quelques modulos près puisque des besoins peuvent demeurer à la marge. Il nous semble que cet objectif serait plus proche de ce que recherche ce projet de loi que le sujet des émissions de gaz à effet de serre.

M. Anthony Cellier, rapporteur. L’enjeu n’est pas seulement la décarbonation de notre électricité, vous avez raison : pour longtemps et aujourd’hui encore le nucléaire nous permet d’avoir une électricité décarbonée. Toutefois, le nucléaire pose des questions générationnelles, notamment celle de la gestion des déchets radioactifs ; c’est une des raisons pour laquelle nous devons diversifier les sources d’énergies décarbonées. Il ne vous aura pas échappé que ce projet de loi s’attaque à deux urgences : la première, climatique, consiste à influer et agir sur le carbone, la seconde est écologique, or écologie et déchets nucléaires ne sont pas forcément conciliables dans un horizon de temps très court. Avis défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Avis également défavorable. En l’occurrence, avec la diversification des modes de production d’électricité, on ne rajoute pas d’émission de CO2, et donc, à l’issue de la programmation pluriannuelle de l’énergie, avec les moyens qui seront développés, la part d’électricité décarbonée restera bien supérieure à 90 % comme aujourd’hui.

M. Julien Aubert. L’an dernier, du fait de l’indisponibilité de certaines centrales nucléaires, nos émissions de carbone ont augmenté. On oublie que nous sommes désormais dans un mix européen où le nucléaire joue le rôle d’énergie pilotable, ce qui permet d’ailleurs de compenser la surproduction de nos voisins. C’est donc un coussin extrêmement important pour garantir la stabilité du système électrique, il y a donc là un intérêt véritable.

Ensuite, on ne peut pas mettre sur le même plan le sujet des déchets radioactifs et la sauvegarde de la planète, avec une montée des océans, des dommages sur nos côtes, la disparition de certains ports et de certaines villes. À un moment donné, il faut faire un choix ; je peux comprendre que le sujet des déchets nucléaires soit un problème, personne ne le nie. Mais entre ce problème, pour lequel nous disposons de solutions techniques, et la solution au problème du réchauffement climatique, pour laquelle personne n’a la solution, il faut trancher. On ne doit pas allouer de moyens pour détruire de la production d’électricité.

La commission rejette lamendement.

Puis elle se saisit de lamendement CE112 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Julien Aubert. Cet amendement déposé par notre collègue Schellenberger, élu de Fessenheim, propose simplement de rétablir la part du nucléaire à 75 %. Vous aurez bien compris que c’est un amendement de repli puisque nous vous avons proposé un amendement de réconciliation visant à neutraliser la question des moyens pour se fixer sur l’objectif, qui était la décarbonation.

Il est évident que c’est un sujet important sur lequel, de mon point de vue, nous n’avons malheureusement pas eu un débat très équilibré en 2015 ; votre prédécesseure, Mme Royal, affirmait exactement l’inverse de ce que vous avancez aujourd’hui, Monsieur le ministre d’État. Elle avait alors expliqué que sortir du nucléaire était bon pour la planète ; depuis, les choses ont changé et je vois que vous tenez désormais un discours beaucoup plus proche de la réalité. Il faut aller au bout des choses et considérer que l’on s’est trompé de combat ; car des employés des bassins industriels sont concernés, et le député Schellenberger a raison de déposer un amendement qui évite de détruire un bassin d’emploi à Fessenheim ou ailleurs.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Ma position est très claire : le nucléaire constitue le socle de notre politique énergétique décidée il y a plus de quarante ans. Il faut faire de ce socle un pilier solide de notre politique énergétique de demain, sur laquelle viendra reposer le mix énergétique, donc les ENR. Et c’est l’ensemble de ce mix qui composera notre politique énergétique.

Revenir sur l’objectif de 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique fixé par la loi serait un renoncement, alors que je considère que c’est une belle trajectoire. C’est pourquoi mon avis est défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Avis défavorable : cet amendement mettrait à bas toute notre politique de diversification.

Vous n’aimez pas la diversification, autrement dit la possibilité de profiter de tous les atouts de la France, qui est un pays géographiquement et technologiquement diversifié. Je rappelle qu’il n’est pas vrai que les éoliennes installées en France sont importées d’Allemagne ou du Danemark ; nous avons en France des usines qui en produisent. Ce sont des filières industrielles, en plus d’être des moyens producteurs d’électricité qui n’émettent pas de CO2 et ne produisent pas de déchets radioactifs. Ces éoliennes sont démantelables à 100 % sans aucun impact sur le territoire ; parlez-en à M. Schellenberger, je crois qu’il est bien placé pour savoir que le démantèlement de la centrale de Fessenheim n’est pas une mince affaire, nous y travaillons d’ailleurs ensemble ; au-delà de ces amendements de pur affichage.

Par ailleurs, on cherche parfois la définition du conservatisme, nous l’avons ici : proposer des amendements pour écrire dans la loi que l’on ne change rien.

M. Julien Aubert. Le mot « conservateur » n’est pas une insulte à mes yeux.

Je ne partage pas votre conception de la diversification, Monsieur le ministre d’État : vous voulez diversifier l’électricité, nous Les Républicains, voulons diversifier en faisant reculer le fossile à nouveau. Je veux diversifier en aidant la filière hydrogène, celle des biocarburants et celle du biogaz. Il n’y a pas que l’électricité décarbonée de type photovoltaïque ou éolien ; c’est un premier point de différence.

Ensuite, Monsieur le rapporteur, vous avez dit que c’est un peu l’alpha et l’oméga, mais savez-vous où vient la part de 75 % à 50 %, à quel moment et d’où est venu ce chiffre ? Lors d’une campagne présidentielle, le candidat Hollande a regardé ce qui se faisait en Allemagne ; il a transposé le plan de réduction et l’a appliqué à la France. Cela n’a donc strictement aucune réalité industrielle, il n’y avait eu aucune étude d’impact, et il ne s’agit que d’un chiffre inventé à l’occasion d’une campagne politique. S’accrocher à ce chiffre comme si c’était l’alpha et l’oméga, alors que vous savez pertinemment qu’il n’a aucun impact sur les émissions de gaz à effet de serre, ne rime à rien.

Et on peut mettre de côté le débat sur l’éolien qui n’est pas le même sujet ; le sujet est de savoir s’il est intéressant de dépenser des milliards d’euros pour détruire quelque chose qui, par définition, nous aide dans la lutte contre le réchauffement climatique, alors qu’on se fixe justement des objectifs pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit tout simplement de cela ; ce n’est pas du conservatisme, mais du réalisme, monsieur le ministre d’État.

M. le président Roland Lescure. Le scoop de la soirée, c’est d’apprendre que M. Aubert faisait partie de l’équipe rapprochée de campagne de M. Hollande ! (Rires.)

M. Julien Aubert. Ouvrez le journal, tout ça est connu !

M. le président Roland Lescure. Je l’ignore, j’étais à 10 000 kilomètres de là !

La commission rejette cet amendement.

Elle en vient ensuite à lamendement CE163 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. J’ai entendu dire tout à l’heure que, si on ramenait la part du nucléaire à 50 % avant 2035, il faudrait obligatoirement retourner à des moyens de production d’électricité thermiques. Je voudrais m’inscrire en faux : cela a été dit avec tellement de conviction par différents intervenants tout à l’heure que je me suis mis à douter au point de reprendre les scénarios de RTE, notamment le scénario « Ampère », qui prévoit bien que la diminution de la part du nucléaire dans la production d’électricité s’effectue sans recours à de nouveaux moyens thermiques.

Dans ce scénario de RTE « Ampère », on parvient à descendre la part du nucléaire à 50 % en 2030 avec une baisse des émissions de CO2. L’objectif de 2025 était donc sans doute prématuré, mais certains des scénarios de RTE convergent vers 50 % de nucléaire autour de 2030 ; c’est le sens de cet amendement.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Vous oubliez d’autres paramètres : l’ouverture de la centrale de Landivisiau, la mise en place d’une nouvelle interconnexion entre la France et la Grande-Bretagne, entre la France et l’Italie, le développement suffisant des énergies renouvelables et la maîtrise de la consommation ; autant de variables qui influent sur le scénario. Avis défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE7 de M. Vincent Descoeur.

M. Jean-Marie Sermier. Cet amendement empreint d’un grand pragmatisme rappelle que la transition énergétique a pour objet de lutter contre le réchauffement du climat, donc de limiter les gaz à effet de serre, notamment le CO2. Pour ce faire, il faut trouver des solutions, mais on confond souvent les objectifs et les critères de mesure, la température et le thermomètre. C’est pourquoi il est important de dire très clairement que le délai de 2035 n’est possible que s’il est compatible avec les objectifs climatiques ; c’est une échéance que l’on se fixe afin d’atteindre les résultats de réduction de CO2, mais ce n’est pas un objectif en soi ; il est donc important de rappeler sa nécessaire compatibilité avec les objectifs climatiques.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je considère que cet amendement est satisfait, et vous invite à le retirer ; sinon l’avis sera défavorable.

Les scénarios de RTE indiquent bien que l’objectif de réduire la part du nucléaire à 50 % dans la production d’électricité doit être compatible avec les objectifs climatiques fixés par l’État. En effet, cette réduction sera bien compensée par une hausse de la production d’ENR ; les centrales à charbon seront quant à elles fermées à partir de 2022.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Ensuite, elle étudie lamendement CE373 de M. Loïc Prudhomme.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement demande l’abandon des projets EPR, qui, pour des champions du nucléaire, se traduisent par de retentissants échecs : des années de retard, des surcoûts exceptionnels, des problèmes de soudure, de cuve ; sans oublier que Bouygues a été condamné pour travail dissimulé.

En outre, je rappelle à notre collègue Aubert, qui, et je m’en réjouis, veut sortir des énergies fossiles, que l’énergie nucléaire est une énergie extrêmement peu résiliente au changement climatique, notamment du fait des besoins de refroidissement des réacteurs et des centrales. Le niveau du Rhône, par exemple, pourrait devenir à cet égard un sujet d’inquiétude.

M. Anthony Cellier, rapporteur. L’ensemble des personnes qui travaillent dans la filière nucléaire apprécieront votre vision de la qualité de leur travail… Pour ma part, je donnerai un avis défavorable à votre amendement.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Je crois, Madame Panot, tout le monde sait très bien que l’EPR est un sujet difficile. En revanche vous ne dites pas que celui qui a été construit en Chine fonctionne, que celui qui a été construit par Areva, et non pas par EDF, en Finlande a reçu l’autorisation, et va fonctionner ; reste celui de Flamanville en France.

Le choix est simple et clair ; cela ne saurait se réduire à un effet d’affichage au détour d’un amendement débattu à l’Assemblée. Un investissement très important a été réalisé, puisque les coûts ont en effet dérivé. Considérons-nous que cet investissement est définitivement perdu et que l’on ne cherche pas à faire en sorte que ce réacteur produise de l’électricité ? C’est tout de même sa raison d’être : ce n’est pas un réacteur expérimental, il a été fait pour produire de l’électricité de façon durable.

J’ai toujours été très prudent sur ce sujet : c’est l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui a fixé les conditions de fonctionnement de ce réacteur, c’est elle qui dira à quel moment celles-ci seront remplies, à quel moment il pourra produire de l’électricité, conformément à sa vocation. Il n’est pas question de gâcher cet investissement. La question de la suite se posera après ; nous avons dit les choses et ne nous en cachons pas, nous avons tracé la trajectoire. Mais le réacteur étant construit, faire comme si l’investissement était perdu n’aurait aucun sens à partir du moment où les conditions de sécurité seront garanties par l’autorisation de l’Autorité de sûreté nucléaire.

M. Julien Aubert. Je ne pense pas que l’on puisse exciper du fait que l’objectif de réduction des gaz à effet de serre ne sera pas atteint pour fermer les installations qui nous permettent d’y contribuer. En laissant accroire que la montée des eaux va gêner le nucléaire, Madame Panot, vous envoyez un très mauvais signal : à vous entendre, il faudrait recarboner l’économie par crainte des effets du réchauffement climatique…

Je me félicite par ailleurs de la réponse du ministre d’État ; je n’ai pas suivi seulement la campagne de M. François Hollande, j’ai aussi suivi celle de M. de Rugy pour les primaires, lorsqu’il défendait un objectif de 100 % d’énergies renouvelables en 2050, et qu’il militait pour une réduction drastique du nucléaire. J’observe que votre position a bien évolué, et je m’en félicite.

Mme Mathilde Panot. Je pense que M. Aubert avait compris, mais notre position est simple : ni énergie fossile, ni énergie nucléaire.

En revanche, serait-il possible d’obtenir des réponses un peu moins à la hache de la part du rapporteur ? Nous avions déposé des amendements extrêmement précis, préparés avec les associations, et portant notamment sur les visites décennales : ils ont tous été retoqués. Or je considère que l’on ne peut pas évacuer le problème de l’EPR en deux secondes, comme cela vient d’être fait : ce réacteur fait question, il faut bien l’admettre. Je pense qu’effectivement nous avons fait un très mauvais investissement, et qu’il serait extrêmement dangereux le lancer l’EPR, c’est la position que nous défendons, alors excusez-nous de l’exprimer.

M. le président Roland Lescure. Il n’y a pas de problème, Madame Panot, vous pouvez vous exprimer.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Le rapporteur et moi-même vous avons répondu. Notre réponse ne vous convient pas forcément, mais cela fait partie du débat démocratique. En l’occurrence, j’ai indiqué quelle était la position du Gouvernement.

Je vous remercie, Monsieur Aubert, d’avoir prêté attention aux propos que j’ai tenus à l’occasion des primaires, car j’avais pour ma part pris la peine de présenter un programme. J’ignore si vous êtes allé jusqu’à voter pour moi (Sourires), mais il se trouve que je suis un démocrate ; il ne vous a pas échappé que ça n’est pas moi qui ai été élu Président de la République.

J’ai soutenu un candidat qui a été élu, contrairement à celui que vous avez soutenu, et les Français ont choisi, ils ont tranché, et je mets en œuvre la politique pour laquelle j’ai été élu, moi aussi, puisqu’ensuite et je me suis présenté aux élections législatives ; j’ai été élu député avant d’être nommé ministre. C’est la cohérence logique ; la politique, Monsieur Aubert – je pensais que nous pourrions être d’accord sur ce point –, n’est jamais la volonté d’une seule personne. Je travaille sur la base de programmes qui ont rassemblé une majorité.

La commission rejette cet amendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE459 de M. Bruno Duvergé.

M. Bruno Duvergé. Cet amendement accompagne le report à 2035 de l’objectif de réduire à 50 % la part du nucléaire. Il vise à faire reconnaître que l’ensemble de nos centrales nucléaires et de nos barrages hydroélectriques constitue un système permettant de faire face à la variabilité de la totalité de la production des parcs éoliens et solaires.

Nous avons en France la chance d’avoir ces centrales nucléaires et ces barrages hydroélectriques ainsi que le réseau qui va avec. En comparaison, le Danemark, qui a beaucoup développé l’énergie éolienne, est contraint de donner son surplus d’électricité à la Norvège qui s’en sert pour faire remonter le niveau d’eau des barrages de ce pays ; ensuite, il doit lui racheter de l’électricité. L’Allemagne atteint souvent le niveau de 100 % d’énergie éolienne, mais il lui faut compter sur un réseau européen pour un jour équilibrer sa production.

La France a la chance de disposer d’un ensemble unique de centrales nucléaires et de barrages et notre réseau est en capacité de faire face à la variabilité de l’ensemble de la production des parcs éoliens et solaires. Il est très important de reconnaître ce système comme tel, parce que ce qu’il n’est pas fondé sur une source unique de production électrique, nucléaire ou hydraulique : c’est un ensemble cohérent qui permet de tout équilibrer.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je partage votre vision qui repose sur la complémentarité entre les différentes énergies ; vous l’avez très bien décrite, notamment à travers la fonction du réseau. Je ne pense pas pour autant qu’il soit opportun d’ajouter cette disposition purement déclarative au code de l’énergie ; je vous demanderai donc de retirer votre amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Je partage l’argumentation du rapporteur. J’ajoute d’ailleurs que l’équilibre du système électrique, que vous avez justement mis en avant, car il est rarement évoqué, est primordial ; pour l’instant, l’électricité est peu stockable, c’est un produit frais très périssable.

En l’occurrence cet équilibre est atteint par différents moyens, y compris par d’autres que ceux que vous mentionnez – je pense aux interconnexions. Nous-mêmes et nos voisins y avons tout intérêt ; je rappelle que c’est une politique européenne, les interconnexions sont d’ailleurs subventionnées ; c’est de l’investissement public européen. Par ailleurs, dans le domaine des flexibilités de la demande, on parle souvent de production pilotable. Or vous savez qu’une partie de la consommation, ce qui est également notre intérêt, peut être également pilotable. Nous travaillons avec RTE dans ce sens, notamment pour gérer les pointes.

M. le président Roland Lescure. Maintenez-vous votre amendement, Monsieur Duvergé ?

M. Bruno Duvergé. Je le maintiens parce que je considère que cela doit être inscrit dans la loi, car c’est une force de la France.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je soutiens cet amendement qui réaffirme le rôle majeur de l’hydroélectricité, qui, par sa capacité de stockage sa flexibilité et évidemment sa grande souplesse de pilotage, apporte beaucoup à l’équilibre de notre système électrique ainsi qu’à l’atteinte des objectifs que l’on se fixe dans ce projet de loi.

J’ajoute, Monsieur le ministre d’État, que nous sommes nombreux aujourd’hui à considérer que l’hydroélectricité ne doit pas relever du service marchand.

M. Julien Aubert. Je voudrais moi aussi soutenir cet amendement de M. Duverger, qui n’est pas seulement déclaratif : lorsque l’on dit que notre réseau est capable de faire face, cela signifie que le législateur souhaite que, dans les objectifs divers et variés que nous nous fixons, nous puissions disposer de cette capacité, d’un bloc susceptible de garantir la stabilité du système.

En cas de black-out, si par hasard les études de RTE s’avéraient un jour défaillantes ou si un problème inattendu survenait – ne croyez pas que ce soit de la caricature parce que j’aimerais qu’une simulation de quatre jours de froid, sans vent, soit organisée pour voir ce que ça donnerait –, ce seraient les barrages hydroélectriques qui permettraient de redémarrer le réseau. C’est seulement grâce à eux que nous rétablirions l’électricité dans le réseau français.

Ce qui sous-tend d’ailleurs la question, si l’on reconnaît le caractère stratégique des barrages, nous n’avons pas pu en débattre parce que les amendements ont été refusés, mais je considère que c’est une manière de l’introduire dans la discussion.

Le nucléaire joue un rôle un peu différent, car il aurait besoin de l’hydroélectricité en cas de black-out, mais il est effectivement le coussin qui permet aussi de s’adapter et d’équilibrer le système européen. C’est pourquoi, de ce point de vue, j’estime que cet amendement très intelligent mérite d’être soutenu.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Ce qu’a dit M. Duvergé est une chose, ce que greffent dessus Mme Battistel et M. Aubert en est une autre.

J’invite chacun à être précis. Si vous dites, Madame Battistel, que l’électricité produite par les barrages sort du secteur marchand, ce serait une petite révolution pour EDF : il faut conserver à l’esprit que la production d’électricité va sur un marché.

La question de M. Duvergé porte sur le fait de savoir comment on se donne les moyens de garantir l’équilibre entre l’offre et la demande. Et nous sommes tous d’accord, c’est ce que nous faisons en combinant le nucléaire, l’hydraulique, une part de thermique que nous voulons réduire progressivement à zéro, et les énergies renouvelables. Ce à quoi j’ai ajouté, M. Duvergé n’en disconviendra pas, les interconnexions avec nos voisins, que nous développons. Le rapporteur en a parlé, trois autres projets sont attendus : un avec la Grande‑Bretagne, un avec la péninsule ibérique et un avec l’Irlande. Ensuite vient le pilotage possible d’une partie de la consommation.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous sommes désolés, Monsieur le ministre d’État, d’élargir le sujet, mais comme l’ensemble de nos amendements portant sur l’hydroélectricité ont été refusés avant même de pouvoir être débattus dans cette commission, je pense qu’il est normal d’aborder le sujet, d’autant plus que le Premier ministre l’a évoqué dans son discours de politique générale et que vous-même avez promis une intervention, que vous ne souhaitez d’ailleurs pas faire dans le cadre de la commission. Ce qui explique que nous soyons nombreux à vouloir l’aborder ce soir.

M. le président Roland Lescure. Vous êtes nombreux à vouloir faire état de sujets qui ne sont pas en lien direct avec le texte ; en déclarant la non-recevabilité de ces amendements, je n’ai fait que mon travail. On peut donc essayer de rentrer par la fenêtre et de revenir sur tous les sujets déclarés hors champ, mais dans ce cas je serais désormais un peu plus strict sur les prises de parole…

Monsieur Duvergé, j’imagine que votre demande était un lien avec votre amendement.

M. Bruno Duvergé. Je suis d’accord avec vous, Monsieur le ministre d’État, sur l’effet d’offre et de demande, mais le problème n’est pas là. En arrière-plan, il y a aussi une adaptation technique, car cet emploi de l’hydroélectricité implique d’équiper les barrages de stations de transfert d’énergie par pompage et donc de les gérer en réseau avec plusieurs autres barrages en même temps.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE547 de Mme Typhanie Degois et CE165 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Typhanie Degois. L’article L. 100-4 du code de l’énergie, évoque les objectifs de la politique énergétique nationale et prévoit des normes « bâtiment basse consommation ». Or ces termes sont interprétés librement par les acteurs du bâtiment, ce qui est cause d’une application hétérogène des normes, souvent à la baisse.

La transition écologique ne peut se concevoir que si elle s’accompagne d’une solide performance énergétique. C’est pourquoi mon amendement CE547 propose de préciser cet objectif en exigeant un niveau de performance déterminé afin que l’application des normes soit plus homogène et tirée vers le haut.

M. Matthieu Orphelin. Mon amendement CE165 est défendu, Monsieur le président.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, toutefois vous ne définissez pas la notion de bâtiment performant, alors que la notion de « bâtiment basse consommation » est, elle, définie de manière très précise dans les textes réglementaires et répond à votre amendement. Pour ces raisons, mon avis est défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Avis défavorable également, je pense même que ces amendements sont satisfaits. Le niveau basse consommation se situe d’ailleurs clairement à un niveau très performant de consommation énergétique dans le logement.

M. Matthieu Orphelin. Je retire mon amendement.

Lamendement CE165 est retiré.

La commission rejette lamendement CE547.

La commission étudie lamendement CE419 de M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc. Cet amendement propose, dans le 7° de cet article, de substituer aux mots : « ou assimilées », les mots : « définies par décret ».

M. Anthony Cellier, rapporteur. Un décret ne me semble pas nécessaire ; ces normes sont déjà définies par voie réglementaire.

Avis défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Je le confirme. Demande de retrait ou avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission se saisit de lamendement CE211 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement vise à ramener l’objectif de transition énergétique du parc de logements de 2050 à 2035. En effet, l’objectif de rénovation thermique des logements à Paris est trop faible au regard des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, alors même que le résidentiel et le tertiaire représentent 45 % de la consommation énergétique.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Vous souhaitez que l’on dispose d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments seraient rénovés à l’horizon 2035, et non plus de 2050. Je ne pense malheureusement pas que cet objectif soit atteignable.

Il me semble que les travaux du Gouvernement sur la rénovation sont en cours, notamment sur les indicateurs pertinents permettant le suivi dans le temps des rénovations. Je laisserai le Gouvernement revenir sur ses travaux, pour ma part, je suis défavorable à cet amendement.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la députée, je lisais l’exposé des motifs et j’étais un peu étonné, car il me semble quelque peu contradictoire. Mais, s’agissant de l’objectif de mettre tout le parc de bâtiments et de logement existant à la norme « bâtiment basse consommation », non pas d’ici 2050, mais en quinze ans – et je pense que nous aurons l’occasion de revenir sur les sujets de rénovation –, évitons, là encore, de nous payer de mots et tâchons de tracer des trajectoires réalistes avec les moyens qui ne le soient pas moins.

La commission rejette cet amendement.

Puis elle est saisie de lamendement CE172 de Mme Laure de La Raudière.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Défavorable, car cet amendement est satisfait.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE636 de M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc. Il est défendu.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je partage entièrement avec vous la volonté d’impulser fortement la rénovation énergétique.

Néanmoins, je ne pense pas que l’objectif de rythme annuel de rénovation ait sa place à cet article, car il est déjà prévu par l’article 3 relative à la la loi de transition énergétique pour une croissance verte.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Même avis défavorable, car cet amendement est déjà satisfait.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE155 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement porte sur les objectifs et les moyens de la rénovation énergétique. Nous allons en reparler plus tard, et les engagements respectifs des candidats Hollande et de Rugy ont été évoqués, je voulais toutefois rappeler les six engagements du candidat Macron sur ce sujet : premièrement, proposer un audit gratuit à tous les propriétaires occupants en situation de précarité énergétique ; deuxièmement, viser la rénovation de la moitié des logements constituant des passoires thermiques dès 2022 ; troisièmement, interdire à la location les passoires énergétiques à partir de 2025 ; quatrièmement, créer un fonds public pour prendre intégralement en charge des travaux des propriétaires les plus précaires, avec un remboursement au moment de la vente du bien ; cinquièmement, permettre à tous de réaliser les travaux nécessaires, notamment à ceux qui n’ont pas aujourd’hui les ressources pour investir ; sixièmement, transformer le crédit d’impôt relatif à la transition énergétique (CITE) en prime immédiatement perceptible au moment des travaux.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je vous remercie, Monsieur Orphelin, d’avoir rappelé les engagements présidentiels. Pour revenir à votre amendement, même si je partage votre souhait de mettre en œuvre une politique de rénovation plus ambitieuse, je donnerai un avis défavorable à la rédaction que vous proposez. Que signifie exactement « la fin des logements classés en catégories F et G » ? Au demeurant, les lettres « F » et « G » ne sont pas définies la loi puisqu’elles relèvent du domaine réglementaire. Avis défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Compte tenu de ce que vient dire M. Orphelin, j’imagine que cet amendement veut plutôt susciter le débat sur la rénovation énergétique : son adoption dans la rédaction présente poserait beaucoup de problèmes rédactionnels, car il reviendrait à inscrire dans la loi que l’on vise d’ici 2027 « la fin des logements classés en catégories F et G » sans que l’on sache exactement ce que cela veut dire, d’autant que cette classification ne relève effectivement pas de la loi. Je pense que nous aurons ce débat à l’occasion des dispositions relatives à la rénovation énergétique à l’article 3.

M. le président Roland Lescure. Si on y arrive…

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. On y arrivera forcément, Monsieur le président…

Je demande le retrait, sinon avis défavorable.

M. Matthieu Orphelin. Bien entendu, je serai là pour en discuter ; mais je voulais redonner le cadre de nos discussions. Nous avons pris des engagements pendant la campagne électorale ; il faut les tenir. Je retire donc cet amendement que j’ai déposé pour que nous ayons bien à l’esprit le cadre du débat demain, et que nous n’enchaînions pas amendement par amendement en oubliant ce sur quoi nous nous étions engagés.

Lamendement est retiré.

La commission examine les amendements CE166 et CE167 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Ils sont défendus.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Avis défavorable à ces deux amendements.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Même avis.

La commission rejette successivement ces amendements.

Puis elle se saisit de lamendement CE407 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement prend acte du constat que les territoires d’outre-mer n’atteindront pas en 2030 l’objectif de 50 % d’énergies renouvelables. C’est pourquoi nous proposons de substituer aux mots « à l’horizon », le mot : « en », afin de préciser que c’est bien en 2030, et non pas à l’horizon 2030 que cet objectif doit être atteint.

Ce serait là une façon de réaffirmer la volonté de l’État de donner aux territoires ultramarins tous les moyens nécessaires à l’accomplissement de cette obligation légale, et de viser une ligne qui est claire au lieu d’une ligne imaginaire qui recule au fur et à mesure que l’on avance.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Les mots ont effectivement leur importance, et le « en », confère un peu moins de flexibilité. Je partage néanmoins le souhait de voir réduits les taux de dépendance énergétique en outre-mer qui malheureusement restent encore trop élevé, car ce sujet est très important.

Si vous me le permettez, je rappellerai pour information quelques chiffres : l’autonomie énergétique en 2030 semble compliquée à atteindre, sachant que les taux de dépendance énergétique des départements d’outre-mer en 2016 sont à ce jour de 88 % en Guadeloupe, 93,5 % en Martinique, 86,6 % à La Réunion, 82,4 % en 2015 en Guyane et 98,6 % pour Mayotte. Avis défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. M. le rapporteur aurait même pu ajouter la dépendance aux énergies fossiles. Et le même raisonnement peut être appliqué à la Corse ainsi qu’à de plus petites îles, notamment en Bretagne, et à tout ce que l’on appelle les zones non interconnectées.

Je considère que c’est une politique de réforme du système des zones non interconnectées qu’il faut mener, et je serais très heureux, Madame Panot, si vous étiez à nos côtés pour le faire, car le sujet n’est pas simple. Beaucoup de forces sont en présence, qui ont intérêt à ce que rien ne change, il y a beaucoup de rentes de situation ; mon ministère dispose d’ailleurs d’un budget de 1,6 milliard d’euros par an pour cette politique.

En revanche, je ne peux pas vous laisser dire que ces lignes sont imaginaires, car je mène d’arrache-pied, île après île, outre-mer après outre-mer, projet après projet, la transformation de la production d’électricité par centrales thermiques, au fioul ou au charbon, vers des modes renouvelables.

La commission rejette lamendement.

La commission est saisie de lamendement CE269 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Nous tenons à rappeler quatre points à propos de l’énergie hydroélectrique : son coût de production est très faible, tout comme le facteur de charge, elle requiert peu d’investissements et assure un revenu régulier pour les petites communes. Et dans les territoires ruraux, la remise en route des infrastructures existantes – comme les moulins – pourrait créer des emplois.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je ne peux qu’aller dans le même sens, l’hydroélectricité est la première source d’énergie renouvelable en France, et je connais bien ce secteur puisqu’un barrage électrique de la Compagnie nationale du Rhône est situé dans le Gard…

M. Julien Aubert. J’en ai aussi un dans le Vaucluse !

M. Anthony Cellier, rapporteur. C’est le cas de bon nombre d’entre nous…

M. le président Roland Lescure. Chez moi aussi, au Québec, il y en a quelques-uns !

M. Anthony Cellier, rapporteur. Il est nécessaire d’optimiser la production et la flexibilité du parc hydroélectrique, notamment grâce au suréquipement et à l’installation de centrales sur des barrages existants qui n’en sont pas encore équipés. Pour autant, je ne pense pas que l’objectif que vous proposez doive figurer dans la loi.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Cet amendement assez général aborde plusieurs aspects ; c’est une profession de foi en faveur de l’énergie hydroélectrique. L’intérêt écologique des infrastructures existantes est réel, tout comme la nécessité de les optimiser. Depuis de nombreuses années, nous n’investissons plus dans certains barrages qui pourraient mieux fonctionner. La Compagnie nationale du Rhône a commencé à le faire, avec de bons résultats.

Je ne suis pas sûr toutefois qu’il soit possible d’augmenter les capacités de production hydroélectrique, sachant que nous sommes déjà le deuxième pays producteur en Europe après la Suède. Je ne vois pas quelles vallées alpines ou pyrénéennes nous pourrions noyer pour réaliser des barrages hydroélectriques de grande capacité. Et quant à la petite hydroélectricité, le diable se cache dans les détails : les moulins créent des ruptures dans les cours d’eau. Je vous invite à en discuter avec les associations de pêcheurs, plus discrètes que celles de chasseurs bien qu’elles comptent plus d’adhérents : elles vous expliqueront que ces moulins posent de nombreux problèmes. Mieux vaut ne pas faire de fausses promesses en la matière.

Ce sujet est suivi au ministère, car c’est un patrimoine qu’il faut entretenir et faire évoluer.

Mme Laure de La Raudière. Je soutiens cet amendement, car il est très difficile aujourd’hui pour des propriétaires de moulin de réinstaller des usines hydroélectriques, alors que nous avons une capacité de production locale – une production citoyenne que M. Orphelin devrait soutenir !

Une doctrine en vigueur depuis des années au ministère de l’écologie s’oppose aux petits barrages et à la petite hydroélectricité, alors que les techniques actuelles ne portent pas atteinte à la biodiversité. Auparavant, les moulins n’étaient pas entretenus, mais ceux qui souhaitent aujourd’hui installer de l’hydroélectrique sur les moulins veulent vraiment l’entretenir et y seront très attentifs.

M. Thibault Bazin. L’hydroélectricité joue un rôle majeur pour le stockage de l’énergie et son utilisation lors des périodes où il n’y a pas de vent et pas de soleil, ou lorsque certaines centrales sont à l’arrêt pour des raisons de maintenance.

Mais nos installations vieillissent et le modèle économique ne permet pas de faire tous les investissements nécessaires pour les rénover et obtenir l’efficacité nécessaire. Depuis deux ans, je dépose des amendements d’appel aux projets de loi de finances pour aider à rénover ces installations. Si ces dispositifs n’ont pas leur place dans ce projet de loi, prévoyez‑vous de soutenir l’hydroélectricité dans le prochain PLF ?

M. Grégory Besson-Moreau. Je découvre cet amendement, que je trouve excellent. Je ne suis pas convaincu par l’argument du ministre ; aujourd’hui, beaucoup de projets prototypes dans la production énergétique utilisent la force des cours d’eau sans qu’il soit nécessaire de construire un barrage.

Cet amendement n’est pas une profession de foi : il colle aux besoins de nos territoires et aux réalités du terrain.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement porte essentiellement sur les installations existantes qui ont besoin d’être rénovées, sans avoir forcément d’impact négatif sur la continuité du milieu. Il est toujours possible d’évaluer au cas par cas.

Le rapporteur et le ministre d’État ont annoncé qu’ils étaient favorables à des suréquipements ; j’ai déposé un amendement en ce sens après l’article 6.

Mme Huguette Tiegna. Nous partageons la volonté de rénover un certain nombre de centrales hydroélectriques, qui font partie du patrimoine français. La filière hydroélectrique existe, elle est bien développée. Plutôt que définir une priorité dans la loi, il faut trouver des moyens pour les rénovations ; le ministre d’État pourra certainement nous donner des détails à ce sujet. Nous voterons contre cet amendement.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. À propos du développement de la petite hydroélectricité, des appels d’offres sont organisés tous les ans. Les résultats de l’appel d’offres de cette année seront publiés dans quelques jours, et une vingtaine de projets bénéficieront de subventions d’un niveau non négligeable, puisque le tarif d’achat de l’électricité est de 100 euros le MWh, soit deux fois le prix du marché. Les installations concernées ont une puissance de 1 à 5 MWh, ce sont de petites installations qui contribuent à produire un peu d’énergie renouvelable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE49 de M. Michel Vialay.

M. Thibault Bazin. Cet amendement supprime la mention spécifique aux réseaux de chaleur et de froid, afin de laisser aux maîtres d’ouvrage le choix des options technico‑économiques les plus adaptées au développement de la chaleur et du froid renouvelable. Si l’on veut multiplier par cinq la quantité de chaleur et de froid renouvelables et de récupération, il faut faire confiance aux technologies futures, et ne pas mentionner uniquement les réseaux de froid et de chaleur afin de permettre d’autres solutions à l’avenir.

M. Anthony Cellier, rapporteur. J’avoue avoir du mal à comprendre cet amendement, en dépit de vos explications. Je vous invite à le retirer ou à le réécrire.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Nous parlons très peu du développement des réseaux de chaleur ; c’est pourtant un élément fondamental de notre politique énergétique. Nos débats sont très passionnés sur l’électricité, mais les réseaux de chaleur renouvelable pour le chauffage, en zone urbaine mais aussi dans de plus petites communes, permettent d’optimiser l’utilisation des ressources comme beaucoup de pays le font. Ne brouillons surtout pas nos objectifs en adoptant des amendements tels que celui-ci.

M. Thibault Bazin. Il est vrai que l’on peut développer des réseaux de chaleur à partir des centrales nucléaires…

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de cinq amendements identiques, CE30 de M. Martial Saddier, CE39 de Mme Anne-Laurence Petel, CE175 de M. Gérard Menuel, CE298 de M. Michel Delpon et CE493 de M. Jean-Marc Zulesi, lesquels font lobjet dun sousamendement CE714 de M. Matthieu Orphelin.

M. Rémi Delatte. Nous proposons par l’amendement CE30 d’inscrire dans le code de l’énergie un objectif de développement de l’hydrogène bas carbone et renouvelable à hauteur de 30 % de la consommation d’hydrogène industriel en 2030.

Cet objectif semble réaliste, puisqu’il est déjà prévu que l’hydrogène bas carbone et renouvelable représentera entre 20 % et 40 % de la consommation industrielle en 2028, et d’autres utilisations pourront apparaître.

Mme Anne-Laurence Petel. L’amendement CE39 a été élaboré en lien avec l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible. Il fixe l’objectif d’atteindre une part de 30 % d’hydrogène décarboné en 2030.

M. Gérard Menuel. L’amendement CE175 a le même objet. Cette ambition de 30 % est mesurée au regard de l’objectif d’une consommation industrielle comprise entre 20 % et 40 % en 2028 et des perspectives de développement de l’hydrogène bas carbone dans les autres secteurs, tels que les transports ou le logement.

M. Michel Delpon. Nous souhaitons également par notre amendement CE298 que la part de l’hydrogène bas carbone atteigne 30 % de la consommation totale d’hydrogène à l’horizon 2030.

M. Jean-Marc Zulesi. Comme l’ont dit Mme Petel et M. Delpon, l’amendement CE493 fixe l’objectif de 30 % d’hydrogène renouvelable en 2030.

M. Matthieu Orphelin. Je propose par mon sous-amendement CE714 de réduire le champ de cet objectif chiffré au seul hydrogène renouvelable, et d’en exclure l’hydrogène bas carbone, pour être cohérent avec le plan hydrogène lancé par le Gouvernement. De plus, l’amendement CE345 que proposera après l’article 6 le Gouvernement porte uniquement sur l’hydrogène renouvelable, et pas sur l’hydrogène bas carbone.

M. Anthony Cellier, rapporteur. La question de l’hydrogène mobilise beaucoup de parlementaires, moi le premier. Nous travaillons à une rédaction en vue de la séance ; je vous invite donc à retirer cet amendement au profit de la version que nous allons proposer, dans laquelle l’objectif de 30 % sera remplacé par une fourchette comprise entre 20 % et 40 %.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Nous sommes favorables au développement de l’hydrogène décarboné et renouvelable. Aujourd’hui, l’hydrogène utilisé dans l’industrie est malheureusement très producteur de gaz à effet de serre, puisqu’il est élaboré par craquage du méthane et non par électrolyse de l’eau. Tous ceux qui veulent développer l’utilisation de l’hydrogène pensent évidemment à sa version décarbonée et renouvelable.

Plutôt que de fixer une part de 30 % à l’horizon 2030, il est préférable de s’en tenir à un objectif moins strict, car la filière hydrogène en est à ses débuts en France. Le Gouvernement a demandé à l’ADEME de piloter un appel à projets, des démonstrateurs seront subventionnés et les projets sont très nombreux ; je tiens à saluer le dynamisme des entreprises et des collectivités sur ce sujet. Je vous propose de vous rallier à la rédaction qui sera proposée par le rapporteur.

M. Denis Sommer. Je ne pense pas que les appels à projets permettent de construire une politique industrielle. Une multitude de bassins d’emplois, de régions ou d’agglomérations vont développer des démonstrateurs ; éolienne, électrolyse de l’eau, stockage, réseau de bus, batellerie ou petite flotte captive. La dispersion des projets sera telle qu’au bout du compte, nous n’arriverons pas à industrialiser les systèmes. Au terme du processus, nous aurons dépensé beaucoup d’argent, sans savoir quoi faire des processus que nous aurons développés.

Nous avons besoin d’une vraie politique industrielle. Quels éléments de la filière hydrogènent souhaitons-nous développer ? Nous ne pourrons pas être bons dans tous les domaines, mais certains axes de travail pourraient être industrialisés afin de baisser les coûts. Si nous ne fixons pas ce type de priorité, nous n’y arriverons pas. Les appels à projets, c’est sympathique, mais cela ne fait pas une politique industrielle.

M. le président Roland Lescure. Je suis bien d’accord…

M. Gérard Menuel. Le ministre a raison, nous avons beaucoup parlé de politique industrielle en matière de décarbonation, et tout est à construire dans notre pays. Il me paraît judicieux d’inscrire cet objectif dans ce texte sur l’énergie et le climat, il est nécessaire de coucher sur papier les ambitions que le pays se donne.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur Sommer, la politique du Gouvernement en faveur de l’hydrogène ne se résume pas aux appels à projets, il ne s’agit que du démarrage.

Le Gouvernement présentera un amendement après l’article 6 définissant le cadre qui permettra de créer une filière, avec des outils précis, comme pour d’autres filières énergétiques. L’opportunité pour la France de développer cette filière a souvent été débattue, l’inscrire dans ce projet de loi sera un acte fort.

Le projet de rédaction proposé par le rapporteur est positif, et j’y serai favorable.

M. Rémi Delatte. En écoutant le ministre d’État, j’ai l’impression d’entendre « Je t’aime, moi non plus. » Il se dit très favorable au développement de l’hydrogène, mais ne saisit pas la possibilité de l’inscrire dans ce texte.

M. Gérard Menuel. Je maintiens mon amendement. J’ai des craintes quant à la rédaction du futur amendement en vue de la séance. Notre proposition porte sur l’hydrogène bas carbone et l’hydrogène renouvelable, tandis qu’un sous-amendement propose de supprimer l’hydrogène bas carbone.

Les amendements CE39, CE298 et CE493, ainsi que le sous-amendement CE714 sont retirés.

Mme Célia de Lavergne. C’est à contrecœur que nous allons voter contre les amendements que nos collègues n’ont pas voulu retirer. Ce n’est pas parce que le contenu ne correspond pas aux convictions du groupe La République en Marche, nombre des nôtres sont très investis sur le sujet. Nous voulons aboutir en séance publique, et je remercie ceux qui ont retiré leur amendement ; nous pourrons faire un très bon travail collectif.

La commission rejette les amendements CE30 et CE175.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE156 de M. Matthieu Orphelin et CE323 de M. Michel Delpon.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement CE156 propose de mettre en place un plan de développement de l’hydrogène et de solutions de stockage de l’énergie.

Il avait été décidé de doter le plan de développement de l’hydrogène de 100 millions d’euros par an les premières années. Le PLF pour 2019 y consacre 70 millions d’euros, et nous nous sommes engagés à augmenter cette somme si les demandes de financement atteignaient ce seuil. Où en sommes-nous pour l’année 2019 ? Le ministre d’État a annoncé que les projets étaient nombreux, le soutien public atteint-il déjà les 70 millions prévus au PLF, ou tourne-t-il autour de 30 ou 40 millions ?

M. Michel Delpon. L’amendement CE323 prévoit de mettre en place un plan de développement de l’hydrogène pour le déploiement massif de solutions de stockage de l’énergie, de solutions zéro émission pour les transports et d’une filière industrielle décarbonée.

L’année 2019 est importante, car des coentreprises françaises se sont structurées : Toyota avec Hype, Michelin avec Symbio, EDF avec Hynamics. Toutes ces grandes entreprises prouvent que le développement industriel est à portée en 2020.

L’hydrogène permet de stocker l’électricité, d’alimenter des voitures, de recycler le CO2, de réduire les pollutions ; effectivement, le plan de déploiement de l’hydrogène prévoyait d’y consacrer 100 millions d’euros pendant cinq ans dans les domaines de l’industrie, de la mobilité et de l’énergie.

M. Anthony Cellier, rapporteur. L’ensemble des parlementaires partage la conviction que l’hydrogène fait partie du bouquet énergétique de demain. M. Delpon est particulièrement convaincant et passionné par le sujet. Mais comme l’indique votre exposé des motifs, le plan de développement de l’hydrogène existe d’ores et déjà. Inutile de prévoir son existence dans l’article L. 100-4, qui doit fixer les grands objectifs.

Je préconise le retrait de ces amendements.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Je pense qu’il s’agit d’amendements d’appel pour que sujet de l’hydrogène soit évoqué. Le Gouvernement a déposé un amendement qui traduit une ambition allant bien au‑delà d’un plan de développement.

M. Matthieu Orphelin. J’aimerais savoir quelle partie des 70 millions d’euros inscrits au PLF pour le soutien public au développement de l’hydrogène a été attribuée. Faut‑il réabonder cette somme comme nous l’avions imaginé en discutant du PLF pour 2019 ?

La réécriture de l’amendement prévue par le rapporteur en vue de la séance publique prévoit-elle de mentionner le stockage de l’énergie ?

Les amendements CE156 et CE323 sont retirés.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur Orphelin, les projets sélectionnés par l’ADEME seront financés. L’enveloppe de financement nécessaire à ce premier appel à projets a été débloquée au sein du budget de l’ADEME.

M. Matthieu Orphelin. Mais le budget de l’ADEME, ce ne sont pas les 70 millions prévus au PLF !

La commission en vient à lamendement CE240 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Il est défendu.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Avis défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Je ne comprends pas bien pourquoi cet amendement arrive à cet endroit du texte. Le Gouvernement est engagé dans la lutte contre l’artificialisation des sols, et la production d’énergie n’en est pas la cause. L’étalement urbain et les infrastructures portent une bien plus lourde responsabilité.

Le Gouvernement s’est par ailleurs engagé à ce que les installations photovoltaïques au sol ne concurrencent pas les terres agricoles ou les espaces naturels sensibles. Je demande le retrait, à défaut avis défavorable.

Mme Laure de La Raudière. Je partage un peu votre avis : d’autres textes de loi existent afin de protéger les sols agricoles, mais rappeler que la transition énergétique ne doit pas se faire au préjudice des surfaces agricoles dans ce texte contribue à l’intelligibilité de la loi, sans venir contredire ce qui existe déjà. Vous ne devriez pas y être défavorable.

Mme Delphine Batho. J’ai soumis un amendement, qui a été déclaré irrecevable, interdisant les installations photovoltaïques au sol. Nous voyons fleurir un certain nombre de projets dans des espaces naturels ou sur des terres agricoles ; vous avez déclaré que vous n’autorisiez pas ces projets. Vos équipes pourraient-elles nous communiquer un descriptif précis des moyens juridiques et des règles du jeu ? Il y a des cas très concrets de projets d’installations photovoltaïques au sol sur des espaces naturels, et même des espaces naturels sensibles.

M. Nicolas Turquois. Je confirme les propos de Mme Batho ; j’ai été le premier surpris car je pensais que la loi interdisait de tels projets. Nous sommes sollicités pour des projets au sol sur des terres agricoles, dites de peu de valeurs ; il ne s’agit pas uniquement d’anciennes décharges, d’anciennes carrières ou d’anciens terrains militaires. Il semble donc qu’il soit juridiquement possible d’installer des panneaux photovoltaïques sur des terres agricoles ; il serait bon de verrouiller le dispositif.

M. Dominique Potier. Je soutiens Mme Laure de La Raudière ; la protection des sols, en qualité et en quantité, est un facteur clé de la lutte contre le changement climatique. Il n’est pas superflu de le rappeler dans un grand texte d’orientation.

Par ailleurs, il ne faut placer aucun panneau photovoltaïque sur les sols naturels agricoles, cette doctrine ne doit souffrir aucune exception. Sinon, je ne comprends pas vos discours sur la protection de la biodiversité et les soucis de protection de la continuité des espaces que vous opposez aux installations hydroélectriques. L’État doit fixer une norme claire en la matière.

M. Hubert Wulfranc. L’installation des panneaux photovoltaïques sur des sols déjà pollués, qui semble une voie envisagée, n’est pas sans poser problème, notamment dans une démarche de reconstitution de la ville sur la ville. Il existe de vastes friches industrielles dans les milieux urbains, et il ne faudrait pas que le déploiement de vastes surfaces de panneaux photovoltaïques se substitue aux traitements lourds de dépollution des sols.

M. Jean-Baptiste Moreau. Les panneaux photovoltaïques au sol ne sont pas nécessairement incompatibles avec l’activité agricole. Je connais un jeune agriculteur qui s’installe en fixant des panneaux photovoltaïques au sol, et en installant des brebis en dessous. Il faut éviter de vouloir tout encadrer, et examiner les projets au cas par cas.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. S’il y a des intentions cachées à l’encontre de la production photovoltaïque, mieux vaut le dire. Lorsque nous parlons de l’éolien, on nous dit qu’il vaut mieux faire du photovoltaïque, et maintenant que nous abordons la question, voilà que l’on met en avant d’autres obstacles !

Si la préoccupation est vraiment la lutte contre l’artificialisation des sols, c’est un objectif que nous partageons. Nous avons prévu 21,4 gigawatts d’électricité photovoltaïque dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, ce qui correspond à 21 000 hectares déjà artificialisés, à comparer aux 3 millions d’hectares de terres agricoles perdus depuis cinquante ans à cause de l’urbanisation.

Je partage le constat de M. Moreau, des usages qui avaient été contestés se révèlent réellement utiles : des productions arboricoles ou viticoles sont réalisées sous des panneaux solaires photovoltaïques qui jouent le rôle d’ombrières lors des périodes de fortes chaleurs et contribuent ainsi à lutter contre le dérèglement climatique. Il existe également des serres qui intègrent des panneaux photovoltaïques. Je ne suis pas spécialiste, mais dans certains cas, l’activité agricole n’est pas incompatible avec les panneaux photovoltaïques.

Il est néanmoins clair que nous n’allons pas remplacer des surfaces agricoles par des panneaux solaires. Cela n’empêchera pas certains d’imaginer des projets, car des propriétaires sont prêts à céder du foncier, et des élus locaux à changer les plans d’urbanisme. Et dans certains cas très rares, cela pourrait se faire hors appel d’offres, si certains imaginent obtenir une rentabilité suffisante avec des panneaux solaires photovoltaïques pour ne pas demander un tarif d’achat garanti. Ce sont des cas exceptionnels, mais je suis tout à fait prêt, Madame Batho, à répondre à votre demande et à vous communiquer les informations qui remontent au ministère. Et je peux d’ores et déjà vous donner des exemples de refus, malgré des demandes pressantes, parfois soutenues par des élus et même des parlementaires.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE420 de M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc. Nous proposons d’insérer un objectif de réduction de l’empreinte carbone de la France du fait des importations et des transports internationaux de produits consommés en France. C’est pour nous une question de politique industrielle et de lutte contre le dumping environnemental et social. Les enjeux sont également fiscaux ; il y va enfin de l’éthique des relations commerciales à l’échelle internationale.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Après l’article 1er, nous proposerons un amendement CE646 qui va plus loin en fixant des objectifs de réduction de notre empreinte carbone pour chaque période définie par la stratégie nationale bas-carbone.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Je partage la volonté de prise en compte de cet aspect, mais également l’avis du rapporteur : cette question ne peut être réglée par cet amendement. Avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE440 de M. Denis Sommer.

M. Denis Sommer. Cet amendement insiste sur la nécessité d’une vraie politique industrielle à l’échelle du pays. Nous nous fixons des objectifs ambitieux, nous voulons modifier les habitudes et les usages, mais il faut aussi que nous nous dotions des capacités pour produire en France les outils qui nous permettront de le faire.

Il est également nécessaire de décentraliser nos politiques publiques. Je crois beaucoup au rôle des régions pour lutter contre le réchauffement climatique et développer une économie décarbonée. Elles ont la compétence économique, elles connaissent parfaitement les réseaux industriels, les laboratoires de recherche privée et publique y travaillent ensemble ; nous avons besoin d’une politique industrielle plus visible, qui sera ainsi mieux acceptée.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je partage votre analyse : les industriels font partie de l’équation pour réussir la transition énergétique. Néanmoins les termes de « politique industrielle globale et décentralisée » me semblent trop peu définis pour figurer à l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Avis défavorable.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Nous partageons l’idée que la politique énergétique est également une politique industrielle. Néanmoins l’article L. 100-1 du code de l’énergie mentionne déjà la politique industrielle. Je demande donc le retrait de cet amendement, il est satisfait.

M. Denis Sommer. Je suis prêt à retirer cet amendement, mais pour avoir notamment travaillé au développement économique dans une région pendant plus de deux mandats, je maintiens que notre politique sur ces sujets n’est pas lisible. Tout comme pour l’hydrogène, nos priorités et le travail que nous menons avec les industriels pour développer la filière ne sont pas clairs.

Le ministre d’État a fait allusion aux entreprises qui fabriquent des éoliennes. Très souvent, elles ne fabriquent pas les turbines, mais les mâts, car il vaut mieux les fabriquer près des zones d’installation. Or nombre de ces entreprises sont en grande difficulté alors même que nous en avons besoin. Il faut faire de l’ingénierie financière et les soutenir en développant nos marchés.

Si notre politique industrielle est bien comprise, nos concitoyens accepteront bien mieux les enjeux environnementaux que s’ils ne les perçoivent que sous un angle punitif.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE553 de Mme Huguette Tiegna.

Mme Huguette Tiegna. L’article L. 100-4 du code de l’énergie définit les principaux objectifs poursuivis par la politique énergétique de la France. Il prévoit la remise d’un rapport sur l’atteinte de ces objectifs dans les six mois précédant une période définie par la programmation pluriannuelle de l’énergie.

La Représentation nationale, et l’ensemble des citoyens, doit pouvoir suivre l’accomplissement de ces objectifs. Nous proposons de renforcer cette obligation d’information en prévoyant un rapport annuel présentant les objectifs intermédiaires et les moyens mis en œuvre.

M. Anthony Cellier, rapporteur. Nous pourrions réécrire cet amendement ensemble pour que le Gouvernement vienne présenter ce rapport à l’Assemblée nationale six mois avant l’échéance de la PPE, cela permettrait une meilleure interaction avec les parlementaires.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Je souscris à la proposition du rapporteur, et j’ajoute que le ministère publie un bilan énergétique annuel de la France. Cet amendement est donc satisfait.

Lamendement est retiré.

La commission examine en discussion commune les amendements CE224 de Mme Delphine Batho et CE401 de M. Loïc Prud’homme.

Mme Delphine Batho. L’amendement CE224 prévoit de mettre fin, dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, aux aides directes ou indirectes à l’exploitation des énergies fossiles – y compris hors de notre sol –, aux garanties export données par la Banque publique d’investissement pour la construction de centrales à charbon à l’étranger, ainsi qu’aux importations des hydrocarbures en France, dont le bilan carbone est désastreux.

Nous avions déjà débattu de cette mesure lors de l’examen du projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures. À ce jour, les articles 8, 10 et 9 de cette loi ne sont pas respectés par le Gouvernement. Un rapport sur l’impact environnemental du pétrole et du gaz en fonction de leur origine devait être remis au Parlement le 31 décembre 2018 ; un autre devait dresser un état des lieux des concours de l’État aux activités de recherche et d’exploration des hydrocarbures à l’étranger par des entreprises françaises. Aucun de ces rapports n’a été remis.

Enfin, l’article 9 prévoit la publication d’un décret sur le mode de calcul de l’intensité en gaz à effet de serre des importations de gaz et de pétrole en France. Or, dans le même temps, les importations de gaz de schiste et sables bitumineux en Europe et en France sont en train d’exploser.

On ne peut pas vouloir réduire les émissions de gaz à effet de serre sur notre propre sol et continuer de soutenir l’exploitation des hydrocarbures les plus dévastateurs pour le climat partout dans le monde.

Mme Mathilde Panot. Le dispositif que propose Mme Batho est plus complet que notre amendement CE401, qui va dans le même sens. Il est très important que cette loi acte la fin des subventions directes et indirectes aux hydrocarbures et aux combustibles fossiles. La France s’est engagée en 2016 à le faire d’ici à 2025 ; or, en 2019, nous versons encore 11 milliards d’euros de subventions aux énergies fossiles.

M. Anthony Cellier, rapporteur. L’amendement CE224 aborde un sujet important sur lequel nous devons être particulièrement vigilants, sans pénaliser par effet de bord les autres secteurs qui pourraient bénéficier des recherches sur les hydrocarbures.

Le Gouvernement travaille sur ce sujet suite au vote de la loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures, il faut lui laisser le temps de présenter ses conclusions. Je suis donc défavorable à ces deux amendements.

Pour autant, je serai favorable à votre amendement CE296, que nous discuterons après l’article 3, et qui a pour objet de mettre fin aux subventions publiques aux énergies fossiles sous forme de garanties à l’export.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Ces deux amendements sont assez différents. L’amendement présenté par Mme Panot est très général et ne définit pas ce que peuvent être les subventions directes et indirectes aux hydrocarbures et combustibles fossiles. J’ai entendu que 11 milliards d’euros de subventions étaient accordés chaque année aux énergies fossiles en France, ce qui est parfaitement faux. Je le répète, au risque de recevoir une nouvelle avalanche de tweets…

M. le président Roland Lescure. À cette heure, ils sont couchés !

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne croyez pas cela, Monsieur le président, mon expérience de parlementaire me porte à croire le contraire !

L’État ne verse pas d’aides pour le développement des énergies fossiles en France, mais il existe des taux de taxation différenciés pour certains usages, comme il existe des taux de TVA différenciés. Je crois d’ailleurs que Mme Panot est très favorable à l’instauration de taux de TVA réduits sur certains biens de consommation ; considère-t-elle qu’il s’agit de subvention aux biens en question ?

Il est important de clairement faire cette distinction, car lorsque nous parlons de subventions, les Français pensent immédiatement à une aide publique directe, à de l’argent qui sortirait du budget de l’État pour financer une activité. L’État ne consacre pas chaque année 11 milliards d’euros de son budget à financer les énergies fossiles ; en revanche, 5,5 milliards d’euros sortent bien du budget de l’État chaque année pour financer les énergies renouvelables, les chiffres sont clairs et précis.

L’amendement présenté par Mme Batho est différent, en ce qu’il touche aux questions d’export. C’est un sujet complexe, qui suppose de définir très précisément les différents éléments évoqués dans l’amendement. Je souhaite que cet amendement soit retiré, à défaut, avis défavorable.

S’agissant enfin des rapports qui doivent être transmis au Parlement, ils le seront dès que le travail interministériel sera terminé.

M. Dominique Potier. Au-delà des erreurs d’estimation ou de sémantique, ces amendements sont à l’échelle des sujets abordés. Monsieur le ministre d’État, vous nous avez assuré que l’État ne consacrait pas 11 milliards d’euros aux énergies fossiles, que 5,5 milliards allaient aux énergies renouvelables, mais nous ne savons toujours pas quel montant est attribué, sous une forme ou une autre, aux énergies fossiles.

Enfin, le groupe Socialiste présentera également un amendement sur les garanties à l’export ; je me réjouis d’apprendre qu’il sera satisfait…

Mme Delphine Batho. Je trouve que l’engagement du rapporteur à mettre un terme aux financements accordés par le mécanisme des garanties à l’export est très important, je retire donc cet amendement en espérant l’adoption du CE296, et dans l’attente de la reprise des autres éléments lors des débats en séance.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Ces chiffres brandis dans des tableaux par différentes associations et que certains appellent des « subventions » incluent en réalité les taux réduits des industries électro‑intensives. Vous venez, Monsieur Potier, d’une région que je connais bien, la Lorraine, mais peut-être n’êtes-vous pas du bassin sidérurgique. Soyons concrets : si l’on applique aux électro-intensifs le même taux fiscal qu’aux autres consommateurs industriels d’énergie, autant faire une croix sur notre industrie sidérurgique d’ici un à trois ans !

Nous sommes engagés dans une politique qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de ces industries et travaillons sur deux axes : des technologies de substitution – y compris peut-être, un jour, l’hydrogène – et des mécanismes de compensation du coût par rapport aux importations non soumises aux mêmes règles. Les sidérurgistes nous le disent et on ne peut que leur donner raison : l’acier importé d’Asie ne sera pas à court terme soumis aux mêmes règles que celles édictées en Europe. Nous devons coordonner la politique européenne ; elle devra inclure un soutien à la transformation de cette industrie et prévoir des mécanismes dits d’inclusion carbone aux frontières. C’est faisable pour ces industries mais, comme d’habitude, il n’y aura pas unanimité. Même au sein de l’industrie française, la sidérurgie est pour, mais l’industrie automobile est contre : elle veut continuer à faire jouer la concurrence entre fournisseurs d’acier ou d’aluminium du monde entier, pour tirer les prix vers le bas. Au sein de l’Union des industries métallurgiques de France, la position n’est pas unanime ; il faut en être conscient.

Supprimer tous les taux différenciés, cela signifie qu’on raye de la carte une partie de notre industrie sans le dire ouvertement. En outre, comme nous avons besoin d’acier, les importations auront un bilan carbone plus défavorable.

Madame Panot, avez-vous abandonné toute velléité politique par rapport à notre industrie et aux ouvriers, ingénieurs, techniciens qui y travaillent ? Moi, je m’en préoccupe et j’entends continuer à tenir un discours responsable vis-à-vis de l’énergie, comme de l’industrie.

L’amendement CE224 est retiré.

La commission rejette lamendement CE401.

M. le président Roland Lescure. En quatre heures, nous avons examiné 102 amendements sur les 500 déposés, soit vingt-cinq par heure. À ce rythme, il nous faudra entre treize et quinze heures pour terminer le texte. Je suis évidemment à votre disposition, tout comme les services, mais nous risquons d’y passer toute la journée de jeudi. Je remercie également le ministre de sa présence. Demain, je vous engage à tenir compte de ma remarque dans la gestion de votre temps personnel…


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 19 juin 2019 à 16 h 30

Présents.  M. Damien Adam, M. Julien Aubert, Mme Delphine Batho, Mme Marie‑Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Grégory Besson-Moreau, M. Yves Blein, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Sébastien Cazenove, M. Anthony Cellier, Mme Typhanie Degois, M. Rémi Delatte, M. Michel Delpon, M. Nicolas Démoulin, M. Julien Dive, M. Daniel Fasquelle, Mme Véronique Hammerer, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Guillaume Kasbarian, Mme Laure de La Raudière, Mme Frédérique Lardet, Mme Célia de Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, M. Richard Lioger, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Claire O’Petit, Mme Valérie Oppelt, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Huguette Tiegna, M. Nicolas Turquois, M. Hubert Wulfranc

Excusés.  Mme Anne Blanc, M. José Evrard, M. Sébastien Jumel, Mme Bénédicte Taurine

Assistaient également à la réunion.  Mme Delphine Batho, M. Guy Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Jean-Charles Colas-Roy, Mme Virginie Duby-Muller, M. François-Michel Lambert, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Matthieu Orphelin, M. Jimmy Pahun, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, Mme Barbara Pompili, M. François Pupponi, Mme Nathalie Sarles, M. Jean-Marc Zulesi